Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 7 décembre 2006

2 [Procès d'appel]

3 [Audience publique]

4 [L'appelant est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.

6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur le greffier, veuillez, je vous

7 prie, donner le numéro de l'affaire inscrite au rôle de la Chambre d'appel.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-99-36-A, le Procureur

9 contre Radoslav Brdjanin.

10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je souhaiterais m'assurer que les

11 interprètes sont bien là et qu'ils peuvent m'entendre. Oui. Tout va bien de

12 ce côté-là.

13 L'INTERPRÈTE : Oui, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Brdjanin, je constate que vous

15 êtes dans le prétoire. Monsieur Brdjanin, est-ce que vous m'entendez dans

16 une langue que vous comprenez ?

17 L'APPELANT : [interprétation] Bonjour.

18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, vous recevez la traduction,

19 Monsieur ?

20 L'APPELANT : [interprétation] Oui, bonjour à tous. J'entends

21 l'interprétation et je peux suivre dans une langue que je comprends.

22 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Brdjanin, vous pouvez

23 prendre place.

24 Je vais demander aux parties de se présenter, en commençant par

25 l'Accusation.

26 Mme BRADY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

27 Juges. Helen Brady, je représente le bureau du Procureur avec, aujourd'hui,

28 M. Peter Kramer, Mme Katharina Margetts, Mme Barbara Goy et Lourdes

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1 Galicia, notre assistante.

2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Madame Brady.

3 Pour la Défense.

4 M. ACKERMAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

5 Messieurs les Juges. John Ackerman. J'interviens dans l'intérêt de M.

6 Brdjanin. Je suis accompagné aujourd'hui de

7 Me Veselinovic, qui me sert d'interprète.

8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Maître Ackerman. Par ordonnance

9 du 7 novembre 2005, il a été autorisé à l'association des conseils de la

10 Défense de prendre la parole devant la Chambre d'appel en tant qu'amicus

11 curiae au cours de la présente audience. Je constate que le représentant de

12 cette association est parmi nous aujourd'hui. Veuillez, je vous prie, vous

13 présenter pour le compte rendu d'audience et afin que nous sachions qui

14 vous êtes.

15 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, bonjour, Monsieur le Président. Je

16 m'appelle Michael Karnavas.

17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Maître Karnavas. Vous pouvez

18 vous rasseoir.

19 Je vais maintenant vous expliquer comment nous allons procéder au cours de

20 la présente audience. Nous sommes réunis à l'occasion de l'audience en

21 appel consacrée à l'affaire Radoslav Brdjanin. Le jugement de première

22 instance a été délivré le 1er septembre 2004 par la Chambre de première

23 instance numéro II, qui était composée des Juges Agius, Janu et Taya.

24 La Chambre de première instance a déclaré Brdjanin coupable en vertu de

25 l'article 7(1) du Statut des infractions suivantes : persécutions, chef 3,

26 qui comprend les faits de torture en tant que crime contre l'humanité, chef

27 6; expulsions en tant que crime contre l'humanité, chef 8 et l'acte

28 inhumain constitué par le transfert forcé, un crime contre l'humanité, chef

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1 9. La Chambre de première instance a également déclaré Radoslav Brdjanin

2 coupable d'homicide intentionnel, chef 5; torture, chef 7; destruction sans

3 motif d'agglomérations, de villes et de villages ou dévastation non

4 justifiée par les exigences militaires, chef 11; et destruction ou

5 endommagement délibéré d'institutions consacrées à la religion, chef 12.

6 La Chambre de première instance a déclaré l'accusé Brdjanin non coupable

7 des crimes de génocide, chef 1; complicité de génocide, chef 2;

8 extermination en tant que crime contre l'humanité, chef 4; et destruction

9 et appropriation de biens sur une grande échelle et de façon illicite et

10 arbitraire, non justifiée par les exigences militaires, chef 10.

11 La Chambre de première instance a prononcé une peine de 32 ans

12 d'emprisonnement à l'encontre de Radoslav Brdjanin.

13 Je vais maintenant parler des moyens d'appel.

14 L'Accusation et la Défense ont interjeté appel du jugement de la Chambre de

15 première instance. Je vais maintenant résumer brièvement les moyens d'appel

16 invoqués par les parties, commençant par ceux de l'appelant puis par ceux

17 de -- Brdjanin, puis ceux de l'Accusation.

18 Radoslav Brdjanin conteste nombre des conclusions juridiques et factuelles

19 de la Chambre de première instance. Il dit qu'il devrait être acquitté de

20 tous les chefs qui lui étaient reprochés. Il conteste trois domaines

21 principaux du jugement.

22 En premier lieu, certaines -- de certains de ces moyens d'appel ont trait

23 au rôle de la cellule de Crise de la RAK pendant la période concernée.

24 Deuxièmement, d'autres moyens d'appel ont trait au pouvoir et au rôle de

25 Radoslav Brdjanin au sein de la RAK, à ses relations avec Radovan Karadzic

26 ainsi qu'à son rôle dans la réalisation du plan stratégique. Ce plan

27 stratégique, selon la Chambre de première instance, consistait à faire le

28 lien entre les zones peuplées par les Serbes en Bosnie-Herzégovine afin de

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1 s'emparer de ces zones et de créer un Etat serbe de Bosnie séparé, dont la

2 plupart des non-Serbes seraient expulsés de manière permanente.

3 En troisième lieu, Brdjanin conteste un certain nombre de conclusions

4 relatives à sa responsabilité individuelle pénale pour les crimes qui ont

5 eu lieu pendant la réalisation du plan stratégique et à la suite de cette

6 réalisation. L'Accusation soulève quatre moyens d'appel.

7 En premier lieu, l'Accusation fait valoir que la Chambre de première

8 instance a commis une erreur en considérant que l'entreprise criminelle

9 commune n'était pas une forme de responsabilité acceptable en l'espèce et

10 quand elle a jugé que l'auteur matériel d'un crime doit être un membre de

11 l'entreprise criminelle commune concernée. L'Accusation fait également

12 valoir que la première catégorie d'entreprise criminelle commune, pour être

13 établie, ne nécessite pas qu'il y ait entente ou accord entre l'accusé et

14 l'auteur matériel du crime, contrairement à ce qui a été déclaré par la

15 Chambre de première instance.

16 L'Accusation, d'autre part, conteste les conclusions de la Chambre de

17 première instance selon lesquelles Radoslav Brdjanin ne peut être considéré

18 comme responsable des meurtres qui ont eu lieu dans les lieux de détention

19 et que Brdjanin n'est pas responsable du crime d'extermination. De manière

20 générale, l'Accusation demande un alourdissement de la peine de Radislav

21 Brdjanin pour rendre compte de la totalité de son comportement criminel.

22 Je vais maintenant dire quelques mots au sujet du critère d'examen en

23 appel.

24 Avant d'entendre les arguments des parties, je voudrais vous rappeler quels

25 sont les critères applicables aux erreurs de fait et aux erreurs de droit

26 qui sont invoqués au stade de l'appel. L'appel n'est pas un nouveau procès

27 et les appelants ne doivent pas se contenter de répéter les arguments

28 qu'ils ont déjà présentés au cours de procès de première instance. Mais en

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1 vertu de l'article 25 du Statut du Tribunal, les appelants doivent limiter

2 leurs arguments aux erreurs de loi -- de droit invoqué, dont ils affirment

3 qu'elles invalident la décision, ou aux erreurs de fait dont ils affirment

4 qu'elle pourrait entraîner un déni de justice.

5 De plus, la Chambre d'appel rappelle que les appelants ont l'obligation de

6 fournir des références précises s'agissant des pièces qui étaient leurs

7 arguments au stade de l'appel. De plus, étant donné que depuis deux ans, de

8 volumineuses écritures ont été déposées auprès de la Chambre d'appel, la

9 Chambre d'appel invite les parties à ne traiter que des questions qui,

10 selon elles, n'ont pas encore été suffisamment développées.

11 Dans les ordonnances du 3 octobre, du 27 octobre et du 3 novembre 2006,

12 nous avons fixé le programme de la présente audience.

13 Comme je l'ai dit précédemment, l'association des conseils de la Défense

14 s'est vue donner la possibilité de présenter oralement ces arguments en

15 tant qu'amicus curiae sur la question de l'entreprise criminelle commune et

16 son représentant a informé la Chambre d'appel qu'il souhaitait intervenir

17 un peu plus tard aujourd'hui pendant une 15 minutes sur cette question.

18 Je voudrais d'autre part évoquer cinq questions préliminaires

19 supplémentaires.

20 Dans son ordonnance du 3 novembre 2006, la Chambre d'appel a posé un

21 certain nombre de questions aux parties, des questions au sujet desquelles

22 elle demandait des précisions au cours de l'audience. La première question

23 posée à la Défense, avait trait à la requête aux fins de supprimer ou de ne

24 pas tenir compte du corrigendum du jugement, cette première question ne

25 nécessite pas de réponse étant donné les écritures du 27 novembre 2006 de

26 la Défense par lesquelles la Défense avait retiré ladite requête.

27 La deuxième question posée par la Chambre d'appel a trait au retrait des

28 erreurs de faits invoqués par Brdjanin. Les Juges ont reçu une copie de la

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1 correspondance entre les parties à ce sujet. Les Juges de la Chambre sont

2 en mesure de suivre une argumentation à ce sujet de manière plus précise.

3 Troisièmement, le 13 novembre 2006 l'Accusation a déposé une réponse à

4 l'ordonnance de la Chambre d'appel du 27 octobre au sujet des conclusions

5 de la Chambre de première instance qui justifie une déclaration de

6 culpabilité au titre de l'entreprise criminelle commune. Si bien que la

7 Chambre d'appel souhaiterait recevoir une réponse brève à cette question,

8 brève, mais seulement s'il est nécessaire d'ajouter quoi que ce soit aux

9 écritures qui avaient été déposées en vertu de l'ordonnance du 27 octobre

10 2006. Radoslav Brdjanin a décidé de ne pas répliquer sur ce point par

11 écrit, et on peut s'attendre qu'il évoque cette question oralement au cours

12 de l'audience.

13 Quatrièmement, je souhaite vous rappeler que lors de la Conférence de mise

14 en état du 18 octobre 2006, aussi bien l'Accusation que la Défense ont

15 indiqué que les arguments présentés oralement en l'espèce ne seraient pas

16 très longs. La Chambre d'appel a pris des dispositions extrêmement souples

17 pour cette audience. Cependant comme d'ordinaire, nous encourageons les

18 parties de faire usage du temps qu'il leur est imparti de manière efficace.

19 Si les parties estiment avoir besoin de moins de temps que ce qui a été

20 prévu, nous les encourageons à nous le faire savoir.

21 En dernier lieu la Chambre d'appel note avec regret que la réponse de

22 l'Accusation aux questions posées par la Chambre d'appel au sujet de

23 l'entreprise criminelle commune est déposée le 13 novembre 2006 était

24 beaucoup plus longue que cela n'avait été ordonné par la Chambre d'appel.

25 Alors que la Chambre d'appel avait ordonné à l'Accusation de déposer des

26 écritures qui ne compteraient pas plus de dix pages, l'Accusation a déposé

27 des écritures qui comptaient 14 pages. Dans ces écritures se trouvaient une

28 demande d'autorisation de dépasser le nombre de pages autorisées dans

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1 l'ordonnance.

2 La Chambre d'appel souhaite rappeler qu'en vertu de la directive pratique

3 relative à la longueur des mémoires et des requêtes, je cite : "Toute

4 partie doit demander à l'avance l'autorisation de la Chambre lorsqu'elle

5 souhaite dépasser les limites prévues dans la présente directive pratique

6 et doit fournir des explications quant aux circonstances exceptionnelles

7 qui justifient le dépassement des limites."

8 Alors que la limite avait été fixée par l'ordonnance de la Chambre d'appel

9 en l'espèce, nous estimons que ce principe s'applique aussi dans notre cas

10 mutatis mutandis. La Chambre d'appel estime que l'Accusation n'a pas agi

11 comme il se doit en demandant un dépassement de la limite au moment même où

12 elle déposait sa réponse.

13 Cependant, pour éviter tout débat inutile, et étant donné que le

14 dépassement de la limite autorisée était dû en partie à des citations assez

15 longues du jugement de première instance, la Chambre d'appel a décidé de ne

16 pas rejeter ces écritures. Nous faisons donc droit à la requête de

17 l'Accusation aux fins de dépasser la limite prévue dans l'ordonnance.

18 Cependant je souhaiterais profiter de l'occasion qui m'est donnée pour

19 mettre en garde l'Accusation et lui dire qu'il ne faudrait pas considérer

20 que notre décision aujourd'hui signifie qu'une telle demande serait

21 systématiquement accordée à l'avenir.

22 Nous allons maintenant passer aux arguments qui vont être développés

23 oralement par les parties. Nous allons procéder conformément à l'ordonnance

24 portant calendrier relative à la préparation de l'audience en appel du 3

25 novembre. Je ne vais pas répéter ce qui figure dans cette ordonnance

26 portant calendrier.

27 Il serait fort utile pour la Chambre d'appel que les parties présentent

28 leurs arguments de manière concise et précise et dans des délais impartis

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1 ou en moins de temps. Bien entendu, comme d'ordinaire, les Juges auront

2 tout loisir d'interrompre les parties pour leur poser des questions. Il est

3 possible que les Juges posent également des questions après les

4 interventions des parties si les Juges l'estiment utile. Je souhaiterais

5 ajouter que la Chambre d'appel souhaite que les parties évoquent les

6 questions qui leur ont été posées dans l'ordonnance portant calendrier du 3

7 novembre dans le temps qui leur a été imparti pour présenter leurs

8 arguments.

9 Nous allons commencer par entendre les arguments de l'Accusation,

10 l'Accusation à qui a été accordé un maximum de 75 minutes.

11 Je vais maintenant évoquer très brièvement la question du conseil de la

12 Défense de M. Brdjanin.

13 Monsieur Brdjanin, en tant que Président de la Chambre d'appel en l'espèce,

14 j'ai reçu des exemplaires de la correspondance qui a été échangée entre

15 vous et le greffier.

16 Dans cette lettre vous dites que votre conseil, Me Ackerman, n'a pas assuré

17 comme il se doit la commune question avec lui. Vous avez demandé au greffe

18 de révoquer sa commission d'office. A la demande du greffe, Me Ackerman, a

19 répondu à votre lettre. La lettre de Me Ackerman ne nous a pas été fournie

20 à nous Juges de la Chambre d'appel. Au terme de l'article 20(A) de la

21 directive portant sur la commission d'office des conseils de la Défense, le

22 greffier peut dans l'intérêt de la justice révoquer la commission d'office

23 d'un conseil lorsque l'accusé le demande. Le greffe exerçant ses

24 prérogatives en la matière a délivré le 5 décembre 2006 une décision par

25 laquelle il a rejeté votre requête.

26 Conformément à l'article 20(A) de la directive qui prévoit, cet article

27 prévoit que lorsqu'une demande de récusation de commission d'office a été

28 rejetée, le demandeur peut dans les 15 jours suivant la décision demander

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1 une révision de la décision du greffer par le Président du Tribunal. Selon

2 moi, sa disposition signifie que tout appel contre la décision du greffe ne

3 relève pas de la Chambre d'appel, non, ce sont des appels qui relèvent de

4 la compétence du Président du Tribunal, et gardons ceci à l'esprit.

5 Nous allons poursuivre et procéder comme cela avait été prévu pour la

6 présente audience et Me Ackerman qui a préparé ses arguments juridiques

7 interviendra en tant que votre conseil de la Défense. On m'a informé que

8 vous-même et Me Ackerman, vous vous êtes rencontrés brièvement avant cette

9 audience. Si vous l'estimez nécessaire nous allons vous accorder un peu

10 plus de temps pour vos remarques à la fin de notre audience et vous aurez

11 une demi-heure.

12 Bien. J'en ai terminé de mes remarques préliminaires. Nous allons

13 maintenant procéder conformément à l'ordonnance du 3 novembre relative à la

14 préparation de cette audience. Vous pouvez vous rasseoir, Monsieur

15 Brdjanin. Nous allons maintenant passer aux arguments de l'Accusation et je

16 vous accorde jusqu'à 15 heures 45, peut-être deux ou trois minutes de plus.

17 Madame Brady.

18 Mme BRADY : [interprétation] Merci. Cet après-midi je vais évoquer les deux

19 premiers moyens d'appel de l'Accusation, qui ont trait à l'entreprise

20 criminelle commune.

21 Etant donné que seul le moyen a un impact sur la déclaration de culpabilité

22 de l'accusé c'est de cela que je parlerais en premier. Ensuite, je

23 parlerais du moyen numéro 1, et après moi, ce sera

24 Mme Margetts qui interviendra. Elle vous parlera des moyens 3 et 4.

25 Permettez-moi de vous indiquer que demain quand nous répondrons à l'appel

26 de l'appelant, c'est M. Kremer qui répondra pour l'Accusation, Mme Goy

27 répondra également et elle se chargera également de répondre à toutes vos

28 questions au sujet de la responsabilité par omission.

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1 Avant de parler de nos premiers moyens d'appel, je voudrais les présenter

2 de manière générale et expliquer comment ils s'imbriffent [phon] les uns

3 dans les autres au titre du moyen numéro 2, nous faisons valoir que la

4 Chambre de première instance s'est fourvoyé en exigeant qu'il y ait un

5 accord direct entre les membres de l'entreprise criminelle commune afin

6 d'établir la constitution d'un plan ou d'un dessin criminel commun.

7 Au titre du moyen numéro 1, nous faisons valoir que la Chambre de première

8 instance s'est trompée en exigeant que les auteurs matériels soient des

9 membres de l'entreprise criminelle commune.

10 Ces deux moyens d'appel soulèvent une question absolument essentielle, à

11 savoir si une entreprise criminelle commune, si ce moyen de responsabilité

12 peut s'appliquer à des personnes de niveau supérieur dans la hiérarchie

13 pour des crimes qui ont été commis sur une très grande échelle par des

14 auteurs qui sont éloignés d'eux-mêmes du point de vue structurel et du

15 point de vue physique.

16 La Chambre d'appel a de manière répété, affirmée que l'entreprise

17 criminelle commune est une forme de responsabilité qui peut s'appliquer

18 pour déclarer responsables des personnes de crimes commis sur une grande

19 échelle. Comme par exemple ce qui s'est passé au TPIR dans l'affaire

20 Rwamakuba, du 22 octobre 2004, et dans la décision sur le génocide. La

21 Chambre d'appel a déjà appliqué ce mode de responsabilité pour déclarer

22 coupable un ministère de haut niveau. Le général Krstic ou un dirigeants

23 municipal, je pense au cas de

24 M. Stakic.

25 L'espèce représente le niveau supérieur si l'on veut voir. Ici, dans

26 nos deux moyens d'appel, se pose la question suivante : Quelles sont les

27 limites que l'on peut fixer aux modes de responsabilité dans l'entreprise

28 criminelle commune ? Selon nous, la Chambre de première instance s'est

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1 trompée en limitant de deux manière l'entreprise criminelle commune, en

2 exigeant que les auteurs matériels ne soient des membres et en exigeant

3 qu'il y ait un accord direct entre les membres de l'entreprise criminelle

4 commune. Une limitation appropriée de l'emploie de l'entreprise criminelle

5 commune, c'est-à-dire que pour s'assurer que seuls les véritables coupables

6 sont rendus responsables, ces limites appropriées elle découlent de la

7 bonne application des éléments constitutifs dans l'entreprise criminelle

8 commune. L'approche de la Chambre de première instance aurait, en réalité,

9 pour conséquence de paralyser, d'empêcher l'utilisation du mode de

10 responsabilité de l'entreprise criminelle commune pour les dirigeants les

11 plus importants. Vous vous souviendrez que M. Brdjanin a été mis en

12 accusation pour sa participation à une entreprise criminelle commune de

13 grande envergure, dont les membres comportaient des dirigeants, les

14 dirigeants de la république, des dirigeants régionaux, des dirigeants de

15 municipalités, ainsi que les auteurs matériels, les auteurs des crimes eux-

16 mêmes. On en a nommé certains, les forces militaires et paramilitaires

17 serbes de Bosnie.

18 Lors du procès, l'Accusation est partie du principe que Brdjanin et

19 les auteurs matériels devaient être membres de l'entreprise criminelle

20 commune pour que leurs crimes à eux puissent être attribués à M. Brdjanin

21 en vertu de l'entreprise criminelle commune. Si cela n'avait pas été le

22 cas, si l'Accusation n'étais pas parti de ce principe, la Chambre de

23 première instance aura eu à sa disposition deux manières d'appliquer la

24 théorie de l'entreprise criminelle commune à ces faits. Ces deux moyens

25 auraient été valables du point de vue juridique. Il y a une notion, c'est

26 celle qui a été adoptée par la Chambre de première instance, une option

27 donc c'était de se demander si les crimes avaient été perpétrés par les

28 auteurs matériels dans le cadre de l'exécution d'un dessin criminel qu'ils

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1 avaient en commun avec M. Brdjanin. En d'autres termes, il s'agissait de se

2 demander si les auteurs matériels étaient des membres de l'entreprise

3 criminelle commune. Comme je vais l'expliciter en parlant du deuxième moyen

4 d'appel, l'approche non correcte de la Chambre de première instance en ce

5 qui concerne ce plan criminel, cet objectif criminel, c'est-à-dire quant

6 l'exiger qu'il y ait un accord direct entre les membres de l'entreprise

7 criminelle commune, cette approche incorrecte l'a amené à rejeter la

8 théorie de l'entreprise criminelle commune et a déclaré M. Brdjanin

9 simplement coupable pour avoir aidé à encourage un certain nombre d'actes.

10 De ce fait on a grandement sous estimé la culpabilité de M. Brdjanin parce

11 qu'il étai président de la cellule de Crise de RAK, c'était un coordinateur

12 important, il a eu un grand rôle dans le nettoyage ethnique dû à la Krajina

13 de Bosnie. Si la Chambre de première instance avait correctement approché

14 l'entreprise criminelle commune, elle l'aurait déclaré coupable de tous ces

15 crimes au titre d'une entreprise criminelle commune. La deuxième option qui

16 s'offrait à la Chambre de première instance, si l'Accusation n'était pas

17 partie du principe que j'ai explicité précédemment, cela aurait été de se

18 demander si les membres de cette entreprise criminelle commune, si les

19 dirigeants s'étaient servi comme instruments des auteurs matériels des

20 crimes. Cela aussi c'était à quelque chose de tout à fait acceptable du

21 point de vue juridique, et cela n'exigeait nullement que les auteurs

22 matériels soient membres de l'entreprise criminelle commune. Comme je vais

23 l'expliquer, dans notre premier moyen d'appel, la responsabilité pour des

24 actes criminels de personnes qui ne se trouve pas dans l'entreprise

25 criminelle commune peut être attribué aux membres de l'entreprise

26 criminelle commune si ces derniers ont été utilisés comme des instruments

27 pour les membres de l'entreprise criminelle commune afin qu'ils y

28 contribuent.

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1 Bien que dans la plupart des affaires, dont est saisi le Tribunal, on

2 puisse procéder à une analyse en application de la première option, c'est-

3 à-dire celle qui a été adoptée par la Chambre de première instance même si

4 elle a commis une erreur en exigeant l'exigence d'un accord direct, la

5 plupart de ces affaires peuvent être analysées sur une plus grande échelle

6 dans le cadre d'une entreprise criminelle commune très vaste.

7 Cependant, cette deuxième approche qui insiste sur le rôle des dirigeants

8 qui utilisent les auteurs matériels comme des outils reflète sans doute

9 mieux la réalité à laquelle est confrontée la Chambre, le Tribunal pénal

10 international.

11 Je vais maintenant évoquer chacun des moyens comme je vous l'ai dit au

12 début de mon intervention. Puisque seul le deuxième moyen a une incidence

13 directe sur la déclaration de culpabilité du présent accusé c'est de cela

14 que je vais parler en premier lieu et puis je reviendrai au premier moyen

15 qui est souligné ici parce qu'il est très important pour la jurisprudence

16 du Tribunal.

17 Deuxième moyen : la Chambre de première instance au fond, a demandé qu'il y

18 ait un accord direct, un accord personnel entre les membres de l'entreprise

19 criminelle commune afin d'établir qu'il y avait entre ces personnes un

20 plan, une attention ou un dessin commun, un dessin criminel. Puisque le

21 procès est parti des prémisses selon lesquels Brdjanin se trouvait dans une

22 entreprise criminelle commune avec les auteurs matériels, à savoir l'armée

23 et les paramilitaires serbes de Bosnie, cela voulait dire la Chambre de

24 première instance était à la recherche d'un accord direct entre l'accusé et

25 ses auteurs matériels, physiques. Ce faisant, elle a utilisés les mauvais

26 critères, les moyens critères d'examen. Nous avons établi ce critère qui

27 serait correct à notre avis, non pas simplement dans les mémoires en appels

28 mais dans les écritures du 13 novembre. En réponse aux questions posées par

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1 vous, Madame et Messieurs les Juges de la Chambre d'appel. Les individus

2 partagent un plan, une attention commun lorsque ces individus poursuivent

3 cette même attention, ce même plan criminel et agissent de concert pour

4 l'exécuter, pour y parvenir. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute, des

5 membres d'une entreprise criminelle commune doivent partager sous une forme

6 certaine un accord ou une entente en vue la commission d'un crime. Ce qui

7 compte c'est plutôt de voir comment cette idée -- ce concept a été

8 interprété par la Chambre de première instance dans le contexte de

9 l'entreprise criminelle commune. Cela veut dire que les membres de cette

10 entreprise criminelle commune partagent un plan -- un projet criminel

11 commun, si des éléments de preuve apportent la preuve, effectivement, que

12 tous ces membres de l'entreprise criminelle commune avaient adopté et

13 exécuté conjointement.

14 A ce moment-là, le plan, effectivement, est établi, ce plan et la condition

15 requise de l'accord sont établis. Il est inutile à ce moment-là de prouver

16 qu'individuellement des membres de l'entreprise criminelle commune auraient

17 conclu un accord direct. Brdjanin et les auteurs matériels ont agi,

18 effectivement, comme en fonction, en vertu d'un plan criminel commun. Si la

19 Chambre ne s'était pas trompé dans l'application des critères, elle

20 l'aurait déclaré qu'il faisait partie d'une entreprise criminelle commune,

21 nous l'avons dit dans nos écritures, tous les éléments étaient présents

22 puisqu'il a été déclaré coupable en vertu de la première catégorie de

23 l'entreprise criminelle commune pour persécution, expulsion, transfert

24 forcé de la troisième catégorie pour les autres crimes dans la mesure où

25 ceci ont été commis par des forces militaires et paramilitaires; tout ceci

26 dans les annexes A à C et AB révisées et rendues public le 5 décembre.

27 Je voudrais tout d'abord parler de façon plus détaillée de la façon dont la

28 Chambre a versé dans l'erreur et puis esquisser la façon dont la Chambre

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1 aurait dû aborder la question. C'est à juste titre que la Chambre de

2 première instance reconnaît que l'accord, l'entente ne doit pas

3 nécessairement être déterminé auparavant, mais peut se matérialiser de

4 façon à l'improviste, improvisée, et ne doit pas expressément être

5 formulée. Elle peut aussi être déduite. Cependant, dans les paragraphes 340

6 à 355 du jugement, la Chambre a pensé qu'il fallait qu'il y ait ce même

7 état d'esprit des membres de l'entreprise criminelle commune, "cet accord"

8 qui soit le résultat, l'issue d'un accord personnel, interpersonnel entre

9 ses membres.

10 Permettez-moi, ici, à titre d'illustrations, de reprendre ce que dit le

11 jugement de première instance. Il s'agit du paragraphe 351 du jugement,

12 plus exactement la troisième ligne de ce paragraphe 351. Il parle du fait

13 que les membres dans l'entreprise criminelle commune doivent avoir un

14 accord, une entente conclue entre eux pour que soit commis un crime précis.

15 Je tourne la page et je prends le paragraphe 354, là aussi, très

16 révélateur. Dans ce paragraphe, c'est à trois reprises que la Chambre de

17 première instance, à trois reprises -- c'est à trois reprises qu'elle dit

18 qu'elle n'est pas convaincue que l'accusé et les auteurs matériels "aient

19 conclu un accord." Le fait de conclure un accord, c'est répété trois fois.

20 Vous voyez l'usage qu'on fait de ce terme, "entrer dans un accord."

21 Ce sont des termes très actifs qui laissent entendre que la Chambre

22 exigeait une interaction directe et concrète, individuelle entre les

23 membres de l'entreprise criminelle commune.

24 Je prends maintenant la note de bas de page 691 du jugement, là. La

25 Chambre de première instance apporte une interprétation de l'arrêt

26 Krnojelac qui faisait une différence entre ce qu'on appelle : "L'accord

27 plus ou moins formel conclu entre des membres de l'entreprise criminelle

28 commune, ce qui est nécessaire pour répondre aux conditions posées par les

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1 catégories 1 et 3," par opposition à la participation à un système de

2 mauvais traitement, ce qu'il faut remplir comme conditions pour répondre à

3 la catégorie 2.

4 Qu'est-ce que ceci révèle ? C'est que la Chambre de première instance

5 a interprété le concept d'accord comme s'il s'agissait d'un contrat formel,

6 un accord direct de ce genre n'est pourtant pas requis. Au contraire, il

7 faut que les individus adoptent, fassent leur, le même plan ou le même

8 dessein criminel et agissent de concert pour l'exécuter. L'erreur de la

9 Chambre de première instance semble s'être produite du fait qu'on a estimé

10 que l'entreprise criminelle commune se prêtait mieux à des affaires de

11 moindre envergure, des petites affaires, pas pour de grandes affaires. Dans

12 des affaires de petite envergure, il peut y avoir un contact direct entre

13 les membres de l'entreprise criminelle commune, soit qu'ils sont présents,

14 qu'ils se trouvent ensemble, qu'ils se parlent. A ce moment-là, il est

15 peut-être plus facile de déduire, de conclure qu'ils ont agi de concert,

16 qu'ils se sont mis d'accord. Mais l'entreprise criminelle commune

17 s'applique également dans des affaires de plus grande envergure, là où ses

18 membres de l'entreprise peuvent être éloignés, les uns des autres,

19 structurellement ou physiquement.

20 La Chambre, d'ailleurs, a appuyé cette idée. La Chambre d'appel, dès

21 le début, dès l'arrêt Tadic, l'appel -- la Chambre d'appel a reconnu qu'en

22 fait, l'entreprise criminelle commune tenait à la nature internationale

23 même des crimes, ce qu'elle a appelé la manifestation d'une pénalité ou

24 d'une criminalité commune. Tout comme la décision Rwamakuba prise par la

25 Chambre d'appel du Tribunal du Rwanda, ainsi que la décision Karemera du 12

26 avril 2006, l'entreprise criminelle commune ne se limite pas à des affaires

27 de petite envergure. Elle peut s'appliquer à des entreprises criminelles

28 qui se manifestent sur une grande échelle.

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1 Ici, en l'espèce, on a bien une entreprise criminelle commune pour un

2 territoire important, le territoire de la Krajina de Bosnie. Cependant,

3 dans l'affaire Krstic et dans l'affaire Stakic, on saurait décrire ces

4 territoires comme étant limités, restreints. Or, dans ces deux affaires, la

5 Chambre d'arrêt -- la Chambre d'appel a confirmé la décision en jugement de

6 première instance et a déclaré des culpabilités de son propre gré en se

7 basant sur le fait qu'il y avait un accord direct entre l'accusé et des --

8 sans déclarer qu'il y avait accord direct entre les accusés et les auteurs

9 matériels.

10 Nous avons aussi l'arrêt Simba du Tribunal du Rwanda et la décision

11 de la Chambre de première instance du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie dans

12 Simic, pareil pour les affaires qui ont été jugées après la Deuxième Guerre

13 mondiale. On a décidé qu'il y avait entreprise criminelle commune sans

14 qu'il y ait nécessairement des liens directs. On a plutôt vu le problème

15 sous l'angle de l'accusé et ce qui comptait, c'était la connaissance

16 qu'avait l'accusé du plan criminel et du lien qu'il avait avec l'infraction

17 commise ou de sa contribution à la commission de l'infraction.

18 Alors, comment faut-il aborder le plan criminel, le dessein criminel

19 commun ? L'entreprise criminelle commune est établie lorsque les membres de

20 celle-ci partagent un même plan et actent conjointement de concert pour

21 l'exécuter. A ce moment-là, on peut dire qu'il y a responsabilité parce que

22 le lien est suffisant. Le lien entre la personne qui est l'auteur physique

23 matériel du crime et l'accusé. Ces gens agissent ensemble en vue de

24 l'exécution d'un projet commun. Nous avons le jugement Krajisnik et la

25 Chambre qui a été saisie d'affaire là remplir récemment.

26 L'objectif commun commence à transformer une pluralité de personnes en

27 groupe, mais ceci ne détermine pas pour autant le groupe. Il se peut qu'un

28 groupe différent, distinct, partage ce même objectif.

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1 Je vais vous demander, Madame et Messieurs les Juges, d'appuyer sur

2 une touche e-court, apparemment, et vous allez vois s'afficher à l'écran ce

3 qu'a dit la Chambre Krajisnik au paragraphe 844 -- 84 du jugement. Il dit :

4 "C'est plutôt l'interaction ou la coopération de certaines personnes. Leur

5 action conjointe, en sus de leur objectif commun qui va transformer ces

6 personnes en un groupe, qui va faire d'elle un groupe. Les personnes d'une

7 entreprise criminelle commune doivent -- Ou il faut prouver que ces

8 personnes agissent de concert, ensemble, en vue d'exécuter un objectif

9 commun pour qu'on les déclare coupables ou responsables des crimes commis à

10 travers l'entreprise criminelle commune."

11 Bien sûr, tout est fonction des éléments de preuve présentés. Le

12 jugement Krajisnik, en son paragraphe 1081, donne une liste utile de

13 facteurs qui peuvent permettre de conclure que des gens agissent de concert

14 en vue de l'exécution d'un objectif commun. Ce n'est pas une liste

15 exhaustive, mais vous avez, par exemple, le même système, la même

16 systématicité dans les crimes, le type de victimes, la pro-comittence dans

17 le temps, le fait qu'il y a coopération ou conjonction avec d'autres

18 membres de l'entreprise criminelle commune pour exécuter ces crimes, le

19 fait que ces auteurs soient associés à des institutions ou des membres qui

20 sont reliés à une entreprise criminelle commune, le fait qu'il y ait

21 certains -- les membres d'une entreprise criminelle commune, qui auraient

22 pu punir, ne l'ont pas fait et le fait qu'il y ait une poursuite de

23 l'affiliation de l'association entre les auteurs matériels et les membres

24 de l'entreprise criminelle commune, je vous rappelais, bien sûr, que cette

25 liste n'est pas exhaustive. Tout dépendra des éléments de preuve apportés.

26 En conclusion, s'agissant de ce moyen, et je vais rapidement parler

27 de l'incidence qu'aura l'erreur commise par la Chambre de première

28 instance, vous l'avez dit. Nous avons répondu par écrit à cette question. A

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1 notre avis, les faits établis par la Chambre de première instance montrent

2 que Brdjanin et les auteurs matériels ont adopté le même dessin criminel

3 qui était d'exercer la force pour déplacer les non-Serbes de la région et

4 ont agi de concert en vue de l'exécution de ce projet. Bien sûr, il ne

5 s'agit pas ici de répéter les arguments que nous avons présentés par écrit,

6 ce n'est pas de notre intention. En résumé, les conclusions de la Chambre

7 établissent que Brdjanin et les autres auteurs matériels avaient adopté le

8 même comportement ou objectif criminel qui était de faire une région

9 ethniquement serbe -- purement serbe en assurant le transfert par la force

10 des non-Serbes. Nombreuses sont les conclusions, et vous avez notamment au

11 paragraphe 181 une observation faite par la Chambre de première instance,

12 qui dit que le nettoyage ethnique n'a pas été un sous produit, un produit

13 accessoire de l'activité criminelle. C'était là son objectif intrinsèque et

14 c'était donc une partie intrinsèque et intégrante de l'entreprise du plan

15 stratégique.

16 Deuxièmement, Brdjanin et les auteurs matériels ont agi de concert en vue

17 de l'exécution de ce projet commun. Nombreuses là aussi sont les

18 conclusions de la Chambre qui montrent que la preuve a été apportée à cet

19 égard. Je pense qu'une des conclusions les plus convaincantes est celle-ci

20 : au paragraphe 353. La Chambre de première instance dit que : "L'accusé et

21 les auteurs matériels ont agi à l'unisson pour exécuter ce plan

22 stratégique." Au paragraphe 100 : "Les crimes ont été commis grâce à une

23 coopération étroite entre la police serbe de Bosnie entre l'armée et les

24 groupes paramilitaires." Il y avait une systématicité qui s'était

25 clairement dégagée et qui poussait forcément à une seule et unique

26 conclusion, à savoir que ces crimes étaient commis en vue de l'exécution du

27 plan stratégique mis au point par les dirigeants serbes de Bosnie et qui

28 visait à expulser du territoire tous les non-Serbes.

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1 Finalement, s'agissant de la contribution ou de l'apport, c'est évident, M.

2 Brdjanin a clairement contribué à l'entreprise criminelle commune. Quel

3 rôle a-t-il joué ? Regardez le rôle qu'il a joué au niveau de l'exécution

4 du plan, au niveau des municipalités.

5 La Chambre de première instance le décrit elle-même au paragraphe 320. Elle

6 le qualifie d'apport substantiel à l'exécution du plan. Ceci mis à part il

7 a également contribué par une propagande caractérisée par la haine et par

8 la décision prise par la cellule de Crise, je dis la décision, je devrais

9 dire les décisions prises par la cellule de Crise de la RAK pour ce qui est

10 des licenciements, du désarmement, et aussi par la décision de réinstaller

11 ailleurs les non-Serbes. Les auteurs matériels ont contribué à l'entreprise

12 criminelle commune par des crimes qu'ils ont commis.

13 En fin, et c'est là mon quatrième point. Brdjanin aussi bien que les

14 auteurs matériels avaient l'intention de persécuter les non-Serbes par le

15 transfert forcé d'expulsion de ces personnes.

16 Paragraphe 549 la Chambre conclut ceci : "Les éléments de preuve prouvent

17 que le déplacement de ces personnes n'était pas simplement la conséquence

18 d'actions militaires mais leur objectif, leur raison d'être." Il n'y a donc

19 l'aspect de la persécution qui est reconnue à l'encontre de Brdjanin et des

20 auteurs matériels et qu'on retrouve aux paragraphes 1058 et 1053. Par

21 conséquent, on peut déclarer, M. Brdjanin responsable d'entreprise

22 criminelle commune au regarde de la première catégorie, persécution à

23 partir de l'expulsion et du transfert forcé.

24 De surcroît, il était prévisible et cela a d'ailleurs été prévu par M.

25 Brdjanin, que d'autres crimes basés sur d'autres actes, les meurtres, les

26 tortures, les destructions sans motif, la destruction de lieux de culte,

27 que tout ceci allait se produire si l'on exécutait ce plan commun. Nous

28 allons le dire de façon -- nous avons d'ailleurs donné des détails à cet

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1 égard et ceci répondrait à la troisième catégorie.

2 Dernier point s'agissant de ce moyen : nous avons demandé d'être plus

3 rigoureux dans l'appel que vous allez prononcer pour traduire dans les

4 chiffres la responsabilité que doit endosser l'accusé pour ce qui est de la

5 complicité dans l'entreprise criminelle commune.

6 Prenons le premier moyen : là, nous faisons valoir que les auteurs

7 matériels ne doivent pas nécessairement être membres de l'entreprise

8 criminelle commune. Je vous l'ai déjà dit d'emblée. Ce moyen n'aura pas

9 d'incident sur la déclaration de culpabilité de

10 M. Brdjanin. Cependant, il aura une incidence certaine sur l'application de

11 la théorie, de la thèse de l'entreprise criminelle commune sur des

12 dirigeants de haut niveau pour des crimes commis sur une grande échelle.

13 La Chambre de première instance s'est fourvoyée en disant qu'il fallait que

14 les auteurs matériels soient membres de l'entreprise criminelle commune.

15 Paragraphes 344 et 347 du jugement.

16 Certes, dans bien des cas, les auteurs matériels sont des membres

17 d'une entreprise criminelle commune. Ils adoptent ce plan criminel commun

18 et agissent de concert pour l'exécuter. Par conséquent, leurs crimes

19 partant de cette idée peuvent être attribués à d'autres membres de

20 l'entreprise criminelle commune. Mais je viens de vous le montrer. En fait,

21 c'est bien ce qui s'est passé en l'espèce.

22 Cependant, la responsabilité de l'entreprise criminelle commune ne se borne

23 pas à ces situations. Les auteurs matériels ne doivent pas nécessairement

24 être membres de l'entreprise criminelle commune. Une entreprise criminelle

25 commune qui vise à réaliser un plan criminel commun peut se composer de

26 personnes dont aucune ne va exécuter elle-même le crime mais va les faire

27 par l'intermédiaire de tierce personne. Cela veut dire que cette entreprise

28 elle existe uniquement au niveau des dirigeants.

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1 Si ces personnes s'entendent -- ces dirigeants s'entendent sur un

2 plan criminel commun qui va exécuter par des tierces, ils doivent quand

3 même voir leur responsabilité engagée au titre de l'entreprise criminelle

4 commune. Il n'est même pas nécessaire de se demander si les auteurs

5 matériels ont marqué leur accord ou avaient même connaissance du plan

6 concocté. Le droit pénal international poursuit notamment un objectif

7 important celui de sanctionner ceux qui sont les plus responsables

8 d'infractions et de bien traduire le rôle que ces personnes ont joué au

9 regard du droit. Si on veut maintenant que des auteurs matériels fassent

10 partie de l'entreprise criminelle commune ceci ne traduit pas bien la façon

11 dont des crimes internationaux se produisent en général. Ils sont le fait

12 d'une multitude de personnes et ceci est orchestré ou coordonné par ceux

13 qui sont les plus hauts responsables qui sont dans la hiérarchie les plus

14 haut placés.

15 Ceux qui se trouvent aux échelons les plus élevés dans la

16 hiérarchique et qui se mettent d'accord sur un plan répréhensible, ce ne

17 sont pas eux qui vont exécuter eux-mêmes ces crimes. Au contraire, ils les

18 font exécuter en se servant des moyens qu'ils ont à leur disposition, les

19 unités de la police, l'armée, les autorités civiles, les paramilitaires,

20 entre autres. Ces échelons supérieurs, ces personnes haut placés sont

21 souvent très éloignés physiquement des lieux où se commettent concrètement

22 les infractions.

23 Alors que les auteurs matériels peuvent souvent être d'accord avec

24 des objectifs poursuivis par les personnes haut placées. La réalité quelle

25 est-elle ? C'est que bien souvent les auteurs -- les haut placés prennent

26 une décision après quoi ils vont utiliser les auteurs matériels pour les

27 faire exécuter ou la faire exécuter.

28 De surcroît, dans d'autres cas, des auteurs à haut niveau vont bien souvent

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1 se servir d'auteurs physiques qu'ils vont pas forcément avoir adopté

2 l'objectif criminel ou dont on ne peut pas prouver qu'ils l'auraient

3 adopté. Pourtant, du fait de leur action concertée ou coordonnée,

4 effectivement les auteurs, les haut placés vont exécuter l'objectif qui

5 était le leur. Le fait d'ordonner, de planifier, d'aider et d'encourager

6 tout ce qui relève des formes de responsabilité visées au C 3 peuvent

7 s'appliquer, mais ces moyens n'englobent pas nécessairement la réalité de

8 la situation et la réalité de la culpabilité des auteurs d'actes

9 répréhensibles haut placés.

10 Par ailleurs, si on utilise la complicité pour qualifier ces accusés

11 de haut rang c'est inapproprié, et parce que cette forme de responsabilité

12 engage à un degré moindre de responsabilité pénal ici en ce Tribunal, mais

13 ceci nie la responsabilité pleine et entière qu'on doit assumer s'il y a

14 exécution.

15 A notre avis, c'est contraire à l'objet même, à la vocation qu'a le droit

16 international pénal. C'est qu'en fait, la responsabilité devrait reposer

17 sur le fait de savoir si les auteurs physiques, matériels faisaient partie

18 de l'entreprise criminelle commune, qu'on déclarerait à hauts placés

19 responsables, si -- en fonction de l'avis ou de la connaissance qu'avait le

20 soldat se trouvant sur le terrain.

21 En fait, il faut s'intéresser aux actes et aux pensées des hauts placés et

22 la doctrine doit s'appliquer lorsque ces membres de l'entreprise criminelle

23 commune visent à l'exécution de ce plan commun en se servant d'autres pour

24 faire exécuter ces crimes. Ceci traduit bien la réalité des crimes

25 internationaux et ceci appuie la thèse d'une responsabilité collective en

26 disant que ce sont ceux qui sont les plus responsables qui doivent aussi

27 endosser la plus grande responsabilité.

28 Si vous le voulez bien, Madame et Messieurs les Juges, nous allons parler

Page 65

1 maintenant des affaires dont a connu ce Tribunal à l'appui de notre thèse.

2 L'association des conseils de la Défense, en réponse à notre appel, a

3 souligné que l'arrêt Tadic, l'arrêt Furundzija disaient que les auteurs

4 matériels étaient membres de l'entreprise criminelle commune. L'association

5 met en exergue certaines conclusions de l'arrêt Tadic, faisant entendre que

6 les auteurs matériels doivent avoir été d'accord avec l'accusé, s'agissant

7 du projet commun. Nous ne contestons pas cela.

8 Cependant, nous ne sommes pas d'accord pour dire que ces affaires limitent,

9 comme veut le dire l'association, la portée de l'entreprise criminelle

10 commune. Dans l'affaire Milutinovic, le Juge Bonomy présentait une opinion

11 individuelle le 22 mars 2006. Il dit que ces affaires, comme l'affaire

12 Tadic, l'affaire Furundzija n'avaient pas besoin d'aborder les

13 problématiques plus concrètes et plus difficiles, puisque là, vous aviez

14 une entreprise criminelle commune qui se composait de moins de personnes.

15 Ce qui est beaucoup plus intéressant, c'est que la Chambre d'appel a

16 utilisé l'entreprise criminelle commune pour déclarer responsable des

17 personnes accusées de crimes commis sur une grande échelle dans des

18 circonstances où le projet criminel commun existait, mais uniquement parmi

19 ceux qui se trouvaient au même échelon d'autorité dans la hiérarchie, sans

20 dire que les auteurs matériels étaient aussi ou auraient aussi été membres

21 de l'entreprise criminelle commune.

22 Dans notre mémoire d'appel, nous parlons aussi de l'affaire Krstic,

23 vous le connaissez bien. Dans cette affaire, la Chambre d'appel a confirmé

24 la condamnation en application de l'entreprise criminelle commune, même si

25 cette dernière ne se composait que de personnes haut placées, Mladic et les

26 membres du Grand état-major de la VRS. La Chambre d'appel n'a pas

27 explicitement dit que les auteurs matériels faisaient partie de

28 l'entreprise criminelle commune. A un moment donné, la Chambre dit de

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1 Krstic qu'il a utilisé le personnel du Corps de la Drina comme outil, comme

2 instrument, pour faire exécuter le plan criminel commun. Ce qui compte

3 davantage encore, c'est que la Chambre d'appel a retenu cette démarche

4 récemment, dans l'arrêt Stakic, vous le savez.

5 La Chambre de première instance, dans l'affaire Stakic, avait utilisé

6 l'exécution indirecte pour attribuer les actes des auteurs matériels à un

7 petit groupe de co-auteurs de haut niveau. C'est ce que la Chambre de

8 première instance Stakic avait fait.

9 Si vous voulez bien regarder vos écrans, vous allez voir qu'il y a un

10 cliché que nous avons préparé où vous avez un graphique montrant ce que la

11 Chambre de première instance Stakic a fait.

12 Elle a dit : "Vous avez des co-auteurs qui sont un échelon

13 hiérarchique élevé et vous avez les auteurs -- ces co-auteurs qui exécutent

14 ces crimes de façon indirecte en passant par les auteurs matériels."

15 La Chambre d'appel a corrigé la Chambre de première instance dans la mesure

16 où elle a dit que cette dernière avait utilisé le mauvais -- la mauvaise

17 forme de responsabilité pour ce qui était de la -- des co-auteurs, par

18 rapport aux co-auteurs, puisque la Chambre de première instance avait dit

19 qu'il y avait -- qu'ils avaient été co-auteurs par un contrôle conjoint des

20 actions. La Chambre d'appel, en fait, a modifié la forme de responsabilité

21 de l'entreprise criminelle commune.

22 Regardez de nouveau l'écran. Vous allez voir ce qu'au fond, la

23 Chambre d'appel a fait. J'espère que ceci apparaît sur vos écrans. Oui.

24 Elle a fait une substitution au niveau de l'entreprise criminelle

25 commune et elle l'a placé au niveau des co-auteurs.

26 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je ne sais pas si nous avons vu ce

27 cliché. Je pense que nous avons vu le premier uniquement.

28 Mme BRADY : [interprétation] Vous savez, ce sont des écrans qui se fondent.

Page 67

1 On peut revenir ? Vous voyez la première ? Cela, c'est ce que fait la

2 Chambre ou ce que déclare la Chambre de première instance. Puis,

3 maintenant, avec ce rectangle bleu, vous savez ce qu'au fond, la Chambre

4 d'appel a fait. Ce qui est pertinent ici, c'est que la Chambre d'appel, en

5 modifiant la forme de responsabilité de l'entreprise criminelle commune,

6 elle n'a pas touché, elle n'a pas ressentie le besoin de corriger la

7 conclusion tirée par la Chambre de première instance aux paragraphes 741,

8 a.k.a. 743 à 746 et 818, là où la Chambre de première instance expliquait

9 que Stakic et ses co-auteurs avaient exécuté ces crimes de façon indirecte,

10 en passant par des auteurs matériels dont ils s'étaient servis comme outil.

11 Ni la Chambre de première instance -- c'est très important parce que ni la

12 Chambre de première instance, ni la Chambre d'appel Stakic n'a analysé les

13 auteurs matériels en l'espèce comme étant des membres de l'entreprise

14 criminelle. Il n'y a pas de conclusion disant qu'il y aurait eu un accord

15 de ces auteurs matériels au plan commun qui était d'expulser, ou

16 l'intention d'expulser. On a dit qu'il y avait l'intention discriminatoire,

17 mais pas l'intention d'expulser.

18 Au contraire, la Chambre d'appel a dit que les membres de l'entreprise

19 criminelle commune étaient Stakic et des autres dirigeants municipaux, le

20 chef de la police et un membre de premier plan de l'armée. Néanmoins, la

21 Chambre d'appel Stakic a déclaré

22 M. Stakic responsable des crimes commis par les auteurs matériels par

23 l'application de l'entreprise criminelle commune.

24 Par conséquent, dans l'affaire Stakic, la Chambre d'appel a reconnu qu'il

25 n'est pas nécessaire que les auteurs matériels soient membres de

26 l'entreprise criminelle commune, que plutôt, que ceux qui le sont peuvent

27 commettre des crimes par le truchement de cela. Donc dans cette affaire, il

28 s'agit d'un niveau de dirigeants dont les membres se servent d'auteurs

Page 68

1 physiques afin d'exécuter des infractions en poursuivant l'objectif de le

2 cesser.

3 Le Juge Bonomy, dans une opinion individuelle dans l'affaire Milosevic, a

4 également appuyé cette approche. Il n'a pas trouvé qu'il y ait une

5 incohérence par rapport à la jurisprudence du Tribunal pour déclarer

6 coupable un participant à l'entreprise criminelle commune, pour le déclarer

7 coupable d'avoir commis là où les infractions ont été commises par des

8 personnes qui ne sont pas membres de l'ECC, mais qui ont agi en tant

9 qu'instruments de l'ECC.

10 Enfin, la Chambre de première instance dans l'affaire Krajisnik a

11 également adopté la même approche. Elle est arrivée à la conclusion que M.

12 Krajisnik était responsable pénalement pour persécution et extermination

13 sur la base du fait que les membres de l'entreprise criminelle commune

14 étaient des leaders sur le plan de la république, de la région et des

15 municipalités. Elle n'a pas estimé qu'il était possible ou même souhaitable

16 ou nécessaire de constater que les auteurs matériels des infractions

17 étaient également membres de l'entreprise criminelle commune. J'estime que

18 ceci est important.

19 Au paragraphe 883, je vous invite, encore une fois, à regarder ce qui

20 s'affiche à l'écran. Donc, dans le jugement de l'affaire Krajisnik : "Il

21 est constaté qui plus est une entreprise criminelle commune peut exister

22 même si aucun aussi seulement quelques uns des auteurs principaux en font

23 partie parce que, par exemple, ils ne sont pas au courant de l'ECC ou de

24 son objectif, et ils ont des membres de l'ECC qui commettent des crimes,

25 qui facilite le fait d'atteindre cet objectif."

26 Pourquoi est-ce qu'elle est arrivée à cette conclusion ? Parce

27 qu'elle a estimé qu'un accusé peut participer à la mise en œuvre d'un

28 objectif criminel commun soit en commettant l'infraction lui-même, soit en

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1 faisant partie d'un objectif commun, ou en apportant de l'aide à

2 l'exécution du crime qui constitue partie d'un objectif commun.

3 Des précédents de la Seconde Guerre mondiale étayent notre position.

4 Il est vrai que ces affaires là n'ont pas appliqué explicitement

5 l'entreprise criminelle commune, ils ont déterminé la responsabilité

6 davantage sur la base d'une participation criminelle que sur l'application

7 stricte des modes de responsabilité. Mais, comme la Chambre de première

8 instance l'a montré dans l'affaire Rwamakuba, les éléments juridiques qui

9 ont été utilisés afin de déclarer coupables les accusés, étaient

10 suffisamment semblables à ceux de l'entreprise criminelle commune,

11 suffisantes pour définir les contours de l'entreprise criminelle commune.

12 Ceux qui découlent clairement de ces affaires de la Seconde Guerre

13 mondiale, c'est que les accusés d'un haut échelon qui ont accepté un plan

14 criminel et qui ont contribué à celui-ci ont été déclaré coupable pour des

15 auteurs matériels qui ont exécuté les crimes du plan. Ceci, indépendamment

16 de savoir si les auteurs matériels constituaient parties prenantes dans la

17 création du projet, ou s'ils étaient d'accord quant à savoir ce qu'ils

18 avaient à l'esprit ou quelle était leur responsabilité criminelle, cela a

19 rarement fait l'objet de débat.

20 Donc, nous nous sommes référé à deux affaires, Justice et Rusha. Je

21 n'ai pas suffisamment de temps pour en parler maintenant. Nous avons parlé

22 de cela dans notre mémoire en appel, mais juste pour résumer, dans les deux

23 affaires, les accusés ont été déclaré coupables pour des auteurs matériels,

24 pour ce que les auteurs matériels ont commis sans prendre en considération

25 s'ils ont adhéré au plan criminel, sans prendre en considération s'ils

26 étaient membres de l'entreprise criminelle commune.

27 Enfin, le dernier point que je souhaite aborder est le point suivant

28 : comment les crimes commis par des auteurs matériels qui ne sont pas

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1 membres de l'entreprise criminelle commune, comment peuvent-ils être

2 attribués aux membres de l'entreprise criminelle commune, comment est-ce

3 que juridiquement ceci tient la route ?

4 Un membre de l'entreprise criminelle commune peut contribuer à

5 l'entreprise criminelle commune soit directement, soit indirectement en

6 agissant par l'au truchement d'autres personnes, il n'y a pas de différence

7 de principes. Si un accusé se sert d'une bombe ou si c'est lui qui dresse

8 un barrage ou si c'est une police ou une unité militaire qui le fait.

9 Les actions des auteurs matériels peuvent être liés aux membres de

10 l'entreprise criminelle commune par perpétration indirecte. Si un accusé

11 dans une entreprise criminelle commune se sert d'une autre personne en tant

12 qu'un instrument, les actions de cet instrument deviennent ses actions, ses

13 contributions à l'entreprise criminelle commune. En tant que tel, peuvent

14 être imputé à tous les membres de l'entreprise criminelle commune.

15 L'Association des conseils de la Défense admet, dans leur réponse à

16 notre appel, que l'auteur matériel d'un crime, d'une infraction ne doit pas

17 être membre de l'entreprise criminelle commune lorsque lui ou elle est

18 utilisé en tant qu'un instrument par quelqu'un qui est membre l'entreprise

19 criminelle commune. Dans ce cas-là, ils sont d'accord sur le fait pour dire

20 que les membres de l'entreprise criminelle commune peuvent se voir imputés

21 leurs infractions.

22 Pratiquement, dans tous les systèmes juridiques, il est reconnu qu'un

23 accusé peut connaître des actes en les perpétrant indirectement. M. le Juge

24 Shahabuddeen, dans son opinion individuelle dans l'affaire Gacumbitsi, dans

25 une affaire en appel au Tribunal du Rwanda, a reconnu que tout comme une

26 personne peut se servir de l'entreprise criminelle commune en tant que son

27 instrument pour perpétrer une infraction, de même un accusé peut, et je

28 cite le paragraphe 24 de votre texte : "Même s'il peut commettre son crime

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1 à travers l'instrumentalisation de quelqu'un d'autre, même s'il n'y a pas

2 d'entreprise criminelle commune, même s'il n'y a pas de contact direct

3 entre l'accusé et la victime."

4 Il est pratiquement accepté partout dans tous les systèmes nationaux

5 qu'un accusé peut être considéré responsable s'il se sert d'une autre

6 personne en tant qu'un instrument pour commettre un crime. Je me réfère aux

7 différentes affaires, aux juridictions qui limitent la perpétration

8 indirecte, aux agents innocents. Nous en avons parlé dans notre appel en --

9 dans notre mémoire d'appel.

10 D'autres, cependant reconnaissent que les auteurs matériels coupables

11 peuvent également fonctionner en tant qu'instrument d'une personne qui

12 contrôle les agissements.

13 Par exemple, en servant d'une structure de pouvoir pour examiner

14 leurs infractions, comme par exemple dans l'affaire "Border Guards" ou des

15 hommes politiques haut placés de l'Allemagne de la RDA ont été déclarés

16 responsables en tant qu'auteurs pour des meurtres de gardes frontaliers à

17 la frontière de l'Allemagne de l'est.

18 Il est très important de savoir que, dans le Statut de Rome, à

19 l'article 25(3)(d), il est reconnu que quelqu'un peut commettre une

20 infraction en agissant par l'au truchement d'une autre personne

21 indépendamment de savoir si cette personne est criminellement, pénalement

22 responsable.

23 C'est ce que l'on voit aujourd'hui dans l'affaire Lubanga devant la

24 Chambre de première instance. Là, il y a une combinaison à la fois du

25 contrôle conjoint et de l'équivalent de l'entreprise criminelle commune

26 telle que vue par la Chambre de première instance au titre de l'article 25

27 (3)(d) du Statut de Rome.

28 Pour conclure, les auteurs matériels ne sont pas nécessairement

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1 membres de l'entreprise criminelle commune afin que l'on puisse attribuer

2 leur crime à l'entreprise criminelle commune. Si les membres de

3 l'entreprise criminelle commune sont d'accord sur un objectif pénal

4 criminel commun, et s'ils se servent d'autres afin d'exécuter leurs actes,

5 afin d'arriver à atteindre leur objectif criminel, ces actes peuvent être

6 imputés à tous les membres de l'entreprise criminelle commune.

7 J'en ai terminé avec mes arguments et je suis à votre disposition

8 pour répondre à vos questions. Merci.

9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'invite mes collègues à poser des

10 questions -- à poser leurs questions sur ce sujet de l'entreprise

11 criminelle commune.

12 Monsieur le Juge Shahabuddeen.

13 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame Brady, ai-je raison

14 lorsqu'il me semble avoir compris que la substance de vos arguments est la

15 suivante : si la personne A a passé un accord de personne à personne avec

16 la personne B pour commette une infraction donnée, et si cette infraction a

17 été exécutée par le B -- par la personne B, la responsabilité pénale quant

18 à elle ne dépend pas du tout de l'entreprise criminelle commune, elle

19 dépend sur des principes normaux de responsabilité pénale, y compris en

20 particulier la question d'agent.

21 Est-ce que ce serait une juste interprétation de la substance de vos

22 arguments ?

23 Mme BRADY : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je pense que l'on

24 peut envisager les choses de deux manières. Soit A et B ont un accord, ont

25 passé un accord pour commettre l'infraction, et ils y contribuent tous les

26 deux. Ils agissent tous les deux et ils sont responsables au terme de

27 l'entreprise criminelle commune. Vous avez tout à fait raison, Monsieur le

28 Juge, le A et le B peuvent avoir un accord pas nécessairement un avec

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1 l'autre peut-être ou directe, mais on peut déduire qu'ils ont passé un

2 accord, un plébiscite. Ensuite, soit la personne B commet le crime, elle,

3 soit elle le fait faire par le truchement de quelqu'un d'autre, dans ce

4 cas-là, je pense, effectivement, que c'est le principe de l'agent qui

5 existe dans cette situation. Il y a deux différentes manières d'envisager

6 le problème.

7 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] On peut les aborder séparément.

8 Le cas de figure où il y a une personne qui est extérieur à l'entreprise

9 criminelle commune.

10 Ce que j'ai à l'esprit plutôt la chose suivante : dites-nous, il me

11 semble que la notion-clé est la notion d'accord et que cela dépend des

12 circonstances et que la loi peut extrapoler l'existence d'un accord sur la

13 base d'un grand nombre de facteurs. Mais ceux qui constituent la différence

14 dans ce cas, c'est qu'on se réfère à l'assistance de la Chambre de première

15 instance disant -- entre deux membres de l'entreprise criminelle commune,

16 et qu'ils doivent se mettre d'accord pour commettre une infraction en

17 particulier. Dans les deux cas de figure il y a existence d'un accord.

18 Toute la différence en l'occurrence est que la Chambre de première instance

19 a insisté sur le fait que l'entreprise criminelle commune s'applique

20 uniquement lorsqu'il y a une sorte particulière d'accord.

21 Mme BRADY : [interprétation] Vous avez tout à fait raison pour la

22 majorité des cas, parce que cela reviendra à la même chose. Cet accord est

23 tout à fait problématique. C'était la première erreur de la Chambre de

24 première instance cet accord direct parce qu'on exige trop quelque chose

25 d'impossible. On ne peut pas trouver le cas -- la réalisation de cet accord

26 direct. Dans la plupart des cas, vous avez raison. Les auteurs matériels,

27 qui se trouvent sur le terrain, seront d'accord avec le projet commun avec

28 la personne A dans votre exemple, mais pas dans tous les cas de figure.

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1 C'est la raison pour laquelle on peut avoir des auteurs matériels qui ne

2 sont même pas conscients de la manière dont on se sert d'eux.

3 Ici, les faits de l'espèce étaient clairs. Les auteurs matériels

4 partageaient l'accord. La thèse de l'accord fonctionne bien, s'applique

5 bien à cette affaire; cependant, à l'opposé, il y a beaucoup d'affaires où

6 ce n'est pas le cas. C'était cela qui était important dans mes arguments

7 lorsque j'ai parlé du moyen 1 et lorsque j'ai dit qu'il était important de

8 ne pas toujours exiger que l'auteur matériel fasse partie de l'entreprise

9 criminelle commune, il peut être utilisé et il ne peut ne pas partager --

10 on peut, par exemple, se servir de lui, lui ordonner, et c'est le type de

11 situation que nous avons ici, souvent devant ce Tribunal. Souvent dans les

12 affaires dont nous traitons présentent ces éléments.

13 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] J'ai ma troisième question que

14 je souhaite vous poser.

15 L'impression que j'ai eue en écoutant vos arguments, serait-elle exacte ?

16 Il me semble que le problème est le suivant : les personnes A et B sont

17 toutes les deux membres de l'entreprise criminelle commune, et la personne

18 B trouve une personne extérieur à l'ECC pour commettre une infraction du

19 type de l'entreprise criminelle commune. Alors, la question se pose de la

20 responsabilité pénale de la personne A. Il me semble que ce qui pose

21 problème c'est que la responsabilité pénale de la personne A est de manière

22 erronée, focaliser sur la responsabilité pénale de la personne extérieure à

23 l'entreprise criminelle commune. La personne A n'endosse la responsabilité

24 pénale que, pour le crime commis par le membre de l'entreprise criminelle

25 commune, cette autre personne membre de l'entreprise criminelle commune qui

26 peut endosser la responsabilité et qui peut être responsable pénalement

27 pour l'infraction commise par la personne extérieure.

28 Ai-je raison ?

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1 Mme BRADY : [interprétation] Oui. Vous analysez de manière correcte notre

2 position.

3 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci.

4 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Madame Brady, si je vous ai

5 bien compris, vous estimez que les reins de la Chambre de première instance

6 ont consisté à ne pas -- ou en exigeant que l'auteur matériel soit membre

7 de l'entreprise criminelle commune.

8 Ma question est la suivante : vous semblez appliquer ceci aux trois

9 catégories de l'entreprise criminelle commune, la première, la deuxième, et

10 la troisième, puisque vous estimez que c'est la catégorie III qui aurait dû

11 s'appliquer sur la plupart des chefs d'accusation.

12 Vous vous appuyez sur la jurisprudence après la Seconde Guerre notre propre

13 jurisprudence; quels sont les exemples pour l'entreprise criminelle commune

14 du type III ? Je vois les II et I, I en particulier, mais III, quelles

15 seraient les affaires que vous pourriez nous citer ?

16 Mme BRADY : [interprétation] Les affaires, Justice et Rusha, par exemple,

17 pour ce qui est des affaires de la Seconde Guerre mondiale dans ce cas-là,

18 les co-auteurs étaient responsables des infractions qui rentraient dans le

19 cadre du projet commun, à savoir le plan d'extermination dans l'affaire

20 Justice, et la même chose pour l'affaire Rusha.

21 A ce stade, je ne peux pas vous préciser une affaire en particulier, une

22 affaire relevant de Deuxième Guerre mondiale en particulier, où il se

23 serait agit d'une responsabilité qui n'aurait pas été "intentionnelle" mais

24 qui aurait été prévisible ou prévue.

25 C'est la connaissance, pas l'intention, au sens strict, a été utilisée en

26 tant que base de la mens rea, dans les affaires de la Seconde Guerre

27 mondiale. Vous vous rappelez, dans notre jurisprudence, on exige le type 1

28 de l'entreprise criminelle commune; dans les affaires de la Seconde Guerre

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1 mondiale, c'est plutôt la connaissance. Donc, le critère pour la mens rea

2 est légèrement moindre dans les affaires de la Deuxième Guerre mondiale.

3 Cependant, dans ces affaires-là, lorsque on interprète l'entreprise

4 criminelle commune, elle est tout à fait établie dans le droit

5 international coutumier. Ici, ce qui se pose comme question est

6 l'application de l'entreprise criminelle commune, et dans l'affaire

7 Hadzihasanovic, il ne s'agit pas d'une objection à l'application du

8 principe à une situation en particulier lorsqu'on dit que la situation est

9 nouvelle si raisonnablement ceci rentre dans le cadre de l'application du

10 principe.

11 Dans son opinion individuelle dans l'affaire Stakic, le Juge Shahabuddeen a

12 donné plusieurs exemples où le principe a été établi dans le cadre du droit

13 international coutumier. Ceci en est une application.

14 Qui plus est, l'affaire -- dans l'affaire Stakic, nous avons la

15 décision de la Chambre d'appel, et c'est un précédent contraignant en

16 l'espèce. C'est l'entreprise criminelle commune du type III et la

17 perpétration indirecte qui a été retenue. Je pense qu'il faudrait en tenir

18 compte en l'espèce.

19 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je voudrais que ce soit

20 tout à fait clair. Vous estimez que ceci ne fait partie du droit

21 international coutumier, que le contour de l'entreprise criminelle commune,

22 comme vous les décrivez, sont définis en tant que tel du droit

23 international coutumier.

24 L'INTERPRÈTE : La première phrase consistait à dire que ceci faisait partie

25 du droit international coutumier.

26 Mme BRADY : [interprétation] Oui. C'est, en principe, notre proposition. En

27 particulier, pour ce qui est de l'interprétation que fait de ces nouveaux

28 faits le droit international coutumier.

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1 Mais on peut envisager la chose d'une autre manière. Le principe de

2 l'entreprise criminelle commune fait partie du droit international

3 coutumier et, bien entendu, la Chambre peut s'appuyer sur les principes

4 généraux de la loi afin de déterminer les paramètres de l'application et

5 l'étendue de l'application. C'est ce qui a été fait dans la Chambre de

6 première instance dans l'affaire Furundzija. Par exemple, la même chose

7 pour ce qui est des cas de viols et la même chose dans l'arrêt Blaskic pour

8 la mens rea dans le fait d'ordonner. C'est la défense -- c'est l'approche

9 que nous défendons.

10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Le Juge Guney.

11 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Dans vos arguments, Madame Brady, vous

12 parlez du transfert forcé ou de déportation en disant qu'il s'agit d'un des

13 crimes les plus haineux, qu'on peut comparer cela donc au crime le plus

14 haineux, à savoir le crime de génocide. Ai-je raison ?

15 Mme BRADY : [interprétation] Non. Je n'ai pas utilisé le terme "génocide"

16 du tout dans mes arguments, mis à part -- mis à part la décision Karemera.

17 Mais je n'ai pas parlé de génocide comme entrant en jeu dans l'espèce,

18 puisque je ne pense pas que tel soit le cas.

19 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] A la lumière de votre réponse, je ne

20 vais pas poser ma deuxième question. Madame Brady, je vous remercie.

21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame le Juge Vaz.

22 Mme LE JUGE VAZ : Je vous remercie, Monsieur le Président.

23 Madame, je voudrais vous poser une question au sujet de ce que vous nous

24 avez dit tout à l'heure, à savoir que les accusés de haut rang doivent

25 encourir une responsabilité pleine et entière. Vous semblez exclure la

26 complicité pour ces personnes de haut rang. Pouvez-vous nous dire pourquoi

27 vous excluez la complicité dans ce cas-là ? C'est bien ce que vous avez

28 dit. Merci.

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1 Mme BRADY : [interprétation] Madame le Juge, ce n'est pas nécessairement

2 qu'on exclurait la complicité ou le fait d'aider ou encourager. Cela dépend

3 des faits. Cela pourrait être une manière de qualifier juridiquement de

4 manière correcte. Cependant, dans la majorité des cas, on affirme que la

5 complicité devant ce Tribunal, entraîne un niveau moindre de

6 responsabilité. Alors, il n'est pas approprié de qualifier des gens qui

7 sont les auteurs des plans, qui sont à un niveau très élevé, qui ne serait

8 pas approprié des les qualifier ainsi. Ceci enlève le concept de pleine

9 responsabilité de leur responsabilité. C'est la raison pour laquelle nous

10 disons qu'à ce niveau-là, ce niveau très élevé, au niveau contrôle -- de

11 contrôle suprême, on ne peut pas employer ces termes-là.

12 Mme LE JUGE VAZ : Je vous remercie pour ces précisions.

13 Merci, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Madame le Juge Vaz.

15 J'ai une question à vous poser.

16 Mme BRADY : [aucune interprétation]

17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je me réfère à votre mémoire en appel,

18 paragraphe 348. Dans ces écritures, vous dites que les auteurs matériels ne

19 doivent pas nécessairement être membres de l'entreprise criminelle commune.

20 Vous dites que si on constatait qu'un auteur matériel devait nécessairement

21 être membre de l'entreprise criminelle commune, vous dites que ceci

22 rendrait difficile; sinon, impossible, je vous cite, là : "Déclarer

23 coupables les dirigeants les plus élevés de l'entreprise criminelle

24 commune."

25 Je vous cite encore. Vous dites que c'est la seule manière de prouver qu'un

26 auteur a agi avec l'intention requise.

27 Par la suite, vous répondez sur la question de l'entreprise

28 criminelle commune. C'est un texte du mois dernier. Vous dites que tout

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1 auteur matériel ici était en fait membre de l'entreprise criminelle

2 commune, même si vous n'avez pas identifié chaque auteur individuel et que

3 nous devons donc vous suivre là-dessus.

4 Comment est-ce que vous pouvez expliquer, comment est-ce qu'on peut

5 accepter les deux déclarations ?

6 Mme BRADY : [interprétation] Pour ce qui est de la première partie de votre

7 question, je pense que dans le mémoire qui a été déposé il y a environ deux

8 ans, ne sommes peut-être allés un peu loin. Comme je l'ai expliqué dans mon

9 intervention orale, il est possible de conclure à l'existence d'un plan

10 criminel commun et on peut le trouver sur la base des faits de l'espèce.

11 Cela peut être établi. On peut le conclure des événements et de la manière

12 dont les événements se présentent, de manière systématique.

13 Donc, peut-être avons-nous été un petit peu loin dans la manière de

14 présenter notre thèse dans ce premier mémoire, en disant qu'il faudrait à

15 ce moment-là disposer de tous les éléments de preuve, absolument tous. Je

16 crois que la jurisprudence, qui a évolué depuis dans Krajisnik et dans

17 d'autres affaires, a permis d'avancer. Je pense qu'on peut déduire de la

18 systématique des crimes que l'intention existe, que cet accord existe, le

19 fait que tout soit -- tous les crimes visent un même type de victimes.

20 Enfin, là, je vous renvoie à mes observations précédentes.

21 S'agissant du deuxième volet de la question --

22 M. LE JUGE MERON : [interprétation] En fait, c'est la même question.

23 Mme BRADY : [interprétation] Donc, vous demandez s'il faudrait que nous

24 présentions des éléments de preuve relatifs à l'intention des -- de chacun

25 des acteurs -- de chacun des auteurs. Bien non. Non, bien évidemment, non.

26 Il n'est pas nécessaire que nous fournissions la preuve de l'intention de

27 chacun des acteurs, mais ce qui doit être conclu, et la Chambre de première

28 instance en l'espèce l'a tout à fait conclu, c'est que les auteurs

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1 matériels, ces auteurs matériels, ils agissaient conformément au plan

2 criminel commun. Nous développons la chose de manière circonstancielle dans

3 nos écritures et je pense que cela, cela suffit pour établir qu'il y avait

4 intention, qu'il y avait accord parce que cette intention, cet accord, ils

5 peuvent être déduits.

6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Madame Brady.

7 Pas d'autres questions. Dans ces conditions, je crois que conformément à

8 notre ordonnance portant calendrier, il convient que nous faisions --

9 fassions une pause de 15 minutes.

10 Nous reprendrons donc à 16 heures 05 précises.

11 --- L'audience est suspendue à 15 heures 47.

12 --- L'audience est reprise à 16 heures 08.

13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Brady, si l'on veut bien, le

14 temps imparti à l'Accusation est écoulé, mais il vous reste encore deux

15 moyens d'appel à évoquer donc nous allons vous accorder dix minutes cela

16 suffira ?

17 Mme BRADY : [hors micro] Oui.

18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pense qu'à l'avenir chacun veille à

19 bien faire usage de son temps.

20 Mme BRADY : [interprétation] Oui, tout à fait. Je vous remercie beaucoup de

21 ces dix minutes supplémentaires.

22 Je vais maintenant donner la parole à Mme Margetts qui va parler des

23 troisième et quatrième moyens d'appel de l'Accusation.

24 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous avez la parole, Madame Margetts.

25 Mme MARGETTS : [interprétation] Merci, bonjour.

26 Etant donné le temps qui me reste, je ne vais évoquer que quatrième

27 moyen d'appel de l'Accusation qui porte sur l'extermination car je pense

28 que s'agissant du troisième moyen du savons présenté tous nos arguments de

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1 manière circonstanciée dans notre mémoire, et Mme Goy demain, parlera de la

2 responsabilité par omission, en réponse à la Défense.

3 Je souhaiterais maintenant parler du quatrième moyen d'appel.

4 Brdjanin aurait dû être déclaré coupable d'avoir aidé et encouragé

5 des actes d'extermination parce qu'il a été déclaré coupable de complicité

6 dans le cadre de massacres qui constituaient des actes d'extermination.

7 La Chambre de première instance s'est trompée en concluant qu'il

8 n'avait pas la connaissance nécessaire de la perpétration de cette

9 extermination, et parce que ceci, cette extermination n'était pas envisagée

10 de manière expresse dans le plan stratégique, paragraphes 477 à 478 du

11 jugement.

12 La Chambre de première instance s'est trompée parce qu'elle a déclaré

13 l'accusé coupable de trois tueries, de trois massacres commis au cours de

14 l'attaque contre les villages, paragraphe 476 du jugement.

15 Il s'agit en occurrence de quelque 300 personnes à Biscani,

16 municipalité de Prijedor, du massacre de 140 personnes à Kozarac et du

17 massacre de 68 personnes à Brsevo. Ces meurtres, ces massacres, ces tueries

18 individuellement constituent des actes constitutifs d'extermination et la

19 Chambre de première instance a conclu que Brdjanin avait connaissance de

20 ces événements, paragraphes 474 à 476 du jugement.

21 Cette connaissance est selon nous suffisante pour déclarer Brdjanin

22 coupable d'extermination parce que la seule différence existant entre

23 l'extermination et l'homicide intentionnelle, c'est que pour qu'il y ait

24 extermination, il faut qu'on démontre le caractère massif des actions. La

25 connaissance par Brdjanin de ces massacres fait que l'élément -- le

26 caractère massif est établi. Brdjanin savait également que ces actes

27 contribueraient à ces tueries, à ces massacres.

28 La Chambre de première instance a conclu que Brdjanin savait que les

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1 décisions de la cellule de Crise de la RAK au sujet du désarmement

2 aideraient à la perpétration de ces attaques de grandes envergures et de

3 ces tueries, paragraphes 473 à 474 du jugement.

4 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le conseil peut ralentir, s'il vous plaît ?

5 Mme MARGETTS : [interprétation]

6 De surcroît, pour les raisons qui sont évoquées au moyen d'appel

7 numéro 3 dans nos écritures, nous faisons valoir que Brdjanin savait et a

8 contribué de manière substantielle aux massacres qui ont eu lieu dans les

9 lieux de détention et qui constituent des actes individuels constitutifs et

10 d'extermination. Il s'agit en l'occurrence d'incident, d'événements qui

11 sont mentionnés aux paragraphes 456, 460 et 462 du jugement. Il s'agit de

12 meurtres de 190 personnes dans la salle numéro 3 du camp de Keraterm, du

13 meurtre de 200 hommes alors qu'ils étaient transportés de Trnopolje à

14 Koricanska Stijena, et du meurtre de 144 hommes à Biljani.

15 Enfin, la Chambre de première instance s'est fourvoyé en concluant

16 que l'extermination n'avait pas été envisagée dans le cadre de la

17 réalisation du plan stratégique parce que ces massacres ont été commis avec

18 pour objectif la réalisation du plan stratégique. La Chambre de première

19 instance a évoqué ces crimes aux paragraphes 100, 104 et 115 du jugement de

20 première instance. Il comportait des meurtres qui ont eu lieu pendant des

21 attaques, ainsi que des meurtres qui ont lieu dans des lieux de détention.

22 Ces actes sont constitutifs d'extermination si bien que

23 l'extermination faisait partie intégrante de la réalisation du plan

24 stratégique.

25 Merci beaucoup, j'en ai terminé de la présentation de mes arguments

26 au sujet du moyen numéro 4.

27 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci beaucoup de cette concision

28 remarquable. Y a-t-il des questions ? Non. Dans ces conditions, nous allons

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1 passer au point suivant qui est la réponse de la Défense.

2 Maître Ackerman, je vous ai accordé, j'ai accordé quelques minutes de plus

3 à l'Accusation, donc si vous en avez besoin, je serai prêt à vous accorder

4 quelques minutes de plus.

5 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vous en suis très reconnaissant, mais ce

6 sera sans doute pas nécessaire.

7 Bonjour, c'est pour moi un grand plaisir que de comparaître devant un

8 collège de Juges aussi prestigieux.

9 Quand je suis entré dans le prétoire, cela m'a ramené 40 ans en

10 arrière, quand je crois, j'ai comparu pour la première fois en tant

11 qu'avocat. C'était dans une petite ville --

12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous vous rendez compte qu'en fait, la

13 plupart d'entre nous n'étions encore pas de ce monde à l'époque.

14 M. ACKERMAN : [interprétation] C'était une petite ville du Wyoming au

15 deuxième étage d'un tribunal au plancher en bois. L'avocat pour lequel je

16 travaille c'était un homme, un vieil avocat, vieux de la vieille. Il y

17 avait plusieurs policiers dans la pièce, et l'avocat donc s'est levé et a

18 dit : "Je voudrais que l'on consigne au compte rendu d'audience le nombre

19 de revolvers que nous nous avons, et le nombre de revolvers qu'eux ils

20 ont." Je m'en suis souvenu, je m'en suis souvenu ce matin quand je suis

21 entré, quand j'ai vu le nombre de personnes qu'il y a face à moi au banc de

22 l'Accusation. Mais malgré tout, nous allons continuer, nous allons

23 persister du côté de la Défense.

24 Je vais essayer de m'en tenir au temps qui m'a été imparti, je pense que je

25 peux y arriver. Je vais évoquer brièvement certains sujets. Je vais

26 m'attarder peut-être un peu plus sur d'autres sujets qui ont été évoqués

27 par l'Accusation et j'aimerais revenir sur certains éléments qui vous ont

28 été présentés par les représentants de l'Accusation aujourd'hui.

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1 L'Accusation vous a déclaré, page 14, ligne 5, que la Chambre de

2 première instance pensait que les membres d'entreprise criminelle commune

3 devaient être réunis au cours d'un accord, réunis par un accord. Vous savez

4 que l'une des raisons pour lesquelles la Chambre de première instance

5 pensait cela, c'est parce que justement l'Accusation avait adopté cette

6 position, c'est ce qu'ils disaient, c'est ce qu'ils plaidaient devant la

7 Chambre de première instance à l'époque.

8 Ensuite, l'Accusation vous a renvoyé au paragraphe 549 du jugement de

9 première instance, un paragraphe fort intéressant. Effectivement, c'est

10 tout à fait vrai, c'est un paragraphe dont la lecture est très

11 enrichissante. Vous vous souviendrez que pendant tout le jugement, dans

12 tout le jugement et pendant tous les arguments de l'Accusation, la

13 responsabilité de M. Brdjanin ont l'a fait dépendre de ses décisions

14 relatives au désarmement prises par la cellule de Crise de la RAK. C'est

15 quelque chose sur le -- que l'Accusation ne cesse d'invoquer, ces mesures

16 de désarmement. Pour la responsabilité en découle, il faudrait que les

17 attaques soient la conséquence de ces décisions.

18 Si vous examinez la page, paragraphe 549 de jugement de première

19 instance, c'est très intéressant de voir ce que pensait la Chambre de

20 première instance. Des opérations militaires ont été menées contre des

21 villes et des villages qui ne constituaient pas des objectifs militaires.

22 Les forces serbes de Bosnie ont mené des attaques à Prijedor, Sanski Most,

23 Bosanski Novi, Kljuc, Tesalic, et Kotor Varos notamment. Cela c'est la

24 phrase qui compte.

25 Ensuite, je cite : "Ces opérations militaires ont été menées à bien

26 avec l'objectif spécifique de chasser les résidents musulmans et croates de

27 Bosnie." Les éléments de preuve montrent que le déplacement de ces

28 personnes n'était pas la simple conséquence de l'action militaire mais que

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1 s'en était l'objectif. L'objectif. Ce n'était pas de désarment. Il

2 s'agissait d'expulser, de chasser ces gens. Ensuite, les représentants de

3 l'Accusation vous invitent à juger que la Chambre de première instance n'a

4 pas abordé l'entreprise criminelle commune et cette théorie de l'entreprise

5 criminelle commune de la manière appropriée. S'agissant du droit nous

6 devons faire très attention ici. Nous devons tenir compte de l'état du

7 droit coutumier international au moment où ces événements ont eu lieu. Nous

8 sommes dans un environnement à l'état assez statique. Nous ne pouvons pas

9 modifier le droit quand cela nous arrange. L'Accusation vous dit que, le

10 concept de l'entreprise criminelle commune qui vient de Tadic et de toutes

11 les autres affaires qui ont suivi ce n'est pas très pratique finalement

12 parce que cela ne leur permet pas de faire ce qu'ils veulent. Bien, tant

13 pis. Tant pis, parce que c'est comme cela que cela présente le droit

14 relatif à l'entreprise criminelle commune. Ce que je dit c'est que

15 l'entreprise criminelle commune cette théorie c'est celle qu'a édicté la

16 Chambre d'appel dans Tadic, et si on revient à la source même utilisée par

17 la Chambre d'appel dans Tadic pour édicter ce concept, vous constaterez

18 qu'on ne peut pas élargir la chose comme l'Accusation voudrait que nous le

19 fassions.

20 L'Accusation en essence conteste la décision de la Chambre de première

21 instance lorsque celle-ci dit que l'entreprise criminelle commune n'est pas

22 une forme de responsabilité appropriée pour rendre compte de la

23 responsabilité pénale individuelle de l'accusé étant donné la nature

24 extrêmement vaste de cette affaire et étant donné que l'accusé est très

25 loin de la perpétration des crimes. En rendant cette conclusion, la Chambre

26 de première instance à la note de bas de page 888 du jugement a insisté sur

27 le fait que l'accusé était éloigné physiquement des auteurs matériels et

28 que ces auteurs matériels n'étaient pas soumis à la structure qui se

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1 trouvait de fait sous l'autorité de l'accusé.

2 Ce droit -- ce principe du droit tel qu'il a été appliqué par la Chambre de

3 première instance c'est le droit qu'applique le Tribunal depuis toujours,

4 depuis la décision Tadic. L'Accusation ne dit pas que la Chambre de

5 première instance a mal appliqué le droit, ils tendent de nous induire en

6 erreur. Au procès, ils ont convenu avec la Chambre de première instance,

7 comme ils l'ont fait au stade la mise en état, que c'était le droit qui

8 s'appliquait. La Chambre d'appel également en a convenu tout au long de son

9 histoire, tout au long de sa jurisprudence. Elle a dit que c'était là le

10 principe de droit qui s'appliquait.

11 Alors, ce que maintenant nous dit l'Accusation ce n'est pas que le

12 principe de droit a été mal appliqué mais qu'il faut que vous le changiez

13 ce droit, ce principe qu'il faut l'élargir parce que cela ne leur convient

14 pas à eux. En fait, il s'agit là d'une tentative de la part de l'Accusation

15 de faire apparaître un concept complètement nouveau en matière d'entreprise

16 criminelle commune, un concept nouveau qui serait créé par la Chambre

17 d'appel en l'espèce.

18 Une hypothèse si l'on adopte le principe que veut nous faire adopter

19 l'Accusation, partons du principe que le maire de Banja Luka était en

20 accord avec les dirigeants du SDS au sujet du plan stratégique, et il leur

21 fait clairement savoir dans des discours qu'il a prononcés à Banja Luka, il

22 fait clairement savoir son accord avec le plan stratégique, il y une part

23 de ce plan stratégique que préconisait l'expulsion des non-Serbes de la

24 zone qui était présentée comme un Etat serbe, qui a été revendiqué comme

25 tel. Plus loin, à Srebrenica des soldats serbes tuent certain nombre de

26 non-Serbes.

27 Si on adopte l'argument de l'Accusation, si on fait pousser la logique plus

28 loin, le maire de Banja Luka, il n'avait aucune idée de ce qui se passait à

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1 Srebrenica, c'était impossible qu'il le sache mais il faisait partie du

2 plan, les soldats faisaient partie du plan, donc il doit être coupable, il

3 doit être reconnu coupable de ce qui s'est passé là, parce que même s'il

4 n'en avait aucune idée, même que s'il ne savait pas ce qui se passait.n

5 L'Accusation va vouloir vous faire croire qu'il a dû savoir.

6 Il faut se souvenir qu'au cours du procès l'Accusation a convenu avec

7 la Défense et elle en a avisé d'ailleurs la Chambre de première instance,

8 elle a convenu qu'au terme de la première catégorie de l'entreprise

9 criminelle commune, les auteurs matériels du crimes allégués dans l'acte

10 d'accusation doivent avoir conclus un accord avec l'accusé. On peut dire,

11 que ce moyen d'appel doit être rejeté, parce que cela ne correspond pas à

12 ce qu'avait convenu l'Accusation au cours du procès de première instance.

13 Il semble que l'Accusation ait mal interprété une conclusion de la

14 Chambre de première instance au sujet de l'application de l'entreprise

15 criminelle commune dans des petites affaires. Il me semble que l'essentiel

16 ici c'est que la cellule de Crise de la RAK n'exerçait pas une autorité de

17 faits sur les auteurs matériels, qui n'étaient pas membres de l'entreprise

18 criminelle commune. Ainsi, si par exemple, la structure en question c'est

19 la République serbe de la Bosnie-Herzégovine, et si le président de cette

20 entité exerce une autorité de fait sur des auteurs matériels qui sont

21 membres de l'entreprise criminelle commune à ce moment-là l'entreprise

22 criminelle commune serait établie, même si elle était beaucoup, beaucoup

23 plus vaste s'il avait une portée géographique beaucoup plus vaste que ce

24 qui est le cas en l'espèce. Si le président de la République serbe de

25 Bosnie-Herzégovine ordonnait à un groupe paramilitaire d'aller dans un

26 village particulier en Bosnie et d'y commettre qu'on pourrait qualifier de

27 crimes de guerre à ce moment-là il n'y a aucune raison au terme de la

28 théorie actuelle de l'entreprise criminelle commune, il n'y a aucune raison

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1 pour que cette personne ne soit pas condamnée justement.

2 Les éléments fondamentaux qui -- les conditions générales

3 d'application de la théorie de l'entreprise criminelle commune c'est

4 l'existence d'un plan communication. Le dictionnaire nous donne la

5 définition suivante du terme de "commun" c'est quelque chose qui

6 appartient, qui est partagé par au moins deux personnes ou par les membres

7 d'un groupe. "Commun", cela veut dire que tous les membres du groupe

8 partagent le même objectif.

9 L'Accusation a plaidé sa thèse en avançant que l'entreprise

10 criminelle commune devait inclure les auteurs matériels. Il est manifeste

11 qu'à ce moment-là il ne peut pas y avoir de déclaration de culpabilité au

12 titre de la forme numéro I de l'entreprise criminelle commune, puisque

13 aucun auteur matériel n'était membre de l'entreprise criminelle commune. On

14 ne pourrait avoir condamnation au titre de l'entreprise criminelle commune

15 que s'il s'agissait de la théorie numéro III, la forme III de cette

16 entreprise criminelle commune.

17 Si vous vous reportez au paragraphe 344 du jugement, vous constaterez

18 que la Chambre de première instance y tire un certain nombre de

19 conclusions, de constations au sujet du troisième type d'entreprise

20 criminelle commune et je pense que c'est très important. La Chambre de

21 première instance a conclu que l'Accusation n'avait pas affirmé que

22 l'accusé avait commis directement aucun des crimes visés à l'acte

23 d'accusation. Si bien que, pour que l'accusé puisse être tenue pénalement

24 responsable des crimes visés à l'acte d'accusation en vertu de la première

25 catégorie d'entreprise criminelle commune, l'Accusation doit établir, qu'il

26 existait entre les personnes ayant physiquement commis le crime et

27 l'accusé, une entente ou un accord aux fins de commettre un crime donné.

28 Cela, l'Accusation a reconnu que c'était effectivement le droit applicable.

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1 La Chambre poursuit, je cite : "Afin de le déclarer responsable au

2 titre de la troisième catégorie d'entreprise criminelle commune,

3 l'Accusation doit prouver que l'accusé a conclu un accord avec une personne

4 pour commettre un crime précis."

5 C'est exactement ce qu'a convenu l'Accusation, c'était cela le droit qu'il

6 s'applique en matière d'entreprise criminelle commune. La seule différence

7 entre les deux versions est qu'on peut être reconnu coupable s'il y a

8 accord et si les crimes sont la conséquence naturelle et prévisible de cet

9 accord.

10 Donc, pour la première catégorie, la Chambre de première instance a

11 conclu qu'il fallait qu'il y ait un accord. L'Accusation en a convenu. Elle

12 a convenu qu'il fallait que les auteurs des crimes soient membres de

13 l'entreprise criminelle commune. La seule différence c'est que pour la

14 troisième catégorie, l'accusé peut être tenu responsable de crimes qui ne

15 faisaient pas partie de l'accord.

16 Donc cela, ce devrait être la fin de toute discussion en l'espèce

17 dans l'appel au sujet de l'application de la théorie de l'entreprise

18 criminelle commune à M. Brdjanin. Il peut qu'une décision soit rendue à ce

19 sujet qui convienne mieux à l'Accusation, mais cela n'a aucun effet. Cela

20 ne pourra avoir aucun effet sur

21 M. Brdjanin en raison des réponses qu'a faites l'Accusation aux questions

22 des Juges à ce sujet.

23 Ce n'est pas quelque chose qui a été évoqué à la fin de l'affaire de

24 première instance. C'est une question qui a été évoquée avant même

25 l'ouverture du procès dans une décision rendue par les Juges Hunt, Mumba et

26 Daqun. Ils ont décidé notamment, je cite, qu'entre la personne qui a commis

27 personnellement les crimes d'effet matériel et la personne qui est accusée

28 du crime, il faut qu'il y ait un accord ou un dessein commun de commettre

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1 au moins un crime donné, afin qu'il puisse être établi, déterminé, si le

2 crime en question était une conséquence naturelle et prévisible du premier

3 crime qui était prévu. Il s'agissait de deux crimes, je le précise.

4 Je vais maintenant évoquer la question qui a été posée par vous-même,

5 Monsieur le Président, la perpétration par omission.

6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que je vous ai bien compris ?

7 Par rapport au troisième moyen, est-ce que la Chambre d'appel devrait avoir

8 une optique différente quant à l'entreprise criminelle commune, qui ne peut

9 pas y avoir de conséquence quant à la culpabilité et la condamnation de M.

10 Brdjanin ?

11 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, parce que l'Accusation a marqué son

12 accord au moment du procès. Elle a dit qu'il fallait que cette personne

13 soit membre de l'entreprise criminelle commune, s'agissant de l'auteur.

14 Effectivement, il ne peut pas y avoir de condamnation pour participation à

15 une entreprise criminelle commune, étant donné l'accord qu'a accepté, qu'a

16 conclu l'Accusation au moment du procès.

17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur.

18 M. ACKERMAN : [interprétation] S'agissant de la commission par omission.

19 Cette question se pose au paragraphe 737 du jugement. La Chambre de

20 première instance y dit, au fond, que si l'accusé n'a pas apporté une

21 contribution directe à l'exécution des crimes commis dans les camps et à

22 l'installation de détention, à la lumière de sa position, de son poste

23 qu'il avait dans la cellule de Crise, la Chambre est convaincue que son

24 absence d'activité, ainsi que l'attitude qu'il a pris publiquement

25 s'agissant des camps et des installations de détention, était un

26 encouragement et un appui moral apporté aux membres de l'armée de la

27 police, qui ont pu ainsi poursuivre l'administration de ces camps et de ces

28 installations de détention ainsi que précisé dans le jugement et décrit à

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1 la Chambre pendant tout le procès.

2 Puis, pour revenir à cette question, c'est évoqué dans l'affaire Blaskic au

3 paragraphe 663. C'est repris dans un arrêt concernant le Rwanda. Je pense

4 que c'est Tagarura et consorts. Plus récemment, la Chambre d'appel, dans

5 l'appel Galic, paragraphe 175 de l'arrêt, confirme que l'omission d'un acte

6 lorsqu'il y a obligation légale d'agir, mais uniquement lorsqu'il y a

7 obligation légale d'agir. Ceci peut emporter ou conduire à la

8 responsabilité pénale individuelle en vertu de l'article 7(1).

9 L'inverse, c'est que s'il n'y a pas commission par omission -- il n'y a pas

10 commission par omission lorsqu'il n'y pas obligation légale, ce qui est le

11 cas ici.

12 Parce que si on condamne quelqu'un pour omission, il faut montrer qu'il y a

13 une responsabilité ou une existence d'un rapport, ce qui n'est pas le cas

14 ici. La Chambre de première instance le dit dans sa note de bas de page

15 888, dont j'ai déjà parlé. La Chambre renvoie à sa conclusion qui lisait

16 qu'il y avait une distance physique par rapport aux auteurs matériels et

17 que ceux-ci n'étaient pas soumis à une structure sur laquelle l'accusé

18 avait autorité.

19 Donc, nulle part dans le jugement la Chambre n'estime qu'il y ait un

20 rapport subordonné à supérieur, un rapport hiérarchique avec les auteurs

21 matériels. La Chambre va même jusqu'à rejeter l'idée que l'accusé avait

22 l'obligation, le devoir de faire rapport qu'il y avait un crime qui avait

23 été commis.

24 Paragraphes 375 -- 72, 73 et 375 du jugement, là, cette question est

25 évoquée.

26 373, le paragraphe dit qu'il n'y avait pas de rapport hiérarchique de

27 l'accusé avec des membres du SOS ou des autorités ou des forces

28 paramilitaires serbes. 372, on parle des rapports qu'il entretient avec

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1 l'armée et qu'il n'y avait pas là non plus de rapport de supérieur à

2 subordonné. 375, la Chambre conclut que pendant la période couverte par

3 l'acte d'accusation, l'accusé n'avait pas de contrôle effectif sur la

4 police, ce qui aurait voulu dire qu'il avait la possibilité matérielle

5 d'empêcher la commission de crimes, ni de les punir. Il n'y a pas non plus

6 de preuves concrètes montrant qu'à aucun moment que ce soit, entre avril et

7 décembre 1992, l'accusé aurait eu l'obligation de faire rapport, de faire

8 état de crime. Ceci se trouve au paragraphe 281 du jugement.

9 Puis, vous avez posé une question au représentant du Procureur. Celle-ci :

10 est-ce qu'il y a des membres de l'entreprise criminelle commune qui ont

11 commis un quelconque des crimes ? La réponse est négative. C'est dit

12 clairement et catégoriquement.

13 Paragraphe 345, la Chambre de première instance estime ceci : alors qu'on a

14 trouvé le nom des auteurs dans un nombre assez faible de cas, dans la

15 plupart des cas, il n'a pas été possible d'identifier les auteurs matériels

16 autrement que par -- qu'en donnant le nom du groupe dont il faisait partie.

17 Paragraphe 347, la Chambre a dit ceci : "Ce qui reste, c'est une

18 affirmation d'existence d'entreprise criminelle commune existant entre

19 l'accusé et les membres de l'armée ou les forces paramilitaires serbes. La

20 Chambre de première instance souligne qu'aux fins d'établir la

21 responsabilité pénale individuelle visée par l'entreprise criminelle

22 commune, il ne suffit pas de prouver qu'il y a une entente, un accord en

23 vue de l'exécution d'un crime a tant de passer entre l'accusé et une

24 personne qui aurait un poste de responsabilité dans une unité militaire ou

25 paramilitaire en vue de l'exécution de ce crime. Il ne peut y avoir

26 responsabilité pénale individuelle de l'accusé en vertu de l'entreprise

27 criminelle commune que si l'Accusation établit au-delà de tout doute

28 raisonnable que l'accusé avait conclu un accord avec les auteurs qui

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1 allaient commettre un crime ou que si les crimes commis par les auteurs

2 matériels pertinents étaient la conséquence prévisible et naturelle des

3 crimes convenus entre l'accusé et les auteurs matériels."

4 Paragraphe 351, la Chambre de première instance dit : "Effectivement,

5 l'accusé et les auteurs matériels pouvaient épouser la même cause, le même

6 plan stratégique, former une intention délictueuse, en vue de commettre des

7 crimes, en vue d'exécuter ce plan stratégique, indépendamment les uns des

8 autres, sans qu'il y ait entente."

9 353, la Chambre dit qu'elle est convaincue qu'il n'y a pas de preuves

10 directes permettant d'établir qu'il y avait un tel accord, une telle

11 entente entre l'accusés et les auteurs matériels pertinents.

12 Lorsque la Chambre tire une telle conclusion dans le contexte de l'accord

13 dont il est question ici, un accord entre l'accusé et les auteurs matériels

14 dans le cadre d'une entreprise criminelle commune. Ce que la Chambre dit,

15 c'est qu'elle n'a pas trouvé qu'il y avait un accord entre l'accusé et l'un

16 quelconque des auteurs matériels, accord qui ferait de ces auteurs

17 matériels des membres de l'entreprise criminelle commune. La Chambre

18 conclut dès lors qu'aucun membre de l'entreprise criminelle commune n'est

19 déclaré coupable. Une telle conclusion, une telle déduction, ne serait se

20 faire non plus.

21 La Chambre le dit dans son paragraphe 354 : "Etant donné la distance

22 physique et structurelle qu'il y a entre l'accusé et les auteurs matériels,

23 et le fait que ces auteurs matériels, dans la plupart des cas, n'avaient

24 même pas été identifiés personnellement, la Chambre n'est pas convaincue

25 que la seule conclusion logique que l'on peut tirer des actions respectives

26 de l'accusé et des auteurs matériels en vue de l'exécution d'un plan commun

27 serait qu'il y aurait accord entre les auteurs matériels et l'accusé ?

28 Toujours, cette même note de bas de page 888, c'est là que ceci est

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1 mentionné, je vous en ai déjà parlé deux fois auparavant.

2 Je prends maintenant le troisième moyen invoqué par l'Accusation, je serais

3 très bref.

4 Sur quoi se base l'Accusation ? Elle se base sur la conclusion tirée par la

5 Chambre de première instance en matière de torture dans les camps de

6 concentration et elle dit qu'il a commis une omission, il a omis d'agir au

7 vue du comportement dans les camps, il n'a pas réagi ni agi en public ni

8 dans les réunions de la cellule de Crise de la RAK en plus de l'attitude

9 qu'il a eu en public à l'égard de ces camps. On demande qu'il y ait

10 condamnation pour omission sans montrer en quoi il y aurait eu existence

11 d'un rapport de supérieur à subordonner qui lui aurait donné l'obligation

12 de faire rapport, aucune conclusion n'est justifiée dans ce sens. Par

13 conséquent, la Chambre tire au vu des probabilités une conclusion

14 différente.

15 Moyen numéro 4, le fait que l'on aurait acquitté erronément pour le chef

16 d'extermination.

17 Je pense qu'il est utile de se rappeler ce qu'a dit la Chambre de première

18 instance dans les erreurs de fait alléguées, rappelées notamment cet après-

19 midi par le président de la Chambre d'appel.

20 Prenons l'arrêt Galic, paragraphe 9 : "Pour déterminer si les conclusions

21 tirées par une Chambre de première instance sont des conclusions qu'aucun

22 Juge des faits raisonnables n'aurait su tirer, la Chambre n'a pas à

23 s'appuyer sur les conclusions factuelles d'une Chambre." Les constations.

24 Puis on cite Kupreskic.

25 L'Accusation fait valoir aux paragraphes 6.8 à 6.17 de son mémoire

26 qu'effectivement il y a eu preuve à apporter du caractère massif mais la

27 Chambre a conclu : "Qu'on avait prouvé le caractère massif de ces massacres

28 et on dit qu'effectivement, ont été prouvés les éléments du caractère

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1 massif."

2 La Chambre n'a pas fait d'erreur, elle a conclu cela.

3 Dans la partie C du mémoire de l'Accusation, l'Accusation fait valoir

4 que les faits montrent que Brdjanin avait connaissance du fait qu'il y

5 avait extermination et que la Chambre s'est trompée. Mais l'Accusation ne

6 dit pas en quoi la Chambre se serait trompée en tirant cette conclusion.

7 Aucun argument n'est présenté pour montrer que la Chambre a négligé ou omis

8 de considérer tel ou tel élément, c'est simplement que la Chambre n'était

9 pas d'accord avec les thèses de l'Accusation. Ceci n'est pas critère

10 suffisamment pour dire qu'il y a erreur.

11 Pareille pour la partie D de l'argumentaire de l'Accusation. Au

12 paragraphe 6.29, l'Accusation répète qu'il y a une erreur factuelle commise

13 par la Chambre de première instance lorsque celle-ci dit qu'en fait la

14 décision prise en matière de désarment décision prise par Brdjanin, mais

15 plutôt par la cellule de Crise, fait que Brdjanin devait savoir qu'à la

16 suite de cela il allait y avoir plusieurs attaques et plusieurs

17 assassinats. Les éléments de preuve ne sont pas venus appuyer ceci.

18 Il faudrait que les éléments de preuve montrent que chacun

19 des attaques qui aurait été établie s'est produite aux fins du désarmement

20 et pas pour une autre fin, qu'il n'aurait pas été celle du désarmement.

21 C'est ce qu'il leur a fallu prouver pour que ce soit acceptable, s'il avait

22 été prouvé que l'objectif c'était le désarment il aurait fallu prouver que

23 ceci venait d'une décision ou d'une conclusion de la cellule de Crise et

24 que ceci ne venait pas d'une décision qu'aurait prise Milorad Sajic et le

25 CSB.

26 Pour prouver la chose je voudrais vous montrer quelques documents en me

27 servant du rétroprojecteur.

28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous avons déjà le document. Vous

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1 pouvez poursuivre, Maître.

2 M. ACKERMAN : [interprétation] Bien. C'est le journal officiel de la Région

3 autonome de Krajina que vous voyez à l'écran. Il s'agit ici d'une décision

4 publiée suite à la décision prise par le ministère de la Défense nationale

5 de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, décision numéro 1/92,

6 décision prise le 16 avril 1992. "Le secrétariat de la Défense nationale de

7 la Région autonome de Krajina prend alors la décision suivante."

8 Primo, mobilisation publique générale pour tout le territoire de la RAK.

9 Plus loin, dans le cadre de cette décision, on a un cinquième paragraphe :

10 "Toutes les formations paramilitaires et tous les individus qui possèdent

11 illégalement des armes et des munitions doivent avant 15 heures le 11 mai

12 1992 au plus tard, les restituer au QG municipal…" vous voyez le reste.

13 Je crois qu'il faut reprendre le début de ce texte.

14 Je n'ai pas donné la deuxième page à M. l'Huissier, mais la deuxième page

15 montre que cette décision a été rendue le 4 mai 1992.

16 Gardez à l'esprit le fait que la cellule de Crise a seulement commencé à

17 exister le 5 mai. Ce qui veut dire que lorsque cette décision a été rendue

18 publique, il n'y avait pas de cellule de Crise.

19 Prenons le deuxième document que je vous ai fourni, vous y verrez qu'il

20 s'agit ici d'un document émanant du centre de sécurité public de Banja Luka

21 et qui est adressé à tous les chefs de poste de sécurité publique dans

22 toute la région de la Krajina. Ici est fait référence à cette décision que

23 nous venons d'examiner. Nous avons la signature de Zupljanin, et cette

24 décision dit en résumé -- prenons la page 4 du document au-dessus du nom de

25 Stojan Zupljanin, voici l'ordre que donne Zupljnin : "A la lumière de ce

26 qui a été mentionné, il est nécessaire de prendre immédiatement toutes les

27 mesures nécessaires mentionnées dans cette décision, et de nous faire

28 rapport de ce qui se passe ou de tous événements intéressants en matière de

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1 sécurité dès demain."

2 Vous voyez ici avant qu'il n'y ait la cellule de Crise il y avait des

3 décisions prises à très haut niveau par le gouvernement, par le secrétariat

4 de la Défense nationale qui demandait qu'il y ait désarmement.

5 Je n'ai plus besoin des documents. Je vous remercie,

6 M. l'Huissier.

7 Il me semble que si l'Accusation veut arriver à ses fins et veut imposer

8 une forme quelconque de responsabilité à M. Brdjanin en matière de

9 désarmement il faut prouver que toutes actions prises, toutes mesures

10 prises en matière de désarmement a été prise et non pas à la suite d'une

11 décision de la cellule de Crise, mais qu'elles auraient été prises plutôt à

12 la suite de décisions de la cellule de Crise et non pas à cause de

13 décisions prises auparavant par le CSB, or ceci n'a jamais été prouvé.

14 Parlons maintenant ou je parlerais plus longuement demain de la question du

15 désarmement.

16 Maintenant, je voudrais reprendre la réponse fournie par l'Accusation aux

17 questions posées par la formation en matière de l'entreprise criminelle

18 commune. L'Accusation, au moment du procès, estimait que M. Brdjanin voyait

19 sa responsabilité pénale engagée pour ce qui est des première et troisième

20 catégories. Ceci était dit sachant -- ou plutôt, partant de l'idée que les

21 membres matériels devaient être membres de l'entreprise criminelle commune.

22 Effectivement, ceci était conforme à cette nécessité. Mais l'argument a été

23 rejeté par la Chambre de première instance, la Chambre n'a pas admis

24 entreprise criminelle commune.

25 En répondant maintenant aux questions posées par les Juges,

26 l'Accusation se contente de répéter -- d'amplifier les arguments qui ont

27 été, au moment du procès, sans prouver que le constations de la Chambre de

28 première instance auraient été erronées, que c'était des conclusions, des

Page 100

1 constations qu'un Juge raisonnable des faits n'aurait pas pu tirer.

2 C'est un problème énorme qui se pose pour l'Accusation. Quand on voit

3 les conclusions de la Chambre en son paragraphe 159. Après avoir énoncé les

4 différents crimes déclarés commis, la Chambre, et ceci va au cœur même,

5 Madame et Messieurs les Juges, du problème en espèce. La Chambre a conclu

6 que vu le caractère systématique du comportement, et la Chambre le dit

7 après avoir énuméré une liste d'infractions déclarée commise. Vu cette

8 systématicité du comportement, dans toute la Krajina, la Chambre est

9 convaincu que c'était surtout, c'était surtout des infractions qui avaient

10 été commises en vue d'exécuter ce plan stratégique, "mostly" en anglais.

11 Ce terme, il est absolument essentiel parce que si la Chambre

12 estimait que ces crimes étaient surtout commis en vue de l'exécution d'un

13 plan stratégique, cela veut dire que de façon générale, la Chambre n'a pas

14 pu conclure que dans chacun des cas l'infraction aurait été commise en vue

15 d'exécuter le plan stratégique.

16 Ce que je fais valoir, ce qu'il faut prouver ici, c'est qu'il y a

17 pour chacun des crimes présumés, une preuve. Le fait de savoir si chacun

18 des auteurs matériels dans chacun des cas a commis cette infraction en vue

19 d'exécuter le plan stratégique.

20 Note de bas de page 31 dans la réponse de l'Accusation, l'Accusation

21 essaie de contourner les difficultés en laissant entendre que dans une

22 opération de si grande envergure que dans celle de la Krajina, il n'est pas

23 -- il est fort possible qu'il y ait eu certaines actions commises par des

24 personnes qui n'étaient pas animées de cette intention d'exécuter le plan

25 stratégique ou qui ne savaient pas qu'il y avait une entreprise criminelle

26 commune ou n'y participaient pas.

27 Le problème, c'est le critère de la preuve qu'il faut apporter.

28 Effectivement, il faut pouvoir concentrer les éléments de preuve pour qu'il

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1 y ait conviction intime des Juges s'agissant des faits reprochés ou peu, la

2 Chambre doit pouvoir estimer effectivement que les auteurs voulaient

3 exécuter ce plan stratégique et étaient membres de l'entreprise criminelle

4 commune. Or la présente Chambre de première instance n'a pas pu tirer ce

5 genre de conclusion.

6 L'Accusation présente une thèse pour la prouver, elle doit vous

7 prouver à vous qu'il y a eu des preuves apportées pour chacune des

8 infractions reprochées, qu'il y avait effectivement les éléments de

9 l'entreprise criminelle commune. Cela n'a pas été fait et cela ne sera pas

10 être fait au vue des éléments de preuve qui tout simplement n'existaient

11 pas, qui tout simplement sont absents.

12 Au lieu de donner des preuves tangibles, permettant à une Chambre

13 raisonnable de tirer des conclusions raisonnables, l'Accusation se contente

14 de laisser entendre que forcément les auteurs matériels ont dû comprendre

15 qu'ils agissaient dans le cadre de l'exécution d'un plan stratégique. C'est

16 le critère du fait de la connaissance inévitable. Or ceci nous n'avons pas

17 -- ici nous n'avons pas ce critère. Nous avons le critère du doute

18 raisonnable ou de la conviction intime. Ici quand on dit, devait savoir,

19 c'est un critère beaucoup moins rigoureux que celui de la conviction

20 intime. L'Accusation fait référence à la déposition du Témoin PT19, qui a

21 dit : "C'était vraiment horrible de voir que des gens devenaient des

22 machines à tuer à cause du pouvoir redoutable des médias."

23 L'accusation a présenté des arguments, des écritures, et je pense que

24 l'Accusation a sans doute fait référence six ou sept fois à déposition de

25 ce témoin, je n'ai pas fait le décompte.

26 Mais ce que l'Accusation n'a pas dit à propos de ce témoin, c'est que

27 c'était un témoin très important qui était présent au moment des faits dans

28 la région et qu'il recevait des centaines de rapports, des rapports

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1 quotidiens émanant de personnes travaillant sur le terrain, et qu'il

2 faisait rapport de ce qui se passait dans la Krajina, qu'il faisait état

3 d'événements tout à fait pertinents et retenus dans l'acte d'accusation. A

4 partir de ces centaines de rapports, à partir de ces observations

5 personnelles, c'est seulement à partir de tout cela qu'il a pu arriver à la

6 conclusion citée par l'acte d'accusation. Au moment du contre-

7 interrogatoire, on lui a demandé si dans ces centaines de rapports il

8 n'aurait jamais entendu parler de Radoslav Brdjanin qui aurait fait des

9 déclarations, qui aurait été impliqué dans des actes de propagandes. Il a

10 répondu par la négative, aussi bien pour ce qui est de la propagande que de

11 ses effets.

12 C'est important, c'est un élément essentiel car il s'agissait d'une

13 personne qui aurait dû avoir entendu parler de Brdjanin si ce qu'on suppose

14 à son égard est vrai.

15 Je pense qu'il vous faut comprendre l'histoire de cette région de la

16 Krajina. Il vous faut comprendre que les auteurs matériels pertinents

17 n'avaient pas besoin d'être endoctrinés par la propagande pour mener des --

18 pour exécuter des crimes contre la population non serbe, le Dr Donja vous

19 le dit dans son rapport, il vous détaille l'histoire de cette région.

20 Les Croates et les Musulmans de la région ont massacré pendant la

21 Deuxième Guerre mondiale des centaines de serbes, lorsque les Croates

22 étaient les alliés du Troisième Reich, et lorsqu'il y avait une Unité SS

23 musulmane qui opérait dans la région, et les Serbes de Krajina se souvenait

24 de ces massacres car beaucoup d'entre eux avaient perdu des membres de leur

25 famille au cours de ces massacres. C'était particulièrement vrai dans la

26 région de Prijedor où furent commis de tels crimes, où il y avait des

27 crimes commis contre les Serbes pendant la Deuxième Guerre mondiale, à la

28 période au cours de laquelle des milliers de Serbes ont été tués. On est

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1 juste de l'autre côté de la frontière avec la Croatie, pas loin de ce camp

2 de concentration de Jasenovac, tristement célèbre.

3 La mort de Tito, la disparition de son concept de l'unité, de la

4 fraternité, cette disparition à elle seule a entraîné, remontait à la

5 surface de beaucoup de ressentiments. Je pense qu'on ne peut pas comprendre

6 les éléments de preuve présentés dans ce procès sans se rappeler cette

7 histoire.

8 Je vous remercie, Madame et Messieurs les Juges. Mais, je suis prêt à

9 répondre à vos questions.

10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

11 Je suppose que vous avez terminé la présentation de vos moyens ?

12 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui.

13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Avant de demander à mes collègues s'ils

14 ont des questions à vous poser, j'aimerais revenir à la question que je

15 vous ai déjà posée.

16 M. ACKERMAN : [hors micro]

17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous voudrez peut-être éclairer

18 davantage ma lanterne parce que la question de l'entreprise criminelle

19 commune me préoccupe toujours.

20 Si je vous ai bien compris, il ne peut y avoir condamnation pour

21 entreprise criminelle commune à partir du deuxième moyen d'Accusation parce

22 que l'Accusation a été d'accord pour dire qu'il fallait que les auteurs

23 matériels soient membres de l'entreprise criminelle commune.

24 Mais si, j'ai bien compris l'Accusation, son premier moyen se

25 rapporte à cette question mais le deuxième moyen porte sur un sujet

26 différent, celui-ci : Faut-il qu'il y ait un accord direct de personne à

27 personne entre l'auteur matériel d'une infraction et

28 M. Brdjanin ?

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1 Voici ce que j'aimerais savoir. Est-ce que l'accusation au moment du

2 procès était d'accord aussi sur dette partie-là, sur la nécessité d'avoir

3 cet accord direct ? Est-ce que vous pourriez nous donner une référence

4 précise aujourd'hui ou demain ?

5 M. ACKERMAN : [interprétation] Je peux vous répondre assez rapidement.

6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Fort bien.

7 M. ACKERMAN : [interprétation] Au cours du procès, l'entente, vous savez,

8 que ceci venait d'une question posée par les Juges de la Chambre de

9 première instance. Elle voulait savoir si, à notre avis, les auteurs

10 matériels pertinents devaient être membres de l'entreprise criminelle

11 commune. La Défense a dit oui, l'Accusation oui, aussi. Cela n'a jamais

12 changé. C'était tout à fait conforme avec ce que les Juges de la Chambre

13 avaient dit dans une requête ou exception préjudicielle au cours de la mise

14 en état.

15 Donc, je vous dirais ceci en guise de réponse. Même si l'Accusation,

16 et l'argument qu'elle invoque en son deuxième moyen, sont fondés, ceci ne

17 peut pas avoir d'incident sur Brdjanin parce que la Chambre avait imposé la

18 nécessité pour cet auteur matériel d'être membre de l'entreprise criminelle

19 commune dans la troisième catégorie. Par conséquent, ce deuxième moyen

20 invoqué par l'Accusation, même s'il est pertinent de façon abstraite, il ne

21 peut avoir aucune incidence sur la condamnation ou l'acquittement de

22 M. Brdjanin.

23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous n'avez pas d'autre chose à dire à

24 propos de l'accord direct de personne à personne ?

25 M. ACKERMAN : [interprétation] Je pense que c'est tout ce que je peux dire

26 aujourd'hui. Je vais y réfléchir d'ici demain. Peut-être pourrais-je vous

27 donner un complément de réponse demain.

28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Fort bien. Si vous voulez évoquer la

Page 105

1 question demain, vous pourrez le faire.

2 Monsieur le Juge Guney ou Madame le Juge Van Den Wyngaert ?

3 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Si je vous ai bien compris,

4 Maître Ackerman, ce que vous dites à propos de la responsabilité pénale par

5 omission ou négligence, c'est qu'il doit y avoir une obligation légale et

6 vous semblez limiter ceci à un cas où il y un rapport de subordination,

7 subordonné-supérieur.

8 Alors que reste-t-il en matière de responsabilité par omission ou

9 négligence visée par le 7(1) plutôt que par le 7(3) parce que là, en

10 général, on a, effectivement, l'omission commise par un supérieur, alors

11 que pour vous, cela revient presque à une peau de chagrin, cette question

12 de complicité par omission, si je suis votre raisonnement ?

13 M. ACKERMAN : [interprétation] Excusez-moi, je me suis mal exprimé.

14 Un crime peut être commis par omission, lorsqu'il y a un rapport de

15 subordination ou lorsqu'il y a obligation, une obligation affirmative,

16 positive d'agir. Ce que je fais valoir, c'est qu'ici, en l'espèce, il n'y

17 avait pas de rapport de subordination entre

18 M. Brdjanin et l'un quelconque des auteurs matériels. C'est ce qu'a conclut

19 la Chambre de première instance.

20 L'autre partie, là où il pourrait y avoir condamnation par omission, c'est

21 s'agissant de l'obligation légale. Là aussi, la Chambre de première

22 instance a estimé que M. Brdjanin n'avait pas l'obligation d'agir sans la

23 présence d'un rapport de subordination. Je pense que c'est ce qu'a établi

24 la jurisprudence de ce Tribunal.

25 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je ne vois pas d'autres questions que

26 mes collègues les Juges souhaiteraient poser. Je vous remercie donc Me

27 Ackerman.

28 M. ACKERMAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

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1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'invite Me Karnavas, le représentant

2 de l'Association des conseils de la Défense, à nous présenter ses

3 arguments. Vous n'aurez pas plus de 15 minutes, s'il vous plaît, Maître

4 Karnavas.

5 M. KARNAVAS : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, les conseils de

6 la Défense éprouvent de la reconnaissance et remercient les Juges de la

7 Chambre d'appel de lui avoir conféré ce rôle à jouer, à savoir le rôle

8 d'amicus curiae. Quant à savoir si l'entreprise criminelle commune doit

9 comprendre l'auteur matériel du crime est une question importante du droit

10 sur laquelle nous allons nous prononcer.

11 Je pense que la plupart des conseils de la Défense qui plaident ici devant

12 ce Tribunal, qui défendent leurs clients ici, estiment qu'il convient

13 d'interpréter de la manière suivante ce qui a été dit dans l'affaire Tadic,

14 à savoir que l'entreprise criminelle commune n'est pas comprise de manière

15 explicite ou implicite dans le Statut de ce Tribunal. Ceci étant dit, elle

16 fait partie de la jurisprudence de ce Tribunal et nous estimons qu'il

17 s'agit d'un précédent contraignant. Donc, tel est notre avis, mais vous

18 verrez que nous estimons que ce précédent contraignant doit être respecté,

19 indépendamment de la première partie de mon affirmation.

20 Alors, la question qui se pose est plutôt circonscrite et, dix ans après le

21 premier procès, à peu près, nous essayons encore de bien cerner le concept

22 d'entreprise criminelle commune. Je ne pense pas qu'il soit contesté

23 qu'afin d'estimer qu'il y a responsabilité pénale pour une infraction au

24 titre de l'entreprise criminelle commune, qu'un accusé doit avoir pris part

25 à un projet commun, un dessein, un but commun et que c'est au cœur de

26 l'entreprise criminelle commune.

27 Donc, cela c'est le point de départ. Je pense que nous estimons et que nous

28 comprenons tous ceci. Mais qu'en est-il de la personne, qui elle, commet,

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1 perpètre l'élément matériel. Est-ce que ceci doit se situer dans le cadre

2 d'un plan, d'un dessein, d'un but commun ? L'Association dit oui.

3 Alors, je pense qu'il convient de dire que cette position que défend notre

4 Association et le conseil de la Défense, John Ackerman, que c'est une

5 position qui a été partagée par le bureau du Procureur pendant la phase

6 préalable et pendant le procès au fond de l'espèce. Joanne Korner a été le

7 Queen's Counsel et elle est arrivée à cette décision après l'avoir

8 longuement mûrie, et non pas du jour au lendemain. Comme vous le savez, il

9 y a eu des débats à ce sujet. Le Juge Hunt a posé des questions à

10 l'intention de l'équipe de l'Accusation lorsqu'ils ont souhaité procéder à

11 une modification de l'acte d'accusation. Donc, il s'agit d'un processus

12 réfléchi.

13 Donc, c'est uniquement à partir du moment où le bureau du Procureur n'a pas

14 pu gérer ses moyens de preuve qu'il pensait être suffisants pour arriver à

15 son objectif que la Chambre de première instance est arrivée à ces

16 conclusions. Donc maintenant, nous avons une attitude différente.

17 Donc, que nous dit que nous enseigne la jurisprudence devant ce

18 Tribunal ? Dans l'affaire Ojdanic, la Chambre d'appel n'est pas revenue sur

19 les conclusions Tadic pour ce qui est du caractère coutumier de cette forme

20 de responsabilité pénale. D'accord.

21 En expliquant, en articulant l'entreprise criminelle commune en tant que

22 forme de responsabilité, M. le Juge Shahabuddeen, dans son opinion

23 individuelle, dans l'affaire Gacumbitsi, je pense que c'est un point très

24 important, parce que je l'ai trouvé très frappant pour comprendre d'où

25 vient, comment évoluait l'entreprise criminelle commune. Vous dites que ce

26 n'est pas Tadic qui a créé l'entreprise criminelle commune, mais plutôt la

27 Chambre d'appel dans l'affaire Tadic a simplement mis en exergue le concept

28 juridique qui a évolué sur la base de son analyse de quelques principes

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1 isolés de droit qui ont été rassemblés afin de pouvoir -- afin d'assurer

2 l'administration de la preuve devant le Tribunal international. Donc,

3 l'entreprise criminelle commune, c'est une expression qui n'a pas été

4 trouvée dans ce principe, et la Chambre d'appel n'a pas exigé qu'il y ait

5 modifications de principe. Tout simplement, identifie les éléments de

6 responsabilité pénale individuelle pour un crime qui a été commis de

7 manière collective.

8 Donc, je me polarise là-dessus, parce que c'est cela notre point de

9 départ, ici. Je pense que c'est une observation qui est tout à fait

10 précise, concise, très pointu, pour savoir comment les choses se sont

11 passées dans l'affaire Tadic.

12 Il ne convient pas de rentrer dans les détails, de passer en revue

13 tous les éléments, toutes les affaires qui sont citées dans Tadic. La

14 Chambre d'appel a les écritures qu'elle peut examiner. Cependant, je

15 pourrais peut-être faire quelques remarques au sujet de ces affaires.

16 Puisque les -- le concept de l'entreprise criminelle commune de Tadic

17 a été circonscrit sur la base de certaines affaires de la Seconde Guerre

18 mondiale, il faut répondre à une question, à savoir est-ce que ces affaires

19 sont des lignes directrices d'une importance décisive pour la jurisprudence

20 de ce Tribunal, pour savoir que l'auteur matériel doit être membre de

21 l'entreprise criminelle commune. Je pense que c'est vraiment le cœur du

22 problème.

23 Notre association estime que ces affaires, certes, nous fournissent

24 une orientation par rapport à Tadic, mais ne spécifie pas l'élément disant

25 que l'auteur matériel doit être membre de l'entreprise criminelle commune.

26 Tadic reconnaît que l'auteur matériel et membre de l'entreprise criminelle

27 commune, que c'est un élément requis et demande explicitement, c'est ce que

28 nous avons écrit dans nos écritures au moins sept fois, qu'il doit l'être,

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1 qu'il doit en être le membre. Le Juge Bonomy, dans son opinion

2 individuelle, l'a également fait valoir, dans Ojdanic, lorsqu'il a été

3 question de co-perpétration incorrecte, et c'était le 22 mars 2006. Le Juge

4 Bonomy, après avoir procédé à l'examen, il formule son opinion individuelle

5 qui est tout à fait exemplaire dans son approche, même si nous ne sommes

6 pas d'accord avec lui sur tous les points, nous fournit donc une analyse

7 tout à fait superbe de la jurisprudence.

8 Dans sa première argumentation, dans le paragraphe 204, il parle des

9 éléments de la troisième catégorie de l'entreprise criminelle commune et au

10 paragraphe 220, puis au 228, la Chambre d'appel reconnaît l'élément requis

11 et que l'auteur matériel soit membres de l'entreprise criminelle commune.

12 Alors, le Juge Bonomy a également fait une observation tout à fait

13 pointue sur Tadic. C'est peut-être la raison pour laquelle nous en parlons

14 aujourd'hui ici, à savoir, il dit : "Tadic n'a pas pris une -- n'a pas

15 adopté une position sans ambiguïté quant à la personne qui connaît l'actus

16 reus. Est-ce qu'elle aurait nécessairement participé au plan conjoint, au

17 dessein ou au but commun ?"

18 Donc, le Juge Bonomy analyse la situation comme nous l'avons fait à

19 de nombreuses reprises, à savoir l'auteur matériel doit être membre de

20 l'entreprise criminelle commune, mais ensuite, il cite, quelques

21 paragraphes où hélas, Tadic n'adopte pas une position absolument claire

22 pour ce qui est de ce point en particulier. Il fait son analyse, son

23 examen. Je pense qu'il faut que je présente les deux aspects.

24 Donc, nous estimons que les affaires de la Seconde Guerre mondiale ou

25 à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, sur lesquelles s'est appuyées la

26 Chambre d'appel en définissant l'entreprise criminelle commune dans Tadic,

27 semblent refléter le fait que l'auteur matériel était membre d'un plan

28 commun. Ensuite, nous estimons également qu'à l'examen de ces affaires, la

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1 Chambre d'arrêt dans Tadic ne l'a pas fait simplement pour concevoir un

2 mode de responsabilité qui correspondrait au résultat souhaité dans Tadic.

3 Je pense que ce qui est plutôt pertinent, c'est que dans Tadic, elle

4 l'a fait afin de mener à bien le mandat du Tribunal, qui figure dans le

5 deuxième rapport du secrétaire général, où le secrétaire général se dit

6 convaincu que toutes les personnes qui prennent pas à la planification,

7 l'exécution de violations graves du droit international humanitaire dans

8 l'ex-Yougoslavie sont individuellement responsables de ces violations.

9 Donc, si on interprète le Statut en se basant sur son objet et sur

10 son objectif, à savoir qu'il a déterminé que la doctrine de l'objectif

11 commun et implicite dans 7(1), je voudrais souligner encore une fois que

12 lorsque la Chambre d'appel dans Tadic n'a pas dit nous voulons déclarer

13 coupable Tadic, nous voulons le déclarer coupable d'une certaine manière,

14 donc essayons de voir les affaires de la Deuxième Guerre mondiale et voir

15 si on peut trouver une forme de responsabilité qui serait implicite dans le

16 Statut, mais manque, en fait, dans la jurisprudence. Sur la base du droit

17 coutumier et c'est la raison pour laquelle j'ai cité les propos du Juge

18 Shahabuddeen a été -- s'est basé sur le fait que, finalement, l'entreprise

19 criminelle commune existe dans le droit coutumier et existe d'une manière

20 implicite dans le Statut.

21 Je pense que c'est important. Si vous examinez les différentes

22 affaires, si vous les comparez, ce concept d'entreprise criminelle commune

23 se fonde sur la théorie de l'objectif commun.

24 Les événements de la Deuxième Guerre vous étaient connus à l'époque.

25 Vous connaissez les affaires en question. Vous le saviez à l'époque où vous

26 avez procédé à l'examen. La Chambre d'appel le savait au moment où elle a

27 procédé à l'examen de ces appels. Vous savez qu'ils n'étaient pas sur une

28 grande échelle, qu'elles étaient petites affaires, moyennes affaires,

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1 grandes affaires, qu'il pouvait couvrir de longues périodes, un nombre

2 important de victimes. Donc ce n'est pas seulement Brdjanin qui est apparu

3 du jour au lendemain, cette affaire-ci. Il y avait tout le reste des

4 affaires qui ont été prises en considération.

5 Alors, elle n'envisageait pas, elle n'englobait pas tous les

6 scénarios possibles, mais toutes ont en commun certains éléments qui ont

7 servi, à notre opinion, de base pour élaborer la doctrine de l'entreprise

8 criminelle commune. Par conséquent, on ne pourrait pas suggérer que la

9 Chambre d'arrêt à l'époque de Tadic ne savait pas que ces affaires

10 existaient ou n'était pas au courant ou n'en a pas tenu compte.

11 Donc, j'estime que les faits dans les affaires qui ont suivi Tadic et

12 qui ont -- dont on a été saisi jusqu'à Brdjanin ont été des affaires où il

13 a été question d'entreprises relativement petites et limitées. Mais ceci

14 n'a pas beaucoup d'importance lorsque la question est de savoir si l'auteur

15 matériel doit être membre de l'entreprise criminelle commune ou non. Ce

16 dont il s'agit ici est de savoir quelle peut être la distance entre

17 l'auteur matériel d'un membre de l'entreprise criminelle commune avant que

18 ses actes ne soient plus attribués aux membres de l'entreprise criminelle

19 commune.

20 Donc, où tracer les frontières ? Est-ce qu'il y a des frontières ?

21 Est-ce qu'il y a des limites ?

22 Donc, si on adopte la position de l'Accusation, il n'y a pas de

23 limites. Il s'agit de cibles mouvantes.

24 Jusqu'à présent dans cette affaire, la position de la Chambre de

25 première instance partagée par le bureau du Procureur a été que le jugement

26 reflète correctement les paramètres de Tadic sur la base du droit

27 coutumier. Il s'est basé là-dessus pour conclure que l'entreprise

28 criminelle commune, en tant que forme de responsabilité, est reconnue dans

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1 le droit international coutumier. Ce sont des limitations raisonnables et

2 elles ne compromettent pas l'objet et l'objectif du Tribunal ou de son

3 Statut, mais aussi empêchent la position de la responsabilité pénale d'un

4 accusé lorsque le lien entre lui et ceux qui ont commis les infractions

5 matériellement est difficile d'établir, et je pense que c'est quelque chose

6 qui est important pour nous tous.

7 Dans Limaj, la Chambre de première instance a adopté la même position

8 que la Chambre de première instance de Brdjanin. La Chambre de première

9 instance a rejeté l'entreprise criminelle commune en tant que forme

10 possible de responsabilité par manque d'élément de preuve; cependant, elle

11 a examiné l'affaire Kovocka et il a trouvé que lorsque la Chambre d'appel

12 s'est référée aux crimes commis par un ou plusieurs participant au dessin

13 commun, d'autres membres du groupe -- elle a fait savoir clairement que les

14 crimes commis par un ou plusieurs participants à une telle entreprise

15 peuvent donner lieur à une responsabilité des autres participants.

16 Ce que nous avons ici maintenant, c'est deux Chambres qui disent,

17 l'auteur physique doit être membre de l'entreprise criminelle commune et

18 deux autres Chambres, puisque Krajisnik et l'autre Chambre disent : "Non."

19 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je suis désolé, je vais devoir

20 vous interrompre.

21 M. KARNAVAS : [interprétation] Dix secondes, s'il vous plaît.

22 En fin de compte, les quatre Chambres reconnaissent pour ce qui est

23 de l'auteur matériel avant que leurs actes et leur comportement puissent

24 être attribués à l'accusé, il faut établir un lien direct et étroit entre

25 l'accusé et l'auteur matériel.

26 Je suis vraiment désolé d'avoir pris trop de temps, j'ai essayé

27 d'avancer rapidement et de présenter mes arguments de la meilleure façon.

28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous l'avez certainement fait. Je vais

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1 recueillir l'avis de mes collègues pour voir comment nous allons

2 poursuivre.

3 L'Accusation quand est-ce que vous souhaitez répondre aux arguments

4 présentés par Me Karnavas ? Je ne dis pas que vous devez commencer tout de

5 suite. Je vous demande quand ?

6 Mme BRADY : [interprétation] Je peux être tout à fait brève. J'allais

7 parler en réponse aux deux orateurs précédents.

8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous dites que vous allez être

9 plutôt brève.

10 Mme BRADY : [interprétation] Je ne pense pas qu'il nous faudra plus

11 de 30 minutes en tout. Je pense que nous en étions déjà à 45 minutes, mais

12 je pense il nous suffirait de 30 minutes.

13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous voulez répondre demain ?

14 Mme BRADY : [interprétation] Non, non. Nous préférons le faire au sujet.

15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous allons libérer les

16 interprètes pour une pause, et nous allons faire une pause de 20 minutes.

17 Nous reprendrons à peu près à 6 heures moins 20. Je pense que nous avons

18 besoin d'une pause minimum de 20 minutes, nous allons respecter cette

19 règle-là.

20 L'audience est interrompue.

21 --- L'audience est suspendue à 17 heures 22.

22 --- L'audience est reprise à 17 heures 40.

23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Brady, 30 minutes. Si vous

24 terminez avant, nous vous en serons très reconnaissants.

25 Mme BRADY : [interprétation] Je ferais de mon mieux. Merci.

26 Me Ackerman ainsi que Me Karnavas ont, dans une grande mesure, répété les

27 arguments qui figuraient dans leurs mémoires en réponse. Nous, nous avons

28 déjà répliqué de manière circonstanciée dans nos propres mémoires en

Page 115

1 réplique, je ne vais pas répéter ce qui a déjà été dit dans les mémoires en

2 réplique. Ce que préférerais faire c'est de me concentrer sur certain

3 nombre de points distincts qui ont été évoqués auxquels je pense nécessaire

4 de répondre.

5 La première question que je souhaite évoquer, c'est celle qui découle d'une

6 question posée par vous-même, Monsieur le Juge Meron, à Me Ackerman. Me

7 Ackerman avait affirmé que l'Accusation ne pouvait pas soulever son

8 deuxième moyen d'appel parce que lors du procès en première instance nous

9 avions reconnu que ce n'était pas une position tenable.

10 Nous reconnaissons certes que lors du procès en première instance on a

11 demandé à l'Accusation et elle a répondu -- l'Accusation -- réponse à une

12 question de la Chambre de première instance que les auteurs matériels des

13 crimes dont l'accusé était tenu responsable devait avoir conclu un accord

14 avec celui-ci. Cela c'était la question qui nous était posée en première

15 instance, c'était à quoi nous avons répondu de notre mémoire en clôture,

16 oui, oui, il est nécessaire de montrer qu'il y avait une entente ou un

17 arrangement qui constituait un accord ou qui revenait à un accord entre

18 deux -- au moins deux personnes pour commettre un crime. Cependant, nous

19 avons également ajouté quand deux personnes au moins participent à la

20 perpétration d'un crime cela traduit un accord ou une entente tacite qui

21 revient à un accord conclu entre ces personnes pour commettre le crime en

22 question.

23 Ensuite, dans notre réponse, nous avons ajouté, oui, dans le cadre de la

24 première catégorie d'entreprise criminelle commune, il est nécessaire de

25 montrer que les auteurs matériels et l'accusé partageait la même intention

26 délictueuse pour le crime concerné.

27 Nous ne revenons en rien sur cette position. Nous n'adoptions pas une

28 position différente que celle que nous avions en première instance. A aucun

Page 116

1 moment en première instance nous n'avons dit que cet arrangement ou cet

2 accord devait un accord direct. Nous ne l'avons jamais dit en première

3 instance. Nous n'avons jamais dit qu'il fallait qu'il y ait une sorte de

4 contrat formel, ou d'accord entre deux personnes. Nous avons simplement dit

5 qu'il fallait qu'il y ait un accord. L'essence de l'appel de l'Accusation

6 c'est que cet accord on peut l'établir une fois qu'on prouve qu'il y a un

7 plan ou un dessin commun et pour prouver qu'il y a un plan ou un dessin

8 commun il faut montrer que l'auteur matériel, et Brdjanin en l'espèce, les

9 membres de l'entreprise criminelle commune, que ces gens-là avaient un même

10 objectif criminel et qu'ils ont agi de concert pour le réaliser. Voilà

11 l'accord. Nous n'avons absolument pas modifié notre point de vue.

12 Nous estimons que s'agissant du deuxième moyen d'appel, oui, effectivement,

13 les auteurs matériels doivent être membres de l'entreprise criminelle

14 commune, pour ce moyen d'appel. Bien entendu, au titre du premier moyen

15 d'appel, nous disons que ces auteurs matériels ne doivent pas

16 systématiquement être membres de l'entreprise criminelle commune, mais le

17 moyen d'appel numéro 1. C'est un moyen d'appel que nous avons soulevé et

18 qui ne concernait pas l'accusé ici présent, mais parce que nous avons

19 estimé que c'était une erreur de droit qui avait été commise par la Chambre

20 de première instance et qui était très importante pour le Tribunal.

21 Deuxième point que je souhaiterais aborder c'est une question qui a été

22 soulevée aussi bien par Me Ackerman que par Me Karnavas. Dans leurs

23 interventions respectives, quand il dit -- bien ils ont dit, selon eux :

24 nous n'avons pas une position qui soit conforme au droit coutumier

25 international, que nous élargissons ces définitions, ce que nous lisons n'a

26 jamais été dit dans Tadic, et nous arguons de ce fait parce que cela nous

27 convient, et que nous essayons d'élargir, de repousser les limites de

28 l'entreprise criminelle commune. A un moment donné, je crois que Me

Page 117

1 Karnavas a dit que pour nous l'Accusation l'entreprise criminelle commune

2 n'avait aucune limite.

3 Ce n'est pas vrai, ce n'est pas du tout la position adoptée par

4 l'Accusation. Nous n'essayons nullement de mettre en place un nouveau

5 concept de l'entreprise criminelle commune. Notre position c'est qu'il

6 s'agit du concept de l'entreprise criminelle commune tel qu'il a été défini

7 dans Tadic, sauf que dans Tadic les faits étaient tels qu'il n'était pas

8 nécessaire d'aller au-delà de la situation où les auteurs matériels font

9 partie de l'entreprise criminelle commune.

10 Mais cela ne signifie pas pour autant que la décision Tadic se limite

11 à ce type de situation qui était celle de l'affaire Tadic. Nous

12 reconnaissons que les affaires découlant de la Deuxième Guerre mondiale ont

13 exigé parfois que les auteurs soient membres de l'entreprise criminelle

14 commune. Mais ce n'était pas tous les cas.

15 En tout cas, je souhaiterais vous renvoyer aussi à nos mémoires parce

16 que nous y avons abordé cette question de manière très détaillée, si bien

17 que l'arrêt Tadic ne fixe pas le limites qui nous ont été, qui ont été

18 présentées par Me Ackerman et par Me Karnavas. Si on regarde la

19 jurisprudence la plus récente, on va voir clairement qu'il n'y a pas de

20 limite de la sorte. Les limites qui sont présentées par Me Karnavas ou Me

21 Ackerman, ces limites ne sont pas prévues par l'arrêt Tadic.

22 Me Karnavas, aussi bien que Me Ackerman, ont déclaré que notre

23 position à nous au sujet de l'entreprise criminelle commune était beaucoup

24 trop large, que selon nous, il n'y avait pas de limites à l'application de

25 sa théorie et que cela enfreignait le principe de la culpabilité. Je

26 réponds que les limités fixées par la Chambre de première instance, ce sont

27 des limites qui étaient tout à fait justes, justement pour qu'il n'y ait

28 pas abus, qu'il n'a pas pris contre [imperceptible]large.

Page 118

1 Notre position n'a pas pour conséquence d'élargir la portée de

2 l'entreprise criminelle commune, cela ne change en rien ce qui est prévu

3 par le droit coutumier international et cela ne va pas à l'encontre de tout

4 ce qui a trait à la culpabilité, à ses principes. S'il y a bonne

5 application du principe, que ce soit pour des crimes de grande envergure ou

6 de moins grande envergure. La doctrine de l'entreprise criminelle commune

7 au terme du droit coutumier international n'est pas exagérément élargie si

8 on l'applique correctement. En fait, cette doctrine fait en sorte qu'un

9 accusé n'est dit responsable au titre de l'entreprise criminelle commune

10 que s'il est vraiment coupable. Pourquoi ? Parce que les éléments

11 constitutifs de l'entreprise criminelle commune fournissent des gardes fous

12 qui empêchent d'étendre les limites comme souhaitaient vous le faire croire

13 les avocats de la Défense qui disent que nous souhaitons étendre les

14 limites de manière infinie.

15 Premièrement, il y a l'obligation de prouver l'intention. C'est un

16 garde fou très, très important pour vérifier la bonne application de la

17 théorie de l'entreprise criminelle commune. Pour l'entreprise criminelle

18 commune de catégorie un, tous les membres de l'entreprise criminelle

19 commune y compris l'accusé, doivent être animés de l'intention criminelle

20 qui est l'objectif de l'entreprise criminelle commune. Cela va au-delà de

21 l'exigence de connaissance qu'on a vu dans les affaires de la Deuxième

22 Guerre mondiale. L'exigence est plus importante.

23 Pour que la catégorie 3 de l'entreprise criminelle s'applique, il

24 faut que l'accusé soit en mesure, et le [imperceptible] soit en mesure de

25 prévoir que d'autres crimes vont avoir lieu dans le cadre de la réalisation

26 du dessin commun.

27 Donc, cela c'est un garde fou très important, une limite qui est

28 fixée à l'application de cette théorie.

Page 119

1 Deuxièmement, il y a l'exigence d'établir la contribution.

2 Maître, Ackerman peut-être que je ne cite pas exactement ses propos,

3 mais il me semble qu'en l'essence il a dit : "Oui," pour l'Accusation tout

4 ce qu'ils ont l'impression de devoir prouver, c'est qu'il existe une

5 entreprise criminelle commune, que l'accusé s'y est joint et puis, voilà,

6 miracle, abracadabra, il est responsable. Mais non, pas du tout, ce n'est

7 pas du tout le cas. Tous les membres de l'entreprise criminelle commune y

8 compris l'accusé doivent contribuer à la perpétration des crimes qui sont

9 visés dans -- qui sont visés par l'entreprise criminelle commune dans cette

10 objectif.

11 S'agissant de cette contribution qui doit être établie, de cette

12 exigence, nous avançons l'argument suivant : pourquoi est-ce qu'il y aurait

13 une différence si l'un des accusés, membre de l'entreprise criminelle

14 commune, a apporté sa contribution directement à cet entreprise ? Donc,

15 cela c'est un cas de figure et puis, de l'autre côté, vous avez un autre

16 membre de l'entreprise criminelle commune qui contribue à cette entreprise

17 de manière indirecte. Pourquoi est-ce qu'on devrait les traiter

18 différemment ? Pourquoi est-ce qu'ils seraient différemment coupables ? En

19 d'autres termes, on peut dire que, dans les deux cas, c'est -- si un acte

20 est commis pour un membre de l'entreprise criminelle commune, ce même acte

21 peut être attribué à tous les membres de l'entreprise.

22 Autre limite, autre garde fou pour empêcher que cette théorie ne

23 puisse s'appliquer de manière trop vaste parce que ce n'est pas du tout le

24 cas. L'autre limite, la troisième limite elle découle du plan criminel

25 commun en tant que tel. Ceci vous le retrouverez dans notre deuxième moyen

26 d'appel. Il est nécessaire d'établir que les membres de l'entreprise

27 criminelle commune partageaient un plan commun et on agi dans ce sens.

28 Il n'y a là rien d'injuste, rien d'exagérément large, si l'on déclare

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1 un accusé coupable parce que de concert il a agi avec l'autre pour que --

2 avec d'autres pour qu'ensemble, ils atteignent un objectif commun. Cela

3 c'est le cas que les personnes avec qui il a agi, agissent indirectement ou

4 directement.

5 Pour présenter les choses extrêmement simplement parce que Me

6 Ackerman nous a donné l'exemple du maire de Banja Luka. Une petite

7 précision à ce sujet, il ne s'agit pas d'une affaire où il faut prouver que

8 l'accusé devait savoir. Ici on peut prouver, on peut prouver c'est un fait

9 les auteurs matériels avec connaissance. Ils partageaient le même plan.

10 Mais pour présenter notre position de matière schématique, lorsque

11 les auteurs matériels sont membres de l'entreprise criminelle commune, il

12 n'y a pas d'illusion du principe de la culpabilité ou élargissement de

13 cette responsabilité si l'on dit que l'accusé est responsable des actes de

14 ceux à qu'il s'est joint pour mettre en œuvre les objectifs criminels.

15 Pour répondre à Me Karnavas, lorsque les auteurs matériels ne sont

16 pas membres de l'entreprise criminelle commune il n'y a pas là

17 d'élargissement du principe d'atteinte portée au principe de culpabilité.

18 Pourquoi est-ce qu'un accusé ne serait pas tenu responsable des actes

19 d'autres, des actes de tiers lorsque ces tiers commettent ces actes en

20 étant des outils, des outils de ceux avec qui l'accusé a convenu d'agir de

21 concert pour qu'ensemble ils atteignent leur objectif criminel.

22 J'aimerais répondre maintenant à l'argument présenté par

23 Me Ackerman. Là où il a beaucoup insisté sur le fait que des auteurs

24 matériels ne relevaient pas de sa structure, il l'a dit plusieurs fois. En

25 fait, la RAK, avait-il dit, n'avait pas d'autorité sur les auteurs

26 matériels pertinents, qu'il n'y avait pas de rapport de subordination.

27 C'est vrai, c'est vrai. Ces conclusions sont celles de la Chambre de

28 première instance, c'est auteurs n'étaient pas strictement strictes dans sa

Page 121

1 voie hiérarchie, dans sa chaîne de commandement, mais la Chambre de

2 première instance qu'a-t-elle conclu ? Comment dire ? Je cherche les mots

3 précis. Qu'il exerçait une grande influence sur l'armée et sur les forces

4 paramilitaires. Paragraphes 224 et 229 du jugement.

5 L'effet qu'à l'argument de Me Ackerman, c'est qu'au fond, puisque ces

6 paramilitaires, ces militaires ne relevaient pas de [imperceptible].

7 Pourquoi pourrait-on invoquer leur responsabilité pénale de M. Brdjanin au

8 titre du 7(1) pour l'entreprise criminelle commune. Donc, dans le fond, là,

9 il confond et il mélange deux types de responsabilité, celui visé par le 7

10 (1) et celui visé par le

11 7(3).

12 Ce faisant, il reconnaît que ces deux formes de responsabilité

13 incriminent deux modes de comportements criminels différents, c'est pour

14 cela qu'ils sont spécifiés par des éléments constitutifs différents. Quand

15 on voit le manquement du supérieur hiérarchique pour l'obligation de

16 sanctionner des crimes commis par des subordonnés, lorsqu'ils savaient --

17 ou avaient des raisons de savoir que tel ou tel crime avait été commis.

18 Donc, il y a sanction pour commission d'un acte lorsqu'il y a l'obligation

19 de commettre. C'est à ce moment-là qu'il faut prouver qu'il y a

20 effectivement rapport de subordination. Donc, si on invoquait le 7(3), ici

21 les arguments de Me Ackerman seraient fondés.

22 Mais, ici, nous invoquons la responsabilité visée par l'article 7(1)

23 et nous le savons. Là, il ne faut pas nécessairement que les membres de

24 l'entreprise criminelle commune se trouvent dans une structure organisée.

25 Du moment qu'on peut prouver que ces personnes partageaint un projet, un

26 dessin criminel commun, c'était, entre guillemets, l'accord qu'ils ont

27 entre eux, et qu'aussi, ils auraient agi de concert pour mettre cette

28 intention en exécution.

Page 122

1 Donc, le mode de responsabilité du 7(3) n'est pas pareil que pour le

2 7(1) parce que le 7(3) sanctionne des visées allant vers un objectif

3 criminel convenu par l'accusé avec d'autres. Parfois, le comportement de

4 l'accusé peut répandre deux formes de responsabilité, parfois, il faut

5 faire un choix entre les deux, mais ce n'est pas toujours le cas, et ce

6 n'est pas nécessairement parce qu'il y avait déjà ce lien de subordination

7 qui avait été ouvert et qu'on ne peut pas appliquer dès lors le 7(3). Cela

8 ne veut pas dire qu'on ne peut pas appliquer, au contraire d'ailleurs,

9 l'article 7(1) pour ce qui est de la responsabilité de l'entreprise

10 criminelle commune en l'espèce, parce qu'au contraire, il voulait dire

11 qu'il ne pouvait pas y avoir d'incidence sur Brdjanin, parce que celui-ci

12 n'avait pas ce rapport de subordination. Je vous rappelle, une fois de

13 plus, que la conclusion de la Chambre de première instance, c'est qu'il

14 avait une grande influence et qu'il n'aurait pu -- ceci aurait pu avoir une

15 incidence sur les événements, puisqu'il était quand même le principal

16 acteur et c'était là la mesure de son autorité et de l'incidence, de

17 l'impact qu'il aurait pu avoir sur les événements.

18 Je voulais en quelques mots revenir à ce que disait Me Ackerman lorsqu'il

19 reprenait des conclusions citées à l'article 351 du jugement, lorsqu'il

20 disait qu'on ne pouvait pas appliquer la thèse de l'entreprise criminelle

21 commune à ces faits.

22 A notre avis, la Chambre a eu tort ou a été raisonnable en tirant certaines

23 conclusions ou des déductions qui l'ont poussée à croire qu'on ne pouvait

24 pas conclure à l'existence d'une entreprise criminelle commune parce que

25 là, on a retenu une démarche trop étriquée parce qu'elle a uniquement

26 retenu la possibilité des conclusions sur deux hypothèse très étriquées.

27 Pourquoi était-ce déraisonnable ? Parce qu'on appliquait cette idée du

28 dessein commun au fait déjà constaté par la Chambre.

Page 123

1 Permettez-moi, rapidement de passer en revue ces deux déductions, ces

2 deux hypothèses sur lesquelles s'est prononcée la Chambre, ce qui l'a

3 poussé à dire qu'il ne peut pas y avoir de responsabilité en matière

4 d'entreprise criminelle commune.

5 Tout d'abord, la Chambre a permis cette possibilité que les

6 participants avaient le même objectif criminel, mais qu'ils auraient agi,

7 quelque part, indépendamment les uns des autres. Un plan criminel, un

8 objectif criminel commun, une de ses caractéristiques, ce n'est pas

9 simplement qu'on adopte le même projet, le même plan, mais qu'on acte --

10 qu'on agisse de concert, ensemble. La Chambre de première instance avait

11 déjà, dans tout le jugement, d'ailleurs et surtout dans le chapitre 4 du

12 jugement, mais c'est vrai pour la totalité du jugement, avait déjà conclu

13 que Brdjanin et les auteurs matériels partageaient ce même objectif

14 criminel, l'expulsion, le transfert forcé des Musulmans et des Croates de

15 la région en ayant recours à la force ou à le terreur, ou à la peur, et de

16 prendre des mesures pour l'exécuter. Donc, il y avait déjà une conclusion

17 disant qu'il y avait cette action de concert. La Chambre avait déjà conclu

18 qu'il y avait un accord.

19 En fait, la Chambre de première instance, dans son paragraphe 119,

20 que disait-elle ? Que conclut-elle ? C'est que, ce qu'elle appelle

21 l'incident ou l'incidence ou l'effet sur les groupes dits non contrôlés

22 était marginale et qu'il était impossible d'avoir une politique

23 systématique d'une telle envergure s'il y avait eu que des actions

24 spontanées de groupes périphériques marginaux.

25 Donc par conséquent, cette déduction n'était pas logique, vu les

26 constatations même auxquelles la Chambre avait abouti.

27 La deuxième déduction de la Chambre, qui à notre avis est erronée,

28 c'est que les membres présumés de l'entreprise criminelle commune auraient

Page 124

1 simplement réagi ou obéi à des ordres donnés par des supérieurs militaires,

2 par exemple. Je pense que c'est pour cela que Me Ackerman a mentionné tous

3 ces paragraphes où on parlait de militaires qui visaient à tel ou tel

4 comportement. Cela peut se passer sans qu'il y ait un accord avec le plan

5 criminel commun.

6 Mais en théorie, c'est vrai, c'est faisable. Cela peut se passer.

7 Cela pourrait se passer que des gens obéissent à des ordres sans être

8 d'accord entre eux. C'est pour cela que notre premier moyen est important,

9 parce que ce genre de cas de figures est tout à fait pensable. Mais ce

10 n'est pas pensable ici, vu les faits de l'espèce. En effet, une fois de

11 plus ici, on applique bien la thèse du projet ou du dessein criminel

12 commun, là, on répond à cette préoccupation, tant qu'il est établi que ces

13 personnes avaient le même projet commun, agissaient de concert. Or, c'est

14 la Chambre qui l'a constaté elle-même. Le fait d'agir à des ordres ne sera

15 pas en contradiction avec le fait d'agir pour réaliser un projet commun.

16 Effectivement, si quelqu'un avait partagé, avait adopté ce plan

17 criminel commun à une échelle aussi grande, cette personne aurait su que

18 pour l'exécuter, il fallait vraiment un degré de coopération telle que la

19 seule façon d'y parvenir, c'était en donnant des ordres et en les faisant

20 exécuter.

21 En un mot commençant, à la lumière des conclusions tirées par la

22 Chambre, à savoir que les auteurs matériels se trouvaient dans le cadre de

23 cet accord, qu'ils partageaient le même projet, le même dessein, qu'ils

24 agissaient de concert, ceci apparaît à l'examen des crimes; à ce moment-là,

25 ceci permet l'application de l'entreprise criminelle commune.

26 Donc, les faits mêmes invoqués par Me Ackerman n'étaient pas

27 raisonnables quand on voit les conclusions tirées par la Chambre de

28 première instance elle-même.

Page 125

1 J'aimerais en dernier lieu aborder la question de l'effet, l'impact

2 ou incidence dont a parlé Me Ackerman. Il a d'abord fait valoir que -- il a

3 demandé si les membres de l'entreprise criminelle commune avaient commis

4 des crimes. Mais réponse, oui. Les forces militaires, les forces

5 paramilitaires ont commis ces crimes et les membres de l'entreprise

6 criminelle commune, n'ont pas parce qu'ils sont allés serrer la main à M.

7 Brdjanin, mais parce qu'ils étaient d'accord avec lui, dans la mesure où

8 ils ont épousé ses idées, son plan et qu'ils ont travaillé avec lui pour le

9 mettre à exécution. Ceci ne se base pas simplement sur les éléments de

10 preuve, mais bien sur les conclusions, les constatations factuelles de la

11 Chambre de première instance.

12 Me Ackerman a contesté beaucoup de choses qui sont en fait des faits,

13 des faits repris dans le jugement, les constatations des Juges de première

14 instance. Evidemment, ici je vous présente l'appel de l'Accusation et nous

15 partons du jugement, des constatations faites par les Juges de la Chambre

16 de première instance. Alors, si

17 Me Ackerman dit que ces constatations sont déraisonnables, nous avons

18 répondu à ce qu'il a dit par écrit et demain, sans doute, pourrons-nous

19 revenir sur certains de ces éléments, dans la mesure où cela n'a pas encore

20 été fait par écrit.

21 L'incandescence de ses arguments, c'est que l'Accusation n'a pas

22 prouvé qu'il y avait un accord, une entente entre les membres de

23 l'entreprise criminelle commune en vue de commettre un crime, que nous

24 n'aurions pas montré qu'il y avait des membres et qui n'étaient pas

25 d'accord. Rappelez-vous nos écritures du 13 novembre. Nous vous avons

26 présenté de façon très circonstancielle notre position, accompagnée

27 d'annexes qui vous montre de façon très précises quels furent les crimes

28 des militaires, des paramilitaires, bon des membres de l'entreprise

Page 126

1 criminelle commune, crimes commis dans le cadre de l'exécution de cet

2 objectif criminel commun.

3 Je ne vais pas y revenir de façon détaillée, mais au fond, les

4 constatations faites par la Chambre même le disent clairement. Brdjanin et

5 les auteurs matériels ont adopté le même plan, qui était d'expulser ou de

6 transférer par la force les non-Serbes de la région.

7 Me Ackerman n'a de cesse de souligner que ces gens n'étaient pas

8 d'accord. Ils n'étaient pas d'accord. Il n'y avait pas d'accord. Mais

9 qu'est-ce que c'est qu'un accord ? Cela veut dire qu'on partage un plan

10 criminel commun et qu'on est ensemble. Que peut-on tirer comme conclusion

11 si ce n'est les constatations de la Chambre, à savoir qu'ils étaient en

12 accord. Il est clair qu'ils ont agi de concert pour permettre la

13 réalisation de cette entreprise criminelle commune. Ils l'ont fait

14 ensemble. On ne laisse pas entendre qu'il y aurait eu des groupes

15 indépendants.

16 Par conséquent, effectivement, il y a des membres de l'entreprise

17 criminelle commune qui ont commis des crimes. Ils ont partagé -- adopté le

18 même projet criminel commun et ils ont travaillé main dans la main pour

19 l'exécuter. Ce plan était tellement vaste, tellement complet qu'il n'aurait

20 pas pu être organisé ou réaliser autrement que par la coopération

21 coordonnée d'un grand nombre d'individus et entités.

22 Je voudrais rapidement réagir à deux points évoqués par

23 Me Ackerman sur l'incidence ou les faits. Il invoque le paragraphe le

24 paragraphe 159 du jugement pour dire que la constatation, la conclusion

25 c'est que les crimes ont été surtout "mostly" en anglais, surtout commis en

26 vue d'exécuter ou la plupart du temps commis pour exécuter ce plan

27 stratégique. Cela veut dire que cela n'est pas toujours. Puis il dit qu'il

28 faudrait prouver chacune des affirmations. C'est ce que nous avons fait par

Page 127

1 écrit dans nos écritures.

2 Quand on voit l'ampleur de cette opération, il se pourrait bien qu'il y

3 aurait un nombre minimal de personnes qui pour une raison ou une autre ne

4 partagent peut-être pas ce plan. Peut-être qu'ils pensent à autre chose et

5 qu'ils sont là un peu de façon opportuniste par hasard. C'est à ce la que

6 pensait la Chambre de première instance. Pourquoi affirmons-nous cela ?

7 C'est parce que toutes les autres conclusions et constatations de la

8 Chambre ne précisent pas la chose en ces termes, ne font pas ce genre de

9 qualification. C'est seulement aux paragraphes 350, 351, au paragraphe 159,

10 que nous citions dans nos écritures, que la Chambre le dit, il faut lire

11 ceci en conjonction avec le paragraphe 119 où la Chambre conclut qu'en fait

12 l'effet de l'action aléatoire de certains groupes était tout à fait

13 périphérique, marginal.

14 Ici, nous parlons de la majorité des infractions, et pour ce qui est de la

15 plupart des infractions reprises dans nos annexes. C'est pour celles-là

16 qu'il y a eu participation des membres de l'entreprise criminelle commune

17 et que c'est en cette qualité que ces crimes ont été commis.

18 Dernier point, est-ce que les auteurs matériels savaient ou non que

19 Brdjanin était là ? On a dit qu'un de nos témoins, le Témoin BT19, avait

20 déclaré qu'il n'avait jamais entendu parler de Brdjanin. Je n'ai pas tout à

21 fait saisi la référence précise au compte rendu d'audience, ce qui fait que

22 nous n'avons pas pu retrouver ce passage précis, mais ce n'est pas

23 tellement important. Ce qui compte n'est pas de savoir si ces gens

24 connaissaient nécessairement M. Brdjanin par son nom, même si les

25 conclusions le montrent la campagne de propagande qui a été menée était

26 telle. Ces conclusions se retrouvent partout dans le jugement, que la

27 campagne de propagande était une des façons majeures et essentielles de

28 mettre en œuvre ce plan, et les conclusions parlent d'elles même, tout le

Page 128

1 monde savait ce qui se passait.

2 Que tel ou tel individu ne connaisse pas le nom de M. Brdjanin, ce n'est

3 pas important que cela. Ce qui est important c'est que la seule conclusion

4 raisonnable c'est que M. Brdjanin savait que les objectifs du plan

5 stratégique ne pouvaient pas être réalisés sans les auteurs matériels, et

6 il a travaillé avec eux. Les auteurs matériels quant à eux, ils avaient

7 besoin d'un dirigeant, il avait besoin de la propagande, de l'appui qui

8 était apporté par les dirigeants. Qui se trouvait parmi les dirigeants ?

9 Qui était le numéro un ? C'était le président de l'autorité civile. C'était

10 M. Brdjanin.

11 J'ai tenté d'être aussi brève que possible et de reprendre tous les points

12 que je devais évoquer. Me Ackerman a parlé aussi de la responsabilité par

13 omission. Mme Goy va vous en parler demain. Elle va vous donner notre point

14 de vue sur la question. Merci.

15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Madame Brady, de votre

16 intervention.

17 Nous allons maintenant suspendre l'audience et nous reprendrons demain

18 matin à 9 heures et à ce moment-là nous entendrons les arguments de Me

19 Ackerman pour la Défense.

20 Je souhaiterais remercier les parties, mes collègues, et je vous

21 souhaite une bonne soirée.

22 --- L'audience est levée à 18 heures 14 et reprendra le vendredi 8

23 décembre 2006, à 9 heures 00.

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