Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 20 juillet 2007

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 28.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Permettez-

7 moi maintenant de vous présenter nos excuses pour le retard dû à quelques

8 difficultés que j'ai eues qui échappaient à mon contrôle, mais j'espère que

9 vous me le pardonnerez.

10 Est-ce que vous voudriez bien citer l'affaire, s'il vous plaît.

11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire IT-04-83,

12 le Procureur contre Rasim Delic.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Tout le monde peut se

14 présenter.

15 M. MUNDIS : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes. Pour l'Accusation

16 Daryl Mundis, Laurie Sartorio assistée de Sarai Jacob et notre commise à

17 l'affaire, Mme Alma Imamovic.

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Monsieur le Témoin,

19 puis-je vous rappeler, qu'enfin vous en avez sans doute connaissance, mais

20 il m'incombe de vous rappeler que vous êtes encore tenu par la déclaration

21 solennelle que vous avez prononcée, d'après laquelle vous direz la vérité,

22 toute la vérité et rien que de la vérité. Donc vous devez continuer à le

23 faire aujourd'hui également. Merci beaucoup.

24 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

25 M. LE JUGE MOLOTO : [aucune interprétation]

26 Mme VIDOVIC : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, simplement

27 pour le compte rendu, pour le compte de la Défense de M. Delic, Vasvija

28 Vidovic et Nicholas Robson avec nos assistants, Lana Deljkic et Asja Zujo.

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1 Pardon.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, c'est moi qui vous demande

3 pardon. Merci beaucoup. Madame Vidovic.

4 Monsieur Robson ?

5 M. ROBSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 LE TÉMOIN: BERISLAV MARIJANOVIC [Reprise]

7 [Le témoin répond par l'interprète]

8 Contre-interrogatoire par M. Robson : [Suite]

9 Q. [interprétation] Monsieur Marijanovic, j'aimerais résumer brièvement

10 votre déposition d'hier. Vous nous avez dit qu'après l'attaque ou

11 l'offensive contre le village de Maline, vous avez voyagé avec un groupe de

12 Croates de Bosnie en direction du village Mehurici; est-ce exact ?

13 R. Oui.

14 Q. Ce groupe était escorté par trois ou quatre soldats de l'armée

15 bosniaque, n'est-ce pas ?

16 R. En effet.

17 Q. Après avoir dépassé le village de Poljanica, vous avez remarqué un

18 autre groupe d'environ 15 hommes croates de Bosnie qui voyageaient dans la

19 direction opposée, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Ce groupe de Croates de Bosnie était escorté par deux Moudjahidines du

22 cru et deux Moudjahidines étrangers; est-ce que vous acceptez cette

23 affirmation ?

24 R. Oui.

25 Q. Les Moudjahidines locaux portaient des masques verts et ce sont eux qui

26 ont arrêté votre groupe; est-ce exact ?

27 R. Oui.

28 Q. Ces Moudjahidines ont utilisé la contrainte, la force pour vous séparer

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1 et séparer les autres hommes croates de Bosnie qui étaient dans votre

2 groupe et vous ont obligés à rejoindre les Croates de Bosnie qui se

3 trouvaient dans l'autre groupe; est-ce exact ?

4 R. Oui.

5 Q. Après que les Moudjahidines aient séparé les hommes du groupe dans

6 lequel vous vous trouviez à l'origine, ce premier groupe a continué son

7 chemin en direction de Mehurici; est-ce exact ?

8 R. Le premier groupe qui a dû retourner se déplaçait en direction de

9 Bikosi et de Poljanice. Il s'agissait de Croates de Bosnie qui ont dû

10 rebrousser chemin. J'étais dans le deuxième groupe. Mais après, on a nous

11 obligés à rejoindre le premier groupe de Croates qui a dû retourner vers

12 Poljanice et Bikosi.

13 Q. Puis vous avez parlé d'un groupe de civils dans lequel se trouvaient

14 votre femme et vos enfants, n'est-ce pas, et ce groupe-là a pu continuer en

15 direction de Mehurici; est-ce exact ?

16 R. Oui.

17 Q. Donc après que vous ayez été séparés et intégrés au nouveau groupe

18 d'hommes croates de Bosnie, vous avez continué dans la direction de Maline

19 et vous étiez escortés par ces Moudjahidines, n'est-ce pas ?

20 R. Oui. Nous étions escortés, mais en fait nous allions en direction de

21 Poljanice tout d'abord.

22 Q. Vous nous avez dit que sur votre chemin vous avez rencontré d'autres

23 personnes, vous avez mentionné une femme, Ana Pranjes, et quelques Croates

24 de Bosnie qui étaient blessés également, n'est-ce pas ?

25 R. Oui. Nous avons rencontré ces personnes dans le village de Poljanice.

26 Q. J'aimerais maintenant éclaircir quelque chose que vous avez mentionné

27 dans votre témoignage. Vous avez décrit certains des hommes qui ont séparé

28 les Croates de Bosnie comme étant des membres de l'ABiH. Est-ce que vous

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1 vous souvenez d'avoir dit cela ?

2 R. Oui, je me souviens de cela, c'était en effet le cas, puisqu'ils

3 arboraient les insignes.

4 M. ROBSON : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous

5 pourrions passer à huis clos partiel.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que cela soit fait.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

8 [Audience à huis clos partiel]

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4 [Audience publique]

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

6 M. ROBSON : [interprétation]

7 Q. Monsieur Marijanovic, je voudrais maintenant qu'on vous montre un autre

8 document qui a été fourni à la Défense par l'Accusation. Il s'agit d'une

9 déclaration faite à la Commission chargée de vérification en matière de

10 crimes de guerre pour le territoire de la Croatie de la République croate

11 de l'Herceg-Bosna. Est-ce que vous vous souvenez que je vous ai posé une

12 question concernant cette commission hier ?

13 R. Oui.

14 Q. Maintenant que vous avez eu la possibilité d'y réfléchir, vous

15 rappelez-vous d'avoir fait une déclaration à cette commission ?

16 R. Vous avez dit que j'étais à Medjugorje ? Qu'elle était de Medjugorje ?

17 Q. Cette commission était à Mostar ou, en tous les cas, elle avait sa base

18 à Mostar. Quant à savoir si la déclaration a été faite à Mostar ou

19 ailleurs, ça je ne le sais pas.

20 R. Je n'étais pas à Mostar. En ce qui concerne la déclaration, je ne me

21 souviens pas bien si je l'ai faite ou non. Je ne saurais dire. Mais j'ai

22 fait plusieurs déclarations à l'échelon local, je ne me rappelle pas de

23 toutes, je me rappelle simplement qu'il y avait celle que j'avais faite en

24 l'an 2000.

25 Q. Avant que nous ne voyions ce document, je voudrais simplement vérifier

26 avec vous que la commission parlait de quelqu'un, a parlé avec quelqu'un

27 qui avait donné son nom comme étant Berislav Marijanovic, qui avait un père

28 du nom de Nikola. Est-ce que votre père s'appelait bien Nikola ?

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1 R. Oui.

2 Q. Et la personne à qui ils ont parlé était née le

3 27 février 1966. Est-ce que c'est votre anniversaire, votre date de

4 naissance ?

5 R. Oui.

6 Q. Et la personne à qui ils ont parlé vivait à Paklarevo ou était de

7 Paklarevo dans la municipalité de Travnik.

8 R. Oui.

9 Q. [inaudible]

10 R. C'est exact.

11 M. ROBSON : [interprétation] Regardons maintenant ce document, s'il vous

12 plaît. Il s'agit du document de la Défense portant la cote D105. Les pages

13 particulières qui m'intéressent sont pour la version anglaise la page 4 et

14 pour la version B/C/S la page 3.

15 Maintenant, dans la version anglaise à la page 4, ce qui nous intéresse

16 c'est la deuxième partie du document qui commence par, je cite : "Cette

17 unité était l'unité musulmane," et par conséquent.

18 Q. Monsieur Marijanovic, regardez, s'il vous plaît, la page 3 de la

19 version B/C/S, c'est le deuxième paragraphe vers le haut de la page, en

20 partant du haut de la page.

21 Est-ce que vous voyez dans ce document, Monsieur Marijanovic, où cette

22 personne --

23 R. Oui, je vois.

24 Q. Donc cette personne explique aux membres de la commission, il leur

25 explique, leur parle des personnes qui avaient participé, qui avaient tiré

26 à Bikosi, et ce que l'on lit ici, c'est :

27 "Cette unité était musulmane, c'était leur Djihad; d'autres toutefois

28 -- il y avait une unité musulmane à eux; leurs noms changeaient. Ceux qui

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1 nous escortaient et ceux qui nous tiraient dessus - il y en avait environ

2 sept, je ne me rappelle pas exactement, une certaine confusion, je ne peux

3 pas vous dire combien exactement ils étaient.

4 Au lieu d'exécution, certains les ont rejoints, mais c'était eux qui

5 nous escortaient. Sur les sept, il y avait quatre Moujahidines et trois

6 étaient des gens du cru. Je le savais par leur accent et par leur

7 comportement, et ainsi de suite. Ceux qui étaient des locaux avaient leurs

8 visages cachés par des bas."

9 Voyez-vous ce passage ?

10 R. Oui.

11 Q. Est-ce que vous acceptez que les membres de la commission vous aient

12 probablement parlé pour obtenir ces renseignements et les consigner dans ce

13 document ?

14 R. Oui, je suis d'accord. Je suis d'accord que ces personnes étaient là.

15 Q. Maintenant, la question, juste pour préciser la chose, est que les

16 membres de la commission ont dû vous parler pour obtenir ces renseignements

17 et les inscrire, les consigner par écrit dans ce document, sinon ils

18 n'auraient pas été en mesure de le faire ?

19 R. C'est exact.

20 Q. Donc, lorsque vous avez été interrogé par cette commission, il n'a été

21 fait aucune mention du fait que c'était des membres de l'ABiH qui avaient

22 tiré, qui avaient participé à la fusillade, n'est-ce pas ?

23 R. Je ne sais pas qui d'autre c'était alors.

24 Q. Vous avez été très précis, n'est-ce pas, lorsque vous avez donné ce

25 renseignement. Vous avez dit que c'était des unités musulmanes avec un nom,

26 une sorte de leur Djihad, avez-vous dit.

27 R. Bien, regardez ici, l'armée musulmane, l'ABiH, que j'appelle ainsi, ce

28 n'était pas les Serbes, ce n'était pas une autre armée. Je ne sais pas

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1 comment l'appeler.

2 Q. Si les membres de l'ABiH avaient commis ces meurtres à Bikosi ce jour-

3 là, vous l'auriez dit aux membres de la commission, n'est-ce pas ?

4 R. Maître, nous les appelons l'armée musulmane, l'armée croate et l'armée

5 serbe. C'est comme cela que nous, les locaux, nous les appelions, et c'est

6 ainsi que j'ai fait ma déclaration.

7 Q. Je vous remercie, Monsieur Marijanovic. Je n'ai pas d'autres questions

8 à vous poser. Certainement je ne veux pas que vous ayez à revivre les

9 événements de Bikosi à nouveau.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Maître

11 Robson.

12 Y a-t-il des questions supplémentaires, Madame Sartorio ?

13 Mme SARTORIO : [interprétation] Nous n'avons pas de questions

14 supplémentaires, Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

16 [La Chambre de première instance se concerte]

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Marijanovic, je vous remercie

18 beaucoup d'être venu faire votre déposition. La Chambre de première

19 instance vous remercie d'avoir pu vous libérer par rapport à votre

20 calendrier qui est très chargé pour venir ainsi faire votre déposition ici.

21 Ceci met fin à votre déposition. Vous êtes maintenant autorisé à vous

22 retirer.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

24 [LE témoin se retire]

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Mundis.

26 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Avant que nous

27 ne fassions venir le témoin suivant, nous avons eu un échange de vue, hier,

28 concernant un témoin qui est prévu pour déposer de mardi jusqu'à jeudi la

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1 semaine prochaine, et je pense que

2 Me Vidovic a des observations à faire en ce qui concerne la lettre à la

3 Défense d'hier. Je pense qu'elle voulait s'adresser à la Chambre de

4 première instance sur ce point avant que le témoin suivant n'apparaisse.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Madame Vidovic ?

6 M. MUNDIS : [interprétation] Non, excusez-moi d'interrompre. Mais ce témoin

7 fait l'objet de mesures de protection dans une affaire antérieure, donc je

8 pense que nous pouvons traiter de ceci en audience publique aussi longtemps

9 que le nom du témoin n'est pas prononcé. Si la Chambre a le calendrier,

10 c'est un témoin qui est prévu, sa déposition est prévue de mardi à jeudi de

11 la semaine prochaine.

12 Nous pouvons parler de ceci en audience publique aussi longtemps que

13 tout le monde est au courant du fait qu'il a déjà déposé avec un pseudonyme

14 dans cette affaire antérieure pour laquelle les mesures de protection se

15 poursuivent dans cette affaire-ci, en l'absence d'ordonnance qui annulerait

16 ou modifierait ces mesures de protection.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Il s'agit de celui qui va

18 déposer à partir de mardi la semaine prochaine ?

19 M. MUNDIS : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Et je

20 devrais également dire que lorsque le calendrier a été présenté, a été

21 arrêté, nous n'étions pas au courant du fait que la Chambre ne siégerait

22 pas vendredi le 27. Nous sommes maintenant au courant de ce point, mais

23 ceci expliquerait pourquoi ce calendrier parle de mardi à vendredi pour ce

24 témoin, alors qu'en fait ce sera de mardi à jeudi.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Nous comprenons ce dont

26 vous parlez. Maître Vidovic, est-ce que vous êtes en mesure de vous

27 exprimer sur cette question en audience publique, sans en quoi que ce soit

28 gêner les mesures de protection ?

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1 Mme VIDOVIC : [interprétation] Oui, nous pouvons le faire, j'en suis en

2 mesure, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y.

4 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, comme mon confrère,

5 M. Mundis, vient de le dire, c'est hier que nous avons reçu cette

6 proposition dans une lettre de l'Accusation, dans laquelle ils demandaient

7 que, conformément aux dispositions de l'article 92 ter, les sept auditions

8 de ce témoin puissent être versées au dossier de la présente affaire, y

9 compris, je crois, l'interrogatoire enregistré au magnétophone de ce témoin

10 et dont j'ai parlé lors de la conférence préalable au procès.

11 Monsieur le Président, nous avons eu l'occasion de discuter de ceci à

12 plusieurs reprises hier, et nous avons effectivement un problème que nous

13 ne sommes pas en mesure de résoudre, à savoir que nous avons beaucoup

14 progressé dans notre contre-interrogatoire. J'ai déjà dit que c'était une

15 déposition très complexe, de sorte que le contre-interrogatoire est en

16 train d'être préparé sur la base de la déclaration que le témoin avait

17 faite dans cette affaire, c'est-à-dire dans l'affaire du procès du général

18 Delic.

19 Les autres déclarations sont très volumineuses, ceci représente au moins

20 650 pages de compte rendu d'audience du Tribunal, 12 heures de cette

21 interview, de cette audition, plus de 60 pages pour les autres auditions.

22 Donc j'ai certainement lu et analysé ceci avec beaucoup de soin, analysé

23 les déclarations qui ont déjà été faites. Mais ce n'est pas simplement une

24 question de les lire, il y a également une question qui est de savoir,

25 comme je procède pour préparer mon contre-interrogatoire, à savoir analyser

26 les éléments de preuve qui ont été fournis lors de la déposition du témoin.

27 Il n'y a aucune possibilité quelle qu'elle soit pour moi dans les

28 délais très brefs de préparer mon contre-interrogatoire en ce qui concerne

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1 les sept autres déclarations. Avec votre permission, je pense que personne

2 d'autre ne serait en mesure de le faire. J'ai extrêmement peu de temps pour

3 me préparer. Le compte rendu représente environ 12 heures et demie. Je l'ai

4 reçu il y a seulement deux semaines. Ceci demande des efforts considérables

5 de ma part pour préparer le contre-interrogatoire sur la base d'un compte

6 rendu de cette longueur que j'ai reçu il y a deux semaines.

7 Je vous prie de me croire, Monsieur le Président, je ne vais pas être en

8 mesure de pouvoir procéder à mon contre-interrogatoire sur cette base. Je

9 suis sûr que l'Accusation pense qu'elle va gagner beaucoup de temps, du

10 temps nécessaire pour l'interrogatoire principal. Toutefois, même si

11 j'avais su un mois plus tôt son intention d'avoir ces comptes rendus versés

12 au dossier du procès, certainement, j'aurais demandé trois fois plus de

13 temps pour préparer le contre-interrogatoire. Donc je pense que ceci

14 n'aurait même pas été justifié par des considérations d'économie de temps

15 pour la Chambre.

16 Certainement, il va falloir que je traite de toutes les parties des

17 déclarations faites précédemment ainsi que des auditions. C'est la raison

18 pour laquelle je ne peux commencer le contre-interrogatoire de ce témoin

19 que sur la base de la déclaration faite contre mon client dont c'est la

20 présente affaire.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Maître Vidovic, j'ai entendu vos

23 arguments. Alors, à quoi levez-vous des objections, contre quoi, que

24 demandez-vous ? En une phrase, s'il vous plaît.

25 Mme VIDOVIC : [interprétation] Mon objectif, en fait, c'est que

26 l'Accusation n'a pas adressé une requête à la Chambre de première instance.

27 Ce que je demande c'est que les déclarations faites antérieurement par ce

28 témoin ne soient pas versées au dossier et que l'interrogatoire de ce

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1 témoin se poursuive mardi, mais sur la base de la déclaration qu'il a faite

2 dans la présente affaire. Ce à quoi je souhaite m'opposer, c'est à ce que

3 ces déclarations faites conformément à l'article 92 ter soient admises.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Maître

5 Vidovic.

6 Il est temps de faire une suspension de séance. Je suggère que l'on

7 suspende la séance et que l'on reprenne cette discussion lorsqu'elle

8 reprendra. Je vous remercie beaucoup, Maître Vidovic.

9 Pour le moment la séance est suspendue et nous reviendront à onze

10 heures moins quart.

11 --- L'audience est suspendue à 10 heures 18.

12 --- L'audience est reprise à 10 heures 44.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Mundis, pourquoi souhaitez-

14 vous que ce témoin achève sa déposition avant les vacances judiciaires ?

15 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

16 Juges, je répondrai à cette question s'il y a des questions qui restent -

17 bon, ma collègue, Mme Sartorio traitera du témoins. Mais en ce qui concerne

18 -- de façon à pouvoir -- nous avons composé cet ordre de façon à gagner du

19 temps, de façon à ce que témoin puisse achever sa déposition avant les

20 vacances judiciaires à la fois pour des questions de commodité et également

21 pour le témoin, mais aussi en raison du fait qu'avec les contraintes de

22 temps qui s'imposent à nous tous ici au Tribunal, nous pensons que la

23 déposition de ce témoin pourrait être achevée en trois jours complets

24 d'audience du Tribunal si les dispositions particulières de

25 l'article 92 ter du Règlement sont appliquées en ce qui concerne cette

26 partie de la déposition de ce témoin.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui. Mais il nous semble que tant

28 l'Accusation que la Défense, pour l'une comme pour l'autre, il s'agit d'un

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1 témoin très important, et des considérations de justice et de procès

2 équitable, il ne faut pas évidemment que ceci ait davantage de poids --

3 est-ce que ça n'a pas plus de poids que les considérations de sévérité ?

4 M. MUNDIS : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président. Et si

5 j'avais eu 150 à 200 heures de possibilité d'interrogatoire principal pour

6 mes propres arguments, il est probable qu'on aurait pu procéder à des

7 interrogatoires plus développés, plus longs de ce témoin. Mais pour tous

8 ces procès qui sont portés dans le Tribunal, il faut prendre en

9 considération tous ces facteurs variés et divers; et un résultat de ceci

10 c'est que nous avons décidé du côté du bureau du Procureur de réduire le

11 temps que nous allons consacrer à ce témoin de façon à ce que nous

12 puissions présenter les arguments les plus complets à la Chambre de

13 première instance d'après le temps qui nous a été imparti.

14 Et comme résultat de ceci, je pense que ce témoin à l'origine était

15 prévu comme devant déposer pendant six heures pour l'interrogatoire

16 principal. Nous avons ramené ceci à trois heures, tout en même temps en

17 essayant de conserver, à notre avis respectueux, un temps suffisant pour

18 que la Défense puisse procéder à son contre-interrogatoire du témoin et

19 pour que les questions qui pourraient se poser puissent être évoquées au

20 niveau des questions supplémentaires et, bien entendu, et pour nous essayer

21 de conserver autant de temps que possible pour les questions que

22 souhaiteraient poser les membres de la Chambre.

23 C'est la raison pour laquelle j'ai proposé cette procédure, cette

24 variation, si vous voulez, de l'article 92 ter, qui permet de façon précise

25 que les dépositions soient entendues en totalité ou en partie par la voie

26 de pièces écrites. Ce témoin a déposé précédemment. Il a déposé sur un

27 certain nombre de questions qui sont exactement les mêmes que celles qui

28 sont pertinentes dans la présente affaire, et là encore, ce témoin fait

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1 l'objection de contre-interrogatoire sur ces questions. Il a été questionné

2 par les membres de la Chambre de première instance dans l'autre procès. Sur

3 ces questions, nous pensons que vu les limites de temps, les contraintes de

4 temps, si nous sommes autorisés à faire appliquer l'article 92 ter de façon

5 à ce qu'une partie de sa déposition puisse être reçue selon les

6 dispositions qui sont prévues à cet article.

7 Bien entendu, nous avons un certain nombre de documents à traiter

8 avec le témoin, donc nous ne pouvons pas simplement utiliser la procédure

9 92 ter avec ce témoin. Mais il faudrait qu'on lui pose d'abord certaines

10 questions qui permettent d'éclaircir certaines de ses dépositions

11 antérieures et renseignements qu'il aurait donnés antérieurement dans la

12 déclaration précédente, de façon à lui montrer certains documents qui, nous

13 le pensons, vu les contraintes générales, je ne parle pas seulement de

14 l'Accusation, mais également de la Défense et de la Chambre. Avec ces

15 contraintes générales, nous pensons qu'on pourrait, de façon adéquate,

16 examiner, entendre ce témoin en trois heures d'interrogatoire principal ce

17 qui, en fait, représenterait une journée d'audience et un peu moins qu'une

18 journée d'audience, à ce moment-là ça resterait deux jours pour un contre-

19 interrogatoire, pour les questions supplémentaires et pour les questions

20 que les membres de la Chambre souhaiteraient poser.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je ne veux pas que vous ayez mal

22 compris la Chambre de première instance. La Chambre apprécie vivement que

23 vous suggériez ceci pour gagner du temps. En même temps, la Chambre

24 souhaiterait qu'il y ait toutes les garanties d'équité, le procès équitable

25 pour l'accusé. Quel que soit le caractère rapide que nous souhaitions

26 avoir, nous voulons également nous assurer que nous ne compromettons

27 nullement le procès équitable, l'équité du procès.

28 Et la question que je veux poser : dans l'éventualité vraisemblable que la

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1 Défense ne soit pas en mesure de procéder à un contre-interrogatoire de ce

2 témoin et terminé son contre-interrogatoire avant les vacances judiciaires,

3 il faudra que ce témoin revienne. Et je voudrais savoir dans quelles

4 mesures ceci poserait des problèmes à l'Accusation ?

5 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, ce ne serait pas des

6 problèmes majeurs. J'ai parlé de ces questions avec la Défense. Je ne veux

7 pas m'exprimer à la place de mes confrères, mais d'après ce que j'ai

8 compris lors de nos entretiens, c'était que la Défense préférait également

9 qu'il n'y ait pas d'interruption soit entre l'interrogatoire principal et

10 le contre-interrogatoire, ou que le contre-interrogatoire soit interrompu,

11 soit coupé en deux, en quelque sorte.

12 Donc j'ai toujours fait, j'ai toujours arrangé les choses pour que

13 les témoins puissent, au cours des semaines suivantes, des deux semaines du

14 mois d'août, par exemple, pourraient revenir, par exemple, à la mi-

15 septembre et achever tout contre-interrogatoire qui n'aurait pas été

16 achevé. Mais nous devons aussi dire que ce témoin fait l'objet précédemment

17 de contre-interrogatoire sur un très grand nombre de ces questions. Donc le

18 contre-interrogatoire ne serait peut-être pas aussi long sur ces questions

19 que ce ne serait le cas sans cela. S'il doit s'agir d'un interrogatoire

20 complet de vive voix, c'est-à-dire que si la Chambre de première instance a

21 les comptes rendus des dépositions antérieures du témoin, il est évident

22 que ceci pourrait comprendre également les contre-interrogatoires dans ces

23 autres procès.

24 Je n'ai pas à ce stade d'indication de la Défense en ce qui concerne

25 le temps dont ils pensent qu'ils auraient besoin pour le contre-

26 interrogatoire de ce témoin. Donc je ne veux pas faire de commentaire là-

27 dessus. Bien entendu, ça dépend de la teneur de l'interrogatoire principal

28 et des commentaires du témoin en ce qui concerne un certain nombre de

Page 971

1 documents que nous allons lui présenter, que nous allons faire verser au

2 dossier par son truchement. C'est un peu prématuré et difficile pour moi

3 d'évaluer s'il sera possible pour la Défense de terminer son contre-

4 interrogatoire dans les quelque deux jours ou deux jours et demi de temps

5 d'audience qu'ils auront à la disposition.

6 Je ne voudrais pas à ce stade -- enfin, il n'y aurait pas

7 d'inconvénients majeurs pour l'Accusation ce témoin doive revenir à la mi-

8 septembre, mais il se peut qu'il y ait des inconvénients majeurs pour le

9 témoin. Alors, ce n'était pas la voie que la Défense souhaiterait voir

10 adopter, mais nous pensons que la quantité de temps qui est disponible est

11 suffisante pour entendre entièrement ce témoin comme je l'ai déjà indiqué.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Finalement, si l'Accusation, suivant

13 la procédure 92 ter qu'elle présente, devait éclairer et condenser les

14 documents qui sont présentés par le truchement de ce témoin pour ramener ça

15 à un chiffre inférieur, moins de 650 pages, les 650 pages mentionnées, ceci

16 faciliterait peut-être l'interrogatoire principal de ce témoin dans des

17 délais, dans la quantité de temps que vous suggérez.

18 M. MUNDIS : [interprétation] A titre de commentaire général sur cette

19 question, je pense que c'est important pour l'ensemble du procès, y

20 compris, bien entendu, les arguments à décharge présentés par la Défense,

21 s'il doit y avoir à la suite de la phase 98 bis, de l'article 98 bis, à ce

22 moment-là, je m'adresserai à Mme Sartorio en ce qui concerne les

23 particularités de ce témoin.

24 Mais je peux juste faire des commentaires généraux à cet égard, et la

25 Chambre est certainement consciente du fait que, selon les commentaires de

26 l'Accusation en matière de directives pour ce procès, nous notons que le

27 recours à l'article 92 ter n'a pas été spécifiquement examiné dans les

28 directives en question. Nous allons donc spécifiquement demander qu'on

Page 972

1 veuille bien nous éclairer sur ce problème. Il est possible pour

2 l'Accusation de réduire ces comptes rendus, la transcription des comptes

3 rendus, en effet, en une nouvelle déclaration 92 ter. Le problème c'est

4 qu'il faudra qu'une telle déclaration soit produite à la Défense lundi

5 après-midi, immédiatement avant que nous le présentions nous-mêmes, ceci

6 nous amène à mardi. Il faudra donc qu'il y ait un interrogatoire principal

7 à ce moment-là.

8 Il est peu probable que nous soyons à même de produire une

9 déclaration qui condenserait ces documents jusqu'à un moment, ou très peu

10 de temps avant, que le témoin ne comparaisse ce qui pourrait créer d'autres

11 problèmes.

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je me suis peut-être mal exprimé. Ce à

13 quoi je pensais, c'était que l'Accusation fasse déposer le témoin non pas

14 comme témoin 92 ter, mais comme un témoin ordinaire au titre de l'article

15 65 ter, qu'elle se concentre sur ces parties des 650 pages qui sont si

16 importantes que cela pour l'Accusation, en fait, et ces 650 pages peuvent

17 être réduites à un nombre bien inférieur, et on pourrait à ce moment-là les

18 présenter, cela pourrait être présenté à la Défense pour le contre-

19 interrogatoire qui prendrait le temps qui lui est nécessaire. Après cela,

20 s'il fallait que le témoin revienne après les vacances judiciaires, qu'il

21 en soit ainsi.

22 M. MUNDIS : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le

23 Président.

24 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

25 M. MUNDIS : [interprétation] Monsieur le Président, ayant consulté Mme

26 Sartorio qui, comme je l'ai indiqué, sera la personne qui conduira

27 l'interrogatoire principal de ce témoin, il serait possible de faire cela.

28 Toutefois, ceci nécessitera six heures d'interrogatoire principal, ce qui

Page 973

1 aura pour résultat, qu'à l'évidence, le témoin devra revenir pour un

2 contre-interrogatoire; et à ce moment-là, la question devient de savoir si

3 la Défense commence son contre-interrogatoire dès maintenant ou si le

4 contre-interrogatoire s'étendra tout simplement, il faudra qu'à ce moment-

5 là que l'on prévoie que le témoin reviendra à un moment donné probablement

6 à la mi-septembre pour le contre-interrogatoire.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. La raison

8 pour laquelle je vous demande ceci, c'est parce que vous avez dit dans

9 cette lettre adressée à Me Vidovic, pour ce qui est de l'interrogatoire

10 limité de se centrer sur ces parties des déclarations et des dépositions

11 qui sont pertinentes aux fins du présent procès. Je pense que là encore les

12 considérations de procès équitable pèsent beaucoup plus lourd dans la

13 balance, et si le témoin doit revenir, qu'il en soit ainsi.

14 M. MUNDIS : [interprétation] Je comprends parfaitement, je suis

15 parfaitement d'accord, à savoir qu'à l'évidence, il peut y avoir des

16 situations dans lesquelles le témoin doit revenir pour un contre-

17 interrogatoire, et il se peut très bien que ce témoin entre dans cette

18 catégorie. Mais ce qui me préoccupe, bien sûr, pour ce qui est du procès

19 équitable, de l'équité, comme le dit à juste titre la Chambre de première

20 instance, en ce qui concerne l'équité à l'égard de l'accusé pour un procès

21 équitable, bien entendu, nous pensons que l'Accusation est également en

22 droit à ce que le procès se présente de façon équitable pour ce qui est de

23 la quantité de temps que nous aurons à notre disposition.

24 La Chambre est parfaitement consciente de ce problème qui a déjà été évoqué

25 et qui continuera, à mon avis, d'être un problème jusqu'au moment où il y

26 aura une décision sur la requête que nous allons présenter au titre de

27 l'article 72 bis(F) [comme interprété] qui est encore pendante. Ces

28 chiffres que nous proposons dans l'annexe, l'annexe A, pour cette pièce

Page 974

1 écrite, clairement avaient prévu trois heures d'interrogatoire principal

2 pour ce témoin, parce que nous étions en train de développer, de réfléchir

3 à la façon dont on pourrait réduire le temps de procédure.

4 Là encore, notre préoccupation sera que si cela prend dans les six

5 heures au lieu de trois, cela aura pour résultat que nous nous trouverons

6 bloqués par la suite. Mais nous agirons comme la Chambre de première

7 instance nous indique de le faire, et je voulais simplement faire inscrire

8 au procès-verbal, au compte rendu d'audience, nos préoccupations qui, je

9 crois, continueront de constituer des problèmes à cause des contraintes de

10 temps pour toutes les parties à ce procès.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Mundis, j'ai bien compris

12 votre argumentation, je la comprends avec la sympathie voulue. Etant donné

13 l'importance que tout le monde semble attacher à ce témoin, je suggère que

14 si cela doit prendre six heures pour l'Accusation de faire l'interrogatoire

15 principal, qu'il en soit ainsi, et la décision concernant la requête 73

16 bis(F), si nous tenons compte de ce problème. Nous allons donc entendre ce

17 témoin de façon aussi complète que nous le pourrons.

18 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous en prie. Est-ce que ceci

20 convient pour vous, Maître Vidovic.

21 Mme VIDOVIC : [interprétation] Absolument, Monsieur le Président, que

22 l'Accusation prenne six heures comme elle l'a envisagé. Ce qui est

23 important pour nous, c'est que nous puissions avoir suffisamment de temps

24 pour le contre-interrogatoire et suffisamment de temps pour préparer le

25 témoin en l'espèce, nous sommes tout à fait d'accord avec la décision de la

26 Chambre.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Madame.

28 Donc ceci a été décidé.

Page 975

1 Monsieur Mundis, appelez votre témoin.

2 M. MUNDIS : [interprétation] L'Accusation appelle Zdravko Pranjes. C'est

3 mon collègue, Monsieur Menon, qui va interroger ce témoin.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le témoin peut-il prêter serment,

7 peut-il dire la déclaration solennelle.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

9 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

10 LE TÉMOIN: ZDRAVKO PRANJES [Assermenté]

11 [Le témoin répond par l'interprète]

12 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Vous pouvez vous

13 asseoir.

14 Monsieur Menon ?

15 M. MENON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Interrogatoire principal par M. Menon :

17 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Pranjes.

18 R. Bonjour.

19 Q. Veuillez dire votre nom, votre prénom, votre date et lieu de naissance

20 pour le compte rendu d'audience, s'il vous plaît.

21 R. Je suis Zdravko Pranjes. Je suis né à Travnik le

22 12 juillet 1962.

23 Q. Où avez-vous grandi, Monsieur Pranjes ?

24 R. Dans le village de Maline.

25 Q. Est-ce que vous pourriez décrire quelle était la composition ethnique

26 de Maline ?

27 R. Le village de Maline est constitué en partie, de la partie musulmane en

28 haut. Puis il y a la partie basse. Nous, les Croates, nous étions dans la

Page 976

1 partie supérieure de Maline, et les Musulmans dans la partie inférieure.

2 Q. Monsieur Pranjes, étiez-vous jamais membre du HVO ?

3 R. Oui.

4 Q. A quel moment avez-vous rejoint les rangs du HVO ?

5 R. Fin 1992.

6 Q. Y a-t-il eu une brigade, une unité particulière que vous avez intégrée

7 ?

8 R. Oui, la Brigade de Frankopan.

9 Q. Où était stationnée cette unité ?

10 R. La base était à Guca Gora.

11 Q. Monsieur Pranjes, vous avez dit que vous avez grandi dans le village de

12 Maline.

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce qu'au printemps 1993, ce village comportait votre maison ?

15 R. Oui. Ma maison était là-bas. C'est là que je vivais.

16 Q. Merci. Au cours de cette période, comment décririez-vous les rapports

17 entre les Musulmans de Bosnie et les Croates de Bosnie dans la région

18 autour de Maline et à Maline même ?

19 R. Bien, la situation était normale.

20 Q. Je parle du printemps 1993. Est-ce que les rapports se sont détériorés

21 à un moment donné ?

22 R. Oui, les rapports se sont détériorés.

23 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire de quelle manière ceci s'est

24 détérioré ?

25 R. Il y a eu quelques incidents.

26 Q. Est-ce que vous pourriez décrire ces incidents ?

27 R. C'était un jeudi, on allait au marché de Travnik, mon père, un cousin

28 et sa femme, et moi. Le matin lorsqu'on allait en ville tout était normal

Page 977

1 comme tous les jours. Cependant, en rentrant, et en entrant à Guca Gora,

2 nous avons vu qu'il y a eu un grand nombre de personnes qui regardaient

3 quelque chose le long de la route.

4 Nous ne nous sommes pas arrêtés, nous avons poursuivi notre chemin

5 jusqu'à Maline le haut, et ils ont tiré sur nous, depuis Donje Maline,

6 Maline le bas. C'est seulement lorsque je suis arrivé au village que j'ai

7 vu que la voiture avait été touchée par balle. A partir de ce moment-là, la

8 situation est devenue tendue.

9 Q. Quelles mesures avez-vous prises, vous et d'autres villageois de Maline

10 et des villages aux alentours afin de protéger ces villages croates de

11 Bosnie si, effectivement, vous avez pris de telles mesures ?

12 R. Nous avons monté la garde dans les collines, déjà il y avait une espèce

13 de ligne. Nous avons renforcé les mesures. Nous étions plus en éveil et on

14 faisait plus attention à ce qui se passait.

15 Q. Est-ce que vous pourriez nous décrire où se trouvait la ligne ? Vous

16 parlez de quel endroit ?

17 R. C'était entre les maisons du village. Il est difficile de dire avec

18 exactitude. C'était entre les maisons, puis en haut le long de la Greda

19 jusqu'à Suhi Dol et Mekuc.

20 M. MENON : [interprétation] Je souhaite que l'on montre au témoin la

21 version électronique de la carte numéro 9 de l'Atlas. Le numéro ERN est

22 0618-6704. Je vais demander au témoin de poser quelques annotations, je

23 demanderais donc à l'huissier de l'aider. Est-ce que vous pourriez montrer

24 la partie inférieure du document, de la carte ?

25 Q. Monsieur Pranjes, voyez-vous la carte devant vous ?

26 R. Oui.

27 Q. Très bien. Là je parle de positions défensives qui, comme vous l'avez

28 dit, ont été mises en place afin de protéger les villageois.

Page 978

1 R. [Le témoin s'exécute]

2 Q. [aucune interprétation]

3 R. C'est cela.

4 Q. Merci, Monsieur Pranjes.

5 M. MENON : [interprétation] Je demanderais au témoin d'apposer encore une

6 annotation, donc je demanderais que la carte reste à l'écran.

7 Q. Monsieur Pranjes, est-ce que votre village, le village de Gornje

8 Maline, Maline le haut, a jamais fait l'objet d'une attaque ?

9 R. Non, mais de temps en temps ils tiraient. L'avant-dernière journée, ils

10 ont tiré sur le village.

11 Q. Lorsque vous dites, "l'avant-dernière journée," vous faites référence à

12 quelle date ?

13 R. Le 7 juin.

14 Q. Je souhaite que l'on parle maintenant du 8 juin. Est-ce que votre

15 village a subi une attaque ce jour-là ?

16 R. Ce matin-là, à 5 heures du matin, le village a été attaqué.

17 Q. Vous dites à "5 heures du matin," vous faites référence à quel jour ?

18 R. Le 8 juin 1993.

19 Q. Qui était responsable de cette attaque ?

20 R. Je ne sais pas qui il était.

21 Q. Savez-vous quelles forces ont attaqué ce jour-là ?

22 R. Oui. C'étaient des forces musulmanes. Vous le savez.

23 Q. Très bien. Lorsque cette attaque a été lancée, où étiez-vous ?

24 R. J'étais dans ma position en haut, là où j'avais été déployé, à Greda.

25 Q. Je vous demanderais maintenant d'apposer une annotation sur la carte

26 que vous avez devant vous. Prenez, s'il vous plaît, le stylo bleu. Vous

27 avez indiqué que vous étiez à Greda. Est-ce que vous pourriez apposer la

28 lettre "X" à l'emplacement de Greda ?

Page 979

1 R. [Le témoin s'exécute]

2 Q. Merci.

3 M. MENON : [interprétation] Je souhaite demander le versement au dossier

4 de cette pièce à conviction.

5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Avant de faire cela, Monsieur le

6 Procureur, je souhaite essayer de mieux comprendre l'importance et la

7 signification de la ligne rouge tracée par le témoin. Est-ce que ceci

8 représente la ligne de front ? Est-ce qu'ils avaient des tranchées le long

9 de ces lignes ou bien c'était simplement une zone utilisée pour leurs

10 patrouilles ? Est-ce que cette ligne se déplaçait par la suite ? Quelle

11 était la signification de cette ligne ? Je n'ai pas tout à fait compris ce

12 que disait le témoin par rapport à cela.

13 M. MENON : [interprétation]

14 Q. Monsieur Pranjes, vous avez entendu la question du Juge. Que signifiait

15 cette ligne que vous avez marquée en rouge ? Quelle était la raison de

16 l'avoir établie ?

17 R. C'est là que nous avions nos tranchées. Nous les avions car nous avions

18 peur d'une attaque. Donc c'est là qu'on avait les tranchées et on montait

19 la garde.

20 Q. Donc c'était une ligne de défense, n'est-ce pas ?

21 R. Oui, oui.

22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que vous savez s'il y a des

23 soldats du HVO le long de ces lignes avec les tranchées au cours de cette

24 période, au moins en juin 1993 ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y avait que nous du village.

26 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] La raison pour laquelle je pose cette

27 question est pour savoir si quelqu'un voulait traverser vos lignes en

28 marchant, disons, du nord vers le sud, est-ce que la personne rencontrerait

Page 980

1 nécessairement vos troupes au moment de traverser cette ligne ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces derniers temps, ils n'y passaient pas. Il

3 y avait des gens qui passaient sans problème de Donje Maline. C'étaient des

4 bergers qui gardaient leurs moutons, mais les gardes étaient là simplement

5 pour riposter au cas où un soldat ou quelqu'un tirerait sur nous. Si on

6 tirait sur nous, nous, on ripostait.

7 Mme LE JUGE LATTANZI : Moi aussi j'ai une question à propos de cette ligne.

8 Vous avez dit, Monsieur le Témoin, que les Croates, les habitants du

9 village Maline, résidaient dans la partie supérieure de Maline, Gornje

10 Maline. Alors je ne comprends pourquoi cette ligne de défense passe à

11 travers, en partageant en deux à travers le village.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que les Musulmans tiraient sur nous. Il

13 n'y avait pas d'autres moyens d'établir la ligne.

14 Mme LE JUGE LATTANZI : Pourquoi pas au-dessous de Gornje Maline, la partie

15 inférieure de la ligne ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] La partie en haut c'est Gornje Maline et en

17 bas, c'est Donje Maline. Je ne suis pas exactement sûr de la frontière

18 entre les deux, la frontière entre Gornje et Donje Maline, mais je

19 considérais que la frontière était à peu près là.

20 Mme LE JUGE LATTANZI : Alors c'est peut-être seulement une question de la

21 ligne que vous avez apposée. Merci.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Menon.

23 M. MENON : [interprétation]

24 Q. Monsieur Pranjes, que divise Gornje Maline, Maline le haut de Maline le

25 bas, Donje Maline ? Est-ce qu'il y a une structure qui les sépare ou un

26 certain territoire bien marqué ?

27 R. Il n'y a rien qui sépare les deux. Il y avait quelques maisons mixtes.

28 Il y avait des maisons musulmanes dans la partie croate de la ville et il y

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1 avait un petit sentier; sinon, il n'y avait pas de séparation claire entre

2 les deux.

3 Q. Merci. Vous dites que vous avez été déployé à Greda.

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que vous vous souvenez des noms des autres personnes qui ont été

6 déployées avec vous à Greda, et si oui, est-ce que vous pouvez nous les

7 dire ?

8 R. Il y avait Jako Tavic, ensuite Franjo Martinovic.

9 Q. Très bien. Merci. En réponse à l'attaque qui a eu lieu, qu'avez-vous

10 fait ?

11 R. Nous avons riposté par le tir.

12 Q. Avez-vous continué à tirer sur les forces qui vous attaquaient ou bien

13 avez-vous fait autre chose ? Excusez-moi.

14 R. Au début, on tirait pendant qu'on pouvait être là. Après, on a vu qu'on

15 était encerclé, enfin qu'ils tiraient déjà sur des maisons en bas et qu'il

16 y avait des balles incendiaires qui étaient tirées. Lorsqu'on a vu tout ça,

17 nous aussi nous nous sommes retirés. Certaines maisons étaient incendiées

18 avec les balles incendiaires.

19 Q. Est-ce que vous êtes retiré à un endroit en particulier ?

20 R. Je me suis retiré près de ma maison, dans une maison appartenant à un

21 cousin. C'est là que se trouvait l'hôpital de Maline.

22 Q. Il s'agissait du village de Gornje Maline ?

23 R. Oui, Gornje Maline.

24 Q. Vous avez dit que vous vous êtes retiré à la maison de votre cousin. Il

25 s'appelait comment ?

26 R. Ivo Pranjes.

27 M. MENON : [interprétation] Je souhaite demander, Monsieur le Président,

28 que la carte avec les annotations du témoin soit versée au dossier. Elle

Page 982

1 est toujours à l'écran.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] La carte est versée au dossier. Peut-

3 on lui attribuer une cote.

4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce numéro 132.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

6 M. MENON : [interprétation]

7 Q. La maison de M. Ivo Pranjes, est-ce qu'elle était utilisée dans un

8 certain but; et si oui, dans quel but ?

9 R. On l'utilisait pour les blessés; et Ivo, lui, il vivait normalement à

10 l'étage.

11 Q. Etes-vous entré à l'intérieur de cet hôpital de fortune ?

12 R. Oui. J'y suis allé. La femme qui a été touchée par balle et tuée, je

13 l'ai amenée là-bas. Moi et Jako Tavic, nous l'avons fait.

14 Q. Donc lorsque vous êtes entrés dans la maison, l'attaque qui avait été

15 lancée contre le village se poursuivait, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce que vous pourriez nous expliquer comment cette attaque s'est

18 terminée ?

19 R. Ils proposaient les négociations. Deux femmes sont allées négocier :

20 Ljubica Djakovic et Kata Blazevic. Peu de temps après, elles sont rentrées.

21 Elles nous ont dit qu'il fallait que l'on rende nos armes. Nous avons rendu

22 nos armes. Ljubica et Kata y ont apporté les armes. Les Musulmans, ou une

23 partie d'entre eux, étaient déjà descendus entre les maisons. Ensuite, ils

24 sont venus et l'armée musulmane est venue avec eux auprès de nous.

25 Q. Est-ce que vous pouvez nous expliquer qui étaient Ljubica Djakovic et

26 Kata Blazevic ?

27

28 R. Ljubica était une infirmière et Kata l'aidait.

Page 983

1 Q. Où étaient-elles au moment où ces appels de reddition ont été lancés.

2 R. Elles étaient à l'hôpital.

3 Q. Très bien. Vous avez dit -- vous avez fait référence dans votre réponse

4 précédente à l'armée musulmane. Comment saviez-vous que c'était une armée

5 musulmane ?

6 R. Ce jour-là, nous avons entendu parler de cela et d'après leurs

7 vêtements, d'après la direction depuis laquelle ils venaient, d'après

8 l'endroit où ils nous amenaient. Je pense que cela nous suffisait pour

9 comprendre.

10 Q. Vous avez dit aussi -- je vais reformuler. Lorsque l'armée musulmane

11 est entrée dans le village, où étiez-vous ?

12 R. J'étais devant l'hôpital.

13 Q. Très bien. Parmi les soldats qui sont venus à l'endroit où vous étiez,

14 est-ce qu'il y en avait un qui était en charge ?

15 R. Oui, il y avait un jeune homme blond. Il était un peu blessé. Il avait

16 un pansement blanc, il saignait un peu. Et le pansement était sur sa tête.

17 Q. Est-ce que vous pourriez décrire l'aspect physique des autres soldats

18 qui étaient autour de l'hôpital ?

19 R. Ils avaient des uniformes verts de l'armée.

20 Q. Le soldat qui était en charge, est-ce qu'il vous a donné l'ordre à vous

21 et aux autres qui étaient à l'hôpital de faire quoi que ce soit ?

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Attendez, Monsieur Menon.

23 M. MENON : [interprétation] Excusez-moi.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] J'étais préoccupé en disant que

25 probablement vous alliez mettre les mots à la bouche du témoin. Donc

26 veuillez reformuler cette question.

27 M. MENON : [interprétation] Je m'excuse.

28 Q. Le soldat qui était en charge, est-ce qu'il a donné un ordre aux

Page 984

1 personnes qui étaient autour de l'hôpital; et si oui, lequel ?

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense que vous devriez demander au

3 témoin ce qui s'est passé ensuite, et ensuite il vous dira si un ordre a

4 été donné ou pas.

5 M. MENON : [interprétation] Merci.

6 Q. Monsieur Pranjes, après que vous vous êtes regroupés à l'extérieur de

7 l'hôpital que s'est-il passé ensuite.

8 R. Nous avons amené une femme qui avait été blessée pendant l'attaque.

9 C'était une femme enceinte. On l'a amenée dans la maison de Stipe Jacovic.

10 On l'a apportée à l'hôpital. Après ils ont demandé à qui appartenait le

11 véhicule qui était dans le garage. Ils ont dit qu'il fallait que je leur

12 donne la clé. En fait, c'est moi qui devais la conduire à l'extérieur du

13 garage. Ensuite il a pris la clé de moi, ensuite ils ont pris la clé d'un

14 camion appartenant à un cousin, ensuite ils ont dit que les femmes devaient

15 prendre les objets les plus indispensables des maisons, qu'il fallait que

16 l'on relâche le bétail des étables et qu'il fallait que l'on prenne la

17 route sur laquelle se trouvait encore la colonne des Croates un peu plus

18 bas vers Travnik et qui se déplaçait vers la direction de Mehurici.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Pranjes, vous dites sans

20 cesse "ils ont donné l'ordre que je leur donne la clé, et ainsi de suite."

21 C'est qui "ils" ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] L'armée musulmane.

23 M. MENON : [interprétation]

24 Q. Vous avez dit que l'on a emmené une voiture. Est-ce qu'il y a eu

25 d'autres incidents où des véhicules ont été emmenés ?

26 R. Oui.

27 Q. Donc d'autres incidents où des véhicules ont été emmenés du village ?

28 R. Oui. Le camion de mes parents a été emmené également.

Page 985

1 Q. Merci. Vous avez parlé de cette colonne qui se déplaçait en direction

2 de Mehurici. Combien de personnes comptaient cette colonne ?

3 R. Environ 300 personnes.

4 Q. Est-ce que vous êtes arrivés à Mehurici ?

5 R. Non.

6 Q. Pourquoi pas ? Qu'est-il arrivé ?

7 R. Avant d'arriver à Mehurici, les Moudjahidines nous ont rejoints. Il y

8 avait d'autres hommes armés également qui les accompagnaient. Ils ont fait

9 obstacle à la colonne. Ils ont séparé les Croates vigoureux et ils nous ont

10 dit de rebrousser chemin.

11 Q. Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par le terme "Moudjahidines"

12 ? Pouvez-vous nous décrire leur apparence physique ?

13 R. Ils avaient la peau basanée et avaient de longues barbes. Je n'en avais

14 jamais vu auparavant.

15 Q. Combien de Moudjahidines y avait-il ?

16 R. Peut-être quatre ou cinq. Il y avait également ceux qui portaient des

17 couvre-chefs ou plutôt leur visage était recouvert, donc, ils portaient des

18 cagoules, il n'y avait que des trous pour leurs yeux et leur bouche. Ils

19 portaient ce type de cagoule.

20 Q. Quant à ces personnes qui portaient des cagoules, "dont le visage était

21 couvert," combien y avait-il de ces personnes-là ?

22 R. Peut-être quatre ou cinq, là où je me trouvais.

23 Q. Est-ce que les deux groupes sont apparus en même temps ?

24 R. Oui, mais les autres se trouvaient à une dizaine de mètres peut-être,

25 mais je dirais qu'ils sont apparus plus ou moins au même moment.

26 Q. D'où sont-ils venus au juste ?

27 R. Ceux que j'ai pu voir ont surgi d'une clairière entourée d'une haie.

28 Nous passions à côté de cette clairière qui était en partie entourée d'une

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1 haie et c'est là où ils ont surgi juste devant nous.

2 Q. Vous nous avez dit des Moudjahidines qu'ils avaient la peau basanée,

3 qu'ils portaient de longues barbes. Etait-ce la première fois ce jour-là

4 que vous avez vu des gens correspondant à cette description ?

5 R. Oui.

6 M. MENON : [interprétation] Pourrait-on montrer au témoin la carte 10 --

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Il y avait quelqu'un dans le village

8 qui était blessé.

9 M. MENON : [interprétation]

10 Q. De quel village parlez-vous ?

11 R. Le village Maline, en fait un hameau du nom de Tavici.

12 Q. Où se trouve ce hameau de Tavici par rapport à Maline ?

13 R. Alors, par exemple, Selo Maline, enfin, nous l'appelons Tavici, parce

14 que c'est un lieu où habitent des gens qui ont tous ce même nom de famille,

15 Tavici. Moi, je viens d'un village où il y a, par exemple, ce qu'on appelle

16 Jurici, où habite la famille Jurici. Tous ces endroits étaient les uns à

17 côté des autres.

18 Q. Tavici était à côté de Maline ?

19 R. A l'intérieur même de Maline. Il s'agit d'un seul village, mais il y a

20 différents noms de famille. Il y avait la famille Tavici qui occupait

21 quelque cinq ou six maisons dans cette partie du village que l'on appelait

22 dès lors le hameau de Tavici.

23 M. MENON : [interprétation] Pourrait-on maintenant soumettre au témoin la

24 carte 10 dans sa version électronique.

25 Si on pouvait voir la carte tout entière à l'écran. J'aimerais demander à

26 l'huissier d'aider le témoin à annoter la carte. La carte tout entière,

27 s'il vous plaît.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'est très difficile de voir au juste s'il

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1 s'agit d'une route ou non. C'est très difficile. C'est pour ça que je me

2 suis trompé auparavant.

3 M. MENON : [interprétation]

4 Q. Oui, en fait je ne vous ai pas encore posé de question. Je crois que

5 vous anticipez ce que je vais vous demander.

6 Je voulais vous demander de nous montrer le chemin que vous avez

7 emprunté entre Gornje Maline et l'endroit où vous avez été séparés de la

8 colonne qui allait en direction de Mehurici, autant que vous vous en

9 souvenez.

10 R. Oui. [Le témoin s'exécute]

11 Q. Est-ce que vous voudriez bien mettre à côté de l'endroit où vous avez

12 été séparés le chiffre 1 et l'encercler.

13 R. [Le témoin s'exécute]

14 Q. Merci.

15 M. MENON : [interprétation] J'aimerais demander au témoin de continuer à

16 annoter la carte.

17 Q. Monsieur Pranjes, est-ce que vous avez entendu les gens qui vous ont

18 séparés de la colonne parler ?

19 R. Oui, je les ai entendu parler, mais je ne pouvais pas les comprendre,

20 ceux qui portaient une barbe, les Moudjahidines. J'ai également entendu les

21 autres, ceux qui avaient des cagoules, mais je pouvais les comprendre.

22 Q. Quelle langue parlaient les personnes qui portaient des cagoules ?

23 R. La langue bosniaque.

24 Q. Est-ce que vous avez remarqué comment ils étaient vêtus ?

25 R. Non, je ne saurais vous le dire. Je ne sais plus s'ils arboraient des

26 uniformes verts ou des uniformes d'une autre couleur. Je ne saurais vous le

27 dire.

28 Q. Combien de personnes ont été séparées de la colonne qui se déplaçait en

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1 direction de Mehurici ?

2 R. Peut-être 30 ou 40, d'après mon évaluation.

3 Q. Pourriez-vous nous donner les noms de certaines de ces personnes qui

4 ont été séparées, autant que vous puissez vous en souvenir ?

5 R. Jako Pranjes; Jako Tavic; son frère, Mijo Tavic; Slavko Kramar; Bero

6 Marijanovic; Juric, Ivo. Un instant, s'il vous plaît. Son fils également,

7 je ne me souviens plus de son nom. Puis, il y avait aussi Ana Pranjes.

8 Q. C'est tout ?

9 R. Il y en avait d'autres, mais je ne me souviens pas de tous. Et il y

10 avait beaucoup de gens de Postinje, de Pod, dont je ne connaissais pas les

11 noms à l'époque, et je ne les connais toujours pas, d'ailleurs.

12 Q. Est-ce que les Moudjahidines et les autres qui vous ont séparés du

13 groupe qui allait à Mehurici, étaient-ils armés ?

14 R. Oui.

15 Q. Pourriez-vous nous décrire comment au juste ils vous ont séparés ?

16 Comment ils ont fait ?

17 R. Bien, ils ont surgi. Ils ont crié. Leurs fusils étaient pointés sur

18 nous. Une personne a été isolée de la colonne. En fait, il voulait en

19 sortir, et le soldat l'a forcé à rejoindre la colonne. Ensuite, le premier

20 a commencé à crier, le soldat l'a menacé ou quelque chose comme ça. Toute

21 la colonne s'est arrêtée. Il y a eu encore d'autres Moudjahidines qui sont

22 arrivés. Je suppose qu'ils avaient obligé les autres à nous séparer.

23 Le commandant, enfin, celui qui me paraissait être le commandant, le

24 premier à arriver dans le village, il criait : "Commandant, commandant." Je

25 suppose qu'il a été obligé d'agir. Je ne sais pas exactement, enfin, tout

26 ce que je sais, c'est qu'en fin de compte nous avons été séparés.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Menon, de combien de temps

28 avez-vous encore besoin ?

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1 M. MENON : [interprétation] Dix à 15 minutes, Monsieur le Président, pas

2 plus.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez déjà épuisé une heure, un

4 peu plus.

5 M. MENON : [interprétation] Je crois que nous avons, en fait, commencé à 11

6 heures 03, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, en effet. Enfin, donc vous aurez

8 bientôt épuisé une heure.

9 M. MENON : [interprétation] Très bien. Je vais accélérer.

10 Q. Monsieur Pranjes, les personnes qui n'ont pas été séparées, où sont-

11 elles allées ?

12 R. On les a amenées à Mehurici, et je ne sais pas ce qu'ils sont devenus

13 par la suite. Ils ont été amenés à Mehurici, et nous avons été ramenés à

14 Bikosi.

15 Q. Dans la colonne qui allait vers Bikosi, où vous trouviez-vous ?

16 R. J'étais vers l'avant.

17 Q. Qui était à vos côtés ?

18 R. Jako Tavic était à côté de moi pendant tout ce temps.

19 Q. Vous avez mentionné que cette colonne allait en direction de Bikosi.

20 Est-ce que vous avez rencontré qui que ce soit d'autre sur la route de

21 Bikosi ?

22 R. Il y avait des blessés de notre hôpital à Maline, au-dessus de

23 Poljanice.

24 Q. Et où -- au-dessus de Poljanice, d'accord. Combien de blessés avez-vous

25 croisés ?

26 R. Cinq ou six.

27 Q. Est-ce que certains de ces blessés se sont joints à votre groupe ?

28 R. Je sais que Tavic - je ne me souviens pas de son prénom - il avait un

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1 instrument orthopédique sur sa jambe et il s'est joint à nous. Pour ce qui

2 est des autres, je n'ai pas vu qu'ils se soient joints à nous.

3 Q. Très bien. Puis, alors que la colonne avançait, que s'est-il passé

4 après avoir croisé ces blessés ?

5 R. J'ai entendu derrière nous des tirs et j'ai supposé qu'ils étaient

6 morts, qu'ils avaient été tués, mais je ne l'ai pas vu de mes yeux. Je ne

7 suis pas retourné pour voir ni à ce moment-là ni plus tard.

8 Q. Lorsque vous dites "ils", à qui faites-vous allusion ?

9 R. Bien, les Musulmans, les Moudjahidines. Ils étaient les seuls à porter

10 des armes.

11 Q. En fait, je voulais plutôt dire à qui est-ce que vous faisiez référence

12 lorsque vous avez dit "ils étaient morts".

13 R. Je n'ai pas dit qu'ils étaient morts. J'ai dit que seuls les Musulmans

14 étaient armés. Donc je crois que c'étaient les Musulmans et les

15 Moudjahidines qui ont ouvert le feu lorsque la colonne a poursuivi son

16 chemin. Ces blessés, donc --

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous avez dit que

18 vous avez entendu de tirs derrière vous, n'est-ce pas ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puis, vous avez dit que vous avez

21 supposé qu'ils avaient été tués. Mais de qui s'agissait-il, ces personnes

22 dont vous dites qu'elles auraient été tuées ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Les personnes qui se trouvaient à l'hôpital à

24 Maline. Il y avait cette femme, puis il y avait également Luka parmi eux.

25 Donc je sais qu'il y avait Luka, puis il y avait une femme. Je ne connais

26 pas les noms des autres. Quant à Tavic, nous l'avons emmené avec nous, et

27 je ne sais pas si d'autres encore se sont joints à notre colonne. Mais nous

28 avions fait quelque 70 mètres, et à ce moment-là, j'ai entendu des coups de

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1 feu et j'ai supposé qu'on avait tiré sur eux. Mais je ne l'ai pas vu.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

3 Est-ce que cela vous aide, Monsieur Menon ?

4 M. MENON : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

5 Q. Monsieur Pranjes, qu'est-il arrivé, s'il est arrivé quelque

6 chose, lorsque le groupe est arrivé à Bikosi ?

7 R. Bien, nous avons emprunté la route qui menait vers Bikosi, et

8 ceux qui étaient devant sont passés devant une maison encerclée dans un mur

9 en pierre qui n'était pas très haut, un mur de 1 mètre, peut-être. L'homme

10 qui se trouvait devant a enjambé ce mur et a tenté de s'échapper et les

11 Musulmans ont ouvert le feu sur lui. Par la suite, ce garçon, Mijo Tavic,

12 qui était épileptique, je l'ai entendu pousser des cris, puis ils ont

13 commencé à tirer sur nous, sur la colonne.

14 Je me suis retourné, je me suis jeté par terre, face par terre. C'est

15 à ce moment-là que j'ai été touché par une balle à la poitrine et à la

16 jambe, et Jako Tavic est tombé sur moi. Je l'ai entendu gémir. Je savais

17 qu'il avait été blessé. Je suis resté allongé en essayant de me cacher. Je

18 ne sais pas très bien pendant combien de temps je suis resté allongé. J'ai

19 entendu quelqu'un se lever et prendre la fuite, et plus tard je me suis

20 moi-même relevé et je me suis enfui dans la forêt.

21 Q. Monsieur Pranjes, aviez-vous entendu quoi que ce soit alors que vous

22 étiez allongé par terre sur l'estomac ?

23 R. Ils continuaient à tirer sur nous. D'abord, ils ont tiré sur nous, puis

24 les tirs se sont arrêtés. Puis il y avait des tirs isolés, je crois. Ils

25 tiraient sur ceux qui étaient toujours en vie. Alors, j'ai essayé de me

26 cacher, je n'ai pas bougé, et quand j'ai entendu que quelqu'un avait pu se

27 lever et prendre la fuite, j'ai fait la même chose.

28 Q. Monsieur Pranjes, par rapport à l'endroit où se tenaient les soldats,

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1 où était le mur par rapport aux Moudjahidines et autres soldats qui

2 montaient la garde ?

3 R. Le mur se trouvait près de la première personne qui était à la tête de

4 la colonne et qui a essayé d'enjamber le mur. C'est lorsqu'il a tenté de

5 s'enfuir en enjambant le mur qu'ils ont commencé à tirer.

6 Q. Les soldats qui vous gardaient, est-ce qu'ils étaient devant le mur ?

7 R. Non. Ils marchaient en parallèle à la colonne. Ils nous escortaient et

8 ils avaient pris des positions qui leur permettaient de voir toute la

9 colonne. Donc cette autre personne se trouvait à un angle droit par rapport

10 au mur. En fait, il avait l'intention de l'enjamber et de prendre la fuite,

11 et c'est ce qu'il a fait.

12 Q. Monsieur Pranjes, qu'est-il arrivé à Jako Tavic, l'homme qui était à

13 côté de vous dans la colonne ? Vous avez dit qu'il a été blessé. A-t-il

14 survécu à cet incident ?

15 R. Non, non, il est mort alors qu'il gisait sur moi. Je crois qu'il a été

16 touché à la tête. J'ai entendu un râle alors qu'il était mourant, et après

17 il y a eu un silence.

18 Q. Monsieur Pranjes, est-ce que vous voudriez jeter un coup d'œil de

19 nouveau à la carte ?

20 M. MENON : [interprétation] Et je vous demanderais de noter la carte avec

21 le stylo bleu.

22 Q. Pour nous indiquer le chemin que vous avez emprunté après avoir été

23 séparés du groupe qui se rendait à Mehurici, donc le chemin que vous avez

24 emprunté jusqu'à l'incident qui s'est produit à Bikosi; d'après vos

25 meilleurs souvenirs ?

26 R. On ne peut pas voir la route qui mène vers Bikosi, mais je vais faire

27 une annotation approximative, si cela convient.

28 Q. Est-ce que vous pourriez mettre le chiffre 2 à côté de l'endroit où les

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1 tirs ont commencé ?

2 R. Bien, comme je l'ai dit, je ne vois pas exactement la route où nous

3 nous trouvions, donc je ne peux pas mettre une annotation précise. Mais

4 c'était aux alentours de cet endroit. Nous avons traversé le centre du

5 village, il y avait un puits ou une sorte de réservoir d'eau. Je ne me

6 souviens pas exactement où cela se trouve, mais c'est plus ou moins au

7 centre du village ou un petit peu plus en amont.

8 Q. En tout cas, autant que vous puissiez vous en souvenir, Monsieur

9 Pranjes.

10 R. Je vais annoter la carte ici.

11 [Le témoin s'exécute] C'était par ici en tout cas.

12 Q. Est-ce que vous voudriez bien mettre un chiffre 2 à côté ?

13 R. [Le témoin s'exécute]

14 M. MENON : [interprétation] Je demanderais, Monsieur le Président, le

15 versement de cette carte.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Cette carte sera versée au dossier.

17 Est-ce qu'on peut lui attribuer une cote ?

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce 133.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

20 M. MENON : [interprétation]

21 Q. Monsieur Pranjes, vous avez dit que vous avez pris la fuite après ces

22 tirs. Où êtes-vous arrivé ?

23 R. Je me suis dirigé vers les forces serbes, en direction des forces

24 serbes vers Babanovac. Après, j'ai fait l'objet d'un échange à Kiseljak.

25 Q. Quelle est la distance entre Bikosi et Babanovac ?

26 R. Bien, je ne suis pas sûr. Peut-être 60, 70 kilomètres, peut-être moins,

27 je ne suis pas certain.

28 Q. A partir de Bikosi, dans quelle direction se trouve Babanovac ?

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1 R. C'est à l'ouest de Bikosi. Il faut traverser le mont Vlasic et aller en

2 direction de Banja Luka.

3 Q. Combien de temps est-ce qu'il vous a fallu pour arriver à Babanovac ?

4 R. Je n'osais pas me déplacer pendant la journée, donc j'ai passé toute la

5 journée dans la forêt qui était à proximité. J'y suis resté jusqu'à l'aube,

6 puis j'ai traversé la forêt en allant en direction de Brloge. C'était une

7 sorte de pâturage où l'on s'occupait de nos moutons, donc cela s'appelle

8 Brloge. Je voulais poursuivre mon chemin, mais j'ai entendu un tir, un coup

9 de fusil venant de la direction dans laquelle je voulais aller, alors je me

10 suis arrêté, j'y ai passé la nuit.

11 Et tout au long de la nuit j'observais la route qui se trouvait en

12 aval. Il y avait des Musulmans sur cette route, ainsi que des gens qui

13 gardaient leurs moutons et leurs vaches sur cette montagne. Je me suis

14 caché sur la montagne, j'ai attendu la tombée de la nuit, et dès

15 l'obscurité, je me suis rendu sur Suhi Dol où il y avait des l'eau. J'avais

16 soif, donc j'ai pu boire de l'eau. J'ai trouvé quelque chose à manger.

17 Ensuite, j'ai traversé le village d'Orlice; puis je suis allé vers la

18 gauche, j'ai pris un virage vers la gauche en direction de Ravne, ensuite

19 vers Vlasic où j'ai trouvé l'armée serbe.

20 Et là, je me suis rendu à l'armée serbe. Ils m'ont escorté en

21 direction de Babanovac. Là j'ai retrouvé ce garçon, Drago Franjes, qui

22 s'était rendu également et qui se trouvait également dans ce village. Puis

23 il y avait également Stjepan Juric qui s'y trouvait ce jour-là. Il y avait

24 également les réfugiés de Travnik à Babanovac qui attendaient l'arrivée des

25 camions qui les transporteraient en direction de la Croatie. L'après-midi,

26 je ne sais pas exactement à quelle heure, ils sont tous partis, moi, je

27 suis resté. Puis vers minuit --

28 Q. Merci, Monsieur Pranjes. Je crois que maintenant c'est quand même assez

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1 clair, on sait à peu près combien de temps il vous a fallu pour arriver à

2 Babanovac. Si j'ai bien compris, plus tard vous avez fait l'objet d'échange

3 à Kiseljak; est-ce exact ?

4 R. Oui, à la fin, en fin de compte, à Kiseljak. Pendant un moment, je me

5 suis trouvé à Manjaca. De Manjaca, nous sommes allés à Vares avec tous ces

6 autres civils de Travnik.

7 Q. Je vous remercie.

8 M. MENON : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

9 Président.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Il est

11 maintenant l'heure de faire la suspension de séance, donc je suspends la

12 séance jusqu'à midi et demi.

13 --- L'audience est suspendue à 12 heures 03.

14 --- L'audience est reprise à 12 heures 31.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Menon, vous

16 veniez juste de finir d'interroger le témoin dans son interrogatoire

17 principal, je suis désolé de faire ceci au milieu de cette déposition de

18 témoin, mais il y a certaines questions administratives à régler. Je crois

19 qu'il a été suggéré que l'on pourrait siéger cet après-midi et essayer donc

20 de gagner du temps. Et je pense que la Chambre de première instance, de son

21 point de vue, pourrait siéger de trois heures et aller jusqu'à environ 17

22 heures. Est-ce que ceci convient à tous ?

23 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] On me dit que nous ne pouvons aller

25 jusqu'à 17 heures, nous pouvons aller jusqu'à

26 16 heures 30, donc il s'agira d'une heure et demie. Je vous remercie

27 beaucoup.

28 Monsieur Menon vous en aviez terminé ?

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1 M. MENON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

3 Maître Robson ?

4 M. ROBSON : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

5 Contre-interrogatoire par M. Robson :

6 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Pranjes, mon nom est Nicholas Robson

7 et je vais vous poser quelques questions pour le compte de la Défense. Je

8 vais essayer d'être bref. Vous nous avez dit avant la suspension de séance

9 que vous aviez été élevé à Maline dans la municipalité de Travnik, mais

10 qu'en 1990, vous étiez parti pour la Suisse; c'est exact ?

11 R. Oui.

12 Q. Puis, en septembre 1992, vous êtes retourné en Bosnie ?

13 R. Oui.

14 Q. Et vous vous êtes réinstallé dans votre village natal de Maline ?

15 R. C'est exact.

16 Q. Et vers la fin de cette année, vous avez rejoint la brigade de

17 Frankopan du Conseil de la Défense croate; c'est bien cela ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que vous pourriez confirmer que le plus grand nombre d'hommes

20 croates de Bosnie du village de Maline et des autres villages croates de

21 Bosnie alentour, ceux qui étaient en état de porter des armes on rejoint

22 cette brigade ?

23 R. Oui.

24 Q. N'est-il pas vrai, n'est-ce pas, que lorsque vous êtes retourné en

25 Bosnie, ce que vous avez trouvé c'était qu'il y avait des forces serbes qui

26 avaient établi des lignes de front tout au long, enfin dans toute la région

27 de Travnik et plus particulière au mont Vlasic ?

28 R. [inaudible]

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1 Q. Et votre brigade avait organisé des lignes de défense en face des

2 Serbes sur cette montagne ?

3 R. Oui.

4 M. ROBSON : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me permettez de

5 revenir sur cette dernière réponse pendant un moment.

6 J'ai compris qu'il n'y avait pas d'interprétation, et d'après ce que

7 j'avais compris c'est que le témoin avait confirmé que les forces serbes

8 avaient effectivement établi un front et des lignes tout au long, dans

9 l'ensemble de la région de Travnik, tout particulièrement au mont Vlasic.

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pourriez demander au

11 témoin de répondre à nouveau à cette question.

12 M. ROBSON : [interprétation]

13 Q. Excusez-moi, Monsieur le Témoin, pourriez-vous encore une fois

14 simplement confirmer que lorsque vous êtes retourné en Bosnie vous avez

15 constaté que les Serbes avaient établi des lignes, un front, dans toute la

16 région de Travnik, et qu'on pouvait les trouver également au mont Vlasic ?

17 R. Oui.

18 Q. Merci. Maintenant, en plus de la Brigade Frankopan qui organisait des

19 lignes de défense contre les Serbes, est-il exact de dire que les Musulmans

20 de Bosnie, du village de Maline et autres villages musulmans d'alentour

21 avaient également organisé des lignes de défense contre les Serbes ?

22 R. Oui.

23 Q. Passons à ces événements jusqu'en 1993, vous avez dit à la Chambre

24 comment les relations entre le HVO et l'ABiH se sont dégradées. Est-ce que

25 vous vous rappelez de cela ?

26 R. Oui.

27 Q. Vous avez expliqué aux membres de la Chambre comment dans votre village

28 le HVO a constitué des gardes, organisé des gardes et vous avez expliqué ce

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1 qu'étaient les lignes de Maline en suivant Greda jusqu'à Suhi Dol; c'est

2 exact ?

3 R. Oui, oui.

4 Q. Ces lignes de défense étaient tenues par des soldats du Conseil de la

5 Défense croate, n'est-ce pas ?

6 R. C'était nous, tout simplement nous, du village. Il y avait environ dix

7 hommes du cru, nous, les locaux du village de Maline, et nous avons tenu

8 ces lignes.

9 Q. Bien. Maintenant, vous nous avez parlé des événements qui se sont

10 produits le 8 juin 1993, et je voudrais simplement vous demander en ce qui

11 concerne les jours qui précédaient cette date précise.

12 N'est-il pas vrai que le Conseil de Défense croate a lancé des

13 attaques sur un certain nombre de villages musulmans de Bosnie au cours des

14 journées qui précèdent le 8 juin ?

15 R. Oui, c'est exact.

16 Q. En ce qui concerne l'attaque contre Maline dont vous nous avez parlé,

17 j'ai bien compris que dans la soirée du 7 juin, vous étiez de garde avec

18 trois autres hommes ?

19 R. Oui, je l'étais, dans la soirée du 6 et du 7.

20 Q. Est-il exact que vous portiez un uniforme à ce moment-là, je veux dire

21 un uniforme militaire ?

22 R. Oui.

23 Q. Les trois autres hommes portaient tous des uniformes militaires aussi ?

24 R. Oui.

25 Q. Vous avez expliqué que l'attaque a débuté vers 5 heures du matin le 8

26 juin. N'est-il pas vrai qu'il y a eu des combats très intenses, et que ces

27 combats se sont poursuivis pendant très longtemps ?

28 R. Où cela ? Où voulez-vous dire ? A Maline ou ailleurs ?

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1 Q. [aucune interprétation]

2 R. L'attaque avait été préparée pour être lancée le 8 juin à

3 5 heures du matin. Cela a commencé par le fait que deux étables ont été

4 incendiées à Bikosi, et je suppose que c'était un signal pour lancer une

5 attaque de front.

6 Q. Est-ce que vous seriez d'accord qu'il y a eu des combats intenses qui

7 ont eu lieu ce jour-là ?

8 R. Oui.

9 Q. A un moment donné, vous avez décidé de vous retirer de la position dans

10 laquelle vous vous trouviez et de vous rendre à la maison de votre parent;

11 c'est exact ?

12 R. Oui.

13 Q. N'est-il pas vrai que certains soldats du HVO ont réussi à s'échapper

14 de Maline et à partir en direction de Guca Gora ?

15 R. Oui.

16 Q. Vous avez expliqué que la maison de votre parent avait été transformée

17 en hôpital de fortune, et vous nous avez dit comment le médecin qui se

18 trouvait là est sorti pour parler aux membres de l'ABiH. Vous rappelez-vous

19 cela ?

20 R. Oui, oui.

21 Q. Il est exact, n'est-ce pas, qu'après avoir discuté des conditions de

22 reddition, vous avez remis vos armes à l'ABiH; c'est bien cela ?

23 R. J'ai caché mon arme dans le sous-sol, près de l'hôpital sous une pierre

24 plate. Ce n'était pas vraiment terminé. Il y avait là un silo, un conteneur

25 de grain, en fait, et c'est là, en l'occurrence, que j'ai caché un pistolet

26 et une mitraillette.

27 Q. Maintenant, à un moment donné, vous avez expliqué comment un soldat qui

28 semblait être en charge, a dit aux Croates de Bosnie de se réunir dans le

Page 1001

1 village, de s'assembler; c'est exact ?

2 R. Oui.

3 Q. Vous avez dit qu'il y avait là 300 personnes qui se sont réunies. Est-

4 ce que c'était une réunion de civils et de soldats du HVO qui se sont

5 rendus ?

6 R. Oui.

7 Q. Puis, à un moment donné, vous êtes tous partis en colonne, en sortant

8 du village, pour aller en direction de Mehurici, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Il est exact que les soldats de Bosnie vous ont traité de façon

11 professionnelle, alors que vous étiez en train de vous réunir et pendant

12 que la colonne se déplaçait en sortant du village ?

13 R. Oui.

14 Q. Cette colonne dont vous nous avez parlé s'est mise en route en

15 traversant le village de Poljanice, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. Une fois que la colonne a fini de traverser Poljanice, vous avez

18 expliqué qu'un certain nombre de Moudjahidines ont quitté la colonne, se

19 sont enfuis; c'est bien cela ?

20 R. Oui.

21 Q. D'après ce que j'ai compris dans votre déposition, il y avait quatre ou

22 cinq Moudjahidines qui étaient proches de vous, et un certain nombre

23 d'autres Moudjahidines, à environ 15 mètres de vous; c'est bien cela ?

24 R. J'ai dit qu'ils portaient des cagoules. J'ai dit qu'il y avait ceux qui

25 portaient des cagoules ou des couvre-chefs qui couvraient leurs visages, et

26 les autres étaient les Moudjahidines. Dans les deux cas, ils étaient très

27 près de moi.

28 Q. Les Moudjahidines, s'agissait-il des hommes qui avaient le teint foncé

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1 et de longues barbes; c'est bien cela ?

2 R. Oui.

3 Q. Donc, ces hommes, est-ce que les Moudjahidines et les autres qui

4 portaient des cagoules, ils ont arrêté la colonne, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Vous rappelez-vous dans quelle partie de la colonne vous vous trouviez

7 ?

8 R. Je me trouvais à l'arrière de la colonne.

9 Q. Alors, ces hommes dont vous nous avez parlé, ces Moudjahidines et les

10 hommes qui portaient les cagoules, ils portaient des armes à feu avec eux,

11 n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Ils ont pointé leurs armes vers vous et les soldats de Bosnie qui

14 accompagnaient votre colonne, n'est-ce pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Il est exact qu'ils ont armé leurs fusils de sorte qu'ils étaient prêts

17 à tirer. Vous vous rappelez de cela ?

18 R. Oui.

19 Q. Les soldats de l'ABiH qui vous escortaient ont essayé d'empêcher les

20 Moudjahidines de prendre des hommes dans cette colonne, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Un peu plus tôt dans votre déposition, vous avez dit quelque

23 chose qui était : "Je croyais que le commandant avait crié : 'Commandement,

24 commandement.'" Vous rappelez-vous avoir dit cela ?

25 R. Oui.

26 Q. Ai-je raison de dire que ce que vous vouliez dire par là, c'était que

27 le chef ou le commandant des soldats musulmans de Bosnie qui vous

28 escortaient, essayait de faire remarquer aux Moudjahidines qu'ils vous

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1 amenaient à leur centre de commandement ?

2 R. Oui, c'est exact.

3 Q. C'est seulement lorsque les Moudjahidines ont braqué leurs armes et ont

4 menacé de tuer des membres l'ABiH que les Moudjahidines ont été en mesure

5 de prendre les hommes, les Croates de Bosnie, de la colonne; c'est bien le

6 cas ?

7 R. Oui.

8 Q. Les soldats de l'ABiH n'ont rien pu faire pour empêcher cela, n'est-ce

9 pas ?

10 R. Je suppose que oui.

11 Q. Donc, à ce moment-là, les hommes, les Croates de Bosnie ont été séparés

12 de la colonne, et ce nouveau groupe de Croates de Bosnie a été déplacé dans

13 la direction nommée Mehurici par les Moudjahidines; est-ce exact ?

14 R. Les Moudjahidines et ceux qui portaient des cagoules.

15 Q. A partir de ce moment-là, vous et les autres Croates de Bosnie

16 accompagnés par les Moudjahidines et les hommes qui portaient des cagoules,

17 avez poursuivi dans la direction vers Bikosi; c'est cela ?

18 R. Oui.

19 Q. Monsieur Pranjes, je n'ai pas d'autres questions à vous poser. Je ne

20 souhaite évidemment pas vous poser des questions concernant l'incident qui

21 a eu lieu à Bikosi, je ne veux pas vous reposer de questions à ce sujet. Je

22 vous remercie beaucoup de vos réponses.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Maître

24 Robson. Pourrais-je simplement dire quelque chose, Maître Robson ? J'ai

25 décidé de ne pas le dire au moment qui aurait convenu, au moment où cela

26 avait lieu. Je voudrais simplement le mentionner maintenant, parce que ceci

27 se produit assez souvent. Je vais préfacer ce que je vais vous dire en

28 déclarant directement que j'accepte que lors d'un contre-interrogatoire

Page 1004

1 d'un témoin, il est nécessaire parfois de lui rafraîchir la mémoire et

2 d'appeler son attention sur un incident particulier dont vous souhaitez

3 parler.

4 Mais je trouve tout simplement, vous posez une série de questions qui ont

5 un caractère répétitif de ce qui a été dit à l'interrogatoire principal,

6 qui ne sont pas nécessairement liées au point auquel vous voulez en venir,

7 en fin de compte. Ceci évidemment prend un peu de temps. Mais je voulais

8 tout simplement -- enfin, j'évoque ceci simplement comme une suggestion.

9 M. ROBSON : [interprétation] Oui, je considère que c'est une observation

10 très constructive, et je vous suis reconnaissant d'avoir dit cela. A

11 l'évidence, comme vous dites, il y a parfois certaines questions qui sont

12 destinées à établir un certain nombre de points précis pour le témoin, et

13 j'ai essayé de limiter le nombre de questions au minimum. Mais, bien

14 entendu, je tiens absolument compte de vos commentaires.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Si vous

16 regardez les questions que vous avez posées au début de votre contre-

17 interrogatoire, vous verrez qu'il y a toute une série de ces questions, et

18 je n'y voyais tout simplement pas le lien avec le point où vous avez voulu

19 en arriver finalement.

20 M. ROBSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous en prie.

22 Y a-t-il des questions supplémentaires, Monsieur Menon ?

23 M. MENON : [interprétation] Juste une question, Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Allez-y.

25 Nouvel interrogatoire par M. Menon :

26 Q. [interprétation] Monsieur Pranjes, vous avez dit au cours de votre

27 contre-interrogatoire qu'avant le 8 juin, il y avait eu des attaques par le

28 Conseil de la Défense croate contre les villages musulmans de Bosnie.

Page 1005

1 Pourriez-vous indiquer de quels villages vous vouliez parler ?

2 R. Seulement Bukovica.

3 Q. Je vous remercie.

4 M. MENON : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

5 Président,

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur Menon. Y a-t-

7 il d'autres questions, des questions des Juges ?

8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui.

9 Questions de la Cour :

10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur le Témoin, j'ai quelques

11 questions à vous poser en ce qui concerne ce que vous avez expliqué lors de

12 l'interrogatoire principal et du contre-interrogatoire.

13 Ma première question a trait à votre reddition aux Serbes le

14 9 juin ou le 10 juin, quelques jours après l'incident ?

15 R. Le 10.

16 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que vous avez été fait

17 prisonnier par les Serbes lorsque vous vous êtes rendu ?

18 R. Oui.

19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous avez été détenu ?

20 R. Jusqu'à minuit, je me suis trouvé à Babanovac, à l'hôtel là; et après

21 cela, ils m'ont amené à [inaudible], où se trouvait le commandement

22 principal.

23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Pendant combien de temps êtes-vous

24 resté là ?

25 R. Le lendemain, nous avons été amenés à Manjaca, et c'est là que je suis

26 resté avec tous les autres civils de Travnik.

27 Q. Pendant combien de temps avant que l'échange ait lieu, que vous ne

28 soyez échangé ?

Page 1006

1 R. J'ai passé une ou deux nuits à Manjaca, ensuite nous avons été amenés à

2 Vares dans des camions. Nous avons passé de dix à

3 15 jours à Vares. Puis de Vares, nous avons été amenés à Kiseljak et nous

4 avons été échangés. Cela nous a pris une journée d'aller de Vares à

5 Kiseljak.

6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Donc si je comprends bien, si je

7 comprends correctement, vous avez été détenu par les Serbes dans l'ensemble

8 pendant quelque deux semaines, trois semaines, peut-être ?

9 R. Approximativement, deux semaines et demie.

10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci beaucoup.

11 Ma deuxième question a trait à ceci. Il y a un point qui n'est pas clair

12 pour moi, et je me rends compte que c'était il y a longtemps et

13 probablement, ce n'est pas très clair de savoir ce qui s'est vraiment

14 produit. Mais je ne suis pas sûr d'avoir pleinement compris les rapports,

15 les interactions en les hommes qui ont quitté brusquement la colonne devant

16 vous, alors que vous étiez en marche en direction de Mehurici.

17 Ce que j'ai compris, c'est que vous êtes arrivé en marchant en colonne, que

18 vous étiez escorté par des membres de l'ABiH. D'après tout ce que j'ai

19 compris, ces soldats de l'ABiH se comportaient de façon professionnelle et

20 correcte. Ils vous escortaient simplement en direction de Mehurici, puis à

21 ce moment-là, il y a eu un incident qui a fait que soudain certains des

22 autres soldats sautaient devant vous. D'après ce que j'ai compris, certains

23 d'entre eux étaient très différents de ce que vous avez vu avant. Ils

24 portaient des barbes, avaient d'étranges uniformes et parlaient une langue

25 étrangère.

26 Avec ceux-ci, je ne sais pas combien ils étaient, mais trois ou quatre

27 Moudjahidines, c'était également un petit nombre par rapport à ce que vous

28 pensez qui étaient des soldats de la Bosnie et des membres de l'ABiH; est-

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1 ce exact ?

2 R. Oui.

3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vois que le conseil de la Défense

4 se lève pour demander la parole, et je voudrais entendre l'intervention de

5 la Défense, parce que je pense qu'il est important de savoir exactement

6 quelle était la composition de cela. C'est donc que je --

7 Maître Robson ?

8 M. ROBSON : [aucune interprétation]

9 M. MENON : [interprétation] Monsieur le Juge, je voudrais suggérer que le

10 témoin sorte de la salle d'audience.

11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Pour quelle raison ?

12 M. MENON : [interprétation] Bien, toutes questions qui pourraient être

13 posées, qui pourraient vous être posées par le conseil de la Défense,

14 pourraient avoir un effet préjudiciable, pourraient en quelque sorte

15 altérer le point de vue que le témoin a eu des événements, je le crains.

16 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'essaie vraiment d'essayer de

17 découvrir un tableau qui est pratiquement complet de ce qui s'est passé. Je

18 pense qu'il serait utile d'entendre les questions du conseil de la Défense

19 et pour vous, si vous le souhaitez, si vous souhaitez poser d'autres

20 questions, ceci pourrait découler des questions précédentes, des questions

21 qui seraient posées. Et je pense que vous devriez être en droit de la

22 faire.

23 Mais je ne pense pas qu'il serait incorrect de permettre au témoin

24 d'entendre les questions du conseil de la Défense, mais enfin, laissez-moi

25 entendre si vous avez des arguments à ce sujet.

26 M. MENON : [interprétation] Ma requête c'était comme je l'ai dit. Je pense

27 que le témoin a répondu à la question que vous lui avez posée, Monsieur le

28 Juge. Si le conseil de la Défense devait faire des commentaires sur cette

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1 question, s'il devait suggérer qu'il y avait une autre impression, à ce

2 moment-là je craindrais que le point de vue du témoin sur les événements ne

3 risque d'être compromis, et ceci pourrait affecter d'autres réponses à

4 venir qu'il pourrait faire. M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais le

5 témoin, à l'évidence, vient juste de répondre à ma question de telle sorte

6 que dans une certaine manière ceci contredit la réponse qu'il avait faite

7 précédemment au conseil de la Défense. Donc il est clair qu'il y a une

8 contradiction entre la réponse du témoin aux deux questions; une qui a été

9 posée par moi-même et l'autre qui a été posée par le conseil de la Défense.

10 Maintenant, je pense que cette contradiction est probablement due au

11 fait que la mémoire du témoin n'est peut-être plus centrée sur ces

12 questions. Comme je l'ai dit, il y a un moment. Si le témoin ne peut pas

13 s'en souvenir, j'insiste pour que le témoin me le dise et on en aura

14 terminé. Toutefois, s'il voit les choses différemment, à ce moment-là je

15 pense que nous devrions l'autoriser à s'exprimer.

16 M. MENON : [interprétation] Oui. Je vous remercie, Monsieur le Juge.

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si ceci donne lieu à des questions,

18 naturellement, vous serez en droit de les poser.

19 M. MENON : [interprétation] Je vous remercie.

20 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci aussi, Maître Robson.

21 M. ROBSON : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais appuyer la

22 demande de mon ami, si vous le pensez -- si vous souhaitez poser des

23 questions supplémentaires à ce témoin. Enfin, j'ai demandé la parole à

24 l'origine essentiellement pour faire une remarque qui avait trait au compte

25 rendu, la transcription du compte rendu. Et je souhaitais appeler

26 l'attention des Juges de la Chambre sur ce qui a été enregistré au cours de

27 la déposition de ce témoin.

28 A l'évidence, Monsieur le Président, je peux établir ceci en présence

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1 du témoin, mais je voudrais suggérer -- je pourrais être d'accord avec mon

2 confrère de l'Accusation.

3 [La Chambre de première instance se concerte]

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Robson, vous avez fait une

5 déclaration selon laquelle si le Juge devait poser une question vous seriez

6 d'accord avec votre confrère sur laquelle le témoin doit sortir.

7 Maintenant, il y a une sorte de problème qui se pose là. Comment est-ce que

8 cette question peut être posée au témoin s'il est hors du prétoire ?

9 M. ROBSON : [interprétation] Monsieur le Président, je vous prie, de

10 m'excuser. Ce que j'essayais de dire c'était que si le Juge Harhoff ou un

11 autre d'entre vos collègues souhaitait poser une nouvelle question au

12 témoin, à ce moment-là je crois qu'il serait approprié d'avoir peut-être

13 une discussion pour certaines remarques que je souhaite faire mais que ce

14 soit en l'absence du témoin. De cette manière, le témoin ne serait pas au

15 courant de ce qui aurait été dit dans cette discussion et, par conséquent,

16 vous seriez en mesure de lui poser de nouvelles questions sans craindre que

17 peut-être il ait pu être influencé à la suite de ce que nous aurions

18 discuté. C'est ça que je voulais évoquer.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mon problème c'est que je ne suis

20 absolument pas au courant de ce que vous voulez évoquer, ce dont vous

21 voulez parler et, par conséquent, je ne suis pas en mesure de prendre une

22 décision ou déterminer si le témoin devrait sortir ou non.

23 M. ROBSON : [interprétation] Monsieur le Président, je vais donc aller de

24 l'avant et je vais évoquer la question. La question, comme je le dis, a

25 trait au compte rendu de ce que le témoin a dit au cours de sa déposition;

26 et en ce qui concerne le Juge Harhoff, la question qu'il a posée était -

27 excusez-moi - je l'ai écrite d'après mes notes.

28 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vais vous aider. J'étais en train

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1 de demander quelle était l'interaction entre les membres qui ont quitté

2 brusquement la colonne devant eux.

3 M. ROBSON : [interprétation] C'est exact.

4 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Et j'étais en train de dire que

5 j'avais compris qu'il y avait quatre pour les Moudjahidines et quatre

6 habitants de Bosnie portant des cagoules.

7 M. ROBSON : [interprétation] C'est exact. Et c'est à ce stade, là, Monsieur

8 le Juge, vous avez parlé d'étrangers, appelons-les comme ça, et lorsque

9 vous avez parlé de ceux que vous pensiez étaient des soldats de Bosnie et

10 des membres de l'ABiH. Donc c'étaient les mots que vous avez employés et

11 vous avez présentés au témoin.

12 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que ceci posait un problème ?

13 M. ROBSON : [interprétation] Monsieur le Juge, du point de vue du compte

14 rendu, à aucun moment ce témoin n'a employé les mots "soldats de Bosnie," à

15 aucun autre moment n'a-t-il suggéré que ces hommes qui étaient avec les

16 Moudjahidines portaient des cagoules étaient des membres de l'ABiH. C'était

17 la position pendant l'interrogatoire et le contre-interrogatoire. C'est

18 ainsi.

19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous avez peut-être raison. Excusez-

20 moi. Je voudrais maintenant poursuivre en demandant au témoin s'il pourrait

21 nous dire s'il a reconnu un uniforme ou des insignes sur les membres des

22 hommes qui portaient des cagoules ? Est-ce que ceci irait bien ?

23 M. ROBSON : [interprétation] Oui, allez-y. Je vous en prie, Monsieur le

24 Juge.

25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Pour l'Accusation ça va bien aussi ?

26 M. MENON : [interprétation] Pas de problème, Monsieur le Juge.

27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien.

28 Excusez-moi, si ceci vous a peut-être créé quelques confusions, mais

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1 vous devez comprendre qu'il y a un problème qui a trait à l'identification

2 des hommes qui portaient des cagoules.

3 Et ma question que je vous pose, par conséquent : est-ce que ces

4 hommes portaient des uniformes ? Si vous ne pouvez vous en souvenir, vous

5 le dites tout simplement.

6 R. Oui. Oui. Ils portaient des uniformes verts. Ils avaient des uniformes.

7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Nous parlons maintenant des hommes

8 cagoulés ?

9 R. Oui, ils portaient des uniformes.

10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien. Portaient-ils des insignes

11 sur les bras ou sur les manches de leurs uniformes ?

12 R. Non, je ne me souviens pas qu'ils en portaient. Je ne sais pas.

13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Les avez-vous entendu parler, est-ce

14 que vous pouviez comprendre ce qu'ils disaient ?

15 R. Je n'ai pas pu comprendre ceux qui n'étaient pas cagoulés. J'ai compris

16 ceux qui portaient des cagoules.

17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Bien. Ai-je donc raison si je suppose

18 que vous ne saviez pas avec certitude à quelle armée ils appartenaient

19 éventuellement ?

20 R. Ils appartenaient à l'armée musulmane.

21 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Comment en êtes-vous

22 sûr ?

23 R. Puis-je demander quelque chose ? Puis-je dire quelque

24 chose ?

25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Bien sûr.

26 R. Je sais que les Moudjahidines avaient leur camp. C'est là qu'ils

27 vivaient. C'est là qu'ils étaient venus déjà pendant que j'étais encore en

28 Suisse et je sais qu'ils formaient l'armée musulmane. Ils les entraînaient,

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1 ils leur apprenaient un peu la langue aussi.

2 Je sais que pendant l'attaque, on n'utilisait aucun mot musulman, ou

3 si vous voulez, la langue commune, serbo-croate ou croato-serbe dans le

4 cadre de l'attaque. Mais seulement les mots [inaudible]. C'était les seuls

5 mots prononcés.

6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

7 R. Donc c'est à vous de décider.

8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. Est-ce que les hommes avec des

9 cagoules ne pouvaient pas être des soldats serbes aussi ?

10 R. Non.

11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Pourquoi pas ?

12 R. Il n'y avait aucune chance.

13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais pourquoi pas ?

14 R. Comment voulez-vous que les soldats serbes soient dans le village de

15 Mehurici ? C'est ça que je voudrais savoir. De quelle manière auraient pu

16 être là ?

17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien. Nous allons laisser de

18 côté la question de savoir qui ils étaient. Votre réponse me satisfait.

19 Donc je comprends que vous pensiez qu'ils étaient des Bosniaques mais vous

20 ne pouviez pas en être sûr.

21 Je souhaite maintenant que l'on passe à ce qui s'est passé en réalité.

22 R. Oui.

23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Car vous avez dit aussi dans votre

24 déposition qu'à un moment donné les Moudjahidines ont levé leurs armes et

25 ils ont menacé les soldats cagoulés.

26 R. Ils n'ont pas menacé ceux qui portaient des cagoules, mais ils ont

27 menacé les soldats bosniaques qui voulaient nous amener à Mehurici. Ils ont

28 proféré des menaces contre eux. Ils ont dit qu'ils allaient nous séparer.

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1 Et le commandant qui était là, il criait : "Commandement, commandement".

2 Mais lorsque j'ai entendu cela, bien plus de Moudjahidines étaient

3 là-bas. Je suppose que c'était eux qui avaient la majorité, Moudjahidines,

4 et les autres devaient céder. C'est la raison pour laquelle nous avons dû

5 leur être rendus, ils ont dû leur permettre de faire avec nous ce qu'ils

6 voulaient.

7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Que c'est-il passé aux soldats qui

8 vous avaient escortés de Maline vers Mehurici ? Est-ce qu'ils ont continué

9 avec le reste de la colonne ?

10 R. Ils sont partis avec les autres en direction de Mehurici. Ils ont

11 escorté les autres civils, les enfants, les femmes et les personnes âgées.

12 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Ensuite vous avez été escortés vers

13 Bikosi d'où vous veniez de venir ?

14 R. Oui.

15 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Lorsque l'incident a eu lieu --

16 excusez-moi, mais je vais juste vous poser une question au sujet de cet

17 incident horrible. Avez-vous vu si c'était seuls les Moudjahidines qui

18 tiraient ou bien est-ce que les hommes en cagoule tiraient eux aussi ?

19 R. Tout le monde tirait. A la fois ceux portaient des cagoules et les

20 Moudjahidines.

21 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. Je n'ai plus de questions pour

22 vous.

23 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Juge.

24 M. MENON : [interprétation] Rien du côté de l'Accusation, merci, Monsieur

25 le Président.

26 M. ROBSON : [interprétation] Plus de questions.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Robson, vous parlez toujours

28 le premier.

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1 M. ROBSON : [interprétation] Excusez-moi. Je n'ai pas de questions au nom

2 de la Défense.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Mais vous ne savez même pas ce que

4 j'allais demander.

5 Monsieur Pranjes, lorsque vous parlez des "Moudjahidines," que voulez-vous

6 dire par ce terme ?

7 R. C'étaient des soldats étrangers qui étaient venus faire la guerre avec

8 l'armée musulmane. C'étaient des étrangers qui étaient venus en Bosnie afin

9 de faire la guerre. Ils portaient des barbes longues et ils ne parlaient

10 pas la langue bosniaque.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Donc lorsque vous dites ce

12 "Moudjahidines," d'après la manière dont vous comprenez les choses, vous

13 imaginez les étrangers, seulement les étrangers ?

14 R. Ils étaient des étrangers jusqu'à leur venue. Après ils sont venus

15 faire la guerre et ils n'étaient plus étrangers. Ils épousaient des femmes

16 musulmanes. Ils en avaient deux ou trois. Ils étaient dans leurs maisons à

17 elles. Ils se sont liés avec ces femmes et ils ont continué à vivre

18 ensemble.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je comprends cela, mais ce que

20 j'essaie d'obtenir de vous concerne le fait que d'après la manière dont

21 vous comprenez le concept de "Moudjahidines" il s'agit là d'un groupe de

22 personnes constitué de ceux qui, à l'origine, viennent de l'extérieur de la

23 Bosnie-Herzégovine, et ceci n'inclut pas du tout de locaux ?

24 R. Non, effectivement.

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Merci.

26 Vous avez, lorsque le Juges Harhoff vous a posé des questions, vous

27 avez parlé de la détention pendant deux semaines. Est-ce que vous pouvez

28 nous dire comment vous avez été traité pendant cette période que vous avez

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27

28

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1 passée en détention ?

2 R. Ils étaient corrects. Je n'ai pas eu de problèmes là-bas.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

4 Vous avez parlé aussi des soldats qui portaient des uniformes verts.

5 Vous vous en souvenez; encore une fois, au cours des questions posées par -

6 -

7 R. Oui.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Savez-vous à quelle armée

9 appartenaient ces uniformes ?

10 R. Oui, je le sais, à l'armée musulmane.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Que voulez-vous dire lorsque vous

12 dites "l'armée musulmane" ?

13 R. C'est l'ABiH, c'est comme cela qu'on l'appelait, mais pour moi c'est la

14 même chose.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci. Au moins nous savons maintenant

16 ce que vous voulez dire lorsque vous dites : "l'armée musulmane." Vous avez

17 parlé aussi - et je suis désolé de devoir vous reparler de cet horrible

18 accident - vous avez parlé des coups de feu à Bikosi. Vous vous en souvenez

19 ?

20 R. Oui.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous dire

22 combien de personnes ont été tuées, s'il y a eu des morts à cette occasion

23 ? Peut-être vous ne les avez pas comptés, mais approximativement.

24 R. C'était plus de 30 personnes. Plus de 30 personnes y ont été tuées.

25 Nous étions trois ou quatre à y avoir échappé et les autres ils ont été

26 tués. Il y en a qui ont été tués déjà sur la route et les autres ont été

27 tués après; car Jako, par exemple, il est mort sur moi. Ana Pranjes, une

28 cousine, a été tuée là-bas elle aussi. Et plus tard, une fosse commune y a

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1 été trouvée.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Je ne souhaite pas

3 raviver ces souvenirs, mais je suppose que vous comprenez qu'il nous est

4 important de recevoir des réponses à toutes ces questions.

5 Merci beaucoup. Mes questions sont terminées.

6 Y a-t-il des questions découlant des questions des Juges, Monsieur

7 Menon ?

8 M. MENON : [interprétation] Une seule.

9 Nouvel interrogatoire supplémentaire par M. Mundis :

10 Q. [interprétation] Monsieur Pranjes, vous avez dit que vous avez été

11 détenu pendant deux semaines. Qui était responsable de votre détention ?

12 R. C'était l'armée serbe.

13 Q. S'agissait-il des forces auxquelles vous vous étiez rendu après avoir

14 échappé suite à l'incident de Bikosi ?

15 R. Oui, je me suis rendu à l'armée serbe à Vlasic, et eux, ils m'ont

16 escorté jusqu'à Manjaca et de Manjaca jusqu'à --

17 L'INTERPRÈTE : Les interprètes n'ont pas saisi le dernier mot.

18 M. MENON : [interprétation]

19 Q. Monsieur Pranjes, les interprètes n'ont pas saisi la fin de votre

20 réponse. Veuillez la répéter.

21 R. L'armée serbe, je me suis rendu à l'armée serbe à Vlasic, et ils m'ont

22 conduit par le biais de Vlasic, d'abord à Majnaca, ensuite à Vares. A

23 Vares, à ce moment-là, il y avait des Croates aussi là-bas, les Croates y

24 étaient encore. Ensuite, je ne sais pas pourquoi nous avons encore voyagé à

25 Kiseljak à bord d'autocar et c'est là qu'ils ont échangé les Croates.

26 Q. Merci, Monsieur Pranjes.

27 M. MENON : [interprétation] Je n'ai plus de questions.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

Page 1018

1 Monsieur Robson ?

2 M. ROBSON : [interprétation] Pas de question, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

4 Monsieur Pranjes, ainsi se termine votre déposition. Je souhaite profiter

5 de l'occasion pour vous remercier d'être venu déposer. Vous pouvez

6 maintenant disposer, et encore une fois, excusez-moi d'avoir provoqué cela.

7 Le Juge Harhoff souhaite ajouter quelque chose.

8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Pranjes, j'aimerais ajouter

9 quelque chose. Ceci est peut-être un peu habituel, mais je souhaite

10 profiter de l'occasion pour exprimer la compassion de la Chambre pour les

11 souffrances que vous avez subies et nous espérons que votre déposition

12 aujourd'hui ne vous troublera pas trop.

13 Nous vous souhaitons un bon voyage de retour. Merci.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

15 [Le témoin quitte le prétoire]

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Mundis ?

17 M. MUNDIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. L'Accusation

18 cite à la barre M. Zeljko Puselja. Mon collègue, M. Wood interrogera ce

19 témoin. Et pour le compte rendu d'audience, je souhaite indiquer simplement

20 qu'un collègue de plus s'est joint à nous, qui va nous aider lors de cette

21 partie de l'audience dont le nom est [inaudible].

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

23 M. MUNDIS : [interprétation] Si j'ai bien compris, nous allons travailler

24 jusqu'à 13 heures 45 comme d'habitude ?

25 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est cela.

26 M. MUNDIS : [interprétation] Merci.

27 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le témoin peut-il lire la déclaration

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1 solennelle.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

3 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

4 LE TÉMOIN: ZELJKO PUSELJA [Assermenté]

5 [Le témoin répond par l'interprète]

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur. Vous pouvez

7 vous asseoir et je vous souhaite un bon après-midi.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

9 Interrogatoire principal par M. Wood :

10 Q. [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 Bonjour, Monsieur Puselja.

12 R. Bonjour.

13 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre votre nom et vos autres prénoms ?

14 R. Z-e-l-j-k-o, P-u-s-e-l-j-a.

15 Q. Où êtes-vous né, Monsieur Puselja?

16 R. Travnik, en Bosnie-Herzégovine.

17 Q. Lorsque vous dites Travnik, vous voulez dire la municipalité de Travnik

18 ou un village précis dans cette municipalité ?

19 R. La municipalité de Travnik, le village de Podovi.

20 Q. Quel est votre date de naissance, Monsieur ?

21 R. Le 9 mars 1967.

22 Q. Quelle est votre appartenance ethnique ?

23 R. Croate.

24 Q. Avez-vous vécu à Podovi en 1993, Monsieur Puselja ?

25 R. Oui.

26 Q. A ce moment-là, étiez-vous membre d'une quelconque organisation

27 militaire ?

28 R. Non.

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1 Q. Etiez-vous jamais membre d'une organisation militaire, Monsieur ?

2 R. En 1993, j'étais membre du HVO.

3 Q. Quand avez-vous rejoint les rangs de la HVO, si vous pouvez le dire à

4 la Chambre ?

5 R. Je ne connais pas la date exacte, mais c'était après la dissolution de

6 la TO.

7 Q. Monsieur Puselja, quelle était la composition ethnique du village dans

8 lequel vous avez vécu en 1993 ?

9 R. C'était un village croate.

10 Q. Y a-t-il d'autres villages dans votre région dans lesquels la

11 composition ethnique était différente ?

12 R. Oui.

13 Q. Quels étaient ces autres villages ?

14 R. Il y avait Pode, un village musulman; Han Bila, un village musulman;

15 Fazlici, un village musulman.

16 Q. Merci, Monsieur. Je souhaite vous poser quelques questions au sujet de

17 la première moitié de l'année 1993. Est-ce qu'à cette époque-là il y a eu

18 des Serbes dans votre région ?

19 R. Oui.

20 Q. Où vivaient-ils ?

21 R. Le village de Savici, près de Poljanice.

22 Q. Est-ce qu'ils y sont restés tout au long de l'année 1993 ?

23 R. Non.

24 Q. Est-ce que vous vous souvenez quand ils sont partis, si vous le savez ?

25 R. Non.

26 Q. Pourquoi dites-vous que vous savez qu'ils n'y sont pas restés tout au

27 long de l'année 1993 ?

28 R. Parce qu'après 1993, après le 8 juin, les Arabes étaient dans leur

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1 village.

2 Q. Quelle est la distance de ce village par rapport à

3 Mehurici ?

4 R. Je ne saurais vous le dire avec exactitude.

5 Q. Serait-ce plus de 500 mètres ?

6 R. De Poljanice, non. De Mehurici, oui.

7 Q. Ce village s'appelait Savici. Quel était le nom de famille de la

8 plupart des gens qui y vivaient ?

9 R. Je ne saurais vous le dire. Je n'y suis jamais allé.

10 Q. Au cours de la première moitié de l'année 1993, est-ce que vous

11 pourriez décrire les relations entre la communauté croate et la communauté

12 musulmane dans votre région ?

13 R. Les rapports étaient plus que normaux. Avant on allait à l'école

14 ensemble à Mehurici, leur village principal, c'est là qu'il y avait des

15 commerces où on allait, des dispensaires.

16 Q. Est-ce qu'à un moment donné ceci a changé ?

17 R. Le 8 juin, tout a changé.

18 Q. Avant le 8 juin, Monsieur Puselja, avez-vous vu des étrangers dans

19 votre zone ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce que vous pourriez décrire quand et dans quelles circonstances

22 vous les avez vus ?

23 R. Bien, je les ai vus à Mehurici, près de l'école. Mais quant à la date

24 exacte, je ne saurais vous la dire.

25 Q. Y a-t-il eu d'autres occasions lors desquelles vous avez vu des

26 étrangers dans votre zone, Monsieur ?

27 R. Je les ai vus car nous avons eu un terrain de jeu là-bas. C'est là

28 qu'on jouait au football avant le conflit.

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1 Q. Quelle est la distance entre cette zone et votre village ?

2 R. Mehurici est environ à 3 ou 4 kilomètres de mon village.

3 Q. Comment saviez-vous que ces personnes étaient des étrangers, Monsieur ?

4 R. Lorsque je les ai vus, pour la plupart, les gens du cru ne portaient

5 pas de barbe alors que ceux-ci la portaient.

6 Q. Que faisaient ces étrangers lorsque vous les avez vus ?

7 R. Ceux que j'ai vus à Mehurici avec l'émir Tesic, avant le conflit, les

8 voisins m'ont dit qu'ils allaient vers Vlasic, je crois.

9 Q. Que faisaient les étrangers que vous avez vus à la guerre ?

10 R. Il y en avait deux et nous jouions au foot. Ils étaient debout sur la

11 gauche de la route. L'un d'entre eux tenait une carte et discutait avec

12 quelqu'un d'autre qui montrait du doigt notre village ou montrait quelque

13 chose de ses mains.

14 Q. Est-ce que les étrangers étaient seuls, ou y avait-il d'autres avec eux

15 ?

16 R. Il n'y avait que les deux.

17 Q. A quelle distance étaient-ils, ces étrangers, lorsque vous les avez vus

18 au "Lager" ?

19 R. Entre 30 et 50 mètres, pas plus. C'était la distance entre la route

20 principale et ce terrain.

21 Q. Vous parlez du 8 juin 1993, je vais vous poser quelques questions à ce

22 propos.

23 Est-ce que vous vous souvenez où vous vous trouviez dans la matinée

24 du 8 juin ?

25 R. Je me trouvais à l'entrée du village de Donje Podstinje.

26 Q. Vous avez mentionné que votre village ou le village dans lequel vous

27 habitiez était Podovi. Pouvez-vous expliquer à la Chambre pourquoi vous

28 vous trouviez ce matin-là à Podstinje ?

Page 1023

1 R. Le 8 juin, en fin d'après-midi, nous nous sommes tous retirés vers

2 Podstinje.

3 Q. J'aimerais préciser quelque chose pour le compte rendu. Vous venez de

4 dire que : "Le 8 juin, nous nous sommes retirés vers Podstinje." Mais je

5 vous ai demandé : pourquoi vous vous trouviez à Podstinje, et non à Podovi,

6 dans la matinée du 8 juin, tôt dans la matinée. Vous avez dit que Podovi

7 était là où vous habitiez.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Avez-vous compris la question,

9 Monsieur ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, est-ce que vous voudriez bien la réitérer

11 ?

12 M. WOOD : [interprétation]

13 Q. Oui, Monsieur. En fait, je vais passer outre. Peu importe.

14 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Non, en fait, j'aimerais bien avoir

15 une réponse.

16 M. WOOD : [aucune interprétation]

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur le Témoin, pourquoi est-ce

18 que vous vous êtes retiré à Podstinje ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dû me retirer, parce que lorsqu'il y a eu

20 des souffrances à Miletici en avril ou mai, on nous a dit que nous ne

21 serions pas en mesure de défendre notre village et qu'il s'agissait du seul

22 couloir qui nous permettait d'aller de Podstinje à Maline. Si nous étions

23 restés sur place, nous aurions été complètement encerclés.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est-ce que vous voulez dire par

25 "Miletici" ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit également d'un village croate.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Vous avez dit : "J'ai dû me retirer."

28 Etiez-vous le seul à vous retirer ou y avait-il d'autres qui étaient avec

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1 vous ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons tous dû nous retirer, les civils et

3 les soldats qui s'y trouvaient.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup.

5 Monsieur Wood.

6 M. WOOD : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 Q. Vous avez mentionné le fait que tout a changé le 8 juin. Quel a été le

8 premier indice pour vous le 8 juin que les choses allaient changer ?

9 R. Tout d'abord, il y a eu des provocations venant de Fazlici. Vers 7

10 heures ou 8 heures du matin, ils ont ouvert le feu sur notre village, mais

11 nous n'avons pas réagi à ces provocations.

12 Q. Quand vous dites qu'ils ont ouvert le feu depuis Fazlici, était-ce le 8

13 juin ou auparavant ?

14 R. Déjà auparavant, quelques jours plus tôt, ils ont commencé à tirer sur

15 nous.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quand vous dites "ils" de qui s'agit-

17 il, "ils" ont commencé à tirer sur nous ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Les Musulmans.

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

20 M. WOOD : [interprétation]

21 Q. J'aimerais en revenir donc précisément au 8 juin 1993. A quelle heure

22 est-ce que vous vous êtes réveillé ce matin-là ?

23 R. Je ne me souviens pas.

24 Q. Y a-t-il eu une offensive le 8 juin 1993, Monsieur ?

25 R. Oui.

26 Q. A quelle heure est-ce que cette offensive a commencé ?

27 R. Vers 4 ou 5 heures du matin.

28 Q. Comment avez-vous su que l'offensive commençait ?

Page 1025

1 R. Comme je l'ai déjà dit, je me trouvais à Podstinje à l'entrée du

2 village je montais la garde, puis il y a eu un -- ou plutôt, les tirs

3 d'artillerie ont commencé.

4 Q. Avez-vous pu déterminer depuis quel endroit les tirs d'artillerie

5 venaient ?

6 R. Depuis Poljanice.

7 Q. Que s'est-il passé après ce début des tirs de mortier ? Qu'avez-vous

8 fait ?

9 R. Nous y sommes restés quelque 15 ou 20 minutes afin de sauvegarder le

10 village de Podstinje, puis Goran Bobic nous a rejoints. Il a dit qu'ils

11 avaient réussi à repousser la première offensive, mais que les lignes

12 allaient tomber et que nous devrions commencer à battre la retraite.

13 Q. Est-ce ce que vous avez fait ?

14 R. Oui.

15 Q. Pendant combien de temps êtes-vous restés dans le village de Podstinje

16 ?

17 R. En nous approchant du village de Gornji Podstinje, nous avons poursuivi

18 notre chemin en direction de Maline.

19 Q. Est-ce que les mortiers continuaient à tomber à ce

20 moment-là ?

21 R. Oui.

22 Q. Pourquoi avez-vous choisi de vous retirer en direction de Gornje Maline

23 ?

24 R. C'était la seule issue. Il n'y avait nulle part ailleurs où nous

25 pouvions aller. C'était le seul endroit où nous pouvions nous retirer.

26 Q. Pourquoi est-ce que vous étiez convaincus que Gornje Maline était un

27 endroit où vous seriez en sécurité ?

28 R. On ne pouvait pas aller ailleurs. Il n'y avait aucun autre endroit où

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1 on pouvait aller. Maline était le seul couloir qui nous permettait de

2 partir et de continuer notre chemin. Tout ce qui était autour de nous était

3 bloqué.

4 Q. Quelle était la composition ethnique de Gornje Maline ?

5 R. Il y avait deux villages : Donje Maline et Gornje Maline. Je connais

6 bien Maline dans son ensemble : Donji était musulman alors que Gornje était

7 de population croate. En fait, il y avait deux villages qui étaient purs du

8 point de vue ethnique, Gornje et Donje Maline.

9 Q. Quelle était la nationalité de ceux qui vivaient à Gornje Maline ?

10 R. Croate.

11 Q. Merci. Quelle route avez-vous empruntée pour vous rendre de Podstinje à

12 Gornje Maline ?

13 R. Nous avons traversé un petit bois, puis un pré dénommé Vranjaca, puis

14 une sorte de bac de sable.

15 Q. Avez-vous vu des soldats à ce moment-là, Monsieur le

16 Témoin ?

17 R. Quand nous sommes arrivés vers le bac de sable, nous n'en avons pas vu.

18 Q. A quel moment avez-vous vu des forces vous attaquer, si tant est que

19 vous en ayez vu à un moment donné ?

20 R. Bien, sur le côté droit venant de la forêt et du pré, j'ai vu des

21 soldats s'approcher. Lorsque nous nous trouvions sur ce terrain de sable.

22 Q. Avez-vous pu identifier de quelle armée étaient ces

23 soldats ?

24 R. Je n'ai pas pu vraiment bien les voir, mais j'ai vu qu'ils arboraient

25 des uniformes. Puis une fois que tout le village autour de nous avait été

26 pris, j'ai pu les voir de près, ou de façon adéquate.

27 Q. Donc à ce moment-là, avez-vous pu identifier l'armée à laquelle ils

28 appartenaient ?

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1 R. L'ABiH.

2 Q. Vous avez parlé de ce terrain couvert de sable. Pendant combien de

3 temps y êtes-vous restés ?

4 R. Pas très longtemps. Tout s'est produit très vite. Ils s'approchaient de

5 nous depuis la droite. Nous avons dû nous déplacer rapidement; puis devant

6 nous sur la route de Bikosi, j'ai vu Tomo tombé. Il avait été touché. Je me

7 suis rendu compte qu'en fait c'était tout proche, et qu'il fallait

8 rapidement aller vers le village.

9 Q. Quand vous dites "ils" ils venaient depuis le côté droit, de qui

10 s'agissait-il ?

11 R. L'armée musulmane.

12 Q. Qu'entendez-vous par "armée musulmane" ?

13 R. L'ABiH, qui était principale musulmane.

14 Q. Dans votre déposition, vous venez de dire : "Il fallait se rendre

15 rapidement vers le village," de quel village s'agissait-il ?

16 R. Gornje Maline.

17 Q. Est-ce que vous êtes arrivé à Gornje Maline ?

18 R. J'ai réussi à atteindre les trois premières maisons sur la droite, là

19 où l'on voit aujourd'hui une croix.

20 Q. Cette croix se trouve-t-elle à Gornje Maline ?

21 R. Oui, oui.

22 Q. Cette croix est dans le village de Gornje Maline ?

23 R. Oui, sur un rocher sur la droite de Maline.

24 Q. Après où êtes-vous allés ?

25 R. Nous sommes entrés dans un petit bois en aval du rocher. Nous étions

26 quatre, et nous avons attendu de pouvoir traverser le pré en courant afin

27 de pouvoir nous réfugier dans les maisons où se trouvaient tous les autres,

28 les civils, mais nous n'y sommes jamais arrivés.

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1 Q. Que s'est-il passé ?

2 R. Bien, nous étions là debout, tout était en train de tomber, il y avait

3 des troupes devant nous, et nous avons dû nous rendre.

4 Q. Avec qui étiez-vous lorsque vous vous êtes rendus ?

5 R. Mon père, Mijo et moi-même; Nikica Balta; Antara Balta; Mato Turic; et

6 une sixième personne. Non, je ne me souviens pas du nom.

7 Q. C'était à quelle heure, Monsieur ?

8 R. Vers 10 heures ou entre 10 ou 11 heures, peut-être.

9 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Wood, combien de temps vous

10 faut-il encore ?

11 M. WOOD : [interprétation] Je procède aussi rapidement que possible. Enfin,

12 je suis conscient du temps qui passe. En fait, oui, je m'en compte, oui, il

13 serait déjà temps de faire une pause. Je vois qu'il faudra que nous

14 revenions à 15 heures.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, je comprends.

16 M. WOOD : [interprétation] Je voulais juste savoir. Serait-il bon

17 maintenant de prendre la pause ?

18 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Nous allons suspendre la

19 séance et nous retrouver à 15 heures.

20 --- L'audience est suspendue à 13 heures 47.

21 --- L'audience est reprise à 15 heures 03.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Wood.

23 M. WOOD : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

24 Q. Monsieur Puselja, lorsque nous avons, juste avant de prendre la pause,

25 vous avez mentionné que vous vous êtes rendu vers 11 heures du matin dans

26 le village de Gornje Maline. Pourriez-vous nous expliquer quel temps

27 faisait-il ce jour-là ? Y avait-il du soleil ? Faisait-il nuageux ?

28 R. Il faisait plutôt ensoleillé.

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1 Q. Lorsque vous vous êtes rendu, avez-vous pu voir les forces qui vous

2 avaient attaqué dans le village de Gornje Maline ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que vous avez vu des étrangers parmi ces soldats ?

5 R. Non.

6 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Oui, Monsieur Robson.

7 M. ROBSON : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais formuler une

8 objection, car la question orientait le témoin. Manifestement, nous avons

9 reçu la réponse du témoin, mais je voulais quand même que cette objection

10 figure au compte rendu. Merci.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Wood, souhaitez-vous répondre

12 à cette objection ?

13 M. WOOD : [interprétation] Non, je vais poursuivre.

14 Q. Lorsque vous vous êtes rendu qu'avez-vous fait de votre arme ?

15 R. Je l'ai donnée aux soldats à qui nous nous sommes rendus.

16 Q. Avez-vous pu identifier de quelle armée ces soldats étaient membres ?

17 R. L'ABiH.

18 Q. Qu'est-il arrivé immédiatement après votre reddition ?

19 R. Lorsque nous nous sommes rendus, ils nous ont amenés, ils nous ont fait

20 traversé le pré qui menait au village et nous y étions rassemblés avec les

21 autres civils qui avaient été capturés.

22 Q. Combien de civils capturés y avait-il ?

23 R. Trois cents, 350.

24 Q. Vous avez mentionné que vous vous êtes rendu avec un groupe de cinq ou

25 six soldats qui étaient vos compagnons. Pouvez-vous dire à la Chambre,

26 après que ces 350 civils se soient rassemblés, y avait-il d'autres soldats

27 du HVO ?

28 R. Oui.

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1 Q. A peu près combien, diriez-vous ?

2 R. Une cinquantaine.

3 Q. Avez-vous reconnu personnellement les soldats à qui vous vous êtes

4 rendus ?

5 R. Non.

6 Q. Combien de soldats avez-vous vous à Gornje Maline après votre

7 reddition, d'après vos estimations ?

8 R. Je n'ai pas pu identifier le nombre. Je ne peux pas vous dire combien

9 il y en avait lorsque nous nous sommes rendus.

10 Q. Après vous êtes rendus, est-ce que vous avez vu des soldats de l'autre

11 côté, de l'autre partie, qui étaient blessés ?

12 R. Oui.

13 Q. Pourriez-vous les décrire ?

14 R. Ils nous ont alignés avec les autres sur la route à Gornje Maline, ils

15 nous ont dit de ne pas les regarder, de baisser la tête.

16 Q. Ont-ils dit pourquoi vous ne deviez pas regarder ces soldats ?

17 R. Ils nous ont dit que si nous les regardions, ils nous tueraient.

18 Q. Ont-ils précisé pourquoi vous ne deviez pas regarder ces soldats-là en

19 particulier ?

20 R. Ils ont mentionné quelque chose concernant Ara Pranje [phon], et c'est

21 pour cela que nous avons décidé qu'il s'agissait forcément d'Arabes.

22 Q. Avez-vous pu voir ces soldats dont ils parlaient et dont d'autres

23 soldats vous ont dit qu'il ne fallait pas les regarder ?

24 R. J'en ai vu deux qui ramassaient par terre un troisième, mais ils l'ont

25 emmené derrière la maison, donc je ne pouvais plus le voir.

26 Q. A quoi ressemblaient ces deux soldats qui portaient le troisième soldat

27 blessé ?

28 R. Je peux, en tout cas, dire que les deux avaient sans aucun doute des

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1 barbes, et le troisième qui gisait par terre, j'ai pu voir qu'il avait des

2 cheveux bouclés noirs et qu'il n'était pas très grand.

3 Q. Est-ce que vous avez pu voir leur teint ?

4 R. Les deux qui se sont penchés pour ramasser l'autre avaient un teint

5 foncé, basané, autant que j'ai pu le voir, en tout cas, comparé aux

6 personnes locales.

7 Q. A quelle distance étiez-vous de ces soldats lorsque vous les avez vus ?

8 R. Même pas 10 mètres. Ils étaient juste devant nous alors que nous étions

9 alignés. Certainement pas plus de 10 mètres.

10 Q. Que portaient ces hommes ?

11 R. Ils portaient des uniformes militaires, mais d'un vert un peu plus vif

12 que les uniformes militaires habituels.

13 Q. Ces hommes étaient-ils armés ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce qu'il vous semblait qu'ils pouvaient se déplacer librement dans

16 ce secteur ?

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Robson.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

19 M. ROBSON : [aucune interprétation]

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur le Témoin, en fait, lorsque

21 le conseil de la Défense se lève, je vous prierais de ne pas répondre à la

22 question qui vient de vous être posée tout de suite.

23 M. ROBSON : [interprétation] J'ai une objection quant à la dernière

24 question posée qui me paraît tendancieuse sur la base de ce que le témoin a

25 déjà dit. Il nous a dit qu'à l'origine on lui a dit de baisser les yeux. Si

26 j'ai bien compris, il avait les yeux baissés. Il a réussi à voir ces deux

27 hommes, mais je ne comprends pas, en tout cas, il ne ressort pas clairement

28 de ce qu'il a dit ou des éléments de preuve, comment il s'est avéré que ce

Page 1032

1 témoin a pu voir ces deux hommes se déplacer librement.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Robson, est-ce que cela

3 justifie vraiment une objection ? Est-ce que vous ne pourriez pas aborder

4 la question dans le cadre du contre-interrogatoire ?

5 M. ROBSON : [interprétation] Bien, je serais simplement reconnaissant à mon

6 confrère de l'Accusation s'il voulait bien formuler ses questions de

7 manière plus attentive.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est justement cela que je vous

9 demandais. Est-ce que cela peut faire l'objet d'une objection, la manière

10 dont il pose la question ? Si le témoin dit qu'il avait les yeux baissés.

11 En réponse, il a vu des gens, et il a dit qu'il a vu des gens. Est-ce que

12 vraiment c'est sujet à objection ou est-ce qu'il ne s'agit pas de quelque

13 chose que vous pourriez aborder dans votre contre-interrogatoire ?

14 M. ROBSON : [interprétation] Je fais valoir que la question était formulée

15 d'une manière qui invite le témoin à dire qu'il est d'accord.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Voyons déjà quelle était la question

17 ?

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. En fait, vous devriez

20 fonder votre objection sur autre chose. Si vous vous opposez ou vous avez

21 une objection par rapport à la manière dont la question est formulée, soit.

22 Mais si vous parlez de l'aptitude du témoin à voir quelque chose alors

23 qu'il avait les yeux baissés, il me semble que vous suggérez qu'il se

24 contredit. Cela ne me paraît pas être le cas.

25 M. ROBSON : [interprétation] En fait, l'objection c'est qu'il oriente le

26 témoin.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien.

28 Est-ce que vous avez une réaction ?

Page 1033

1 M. WOOD : [interprétation] Non.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Alors l'objection est

3 retenue.

4 Vous pouvez poursuivre.

5 M. WOOD : [interprétation] Merci.

6 Q. Alors, sur ce point, Monsieur Puselja, puisque vous aviez la tête

7 baissée, comment est-ce que vous avez pu voir tout cela, et l'apparence de

8 ces hommes ?

9 R. Ils nous ont dit d'avoir les yeux baissés, de regarder par terre, mais

10 nous étions sur une colline, alors ils se trouvaient en dessous de nous, en

11 aval, près de la maison, et évidemment, je regardais vers le bas et c'est à

12 ce moment-là que j'ai pu voir quelque chose.

13 Q. Pendant combien de temps est-ce que vous avez pu observer ces hommes ?

14 R. Pendant quelques minutes, pas plus longtemps, puisqu'ils n'ont fait que

15 ramasser l'autre et l'emmener.

16 Q. Merci, Monsieur. Vous avez mentionné que vous étiez rassemblés avec un

17 certain nombre d'autres civils et soldats du HVO. Que s'est-il passé après

18 ?

19 R. Une fois que nous étions rassemblés en un groupe, nous sommes partis

20 pour Mehurici. J'ai entendu dire qu'ils nous amenaient au camp à Mehurici.

21 Q. Comment êtes-vous allés à Mehurici ?

22 R. Ils nous y ont amenés en colonne en direction de Maline, puis on a fait

23 un virage pour aller vers Bikosi, puis on a pris une rue ou une route

24 parallèle menant vers Mehurici.

25 Q. Lorsque vous dites "ils" vous ont amenés; savez-vous de qui il

26 s'agissait ? Qui vous escortait ?

27 R. L'ABiH.

28 Q. Comment savez-vous cela ?

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1 R. Je connais leurs uniformes et tout le reste. Je sais de qui il s'agit.

2 Q. A quoi ressemblaient ces uniformes, en quoi ces uniformes étaient

3 caractéristiques de l'ABiH ?

4 R. Il s'agissait d'uniformes de camouflage et sur les manches il y avait

5 des insignes.

6 Q. A quoi ressemblaient ces insignes ?

7 R. Sur la manche droite, il y avait un insigne, enfin ils avaient un

8 insigne qui ressemblait - qu'est-ce que j'ai dit au

9 juste ? Le lys.

10 Q. Est-ce que les hommes qui vous escortaient vous ont parlé à un moment

11 ou à un autre ?

12 R. Lorsqu'ils nous amenaient vers "pjescara", un certain Krajisnik s'est

13 adressé à nous. Il nous a dit, "Vous êtes maintenant des captifs, des

14 détenus, et nous allons vous escorter vers le camp de Mehurici."

15 Q. [aucune interprétation]

16 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

17 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Puis-je demander à l'interprète de ce

18 qu'elle entendu au juste par "sable" ?

19 L'INTERPRÈTE : En fait, les "sables" c'est-à-dire un terrain recouvert de

20 sable, donc ils les ont amené vers cet endroit où il y avait du sable.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Très bien. Merci.

22 M. WOOD : [interprétation]

23 Q. Est-ce que vous avez continué en direction de Mehurici, comme cela

24 avait été indiqué par la personne dont vous nous avez parlé ?

25 R. Oui. Nous sommes allés en direction de Mehurici, jusqu'à Bikosi et

26 Poljanice, et c'est là qu'ils ont commencé à nous séparer.

27 Q. Avant d'aller plus loin, Monsieur Puselja, est-ce que vous aimeriez

28 corriger quelque chose au compte rendu ? Plus tôt, vous avez dit "alors

Page 1035

1 qu'ils nous amenaient vers les sables," en fait, le compte rendu n'indique

2 pas qui s'est adressé à vous en disant que vous étiez maintenant détenus et

3 que vous alliez être escorté au camp de Mehurici; pourriez-vous dire à la

4 Chambre de qui il s'agissait; qui vous a dit que vous-même et d'autres

5 étiez prisonniers de guerre ?

6 R. Semro, S-e-m-r-o, Krajisnik. Nous l'appelons Krajisnik parce qu'il

7 venait de la Krajina. Lorsqu'ils nous ont amenés vers la gauche, en

8 direction de Bikosi, il est venu vers nous. Il nous a dit d'enlever tous

9 biens à caractère religieux, tels que nos croix, et aussi pour les insignes

10 du HVO que nous arborions.

11 Q. Vous a-t-il expliqué pourquoi il fallait que vous enleviez toutes ces

12 choses ?

13 R. Il a dit parce que nous allions passer devant les Arabes, donc qu'il

14 fallait enlever tout cela.

15 Q. Pour revenir à ce que vous avez déjà dit, vous avez dit qu'à un moment

16 donné ils vous ont séparés alors que vous alliez en direction de Mehurici.

17 Quand vous dites "ils," à qui est-ce que vous faites allusion ?

18 R. Lorsque nous sommes arrivés à Poljanice et Bikosi, enfin jusque-là,

19 nous étions sur les routes; à ce moment-là, des Arabes sont venus vers nous

20 en courant. Ils venaient du côté gauche de la route. Ils voulaient faire un

21 tri parmi ceux qui se trouvaient dans la colonne. Semro leur a dit qu'ils

22 étaient des détenus de l'ABiH et l'autre homme a dit : "Que l'ABiH aille se

23 faire foutre." En fait, ils ont commencé à se disputer. A ce moment-là un

24 homme arabe a mis son pistolet dans la bouche de Semro. Et lorsque c'est

25 arrivé, Semro a dû se rendre à l'homme qui voulait faire un tri parmi ceux

26 qui étaient dans la colonne, puis ils ont commencé à faire justement cela,

27 à choisir des hommes parmi nous, comme ils le voulaient.

28 Q. Je vois qu'à la page 88, ligne 22 -- plutôt ligne 11, vous parlez

Page 1036

1 "d"Arabes qui sont arrivés en courant." Pouvez-vous dire à la Chambre de

2 combien d'Arabes il s'agissait ?

3 R. Autant que j'ai pu le voir, à ce moment-là, il y avait quatre qui sont

4 arrivés en courant sur la gauche.

5 Q. Est-ce qu'il s'agissait là du groupe tout entier ?

6 R. Non. Plus tard, d'autres encore sont venus dont l'un était un Arabe et

7 quatre portaient des cagoules noires.

8 Q. Pour être précis, comment est-ce que vous saviez que ceux que vous

9 qualifiez d'Arabes étaient des Arabes ?

10 R. Parce que les personnes locales portaient des cagoules alors que les

11 Arabes n'en portaient pas. En fait, de toute notre vie, nous n'avions

12 jamais vu de telles personnes chez nous, dans notre région. Ils portaient

13 tous la barbe et celui qui m'a tiré dessus était très corpulent.

14 Q. Comment est-ce que vous saviez, Monsieur Puselja, que ceux qui

15 portaient des cagoules étaient des personnes locales et non des Arabes ?

16 R. Bien, ils ont sans doute mis les cagoules afin qu'on ne puisse pas les

17 reconnaître, parce que certains les connaissaient certainement.

18 Q. Est-ce que vous les avez entendu parler ?

19 R. Vous voulez dire les Arabes ?

20 Q. N'importe quel homme de ce groupe dont vous avez dit qu'il est arrivé

21 en courant.

22 R. Il y a un Arabe qui a mis un pistolet dans la bouche de Semro

23 continuait à se disputer dans une langue que je ne comprenais pas du tout.

24 et j'ai seulement compris ce dont il s'agissait lorsque l'autre a répondu

25 que nous étions des captifs de l'ABiH, puis l'Arabe a répondu en bosniaque,

26 mais avec un fort accent, "Que l'ABiH aille se faire foutre."

27 Q. Qu'a fait l'homme que vous appelez Semro après qu'on lui ait mis ce

28 pistolet dans la bouche ?

Page 1037

1 R. Bien, je suppose qu'il a dû accepter ce que voulaient les autres,

2 puisque les autres ont commencé à faire un tri parmi les hommes. Il a

3 simplement fait un geste du bras qui démontrait qu'il ne s'y opposait plus,

4 et ainsi l'autre homme a retiré le pistolet de sa bouche.

5 Q. Combien d'hommes, combien de personnes ont été séparées du groupe ?

6 R. Bien, je suis parvenu à la conclusion que quatre ou cinq d'entre nous

7 avaient été choisis ou isolés. Ils étaient neuf et ils ont pris cinq

8 prisonniers, un groupe de cinq prisonniers. Puis celui qui parlait est venu

9 vers moi, a mis le canon de son fusil sur mon estomac et a dit : "Toi

10 aussi, toi aussi."

11 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre ce que vous portiez à ce moment-là,

12 Monsieur Puselja ?

13 R. Je portais un pantalon militaire et un pull brun.

14 Q. Est-ce que vous vous souvenez, Monsieur, des noms de certains autres

15 membres du groupe qui a été ainsi séparé par les Arabes ?

16 R. Certains avaient des uniformes militaires ou des uniformes partiels,

17 mais il y avait également des civils, y compris des enfants de 13 ou 14 ans

18 et des vieillards.

19 Q. Après que ce groupe ait été séparé, où sont allés ceux qui restaient

20 dans l'autre groupe ?

21 R. On les a emmenés à Mehurici, au camp qui se trouvait dans l'école;

22 j'entends par là le groupe de civils qui a pu rester sur place.

23 Q. Dans quelle direction est-ce que l'autre groupe est parti, le groupe

24 plus petit qui avait été séparé ?

25 R. Bien, ceux d'entre nous qui avaient été choisis ont été emmenés. Nous

26 avons dû rebrousser chemin, mais pas en empruntant la même route. Ils nous

27 ont emmenés le long d'un sentier ou d'un chemin étroit qui traversait la

28 forêt et ils nous ont remmenés à Bikosi.

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1 Q. Est-ce que vous vous souvenez des noms de certaines personnes qui

2 étaient dans ce groupe plus restreint ?

3 R. Oui. Vlado Puselja; Niko Bobas; Goran Bobas, c'était père et fils;

4 Janko et Stipo, père et fils; Pavo, Barac; Bojan Barac, deux frères;

5 ensuite Pero Bobas; Dalibor; Sreco Bobas; Ana Pranjes; Ivo Balta; Butsa et

6 père Niko Jurcevic; ensuite Franjo Puselja, père Vinko; Nikica Balta; les

7 trois frères Balta. C'étaient les personnes que je connaissais dans mon

8 village. Puis aussi il y avait Tavic, Ivo Tavic, et ces personnes que j'ai

9 déjà mentionnées.

10 Q. Vous avez mentionné Ana Pranjes. Dites, s'il vous plaît, à la Chambre,

11 que portait-elle ?

12 R. Elle portait une veste multicolore, mais elle avait l'insigne de la

13 Croix-Rouge. Elle était l'assistante d'une femme médecin. Elle portait

14 aussi un tee-shirt blanc.

15 Q. Ana Pranjes, où étiez-vous dans le groupe par rapport à elle ?

16 R. Non.

17 Q. Excusez-moi. Je vais vous reposer la question.

18 R. Elle était devant moi.

19 Q. Est-ce que quelque chose est arrivé à Ana Pranjes ?

20 R. Oui. Il y en avait un qui était maigre, pas plus de 60 kilogrammes, un

21 Arabe. Il s'est approché d'elle et il l'a touchée sur son ventre. Il lui a

22 demandé si elle était enceinte, si elle était mariée. Elle portait une

23 chaîne avec un pendentif de la Vierge. Il l'a pris, il a craché dessus et

24 il est entré. Elle avait un paquet de cigarettes. Elle a pris une cigarette

25 pour l'allumer et il a pris la cigarette de sa main et l'a jetée.

26 L'autre Arabe est venu et lui a dit : "Vas-y." Il voulait lui dire

27 qu'il fallait qu'il ramène la cigarette. C'est que l'autre a fait. Elle lui

28 a allumé la cigarette. Ensuite il lui a posé des questions concernant sa

Page 1040

1 veste en lui disant : "Tu n'as pas besoin de ça. Enlève ça." Pour qu'elle

2 enlève sa veste. Elle était très courageuse, je pense. Elle a boutonné sa

3 veste et elle a dit : "Si je dois me faire tuer dans mon pays je préfère le

4 faire en uniforme." Ensuite il a pris son fusil, il l'a poussé à côté et il

5 a tiré une rafale sur elle.

6 Q. Que s'est-il passé ensuite ?

7 R. Ils nous ont pris plus loin. Ils nous ont emmenés plus loin jusqu'à

8 Bikosi. Nous avons suivi un petit sentier. Ils nous ont alignés devant la

9 première maison à gauche, c'était la maison de Ljuba, qui était la femme du

10 propriétaire de la maison. C'est là qu'on était. Lorsqu'ils nous ont

11 alignés à gauche, ce jeune homme blond qui était petit et mince et qui

12 avait une cagoule a commencé à nous interroger en nous demandant : Qui

13 était un tireur embusqué. Ce que ceci et cela représentait.

14 Et cet Arabe qui avait personnellement tiré sur moi, il est venu et

15 il lui a tapé sur l'épaule. C'est à ce moment-là que j'ai entendu son

16 prénom. Il a dit : "Isak, tu es," puis l'autre est allé dans la maison de

17 Ljuba, la première maison à gauche. Il est entré dans la maison. Nous avons

18 entendu un cri,"Allah U Ekber," ensuite, il est sorti de la maison et il

19 pointait son doigt pour montrer quelque chose à l'autre, et l'autre a fait

20 un signe de tête ou peut-être il montrait du doigt. Et cet homme, il est

21 sorti de la maison, il descendait.

22 L'autre est allé derrière la maison. Je pensais qu'il y avait un

23 puits là-bas, mais apparemment, il s'agissait d'un poulailler qui était là-

24 bas. Donc nous avons dû reprendre la route, et il a fait un geste de la

25 main en montrant qu'il allait nous tuer et nous jeter dans le puits. C'est,

26 en fait, la raison pour laquelle je pensais qu'il y avait un puits là-bas.

27 M. WOOD : [interprétation] Je souhaite que vous nous disiez quelque chose

28 de plus par rapport au moment où la personne a fait un geste de la main,

Page 1041

1 c'est-à-dire il a pris sa main et il a tiré sur son cou. Pour que les

2 choses soient claires, j'explique quel était le geste fait par le témoin.

3 Q. Vous avez mentionné un dénommé "Isak." Est-ce que c'était l'un de ceux

4 qui avaient porté une cagoule ?

5 R. Oui. C'est l'un d'eux. Ensuite, après qu'ils nous ont alignés devant

6 cette maison, sur la droite, nous nous tenions là. Les autres ont enlevé

7 leurs cagoules, et j'ai reconnu l'un d'eux; c'était un homme grand et avec

8 la peau assez mate. Il avait travaillé avec mon père; plus tard, je l'ai

9 décrit à mon père, mais mon père ne pouvait pas se rappeler de son nom.

10 J'ai en reconnu un autre qui était grand et blond, il avait un

11 magasin à l'entrée de Mehurici, sur la droite. Peut-être qu'il était plus

12 grand que moi, environ 25 kilomètres [comme interprété], il était beaucoup

13 plus corpulent que moi. Puis le quatrième qui était là-bas, il avait les

14 cheveux sombres, il était mince, il s'appelle Zihnad Sejdic. C'est le nom

15 que j'ai entendu par la suite, dans le camp. C'est son nom.

16 Q. Ce Sejdic, comment avez-vous appris le nom de son père ?

17 R. Plus tard, dans le camp, après que tout soit terminé, nous en avons

18 parlé entre nous encore une fois à Mehurici, et j'ai décrit à certaines

19 personnes à quoi il ressemblait. Zarko Balta qui vivait près d'eux, près du

20 village de Sejdici, a dit que sur la base de ma description, que c'était

21 probablement quelqu'un des Sejdici.

22 Q. Je vais reposer la question. Est-ce que vous avez appris à un moment

23 donné comment s'appelait le père de cette personne ?

24 R. J'ai oublié.

25 Q. Nous pourrons revenir.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'avez-vous oublié ? Vous avez oublié

27 le nom du père, ou bien vous avez oublié si vous avez appris à un moment

28 donné le nom de son père ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] On m'a dit dans le camp quel était le nom du

2 père, mais je l'ai oublié.

3 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Donc la réponse à la question est que

4 vous avez appris à un moment donné le nom du père, mais vous ne vous en

5 souvenez pas maintenant. C'est la réponse que vous voulez donner ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout à fait.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci beaucoup. Poursuivez.

8 M. WOOD : [interprétation] Merci, Monsieur le Président,

9 Q. Monsieur Puselja, est-ce que vous vous souvenez avoir fait une

10 déclaration auprès du procureur de ce Tribunal au sujet de cet incident ?

11 R. Oui.

12 Q. Est-ce que vous souvenez-vous que dans cette déclaration vous avez

13 fourni le nom du père de cette personne ?

14 R. Je pense que oui, mais vraiment en ce moment, je ne me souviens pas.

15 Q. Cette déclaration a été faite en septembre 2006; est-ce exact ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce que ceci vous rafraîchirait la mémoire si vous pouviez revoir

18 cette déclaration ?

19 R. Je pense que oui.

20 M. WOOD : [interprétation] Je demanderais à l'huissier de montrer un

21 exemplaire de la déclaration au Témoin, s'il vous plaît.

22 Peut-on placer cela sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est le nom Sahit [phon].

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Le témoin peut-il identifier le

25 document qui est devant lui, la déclaration, avant qu'on lui pose une

26 question au sujet du contenu ?

27 M. WOOD : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

28 Q. Monsieur Puselja, est-ce que vous pourriez examiner ce document et nous

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1 dire s'il s'agit effectivement d'un exemplaire de la déclaration que vous

2 avez fournie à ce Tribunal en 2006 ? Veuillez l'examiner attentivement pour

3 vous assurer qu'il s'agit effectivement de votre déclaration ?

4 R. Oui, c'est tout à fait ma déclaration.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'est votre signature qui y figure,

6 c'est vous qui l'avez signée ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous voyez votre signature

9 là-bas ?

10 M. WOOD : [interprétation] Avec votre permission, Monsieur le Président, je

11 souhaite dire que ceci est la traduction de sa déclaration.

12 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

13 M. WOOD : [interprétation] Elle ne comporte pas sa signature. Au moment où

14 il fournit sa déclaration, ceci est traduit en anglais simultanément, et

15 ensuite, on lui relit la version en anglais dans une interprétation en

16 B/C/S. Sa signature n'apparaît pas sur ce document.

17 Mais il s'agit là de la traduction de la déclaration signée que le

18 témoin a fournie en 2006, conformément à ce qui est écrit à la première

19 page de la déclaration qui est devant lui en ce moment.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci, Monsieur Wood.

21 M. WOOD : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

22 Q. Monsieur Puselja, vous avez examiné cette déclaration; est-ce que ceci

23 vous rafraîchit la mémoire concernant le nom du père de la personne, de

24 Sejdic ?

25 R. Oui, nous voyons Zihnad Sejdic, fils de Zahid de Sejdic. Sejdic est un

26 village, c'est ce qu'on m'a dit.

27 Q. Cette personne, "Isak," avez-vous appris son nom de famille un moment

28 donné ?

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1 R. Isak, encore une fois, c'est dans le camp que j'ai appris comment il

2 s'appelait. Je l'ai décrit à Zarko Balta, et ils m'ont dit qu'il y avait un

3 Isak Aganovic qui était du village de Fazlici. J'ai décrit aux gens dans le

4 camp, il ressemblait un peu à Zarko Balta, mais il était plus mince.

5 Q. Pour clarifier donc, vous avez appris que le nom de cette personne

6 était Isak Aganovic ?

7 R. Lors de l'exécution, lorsqu'ils nous ont alignés, j'ai entendu que

8 l'Arabe lui a dit : "Isak, 'Allah U Ekber,'" et j'ai retenu son nom et son

9 visage. Dans le camp, je l'ai décrit à plusieurs personnes différentes, je

10 leur ai dit son prénom et ils m'ont dit que c'était probablement cet homme-

11 là, Isak Aganovic, fils de Rasid du village de Fazlici. Mais

12 personnellement, je ne connaissais pas cette personne.

13 Q. Vous avez mentionné une autre personne, propriétaire d'un commerce.

14 Est-ce que vous vous souvenez du nom de cette personne ?

15 R. Il avait un négoce dans le village de Mehurici, à l'entrée à droite. Il

16 s'appelait Vehbija Jasaveric.

17 Q. Merci, Monsieur.

18 M. WOOD : [interprétation] Je pense que c'est tout ce qu'il nous faut

19 concernant sa déclaration pour le moment.

20 Q. Monsieur Puselja, avant que je ne vous ai posé cette question au sujet

21 des noms, vous avez dit qu'ils vous avaient alignés, que s'est-il passé

22 ensuite ?

23 R. Lorsqu'ils nous ont alignés, dans des groupes, en haut, lorsqu'on s'est

24 mis devant cette espèce de puits, le long de la route goudronnée, nous, on

25 s'approchait en groupe, Mijo Tavic, il souffrait d'épilepsie. Nous nous

26 tenions là-bas. J'étais dans le deuxième ou troisième groupe, lui, il a été

27 saisi d'une attaque, on l'a entendu gémir et crier. Les autres, ils ont

28 pris peur et ils ont ouvert le feu. Celui qui se tenait à côté de moi à un

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1 mètre et demi, ou

2 2 mètres, car la route n'était pas large, il était sur ses genoux. J'ai vu

3 ce qui se passait. Je me suis jeté par terre, mais au moment où je tombais,

4 j'ai reçu une balle dans le coude droit de mon bras.

5 A ce moment-là, j'ai eu mal à l'épaule et je suis tombé sur mon

6 visage. J'ai eu mal au visage. J'étais gisant par terre sur la route

7 goudronnée et je faisais semblant d'être mort. A ce moment-là, un homme

8 assez corpulent est tombé sur mes pieds. Du côté gauche, j'ai vu que ces

9 entrailles étaient déchiquetées et je pouvais entendre ces derniers soupirs

10 d'homme agonisant. Une autre personne est tombée pliée par une rafale, et

11 cette personne est tombée sur moi, aussi.

12 Q. Vous avez mentionné qu'il y avait une personne devant vous qui tirait.

13 Qu'ont fait les autres du groupe ? Les autres du groupe d'Arabes et les

14 autres qui vous ont escortés à Bikosi ?

15 R. Lorsque nous avons entendu les tirs, les rafales, ensuite on entendait

16 que des cris et des gémissements et les gens se sont dissipés de tous les

17 côtés. Lorsque nous étions tous par terre, on entendait des coups de feu

18 individuels. Ensuite, il y avait une personne qui parlait notre langue,

19 l'une des personnes du cru, qui parlait dans notre langue qui a dit :

20 "Prenez-moi, ensuite continuez après cela."

21 Ils terminaient, ils achevaient les gens un par un, donc on a pu

22 entendre des tirs individuels à un moment donné, à ce moment-là. Puisque ma

23 tête était sur l'asphalte, je pouvais simplement voir les baskets sur les

24 pieds de quelqu'un. J'étais couvert de sang qui coulait de moi et d'autres

25 personnes. Donc ils pensaient que j'étais mort, et j'ai entendu le clic de

26 quelqu'un qui a arrêté son fusil, ensuite ils ont poursuivi leur chemin.

27 Clandestinement, j'ai continué à écouter et à regarder, j'ai vu

28 ensuite deux Arabes qui allaient en haut afin d'empêcher que qui que ce

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1 soit vienne à cet endroit. Ils ont pris cet homme qui gémissait car il ne

2 pouvait plus supporter ces cris.

3 Q. Cet homme qui gémissait, d'après ce que vous dites, c'était l'un des

4 étrangers arabes, ou bien c'était l'un des gens du cru qui portait une

5 cagoule ?

6 R. C'était l'une des personnes du cru, certainement, car elle disait :

7 "D'abord emportez-moi, et ensuite vous pouvez continuer." J'ai très bien

8 compris ce qu'il disait, il l'a dit dans notre langue, couramment.

9 Q. Je comprends, Monsieur Puselja, que c'est difficile pour vous. Mais je

10 dois vous demander, est-ce que toutes les personnes qui faisaient partie du

11 groupe ont tiré au cours du massacre ?

12 R. Je pense que oui, car lorsque je me suis levé après l'exécution, tout

13 était terminé. Il y avait des personnes blessées. Je me suis levé, j'ai

14 entendu qu'ils étaient tous partis, à ce moment-là, j'ai bougé ma jambe et

15 je me suis dit : "Bon Dieu, apparemment je suis vivant."

16 Q. Vous êtes avec nous aujourd'hui, donc, visiblement, vous avez survécu à

17 cela. Est-ce qu'il y a eu d'autres survivants ?

18 R. Oui. Oui, il y en a eu. Mais quand je me suis levé, j'ai regardé, je

19 n'ai vu personne; et j'ai dit : "Ecoutez, est-ce qu'il y a quelqu'un de

20 vivant ? Fuyons cet endroit." Lorsque j'ai regardé à droite Darko Puselja;

21 Marijan Bobas; et Tavic, j'ai oublié son prénom; Berislav; le petit Barac,

22 le frère des deux qui avaient été exécutés. L'un deux a été exécuté,

23 l'autre a survécu, il était contre un arbre, et il avait perdu ses jambes

24 pratiquement à cause d'une rafale, et il gémissait et il disait : "Aidez-

25 moi."

26 On a commencé à fuir vers la maison, et ensuite Barac et Bojan. Je

27 crois, Pavo et Bojan, c'était deux frères. L'un deux est resté en haut;

28 l'un deux a survécu. Ils ont commencé à fuir en bas de la maison, ensuite

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1 Marijan, Darko et moi-même, en fuyant. Puisque j'étais blessé dans mon bras

2 droit, je ne pouvais le bouger, donc je tenais ma manche entre mes dents,

3 et c'est ainsi que je portais mon bras.

4 Q. Où est-ce que vous avez fui ?

5 R. Nous allions là où nous connaissions les lieux, Vradilia [phon],

6 ensuite Podstinje. Nous sommes arrivés à Pasica. Il y avait un café là-bas.

7 C'est là que nous avons voulu attendre la nuit. Puis il y avait un petit

8 ruisseau utilisé par des moulins. C'est là qu'on est entré, et les

9 Musulmans locaux nous ont vus à ce moment où nous sommes entrés dans le

10 ruisseau, et lorsque nous nous sommes retrouvés tous les cinq dans le

11 ruisseau, on a entendu quelqu'un dire : "Rendez-vous," Les petits, les

12 jeunes, ils ont fui, mais nous on s'est rendu.

13 Zdravko, il avait reçu beaucoup de balles. Il avait de l'air qui entrait

14 dans ces poumons. Nous, on ne pouvait pas fuir, et les deux autres ils ont

15 fui. On n'a pas pu les retenir. Devant nous, on a vu Safet Dautovic; son

16 frère, Suljo. Son beau-frère, Naje, il avait un fusil de chasse, il s'est

17 approché de Zarko. Il lui a donné un coup de crosse de fusil dans son

18 oreille. J'avais l'impression qu'il l'a totalement enlevée. Safet a sauté

19 auprès de nous, et il a poussé la crosse de fusil dans le ventre de

20 quelqu'un, ensuite Safet m'a demandé pourquoi j'étais là. Car il nous

21 connaissait. Avant il venait dans notre magasin. Nous avons dit que nous

22 avions fui le site d'exécution, et il m'a montré par un geste qu'il fallait

23 que je garde le silence.

24 Ensuite, ils nous ont emmenés à un endroit devant son magasin, c'est là

25 qu'ils vivaient, et les deux autres personnes que je n'avais jamais vues de

26 ma vie avaient pris Marijan Bobas, ils l'ont ramené afin qu'il appelle

27 Berislav et le jeune homme pour leur demander de se rendre. Ils lui ont dit

28 que s'il n'y arrivait pas, ils allaient le tuer. Donc moi et Darko, ils

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1 nous ont placés dans la maison qui était à droite, ce n'était pas un

2 dispensaire, mais il y avait une personne là-bas que je n'avais jamais vue

3 de ma vie, mais qui voulait m'aider, qui voulait panser ma blessure, et qui

4 nous a aussi donner à manger.

5 Ensuite, nous avons entendu des enfants crier : "Voici les Arabes qui

6 viennent." Ensuite, Safet nous a emmenés dans le magasin, il nous a emmenés

7 à l'intérieur, il nous a enfermés dans les toilettes. Il a dit : "C'est

8 seulement en me tuant qu'ils pourront venir ici et vous prendre." Ensuite

9 une voiture s'est arrêtée, nous avons entendu le bruit des armes et nous

10 avons entendu des disputes mais ils ne voulaient pas nous rendre à eux.

11 Lorsqu'ils sont partis, ils ont pris dans sa Golf.

12 Il nous a ramenés et je lui ai dit : "Safet, tu sais qui je suis. On

13 se connaît tous depuis longtemps. Laisse-nous partir. Il a dit : "Non, je

14 ne peux vraiment pas faire cela," ensuite, il nous a simplement amenés à

15 Mehurici à l'école dans leur camp.

16 Q. C'est ce que j'allais vous demander pourquoi est-ce qu'il vous a amené

17 à l'école de Mehurici ?

18 R. C'est là qui se trouvait leur commandement, à l'école de Mehurici.

19 C'était l'école.

20 Q. Où est-ce qu'on vous a amenés dans cette école ?

21 R. Dans la salle. Dans une salle spéciale et grande qui se trouvait dans

22 l'école. C'était une salle de gym servant comme une salle de sport pour le

23 basket, le volley-ball.

24 Q. Est-ce que vous étiez gardés dans cette salle ?

25 R. Lorsque nous y sommes entrés, il y avait deux policiers qui se tenaient

26 à la porte. On m'a placé à l'intérieur. J'étais assis pendant un certain

27 temps, ensuite ils m'ont dit qu'il fallait que je subisse un interrogatoire

28 auprès de Haris Jusic. Je le connaissais, il avait travaillé comme juriste

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1 à mon ancien travail. Il voulait me voir. Il a commencé à me poser des

2 questions, il m'a demandé lui aussi ce que je faisais là-bas. Je lui ai dit

3 que j'avais survécu à une exécution et que j'avais fui. Il n'avait pas

4 l'air préoccupé. Ensuite, il m'a dit : "Bien. Bien. Il y a des membres des

5 forces spéciales de Zenica qui vont vous interroger." Ensuite, il m'a

6 ramené dans le gymnase.

7 Q. Vous avez dit tout à l'heure qu'il y avait des policiers à la porte.

8 S'agissait-il des policiers civils ou militaires ?

9 R. Des policiers militaires qui portaient des ceinturons blancs.

10 Q. Ils appartenaient à quelle armée ?

11 R. L'ABiH.

12 Q. Cette personne Haris Jusic; est-ce que vous avez pu déterminer, au nom

13 de qui il vous posait des questions; je veux dire faisait-il partie de

14 l'armée ?

15 R. Il portait un uniforme militaire. A mon avis, il était juriste. Et tous

16 ceux qui allaient subir un interrogatoire étaient d'abord reçus par lui et

17 ensuite par les autres. Il avait un bureau à gauche du gymnase, proche de

18 la salle des sports, mais il n'avait jamais touché qui que ce soit. Les

19 autres m'ont dit à la même chose.

20 Q. Combien de personnes se trouvaient dans ce gymnase ou cette salle de

21 sport lorsque vous vous trouviez là ?

22 R. Bien, tous ceux qui ont été amenés de Poljanice, environ 300 à 350

23 personnes, des civils, des femmes, des enfants. Tous ceux qu'ils ont pu

24 assemblés.

25 Q. Est-ce que vous avez reconnu l'un quelconque des hommes qui vous

26 gardaient dans le gymnase, dans la salle de sport ?

27 R. Oui, je les ai reconnus. Ils travaillaient avec moi dans le passé. Il y

28 avait Ferid Jasarevic. Ferid Jasarevic travaillait à la scierie avec nous.

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1 Et l'autre, Biban Jasarevic, était un homme grand, blond. Je le connaissais

2 déjà.

3 Q. Je voudrais maintenant vous poser quelques questions concernant les

4 personnes qui vous ont tiré dessus. Cet Isak Aganovic, l'avez-vous jamais

5 revu après cela ?

6 R. Non, pas depuis l'exécution.

7 Q. L'homme dont vous avez dit qu'il se tenait devant vous, est-ce que vous

8 l'avez jamais revu; est-ce que vous avez vu celui qui vous tirait dessus,

9 l'avez-vous jamais revu après la fusillade à Bikosi ?

10 R. Oui, effectivement, plus d'une fois, parce qu'il m'a persécuté tout le

11 temps jusqu'à Zenica. Il est venu à Mehurici alors que nous étions déjà là

12 dans le gymnase. Lorsque j'avais été voir Haris, après environ une demi-

13 heure, il est entré dans la pièce, il m'a saisi par le bras et il a dit :

14 "Oustacha, tap tap", ce qui voulait dire qu'il allait me battre. J'ai gardé

15 le silence et j'ai regardé le sol.

16 Après cela, un autre est venu après lui, un Arabe également, qui avait de

17 très, très grandes oreilles. Ils se sont disputés. Pour autant que j'ai pu

18 me rendre compte, il connaissait assez bien notre langue. Et après qu'ils

19 aient fini de se disputer, après la dispute, après que la dispute ait été

20 terminée, il est allé jusqu'à moi et a dit, "Ne t'inquiète pas, il

21 t'arrivera aucun mal."

22 Il y avait plus de problème après le bandage, parce qu'on nous a amenés

23 dans cette boutique qui appartenait à Ibro, il y avait donc un dispensaire

24 qui était là pour nous, les prisonniers. Lorsqu'ils m'ont amené là --

25 Q. Je voudrais simplement m'assurer que le compte rendu est bien clair. Où

26 se trouvait ce magasin qui appartenait Ibro ? Dans quelle ville est-ce que

27 c'était ?

28 R. A Mehurici, c'est à partir de l'entrepôt, du dépôt. Lorsqu'on traverse

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1 le pont, c'est le premier magasin qu'on trouve à ma gauche. Ibro est

2 propriétaire de ce magasin, et il y avait aménagé en dispensaire ou en

3 infirmerie pour nous, les prisonniers. J'y ai été amené une fois ainsi que

4 Darko.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur Wood, il va vous falloir

6 encore combien de temps ?

7 M. WOOD : [interprétation] J'ai presque fini, Monsieur le Président.

8 Q. Donc vous étiez en train d'expliquer qu'il y avait des problèmes dans

9 cette infirmerie, dans ce dispensaire ?

10 R. Oui, parce que cet Arabe, celui qui m'avait tiré dessus, il était de

11 retour. Il est entré dans l'infirmerie, celui qui nous a amenés à

12 l'infirmerie se trouvait là aussi, il était de la Krajina également. Il m'a

13 dit ça, c'est lui-même qui me l'a dit. Il était le principal médecin qui se

14 trouvait là pour faire les pansements. Et au moment où on faisait les

15 bandages de Darko qui était étendu sur la table, Semo, notre vieux docteur

16 était là.

17 Et cet arabe qui m'avait tiré dessus, est entré, il portait un couteau, un

18 grand couteau de 40 à 50 centimètres. Il m'a pris, il m'a saisi par les

19 cheveux et a fait un geste comme s'il allait me trancher la gorge. Mais je

20 lui ai dit que j'avais une hémorragie interne, que j'allais en mourir, et

21 que je devais être transféré à Zenica. A ce moment-là, il nous a laissé

22 partir, mais il n'a pas vraiment cru ce qu'on lui disait. Parce qu'après

23 qu'on ait fini les pansements et les bandages, nous sommes sortis. Il y

24 avait une fourgonnette qui nous attendait pour nous amener à Zenica.

25 L'Arabe a commencé par entrer le premier dans la fourgonnette, dans

26 la camionnette, ensuite c'est un policier qui a conduit. Il a pris la

27 première voiture qui se trouvait derrière nous, il nous a suivis jusqu'au

28 bout, jusqu'à Zenica à l'hôpital. Le Dr Semo a mis Darko à l'hôpital, il

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1 m'a amené pour qu'on refasse mes pansements et au moment où nous sommes

2 entrés dans -- nous avons passé la porte, cet Arabe a suivi en me jetant un

3 regard sombre et a continué à regarder sans rien dire.

4 Je suis entré avec eux pour parler au médecin et lui demander, "Laissez-moi

5 entrer à l'hôpital parce que sans cela il va me tuer." Le docteur a répondu

6 : "Bien, ça revient à la même chose, n'est-ce pas, qu'il te tue ici ou à

7 Mehurici, non." En tout état de cause, après cela, je n'ai plus revu cet

8 Arabe. Ensuite ils ont placé cet objet sur mon bras, comme une attelle,

9 pour le fixer et ils m'ont emmené, ainsi que Darko, ils m'ont remmené au

10 camp qui se trouvait dans le bâtiment de l'école.

11 Q. Monsieur le Témoin, je voudrais vous poser encore quelques questions

12 concernant votre bras. Quelle est votre profession

13 actuelle ?

14 R. J'ai 80 % d'invalidité. J'ai le statut d'invalide de guerre, d'invalide

15 militaire, d'ancien combattant et d'invalide militaire; 80 % d'invalidité

16 parce que j'ai été blessé au bras.

17 Q. Quelle était votre profession avant cela ?

18 R. J'étais charpentier. Dans le passé j'étais charpentier et j'avais

19 obtenu un diplôme d'une école professionnelle pour charpentier.

20 Q. Combien de temps a-t-il fallu pour que votre bras

21 guérisse ?

22 R. Le bras a guéri mais la douleur n'a jamais disparu.

23 Q. Est-ce que vous ressentez encore des douleurs à cause de cette blessure

24 ?

25 R. Oui.

26 Q. Est-ce que vous avez subi d'autres séquelles à cause de ce que vous

27 avez subi à Bikosi le 8 juin 1993 ?

28 R. J'étais blessé au bras. J'ai également subi un coup sur la tête, donc

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1 mon crâne a été fêlé sur une longueur de 5 centimètres, parce que cet homme

2 m'a frappé avec la crosse d'un fusil. Il m'a frappé sur la tête. D'après

3 l'estimation du médecin qui était un jeune médecin, peut-être d'une

4 vingtaine d'années, il m'a dit que j'avais une fêlure de la boîte crânienne

5 sur environ 5 centimètres. Et lors de l'interrogatoire, j'avais également

6 reçu un coup de couteau sous le sein gauche, un coup de couteau.

7 Q. Est-ce que vous avez souffert physiquement ou mentalement à la suite de

8 ce qui vous est arrivé à Bikosi le 8 juin 1993 ?

9 R. Oui. Les douleurs, les souffrances --

10 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Monsieur le Témoin, souhaiteriez-vous

11 que l'on suspende un moment l'audience ? Est-ce que vous vous sentez bien ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Donnez-moi une seconde seulement, s'il vous

13 plaît.

14 Les souffrances. Avant je ne pleurais jamais. Tout le long de ma vie je ne

15 pouvais pas pleurer. Je n'ai jamais pu pleuré avant cela, comme je peux

16 pleurer maintenant. Je ne suis même pas capable de suivre une conversation

17 normale. Toutes les nuits je me retrouve sur le champ de bataille; ou

18 toutes les deux nuits, après 4 heures du matin, je ne peux plus dormir.

19 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande si le témoin pourrait répéter les

20 derniers mots qu'il vient de prononcer.

21 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît,

22 répéter les mots que vous venez de prononcer ? Avez-vous entendu les

23 interprètes ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Le pire, le pire c'est que j'ai perdu

25 l'énergie interne, les médecins appellent ça un tic ou quelque chose comme

26 ça. Je n'arrive plus à regarder la télévision sans me mettre à pleurer. Je

27 dois aller me cacher, de me retirer. J'ai, en fait, une compulsion pour

28 aller me cacher. Ça ne pourrait pas être pire.

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1 M. WOOD : [interprétation]

2 Q. Je vous remercie, Monsieur Puselja.

3 M. WOOD : [interprétation] L'Accusation n'a rien d'autre à demander

4 maintenant, Monsieur le Président, Madame, Monsieur le Juge.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Monsieur

6 Wood.

7 Alors est-ce que ça va être, Maître Robson ?

8 Maître Robson.

9 M. ROBSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'est à nouveau

10 moi. Mais je suis en train de me poser la question, il est évident que

11 c'est aux membres de la Chambre de première instance en premier lieu qu'ils

12 essaient de voir, compte tenu de l'heure, et d'après ce que j'ai compris

13 nous n'allons pas prolonger l'audience au-delà de quatre heures et demie.

14 Mon contre-interrogatoire va prendre plus longtemps que ça. Donc en gardant

15 à l'esprit ces renseignements ou les renseignements que le témoin vient de

16 fournir, je me demande peut-être s'il ne vaudrait pas mieux lever la

17 séance.

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Nous sommes en train d'essayer de

20 nous renseigner pour voir s'il serait possible d'achever l'interrogatoire

21 de ce témoin aujourd'hui, parce que je suis bien sûr que ce témoin

22 préférerait rentrer chez lui plutôt que d'avoir à rester à La Haye. C'est

23 pour ça que nous nous consultons.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous préféreriez cela ou

25 vous préféreriez en finir aujourd'hui, Monsieur le Témoin ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien. Dans ce cas, il est nécessaire

28 pour nous de voir si nous pouvons encore siéger au-delà de 4 heures et

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1 demie, comme on en était convenu, auquel cas nous pourrions suspendre

2 maintenant et revenir dans un moment, mais je ne veux pas imposer aux

3 interprètes et aux membres du personnel.

4 L'INTERPRÈTE : L'interprète ne sait pas quelle est la durée dont on parle.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Pourriez-vous répéter ?

6 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande quelle devrait être la durée de la

7 prolongation de l'audience ?

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Jusqu'à ce que nous ayons terminé avec

9 ce témoin.

10 M. ROBSON : [interprétation] Monsieur le Président, je ne prévois pas que

11 cela dure très longtemps avec ce témoin. Mais ce serait certainement plus

12 que - peut-être une demi-heure, quelque chose comme ça.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Bien, ça serait utile de savoir si on

14 pouvait - peut-être que nous pourrions suspendre un moment la séance.

15 M. LE JUGE HARHOFF : [aucune interprétation]

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vois les mouvements de la tête qui

17 acceptent ceci. Il semble que l'on fasse des signes de tête de tous les

18 côtés.

19 Je vous remercie.

20 Nous suspendons un moment la séance et nous allons revenir à cinq heures

21 moins le quart.

22 --- L'audience est reprise à 16 heures 16.

23 --- L'audience est reprise à 16 heures 44.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En fait, on nous a avertis que nous

25 n'avions pas le droit d'aller au-delà de 17 heures 15.

26 M. ROBSON : [interprétation] Bien, vous serez heureux de savoir que nous

27 avons bien exploité le temps dont nous disposions pendant la pause. Nous

28 avons donc pu réduire le nombre de questions que nous allons poser à ce

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1 témoin.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

3 M. ROBSON : [interprétation]

4 Contre-interrogatoire par M. Robson :

5 Q. [interprétation] Monsieur Puselja, bonjour. Je m'appelle Nicholas

6 Robson, je vous poserai des questions pour le compte de la Défense,

7 j'essaierai d'être très concis. Je voudrais tout d'abord vous poser des

8 questions concernant la fusillade qui a eu lieu à Bikosi. Vous avez

9 expliqué dans votre témoignage que vous étiez en mesure de voir le visage

10 des hommes du cru qui s'y trouvaient. Si j'ai bien compris votre

11 déposition, vous avez reconnu les visages de deux hommes, vous avez décrit

12 l'un d'entre eux comme étant grand, de teint foncé, corpulent et vous avez

13 dit qu'il travaillait avec votre père; est-ce bien exact ? Est-ce que vous

14 l'avez reconnu ?

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

16 Est-ce que le témoin voudrait bien répéter sa réponse parce que son micro

17 n'était pas allumé.

18 R. Oui.

19 M. ROBSON : [interprétation]

20 Q. Mais votre père n'a pas pu vous préciser le nom de cette personne

21 lorsque vous lui avez parlé plus tard, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce que la personne que vous avez reconnue, l'autre personne que

24 vous avez reconnue, vous avez dit qu'il était blond, il avait les cheveux

25 blonds, est-il exact de dire que vous ne connaissiez pas non plus son nom ?

26 R. Le deuxième homme, celui qui était grand, mince et blond et les cheveux

27 mi-longs, on l'appelait Isak.

28 Q. Pour ce qui est des autres hommes qui étaient là, vous ne les avez pas

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1 reconnus, mais plus tard, lorsque vous étiez à l'école Mehurici, et lorsque

2 vous avez discuté de ces incidents avec d'autres gens qui s'y trouvaient,

3 des Croates de Bosnie, ils vous ont suggéré certains noms qui auraient pu

4 être ceux de ces hommes du cru ?

5 R. Oui.

6 Q. Mais nous ne pouvons certainement pas être sûrs, n'est-ce pas, que ce

7 sont bien leurs noms ?

8 R. Non, je ne peux pas en être sûr.

9 Q. Après les incidents de Bikosi, il est exact, n'est-ce pas, que vous-

10 même et quatre autres hommes ont pris la fuite en direction de Poljanice,

11 n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Si je vous ai bien compris, à un moment donné, vous et les autres, vous

14 vous êtes arrêtés pour vous reposer près d'une rivière; est-ce exact ?

15 R. Il s'agissait de la rivière Bila et nous l'avons traversée pour aller

16 du côté droit. Cette rivière était utilisée pour irriguer le moulin qui se

17 trouvait à proximité. C'est là où nous avons traversé pour passer vers la

18 droite, mais ce n'est qu'à 30 mètres. C'est de l'autre côté du pré.

19 Q. C'est lorsque vous étiez près de la rivière quand trois Musulmans

20 locaux vous ont découverts, n'est-ce pas ?

21 R. Les trois que je connaissais, je ne connaissais pas les autres.

22 Q. Donc trois hommes musulmans, des locaux, vous ont découverts alors que

23 vous étiez près de la rivière, n'est-ce pas ?

24 R. En fait, ils nous ont vus lorsque nous traversions le pré. Je vous ai

25 dit qu'il y avait une petite rivière et qu'il y avait une clairière à côté.

26 Ils étaient tous allongés, à cet endroit-là; lorsque nous sommes approchés,

27 ils ont dit : "Rendez-vous."

28 Q. Il est exact, n'est-ce pas, que l'un de ces hommes a frappé un membre

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1 de votre groupe avec son fusil, mais à ce moment-là, un homme, dont vous

2 nous avez dit qu'il s'appelait Safet Dautovic, a arrêté cet autre homme, il

3 l'a empêché de continuer à donner des coups ?

4 R. Oui.

5 Q. Cet homme avec le fusil, qui frappait-il, vous ou quelqu'un d'autre ?

6 R. Il a frappé Darko Puselja avec la crosse d'un fusil de chasse.

7 Q. Si je vous ai bien compris, peu de temps après, quelqu'un a remarqué

8 qu'il y avait des Arabes dans les alentours; est-ce exact ?

9 R. Nous avons simplement entendu des enfants crier : "Les Arabes

10 arrivent."

11 Q. A ce moment-là, cet homme Safet Dautovic, Musulman de Bosnie, a

12 clairement manifesté son intention de ne pas permettre aux Arabes de vous

13 amener et d'amener les autres Croates de Bosnie, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Il est exact de dire qu'il vous a protégés ?

16 R. Oui.

17 Q. Safet Dautovic était membre de l'ABiH, n'est-ce pas ?

18 R. Il ne portait pas d'uniforme.

19 Q. Safet Dautovic vous a amenés, vous et les autres hommes, dans son

20 véhicule, son propre véhicule, il vous a amenés à l'école de Mehurici; est-

21 ce exact ?

22 R. Il m'a amené ainsi que de Darko Puselja à l'école de Mehurici.

23 Q. Lorsque vous êtes arrivé avec Darko Puselja à l'école, il est exact de

24 dire, n'est-ce pas, que vous étiez tous deux blessés et en très mauvais

25 état ?

26 R. Oui.

27 Q. Lorsque vous y êtes arrivés, vous avez été soignés par un docteur Sejo;

28 est-ce bien exact ?

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1 R. Je n'ai pas donné le nom du médecin. Le médecin se trouvait dans la

2 pièce. Il n'était pas très grand, il avait la cinquantaine, mais je ne

3 connais pas son nom.

4 Q. Je vous demande pardon. C'était ce que j'avais compris sur la base du

5 compte rendu, mais il est évident que vous ne connaissiez pas le nom du

6 médecin. Mais est-ce que vous pouvez confirmer que le médecin vous a bien

7 soigné ainsi que Darko Puselja ?

8 R. Il a mis de l'iode sur ma tête, parce que cet homme m'avait, pour ainsi

9 dire, fracassé le crâne, j'avais une fracture d'environ 5 centimètres. Puis

10 il a dit également que si l'Arabe revenait, je devais tout de suite enlever

11 cette teinture d'iode afin qu'il ne la voie pas.

12 Q. Donc encore une fois, ce médecin vous a protégé et il se souciait de

13 votre sécurité, et de vous donner des soins médicaux, n'est-ce pas ?

14 R. Oui, c'est bien ce que je pensais à l'époque.

15 Q. Maintenant, le médecin a estimé que votre condition et celle de Darko

16 Puselja était suffisamment grave pour que vous ayez besoin de vous faire

17 traiter à Zenica, n'est-ce pas ?

18 R. Il n'a pas parlé de Zenica. Il nous a transférés à Mehurici, où, comme

19 je vous l'ai dit, un dispensaire avait été installé dans le magasin d'Ibro.

20 Semro Krajisnik s'y trouvait. C'est en fait lui qui a estimé que nous

21 devions être transférés à Zenica.

22 M. ROBSON : [aucune interprétation]

23 [Le Conseil de la Défense se concerte]

24 M. ROBSON : [interprétation]

25 Q. Enfin, pour confirmer, vous avez voyagé à Zenica et c'est là que vous

26 avez été soigné pour vos blessures, n'est-ce pas ?

27 R. Ils ont mis une attelle sur mon bras, un pansement, puis de la teinture

28 d'iode sur la tête, c'est le traitement que j'ai reçu; et après on m'a

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1 renvoyé à Mehurici.

2 Q. Merci beaucoup.

3 M. ROBSON : [interprétation] La Défense n'a pas d'autres questions.

4 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous avez des questions

5 supplémentaires, Monsieur Wood ?

6 M. WOOD : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

7 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

8 Questions de la Cour :

9 Mme LE JUGE LATTANZI : J'ai quelques questions. Il ne m'est pas très clair,

10 Monsieur le Témoin, si Safet Dautovic était un civil ou un soldat de

11 l'ABiH.

12 R. Il était civil.

13 Mme LE JUGE LATTANZI : Et encore, le médecin qui vous a soigné, le premier

14 médecin qui vous a soigné, il était médecin militaire de l'ABiH ?

15 R. Il n'arborait pas d'uniforme. Il était en vêtements civils.

16 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci. Et le dispensaire où on vous a soigné, le

17 premier dispensaire à Mehurici, c'était un dispensaire de l'armée bosniaque

18 ?

19 R. Oui.

20 Mme LE JUGE LATTANZI : A Zenica, il y avait un dispensaire de l'armée

21 bosniaque ?

22 R. A Zenica, il y avait un véritable hôpital.

23 Mme LE JUGE LATTANZI : L'hôpital de l'armée bosniaque ?

24 R. Je ne saurais vous le dire. Je ne sais pas comment répondre.

25 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.

26 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Une dernière question concernant la

28 période que vous avez passée au camp de Mehurici. Pendant combien de temps

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1 est-ce que vous avez été détenus dans ce camp; est-ce que vous vous en

2 souvenez ?

3 R. Entre 20 et 25 jours, nous étions détenus; non seulement dans le

4 gymnase, mais aussi à l'extérieur dans une petite chambre, il y avait des

5 barreaux, et c'était 3 mètres par 3 mètres.

6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Qu'est-ce qui vous est arrivé après

7 ces 25 jours ? Est-ce que vous avez été transférés ailleurs, ou remis en

8 liberté ?

9 R. Nous avons été transférés au pénitentiaire de Zenica.

10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Pendant votre séjour au camp de

11 Mehurici, et dans le pénitentiaire de Zenica, avez-vous été bien traités,

12 ou comment avez-vous été traités ?

13 R. Lorsque nous sommes arrivés à Zenica, il y avait une énorme différence

14 comparé à Mehurici.

15 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous expliquer

16 la différence ?

17 R. A Mehurici, dans cette toute petite pièce, 3 par 3, nous étions neuf.

18 Nous ne pouvions, personne, aller aux toilettes quand nous le souhaitions,

19 j'étais blessé pendant toute la période. Ils ne cessaient de nous

20 provoquer, nous insulter, nous menacer de nous trancher la gorge, de nous

21 tuer, alors qu'à Zenica, personne ne nous a touchés. A Zenica, c'était

22 beaucoup mieux qu'à Mehurici.

23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Avez-vous été frappés ou passés à

24 tabac à Mehurici ?

25 R. Oui. Oui, tout à fait. Nous l'avons été. A Mehurici, ils nous

26 emmenaient au deuxième étage où il y avait une bibliothèque,

27 4 mètres de long et 1 mètre 50 de largeur. Je vous ai parlé de ces deux

28 personnes de Zenica qui voulaient nous interroger. L'un d'entre eux faisait

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1 du bruit avec son pistolet. L'autre avait un couteau. Ils ont commencé à

2 m'interroger, et j'avais mon bras en écharpe. Ils m'ont demandé de leur

3 donner des noms. J'ai commencé à parler, et le grand blond m'a frappé, m'a

4 donné un coup de poing, donc il m'a frappé à la tête.

5 L'autre a commencé à me frapper au bras. J'ai essayé de me protéger

6 lorsqu'il a commencé à frapper mon estomac, et il a dit : "Si vous levez le

7 bras encore une fois, je ferai un trou dans votre tête." Après cela, ils

8 m'ont pris sous les bras et ils m'ont donné des coups de poing, puis ils

9 m'ont ramené au gymnase.

10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je ne suis pas tout à fait sûr

11 d'avoir bien saisi lorsque vous étiez en train de nous expliquer cela, mais

12 est-ce que vous avez reconnu les hommes qui vous ont fait cela ?

13 R. Non.

14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

15 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Si je peux reprendre là où le Juge

16 Harhoff avait fini, est-ce que vous savez si ces hommes appartenaient à une

17 formation militaire quelconque, ces hommes qui vous donnaient des coups de

18 poing ?

19 R. Ils ne portaient pas d'uniforme. Ils étaient en vêtements civils aussi.

20 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je voudrais reparler de la fusillade à

21 Bikosi, vous avez parlé de certains hommes qui portaient des cagoules. Est-

22 ce que vous les avez entendus parler à un moment donné ?

23 R. Oui.

24 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Quelle langue parlait-il ? Pouviez-

25 vous les comprendre ?

26 R. Oui. Ils parlaient bosnien. Isak parlait également bosnien lorsqu'il

27 nous a interrogés, lorsqu'il a demandé qui leur avait tiré dessus.

28 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Où, sur quelle partie du corps était

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1 la blessure d'Ana Pranjes, si vous vous en souvenez ?

2 R. Je sais qu'il l'a levée, qu'il l'a retournée vers la rive, et

3 qu'ensuite il a tiré une rafale. Je ne sais pas exactement où elle a été

4 touchée.

5 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] C'était un coup de feu, une rafale,

6 pas un seul coup de feu ?

7 R. Oui, une rafale.

8 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Qu'est devenue Ana ?

9 R. A ce jour, je ne le sais pas, parce qu'ils nous ont emmenés

10 immédiatement en voiture.

11 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que vous l'avez revue depuis ?

12 R. Non.

13 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Est-ce que c'est la dernière fois que

14 vous l'avez vue ?

15 R. Oui.

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] En faisant en gros une estimation,

17 combien de personnes, diriez-vous, ont été tuées lors de ces événements à

18 Bikosi ?

19 R. Je vous ai dit que selon mon estimation il y avait neuf d'entre eux, et

20 nous, nous étions 45. Il y en a six qui ont survécu. J'ai énuméré le nom de

21 ceux que je connaissais, et je ne connaissais pas les autres.

22 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

23 Je n'ai pas d'autres questions à poser. Je vous remercie.

24 Y a-t-il des questions qui découlent des questions posées par les Juges de

25 la Chambre, Monsieur Wood ?

26 M. WOOD : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

27 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Merci.

28 Maître Robson ?

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1 M. ROBSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je vous remercie.

3 Ceci nous conduit à la fin de votre déposition, Monsieur Puselja. Je tiens

4 à vous remercier encore une fois au nom du Tribunal d'être venu ici pour

5 faire votre déposition. Je comprends que nous vous avons fait passer par

6 des moments très difficiles, et ce n'était pas facile pour vous de revivre

7 tous ces épisodes à nouveau dans cette salle d'audience.

8 Malheureusement, il était nécessaire pour nous d'obtenir ce type de

9 renseignements, et vous êtes l'une des personnes qui sont en mesure de nous

10 fournir ces renseignements. Mais nous voulons vous dire toute notre

11 sympathie pour ce que vous avez subi. Nous vous remercions beaucoup. Nous

12 vous souhaitons un bon voyage de retour chez vous. Vous êtes autorisé

13 maintenant à vous retirer.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

15 [Le témoin se retire]

16 M. LE JUGE MOLOTO : [interprétation] Je pense que nous en sommes maintenant

17 arrivés à la fin des débats de cette audience. Je vais lever la séance qui

18 reprendra lundi 23 juillet à 14 heures 15 dans la salle d'audience numéro

19 I.

20 --- L'audience est levée à 17 heures 07 et reprendra le lundi 23 juillet

21 2007, à 14 heures 15.

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