Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 14 février 2008

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.

5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.

6 Je vais vous demander, Monsieur le Greffier, de citer l'affaire inscrite au

7 rôle.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame et Monsieur les Juges.

9 Bonjour à tous.

10 Affaire IT-04-83-T, le Procureur contre Rasim Delic.

11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.

12 Je salue l'Accusation, la Défense, l'accusé, et bon retour à nous

13 tous, d'ailleurs, de Sarajevo. Ce fut un excellent voyage une fois de plus.

14 Vous le voyez, le Président de la Chambre, M. le Juge Moloto, est

15 absent. Il est absent, car il y a des raisons d'origine et d'ordre

16 personnel urgent qui sont intervenues, ce qui veut dire que s'applique

17 aujourd'hui l'article 15 bis du Règlement.

18 Sinon, l'objet de cette réunion d'aujourd'hui est celui-ci : puisque

19 nous avons terminé la présentation des moyens à charge, la Défense a

20 l'occasion de déposer une requête en application de l'article 98 bis, et

21 nous allons, sans plus tarder, commencer.

22 C'est la Défense qui a la parole.

23 M. ROBSON : [interprétation] Bonjour, Madame. Bonjour, Monsieur le Juge.

24 Vous l'avez dit, Monsieur le Juge, je vais vous présenter la requête de la

25 Défense en application de l'article 98 bis pour que soit prononcé

26 l'acquittement eu égard à un des chefs retenu contre le général Delic, à

27 savoir, le chef 3 de l'acte d'accusation. Dans ce chef d'accusation, il est

28 accusé de viol, violation des lois aux coutumes de la guerre, en

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1 application de l'article 7(3) du statut et de la responsabilité qu'il vise.

2 Permettez-moi tout d'abord de parler du droit applicable. L'article 98 bis

3 prévoit qu'à la fin de la présentation des moyens à charge, la Chambre de

4 première instance doit, par décision orale et après avoir entendu les

5 arguments oraux des parties, prononcer l'acquittement de tout chef

6 d'accusation pour lequel il n'y a pas d'éléments de preuve susceptibles de

7 justifier une condamnation. L'Accusation [comme interprété] estime et vous

8 fait valoir qu'il n'y a aucune preuve qui est apportée qui soit susceptible

9 de justifier une condamnation au titre du chef 3.

10 Avant qu'on retienne la responsabilité pénale d'un accusé en vertu de ses

11 responsabilités de commandement au titre de l'article 7(3), il y a une

12 condition préalable à remplir, à savoir que l'Accusation doit prouver que

13 des crimes ont effectivement été commis par les subordonnés allégués

14 présumés de l'accusé. S'agissant du chef 3, le paragraphe 48 de l'acte

15 d'accusation modifié est celui qui nous concerne. Il allègue que trois

16 femmes, DRW-1, DRW-2 et DRW-3, ont été capturées pendant l'attaque de

17 Vozuca et qu'elles ont été emmenées au camp de Kamenica le 11 septembre

18 1995. Il est ensuite allégué que pendant qu'elles étaient détenues à ce

19 camp de Kamenica, elles ont été soumises à des violences sexuelles, dont le

20 viol.

21 Prenons la définition du "viol". C'est un crime qui était défini par le

22 présent Tribunal. En tant que tel, c'est la pénétration sexuelle, si légère

23 soit-elle, (a), du vagin ou de l'anus de la victime par le pénis de

24 l'auteur ou tout autre objet utilisé par ce dernier ou, (b), de la bouche

25 de la victime par le pénis de l'auteur lorsqu'il y a pénétration sexuelle

26 sans consentement de la victime. A cet effet, le "consentement" doit être

27 un consentement donné de plein gré, en tant qu'expression de la libre

28 volonté de la victime, à examiner dans le cadre des circonstances

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1 prévalentes.

2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Une précision. D'où vient cette

3 définition ?

4 M. ROBSON : [interprétation] La définition que je viens de vous citer vient

5 du jugement de première instance Kunurac, paragraphe 460, qui était

6 confirmée dans l'arrêt Kunarac, paragraphes 127 et 128.

7 Voyons maintenant les éléments de preuve du dossier eu égard à ce chef, ou

8 plutôt, devrais-je dire, l'absence de preuves de l'avis de la Défense. Il

9 nous faut maintenant examiner les dires de certains témoins qui étaient des

10 témoins protégés. Peut-on passer à huis clos ?

11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, faisons-le. Excusez-moi, oui, ce

12 n'est pas le huis clos complet, mais le huis clos partiel que nous allons

13 demander.

14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

15 [Audience à huis clos partiel]

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1 [Audience publique]

2 Mme LE JUGE LATTANZI : [hors micro] -- demander qu'on corrige le compte

3 rendu en mettant le nom du Juge qui préside l'audience d'aujourd'hui. Il y

4 a une faute.

5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci, Madame le Juge Lattanzi.

6 Effectivement, M. le Juge Moloto a beaucoup de compétences, mais je pense

7 qu'il n'a pas l'omniprésence.

8 Poursuivez, Maître Robson.

9 M. ROBSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

10 Il y a deux autres témoins qui nous intéressent eu égard à ce chef. Il

11 s'agit d'Edin Saric et de Zakir Alispahic. Parlons d'abord de M. Saric.

12 Rappelez-vous ce témoin travaillait dans le service de contre-renseignement

13 du 3e Corps d'armée. Il a expliqué au cours de sa déposition comment il

14 avait rencontré ces trois femmes et les avait interrogées au centre

15 d'accueil du KP Dom de Zenica.

16 Le 21 novembre 2007, il est venu déposé, et son témoignage se retrouve

17 notamment à la page 5 953. Voici la question qui lui a été posée :

18 "Donc vous avez vu ces femmes plus d'une fois, n'est-ce pas ?"

19 Il a répondu : "Oui."

20 Ensuite, on lui a demandé ceci :

21 "Donc vous avez décrit leur apparence, mais auparavant pendant votre

22 déposition, vous nous avez dit qu'elles ne présentaient aucun signe visible

23 de blessures, n'est-ce pas ?"

24 Réponse :

25 "Oui, c'est exact. Je peux même ajouter que c'était la première fois

26 que je parlais à des femmes qui étaient prisonnières de guerre, et je leurs

27 ai demandé si elles avaient été violées. Elles ont répondu que 'non.' Par

28 le fait qu'elles avaient l'air apeurées et qu'elles n'étaient pas bien

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1 arrangées, je pense qu'elles étaient bien, à part ça. Je pense que c'est

2 l'impression qu'elles m'ont donnée. C'est ce qu'elles ont dit."

3 Puis, à la page 5 954, la question suivante lui a été posée :

4 "Vous nous avez dit que vous leur avez demandé si elles avaient été

5 violées. Est-ce que vous leur avez bien posé cette question ?"

6 Réponse :

7 "Oui, je leur ai posé cette question aussi. Elles ont répondu

8 qu'elles n'avaient pas été maltraitées, si ce n'est qu'elles avaient été

9 gardées dans une espèce de sous-sol sans aucun contact avec le monde

10 extérieur."

11 Je répète le numéro de la page du compte rendu d'audience, 5 954.

12 Prenons maintenant le dernier témoin pertinent à la matière. Il

13 s'agit de Zakir Alispahic. Vous vous souviendrez qu'il était membre du 3e

14 Bataillon de la Police militaire du 3e Corps d'armée. Il a relaté les

15 circonstances dans lesquelles il est allé chercher ces trois femmes qui

16 étaient avec les Moudjahidines, comment il les a emmenées au Centre

17 d'accueil pour prisonniers de guerre au KP Dom de Zenica. Au cours du

18 contre-interrogatoire, à la page 6 533, on lui a demandé s'il se souvenait

19 avoir demandé si ces femmes avaient été maltraitées. Il répondit ceci :

20 "Oui. Alors qu'on allait vers la route principale, je leur ai dit

21 d'enlever le foulard qu'elles avaient sur les yeux."

22 Voici ce qui s'est passé :

23 "Lorsque nous avons amené ces deux, trois femmes, d'habitude on leur

24 demandait si elles avaient été maltraitées, blessées, si elles avaient des

25 problèmes, des objections. Je leur ai posé ces questions et elles ont

26 répondu que non. Elles ne présentaient aucune trace de sévices physiques et

27 c'est bien ce qu'elles ont confirmé quand j'ai posé la question. Du moins,

28 à ce moment-là, c'est ce qu'elles m'ont dit."

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1 Il s'agissait des pages 6 532 et 6 533.

2 On lui a également posé une question à propos des documents qu'il

3 avait établis en rapport avec l'arrivée de ces trois femmes au centre

4 d'accueil. Une question lui a été posée à propos de la pièce 947, une note

5 de service faisant état de la venue d'une personne qui avait été amenée le

6 28 septembre 1995. A propos ici, la personne concernée était DRW-1. A la

7 page 6 541, il a confirmé que rien dans cette note n'indiquait que cette

8 personne aurait été blessée ou maltraitée d'une quelconque façon. Il a

9 également confirmé que c'est bien elle en personne qui avait signé ce

10 document.

11 Une autre pièce lui a été montrée, la pièce 853, une note de service là

12 aussi, mais préparer cette fois par Zakir Alispahic, à propos de la prise

13 en charge de ces trois femmes. Il a écrit ceci :

14 "Il n'y a aucun signe de sévices physiques sur ces personnes au moment de

15 la prise en charge. Ceci a été confirmé par ces personnes mêmes durant un

16 bref entretien."

17 C'est donc M. Alispahic qui a rédigé cette note et, pendant sa déposition,

18 aux pages 6 542 et 6 543, il a confirmé que si ces personnes, si ces femmes

19 avaient été maltraitées, avaient subi le moindre sévice, s'il avait vu lui-

20 même des signes de blessures, il l'aurait indiqué dans cette note de

21 service.

22 Voilà la totalité des éléments de preuve qui ont été présentés en ce qui

23 concerne le chef 3. Permettez-moi de conclure, il n'y a pas eu le seul

24 élément de preuve qui aurait été apporté en ce qui concerne des violences

25 sexuelles infligées à la victime. Rien dans ce cas là dit ne le prouve, et

26 rien n'indique que ce fut le cas si l'on tient compte des autres témoins

27 que vous avez entendus.

28 La Défense fait également valoir que le dossier contient des éléments très

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1 convaincants montrant que le témoin DRW-1 n'a pas subi de sévices

2 physiques. Je viens de vous l'expliquer, lorsqu'on voit le témoignage du

3 témoin DRW-3, celui de M. Saric et celui de M. Alispahic.

4 Par conséquent, Madame et Monsieur les Juges, je fais valoir qu'il n'y a

5 aucun élément de preuve susceptible de justifier une condamnation eu égard

6 à ce chef, et nous vous demandons de déclarer l'acquittement de l'accusé

7 sur ce chef 3.

8 Voilà. J'en ai terminé, à moins que vous n'ayez des questions, bien

9 entendu.

10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci, Maître Robson.

11 Je vous confirme que dans l'acte d'accusation, la violence sexuelle, le

12 viol présumé sont bien censés s'être produits au camp de Kamenica, pas plus

13 tard ?

14 M. ROBSON : [interprétation] C'est exact. Vous verrez que le paragraphe 48

15 parle du camp de Kamenica, et qu'en plus, si vous regardez au-dessus du

16 paragraphe 48, vous allez voir une tête de rubrique qui montre bien

17 clairement que ceci est censé s'être produit au camp de Kamenica.

18 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui. Je voulais simplement apporter

19 cette précision.

20 Monsieur le Procureur.

21 M. MUNDIS : [interprétation] Merci.

22 Bonjour, Madame le Juge. Bonjour, Monsieur le Juge. Bonjour à tous.

23 Vous vous souviendrez que le 7 décembre 2007, l'Accusation a demandé

24 l'autorisation de retirer ce chef 3. Cette autorisation a été rejetée par

25 la Chambre de première instance.

26 S'agissant des éléments y afférant, rien de notre côté n'a changé au cours

27 des quelques semaines qui se sont écoulées. C'est la raison pour laquelle

28 l'Accusation est prête à reconnaître qu'il n'y a pas suffisamment

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1 d'éléments de preuve susceptibles de justifier une condamnation au titre du

2 chef 3. Par conséquent, à notre avis, la justice exige que ce chef soit

3 retiré de l'acte d'accusation sous forme d'acquittement. Nous sommes donc

4 d'accord avec la Défense pour dire qu'il n'y a pas suffisamment d'éléments

5 de preuve pour justifier condamnation, et nous pensons qu'un acquittement

6 serait mérité pour le chef 3 à ce stade de la procédure.

7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci, Monsieur le Procureur.

8 Je suis content de voir que les parties sont d'accord.

9 Nous allons maintenant délibérer et nous allons, bien entendu, attendre le

10 retour de M. le Juge Moloto avant de rendre notre décision. Voici ce que je

11 vous propose : Notre décision devrait être rendue mardi 26 février, mardi

12 la semaine prochaine, à 14 heures 15, en salle II, à la reprise des débats.

13 En d'autres termes, nous n'allons pas nous retrouver avant mardi le 26. De

14 cette façon, la Défense pourra déjà préparer ses moyens de preuve et nous

15 nous retrouverons ici à 14 heures 15, mardi 26 février.

16 En l'absence d'autres points que souhaiteraient soulever les parties,

17 je pense que nous pouvons déclarer l'audience levée.

18 L'audience est levée. Je vous souhaite d'excellents préparatifs.

19 --- L'audience est levée à 14 heures 42 et reprendra le mardi 26

20 février 2008, à 14 heures 15.

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