Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 19 juillet 2007

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 00.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour.

7 Actuellement, je vais demander au greffier de citer l'affaire.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

9 Madame, Monsieur les Juges. Il s'agit de l'affaire le Procureur contre

10 Rasim Delic, numéro IT-04-83-T.

11 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Très bien.

12 Je voudrais demander aux parties de se présenter.

13 M. MUNDIS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

14 Bonjour à tout le monde présent dans ce prétoire. Pour les besoins du

15 Procureur, Daryl Mundis avec Aditya Menon et notre commis à l'affaire, Alma

16 Imamovic.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

18 La Défense.

19 Mme VIDOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

20 Monsieur les Juges et toutes les personnes présentes dans ce prétoire. Je

21 m'appelle Vasvija Vidovic, je suis ici avec M. Nicholas Robson et je

22 représente les intérêts du général Delic. Avec nous sont nos commis à

23 l'affaire et assistants juridiques, Lana Deljkic et Asja Zujo.

24 M. LE JUGE BONOMY : [interprétation] Je vous remercie, Maître.

25 Je voudrais tout d'abord mettre en garde le témoin.

26 Monsieur le Témoin, je vous souhaite bonjour. Est-ce que vous vous sentez

27 mieux aujourd'hui ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. En effet, je me sens mieux.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

2 Peut-être que vous en êtes conscient, mais il est de mon devoir de vous en

3 prévenir, à savoir que vous êtes toujours tenu par la déclaration

4 solennelle que vous avez faite au début de votre déposition pour dire la

5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

6 Je vous remercie, Monsieur le Témoin.

7 Maître Vidovic, vous avez la parole.

8 LE TÉMOIN: TÉMOIN PW-2 [Reprise]

9 [Le témoin répond par l'interprète]

10 Contre-interrogatoire par Mme Vidovic : [Suite]

11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

12 Hier, nous avons parlé de certains documents de la 7e Brigade

13 musulmane et je voudrais continuer à parler à ce sujet.

14 Par la suite, je vais revenir sur un certain nombre de termes qui

15 restent à élucider. Je pense que le témoin pourrait nous aider.

16 Mais pour commencer, Monsieur le Témoin, je vais vous demander

17 d'examiner le document de la Défense D47. Merci.

18 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je voudrais demander que l'on déplace

19 le document et qu'on l'agrandisse. Merci.

20 Q. Il s'agit d'un document en date du 23 décembre 1993. Monsieur le

21 Témoin, je vais vous citer une toute petite partie de ce document qui

22 concerne les activités criminelles d'un certain Sabahet Isakovic. Ce

23 document dit : "Aujourd'hui, le 16 juillet 1993, d'après les informations

24 venues de plusieurs sources, il est probable qu'il ait caché le pistolet

25 d'un citoyen étranger qui a essayé de faire un attentat sur l'émir Mahmut

26 Efendija Karalic.

27 Monsieur, tout d'abord, est-ce que le nom de Sabahet Isakovic vous dit

28 quelque chose ? Est-ce que vous auriez entendu parler de lui ?

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1 R. Oui c'est probable, mais je n'en suis pas sûr.

2 Q. Bien. Ce document dit qu'un citoyen étranger aurait fait une tentative

3 d'attentat contre un certain émir Mahmut Efendija Karalic. Est-ce que vous

4 étiez au courant de cet événement ?

5 R. Je suis au courant d'un incident au cours duquel deux citoyens

6 étrangers auraient fait une tentative de meurtre sur Karalic. Les deux

7 personnes ont été tuées par les membres de la police militaire.

8 Q. Merci.

9 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que

10 l'on attribue une cote à ce document.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ce document est versé au dossier. Est-

12 ce qu'on peut lui attribuer une cote.

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 123.

14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Vidovic, je ne suis pas

15 vraiment sûr de comprendre le sens de ce document. Que voulez-vous prouver

16 ? Qu'est-ce que vous voulez que les Juges de la Chambre retiennent comme

17 information par rapport à ce document ?

18 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, hier nous avons parlé des

19 rapports qui prévalaient entre les étrangers et les autres membres de la 7e

20 Brigade musulmane. Dans l'acte d'accusation, les combattants étrangers sont

21 considérés comme étant les membres de la 7e Brigade musulmane. Je voudrais

22 demander au témoin de nous dire quels étaient véritablement les rapports

23 qui prévalaient entre les combattants étrangers et les membres de la 7e

24 Brigade musulmane.

25 Je suis convaincue que ce document en dit beaucoup, associé à

26 d'autres documents que nous avons déjà montrés et que nous allons encore

27 vous présenter.

28 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'ai l'impression que c'est un

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1 document qui concerne une procédure d'enquête contre Sabahet Isakovic.

2 Mme VIDOVIC : [interprétation] Oui, Isakovic.

3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Au cours de cette enquête, il s'agit

4 d'une tentative d'assassinat contre l'émir Mahmut Efendija Karalic, et on

5 mentionne cette tentative qui est l'œuvre d'un citoyen étranger. Cet

6 étranger peut effectivement correspondre à ces Arabes, mais ce n'est pas ce

7 qui est dit. Ici on parle d'un citoyen étranger. Ceci pourrait être

8 n'importe qui. Alors, comment faites-vous le lien entre ce document et le

9 rapport qui prévalait entre les Arabes et les membres de la 7e Brigade

10 musulmane ?

11 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, dans ce document on dit

12 que Sabahet Isakovic avait dissimulé un pistolet pour ensuite l'utiliser

13 pour cette tentative de meurtre. C'est pour cela que j'ai posé la question

14 pour savoir s'il était au courant de cet événement. Il a dit qu'en effet il

15 était au courant de cela : "Deux Arabes avaient fait la tentative de

16 meurtre sur la personne de l'efendi Mahmut Karalic." C'est pour cela que je

17 l'ai montré au témoin.

18 Q. Est-ce que j'ai raison, Monsieur le Témoin ?

19 R. Oui, effectivement.

20 Mme VIDOVIC : [interprétation] J'avais le même dilemme que vous, je lui ai

21 posé la question.

22 Q. Pour être encore plus clairs, Monsieur le Témoin, vous nous avez dit

23 qu'on était au courant de ce document ?

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Attendez. Avant de revenir sur le

25 témoin, je vous prie de bien vouloir répondre pleinement à la question

26 posée par le Juge Harhoff parce que je ne suis vraiment pas sûr qu'il soit

27 content de votre réponse.

28 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Pas complètement, parce que j'ai

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1 effectivement compris qu'il pouvait effectivement s'agir d'Arabes. Mais

2 ensuite dans ce document, on peut lire que c'est une tentative d'assassinat

3 et que ceci a quelque chose à voir avec de l'argent emprunté ou quelque

4 chose pour tout simplement vendre [problème technique] -- pour moi, je n'ai

5 pas l'impression que ceci a un grand intérêt, j'ai l'impression que c'est

6 un simple délit.

7 Ceci n'illustre pas vraiment ces différences qui existaient entre les

8 Arabes et les membres de la 7e Brigade musulmane.

9 Mme VIDOVIC : [interprétation] Oui, justement c'est pour cela qu'il est

10 très difficile de faire valoir nos arguments à la lecture d'une petite

11 portion de document. Je vais vous lire ce qui est écrit là-dessus : "Le 16

12 juillet 1993, d'après les informations venues de plusieurs sources, il a

13 caché le pistolet d'un citoyen étranger qui a essayé de commettre un

14 attentat --"

15 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Nous avons déjà lu le document.

16 Mme VIDOVIC : [interprétation] Mais je suis obligée vraiment de vous lire

17 la phrase qui suit, sinon je ne peux même pas vous expliquer le document.

18 Veuillez me permettre de vous donner lecture.

19 "Entre-temps, il a emprunté 750 deutsche marks de la brigade qu'il n'a pas

20 rendu au jour d'aujourd'hui."

21 D'un côté on dit que, le 16 juillet 1993, il a caché un pistolet pour

22 faire une tentative d'assassinat, ensuite ont dit qu'il a aussi emprunté

23 750 marks allemands de la brigade. Il s'agit de deux actes différents

24 d'après ce que je vois dans le document.

25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Et alors ?

26 Mme VIDOVIC : [interprétation] Voici la question que je pose au

27 témoin par rapport à l'assassinat sur l'efendi Karalic.

28 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez entendu dire qu'il y

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1 avait des citoyens étrangers qui auraient fait une tentative d'attentat sur

2 la personne de l'efendi Karalic ? Quand je parle "de citoyens étrangers",

3 est-ce que c'étaient des Arabes qui ont fait cette tentative d'assassinat ?

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Vidovic, en répondant à la

5 question posée par les Juges, vous ne pouvez pas revenir auprès du témoin

6 et continuer à lui poser des questions. Il faut tout d'abord répondre

7 pleinement à la question posée par les Juges, ensuite vous pouvez

8 continuer.

9 Je suis vraiment désolé, je ne souhaite pas vous mettre dans une position

10 délicate, mais j'ai pensé que vous vouliez prouver ici l'existence de

11 rapports problématiques entre les Arabes et les membres de la 7e Brigade

12 musulmane, et peut-être d'autres membres d'El Moudjahid, donc il s'agissait

13 de différences basées sur des bases politiques, religieuses et morales. Si

14 tel était le cas, je comprendrais votre argument parce qu'il serait

15 intéressant de démontrer qu'il existait des différences sur des bases

16 religieuses, politiques et morales entre ces deux groupes.

17 Mais ce que vous m'apportez ici, c'est quelque chose qui ressemble à un

18 simple délit qui, d'après moi, n'apporte pas beaucoup d'éléments par

19 rapport à ces différentes religieuses, et cetera. C'est pour cela que je

20 vous ai demandé quelle est vraiment l'importance de ce document.

21 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Juge.

22 Je pensais que ce document illustrait le rapport entre les Arabes et

23 la 7e Brigade, mais je vais retirer ce document effectivement, Monsieur le

24 Juge.

25 Mme LE JUGE LATTANZI : J'ai besoin d'une clarification à propos de cet

26 épisode auquel ce document se réfère et, naturellement, en liaison avec le

27 contre-interrogatoire que vous menez, Maître.

28 Monsieur le Témoin, j'aurais besoin de cette clarification. Vous avez dit

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1 hier, je pense pendant le contre-interrogatoire, que la police militaire

2 n'avait pas de contrôle sur vos unités parce qu'il y avait un désordre

3 général, un chaos. Donc, à propos de cet épisode que vous semblez en tout

4 cas connaître un peu, la police militaire était-elle quand même active ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Par rapport à cet incident, l'incident qui a

6 eu lieu, Mahmut Efendija Karalic avait ses propres gardes du corps qui le

7 gardaient. C'étaient effectivement les membres de la police militaire et

8 ils étaient là pour assurer sa propre sécurité. Ils étaient chez lui, près

9 de lui. Ces deux Arabes - je ne sais pas s'il y en avait un ou deux - ont

10 essayé de l'assassiner, d'assassiner l'efendi. Les policiers pour le

11 défendre ont tué ces deux Arabes. Donc ce sont des policiers qui

12 effectivement gardaient l'efendi.

13 Mme LE JUGE LATTANZI : Encore une petite chose alors. Si je comprends bien

14 de votre réponse, donc la police militaire, au lieu de contrôler la

15 situation et d'assurer l'ordre général, la protection de tous les citoyens,

16 assurait la protection de simples individus ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était la police militaire de la 7e Brigade

18 musulmane, et Karalic craignait pour sa propre sécurité. C'est pour cela

19 qu'il a fallu qu'il ait des gardes du corps.

20 Mme LE JUGE LATTANZI : Donc, s'il y avait la possibilité de gardes du corps

21 pour la protection de simples individus, il y avait aussi, selon vous, la

22 possibilité de la protection de garantir l'ordre public, donc aussi de

23 faire des enquêtes, de prévenir et de punir les comportements des membres

24 des détachements militaires ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Voyez-vous, Mahmut Efendija Karalic c'était

26 l'émir de la 7e Brigade musulmane. C'est pour cela qu'il pouvait avoir le

27 droit à avoir une protection. En ce qui concerne l'ordre, la situation

28 était telle qu'il n'y avait pas assez de forces militaires. Mais lui

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1 c'était l'émir de la brigade, donc il jouissait de ces privilèges.

2 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci, Monsieur le Témoin.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Vidovic, avant de continuer, il

4 faut que l'on décide du sort de ce document. Vous avez lu pratiquement tout

5 le document ? Est-ce que vous avez vraiment besoin de le verser au dossier,

6 puisque tout est de toute façon dans le transcript ?

7 Mme VIDOVIC : [interprétation] Non, je vais retirer ce document, Monsieur

8 le Président. Je vais peut-être présenter l'auteur du document qui va peut-

9 être par la suite nous en parler et l'expliquer davantage.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

11 Mme VIDOVIC : [interprétation]

12 Q. Monsieur le Témoin, je vais revenir sur des questions dont nous avons

13 parlé hier, et je vais vous demander d'expliquer aux Juges les questions --

14 enfin de répondre aux questions que je vais vous poser pour qu'ils

15 comprennent les termes que nous avons utilisés ici.

16 Tout d'abord, hier au cours de votre déposition, vous avez dit que les

17 Moudjahidines sont les combattants sur le chemin d'Allah; est-ce exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Certaines personnes les appellent "Moudjahidines" et d'autres les

20 appellent "Moudjahid"; ai-je raison ?

21 R. Oui.

22 Q. Ce sont les mêmes personnes, ces deux termes correspondent à une même

23 catégorie de personnes; ai-je raison de le dire ?

24 R. Oui.

25 Q. Au fait, on utilisait ce nom pour aussi bien les combattants étrangers

26 que les combattants du pays ?

27 R. Oui.

28 Q. Tous les combattants étrangers, Moudjahidines, n'étaient pas d'origine

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1 africaine ou asiatique; ai-je raison ?

2 R. Oui.

3 Q. Parmi eux, il y avait des Musulmans de l'Europe, des Turcs qui

4 ressemblent effectivement beaucoup aux combattants bosniaques; ai-je raison

5 de le dire ?

6 R. Oui.

7 Q. Les membres de la 7e Brigade musulmane portaient souvent la barbe et

8 parfois ils s'habillaient de la même façon que les combattants étrangers,

9 comme les Moudjahidines sur le terrain; ai-je raison ?

10 R. Oui. Il y avait beaucoup de membres de la 7e Brigade musulmane qui

11 portaient des barbes longues. Il y en avait vraiment pas mal.

12 Q. Il est vrai, n'est-ce pas, qu'à cause de cela on faisait l'amalgame

13 entre les membres de la 7e Brigade musulmane et les combattants étrangers,

14 justement à cause de ce qu'ils avaient l'air, de leur apparence physique ?

15 R. Oui, c'est exact.

16 Q. Même les membres des autres unités de l'ABiH qui ne les connaissaient

17 pas personnellement pouvaient se tromper de cette façon ?

18 R. C'est vrai que leur apparence physique était très semblable.

19 Q. Monsieur le Témoin, vous avez vécu en Bosnie centrale en 1992 et 1993.

20 Il est exact, n'est-ce pas, que les médias croates à la radio, à la télé,

21 et cetera, ne faisaient pas de différence entre les forces musulmanes, les

22 Moudjahidines, la 7e Brigade musulmane, et cetera. On les appelait tous

23 sous un nom commun "les forces musulmanes." Ai-je raison de dire cela ?

24 R. Au moment où j'ai été arrêté par le HVO, ils utilisaient plein de

25 termes : Les MOS, les forces musulmanes, les Moudjahidines. Ils utilisaient

26 beaucoup de termes.

27 Q. Je vais poser la question autrement. L'ABiH était considérée comme la

28 même chose que les forces musulmanes et les Moudjahidines ?

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1 R. Ils nous appelaient "Turcs," "Moudjahidines," ils utilisaient toute

2 sorte de noms. Au moment où j'ai été arrêté, il y avait des soldats du HVO

3 qui étaient dans la prison comme moi, pour d'autres raisons d'ailleurs, je

4 les ai entendus parler, raconter les récits des lignes. Ils disaient que

5 les Moudjahidines attaquaient de partout, de tous les côtés.

6 Q. Quand vous dites "nous tous", est-ce que vous faites référence à la

7 population musulmane ou aux combattants ?

8 R. Tous les membres de l'ABiH, ils les appelaient "les Turcs", "les

9 Moudjahidines" ou ils utilisaient d'autres termes péjoratifs.

10 Q. Au cours de votre déposition d'hier, vous avez dit à plusieurs reprises

11 qu'il y avait une situation chaotique en Bosnie centrale. Ai-je raison de

12 le dire ? Pour cela, je voudrais vous montrer un document.

13 Mme VIDOVIC : [interprétation] Il s'agit du document D40.

14 Q. Monsieur le Témoin, je vous prie de bien vouloir lire ce

15 document.

16 Mme VIDOVIC : [interprétation] Pour le compte rendu, je voudrais dire qu'il

17 s'agit du document de la 7e Brigade musulmane en date du 30 mai 1993.

18 "Réponse à un ordre émanant du commandement du 3e Corps d'armée en date du

19 27 mai 1993."

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez dit que c'est un document du

21 30 mai. C'est ce que vous avez dit ? Parce que c'est ce que je vois dans le

22 transcript.

23 Mme VIDOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Oui, oui, le 30,

24 oui, le 30 mai, oui.

25 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pour qu'il n'y ait

26 pas de malentendu.

27 Il y a un sceau, le sceau de la 7e Brigade musulmane avec la date du

28 30 mai. Et dans le titre on peut lire "Réponse à un ordre émanant du 3e

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1 Corps d'armée en date du 27 mai." C'est pour cela que vous m'avez posé la

2 question ?

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, effectivement puisque j'ai

4 l'impression que c'est le document en date du 27 mai mais qu'il a été reçu

5 par la 7e Brigade musulmane, le 30 et c'est pour cela que le cachet y est,

6 parce que j'ai l'impression que c'est la date de la réception qui figure

7 dans le sceau alors que le document date du 27 quelle que soit l'instance

8 qui l'envoie.

9 Mme VIDOVIC : [interprétation] Mais quand on lit le document on comprend

10 très bien qu'il s'agit de la réponse à un ordre émanant au 3e Corps d'armée

11 en date du 27 mai, et comme c'est Asim Koricic --

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, excusez-moi, je vous

13 remercie.

14 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

15 Votre explication nous est utile à nous aussi.

16 Q. Monsieur le Témoin, je vais citer ce document, c'est un document assez

17 bref et je vais dire ce que dit le document : "Le point 6 de votre ordre

18 strictement confidentiel, numéro 02/33-1281 en date du 27 mai 1993, nous ne

19 sommes pas en mesure d'exécuter parce que nous n'avons pas d'insignes qui

20 démontrent l'appartenance à l'unité. Nous ne les avons pas reçus c'est pour

21 cela que nous n'allons pas commencer à arborer ces insignes. Pour qu'il n'y

22 ait pas d'incidents inutiles au moment des contrôles des conscrits faisant

23 partie de cette unité, je m'adresse à vous par ce document et je vous

24 demande que notre unité reçoive ces insignes."

25 Tout d'abord le "V/O" que l'on voit dans le document ce sont les

26 recrues, ce sont les conscrits ?

27 R. Oui.

28 Q. Et la date du document, le 30 mai 1993, c'est dans le sceau que l'on

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1 voit cette date. D'après ce document, on dirait que la 7e Brigade musulmane

2 n'avait pas de symboles, d'éléments, des insignes démontrant l'appartenance

3 à la 7e Brigade musulmane à cette date-là ?

4 R. Nous ne les avons reçus que par la suite, jusqu'alors on utilisait des

5 insignes différents, soit d'appartenance aux forces musulmanes ou on n'en

6 avait pas du tout parfois.

7 Q. Autrement dit, ce document est exact, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Encore une question. Dans notre langue, on appelle ces insignes qui

10 démontrent l'appartenance à une unité, dans notre langue on dit que ce sont

11 des emblèmes, "amblemi", et on les porte de sorte qu'on puisse les voir, on

12 les attache sur la manche de l'uniforme.

13 Mme VIDOVIC : [interprétation] Mais je voudrais demander que ce document se

14 voit attribuer une cote, Monsieur le Président.

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que l'on a

17 attribué une cote à ce document ?

18 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Non, pas encore parce qu'avant de

19 décider du versement de ce document, nous sommes en train de discuter de la

20 valeur probante du document. Encore une fois, j'ai quelques réserves parce

21 que je ne suis pas certain de comprendre ce que vous souhaiteriez démontrer

22 au juste par le biais de ce document, je suppose que vous souhaitez que le

23 document soit versé au dossier parce que ce document démontre qu'il n'y

24 avait aucun ordre qui régnait au sein de la 7e Brigade musulmane, soit ils

25 ne portaient aucun insigne ou alors ils portaient des insignes différents.

26 J'imagine que vous souhaiteriez que la Chambre comprenne, sur la base de ce

27 document, que tout cela était un désordre total.

28 Je serais disposé à vous suivre, mais le fait que pendant un certain temps

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1 il n'y avait pas suffisamment d'emblèmes pour que chacun puisse l'arborer,

2 ce n'est pas forcément un indice de désordre parce que j'imagine que cela

3 peut arriver à la plupart des forces militaires dans le cadre d'un conflit

4 armé.

5 Je vous demanderais de nous expliquer de façon plus expliquée

6 pourquoi vous cherchez le versement de ce document.

7 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur, Madame les

8 Juges, je voudrais démontrer que le 30 mai 1992, le processus visant à

9 instaurer des emblèmes démontrant l'appartenance à la 7e Brigade musulmane

10 n'avait même pas commencé. C'est tout à fait pertinent dans le cadre de

11 cette affaire parce qu'il y aura des témoins qui vont nous parler de la

12 participation de différents hommes au combat, et il est tout à fait

13 pertinent d'établir s'ils portaient ou non des insignes.

14 Je crois que ce document démontre clairement qu'ils n'ont pas reçu

15 ces insignes et que ce processus n'avait même pas été entamé.

16 Messieurs et Madame les Juges, à ce stade c'est la recevabilité des

17 documents qui est évaluée alors que leur valeur probante sera évaluée dans

18 le cadre de toutes les pièces prises dans leur ensemble. Il me semble que

19 ce document est extrêmement pertinent parce qu'il démontre que le 30 mai,

20 plusieurs jours avant l'incident à Maline, le processus visant à donner des

21 insignes aux membres de la 7e Brigade n'avait même pas commencé alors que

22 l'on soupçonne des membres de cette brigade d'avoir perpétré ces crimes.

23 Ai-je été suffisamment claire ?

24 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Tout à fait et votre explication

25 change tout à mon avis. Je suis tout à fait satisfait. Maintenant je

26 comprends ce que vous souhaitez. J'aimerais à l'avenir - et je demanderais

27 cela à l'Accusation également - de nous expliquer exactement ce que vous

28 souhaitez démontrer, sinon la Chambre n'est pas au clair. Il se peut que

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1 vous ayez tout compris, évidemment parce que vous avez un projet pour la

2 Défense, mais il faut que vous nous le démontriez pour aider les Juges.

3 Je serais favorable à ce que l'on admette le versement au dossier,

4 mais je vais consulter mes collègues.

5 [La Chambre de première instance se concerte]

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai plutôt un petit problème de

7 procédure, et je sais que nous avons adopté des principes directeurs sur la

8 présentation des moyens de preuve, mais les parties n'ont rien dit

9 concernant le point que j'ai évoqué; en fait quand vous lisez presque tout

10 le document, le fait de verser le document au dossier ne fait qu'alourdir

11 encore le dossier.

12 Il s'agit ici d'un document très concis et vous l'avez lu dans son

13 intégralité. Est-ce que vous avez vraiment besoin que le document soit

14 versé au dossier ? Parce que tout le contenu du document figure déjà au

15 compte rendu.

16 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, cela me paraît

17 nécessaire. Ce document comporte deux phrases, littéralement deux phrases.

18 Je pense qu'à la fin du procès, le compte rendu sera beaucoup plus clair,

19 et les pièces le seront également, si certains passages pertinents de ce

20 document figurent au compte rendu. Je ne vais pas agir de la sorte quand il

21 s'agit de longs documents de 200 pages. Je citerai des extraits assez brefs

22 et je demanderai uniquement le versement de ces passages-là. Mais ici, il

23 s'agit d'un document très bref, c'est la raison pour laquelle je l'ai cité.

24 Sinon il serait difficile de comprendre ce dont il s'agit.

25 Madame et Messieurs les Juges, je serais heureuse de vous expliquer à

26 chaque fois quelle est mon intention, mais cela ne fera que prolonger les

27 débats, et le temps nécessaire pour le contre-interrogatoire, c'est la

28 raison pour laquelle je ne vous explique pas toujours les documents.

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1 Je m'en remets à vous. S'il faut que je vous explique à chaque fois

2 l'objectif que je poursuis avec chaque document, je ne sais pas -- je vois

3 que mon éminent confrère s'est levé.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Mundis.

5 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 L'Accusation appuie certainement l'idée exprimée par le Juge Harhoff, mais

7 je partage tout de même quelques préoccupations exprimées par mon éminente

8 collègue parce que cela pourrait demander beaucoup de temps.

9 Et nous avons une certaine préoccupation quant au fait d'expliquer la

10 pertinence et la valeur probante des documents en présence des témoins.

11 Mais s'il faut à chaque fois excuser ou faire sortir le témoin, cela va

12 aussi demander plus de temps, et le temps nous est compté.

13 Je ne sais pas très bien comment sortir de cette impasse. Evidemment

14 je comprends que les Juges ont besoin de comprendre exactement quelle est

15 la pertinence et la valeur probante des documents. Je me réfère à ce que

16 l'Accusation a déjà dit, que dans ce type d'affaire régit par la règle

17 7(3), et notamment dans cette affaire, il s'agit surtout d'une affaire qui

18 se fonde sur des circonstances. Et bon nombre de documents qui, à première

19 vue, pourraient ne pas sembler avoir une très grande valeur probante ou une

20 grande pertinence, pourraient s'avérer en fait tout à fait pertinents par

21 le biais d'autres témoignages et d'autres documents qui seront présentés.

22 Je dirais par ailleurs que je crois qu'il y a une erreur au compte

23 rendu à la page 15, ligne 5, en anglais en tout cas, il est question du 30

24 mai 1992, et en fait il s'agit manifestement du 30 mai 1993. C'est peut-

25 être une erreur d'interprétation, ou alors c'est Mme Vidovic qui simplement

26 s'est trompée.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Mundis.

28 Je croyais que la question soulevée par le Juge Harhoff avait été

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1 réglée et que nous étions en train de discuter de celle que j'ai moi-même

2 évoquée.

3 Madame Vidovic, nous allons verser ce document au dossier, mais je

4 vous prie, Madame, si le document est aussi court, vous pouvez demander au

5 témoin de l'étudier, nous pouvons tous lire le document nous-mêmes. Ne

6 donnez pas lecture de ce document et ne demandez pas que le document soit

7 versé au dossier quand le document est aussi bref.

8 Cela dit, s'il s'agit d'un long document, si vous voulez attirer

9 l'attention du témoin sur un passage précis, alors je comprends que vous le

10 citiez.

11 Est-ce que vous comprenez ce principe que j'énonce ?

12 Mme VIDOVIC : [interprétation] Oui, je vous comprends bien.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Alors ce document sera versé au

14 dossier.

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 123.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le 123 ?

17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, parce que le document précédent a

18 été retiré et ne fera pas partie du dossier.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Donc, 123.

20 Vous pouvez poursuivre, Madame Vidovic.

21 Mme VIDOVIC : [interprétation] Pourrait-on soumettre au témoin le document

22 D41 ? Aux fins du compte rendu, en attendant que ce document apparaisse, il

23 s'agit d'un document émanant du commandement du 3e Corps d'armée, division

24 de la sécurité, en date du 12 septembre 1993.

25 Madame et Messieurs les Juges, la photocopie est très mauvaise, c'est la

26 raison pour laquelle nous aimerions bien que vous puissiez voir le

27 document.

28 Q. Monsieur le Témoin, vous avez je crois le document sous les yeux, et je

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1 vais vous demander de lire ce document à la lumière des instructions qui

2 viennent de nous être données par les Juges.

3 Ce document démontre que des informations ont été obtenues que certaines

4 personnes ont utilisé leurs livrets militaires à des fins d'identification,

5 afin de démontrer qu'ils effectuaient certaines tâches. Et la cause la plus

6 fréquente de ce problème serait l'irresponsabilité de certains organes, et

7 selon cette information des documents faux auraient été émis sans

8 fondement.

9 Est-ce bien ce que dit le document, Monsieur le Témoin ?

10 R. Oui.

11 Q. Je ne vais pas citer le document, mais je vous demanderais d'essayer de

12 vous souvenir de l'année 1993, j'aimerais vous poser des questions

13 concernant des faits qui ont découlé de ce document.

14 Pendant que vous étiez membre de la 7e Brigade musulmane, est-il exact de

15 dire que sur le terrain il y avait des gens qui utilisaient ces livrets

16 militaires et les vendaient sur le marché noir ?

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous avez bien dit vendre

18 les livrets sur le marché noir ?

19 Mme VIDOVIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais qu'il y a eu certains abus se

21 rapportant à ces livrets militaires. Je sais que certains ont vendu leurs

22 livrets militaires. Tout le monde devait être mobilisé. Et ceux qui ne

23 voulaient pas se rendre sur les lignes de front, les lignes de la défense,

24 et ne souhaitaient pas rejoindre une unité, ont essayé tous les moyens

25 possibles pour obtenir ces carnets. Je me trouvais près de Travnik et les

26 gens dont je parle venaient de Travnik.

27 Mme VIDOVIC : [interprétation]

28 Q. Ils voulaient ces carnets pour quelle raison, pour pouvoir les montrer

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1 si jamais il y avait un contrôle ?

2 R. Oui.

3 Q. Un contrôle effectué par la police militaire ou civile ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous avez lu ce document ?

6 R. Oui.

7 Q. Est-ce que le document reflète la situation qui avait cours sur le

8 terrain ?

9 R. Oui, c'est ainsi que se présentaient les choses.

10 Mme VIDOVIC : [interprétation] Est-ce que ce document pourrait être versé

11 au dossier ?

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, qu'on lui attribue une cote.

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 124.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

15 Mme VIDOVIC : [interprétation]

16 Q. Je vais passer à une autre question.

17 Monsieur le Témoin, vous nous avez dit hier qu'à un certain moment,

18 vous vous êtes rallié à un groupe d'Arabes. Je vous poserai la question

19 suivante : à la mi-août 1993 à peu près, vous avez appris qu'un accord

20 avait été conclu entre le détachement et l'armée, en vertu duquel le

21 détachement devait être intégré à l'armée; est-ce exact ?

22 R. Oui.

23 Q. J'aimerais vous poser la question qui suit : n'est-il pas exact que des

24 groupes d'Arabes venant de Mehurici et Poljanice ont été intégrés au

25 détachement ?

26 R. Oui.

27 Q. N'est-il pas également exact que le El Moudjahid était composé de ces

28 groupes ?

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1 R. Oui.

2 Q. Et il est également exact, n'est-ce pas, de dire que dans un certain

3 secteur de Bosnie centrale, qui n'était pas très étendu, il y avait

4 plusieurs groupes d'Arabes, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Par exemple, le groupe turc Arnauti ?

7 R. Pardonnez-moi, mais je ne sais pas où se trouvait le groupe turc, mais

8 je sais qu'il y avait un certain nombre de groupes dans les alentours de

9 Travnik et Zenica.

10 Q. Très bien. Est-ce que vous avez entendu parler du groupe à Bistricak ?

11 R. Oui.

12 Q. Et le groupe à Zeljezno Polje ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-il exact de dire que ces groupes n'avaient rien en commun avec El

15 Moudjahid ?

16 R. Non, ils n'avaient rien en commun avec eux. Il s'agissait de groupes

17 distincts. Je ne sais pas s'ils avaient le moindre contact entre eux.

18 Q. Savez-vous si ces groupes ont agi de façon indépendante ou sous le

19 contrôle de quelqu'un ?

20 R. Autant que je le sache, il s'agissait de groupes indépendants. Ils

21 participaient à certaines actions, mais pour l'essentiel ils étaient

22 complètement indépendants dans leurs activités.

23 Q. J'en reviendrai maintenant au détachement. Ce détachement avait son

24 émir. Vous l'avez dit à de nombreuses reprises ?

25 R. Oui.

26 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce qu'est une "Shura", si

27 vous le savez ?

28 R. Une "Shura" est une sorte de conseil ou d'organe religieux qui prenait

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1 des décisions sur certaines questions. Cet organe pouvait décider ce que

2 devait faire telle ou telle unité.

3 Q. Quand vous parlez "d'organe religieux", quand vous dites que cet organe

4 pouvait prendre des décisions quant aux actions à entreprendre par une

5 unité, est-ce que vous pourriez expliquer cela aux Juges ? Est-ce exact de

6 dire que la "Shura" était l'organe de commandement Suprême ?

7 R. Oui.

8 Q. En d'autres termes, il s'agissait de l'organe de commandement Suprême ?

9 R. Oui.

10 Q. Et cet organe avait un fondement religieux ?

11 R. Oui.

12 Q. Vous n'étiez sans doute pas présent lors des réunions de la "Shura",

13 mais vous savez sans doute que les décisions prises par la "Shura" étaient

14 contraignantes pour les membres du détachement, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Vous avez décrit, dans votre déposition, votre participation à certains

17 combats aux côtés de l'ABiH ?

18 R. Oui.

19 Q. Aurais-je raison de tirer la conclusion suivante : nonobstant le fait

20 que le détachement avait été institué en tant qu'unité de l'armée, il est

21 vrai que la "Shura" et l'émir continuaient à prendre les décisions, quant à

22 savoir si le détachement participerait ou non à une action ?

23 R. C'est exact.

24 Q. L'armée ne pouvait que discuter d'une coopération avec la "Shura"; est-

25 ce que vous avez connaissance de cela ?

26 R. Non, je ne connais pas de détails à ce propos ?

27 Q. Mais en ce qui concerne les activités du détachement, c'étaient l'émir

28 et la "Shura" qui prenaient les décisions. C'est ce que vous avez dit ?

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1 R. Oui.

2 Q. Les gens ne participaient pas à certaines batailles si la "Shura"

3 disait : "Non"; est-ce exact ?

4 R. Oui.

5 Q. Savez-vous, par exemple, que le détachement n'a pas participé au combat

6 aux alentours de Buhine Kuce ?

7 R. Je ne me souviens pas exactement de la région ou de l'endroit, mais je

8 sais qu'il y a eu des cas de ce type.

9 Q. Donc, il serait juste de dire, n'est-ce pas, que le détachement

10 évaluait la situation afin de décider de participer ou non à une action ?

11 R. Oui.

12 Q. Je vais maintenant vous présenter une thèse. Si la "Shura" décidait que

13 le détachement ne devait pas participer à une certaine bataille aux côtés

14 de l'armée - vous avez dit que ce type de cas s'est produit - même le

15 président Izetbegovic n'aurait pas pu donner un ordre contraire; est-ce que

16 j'ai raison de dire cela ?

17 R. Je sais que c'est la "Shura" qui prenait ces décisions. Je ne connais

18 pas les détails, mais il est certain que la "Shura" pouvait prendre une

19 décision contraire. Si la "Shura" estimait que le détachement ne devait pas

20 se rendre quelque part, ils pouvaient prendre cette décision, donc une

21 décision contraire.

22 Q. Merci. Lorsque vous avez témoigné au sujet de la participation du

23 Détachement El Moudjahid à Kruscica, et vous nous avez parlé des combats

24 aux côtés de l'armée, vous avez dit que vous savez que les Moudjahidines

25 ont participé au combat. Mais j'aimerais vous affirmer ce qui suit :

26 pendant les combats qui ont eu lieu à Kruscica, il y a eu un incident

27 grave, presque une échauffourée entre le Détachement El Moudjahid et

28 l'armija, l'armée. Donc ma question est la suivante : avant votre

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1 arrestation, un combattant de la brigade a été arrêté parce qu'il était

2 ivre; est-ce que vous vous souvenez de cela ?

3 R. Oui, je m'en souviens très bien.

4 Mme VIDOVIC : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait montrer le document

5 D37 au témoin qui se rapporte à cet incident ?

6 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous voudriez bien lire ce document dès

7 qu'il apparaît à l'écran ?

8 Mme VIDOVIC : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait faire un gros plan et

9 montrer au témoin le document tout entier ?

10 Ce document émane de la 17e Brigade de Montagne de la Krajina en date du 27

11 octobre 1993.

12 Q. Vous avez dit hier que cette brigade se trouvait à

13 Kruscica, je pense ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que c'est exact ?

16 R. Oui, oui, tout à fait. Mais pour préciser, j'avais entendu parler de

17 cet incident de la bouche de certains membres du détachement. Mais je n'ai

18 pas été témoin de cet incident moi-même, donc je ne sais pas exactement ce

19 qui s'est passé, mais ils m'ont rapporté cet incident après que quelque

20 temps se soit écoulé. Je ne sais pas exactement combien de temps, enfin j'y

21 reviendrai.

22 Q. Si j'ai bien compris, vous avez connaissance du fait que ce combattant

23 avait été arrêté, il est question de la division d'artillerie mixte de la

24 glorieuse 17e Brigade.

25 R. Oui.

26 Q. Dans ce document, il est dit que l'armée a tenté de récupérer son

27 combattant, d'obtenir qu'il soit remis en liberté, mais cette requête a été

28 rejetée assez brutalement et on les a obligés à quitter le camp El

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1 Moudjahid de façon très peu courtoise.

2 Est-ce que cette attitude vous surprend, cette attitude du

3 détachement vis-à-vis des membres de l'armija qui étaient venus récupérer

4 leurs combattants qui avaient été arrêtés par les Moudjahidines ?

5 R. Non, cela ne me surprend pas parce que les Arabes étaient très

6 fâchés parce que cet homme avait bu de l'alcool. Ils avaient leurs propres

7 principes. Il y a eu d'autres incidents également outre cet incident-là.

8 Q. Ce soldat de l'ABiH a été arrêté pour une seule raison, parce qu'il

9 était ivre ?

10 R. Oui. Il est arrivé sur place, il n'était pas en très bon état, il a

11 demandé de l'alcool, alors ils lui ont permis d'entrer sous prétexte de lui

12 remettre de l'alcool.

13 Q. Il est vrai, n'est-ce pas, que ce soldat n'a pas été libéré lorsque

14 l'ABiH est intervenue mais uniquement lorsque le mufti Abdibegovic est

15 intervenu, et après, l'incident s'est calmé ?

16 R. Oui.

17 Mme VIDOVIC : [interprétation] Est-ce que le document pourrait être versé

18 au dossier ?

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, qu'on lui attribue une cote.

20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 125.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

22 Mme VIDOVIC : [interprétation]

23 Q. J'en reviens au détachement, l'Accusation vous a montré quelques

24 photos, vous avez pu identifier certains membres du détachement.

25 J'aimerais vous demander, vous connaissiez --

26 L'INTERPRÈTE : Le nom a échappé à l'interprète.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

28 Mme VIDOVIC : [interprétation]

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1 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre qui il était et quel rôle il jouait

2 dans le détachement ?

3 R. Il était aussi un représentant religieux. Il était professeur à l'école

4 religieuse, il enseignait à l'école religieuse. C'était une sorte de

5 dirigeant religieux.

6 Q. Un dirigeant religieux qui s'appelle Imad Al Mesri, pour le compte

7 rendu d'audience. Vous avez écouté ses enseignements, vous avez participé

8 aux cours qu'il donnait ?

9 R. Oui.

10 Q. Seriez-vous d'accord pour dire qu'il estimait que les communistes

11 étaient des infidèles et des ennemis de la religion ?

12 R. Oui.

13 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais vous

14 demander de permettre au témoin de prendre connaissance de la pièce D92. Il

15 s'agit d'un extrait du livre d'Evan Kohlmann que nous avons déjà mentionné

16 auparavant. Je citerai des extraits de la page 118, page 119 en anglais; en

17 B/C/S, il s'agit de la page 154.

18 Monsieur le Président, je souhaiterais citer un passage très court, le

19 texte est écrit en très petits caractères. Il faudrait peut-être agrandir

20 quelque peu. La partie qui m'intéresse en fait est la suivante :

21 Q. Monsieur le Témoin, je vous prierais de bien vouloir porter attention

22 sur le passage que je vais vous citer. C'est le passage qui dit : "Parmi

23 les livres de l'école, il y avait un essai…"

24 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne le vois pas.

25 Voilà, l'extrait figure à l'écran. Merci.

26 Q. Monsieur le Témoin, vous avez pris connaissance de ce passage et vous

27 voyez que l'on voit qu'il est écrit qu'Imad Al Mesri, connu comme Amad el-

28 Masri, il était très connu pour son enseignement religieux et les livres

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1 qu'il distribuaient étaient le Kuwaitis condamné par kuffar, les infidèles.

2 Est-ce que ceci reflète une exactement ce que vous aviez dit vous-

3 même ?

4 R. Oui.

5 Q. Donc Imad Al Mesri critiquait les infidèles; est-ce exact ?

6 R. Oui.

7 Q. Pourriez-vous, je vous prie, dire aux Juges de la Chambre jusqu'à quand

8 Imad Al Mesri était-il membre du détachement ?

9 R. Je crois qu'il y est resté jusqu'à la fin de la guerre.

10 Q. Merci.

11 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que ce

12 document soit versé au dossier.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le document sera versé au dossier.

14 Pourrait-on lui attribuer une cote ?

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Vous aimeriez que l'on y attribue une

16 cote ?

17 Mme VIDOVIC : [interprétation] Il ne s'agit que de cette page, Monsieur le

18 Président.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. C'est la page 118 de la

20 traduction. Je ne sais pas quelle est la page en B/C/S.

21 Mme VIDOVIC : [interprétation] En langue anglaise la traduction se trouve

22 sur deux pages.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puisque j'ai déjà la parole, puis-je

24 demander la chose suivante ? Lorsque le témoin prend la parole vous devriez

25 éteindre votre micro car cela influe la déformation de la voix, c'est-à-

26 dire qu'on arrive à entendre la voix du témoin. Vous le faites assez

27 souvent, mais des fois il vous arrive de l'oublier.

28 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je suis vraiment désolée, Monsieur le

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1 Président.

2 Je demanderais que l'on montre au témoin le document 29.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur

4 le Président. Mais la pièce précédente a reçu une cote et c'est 126.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

6 Mme VIDOVIC : [interprétation] Très bien. Je demanderais que l'on montre au

7 témoin la pièce que j'ai mentionnée tout à l'heure, D29. Il s'agit d'un

8 document émanant du secteur de sécurité du 28 novembre 1993 qui porte le

9 titre "Information sur les activités des étrangers venus des pays arabes

10 dans la zone de responsabilité du 3e Corps d'armée."

11 Q. Je vous demanderais, Monsieur le Témoin, la chose suivante --

12 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit d'un

13 document assez long. Je ne vais citer qu'un passage court.

14 Q. Je ne vais citer que la première partie de ce document qui se lit comme

15 suit :

16 "Lors des contacts avec les collaborateurs lors des préparatifs ces

17 jours-ci, nous avons une photocopie de lettres qui avaient été envoyées en

18 Arabie Saoudite aux noms de Ebu Ahmed et Ebu D'Asira. Dans la lettre

19 envoyée en Arabie Saoudite, un certain Imad, combattant de l'Unité El

20 Moudjahid, informe Ebu Ahmed ainsi qu'Ebu D'Asira de la situation en

21 République de la BH et dit : 'Je vous informe qu'une phase difficile a

22 commencé car il y a un très grand nombre d'ennemis communistes. Par contre,

23 cette phase représente une phase d'amélioration sur le chemin que nous

24 suivons. Nous sommes maintenant un détachement et nous avons notre propre

25 corps qui est subordonné formellement à l'armée, mais cette dernière ne

26 peut pas nous donner l'ordre d'entreprendre des activités de combat sans

27 qu'on leur donne notre aval. Ils ont peu d'expérience.'"

28 Monsieur, dites-moi concernant ce passage, vous nous avez dit que

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1 vous connaissiez une personne du nom d'Imad qui était membre de l'Unité El

2 Moudjahid; est-ce exact ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous avez également dit que ce dernier estimait que les communistes

5 étaient des ennemis de la religion, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Pour que les Juges de la Chambre comprennent de quoi il en est, dites-

8 moi, est-ce que vous pourriez confirmer que les Arabes ainsi que les

9 Musulmans dans les cercles religieux estimaient que les anciens officiers

10 de la JNA étaient des communistes ?

11 R. Oui.

12 Q. Ils estimaient que les membres des autorités officielles de Bosnie-

13 Herzégovine étaient également considérés par ces derniers, comme des

14 communistes, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire après avoir entendu

17 ce court passage dont je vous ai donné lecture, qu'Imad a donné une bonne

18 explication et une bonne image de la relation entre l'Unité El Moudjahid et

19 l'armée en disant : "Que nous sommes un détachement, nous avons notre

20 propre entité qui est formellement subordonnée à l'armée, mais cette

21 dernière ne peut pas nous donner l'ordre d'aller combattre." Est-ce que sur

22 le terrain la situation était réellement comme celle qui vient d'être

23 décrite ?

24 R. Permettez-moi de préciser. D'abord, puisque les Arabes étaient ceux qui

25 contrôlaient le détachement. Nous, les Bosniens, les Musulmans de Bosnie,

26 nous ne faisions pas partie de ce cadre. Ce sont eux qui pouvaient prendre

27 des décisions, mais je ne peux pas vous confirmer certaines choses avec

28 exactitude, par contre c'est ce qu'ils faisaient. Voilà. C'est ce qu'ils

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1 faisaient. C'est ainsi qu'ils se comportaient. C'est tout ce que je peux

2 dire, c'est-à-dire qu'ils pouvaient décider autrement comme je l'ai déjà

3 dit auparavant.

4 Q. En d'autres mots, ai-je raison de dire que vous estimez que ce document

5 donne une bonne idée de la situation et que l'information contenue dans ce

6 document fait état de la situation sur le terrain ?

7 R. Oui.

8 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, pourrait-on attribuer

9 une cote à ce document, et pourrait-on faire en sorte que ce document soit

10 versé au dossier ?

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Certainement.

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document portera la cote 127.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

14 Mme VIDOVIC : [interprétation] Avant la pause, je souhaiterais vous poser

15 deux ou trois questions.

16 Q. Il est exact de dire, n'est-ce pas, que le détachement pendant toute la

17 durée de son existence n'avait pas accepté d'arborer les insignes de l'ABiH

18 ? Je pense à la fleur de lys.

19 R. Pour ce qui est du commandement et des Arabes, non, mais il y avait

20 certains Musulmans de Bosnie qui arboraient des insignes ou qui les

21 auraient peut-être rapporté de leurs propres unités. Mais officiellement

22 non. Le symbole n'était pas la fleur de lys.

23 Q. Vous dites : "Qu'officiellement, ils n'arboraient pas ce symbole,"

24 alors que vous nous avez dit qu'il y avait des personnes qui portaient des

25 insignes de leurs unités, alors qu'au compte rendu d'audience on ne parle

26 pas du mot officiellement, mais ce mot ne figure pas au compte rendu ?

27 R. Oui, effectivement. Certaines personnes portaient des insignes de leurs

28 unités, mais ce n'était pas fait de façon officielle.

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1 Q. Je vous remercie. Une dernière question.

2 Le détachement refusait de combattre pour l'ABiH sous le symbole de la

3 fleur de lys qui est représentée sur le drapeau, n'est-ce pas, de Bosnie-

4 Herzégovine ?

5 R. Il n'y avait pas de tel drapeau à la caserne, et ce drapeau n'était pas

6 apporté lors des activités de combat.

7 Q. Permettez-moi de vous montrer un court extrait vidéo. Il s'agit de la

8 pièce D3.

9 Est-ce que vous voyez cet extrait à l'écran ?

10 R. Non.

11 [Diffusion de la cassette vidéo]

12 Mme VIDOVIC : [interprétation]

13 Q. Voyez-vous ceci ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que j'ai raison de dire que le détachement pendant toute

16 la durée de la guerre et pendant toutes les activités de combat combattait

17 en brandissant cet étendard ?

18 R. Oui, c'est exact.

19 Q. Merci, Monsieur le Témoin.

20 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame,

21 Monsieur les Juges, je souhaiterais m'arrêter ici. Je demanderais que cette

22 pièce vidéo obtienne une cote, le passage où l'on voit l'étendard.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cet extrait vidéo est versé au

24 dossier. Quelle en sera la cote, Monsieur le Greffier ?

25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cet extrait vidéo sera coté 128.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

27 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je croyais qu'il était l'heure de prendre la

28 pause.

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, effectivement. Nous allons

2 revenir à 11 heures moins le quart.

3 --- L'audience est suspendue à 10 heures 16.

4 --- L'audience est reprise à 10 heures 48.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Vidovic, hier, vous nous avez

6 dit que vous n'aviez besoin que de la première session pour terminer. Est-

7 ce que vous avez besoin de plus de temps encore ?

8 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aurais peut-être

9 besoin d'une quinzaine de minutes et pas plus. En fait, Monsieur le

10 Président, je ne m'attendais pas à ce qu'au début de la session on discute

11 des documents, mais j'ai essayé de faire de mon mieux pour raccourcir le

12 nombre de questions que j'avais à poser au témoin. Donc j'aurais besoin de

13 peut-être encore 15 minutes au plus.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

15 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que

16 l'on montre au témoin la pièce 109, s'il vous plaît.

17 Q. Monsieur, je vous demanderais de prendre connaissance de la première

18 page de ce document. Il s'agit d'un document émanant du centre de la

19 Sécurité publique de Zenica du 11 octobre 1994, secrétariat pour la Défense

20 nationale de la municipalité de Zenica. L'en-tête s'y trouve. On dit :

21 "Demande pour information".

22 Ce document vous a été montré hier par le Procureur, et je vous demanderais

23 de prendre connaissance de ce qui figure sur cette page.

24 R. Oui, je viens de le lire.

25 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'on fait appel au règlement

26 sur la façon dont les informations sont entrées et on parle également de

27 l'enregistrement et du départ des citoyens étrangers ?

28 R. Oui.

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1 Q. Et vous serez d'accord avec moi pour dire que, s'agissant de la

2 personne suivante, on n'a pas respecté le règlement en date du 11 octobre

3 1994. Donc, je peux convenir que le secrétariat pour la Défense nationale

4 en date du 11 octobre 1994, le secrétariat de Zenica, n'a pas

5 d'informations sur les étrangers; est-ce que c'est exact ?

6 R. Oui, c'est cela.

7 Q. Je vous demanderais, Monsieur le Témoin, de nous dire, étant donné que

8 vous étiez membre du détachement, s'il était effectivement vrai que les

9 étrangers ne voulaient pas donner des informations personnelles sur eux ?

10 R. Oui, effectivement. Nous, les Musulmans de Bosnie, ne connaissions pas

11 leurs noms réels. S'agissant des documents, ils remettaient leurs documents

12 à un Arabe auprès du commandement.

13 Q. Si je vous disais qu'il s'agissait d'Abu Isa, est-ce que j'aurais

14 raison de dire que c'était lui ?

15 R. Oui, c'est à lui que tous les documents étaient remis. Mais nous ne

16 savions pas quels étaient leurs noms réels, nous n'avions pas accès aux

17 documents.

18 Q. Ai-je raison de dire qu'Abu Isa a des liens de parenté avec le cheik

19 que vous avez mentionné tout à l'heure, le cheik Enver ?

20 R. Je crois que la sœur d'Abu Isa était la femme du feu cheik Enver.

21 Q. Maintenant, j'aimerais vous demander une question sur le cheik Enver.

22 Mme VIDOVIC : [interprétation] Il s'agit d'un document qui a déjà été versé

23 au dossier.

24 Mme LE JUGE LATTANZI : Excusez-moi, Maître.

25 Avant de passer à votre question ultérieure, j'aimerais bien savoir

26 et éclaircir un aspect. Vous avez dit -- avec le témoin.

27 Monsieur le Témoin, c'est à vous que je m'adresse. Vous avez dit :

28 "Personne parmi les Bosniaques ne connaissait les noms effectifs des

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1 étrangers." Et vous avez dit qu'eux ils ont donné leurs noms au

2 commandement, à un Arabe. Donc ça voulait dire que les autorités de

3 commandement connaissaient leurs noms, leur présence, à l'intérieur des

4 différentes unités qui combattaient ?

5 Merci.

6 Mme VIDOVIC : [interprétation] Madame le Juge, si je puis vous répondre

7 avant que le témoin ne le fasse. Je ne sais pas s'il s'agit d'une question

8 de transcript ou peut-être n'ai-je pas été assez claire, peut-être n'ai-je

9 pas bien compris, mais le témoin a dit qu'il donnait leurs noms à Abu Isa.

10 Q. Est-ce que j'ai raison de dire cela, Monsieur le Témoin ?

11 R. Oui, tout le monde donnait leur document à Abu Isa.

12 Q. Abu Isa, selon vous, remettait-il ces documents à un commandement

13 supérieur, par exemple au commandement de l'ABiH ? Selon vous, est-ce que

14 vous le savez ?

15 R. Je ne le sais pas. Je sais que nous non plus ne connaissions pas leur

16 vraie identité. Nous ne connaissions pas leurs noms non plus, alors qu'Abu

17 Isa était celui qui gardait toutes ces informations.

18 Q. Merci beaucoup. Je souhaiterais revenir au cheik Enver

19 maintenant. Il est exact de dire, n'est-ce pas, qu'il était missionnaire ?

20 R. Oui, il était missionnaire en tant que dirigeant religieux.

21 Q. Il était d'origine égyptienne; est-ce exact ?

22 R. Oui.

23 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire qu'il est arrivé en Bosnie-

24 Herzégovine depuis l'Italie ?

25 R. Oui. Je sais qu'il était arrivé depuis l'Italie.

26 Q. Il est exact également de dire qu'il arrivé en Bosnie-Herzégovine vers

27 la fin de 1994, n'est-ce pas ?

28 R. Oui, vers la fin de 1994 ou peut-être au début de l'année 1995. Je ne

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1 suis pas tout à fait certain.

2 Q. Donc vers la fin de 1994 ou peut-être au début de 1995 ?

3 R. Il est tout à fait possible que cela ait pu être vers la fin de 1994.

4 Q. Très bien. Si quelqu'un disait qu'il était membre du détachement à

5 partir du mois de mai 1995 -- excusez-moi. Si jamais quelqu'un affirmait --

6 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis désolée, mais

7 je voudrais corriger quelque chose.

8 Q. Si quelqu'un disait qu'il était membre du détachement depuis le

9 mois de mai 1993, est-ce que ceci serait exact ?

10 R. Il est arrivé vers la fin de 1994. Pour le reste, je crois qu'il

11 n'était pas là avant cette année-là.

12 Q. Donc ce dernier jusqu'à ce moment-là, et ce, à partir du moment où vous

13 êtes devenu membre de l'unité et jusqu'à la fin de 1994, il ne s'est jamais

14 présenté au détachement ?

15 R. Oui, c'est exact.

16 Q. Encore quelques questions, s'il vous plaît. Dites-nous, je vous prie, y

17 avait-il plusieurs groupes qui agissaient sur le territoire de Bosnie-

18 Herzégovine, des groupes d'Arabes j'entends, au cours de l'année 1995 ?

19 R. Oui.

20 Q. Qu'en est-il du groupe d'Abu Zubeir. Est-ce que cela vous dit quelque

21 chose ?

22 R. J'ai entendu parler d'Abu Zubeir, je sais qu'il avait également un

23 groupe à lui.

24 Q. Abu Zubeir --

25 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je parle de "Abu

26 Zubeir" et non pas de "Abu Zubaida", il s'agit de deux personnes

27 différentes. Je voudrais que cela soit consigné correctement au compte

28 rendu d'audience. Je parle d'Abu Zubeir.

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1 Q. Témoin, le groupe d'Abu Zubeir, ai-je raison de dire que ce groupe-là

2 n'avait pas de bons contacts avec les Moudjahidines, en fait ils avaient

3 des contacts assez désagréables, n'est-ce pas ?

4 R. Oui. Il y avait des problèmes. Je sais qu'il était indépendant, je sais

5 qu'il leur avait été interdit de se présenter au détachement, mais j'ignore

6 quelles étaient les raisons exactes pour cela.

7 Q. Merci.

8 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

9 Juges, je demanderais seulement que l'on montre au témoin avant de

10 terminer, la pièce 115. Il s'agit d'un carnet personnel. Monsieur le

11 Président, je crois que c'est un document qui a déjà été versé sous pli

12 scellé. Puisque nous allons parler de ce document, je voudrais peut-être

13 demander que l'on passe à huis clos partiel. Je ne vais pas mentionner le

14 nom du témoin, mais je voudrais toutefois attirer votre attention sur le

15 fait que le document a été versé au dossier sous pli scellé.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je souhaiterais que l'on passe à huis

17 clos partiel, je vous prie.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

19 [Audience à huis clos partiel]

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1 (expurgé)

2 [Audience publique]

3 Mme VIDOVIC : [interprétation] Ce sont les forces de la Défense croate,

4 HOS.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Et qui diffèrent du HVO ?

6 Mme VIDOVIC : [interprétation] Ce n'est pas la même chose. Ces forces-là

7 opéraient de façon indépendante par rapport à l'ABiH et par rapport au HVO.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais est-ce qu'ils n'existaient qu'en

9 Bosnie-Herzégovine, ou est-ce qu'il y en avait en Croatie ?

10 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, que je sache, il y en

11 avait aussi bien en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, dans certaines partie

12 de Bosnie-Herzégovine, surtout en Herzégovine. Mais je pense qu'il y en

13 avait aussi en Bosnie centrale, même à Sarajevo.

14 Mme LE JUGE LATTANZI : Je m'excuse, mais j'ai une question à ce propos, au

15 témoin.

16 Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que ces mêmes certificats qui ont

17 été délivrés aux Bosniens de l'armée bosniaque ont été aussi délivrés à ces

18 deux forces, HVO et HOS. Je voulais savoir, si vous savez, si ces

19 certificats ont été délivrés à ces deux dernières forces pour toute la

20 période de la guerre, de 1992 à 1995 ou fin 1995, ou seulement à ces deux

21 forces croates pour la période quand ces forces ont combattu contre les

22 Serbes si je ne me trompe pas avec l'armée bosniaque ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne saurais répondre. Mais je pense que ces

24 certificats ont été délivrés pour toute la durée de la guerre entre 1992 et

25 1995, mais vous savez je ne suis pas vraiment versé en la matière.

26 Mme LE JUGE LATTANZI : Je vous remercie.

27 Mme VIDOVIC : [interprétation] Nous allons avoir la possibilité d'éclaircir

28 ce point par le biais d'autres témoins.

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1 Q. Monsieur le Témoin, je vous ai posé une question au sujet de la

2 personne surnommée Abu Ubeidah. Vous avez dit que vous le connaissiez. Est-

3 il exact que cet homme s'appelait aussi Ali Ahmet Ali Hamad ?

4 R. Oui. Je suis au courant de cela, mais je n'en suis pas sûr. En revanche

5 le nom d'Abu Ubeidah, je le connais bien. En ce qui concerne l'autre nom,

6 je pense avoir entendu ce nom parce qu'après la guerre il a fait des

7 incidents à Mostar, me semble-t-il, c'est comme cela que j'ai pu entendre

8 ce nom aussi.

9 Q. Est-ce que vous avez jamais entendu parler de Abu Aisa, un surnom aussi

10 ?

11 R. C'est possible, mais je ne me souviens pas de la personne.

12 Q. Je vais revenir sur ce que vous savez. Abu Ubeidah, est-ce que cet

13 homme, d'après ce que vous savez, à partir du mois d'août 1993 et par la

14 suite faisait partie du Détachement El Moudjahid ?

15 R. Non. D'après moi, il n'a jamais fait partie de ce détachement. Il avait

16 son groupe à lui à Karaula en 1992; et après la chute de Karaula, à Bijelo

17 Bucje il avait son groupe à lui.

18 Q. Vous êtes un Musulman du cru, n'est-ce pas, et vous conviendrez que ces

19 gens dans la région de Travnik étaient très sensibles quant aux contacts

20 inappropriés entre les Arabes et leurs filles qui n'étaient pas encore

21 majeures ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce que vous vous souvenez qu'ils s'étaient plaints auprès du Dr Abu

24 Haris alors qu'il était encore émir, qu'on en ait parlé ?

25 R. Oui. Je suis au courant de quelques incidents semblables.

26 Q. Est-ce que vous savez s'il y a eu un incident de ce genre qui a eu lieu

27 concernant Abu Ubeidah ?

28 R. C'est vrai qu'à Bijelo Bucje, il y a eu un incident avec une fille pas

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1 majeure et, à un moment donné je sais qu'Abu Haris qui avait de l'autorité,

2 qui avait de l'éducation, a essayé de lui parler et de lui expliquer et

3 même de lui donner un ordre éventuellement. Mais Abu Ubeidah n'écoutait

4 personne.

5 Q. Si je vous ai bien compris, il a essayé de l'empêcher et de lui

6 interdire d'avoir des contacts inappropriés avec des jeunes filles, avec

7 des fillettes ?

8 R. Oui, parce que vous savez, cela portait préjudices à la renommée de

9 tous les Arabes qui étaient là. Il a essayé de le faire, mais Abu Ubeidah

10 ne voulait rien entendre.

11 Q. Merci, Monsieur le Témoin. Pendant que vous, vous étiez à Bijelo Bucje,

12 ce village était dans une situation extrêmement difficile, n'est-ce pas ?

13 R. Oui. Il y a eu des attaques incessantes des forces chetniks. Ils

14 pilonnaient aux chars d'artillerie et de tirs d'infanterie. La situation

15 était très difficile. C'étaient des tirs incessants.

16 Q. Très bien. D'après la façon dont je comprends la situation, ce village

17 a été encerclé aussi bien par les forces croates que par les forces serbes

18 ?

19 R. Oui, du côté de Donji Vakuf, c'étaient les forces serbes; et dans le

20 dos, il y avait une quinzaine de villages croates. Pendant une période

21 assez longue, ce village subissait un blocus total.

22 Q. Si quelqu'un venait dire que pendant cette période-là, la période où

23 vous alliez vous aussi à Bijelo Bucje, si quelqu'un venait dire qu'ils

24 circulaient souvent sur l'axe Bijelo Bucje et Mehuric, vous trouviez que

25 ceci ne serait pas possible ?

26 R. Pendant très longtemps c'était impossible de circuler. Les gens

27 devaient rester là où ils étaient. Mais à Bijelo Bucje, la situation dans

28 ce village était vraiment particulière, parce que c'était le village le

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1 plus avancé, le village bosniaque le plus avancé. Ce n'était pas le seul,

2 il y en avait un autre village qui était dans le même cas de figure, mais

3 je ne me souviens plus de son nom. Personne ne pouvait circuler, ni les

4 civils, ni les soldats, personne.

5 Mme VIDOVIC : [interprétation] Merci. J'ai terminé mon contre-

6 interrogatoire, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Maître Vidovic.

8 Monsieur Mundis.

9 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai quelques

10 questions à poser dans le cadre des questions additionnelles qui découlent

11 du contre-interrogatoire.

12 Nouvel interrogatoire par M. Mundis :

13 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, je voudrais vous demander de vous

14 concentrer sur la période avant la création du Détachement El Moudjahid.

15 Pendant cette période avant la création officielle du détachement, est-ce

16 que les Arabes de Mehurici avaient une "Shura" ?

17 R. Je ne saurais parler de cette première période puisque je ne la connais

18 pas très bien. Je ne sais pas quelle était la situation au début.

19 Q. Je vais alors vous poser quelques questions au sujet de la période

20 après que vous avez rejoint les rangs de ce détachement. Est-ce qu'à un

21 moment donné vous avez participé à une quelconque réunion du conseil de la

22 "Shura" ?

23 R. Vers la fin de la guerre, j'ai été présent une fois, ils nous ont

24 invités, nous les Bosniaques. C'était la fin de la guerre, il fallait

25 qu'ils partent et j'ai été présent; c'était à une seule occasion,

26 d'ailleurs on était plusieurs Bosniens à avoir été invités à participer à

27 cela. C'était juste avant la fin de la guerre.

28 Q. Monsieur, je vais vous demander de vous concentrer sur la période qui

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1 se situe à la deuxième moitié de 1993 quand vous avez rejoint pour la

2 première fois le Détachement El Moudjahid, pendant cette période est-ce que

3 vous pouvez nous dire qui étaient les membres du conseil de la "Shura" du

4 détachement ?

5 R. Non, je ne connais pas tous les membres, mais je sais qu'Abu Haris y

6 était, Imad y était. C'étaient les gens qui étaient au sommet qui faisaient

7 partie de ce conseil, les Arabes, il n'y avait pas de Bosniens là-bas. Il

8 n'y en avait absolument pas.

9 Q. PW-2, je vais vous poser une question et je vais attirer votre

10 attention sur le fait que je vous pose une question au sujet de ce que vous

11 savez vous personnellement, pas au sujet des choses que vous avez pu

12 entendre d'autres. Est-ce que vous personnellement vous savez s'il y a eu

13 des réunions entre les dirigeants du Détachement El Moudjahid et les

14 dirigeants ou les commandants d'une quelconque unité du 3e Corps d'armée de

15 l'ABiH au cours de l'année 1993 pendant que vous étiez membre de ce

16 Détachement El Moudjahid ? --

17 R. Pendant qu'on était au niveau de Kruscica, je sais que feu Vahidin,

18 "rahmetulali", a eu des contacts avec le feu général Alagic. Je suis sûr de

19 cela et je ne sais pas s'il y a eu d'autres contacts.

20 Q. Au niveau du compte rendu d'audience on ne voit pas le nom. Pouvez-vous

21 répéter le nom de la personne qui a eu des contacts avec le feu général

22 Alagic ? Quelle est cette personne ?

23 R. Vahidin.

24 Q. PW-2, savez-vous qui était général Alagic, quelle était sa fonction, sa

25 position au moment du conflit, au moment où il a eu le contact avec Vahidin

26 ?

27 R. C'était un des commandants dans cette région. Je ne sais pas si, à

28 l'époque, il était commandant du Corps d'armée.

Page 898

1 Q. Monsieur, quand vous dites que c'était "un des commandants de la zone",

2 mais il était commandant au niveau de quelle force armée ?

3 R. Il était commandant dans l'ABiH. Je sais que Vahidin a eu des contacts

4 avec lui mais je ne sais pas de quoi ils ont parlé, je ne sais pas quelle a

5 été la nature ou la portée de leur conversation.

6 Q. Quand vous avez dit que ce contact a eu lieu pendant que vous étiez

7 dans la région de Kruscica, pourriez-vous situer cela dans le temps, même

8 de façon approximative ?

9 R. Au mois d'août, septembre 1993, je pense.

10 Q. Monsieur, je voudrais à présent aborder la partie de votre déposition

11 au cours de laquelle vous avez dit avoir été sur la ligne de front avec les

12 Arabes aproximité de Bijelo Bucje et vous faisiez donc partie des forces

13 musulmanes à l'époque.

14 Est-ce que vous savez si avant l'opération militaire au niveau du

15 front à proximité de Bijelo Bucje, s'il y a eu des réunions quelconques

16 entre les dirigeants arabes et les dirigeants des forces musulmanes ?

17 R. Je ne sais pas. Non, je ne sais pas s'il y a eu des réunions.

18 Q. Ce matin, vous avez dit au cours de votre déposition, que le conseil de

19 la "Shura" pouvait prendre les décisions définitives concernant une

20 éventuelle participation aux activités de combat. Est-ce que vous vous

21 souvenez de cela ?

22 R. Oui.

23 Q. Savez-vous, Monsieur, pourquoi le conseil de la "Shura" a gardé cette

24 approche flexible quand il s'agissait de décider s'ils allaient, oui ou

25 non, participer côte à côte avec d'autres unités de l'ABiH dans des

26 opérations ?

27 R. Bien, c'est parce qu'ils ne faisaient pas confiance aux unités et aux

28 commandants de l'ABiH. Ils ne leur faisaient pas confiance.

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1 Q. Savez-vous pourquoi ?

2 R. Hier, on a parlé de cette opération à Visoko en 1992. Quand les Arabes

3 considéraient que ces officiers les ont poussé vers la mort et qu'ils ont

4 fait cela sciemment. Donc ceci peut en être une raison. Ils ne les

5 respectaient pas tout simplement, ils ne respectaient pas les officiers et

6 les généraux, peut-être y avait-il d'autres raisons.

7 Q. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire quand vous dites que

8 les Arabes pensaient que ces officiers les ont poussés sciemment vers la

9 mort ?

10 R. Non, je ne saurais vous expliquer cela en détail parce que je ne

11 connais pas tous les détails.

12 Q. PW-2, quels étaient le genre de missions auxquelles ont participés les

13 membres du Détachement El Moudjahid ou dans quelles missions les a-t-on

14 envoyés ?

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Vidovic.

16 Mme VIDOVIC : [interprétation] Cette question n'a rien à voir avec mon

17 contre-interrogatoire. Il aurait pu tout à fait poser la question avant mon

18 contre-interrogatoire. Moi, je n'ai pas demandé quelle était la mission du

19 Détachement El Moudjahid.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Mundis.

21 M. MUNDIS : [interprétation] Sans entrer en détail en présence du témoin,

22 je pense que cette question découle des quelques dernières questions qui

23 ont été posées au témoin au sujet du conseil de la "Shura" qui pouvait

24 éventuellement décider dans quel genre d'opérations et dans quelles

25 opérations ils allaient participer.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] L'objection est rejetée.

27 M. MUNDIS : [interprétation]

28 Q. Monsieur, à nouveau, je vais vous poser la question. Quel est le genre

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1 de missions, le type de missions auxquelles le Détachement El Moudjahid ont

2 participé ou pour lesquelles on leur a demandé d'y participer pendant la

3 période que vous y avez passé ?

4 R. Je ne sais pas cela. Mais je sais qu'après le conflit avec les

5 Chetniks, il y a eu les conflits avec les Croates. Donc tous les villages

6 bosniens étaient encerclés parce que c'étaient des villages mixtes. Cela

7 s'alternait, vous aviez un village croate, un village bosniaque, et cetera.

8 Par exemple, quand on était à Kruscica, il a fallu faire le blocus de la

9 vieille partie de la ville Vitez pour relier nos territoires tout

10 simplement parce qu'on craignait qu'on tue tous les habitants de Stari

11 Vitez parce que c'est exactement ce qui est arrivé à Ahmici.

12 Q. Monsieur, il y a quelque temps, il y a peut-être 45 minutes, on vous a

13 posé une question au sujet d'Abu Isa. Savez-vous si Abu Isa était membres

14 du Détachement El Moudjahid ?

15 R. Je n'en suis pas sûr. Je ne sais pas cela, mais en tout cas il était

16 là. Il prenait des documents. Mais est-ce qu'il était vraiment membre, oui

17 ou non, non, je ne saurais vous répondre à 100 %.

18 Q. Monsieur, quand vous dites "il était là", à quel endroit faites-vous

19 référence quand vous dites cela ?

20 R. Je l'ai vu à plusieurs reprises dans la caserne Vatrostalna à proximité

21 de Zenica. C'est là qu'on était stationné quand on était en permission.

22 Q. Quelle était l'utilité de cette caserne Vastrostalna à proximité de

23 Zenica à l'époque ?

24 R. On l'utilisait comme une caserne. Il y avait aussi bien les soldats que

25 le commandement qui s'y trouvaient.

26 Q. A nouveau pour que tout ceci soit bien clair, quand vous dites : "Il y

27 avait aussi bien les soldats que le commandement qui s'y trouvaient", quels

28 sont ces soldats et ces commandants auxquels vous faites référence quand

Page 901

1 vous parlez de la caserne Vatrostalna de Zenica ?

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Maître Vidovic.

3 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je voudrais que mon objection figure au

4 compte rendu d'audience. Je n'ai pas posé de question au sujet de la

5 caserne à Zenica. Je n'ai pas posé une seule question à ce sujet. M. Mundis

6 a eu amplement l'opportunité de poser ces questions au cours de

7 l'interrogatoire principal, et je dis cela pour le compte rendu d'audience.

8 M. MUNDIS : [interprétation] On lui a posé des questions au sujet d'Abu

9 Isa. J'essaie tout simplement de savoir qui il était, où était-il à

10 l'époque ? Ce sont des questions qui m'intéressent.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quand vous avez demandé à quoi servait

12 cette caserne Vastrostalna près de Zenica à l'époque, est-ce que c'est

13 toujours une question concernant toujours Abu Isa ?

14 M. MUNDIS : [interprétation] Je voudrais vous demander d'examiner la page

15 49, ligne 11, où le témoin dit : "Je l'ai vu à plusieurs reprises dans la

16 caserne de Vastrostalana à proximité de Zenica où nous avons été stationnés

17 pendant que nous étions en permission." Ensuite, il a dit que c'était une

18 simple caserne qui hébergeait des soldats et des commandants, et je lui ai

19 tout simplement demandé quels sont ces soldats et quels sont ces officiers

20 auxquels il a fait référence.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Dans ce cas-là, l'objection sera

22 rejetée.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] C'étaient les membres du Détachement El

24 Moudjahid, les Arabes, et nous, on y était de temps en temps; mais il y

25 avait aussi le commandement du Détachement El Moudjahid, il y avait aussi

26 un dispensaire, d'autres installations qui s'y trouvaient.

27 M. MUNDIS : [interprétation]

28 Q. Pour finir, Monsieur, savez-vous quelle est la période pendant laquelle

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1 vous avez rencontré Abu Isa dans la caserne Vatrostalna ?

2 R. Je suis sûr l'avoir vu en 1995. C'était en 1995, je pense, sans pouvoir

3 être plus précis, en 1995.

4 Q. Merci, Monsieur le Témoin.

5 M. MUNDIS : [interprétation] Le Procureur n'a plus de questions pour ce

6 témoin.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Mundis.

8 Les Juges.

9 Questions de la Cour :

10 Mme LE JUGE LATTANZI : J'ai une petite question qui concerne

11 l'interrogatoire -- non, plutôt le contre-interrogatoire d'hier. Excusez-

12 moi que je la pose seulement aujourd'hui. Vous avez parlé hier, Monsieur le

13 Témoin, d'un incident armé qui a concerné une personne nommée "Ramo Durmis"

14 dans votre détachement. Je voulais seulement savoir à propos de cet

15 incident, dont vous nous avez donné des détails hier, s'il y a eu une

16 enquête ?

17 R. En ce qui concerne Ramo Durmis, il n'était pas membre du détachement.

18 Cet incident au eu lieu pendant -- c'était encore les forces musulmanes ou

19 la 7e Brigade musulmane. En tout cas, c'était à Visoko après l'action de

20 déblocage de Sarajevo. Je pense qu'il y a eu des poursuites, mais c'était

21 après la guerre. Je pense qu'ils ont eu des problèmes, mais je ne saurais

22 vous l'expliquer davantage.

23 Mme LE JUGE LATTANZI : Donc, ces poursuites que vous dites ont eu lieu

24 après la guerre, poursuites à caractère pénal, disciplinaire, administratif

25 ? Le savez-vous ?

26 R. Non, je ne connais pas les détails de cette histoire. Je sais qu'ils

27 ont eu des problèmes, et qu'il fallait qu'ils répondent de quelque chose,

28 mais je n'en sais pas davantage. Je sais qu'ils s'en sont plaints, disant

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1 qu'on est venu les chercher pour répondre à cause de cela.

2 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci, Monsieur le Témoin.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

4 Juge Harhoff.

5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Non, pas de questions.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Vidovic.

7 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, après en avoir

8 terminé avec vos questions, j'aimerais moi-même poser une autre question

9 découlant de la question posée par le Juge Lattanzi. Pardon, je ne me

10 rendais pas compte que vous vouliez d'abord poser quelques questions.

11 Pardon de m'être levée.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Madame Vidovic.

13 Témoin PW-2, où se situe la Krajina en Bosnie-Herzégovine ? Dans quelle

14 partie de la Bosnie-Herzégovine se situe la Krajina ?

15 R. La Krajina se trouve au nord-ouest de la Bosnie, à la frontière de la

16 Croatie.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] S'agit-il de la Krajina bosniaque ou

18 serbe ? Y a-t-il une différence entre ces deux choses ? Y avait-il, en

19 fait, deux Krajina ?

20 R. Il s'agit de la Krajina bosnienne. C'est d'ailleurs son nom officiel,

21 "Bosanska Krajina". Quant à la Krajina serbe, en fait, cela se trouve en

22 Croatie, et nous ne l'appelions cette entité "Krajina", mais les Serbes

23 l'appelaient "Krajina" lors du conflit armé les opposant aux Croates.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que Vahidin était membre de la

25 "Shura" ?

26 R. Je crois bien qu'il l'était.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Pour en revenir au certificat

28 qui vous a été montré un peu plus tôt pendant votre contre-interrogatoire,

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1 certificat qui se rapportait à ce que recevaient les soldats à la fin de la

2 guerre, et le fait que certains les vendaient, car ils n'avaient aucune

3 valeur.

4 Vous dites à la page 41, lignes 19 à 25, que ces certificats ont également

5 été remis au HVO; est-ce exact, et je suppose que cela est également le cas

6 pour le HOS ?

7 R. Oui.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ces certificats ont été remis par le

9 gouvernement de la Bosnie-Herzégovine, si j'ai bien compris ?

10 R. Oui.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Ai-je bien compris qu'on les remettait

12 également au HVO, alors que le gouvernement de la Bosnie-Herzégovine avait

13 combattu le HVO ?

14 R. Oui.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais comment était-ce possible de

16 récompenser ses ennemis ?

17 R. Pardon, de le dire, mais si l'on m'avait demandé mon avis, je ne leur

18 aurais rien donné. Mais, voilà c'est la politique.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, j'aimerais bien comprendre cette

20 politique. Est-ce que vous pourriez m'aider à comprendre ce que vous voulez

21 dire par là, "la politique" ?

22 R. A vrai dire, je ne peux vraiment pas vous donner d'explication, car je

23 trouve cela incompréhensible qu'on puisse leur remettre des certificats

24 alors qu'ils nous combattaient, enfin, pas nous, mais la Bosnie-

25 Herzégovine. Alors, vraiment je ne comprends pas.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais vous avez dit : "Oui, mais

27 voilà, ça c'est la politique." J'aimerais vous demander de m'expliquer ce

28 que ça veut dire la politique, je ne comprends pas.

Page 905

1 R. Je vais essayer de dire quelque chose à ce propos.

2 Le conflit entre l'ABiH et le conseil de Défense croate, ou plutôt, les

3 forces croates, a pris fin lors de la signature des accords de Washington.

4 A ce moment-là, les Croates ont accepté de faire partie d'une alliance avec

5 l'ABiH, donc en quelque sorte de devenir les alliés de l'ABiH. Ils ont

6 reconnu la Bosnie-Herzégovine, pour l'essentiel c'était ça. Donc, un accord

7 a été signé entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine.

8 Il y a eu une période pendant laquelle ils ont combattu l'ABiH, alors

9 je ne sais vraiment pas pourquoi on leur a accordé un certain crédit pour

10 cette période en leur émettant des certificats, mais je suppose que c'était

11 l'une des conditions de l'accord.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur le Témoin,

13 mais je vais m'appesantir sur ce point.

14 Car je ne comprends pas bien la politique et j'aimerais mieux

15 comprendre la politique en l'espèce.

16 Certainement, la question que vous vous posez vous-même est très

17 pertinente. Comment est-ce que le gouvernement de Bosnie pouvait

18 récompenser le HVO pour une période pendant laquelle ils étaient ennemis ?

19 Le fait qu'ils aient signé un accord à Washington, cela peut expliquer

20 qu'ils soient devenus alliés à partir de ce moment-là, mais certainement le

21 gouvernement croate aurait pu attribuer des certificats similaires aux

22 membres du HVO plutôt que le gouvernement de Bosnie. Est-ce que ça ne vous

23 paraîtrait pas plus logique ?

24 R. Quant à la Croatie, il s'agit d'un Etat différent qui ne devrait pas

25 s'ingérer dans les affaires de la Bosnie-Herzégovine, même s'il s'agissait

26 de personnes qui étaient des Croates de souche.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais c'est exactement ce que je

28 veux dire. Il semblerait que ce soit le gouvernement de la Bosnie qui

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1 s'ingère dans les affaires des Croates en leur accordant des récompenses.

2 Si cela découle d'un accord, pourquoi est-ce que le gouvernement croate n'a

3 pas remis des certificats similaires aux membres de l'ABiH ?

4 R. Je pense que l'objectif réel de cet accord était de mettre un terme aux

5 hostilités. C'était certainement le plus important.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec vous.

7 C'était certainement l'objectif primordial de tout accord. Ce que je ne

8 comprends pas toutefois, c'est la raison pour laquelle, en raison d'un tel

9 accord, de telles récompenses devaient être attribuées et qu'il n'y a pas

10 de comportement réciproque de la part de la Croatie ?

11 R. Vraiment, je ne saurais vous l'expliquer.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Vous dites que vraiment vous ne

13 savez pas. Donc en fin de compte, vous ne pouvez pas nous donner une

14 explication au fond de ces récompenses accordées par le gouvernement de

15 Bosnie-Herzégovine au HVO ?

16 R. Ce que je sais, c'est que les Croates avaient une grande influence tant

17 sur le plan militaire que sur le plan économique. Alors, la raison pour

18 laquelle cet accord fut signé sous cette forme, c'était pour garantir la

19 stabilité ou quelque chose de ce genre.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, mais le problème c'est que vous

21 insistez constamment sur cet accord. Mais je vous pose des questions

22 concernant les récompenses, les certificats. Pourquoi est-ce qu'un

23 gouvernement émettrait ou attribuerait des certificats aux membres d'une

24 armée contre laquelle ce même gouvernement combattait. C'est la question

25 que je vous pose. Laissez de côté un instant l'accord.

26 R. Je vais réitérer ce que j'ai déjà dit. Quand j'ai entendu --

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, si vous n'avez rien à ajouter,

28 dites-moi simplement que c'est le cas. Je préfèrerais que vous ne vous

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1 répétiez pas.

2 Très bien. Merci beaucoup, manifestement vous n'êtes pas en mesure de

3 répondre à ma question.

4 Y a-t-il des questions qui découlent des questions posées par les Juges ?

5 Tout d'abord l'Accusation. Monsieur Mundis.

6 M. MUNDIS : [interprétation] Je vais essayer peut-être d'obtenir une

7 réponse qui pourrait éclaircir un peu la situation.

8 Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Mundis :

9 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, le HVO, le conseil de Défense

10 croate, était-il composé de Croates de Bosnie ?

11 R. Oui.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous n'êtes pas en train de

13 mettre des mots dans sa bouche. Pourquoi ne pas lui demander quelle était

14 la composition de ce conseil ?

15 M. MUNDIS : [interprétation]

16 Q. Monsieur, est-ce que vous savez quelle était la nationalité,

17 l'appartenance ethnique du HVO ?

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est trop tard, il a déjà répondu.

19 C'est à vous, Madame Vidovic.

20 Mme VIDOVIC : [interprétation] J'aimerais juste m'assurer d'une chose.

21 Contre-interrogatoire supplémentaire par Mme Vidovic :

22 Q. [interprétation] Vous savez que le HVO a reçu ces certificats ?

23 R. Oui.

24 Q. Que des membres du HVO ont reçu de tels certificats ?

25 R. Oui.

26 Q. Mais vous ne savez pas pourquoi ?

27 R. Je ne sais pas pourquoi ?

28 Q. Une dernière question, Monsieur. Vous avez répondu à une question du

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1 Juge Lattanzi, vous avez mentionné Ramo Durmis et des enquêtes ou une

2 procédure, mais vous ne savez pas pourquoi Ramo Durmis a été traduit en

3 justice après la guerre ?

4 R. Je ne sais pas pourquoi il a été traduit en justice. Je sais qu'il

5 était enclin à créer des problèmes. Il avait un caractère très particulier.

6 Q. Vous ne pouvez pas établir de rapports entre cet incident et son procès

7 ?

8 R. Je ne connais rien du procès. Je sais simplement qu'il était enclin à

9 avoir des problèmes. Ce n'est pas le seul incident dans lequel il a été

10 impliqué.

11 Q. Il a été impliqué dans d'autres activités criminelles ?

12 R. Oui.

13 Q. Après la guerre ?

14 R. Il a toujours été un semeur de troubles. Franchement, les détails ne

15 m'intéressaient pas. Je savais simplement qu'il était fauteur de troubles.

16 Q. Merci.

17 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

19 Cela nous amène à la fin de votre témoignage, Monsieur. Merci

20 beaucoup d'avoir pris le temps d'être venu témoigner devant cette Chambre.

21 Vous pouvez maintenant nous quitter. Merci beaucoup.

22 [Le témoin se retire]

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Mundis.

24 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Si j'ai bien compris, nous allons prendre notre prochaine pause à

26 midi. Mais peut-être pourrions-nous prendre la pause maintenant et se

27 retrouver à midi et quart ? Donc nous aurions encore 90 minutes. Ce serait

28 peut-être plus facile de faire comparaître le témoin maintenant. Mais

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1 évidemment, je m'en remets à vous.

2 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Faisons la pause, et on se retrouve à

4 midi 20.

5 --- L'audience est levée à 11 heures 50.

6 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

7 --- L'audience est reprise à 12 heures 21.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que le témoin pourrait

9 prononcer la déclaration solennelle ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

11 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

12 LE TÉMOIN: BERISLAV MARIJANOVIC [Assermenté]

13 [Le témoin répond par l'interprète]

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Veuillez vous asseoir.

15 Bonjour.

16 Monsieur Mundis.

17 M. MUNDIS : [interprétation] Merci. C'est ma collègue, Mme Sartorio, qui va

18 mener l'interrogatoire principal. Et pour le compte rendu, nous sommes

19 maintenant également en présence de notre assistante, Sarai Jacob.

20 Mme SARTORIO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 Interrogatoire principal par Mme Sartorio :

22 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que vous voulez bien nous

23 dire votre nom et prénom ?

24 R. Je m'appelle Berislav Marijanovic et je suis né dans le village de

25 Paklarevo dans la municipalité de Travnik.

26 Q. La municipalité de Travnik en Bosnie-Herzégovine ?

27 R. Oui.

28 Q. En 1992 et 1993, pouvez-vous nous dire quelle était la composition

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1 ethnique de votre village ?

2 R. Il s'agit d'un village qui était pur du point de vue ethnique, purement

3 croate. Le village était situé sous le mont Vlasic. Donc ce village de

4 Paklarevo, à proximité de Turbe. Il y a également un lieu du nom Galica.

5 L'armée serbe y est arrivée fin mars 1992 et a creusé des tranchées à

6 cet endroit. Nous avions instauré une sorte de protection civile autour du

7 village pour les empêcher d'entrer dans le village.

8 Q. Très bien. Mais j'aimerais revenir un petit peu en arrière. Est-ce que

9 vous avez été membre de la JNA ?

10 R. Oui, en 1986 et j'ai quitté la JNA en 1987.

11 Q. Avez-vous été membre d'une toute autre organisation militaire ou

12 patrouille de village ?

13 R. J'étais membre de la garde civile du village en 1992 jusqu'au 15 mai

14 lorsque nous avons commencé d'être pilonnés depuis Galica, j'ai été

15 grièvement blessé à cause de l'impact de l'obus, j'ai été touché et on m'a

16 transféré à l'hôpital à Travnik et j'ai passé dix ou 11 jours à l'hôpital.

17 Ensuite --

18 Q. Permettez-moi de vous interrompre.

19 J'aimerais que vous disiez brièvement à la Chambre quelle était

20 l'ambiance là où vous habitiez à l'époque en termes de conflits militaires.

21 Est-ce qu'il y avait un conflit militaire qui débutait ? Et dans

22 l'affirmative, un conflit entre quels groupes ?

23 R. Pour ce qui est de l'ambiance, il y avait de bonnes relations entre les

24 Croates et les Musulmans. Il y avait de bons rapports, mais les Serbes ont

25 attaqué les Croates ainsi que les Musulmans de Turbe, du mont Vlasic, de

26 Paklarevo et d'autres villages des alentours. Donc nous étions confrontés

27 aux mêmes agresseurs. Ils nous ont attaqués tous deux.

28 Q. A cette époque, est-ce que vous étiez membre d'une organisation

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1 militaire croate, une organisation militaire officielle ?

2 R. J'étais membre de la protection civile. J'avais mon pistolet, ce qui

3 était mon bien personnel, et j'ai monté la garde autour du village.

4 Q. Lorsque vous parlez de la patrouille civile, est-ce que cette

5 patrouille était composée de Croates et de Musulmans ?

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Robson.

7 M. ROBSON : [interprétation] Monsieur le Président, pardon de vous

8 interrompre. Je crois qu'il serait prudent de mentionner, même si ce n'est

9 pas contesté, mon éminent confrère parle d'une organisation militaire

10 croate et de Croates et de Musulmans. Je pense que ce n'est pas un point

11 litigieux entre les parties, mais je pense qu'il serait peut-être bon de

12 préciser que nous parlons tout de même de Croates de Bosnie.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

14 Est-ce que c'est utile, Madame Sartorio ?

15 Mme SARTORIO : [interprétation] Oui, merci.

16 Q. Témoin, au début de 1993, où habitiez-vous ?

17 R. Après avoir été blessé pour la première fois, après avoir quitté

18 l'hôpital, je suis allé au village de Maline parce que je m'étais marié là-

19 bas, et c'est là que j'habitais jusqu'au 8 juin 1993 quand le conflit entre

20 les Musulmans et les Croates a éclaté.

21 Q. Jusqu'au 8 juin, pendant la période où vous avez vécu à Maline, avez-

22 vous vu ou rencontré qui que ce soit dont, par la suite, vous avez su qu'il

23 s'agissait des Moudjahidines ?

24 R. Oui, j'ai vu des groupes à Travnik, à Mehuric aussi, il y avait une

25 foire dans le village tous les mercredis. Alors, j'avais vu de petits

26 groupes. J'avais pu les identifier par la langue qu'ils parlaient, la

27 couleur de leur peau. Je pouvais les distinguer.

28 Q. Est-ce qu'il y avait d'autres caractéristiques qui permettaient de les

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1 distinguer ?

2 R. Ils portaient des uniformes de camouflage. Ils portaient la barbe. Ils

3 avaient une façon de parler différente de nous autres qui étaient des gens

4 du cru.

5 Q. Bien. Si tant est qu'il y ait quoi que ce soit d'entendu par vos soins

6 au sujet de la présence des Moudjahidines dans le coin, qu'aviez-vous

7 compris au sujet de ce qu'ils faisaient là ?

8 R. Que pensais-je ? Ils ne sont pas venus pour autre chose que se battre.

9 Je ne savais pas contre qui. Ils étaient venus se battre contre quelqu'un.

10 Q. Je voudrais vous piloter vers la date du 8 juin 1993 et j'aimerais vous

11 demander où est-ce que vous vous êtes trouvé tôt le matin ?

12 R. Le 8 juin 1993, je me trouvais dans la maison du frère de ma femme où

13 était logée ma famille. Entre 4 et 5 heures du matin, il y a eu une attaque

14 à l'artillerie contre le village de Maline par l'armée musulmane. Après

15 cette attaque à l'artillerie, on a pu entendre un feu nourri à l'arme

16 d'infanterie qui a duré assez longtemps jusqu'à ce qu'ils s'emparent d'un

17 village avoisinant.

18 Q. Pouvez-vous nous dire pendant combien de temps cela a duré ? Est-ce que

19 ça a duré des heures, ce conflit qui a fait rage ?

20 R. Le conflit a commencé le matin. Je ne sais trop vous dire, ça a duré

21 pendant une dizaine d'heure, mais ça s'est étiré jusqu'à l'après-midi

22 jusqu'au départ des civils en direction --

23 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom de l'endroit.

24 Mme SARTORIO : [interprétation]

25 Q. Lorsque vous dites que les civils sont partis, est-ce que vous êtes

26 resté dans la maison tout le temps ?

27 R. Je suis resté avec ma famille. Au moment où les pilonnages ont

28 commencé, nous sommes partis vers la cave. Il n'y avait pas que moi et ma

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1 famille, il y avait ma sœur, son époux et les leurs. Nous y étions tous.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Permettez-moi d'interrompre. Je crois

3 avoir entendu le témoin dire que cette attaque avait été lancée par l'armée

4 musulmane. Qu'entendez-vous au juste par l'armée musulmane ? Page 63, ligne

5 8.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est l'ABiH. C'est à cela que je me réfère.

7 Mme SARTORIO : [interprétation]

8 Q. Etant donné que vous étiez à la maison, à l'intérieur de la maison,

9 avez-vous pu voir ce qui se passait à l'extérieur par les fenêtres ?

10 R. J'ai vu des étables en train de brûler, une maison aussi. Il y avait

11 des cris de lancés autour de la maison "Alla-u-Akbar" et ce genre de

12 choses.

13 Q. Savez-vous ce que cela signifiait ?

14 R. Je ne sais pas ce que cela signifie.

15 Q. Avez-vous vu des soldats de l'ABiH ?

16 R. Nous avons vu des soldats lorsqu'ils se sont écriés en nous demandant

17 de sortir des maisons. Lorsque nous sommes sortis des maisons, on s'est

18 rendus. J'avais sur moi mon pistolet et je l'ai remis à un soldat. Nous

19 sommes tous sortis de la cave et c'est là que j'ai vu des militaires qui

20 allaient et venaient sur la route. Voilà.

21 Q. Mais à peu près combien de soldats avez-vous pu voir aller et venir

22 dans ce secteur autour de la maison ?

23 R. Autour de nous, là où on est sortis, ils étaient trois ou quatre. Mais

24 il y en avait ça et là qui venaient et qui s'en allaient, et d'autres

25 encore.

26 Q. Est-ce que vous vous souvenez de ce qu'ils portaient sur eux ?

27 R. Ils portaient des uniformes de camouflage. Ils portaient à l'épaule des

28 rubans blancs qui devaient probablement leur permettre de s'identifier

Page 915

1 entre eux à l'occasion de l'attaque, et autour de leurs têtes, ils avaient

2 des bandanas noirs.

3 Q. Une fois que vous êtes sortis de la maison, qu'est-il arrivé ensuite ?

4 R. Une fois sortis de la maison, on s'est réunis, on s'est rendus, et on

5 s'est rassemblés dans le village. Puis, on s'est dirigés vers Meruhic, en

6 contrebas. Nous étions un groupe de 40 ou 50 civils encore, avec moi.

7 Mme SARTORIO : [interprétation] Bien. J'aimerais qu'on nous montre la carte

8 numéro 10 si possible. Je voudrais que le témoin l'étudie et qu'on puisse

9 en parler.

10 Q. Nous allons attendre que cela apparaisse sur les écrans. Compte

11 tenu de ce groupe, pouvez-vous nous dire quelle était sa composition ? Y

12 avait-il des femmes ?

13 R. Oui. Il y avait des femmes, des enfants, des personnes âgées, des

14 militaires, c'était mixte.

15 Q. Y a-t-il eu aussi des personnes comme vous qui étaient en âge de

16 rejoindre les rangs de l'armée et qui se sont joints de leur plein gré ?

17 R. Oui, il y avait le frère de ma femme, et d'autres encore que je ne

18 connaissais pas en personne, mais qui étaient avec nous.

19 Q. Y avait-il des personnes dans votre groupe qui étaient vêtues de

20 quelque type d'uniforme militaire que ce soit ?

21 R. Dans mon groupe, pendant que vous étiez là-bas, là non, il n'y en avait

22 pas, dans mon groupe de civils à moi --

23 Q. Fort bien. Nous allons voir maintenant cette carte. J'aimerais que vous

24 apposiez un numéro "1" à l'endroit où ce groupe de 50 que vous avez

25 mentionné s'est rassemblé.

26 R. [Le témoin s'exécute]

27 C'est Gornje Maline et c'est Donje Maline.

28 Q. Et votre groupe est parti d'où ?

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1 R. Gornje Maline, au numéro 1, c'est là que se trouvait le premier groupe.

2 Q. Oui, excusez-moi, c'est bon. Le groupe à ce moment-là s'est-il mis en

3 marche ?

4 R. Oui, ils nous ont dit d'aller vers Mehuric, avant Bikosi et Poljanice

5 et de nous diriger vers Mehuric. Quand on est venus en contrebas de Bikosi

6 --

7 Q. Je vous interromps. Excusez-moi. Quand vous dites "ils", y avait-il

8 quelqu'un à la tête du groupe ?

9 R. Il y avait des membres de l'ABiH, trois ou quatre soldats qui

10 conduisaient le groupe. On est tombé sur un Moudjahid parce que c'est

11 quelqu'un qui ne parle pas croate.

12 Q. C'est ce que vous alliez nous dire, n'est-ce pas ? Peut-être pourriez-

13 vous expliquer aux Juges de la Chambre ce qui s'est passé à ce moment-là ?

14 R. Lorsque nous sommes arrivés sur Bikosi, nous sommes tombés sur un

15 Moudjahid qui avait une Golf, type modèle 1. Il ne pouvait pas la mettre en

16 marche, donc il nous a pris nous trois pour le pousser jusqu'à un moment où

17 après il a continué sur sa lancée tout seul. Les civils étaient à notre

18 droite, ils marchaient. Nous, on a poussé, et lorsqu'on a cessé de pousser,

19 il est reparti tout seul. On a regagné le groupe en colonne qui se

20 déplaçait. Nous avons traversé le village de Poljanice pour nous diriger

21 vers Mehuric.

22 Q. Je vous interromps. Est-ce que vous pouvez mettre un numéro "2" là où

23 vous avez eu cet événement avec le véhicule, je vous prie ?

24 R. [Le témoin s'exécute]

25 Q. Avez-vous remarqué si quelqu'un dans votre groupe, dans le groupe qui

26 marchait avec vous, et parmi les soldats qui vous escortaient, y en avait-

27 il qui portaient des armes à feu ?

28 R. Oui. Ils avaient des armes à canon long, des fusils, il y avait même un

Page 917

1 sniper qui nous escortait.

2 Q. Je vous ai posé des questions au sujet des civils que vous avez décrits

3 avec les hommes, femmes et enfants de votre groupe. Pouvez-vous décrire

4 cela ?

5 R. Personne n'avait d'armes. Moi, j'avais eu mon pistolet personnel, et le

6 frère de ma femme avait aussi un pistolet. Il l'a remis à qui de droit dans

7 le village avant que nous ne partions.

8 Q. Avez-vous remarqué d'autres personnes qui auraient rendu leurs armes au

9 village avant que vous ne partiez ?

10 R. Je n'ai plus vu les autres groupes. Je n'ai vu que mon groupe.

11 Q. Bien.

12 R. Ils nous ont dit que si on ne restituait pas nos armes, on serait tués.

13 Donc, il valait mieux restituer nos armes que d'être tués.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'ai une question à vous poser,

15 Monsieur. Avez-vous remarqué si quelqu'un dans votre groupe, mis à part

16 votre beau-frère et vous-même, qui aurait restitué une arme ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai vu personne d'autre, si ce n'est nous

18 deux.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

20 Veuillez continuer, Madame.

21 Mme VIDOVIC : [interprétation]

22 Q. Une fois que vous avez quitté l'endroit numéro 2, où est-ce que votre

23 groupe s'est dirigé ?

24 R. On s'est dirigé vers le village de Poljanice.

25 Q. Avez-vous atteint ce village de Poljanice ?

26 R. On est arrivés jusqu'au village de Poljanice, puis on s'est dirigés

27 vers Mehurici. A l'arrivée, très près de Mehurici, une colonne qui s'était

28 éloignée avant nous, il y avait des jeunes gens qui avaient été mis de côté

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1 de ce groupe-là et qui ont été conduits vers Bikosi et Maline. Donc, ils se

2 déplaçaient sur le chemin du retour.

3 Q. Je vous arrête-là. Pouvez-vous apposer un numéro "3" sur la carte, là

4 où ce que vous venez de nous décrire s'est passé, là où vous avez rencontré

5 cet autre groupe ?

6 R. [Le témoin s'exécute]

7 Q. J'aimerais que vous soyez plus clair au sujet de ce que vous venez de

8 dire. Lorsque vous êtes arrivé à cet endroit, avez-vous rencontré un autre

9 groupe ?

10 R. Oui. On s'est rencontrés avec cet autre groupe qui, déjà, avait été mis

11 de côté par rapport à ces civils. C'étaient des jeunes gens, le plus âgé

12 devait avoir dans les 45 ans. Ils se sont arrêtés à côté de notre groupe.

13 J'avais dans mes bras un petit, mon fils qui avait quatre ou cinq mois. Il

14 y avait un autre enfant de quatre ou cinq ans qui marchait à côté de moi.

15 Un soldat s'est approché de moi, il m'a arraché l'enfant des bras, il l'a

16 donné à ma femme, et il m'a fait sortir pour me faire regagner cette

17 colonne, et le frère de ma femme et d'autres jeunes gens, des Croates de

18 ces villages que je ne connaissais que très mal, à nos côtés.

19 Q. Bien. Alors je vais vous poser des questions au sujet de ce groupe.

20 Vous avez dit qu'à votre avis ils avaient déjà été mis de côté et qu'on les

21 dirigeait sur le chemin du retour vers Maline. Comment savez-vous cela ?

22 R. Les civils qui sont partis avant nous, c'est pas des civils qui sont

23 revenus, il n'y avait que ces jeunes gens qui ont été mis de côté par

24 rapport au groupe de civils qui ont été ramenés. Ils sont arrêtés à notre

25 niveau, puis on a été prélevés dans notre groupe à nous pour être mis à

26 leurs côtés, et nous nous sommes tous dirigés vers Poljanice, vers Bikosi.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Combien de ces jeunes gens ont été

28 séparés de l'autre groupe, plus ou moins ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait un groupe qui faisait entre 15 et

2 19 personnes. Je crois qu'ils étaient une quinzaine.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Et combien de personnes de votre

4 groupe à vous a-t-on mis de côté pour rejoindre l'autre groupe de jeunes

5 gens ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous étions six ou sept à avoir été prélevés

7 pour regagner cet autre groupe.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc, il y en avait six dans votre

9 groupe à avoir été prélevés.

10 Merci.

11 Madame, continuez.

12 Mme VIDOVIC : [interprétation]

13 Q. Connaissiez-vous quiconque dans le groupe que vous avez rencontré ?

14 R. Je connaissais Zdravko Pranjes. Il était du village de Maline. On se

15 rencontrait ça et là. Nous n'étions pas des intimes, des proches.

16 Q. Avez-vous reconnu qui que ce soit d'autre, mis à part cette personne-là

17 ?

18 R. Lorsque nous sommes dirigés vers les hauteurs -- je ne

19 connaissais que très peu de gens. J'en connaissais de vue, mais ce n'était

20 pas des gens que je connaissais vraiment.

21 Q. Monsieur, s'agissant du nombre de personnes qui a été prélevé dans

22 votre groupe pour rejoindre l'autre groupe, pouvez-vous nous dire qui est-

23 ce qui a escorté ce groupe-là, à ce moment-là ? Quel type de gens vous ont

24 escortés ?

25 R. Vous voulez dire qui est-ce qui a escorté l'autre groupe ? C'étaient

26 des Moudjahidines, et des membres ou des soldats de l'ABiH. Et les

27 autochtones étaient en uniforme de camouflage, et ils avaient aussi des

28 espèces de chaussettes par-dessus la tête, et il y avait des trous pour les

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1 yeux. C'était un peu comme les ninjas.

2 Q. Pouvez-vous expliquer pourquoi, à votre avis, c'étaient des soldats

3 musulmans locaux ?

4 R. Probablement, ces gens-là qui étaient à mes côtés, qui ont été

5 prélevés, venaient-ils de ces villages.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Robson est sur ses pieds,

7 excusez-nous.

8 Monsieur Robson, oui.

9 M. ROBSON : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président. Je serais

10 reconnaissant à mon éminente consoeur de reformuler cette question parce

11 que cette dernière question s'était référée à des Musulmans locaux, des

12 soldats musulmans locaux. C'est une terminologie qui n'a pas été utilisée

13 jusqu'à présent.

14 Mme SARTORIO : [interprétation] Je comprends. Puis-je reformuler si vous le

15 permettez, Monsieur le Président ?

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

17 Mme SARTORIO : [interprétation] Bien.

18 Q. Monsieur, vous nous avez dit tout à l'heure qu'il y avait des personnes

19 qui étaient avec l'ABiH et vous nous avez dit qu'ils faisaient partie de

20 cette armée. Alors, ceux qui portaient ces espèces de cagoules de style

21 ninja, pouvez-vous nous dire pourquoi vous estimez que c'étaient des gens

22 de l'ABiH ?

23 R. Ils avaient des insignes de l'ABiH et ils portaient ces cagoules parce

24 que les gens des villages qui ont grandi avec moi ou qui étaient des

25 villages côte à côte auraient pu les reconnaître. C'est pour cela qu'ils

26 portaient ces cagoules.

27 Q. Les avez-vous entendus parler, échanger des propos ?

28 R. Ils se parlaient entre eux, oui. Ils se parlaient entre eux. Je n'ai

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1 pas pu entendre ce qu'ils se disaient.

2 Q. Est-ce que vous avez pu entendre quelle langue ils parlaient, si vous

3 savez nous le dire ?

4 R. Il y en a qui parlaient une langue que je ne comprenais pas; c'était

5 probablement de l'arabe, une langue qui n'était pas utilisée chez nous en

6 tout cas.

7 Q. Je suis en train de parler des hommes qui portaient des cagoules. Est-

8 ce que vous seriez en mesure de dire aux Juges de la Chambre si vous avez

9 identifié la langue qu'eux parlaient ?

10 R. Eux, ils parlaient la langue croate, comme moi. Nous appelions cela

11 "serbo-croate" lorsque la Yougoslavie existait encore. Ils parlaient comme

12 moi ceux qui portaient des cagoules. Les Moudjahidines, eux, ne portaient

13 pas de cagoules, ils étaient à visage découvert.

14 Q. Lorsque les Moudjahidines parlaient, avez-vous pu identifier la langue

15 qu'ils parlaient ?

16 R. Non. Eux, ils ne savaient dire que "Bojovnik" et "Oustachi" en nous

17 parlant, entre eux, ils avaient un interprète qui leur permettait

18 d'échanger des propos, mais moi je ne comprenais pas cette langue.

19 Q. Bien. A présent, pouvez-vous nous dire où ce groupe-là s'est-il dirigé

20 ?

21 R. Le groupe s'est dirigé vers Poljanice, donc le chemin retour vers

22 Bikosi. Vous voulez que je vous le marque ?

23 Q. Oui. Vous pouvez marquer où est-ce que vous êtes allé ensuite. Ce

24 serait numéro "5" -- non pardon, le numéro "4" qu'il conviendrait

25 d'apposer.

26 R. Bien. Mais je tiens à vous dire autre chose. Lorsque nous nous

27 déplacions vers Poljanice, entre Poljanice et l'endroit où nous avons été

28 prélevés, nous avons rencontré une jeune fille qui était en compagnie de sa

Page 923

1 tante. Elle portait un uniforme de camouflage et elle avait un ruban rouge

2 à croix sur le bras. C'était Mlle Pranjes que je connaissais, et sa tante

3 aussi, Turka [phon]. Un soldat s'est approché d'elle et lui a dit d'enlever

4 ce ruban. Elle a refusé, un Moudjahid s'est approché d'elle. Elle avait une

5 chaîne autour du cou. Il lui a arraché cette chaîne. Probablement y avait-

6 il une croix sur ce collier. Il a pris cela, il a jeté la croix, il a mis

7 le collier dans sa poche; il a arraché ce ruban avec la croix rouge dessus

8 et il lui a dit de rejoindre notre colonne.

9 Q. Est-ce que vous pouvez mettre un numéro "4" à l'endroit où ceci s'est

10 produit ?

11 R. [Le témoin s'exécute]

12 Q. Laissez-moi vous demander ceci, Monsieur : y avait-il quelqu'un dans ce

13 groupe, non pas ceux qui vous escortaient, non pas les gens de l'armée, les

14 soldats de l'ABiH, mais est-ce que quelqu'un dans votre groupe avait fait

15 partie d'un groupe qui aurait été combatif ou qui se serait rebiffé ?

16 R. Je me souviens qu'il y avait un soldat qui a dit : "On vous a pris

17 votre endroit sacro-saint de Guca Gora. On va tout brûler." L'autre a dit

18 qu'il ne voulait pas le savoir, que cela ne l'intéressait pas.

19 Q. Que s'est-il passé ensuite ?

20 R. Cette colonne s'est déplacée vers Poljanice; et lorsque nous sommes

21 arrivés là, nous avons rencontré un groupe de blessés, ils étaient quatre

22 ou cinq, et autour d'eux, il y en avait quatre ou cinq qui les aidaient à

23 marcher, parce que certains avaient des cannes, d'autres avaient des

24 béquilles. Il y avait une femme qui avait été blessée par balle à la jambe.

25 Elle était sur une civière. Elle était de Maline. Elle avait 60 ans à peu

26 près. Cette colonne de blessés a été ramenée avec nous en direction de ce

27 village de Bikosi.

28 De là, lorsqu'on est parti, un soldat de l'ABiH m'a dit qu'il y en avait un

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1 qui avait reçu des balles dans les deux jambes, il était porté par une

2 clôture en bois. Il m'a dit de le prendre en charge, de le porter avec

3 trois autres hommes. Je l'ai porté au travers d'un petit bois. On est sorti

4 et on a débouché sur un pré où il y avait des tranchées de l'ABiH.

5 Q. Bien. Est-ce que vous pouvez apposer un numéro "5" à l'endroit où cet

6 événement s'est produit ? Là où vous avez pris ce soldat blessé.

7 R. [Le témoin s'exécute]

8 Q. Je dois vous poser la question. Vous avez parlé d'un groupe de

9 personnes blessées, vous avez décrit une femme. Mais est-ce que vous pouvez

10 décrire les autres membres du groupe ? Etaient-ce des hommes, des soldats,

11 des civils ? Est-ce que vous pouvez étoffer votre propos ?

12 R. C'était des soldats, des militaires. Il y en avait un qui avait son

13 frère blessé, et les deux autres l'aidaient parce que sa jambe était

14 complètement brisée. C'étaient des militaires.

15 Q. Bien. C'étaient des soldats de quelle armée ?

16 R. Du HVO.

17 Q. Pouvez-vous nous dire brièvement si Poljanice est un village, un

18 secteur ? Veuillez préciser aux Juges de quoi il s'agit au juste.

19 R. C'est un petit village, c'est un hameau dirais-je. Cela s'appelait

20 Poljanice.

21 Q. Que s'est-il passé ensuite, Monsieur ?

22 R. Nous sommes sortis de Poljanice. Je portais Srecko Bobas. Ce groupe

23 s'est arrêté à un pré, et sur ce pré, il y avait des tranchées de l'ABiH.

24 La colonne a fait une pause, elle s'est arrêtée là. Il y a 12 personnes de

25 ce premier groupe qui ont été prélevées pour être dirigées vers ces

26 tranchées. Ils étaient debout à côté des tranchées, on les a alignés devant

27 les tranchées. Ils étaient trois ou quatre, il y avait un Moudjahid et il y

28 avait trois personnes du cru. Il y a eu une espèce de dispute ou un

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1 malentendu entre eux, parce que je croyais que déjà là une partie d'entre

2 nous allait être abattus.

3 Ils étaient en train d'en discuter, d'en débattre et ce groupe a été

4 ramené vers nous, deux par deux, alors que nous nous dirigions vers Bikosi.

5 Lorsqu'on s'est dirigé vers Bikosi, deux autres étaient en train de porter

6 le dénommé Srecko Bobas. Je ne le portais pas, parce que l'autre avait

7 donné l'ordre à quatre autres hommes de le porter.

8 La colonne s'est dirigée vers Bikosi. A un moment, on s'est arrêté

9 quelque peu en contrebas de Bikosi et une fois de plus, on a repris la

10 marche pendant très peu de temps.

11 Q. Bien. Je vais vous interrompre brièvement. J'aimerais que vous apposiez

12 un numéro "6" là où vous vous êtes arrêtés à proximité des tranchées ?

13 R. [Le témoin s'exécute]

14 Q. O.K. J'aimerais que vous apposiez un numéro "7" à l'endroit où vous

15 avez dit avoir marqué cette brève halte.

16 R. [Le témoin s'exécute]

17 Q. Merci, Monsieur. Vous pouvez continuer votre récit. Que s'est-il passé

18 ensuite ?

19 R. Le groupe s'est déplacé en direction de ce village de Bikosi. A gauche,

20 il y avait cette route vers Maline, et nous, on a continué tout droit vers

21 Bikosi, c'est un hameau derrière Maline.

22 Une fois arrivés entre les maisons, il y avait à droite deux étables,

23 et à gauche il y avait des maisons. Il y avait des clôtures en bois à

24 gauche et à droite. La route était goudronnée.

25 Lorsque nous sommes arrivés entre ces étables et ces maisons, Tavic

26 Mijo a eu une attaque. C'était un homme malade. Il a fait une crise

27 d'épilepsie. Il souffrait d'épilepsie, il a eu une attaque. Il a commencé à

28 crier. Comme il a commencé à crier, je me suis retourné pour dire aux

Page 926

1 soldats de l'ABiH que c'était quelqu'un qui était malade, et eux, ils ont

2 commencé à tirer des rafales vers nous.

3 Celui qui a tiré à côté de moi, il tenait son fusil assez bas. Il a

4 tiré vers l'asphalte, il a probablement dû avoir peur, j'ai été touché à la

5 jambe. Lorsque j'ai vu des gens tomber, s'effondrer, j'ai mis les bras sur

6 la tête et je suis tombé sur le goudron. Je me suis tu et j'ai regardé un

7 peu entre mes doigts. Sur la droite, il y avait cette clôture en bois, et

8 un soldat du HVO avait voulu sauter la clôture. Il a été touché à ce

9 moment-là, et il est resté accroché à la clôture.

10 Celui qui était à mes côtés, le soldat de l'ABiH, celui qui avait

11 ouvert le feu, il a tiré et il y a eu un ricochet puisque la balle a dû

12 percuter l'asphalte, et il a été blessé au ventre. Il a gémi, je n'osais

13 pas lever la tête. Je me taisais et ils sont allés tirer une balle dans la

14 tête, à titre individuel --

15 Q. Là, je vous interromps. Merci. J'ai besoin de vous poser quelques

16 questions avant.

17 Lorsque vous dites que les tirs ont commencé, est-ce que c'étaient

18 des coups de feu individuels ou est-ce que c'étaient par rafales ?

19 R. D'abord, c'étaient des rafales, ensuite c'étaient des tirs individuels.

20 Lorsque les rafales cessaient, c'est à ce moment-là qu'on entendait que les

21 gens gémissaient, ainsi de suite. J'ai imaginé que lorsque plus tard il y a

22 eu de tirs individuels qu'ils n'ont pas tiré sur les personnes un à un. Ils

23 ont tiré cette personne à la tête, j'ai vu du sang qui giclait sur moi de

24 l'autre personne. J'ai pris ma tête entre mes mains, je pensais qu'ils

25 allaient me tuer, ensuite ils ne m'ont pas tué; j'ai conclu qu'ils ne sont

26 pas allés suivant un ordre précis, mais que c'était de façon aléatoire.

27 Donc, je gisais là pendant un certain temps, cinq à dix minutes. Je

28 ne sais pas combien de temps cela a duré parce que j'avais peur. Je me

Page 927

1 taisais, mais à un moment donné, de façon soudaine, j'ai entendu quelqu'un

2 dire : "Au secours, est-ce qu'il y a qui que ce soit vivant ici ? Je suis

3 blessé." J'ai attendu un petit moment pour voir s'il n'y avait pas de tirs.

4 Comme je n'en ai pas entendu, j'ai vu par terre en train de gésir, et

5 j'étais étonné de la voir là à côté.

6 Sur ma gauche, il y avait une maison, je pouvais me tenir debout même

7 si j'étais blessé et du côté gauche, il y avait des prés, et j'ai commencé

8 à courir à travers le pré. Sur ma droite, il y avait Vranjaca, la colline,

9 il y avait pas mal de soldats qui montaient là-dessus, les quatre autres

10 personnes ont couru derrière moi. Ils couraient en direction du village --

11 Q. Est-ce que je peux vous interrompre.

12 Vous avez dit, il y a un petit moment que le soldat du HVO a sauté

13 par-dessus la clôture. Est-ce que vous pouvez nous dire si il était devant

14 vous ou derrière vous ou sur le côté ? Qu'est-ce que vous avez vu en ce qui

15 concerne cette personne ? Est-ce que cette personne a commencé à courir

16 avant les tirs ?

17 R. Cette clôture était sur ma droite. Quand je suis tombé, j'étais déjà

18 tout près. Quand je suis tombé par terre, j'avais mes mains sur les yeux,

19 et j'ai regardé à travers mes doigts. J'ai pu le voir en train de sauter

20 par-dessus la barrière et c'est là qu'il a été touché. Ensuite, il est

21 resté sur la barrière en réalité.

22 Q. Est-ce que vous avez pu voir si, à partir du moment où il a commencé à

23 courir, s'il courait vers quelqu'un, quelqu'un qui lui tirait dessus ?

24 R. Non, ce n'était pas possible, parce que cette clôture était juste-là.

25 Lui, il voulait justement la passer pour sauver sa vie. Donc, s'il avait eu

26 la possibilité de le faire, il aurait été vivant, je pense, aujourd'hui.

27 Q. Pourriez-vous maintenant apposer le chiffre "8" sur la carte pour

28 montrer l'endroit où cela a eu lieu ?

Page 928

1 R. [Le témoin s'exécute]

2 Q. Pourriez-vous maintenant décrire aux Juges quel est le chemin que vous

3 avez pris, et pendant combien de temps vous avez été sur cette route avant

4 de vous retrouver quelque part en lieu sûr ?

5 R. Nous marchions en direction du village de Podstinje, en partant vers

6 Bikosi. J'ai couru en direction de ce village, et les quatre autres

7 couraient derrière moi. Quand ils sont arrivés au même niveau que moi, il y

8 avait un jeune homme, Zeljo Puselja. Je le connaissais de vue et on est

9 allé jusqu'au pré qui était jusqu'en contrebas de Podstinje. Il y avait des

10 arbres là-bas, on s'est assis là, on a essayé de panser nos blessures. Il y

11 avait ce jeune homme qui était blessé. Il était blessé au niveau de ses

12 côtes. Je l'ai couvert de ma veste, parce qu'il ne faisait pas très froid,

13 et j'ai pris ma chemise que j'ai déchirée pour lui panser les blessures. Un

14 jeune homme, celui qui s'appelait Puselja était touché au niveau de sa

15 hanche droite, et ce jeune homme qui était avec moi, il n'était pas du tout

16 blessé. La balle est passée vraiment tout près de son corps, mais ne l'a

17 pas vraiment touché.

18 Ensuite, il y avait une petite rivière, Bila, qui coule près de

19 Mehuric. Il y avait un homme qui portait des vêtements civils, un autre qui

20 avait des vêtements militaires, qui sont sortis de l'eau et ils ont dit :

21 "Rendez-vous, couchez-vous. C'est fini." Immédiatement j'ai commencé à

22 courir. Ce garçon a couru derrière moi. On s'est dirigé vers la gauche et

23 quand on a traversé Bila, on a continué à courir en direction de Fazlic, on

24 a traversé la route en direction de Mehuric.

25 Près du village de Fazlici, à peu près à 500 mètres, on a vu deux

26 coups de feu qui venaient dans notre direction, ensuite on est allé vers le

27 village d'Orasac, vers la droite.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Une explication, s'il vous plaît.

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1 A la page 78, ligne 1, vous avez dit : "Il y avait un jeune homme qui

2 a été blessé au niveau de ses côtes. Donc j'ai enlevé ma veste parce qu'il

3 ne faisait pas froid, et c'est avec ma veste que j'ai pansé les blessures."

4 Ensuite vous dites : "Un certain Puselja a été touché au niveau de sa

5 hanche droite, alors que ce jeune homme" - et je pense que là vous parlez

6 de Zeljo - "n'a pas été blessé."

7 Tout d'abord vous dites qu'il avait une blessure au niveau des côtes.

8 Maintenant vous dites qu'il n'était pas du tout blessé. Quelle était

9 vraiment la situation ? Est-ce qu'il était blessé ou est-ce qu'il n'était

10 pas blessé ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Darko Puselja était touché aussi bien à

12 l'épaule qu'au niveau de ses côtes. Zeljo Puselja était blessé au niveau de

13 son bras droit, au niveau de son coude. En fait, on était tous blessés, à

14 l'exception de ce garçon.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Les choses se compliquent. Est-ce que

16 Zeljo Puselja était blessé ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, au niveau de son bras droit.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pas au niveau des côtes ? Ce n'est pas

19 lui alors ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Zeljo Puselja n'avait pas de blessures au

21 niveau des côtes mais au niveau des bras, alors que Darko Puselja était

22 blessé aussi bien au niveau de ses côtes qu'au niveau de son épaule.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Donc, c'est Darko Puselja.

24 Excusez-moi. Je vous remercie, Monsieur le Témoin.

25 Madame Sartorio, continuez.

26 Mme SARTORIO : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

27 Je dois revenir. Le témoin a mentionné le nom de ce garçon --

28 Q. Monsieur le Témoin, connaissez-vous le nom de ce garçon ?

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1 R. Celui qui n'était pas blessé ? Il s'appelait Pavo Barac.

2 Q. Est-ce que vous vous rappelez son âge ?

3 R. Je pense qu'il avait au maximum 16 ans, pas plus. Il avait à peu près

4 16 ans à l'époque.

5 Q. Pourriez-vous, sur la carte, me montrer cette route ? Vous pouvez faire

6 cela en dessinant une ligne, ensuite mettez le chiffre "9" à côté de

7 l'endroit où vous avez pansé vos blessures.

8 R. Vous voulez que je tire une ligne jusqu'au chiffre 9 ?

9 Q. Oui. A partir du chiffre 8 jusqu'au chiffre 9 pour montrer quelle est

10 la direction que vous avez prise.

11 R. Nous avons marché du chiffre 8 vers le chiffre 9, donc dans cette

12 direction-là. Et là où j'ai posé le chiffre 9, c'est là que nous avons

13 pansé nos blessures.

14 Q. A partir de cet endroit-là, indiqué par le chiffre 9, vous êtes allés

15 où ?

16 R. Ensuite, nous sommes allés au niveau du village de Fazlici et Orasac.

17 Je ne le vois pas sur la carte. C'est là où nous avons passé la journée et

18 la nuit dans un bois de pins, ensuite nous sommes allés à Guca Gora.

19 Q. Que s'est-il passé à Guca Gora ?

20 R. Quand on était à Orasac, nous pensions que si on arrivait à Guca Gora,

21 nous allions être sauvés, nous ne savions pas que tout cela était déjà

22 occupé, que tous ces endroits étaient tombés. On a commencé à se déplacer

23 entre 9 heures, 8 heures peut-être, du matin, 9 heures ou 10 heures du

24 soir, d'Orasac en direction de Guca Gora, et on y est arrivé vers 3 ou 4

25 heures du matin. On a vu qu'il n'y avait personne dans le village, les

26 maisons étaient désertées. Et comme le jour commençait à se faire, nous

27 avons compris qu'il ne fallait pas rester là-bas, et on est partis en

28 direction de Nova Bila.

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1 Q. Je sais que ces endroits ne figurent pas sur la carte, mais est-ce que

2 vous pouvez nous dire, par rapport à Fazlici, où se trouve Guca Gora ? Est-

3 ce que c'est en direction du nord ou de l'est ?

4 R. C'est dans le nord-est, je dirais.

5 Q. Cela fait combien de kilomètres de distance entre ces deux endroits ?

6 R. Entre Fazlici et Guca Gora, la route passe par Donje Maline, et c'est à

7 peu près cinq ou six kilomètres de distance.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Peut-être que la carte numéro 9 va

9 vous aider.

10 Mme SARTORIO : [interprétation] Oui. Mais avant cela, je voudrais qu'on

11 sauvegarde cette image, sinon on va la perdre. Et je vais demander qu'on la

12 verse au dossier.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cette carte qui figure sur l'écran à

14 présent est versée au dossier. Je vais demander qu'on lui attribue une

15 cote.

16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la cote 129.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

18 Mme SARTORIO : [interprétation] Est-ce que je peux continuer ?

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Il vous reste encore cinq minutes

20 par rapport à l'heure qui vous a été donnée.

21 Mme SARTORIO : [interprétation] J'ai encore deux ou trois questions,

22 Monsieur le Président.

23 Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous présenter la carte numéro 9,

24 s'il vous plaît ?

25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Pendant qu'on cherche la prochaine

26 carte, à l'époque où vous étiez en train de vous enfuir de Guca Gora, le

27 jour suivant, est-ce que vous étiez tout seul avec cet enfant ? Est-ce que

28 vous étiez juste vous deux, par rapport aux personnes qui faisaient partie

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1 du groupe au début ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. On n'était que nous deux, on était tout

3 seuls puisque les trois autres ont été arrêtés à Postinje, pendant qu'on

4 était là en train d'essayer de panser nos blessures. Ces deux hommes ont

5 réussi à les arrêter, il n'y avait que nous deux qui avons réussi à partir

6 en direction de Fazlic, ensuite Orasac. Nous y avons passé d'ailleurs cette

7 nuit-là et encore un jour.

8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.

9 Mme SARTORIO : [interprétation]

10 Q. Quand vous regardez cette carte, est-ce que vous voyez Guca Gora sur la

11 carte ?

12 R. Oui.

13 Q. Pourriez-vous encercler cela et y mettre le numéro "1" ?

14 R. Vous voulez que je fasse un cercle autour de tout ça ?

15 Q. Non, mettez-y juste le chiffre "1".

16 R. [Le témoin s'exécute]

17 Q. Etait-ce la destination finale de votre périple ?

18 R. Non. On est allé aussi en direction du village de Kula, en direction de

19 Nova Bila. Nous avons vu là-bas un soldat de l'ABiH. Je pense qu'il était

20 au niveau de la colline, alors que nous on était en bas, on était dans le

21 pré. On a continué à courir à travers la végétation, ensuite il s'est levé

22 en face de nous, et on n'a pas osé continuer. Donc, on est revenus vers

23 Guca Gora, et on s'est fait un plan. On voulait passer par Vlasic et sortir

24 de Guca Gora.

25 Là, on a vu qu'il y avait beaucoup de soldats. Ensuite, on est allé

26 en direction de Han Bila. Il y avait un village croate qui s'appelait

27 Kosovo, et au fur et à mesure qu'on s'approchait de Han Bila, il y a deux

28 soldats qui nous ont vus de Guca Gora et ils nous ont couru après. En

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1 marchant en direction de Han Bila, il y avait des tirs qui venaient du

2 bosquet. On a continué à courir et on est arrivés dans le village de

3 Sarici.

4 Il y avait un drapeau croate dans le village. Il y avait des soldats

5 sur la colline et on a vu que c'étaient les soldats du HVO. Je connaissais

6 un homme de Guca Gora, il nous a demandé ce qui nous était arrivé, et quand

7 on leur a raconté l'histoire, ils nous ont aidés, ils nous ont transférés à

8 l'hôpital de Nova Bila, et j'y ai été soigné.

9 Q. Est-ce que vous avez jamais été contacté par qui que ce soit de

10 l'ABiH au sujet de cet incident ?

11 R. Non, jamais.

12 Q. Est-ce que vous avez jamais fait des déclarations pour la presse ?

13 R. Oui, je pense que j'ai parlé pour la BBC. C'était en 1993, le deuxième

14 ou le troisième jour.

15 Q. Est-ce que vous avez jamais fait des déclarations auprès des

16 organisations des droits de l'homme au sujet de ce qui vous est arrivé ce

17 jour-là ?

18 R. Oui. Je pense même que j'ai fait deux déclarations.

19 Q. Est-ce que vous savez s'il y en a une qui a été enregistrée ?

20 R. Je ne sais pas ce qu'ils ont fait. On était devant une maison. Cela n'a

21 pas duré longtemps. Je n'ai jamais vu ces enregistrements en tout cas.

22 Q. La déclaration que vous avez donnée à l'organisation "Human Rights",

23 est-ce que vous savez si cette déclaration a été enregistrée en audio ou

24 d'une autre façon que ce soit ?

25 R. Je crois que non.

26 Mme SARTORIO : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais

27 montrer ou passer 30 secondes d'une bande pour voir si le témoin arrive à

28 identifier cette séquence sur cette bande. Il me faudra passer à huis clos

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1 partiel pour ceci, car il s'agit d'une organisation internationale, et

2 j'évoque l'article 70.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Mais avant cela, il

4 faudrait faire quelque chose pour la carte.

5 Mme SARTORIO : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président. Excusez-

6 moi, je voudrais que l'on sauvegarde la carte telle qu'annotée et que cette

7 pièce soit versée au dossier.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Quelle en sera la cote ?

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cote 130.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

11 Mme SARTORIO : [interprétation] J'ai une dernière question pour ce témoin

12 avant de voir cette séquence vidéo, mais il nous faut passer à huis clos

13 partiel.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourrait-on passer à huis clos

15 partiel, je vous prie ?

16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

17 le Président.

18 [Audience à huis clos partiel]

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28 [Audience publique]

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1 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

2 Maître Robson, c'est à vous.

3 Contre-interrogatoire par M. Robson :

4 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Marijanovic. Je m'appelle Nicholas

5 Robson, je vais vous poser un certain nombre de questions au nom de la

6 Défense.

7 Monsieur Marijanovic, il y a quelque chose que je ne comprends pas très

8 bien découlant de votre dernière réponse. Est-il exact que le 12 juin,

9 quatre jours après l'incident de Bikosi, vous avez fait une déclaration

10 auprès de représentants du bureau des droits de l'homme, c'est-à-dire

11 "International Human Rights" ?

12 R. Je ne m'en souviens pas.

13 Q. Vous souvenez-vous être allé au Bataillon britannique, au QG du

14 Bataillon britannique à Vitez, peu de temps après les événements du 9 juin

15 ?

16 R. Oui. Je me souviens d'avoir été là-bas.

17 Q. Vous vous êtes entretenu avec des membres de la communauté

18 internationale, n'est-ce pas, pendant que vous étiez là ?

19 R. Oui, je me suis entretenu avec eux.

20 Q. Est-il possible que ces officiers ou représentants aient pu enregistrer

21 ce que vous avez dit ou qu'ils aient pu prendre une déclaration écrite de

22 vos propos ?

23 R. Je crois que non. Je ne sais pas, en fait. Je ne m'en souviens plus.

24 Q. Fort bien. Vous nous avez confirmé qu'il y avait eu d'autres occasions

25 lors desquelles vous avez donné des déclarations, s'agissant des événements

26 de Maline et Bikosi, n'est-ce pas ?

27 R. Il y avait ces déclarations, mais je ne crois pas que ces déclarations

28 ont été prises par écrit. En fait, non, je ne crois qu'on ait noté nos

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1 propos.

2 Q. Lorsque vous étiez au "Human Rights Centre" de Medjugorje au mois

3 d'octobre 1993, vous souvenez-vous d'avoir été là-bas, en fait ? Est-ce que

4 vous aviez entendu parler, d'abord, dites-nous, de ce "Human Rights

5 Centre", mettons ce Centre de droits de l'homme ?

6 R. Je n'ai jamais entendu parler de ce centre et je ne m'y suis jamais

7 rendu non plus.

8 Q. Fort bien. Maintenant, la Commission chargée d'enquêter sur les crimes

9 de guerre s'étant produit sur le territoire de la République croate de

10 Bosnie-Herzégovine, avez-vous jamais entendu parler de cette commission ?

11 R. Non.

12 Q. Monsieur, si je vous ai bien compris, vous n'avez jamais entendu parler

13 du Centre des droits de l'homme de Medjugorje, et vous n'avez jamais non

14 plus entendu parler d'une Commission chargée d'enquêter ou de vérifier si

15 des crimes de guerre avaient été commis ?

16 R. Oui, j'ai entendu parler du Centre pour les droits de l'homme, mais je

17 ne suis pas allé directement à Medjugorje, moi-même.

18 Q. Vous ne pouvez pas non plus nous confirmer d'avoir été enquêté par un

19 enquêteur du bureau du Procureur de ce Tribunal; n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Vous avez fait une déclaration à cet enquêteur en l'an 2000, et ce, en

22 septembre, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Ai-je raison de dire que vos souvenirs des événements de Maline et

25 Bikosi étaient sans doute plus précis à l'époque où vous avez donné cette

26 déclaration, par rapport à celle que vous avez donnée en l'an 2000, puisque

27 14 ans se sont écoulés depuis ?

28 R. Non, je ne suis pas d'accord avec vous, car j'étais encore perdu à

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1 l'époque. J'avais un peu le sentiment de me sentir perdu.

2 Q. A quel moment étiez-vous légèrement confus, que vous vous sentiez perdu

3 ?

4 R. Tout de suite après la première déclaration, j'étais dépressif. Ma

5 femme et mes enfants avaient fait prisonniers. Je ne savais pas du tout ce

6 qui se passait avec personne ni ce qui allait m'arriver.

7 Q. Si je vous disais que vous aviez donné plusieurs déclarations, peut-

8 être trois, peut-être plus. Vous mentionnez maintenant que vous étiez un

9 peu perdu et confus. Est-ce que vous dites aussi que lorsque vous avez

10 donné ces déclarations, telles la déclaration en 2000 au bureau du

11 Procureur, est-ce que vous étiez à ce moment-là aussi quelque peu perdu et

12 confus ?

13 R. Non, non. J'allais bien à ce moment-là.

14 Q. Donc vos souvenirs des événements étaient plus clairs au moment où vous

15 avez donné votre déclaration au bureau du Procureur ?

16 Mme SARTORIO : [interprétation] Monsieur le Président, plus clairs que quoi

17 ?

18 M. ROBSON : [interprétation] J'ai mentionné "clairs" et non pas "plus

19 clairs".

20 Mme SARTORIO : [interprétation] Au compte rendu d'audience, on voit

21 "clearer" qui veut dire plus clairs.

22 M. ROBSON : [interprétation]

23 Q. Je vais poser ma question de nouveau : Pour être tout à fait précis,

24 Monsieur, ma question était de savoir si, en l'an 2000 lorsque vous avez

25 donné votre déclaration au bureau du Procureur, vos souvenirs des

26 événements étaient clairs ?

27 R. Oui.

28 Q. Maintenant, j'aimerais revenir aux événements qui se sont déroulés au

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1 début de la guerre. Est-il exact qu'en mars 1992, des forces serbes avaient

2 commencé à creuser des tranchées autour de votre village de Paklarevo et

3 dans la municipalité de Travnik ?

4 R. Oui.

5 Q. Ces Serbes avaient établi leurs positions autour du mont Vlasic, n'est-

6 ce pas ?

7 R. Oui, avec une vue sur Travnik et Turbe.

8 Q. Au mois de mai 1992, vous, vous-même, aviez été blessé par des éclats

9 d'obus, n'est-ce pas, par un obus qui a éclaté derrière vous ?

10 R. Ce n'était pas un éclat d'obus, mais une dizaine d'éclats d'obus. Donc,

11 j'ai été blessé par une dizaine d'éclats d'obus, et un obus est tombé

12 derrière moi.

13 Q. Pendant que vous vous remettiez de vos blessures, vous et votre

14 famille, vous étiez partis dans le village de Maline qui se trouve

15 également dans la municipalité de Travnik, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. La raison pour ceci c'était parce que le village de Maline était plus

18 calme ?

19 R. Oui, c'était plus loin des positions serbes. Alors, je pensais que ce

20 serait mieux.

21 Q. Le village de Maline est composé de deux parties, n'est-ce pas, Gornje

22 Maline, la partie supérieure où les Croates habitaient et la partie

23 inférieure, Donje Maline, où habitaient les Musulmans de Bosnie, n'est-ce

24 pas ?

25 R. Oui.

26 Q. Lorsque vous allez vivre à Maline, dans le village de Maline, les deux

27 côtés avaient organisé des défenses séparées, c'est-à-dire ils avaient créé

28 une ligne de défense, et ils se faisaient face les uns et les autres.

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1 C'était sur le mont Vlasic. Donc, il y avait des Serbes sur le mont Vlasic

2 ?

3 R. Oui.

4 Q. Vous avez mentionné les Moudjahidines, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce que vous les avez vu pour la première fois à Travnik vers la fin

7 de 1992 ?

8 R. Oui, c'est cela.

9 Q. Vous avez mentionné d'avoir vu de petits groupes de Moudjahidines,

10 dois-je comprendre qu'il y avait plus d'un groupe de par votre réponse dans

11 la municipalité de Travnik et dans cette région ?

12 R. Oui, il y avait plusieurs groupes, effectivement.

13 Q. Autour de cette période, est-ce qu'il est juste de dire que vous avez

14 remarqué un certain nombre de Musulmans du cru qui avaient rejoint les

15 rangs des Moudjahidines arabes, et avaient commencé à calquer ou copier

16 leur apparence vestimentaire; et ils se faisaient pousser de longues barbes

17 ?

18 R. Oui. J'ai vu cela. C'est arrivé effectivement aussi.

19 Q. Au printemps de 1992, après votre déménagement au village de Maline,

20 est-il exact de dire que les tensions entre les Musulmans de Bosnie et les

21 Croates de Bosnie ont commencé à s'intensifier, c'est-à-dire que leurs

22 rapports s'étaient détériorés à ce moment-là ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-il exact également de dire qu'autour du mois de mars 1993 une

25 nouvelle brigade du Conseil de la Défense a été créée dans votre région

26 avec pour QG, un monastère de Guca Gora ?

27 R. Je n'ai pas tout à fait les détails concernant cela, mais c'est tout à

28 fait possible. Oui, effectivement, ils avaient un QG quelque part. C'est

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1 certain.

2 Q. Vous souvenez-vous des hommes croates dans votre village et autour de

3 votre village qui étaient en âge de porter les armes, et qui étaient

4 devenus des membres de cette brigade ?

5 R. Oui.

6 Q. Peu de temps après la création de cette brigade est-il exact de dire

7 que les membres du HVO du village de Maline ont commencé à établir des

8 positions militaires faisant face à l'armée bosnienne, les Musulmans de

9 Bosnie ?

10 R. Oui, l'ABiH s'était organisée, avait tracé une ligne. Ils leur

11 faisaient face.

12 Q. Est-il exact de dire qu'à ce moment-là les membres du Conseil de

13 Défense croate du village de Maline et des villages avoisinants ne se sont

14 plus rendus sur les lignes de défense de Vlasic qui faisaient face aux

15 Serbes, mais maintenant se rendaient sur les nouvelles positions autour de

16 leur village, faisant face à l'armée bosnienne ?

17 R. Je ne le sais pas, je ne me rendais pas sur les lignes de front puisque

18 j'étais blessé, à ce moment-là.

19 Q. Revenons maintenant aux événements du 8 juin. Vous nous avez dit qu'une

20 attaque avait commencé vers 5 heures ou 4 heures du matin ce jour-là, et

21 que cette attaque avait été lancée par l'armée bosnienne; est-ce exact ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous nous avez dit que l'attaque a duré environ dix heures, jusqu'à ce

24 que l'armée bosnienne ne prenne le village; est-ce exact ?

25 R. L'attaque, oui, oui.

26 Q. Il y avait un grand nombre de soldats du HVO qui étaient situés autour

27 du village de Maline ce jour-là; n'est-ce pas ?

28 R. Oui.

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1 Q. Ces soldats du HVO essayaient de défendre le village des attaques de

2 l'armée bosnienne, n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. Maintenant, lorsque l'armée bosnienne a pu prendre le village, est-il

5 exact de dire que certains soldats du HVO ont commencé à fuir vers Guca

6 Gora ?

7 R. Oui, ils ont réussi à fuir vers Guca Gora et Nova Bila.

8 Q. Vous avez expliqué aux Juges de la Chambre que pendant l'attaque, vous

9 vous êtes trouvé dans la cave de la maison de votre frère; est-ce exact ?

10 R. C'était la maison du frère de ma femme, alors que ma maison familiale

11 se trouvait beaucoup plus loin, là où j'étais, mais je suis né était

12 beaucoup plus loin.

13 Q. Très bien. Vous avez passé la majeure partie de cette attaque dans la

14 cave avec votre famille ainsi qu'avec le frère de votre femme; n'est-ce pas

15 ?

16 R. Oui.

17 Q. Ce jour-là, vous avez entendu quelqu'un crier depuis l'extérieur de la

18 maison invitant tous les villageois croates de Bosnie de sortir de leurs

19 maisons; n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Vous-même, vous avez remarqué que certains villageois sortaient des

22 maisons et qu'ils se rendaient, et vous avez vous-même aussi décidé de

23 sortir et de vous rendre ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous êtes donc sorti de la maison avec votre famille, vous avez

26 rencontré d'autres Croates de Bosnie dans la cour devant une maison du

27 village; n'est-ce pas ?

28 R. Oui.

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1 Q. Lorsque l'armée bosnienne a encerclé les villages croates de Bosnie,

2 est-il exact de dire qu'ils vous ont donné un traitement correct; ils ne

3 vous ont pas maltraités, en d'autres mots ?

4 R. Oui.

5 Q. Lorsque l'armée bosnienne vous a encerclés, c'était au centre du

6 village, c'est à ce moment-là que vous vous êtes regroupés ensemble, les

7 Croates de Bosnie ?

8 R. Non, pas tous les Croates de Bosnie, mais une partie des Croates, oui.

9 Q. Vous avez mentionné vous être regroupés avec environ 30 ou 40

10 personnes, des civils, vous avez mentionné ça ?

11 R. Oui.

12 Q. Puis-je savoir si parmi ce groupe, il y avait également des soldats

13 croates qui portaient des uniformes ?

14 R. Oui.

15 Q. Oui, bien. A ce moment-là, l'un des soldats de l'armée bosnienne a

16 donné l'ordre à votre groupe de commencer à marcher vers Mehurici; est-ce

17 exact ?

18 R. Oui.

19 Q. S'agissant de votre groupe, à ce moment-là, le groupe était composé de

20 combien de personnes ? De 30 à 40 personnes, environ ?

21 R. Oui, environ.

22 Q. Vous avez marché depuis Gornje Maline jusqu'au village de Poljanice,

23 vous étiez escortés par trois ou quatre soldats de l'armée bosnienne; est-

24 ce exact ?

25 R. Oui.

26 Q. Vous avez traversé le village de Poljanice, vous vous êtes dirigés en

27 direction de Mehurici; est-ce exact ?

28 R. Oui.

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1 Q. Ai-je raison de dire que c'est à ce moment-là que vous avez rencontré

2 un autre groups composé de 15 à 19 hommes croates marchant dans le sens

3 inverse, en direction de Bikosi; est-ce exact ?

4 R. Oui.

5 Q. Ce groupe-là, composé de Croates de Bosnie, était escorté également par

6 des personnes qui étaient --

7 R. Oui.

8 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que les personnes, les hommes

9 qui escortaient les Croates de Bosnie étaient quatre Moudjahidines ?

10 R. Il y avait des Moudjahidines, mais il y avait également des soldats de

11 l'ABiH qui parlaient le croate.

12 Q. Mais ce n'est pas exact, n'est-ce pas ? Les hommes qui avaient escorté

13 ces Croates de Bosnie, parmi ces hommes, il y avait deux étrangers et deux

14 Moudjahidines locaux ?

15 R. Oui.

16 Q. Et les Moudjahidines du cru portaient des cagoules sur leurs visages et

17 ressemblaient aux ninjas ?

18 R. Oui.

19 Q. Ils ne portaient pas une tenue vestimentaire de l'armée bosnienne,

20 n'est-ce pas ?

21 R. Certains oui, et certains non.

22 Q. Et ces quatre hommes que je décris comme étant des Moudjahidines, ils

23 ont arrêté votre groupe, n'est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Ai-je raison de comprendre que vous êtes allé à l'arrière de votre

26 groupe, donc vous avez eu du mal à voir ce qui se passait exactement devant

27 ?

28 R. Oui, j'étais à la fin du groupe -- au bout de la queue.

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1 Q. Alors pourriez-vous me dire ceci : ces quatre hommes que j'ai décrits

2 comme étant des Moudjahidines, n'est-il pas exact de dire qu'ils ont menacé

3 les soldats de l'armée bosnienne qui escortaient votre groupe avec leurs

4 armes ?

5 R. Je ne sais pas ce qu'ils faisaient entre eux; mais lorsqu'ils ont

6 séparé les 12 personnes, il y avait un certain malentendu, je crois. Je ne

7 sais pas quelle était l'origine de ce malentendu.

8 Q. Alors ces quatre hommes ont séparé les hommes, vous avez mentionné six

9 à sept hommes de votre groupe de Croates de Bosnie; n'est-ce pas ?

10 R. Ils ont choisi environ 12 personnes pour les séparer du groupe.

11 Q. Les 12 hommes qu'ils ont séparés du groupe, est-ce que c'étaient tous

12 des hommes en âge de porter les armes ?

13 R. Oui.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Robson, je vois l'heure et je

15 vous demande si vous pensez que le moment est opportun pour lever la

16 séance.

17 M. ROBSON : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai beaucoup plus de

18 questions, j'imagine qu'il nous faudra nous arrêter maintenant.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

20 Donc cela ne fait aucune différence si on s'arrête maintenant ou plus tard

21 aujourd'hui ?

22 M. ROBSON : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

24 La séance est levée. Nous nous reverrons demain à 9 heures dans la salle

25 d'audience numéro I.

26 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le vendredi 20 juillet

27 2007, à 9 heures 00.

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