Affaire n° : IT-03-73-PT

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE II

Composée comme suit :
M. le Juge Carmel Agius, Président
M. le Juge Jean-Claude Antonetti
M. le Juge Kevin Parker

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
8 mars 2005

LE PROCUREUR

c/

IVAN CERMAK
MLADEN MARKAC

___________________________________

DÉCISION RELATIVE AUX EXCEPTIONS PRÉJUDICELLES SOULEVÉES PAR IVAN CERMAK ET MLADEN MARKAC POUR VICES DE FORME DE L’ACTE D’ACCUSATION

___________________________________

Le Bureau du Procureur :

M. Kenneth Scott
Mme Laurie Sartorio

Les Conseils des Accusés :

M. Cedo Prodanovic et Mme Jadranka Slokovic pour Ivan Cermak
MM. Miroslav Separovic et Goran Mikulicic pour Mladen Markac

I. RAPPEL DE LA PROCÉDURE

1. La Chambre de première instance II se prononce par la présente décision sur les exceptions préjudicielles présentées par Ivan Cermak et Mladen Markac (les « Accusés  ») en application de l’article 72 A) du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») pour vices de forme de l’acte d’accusation.

2. L’acte d’accusation établi contre Ivan Cermak et Mladen Markac a été confirmé le 24 février 2004 (l’« Acte d’accusation »). Les deux Accusés se sont livrés volontairement et ont été transférés au siège du Tribunal le 11 mars 2004. Lors de leur comparution initiale, organisée le lendemain, chacun des Accusés a plaidé « non coupable » de tous les chefs retenus à son encontre dans l’Acte d’accusation.

3. Le 9 juillet 2004, les conseils de l’accusé Mladen Markac (la « Défense de Markac  ») ont soulevé une exception préjudicielle pour vices de forme de l’Acte d’accusation (Mladen Markac’s Preliminary Motion on the Defects in the Form of the Indictment ) (la « Requête de Markac »). Le 15 juillet 2004, les conseils de l’accusé Ivan Cermak (la « Défense de Cermak ») ont également présenté une exception préjudicielle pour vices de forme de l’Acte d’accusation (Ivan Cermak’s Motion on the Form of the Indictment) (la « Requête de Cermak »). Le 22 juillet 2004, l’Accusation a présenté une réponse globale, par laquelle elle s’est opposée aux Requêtes1.

4. Chacun des Accusés doit répondre de quatre chefs de crimes contre l’humanité (persécutions, expulsion, déplacement forcé et autres actes inhumains) sanctionnés par l’article 5 du Statut du Tribunal international (le « Statut »), ainsi que de trois chefs de violations des lois ou coutumes de la guerre (meurtre, pillage de biens publics ou privés et destruction sans motif de villes et de villages) sanctionnées par l’article 3 du Statut. Ces crimes auraient été commis dans la région de la Krajina en République de Croatie du 4 août au 15 novembre 1995. Du 5 août au 15 novembre  1995, Ivan Cermak était commandant de la garnison de Knin, capitale de la Krajina. Il aurait eu, en droit et/ou en fait, autorité sur une partie des forces croates opérant dans le sud de la Krajina à l’époque des faits. Mladen Markac était, quant à lui, commandant des forces spéciales de police du Ministère de l’intérieur de la République de Croatie. En cette qualité, il aurait déployé notamment les forces de la police spéciale, leur aurait donné des ordres et aurait, de toute autre manière, exercé un contrôle sur celles-ci dans la région au moment des faits. Pour mettre en cause la responsabilité pénale individuelle de chacun des Accusés, le Procureur s’appuie tout à la fois sur l’article 7 1) du Statut et sur l’article 7 3) du Statut.

II. PRINCIPES GÉNÉRAUX DE PRÉSENTATION DE L’ACTE D’ACCUSATION

5. L’article 18 4) du Statut et l’article 47 C) du Règlement prévoient que l’acte d’accusation expose succinctement les faits et les crimes reprochés à l’accusé. Ils sont à rapprocher des articles 21 2) et 21 4) a) et b) du Statut qui reconnaissent à l’accusé le droit d’être informé de la nature et des motifs des accusations portées contre lui et de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense2. Ce droit accordé à l’accusé a pour contrepartie l’obligation faite à l’Accusation d’exposer les faits essentiels qui justifient les accusations portées contre l’accusé3. Aussi un acte d’accusation est-il suffisamment précis lorsqu’il expose de manière suffisamment circonstanciée les faits essentiels pour informer clairement un accusé des accusations portées contre lui, lui permettant ainsi de préparer sa défense4.

6. C’est la nature de la cause de l’Accusation qui détermine si un fait est ou non essentiel5. La nature du comportement criminel reproché à l’accusé6, et notamment le lien de celui-ci avec les faits incriminés7, constituent des éléments décisifs à cet égard. C’est le lien présumé de l’accusé avec les faits incriminés qui détermine si l’identité des victimes, les lieu et date des faits incriminés, ainsi que la description même de ces faits, sont ou non des faits essentiels8.

7. Lorsqu’elle se fonde sur l’article 7 1) du Statut pour mettre en cause la responsabilité pénale individuelle d’un accusé, l’Accusation peut être tenue d’indiquer, pour chaque chef d’accusation, la nature de la responsabilité alléguée, autrement dit le mode de participation en cause9. Lorsqu’elle reproche à l’accusé d’avoir planifié, incité à commettre, ordonné ou aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter les crimes allégués, l’Accusation doit préciser les agissements ou la ligne de conduite de l’accusé sur lesquels se fondent ces allégations10. Dans ce cas, l’Accusation doit en outre préciser les actes qui engageraient la responsabilité de l’accusé pour autant qu’elle est en mesure de fournir ces informations11. Mais, le degré de précision requis pour de tels actes n’est pas aussi élevé que lorsqu’il est reproché à l’accusé d’avoir personnellement commis les actes en question 12.

8. Du reste, lorsqu’il est reproché à l’accusé d’avoir « commis » un crime au sens de l’article 7 1) du Statut, l’acte d’accusation doit préciser s’il lui est reproché d’avoir « matériellement commis » le crime en question ou d’avoir participé à une entreprise criminelle commune, ou bien les deux à la fois13.

9. Lorsqu’elle reproche à l’accusé d’avoir participé à une entreprise criminelle commune, l’Accusation doit préciser des faits essentiels qui entrent dans quatre catégories :

a) la nature ou l’objectif de l’entreprise criminelle commune ;

b) la période pendant laquelle l’entreprise aurait existé ;

c) l’identité des participants à cette entreprise — pour autant qu’elle est connue — ou du moins la catégorie à laquelle ils appartiennent en tant que groupe ;

d) la nature de la participation de l’accusé à cette entreprise.14

10. Lorsqu’il est tenu individuellement pénalement responsable au regard de l’article 7 3) du Statut en tant que supérieur hiérarchique des auteurs matériels des crimes, l’accusé doit être informé non seulement des actes qu’il aurait lui même commis et qui engagent sa responsabilité, mais aussi des actes commis par les personnes dont il est présumé responsable, pour autant que l’Accusation est en mesure de fournir ces informations15. Lorsqu’un accusé est mis en cause sur la base de l’article 7 3) du Statut, les faits essentiels suivants doivent être exposés dans l’acte d’accusation16  :

a) i) l’accusé était le supérieur hiérarchique17 de ii) subordonnés suffisamment identifiés18 iii) sur lesquels il exerçait un contrôle effectif - c’est-à-dire qu’il avait la capacité matérielle d’empêcher ou de punir leur comportement criminel19 - et iv) dont les actes engageraient sa responsabilité20  ;

b) le comportement de l’accusé qui permet de conclure que : i) il savait ou avait des raisons de savoir que ses subordonnés s’apprêtaient à commettre des crimes, étaient en train de le faire ou l’avaient déjà fait21 et ii) était informé de la conduite des personnes dont il est présumé responsable 22. Les faits se rapportant aux actes commis par ces personnes dont l’accusé, en sa qualité de supérieur hiérarchique, est présumé responsable seront généralement exposés de façon moins précise23, parce que le détail de ces actes est souvent inconnu et parce que, souvent, les actes eux-mêmes ne sont pas véritablement contestés (même si l’Accusation est toujours tenue de fournir toutes les informations dont elle dispose)24; et

c) le comportement de l’accusé qui permet de conclure qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que de tels actes ne soient commis ou en punir les auteurs25.

11. Le fait que l’acte d’accusation présente l’accusé comme le « commandant » du camp où les crimes allégués ont été commis peut suffire à le mettre en cause, en tant que supérieur hiérarchique, pour ces crimes26. En outre, il a été estimé que la mention des devoirs précis d’un commandant suffisait à mettre en cause sa responsabilité en tant que supérieur hiérarchique27.

12. Lorsque l’intention de l’accusé au moment des faits est un point essentiel, l’Accusation doit : i) soit préciser l’intention même qui animait l’accusé, auquel cas les faits permettant d’établir ce point essentiel participent ordinairement des moyens de preuve et un exposé n’est pas nécessaire, ii) soit exposer les faits d’où cette intention devrait être déduite28. Il ne suffit pas que le Procureur se contente de présumer dans l’acte d’accusation que les conditions juridiques requises sont réunies29. En général, tout fait essentiel doit être exposé expressément, bien qu’il suffise, dans certains cas, qu’il soit forcément sous-entendu30.

III. OBJECTIONS RELATIVES À LA FORME DE L’ACTE D’ACCUSATION

13. La Défense de Cermak et celle de Markac soutiennent que l’Acte d’accusation est entaché de vices de forme au motif qu’il n’expose pas de manière suffisamment circonstanciée les faits essentiels pour permettre aux Accusés de préparer efficacement leur défense. Les Requêtes qu’elles ont présentées sont en grande partie formulées en termes identiques. L’Accusation répond globalement que tous les faits pertinents essentiels sont exposés dans l’Acte d’accusation.

1. Manque de précision de la partie consacrée au contexte

a) Arguments de parties

14. Chacun des Accusés soutient que l’Acte d’accusation ne remplit pas les conditions posées par l’article 47 C) du Règlement car il ne précise pas comme il se doit le contexte général dans lequel ont été commis les crimes allégués31. Ils avancent que l’Acte d’accusation donne une interprétation erronée du contexte général en mettant sur le même plan, d’une part, la Croatie, État reconnu par la communauté internationale, et, d’autre part, la Republika Srpska Krajina (« RSK »), entité autoproclamée par les Serbes de Krajina32, et en passant sous silence les efforts déployés par la Croatie afin de parvenir à un règlement pacifique du conflit avec la population serbe33. Les Accusés affirment en outre que l’Opération Tempête est présentée comme une action destinée à mener à bien l’entreprise criminelle commune présumée alors que c’était un moyen, légitimé par la communauté internationale, de reprendre un territoire dont l’occupation était illégale34.

15. L’Accusation répond que les informations relatives au contexte général ne sont pas des éléments essentiels pour les accusations et ne sont fournies qu’à titre indicatif35. Aussi ne doivent-elles pas répondre aux conditions posées par l’article 47 C) du Règlement36. L’Accusation ajoute que la mention dans Sla version anglaise deC l’Acte d’accusation du mot « self-proclaimed » [« autoproclamée »] se fonde sur les termes mêmes employés par l’Assemblée générale dans la résolution A/RES/49/43 datée du 9 décembre  1994, et souligne au contraire l’absence de toute reconnaissance officielle37. Du reste, l’Acte d’accusation ne soulève pas la question de la légalité de l’Opération Tempête, mais traite des crimes qui auraient été commis dans le cadre de cette opération militaire38.

b) Examen

16. La partie « contexte » d’un acte d’accusation fournit des informations afin de donner un aperçu général du contexte dans lequel ont été commis les crimes allégués 39. Dans certains cas, il se peut que les faits essentiels qui sous-tendent certaines accusations dépendent de faits qui participent du contexte40. Toutefois, ce sont les faits essentiels, et non les faits participant du contexte, qui doivent être exposés avec toute la précision requise41. Partant, le manque de précision des informations relatives au contexte n’entache pas en règle générale un acte d’accusation de vice de forme.

17. S’agissant de la mise en cause de la présentation des faits, les Accusés ne peuvent soutenir que l’Acte d’accusation est entaché de vice de forme car ils sont en désaccord avec la version qu’il donne des faits. C’est sur la base des moyens de preuve présentés au procès que l’on juge de la véracité des faits allégués42.

18. Au surplus, la Chambre de première instance ne peut approuver l’argument de la Défense selon lequel l’Acte d’accusation présente l’Opération Tempête comme une opération illégale et comme l’un des moyens utilisés pour perpétrer les crimes allégués. Si les accusations se fondent sur les crimes commis dans le cadre de cette opération, peu importe que l’opération elle-même ait été ou non légale.

19. En dernier lieu, la Chambre fait observer que les passages de l’Acte d’accusation faisant référence à la Croatie et à l’entité autoproclamée de la RSK sont purement descriptifs et ne constituent pas une reconnaissance juridique de parties de la Croatie comme État, non plus qu’une mise en cause de la reconnaissance de celle- ci comme État.

20. Par ces motifs, la Chambre de première instance rejette les objections de la Défense relatives à la partie de l’Acte d’Accusation consacrée au contexte.

2. Identité des victimes et leurs biens

a) Arguments de parties

21. La Défense de Cermak et celle de Markac dénoncent l’une et l’autre le manque de précision de l’Acte d’accusation quant au lien entre l’identité des victimes et leurs biens43. Selon elles, il ne suffit pas que l’Acte d’accusation désigne les victimes comme les « Serbes de Krajina », la « population serbe » ou la « population serbe de Krajina » et leurs biens comme leurs « maisons », « habitations » ou « dépendances »44. La Défense de Cermak et celle de Markac affirment l’une et l’autre que la liste, jointe en annexe à l’Acte d’accusation, de noms de villages et hameaux, de dates, de noms de victimes, avec indication de leur âge, de leur sexe et de la cause de leur décès, ne permet pas de remédier à cette lacune. Elles font observer notamment que les dates données sont souvent approximatives, que beaucoup de victimes ne sont pas identifiées et que leur âge ou les circonstances de leur mort ne sont pas précisés 45. La Défense de Cermak indique en outre que, sur les 150 victimes qui auraient été tuées du 4 août au 15 novembre  1995 selon les paragraphes 30 à 33 de l’Acte d’accusation, 118 n’ont pas été précisément identifiées46 puisque les précisions fournies en annexe ne concernent que 32 personnes47.

22. L’Accusation répond qu’elle a fourni toutes les précisions requises pour poursuivre des responsables de haut rang48. Elle fait valoir que la jurisprudence ne lui impose pas, dans une affaire de crimes de grande ampleur comme c’est le cas en l’espèce, d’indiquer très précisément l’identité des victimes et les dates auxquelles les crimes auraient été commis49.

b) Examen

23. La Chambre de première instance renvoie aux principes généraux de présentation de l’acte d’accusation qu’elle a rappelés dans le deuxième point de la présente décision50. Elle note que, dans l’Acte d’accusation, le Procureur a précisé, dans les paragraphes 26 et 35, les villes et villages dans lesquels des biens auraient été pillés, dans les paragraphes 27 et 38, les municipalités dans lesquelles des biens auraient été détruits et, dans les paragraphes 28 et 41, la partie de la Krajina d’où des Serbes auraient été expulsés ou déplacés de force. Il n’y a pas lieu d’indiquer ni d’établir précisément le lien existant entre un bien donné et une certaine victime. S’agissant des allégations de meurtre, les paragraphes 30 et 33 précisent le nombre des personnes qui auraient été tuées et les municipalités dans lesquelles ces meurtres auraient été commis. Pour étayer les allégations formulées dans ces deux paragraphes, le Procureur donne, en annexe à l’Acte d’accusation, une liste de noms de certaines victimes avec indication de leur âge, de leur sexe et/ou de la cause de leur décès. Tous les crimes allégués auraient été commis pendant un court laps de temps. Vu l’ampleur de ces crimes, le rôle et le comportement reprochés à chacun des Accusés, la Chambre de première instance est convaincue que l’Acte d’accusation fournit suffisamment de précisions sur les victimes et leurs biens compte tenu des circonstances de l’espèce.

24. Pour ces motifs, la Chambre de première instance ne retient pas cette objection. Elle observe toutefois qu’il serait bon que l’Accusation fournisse aux Accusés toute autre information dont elle viendrait à avoir connaissance concernant l’identité des victimes des meurtres présumés afin d’accélérer le procès et d’en assurer le bon déroulement.

3. Identification des « forces croates »

a) Arguments des parties

25. La Défense de Cermak soutient que l’Acte d’accusation ne désigne pas de manière suffisamment précise les unités de l’armée et de la police impliquées dans les crimes puisqu’il parle simplement au paragraphe 22 des « unités de la HV, de l’Armée de l’air croate […] et du RH MUP, qui ont participé à l’Opération Tempête et/ou aux actions consécutives à celle-ci, ainsi que la police civile et la police spéciale 51 ». La Défense de Markac avance le même argument52. Elle ajoute que la formulation du paragraphe 16 de l’Acte d’accusation – « Mladen Markac a déployé les forces de la police spéciale, […] leur a donné des ordres et a, de toute autre manière, exercé un contrôle sur celles-ci » – ne cadre pas avec les pouvoirs et les responsabilités qui lui sont prêtés dans l’ensemble de l’Acte d’accusation53.

26. L’Accusation répond que les faits essentiels sont exposés avec suffisamment de précision puisque les unités de l’armée croate (la HV) et les forces de la police spéciale du RH MUP, auxquelles appartiennent les auteurs des crimes présumés, sont identifiées précisément dans l’exposé des faits et dans les différents chefs de l’Acte d’accusation54. Elle renvoie à des décisions antérieures d’où il ressort que les auteurs matériels des crimes présumés n’ont pas à être identifiés s’il n’existe pas un lien étroit entre l’accusé et ces crimes, comme c’est le cas en l’espèce55. L’Accusation fait valoir qu’il suffit donc que l’Acte d’accusation indique la catégorie ou le groupe auquel appartiennent les auteurs des crimes reprochés56.

b) Examen

27. Il existe des affaires dans lesquelles l’enquête n’a pas permis d’établir l’identité des auteurs matériels des crimes, mais où les faits dont on a connaissance peuvent suffire à établir un lien pertinent entre un accusé et les crimes. Dans une telle affaire, c’est notamment l’étroitesse du lien qui existerait entre l’accusé et les crimes allégués57, ainsi que les faits permettant de faire le lien entre un accusé et ceux-ci, qui détermine si l’identité des auteurs matériels est ou non un fait essentiel qu’il faut exposer dans l’acte d’accusation. Il se peut que leur identité ne soit pas si essentielle qu’il faille les désigner nommément, surtout lorsqu’il n’existe pas de lien étroit entre l’accusé et les crimes allégués58.

28. Au paragraphe 10 de l’Acte d’accusation, chacun des Accusés est tenu individuellement pénalement responsable sur la base de l’article 7 1) du Statut du Tribunal pour avoir planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé les crimes. Ce faisant, chacun des Accusés aurait agi seul ou de concert avec d’autres. Les auteurs matériels des crimes seraient les « forces croates » dont il est précisé au paragraphe 22 de l’Acte d’accusation qu’elles comprennent sans s’y limiter les unités de la HV, de la HRZ et du RH MUP, ainsi que la police civile et la police spéciale, qui ont participé à l’Opération Tempête et/ou aux actions consécutives à celle-ci dans le sud de la Krajina. Les auteurs matériels présumés des crimes sont donc désignés en des termes très généraux. Toutefois, étant donné que l’Acte d’accusation fait état d’une seule opération militaire menée pendant des semaines bien précises et dans une région bien déterminée, opération au cours de laquelle des villages, des villes, des fermes, des récoltes, etc. auraient été dévastés ou détruits et plusieurs centaines d’habitants déplacés ou tués, la Chambre de première instance est convaincue que l’Acte d’accusation fournit suffisamment de précisions sur les auteurs matériels pour les besoins de la mise en accusation. Dans l’Acte d’accusation, les Accusés sont, du fait de leur rôle, tenus responsables essentiellement pour avoir planifié et ordonné les crimes et incité leurs auteurs matériels à les commettre. Aucun des Accusés n’est présumé avoir eu un lien si étroit avec l’exécution des crimes qu’il faille en désigner nommément les auteurs matériels.

29. Cela ne veut pas dire que l’Acte d’accusation est pleinement satisfaisant. Aucun des Accusés n’est mis en cause pour avoir été le supérieur hiérarchique ou le supérieur immédiat de toutes les forces croates impliquées. Pour certaines causes de responsabilité pénale individuelle, point n’est besoin d’un pouvoir hiérarchique. Mais, en l’espèce, les Accusés sont tenus l’un et l’autre pénalement responsables en tant que supérieurs hiérarchiques sur la base de l’article 7 3) du Statut. Aussi l’Acte d’accusation doit-il désigner avec suffisamment de précision les subordonnés respectifs de chacun des Accusés dont les actes engageraient leur responsabilité en tant que supérieur hiérarchique59. Ainsi, il est dit au paragraphe 15 de l’Acte d’accusation qu’en sa qualité de commandant de la garnison de Knin, Ivan Cermak avait, en droit comme en fait, autorité sur une partie des forces croates, en particulier sur les unités du RH MUP et certains éléments de la HV, notamment la police militaire et l’administration civile, et qu’ainsi il contrôlait une bonne part des secteurs dans lesquels ont été commis les crimes en question. L’Acte d’accusation ne désigne pas plus précisément les forces sur lesquelles Ivan Cermak exerçait un contrôle effectif, si bien qu’il est impossible de les distinguer des autres forces engagées dans l’Opération Tempête. Ce manque de précision pose un problème, d’autant que le lien entre, d’une part, « l’administration civile », le « contrôle des secteurs » et, d’autre part, la responsabilité d’Ivan Cermak en tant que supérieur hiérarchique n’apparaît pas clairement.

30. Ce problème ne concerne pas Mladen Markac dont il est dit au paragraphe 16 de l’Acte d’accusation qu’il a exercé un contrôle en sa qualité de commandant sur la police spéciale du RH MUP, autrement dit sur les forces spéciales de la police du Ministère de l’intérieur, ainsi qu’il est dit au paragraphe 9. Les précisions ainsi apportées sont suffisantes compte tenu des circonstances de l’espèce.

31. S’agissant des paragraphes 17 et 18 de l’Acte d’accusation, la Chambre de première instance juge utile de préciser qu’elle comprend que, dans ces paragraphes, chacun des Accusés n’est mis en cause que pour avoir manqué à l’obligation de prévenir et de punir les crimes de leurs subordonnés respectifs, et non de l’ensemble des membres des forces croates, ce que pourrait laisser entendre la première phrase du paragraphe 18.

32. La Chambre de première instance ne peut approuver la Défense lorsqu’elle relève une contradiction entre l’allégation formulée au paragraphe 16 de l’Acte d’accusation selon laquelle « Mladen Markac a déployé les forces de la police spéciale, […] leur a donné des ordres et a, de toute autre manière, exercé un contrôle sur celles-ci  » et la description qui est faite dans l’ensemble de l’Acte d’accusation des pouvoirs et des responsabilités de l’accusé. Il est allégué au paragraphe 16 et au paragraphe 9 que l’accusé était commandant de la police spéciale du RH MUP. Or, le déploiement de forces, les ordres donnés et le contrôle exercé de toute autre manière sur celles -ci, sont les manifestations ordinaires du commandement.

33. Il y a donc lieu de modifier l’Acte d’accusation afin de désigner précisément les forces sur lesquelles Ivan Cermak aurait exercé un contrôle effectif et de lever l’ambiguïté mentionnée au paragraphe 29 (supra).

4. Les auteurs des crimes et leur lien avec les Accusés

a) Arguments des parties

34. La Défense de Cermak et celle de Markac font en outre valoir que l’Accusation n’a pas exposé les faits essentiels permettant d’établir un lien entre les Accusés et les auteurs des crimes appartenant aux « forces croates60  ». Par ailleurs, la Défense de Cermak fait grief à l’Accusation de n’avoir rapporté aucun fait essentiel à l’appui de l’allégation selon laquelle Ivan Cermak avait en droit ou en fait autorité sur les « forces croates61  ». Elle avance à ce propos que l’Accusation n’indique pas avec suffisamment de précision les unités subordonnées placées sous l’autorité d’Ivan Cermak et les régions placées sous son contrôle, et ne précise pas si elle entend par là la ville de Knin, tout le secteur Sud ou la région de la Krajina62. La Défense de Cermak soutient également que les faits essentiels cités à l’appui de l’allégation selon laquelle les autorités civiles étaient sous les ordres d’Ivan Cermak se sont pas suffisamment exposés63. Enfin, elle fait valoir que l’Accusation n’a pas établi de distinction entre l’autorité exercée par Ante Gotovina et celle exercée par Ivan Cermak sur les forces croates au sud de la Krajina à l’époque des faits64.

35. L’Accusation répond que les Accusés occupaient de hautes fonctions qui leur « assuraient un pouvoir et une autorité sur leurs subordonnés », et qu’il n’est nul besoin de précisions supplémentaires65. Elle ajoute que l’Acte d’accusation indique clairement les unités dont Ivan Cermak était responsable en sa qualité de commandant des forces spéciales de police du Ministère de l’intérieur de la République de Croatie66, et que, compte tenu de la nature des allégations, il n’est pas nécessaire de distinguer les agissements des Accusés de ceux d’autres personnes, dont Ante Gotovina67.

b) Examen

36. La Chambre de première instance a déjà examiné, dans les paragraphes précédents, un certain nombre de questions soulevées par les parties. Réserve faite des modifications qui devront être apportées à l’Acte d’accusation pour tenir compte des points déjà signalés, la mention des fonctions de commandant exercées par les Accusés suffit dans les circonstances de l’espèce à faire ressortir la nature de leurs relations avec leurs subordonnés respectifs ainsi que les éléments sur lesquels se fonde l’Accusation pour dire qu’Ivan Cermak exerçait un contrôle de droit et de fait sur ses subordonnés. La Chambre de première instance estime spécieux l’argument de la Défense de Cermak selon lequel l’Acte d’accusation n’établit pas de distinction entre l’autorité d’Ivan Cermak et celle d’Ante Gotovina, qui n’est du reste pas mis en cause en l’espèce. Les paragraphes 55 et 56 précisent le rôle qu’aurait joué Ante Gotovina en assurant « le commandement opérationnel général » des forces croates déployées dans le cadre de l’Opération Tempête au sud de la Krajina. Ivan Cermak aurait commandé une partie de ces forces. Il ressort clairement de l’Acte d’accusation qu’Ante Gotovina était le supérieur hiérarchique d’Ivan Cermak.

37. Pour ce qui est des autres éléments nécessaires à la mise en œuvre de la responsabilité pénale individuelle sur la base de l’article 7 3) du Statut, l’Acte d’accusation indique expressément que chacun des Accusés était animé de l’intention requise pour être tenu pénalement responsable, en sa qualité de supérieur hiérarchique, des actes de ses subordonnés. Toutefois, comme il a été dit précédemment68, il faut aussi exposer dans l’Acte d’accusation le comportement de chacun des Accusés qui permet d’alléguer qu’il savait que ses subordonnés s’apprêtaient à commettre des crimes, étaient en train de le faire ou l’avaient déjà fait. À ce propos, dans sa forme actuelle, l’Acte d’accusation n’expose pas pleinement l’argumentation de l’Accusation. Seul le paragraphe 32 semble préciser comment chacun des Accusés était informé des crimes (« notamment puisque des représentants de la communauté internationale l’en avaient informé »). De l’avis de la Chambre de première instance, ce n’est pas là le seul moyen d’information sur lequel se fonde l’Accusation ; il s’agit d’un moyen accessoire. Les principaux moyens d’information sur lesquels l’Accusation compte se fonder n’ont pas été exposés dans l’Acte d’accusation. Chacun des Accusés était informé des agissements de ses subordonnés en raison du commandement qu’il exerçait et du comportement qui fut le sien, ainsi qu’il ressort des paragraphes  10 à 14. Si la Chambre de première instance comprend bien la thèse de l’Accusation en l’espèce, le paragraphe 32 devra être modifié pour préciser ces moyens d’information, faute de quoi l’Accusation ne pourra tirer argument que des informations communiquées par les représentants de la communauté internationale.

38. En outre, tel qu’il est rédigé, le paragraphe 18 de l’Acte d’accusation est ambigu. La première phrase semble indiquer que chacun des Accusés avait le pouvoir d’empêcher ou de punir les crimes commis par toutes les forces croates engagées dans l’Opération Tempête. Toutefois, tel ne semble pas être l’argument de l’Accusation. Les paragraphes 17 et 18 donnent à penser que les Accusés n’avaient d’autre pouvoir que d’empêcher et de punir les forces croates placées sous leur commandement respectif. Si telle est la thèse de l’Accusation, l’Acte d’accusation devra donc être modifié pour lever cette ambiguïté. De plus, l’Accusation devrait modifier en conséquence les derniers mots de la deuxième phrase du paragraphe 18, c’est-à-dire « les auteurs  », pour les remplacer par exemple par la formule « les subordonnés auteurs de ces crimes ». À défaut, si l’Accusation entend maintenir que chacun des Accusés avait le pouvoir d’empêcher ou de punir les crimes commis par toutes les forces croates engagées dans l’Opération Tempête, elle devra préciser les faits sur lesquels elle se fonde.

39. En conséquence, la Chambre de première instance estime qu’une modification de l’Acte d’accusation s’impose pour couvrir les vices relevés aux paragraphes 37 et 38 de la présente décision et accueille l’argument de la Défense sur ces points.

5. Cumul des qualifications

a) Arguments des parties

40. La Défense de Cermak et celle de Markac soutiennent que les formes spécifiques de responsabilité pénale individuelle ne sont pas suffisamment définies69. Elles font valoir que l’Acte d’accusation ne précise pas si les Accusés ont pris part aux crimes ou s’ils en ont été simplement complices70. En outre, les conseils des Accusés avancent que l’Acte d’accusation ne distingue pas suffisamment la complicité de la participation à une entreprise criminelle commune, s’agissant en particulier de la référence à l’objectif commun71.

41. L’Accusation répond que dans l’Acte d’accusation, le terme « commettre » inclut la participation à une entreprise criminelle commune72. Elle maintient qu’on peut parfaitement dans le cadre de l’article 7 1) du Statut mettre en cause les Accusés notamment pour avoir, de concert avec d’autres, planifié, incité à commettre, ordonné, commis les crimes en cause ou de toute autre manière aidé et encouragé les auteurs de ces crimes73.

b) Examen

42. La Chambre de première instance fait remarquer qu’au paragraphe 10 de l’Acte d’accusation, l’Accusation utilise la conjonction « ou » dans l’énumération des divers modes de participation envisagés à l’article 7 1) du Statut, alors qu’elle semble avoir à l’esprit la conjonction « et ». S’agissant des crimes visés aux chefs  1, 3, 4, 5 et 6 de l’Acte d’accusation, la responsabilité des Accusés est mise en cause cumulativement pour tous les modes de participation énumérés par l’article  7 1) (y compris pour complicité) et sur la base de l’article 7 3).

43. S’il est essentiel que l’Accusation précise l’article sur lequel elle se fonde pour mettre en cause la responsabilité d’un accusé74, les qualifications cumulatives ne violent pas les droits de ce dernier75. Comme il a été dit dans l’Arrêt Blaškic, lorsque les faits exposés sont suffisants, l’Accusation n’est pas tenue de choisir entre les différents modes de participation précis, mais a le droit d’alléguer certains d’entre eux ou tous76. L’accusé en est informé et peut préparer sa défense en conséquence. Dans ce cas, c’est la Chambre de première instance qui détermine si les éléments de preuve suffisent à le déclarer coupable pour tous les modes de participation ou pour certains d’entre eux.

44. Au paragraphe 13 de l’Acte d’accusation, il est dit que les crimes énumérés aux chefs 2 et 7 étaient la conséquence naturelle et prévisible de la réalisation de l’entreprise criminelle commune et chacun des Accusés en avait conscience. S’il ressort de ce paragraphe que l’Accusation entend mettre en avant la responsabilité des Accusés pour participation à une entreprise criminelle commune dans le cadre des chefs 2 et 7, elle n’invoque nulle part l’article 7 1) dans les paragraphes  34 et 46 consacrés respectivement au chef 2 et au chef 7. Par ailleurs, on peut également considérer qu’au sens strict, le paragraphe 11 ne met pas en cause la responsabilité des Accusés pour participation à une entreprise criminelle commune pour les chefs 2 et 7, car le terme « commettre », élément central de ce paragraphe, n’apparaît pas dans la formulation de ces deux chefs. Toutefois, si l’on donne une interprétation téléologique de l’Acte d’accusation, le terme « commettre » qui apparaît dans le chapeau des chefs 2 et 7 peut être à bon droit interprété comme une mise en cause de la responsabilité pour participation à une entreprise criminelle commune. L’Accusation doit donc impérativement modifier l’Acte d’accusation pour préciser si elle compte arguer de la participation des Accusés à une entreprise criminelle commune pour les chefs 2 et 7 (peut-être en mentionnant l’article 7 1 ) dans l’énoncé de chacun de ces chefs). S’il n’est pas question de faire état d’une entreprise criminelle commune pour ces chefs, le paragraphe 13 doit être modifié.

45. Le cumul des qualifications que l’on relève dans les chefs 1, 3, 4, 5 et 6 de l’Acte d’accusation est dans le droit fil de la jurisprudence du Tribunal.

6. Existence d’une entreprise criminelle commune

a) Arguments des parties

46. La Défense de Cermak et celle de Markac font valoir que l’entreprise criminelle commune n’est pas suffisamment définie dans l’Acte d’accusation77. Elles soutiennent en particulier que le rôle joué par chacun des Accusés dans la conception du dessein commun n’est pas établi78, que le but de l’entreprise criminelle commune n’est pas suffisamment défini79, que les participants à cette entreprise n’ont pas tous été identifiés80 et que l’Acte d’accusation ne précise pas le rôle joué par chaque participant dans la perpétration de chaque crime81. En outre, la Défense de Cermak indique que l’Accusation ne fournit pas d’éléments justificatifs concernant l’existence d’une entreprise criminelle commune82, qu’Ivan Cermak ne pouvait avoir pris part à une telle entreprise en vue du lancement de l’Opération Tempête puisqu’il a été mobilisé après le début de cette opération, et qu’en sa qualité de commandant de la garnison de Knin, il ne saurait être responsable des crimes commis ailleurs83.

47. L’Accusation fait, quant à elle, valoir que, s’agissant de l’entreprise criminelle commune, l’Acte d’accusation respecte les principes de présentation établis par la jurisprudence du Tribunal84. Elle soutient en particulier que l’objectif de cette entreprise est précisé au paragraphe 11 (« chasser définitivement et par la force la population serbe de la Krajina85  »), que les principaux participants sont désignés nommément, que les auteurs des crimes sont définis au paragraphe 22 comme étant des membres des forces croates, et en particulier des unités de la HV et de l’Armée de l’air croate ou HRZ86, et qu’il suffit de préciser la catégorie à laquelle les participants à cette entreprise appartiennent87. En outre, l’Accusation avance que l’Acte d’accusation précise le rôle joué par les Accusés et les participants à l’entreprise criminelle commune, les fonctions qu’occupaient les Accusés, l’objectif assigné à l’entreprise criminelle et les moyens par lesquels les forces croates placées sous l’autorité des Accusés ont réalisé cet objectif, à savoir des persécutions, des pillages, des destructions et le déplacement forcé de la population serbe88.

b) Examen

48. Lorsque l’Accusation fait état d’une entreprise criminelle commune, elle doit en indiquer la nature et l’objectif, la période pendant laquelle elle a existé, l’identité des participants à cette entreprise et le mode de participation de chaque accusé, ainsi qu’il a été dit précédemment.

i) Nature et objectif de l’entreprise criminelle commune

49. Une entreprise criminelle commune suppose une entente entre plusieurs personnes au sujet d’un projet, dessein ou objectif commun qui consiste à commettre un ou plusieurs crimes relevant de la compétence du Tribunal ou en implique la perpétration. Ce projet, dessein ou objectif ne doit pas nécessairement avoir été mis au point ou formulé au préalable. Il peut se concrétiser de manière inopinée et se déduire des faits. En outre, l’accusé doit prendre part à la réalisation de l’objectif commun en participant à la perpétration d’un ou plusieurs crimes envisagés ou en aidant ou en contribuant à la réalisation du projet, dessein ou objectif commun89.

50. Le paragraphe 11 de l’Acte d’accusation précise que l’objectif de l’entreprise criminelle commune était de « chasser définitivement et par la force la population serbe de la Krajina, notamment en pillant, en endommageant ou en détruisant complètement leurs biens, afin de les dissuader ou de les empêcher de revenir vivre chez eux  ». Au paragraphe 12, il est dit que les crimes énumérés aux chefs 1 et 3 à 6 s’inscrivaient dans le cadre de l’objectif assigné à l’entreprise criminelle commune. En outre, les paragraphes 13 et 29 indiquent en particulier que les meurtres et autres actes inhumains sous-tendant les persécutions (chef 1) étaient la conséquence naturelle et prévisible de la réalisation de l’entreprise criminelle commune.

51. La Chambre de première instance est convaincue que la nature et l’objectif de l’entreprise criminelle commune ont été exposés avec suffisamment de précision.

ii) Période pendant laquelle l’entreprise criminelle commune a existé

52. L’Acte d’accusation indique que l’entreprise criminelle commune existait « [p]endant et après l’Opération Tempête [et] durant toute la période couverte par le présent acte d’accusation90 ». Il précise que l’Opération Tempête a été lancée le 4 août 1995, que le Gouvernement croate a annoncé le 7 août 199591 la fin de l’opération et que diverses actions avaient complété cette opération jusqu’aux alentours du 15 novembre 199592. Pour tous les chefs fondés sur l’entreprise criminelle commune, l’Acte d’accusation précise que les crimes en cause ont été commis entre le 4 août 1995 et le 15 novembre 1995 93. Vu ce qui précède, la Chambre de première instance estime que la période pendant laquelle l’entreprise criminelle commune a existé est suffisamment précisée.

53. La Défense de Cermak fait valoir qu’Ivan Cermak n’a pu, dans le cadre d’une entreprise criminelle commune, planifier et ordonner l’Opération Tempête dans la mesure où il n’a été mobilisé que le 6 août 1995 au soir94. Ainsi qu’il a été dit plus haut, il est possible de participer à une entreprise criminelle commune après sa création. Dans l’Acte d’accusation, il est allégué que l’objectif de cette entreprise était de « chasser définitivement et par la force la population serbe de la Krajina » et qu’elle a existé entre le 4 août et le 15  novembre 1995. Il y est aussi allégué que les actes qui ont servi à la réalisation de l’objectif commun, à savoir les crimes énumérés dans l’Acte d’accusation, ont été commis avant et après la mobilisation d’Ivan Cermak. En conséquence, l’argument de ce dernier est rejeté.

iii) Identité des participants à l’entreprise criminelle commune

54. Lorsque l’Accusation fait état d’une entreprise criminelle commune, elle doit en désigner les membres présumés. Toutefois, il ressort de la jurisprudence du Tribunal qu’il suffit d’indiquer la catégorie à laquelle ces membres appartiennent si leur identité exacte n’est pas connue95, que l’Accusation doit dans toute la mesure du possible en établir l’identité96 mais qu’elle ne saurait être tenue à l’impossible97. Cependant, même s’il lui suffit de préciser la catégorie ou le groupe auxquels appartiennent les membres d’une entreprise criminelle commune, l’Accusation doit indiquer clairement dans l’Acte d’accusation qu’elle ne dispose pas de renseignements plus précis98.

55. L’Accusation fait valoir que le paragraphe 22 de l’Acte d’accusation précise que les auteurs des crimes étaient des membres des forces croates99. Toutefois, ce fait n’est pas clairement exposé. Le paragraphe 11 de l’Acte d’accusation indique expressément que les Accusés, Ante Gotovina et Franjo Tudman étaient membres de l’entreprise criminelle commune. Les autres membres de cette entreprise ne sont pas identifiés ; ils sont désignés par l’expression « autres personnes ». L’Accusation ne fournit pas d’informations suffisantes concernant l’identité des autres participants ou les catégories auxquelles ils appartiennent. Il est vrai que l’Acte d’accusation n’indique pas expressément quel lien existait entre Franjo Tudman et les forces croates mais ce lien est implicite du fait de ses fonctions de Président. Cependant, une autre question demeure. Il semble que l’Acte d’accusation ne présente pas ce qui constitue, d’après la Chambre, un élément essentiel de la thèse de l’Accusation  : l’objectif assigné à l’entreprise criminelle commune devait être réalisé, entre autres, par les forces croates placées sous le commandement respectif des différents membres de cette entreprise. Si telle est la thèse de l’Accusation, et c’est là une question laissée entièrement à son appréciation, elle doit l’indiquer expressément pour que la Défense en soit informée.

56. De plus, la Chambre de première instance fait remarquer que le paragraphe 43 parle d’actes commis « de concert avec d’autres personnes, dont le Président Franjo Tudman », tandis que pour tous les autres chefs, la formulation utilisée est « de concert avec d’autres membres de l’entreprise criminelle commune ». Si l’Accusation n’établit aucune distinction entre les deux formulations, il serait préférable d’harmoniser pour éviter toute ambiguïté.

57. En conséquence, les griefs formulés par la Défense sur ce point sont partiellement accueillis. La Chambre de première instance ordonne à l’Accusation de fournir des renseignements plus précis concernant l’identité des participants présumés à l’entreprise criminelle commune, en les désignant nommément ou, si elle est dans l’impossibilité de le faire, en indiquant la catégorie ou le groupe auxquels ils appartiennent.

iv) Mode de participation de chacun des Accusés

58. Un accusé peut participer de diverses manières à une entreprise criminelle commune. Le paragraphe 11 de l’Acte d’accusation évoque la participation de chacun des Accusés à une entreprise criminelle commune. Le paragraphe ne précise pas de quelle manière chacun des Accusés aurait participé à cette entreprise ou aurait contribué à en réaliser l’objectif. En outre, le paragraphe 14 indique que, sur l’ordre des Accusés, les forces croates ont commis les actes qui sont à l’origine des accusations portées en l’espèce, que par ses actes et omissions, chacun des Accusés a « encouragé  » d’autres personnes à commettre des crimes et que tous deux ont failli à leur devoir de restaurer et faire respecter l’ordre public. On ne sait pas au juste si l’Accusation justifie par là même la mise en cause de la responsabilité individuelle des Accusés ou les allégations concernant la part qu’ils auraient prise à la réalisation de l’entreprise criminelle commune ou les deux. Si le paragraphe 10 précise les agissements de chacun des Accusés et semble mettre en cause leur responsabilité sur la base de l’article 7 1), rien n’indique dans le paragraphe 11 si c’est en agissant de la sorte que les Accusés auraient participé à l’entreprise criminelle commune.

59. D’autres allégations sont formulées aux paragraphes 15 et 16 de l’Acte d’accusation concernant les agissements des Accusés. Il est allégué en particulier qu’Ivan Cermak contrôlait une bonne part des secteurs dans lesquels les crimes auraient été commis100, et que Mladen Markac avait déployé les forces de la police spéciale, leur avait donné des ordres et avait, de toute autre manière, exercé un contrôle sur ces forces101. Cependant, on ne sait pas au juste si l’Accusation justifie par là même ses allégations concernant la participation des Accusés à l’entreprise criminelle commune, la mise en cause de leur responsabilité sur la base de l’article 7 3), de l’article 7 1) ou les deux. De plus, et ainsi qu’il a été dit précédemment, l’importance présumée du contrôle territorial de ce point de vue n’est pas précisée.

60. Vu ce qui précède, le mode de participation des Accusés à l’entreprise criminelle commune n’est pas suffisamment précise dans l’Acte d’accusation. Le grief de la Défense est donc accueilli. La Chambre de première instance ordonne à l’Accusation de préciser le mode de participation de chacun des Accusés à l’entreprise criminelle commune et d’autres déjà mentionnés.

7. Élément moral requis

a) Arguments des parties

61. La Défense de Markac soutient que pour tous les chefs d’accusation, la mens rea des Accusés n’est pas définie de manière suffisamment précise102. Elle fait en particulier valoir que seul le paragraphe 12 de l’Acte d’accusation indique que « [c]hacun des [A]ccusés était animé de l’intention nécessaire pour commettre chacun de ces crimes », ce qui est insuffisant103.

62. L’Accusation répond que pour ce qui est des crimes punissables aux termes des articles 7 1) et 7 3), l’élément moral est bien défini, car selon la jurisprudence du Tribunal, il peut être déduit de l’exposé des faits104. S’agissant en particulier de la responsabilité procédant de l’article 7 1), l’Accusation avance que l’Acte d’accusation précise que chacun des Accusés « a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter ces crimes, ou chacun d’eux était conscient que, selon toute probabilité, ces crimes allaient être commis105  », et que l’aperçu donné « des meurtres, des traitements inhumains, des destructions et des pillages » suffit pour déduire l’intention qui animait les Accusés106. Pour ce qui est de la responsabilité découlant de l’article 7 3) du Statut, l’Accusation renvoie au paragraphe 17 de l’Acte d’accusation dans lequel il est dit que chacun des Accusés « savait ou avait des raisons de savoir que ces subordonnés s’apprêtaient à commettre ces actes ou l’avaient fait, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que lesdits actes ne soient commis ou pour en punir les auteurs107 ». Enfin, à propos de l’entreprise criminelle commune, l’Accusation cite l’affaire Raševic et soutient que les paragraphes 11 à 13 de l’Acte d’accusation indiquent de manière suffisamment précise que les Accusés soit partageaient l’intention de commettre les crimes dans le cadre de l’entreprise criminelle commune soit savaient que ces crimes pouvaient être la conséquence naturelle et prévisible de la réalisation de l’objectif de l’entreprise criminelle commune108.

b) Examen

63. La Chambre de première instance l’a dit précédemment : lorsque l’intention de l’accusé doit être exposée, l’Accusation est tenue soit de présenter l’intention même comme fait essentiel ou de présenter les faits à partir desquels elle doit être déduite. En l’espèce, chacun des Accusés est tenu responsable pour tous les modes de participation énumérés par l’article 7 1) du Statut, pour sa participation à une entreprise criminelle commune et en sa qualité de supérieur hiérarchique en application de l’article 7 3). Par ailleurs, les persécutions (chef 1 de l’Acte d’accusation) exigent la preuve d’une intention discriminatoire spécifique qui vient s’ajouter à l’intention requise pour les crimes soustendant les persécutions.

64. L’élément moral requis pour la participation à l’entreprise criminelle commune varie en fonction de la catégorie dans laquelle entre l’entreprise. Si les crimes retenus dans l’acte d’accusation entrent dans le cadre de l’objectif de l’entreprise criminelle commune, l’élément requis est l’intention de commettre un crime précis (cette intention étant partagée par tous les coauteurs)109. Si les crimes en cause n’entrent pas dans le cadre de l’objectif commun, il faut apporter la preuve que l’accusé était animé de l’intention de participer et de contribuer à la réalisation de cet objectif, qu’il était prévisible que des crimes étaient susceptibles d’être commis par l’un ou l’autre des membres du groupe, et que l’accusé a pris ce risque110.

65. En conséquence, si l’Accusation entend faire valoir qu’un crime entrait dans le cadre de l’objectif commun, elle doit nécessairement prouver que l’accusé était animé de l’intention requise pour ce crime111. Si elle compte faire valoir qu’un ou plusieurs crimes débordaient le cadre de l’objectif commun, elle doit prouver que l’accusé était animé de l’intention de participer et de contribuer à la réalisation de l’objectif commun, que chacun des crimes était la conséquence naturelle et prévisible de cet objectif, et que l’accusé a pris ce risque112. Ce sont là les intentions que l’Accusation doit exposer expressément ; à défaut, elle doit présenter les faits à partir desquels elles peuvent être déduites.

66. Le paragraphe 12 de l’Acte d’accusation indique expressément que « ScChacun des accusés était animé de l’intention nécessaire pour commettre chacun de ces crimes [présumés] ». Cette phrase apparaît dans l’un des trois paragraphes évoquant la participation des Accusés à une entreprise criminelle commune et il est possible qu’elle se rapporte exclusivement à la responsabilité découlant de cette participation. En tout état de cause, cette présentation sommaire des différentes intentions qui doivent être établies pour chaque infraction alléguée et pour chaque forme de responsabilité mise en cause pourrait bien trouver son origine dans la Deuxième Décision Brdanin113. La Chambre de première instance estime toutefois que l’Accusation se méprend sur le sens des termes utilisés dans cette décision. En rendant cette décision, la Chambre de première instance n’entendait pas fournir un modèle à suivre pour la présentation d’un acte d’accusation. Elle indiquait à l’Accusation les obligations dont celleci devait s’acquitter pour exposer comme il convenait son argumentation114. En d’autres termes, l’Accusation doit exposer de manière suffisamment précise l’intention qu’implique chaque accusation et chaque forme de responsabilité. À défaut, la seule solution qui s’offre à elle est de présenter des faits suffisants d’où l’intention pourrait être déduite. Seules certaines intentions peuvent actuellement être déduites des faits exposés dans l’Acte d’accusation. La Chambre de première instance estime que les intentions requises n’ont pas été exposées correctement même si l’Accusation s’y est partiellement employée dans les paragraphes 13 et 14, et que les faits présentés sont insuffisants pour déduire ces intentions. En conséquence, l’Accusation doit modifier l’Acte d’accusation et exposer correctement les intentions requises.

67. S’agissant enfin de l’élément moral requis pour engager la responsabilité sur la base de l’article 7 3) du Statut, la Chambre de première instance renvoie à ce qui a été dit précédemment à propos des éléments qui doivent être exposés lorsque la responsabilité du supérieur hiérarchique est mise en cause115.

68. Ainsi, l’Accusation doit modifier l’Acte d’accusation pour présenter comme il convient, de manière explicite ou implicite, les éléments moraux requis ainsi qu’il est indiqué dans les paragraphes précédents.

8. Rôle de chacun des Accusés dans chacun des crimes

a) Arguments des parties

69. La Défense de Cermak et celle de Markac soutiennent que l’Acte d’accusation ne précise pas le rôle exact joué par chacun des Accusés dans les crimes qui leur sont reprochés, ce qui les empêche de préparer convenablement leur défense116. L’Accusation avance, quant à elle, que dans l’ensemble, l’Acte d’accusation précise suffisamment la place des Accusés dans la hiérarchie ainsi que les secteurs et les forces placés sous leur contrôle et les informe que leur responsabilité est mise en cause en raison des hautes fonctions qu’ils exerçaient117.

b) Examen

70. Pour chaque chef, l’Acte d’accusation indique expressément la forme de responsabilité en cause, qu’elle découle des articles 7 1) et 7 3) ou seulement de l’article 7  3) du Statut. La Chambre de première instance a déjà conclu que s’il est nécessaire de désigner les subordonnés sur lesquels Ivan Cermak aurait exercé un contrôle effectif 118, l’Acte d’accusation indique de manière suffisamment précise l’autorité dont chacun des Accusés était investi 119. La Chambre a également conclu que le mode de participation de chacun des Accusés à une entreprise criminelle commune n’était pas présenté de manière suffisamment circonstanciée120. L’objection soulevée par la Défense à propos du rôle joué par les Accusés dans chaque crime se rapporte donc à leur mode de participation. Ce rôle devrait être précisé lorsque l’Accusation aura déféré à la présente décision et fourni des informations suffisantes concernant l’identité des subordonnés de chacun des Accusés et le mode de participation de ces derniers à l’entreprise criminelle commune. Le grief de la Défense est donc rejeté.

9. Autres points

71. La Chambre de première instance fait observer que l’expression « Sles forces quiC lui étaient subordonnées » ne figure qu’au paragraphe 40 de l’Acte d’accusation et qu’elle n’est reprise dans aucun autre paragraphe. Si l’Accusation n’entend par là établir aucune distinction, il serait préférable d’harmoniser pour éviter toute ambiguïté.

72. La Chambre de première instance fait remarquer que les actes inhumains visés au chef 7 (paragraphe 46) ne sont pas précisés. Compte tenu des faits allégués au paragraphe 45, il semble que les sévices corporels et les actes de violence participent de ces actes inhumains. Là encore, des précisions s’imposent.

IV. DISPOSITIF

Par ces motifs et en application de l’article 72 du Règlement, la Chambre de première instance

1) ACCUEILLE partiellement les Requêtes ainsi qu’il est indiqué aux paragraphes  33, 39, 57, 60 et 68 de la présente décision.

2) ORDONNE à l’Accusation de modifier, comme il suit, l’Acte d’accusation :

a) désigner comme il convient les forces sur lesquelles Ivan Cermak aurait exercé un contrôle effectif121 ;

b) préciser le comportement de chacun des Accusés qui permet d’alléguer qu’il avait les moyens de savoir que ses subordonnés respectifs s’apprêtaient à commettre des crimes, étaient en train de le faire ou l’avaient déjà fait122 ;

c) préciser le sens des paragraphes 17 et 18 de l’Acte d’accusation123 ;

d) préciser le sens du paragraphe 13 de l’Acte d’accusation124 ;

e) désigner plus précisément les participants présumés à l’entreprise criminelle commune en donnant leur nom ou, à défaut, en indiquant la catégorie ou le groupe auxquels ils appartiennent125 ;

f) préciser le mode de participation présumé de chacun des Accusés à l’entreprise criminelle commune126 ;

g) indiquer comme il convient, de manière explicite ou implicite, les éléments moraux requis127 ;

h) préciser les termes utilisés aux paragraphes 40 et 46 de l’Acte d’accusation128.

3) ORDONNE à l’Accusation de déposer l’acte d’accusation modifié dans les vingt-et-un jours du dépôt de la présente décision. En application de l’article  50 du Règlement, la Défense de chacun des Accusés est tenue de faire connaître les griefs qu’elle pourrait avoir à la suite des modifications apportées conformément aux directives susvisées dans les vingt-et-un jours du dépôt de l’acte d’accusation modifié.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 8 mars 2005
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre de première instance
___________
Carmel Agius

[Sceau du Tribunal]


1. Prosecution’s Response to Preliminary Motions on Defects in the Form of the Indictment Filed by Mladen Markac on 9 July  2004 and Ivan Cermak on 15 July 2004 (« Réponse de l’Accusation »). Cette réponse était accompagnée d’une demande d’autorisation de dépasser le nombre limite de pages fixé, à laquelle la Chambre a fait droit le 23 juillet 2004.
2. Le Procureur c/ Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic, Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic et Vladimir Santic, affaire n° IT-95-16-A, Arrêt, 23 octobre 2001 (« Arrêt Kupreskic »), par. 88.
3. Arrêt Kupreskic, par. 88 ; Le Procureur c/ Tihomir Blaskic, affaire nº IT-95-14-A, Arrêt, 29 juillet  2004 (« Arrêt Blaskic »), par. 209 ; Le Procureur c/ Mile Mrksic, affaire nº IT-95-13/1-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle pour vices de forme de l’acte d’accusation (« Décision Mrksic »), par. 7.
4. Arrêt Kupreskic, par. 88 ; Le Procureur c/ Milorad Krnojelac, affaire nº IT-97-25-A, Arrêt, 17 septembre  2003 (« Arrêt Krnojelac »), par. 131 ; Arrêt Blaskic, par. 209 ; Décision Mrksic, par. 8 ; Le Procureur c/ Mitar Rasevic, affaire nº IT-97-25 /1-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle de la Défense pour vices de forme de l’acte d’accusation, 28 avril 2004 (« Décision Rasevic »), par.  10.
5. Arrêt Kupreskic, par. 89 ; Arrêt Blaskic, par. 210.
6. Arrêt Kupreskic, par. 89.
7. Ibidem, par. 89 et 90.
8. Le Procureur c/ Radoslav Brdanin et Momir Talic, affaire nº IT-99-36-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle soulevée par Momir Talic pour vices de forme de l’acte d’accusation modifié, 20  février 2001 (« Première Décision Brdanin »), par. 18 ; Le Procureur c / Milorad Krnojelac, affaire nº IT-97-25-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle pour vices de forme de l’acte d’accusation modifié, 11 février 2000, (« Deuxième Décision Krnojelac »), par. 18 ; Le Procureur c/ Momcilo Krajisnik, affaire nº IT-00-39-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle du défendeur fondée sur des vices de forme de l’acte d’accusation, 1er août 2000, (« Décision Krajisnik »), par. 9.
9. Arrêt Blaskic, par. 212 ; Le Procureur c/ Zejnil Delalic, Zdravko Mucic (alias « Pavo »), Hazim Delic et Esad Landžo (alias « Zenga ») (affaire « CELEBICI »), affaire n° IT-96 -21-A, Arrêt, 20 février 2001 (« Arrêt Celebici »), par. 350 ; Arrêt Krnojelac , par. 138.
10. Arrêt Blaskic, par. 213.
11. Première Décision Brdanin, par. 20.
12. Ibidem.
13. Arrêt Krnojelac, par. 138  ; Décision Rasevic, par. 13.
14. Deuxième Décision Krnojelac, par. 16 ; Voir aussi Le Procureur c/ Milan Milutinovic, Dragoljub Ojdanic et Nikola Sainovic, affaire nº IT-99-37-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle déposée par la Défense de Nikola Sainovic, 27 mars 2003 (« Décision Milutinovic  »), p. 4, pour une présentation similaire des conditions de présentation des accusations dans le cas d’une entreprise criminelle commune ; Décision Rasevic , par. 15.
15. Deuxième Décision Krnojelac, par. 18 ; Le Procureur c/ Milorad Krnojelac, affaire nº IT-97-25-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle de la Défense pour vices de forme de l’acte d’accusation, 24 février 1999 (« Première Décision Krnojelac »), par. 40  ; Arrêt Blaskic, par. 216.
16. Arrêt Blaskic, par. 218.
17. Décision Mrksic, par. 10.
18. Ibidem.
19. Ibid. ; Voir Arrêt Celebici , par 256, à propos de cet élément en tant que condition juridique préalable.
20. Première Décision Brdanin, par. 19 ; Décision Krajisnik, par. 9 ; Décision Mrksic, par. 10.
21. Deuxième Décision Krnojelac, par. 18 ; Décision Krajisnik, par. 9 ; Première Décision Brdanin, par. 19 ; Décision Mrksic, par. 10.
22. Première Décision Krnojelac, par. 38 ; Décision Mrksic, par. 10.
23. Deuxième Décision Krnojelac, par. 18 ; Décision Brdanin, par. 19 ; Décision Mrksic, par. 10.
24. Deuxième Décision Krnojelac, par. 18 ; Première Décision Brdanin, par. 19 ; Décision Krajisnik, par. 9 ; Décision Mrksic, par. 10.
25. Première Décision Brdanin, par. 19 ; Deuxième Décision Krnojelac, par. 18 ; Décision Krajisnik, par. 9 ; Le Procureur c/ Enver Hadzihasanovic et consorts, affaire nº IT -01-47-PT, Décision relative à la forme de l’acte d’accusation, 7 décembre 2001 (« Décision Hadzihasanovic »), par. 11.
26. Première Décision Krnojelac, par. 19 ; Arrêt Blaskic, par. 217.
27. Arrêt Blaskic, par. 217  ; Le Procureur c/ Radoslav Brdanin et Momir Talic, affaire nº IT-99-36-PT, Décision relative à la forme du nouvel acte d’accusation modifié et à la requête de l’Accusation aux fins de modification dudit acte, 26 juin 2001 (« Deuxième Décision Brdanin »), par. 19.
28. Deuxième Décision Brdanin, par. 33 ; Décision Mrksic, par. 11 ; Voir aussi Arrêt Blaskic, par. 219, qui ne traite que des précisions à apporter lorsque l’accusé est mis en cause en tant que supérieur hiérarchique.
29. Première Décision Brdanin, par. 48 et Décision Hadzihasanovic, par. 10, aucune n’abordant précisément la question des faits essentiels relatifs à l’élément moral ; Arrêt Blaskic, par. 219.
30. Première Décision Brdanin, par. 48 ; Décision Hadzihasanovic, par. 10 ; Arrêt Blaskic, par.  219.
31. Requête de Cermak, par. 6 ; Requête de Markac, par. 6.
32. Requête de Cermak, par. 12 ; Requête de Markac, par. 12.
33. Requête de Cermak, par. 10 ; Requête de Markac, par. 10.
34. Requête de Cermak, par. 13 et 14  ; Requête de Markac, par. 13 et 14.
35. Réponse de l’Accusation, par. 10.
36. Ibidem.
37. Ibid., par. 11.
38. Ibid., par. 13.
39. Le Procureur c/ Dragoljub Kunarac , affaire nº IT-96-23-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle déposée par la Défense pour vice de forme dans l’acte d’accusation modifié, 21 octobre 1998, p. 2 ; Première Décision Krnojelac, par. 24 ; Le Procureur c/ Radovan Stankovic, affaire nº IT-96-23/2-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle de la Défense fondée sur des vices de forme de l’acte d’accusation, 15 novembre  2002 (« Décision Stankovic »), par. 11.
40. Décision Stankovic, par.  11.
41. Première Décision Krnojelac, par. 24.
42. Le Procureur c/ Zejnil Delalic et consorts, affaire nº IT-96-21-T, Décision relative à l’exception préjudicielle de l’accusé Delalic relative à des vices de forme de l’acte d’accusation, 2 octobre  1996, par. 11.
43. Requête de Cermak, par. 32 ; Requête de Markac, par. 31.
44. Requête de Cermak, par. 32 ; Requête de Markac, par. 31.
45. Requête de Cermak, par. 32 ; Requête de Markac, par. 32.
46. Requête de Cermak, par. 34.
47. Ibidem.
48. Réponse de l’Accusation, par. 34.
49. Ibidem, par. 35.
50. Voir supra, par. 5 à 12.
51. Requête de Cermak, point E (p.  13, par. 31 et 30) et point F (par. 33).
52. Requête de Markac, par. 29 et 33.
53. Ibidem, par. 29.
54. Réponse de l’Accusation, par. 35.
55. Ibidem.
56. Ibid.
57. Deuxième Décision Brdanin, par. 59.
58. Ibidem. Dans cette affaire, la Chambre a jugé qu’il n’était pas nécessaire de préciser ces faits dans l’acte d’accusation car il n’existait pas de lien étroit entre les accusés, respectivement Président de la cellule de crise de la RAK et chef du 1er corps d’armée de la Krajina, et les « forces serbes de Bosnie », auteurs présumés des crimes.
59. Voir supra, par. 10.
60. Requête de Cermak, par. 35 ; Requête de Markac, par. 34.
61. Requête de Cermak, par. 38.
62. Ibidem.
63. Ibid.
64. Ibid., par. 39 renvoyant au chef 11 de l’acte d’accusation établi à l’encontre d’Ante Gotovina.
65. Réponse de l’Accusation, par. 19 et 20.
66. Ibidem, par. 18.
67. Ibid., par. 19 et 20.
68. Voir supra, par. 10.
69. Requête de Cermak, par. 26 à 29 ; Requête de Markac, par. 24 à 27.
70. Requête de Cermak, par. 26 ; Requête de Markac, par. 24.
71. Requête de Cermak, par. 26 ; Requête de Markac, par. 24.
72. Réponse de l’Accusation, par. 30.
73. Réponse de l’Accusation, par. 30.
74. Arrêt Krnojelac, par. 138.
75. Décision Rasevic, par. 29.
76. Arrêt Blaskic, par. 226.
77. Requête de Cermak, par. 18 ; Requête de Markac, par. 18.
78. Requête de Cermak, par. 21 ; Requête de Markac, par. 19.
79. Requête de Cermak, par. 23 ; Requête de Markac, par. 21.
80. Requête de Cermak, par. 25 et 30 ; Requête de Markac, par. 23 et 28.
81. Requête de Cermak, par. 30 ; Requête de Markac, par. 28.
82. Requête de Cermak, par. 19.
83. Requête de Cermak, par. 20.
84. Réponse de l’Accusation, par. 26.
85. Réponse de l’Accusation, par. 27.
86. Ibidem.
87. Ibid., par. 28.
88. Ibid., par. 32.
89. Voir Arrêt Tadic, par. 227  ; Arrêt Krnojelac, par. 31 ; Arrêt Vasiljevic, par. 100.
90. Acte d’accusation, par. 11.
91. Ibidem, par. 11 et 56.
92. Ibid., par. 56.
93. Ibid., par. 25, 27, 28, 30, 31, 33, 35, 38, 41 et 45.
94. Requête de Cermak, par. 20.
95. Troisième Décision Krnojelac, par. 18 ; Décision Rasevic, par. 47.
96. Le Procureur c/ Pavle Strugar, affaire n° IT-01-42-PT, Décision relative à l’exception préjudicielle de la défense pour vice de forme de l’acte d’accusation, 28 juin 2002, par. 18 ; voir aussi Décision Milutinovic selon laquelle il n’est pas nécessaire que les noms de tous les membres de l’entreprise criminelle commune soient fournis dans l’acte d’accusation.
97. Deuxième Décision Krnojelac, par. 57.
98. Ibidem, par. 34 et 57 ; Troisième Décision Krnojelac, par. 18.
99. Réponse de l’Accusation, par. 27.
100. Acte d’accusation, par. 15.
101. Ibidem, par. 16.
102. Requête de Markac, par. 35.
103. Ibidem.
104. Réponse de l’Accusation, par.  42.
105. Ibidem, par. 43.
106. Ibid.
107. Réponse de l’Accusation, par.  43.
108. Ibidem, par. 41.
109. Voir Arrêt Tadic, par.  228 ; Arrêt Krnojelac, par. 32.
110. Voir Arrêt Tadic, par.  228 ; Arrêt Krnojelac, par. 32.
111. Voir Deuxième Décision Brdanin, par. 41.
112. Voir Arrêt Tadic, par.  228 ; Arrêt Krnojelac, par. 32.
113. Voir Deuxième Décision Brdanin, par. 41.
114. Ainsi, dans cette affaire, l’Accusation a, conformément à la décision de la Chambre de première instance, inclus dans l’acte d’accusation la phrase suivante : « SLes accusésC étaient tous animés de l’intention délictueuse et de l’état d’esprit requis pour la perpétration de chacun de ces crimes  » (Le Procureur c/ Brdanin et Talic, affaire n° IT-99-36-PT, Troisième acte d’accusation modifié, par. 27. La Chambre de première instance a estimé que l’Accusation n’avait pas respecté la consigne qu’elle lui avait donnée d’indiquer que l’accusé était animé de l’intention requise pour chacun des crimes entrant dans le cadre de l’objectif commun. La Chambre de première instance a jugé que l’allégation très générale figurant dans l’acte d’accusation était insuffisante et que « [l]’Accusation [devait] exposer expressément l’intention requise pour chaque crime censé relever de l’entreprise criminelle commune » (Le Procureur c/ Brdanin et Talic, affaire n° IT-99-36-PT, Décision relative à la forme du troisième acte d’accusation modifié, 21 septembre 2001, par. 19 et 20)
115. Voir supra, par. 37.
116. Requête de Cermak, par. 36 et 37 ; Requête de Markac, par. 36 et 37.
117. Réponse de l’Accusation, par.  20.
118. Voir supra, par. 36.
119. Voir supra, par. 33.
120. Voir supra, par. 60.
121. Voir supra, par. 33.
122. Voir supra, par. 37.
123. Voir supra, par. 38.
124. Voir supra, par. 44.
125. Voir supra, par. 57.
126. Voir supra, par. 60.
127. Voir supra, par. 68.
128. Voir supra, par. 71 et 72.