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1 Le jeudi 27 mars 2008
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 31.
5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous. Madame la
6 Greffière d'audience, je souhaiterais que vous appeliez la cause.
7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Je vous remercie. Il s'agit de
8 l'affaire IT-04-83-T, le Procureur contre Rasim Delic.
9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie. Et étant donné que
10 je ne vois pas de nouveaux visages dans ce prétoire aujourd'hui, je pense
11 que nous pouvons nous passer de la présentation des parties. Donc, je vais
12 souhaiter la bienvenue à tout le monde cet après-midi, et je vous souhaite
13 notamment la bienvenue à vous, Monsieur Karavelic, et j'aimerais vous
14 rappeler que votre déclaration solennelle est toujours valable et que vous
15 encourrez une punition, sanction grave au cas où vous veniez à faire un
16 témoignage faux, erroné, ou incorrect ou inexact.
17 Maître Vidovic, je crois que vous étiez sur le point de terminer votre
18 interrogatoire principal. Vous n'aviez que 10 ou 15 minutes me semble-t-il.
19 Monsieur Wood.
20 M. WOOD : [interprétation] Je remarque qu'il n'y a que deux Juges au lieu
21 de trois Juges aujourd'hui. Et je me demande si vous pourriez peut-être le
22 mentionner pour indiquer que nous siégeons au titre de l'article 15 bis.
23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, j'allais justement aborder cette
24 question. Vous voyez que le M. le Juge Moloto n'est pas des nôtres cet
25 après-midi, il est absent pour la journée et donc nous siégeons en vertu de
26 l'article 15 bis.
27 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
28 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Vidovic, le greffe vient de
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1 m'informer que vous avez encore 57 minutes pour votre interrogatoire
2 principal, puisque vous n'avez utilisé que cinq heures trois minutes.
3 Donc, j'aimerais savoir si vous avez des questions à soulever avant
4 que vous ne repreniez le fil de votre interrogatoire principal ? Mais si
5 tel n'est pas le cas, vous pouvez poser vos questions de suite.
6 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je vous remercie Monsieur le Juge. Je pense
7 d'ailleurs que je vais terminer mon interrogatoire principal plus tôt que
8 prévu, comme je vous l'avais dit hier, d'ailleurs.
9 LE TÉMOIN: VAHID KARAVELIC [Reprise]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 Interrogatoire principal par Mme Vidovic : [Suite]
12 Q. [interprétation] Donc, bonjour Général Karavelic. J'espère que vous
13 êtes bien reposé, que nous pourrons en venir à la fin de votre
14 interrogatoire principal.
15 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je souhaiterais montrer au témoin une
16 pièce, la pièce 1292.
17 Monsieur, Madame les Juges, je ne sais pas si vous avez tous le même
18 problème que moi en ce moment dans cette salle d'audience, mais je ne vois
19 pas le document sur l'écran. Ce que je vois, c'est le compte rendu
20 d'audience.
21 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je m'excuse, Maître Vidovic, mais il
22 semblerait qu'il y ait un problème technique.
23 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je vous remercie.
24 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Poursuivez, je vous prie.
25 Mme VIDOVIC : [interprétation]
26 Q. Général Karavelic, est-ce que vous voyez le document sur votre écran ?
27 C'est un document qui porte la date du 20 septembre 1995.
28 R. Oui, oui, je le vois.
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1 Q. Merci.
2 Mme VIDOVIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions afficher la page 2
3 de la version B/C/S et la page 3 de la version anglaise. C'est le bas du
4 document qui m'intéresse. Je vous remercie.
5 Q. Général, voilà la question que j'aimerais vous poser : nous voyons des
6 initiales KV. Est-ce qu'il s'agit de vos initiales, est-ce que vous
7 reconnaissez ce document ?
8 R. Oui.
9 Q. Est-ce que vous avez rédigé le document ? Est-ce que c'est vous qui
10 l'avez rédigé ?
11 R. Oui, je l'ai fait avec le général Enver Hadzihasanovic.
12 Q. Merci.
13 Mme VIDOVIC : [interprétation] Alors nous allons reprendre la première page
14 de ce document, je vous prie.
15 Q. J'aimerais vous rappeler que lors de votre déposition hier, vous avez
16 dit que vous aviez vu le général Delic lorsqu'il était revenu de l'étranger
17 et que vous l'aviez vu à Zagreb. Est-ce que vous vous souvenez avoir dit
18 cela ?
19 R. Oui, je m'en souviens.
20 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire de quoi il s'agit dans ce document ?
21 R. Ce document, en fait, porte sur un accord conclu entre les grands chefs
22 militaires en Bosnie-Herzégovine et en Croatie. Cela s'est passé à Zagreb
23 en présence d'un certain nombre de représentants de la communauté
24 internationale. Donc, il y a eu des réunions, des consultations, qui ont eu
25 lieu à propos d'opérations conjointes, de l'utilisation conjointe des
26 forces, et ce, entre le Conseil de la Défense croate, l'armée croate et
27 l'ABiH, et ce, pour libérer la partie ouest de la Bosnie.
28 Q. J'aimerais vous poser d'autres questions : qui était présent à ces
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1 pourparlers ou à ces consultations, qui représentait la République de
2 Bosnie-Herzégovine ?
3 R. Comme vous pouvez le voir dans le document, M. Alija Izetbegovic était
4 présent, le président de la présidence, ainsi que le commandant suprême,
5 puis, Rasim Delic était présent en tant que général de l'état-major.
6 Q. Et vous voyez que la date est la date du 20 septembre 1995. Est-ce que
7 vous vous souvenez de la durée de ces consultations et pourparlers
8 militaires, ces consultations avec les autorités militaires de la
9 République de Croatie, si vous le savez, bien sûr ?
10 R. Je pense qu'il y a eu deux réunions. Il y a eu une première réunion qui
11 a été politique et une autre qui a été militaire.
12 Q. Et à propos justement de cette date, la date du 20 septembre 1995,
13 combien de temps ont duré les discussions ?
14 R. Si je ne m'abuse, plusieurs jours.
15 Q. Je vous remercie.
16 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais
17 demander une cote pour ce document, ou plutôt, c'est déjà une pièce.
18 Mme LE JUGE LATTANZI : J'ai une petite question : Monsieur le Témoin,
19 comment ça se fait que le document n'a pas été signé directement par le
20 commandant Delic ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce qu'il n'était pas présent, en fait, il
22 s'occupait d'une autre chose qui était beaucoup plus importante.
23 Mme LE JUGE LATTANZI : Mais à la réunion dont on fait le rapport, il était
24 présent, quand même ? Et est-ce qu'on pourrait quand même faire la
25 correction dans la version anglaise et mettre que le document a été signé
26 pour le général Delic ? Merci.
27 Mme VIDOVIC : [interprétation] Merci, Madame le Juge. Merci d'avoir apporté
28 cette correction et nous allons, bien entendu, le faire.
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1 Q. Et justement, j'aimerais élucider quelque chose à propos de la question
2 posée par Madame le Juge. Vous avez parlé d'une réunion qui a eu lieu à
3 Zagreb ?
4 R. Oui.
5 Q. Et, ici, il s'agit d'un document de Katanj en Bosnie-Herzégovine ?
6 R. Oui.
7 Q. Lorsque vous dites qu'il n'était pas présent, qu'est-ce que vous
8 souhaitiez dire, qu'entendiez-vous ?
9 R. Que soit il était à Zagreb ou alors il était en voyage d'affaires ou
10 quelque part ailleurs.
11 Q. Mais qu'est-ce que vous entendez lorsque vous dites qu'il n'était pas
12 là ?
13 R. Qu'il n'était pas à Kakanj.
14 Q. Merci. Après cette réunion, où êtes-vous allé, si vous vous en
15 souvenez, bien sûr ?
16 R. Je ne peux pas vous dire exactement ce qui s'est passé après cette
17 réunion, mais je me suis rendu également à Zagreb au cours des journées qui
18 ont suivi cette réunion, et ce, justement afin de peaufiner plusieurs
19 détails militaires. C'était des choses qu'il fallait faire. Puis, par la
20 suite, je me suis occupé à exécuter l'ordre en question.
21 Q. Et à propos de l'exécution de cet ordre, est-ce que vous êtes allé
22 quelque part ?
23 R. Je suis allé à Novi Travnik, ma tâche consistait à organiser un poste
24 de commandement là-bas.
25 Q. Est-ce qu'il y a eu des activités de combat qui ont suivi ?
26 R. Oui, tout à fait.
27 Q. Mais quand, exactement ?
28 R. Ecoutez, je ne sais pas exactement, mais les activités de combat
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1 ont commencé à la fin du mois de septembre ou au début du mois d'octobre.
2 Q. De quelle année s'agissait-il ?
3 R. De l'année 1995.
4 Q. Je vous remercie. Dans quel secteur ont eu lieu ces activités de combat
5 ?
6 R. Si vous prenez la Bosnie centrale à partir de Vlasic, c'était vers le
7 nord et vers le sud dans la direction de Mrkonjic Grad, Jajce et Banja
8 Luka. Et de l'autre côté, lorsque vous êtes dans l'enclave de Bihac, donc
9 il s'agit de l'ouest, du flanc ouest, il y avait des activités de combat à
10 partir de la Save jusqu'à Bosanski Petrovac et Drvar. Il y a eu des
11 activités de combat vers l'est, jusqu'à Banja Luka, vers Klujc et Prijedor.
12 Puis à partir du sud, les combats se sont déplacés vers Livno jusqu'au mont
13 Manjaca, puis jusqu'à Banja Luka. Donc, cela formait un demi-cercle en
14 quelque sorte.
15 Q. Je vous remercie de vos explications. Alors, vous avez mentionné une
16 période, vous avez indiqué que cela s'était passé à la fin du mois de
17 septembre et au début du mois d'octobre, et j'aimerais savoir si vous avez
18 reçu dans le secteur des combats la visite de personnalités militaires ou
19 politiques ?
20 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, Monsieur Mundis [comme
21 interprété].
22 M. WOOD : [interprétation] Objection, c'est une question particulièrement
23 directrice. D'ailleurs, la réponse est suggérée en fait.
24 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, Monsieur Wood.
25 Mme VIDOVIC : [interprétation] Puis je répondre ? Je ne pense pas qu'il
26 s'agisse d'une question directrice. Alors certes, d'aucun pourrait répondre
27 en disant oui ou non à cette question, mais cela ne signifie pas pour
28 autant que les questions sont forcément directrices. Cette question ne peut
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1 pas être une question directrice, parce que je lui ai demandé si des
2 personnalités politiques ou militaires étaient venues. La question en fait,
3 lorsque l'on pose la question, cela ne signifie pas pour autant que l'un ou
4 l'autre ou ces deux groupes -- enfin, cela n'implique rien pour ces deux
5 groupes. Je ne vois pas comment cette question est directrice.
6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Ecoutez, je pense que vous auriez pu
7 lui demander s'ils avaient reçu des visites, par exemple, mais bon. Quoi
8 qu'il en soit, je vais vous donner l'autorisation de poursuivre et de poser
9 cette question.
10 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. De
11 toute façon, si j'avais posé ce genre de question, cela n'aurait pas été
12 assez précis. Le témoin aurait pu penser que je lui posais des questions à
13 propos de la visite des journalistes, par exemple.
14 Q. Enfin, quoi qu'il en soit, est-ce que vous avez compris ma question,
15 Monsieur ? Est-ce que vous pouvez répondre à cette question ?
16 R. Oui, oui. Je ne me souviens pas avoir vu des personnalités politiques
17 telles que M. Izetbegovic à ce moment-là. Il est venu, mais plus tard, lors
18 d'une phase ultérieure. Enfin, il y a eu de nombreuses visites de la part
19 d'officiers de l'état-major, y compris de la part du commandement du
20 général Delic.
21 Q. Est-ce que vous vous souvenez quand est-ce que cela s'est passé ?
22 R. Il m'est difficile de vous dire à quelle date cela s'est passé, mais
23 c'était en octobre en tout cas.
24 Q. Merci. J'ai quelques questions à vous poser à ce sujet. Est-ce que vous
25 savez comment s'est terminé la guerre en Bosnie-Herzégovine ?
26 R. Par la signature des accords de paix de Dayton.
27 Q. Est-ce qu'il y a eu des pourparlers qui ont précédé la signature de cet
28 accord ?
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1 R. Oui, tout à fait.
2 Q. Est-ce que l'état-major et son commandement ont joué un rôle dans ces
3 pourparlers ?
4 R. Oui, oui, un rôle important. Le commandant de l'état-major a joué un
5 rôle, puisqu'il a participé aux préparatifs pour que soient préparés tous
6 les éléments nécessaires à notre délégation politique qui a participé aux
7 pourparlers de paix à Dayton.
8 Q. Alors, nous allons revenir sur quelque chose que nous avons abordé
9 hier, et je voudrais revenir à l'année 1993, vous aviez mentionné des
10 moyens de transmission et une communication par paquet, si vous en
11 souvenez ?
12 R. Oui.
13 Q. Vous aviez dit que les commandants de corps pouvaient établir ce genre
14 de communication avec l'état-major à cette époque. Alors, comment est-ce
15 que ce système fonctionnait ? Je pense aux différents corps d'armée, est-ce
16 que vous pouviez avoir ce genre de communication avec vos unités
17 subordonnées, par exemple ?
18 R. Les --
19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Wood.
20 M. WOOD : [interprétation] Je me lève en fait, parce qu'il s'agit d'une
21 question multiple, d'une question complexe. Alors, lorsqu'il répondra, on
22 ne saura pas véritablement à quelle question il répond. Donc, il serait
23 peut-être plus judicieux que Me Vidovic pose deux questions différentes,
24 séparées, plutôt que d'essayer de poser, de demander tout cela en une seule
25 et même question.
26 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci, Monsieur Wood. Oui, tout à
27 fait. Si vous pouviez en fait scinder en deux la question, je pense que ça
28 serait très utile, Maître.
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1 Mme VIDOVIC : [interprétation] J'aimerais remercier mon confrère, Monsieur
2 Wood.
3 Q. Général, est-ce que vous pourriez nous expliquer si vous aviez des
4 communications selon le mode de transmission par paquet avec vos unités
5 subordonnées ?
6 R. Les transmissions par paquet n'étaient disponibles qu'avec l'état-major
7 général, lorsqu'il s'agissait de communiquer avec les commandants de corps,
8 avec la défense aérienne, la défense antiaérienne, parce qu'il faut savoir
9 que c'est un système de communication qui est extrêmement onéreux, qui est
10 très complexe, et qui nécessite des ordinateurs, une visibilité optique, un
11 certain nombre de transmetteurs pour justement transmettre et relayer la
12 fonction. Tout cela est extrêmement onéreux, comme je l'ai dit, et au cours
13 des premières années nous n'avions pas ce genre de technologie. En fait,
14 nous avons reçu les premières ressources de ce genre en 1993. Il y avait
15 suffisamment de ressources pour le corps.
16 Alors, il faut savoir que les communications avec les unités
17 subordonnées étaient tout à fait différentes. Il n'y avait pas de
18 transmission par parquet avec les unités subordonnées, mais il s'agit de
19 communications qui ont une importance vitale puisqu'il s'agit de
20 communications entre le corps et les divisions, les divisions et les
21 brigades, les brigades avec les bataillons, les bataillons avec les
22 compagnies, les compagnies avec les pelotons. Donc, il y a sept ou huit
23 niveaux de communications, et plus vous descendez dans les chaînes, en
24 quelque sorte, plus vous devez avoir un grand nombre de dispositifs, et la
25 communication et la transmission par paquet était beaucoup trop cher pour
26 cela.
27 Donc, nous avions même des brigades et des bataillons qui ne
28 disposaient d'aucun dispositif de communication, par exemple.
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1 Q. Merci. J'aimerais vous poser quelques questions brèves. Pendant le mois
2 de juin 1993, avez-vous participé à des activités de combat en Bosnie
3 centrale, je pense par exemple à la vallée Lasva ?
4 R. Non.
5 Q. Est-ce que vous avez eu des contacts avec les Moudjahidines ?
6 R. Non.
7 Q. Est-ce que vous avez jamais participé ou est-ce que vous avez jamais
8 essayé ou participé aux discussions, et ce, afin d'essayer de régler le
9 problème de Moudjahidines en Bosnie-Herzégovine ?
10 R. Non.
11 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je vous remercie. Je n'ai plus de questions
12 à poser.
13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie. Vous venez de poser
14 votre dernière question au témoin, et il se peut que j'aie une question de
15 suivi à ce sujet, donc autant la poser maintenant.
16 Alors, voilà la question que je voulais vous poser, Monsieur. Cela
17 d'ailleurs porte sur quelque chose dont vous avez parlé il y a deux jours.
18 Vous aviez parlé de votre participation aux réunions d'un Conseil pour la
19 protection de l'ordre constitutionnel. Et si je ne me trompe, vous nous
20 avez dit que vous aviez participé fréquemment à ces réunions. Vous nous
21 aviez dit, me semble-t-il, que les événements qui avaient fait qu'il y
22 avait ces réunions étaient les événements qui avaient abouti à la chute de
23 Caco et Celo, les commandants de la 9e et de la 10e Brigade, et je pense que
24 vous nous avez dit que vous étiez présent à la réunion où il avait été
25 question de cela.
26 Alors, voilà ma question : j'aimerais savoir s'il a été envisagé des
27 mesures disciplinaires dans le cas d'insubordination des Moudjahidines,
28 est-ce que c'est une question qui a jamais été soulevée lors de réunions du
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1 Conseil chargé de la protection de l'ordre constitutionnel ? Je ne sais pas
2 s'il s'agit d'un conseil ou d'une commission, mais vous savez de quelle
3 entité ou de quel organe je parle. Bon, alors voilà quelle est ma
4 question : au sein de cette entité, de cet organe, est-ce que vous avez
5 jamais abordé le problème des Moudjahidines et la façon de gérer les
6 Moudjahidines ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Cet organe s'appelle le Conseil pour la
8 protection de l'ordre constitutionnel en Bosnie-Herzégovine. C'est un
9 conseil qui était dirigé par le membre serbe de la présidence de la
10 République de Bosnie-Herzégovine, M. Mirko Pejanovic. Je ne peux pas vous
11 dire combien de fois j'ai participé à leurs réunions, mais j'y ai au moins
12 participé deux fois. Et je ne me souviens pas que nous ayons jamais abordé
13 cette question, non.
14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie. Mme le Juge
15 Lattanzi a une question à poser.
16 Mme LE JUGE LATTANZI : Question. Monsieur le Témoin, hier, vous nous avez
17 parlé assez en détail des problèmes de commandement et contrôle qui se sont
18 posés au 1er Corps, dont vous étiez à un certain moment le commandant. Je
19 voulais savoir si vous avez jamais su que des problèmes de commandement et
20 de contrôle se soient posées au 3e Corps.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, je ne peux pas véritablement vous
22 dire quoi que ce soit de précis, si ce n'est que de temps à autre, j'ai
23 entendu des anecdotes, il y avait des bruits qui courraient.
24 Mme LE JUGE LATTANZI : Et parmi ces bruits qui courraient, est-ce que vous
25 avez entendu que le commandant Delic, le général Delic ou la présidence
26 dans son ensemble ou le président de la présidence ait pris des mesures
27 pour s'occuper de ces questions qui se posaient au 3e Corps ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'est, une fois de plus, difficile de vous
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1 dire quoi que ce soit ou quoi que ce soit de précis, parce que toutes les
2 communications vers le 3e Corps étaient tout à fait indépendantes de mes
3 communications, cela n'avait rien à voir avec moi; je ne participais
4 absolument pas à ces communications. Et toutes les réunions, et je pense
5 notamment aux deux premières années de la guerre, les réunions n'avaient
6 lieu qu'à Sarajevo. Donc, je savais que certaines mesures avaient été
7 prises, mais il m'est très difficile de vous dire quelles mesures ont été
8 prises, pour quoi exactement.
9 Mme LE JUGE LATTANZI : -- les réunions des commandants des corps où ils ont
10 parlé des questions communes qui pouvaient se poser à tous les commandants
11 des corps ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Lors du deuxième semestre de l'année 1994, au
13 cours de l'année 1995, nous avons eu parfois des réunions parmi les
14 commandants des corps, et en général, cela se faisait sans le commandant du
15 5e Corps.
16 Mme LE JUGE LATTANZI : Il y avait, il paraît, le commandant du 3e Corps.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
18 Mme LE JUGE LATTANZI : Le commandant ne vous a fait part de quelque
19 problème qui se serait posé dans leur capacité de commander, de donner des
20 ordres et d'être obéis et de pouvoir contrôler des unités subordonnées ?
21 Question.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, non, non. Je ne vois pas pourquoi il
23 aurait partagé ses problèmes avec nous. Moi, je ne lui parlais pas de mes
24 problèmes.
25 Mme LE JUGE LATTANZI : De quoi parliez-vous pendant ces réunions, sinon des
26 problèmes communs qui pouvaient se poser à tous les corps ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Les commandants de corps donnaient des
28 informations aux autres commandants, des informations qui portaient sur la
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1 situation politique et la situation militaire de leur zone de
2 responsabilité, et à la fin de ces rapports, le commandant faisait une
3 synthèse de la réunion, il affectait ou donnait des affectations à
4 différents commandants.
5 Mme LE JUGE LATTANZI : Hormis les questions militaires, il n'y avait pas
6 les questions de commandement et contrôle des unités subordonnées ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Si, si. Hier, nous avons par exemple examiné
8 un document, un document qui portait sur une réunion qui avait eu lieu à
9 Zenica, qui avait eu lieu en septembre, en octobre 1993. Alors, bien sûr,
10 que nous parlions ouvertement de ces choses.
11 Mme LE JUGE LATTANZI : Dans ces réunions, vous n'avez jamais parlé des
12 questions que le 3e Corps rencontrait dans le contrôle de l'unité des
13 Moudjahidines ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien sûr que oui. Le commandant du corps
15 d'armée informe le commandant de l'état-major et lui donne des ordres. Donc
16 moi j'écoute ou je n'écoute pas. Enfin, j'obéis ou je n'obéis pas ou plutôt
17 j'écoute ou je n'écoute pas. Je faisais plutôt attention à mon briefing à
18 moi. Donc, ce qu'il avait à dire, par exemple dans le 5e Corps d'armée, 2e
19 Corps d'armée, 3e Corps d'armée, je n'étais pas tellement intéressé par ce
20 qu'ils avaient à nous dire. J'avais moi-même énormément de problèmes, et
21 donc je n'étais pas tellement intéressé à savoir de quelle façon les autres
22 commandants de corps d'armée auront à résoudre leurs problèmes. C'était le
23 problème du général Delic, c'est lui qui voulait résoudre, ou écouter et
24 s'occuper de ceci.
25 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci.
26 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Wood, est-ce que vous êtes
27 prêt à entamer votre contre-interrogatoire ?
28 M. WOOD : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président.
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1 Contre-interrogatoire par M. Wood :
2 Q. [interprétation] Bonjour, Mon Général. Bonjour, je m'appelle Kyle Wood,
3 je suis substitut du Procureur. Je vais vous poser des questions au nom du
4 bureau du Procureur.
5 Mon Général, vous nous avez dit que vous aviez témoigné déjà dans
6 quatre affaires différentes avant celle-ci. J'aimerais vous donner les
7 dates de ces procès, puis vous nous direz si ces dates sont exactes. C'est
8 le Procureur contre Stanislav Galic. C'était le 17 et le 19 juillet 2002.
9 Le Procureur contre Hadzihasanovic et Kubura, vous avez témoigné entre le
10 21 et le 31 mars 2005. Ensuite, vous avez déposé dans l'affaire le
11 Procureur contre Halilovic du 18 au 22 avril 2007, et bien sûr, le
12 Procureur contre Dragomir Milosevic, les 22 [comme interprété] au 27 mars
13 2007. Est-ce que vous pourriez me dire si c'est exact ?
14 R. Il n'y a absolument aucun moyen pour moi de vous confirmer ceci. Je
15 n'ai pas consigné les dates nulle part. C'est la huitième fois que je
16 reviens à La Haye. J'en ai marre de La Haye et chaque fois que je quitte La
17 Haye, je suis heureux d'être parti.
18 Q. Est-ce que ces dates vous semblent plus ou moins justes ?
19 R. Je n'ai absolument aucune raison de douter que ces dates ne soient pas
20 justes.
21 Q. Dans chaque affaire, tout comme dans cette affaire-ci, vous avez
22 toujours promis de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
23 Vous vous êtes engagé de cette façon-là, n'est-ce pas ?
24 R. Oui, bien sûr.
25 Q. Votre souvenir des événements était beaucoup plus frais à l'époque que
26 maintenant; est-ce que c'est exact ? Ou plutôt, je voulais dire que les
27 événements qui se sont déroulés en 1993 et 1995.
28 R. Je n'ai pas très bien compris votre question.
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1 Q. Votre mémoire était plus fraîche lorsque vous avez témoigné dans ces
2 autres affaires, ou relativement, aux événements de 1993 et 1995, n'est-ce
3 pas ? Votre mémoire était meilleure à l'époque que maintenant.
4 R. Vous savez, c'est une question assez imprécise. Il y a des événements
5 dont je ne me souviens pas de 1995, alors qu'il m'arrive de me remémorer
6 des événements si je vois un document, et c'est la même chose aujourd'hui.
7 Ce sont les documents qui rafraîchissent nos mémoires. Ils sont très
8 importants. Mais effectivement, on arrive et on oublie très rapidement les
9 détails, ça c'est vrai.
10 Q. Vous vous souvenez mieux maintenant, 2008, des événements qui se sont
11 déroulés entre 1993 et 1995 qu'en 2002, lorsque vous avez déposé dans
12 l'affaire Galic ?
13 R. Mais je n'ai pas dit cela. Aujourd'hui, je peux me rappeler d'un très
14 grand nombre d'événements si je peux consulter un document. C'est le
15 document qui me rappelle les événements et les faits, mais sans avoir un
16 document sous les yeux, il y a un très grand nombre des événements dont je
17 ne me souviens absolument pas. C'est ce que je voulais dire.
18 Q. Nous allons passer en revue des documents. Vous avez également donné
19 des déclarations au bureau du Procureur, et ce, à trois différentes
20 reprises; est-ce que c'est exact ?
21 R. Je me suis entretenu avec eux à 13 reprises.
22 Q. Je vais parler de trois événements, de trois déclarations qui ont été
23 téléchargées sur le prétoire électronique. Vous avez donné des déclarations
24 au bureau du Procureur en 2000, en 2001 et en 2003. Est-ce que ceci
25 correspond à votre souvenir ?
26 R. J'ai donné des déclarations lorsque je suis rentré des Etats-Unis en
27 1999, à partir de cette date-là, jusqu'à il y a à peu près deux ans
28 lorsqu'on m'a laissé vivre en paix un peu. Mais pendant toute cette
Page 7955
1 période, j'étais constamment à Nedzarici, une fois par mois au moins, en
2 train de donner des déclarations. Je ne me souviens pas de tous les détails
3 donnés dans toutes les déclarations. J'ai fait énormément de déclarations.
4 Il y a certaines déclarations que je n'ai pas signées non plus, d'autres
5 que j'avais signées, et voilà.
6 Q. Vous avez signé trois déclarations que je peux vous montrer, si vous le
7 souhaitez. Ceci serait peut-être plus juste.
8 M. WOOD : [interprétation] Pourrait-on afficher à l'écran la page P06280,
9 et j'aimerais que l'on se concentre sur la page numéro 1.
10 Q. Monsieur, est-ce que vous voyez à l'écran le document ?
11 R. Oui.
12 Q. Si on prend la partie du bas, c'est-à-dire le bas de la page en
13 anglais, nous apercevons votre signature; est-ce que c'est exact ?
14 R. Dans la version anglaise, oui, c'est juste, ma signature y figure.
15 M. WOOD : [interprétation] Pourrait-on voir maintenant le document P06281.
16 Pourrait-on passer, encore une fois, au bas de la page.
17 Q. C'est bien votre signature de nouveau que nous apercevons, n'est-ce
18 pas, Monsieur le Général Karavelic ?
19 R. Oui, tout à fait.
20 M. WOOD : [interprétation] Il n'y a qu'une autre pièce, la pièce P06282.
21 Q. Votre signature se trouve au bas de la page en anglais, n'est-ce pas,
22 Général Karavelic ?
23 R. Oui, probablement que oui, mais est-ce qu'il y a une signature en
24 version bosnienne ?
25 M. WOOD : [interprétation] Passons à la page 5 de ce document. Passons
26 maintenant à la page 5, encore une fois, en anglais.
27 Q. C'est de nouveau votre signature que l'on voit ici, n'est-ce pas,
28 Général Karavelic ?
Page 7956
1 R. Probablement que oui.
2 M. WOOD : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait voir la partie du haut,
3 s'il vous plaît, du document en anglais, bien sûr.
4 Q. On voit ici les paroles : "Cette déclaration m'a été lue en langue
5 bosnienne. Cette déclaration est vraie et véridique, conformément à mon
6 savoir et mon souvenir. J'ai donné cette déclaration de façon volontaire et
7 je suis tout à fait conscient que si je suis impliqué dans des procédures
8 juridiques devant le Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie, le
9 bureau du Procureur peut se servir de cette déclaration."
10 C'est ce que vous avez signé au bas, à la fin de ce paragraphe. Vous avez
11 signé votre nom en voulant dire que vous avez compris ce paragraphe, n'est-
12 ce pas ?
13 R. Oui, à peu près.
14 Q. Merci.
15 M. WOOD : [interprétation] Nous pouvons, si vous voulez, Monsieur le
16 Président, ôter ce document pour l'instant.
17 Q. Général Karavelic, j'aimerais vous poser quelques questions relatives à
18 l'expérience que vous aviez au sein du 1er Corps d'armée. Vous étiez le
19 commandant du 1er Corps d'armée et vous étiez très préoccupé par la défense
20 de Sarajevo, n'est-ce pas ?
21 R. Oui.
22 Q. Pour vous donner un exemple, dans l'affaire le Procureur contre Sefer
23 Halilovic, les Juges vous ont posé une question le 22 avril 2005, à la page
24 71, entre les lignes 16 à 22 : "Vous étiez très occupé chaque minute de la
25 journée en essayant de défendre Sarajevo ainsi que votre zone de
26 responsabilité à l'extérieur de Sarajevo, de l'autre côté du tunnel sur le
27 mont Igman; est-ce que c'est vrai ?" Vous aviez répondu : "Absolument,
28 oui." Est-ce que vous maintenez cette réponse, Monsieur ?
Page 7957
1 R. Je n'ai pas très bien saisi la deuxième partie de votre question : "de
2 l'autre côté d'Igman." Je n'ai pas très bien compris ce que vous vouliez
3 dire lorsque vous avez mentionné Igman.
4 Q. D'accord, je vais répéter. La question vous a été posée par les Juges
5 de la Chambre. Je cite : "Vous étiez très occupé chaque minute de la
6 journée à essayer de défendre Sarajevo et votre zone de --"
7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, Maître Vidovic.
8 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je suis vraiment
9 désolée d'interrompre mon éminent confrère. Je n'arrive pas à suivre ce
10 qu'il dit, puisqu'il a placé sur la liste des pièces trois déclarations
11 qu'il a montrées au témoin, mais le Procureur n'a pas annexé ce transcript
12 qu'il cite. Je ne suis pas en mesure ni de vérifier, ni de suivre, ni de le
13 lire.
14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Wood.
15 M. WOOD : [interprétation] Ce n'est pas un document qui figure sur la liste
16 des pièces, mais c'est un transcript public. M. le Témoin a témoigné dans
17 l'affaire Halilovic, et je croyais qu'il était tout à fait correct de lui
18 montrer ce passage alors que je lui en donne lecture.
19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, tout à fait, mais vous avez
20 également l'obligation d'informer la partie adverse du document que vous
21 entendez présenter, soit dans le cadre de l'interrogatoire principal ou du
22 contre-interrogatoire.
23 Rafraîchissez ma mémoire, s'il vous plaît, et dites-moi de nouveau,
24 vous êtes en train de citer la déposition de ce témoin dans quel procès ?
25 M. WOOD : [interprétation] C'est dans l'affaire le Procureur contre Sefer
26 Halilovic, transcript du 22 avril 2005.
27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Pourriez-vous placer ce document sur
28 l'écran ou l'afficher de quelque façon que ce soit ?
Page 7958
1 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui.
3 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je suis vraiment désolée. Ce genre de
4 situation est arrivé très souvent, c'est-à-dire que nous aussi nous avions
5 souvent cité des extraits de comptes rendus d'audience et nous avions
6 toujours informé le Procureur des passages que nous avions entendu citer,
7 non pas seulement pour avoir la déclaration sous les yeux, mais pour
8 vérifier le contexte dans lequel cette déclaration a été extraite.
9 Je n'accepte absolument pas que le Procureur place simplement un
10 passage de la déclaration que je ne peux pas vérifier, que je n'ai pas sous
11 les yeux. Le Procureur avait l'obligation de mettre ce document sur cette
12 liste. Il a effectivement placé les trois déclarations précédentes sur la
13 liste, mais pas celle-ci. Je ne vois pas pourquoi il ne s'est pas plié à
14 son obligation de nous informer de tous les documents qu'il entend
15 présenter au témoin. Je ne peux donc pas vérifier ce qu'il est en train de
16 dire.
17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci, Maître Vidovic. En fait, moi
18 aussi, j'allais dire justement la même chose il y a quelques instants, car
19 effectivement si les deux parties sont informées des documents que la
20 partie adverse entend utiliser au cours de l'interrogatoire et le contre-
21 interrogatoire, ceci permet de procédures de façon plus rapide.
22 Est-ce que vous avez une raison particulière pour laquelle vous
23 n'aviez pas fait ceci, Monsieur Wood ?
24 M. WOOD : [interprétation] En fait, Monsieur le Juge, je voulais simplement
25 démontrer que le témoin était très occupé à défendre la ville de Sarajevo.
26 Je peux également citer un autre extrait qui se trouve dans la liste des
27 pièces.
28 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Pourquoi ne posez-vous pas cette
Page 7959
1 question au témoin simplement comme ceci, sans citer le tout, et nous
2 allons pouvoir passer à autre chose ?
3 M. WOOD : [interprétation] Très bien, oui, vous avez raison. Moi aussi, je
4 veux que les procédures soient rapides. Mais je voulais simplement lire cet
5 extrait pour placer le tout dans le contexte.
6 Mais j'aimerais poser quelques questions au témoin concernant ceci.
7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien, mais à ce moment-là, il ne
8 faudrait pas citer la déclaration de Halilovic.
9 M. WOOD : [interprétation]
10 Q. Dans votre déclaration de 2001, Général Karavelic, c'est une
11 déclaration qui porte la pièce P06281 à la page 8, vous avez dit : "Le
12 corps avait des fonctions 24 heures sur 24, chaque jour." Est-ce que c'est
13 exact ?
14 R. Oui.
15 Q. Vous avez également dit que le commandant du corps d'armée était
16 informé à 8 heures du matin et de nouveau à 8 heures du soir, donc à 20
17 heures, et ce, dans la pièce des opérations; est-ce que c'est exact ?
18 R. Dans la soirée, très souvent le commandant du corps d'armée était celui
19 qui donnait ces séances de briefing, mais à 8 heures du matin, ce n'est pas
20 toujours le commandant, des fois c'était le chef de l'état-major. Mais
21 c'était des heures symboles effectivement.
22 Q. Est-il vrai de dire que vous aviez passé chaque minute de la journée à
23 réfléchir à la ville de Sarajevo et à trouver une façon de défendre la
24 ville de Sarajevo ?
25 R. Oui, de façon générale on pourrait parler ainsi.
26 Q. Ceci faisait en sorte que vous deviez vous trouver à l'extérieur de la
27 ville de Sarajevo aussi, n'est-ce pas ?
28 R. Oui.
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1 Q. Vous aviez environ 70 000 soldats dans le 1er Corps d'armée; est-ce que
2 c'est exact ?
3 R. Jusqu'à 80 000 en 1993.
4 Q. Et 43 000 de ces soldats se trouvaient dans la ville de Sarajevo, alors
5 que le reste se trouvait à l'extérieur dans votre zone de responsabilité;
6 est-ce que c'est exact ?
7 R. Peut-être un peu moins à l'intérieur de la ville de Sarajevo, mais nous
8 pourrions qualifier les choses de cette façon-là, effectivement.
9 Q. Mardi, vous nous avez dit à la page 47, ligne 6, que vous étiez sur le
10 mont Igman le 30 juillet 1993, lorsque vous avez envoyé ce qui a été versé
11 au dossier sous la pièce 1427 ?
12 R. Oui.
13 M. WOOD : [interprétation] Je vois au compte rendu d'audience qu'on peut
14 lire la pièce 1427, mais en fait je voulais parler de la pièce 1247,
15 Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci.
17 M. WOOD : [interprétation]
18 Q. Etant donné que vous aviez ces responsabilités-là, vous n'aviez pas
19 l'obligation d'assister aux réunions de l'état-major principal ou aux
20 réunions du SVK, n'est-ce pas ?
21 R. Mon obligation était de participer aux réunions de l'état-major
22 principal lorsque ce dernier me convoquait. Pour ce qui est de toutes les
23 autres réunions tenues par le commandement de l'état-major concernant les
24 autres questions, c'était le commandant qui décidait qui allait participer
25 à quelle réunion.
26 Q. Pour être tout à fait clair, Monsieur, jusqu'en 1995, vous ne faisiez
27 pas partie de l'état-major principal, n'est-ce pas ?
28 R. Non, jamais.
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1 Q. Le QG du 1er Corps d'armée ne se trouvait pas dans le même bâtiment que
2 le quartier général principal, n'est-ce pas ?
3 R. Oui.
4 Q. Et le quartier général du 1er Corps d'armée n'était pas dans le même
5 bâtiment que celui où se trouvait le bureau du général Delic, n'est-ce pas
6 ?
7 R. Oui.
8 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge.
9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, Maître Vidovic.
10 Mme VIDOVIC : [interprétation] Avant que nous perdions la page de
11 l'ordinateur. A la page 21, ligne 7, ce que le témoin a répondu n'a pas été
12 consigné correctement au compte rendu d'audience. Est-ce que mon éminent
13 confrère pourrait reprendre sa question aux lignes 4 et 5, lorsqu'il lui a
14 posé la question, à savoir si oui ou non il était présent aux réunions de
15 l'état-major principal. Le compte rendu d'audience ne reflète pas les
16 propos du témoin.
17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais je crois que c'est clair.
18 Qu'est-ce qui vous préoccupe, Maître Vidovic ?
19 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, au lieu de lire
20 "quelqu'un", "someone", il faudrait lire "summoned". Je sais ce que le
21 témoin a dit. Il n'a pas dit "quelqu'un", "someone", mais il a dit
22 "summoned", "convoqué".
23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je crois que c'est le genre d'erreurs
24 qui sont corrigées lorsque le transcript est relu. Il s'agit d'une erreur
25 qui est facile à reconnaître. Le transcript est toujours corrigé pendant la
26 soirée.
27 M. WOOD : [interprétation] Pour le compte rendu, Monsieur le Président,
28 j'ai entendu le témoin dire "summoned".
Page 7962
1 Q. Général Karavelic, vous étiez très occupé, vous étiez commandant du 1er
2 Corps d'armée, et vous n'aviez pas forcément des contacts quotidiens avec
3 le général Delic, n'est-ce pas ?
4 R. Des contacts quotidiens, non.
5 Q. Pour être tout à fait limpide, Général, en tant que commandant du 1er
6 Corps d'armée, vous n'avez jamais été un membre de la présidence, n'est-ce
7 pas ?
8 R. Bien sûr que non.
9 Q. Donc vos tâches et responsabilités ne vous ont jamais appelé à être
10 présent lors des réunions de la présidence ?
11 R. Je ne suis pas tout à fait certain, peut-être à une ou deux reprises je
12 n'étais pas présent aux réunions de la présidence lorsque le général Delic
13 n'était pas là en 1994 et 1995; mais je ne suis pas tout à fait certain.
14 Q. Vous n'étiez pas présent à la réunion de la présidence le 8 juin, par
15 exemple ?
16 R. Non.
17 Q. Vous nous avez dit que vous n'aviez pas vu le général Delic jusqu'à
18 tard dans la soirée ce jour-là, donc vous ne savez pas ce qu'il avait fait
19 ce jour-là pendant la journée.
20 R. Je ne sais pas ce qu'il avait fait pendant la journée, mais je sais ce
21 qu'il avait fait avant.
22 Q. Et il découle de tout ceci, Général Karavelic, que vous n'étiez pas
23 présent aux sessions de la présidence lorsqu'il a été question des 9e et 10e
24 Brigades.
25 R. Je ne suis pas tout à fait certain de ne pas avoir été présent à une ou
26 deux réunions au nom du général Delic, mais je ne peux pas le confirmer.
27 Q. Je vois, Monsieur le Président, qu'il est environ 15 heures 30. Nous
28 pourrions peut-être prendre une pause à ce moment-ci de la journée.
Page 7963
1 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien, mais nous avions commencé
2 15 minutes plus tard à cause du début de procédure retardé, nous pouvons
3 soit prendre une pause maintenant, ou continuer encore 15 minutes.
4 M. WOOD : [interprétation] Si vous voulez, j'aimerais bien continuer.
5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Si vous êtes prêt à continuer, alors
6 poursuivons. Nous irons jusqu'à 3 heures 45.
7 M. WOOD : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Juge.
8 Q. Donc il découle de ceci, Général Karavelic, que vous ne savez pas
9 directement ce que Rasim Delic a dit ou ce qu'il a fait pendant les
10 entretiens à la présidence qui avaient trait à Caco et Celo ?
11 R. Vous pensez à quelle réunion, celle du 8 juin ? Est-ce que vous
12 établissez un lien entre cette réunion-là et Caco et Celo ? Je crains de ne
13 pas comprendre.
14 Q. Non, excusez-moi pour cette confusion, Général. Je vais vous poser la
15 question de façon plus simple. Vous n'étiez pas présent à aucune des
16 réunions de la présidence auxquelles la question de Caco et Celo à été
17 évoquée.
18 R. Comme je l'ai dit il y a un moment, je crois qu'il est peut-être
19 possible que j'aie assisté à une ou deux réunions pour le compte du général
20 Delic, toutefois, je n'en suis pas sûr.
21 Q. Votre réponse nous dit : "J'ai assisté à une ou deux séances pour le
22 compte du général Delic." Ceci donnerait à penser que lorsque vous étiez
23 présent, le général Delic n'était pas présent; c'est bien cela ?
24 R. Oui, bien sûr.
25 Q. Quant à la présidence, vous nous avez dit tout à l'heure que l'un des
26 membres de la présidence était Mirko Pejanovic. Est-ce que vous pourriez
27 nous dire qui étaient les autres membres de la présidence ?
28 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je crois, Monsieur Wood, que là --
Page 7964
1 j'espère que je ne me trompe pas, mais je pense que c'était une
2 qualification erronée de ce que le témoin nous a dit. Mon souvenir, c'est
3 que Mirko Pejanovic présidait le conseil pour la protection de l'ordre
4 constitutionnel, mais il se peut que je me trompe.
5 M. WOOD : [interprétation] Je vais éclaircir ce point.
6 Q. Est-ce que Mirko Pejanovic était membre de la présidence ?
7 R. Oui, Mirko Pejanovic était membre de la présidence de la Bosnie-
8 Herzégovine et également du commandement Suprême.
9 Q. Est-ce que vous pouvez vous rappeler, Général, quels étaient les autres
10 membres de la présidence ?
11 R. En plus de Mirko Pejanovic, du côté serbe il y avait Mme Tatiana
12 Ljujic-Mijatovic. Pour le compte des peuples croates, il y avait MM.
13 Kljujic et Komsic. Et pour les Bosniaques, il y avait Alija Izetbegovic,
14 également Nijaz Durakovic et Ejup Ganic.
15 Q. N'est-il pas vrai, Général, que d'après la constitution le général
16 Delic était également un membre de la présidence pendant la guerre ?
17 R. Oui.
18 Q. Pour les autres personnes dont vous avez donné le nom, y compris le
19 général Delic, quels étaient ceux qui avaient une expérience ou une
20 formation militaire, s'il y en avait un ?
21 R. Je ne sais pas. Je ne pense pas pouvoir vous dire quoi que ce soit à ce
22 sujet. Je ne sais rien concernant leur expérience à cet égard.
23 Q. Mais vous saviez que le général Delic avait une formation militaire
24 très importante, n'est-ce pas ?
25 R. Oui, certainement.
26 Q. Lorsque vous avez été nommé à l'état-major du commandement Suprême,
27 c'était en août 1995, d'après ce que vous nous avez dit, n'est-il pas un
28 fait que vous avez été presque immédiatement été envoyé à Novi Travnik pour
Page 7965
1 prendre vos fonctions, pour préparer un combat conjoint avec la HV, n'est-
2 ce pas ?
3 R. Mais que faut-il entendre par immédiatement ? J'y suis allé en
4 septembre.
5 Q. Mais avant cela, vous avez participé à des entretiens de haut niveau
6 avec les Croates, le gouvernement croate présentant des plans pour des
7 combats conjoints, n'est-ce pas vrai ?
8 R. Oui.
9 Q. Donc même si vous étiez le chef des opérations et le chef de la
10 planification, en fait vous remplissiez une tâche plus importante qui était
11 de discuter de ces choses à un niveau supérieur du commandement ?
12 R. Si vous voulez dire les commandants de la République de Croatie, à ce
13 moment-là la réponse est oui. Quant aux commandants de mon armée, ça
14 c'était quelque chose de normal.
15 Q. Vos fonctions en tant que chef de la division des opérations et de la
16 planification étaient essentiellement de coordonner les forces du 5e et du
17 7e Corps en Bosnie occidentale, n'est-ce pas ?
18 R. En vertu d'un ordre qui avait été donné, j'ai été désigné pour des
19 fonctions nouvelles et temporaires, fonctions qui avaient pour nom
20 commandant pour la Bosnie occidentale. Et j'ai effectivement fait ce que
21 vous avez dit.
22 Q. Entre le moment où vous avez été nommé, c'est-à-dire le 19 août, et le
23 moment où vous avez été envoyé à Novi Travnik, en fait vous vous n'êtes pas
24 vraiment occupé de façon quotidienne des questions intéressant le chef des
25 opérations et de la planification, c'est-à-dire que votre tâche était une
26 tâche plus importante, qui était de discuter avec les membres du
27 gouvernement croate ?
28 R. La division opération ou administration en moyenne comprenait de 60 à
Page 7966
1 70 officiers. J'étais à sa tête. Mais ceci quand j'ai été temporairement
2 nommé à des fonctions nouvelles et temporaires, bien entendu, j'avais comme
3 tâche supplémentaire de faire ce que j'avais à faire.
4 Q. Monsieur le Témoin, vous avez parlé un petit peu du 3e Corps, répondant
5 à certaines questions posées par les Juges de la Chambre, plus
6 particulièrement aujourd'hui à la ligne 12 de la page 10, vous avez dit que
7 vous ne voyiez "pas pourquoi le commandant du 3e Corps m'exposerait son
8 problème", avez-vous dit. "Je ne le mettais pas au courant de mes
9 problèmes."
10 R. Oui.
11 Q. Donc vous n'aviez pas de connaissance directe de ce qui se passait dans
12 le 3e Corps entre 1993 et 1995, n'est-ce pas ?
13 R. Non.
14 Q. Je vais vous poser une question juste au moment de la suspension. Le
15 document que nous avons vu hier en ce qui concerne les plans de
16 planification -- excusez-moi, biffez tout ceci, en ce qui concerne la
17 formation.
18 Nous avons vu un certain nombre de documents que le général Delic avait
19 signés qui donnaient pour ordre qu'une certaine formation ait lieu
20 également en 1993, 1994 et 1995, n'est-ce pas exact ?
21 R. Oui.
22 Q. Nous avons également vu dans l'une des séquences vidéo qui a été
23 présentée le général Delic qui parlait - ceci est la pièce à conviction
24 1330, s'il était nécessaire de la présenter, c'est la pièce 1330, entre la
25 minute 1,27 et la minute 1,56 - il a dit : "Nous avons une armée qui est de
26 plus en plus opérationnelle", n'est-ce pas ?
27 R. Est-ce que je dois répondre ?
28 Q. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce qu'a dit le général Delic sur cet
Page 7967
1 enregistrement ?
2 R. Pour commencer, je n'ai pas remarqué hier qu'il avait dit cela. Et si
3 effectivement il a dit cela, nous partons là d'un fait unique. Mais si nous
4 prenons une armée de l'OTAN, quelle qu'elle soit, comme étant à 100 %
5 opérationnelle et si on tient compte du secteur de responsabilité de l'ABiH
6 en 1992, on pourrait dire qu'il y avait zéro capacité opérationnelle. Nous
7 avons besoin de savoir à quel moment exact le général Delic a dit ce qu'il
8 a dit. Si ce chiffre s'est amélioré de 20 ou 30 %, à ce moment-là on
9 pourrait dire que c'est vrai; toutefois, c'est encore très loin d'un 100 %.
10 Voilà comment je vois les choses.
11 Q. Je vous pose la question suivante. L'ABiH s'est améliorée avec le
12 temps, n'est-ce pas, Général Karavelic ?
13 R. Certainement.
14 Q. Elle était une armée qui était plus disciplinée et meilleure en 1995
15 qu'elle ne l'était en 1993, n'est-ce pas ?
16 R. Absolument.
17 M. WOOD : [interprétation] Bon. Ce serait peut-être le bon moment de faire
18 une suspension d'audience, Monsieur le Président, avant que nous ne
19 lancions dans quelque chose qui risque de prendre un peu plus de temps.
20 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] C'est une bonne idée. Nous suspendons
21 l'audience et nous la reprendrons à 16 heures 15.
22 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.
23 --- L'audience est reprise à 16 heures 17.
24 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, Monsieur Wood, poursuivez.
25 M. WOOD : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
26 Q. Avant que nous n'abordions le thème suivant, il y a quelque chose que
27 je souhaiterais préciser pour le compte rendu d'audience, Général
28 Karavelic, parce que votre réponse n'a pas été claire. Je vous ai demandé,
Page 7968
1 cela fait l'objet de la page 26, ligne 1, et je cite : "Vous n'aviez pas de
2 connaissances directes de ce qui se passait au sein du 3e Corps entre
3 l'année 1993 et l'année 1995, n'est-ce pas ?" Vous avez répondu : "Non."
4 Je voudrais m'exprimer de façon plus simple et vous poser la question
5 suivante : vous n'aviez pas de connaissances directes de ce qui se passait
6 au sein du 3e Corps entre l'année 1993 et l'année 1995 ?
7 R. Qu'est-ce que cela signifie pour vous une connaissance directe ?
8 Q. Bien. Par exemple, vous ne faisiez pas partie de la ligne de
9 communication du 3e Corps, n'est-ce pas ?
10 R. Non.
11 Q. Le 3e Corps ne vous envoyait pas des rapports de combat ?
12 R. Non.
13 Q. Vous ne receviez pas de la part du 3e Corps des rapports relatifs à la
14 sécurité militaire, n'est-ce pas ?
15 R. Non.
16 Q. Votre seule connaissance de ce qui se passait au sein du 3e Corps,
17 comme vous l'avez dit un peu plus tôt, était une connaissance indirecte,
18 n'est-ce pas, de deuxième main ?
19 R. Oui, quelque chose de ce style.
20 Q. J'aimerais que nous parlions des communications maintenant. Vous nous
21 avez dit le premier jour, à la page 34, ligne 11, et je vais citer : "Des
22 communications avec les unités en dehors de Sarajevo, toutes les
23 communications étaient peu nombreuses. Il n'y avait pas de continuité, il y
24 avait des coupures et des pannes très fréquentes et très longues et les
25 moyens de communication étaient très médiocres."
26 Vous nous avez également dit le même jour, à la page 35, ligne 23, et
27 je cite toujours : "Je peux confirmer que le commandant de l'état-major
28 général disposait de très peu d'information relative à la situation des
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1 autres corps."
2 Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela, Général Karavelic ?
3 R. Plus ou moins.
4 Q. Maintenant, vous nous dites que vous n'étiez pas membre de l'état-major
5 général en 1993.
6 R. Oui, c'est exact.
7 Q. Donc vous n'aviez pas de connaissances directes des informations qui
8 parvenaient au général Delic, n'est-ce pas ?
9 R. Oui, c'est ainsi qu'on pourrait dire les choses. Mais moi, j'ai
10 interprété tout cela au vu de mon expérience acquise avec mon corps.
11 Q. Je vous poserai d'autres questions à ce sujet, alors. Vous nous avez
12 dit un peu plus tôt qu'il y avait environ 30 000 de vos soldats qui se
13 trouvaient à l'extérieur de la ville de Sarajevo. Cela est vrai, n'est-ce
14 pas ?
15 R. Oui. Je ne peux pas jurer mordicus que le chiffre est absolument exact,
16 mais plus ou moins c'est cela.
17 Q. Quoi qu'il en soit, il y avait un certain nombre de soldats avec qui
18 vous deviez communiquer et qui se trouvaient à l'extérieur de la ville.
19 C'est cela qui est important ?
20 R. Oui.
21 Q. Nous savons de par votre déposition que vous aviez à votre disposition
22 des communications par paquet. Aujourd'hui, vous nous avez dit, par
23 exemple, que la communication par paquet n'était disponible qu'à l'état-
24 major général lorsqu'il souhaitait communiquer avec les commandants de
25 corps et avec d'autres.
26 R. Oui, grosso modo.
27 Q. Vous nous avez également dit le premier jour de votre déposition
28 que grâce au général Delic, le 31 juillet ainsi que le 1er août, vous avez
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1 reçu deux unités de la Bosnie centrale. Vous vous souvenez avoir dit cela ?
2 R. Oui, je m'en souviens.
3 Q. Nous savons que vous parliez de la pièce 1247 qui portait la date du 30
4 juillet 1993. Il s'ensuit que le général Delic avait la possibilité
5 d'établir la communication avec des unités en Bosnie centrale puisqu'il a
6 été à même de les appeler et de les envoyer afin qu'elles vous portent
7 secours ou qu'elles vous prêtent main-forte; n'est-ce pas vrai ?
8 R. Vous avancez des idées, ensuite vous voulez que je réponde par oui ou
9 par non. La réponse pourrait être qui sait véritablement ce qu'il en est,
10 si vous voulez une véritable réponse. Je ne sais pas si j'ai le droit de me
11 livrer à des conjectures ou de parler d'hypothèses en tant que témoin.
12 Qu'en serait-il si le général Delic n'avait pas de communication avec ces
13 unités ? Pour ce qui est de ces unités qui sont venues m'aider, je peux
14 vous dire avec certitude que le général Delic n'avait pas de contact avec
15 ces unités parce qu'il s'agissait d'unités qui étaient beaucoup trop
16 petites pour que le général Delic ait quoi que ce soit à voir avec ces
17 unités. Il s'agissait ici tout simplement de deux compagnies. Qu'en est-il
18 si, après que le commandant ait insisté, le président de la présidence a
19 appelé par téléphone satellitaire, ou qu'en est-il -- je ne sais pas si un
20 homme politique en a parlé à Zenica ou à Travnik, et que cet homme
21 politique a appelé quelqu'un ayant un grade subalterne et que tout cela
22 s'est soldé par l'arrivée de ces deux unités. Vous vous contentez de me
23 dire il avait établi la communication avec ces deux unités. Mais ça ne
24 tient pas la route, en fait.
25 Q. Il y avait également des téléphones satellitaires, n'est-ce pas,
26 Monsieur ?
27 R. Oui. Je pense c'est juste quelque chose que j'ai entendu. Je pense que
28 le président de la présidence en avait un, mais une fois de plus, je ne
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1 peux pas véritablement le garantir.
2 Q. En ce qui vous concerne, vous, vous aviez à votre disposition la
3 possibilité d'établir des communications grâce à des estafettes, n'est-ce
4 pas ?
5 R. Dans la ville de Sarajevo, oui.
6 Q. Mais vous nous avez dit, et vous l'avez dit d'ailleurs à propos de la
7 pièce 1247, lorsque vous parliez de l'envoi d'un message en dehors de la
8 ville de Sarajevo vers l'état-major général, vous l'avez dit à la Chambre
9 de première instance, et cela fait l'objet de la page 47, ligne 17. Vous
10 avez dit, et je cite : "Il y a deux méthodes pour envoyer des informations;
11 soit par estafette soit par communication par paquet."
12 Lorsque vous avez apporté cette réponse, vous saviez pertinemment que
13 nous parlions et que vous parliez de communication à partir de l'extérieur
14 de la ville de Sarajevo vers la ville de Sarajevo, n'est-ce pas ?
15 R. Hier, j'avais apporté une précision. J'avais expliqué comment est-ce
16 que quelqu'un pouvait traverser la piste d'atterrissage de l'aéroport
17 jusqu'au moment où le tunnel a été creusé. S'il y avait sur 100 tentatives,
18 une était couronnée de succès, je vous le dis à titre d'illustration pour
19 vous permettre de comprendre les chances de succès que pouvais avoir une
20 estafette dans cette situation. C'était tout simplement une question de
21 chance, mais de temps à autres il y en avait qui arrivait.
22 Il faut savoir que la situation qui prévalait sur le terrain était en
23 évolution constante d'une minute à une autre. Vous ne pouvez pas
24 véritablement appeler cela des moyens de communication, mais je ne sais
25 pas. Je ne sais pas si j'arriverais véritablement à vous expliquer cela.
26 Une estafette, de nos jours, c'est le moyen de communication le plus
27 primitif.
28 Q. Mais vous aviez également à votre disposition la possibilité de
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1 communiquer par téléphone, n'est-ce pas ?
2 R. Dans la ville de Sarajevo, oui.
3 Q. Monsieur, dans votre déclaration de 2000, il s'agit de la pièce P06280,
4 lorsque vous faites référence à l'opération Neretva, et je dirais à
5 l'intention de la Chambre de première instance qu'il s'agissait d'une
6 opération au cours de laquelle certains soldats ont été placés sous le
7 commandement et contrôle du général Karavelic, et ces soldats ont été
8 envoyés à l'extérieur de la ville de Sarajevo pour participer à une
9 opération dans la vallée de la Neretva.
10 Vous avez dit dans votre déclaration, Monsieur, que : "Lors de
11 l'opération Neretva 1993, j'ai reçu un rapport d'Adnan Solakovic par
12 estafette et nous avons parlé par téléphone." Il est absolument manifeste
13 que lui se trouvait dans la vallée de la Neretva lorsque vous avez eu cette
14 conversation avec lui et que vous, vous étiez, par contre, dans la ville de
15 Sarajevo et vous lui avez parlé par téléphone. Cela est vrai, n'est-ce pas
16 ?
17 R. Pour autant que je m'en souvienne, je lui ai parlé par téléphone, mais
18 je ne suis pas sûr de ce qu'il en est avec le général Halilovic, avec Sefer
19 Halilovic. Vous vous souviendrez certainement, puisque vous avez également
20 participé à l'affaire Sefer Halilovic, qu'il y avait une lettre qui a été
21 rédigée par Adnan Solakovic. Mais je ne me souviens pas avoir parlé avec
22 Adnan Solakovic. Si je lui avais parlé, je suppose que je lui ai parlé par
23 radio. Il s'agissait d'une communication ouverte, donc.
24 Q. Oui, mais vous avez parlé à Adnan Solakovic et vous avez également
25 parlé au général Halilovic pendant l'opération Neretva 1993. Que cela ait
26 été fait par radio ou par téléphone, vous l'avez fait, n'est-ce pas ?
27 R. Oui.
28 Q. Lorsque vous leur avez parlé, ils se trouvaient dans la vallée de la
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1 Neretva, alors que vous, vous étiez dans la ville de Sarajevo, n'est-ce pas
2 ?
3 R. [aucune interprétation]
4 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Wood, je ne voudrais pas
5 vous interrompre pendant votre contre-interrogatoire, mais je suis très
6 curieux et je me demande où tout cela va nous mener.
7 M. WOOD : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président. En fait, il
8 s'agit de la déclaration du général Karavelic. C'est une déclaration qu'il
9 a fait à propos de la communication entre les unités qui se trouvaient à
10 l'extérieur de Sarajevo et les unités qui se trouvaient à l'intérieur de
11 Sarajevo. Il nous a dit qu'il n'avait pas de connaissances directes des
12 informations qui parvenaient au général Delic, qu'il ne peut parler qu'au
13 vu de son expérience, qu'au vu de l'expérience acquise dans le cadre des
14 communications avec les soldats qui se trouvaient hors de Sarajevo. Ces
15 exemples que je viens de donner montrent qu'en dépit de ce qu'il nous a dit
16 un peu plus tôt, il avait des moyens de communication. Il pouvait
17 communiquer lorsqu'il parlait avec son commandement Suprême, il pouvait
18 communiquer par les communications par papier, il pouvait communiquer par
19 radio, par téléphone, puis parfois il pouvait également communiquer grâce à
20 des estafettes.
21 Ce qui montre, de façon beaucoup plus exhaustive, la situation en
22 matière de communications entre les unités qui se trouvaient dans Sarajevo.
23 Nous savions que le général Delic avait son QG là-bas, nous savons qu'il y
24 avait des unités à l'extérieur de Sarajevo et nous voyons, par exemple,
25 qu'il a parlé en septembre 1993 avec Sefer Halilovic et Adnan Solakovic.
26 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Bien. Quelle est la pertinence de
27 tout cela par rapport à l'acte d'accusation ?
28 M. WOOD : [interprétation] Nous avons entendu de nombreux témoignages,
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1 notamment de la part de ce témoin aujourd'hui qui a indiqué que les
2 communications étaient très, très médiocres entre le général Delic et ses
3 commandants subordonnés. Alors je ne voudrais pas m'exprimer au nom de la
4 Défense, mais je pense que la thèse de la Défense est que cela avait eu une
5 incidence négative sur son aptitude à commander et à contrôler ses soldats.
6 Alors tout cela, Monsieur le Président, parce que je veux démontrer
7 qu'il y avait des moyens de communication entre les unités qui se
8 trouvaient dans Sarajevo, où le général Delic se trouvait le plus clair du
9 temps et les unités qui se trouvaient hors de Sarajevo. Je vous ai démontré
10 cela, par exemple, du commandant du 1er Corps.
11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien. J'hésite. Je tergiverse un
12 peu parce que je ne pense pas que des éléments de preuve aient été apportés
13 pour suggérer qu'il n'y avait absolument pas de communication. On nous a
14 présenté plusieurs sources qui ont indiqué que les communications pouvaient
15 être difficiles, ce qui n'est, après tout, pas surprenant en temps de
16 guerre. Il vous appartient de poursuivre, Monsieur Wood, mais je
17 souhaiterais plutôt que vous vous recentriez sur les éléments que vous
18 voulez obtenir de la part de ce témoin, sans oublier l'acte d'accusation.
19 M. WOOD : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
20 Je souhaiterais que la pièce 1331 soit affichée à l'écran. Il
21 s'agissait d'une pièce qui a été versée au dossier par l'entremise de ce
22 témoin un peu plus tôt cette semaine.
23 Q. Général Karavelic, vous voyez ce document à l'écran ?
24 R. Oui, je le vois.
25 Q. Vous l'avez déjà vu, ce document, au début de la semaine. J'aimerais
26 vous demander si vous aviez vu auparavant ce document ?
27 R. Je n'en suis pas sûr. Peut-être que je l'avais vu ou peut-être que je
28 ne l'avais pas vu.
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1 Q. Est-ce que le format de ce document vous est familier ?
2 R. Qu'entendez-vous, est-ce que le format m'est familier ? Je ne comprends
3 pas votre question.
4 Q. Est-ce que vous avez déjà vu ce genre de document auparavant, à savoir
5 des documents qui ont comme en-têtes : République de Bosnie-Herzégovine,
6 état-major, commandement Suprême, et cetera ?
7 R. Oui, il me semble que j'en ai déjà vu.
8 Q. Est-ce que vous aviez vu ce genre de documents lorsque vous étiez
9 commandant du 1er Corps ?
10 R. Je pense.
11 Mme LE JUGE LATTANZI : Oui ou non, vous ne pouvez pas dire "je pense".
12 Cherchez à vous concentrer, et dites si vous avez vu ou non.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être que oui, peut-être que non. Pendant
14 la guerre, j'ai reçu des millions de documents, et il faut que vous
15 compreniez que c'est une question qui est assez impossible. Si vous voulez
16 que je réponde par l'affirmative pour faire plaisir à quelqu'un, je dirais
17 oui, mais j'essaie en fait de relater la vérité. Si vous ne me croyez pas,
18 ça c'est une autre paire de manches.
19 Mme LE JUGE LATTANZI : Je ne rappelle pas ce que vous avez -- ce document
20 vous a été déjà présenté par la Défense ou je me trompe ?
21 M. WOOD : [interprétation] Oui, je peux confirmer que ce document a été
22 montré par la Défense, Madame.
23 Mme LE JUGE LATTANZI : Donc on va voir ce que vous avez répondu là. Merci.
24 Mme VIDOVIC : [interprétation] La Défense a effectivement montré le
25 document au témoin, mais dans un contexte tout à fait différent. La Défense
26 s'était intéressée au contenu du document, et non pas à ces faits, et nous
27 n'avions pas demandé au témoin s'il avait reçu le document ou non.
28 Je voulais juste le dire de façon claire, parce que je ne veux pas
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1 que le témoin ait l'air de dire quelque chose de différent par rapport à ce
2 qu'il avait dit hier.
3 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci, Madame Vidovic.
4 M. WOOD : [interprétation]
5 Q. Général Karavelic, est-ce que vous avez reçu ce genre de bulletins
6 pendant la guerre, à savoir entre l'année 1993 et l'année 1995 ?
7 R. Je n'en suis pas absolument sûr et certain, mais si je devais choisir
8 entre deux possibilités, je répondrais par l'affirmative.
9 M. WOOD : [interprétation] Nous n'avons plus besoin de ce document,
10 Monsieur le Président.
11 Q. Pendant votre interrogatoire principal, Général Karavelic, vous nous
12 avez parlé un peu de l'opération Trebevic, et je souhaiterais vous poser
13 des questions à ce sujet. Vous nous avez dit que vous avez été en mesure de
14 neutraliser la 9e et la 10e Brigade, pour lesquelles les effectifs
15 s'élevaient entre 2 000 et 3 000 hommes. Vous vous souvenez avoir dit cela
16 ?
17 R. Oui, je n'en souviens.
18 Q. Juste pour confirmer, vous avez dit que vous aviez une force de 5 500
19 hommes pour accomplir cette mission; est-ce exact ?
20 R. C'est exact.
21 Q. Et il est vrai, n'est-ce pas, que Rasim Delic a commandé lui-même
22 personnellement cette opération ?
23 R. Il l'a commandée avec le ministre de l'Intérieur, Bakir Alispahic et il
24 y avait une équipe qui était avec lui.
25 Q. Mais il est vrai aussi, n'est-ce pas, Général Karavelic, que cette
26 opération Trebevic était une opération plutôt extraordinaire, puisqu'il
27 s'agissait d'essayer de gérer des soldats renégats ?
28 R. Oui, c'est ainsi que l'on peut décrire cette situation, mais de toute
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1 façon la situation était beaucoup plus complexe que vous ne le décriviez.
2 Q. Nous allons aborder les détails maintenant. Lorsqu'un commandant de
3 l'ABiH apprenait qu'il y avait eu de la part de ses soldats des
4 comportements criminels, il avait d'autres moyens à sa disposition pour les
5 discipliner, n'est-ce pas ?
6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Vidovic.
7 Mme VIDOVIC : [interprétation] Est-ce que le Procureur aurait l'amabilité
8 de préciser ce qu'il entend par "commandant de l'armée de l'ABiH", parce
9 qu'hier nous avions mentionné le général Delic en cette capacité ainsi que
10 le président de la présidence.
11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Wood.
12 M. WOOD : [interprétation] Je parle en termes généraux de tout commandant
13 de l'ABiH.
14 Q. Donc qu'en est-il ?
15 R. Cette fonction, commandant de l'ABiH, n'existe pas.
16 Q. Je vais peut-être m'exprimer de façon plus simple. Vous, vous étiez le
17 commandant du 1er Corps, lorsque vous avez appris que vos soldats se
18 livraient à des activités criminelles, ou lorsque vous avez appris qu'ils
19 avaient un comportement particulièrement perturbateur, vous pouviez donner
20 l'ordre pour que soit diligentée une enquête de la part du service chargé
21 de faire respecter l'ordre public, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous pouvez également donner des avertissements aux soldats en
24 question, n'est-ce pas ?
25 R. Oui, vous pouvez, tout à fait.
26 Q. Et s'il s'agit d'infractions assez graves, vous pouvez même les
27 traduire devant un tribunal militaire disciplinaire, n'est-ce pas ?
28 R. Je me demande comment. Si je n'ai pas accès à ces soldats, si je n'ai
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1 pas accès à ces commandants, comment puis-je le faire ? S'ils m'avaient vu,
2 ils m'auraient tué sur-le-champ.
3 Q. Mais je parle de façon générale.
4 R. Vous parlez beaucoup de façon générale, et parfois vous abordez des
5 détails très précis.
6 Q. Nous allons alors parler des actes criminels de la 9e et de la 10e
7 Brigade. Vous étiez au courant quand même de ces comportements et actes
8 criminels, n'est-ce pas ?
9 R. Ce n'est pas vrai.
10 Q. Je pense que vous avez dit lors de votre témoignage, Monsieur, qu'il y
11 avait eu des demandes qui avaient été envoyées au commandement Suprême pour
12 que quelque chose soit fait à propos de la 9e et de la 10e Brigade, et que
13 cela avait commencé avant que vous ne devenez le commandant du 1er Corps en
14 mai 1993, et vous nous avez dit également que lorsque vous êtes devenu
15 commandant du 1er Corps, vous avez également demandé l'autorisation de
16 pouvoir régler les problèmes posés par les 9e et 10e Brigades de Montagne;
17 est-ce exact ?
18 R. Oui, c'est exact. Mais je l'ai fait en fonction de certaines
19 indications, de certains indices, et non pas en fonction d'une connaissance
20 absolue que j'aurais eue, suivant laquelle ils auraient commis des crimes à
21 ce moment-là.
22 Q. Tout à fait, toutefois vous aviez quand même remarqué qu'ils avaient eu
23 un comportement erroné, n'est-ce pas ?
24 R. Oui, c'est ainsi qu'on pourrait dire les choses.
25 Q. Donc je pourrais avancer sans trop me hasarder que vous avez fait tout
26 ce qui était possible pour faire en sorte d'essayer de régler le problème,
27 n'est-ce pas ?
28 R. Je pense que j'ai pris la mesure que j'étais censé prendre au vu de ma
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1 position et j'ai pris les mesures que je pouvais prendre au vu de la
2 situation qui était très difficile et complexe.
3 Q. Mais il est vrai de dire, Monsieur, que vous avez pris des mesures
4 assez spéciales. Vous êtes allé voir le président lui-même et vous lui avez
5 dit : Si vous n'essayez pas de régler ce problème, je démissionne de ma
6 fonction en tant que commandant du 1er Corps, n'est-ce pas ?
7 R. Oui, c'est exact.
8 Q. Et vous l'avez fait parce que vous saviez que si ces soldats
9 continuaient à commettre des crimes dans votre zone de responsabilité, vous
10 saviez que c'est vous qui seriez responsable de ne pas avoir pris des
11 mesures à ce sujet, n'est-ce pas ?
12 R. On peut dire ainsi, oui.
13 Q. Monsieur, tout au long de votre témoignage, il y a toujours un
14 leitmotiv. Vous avez dit à la page 51, la ligne 1 du compte rendu
15 d'audience, qu'Alija Izetbegovic essayait de saper les efforts de guerre.
16 Et vous avez dit ceci également à la page 60, à la ligne 19. Vous souvenez-
17 vous avoir dit cela ?
18 R. Je me souviens de cette question. Mais lorsqu'on pose une question, à
19 savoir s'il avait sapé les efforts de guerre, c'est une question concrète
20 qui exige une réponse concrète. C'était à moi de dire que oui il sapait ou
21 non les efforts de guerre. Le commandant du 1er Corps d'armée déjà au mois
22 de mai avait envoyé une communication pour que certains commandants de
23 brigade soient démis de leurs fonctions, et si l'état-major principal en
24 avait connaissance, et si le commandant général Delic avait envoyé je ne
25 sais combien de fois des demandes au président afin que tout ceci soit fait
26 une fois pour toute pour qu'il donne son approbation, ceci a duré cinq à
27 six mois. Ce n'est que le 26 octobre que cela a été fait après la
28 commission d'un certain nombre de crimes, et après la perte d'un certain
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1 nombre d'hommes au cours des opérations. Alors je vous pose une question.
2 Qu'est-ce que c'est à ce moment-là, si ce n'est pas que de saper les
3 efforts de guerre. Mais je ne vais pas répondre ni par l'affirmative ni par
4 la négative.
5 Q. Mais vous ne savez pas en réalité exactement si le général Delic a
6 envoyé des demandes à l'endroit du président pour que quelque chose soit
7 fait ?
8 R. Je ne sais pas combien de fois, mais je sais qu'il était tout comme
9 moi. Il m'appuyait, il disait : il faut faire des pressions auprès du
10 président. Je ne dis pas cela parce que je veux dire n'importe quoi,
11 c'était vraiment comme ça parce que les choses ne se seraient pas déroulées
12 ainsi si le général Delic avait eu une autre opinion. Ceci n'aurait pas pu
13 être fait même si le président en avait préalablement donné l'ordre.
14 Q. Mais l'objet de cet acte d'accusation, c'était le Détachement El
15 Moudjahidine, vous savez cela, n'est-ce pas ?
16 R. Dans une certaine mesure, oui, je suis au courant de cela.
17 Q. Il semblerait que même si -- on pourrait faire une comparaison, est-ce
18 qu'il serait juste de dire que ce serait possible ?
19 R. Je ne sais pas à quoi vous faites allusion concrètement. Posez-moi une
20 question concrète.
21 Q. Général Karavelic, est-ce qu'Alija Izetbegovic a empêché Rasim Delic de
22 prendre des mesures nécessaires contre le Détachement El Moudjahid, est-ce
23 que c'est ce que vous êtes en train de nous dire ?
24 R. Ma déclaration est la suivante, je dis qu'il m'empêchait moi de régler
25 mes problèmes avec mes commandants et mes soldats désobéissants. On peut en
26 tirer la conclusion que là-bas aussi, peut-être que oui, mais je ne peux ni
27 confirmer ni infirmer, puisque je me trouvais à l'extérieur de ceci. Je ne
28 sais pas. C'est le général Delic qui pourrait répondre à cette question
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1 mieux que moi.
2 Q. Donc les crimes et les méfaits commis par la 9e et la 10e Brigade entre
3 le mois de mai 1993 et octobre 1993, c'est la faute d'Alija Izetbegovic
4 puisqu'il n'avait rien fait pour empêcher que ces troupes ne se livrent à
5 ces actions ?
6 R. Alija Izetbegovic est mort. Je ne peux pas donner des réponses précises
7 comme ça, si à partir du mois de mai, alors que je n'étais pas commandant
8 du corps d'armée, si mon commandant de corps d'armée avait demandé sans
9 cesse que ce genre de commandants-là de brigade soient démis de leurs
10 fonctions. Lorsque le général Delic est venu en fonction, moi je pensais
11 que Sefer Halilovic était encore à la tête de l'armée et je pense que le
12 blocus était sans doute là, c'est un soupçon que j'ai, mais c'est ce
13 qu'Alija Izetbegovic n'a pas fait tout de suite. Mais lorsque le général
14 Delic est arrivé, je suis absolument convaincu que moi-même et mon
15 commandant, le général Delic, avions la même vision des choses. Mais
16 Izetbegovic n'acceptait pas. Et lorsqu'à la fin nous lui avons communiqué
17 les données s'agissant de crimes qui avaient réellement été commis et que
18 c'était encore pire en réalité, ce même commandant de brigade a tiré sur sa
19 présidence et son commandement Suprême avec des lance-roquettes, c'est à ce
20 moment-là que le président a accepté.
21 Si vous me posez la question, alors je vais vous dire que c'est
22 probablement possible que le général Delic ait eu des problèmes semblables
23 lorsqu'il est question des problèmes qu'il avait avec le Détachement El
24 Moudjahid. C'est mon opinion.
25 Q. Monsieur, vous êtes en train de vous livrer à des conjectures, vous ne
26 savez absolument pas quels étaient les rapports entre le général Delic et -
27 -
28 R. Non, c'était à l'extérieur de ma propre -- je ne sais pas, je n'étais
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1 pas présent lors des réunions.
2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Vidovic.
3 Mme VIDOVIC : [interprétation] Vous vous souviendrez qu'il y a quelques
4 instants le Procureur a demandé au témoin de faire une comparaison entre ce
5 qui se passait, à savoir si Izetbegovic a empêché le général Delic, et
6 maintenant lorsque le témoin répond, le Procureur lui dit : Vous vous
7 livrez à des conjectures.
8 Monsieur le Juge, Madame le Juge, réellement, on ne peut pas
9 fonctionner comme ça.
10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je suis du côté de Me Vidovic.
11 M. WOOD : [interprétation] J'essayais de comprendre ce que le général
12 Karavelic essaie de dire en parlant de Trebevic. Ce n'est pas quelque chose
13 qui figure dans l'acte d'accusation.
14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, je suis tout à fait au courant
15 de cela.
16 J'ai cru que votre question concernant le Détachement El Moudjahidine
17 était assez hardie, mais je crois que le témoin vous a donné une réponse
18 assez raisonnable. Gardez cette réponse au compte rendu et poursuivez.
19 M. WOOD : [interprétation] Nous n'avons pas d'autres questions. Merci.
20 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Vidovic, est-ce que vous avez
21 des questions supplémentaires à poser ?
22 Mme VIDOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Juge, Madame le Juge, j'ai
23 quelques questions seulement.
24 Nouvel interrogatoire par Mme Vidovic :
25 Q. [interprétation] Je vais revenir, Général Karavelic, sur les comptes
26 rendus que vous avez mentionnés. L'honorable Juge Lattanzi vous a demandé
27 si vous étiez présent lors des réunions pendant lesquelles les commandants
28 de corps d'armée parlaient des problèmes qu'ils avaient eus n'est-ce pas ?
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1 Vous vous souvenez de ça ?
2 R. Oui.
3 Q. Alors maintenant j'aimerais vous demander de nous dire vous, en tant
4 que commandant du corps d'armée, lors de ces briefings, de quels problèmes
5 parliez-vous ?
6 R. J'informais principalement de la situation actuelle, la situation
7 concernant les combats dans ma zone de responsabilité, à savoir où étaient
8 mes lignes, où mes lignes étaient fortes, où mes lignes étaient faibles, où
9 je m'attendais que l'agresseur attaque, et cetera, et cetera. Ensuite, ça
10 c'était au point 1 et c'était la règle observée par tous les commandants.
11 Maintenant, deuxièmement, on parlait d'une autre question qui était
12 très importante et pendant la guerre, c'était une question qui revenait
13 tout le temps, c'est la discipline ou la chaîne de commandement. Donc c'est
14 une question qui revenait tout le temps. Alors de cette question -- en
15 fait, on se demandait s'il est possible que ceci soit réglé. Nous en
16 parlions tout le temps de façon très ouverte. Réellement, en tant qu'homme,
17 si je puis le dire ici devant vous, une armée qui faisait la guerre dans
18 ces conditions-là et qui faisait les choses de façon aussi transparente et
19 ouverte, je ne souhaite pas envoyer des messages, mais les armées les plus
20 contemporaines peuvent nous envier, parce que c'est la vérité. Ensuite,
21 nous parlions du moral des troupes, ensuite, nous parlions de la
22 logistique. Y a-t-il suffisamment de nourriture ? Oui, non. Munitions
23 suffisantes ? Oui, non. Comment nous approvisionner des munitions ? Où
24 peut-on acheter les munitions de l'agresseur, et cetera, et cetera ?
25 Ensuite, il y avait d'autres questions. Ensuite, le commandant tire
26 des conclusions, adopte l'ordre du jour et les choses sont faites ou pas.
27 Q. Est-ce que l'on parlait de petites unités, telles détachements,
28 bataillons, ou parlait-on de problèmes généraux des corps d'armée ?
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1 R. Nous parlions d'un très grand nombre de sujets. Hier nous avons vu un
2 document où nous avions vu qu'un ordre avait été donné pour que ces unités
3 soient déployées à l'intérieur du corps d'armée. On a vu que l'on parlait
4 également du non-respect de la discipline de ces unités, et cetera.
5 Q. Très bien, merci. Parlons maintenant de la 9e et 10e Brigade. Ce n'est
6 pas en réalité tellement les brigades qui m'intéressent, mais plutôt les
7 questions qui ont trait à la procédure par laquelle vous deviez passer,
8 donc la procédure en place. Le Procureur vous a demandé si vous étiez à
9 même de diligenter une enquête. Dites-nous, est-ce que c'était la
10 responsabilité du commandant de corps d'armée ou de son commandement qu'à
11 chaque fois qu'il entend parler d'un délit, de diligenter une enquête ?
12 R. A chaque fois que quelqu'un entend, c'est-à-dire que dès qu'il y a des
13 preuves ou des données plus concrètes permettant de croire qu'il y a eu
14 violation de la loi ou qu'il y a eu commission de crimes de guerre, à ce
15 moment-là, le commandant du corps d'armée avait l'obligation de diligenter
16 une enquête.
17 Q. Très bien, merci. Donc vous, en tant que commandant du corps d'armée,
18 vous nous avez dit que vous aviez su qu'il y avait des indices, vous aviez
19 appris que certains indices existaient vous permettant de croire que des
20 actes criminels avaient été faits. Maintenant, vous nous avez dit que vous
21 aviez, vous et le commandant Delic, informé la présidence de ceci.
22 Maintenant, j'aimerais vous poser la question suivante à ce sujet : est-ce
23 que la présidence vous a demandé de leur fournir des preuves ou est-ce que
24 c'était simplement quelque chose qu'ils ont accepté comme ça, ou
25 demandaient-ils des preuves ?
26 R. Ils demandaient des preuves, ils exigeaient des preuves.
27 Q. Est-ce que vous avez fait quelque chose relativement à ceci ?
28 R. Oui. Mon service a recueilli des informations, ceci a duré un certain
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1 temps. Je ne peux pas vous dire combien de temps tout ceci a duré. Nous
2 avons donc mené une enquête, c'était peut-être en septembre ou en octobre,
3 et nous avions pu à ce moment-là communiquer les preuves. C'est après cela
4 que ce qui a suivi est arrivé.
5 A la fin, des décisions ont été prises pour entamer des procédures
6 contre 30 ou 40 personnes, et pour ce qui est des autres violations il y a
7 eu beaucoup plus de personnes que cela.
8 Q. Merci beaucoup, Mon Général. Maintenant, une autre question : en tant
9 que commandant du corps d'armée à l'époque, est-ce que vous aviez
10 l'obligation de prouver les proportions, c'est-à-dire que la violence
11 employée était proportionnelle aux événements ? Est-ce que vous deviez, en
12 d'autres mots, prouver ou convaincre la présidence que l'emploi de la force
13 était proportionnel à la gravité de la situation ?
14 R. Je dois dire que oui.
15 Q. Quand il est question de l'emploi de la force général, est-ce qu'il
16 faut toujours prouver que la force est employée de façon proportionnelle
17 sur le terrain ?
18 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, Monsieur Wood ?
19 M. WOOD : [interprétation] Monsieur le Président, ceci est une question
20 directrice, tout comme les autres questions. Il s'agit de questions
21 supplémentaires, il ne s'agit pas d'un contre-interrogatoire, on ne peut
22 pas poser des questions directrices lors des questions supplémentaires.
23 Donc objection.
24 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Objection maintenue.
25 Maître Vidovic, veuillez reformuler votre question.
26 Mme VIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.
27 Je voudrais seulement -- je vais reformuler ma question.
28 Q. Général, dans quelle situation peut-on employer la force et quand ?
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1 R. Je crois qu'hier ou avant-hier j'ai répondu à cette question. Dans les
2 cas où un crime de guerre sérieux a été commis ou lorsqu'il y a violation
3 des lois, des dispositions, et cetera.
4 Q. Est-ce que les preuves relatives à ces indices ou à ces doutes devaient
5 être présentées à la présidence ?
6 R. Oui, absolument.
7 Mme VIDOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge, je n'ai plus
8 d'autres questions.
9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci, Maître Vidovic.
10 Juge Lattanzi, est-ce que vous avez des questions ?
11 Questions de la Cour :
12 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'aimerais parler d'une question qui
13 a été soulevée par M. Wood en contre-interrogatoire, car la question qu'il
14 a soulevée se trouve au cœur de cette affaire. Je crois que M. Wood a
15 évoqué la question suivante : pourquoi le général Delic et le président
16 Izetbegovic se donneraient tant de peine pour placer la 9e et la 10e
17 Brigade dans votre corps d'armée si des démarches similaires n'avaient
18 pas été prises pour traduire devant la justice d'autres groupes
19 indépendants et subordonnés qui se trouvaient sous la juridiction
20 de l'ABiH ? Je ne suis pas tout à fait certain que vous soyez en
21 mesure de fournir des preuves ou de nous donner des preuves en réponse
22 à cette question, mais j'aimerais savoir si vous avez une opinion
23 concernant des raisons sous-jacentes nous permettant de voir pourquoi la
24 9e et la 10e Brigade de votre corps d'armée avaient été ou avaient eu
25 un traitement différent des autres unités insubordonnées de l'ABiH.
26 Je ne sais pas si vous comprenez ma question ?
27 R. Vous voulez dire pourquoi le président Izetbegovic n'avait pas rendu
28 une décision plus tôt ? Je ne sais pas si c'est ceci votre question.
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1 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'ai dû mal m'exprimer, je suis
2 désolé.
3 Je vous demande si vous avez une opinion personnelle nous permettant
4 de comprendre pourquoi les mesures semblables à celles qui avaient été
5 prises pour contrôler la 9e et la 10e Brigade n'avaient pas été prises à
6 l'encontre d'autres groupes désobéissants ou récalcitrants dont nous avons
7 entendu parler dans ce procès et qui causaient des problèmes au sein du 3e
8 Corps d'armée.
9 R. Oui. Monsieur le Juge Harhoff, le fait d'entreprendre des démarches
10 telles qu'elles avaient été faites dans la ville de Sarajevo à l'encontre
11 de la 9e et la 10e Brigade, moi en tant que commandant ayant un poste de
12 commandant, j'essayais de comprendre le président de la présidence, une
13 personne qui avait une fonction politique très importante. Je ne veux pas
14 avoir l'impression de le défendre, j'ai dit ce que j'ai dit.
15 Mais il est vrai qu'il avait un dilemme. Il ne savait pas comment
16 réagir, il était tout à fait conscient que ses commandants et ses soldats
17 étaient en train de commettre des violations graves, même commettre des
18 crimes de guerre, d'autre part, étant donné la situation, toute la ville et
19 le pays étaient dans le même état, dans la même situation. Il ne faut pas
20 oublier que l'élément-clé, l'élément principal c'est la population, et je
21 présume que le président Izetbegovic, entre autres, a pendant toute cette
22 période attendu de donner son aval pour mener une action armée contre Caco
23 et Celo : un, d'obtenir des arguments concrets quant à la commission des
24 crimes. Et deuxièmement, de préparer le terrain au niveau politique, c'est-
25 à-dire d'obtenir de son côté la plupart de la population civile, afin que
26 ces deux personnes récalcitrantes soient rejetées, car ces deux commandants
27 se présentaient devant la population civile comme des héros, comme les
28 meilleurs commandants, comme les commandants les plus courageux.
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1 C'est la raison pour laquelle je présume que le président essayait de
2 gagner du temps. Ce qu'il voulait faire principalement c'est de convaincre
3 la population civile pour que quand on commence une action armée, pour que
4 le moins de civils périssent. Si vous le souhaitez, je peux vous donner
5 d'autres réflexions. Les Moudjahidines c'étaient quand même autre chose,
6 c'est tout à fait différent, selon moi, c'est une opinion personnelle. Je
7 préfèrerais ne pas en parler, mais si vous le souhaitez, je pourrais vous
8 en parler.
9 Ces deux brigades et ces commandants étaient -- on savait très bien
10 où ils étaient, leurs adresses, où se trouvaient leurs bureaux, où se
11 trouvaient les soldats qui les soutenaient, on savait très bien. Donc il
12 leur aurait été beaucoup plus facile de faire ceci. Je l'ai déjà dit il y a
13 quelques jours, dans un très grand pourcentage, nous avions obtenu
14 l'approbation des citoyens pour entreprendre une action armée. Les
15 Moudjahidines c'étaient autre chose. Je sais que lorsque j'ai préparé
16 l'expertise militaire dans l'affaire Hadzihasanovic et Kubura, je me suis
17 préparé, et donc ce qu'ils faisaient les Moudjahidines c'est d'obtenir les
18 faveurs de la population civile parce qu'ils leur offraient l'aide
19 humanitaire leur permettant de survivre, les vêtements, et cetera. C'est
20 pour ceci qu'ils ont réussi, et c'est pourquoi ils ont réussi pour qu'on
21 n'entreprenne pas une action contre eux à cause de ceci.
22 Je crois que ce qui était difficile, pour ce qui est de ma
23 connaissance de l'histoire, il était impossible de prendre des actions
24 contre eux, ils étaient un peu partout, ils allaient de Zepce à Bugojno,
25 c'était un terrain de 300 à 400 kilomètres, voilà ce sont quelques raisons.
26 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci. Il semblerait que vous êtes en
27 train de nous dire que des mesures avaient été prises contre les
28 Moudjahidines; je ne sais pas si je vous ai bien compris.
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1 R. J'ai examiné le document, donc j'ai appris certaines choses et lorsque
2 je me suis préparé pour venir témoigner en tant que témoin expert dans
3 l'affaire Hadzihasanovic et Kubura, dans cette affaire-là, je me suis
4 préparé et je ne peux vous parler que des documents que j'ai examinés pour
5 me préparer.
6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, j'ai lu votre rapport d'expert
7 que vous avez déposé dans cette autre affaire. Mais ma question aujourd'hui
8 pour cette affaire-ci est de savoir si vous savez si des mesures avaient
9 été prises pour placer des Moudjahidines, pour les contrôler, pour les
10 discipliner, soit quelque chose qui aurait été soit fait par le général
11 Delic ou le président Izetbegovic ?
12 R. Oui, des mesures avaient été prises.
13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Quelles mesures ?
14 R. Le général Delic avait donné un ordre, si je me souviens bien du
15 document, au commandant du 3e Corps d'armée pour que ces derniers soient
16 désarmés, chassés et démantelés. Mais ce n'était pas possible. Ensuite, il
17 y a un autre document qui parle de la formation d'un détachement, et
18 cetera, et cetera. Et pendant toute cette période, on voit dans le document
19 que le général Delic était d'opinion qu'il fallait démanteler ces
20 Moudjahidines, ces unités et qu'il fallait les chasser et qu'ils ne
21 faisaient que nuire. Ils ne nous faisaient pas de bien, donc il fallait
22 dissoudre ces unités.
23 Mme LE JUGE LATTANZI : J'aimerais savoir, et si cela vous le savez, de ce
24 que vous avez appris pendant le conflit ou si vous le savez de l'affaire
25 Hadzihasanovic ? Votre rôle comme témoin expert dans l'affaire
26 Hadzihasanovic.
27 R. C'est quelque chose que j'ai appris lorsque je me suis préparé
28 pour venir témoigner dans l'affaire Hadzihasanovic, mais aussi j'étais l'un
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1 des acteurs pendant la guerre, donc j'avais certaines connaissances même à
2 l'époque de ceci.
3 Mme LE JUGE LATTANZI : Merci, c'est ce que je n'avais pas compris quand
4 vous avez répondu à ma question. Quand même, ça y est. Merci.
5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Général, savez-vous si le général
6 Delic envisageait de suivre l'exécution de son ordre visant à désarmer le
7 Détachement El Moudjahid ?
8 R. Je peux vous assurer qu'en tant qu'être humain et en tant qu'officier
9 il le voulait. La chose est bien différente de savoir s'il était à même de
10 le faire, mais il aurait pu recevoir une approbation du président de la
11 présidence, M. Alija Izetbegovic, d'employer la force ou quelque chose
12 d'analogue. De son propre chef, il n'avait pas le droit de faire quoi que
13 ce soit de ce genre.
14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] A votre connaissance, qu'est-ce qui
15 aurait pu empêcher le général Delic de s'assurer de ce que devenait l'ordre
16 qu'il avait donné de faire en sorte que le Détachement El Moudjahid soit
17 désarmé et dissout ? Je veux dire, je suppose qu'à partir du moment où il
18 avait donné cet ordre, il serait également en mesure de voir s'il était
19 exécuté au cas où rien n'aurait été fait. La question que je vous pose
20 aujourd'hui, par conséquent, est si vous savez s'il a envisagé de le faire.
21 Et vous me dites que oui, il l'a fait.
22 La question que je vous pose par conséquent après cela, c'est :
23 qu'est-ce qui l'a empêché de le faire ?
24 R. A mon avis, il y a plusieurs raisons, mais je n'en citerai qu'une. Je
25 suis profondément convaincu qu'il a examiné de prendre ces mesures, et
26 qu'il les a prises, mais lorsque les Moudjahidines sont arrivés en Bosnie-
27 Herzégovine, ils se sont immédiatement égaillés dans différents villages en
28 Bosnie centrale. Ils n'ont jamais eu une base unique ou un lieu unique, à
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1 la différence de nos unités. C'est pour ça que très rapidement ils ont
2 trouvé des épouses dans la population locale, ils ont fondé des familles.
3 Ils avaient tout l'appui de la population locale pour ce qui est d'avoir
4 des vivres et des vêtements, parce qu'il était très difficile de survivre à
5 cette époque.
6 Toute tentative que le général Delic aurait pu prendre de son propre
7 chef pour les désarmer aurait inévitablement conduit à des pertes en vies
8 humaines chez les civils. Il n'avait pas le droit de faire cela sans avoir
9 l'approbation du commandement Suprême.
10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Lorsque vous nous dites ceci, à
11 savoir que du point de vue du général Delic, le Détachement El Moudjahid
12 était plus un problème, un encombrement qu'il ne faisait de bien, quel type
13 de problème envisagez-vous ? Est-ce que vous pourriez nous donner des
14 exemples d'irrégularités que vous avez à l'esprit ?
15 R. Ce que je vais vous dire, c'est mon opinion personnelle. Je préférerais
16 ne pas l'exprimer, mais puisque vous posez la question. Il y a là encore de
17 nombreuses raisons pour cela. En voici une. Les gens qui sont venus de
18 l'extérieur ont commencé à pratiquer leur religion de leur propre manière,
19 de la manière qui leur était particulière. Une partie de la population
20 musulmane locale a accepté cela. Si un Moudjahidine épousait une fille du
21 cru, c'était presque automatique.
22 En revanche, je sais qu'à Sarajevo, une grande partie de la
23 population musulmane était contre eux. Ils disaient : "Pourquoi avons-nous
24 besoin d'eux ? Ils ne peuvent causer que des problèmes et ils apportent le
25 trouble et la confusion dans notre religion." C'était là l'une des raisons
26 de leur opposition. Il y en avait d'autres, bien sûr. Plus tard, il y a eu
27 des rumeurs selon lesquelles ils avaient commis des crimes de guerre et
28 nous savons très bien comment nous traitions la question des crimes de
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1 guerre dans notre armée. Nous avons l'exemple de nos propres hommes, Caco
2 et Celo.
3 Par conséquent, mon opinion personnelle, c'est qu'ils nous ont
4 apporté tant de problèmes et de honte plus que d'avantages.
5 Malheureusement, personne n'a demandé mon avis, ni l'avis du général Delic.
6 Je vous dis ceci en tant qu'être humain, je suis assis là en face de vous.
7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] D'accord. J'insiste un peu sur ce
8 point parce qu'il est important pour que nous comprenions bien les faits de
9 la présente affaire.
10 Pouvez-vous nous dire ceci, vous nous avez dit répondant à ce que
11 j'ai demandé concernant le type de problèmes que vous aviez avec les
12 Moudjahidines, vous avez dit qu'il y avait deux problèmes, qu'il y avait
13 des problèmes religieux, dirais-je, et également des problèmes culturels et
14 sociaux dans les communautés dans lesquelles ils étaient hébergés, et il y
15 avait également des rumeurs de crimes de guerre. Donc c'était là les deux
16 problèmes auxquels le général Delic aurait dû faire face.
17 Ces rumeurs concernant des crimes de guerre, comment avez-vous appris
18 cela ? Comment avez-vous entendu parler de cela ?
19 R. Voyez-vous, Monsieur le Juge, il m'a fallu longtemps pour apprendre des
20 faits relatifs à des crimes de guerre commis par Caco. Il avait commencé à
21 en commettre à la fin de 1992 et au début de 1993, tandis que moi-même, je
22 n'ai été en mesure de présenter ce que j'ai appris à mes supérieurs qu'au
23 mois d'octobre 1993. Tandis que dans ces secteurs où ces gens se
24 trouvaient, à la différence des unités qui se trouvaient dans mon secteur
25 et sous mon commandement, il est très difficile de prouver des crimes de
26 guerre. Je parle là à partir de la connaissance que j'ai qu'aucun axe
27 n'était possible là. Personne ne pouvait s'approcher des Moudjahidines.
28 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vois. Mais comment avez-vous
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1 appris l'existence de crimes de guerre ? Vous nous avez dit qu'il y avait
2 eu des rumeurs concernant des crimes de guerre, et la question que je vous
3 ai posée est de savoir comment vous les avez appris ?
4 R. Monsieur le Juge, je n'ai jamais appris quoi que ce soit de certain. Je
5 ne peux pas vous dire quoi que ce soit avec certitude maintenant. Tout ce
6 que je sais, c'est ce que j'ai vu à la télévision et les récits qu'on
7 entendait en ville.
8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] C'est exactement ce que j'attendais
9 et ce que je vous demandais. Comment avez-vous appris ces rumeurs
10 concernant les crimes de guerre commis par les combattants moudjahidines ?
11 Vous venez juste de me dire maintenant que tout le monde en parlait en
12 ville et qu'il y a eu des nouvelles données à la télévision, est-ce que
13 vous avez entendu d'autres sources cette question des crimes de guerre ?
14 R. Officiellement, non.
15 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Avez-vous parlé de ces rumeurs avec
16 vos camarades qui étaient des commandants de corps ?
17 R. Je ne saurais vous dire si je l'ai fait ou non. Il est probable que je
18 l'ai fait, mais ce type de conversation ne conduit nulle part.
19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Général, que ce soit officiellement
20 ou non officiellement, ce que je souhaiterais savoir c'est si les rumeurs
21 relatives à des crimes de guerre commis par les combattants arabes
22 étrangers en Bosnie étaient aussi parvenues dans les milieux restreints des
23 dirigeants de l'ABiH, c'est-à-dire les commandants de corps et le
24 commandement Suprême ?
25 R. Quand je parle de cela, je veux pour l'essentiel parler de la fin de la
26 guerre, et la période de transition vers la paix après les accords de
27 Dayton. En 1993, je n'avais rien entendu dire, donc il est difficile pour
28 moi de vous donner une réponse précise à cela.
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1 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie beaucoup. Est-ce que
2 l'une ou l'autres des parties ont des questions à poser à la suite des
3 questions posées par les membres de la Chambre ?
4 Mme VIDOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
5 Nouvel interrogatoire supplémentaire par Mme Vidovic :
6 Q. [interprétation] S'il vous plaît, Général, pourriez-vous être un peu
7 plus précis ? Quand avez-vous entendu ces rumeurs, est-ce que c'était au
8 moment où la guerre était encore en cours ou est-ce que c'est après la
9 guerre ?
10 R. J'ai déjà dit que c'était vers la fin de la guerre, au moment où nous
11 étions déjà en train de nous acheminer vers la paix.
12 Q. Avez-vous jamais parlé ou discuté de ces rumeurs avec le général Delic
13 ?
14 R. Non.
15 Q. Quand vous avez entendu des rumeurs en ville, des récits relatifs aux
16 Moudjahidines ou des nouvelles données à la télévision, quand est-ce que
17 ces programmes ont commencé à être diffusés à la télévision ?
18 R. Vers la fin de la guerre. C'est difficile à dire.
19 Q. Ces récits, étaient-ils concentrés sur un groupe précis ou est-ce qu'il
20 s'agissait d'une façon générale des Arabes en Bosnie ?
21 M. WOOD : [interprétation] J'objecte, Monsieur le Juge, c'est une question
22 directrice.
23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je suis d'accord. Pouvez-vous
24 reformuler votre question, Maître Vidovic.
25 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, avec tout le respect que
26 je dois, j'ai donné au témoin deux possibilités, mais tant pis.
27 Q. Témoin, oubliez ce que j'ai dit précédemment. Dites-moi, qui
28 concernaient ces histoires ? Elles concernaient qui, quelqu'un de précis ou
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1 non ?
2 R. Non, personne de précis. C'étaient des récits d'une façon
3 générale qui parlaient de certaines Arabes, certains Moudjahidines.
4 Q. Je vous remercie. Je n'ai encore qu'une question à vous poser, Général
5 Karavelic. Vous déposez maintenant ici depuis trois jours, et vous nous
6 dites que vous-même, en tant que commandant de corps, vous avez demandé
7 pour pouvoir employer la force. Avez-vous jamais entendu dire que d'autres
8 commandants aient fait la même chose, aient demandé à pouvoir employer la
9 force pour des buts analogues ?
10 R. Pas que je sache.
11 Q. Etait-il nécessaire ou non que le commandant du corps demande à pouvoir
12 employer la force pour que cette question puisse être examinée du tout ?
13 R. Je pense avoir dit ça plus d'une fois, oui.
14 Q. Est-ce qu'il fallait corroborer la demande qu'on aurait présentée en
15 présentant des faits ?
16 R. Certainement.
17 Mme VIDOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser, Monsieur
18 le Juge. Je vous remercie.
19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Vidovic.
20 Monsieur Wood.
21 M. WOOD : [interprétation] Il y a quelque difficulté, Monsieur le Juge,
22 mais j'attendais l'interprétation, parce que parfois il est difficile
23 d'élever une objection parce que la réponse a déjà été donnée au moment où
24 la question qui ne devrait pas être posée a été posée. Je voulais
25 simplement relever que la toute dernière question, à savoir : "Est-ce que
26 vous auriez dû corroborer votre demande en présentant des faits ?" Là
27 encore, je n'ai pas eu le temps d'élever une objection pour cela, mais
28 quelle que soit la réponse qu'il donnait à des questions directrices comme
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1 celle-ci, il faudrait attribuer très peu de poids à la réponse qui a été
2 faite.
3 Ceci étant dit, Monsieur le Juge, j'ai effectivement certaines
4 questions à poser précisément au témoin en ce qui concerne son rapport
5 d'expert dans l'affaire Hadzihasanovic puisqu'il a été présenté à la
6 Chambre de première instance.
7 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Wood :
8 Q. [interprétation] Général Karavelic, vous avez bien dit que vous aviez
9 préparé un rapport d'expert dans l'affaire Hadzihasanovic et Kubura, n'est-
10 ce pas ?
11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Wood, excusez-moi, mais je
12 me préoccupe de l'horaire. Si vous avez un certain nombre de questions que
13 vous souhaitez poser, à ce moment-là je suggère que nous suspendions la
14 séance maintenant et qu'on se réunisse à nouveau à 18 heures. Je voudrais
15 vous demander si vous aviez l'intention ou si vous pensez que vous allez
16 pouvoir finir avant 6 heures moins quart. Dans ce cas, je serais prêt à
17 aller jusqu'à 6 heures moins quart et on pourrait en terminer. Mais si vous
18 avez besoin de plus de temps, c'est tout à fait juste, et à ce moment-là
19 nous suspendons la séance maintenant et nous reprendrons à 6 heures.
20 M. WOOD : [interprétation] Je pense que je peux finir à 6 heures moins le
21 quart.
22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien, Monsieur Wood.
23 Maître Vidovic.
24 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, éclaircissons un
25 point, s'il vous plaît.
26 Le général Vahid Karavelic est en train de témoigner ici, il a déjà
27 déposé lors de l'interrogatoire principal en tant que témoin des faits et
28 non pas en tant que témoin expert. La Chambre, bien entendu, a le droit de
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1 poser toute question qu'elle souhaite et vous l'avez fait, Monsieur le
2 Juge, mais je m'oppose à ce qui est une tentative de la part de
3 l'Accusation de poser des conditions qui tombent dans le domaine d'un
4 expert. Ici, il comparaît en tant que témoin des faits concernant les
5 événements dont nous avons parlé.
6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Vidovic, je suis pleinement
7 d'accord avec vous dans ce sens qu'il est clair que le général Karavelic
8 n'est pas cité à déposer ici en tant qu'expert, la question ne se pose pas.
9 Mais si vous vous rappelez nos directives de procédure, je pense au
10 paragraphe 6, il y a une disposition qui permet à une partie de poser des
11 questions à un témoin en le confrontant à ses déclarations antérieures de
12 façon à rafraîchir la mémoire du témoin, et j'avais l'impression que
13 c'était ça que M. Wood voulait faire, à savoir qu'il souhaitait présenter
14 au témoin quelque chose qui était dans son rapport de façon à rafraîchir la
15 mémoire du témoin.
16 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, oui. Dans ces conditions,
17 mon confrère, M. Wood, aurait dû nous aviser qu'il utiliserait le rapport
18 d'expert, il aurait dû à ce moment-là le mettre sur la liste de façon à ce
19 que je puisse le relire et l'avoir à présent à l'esprit. Ce rapport
20 d'expert n'a pas été inscrit sur la liste des documents qui seraient
21 utilisés.
22 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je ne vous suis pas sur ce point,
23 Maître Vidovic. Les documents qui vont être utilisés doivent être
24 communiqués à la partie adverse dans les délais que nous avons énoncés, que
25 nous avons fixés. Ça c'est un point.
26 Mais autre chose est d'utiliser brièvement un document qui n'est pas
27 présenté comme élément de preuve à déposer au dossier, mais qui sert
28 uniquement à rafraîchir la mémoire du témoin, et pour cela, dans la
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1 plupart des cas, vous ne pouvez probablement pas communiquer d'avance ces
2 documents. Donc je trouve qu'il est parfaitement légitime qu'une partie
3 utilise un document, non pas en vue de le faire déposer au dossier comme
4 élément de preuve, mais en vue de rafraîchir la mémoire du témoin et ceci
5 ne requiert pas une communication antérieure.
6 M. WOOD : [interprétation] Monsieur le Président --
7 Mme LE JUGE LATTANZI : J'ai besoin d'intervenir sur cela. Monsieur le
8 Procureur, vous avez l'intention de rafraîchir la mémoire avec le rapport
9 d'expert donné dans l'affaire Hadzihasanovic ? Halilovic ?
10 M. WOOD : [interprétation] Non, Madame le Juge, c'était un rapport d'expert
11 dans l'affaire Hadzihasanovic et Kubura.
12 Mme LE JUGE LATTANZI : Je m'excuse, mais je suis contraire à cela, parce
13 que cela, c'était un rapport d'expert, et je pense qu'on ne peut pas faire
14 cela. Parce que là on donne des opinions, tandis que le témoin était un
15 témoin ici de faits, donc je ne pense pas qu'on puisse rafraîchir la
16 mémoire d'un témoin de faits par un rapport d'expert. Donc je ne sais pas
17 quoi faire maintenant qu'on est sur mon dos.
18 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Ceci règle la question, parce que la
19 Chambre alors doit vous interdire de présenter ce rapport à ce stade
20 maintenant.
21 M. WOOD : [interprétation] Monsieur le Juge, peut-être que je pourrais
22 clarifier les choses. Mon intention n'était pas de présenter le document
23 proprement dit au général Karavelic. J'ai lu ce rapport, tout comme Me
24 Vidovic l'a fait, mais je n'avais pas l'intention de lui présenter le
25 rapport afin de rafraîchir sa mémoire ou quoi que ce soit de ce genre.
26 Ce que je peux vous dire c'est que le but de poser des questions à ce
27 sujet, c'est que le général Karavelic avait dit qu'une grande partie de ses
28 connaissances concernant les Moudjahidines découlait des recherches
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1 auxquelles il a procédé en ce qui concerne la rédaction de ce rapport, pour
2 pouvoir faire la rédaction de ce rapport d'expert. Je pense qu'il est
3 important pour la Chambre de première instance de garder à l'esprit
4 quelques faits importants concernant la portée et le champ de ce rapport et
5 concernant la méthode qui a été suivie pour cette rédaction.
6 Je pense maintenant que l'impression est qu'il a eu une trop grande
7 quantité de documents d'experts concernant les Moudjahidines de 1993 à
8 1995, et comme je peux vous dire, comme il est dit au procès-verbal dans
9 l'affaire Hadzihasanovic, on traitait de ce qui concernait le commandant du
10 3e Corps seulement jusqu'au 1er novembre 1993. Par conséquent, je pense
11 qu'il est important de savoir de ce témoin quelle est la portée de ses
12 connaissances très précises, voir s'il avait regardé cela aux fins de
13 l'affaire Hadzihasanovic et Kubura qui n'allait pas au-delà du 1er novembre
14 1993.
15 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je dois dire que vous ne présentez
16 pas un tableau très exact de ce que le général Karavelic a dit dans sa
17 déposition ici. Pour autant que je puisse m'en souvenir, dans sa déposition
18 de témoin, il nous a dit qu'il y avait des rumeurs concernant des crimes de
19 guerre, et voilà. Nous n'avons pas entendu dire ce qu'étaient ces crimes de
20 guerre et nous n'avons pas de doutes particuliers sur la manière dont il a
21 appris ces choses.
22 Les sources de ces rumeurs également étaient claires. Je ne pense pas
23 qu'il y ait de raison de revenir à un rapport d'expert qu'il a établi.
24 M. WOOD : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 Un autre point que l'Accusation souhaite évoquer qui est important,
26 c'est de dire qu'il a mentionné le fait qu'il y avait certaines mesures
27 que le général Delic a essayé de prendre contre le Détachement El
28 Moudjahidine et j'ai repéré exactement de quel document il s'agit. Il y a
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1 fait référence. Je pense qu'il est important, compte tenu de cela, que
2 d'autres questions soient posées au général Karavelic de façon à ce que
3 nous puissions comprendre exactement quelle est l'étendue de ses
4 connaissances de façon à pouvoir dire quelles mesures ont été prises contre
5 les Moudjahidines par le général Delic.
6 Comme vous le savez, ceci va au cœur de la question. L'Accusation
7 pense que c'est important de pouvoir continuer à examiner la question et
8 voir le suivi de ce qu'il dit.
9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Vidovic.
10 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je relève une objection.
11 Le général Karavelic a parlé ici des Moudjahidines. Je ne me rappelle pas -
12 vous me corrigerez si je me trompe - qu'il a jamais mentionné des mesures
13 prises contre le détachement appelé El Moudjahidine.
14 Mme LE JUGE LATTANZI : Mais à ce propos, je voudrais seulement ajouter que
15 là où le témoin exprime des opinions, parce qu'il a exprimé aussi des
16 opinions, la Chambre ne peut pas en tenir compte parce qu'il est un témoin
17 de faits. Donc, la Chambre a bien la capacité de faire une différence entre
18 les opinions exprimées pendant son témoignage hier, aujourd'hui et les
19 faits. Mais quand je lui ai posé la question : Vous dites cela sur la base
20 du rapport d'expert ou de ce que vous avez appris pendant la guerre, il m'a
21 dit qu'il a appris quelque chose sur la base du rapport d'expert, mais
22 quelque chose il avait aussi appris pendant la guerre.
23 Donc, je pense que quand même on a tous les éléments pour pouvoir
24 faire la différence entre ce qu'il nous a dit comme témoin de faits à ces
25 moments-là, pendant ces événements pendant la guerre, et ce qu'il aurait
26 appris après à la lumière de son rôle dans d'autres affaires. Donc, je
27 pense que quand même pour tranquilliser les parties, la Chambre a la
28 possibilité de voir clair dans son témoignage. Je ne vois pas comme --
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1 qu'il y ait besoin encore d'approfondir toutes ces choses. Mais je me
2 remets à la décision du Juge président.
3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vois l'horaire. Je voudrais savoir
4 si vous insistez pour poursuivre dans cette voie ou si vous avez d'autres
5 questions que vous souhaitez poser à la suite des réponses que le témoin a
6 faites aux questions qui avaient été posées par les membres de la Chambre ?
7 M. WOOD : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation a bien pris
8 à cœur ce qu'a dit Mme le Juge Lattanzi au sujet de la possibilité pour les
9 membres de la Chambre de première instance de faire la distinction entre ce
10 que le témoin a dit en tant que témoin de faits et ce qu'il a dit eu égard
11 à son opinion. J'espère que ceci sera appliqué entièrement à sa déposition
12 et non pas sur ce qui a été dit tout récemment dans les dernières minutes.
13 Etant donné cela, l'Accusation n'a pas besoin de continuer plus longtemps
14 dans cette voie puisqu'il est entendu que ce témoin s'exprime sur son
15 opinion, non seulement, ils n'ont pas de faits qu'il aurait entendu
16 directement et premièrement.
17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Bon, ceci est parfaitement compris
18 par les membres de la Chambre. Si les parties n'ont plus de questions à
19 poser, à ce moment-là on est arrivé à la fin de votre déposition, Général,
20 donc il m'appartient de vous remercier chaleureusement d'être venu ici
21 encore une fois à La Haye pour accepter de déposer sur ce que vous savez
22 concernant ces affaires.
23 Je vous remercie d'être venu. Je vous remercie d'avoir fait votre
24 déposition, et je vous souhaite un bon voyage de retour dans votre pays. Je
25 vous remercie beaucoup. Vous pouvez quitter la salle.
26 [Le témoin se retire]
27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Vidovic, qui est votre témoin
28 suivant ?
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1 Mme VIDOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Madame le Juge, vous
2 vous souviendrez peut-être de la situation dont nous avons parlé il y a
3 deux jours. C'est une situation à laquelle nous devons faire face, du fait
4 des problèmes posés par ces documents italiens, nous avions prévu la
5 déposition du général Cuskic demain, mais nous avions en fait décidé de
6 surseoir à cette déposition jusqu'au moment où nous saurons ce qu'il va
7 advenir des documents italiens, et nous ne pouvons pas vous donner de
8 prévision. Nous ne savons pas combien de temps va durer cette déposition et
9 nous n'avons pas pu faire appel à un témoin qui aurait pu venir pour une
10 durée de temps moins longue, parce qu'il aurait fallu que le témoin vienne
11 et reparte assez vite, puisque nous n'allons pas siéger au cours des cinq
12 prochains jours. Donc, il aurait fallu attendre jusqu'à mercredi en 8, donc
13 c'est pour cela que je n'ai pas prévu de témoin pour demain.
14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie, Maître Vidovic.
15 Le greffier me fait savoir que la prochaine audience aura lieu jeudi; est-
16 ce exact ?
17 Mme VIDOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'est exact.
18 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Très bien. Dans ce cas, nous pouvons
19 lever l'audience pour aujourd'hui et nous nous retrouverons jeudi 3 avril.
20 Donc la prochaine audience aura lieu jeudi 3 avril à 9 heures dans ce
21 prétoire.
22 Monsieur Wood, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
23 M. WOOD : [interprétation] Non, non pas du tout. Je me suis levé un peu
24 trop vite. J'ai été un peu trop rapide, c'est tout.
25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] C'est très bien. Je vois que vous
26 avez du mal à attendre que nous quittions le prétoire. Je vous souhaite
27 plein de bonnes choses jusqu'à la prochaine audience.
28 --- L'audience est levée à 17 heures 50 et reprendra le jeudi 3 avril
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1 2008, à 9 heures 00.
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