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1 Le jeudi 7 décembre 2006
2 [Procès d'appel]
3 [Audience publique]
4 [L'appelant est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur le greffier, veuillez, je vous
7 prie, donner le numéro de l'affaire inscrite au rôle de la Chambre d'appel.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Affaire IT-99-36-A, le Procureur
9 contre Radoslav Brdjanin.
10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je souhaiterais m'assurer que les
11 interprètes sont bien là et qu'ils peuvent m'entendre. Oui. Tout va bien de
12 ce côté-là.
13 L'INTERPRÈTE : Oui, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Brdjanin, je constate que vous
15 êtes dans le prétoire. Monsieur Brdjanin, est-ce que vous m'entendez dans
16 une langue que vous comprenez ?
17 L'APPELANT : [interprétation] Bonjour.
18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, vous recevez la traduction,
19 Monsieur ?
20 L'APPELANT : [interprétation] Oui, bonjour à tous. J'entends
21 l'interprétation et je peux suivre dans une langue que je comprends.
22 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Brdjanin, vous pouvez
23 prendre place.
24 Je vais demander aux parties de se présenter, en commençant par
25 l'Accusation.
26 Mme BRADY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
27 Juges. Helen Brady, je représente le bureau du Procureur avec, aujourd'hui,
28 M. Peter Kramer, Mme Katharina Margetts, Mme Barbara Goy et Lourdes
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1 Galicia, notre assistante.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Madame Brady.
3 Pour la Défense.
4 M. ACKERMAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
5 Messieurs les Juges. John Ackerman. J'interviens dans l'intérêt de M.
6 Brdjanin. Je suis accompagné aujourd'hui de
7 Me Veselinovic, qui me sert d'interprète.
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Maître Ackerman. Par ordonnance
9 du 7 novembre 2005, il a été autorisé à l'association des conseils de la
10 Défense de prendre la parole devant la Chambre d'appel en tant qu'amicus
11 curiae au cours de la présente audience. Je constate que le représentant de
12 cette association est parmi nous aujourd'hui. Veuillez, je vous prie, vous
13 présenter pour le compte rendu d'audience et afin que nous sachions qui
14 vous êtes.
15 M. KARNAVAS : [interprétation] Oui, bonjour, Monsieur le Président. Je
16 m'appelle Michael Karnavas.
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Maître Karnavas. Vous pouvez
18 vous rasseoir.
19 Je vais maintenant vous expliquer comment nous allons procéder au cours de
20 la présente audience. Nous sommes réunis à l'occasion de l'audience en
21 appel consacrée à l'affaire Radoslav Brdjanin. Le jugement de première
22 instance a été délivré le 1er septembre 2004 par la Chambre de première
23 instance numéro II, qui était composée des Juges Agius, Janu et Taya.
24 La Chambre de première instance a déclaré Brdjanin coupable en vertu de
25 l'article 7(1) du Statut des infractions suivantes : persécutions, chef 3,
26 qui comprend les faits de torture en tant que crime contre l'humanité, chef
27 6; expulsions en tant que crime contre l'humanité, chef 8 et l'acte
28 inhumain constitué par le transfert forcé, un crime contre l'humanité, chef
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1 9. La Chambre de première instance a également déclaré Radoslav Brdjanin
2 coupable d'homicide intentionnel, chef 5; torture, chef 7; destruction sans
3 motif d'agglomérations, de villes et de villages ou dévastation non
4 justifiée par les exigences militaires, chef 11; et destruction ou
5 endommagement délibéré d'institutions consacrées à la religion, chef 12.
6 La Chambre de première instance a déclaré l'accusé Brdjanin non coupable
7 des crimes de génocide, chef 1; complicité de génocide, chef 2;
8 extermination en tant que crime contre l'humanité, chef 4; et destruction
9 et appropriation de biens sur une grande échelle et de façon illicite et
10 arbitraire, non justifiée par les exigences militaires, chef 10.
11 La Chambre de première instance a prononcé une peine de 32 ans
12 d'emprisonnement à l'encontre de Radoslav Brdjanin.
13 Je vais maintenant parler des moyens d'appel.
14 L'Accusation et la Défense ont interjeté appel du jugement de la Chambre de
15 première instance. Je vais maintenant résumer brièvement les moyens d'appel
16 invoqués par les parties, commençant par ceux de l'appelant puis par ceux
17 de -- Brdjanin, puis ceux de l'Accusation.
18 Radoslav Brdjanin conteste nombre des conclusions juridiques et factuelles
19 de la Chambre de première instance. Il dit qu'il devrait être acquitté de
20 tous les chefs qui lui étaient reprochés. Il conteste trois domaines
21 principaux du jugement.
22 En premier lieu, certaines -- de certains de ces moyens d'appel ont trait
23 au rôle de la cellule de Crise de la RAK pendant la période concernée.
24 Deuxièmement, d'autres moyens d'appel ont trait au pouvoir et au rôle de
25 Radoslav Brdjanin au sein de la RAK, à ses relations avec Radovan Karadzic
26 ainsi qu'à son rôle dans la réalisation du plan stratégique. Ce plan
27 stratégique, selon la Chambre de première instance, consistait à faire le
28 lien entre les zones peuplées par les Serbes en Bosnie-Herzégovine afin de
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1 s'emparer de ces zones et de créer un Etat serbe de Bosnie séparé, dont la
2 plupart des non-Serbes seraient expulsés de manière permanente.
3 En troisième lieu, Brdjanin conteste un certain nombre de conclusions
4 relatives à sa responsabilité individuelle pénale pour les crimes qui ont
5 eu lieu pendant la réalisation du plan stratégique et à la suite de cette
6 réalisation. L'Accusation soulève quatre moyens d'appel.
7 En premier lieu, l'Accusation fait valoir que la Chambre de première
8 instance a commis une erreur en considérant que l'entreprise criminelle
9 commune n'était pas une forme de responsabilité acceptable en l'espèce et
10 quand elle a jugé que l'auteur matériel d'un crime doit être un membre de
11 l'entreprise criminelle commune concernée. L'Accusation fait également
12 valoir que la première catégorie d'entreprise criminelle commune, pour être
13 établie, ne nécessite pas qu'il y ait entente ou accord entre l'accusé et
14 l'auteur matériel du crime, contrairement à ce qui a été déclaré par la
15 Chambre de première instance.
16 L'Accusation, d'autre part, conteste les conclusions de la Chambre de
17 première instance selon lesquelles Radoslav Brdjanin ne peut être considéré
18 comme responsable des meurtres qui ont eu lieu dans les lieux de détention
19 et que Brdjanin n'est pas responsable du crime d'extermination. De manière
20 générale, l'Accusation demande un alourdissement de la peine de Radislav
21 Brdjanin pour rendre compte de la totalité de son comportement criminel.
22 Je vais maintenant dire quelques mots au sujet du critère d'examen en
23 appel.
24 Avant d'entendre les arguments des parties, je voudrais vous rappeler quels
25 sont les critères applicables aux erreurs de fait et aux erreurs de droit
26 qui sont invoqués au stade de l'appel. L'appel n'est pas un nouveau procès
27 et les appelants ne doivent pas se contenter de répéter les arguments
28 qu'ils ont déjà présentés au cours de procès de première instance. Mais en
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1 vertu de l'article 25 du Statut du Tribunal, les appelants doivent limiter
2 leurs arguments aux erreurs de loi -- de droit invoqué, dont ils affirment
3 qu'elles invalident la décision, ou aux erreurs de fait dont ils affirment
4 qu'elle pourrait entraîner un déni de justice.
5 De plus, la Chambre d'appel rappelle que les appelants ont l'obligation de
6 fournir des références précises s'agissant des pièces qui étaient leurs
7 arguments au stade de l'appel. De plus, étant donné que depuis deux ans, de
8 volumineuses écritures ont été déposées auprès de la Chambre d'appel, la
9 Chambre d'appel invite les parties à ne traiter que des questions qui,
10 selon elles, n'ont pas encore été suffisamment développées.
11 Dans les ordonnances du 3 octobre, du 27 octobre et du 3 novembre 2006,
12 nous avons fixé le programme de la présente audience.
13 Comme je l'ai dit précédemment, l'association des conseils de la Défense
14 s'est vue donner la possibilité de présenter oralement ces arguments en
15 tant qu'amicus curiae sur la question de l'entreprise criminelle commune et
16 son représentant a informé la Chambre d'appel qu'il souhaitait intervenir
17 un peu plus tard aujourd'hui pendant une 15 minutes sur cette question.
18 Je voudrais d'autre part évoquer cinq questions préliminaires
19 supplémentaires.
20 Dans son ordonnance du 3 novembre 2006, la Chambre d'appel a posé un
21 certain nombre de questions aux parties, des questions au sujet desquelles
22 elle demandait des précisions au cours de l'audience. La première question
23 posée à la Défense, avait trait à la requête aux fins de supprimer ou de ne
24 pas tenir compte du corrigendum du jugement, cette première question ne
25 nécessite pas de réponse étant donné les écritures du 27 novembre 2006 de
26 la Défense par lesquelles la Défense avait retiré ladite requête.
27 La deuxième question posée par la Chambre d'appel a trait au retrait des
28 erreurs de faits invoqués par Brdjanin. Les Juges ont reçu une copie de la
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1 correspondance entre les parties à ce sujet. Les Juges de la Chambre sont
2 en mesure de suivre une argumentation à ce sujet de manière plus précise.
3 Troisièmement, le 13 novembre 2006 l'Accusation a déposé une réponse à
4 l'ordonnance de la Chambre d'appel du 27 octobre au sujet des conclusions
5 de la Chambre de première instance qui justifie une déclaration de
6 culpabilité au titre de l'entreprise criminelle commune. Si bien que la
7 Chambre d'appel souhaiterait recevoir une réponse brève à cette question,
8 brève, mais seulement s'il est nécessaire d'ajouter quoi que ce soit aux
9 écritures qui avaient été déposées en vertu de l'ordonnance du 27 octobre
10 2006. Radoslav Brdjanin a décidé de ne pas répliquer sur ce point par
11 écrit, et on peut s'attendre qu'il évoque cette question oralement au cours
12 de l'audience.
13 Quatrièmement, je souhaite vous rappeler que lors de la Conférence de mise
14 en état du 18 octobre 2006, aussi bien l'Accusation que la Défense ont
15 indiqué que les arguments présentés oralement en l'espèce ne seraient pas
16 très longs. La Chambre d'appel a pris des dispositions extrêmement souples
17 pour cette audience. Cependant comme d'ordinaire, nous encourageons les
18 parties de faire usage du temps qu'il leur est imparti de manière efficace.
19 Si les parties estiment avoir besoin de moins de temps que ce qui a été
20 prévu, nous les encourageons à nous le faire savoir.
21 En dernier lieu la Chambre d'appel note avec regret que la réponse de
22 l'Accusation aux questions posées par la Chambre d'appel au sujet de
23 l'entreprise criminelle commune est déposée le 13 novembre 2006 était
24 beaucoup plus longue que cela n'avait été ordonné par la Chambre d'appel.
25 Alors que la Chambre d'appel avait ordonné à l'Accusation de déposer des
26 écritures qui ne compteraient pas plus de dix pages, l'Accusation a déposé
27 des écritures qui comptaient 14 pages. Dans ces écritures se trouvaient une
28 demande d'autorisation de dépasser le nombre de pages autorisées dans
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1 l'ordonnance.
2 La Chambre d'appel souhaite rappeler qu'en vertu de la directive pratique
3 relative à la longueur des mémoires et des requêtes, je cite : "Toute
4 partie doit demander à l'avance l'autorisation de la Chambre lorsqu'elle
5 souhaite dépasser les limites prévues dans la présente directive pratique
6 et doit fournir des explications quant aux circonstances exceptionnelles
7 qui justifient le dépassement des limites."
8 Alors que la limite avait été fixée par l'ordonnance de la Chambre d'appel
9 en l'espèce, nous estimons que ce principe s'applique aussi dans notre cas
10 mutatis mutandis. La Chambre d'appel estime que l'Accusation n'a pas agi
11 comme il se doit en demandant un dépassement de la limite au moment même où
12 elle déposait sa réponse.
13 Cependant, pour éviter tout débat inutile, et étant donné que le
14 dépassement de la limite autorisée était dû en partie à des citations assez
15 longues du jugement de première instance, la Chambre d'appel a décidé de ne
16 pas rejeter ces écritures. Nous faisons donc droit à la requête de
17 l'Accusation aux fins de dépasser la limite prévue dans l'ordonnance.
18 Cependant je souhaiterais profiter de l'occasion qui m'est donnée pour
19 mettre en garde l'Accusation et lui dire qu'il ne faudrait pas considérer
20 que notre décision aujourd'hui signifie qu'une telle demande serait
21 systématiquement accordée à l'avenir.
22 Nous allons maintenant passer aux arguments qui vont être développés
23 oralement par les parties. Nous allons procéder conformément à l'ordonnance
24 portant calendrier relative à la préparation de l'audience en appel du 3
25 novembre. Je ne vais pas répéter ce qui figure dans cette ordonnance
26 portant calendrier.
27 Il serait fort utile pour la Chambre d'appel que les parties présentent
28 leurs arguments de manière concise et précise et dans des délais impartis
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1 ou en moins de temps. Bien entendu, comme d'ordinaire, les Juges auront
2 tout loisir d'interrompre les parties pour leur poser des questions. Il est
3 possible que les Juges posent également des questions après les
4 interventions des parties si les Juges l'estiment utile. Je souhaiterais
5 ajouter que la Chambre d'appel souhaite que les parties évoquent les
6 questions qui leur ont été posées dans l'ordonnance portant calendrier du 3
7 novembre dans le temps qui leur a été imparti pour présenter leurs
8 arguments.
9 Nous allons commencer par entendre les arguments de l'Accusation,
10 l'Accusation à qui a été accordé un maximum de 75 minutes.
11 Je vais maintenant évoquer très brièvement la question du conseil de la
12 Défense de M. Brdjanin.
13 Monsieur Brdjanin, en tant que Président de la Chambre d'appel en l'espèce,
14 j'ai reçu des exemplaires de la correspondance qui a été échangée entre
15 vous et le greffier.
16 Dans cette lettre vous dites que votre conseil, Me Ackerman, n'a pas assuré
17 comme il se doit la commune question avec lui. Vous avez demandé au greffe
18 de révoquer sa commission d'office. A la demande du greffe, Me Ackerman, a
19 répondu à votre lettre. La lettre de Me Ackerman ne nous a pas été fournie
20 à nous Juges de la Chambre d'appel. Au terme de l'article 20(A) de la
21 directive portant sur la commission d'office des conseils de la Défense, le
22 greffier peut dans l'intérêt de la justice révoquer la commission d'office
23 d'un conseil lorsque l'accusé le demande. Le greffe exerçant ses
24 prérogatives en la matière a délivré le 5 décembre 2006 une décision par
25 laquelle il a rejeté votre requête.
26 Conformément à l'article 20(A) de la directive qui prévoit, cet article
27 prévoit que lorsqu'une demande de récusation de commission d'office a été
28 rejetée, le demandeur peut dans les 15 jours suivant la décision demander
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1 une révision de la décision du greffer par le Président du Tribunal. Selon
2 moi, sa disposition signifie que tout appel contre la décision du greffe ne
3 relève pas de la Chambre d'appel, non, ce sont des appels qui relèvent de
4 la compétence du Président du Tribunal, et gardons ceci à l'esprit.
5 Nous allons poursuivre et procéder comme cela avait été prévu pour la
6 présente audience et Me Ackerman qui a préparé ses arguments juridiques
7 interviendra en tant que votre conseil de la Défense. On m'a informé que
8 vous-même et Me Ackerman, vous vous êtes rencontrés brièvement avant cette
9 audience. Si vous l'estimez nécessaire nous allons vous accorder un peu
10 plus de temps pour vos remarques à la fin de notre audience et vous aurez
11 une demi-heure.
12 Bien. J'en ai terminé de mes remarques préliminaires. Nous allons
13 maintenant procéder conformément à l'ordonnance du 3 novembre relative à la
14 préparation de cette audience. Vous pouvez vous rasseoir, Monsieur
15 Brdjanin. Nous allons maintenant passer aux arguments de l'Accusation et je
16 vous accorde jusqu'à 15 heures 45, peut-être deux ou trois minutes de plus.
17 Madame Brady.
18 Mme BRADY : [interprétation] Merci. Cet après-midi je vais évoquer les deux
19 premiers moyens d'appel de l'Accusation, qui ont trait à l'entreprise
20 criminelle commune.
21 Etant donné que seul le moyen a un impact sur la déclaration de culpabilité
22 de l'accusé c'est de cela que je parlerais en premier. Ensuite, je
23 parlerais du moyen numéro 1, et après moi, ce sera
24 Mme Margetts qui interviendra. Elle vous parlera des moyens 3 et 4.
25 Permettez-moi de vous indiquer que demain quand nous répondrons à l'appel
26 de l'appelant, c'est M. Kremer qui répondra pour l'Accusation, Mme Goy
27 répondra également et elle se chargera également de répondre à toutes vos
28 questions au sujet de la responsabilité par omission.
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1 Avant de parler de nos premiers moyens d'appel, je voudrais les présenter
2 de manière générale et expliquer comment ils s'imbriffent [phon] les uns
3 dans les autres au titre du moyen numéro 2, nous faisons valoir que la
4 Chambre de première instance s'est fourvoyé en exigeant qu'il y ait un
5 accord direct entre les membres de l'entreprise criminelle commune afin
6 d'établir la constitution d'un plan ou d'un dessin criminel commun.
7 Au titre du moyen numéro 1, nous faisons valoir que la Chambre de première
8 instance s'est trompée en exigeant que les auteurs matériels soient des
9 membres de l'entreprise criminelle commune.
10 Ces deux moyens d'appel soulèvent une question absolument essentielle, à
11 savoir si une entreprise criminelle commune, si ce moyen de responsabilité
12 peut s'appliquer à des personnes de niveau supérieur dans la hiérarchie
13 pour des crimes qui ont été commis sur une très grande échelle par des
14 auteurs qui sont éloignés d'eux-mêmes du point de vue structurel et du
15 point de vue physique.
16 La Chambre d'appel a de manière répété, affirmée que l'entreprise
17 criminelle commune est une forme de responsabilité qui peut s'appliquer
18 pour déclarer responsables des personnes de crimes commis sur une grande
19 échelle. Comme par exemple ce qui s'est passé au TPIR dans l'affaire
20 Rwamakuba, du 22 octobre 2004, et dans la décision sur le génocide. La
21 Chambre d'appel a déjà appliqué ce mode de responsabilité pour déclarer
22 coupable un ministère de haut niveau. Le général Krstic ou un dirigeants
23 municipal, je pense au cas de
24 M. Stakic.
25 L'espèce représente le niveau supérieur si l'on veut voir. Ici, dans
26 nos deux moyens d'appel, se pose la question suivante : Quelles sont les
27 limites que l'on peut fixer aux modes de responsabilité dans l'entreprise
28 criminelle commune ? Selon nous, la Chambre de première instance s'est
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1 trompée en limitant de deux manière l'entreprise criminelle commune, en
2 exigeant que les auteurs matériels ne soient des membres et en exigeant
3 qu'il y ait un accord direct entre les membres de l'entreprise criminelle
4 commune. Une limitation appropriée de l'emploie de l'entreprise criminelle
5 commune, c'est-à-dire que pour s'assurer que seuls les véritables coupables
6 sont rendus responsables, ces limites appropriées elle découlent de la
7 bonne application des éléments constitutifs dans l'entreprise criminelle
8 commune. L'approche de la Chambre de première instance aurait, en réalité,
9 pour conséquence de paralyser, d'empêcher l'utilisation du mode de
10 responsabilité de l'entreprise criminelle commune pour les dirigeants les
11 plus importants. Vous vous souviendrez que M. Brdjanin a été mis en
12 accusation pour sa participation à une entreprise criminelle commune de
13 grande envergure, dont les membres comportaient des dirigeants, les
14 dirigeants de la république, des dirigeants régionaux, des dirigeants de
15 municipalités, ainsi que les auteurs matériels, les auteurs des crimes eux-
16 mêmes. On en a nommé certains, les forces militaires et paramilitaires
17 serbes de Bosnie.
18 Lors du procès, l'Accusation est partie du principe que Brdjanin et
19 les auteurs matériels devaient être membres de l'entreprise criminelle
20 commune pour que leurs crimes à eux puissent être attribués à M. Brdjanin
21 en vertu de l'entreprise criminelle commune. Si cela n'avait pas été le
22 cas, si l'Accusation n'étais pas parti de ce principe, la Chambre de
23 première instance aura eu à sa disposition deux manières d'appliquer la
24 théorie de l'entreprise criminelle commune à ces faits. Ces deux moyens
25 auraient été valables du point de vue juridique. Il y a une notion, c'est
26 celle qui a été adoptée par la Chambre de première instance, une option
27 donc c'était de se demander si les crimes avaient été perpétrés par les
28 auteurs matériels dans le cadre de l'exécution d'un dessin criminel qu'ils
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1 avaient en commun avec M. Brdjanin. En d'autres termes, il s'agissait de se
2 demander si les auteurs matériels étaient des membres de l'entreprise
3 criminelle commune. Comme je vais l'expliciter en parlant du deuxième moyen
4 d'appel, l'approche non correcte de la Chambre de première instance en ce
5 qui concerne ce plan criminel, cet objectif criminel, c'est-à-dire quant
6 l'exiger qu'il y ait un accord direct entre les membres de l'entreprise
7 criminelle commune, cette approche incorrecte l'a amené à rejeter la
8 théorie de l'entreprise criminelle commune et a déclaré M. Brdjanin
9 simplement coupable pour avoir aidé à encourage un certain nombre d'actes.
10 De ce fait on a grandement sous estimé la culpabilité de M. Brdjanin parce
11 qu'il étai président de la cellule de Crise de RAK, c'était un coordinateur
12 important, il a eu un grand rôle dans le nettoyage ethnique dû à la Krajina
13 de Bosnie. Si la Chambre de première instance avait correctement approché
14 l'entreprise criminelle commune, elle l'aurait déclaré coupable de tous ces
15 crimes au titre d'une entreprise criminelle commune. La deuxième option qui
16 s'offrait à la Chambre de première instance, si l'Accusation n'était pas
17 partie du principe que j'ai explicité précédemment, cela aurait été de se
18 demander si les membres de cette entreprise criminelle commune, si les
19 dirigeants s'étaient servi comme instruments des auteurs matériels des
20 crimes. Cela aussi c'était à quelque chose de tout à fait acceptable du
21 point de vue juridique, et cela n'exigeait nullement que les auteurs
22 matériels soient membres de l'entreprise criminelle commune. Comme je vais
23 l'expliquer, dans notre premier moyen d'appel, la responsabilité pour des
24 actes criminels de personnes qui ne se trouve pas dans l'entreprise
25 criminelle commune peut être attribué aux membres de l'entreprise
26 criminelle commune si ces derniers ont été utilisés comme des instruments
27 pour les membres de l'entreprise criminelle commune afin qu'ils y
28 contribuent.
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1 Bien que dans la plupart des affaires, dont est saisi le Tribunal, on
2 puisse procéder à une analyse en application de la première option, c'est-
3 à-dire celle qui a été adoptée par la Chambre de première instance même si
4 elle a commis une erreur en exigeant l'exigence d'un accord direct, la
5 plupart de ces affaires peuvent être analysées sur une plus grande échelle
6 dans le cadre d'une entreprise criminelle commune très vaste.
7 Cependant, cette deuxième approche qui insiste sur le rôle des dirigeants
8 qui utilisent les auteurs matériels comme des outils reflète sans doute
9 mieux la réalité à laquelle est confrontée la Chambre, le Tribunal pénal
10 international.
11 Je vais maintenant évoquer chacun des moyens comme je vous l'ai dit au
12 début de mon intervention. Puisque seul le deuxième moyen a une incidence
13 directe sur la déclaration de culpabilité du présent accusé c'est de cela
14 que je vais parler en premier lieu et puis je reviendrai au premier moyen
15 qui est souligné ici parce qu'il est très important pour la jurisprudence
16 du Tribunal.
17 Deuxième moyen : la Chambre de première instance au fond, a demandé qu'il y
18 ait un accord direct, un accord personnel entre les membres de l'entreprise
19 criminelle commune afin d'établir qu'il y avait entre ces personnes un
20 plan, une attention ou un dessin commun, un dessin criminel. Puisque le
21 procès est parti des prémisses selon lesquels Brdjanin se trouvait dans une
22 entreprise criminelle commune avec les auteurs matériels, à savoir l'armée
23 et les paramilitaires serbes de Bosnie, cela voulait dire la Chambre de
24 première instance était à la recherche d'un accord direct entre l'accusé et
25 ses auteurs matériels, physiques. Ce faisant, elle a utilisés les mauvais
26 critères, les moyens critères d'examen. Nous avons établi ce critère qui
27 serait correct à notre avis, non pas simplement dans les mémoires en appels
28 mais dans les écritures du 13 novembre. En réponse aux questions posées par
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1 vous, Madame et Messieurs les Juges de la Chambre d'appel. Les individus
2 partagent un plan, une attention commun lorsque ces individus poursuivent
3 cette même attention, ce même plan criminel et agissent de concert pour
4 l'exécuter, pour y parvenir. Cela ne fait pas l'ombre d'un doute, des
5 membres d'une entreprise criminelle commune doivent partager sous une forme
6 certaine un accord ou une entente en vue la commission d'un crime. Ce qui
7 compte c'est plutôt de voir comment cette idée -- ce concept a été
8 interprété par la Chambre de première instance dans le contexte de
9 l'entreprise criminelle commune. Cela veut dire que les membres de cette
10 entreprise criminelle commune partagent un plan -- un projet criminel
11 commun, si des éléments de preuve apportent la preuve, effectivement, que
12 tous ces membres de l'entreprise criminelle commune avaient adopté et
13 exécuté conjointement.
14 A ce moment-là, le plan, effectivement, est établi, ce plan et la condition
15 requise de l'accord sont établis. Il est inutile à ce moment-là de prouver
16 qu'individuellement des membres de l'entreprise criminelle commune auraient
17 conclu un accord direct. Brdjanin et les auteurs matériels ont agi,
18 effectivement, comme en fonction, en vertu d'un plan criminel commun. Si la
19 Chambre ne s'était pas trompé dans l'application des critères, elle
20 l'aurait déclaré qu'il faisait partie d'une entreprise criminelle commune,
21 nous l'avons dit dans nos écritures, tous les éléments étaient présents
22 puisqu'il a été déclaré coupable en vertu de la première catégorie de
23 l'entreprise criminelle commune pour persécution, expulsion, transfert
24 forcé de la troisième catégorie pour les autres crimes dans la mesure où
25 ceci ont été commis par des forces militaires et paramilitaires; tout ceci
26 dans les annexes A à C et AB révisées et rendues public le 5 décembre.
27 Je voudrais tout d'abord parler de façon plus détaillée de la façon dont la
28 Chambre a versé dans l'erreur et puis esquisser la façon dont la Chambre
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1 aurait dû aborder la question. C'est à juste titre que la Chambre de
2 première instance reconnaît que l'accord, l'entente ne doit pas
3 nécessairement être déterminé auparavant, mais peut se matérialiser de
4 façon à l'improviste, improvisée, et ne doit pas expressément être
5 formulée. Elle peut aussi être déduite. Cependant, dans les paragraphes 340
6 à 355 du jugement, la Chambre a pensé qu'il fallait qu'il y ait ce même
7 état d'esprit des membres de l'entreprise criminelle commune, "cet accord"
8 qui soit le résultat, l'issue d'un accord personnel, interpersonnel entre
9 ses membres.
10 Permettez-moi, ici, à titre d'illustrations, de reprendre ce que dit le
11 jugement de première instance. Il s'agit du paragraphe 351 du jugement,
12 plus exactement la troisième ligne de ce paragraphe 351. Il parle du fait
13 que les membres dans l'entreprise criminelle commune doivent avoir un
14 accord, une entente conclue entre eux pour que soit commis un crime précis.
15 Je tourne la page et je prends le paragraphe 354, là aussi, très
16 révélateur. Dans ce paragraphe, c'est à trois reprises que la Chambre de
17 première instance, à trois reprises -- c'est à trois reprises qu'elle dit
18 qu'elle n'est pas convaincue que l'accusé et les auteurs matériels "aient
19 conclu un accord." Le fait de conclure un accord, c'est répété trois fois.
20 Vous voyez l'usage qu'on fait de ce terme, "entrer dans un accord."
21 Ce sont des termes très actifs qui laissent entendre que la Chambre
22 exigeait une interaction directe et concrète, individuelle entre les
23 membres de l'entreprise criminelle commune.
24 Je prends maintenant la note de bas de page 691 du jugement, là. La
25 Chambre de première instance apporte une interprétation de l'arrêt
26 Krnojelac qui faisait une différence entre ce qu'on appelle : "L'accord
27 plus ou moins formel conclu entre des membres de l'entreprise criminelle
28 commune, ce qui est nécessaire pour répondre aux conditions posées par les
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1 catégories 1 et 3," par opposition à la participation à un système de
2 mauvais traitement, ce qu'il faut remplir comme conditions pour répondre à
3 la catégorie 2.
4 Qu'est-ce que ceci révèle ? C'est que la Chambre de première instance
5 a interprété le concept d'accord comme s'il s'agissait d'un contrat formel,
6 un accord direct de ce genre n'est pourtant pas requis. Au contraire, il
7 faut que les individus adoptent, fassent leur, le même plan ou le même
8 dessein criminel et agissent de concert pour l'exécuter. L'erreur de la
9 Chambre de première instance semble s'être produite du fait qu'on a estimé
10 que l'entreprise criminelle commune se prêtait mieux à des affaires de
11 moindre envergure, des petites affaires, pas pour de grandes affaires. Dans
12 des affaires de petite envergure, il peut y avoir un contact direct entre
13 les membres de l'entreprise criminelle commune, soit qu'ils sont présents,
14 qu'ils se trouvent ensemble, qu'ils se parlent. A ce moment-là, il est
15 peut-être plus facile de déduire, de conclure qu'ils ont agi de concert,
16 qu'ils se sont mis d'accord. Mais l'entreprise criminelle commune
17 s'applique également dans des affaires de plus grande envergure, là où ses
18 membres de l'entreprise peuvent être éloignés, les uns des autres,
19 structurellement ou physiquement.
20 La Chambre, d'ailleurs, a appuyé cette idée. La Chambre d'appel, dès
21 le début, dès l'arrêt Tadic, l'appel -- la Chambre d'appel a reconnu qu'en
22 fait, l'entreprise criminelle commune tenait à la nature internationale
23 même des crimes, ce qu'elle a appelé la manifestation d'une pénalité ou
24 d'une criminalité commune. Tout comme la décision Rwamakuba prise par la
25 Chambre d'appel du Tribunal du Rwanda, ainsi que la décision Karemera du 12
26 avril 2006, l'entreprise criminelle commune ne se limite pas à des affaires
27 de petite envergure. Elle peut s'appliquer à des entreprises criminelles
28 qui se manifestent sur une grande échelle.
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1 Ici, en l'espèce, on a bien une entreprise criminelle commune pour un
2 territoire important, le territoire de la Krajina de Bosnie. Cependant,
3 dans l'affaire Krstic et dans l'affaire Stakic, on saurait décrire ces
4 territoires comme étant limités, restreints. Or, dans ces deux affaires, la
5 Chambre d'arrêt -- la Chambre d'appel a confirmé la décision en jugement de
6 première instance et a déclaré des culpabilités de son propre gré en se
7 basant sur le fait qu'il y avait un accord direct entre l'accusé et des --
8 sans déclarer qu'il y avait accord direct entre les accusés et les auteurs
9 matériels.
10 Nous avons aussi l'arrêt Simba du Tribunal du Rwanda et la décision
11 de la Chambre de première instance du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie dans
12 Simic, pareil pour les affaires qui ont été jugées après la Deuxième Guerre
13 mondiale. On a décidé qu'il y avait entreprise criminelle commune sans
14 qu'il y ait nécessairement des liens directs. On a plutôt vu le problème
15 sous l'angle de l'accusé et ce qui comptait, c'était la connaissance
16 qu'avait l'accusé du plan criminel et du lien qu'il avait avec l'infraction
17 commise ou de sa contribution à la commission de l'infraction.
18 Alors, comment faut-il aborder le plan criminel, le dessein criminel
19 commun ? L'entreprise criminelle commune est établie lorsque les membres de
20 celle-ci partagent un même plan et actent conjointement de concert pour
21 l'exécuter. A ce moment-là, on peut dire qu'il y a responsabilité parce que
22 le lien est suffisant. Le lien entre la personne qui est l'auteur physique
23 matériel du crime et l'accusé. Ces gens agissent ensemble en vue de
24 l'exécution d'un projet commun. Nous avons le jugement Krajisnik et la
25 Chambre qui a été saisie d'affaire là remplir récemment.
26 L'objectif commun commence à transformer une pluralité de personnes en
27 groupe, mais ceci ne détermine pas pour autant le groupe. Il se peut qu'un
28 groupe différent, distinct, partage ce même objectif.
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1 Je vais vous demander, Madame et Messieurs les Juges, d'appuyer sur
2 une touche e-court, apparemment, et vous allez vois s'afficher à l'écran ce
3 qu'a dit la Chambre Krajisnik au paragraphe 844 -- 84 du jugement. Il dit :
4 "C'est plutôt l'interaction ou la coopération de certaines personnes. Leur
5 action conjointe, en sus de leur objectif commun qui va transformer ces
6 personnes en un groupe, qui va faire d'elle un groupe. Les personnes d'une
7 entreprise criminelle commune doivent -- Ou il faut prouver que ces
8 personnes agissent de concert, ensemble, en vue d'exécuter un objectif
9 commun pour qu'on les déclare coupables ou responsables des crimes commis à
10 travers l'entreprise criminelle commune."
11 Bien sûr, tout est fonction des éléments de preuve présentés. Le
12 jugement Krajisnik, en son paragraphe 1081, donne une liste utile de
13 facteurs qui peuvent permettre de conclure que des gens agissent de concert
14 en vue de l'exécution d'un objectif commun. Ce n'est pas une liste
15 exhaustive, mais vous avez, par exemple, le même système, la même
16 systématicité dans les crimes, le type de victimes, la pro-comittence dans
17 le temps, le fait qu'il y a coopération ou conjonction avec d'autres
18 membres de l'entreprise criminelle commune pour exécuter ces crimes, le
19 fait que ces auteurs soient associés à des institutions ou des membres qui
20 sont reliés à une entreprise criminelle commune, le fait qu'il y ait
21 certains -- les membres d'une entreprise criminelle commune, qui auraient
22 pu punir, ne l'ont pas fait et le fait qu'il y ait une poursuite de
23 l'affiliation de l'association entre les auteurs matériels et les membres
24 de l'entreprise criminelle commune, je vous rappelais, bien sûr, que cette
25 liste n'est pas exhaustive. Tout dépendra des éléments de preuve apportés.
26 En conclusion, s'agissant de ce moyen, et je vais rapidement parler
27 de l'incidence qu'aura l'erreur commise par la Chambre de première
28 instance, vous l'avez dit. Nous avons répondu par écrit à cette question. A
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1 notre avis, les faits établis par la Chambre de première instance montrent
2 que Brdjanin et les auteurs matériels ont adopté le même dessin criminel
3 qui était d'exercer la force pour déplacer les non-Serbes de la région et
4 ont agi de concert en vue de l'exécution de ce projet. Bien sûr, il ne
5 s'agit pas ici de répéter les arguments que nous avons présentés par écrit,
6 ce n'est pas de notre intention. En résumé, les conclusions de la Chambre
7 établissent que Brdjanin et les autres auteurs matériels avaient adopté le
8 même comportement ou objectif criminel qui était de faire une région
9 ethniquement serbe -- purement serbe en assurant le transfert par la force
10 des non-Serbes. Nombreuses sont les conclusions, et vous avez notamment au
11 paragraphe 181 une observation faite par la Chambre de première instance,
12 qui dit que le nettoyage ethnique n'a pas été un sous produit, un produit
13 accessoire de l'activité criminelle. C'était là son objectif intrinsèque et
14 c'était donc une partie intrinsèque et intégrante de l'entreprise du plan
15 stratégique.
16 Deuxièmement, Brdjanin et les auteurs matériels ont agi de concert en vue
17 de l'exécution de ce projet commun. Nombreuses là aussi sont les
18 conclusions de la Chambre qui montrent que la preuve a été apportée à cet
19 égard. Je pense qu'une des conclusions les plus convaincantes est celle-ci
20 : au paragraphe 353. La Chambre de première instance dit que : "L'accusé et
21 les auteurs matériels ont agi à l'unisson pour exécuter ce plan
22 stratégique." Au paragraphe 100 : "Les crimes ont été commis grâce à une
23 coopération étroite entre la police serbe de Bosnie entre l'armée et les
24 groupes paramilitaires." Il y avait une systématicité qui s'était
25 clairement dégagée et qui poussait forcément à une seule et unique
26 conclusion, à savoir que ces crimes étaient commis en vue de l'exécution du
27 plan stratégique mis au point par les dirigeants serbes de Bosnie et qui
28 visait à expulser du territoire tous les non-Serbes.
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1 Finalement, s'agissant de la contribution ou de l'apport, c'est évident, M.
2 Brdjanin a clairement contribué à l'entreprise criminelle commune. Quel
3 rôle a-t-il joué ? Regardez le rôle qu'il a joué au niveau de l'exécution
4 du plan, au niveau des municipalités.
5 La Chambre de première instance le décrit elle-même au paragraphe 320. Elle
6 le qualifie d'apport substantiel à l'exécution du plan. Ceci mis à part il
7 a également contribué par une propagande caractérisée par la haine et par
8 la décision prise par la cellule de Crise, je dis la décision, je devrais
9 dire les décisions prises par la cellule de Crise de la RAK pour ce qui est
10 des licenciements, du désarmement, et aussi par la décision de réinstaller
11 ailleurs les non-Serbes. Les auteurs matériels ont contribué à l'entreprise
12 criminelle commune par des crimes qu'ils ont commis.
13 En fin, et c'est là mon quatrième point. Brdjanin aussi bien que les
14 auteurs matériels avaient l'intention de persécuter les non-Serbes par le
15 transfert forcé d'expulsion de ces personnes.
16 Paragraphe 549 la Chambre conclut ceci : "Les éléments de preuve prouvent
17 que le déplacement de ces personnes n'était pas simplement la conséquence
18 d'actions militaires mais leur objectif, leur raison d'être." Il n'y a donc
19 l'aspect de la persécution qui est reconnue à l'encontre de Brdjanin et des
20 auteurs matériels et qu'on retrouve aux paragraphes 1058 et 1053. Par
21 conséquent, on peut déclarer, M. Brdjanin responsable d'entreprise
22 criminelle commune au regarde de la première catégorie, persécution à
23 partir de l'expulsion et du transfert forcé.
24 De surcroît, il était prévisible et cela a d'ailleurs été prévu par M.
25 Brdjanin, que d'autres crimes basés sur d'autres actes, les meurtres, les
26 tortures, les destructions sans motif, la destruction de lieux de culte,
27 que tout ceci allait se produire si l'on exécutait ce plan commun. Nous
28 allons le dire de façon -- nous avons d'ailleurs donné des détails à cet
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1 égard et ceci répondrait à la troisième catégorie.
2 Dernier point s'agissant de ce moyen : nous avons demandé d'être plus
3 rigoureux dans l'appel que vous allez prononcer pour traduire dans les
4 chiffres la responsabilité que doit endosser l'accusé pour ce qui est de la
5 complicité dans l'entreprise criminelle commune.
6 Prenons le premier moyen : là, nous faisons valoir que les auteurs
7 matériels ne doivent pas nécessairement être membres de l'entreprise
8 criminelle commune. Je vous l'ai déjà dit d'emblée. Ce moyen n'aura pas
9 d'incident sur la déclaration de culpabilité de
10 M. Brdjanin. Cependant, il aura une incidence certaine sur l'application de
11 la théorie, de la thèse de l'entreprise criminelle commune sur des
12 dirigeants de haut niveau pour des crimes commis sur une grande échelle.
13 La Chambre de première instance s'est fourvoyée en disant qu'il fallait que
14 les auteurs matériels soient membres de l'entreprise criminelle commune.
15 Paragraphes 344 et 347 du jugement.
16 Certes, dans bien des cas, les auteurs matériels sont des membres
17 d'une entreprise criminelle commune. Ils adoptent ce plan criminel commun
18 et agissent de concert pour l'exécuter. Par conséquent, leurs crimes
19 partant de cette idée peuvent être attribués à d'autres membres de
20 l'entreprise criminelle commune. Mais je viens de vous le montrer. En fait,
21 c'est bien ce qui s'est passé en l'espèce.
22 Cependant, la responsabilité de l'entreprise criminelle commune ne se borne
23 pas à ces situations. Les auteurs matériels ne doivent pas nécessairement
24 être membres de l'entreprise criminelle commune. Une entreprise criminelle
25 commune qui vise à réaliser un plan criminel commun peut se composer de
26 personnes dont aucune ne va exécuter elle-même le crime mais va les faire
27 par l'intermédiaire de tierce personne. Cela veut dire que cette entreprise
28 elle existe uniquement au niveau des dirigeants.
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1 Si ces personnes s'entendent -- ces dirigeants s'entendent sur un
2 plan criminel commun qui va exécuter par des tierces, ils doivent quand
3 même voir leur responsabilité engagée au titre de l'entreprise criminelle
4 commune. Il n'est même pas nécessaire de se demander si les auteurs
5 matériels ont marqué leur accord ou avaient même connaissance du plan
6 concocté. Le droit pénal international poursuit notamment un objectif
7 important celui de sanctionner ceux qui sont les plus responsables
8 d'infractions et de bien traduire le rôle que ces personnes ont joué au
9 regard du droit. Si on veut maintenant que des auteurs matériels fassent
10 partie de l'entreprise criminelle commune ceci ne traduit pas bien la façon
11 dont des crimes internationaux se produisent en général. Ils sont le fait
12 d'une multitude de personnes et ceci est orchestré ou coordonné par ceux
13 qui sont les plus hauts responsables qui sont dans la hiérarchie les plus
14 haut placés.
15 Ceux qui se trouvent aux échelons les plus élevés dans la
16 hiérarchique et qui se mettent d'accord sur un plan répréhensible, ce ne
17 sont pas eux qui vont exécuter eux-mêmes ces crimes. Au contraire, ils les
18 font exécuter en se servant des moyens qu'ils ont à leur disposition, les
19 unités de la police, l'armée, les autorités civiles, les paramilitaires,
20 entre autres. Ces échelons supérieurs, ces personnes haut placés sont
21 souvent très éloignés physiquement des lieux où se commettent concrètement
22 les infractions.
23 Alors que les auteurs matériels peuvent souvent être d'accord avec
24 des objectifs poursuivis par les personnes haut placées. La réalité quelle
25 est-elle ? C'est que bien souvent les auteurs -- les haut placés prennent
26 une décision après quoi ils vont utiliser les auteurs matériels pour les
27 faire exécuter ou la faire exécuter.
28 De surcroît, dans d'autres cas, des auteurs à haut niveau vont bien souvent
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1 se servir d'auteurs physiques qu'ils vont pas forcément avoir adopté
2 l'objectif criminel ou dont on ne peut pas prouver qu'ils l'auraient
3 adopté. Pourtant, du fait de leur action concertée ou coordonnée,
4 effectivement les auteurs, les haut placés vont exécuter l'objectif qui
5 était le leur. Le fait d'ordonner, de planifier, d'aider et d'encourager
6 tout ce qui relève des formes de responsabilité visées au C 3 peuvent
7 s'appliquer, mais ces moyens n'englobent pas nécessairement la réalité de
8 la situation et la réalité de la culpabilité des auteurs d'actes
9 répréhensibles haut placés.
10 Par ailleurs, si on utilise la complicité pour qualifier ces accusés
11 de haut rang c'est inapproprié, et parce que cette forme de responsabilité
12 engage à un degré moindre de responsabilité pénal ici en ce Tribunal, mais
13 ceci nie la responsabilité pleine et entière qu'on doit assumer s'il y a
14 exécution.
15 A notre avis, c'est contraire à l'objet même, à la vocation qu'a le droit
16 international pénal. C'est qu'en fait, la responsabilité devrait reposer
17 sur le fait de savoir si les auteurs physiques, matériels faisaient partie
18 de l'entreprise criminelle commune, qu'on déclarerait à hauts placés
19 responsables, si -- en fonction de l'avis ou de la connaissance qu'avait le
20 soldat se trouvant sur le terrain.
21 En fait, il faut s'intéresser aux actes et aux pensées des hauts placés et
22 la doctrine doit s'appliquer lorsque ces membres de l'entreprise criminelle
23 commune visent à l'exécution de ce plan commun en se servant d'autres pour
24 faire exécuter ces crimes. Ceci traduit bien la réalité des crimes
25 internationaux et ceci appuie la thèse d'une responsabilité collective en
26 disant que ce sont ceux qui sont les plus responsables qui doivent aussi
27 endosser la plus grande responsabilité.
28 Si vous le voulez bien, Madame et Messieurs les Juges, nous allons parler
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1 maintenant des affaires dont a connu ce Tribunal à l'appui de notre thèse.
2 L'association des conseils de la Défense, en réponse à notre appel, a
3 souligné que l'arrêt Tadic, l'arrêt Furundzija disaient que les auteurs
4 matériels étaient membres de l'entreprise criminelle commune. L'association
5 met en exergue certaines conclusions de l'arrêt Tadic, faisant entendre que
6 les auteurs matériels doivent avoir été d'accord avec l'accusé, s'agissant
7 du projet commun. Nous ne contestons pas cela.
8 Cependant, nous ne sommes pas d'accord pour dire que ces affaires limitent,
9 comme veut le dire l'association, la portée de l'entreprise criminelle
10 commune. Dans l'affaire Milutinovic, le Juge Bonomy présentait une opinion
11 individuelle le 22 mars 2006. Il dit que ces affaires, comme l'affaire
12 Tadic, l'affaire Furundzija n'avaient pas besoin d'aborder les
13 problématiques plus concrètes et plus difficiles, puisque là, vous aviez
14 une entreprise criminelle commune qui se composait de moins de personnes.
15 Ce qui est beaucoup plus intéressant, c'est que la Chambre d'appel a
16 utilisé l'entreprise criminelle commune pour déclarer responsable des
17 personnes accusées de crimes commis sur une grande échelle dans des
18 circonstances où le projet criminel commun existait, mais uniquement parmi
19 ceux qui se trouvaient au même échelon d'autorité dans la hiérarchie, sans
20 dire que les auteurs matériels étaient aussi ou auraient aussi été membres
21 de l'entreprise criminelle commune.
22 Dans notre mémoire d'appel, nous parlons aussi de l'affaire Krstic,
23 vous le connaissez bien. Dans cette affaire, la Chambre d'appel a confirmé
24 la condamnation en application de l'entreprise criminelle commune, même si
25 cette dernière ne se composait que de personnes haut placées, Mladic et les
26 membres du Grand état-major de la VRS. La Chambre d'appel n'a pas
27 explicitement dit que les auteurs matériels faisaient partie de
28 l'entreprise criminelle commune. A un moment donné, la Chambre dit de
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1 Krstic qu'il a utilisé le personnel du Corps de la Drina comme outil, comme
2 instrument, pour faire exécuter le plan criminel commun. Ce qui compte
3 davantage encore, c'est que la Chambre d'appel a retenu cette démarche
4 récemment, dans l'arrêt Stakic, vous le savez.
5 La Chambre de première instance, dans l'affaire Stakic, avait utilisé
6 l'exécution indirecte pour attribuer les actes des auteurs matériels à un
7 petit groupe de co-auteurs de haut niveau. C'est ce que la Chambre de
8 première instance Stakic avait fait.
9 Si vous voulez bien regarder vos écrans, vous allez voir qu'il y a un
10 cliché que nous avons préparé où vous avez un graphique montrant ce que la
11 Chambre de première instance Stakic a fait.
12 Elle a dit : "Vous avez des co-auteurs qui sont un échelon
13 hiérarchique élevé et vous avez les auteurs -- ces co-auteurs qui exécutent
14 ces crimes de façon indirecte en passant par les auteurs matériels."
15 La Chambre d'appel a corrigé la Chambre de première instance dans la mesure
16 où elle a dit que cette dernière avait utilisé le mauvais -- la mauvaise
17 forme de responsabilité pour ce qui était de la -- des co-auteurs, par
18 rapport aux co-auteurs, puisque la Chambre de première instance avait dit
19 qu'il y avait -- qu'ils avaient été co-auteurs par un contrôle conjoint des
20 actions. La Chambre d'appel, en fait, a modifié la forme de responsabilité
21 de l'entreprise criminelle commune.
22 Regardez de nouveau l'écran. Vous allez voir ce qu'au fond, la
23 Chambre d'appel a fait. J'espère que ceci apparaît sur vos écrans. Oui.
24 Elle a fait une substitution au niveau de l'entreprise criminelle
25 commune et elle l'a placé au niveau des co-auteurs.
26 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je ne sais pas si nous avons vu ce
27 cliché. Je pense que nous avons vu le premier uniquement.
28 Mme BRADY : [interprétation] Vous savez, ce sont des écrans qui se fondent.
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1 On peut revenir ? Vous voyez la première ? Cela, c'est ce que fait la
2 Chambre ou ce que déclare la Chambre de première instance. Puis,
3 maintenant, avec ce rectangle bleu, vous savez ce qu'au fond, la Chambre
4 d'appel a fait. Ce qui est pertinent ici, c'est que la Chambre d'appel, en
5 modifiant la forme de responsabilité de l'entreprise criminelle commune,
6 elle n'a pas touché, elle n'a pas ressentie le besoin de corriger la
7 conclusion tirée par la Chambre de première instance aux paragraphes 741,
8 a.k.a. 743 à 746 et 818, là où la Chambre de première instance expliquait
9 que Stakic et ses co-auteurs avaient exécuté ces crimes de façon indirecte,
10 en passant par des auteurs matériels dont ils s'étaient servis comme outil.
11 Ni la Chambre de première instance -- c'est très important parce que ni la
12 Chambre de première instance, ni la Chambre d'appel Stakic n'a analysé les
13 auteurs matériels en l'espèce comme étant des membres de l'entreprise
14 criminelle. Il n'y a pas de conclusion disant qu'il y aurait eu un accord
15 de ces auteurs matériels au plan commun qui était d'expulser, ou
16 l'intention d'expulser. On a dit qu'il y avait l'intention discriminatoire,
17 mais pas l'intention d'expulser.
18 Au contraire, la Chambre d'appel a dit que les membres de l'entreprise
19 criminelle commune étaient Stakic et des autres dirigeants municipaux, le
20 chef de la police et un membre de premier plan de l'armée. Néanmoins, la
21 Chambre d'appel Stakic a déclaré
22 M. Stakic responsable des crimes commis par les auteurs matériels par
23 l'application de l'entreprise criminelle commune.
24 Par conséquent, dans l'affaire Stakic, la Chambre d'appel a reconnu qu'il
25 n'est pas nécessaire que les auteurs matériels soient membres de
26 l'entreprise criminelle commune, que plutôt, que ceux qui le sont peuvent
27 commettre des crimes par le truchement de cela. Donc dans cette affaire, il
28 s'agit d'un niveau de dirigeants dont les membres se servent d'auteurs
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1 physiques afin d'exécuter des infractions en poursuivant l'objectif de le
2 cesser.
3 Le Juge Bonomy, dans une opinion individuelle dans l'affaire Milosevic, a
4 également appuyé cette approche. Il n'a pas trouvé qu'il y ait une
5 incohérence par rapport à la jurisprudence du Tribunal pour déclarer
6 coupable un participant à l'entreprise criminelle commune, pour le déclarer
7 coupable d'avoir commis là où les infractions ont été commises par des
8 personnes qui ne sont pas membres de l'ECC, mais qui ont agi en tant
9 qu'instruments de l'ECC.
10 Enfin, la Chambre de première instance dans l'affaire Krajisnik a
11 également adopté la même approche. Elle est arrivée à la conclusion que M.
12 Krajisnik était responsable pénalement pour persécution et extermination
13 sur la base du fait que les membres de l'entreprise criminelle commune
14 étaient des leaders sur le plan de la république, de la région et des
15 municipalités. Elle n'a pas estimé qu'il était possible ou même souhaitable
16 ou nécessaire de constater que les auteurs matériels des infractions
17 étaient également membres de l'entreprise criminelle commune. J'estime que
18 ceci est important.
19 Au paragraphe 883, je vous invite, encore une fois, à regarder ce qui
20 s'affiche à l'écran. Donc, dans le jugement de l'affaire Krajisnik : "Il
21 est constaté qui plus est une entreprise criminelle commune peut exister
22 même si aucun aussi seulement quelques uns des auteurs principaux en font
23 partie parce que, par exemple, ils ne sont pas au courant de l'ECC ou de
24 son objectif, et ils ont des membres de l'ECC qui commettent des crimes,
25 qui facilite le fait d'atteindre cet objectif."
26 Pourquoi est-ce qu'elle est arrivée à cette conclusion ? Parce
27 qu'elle a estimé qu'un accusé peut participer à la mise en œuvre d'un
28 objectif criminel commun soit en commettant l'infraction lui-même, soit en
Page 69
1 faisant partie d'un objectif commun, ou en apportant de l'aide à
2 l'exécution du crime qui constitue partie d'un objectif commun.
3 Des précédents de la Seconde Guerre mondiale étayent notre position.
4 Il est vrai que ces affaires là n'ont pas appliqué explicitement
5 l'entreprise criminelle commune, ils ont déterminé la responsabilité
6 davantage sur la base d'une participation criminelle que sur l'application
7 stricte des modes de responsabilité. Mais, comme la Chambre de première
8 instance l'a montré dans l'affaire Rwamakuba, les éléments juridiques qui
9 ont été utilisés afin de déclarer coupables les accusés, étaient
10 suffisamment semblables à ceux de l'entreprise criminelle commune,
11 suffisantes pour définir les contours de l'entreprise criminelle commune.
12 Ceux qui découlent clairement de ces affaires de la Seconde Guerre
13 mondiale, c'est que les accusés d'un haut échelon qui ont accepté un plan
14 criminel et qui ont contribué à celui-ci ont été déclaré coupable pour des
15 auteurs matériels qui ont exécuté les crimes du plan. Ceci, indépendamment
16 de savoir si les auteurs matériels constituaient parties prenantes dans la
17 création du projet, ou s'ils étaient d'accord quant à savoir ce qu'ils
18 avaient à l'esprit ou quelle était leur responsabilité criminelle, cela a
19 rarement fait l'objet de débat.
20 Donc, nous nous sommes référé à deux affaires, Justice et Rusha. Je
21 n'ai pas suffisamment de temps pour en parler maintenant. Nous avons parlé
22 de cela dans notre mémoire en appel, mais juste pour résumer, dans les deux
23 affaires, les accusés ont été déclaré coupables pour des auteurs matériels,
24 pour ce que les auteurs matériels ont commis sans prendre en considération
25 s'ils ont adhéré au plan criminel, sans prendre en considération s'ils
26 étaient membres de l'entreprise criminelle commune.
27 Enfin, le dernier point que je souhaite aborder est le point suivant
28 : comment les crimes commis par des auteurs matériels qui ne sont pas
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1 membres de l'entreprise criminelle commune, comment peuvent-ils être
2 attribués aux membres de l'entreprise criminelle commune, comment est-ce
3 que juridiquement ceci tient la route ?
4 Un membre de l'entreprise criminelle commune peut contribuer à
5 l'entreprise criminelle commune soit directement, soit indirectement en
6 agissant par l'au truchement d'autres personnes, il n'y a pas de différence
7 de principes. Si un accusé se sert d'une bombe ou si c'est lui qui dresse
8 un barrage ou si c'est une police ou une unité militaire qui le fait.
9 Les actions des auteurs matériels peuvent être liés aux membres de
10 l'entreprise criminelle commune par perpétration indirecte. Si un accusé
11 dans une entreprise criminelle commune se sert d'une autre personne en tant
12 qu'un instrument, les actions de cet instrument deviennent ses actions, ses
13 contributions à l'entreprise criminelle commune. En tant que tel, peuvent
14 être imputé à tous les membres de l'entreprise criminelle commune.
15 L'Association des conseils de la Défense admet, dans leur réponse à
16 notre appel, que l'auteur matériel d'un crime, d'une infraction ne doit pas
17 être membre de l'entreprise criminelle commune lorsque lui ou elle est
18 utilisé en tant qu'un instrument par quelqu'un qui est membre l'entreprise
19 criminelle commune. Dans ce cas-là, ils sont d'accord sur le fait pour dire
20 que les membres de l'entreprise criminelle commune peuvent se voir imputés
21 leurs infractions.
22 Pratiquement, dans tous les systèmes juridiques, il est reconnu qu'un
23 accusé peut connaître des actes en les perpétrant indirectement. M. le Juge
24 Shahabuddeen, dans son opinion individuelle dans l'affaire Gacumbitsi, dans
25 une affaire en appel au Tribunal du Rwanda, a reconnu que tout comme une
26 personne peut se servir de l'entreprise criminelle commune en tant que son
27 instrument pour perpétrer une infraction, de même un accusé peut, et je
28 cite le paragraphe 24 de votre texte : "Même s'il peut commettre son crime
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1 à travers l'instrumentalisation de quelqu'un d'autre, même s'il n'y a pas
2 d'entreprise criminelle commune, même s'il n'y a pas de contact direct
3 entre l'accusé et la victime."
4 Il est pratiquement accepté partout dans tous les systèmes nationaux
5 qu'un accusé peut être considéré responsable s'il se sert d'une autre
6 personne en tant qu'un instrument pour commettre un crime. Je me réfère aux
7 différentes affaires, aux juridictions qui limitent la perpétration
8 indirecte, aux agents innocents. Nous en avons parlé dans notre appel en --
9 dans notre mémoire d'appel.
10 D'autres, cependant reconnaissent que les auteurs matériels coupables
11 peuvent également fonctionner en tant qu'instrument d'une personne qui
12 contrôle les agissements.
13 Par exemple, en servant d'une structure de pouvoir pour examiner
14 leurs infractions, comme par exemple dans l'affaire "Border Guards" ou des
15 hommes politiques haut placés de l'Allemagne de la RDA ont été déclarés
16 responsables en tant qu'auteurs pour des meurtres de gardes frontaliers à
17 la frontière de l'Allemagne de l'est.
18 Il est très important de savoir que, dans le Statut de Rome, à
19 l'article 25(3)(d), il est reconnu que quelqu'un peut commettre une
20 infraction en agissant par l'au truchement d'une autre personne
21 indépendamment de savoir si cette personne est criminellement, pénalement
22 responsable.
23 C'est ce que l'on voit aujourd'hui dans l'affaire Lubanga devant la
24 Chambre de première instance. Là, il y a une combinaison à la fois du
25 contrôle conjoint et de l'équivalent de l'entreprise criminelle commune
26 telle que vue par la Chambre de première instance au titre de l'article 25
27 (3)(d) du Statut de Rome.
28 Pour conclure, les auteurs matériels ne sont pas nécessairement
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1 membres de l'entreprise criminelle commune afin que l'on puisse attribuer
2 leur crime à l'entreprise criminelle commune. Si les membres de
3 l'entreprise criminelle commune sont d'accord sur un objectif pénal
4 criminel commun, et s'ils se servent d'autres afin d'exécuter leurs actes,
5 afin d'arriver à atteindre leur objectif criminel, ces actes peuvent être
6 imputés à tous les membres de l'entreprise criminelle commune.
7 J'en ai terminé avec mes arguments et je suis à votre disposition
8 pour répondre à vos questions. Merci.
9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'invite mes collègues à poser des
10 questions -- à poser leurs questions sur ce sujet de l'entreprise
11 criminelle commune.
12 Monsieur le Juge Shahabuddeen.
13 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Madame Brady, ai-je raison
14 lorsqu'il me semble avoir compris que la substance de vos arguments est la
15 suivante : si la personne A a passé un accord de personne à personne avec
16 la personne B pour commette une infraction donnée, et si cette infraction a
17 été exécutée par le B -- par la personne B, la responsabilité pénale quant
18 à elle ne dépend pas du tout de l'entreprise criminelle commune, elle
19 dépend sur des principes normaux de responsabilité pénale, y compris en
20 particulier la question d'agent.
21 Est-ce que ce serait une juste interprétation de la substance de vos
22 arguments ?
23 Mme BRADY : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je pense que l'on
24 peut envisager les choses de deux manières. Soit A et B ont un accord, ont
25 passé un accord pour commettre l'infraction, et ils y contribuent tous les
26 deux. Ils agissent tous les deux et ils sont responsables au terme de
27 l'entreprise criminelle commune. Vous avez tout à fait raison, Monsieur le
28 Juge, le A et le B peuvent avoir un accord pas nécessairement un avec
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1 l'autre peut-être ou directe, mais on peut déduire qu'ils ont passé un
2 accord, un plébiscite. Ensuite, soit la personne B commet le crime, elle,
3 soit elle le fait faire par le truchement de quelqu'un d'autre, dans ce
4 cas-là, je pense, effectivement, que c'est le principe de l'agent qui
5 existe dans cette situation. Il y a deux différentes manières d'envisager
6 le problème.
7 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] On peut les aborder séparément.
8 Le cas de figure où il y a une personne qui est extérieur à l'entreprise
9 criminelle commune.
10 Ce que j'ai à l'esprit plutôt la chose suivante : dites-nous, il me
11 semble que la notion-clé est la notion d'accord et que cela dépend des
12 circonstances et que la loi peut extrapoler l'existence d'un accord sur la
13 base d'un grand nombre de facteurs. Mais ceux qui constituent la différence
14 dans ce cas, c'est qu'on se réfère à l'assistance de la Chambre de première
15 instance disant -- entre deux membres de l'entreprise criminelle commune,
16 et qu'ils doivent se mettre d'accord pour commettre une infraction en
17 particulier. Dans les deux cas de figure il y a existence d'un accord.
18 Toute la différence en l'occurrence est que la Chambre de première instance
19 a insisté sur le fait que l'entreprise criminelle commune s'applique
20 uniquement lorsqu'il y a une sorte particulière d'accord.
21 Mme BRADY : [interprétation] Vous avez tout à fait raison pour la
22 majorité des cas, parce que cela reviendra à la même chose. Cet accord est
23 tout à fait problématique. C'était la première erreur de la Chambre de
24 première instance cet accord direct parce qu'on exige trop quelque chose
25 d'impossible. On ne peut pas trouver le cas -- la réalisation de cet accord
26 direct. Dans la plupart des cas, vous avez raison. Les auteurs matériels,
27 qui se trouvent sur le terrain, seront d'accord avec le projet commun avec
28 la personne A dans votre exemple, mais pas dans tous les cas de figure.
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1 C'est la raison pour laquelle on peut avoir des auteurs matériels qui ne
2 sont même pas conscients de la manière dont on se sert d'eux.
3 Ici, les faits de l'espèce étaient clairs. Les auteurs matériels
4 partageaient l'accord. La thèse de l'accord fonctionne bien, s'applique
5 bien à cette affaire; cependant, à l'opposé, il y a beaucoup d'affaires où
6 ce n'est pas le cas. C'était cela qui était important dans mes arguments
7 lorsque j'ai parlé du moyen 1 et lorsque j'ai dit qu'il était important de
8 ne pas toujours exiger que l'auteur matériel fasse partie de l'entreprise
9 criminelle commune, il peut être utilisé et il ne peut ne pas partager --
10 on peut, par exemple, se servir de lui, lui ordonner, et c'est le type de
11 situation que nous avons ici, souvent devant ce Tribunal. Souvent dans les
12 affaires dont nous traitons présentent ces éléments.
13 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] J'ai ma troisième question que
14 je souhaite vous poser.
15 L'impression que j'ai eue en écoutant vos arguments, serait-elle exacte ?
16 Il me semble que le problème est le suivant : les personnes A et B sont
17 toutes les deux membres de l'entreprise criminelle commune, et la personne
18 B trouve une personne extérieur à l'ECC pour commettre une infraction du
19 type de l'entreprise criminelle commune. Alors, la question se pose de la
20 responsabilité pénale de la personne A. Il me semble que ce qui pose
21 problème c'est que la responsabilité pénale de la personne A est de manière
22 erronée, focaliser sur la responsabilité pénale de la personne extérieure à
23 l'entreprise criminelle commune. La personne A n'endosse la responsabilité
24 pénale que, pour le crime commis par le membre de l'entreprise criminelle
25 commune, cette autre personne membre de l'entreprise criminelle commune qui
26 peut endosser la responsabilité et qui peut être responsable pénalement
27 pour l'infraction commise par la personne extérieure.
28 Ai-je raison ?
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1 Mme BRADY : [interprétation] Oui. Vous analysez de manière correcte notre
2 position.
3 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci.
4 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Madame Brady, si je vous ai
5 bien compris, vous estimez que les reins de la Chambre de première instance
6 ont consisté à ne pas -- ou en exigeant que l'auteur matériel soit membre
7 de l'entreprise criminelle commune.
8 Ma question est la suivante : vous semblez appliquer ceci aux trois
9 catégories de l'entreprise criminelle commune, la première, la deuxième, et
10 la troisième, puisque vous estimez que c'est la catégorie III qui aurait dû
11 s'appliquer sur la plupart des chefs d'accusation.
12 Vous vous appuyez sur la jurisprudence après la Seconde Guerre notre propre
13 jurisprudence; quels sont les exemples pour l'entreprise criminelle commune
14 du type III ? Je vois les II et I, I en particulier, mais III, quelles
15 seraient les affaires que vous pourriez nous citer ?
16 Mme BRADY : [interprétation] Les affaires, Justice et Rusha, par exemple,
17 pour ce qui est des affaires de la Seconde Guerre mondiale dans ce cas-là,
18 les co-auteurs étaient responsables des infractions qui rentraient dans le
19 cadre du projet commun, à savoir le plan d'extermination dans l'affaire
20 Justice, et la même chose pour l'affaire Rusha.
21 A ce stade, je ne peux pas vous préciser une affaire en particulier, une
22 affaire relevant de Deuxième Guerre mondiale en particulier, où il se
23 serait agit d'une responsabilité qui n'aurait pas été "intentionnelle" mais
24 qui aurait été prévisible ou prévue.
25 C'est la connaissance, pas l'intention, au sens strict, a été utilisée en
26 tant que base de la mens rea, dans les affaires de la Seconde Guerre
27 mondiale. Vous vous rappelez, dans notre jurisprudence, on exige le type 1
28 de l'entreprise criminelle commune; dans les affaires de la Seconde Guerre
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1 mondiale, c'est plutôt la connaissance. Donc, le critère pour la mens rea
2 est légèrement moindre dans les affaires de la Deuxième Guerre mondiale.
3 Cependant, dans ces affaires-là, lorsque on interprète l'entreprise
4 criminelle commune, elle est tout à fait établie dans le droit
5 international coutumier. Ici, ce qui se pose comme question est
6 l'application de l'entreprise criminelle commune, et dans l'affaire
7 Hadzihasanovic, il ne s'agit pas d'une objection à l'application du
8 principe à une situation en particulier lorsqu'on dit que la situation est
9 nouvelle si raisonnablement ceci rentre dans le cadre de l'application du
10 principe.
11 Dans son opinion individuelle dans l'affaire Stakic, le Juge Shahabuddeen a
12 donné plusieurs exemples où le principe a été établi dans le cadre du droit
13 international coutumier. Ceci en est une application.
14 Qui plus est, l'affaire -- dans l'affaire Stakic, nous avons la
15 décision de la Chambre d'appel, et c'est un précédent contraignant en
16 l'espèce. C'est l'entreprise criminelle commune du type III et la
17 perpétration indirecte qui a été retenue. Je pense qu'il faudrait en tenir
18 compte en l'espèce.
19 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Je voudrais que ce soit
20 tout à fait clair. Vous estimez que ceci ne fait partie du droit
21 international coutumier, que le contour de l'entreprise criminelle commune,
22 comme vous les décrivez, sont définis en tant que tel du droit
23 international coutumier.
24 L'INTERPRÈTE : La première phrase consistait à dire que ceci faisait partie
25 du droit international coutumier.
26 Mme BRADY : [interprétation] Oui. C'est, en principe, notre proposition. En
27 particulier, pour ce qui est de l'interprétation que fait de ces nouveaux
28 faits le droit international coutumier.
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1 Mais on peut envisager la chose d'une autre manière. Le principe de
2 l'entreprise criminelle commune fait partie du droit international
3 coutumier et, bien entendu, la Chambre peut s'appuyer sur les principes
4 généraux de la loi afin de déterminer les paramètres de l'application et
5 l'étendue de l'application. C'est ce qui a été fait dans la Chambre de
6 première instance dans l'affaire Furundzija. Par exemple, la même chose
7 pour ce qui est des cas de viols et la même chose dans l'arrêt Blaskic pour
8 la mens rea dans le fait d'ordonner. C'est la défense -- c'est l'approche
9 que nous défendons.
10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Le Juge Guney.
11 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] Dans vos arguments, Madame Brady, vous
12 parlez du transfert forcé ou de déportation en disant qu'il s'agit d'un des
13 crimes les plus haineux, qu'on peut comparer cela donc au crime le plus
14 haineux, à savoir le crime de génocide. Ai-je raison ?
15 Mme BRADY : [interprétation] Non. Je n'ai pas utilisé le terme "génocide"
16 du tout dans mes arguments, mis à part -- mis à part la décision Karemera.
17 Mais je n'ai pas parlé de génocide comme entrant en jeu dans l'espèce,
18 puisque je ne pense pas que tel soit le cas.
19 M. LE JUGE GUNEY : [interprétation] A la lumière de votre réponse, je ne
20 vais pas poser ma deuxième question. Madame Brady, je vous remercie.
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame le Juge Vaz.
22 Mme LE JUGE VAZ : Je vous remercie, Monsieur le Président.
23 Madame, je voudrais vous poser une question au sujet de ce que vous nous
24 avez dit tout à l'heure, à savoir que les accusés de haut rang doivent
25 encourir une responsabilité pleine et entière. Vous semblez exclure la
26 complicité pour ces personnes de haut rang. Pouvez-vous nous dire pourquoi
27 vous excluez la complicité dans ce cas-là ? C'est bien ce que vous avez
28 dit. Merci.
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1 Mme BRADY : [interprétation] Madame le Juge, ce n'est pas nécessairement
2 qu'on exclurait la complicité ou le fait d'aider ou encourager. Cela dépend
3 des faits. Cela pourrait être une manière de qualifier juridiquement de
4 manière correcte. Cependant, dans la majorité des cas, on affirme que la
5 complicité devant ce Tribunal, entraîne un niveau moindre de
6 responsabilité. Alors, il n'est pas approprié de qualifier des gens qui
7 sont les auteurs des plans, qui sont à un niveau très élevé, qui ne serait
8 pas approprié des les qualifier ainsi. Ceci enlève le concept de pleine
9 responsabilité de leur responsabilité. C'est la raison pour laquelle nous
10 disons qu'à ce niveau-là, ce niveau très élevé, au niveau contrôle -- de
11 contrôle suprême, on ne peut pas employer ces termes-là.
12 Mme LE JUGE VAZ : Je vous remercie pour ces précisions.
13 Merci, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Madame le Juge Vaz.
15 J'ai une question à vous poser.
16 Mme BRADY : [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je me réfère à votre mémoire en appel,
18 paragraphe 348. Dans ces écritures, vous dites que les auteurs matériels ne
19 doivent pas nécessairement être membres de l'entreprise criminelle commune.
20 Vous dites que si on constatait qu'un auteur matériel devait nécessairement
21 être membre de l'entreprise criminelle commune, vous dites que ceci
22 rendrait difficile; sinon, impossible, je vous cite, là : "Déclarer
23 coupables les dirigeants les plus élevés de l'entreprise criminelle
24 commune."
25 Je vous cite encore. Vous dites que c'est la seule manière de prouver qu'un
26 auteur a agi avec l'intention requise.
27 Par la suite, vous répondez sur la question de l'entreprise
28 criminelle commune. C'est un texte du mois dernier. Vous dites que tout
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1 auteur matériel ici était en fait membre de l'entreprise criminelle
2 commune, même si vous n'avez pas identifié chaque auteur individuel et que
3 nous devons donc vous suivre là-dessus.
4 Comment est-ce que vous pouvez expliquer, comment est-ce qu'on peut
5 accepter les deux déclarations ?
6 Mme BRADY : [interprétation] Pour ce qui est de la première partie de votre
7 question, je pense que dans le mémoire qui a été déposé il y a environ deux
8 ans, ne sommes peut-être allés un peu loin. Comme je l'ai expliqué dans mon
9 intervention orale, il est possible de conclure à l'existence d'un plan
10 criminel commun et on peut le trouver sur la base des faits de l'espèce.
11 Cela peut être établi. On peut le conclure des événements et de la manière
12 dont les événements se présentent, de manière systématique.
13 Donc, peut-être avons-nous été un petit peu loin dans la manière de
14 présenter notre thèse dans ce premier mémoire, en disant qu'il faudrait à
15 ce moment-là disposer de tous les éléments de preuve, absolument tous. Je
16 crois que la jurisprudence, qui a évolué depuis dans Krajisnik et dans
17 d'autres affaires, a permis d'avancer. Je pense qu'on peut déduire de la
18 systématique des crimes que l'intention existe, que cet accord existe, le
19 fait que tout soit -- tous les crimes visent un même type de victimes.
20 Enfin, là, je vous renvoie à mes observations précédentes.
21 S'agissant du deuxième volet de la question --
22 M. LE JUGE MERON : [interprétation] En fait, c'est la même question.
23 Mme BRADY : [interprétation] Donc, vous demandez s'il faudrait que nous
24 présentions des éléments de preuve relatifs à l'intention des -- de chacun
25 des acteurs -- de chacun des auteurs. Bien non. Non, bien évidemment, non.
26 Il n'est pas nécessaire que nous fournissions la preuve de l'intention de
27 chacun des acteurs, mais ce qui doit être conclu, et la Chambre de première
28 instance en l'espèce l'a tout à fait conclu, c'est que les auteurs
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1 matériels, ces auteurs matériels, ils agissaient conformément au plan
2 criminel commun. Nous développons la chose de manière circonstancielle dans
3 nos écritures et je pense que cela, cela suffit pour établir qu'il y avait
4 intention, qu'il y avait accord parce que cette intention, cet accord, ils
5 peuvent être déduits.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Madame Brady.
7 Pas d'autres questions. Dans ces conditions, je crois que conformément à
8 notre ordonnance portant calendrier, il convient que nous faisions --
9 fassions une pause de 15 minutes.
10 Nous reprendrons donc à 16 heures 05 précises.
11 --- L'audience est suspendue à 15 heures 47.
12 --- L'audience est reprise à 16 heures 08.
13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Brady, si l'on veut bien, le
14 temps imparti à l'Accusation est écoulé, mais il vous reste encore deux
15 moyens d'appel à évoquer donc nous allons vous accorder dix minutes cela
16 suffira ?
17 Mme BRADY : [hors micro] Oui.
18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pense qu'à l'avenir chacun veille à
19 bien faire usage de son temps.
20 Mme BRADY : [interprétation] Oui, tout à fait. Je vous remercie beaucoup de
21 ces dix minutes supplémentaires.
22 Je vais maintenant donner la parole à Mme Margetts qui va parler des
23 troisième et quatrième moyens d'appel de l'Accusation.
24 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous avez la parole, Madame Margetts.
25 Mme MARGETTS : [interprétation] Merci, bonjour.
26 Etant donné le temps qui me reste, je ne vais évoquer que quatrième
27 moyen d'appel de l'Accusation qui porte sur l'extermination car je pense
28 que s'agissant du troisième moyen du savons présenté tous nos arguments de
Page 82
1 manière circonstanciée dans notre mémoire, et Mme Goy demain, parlera de la
2 responsabilité par omission, en réponse à la Défense.
3 Je souhaiterais maintenant parler du quatrième moyen d'appel.
4 Brdjanin aurait dû être déclaré coupable d'avoir aidé et encouragé
5 des actes d'extermination parce qu'il a été déclaré coupable de complicité
6 dans le cadre de massacres qui constituaient des actes d'extermination.
7 La Chambre de première instance s'est trompée en concluant qu'il
8 n'avait pas la connaissance nécessaire de la perpétration de cette
9 extermination, et parce que ceci, cette extermination n'était pas envisagée
10 de manière expresse dans le plan stratégique, paragraphes 477 à 478 du
11 jugement.
12 La Chambre de première instance s'est trompée parce qu'elle a déclaré
13 l'accusé coupable de trois tueries, de trois massacres commis au cours de
14 l'attaque contre les villages, paragraphe 476 du jugement.
15 Il s'agit en occurrence de quelque 300 personnes à Biscani,
16 municipalité de Prijedor, du massacre de 140 personnes à Kozarac et du
17 massacre de 68 personnes à Brsevo. Ces meurtres, ces massacres, ces tueries
18 individuellement constituent des actes constitutifs d'extermination et la
19 Chambre de première instance a conclu que Brdjanin avait connaissance de
20 ces événements, paragraphes 474 à 476 du jugement.
21 Cette connaissance est selon nous suffisante pour déclarer Brdjanin
22 coupable d'extermination parce que la seule différence existant entre
23 l'extermination et l'homicide intentionnelle, c'est que pour qu'il y ait
24 extermination, il faut qu'on démontre le caractère massif des actions. La
25 connaissance par Brdjanin de ces massacres fait que l'élément -- le
26 caractère massif est établi. Brdjanin savait également que ces actes
27 contribueraient à ces tueries, à ces massacres.
28 La Chambre de première instance a conclu que Brdjanin savait que les
Page 83
1 décisions de la cellule de Crise de la RAK au sujet du désarmement
2 aideraient à la perpétration de ces attaques de grandes envergures et de
3 ces tueries, paragraphes 473 à 474 du jugement.
4 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le conseil peut ralentir, s'il vous plaît ?
5 Mme MARGETTS : [interprétation]
6 De surcroît, pour les raisons qui sont évoquées au moyen d'appel
7 numéro 3 dans nos écritures, nous faisons valoir que Brdjanin savait et a
8 contribué de manière substantielle aux massacres qui ont eu lieu dans les
9 lieux de détention et qui constituent des actes individuels constitutifs et
10 d'extermination. Il s'agit en l'occurrence d'incident, d'événements qui
11 sont mentionnés aux paragraphes 456, 460 et 462 du jugement. Il s'agit de
12 meurtres de 190 personnes dans la salle numéro 3 du camp de Keraterm, du
13 meurtre de 200 hommes alors qu'ils étaient transportés de Trnopolje à
14 Koricanska Stijena, et du meurtre de 144 hommes à Biljani.
15 Enfin, la Chambre de première instance s'est fourvoyé en concluant
16 que l'extermination n'avait pas été envisagée dans le cadre de la
17 réalisation du plan stratégique parce que ces massacres ont été commis avec
18 pour objectif la réalisation du plan stratégique. La Chambre de première
19 instance a évoqué ces crimes aux paragraphes 100, 104 et 115 du jugement de
20 première instance. Il comportait des meurtres qui ont eu lieu pendant des
21 attaques, ainsi que des meurtres qui ont lieu dans des lieux de détention.
22 Ces actes sont constitutifs d'extermination si bien que
23 l'extermination faisait partie intégrante de la réalisation du plan
24 stratégique.
25 Merci beaucoup, j'en ai terminé de la présentation de mes arguments
26 au sujet du moyen numéro 4.
27 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci beaucoup de cette concision
28 remarquable. Y a-t-il des questions ? Non. Dans ces conditions, nous allons
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1 passer au point suivant qui est la réponse de la Défense.
2 Maître Ackerman, je vous ai accordé, j'ai accordé quelques minutes de plus
3 à l'Accusation, donc si vous en avez besoin, je serai prêt à vous accorder
4 quelques minutes de plus.
5 M. ACKERMAN : [interprétation] Je vous en suis très reconnaissant, mais ce
6 sera sans doute pas nécessaire.
7 Bonjour, c'est pour moi un grand plaisir que de comparaître devant un
8 collège de Juges aussi prestigieux.
9 Quand je suis entré dans le prétoire, cela m'a ramené 40 ans en
10 arrière, quand je crois, j'ai comparu pour la première fois en tant
11 qu'avocat. C'était dans une petite ville --
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous vous rendez compte qu'en fait, la
13 plupart d'entre nous n'étions encore pas de ce monde à l'époque.
14 M. ACKERMAN : [interprétation] C'était une petite ville du Wyoming au
15 deuxième étage d'un tribunal au plancher en bois. L'avocat pour lequel je
16 travaille c'était un homme, un vieil avocat, vieux de la vieille. Il y
17 avait plusieurs policiers dans la pièce, et l'avocat donc s'est levé et a
18 dit : "Je voudrais que l'on consigne au compte rendu d'audience le nombre
19 de revolvers que nous nous avons, et le nombre de revolvers qu'eux ils
20 ont." Je m'en suis souvenu, je m'en suis souvenu ce matin quand je suis
21 entré, quand j'ai vu le nombre de personnes qu'il y a face à moi au banc de
22 l'Accusation. Mais malgré tout, nous allons continuer, nous allons
23 persister du côté de la Défense.
24 Je vais essayer de m'en tenir au temps qui m'a été imparti, je pense que je
25 peux y arriver. Je vais évoquer brièvement certains sujets. Je vais
26 m'attarder peut-être un peu plus sur d'autres sujets qui ont été évoqués
27 par l'Accusation et j'aimerais revenir sur certains éléments qui vous ont
28 été présentés par les représentants de l'Accusation aujourd'hui.
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1 L'Accusation vous a déclaré, page 14, ligne 5, que la Chambre de
2 première instance pensait que les membres d'entreprise criminelle commune
3 devaient être réunis au cours d'un accord, réunis par un accord. Vous savez
4 que l'une des raisons pour lesquelles la Chambre de première instance
5 pensait cela, c'est parce que justement l'Accusation avait adopté cette
6 position, c'est ce qu'ils disaient, c'est ce qu'ils plaidaient devant la
7 Chambre de première instance à l'époque.
8 Ensuite, l'Accusation vous a renvoyé au paragraphe 549 du jugement de
9 première instance, un paragraphe fort intéressant. Effectivement, c'est
10 tout à fait vrai, c'est un paragraphe dont la lecture est très
11 enrichissante. Vous vous souviendrez que pendant tout le jugement, dans
12 tout le jugement et pendant tous les arguments de l'Accusation, la
13 responsabilité de M. Brdjanin ont l'a fait dépendre de ses décisions
14 relatives au désarmement prises par la cellule de Crise de la RAK. C'est
15 quelque chose sur le -- que l'Accusation ne cesse d'invoquer, ces mesures
16 de désarmement. Pour la responsabilité en découle, il faudrait que les
17 attaques soient la conséquence de ces décisions.
18 Si vous examinez la page, paragraphe 549 de jugement de première
19 instance, c'est très intéressant de voir ce que pensait la Chambre de
20 première instance. Des opérations militaires ont été menées contre des
21 villes et des villages qui ne constituaient pas des objectifs militaires.
22 Les forces serbes de Bosnie ont mené des attaques à Prijedor, Sanski Most,
23 Bosanski Novi, Kljuc, Tesalic, et Kotor Varos notamment. Cela c'est la
24 phrase qui compte.
25 Ensuite, je cite : "Ces opérations militaires ont été menées à bien
26 avec l'objectif spécifique de chasser les résidents musulmans et croates de
27 Bosnie." Les éléments de preuve montrent que le déplacement de ces
28 personnes n'était pas la simple conséquence de l'action militaire mais que
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1 s'en était l'objectif. L'objectif. Ce n'était pas de désarment. Il
2 s'agissait d'expulser, de chasser ces gens. Ensuite, les représentants de
3 l'Accusation vous invitent à juger que la Chambre de première instance n'a
4 pas abordé l'entreprise criminelle commune et cette théorie de l'entreprise
5 criminelle commune de la manière appropriée. S'agissant du droit nous
6 devons faire très attention ici. Nous devons tenir compte de l'état du
7 droit coutumier international au moment où ces événements ont eu lieu. Nous
8 sommes dans un environnement à l'état assez statique. Nous ne pouvons pas
9 modifier le droit quand cela nous arrange. L'Accusation vous dit que, le
10 concept de l'entreprise criminelle commune qui vient de Tadic et de toutes
11 les autres affaires qui ont suivi ce n'est pas très pratique finalement
12 parce que cela ne leur permet pas de faire ce qu'ils veulent. Bien, tant
13 pis. Tant pis, parce que c'est comme cela que cela présente le droit
14 relatif à l'entreprise criminelle commune. Ce que je dit c'est que
15 l'entreprise criminelle commune cette théorie c'est celle qu'a édicté la
16 Chambre d'appel dans Tadic, et si on revient à la source même utilisée par
17 la Chambre d'appel dans Tadic pour édicter ce concept, vous constaterez
18 qu'on ne peut pas élargir la chose comme l'Accusation voudrait que nous le
19 fassions.
20 L'Accusation en essence conteste la décision de la Chambre de première
21 instance lorsque celle-ci dit que l'entreprise criminelle commune n'est pas
22 une forme de responsabilité appropriée pour rendre compte de la
23 responsabilité pénale individuelle de l'accusé étant donné la nature
24 extrêmement vaste de cette affaire et étant donné que l'accusé est très
25 loin de la perpétration des crimes. En rendant cette conclusion, la Chambre
26 de première instance à la note de bas de page 888 du jugement a insisté sur
27 le fait que l'accusé était éloigné physiquement des auteurs matériels et
28 que ces auteurs matériels n'étaient pas soumis à la structure qui se
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1 trouvait de fait sous l'autorité de l'accusé.
2 Ce droit -- ce principe du droit tel qu'il a été appliqué par la Chambre de
3 première instance c'est le droit qu'applique le Tribunal depuis toujours,
4 depuis la décision Tadic. L'Accusation ne dit pas que la Chambre de
5 première instance a mal appliqué le droit, ils tendent de nous induire en
6 erreur. Au procès, ils ont convenu avec la Chambre de première instance,
7 comme ils l'ont fait au stade la mise en état, que c'était le droit qui
8 s'appliquait. La Chambre d'appel également en a convenu tout au long de son
9 histoire, tout au long de sa jurisprudence. Elle a dit que c'était là le
10 principe de droit qui s'appliquait.
11 Alors, ce que maintenant nous dit l'Accusation ce n'est pas que le
12 principe de droit a été mal appliqué mais qu'il faut que vous le changiez
13 ce droit, ce principe qu'il faut l'élargir parce que cela ne leur convient
14 pas à eux. En fait, il s'agit là d'une tentative de la part de l'Accusation
15 de faire apparaître un concept complètement nouveau en matière d'entreprise
16 criminelle commune, un concept nouveau qui serait créé par la Chambre
17 d'appel en l'espèce.
18 Une hypothèse si l'on adopte le principe que veut nous faire adopter
19 l'Accusation, partons du principe que le maire de Banja Luka était en
20 accord avec les dirigeants du SDS au sujet du plan stratégique, et il leur
21 fait clairement savoir dans des discours qu'il a prononcés à Banja Luka, il
22 fait clairement savoir son accord avec le plan stratégique, il y une part
23 de ce plan stratégique que préconisait l'expulsion des non-Serbes de la
24 zone qui était présentée comme un Etat serbe, qui a été revendiqué comme
25 tel. Plus loin, à Srebrenica des soldats serbes tuent certain nombre de
26 non-Serbes.
27 Si on adopte l'argument de l'Accusation, si on fait pousser la logique plus
28 loin, le maire de Banja Luka, il n'avait aucune idée de ce qui se passait à
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1 Srebrenica, c'était impossible qu'il le sache mais il faisait partie du
2 plan, les soldats faisaient partie du plan, donc il doit être coupable, il
3 doit être reconnu coupable de ce qui s'est passé là, parce que même s'il
4 n'en avait aucune idée, même que s'il ne savait pas ce qui se passait.n
5 L'Accusation va vouloir vous faire croire qu'il a dû savoir.
6 Il faut se souvenir qu'au cours du procès l'Accusation a convenu avec
7 la Défense et elle en a avisé d'ailleurs la Chambre de première instance,
8 elle a convenu qu'au terme de la première catégorie de l'entreprise
9 criminelle commune, les auteurs matériels du crimes allégués dans l'acte
10 d'accusation doivent avoir conclus un accord avec l'accusé. On peut dire,
11 que ce moyen d'appel doit être rejeté, parce que cela ne correspond pas à
12 ce qu'avait convenu l'Accusation au cours du procès de première instance.
13 Il semble que l'Accusation ait mal interprété une conclusion de la
14 Chambre de première instance au sujet de l'application de l'entreprise
15 criminelle commune dans des petites affaires. Il me semble que l'essentiel
16 ici c'est que la cellule de Crise de la RAK n'exerçait pas une autorité de
17 faits sur les auteurs matériels, qui n'étaient pas membres de l'entreprise
18 criminelle commune. Ainsi, si par exemple, la structure en question c'est
19 la République serbe de la Bosnie-Herzégovine, et si le président de cette
20 entité exerce une autorité de fait sur des auteurs matériels qui sont
21 membres de l'entreprise criminelle commune à ce moment-là l'entreprise
22 criminelle commune serait établie, même si elle était beaucoup, beaucoup
23 plus vaste s'il avait une portée géographique beaucoup plus vaste que ce
24 qui est le cas en l'espèce. Si le président de la République serbe de
25 Bosnie-Herzégovine ordonnait à un groupe paramilitaire d'aller dans un
26 village particulier en Bosnie et d'y commettre qu'on pourrait qualifier de
27 crimes de guerre à ce moment-là il n'y a aucune raison au terme de la
28 théorie actuelle de l'entreprise criminelle commune, il n'y a aucune raison
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1 pour que cette personne ne soit pas condamnée justement.
2 Les éléments fondamentaux qui -- les conditions générales
3 d'application de la théorie de l'entreprise criminelle commune c'est
4 l'existence d'un plan communication. Le dictionnaire nous donne la
5 définition suivante du terme de "commun" c'est quelque chose qui
6 appartient, qui est partagé par au moins deux personnes ou par les membres
7 d'un groupe. "Commun", cela veut dire que tous les membres du groupe
8 partagent le même objectif.
9 L'Accusation a plaidé sa thèse en avançant que l'entreprise
10 criminelle commune devait inclure les auteurs matériels. Il est manifeste
11 qu'à ce moment-là il ne peut pas y avoir de déclaration de culpabilité au
12 titre de la forme numéro I de l'entreprise criminelle commune, puisque
13 aucun auteur matériel n'était membre de l'entreprise criminelle commune. On
14 ne pourrait avoir condamnation au titre de l'entreprise criminelle commune
15 que s'il s'agissait de la théorie numéro III, la forme III de cette
16 entreprise criminelle commune.
17 Si vous vous reportez au paragraphe 344 du jugement, vous constaterez
18 que la Chambre de première instance y tire un certain nombre de
19 conclusions, de constations au sujet du troisième type d'entreprise
20 criminelle commune et je pense que c'est très important. La Chambre de
21 première instance a conclu que l'Accusation n'avait pas affirmé que
22 l'accusé avait commis directement aucun des crimes visés à l'acte
23 d'accusation. Si bien que, pour que l'accusé puisse être tenue pénalement
24 responsable des crimes visés à l'acte d'accusation en vertu de la première
25 catégorie d'entreprise criminelle commune, l'Accusation doit établir, qu'il
26 existait entre les personnes ayant physiquement commis le crime et
27 l'accusé, une entente ou un accord aux fins de commettre un crime donné.
28 Cela, l'Accusation a reconnu que c'était effectivement le droit applicable.
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1 La Chambre poursuit, je cite : "Afin de le déclarer responsable au
2 titre de la troisième catégorie d'entreprise criminelle commune,
3 l'Accusation doit prouver que l'accusé a conclu un accord avec une personne
4 pour commettre un crime précis."
5 C'est exactement ce qu'a convenu l'Accusation, c'était cela le droit qu'il
6 s'applique en matière d'entreprise criminelle commune. La seule différence
7 entre les deux versions est qu'on peut être reconnu coupable s'il y a
8 accord et si les crimes sont la conséquence naturelle et prévisible de cet
9 accord.
10 Donc, pour la première catégorie, la Chambre de première instance a
11 conclu qu'il fallait qu'il y ait un accord. L'Accusation en a convenu. Elle
12 a convenu qu'il fallait que les auteurs des crimes soient membres de
13 l'entreprise criminelle commune. La seule différence c'est que pour la
14 troisième catégorie, l'accusé peut être tenu responsable de crimes qui ne
15 faisaient pas partie de l'accord.
16 Donc cela, ce devrait être la fin de toute discussion en l'espèce
17 dans l'appel au sujet de l'application de la théorie de l'entreprise
18 criminelle commune à M. Brdjanin. Il peut qu'une décision soit rendue à ce
19 sujet qui convienne mieux à l'Accusation, mais cela n'a aucun effet. Cela
20 ne pourra avoir aucun effet sur
21 M. Brdjanin en raison des réponses qu'a faites l'Accusation aux questions
22 des Juges à ce sujet.
23 Ce n'est pas quelque chose qui a été évoqué à la fin de l'affaire de
24 première instance. C'est une question qui a été évoquée avant même
25 l'ouverture du procès dans une décision rendue par les Juges Hunt, Mumba et
26 Daqun. Ils ont décidé notamment, je cite, qu'entre la personne qui a commis
27 personnellement les crimes d'effet matériel et la personne qui est accusée
28 du crime, il faut qu'il y ait un accord ou un dessein commun de commettre
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1 au moins un crime donné, afin qu'il puisse être établi, déterminé, si le
2 crime en question était une conséquence naturelle et prévisible du premier
3 crime qui était prévu. Il s'agissait de deux crimes, je le précise.
4 Je vais maintenant évoquer la question qui a été posée par vous-même,
5 Monsieur le Président, la perpétration par omission.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que je vous ai bien compris ?
7 Par rapport au troisième moyen, est-ce que la Chambre d'appel devrait avoir
8 une optique différente quant à l'entreprise criminelle commune, qui ne peut
9 pas y avoir de conséquence quant à la culpabilité et la condamnation de M.
10 Brdjanin ?
11 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui, parce que l'Accusation a marqué son
12 accord au moment du procès. Elle a dit qu'il fallait que cette personne
13 soit membre de l'entreprise criminelle commune, s'agissant de l'auteur.
14 Effectivement, il ne peut pas y avoir de condamnation pour participation à
15 une entreprise criminelle commune, étant donné l'accord qu'a accepté, qu'a
16 conclu l'Accusation au moment du procès.
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Poursuivez, Monsieur.
18 M. ACKERMAN : [interprétation] S'agissant de la commission par omission.
19 Cette question se pose au paragraphe 737 du jugement. La Chambre de
20 première instance y dit, au fond, que si l'accusé n'a pas apporté une
21 contribution directe à l'exécution des crimes commis dans les camps et à
22 l'installation de détention, à la lumière de sa position, de son poste
23 qu'il avait dans la cellule de Crise, la Chambre est convaincue que son
24 absence d'activité, ainsi que l'attitude qu'il a pris publiquement
25 s'agissant des camps et des installations de détention, était un
26 encouragement et un appui moral apporté aux membres de l'armée de la
27 police, qui ont pu ainsi poursuivre l'administration de ces camps et de ces
28 installations de détention ainsi que précisé dans le jugement et décrit à
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1 la Chambre pendant tout le procès.
2 Puis, pour revenir à cette question, c'est évoqué dans l'affaire Blaskic au
3 paragraphe 663. C'est repris dans un arrêt concernant le Rwanda. Je pense
4 que c'est Tagarura et consorts. Plus récemment, la Chambre d'appel, dans
5 l'appel Galic, paragraphe 175 de l'arrêt, confirme que l'omission d'un acte
6 lorsqu'il y a obligation légale d'agir, mais uniquement lorsqu'il y a
7 obligation légale d'agir. Ceci peut emporter ou conduire à la
8 responsabilité pénale individuelle en vertu de l'article 7(1).
9 L'inverse, c'est que s'il n'y a pas commission par omission -- il n'y a pas
10 commission par omission lorsqu'il n'y pas obligation légale, ce qui est le
11 cas ici.
12 Parce que si on condamne quelqu'un pour omission, il faut montrer qu'il y a
13 une responsabilité ou une existence d'un rapport, ce qui n'est pas le cas
14 ici. La Chambre de première instance le dit dans sa note de bas de page
15 888, dont j'ai déjà parlé. La Chambre renvoie à sa conclusion qui lisait
16 qu'il y avait une distance physique par rapport aux auteurs matériels et
17 que ceux-ci n'étaient pas soumis à une structure sur laquelle l'accusé
18 avait autorité.
19 Donc, nulle part dans le jugement la Chambre n'estime qu'il y ait un
20 rapport subordonné à supérieur, un rapport hiérarchique avec les auteurs
21 matériels. La Chambre va même jusqu'à rejeter l'idée que l'accusé avait
22 l'obligation, le devoir de faire rapport qu'il y avait un crime qui avait
23 été commis.
24 Paragraphes 375 -- 72, 73 et 375 du jugement, là, cette question est
25 évoquée.
26 373, le paragraphe dit qu'il n'y avait pas de rapport hiérarchique de
27 l'accusé avec des membres du SOS ou des autorités ou des forces
28 paramilitaires serbes. 372, on parle des rapports qu'il entretient avec
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1 l'armée et qu'il n'y avait pas là non plus de rapport de supérieur à
2 subordonné. 375, la Chambre conclut que pendant la période couverte par
3 l'acte d'accusation, l'accusé n'avait pas de contrôle effectif sur la
4 police, ce qui aurait voulu dire qu'il avait la possibilité matérielle
5 d'empêcher la commission de crimes, ni de les punir. Il n'y a pas non plus
6 de preuves concrètes montrant qu'à aucun moment que ce soit, entre avril et
7 décembre 1992, l'accusé aurait eu l'obligation de faire rapport, de faire
8 état de crime. Ceci se trouve au paragraphe 281 du jugement.
9 Puis, vous avez posé une question au représentant du Procureur. Celle-ci :
10 est-ce qu'il y a des membres de l'entreprise criminelle commune qui ont
11 commis un quelconque des crimes ? La réponse est négative. C'est dit
12 clairement et catégoriquement.
13 Paragraphe 345, la Chambre de première instance estime ceci : alors qu'on a
14 trouvé le nom des auteurs dans un nombre assez faible de cas, dans la
15 plupart des cas, il n'a pas été possible d'identifier les auteurs matériels
16 autrement que par -- qu'en donnant le nom du groupe dont il faisait partie.
17 Paragraphe 347, la Chambre a dit ceci : "Ce qui reste, c'est une
18 affirmation d'existence d'entreprise criminelle commune existant entre
19 l'accusé et les membres de l'armée ou les forces paramilitaires serbes. La
20 Chambre de première instance souligne qu'aux fins d'établir la
21 responsabilité pénale individuelle visée par l'entreprise criminelle
22 commune, il ne suffit pas de prouver qu'il y a une entente, un accord en
23 vue de l'exécution d'un crime a tant de passer entre l'accusé et une
24 personne qui aurait un poste de responsabilité dans une unité militaire ou
25 paramilitaire en vue de l'exécution de ce crime. Il ne peut y avoir
26 responsabilité pénale individuelle de l'accusé en vertu de l'entreprise
27 criminelle commune que si l'Accusation établit au-delà de tout doute
28 raisonnable que l'accusé avait conclu un accord avec les auteurs qui
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1 allaient commettre un crime ou que si les crimes commis par les auteurs
2 matériels pertinents étaient la conséquence prévisible et naturelle des
3 crimes convenus entre l'accusé et les auteurs matériels."
4 Paragraphe 351, la Chambre de première instance dit : "Effectivement,
5 l'accusé et les auteurs matériels pouvaient épouser la même cause, le même
6 plan stratégique, former une intention délictueuse, en vue de commettre des
7 crimes, en vue d'exécuter ce plan stratégique, indépendamment les uns des
8 autres, sans qu'il y ait entente."
9 353, la Chambre dit qu'elle est convaincue qu'il n'y a pas de preuves
10 directes permettant d'établir qu'il y avait un tel accord, une telle
11 entente entre l'accusés et les auteurs matériels pertinents.
12 Lorsque la Chambre tire une telle conclusion dans le contexte de l'accord
13 dont il est question ici, un accord entre l'accusé et les auteurs matériels
14 dans le cadre d'une entreprise criminelle commune. Ce que la Chambre dit,
15 c'est qu'elle n'a pas trouvé qu'il y avait un accord entre l'accusé et l'un
16 quelconque des auteurs matériels, accord qui ferait de ces auteurs
17 matériels des membres de l'entreprise criminelle commune. La Chambre
18 conclut dès lors qu'aucun membre de l'entreprise criminelle commune n'est
19 déclaré coupable. Une telle conclusion, une telle déduction, ne serait se
20 faire non plus.
21 La Chambre le dit dans son paragraphe 354 : "Etant donné la distance
22 physique et structurelle qu'il y a entre l'accusé et les auteurs matériels,
23 et le fait que ces auteurs matériels, dans la plupart des cas, n'avaient
24 même pas été identifiés personnellement, la Chambre n'est pas convaincue
25 que la seule conclusion logique que l'on peut tirer des actions respectives
26 de l'accusé et des auteurs matériels en vue de l'exécution d'un plan commun
27 serait qu'il y aurait accord entre les auteurs matériels et l'accusé ?
28 Toujours, cette même note de bas de page 888, c'est là que ceci est
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1 mentionné, je vous en ai déjà parlé deux fois auparavant.
2 Je prends maintenant le troisième moyen invoqué par l'Accusation, je serais
3 très bref.
4 Sur quoi se base l'Accusation ? Elle se base sur la conclusion tirée par la
5 Chambre de première instance en matière de torture dans les camps de
6 concentration et elle dit qu'il a commis une omission, il a omis d'agir au
7 vue du comportement dans les camps, il n'a pas réagi ni agi en public ni
8 dans les réunions de la cellule de Crise de la RAK en plus de l'attitude
9 qu'il a eu en public à l'égard de ces camps. On demande qu'il y ait
10 condamnation pour omission sans montrer en quoi il y aurait eu existence
11 d'un rapport de supérieur à subordonner qui lui aurait donné l'obligation
12 de faire rapport, aucune conclusion n'est justifiée dans ce sens. Par
13 conséquent, la Chambre tire au vu des probabilités une conclusion
14 différente.
15 Moyen numéro 4, le fait que l'on aurait acquitté erronément pour le chef
16 d'extermination.
17 Je pense qu'il est utile de se rappeler ce qu'a dit la Chambre de première
18 instance dans les erreurs de fait alléguées, rappelées notamment cet après-
19 midi par le président de la Chambre d'appel.
20 Prenons l'arrêt Galic, paragraphe 9 : "Pour déterminer si les conclusions
21 tirées par une Chambre de première instance sont des conclusions qu'aucun
22 Juge des faits raisonnables n'aurait su tirer, la Chambre n'a pas à
23 s'appuyer sur les conclusions factuelles d'une Chambre." Les constations.
24 Puis on cite Kupreskic.
25 L'Accusation fait valoir aux paragraphes 6.8 à 6.17 de son mémoire
26 qu'effectivement il y a eu preuve à apporter du caractère massif mais la
27 Chambre a conclu : "Qu'on avait prouvé le caractère massif de ces massacres
28 et on dit qu'effectivement, ont été prouvés les éléments du caractère
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1 massif."
2 La Chambre n'a pas fait d'erreur, elle a conclu cela.
3 Dans la partie C du mémoire de l'Accusation, l'Accusation fait valoir
4 que les faits montrent que Brdjanin avait connaissance du fait qu'il y
5 avait extermination et que la Chambre s'est trompée. Mais l'Accusation ne
6 dit pas en quoi la Chambre se serait trompée en tirant cette conclusion.
7 Aucun argument n'est présenté pour montrer que la Chambre a négligé ou omis
8 de considérer tel ou tel élément, c'est simplement que la Chambre n'était
9 pas d'accord avec les thèses de l'Accusation. Ceci n'est pas critère
10 suffisamment pour dire qu'il y a erreur.
11 Pareille pour la partie D de l'argumentaire de l'Accusation. Au
12 paragraphe 6.29, l'Accusation répète qu'il y a une erreur factuelle commise
13 par la Chambre de première instance lorsque celle-ci dit qu'en fait la
14 décision prise en matière de désarment décision prise par Brdjanin, mais
15 plutôt par la cellule de Crise, fait que Brdjanin devait savoir qu'à la
16 suite de cela il allait y avoir plusieurs attaques et plusieurs
17 assassinats. Les éléments de preuve ne sont pas venus appuyer ceci.
18 Il faudrait que les éléments de preuve montrent que chacun
19 des attaques qui aurait été établie s'est produite aux fins du désarmement
20 et pas pour une autre fin, qu'il n'aurait pas été celle du désarmement.
21 C'est ce qu'il leur a fallu prouver pour que ce soit acceptable, s'il avait
22 été prouvé que l'objectif c'était le désarment il aurait fallu prouver que
23 ceci venait d'une décision ou d'une conclusion de la cellule de Crise et
24 que ceci ne venait pas d'une décision qu'aurait prise Milorad Sajic et le
25 CSB.
26 Pour prouver la chose je voudrais vous montrer quelques documents en me
27 servant du rétroprojecteur.
28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous avons déjà le document. Vous
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1 pouvez poursuivre, Maître.
2 M. ACKERMAN : [interprétation] Bien. C'est le journal officiel de la Région
3 autonome de Krajina que vous voyez à l'écran. Il s'agit ici d'une décision
4 publiée suite à la décision prise par le ministère de la Défense nationale
5 de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, décision numéro 1/92,
6 décision prise le 16 avril 1992. "Le secrétariat de la Défense nationale de
7 la Région autonome de Krajina prend alors la décision suivante."
8 Primo, mobilisation publique générale pour tout le territoire de la RAK.
9 Plus loin, dans le cadre de cette décision, on a un cinquième paragraphe :
10 "Toutes les formations paramilitaires et tous les individus qui possèdent
11 illégalement des armes et des munitions doivent avant 15 heures le 11 mai
12 1992 au plus tard, les restituer au QG municipal…" vous voyez le reste.
13 Je crois qu'il faut reprendre le début de ce texte.
14 Je n'ai pas donné la deuxième page à M. l'Huissier, mais la deuxième page
15 montre que cette décision a été rendue le 4 mai 1992.
16 Gardez à l'esprit le fait que la cellule de Crise a seulement commencé à
17 exister le 5 mai. Ce qui veut dire que lorsque cette décision a été rendue
18 publique, il n'y avait pas de cellule de Crise.
19 Prenons le deuxième document que je vous ai fourni, vous y verrez qu'il
20 s'agit ici d'un document émanant du centre de sécurité public de Banja Luka
21 et qui est adressé à tous les chefs de poste de sécurité publique dans
22 toute la région de la Krajina. Ici est fait référence à cette décision que
23 nous venons d'examiner. Nous avons la signature de Zupljanin, et cette
24 décision dit en résumé -- prenons la page 4 du document au-dessus du nom de
25 Stojan Zupljanin, voici l'ordre que donne Zupljnin : "A la lumière de ce
26 qui a été mentionné, il est nécessaire de prendre immédiatement toutes les
27 mesures nécessaires mentionnées dans cette décision, et de nous faire
28 rapport de ce qui se passe ou de tous événements intéressants en matière de
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1 sécurité dès demain."
2 Vous voyez ici avant qu'il n'y ait la cellule de Crise il y avait des
3 décisions prises à très haut niveau par le gouvernement, par le secrétariat
4 de la Défense nationale qui demandait qu'il y ait désarmement.
5 Je n'ai plus besoin des documents. Je vous remercie,
6 M. l'Huissier.
7 Il me semble que si l'Accusation veut arriver à ses fins et veut imposer
8 une forme quelconque de responsabilité à M. Brdjanin en matière de
9 désarmement il faut prouver que toutes actions prises, toutes mesures
10 prises en matière de désarmement a été prise et non pas à la suite d'une
11 décision de la cellule de Crise, mais qu'elles auraient été prises plutôt à
12 la suite de décisions de la cellule de Crise et non pas à cause de
13 décisions prises auparavant par le CSB, or ceci n'a jamais été prouvé.
14 Parlons maintenant ou je parlerais plus longuement demain de la question du
15 désarmement.
16 Maintenant, je voudrais reprendre la réponse fournie par l'Accusation aux
17 questions posées par la formation en matière de l'entreprise criminelle
18 commune. L'Accusation, au moment du procès, estimait que M. Brdjanin voyait
19 sa responsabilité pénale engagée pour ce qui est des première et troisième
20 catégories. Ceci était dit sachant -- ou plutôt, partant de l'idée que les
21 membres matériels devaient être membres de l'entreprise criminelle commune.
22 Effectivement, ceci était conforme à cette nécessité. Mais l'argument a été
23 rejeté par la Chambre de première instance, la Chambre n'a pas admis
24 entreprise criminelle commune.
25 En répondant maintenant aux questions posées par les Juges,
26 l'Accusation se contente de répéter -- d'amplifier les arguments qui ont
27 été, au moment du procès, sans prouver que le constations de la Chambre de
28 première instance auraient été erronées, que c'était des conclusions, des
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1 constations qu'un Juge raisonnable des faits n'aurait pas pu tirer.
2 C'est un problème énorme qui se pose pour l'Accusation. Quand on voit
3 les conclusions de la Chambre en son paragraphe 159. Après avoir énoncé les
4 différents crimes déclarés commis, la Chambre, et ceci va au cœur même,
5 Madame et Messieurs les Juges, du problème en espèce. La Chambre a conclu
6 que vu le caractère systématique du comportement, et la Chambre le dit
7 après avoir énuméré une liste d'infractions déclarée commise. Vu cette
8 systématicité du comportement, dans toute la Krajina, la Chambre est
9 convaincu que c'était surtout, c'était surtout des infractions qui avaient
10 été commises en vue d'exécuter ce plan stratégique, "mostly" en anglais.
11 Ce terme, il est absolument essentiel parce que si la Chambre
12 estimait que ces crimes étaient surtout commis en vue de l'exécution d'un
13 plan stratégique, cela veut dire que de façon générale, la Chambre n'a pas
14 pu conclure que dans chacun des cas l'infraction aurait été commise en vue
15 d'exécuter le plan stratégique.
16 Ce que je fais valoir, ce qu'il faut prouver ici, c'est qu'il y a
17 pour chacun des crimes présumés, une preuve. Le fait de savoir si chacun
18 des auteurs matériels dans chacun des cas a commis cette infraction en vue
19 d'exécuter le plan stratégique.
20 Note de bas de page 31 dans la réponse de l'Accusation, l'Accusation
21 essaie de contourner les difficultés en laissant entendre que dans une
22 opération de si grande envergure que dans celle de la Krajina, il n'est pas
23 -- il est fort possible qu'il y ait eu certaines actions commises par des
24 personnes qui n'étaient pas animées de cette intention d'exécuter le plan
25 stratégique ou qui ne savaient pas qu'il y avait une entreprise criminelle
26 commune ou n'y participaient pas.
27 Le problème, c'est le critère de la preuve qu'il faut apporter.
28 Effectivement, il faut pouvoir concentrer les éléments de preuve pour qu'il
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1 y ait conviction intime des Juges s'agissant des faits reprochés ou peu, la
2 Chambre doit pouvoir estimer effectivement que les auteurs voulaient
3 exécuter ce plan stratégique et étaient membres de l'entreprise criminelle
4 commune. Or la présente Chambre de première instance n'a pas pu tirer ce
5 genre de conclusion.
6 L'Accusation présente une thèse pour la prouver, elle doit vous
7 prouver à vous qu'il y a eu des preuves apportées pour chacune des
8 infractions reprochées, qu'il y avait effectivement les éléments de
9 l'entreprise criminelle commune. Cela n'a pas été fait et cela ne sera pas
10 être fait au vue des éléments de preuve qui tout simplement n'existaient
11 pas, qui tout simplement sont absents.
12 Au lieu de donner des preuves tangibles, permettant à une Chambre
13 raisonnable de tirer des conclusions raisonnables, l'Accusation se contente
14 de laisser entendre que forcément les auteurs matériels ont dû comprendre
15 qu'ils agissaient dans le cadre de l'exécution d'un plan stratégique. C'est
16 le critère du fait de la connaissance inévitable. Or ceci nous n'avons pas
17 -- ici nous n'avons pas ce critère. Nous avons le critère du doute
18 raisonnable ou de la conviction intime. Ici quand on dit, devait savoir,
19 c'est un critère beaucoup moins rigoureux que celui de la conviction
20 intime. L'Accusation fait référence à la déposition du Témoin PT19, qui a
21 dit : "C'était vraiment horrible de voir que des gens devenaient des
22 machines à tuer à cause du pouvoir redoutable des médias."
23 L'accusation a présenté des arguments, des écritures, et je pense que
24 l'Accusation a sans doute fait référence six ou sept fois à déposition de
25 ce témoin, je n'ai pas fait le décompte.
26 Mais ce que l'Accusation n'a pas dit à propos de ce témoin, c'est que
27 c'était un témoin très important qui était présent au moment des faits dans
28 la région et qu'il recevait des centaines de rapports, des rapports
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1 quotidiens émanant de personnes travaillant sur le terrain, et qu'il
2 faisait rapport de ce qui se passait dans la Krajina, qu'il faisait état
3 d'événements tout à fait pertinents et retenus dans l'acte d'accusation. A
4 partir de ces centaines de rapports, à partir de ces observations
5 personnelles, c'est seulement à partir de tout cela qu'il a pu arriver à la
6 conclusion citée par l'acte d'accusation. Au moment du contre-
7 interrogatoire, on lui a demandé si dans ces centaines de rapports il
8 n'aurait jamais entendu parler de Radoslav Brdjanin qui aurait fait des
9 déclarations, qui aurait été impliqué dans des actes de propagandes. Il a
10 répondu par la négative, aussi bien pour ce qui est de la propagande que de
11 ses effets.
12 C'est important, c'est un élément essentiel car il s'agissait d'une
13 personne qui aurait dû avoir entendu parler de Brdjanin si ce qu'on suppose
14 à son égard est vrai.
15 Je pense qu'il vous faut comprendre l'histoire de cette région de la
16 Krajina. Il vous faut comprendre que les auteurs matériels pertinents
17 n'avaient pas besoin d'être endoctrinés par la propagande pour mener des --
18 pour exécuter des crimes contre la population non serbe, le Dr Donja vous
19 le dit dans son rapport, il vous détaille l'histoire de cette région.
20 Les Croates et les Musulmans de la région ont massacré pendant la
21 Deuxième Guerre mondiale des centaines de serbes, lorsque les Croates
22 étaient les alliés du Troisième Reich, et lorsqu'il y avait une Unité SS
23 musulmane qui opérait dans la région, et les Serbes de Krajina se souvenait
24 de ces massacres car beaucoup d'entre eux avaient perdu des membres de leur
25 famille au cours de ces massacres. C'était particulièrement vrai dans la
26 région de Prijedor où furent commis de tels crimes, où il y avait des
27 crimes commis contre les Serbes pendant la Deuxième Guerre mondiale, à la
28 période au cours de laquelle des milliers de Serbes ont été tués. On est
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1 juste de l'autre côté de la frontière avec la Croatie, pas loin de ce camp
2 de concentration de Jasenovac, tristement célèbre.
3 La mort de Tito, la disparition de son concept de l'unité, de la
4 fraternité, cette disparition à elle seule a entraîné, remontait à la
5 surface de beaucoup de ressentiments. Je pense qu'on ne peut pas comprendre
6 les éléments de preuve présentés dans ce procès sans se rappeler cette
7 histoire.
8 Je vous remercie, Madame et Messieurs les Juges. Mais, je suis prêt à
9 répondre à vos questions.
10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.
11 Je suppose que vous avez terminé la présentation de vos moyens ?
12 M. ACKERMAN : [interprétation] Oui.
13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Avant de demander à mes collègues s'ils
14 ont des questions à vous poser, j'aimerais revenir à la question que je
15 vous ai déjà posée.
16 M. ACKERMAN : [hors micro]
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous voudrez peut-être éclairer
18 davantage ma lanterne parce que la question de l'entreprise criminelle
19 commune me préoccupe toujours.
20 Si je vous ai bien compris, il ne peut y avoir condamnation pour
21 entreprise criminelle commune à partir du deuxième moyen d'Accusation parce
22 que l'Accusation a été d'accord pour dire qu'il fallait que les auteurs
23 matériels soient membres de l'entreprise criminelle commune.
24 Mais si, j'ai bien compris l'Accusation, son premier moyen se
25 rapporte à cette question mais le deuxième moyen porte sur un sujet
26 différent, celui-ci : Faut-il qu'il y ait un accord direct de personne à
27 personne entre l'auteur matériel d'une infraction et
28 M. Brdjanin ?
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1 Voici ce que j'aimerais savoir. Est-ce que l'accusation au moment du
2 procès était d'accord aussi sur dette partie-là, sur la nécessité d'avoir
3 cet accord direct ? Est-ce que vous pourriez nous donner une référence
4 précise aujourd'hui ou demain ?
5 M. ACKERMAN : [interprétation] Je peux vous répondre assez rapidement.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Fort bien.
7 M. ACKERMAN : [interprétation] Au cours du procès, l'entente, vous savez,
8 que ceci venait d'une question posée par les Juges de la Chambre de
9 première instance. Elle voulait savoir si, à notre avis, les auteurs
10 matériels pertinents devaient être membres de l'entreprise criminelle
11 commune. La Défense a dit oui, l'Accusation oui, aussi. Cela n'a jamais
12 changé. C'était tout à fait conforme avec ce que les Juges de la Chambre
13 avaient dit dans une requête ou exception préjudicielle au cours de la mise
14 en état.
15 Donc, je vous dirais ceci en guise de réponse. Même si l'Accusation,
16 et l'argument qu'elle invoque en son deuxième moyen, sont fondés, ceci ne
17 peut pas avoir d'incident sur Brdjanin parce que la Chambre avait imposé la
18 nécessité pour cet auteur matériel d'être membre de l'entreprise criminelle
19 commune dans la troisième catégorie. Par conséquent, ce deuxième moyen
20 invoqué par l'Accusation, même s'il est pertinent de façon abstraite, il ne
21 peut avoir aucune incidence sur la condamnation ou l'acquittement de
22 M. Brdjanin.
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous n'avez pas d'autre chose à dire à
24 propos de l'accord direct de personne à personne ?
25 M. ACKERMAN : [interprétation] Je pense que c'est tout ce que je peux dire
26 aujourd'hui. Je vais y réfléchir d'ici demain. Peut-être pourrais-je vous
27 donner un complément de réponse demain.
28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Fort bien. Si vous voulez évoquer la
Page 105
1 question demain, vous pourrez le faire.
2 Monsieur le Juge Guney ou Madame le Juge Van Den Wyngaert ?
3 Mme LE JUGE VAN DEN WYNGAERT : [interprétation] Si je vous ai bien compris,
4 Maître Ackerman, ce que vous dites à propos de la responsabilité pénale par
5 omission ou négligence, c'est qu'il doit y avoir une obligation légale et
6 vous semblez limiter ceci à un cas où il y un rapport de subordination,
7 subordonné-supérieur.
8 Alors que reste-t-il en matière de responsabilité par omission ou
9 négligence visée par le 7(1) plutôt que par le 7(3) parce que là, en
10 général, on a, effectivement, l'omission commise par un supérieur, alors
11 que pour vous, cela revient presque à une peau de chagrin, cette question
12 de complicité par omission, si je suis votre raisonnement ?
13 M. ACKERMAN : [interprétation] Excusez-moi, je me suis mal exprimé.
14 Un crime peut être commis par omission, lorsqu'il y a un rapport de
15 subordination ou lorsqu'il y a obligation, une obligation affirmative,
16 positive d'agir. Ce que je fais valoir, c'est qu'ici, en l'espèce, il n'y
17 avait pas de rapport de subordination entre
18 M. Brdjanin et l'un quelconque des auteurs matériels. C'est ce qu'a conclut
19 la Chambre de première instance.
20 L'autre partie, là où il pourrait y avoir condamnation par omission, c'est
21 s'agissant de l'obligation légale. Là aussi, la Chambre de première
22 instance a estimé que M. Brdjanin n'avait pas l'obligation d'agir sans la
23 présence d'un rapport de subordination. Je pense que c'est ce qu'a établi
24 la jurisprudence de ce Tribunal.
25 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je ne vois pas d'autres questions que
26 mes collègues les Juges souhaiteraient poser. Je vous remercie donc Me
27 Ackerman.
28 M. ACKERMAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
Page 106
1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'invite Me Karnavas, le représentant
2 de l'Association des conseils de la Défense, à nous présenter ses
3 arguments. Vous n'aurez pas plus de 15 minutes, s'il vous plaît, Maître
4 Karnavas.
5 M. KARNAVAS : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, les conseils de
6 la Défense éprouvent de la reconnaissance et remercient les Juges de la
7 Chambre d'appel de lui avoir conféré ce rôle à jouer, à savoir le rôle
8 d'amicus curiae. Quant à savoir si l'entreprise criminelle commune doit
9 comprendre l'auteur matériel du crime est une question importante du droit
10 sur laquelle nous allons nous prononcer.
11 Je pense que la plupart des conseils de la Défense qui plaident ici devant
12 ce Tribunal, qui défendent leurs clients ici, estiment qu'il convient
13 d'interpréter de la manière suivante ce qui a été dit dans l'affaire Tadic,
14 à savoir que l'entreprise criminelle commune n'est pas comprise de manière
15 explicite ou implicite dans le Statut de ce Tribunal. Ceci étant dit, elle
16 fait partie de la jurisprudence de ce Tribunal et nous estimons qu'il
17 s'agit d'un précédent contraignant. Donc, tel est notre avis, mais vous
18 verrez que nous estimons que ce précédent contraignant doit être respecté,
19 indépendamment de la première partie de mon affirmation.
20 Alors, la question qui se pose est plutôt circonscrite et, dix ans après le
21 premier procès, à peu près, nous essayons encore de bien cerner le concept
22 d'entreprise criminelle commune. Je ne pense pas qu'il soit contesté
23 qu'afin d'estimer qu'il y a responsabilité pénale pour une infraction au
24 titre de l'entreprise criminelle commune, qu'un accusé doit avoir pris part
25 à un projet commun, un dessein, un but commun et que c'est au cœur de
26 l'entreprise criminelle commune.
27 Donc, cela c'est le point de départ. Je pense que nous estimons et que nous
28 comprenons tous ceci. Mais qu'en est-il de la personne, qui elle, commet,
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1 perpètre l'élément matériel. Est-ce que ceci doit se situer dans le cadre
2 d'un plan, d'un dessein, d'un but commun ? L'Association dit oui.
3 Alors, je pense qu'il convient de dire que cette position que défend notre
4 Association et le conseil de la Défense, John Ackerman, que c'est une
5 position qui a été partagée par le bureau du Procureur pendant la phase
6 préalable et pendant le procès au fond de l'espèce. Joanne Korner a été le
7 Queen's Counsel et elle est arrivée à cette décision après l'avoir
8 longuement mûrie, et non pas du jour au lendemain. Comme vous le savez, il
9 y a eu des débats à ce sujet. Le Juge Hunt a posé des questions à
10 l'intention de l'équipe de l'Accusation lorsqu'ils ont souhaité procéder à
11 une modification de l'acte d'accusation. Donc, il s'agit d'un processus
12 réfléchi.
13 Donc, c'est uniquement à partir du moment où le bureau du Procureur n'a pas
14 pu gérer ses moyens de preuve qu'il pensait être suffisants pour arriver à
15 son objectif que la Chambre de première instance est arrivée à ces
16 conclusions. Donc maintenant, nous avons une attitude différente.
17 Donc, que nous dit que nous enseigne la jurisprudence devant ce
18 Tribunal ? Dans l'affaire Ojdanic, la Chambre d'appel n'est pas revenue sur
19 les conclusions Tadic pour ce qui est du caractère coutumier de cette forme
20 de responsabilité pénale. D'accord.
21 En expliquant, en articulant l'entreprise criminelle commune en tant que
22 forme de responsabilité, M. le Juge Shahabuddeen, dans son opinion
23 individuelle, dans l'affaire Gacumbitsi, je pense que c'est un point très
24 important, parce que je l'ai trouvé très frappant pour comprendre d'où
25 vient, comment évoluait l'entreprise criminelle commune. Vous dites que ce
26 n'est pas Tadic qui a créé l'entreprise criminelle commune, mais plutôt la
27 Chambre d'appel dans l'affaire Tadic a simplement mis en exergue le concept
28 juridique qui a évolué sur la base de son analyse de quelques principes
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1 isolés de droit qui ont été rassemblés afin de pouvoir -- afin d'assurer
2 l'administration de la preuve devant le Tribunal international. Donc,
3 l'entreprise criminelle commune, c'est une expression qui n'a pas été
4 trouvée dans ce principe, et la Chambre d'appel n'a pas exigé qu'il y ait
5 modifications de principe. Tout simplement, identifie les éléments de
6 responsabilité pénale individuelle pour un crime qui a été commis de
7 manière collective.
8 Donc, je me polarise là-dessus, parce que c'est cela notre point de
9 départ, ici. Je pense que c'est une observation qui est tout à fait
10 précise, concise, très pointu, pour savoir comment les choses se sont
11 passées dans l'affaire Tadic.
12 Il ne convient pas de rentrer dans les détails, de passer en revue
13 tous les éléments, toutes les affaires qui sont citées dans Tadic. La
14 Chambre d'appel a les écritures qu'elle peut examiner. Cependant, je
15 pourrais peut-être faire quelques remarques au sujet de ces affaires.
16 Puisque les -- le concept de l'entreprise criminelle commune de Tadic
17 a été circonscrit sur la base de certaines affaires de la Seconde Guerre
18 mondiale, il faut répondre à une question, à savoir est-ce que ces affaires
19 sont des lignes directrices d'une importance décisive pour la jurisprudence
20 de ce Tribunal, pour savoir que l'auteur matériel doit être membre de
21 l'entreprise criminelle commune. Je pense que c'est vraiment le cœur du
22 problème.
23 Notre association estime que ces affaires, certes, nous fournissent
24 une orientation par rapport à Tadic, mais ne spécifie pas l'élément disant
25 que l'auteur matériel doit être membre de l'entreprise criminelle commune.
26 Tadic reconnaît que l'auteur matériel et membre de l'entreprise criminelle
27 commune, que c'est un élément requis et demande explicitement, c'est ce que
28 nous avons écrit dans nos écritures au moins sept fois, qu'il doit l'être,
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1 qu'il doit en être le membre. Le Juge Bonomy, dans son opinion
2 individuelle, l'a également fait valoir, dans Ojdanic, lorsqu'il a été
3 question de co-perpétration incorrecte, et c'était le 22 mars 2006. Le Juge
4 Bonomy, après avoir procédé à l'examen, il formule son opinion individuelle
5 qui est tout à fait exemplaire dans son approche, même si nous ne sommes
6 pas d'accord avec lui sur tous les points, nous fournit donc une analyse
7 tout à fait superbe de la jurisprudence.
8 Dans sa première argumentation, dans le paragraphe 204, il parle des
9 éléments de la troisième catégorie de l'entreprise criminelle commune et au
10 paragraphe 220, puis au 228, la Chambre d'appel reconnaît l'élément requis
11 et que l'auteur matériel soit membres de l'entreprise criminelle commune.
12 Alors, le Juge Bonomy a également fait une observation tout à fait
13 pointue sur Tadic. C'est peut-être la raison pour laquelle nous en parlons
14 aujourd'hui ici, à savoir, il dit : "Tadic n'a pas pris une -- n'a pas
15 adopté une position sans ambiguïté quant à la personne qui connaît l'actus
16 reus. Est-ce qu'elle aurait nécessairement participé au plan conjoint, au
17 dessein ou au but commun ?"
18 Donc, le Juge Bonomy analyse la situation comme nous l'avons fait à
19 de nombreuses reprises, à savoir l'auteur matériel doit être membre de
20 l'entreprise criminelle commune, mais ensuite, il cite, quelques
21 paragraphes où hélas, Tadic n'adopte pas une position absolument claire
22 pour ce qui est de ce point en particulier. Il fait son analyse, son
23 examen. Je pense qu'il faut que je présente les deux aspects.
24 Donc, nous estimons que les affaires de la Seconde Guerre mondiale ou
25 à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, sur lesquelles s'est appuyées la
26 Chambre d'appel en définissant l'entreprise criminelle commune dans Tadic,
27 semblent refléter le fait que l'auteur matériel était membre d'un plan
28 commun. Ensuite, nous estimons également qu'à l'examen de ces affaires, la
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1 Chambre d'arrêt dans Tadic ne l'a pas fait simplement pour concevoir un
2 mode de responsabilité qui correspondrait au résultat souhaité dans Tadic.
3 Je pense que ce qui est plutôt pertinent, c'est que dans Tadic, elle
4 l'a fait afin de mener à bien le mandat du Tribunal, qui figure dans le
5 deuxième rapport du secrétaire général, où le secrétaire général se dit
6 convaincu que toutes les personnes qui prennent pas à la planification,
7 l'exécution de violations graves du droit international humanitaire dans
8 l'ex-Yougoslavie sont individuellement responsables de ces violations.
9 Donc, si on interprète le Statut en se basant sur son objet et sur
10 son objectif, à savoir qu'il a déterminé que la doctrine de l'objectif
11 commun et implicite dans 7(1), je voudrais souligner encore une fois que
12 lorsque la Chambre d'appel dans Tadic n'a pas dit nous voulons déclarer
13 coupable Tadic, nous voulons le déclarer coupable d'une certaine manière,
14 donc essayons de voir les affaires de la Deuxième Guerre mondiale et voir
15 si on peut trouver une forme de responsabilité qui serait implicite dans le
16 Statut, mais manque, en fait, dans la jurisprudence. Sur la base du droit
17 coutumier et c'est la raison pour laquelle j'ai cité les propos du Juge
18 Shahabuddeen a été -- s'est basé sur le fait que, finalement, l'entreprise
19 criminelle commune existe dans le droit coutumier et existe d'une manière
20 implicite dans le Statut.
21 Je pense que c'est important. Si vous examinez les différentes
22 affaires, si vous les comparez, ce concept d'entreprise criminelle commune
23 se fonde sur la théorie de l'objectif commun.
24 Les événements de la Deuxième Guerre vous étaient connus à l'époque.
25 Vous connaissez les affaires en question. Vous le saviez à l'époque où vous
26 avez procédé à l'examen. La Chambre d'appel le savait au moment où elle a
27 procédé à l'examen de ces appels. Vous savez qu'ils n'étaient pas sur une
28 grande échelle, qu'elles étaient petites affaires, moyennes affaires,
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1 grandes affaires, qu'il pouvait couvrir de longues périodes, un nombre
2 important de victimes. Donc ce n'est pas seulement Brdjanin qui est apparu
3 du jour au lendemain, cette affaire-ci. Il y avait tout le reste des
4 affaires qui ont été prises en considération.
5 Alors, elle n'envisageait pas, elle n'englobait pas tous les
6 scénarios possibles, mais toutes ont en commun certains éléments qui ont
7 servi, à notre opinion, de base pour élaborer la doctrine de l'entreprise
8 criminelle commune. Par conséquent, on ne pourrait pas suggérer que la
9 Chambre d'arrêt à l'époque de Tadic ne savait pas que ces affaires
10 existaient ou n'était pas au courant ou n'en a pas tenu compte.
11 Donc, j'estime que les faits dans les affaires qui ont suivi Tadic et
12 qui ont -- dont on a été saisi jusqu'à Brdjanin ont été des affaires où il
13 a été question d'entreprises relativement petites et limitées. Mais ceci
14 n'a pas beaucoup d'importance lorsque la question est de savoir si l'auteur
15 matériel doit être membre de l'entreprise criminelle commune ou non. Ce
16 dont il s'agit ici est de savoir quelle peut être la distance entre
17 l'auteur matériel d'un membre de l'entreprise criminelle commune avant que
18 ses actes ne soient plus attribués aux membres de l'entreprise criminelle
19 commune.
20 Donc, où tracer les frontières ? Est-ce qu'il y a des frontières ?
21 Est-ce qu'il y a des limites ?
22 Donc, si on adopte la position de l'Accusation, il n'y a pas de
23 limites. Il s'agit de cibles mouvantes.
24 Jusqu'à présent dans cette affaire, la position de la Chambre de
25 première instance partagée par le bureau du Procureur a été que le jugement
26 reflète correctement les paramètres de Tadic sur la base du droit
27 coutumier. Il s'est basé là-dessus pour conclure que l'entreprise
28 criminelle commune, en tant que forme de responsabilité, est reconnue dans
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1 le droit international coutumier. Ce sont des limitations raisonnables et
2 elles ne compromettent pas l'objet et l'objectif du Tribunal ou de son
3 Statut, mais aussi empêchent la position de la responsabilité pénale d'un
4 accusé lorsque le lien entre lui et ceux qui ont commis les infractions
5 matériellement est difficile d'établir, et je pense que c'est quelque chose
6 qui est important pour nous tous.
7 Dans Limaj, la Chambre de première instance a adopté la même position
8 que la Chambre de première instance de Brdjanin. La Chambre de première
9 instance a rejeté l'entreprise criminelle commune en tant que forme
10 possible de responsabilité par manque d'élément de preuve; cependant, elle
11 a examiné l'affaire Kovocka et il a trouvé que lorsque la Chambre d'appel
12 s'est référée aux crimes commis par un ou plusieurs participant au dessin
13 commun, d'autres membres du groupe -- elle a fait savoir clairement que les
14 crimes commis par un ou plusieurs participants à une telle entreprise
15 peuvent donner lieur à une responsabilité des autres participants.
16 Ce que nous avons ici maintenant, c'est deux Chambres qui disent,
17 l'auteur physique doit être membre de l'entreprise criminelle commune et
18 deux autres Chambres, puisque Krajisnik et l'autre Chambre disent : "Non."
19 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je suis désolé, je vais devoir
20 vous interrompre.
21 M. KARNAVAS : [interprétation] Dix secondes, s'il vous plaît.
22 En fin de compte, les quatre Chambres reconnaissent pour ce qui est
23 de l'auteur matériel avant que leurs actes et leur comportement puissent
24 être attribués à l'accusé, il faut établir un lien direct et étroit entre
25 l'accusé et l'auteur matériel.
26 Je suis vraiment désolé d'avoir pris trop de temps, j'ai essayé
27 d'avancer rapidement et de présenter mes arguments de la meilleure façon.
28 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous l'avez certainement fait. Je vais
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1 recueillir l'avis de mes collègues pour voir comment nous allons
2 poursuivre.
3 L'Accusation quand est-ce que vous souhaitez répondre aux arguments
4 présentés par Me Karnavas ? Je ne dis pas que vous devez commencer tout de
5 suite. Je vous demande quand ?
6 Mme BRADY : [interprétation] Je peux être tout à fait brève. J'allais
7 parler en réponse aux deux orateurs précédents.
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous dites que vous allez être
9 plutôt brève.
10 Mme BRADY : [interprétation] Je ne pense pas qu'il nous faudra plus
11 de 30 minutes en tout. Je pense que nous en étions déjà à 45 minutes, mais
12 je pense il nous suffirait de 30 minutes.
13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous voulez répondre demain ?
14 Mme BRADY : [interprétation] Non, non. Nous préférons le faire au sujet.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous allons libérer les
16 interprètes pour une pause, et nous allons faire une pause de 20 minutes.
17 Nous reprendrons à peu près à 6 heures moins 20. Je pense que nous avons
18 besoin d'une pause minimum de 20 minutes, nous allons respecter cette
19 règle-là.
20 L'audience est interrompue.
21 --- L'audience est suspendue à 17 heures 22.
22 --- L'audience est reprise à 17 heures 40.
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Madame Brady, 30 minutes. Si vous
24 terminez avant, nous vous en serons très reconnaissants.
25 Mme BRADY : [interprétation] Je ferais de mon mieux. Merci.
26 Me Ackerman ainsi que Me Karnavas ont, dans une grande mesure, répété les
27 arguments qui figuraient dans leurs mémoires en réponse. Nous, nous avons
28 déjà répliqué de manière circonstanciée dans nos propres mémoires en
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1 réplique, je ne vais pas répéter ce qui a déjà été dit dans les mémoires en
2 réplique. Ce que préférerais faire c'est de me concentrer sur certain
3 nombre de points distincts qui ont été évoqués auxquels je pense nécessaire
4 de répondre.
5 La première question que je souhaite évoquer, c'est celle qui découle d'une
6 question posée par vous-même, Monsieur le Juge Meron, à Me Ackerman. Me
7 Ackerman avait affirmé que l'Accusation ne pouvait pas soulever son
8 deuxième moyen d'appel parce que lors du procès en première instance nous
9 avions reconnu que ce n'était pas une position tenable.
10 Nous reconnaissons certes que lors du procès en première instance on a
11 demandé à l'Accusation et elle a répondu -- l'Accusation -- réponse à une
12 question de la Chambre de première instance que les auteurs matériels des
13 crimes dont l'accusé était tenu responsable devait avoir conclu un accord
14 avec celui-ci. Cela c'était la question qui nous était posée en première
15 instance, c'était à quoi nous avons répondu de notre mémoire en clôture,
16 oui, oui, il est nécessaire de montrer qu'il y avait une entente ou un
17 arrangement qui constituait un accord ou qui revenait à un accord entre
18 deux -- au moins deux personnes pour commettre un crime. Cependant, nous
19 avons également ajouté quand deux personnes au moins participent à la
20 perpétration d'un crime cela traduit un accord ou une entente tacite qui
21 revient à un accord conclu entre ces personnes pour commettre le crime en
22 question.
23 Ensuite, dans notre réponse, nous avons ajouté, oui, dans le cadre de la
24 première catégorie d'entreprise criminelle commune, il est nécessaire de
25 montrer que les auteurs matériels et l'accusé partageait la même intention
26 délictueuse pour le crime concerné.
27 Nous ne revenons en rien sur cette position. Nous n'adoptions pas une
28 position différente que celle que nous avions en première instance. A aucun
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1 moment en première instance nous n'avons dit que cet arrangement ou cet
2 accord devait un accord direct. Nous ne l'avons jamais dit en première
3 instance. Nous n'avons jamais dit qu'il fallait qu'il y ait une sorte de
4 contrat formel, ou d'accord entre deux personnes. Nous avons simplement dit
5 qu'il fallait qu'il y ait un accord. L'essence de l'appel de l'Accusation
6 c'est que cet accord on peut l'établir une fois qu'on prouve qu'il y a un
7 plan ou un dessin commun et pour prouver qu'il y a un plan ou un dessin
8 commun il faut montrer que l'auteur matériel, et Brdjanin en l'espèce, les
9 membres de l'entreprise criminelle commune, que ces gens-là avaient un même
10 objectif criminel et qu'ils ont agi de concert pour le réaliser. Voilà
11 l'accord. Nous n'avons absolument pas modifié notre point de vue.
12 Nous estimons que s'agissant du deuxième moyen d'appel, oui, effectivement,
13 les auteurs matériels doivent être membres de l'entreprise criminelle
14 commune, pour ce moyen d'appel. Bien entendu, au titre du premier moyen
15 d'appel, nous disons que ces auteurs matériels ne doivent pas
16 systématiquement être membres de l'entreprise criminelle commune, mais le
17 moyen d'appel numéro 1. C'est un moyen d'appel que nous avons soulevé et
18 qui ne concernait pas l'accusé ici présent, mais parce que nous avons
19 estimé que c'était une erreur de droit qui avait été commise par la Chambre
20 de première instance et qui était très importante pour le Tribunal.
21 Deuxième point que je souhaiterais aborder c'est une question qui a été
22 soulevée aussi bien par Me Ackerman que par Me Karnavas. Dans leurs
23 interventions respectives, quand il dit -- bien ils ont dit, selon eux :
24 nous n'avons pas une position qui soit conforme au droit coutumier
25 international, que nous élargissons ces définitions, ce que nous lisons n'a
26 jamais été dit dans Tadic, et nous arguons de ce fait parce que cela nous
27 convient, et que nous essayons d'élargir, de repousser les limites de
28 l'entreprise criminelle commune. A un moment donné, je crois que Me
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1 Karnavas a dit que pour nous l'Accusation l'entreprise criminelle commune
2 n'avait aucune limite.
3 Ce n'est pas vrai, ce n'est pas du tout la position adoptée par
4 l'Accusation. Nous n'essayons nullement de mettre en place un nouveau
5 concept de l'entreprise criminelle commune. Notre position c'est qu'il
6 s'agit du concept de l'entreprise criminelle commune tel qu'il a été défini
7 dans Tadic, sauf que dans Tadic les faits étaient tels qu'il n'était pas
8 nécessaire d'aller au-delà de la situation où les auteurs matériels font
9 partie de l'entreprise criminelle commune.
10 Mais cela ne signifie pas pour autant que la décision Tadic se limite
11 à ce type de situation qui était celle de l'affaire Tadic. Nous
12 reconnaissons que les affaires découlant de la Deuxième Guerre mondiale ont
13 exigé parfois que les auteurs soient membres de l'entreprise criminelle
14 commune. Mais ce n'était pas tous les cas.
15 En tout cas, je souhaiterais vous renvoyer aussi à nos mémoires parce
16 que nous y avons abordé cette question de manière très détaillée, si bien
17 que l'arrêt Tadic ne fixe pas le limites qui nous ont été, qui ont été
18 présentées par Me Ackerman et par Me Karnavas. Si on regarde la
19 jurisprudence la plus récente, on va voir clairement qu'il n'y a pas de
20 limite de la sorte. Les limites qui sont présentées par Me Karnavas ou Me
21 Ackerman, ces limites ne sont pas prévues par l'arrêt Tadic.
22 Me Karnavas, aussi bien que Me Ackerman, ont déclaré que notre
23 position à nous au sujet de l'entreprise criminelle commune était beaucoup
24 trop large, que selon nous, il n'y avait pas de limites à l'application de
25 sa théorie et que cela enfreignait le principe de la culpabilité. Je
26 réponds que les limités fixées par la Chambre de première instance, ce sont
27 des limites qui étaient tout à fait justes, justement pour qu'il n'y ait
28 pas abus, qu'il n'a pas pris contre [imperceptible]large.
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1 Notre position n'a pas pour conséquence d'élargir la portée de
2 l'entreprise criminelle commune, cela ne change en rien ce qui est prévu
3 par le droit coutumier international et cela ne va pas à l'encontre de tout
4 ce qui a trait à la culpabilité, à ses principes. S'il y a bonne
5 application du principe, que ce soit pour des crimes de grande envergure ou
6 de moins grande envergure. La doctrine de l'entreprise criminelle commune
7 au terme du droit coutumier international n'est pas exagérément élargie si
8 on l'applique correctement. En fait, cette doctrine fait en sorte qu'un
9 accusé n'est dit responsable au titre de l'entreprise criminelle commune
10 que s'il est vraiment coupable. Pourquoi ? Parce que les éléments
11 constitutifs de l'entreprise criminelle commune fournissent des gardes fous
12 qui empêchent d'étendre les limites comme souhaitaient vous le faire croire
13 les avocats de la Défense qui disent que nous souhaitons étendre les
14 limites de manière infinie.
15 Premièrement, il y a l'obligation de prouver l'intention. C'est un
16 garde fou très, très important pour vérifier la bonne application de la
17 théorie de l'entreprise criminelle commune. Pour l'entreprise criminelle
18 commune de catégorie un, tous les membres de l'entreprise criminelle
19 commune y compris l'accusé, doivent être animés de l'intention criminelle
20 qui est l'objectif de l'entreprise criminelle commune. Cela va au-delà de
21 l'exigence de connaissance qu'on a vu dans les affaires de la Deuxième
22 Guerre mondiale. L'exigence est plus importante.
23 Pour que la catégorie 3 de l'entreprise criminelle s'applique, il
24 faut que l'accusé soit en mesure, et le [imperceptible] soit en mesure de
25 prévoir que d'autres crimes vont avoir lieu dans le cadre de la réalisation
26 du dessin commun.
27 Donc, cela c'est un garde fou très important, une limite qui est
28 fixée à l'application de cette théorie.
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1 Deuxièmement, il y a l'exigence d'établir la contribution.
2 Maître, Ackerman peut-être que je ne cite pas exactement ses propos,
3 mais il me semble qu'en l'essence il a dit : "Oui," pour l'Accusation tout
4 ce qu'ils ont l'impression de devoir prouver, c'est qu'il existe une
5 entreprise criminelle commune, que l'accusé s'y est joint et puis, voilà,
6 miracle, abracadabra, il est responsable. Mais non, pas du tout, ce n'est
7 pas du tout le cas. Tous les membres de l'entreprise criminelle commune y
8 compris l'accusé doivent contribuer à la perpétration des crimes qui sont
9 visés dans -- qui sont visés par l'entreprise criminelle commune dans cette
10 objectif.
11 S'agissant de cette contribution qui doit être établie, de cette
12 exigence, nous avançons l'argument suivant : pourquoi est-ce qu'il y aurait
13 une différence si l'un des accusés, membre de l'entreprise criminelle
14 commune, a apporté sa contribution directement à cet entreprise ? Donc,
15 cela c'est un cas de figure et puis, de l'autre côté, vous avez un autre
16 membre de l'entreprise criminelle commune qui contribue à cette entreprise
17 de manière indirecte. Pourquoi est-ce qu'on devrait les traiter
18 différemment ? Pourquoi est-ce qu'ils seraient différemment coupables ? En
19 d'autres termes, on peut dire que, dans les deux cas, c'est -- si un acte
20 est commis pour un membre de l'entreprise criminelle commune, ce même acte
21 peut être attribué à tous les membres de l'entreprise.
22 Autre limite, autre garde fou pour empêcher que cette théorie ne
23 puisse s'appliquer de manière trop vaste parce que ce n'est pas du tout le
24 cas. L'autre limite, la troisième limite elle découle du plan criminel
25 commun en tant que tel. Ceci vous le retrouverez dans notre deuxième moyen
26 d'appel. Il est nécessaire d'établir que les membres de l'entreprise
27 criminelle commune partageaient un plan commun et on agi dans ce sens.
28 Il n'y a là rien d'injuste, rien d'exagérément large, si l'on déclare
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1 un accusé coupable parce que de concert il a agi avec l'autre pour que --
2 avec d'autres pour qu'ensemble, ils atteignent un objectif commun. Cela
3 c'est le cas que les personnes avec qui il a agi, agissent indirectement ou
4 directement.
5 Pour présenter les choses extrêmement simplement parce que Me
6 Ackerman nous a donné l'exemple du maire de Banja Luka. Une petite
7 précision à ce sujet, il ne s'agit pas d'une affaire où il faut prouver que
8 l'accusé devait savoir. Ici on peut prouver, on peut prouver c'est un fait
9 les auteurs matériels avec connaissance. Ils partageaient le même plan.
10 Mais pour présenter notre position de matière schématique, lorsque
11 les auteurs matériels sont membres de l'entreprise criminelle commune, il
12 n'y a pas d'illusion du principe de la culpabilité ou élargissement de
13 cette responsabilité si l'on dit que l'accusé est responsable des actes de
14 ceux à qu'il s'est joint pour mettre en œuvre les objectifs criminels.
15 Pour répondre à Me Karnavas, lorsque les auteurs matériels ne sont
16 pas membres de l'entreprise criminelle commune il n'y a pas là
17 d'élargissement du principe d'atteinte portée au principe de culpabilité.
18 Pourquoi est-ce qu'un accusé ne serait pas tenu responsable des actes
19 d'autres, des actes de tiers lorsque ces tiers commettent ces actes en
20 étant des outils, des outils de ceux avec qui l'accusé a convenu d'agir de
21 concert pour qu'ensemble ils atteignent leur objectif criminel.
22 J'aimerais répondre maintenant à l'argument présenté par
23 Me Ackerman. Là où il a beaucoup insisté sur le fait que des auteurs
24 matériels ne relevaient pas de sa structure, il l'a dit plusieurs fois. En
25 fait, la RAK, avait-il dit, n'avait pas d'autorité sur les auteurs
26 matériels pertinents, qu'il n'y avait pas de rapport de subordination.
27 C'est vrai, c'est vrai. Ces conclusions sont celles de la Chambre de
28 première instance, c'est auteurs n'étaient pas strictement strictes dans sa
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1 voie hiérarchie, dans sa chaîne de commandement, mais la Chambre de
2 première instance qu'a-t-elle conclu ? Comment dire ? Je cherche les mots
3 précis. Qu'il exerçait une grande influence sur l'armée et sur les forces
4 paramilitaires. Paragraphes 224 et 229 du jugement.
5 L'effet qu'à l'argument de Me Ackerman, c'est qu'au fond, puisque ces
6 paramilitaires, ces militaires ne relevaient pas de [imperceptible].
7 Pourquoi pourrait-on invoquer leur responsabilité pénale de M. Brdjanin au
8 titre du 7(1) pour l'entreprise criminelle commune. Donc, dans le fond, là,
9 il confond et il mélange deux types de responsabilité, celui visé par le 7
10 (1) et celui visé par le
11 7(3).
12 Ce faisant, il reconnaît que ces deux formes de responsabilité
13 incriminent deux modes de comportements criminels différents, c'est pour
14 cela qu'ils sont spécifiés par des éléments constitutifs différents. Quand
15 on voit le manquement du supérieur hiérarchique pour l'obligation de
16 sanctionner des crimes commis par des subordonnés, lorsqu'ils savaient --
17 ou avaient des raisons de savoir que tel ou tel crime avait été commis.
18 Donc, il y a sanction pour commission d'un acte lorsqu'il y a l'obligation
19 de commettre. C'est à ce moment-là qu'il faut prouver qu'il y a
20 effectivement rapport de subordination. Donc, si on invoquait le 7(3), ici
21 les arguments de Me Ackerman seraient fondés.
22 Mais, ici, nous invoquons la responsabilité visée par l'article 7(1)
23 et nous le savons. Là, il ne faut pas nécessairement que les membres de
24 l'entreprise criminelle commune se trouvent dans une structure organisée.
25 Du moment qu'on peut prouver que ces personnes partageaint un projet, un
26 dessin criminel commun, c'était, entre guillemets, l'accord qu'ils ont
27 entre eux, et qu'aussi, ils auraient agi de concert pour mettre cette
28 intention en exécution.
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1 Donc, le mode de responsabilité du 7(3) n'est pas pareil que pour le
2 7(1) parce que le 7(3) sanctionne des visées allant vers un objectif
3 criminel convenu par l'accusé avec d'autres. Parfois, le comportement de
4 l'accusé peut répandre deux formes de responsabilité, parfois, il faut
5 faire un choix entre les deux, mais ce n'est pas toujours le cas, et ce
6 n'est pas nécessairement parce qu'il y avait déjà ce lien de subordination
7 qui avait été ouvert et qu'on ne peut pas appliquer dès lors le 7(3). Cela
8 ne veut pas dire qu'on ne peut pas appliquer, au contraire d'ailleurs,
9 l'article 7(1) pour ce qui est de la responsabilité de l'entreprise
10 criminelle commune en l'espèce, parce qu'au contraire, il voulait dire
11 qu'il ne pouvait pas y avoir d'incidence sur Brdjanin, parce que celui-ci
12 n'avait pas ce rapport de subordination. Je vous rappelle, une fois de
13 plus, que la conclusion de la Chambre de première instance, c'est qu'il
14 avait une grande influence et qu'il n'aurait pu -- ceci aurait pu avoir une
15 incidence sur les événements, puisqu'il était quand même le principal
16 acteur et c'était là la mesure de son autorité et de l'incidence, de
17 l'impact qu'il aurait pu avoir sur les événements.
18 Je voulais en quelques mots revenir à ce que disait Me Ackerman lorsqu'il
19 reprenait des conclusions citées à l'article 351 du jugement, lorsqu'il
20 disait qu'on ne pouvait pas appliquer la thèse de l'entreprise criminelle
21 commune à ces faits.
22 A notre avis, la Chambre a eu tort ou a été raisonnable en tirant certaines
23 conclusions ou des déductions qui l'ont poussée à croire qu'on ne pouvait
24 pas conclure à l'existence d'une entreprise criminelle commune parce que
25 là, on a retenu une démarche trop étriquée parce qu'elle a uniquement
26 retenu la possibilité des conclusions sur deux hypothèse très étriquées.
27 Pourquoi était-ce déraisonnable ? Parce qu'on appliquait cette idée du
28 dessein commun au fait déjà constaté par la Chambre.
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1 Permettez-moi, rapidement de passer en revue ces deux déductions, ces
2 deux hypothèses sur lesquelles s'est prononcée la Chambre, ce qui l'a
3 poussé à dire qu'il ne peut pas y avoir de responsabilité en matière
4 d'entreprise criminelle commune.
5 Tout d'abord, la Chambre a permis cette possibilité que les
6 participants avaient le même objectif criminel, mais qu'ils auraient agi,
7 quelque part, indépendamment les uns des autres. Un plan criminel, un
8 objectif criminel commun, une de ses caractéristiques, ce n'est pas
9 simplement qu'on adopte le même projet, le même plan, mais qu'on acte --
10 qu'on agisse de concert, ensemble. La Chambre de première instance avait
11 déjà, dans tout le jugement, d'ailleurs et surtout dans le chapitre 4 du
12 jugement, mais c'est vrai pour la totalité du jugement, avait déjà conclu
13 que Brdjanin et les auteurs matériels partageaient ce même objectif
14 criminel, l'expulsion, le transfert forcé des Musulmans et des Croates de
15 la région en ayant recours à la force ou à le terreur, ou à la peur, et de
16 prendre des mesures pour l'exécuter. Donc, il y avait déjà une conclusion
17 disant qu'il y avait cette action de concert. La Chambre avait déjà conclu
18 qu'il y avait un accord.
19 En fait, la Chambre de première instance, dans son paragraphe 119,
20 que disait-elle ? Que conclut-elle ? C'est que, ce qu'elle appelle
21 l'incident ou l'incidence ou l'effet sur les groupes dits non contrôlés
22 était marginale et qu'il était impossible d'avoir une politique
23 systématique d'une telle envergure s'il y avait eu que des actions
24 spontanées de groupes périphériques marginaux.
25 Donc par conséquent, cette déduction n'était pas logique, vu les
26 constatations même auxquelles la Chambre avait abouti.
27 La deuxième déduction de la Chambre, qui à notre avis est erronée,
28 c'est que les membres présumés de l'entreprise criminelle commune auraient
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1 simplement réagi ou obéi à des ordres donnés par des supérieurs militaires,
2 par exemple. Je pense que c'est pour cela que Me Ackerman a mentionné tous
3 ces paragraphes où on parlait de militaires qui visaient à tel ou tel
4 comportement. Cela peut se passer sans qu'il y ait un accord avec le plan
5 criminel commun.
6 Mais en théorie, c'est vrai, c'est faisable. Cela peut se passer.
7 Cela pourrait se passer que des gens obéissent à des ordres sans être
8 d'accord entre eux. C'est pour cela que notre premier moyen est important,
9 parce que ce genre de cas de figures est tout à fait pensable. Mais ce
10 n'est pas pensable ici, vu les faits de l'espèce. En effet, une fois de
11 plus ici, on applique bien la thèse du projet ou du dessein criminel
12 commun, là, on répond à cette préoccupation, tant qu'il est établi que ces
13 personnes avaient le même projet commun, agissaient de concert. Or, c'est
14 la Chambre qui l'a constaté elle-même. Le fait d'agir à des ordres ne sera
15 pas en contradiction avec le fait d'agir pour réaliser un projet commun.
16 Effectivement, si quelqu'un avait partagé, avait adopté ce plan
17 criminel commun à une échelle aussi grande, cette personne aurait su que
18 pour l'exécuter, il fallait vraiment un degré de coopération telle que la
19 seule façon d'y parvenir, c'était en donnant des ordres et en les faisant
20 exécuter.
21 En un mot commençant, à la lumière des conclusions tirées par la
22 Chambre, à savoir que les auteurs matériels se trouvaient dans le cadre de
23 cet accord, qu'ils partageaient le même projet, le même dessein, qu'ils
24 agissaient de concert, ceci apparaît à l'examen des crimes; à ce moment-là,
25 ceci permet l'application de l'entreprise criminelle commune.
26 Donc, les faits mêmes invoqués par Me Ackerman n'étaient pas
27 raisonnables quand on voit les conclusions tirées par la Chambre de
28 première instance elle-même.
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1 J'aimerais en dernier lieu aborder la question de l'effet, l'impact
2 ou incidence dont a parlé Me Ackerman. Il a d'abord fait valoir que -- il a
3 demandé si les membres de l'entreprise criminelle commune avaient commis
4 des crimes. Mais réponse, oui. Les forces militaires, les forces
5 paramilitaires ont commis ces crimes et les membres de l'entreprise
6 criminelle commune, n'ont pas parce qu'ils sont allés serrer la main à M.
7 Brdjanin, mais parce qu'ils étaient d'accord avec lui, dans la mesure où
8 ils ont épousé ses idées, son plan et qu'ils ont travaillé avec lui pour le
9 mettre à exécution. Ceci ne se base pas simplement sur les éléments de
10 preuve, mais bien sur les conclusions, les constatations factuelles de la
11 Chambre de première instance.
12 Me Ackerman a contesté beaucoup de choses qui sont en fait des faits,
13 des faits repris dans le jugement, les constatations des Juges de première
14 instance. Evidemment, ici je vous présente l'appel de l'Accusation et nous
15 partons du jugement, des constatations faites par les Juges de la Chambre
16 de première instance. Alors, si
17 Me Ackerman dit que ces constatations sont déraisonnables, nous avons
18 répondu à ce qu'il a dit par écrit et demain, sans doute, pourrons-nous
19 revenir sur certains de ces éléments, dans la mesure où cela n'a pas encore
20 été fait par écrit.
21 L'incandescence de ses arguments, c'est que l'Accusation n'a pas
22 prouvé qu'il y avait un accord, une entente entre les membres de
23 l'entreprise criminelle commune en vue de commettre un crime, que nous
24 n'aurions pas montré qu'il y avait des membres et qui n'étaient pas
25 d'accord. Rappelez-vous nos écritures du 13 novembre. Nous vous avons
26 présenté de façon très circonstancielle notre position, accompagnée
27 d'annexes qui vous montre de façon très précises quels furent les crimes
28 des militaires, des paramilitaires, bon des membres de l'entreprise
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1 criminelle commune, crimes commis dans le cadre de l'exécution de cet
2 objectif criminel commun.
3 Je ne vais pas y revenir de façon détaillée, mais au fond, les
4 constatations faites par la Chambre même le disent clairement. Brdjanin et
5 les auteurs matériels ont adopté le même plan, qui était d'expulser ou de
6 transférer par la force les non-Serbes de la région.
7 Me Ackerman n'a de cesse de souligner que ces gens n'étaient pas
8 d'accord. Ils n'étaient pas d'accord. Il n'y avait pas d'accord. Mais
9 qu'est-ce que c'est qu'un accord ? Cela veut dire qu'on partage un plan
10 criminel commun et qu'on est ensemble. Que peut-on tirer comme conclusion
11 si ce n'est les constatations de la Chambre, à savoir qu'ils étaient en
12 accord. Il est clair qu'ils ont agi de concert pour permettre la
13 réalisation de cette entreprise criminelle commune. Ils l'ont fait
14 ensemble. On ne laisse pas entendre qu'il y aurait eu des groupes
15 indépendants.
16 Par conséquent, effectivement, il y a des membres de l'entreprise
17 criminelle commune qui ont commis des crimes. Ils ont partagé -- adopté le
18 même projet criminel commun et ils ont travaillé main dans la main pour
19 l'exécuter. Ce plan était tellement vaste, tellement complet qu'il n'aurait
20 pas pu être organisé ou réaliser autrement que par la coopération
21 coordonnée d'un grand nombre d'individus et entités.
22 Je voudrais rapidement réagir à deux points évoqués par
23 Me Ackerman sur l'incidence ou les faits. Il invoque le paragraphe le
24 paragraphe 159 du jugement pour dire que la constatation, la conclusion
25 c'est que les crimes ont été surtout "mostly" en anglais, surtout commis en
26 vue d'exécuter ou la plupart du temps commis pour exécuter ce plan
27 stratégique. Cela veut dire que cela n'est pas toujours. Puis il dit qu'il
28 faudrait prouver chacune des affirmations. C'est ce que nous avons fait par
Page 127
1 écrit dans nos écritures.
2 Quand on voit l'ampleur de cette opération, il se pourrait bien qu'il y
3 aurait un nombre minimal de personnes qui pour une raison ou une autre ne
4 partagent peut-être pas ce plan. Peut-être qu'ils pensent à autre chose et
5 qu'ils sont là un peu de façon opportuniste par hasard. C'est à ce la que
6 pensait la Chambre de première instance. Pourquoi affirmons-nous cela ?
7 C'est parce que toutes les autres conclusions et constatations de la
8 Chambre ne précisent pas la chose en ces termes, ne font pas ce genre de
9 qualification. C'est seulement aux paragraphes 350, 351, au paragraphe 159,
10 que nous citions dans nos écritures, que la Chambre le dit, il faut lire
11 ceci en conjonction avec le paragraphe 119 où la Chambre conclut qu'en fait
12 l'effet de l'action aléatoire de certains groupes était tout à fait
13 périphérique, marginal.
14 Ici, nous parlons de la majorité des infractions, et pour ce qui est de la
15 plupart des infractions reprises dans nos annexes. C'est pour celles-là
16 qu'il y a eu participation des membres de l'entreprise criminelle commune
17 et que c'est en cette qualité que ces crimes ont été commis.
18 Dernier point, est-ce que les auteurs matériels savaient ou non que
19 Brdjanin était là ? On a dit qu'un de nos témoins, le Témoin BT19, avait
20 déclaré qu'il n'avait jamais entendu parler de Brdjanin. Je n'ai pas tout à
21 fait saisi la référence précise au compte rendu d'audience, ce qui fait que
22 nous n'avons pas pu retrouver ce passage précis, mais ce n'est pas
23 tellement important. Ce qui compte n'est pas de savoir si ces gens
24 connaissaient nécessairement M. Brdjanin par son nom, même si les
25 conclusions le montrent la campagne de propagande qui a été menée était
26 telle. Ces conclusions se retrouvent partout dans le jugement, que la
27 campagne de propagande était une des façons majeures et essentielles de
28 mettre en œuvre ce plan, et les conclusions parlent d'elles même, tout le
Page 128
1 monde savait ce qui se passait.
2 Que tel ou tel individu ne connaisse pas le nom de M. Brdjanin, ce n'est
3 pas important que cela. Ce qui est important c'est que la seule conclusion
4 raisonnable c'est que M. Brdjanin savait que les objectifs du plan
5 stratégique ne pouvaient pas être réalisés sans les auteurs matériels, et
6 il a travaillé avec eux. Les auteurs matériels quant à eux, ils avaient
7 besoin d'un dirigeant, il avait besoin de la propagande, de l'appui qui
8 était apporté par les dirigeants. Qui se trouvait parmi les dirigeants ?
9 Qui était le numéro un ? C'était le président de l'autorité civile. C'était
10 M. Brdjanin.
11 J'ai tenté d'être aussi brève que possible et de reprendre tous les points
12 que je devais évoquer. Me Ackerman a parlé aussi de la responsabilité par
13 omission. Mme Goy va vous en parler demain. Elle va vous donner notre point
14 de vue sur la question. Merci.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Madame Brady, de votre
16 intervention.
17 Nous allons maintenant suspendre l'audience et nous reprendrons demain
18 matin à 9 heures et à ce moment-là nous entendrons les arguments de Me
19 Ackerman pour la Défense.
20 Je souhaiterais remercier les parties, mes collègues, et je vous
21 souhaite une bonne soirée.
22 --- L'audience est levée à 18 heures 14 et reprendra le vendredi 8
23 décembre 2006, à 9 heures 00.
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