Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-13a-PT

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Lundi 8 septembre 1997

4 L'audience est ouverte à 10 heures.

5 M. le Greffier. - Aujourd'hui, nous entendons l'affaire IT 95-

6 13a-PT, le Procureur contre Dokmanovic.

7 Mme la Présidente (interprétation). - Pouvons-nous procéder aux

8 comparutions ?

9 M. Niemann (interprétation). - Je m'appelle Grant Niemann et je

10 comparais avec mon confrère Clint Williamson, au nom de l'accusation.

11 Mme la Présidente (interprétation). - Je vous remercie. Les

12 comparutions pour la défense, s'il vous plaît.

13 M. Fila (interprétation). - Mesdames et monsieur les juges, je

14 m'appelle Toma Fila. Je suis avocat et je comparais avec ma consoeur,

15 Jelena Lopicic.

16 Mme la Présidente (interprétation). - Je vous remercie.

17 Maître Niemann, maître Fila, ce matin nous allons entendre les arguments

18 concernant la requête de la défense, relative à la remise en question des

19 conditions d'arrestation de M. Dokmanovic. Maître Fila, êtes-vous prêt à

20 prendre la parole ?

21 M. Fila (interprétation). - Oui, madame la Présidente, mais

22 avant cela, j'aimerais tout d'abord dire que je retire la seconde requête

23 déposée concernant le manque de précision de l'acte d'accusation. J'ai

24 reçu une lettre officielle de l'accusation et nous avons discuté de cette

25 question.

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1 Mme la Présidente (interprétation). - Cette requête faisait

2 partie de la requête que

3 vous avez déposée, relative aux conditions de légalité des circonstances

4 de l'arrestation. Retirez-vous cette requête ? C’est entendu. Voulez-vous

5 faire une première déclaration avant que nous en venions au débat de ce

6 matin ?

7 M. Fila (interprétation). - Avec votre permission,

8 madame la Présidente.

9 Mme la Présidente (interprétation). - Je vous en prie.

10 M. Fila (interprétation). - Je voudrais faire la présentation de

11 mes arguments plutôt après la présentation des éléments de preuve.

12 Mme la Présidente (interprétation). - C’est entendu.

13 Maître Niemann, avez-vous quelque chose à ajouter dès maintenant ou

14 préférez-vous attendre que les éléments de preuve soient présentés ?

15 M. Niemann (interprétation). - Oui, j'aimerais intervenir dès

16 maintenant. L'un des témoins que nous entendons citer à la barre

17 aujourd'hui est un interprète. Il travaille en Bosnie, en Croatie, en

18 Serbie et, de ce fait, nous demandons qu'il reçoive des mesures de

19 protection, notamment que son nom ne soit pas utilisé dans le cadre de ces

20 débats. Nous en avons parlé avec Me Fila, qui est tout à fait d'accord

21 avec notre demande. Du fait de la situation difficile de ce témoin, nous

22 pensons que c'est une mesure appropriée. Nous avons besoin de cette

23 protection limitée.

24 Concernant l'utilisation du nom de cette personne, nous pensons

25 que notre demande est tout à fait adaptée. J'ai écrit le nom en question

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1 sur une feuille de papier. Si vous voulez accorder au témoin ces mesures

2 de protection, madame la Présidente, nous l'appellerons le témoin A.

3 M. Niemann (interprétation). - Oui, le témoin A.

4 Mme la Présidente (interprétation). - Lorsque nous entendrons ce

5 témoin, nous lui présenterons une feuille de papier avec son nom et lui

6 demanderons de confirmer qu'il s'agit bien là de son nom. Dans ce cas-là,

7 votre demande sera acceptée et, dès lors, nous nous référerons à

8 ce témoin comme étant le témoin A.

9 M. Niemann (interprétation). - Je vous remercie, madame la

10 Présidente.

11 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Niemann, y a-t-il

12 une objection à ce que l'accusé reçoive le nom de ce témoin ?

13 M. Niemann (interprétation). - Je voudrais demander à

14 Me Williamson de vous présenter ce sujet, parce que c'est lui qui se

15 charge de cette question en particulier, notamment en ce qui concerne les

16 interprètes. Il va vous présenter ses arguments.

17 M. Williamson (interprétation). - Madame la Présidente, au

18 moment où la demande a été faite, l'interprète avait demandé que l'accusé

19 ne soit pas mis au courant de son nom. En fait, on a utilisé un faux nom

20 lors de tous nos entretiens. Nous demanderions à ce que l'accusé ne

21 connaisse pas le nom de ce témoin.

22 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Fila, avez-vous

23 quelque chose à ajouter ?

24 Je ne vois pas pourquoi l'accusé devrait savoir le nom de ce

25 témoin. L'objectif de cette procédure -le fait que nous allons écrire ce

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1 nom sur un morceau de papier et que le témoin va confirmer qu'il s'agit

2 bien de son nom- est de permettre à la Chambre de première instance de

3 s'assurer que le témoin est bien la personne dont nous pensons qu'il

4 s'agit. Le témoin doit identifier son nom afin que la Chambre de première

5 instance soit certaine que c'est bien la personne que nous croyons qui se

6 trouve en face de nous.

7 M. Fila (interprétation). - On voudrait savoir s'il s'agit d'une

8 femme ou d'un homme.

9 Mme la Présidente (interprétation). - Je crois qu'il s'agit d'un

10 homme.

11 M. Williamson (interprétation). - En effet, c'est un homme. Il

12 s'agit de l'interprète que nous avons vu sur la bande vidéo visionnée par

13 la Chambre de première instance, par les conseils de la défense et par

14 nous-mêmes.

15 Mme la Présidente (interprétation). - C'est bien ce qu'il me

16 semblait. Il est fait droit à la demande de l'accusation. Nous nous

17 référerons à ce témoin en utilisant le nom de Témoin A. La Chambre de

18 première instance confirmera qu'il s'agit bien de la personne dont nous

19 croyons qu'il s'agit.

20 Maître Fila, voulez-vous appeler votre premier témoin à la

21 barre ?

22 M. Fila (interprétation). - La défense appelle Milan Knezevic.

23 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

24 Mme la Présidente (interprétation). - M. Knezevic, veuillez vous

25 lever, s'il vous plaît. Nous allons vous faire prêter serment. Je vous

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1 demande de prêter serment et de lire la feuille que l’on vient de placer

2 entre vos mains.

3 M. Knezevic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

4 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

5 Mme la Présidente (interprétation). - Je vous remercie,. Vous

6 pouvez vous rasseoir.

7 M. Knezevic (interprétation). - Je vous remercie.

8 M. la Présidente (interprétation). - Maître Fila, vous avez la

9 parole.

10 M. Fila (interprétation). - Mesdames et Monsieur les Juges,

11 étant donné que nous n'avons pas beaucoup de temps, je ne vais pas poser

12 beaucoup de questions. Nous n'avons qu'une journée à consacrer à cette

13 affaire, pour le moment. J'aimerais gagner du temps. J'aimerais que vous

14 m’autorisiez à poser des questions concernant uniquement les circonstances

15 de l'arrestation de M. Dokmanovic : pourquoi il se trouvait là à ce

16 moment-là. Je voudrais qu'il nous raconte cette brève histoire, si vous me

17 le permettez.

18 Mme la Présidente (interprétation). - Absolument ; nous vous en

19 donnons l'autorisation. Mais nous pouvons prendre tout le temps

20 nécessaire. N'essayez pas de gagner du temps sur votre interrogatoire.

21 Nous pouvons continuer ces débats aussi longtemps que cela sera

22 nécessaire, même si nous devons déborder sur la fin de soirée. Vous avez

23 la parole, Maître Fila.

24 M. Fila (interprétation). - Voulez-vous nous dire,

25 Monsieur Knezevic, qui vous êtes, pourquoi vous vous trouviez avec

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1 M. Dokmanovic lors de son arrestation, comment vous le connaissez, ce qui

2 s’est passé lorsque vous êtes entré dans l’ATNUSO..

3 M. Knezevic (interprétation). - Je m'appelle M. Milan Knezevic.

4 Je suis né en 1945

5 à Dalj. Je suis enseignant. J'ai deux enfants, deux fils, l'un âgé de

6 23 ans, l'autre âgé de 17 ans. J'ai vécu, j'ai travaillé à Dalj, en

7 République de Croatie et, depuis le 28 mai, j'ai été obligé de quitter le

8 territoire de la Croatie parce que j'ai reçu un certain nombre de menaces.

9 Il y a une liste des Serbes qui font l'objet d'enquêtes. J'ai quitté ma

10 propriété en Croatie ; je vis maintenant à Sombor. Je connais

11 M. Dokmanovic depuis avant la guerre parce que nous pratiquions ensemble

12 certains sports, en Slavonie. Nous y travaillions tous les deux. Pour moi,

13 c'était un très bon ami, un homme tout à fait bien et, depuis que le

14 destin nous a obligés à vivre dans la même ville, il était tout à fait

15 normal que nous nous soyons vus fréquemment. Ce jour là, c'est-à-dire le

16 26 juin 1997, je travaillais dans une maison que j'ai louée à Sombor, avec

17 ma famille. Je travaillais dans la cour de la maison : j'étais en train de

18 tondre la pelouse. M. Dokmanovic m'a appelé et m'a demandé de venir le

19 rejoindre chez lui. C'était urgent. J'ai pensé qu'il voulait que je l'aide

20 à faire quelque chose.

21 A 18 heures 10, je suis allé chez M. Dokmanovic. Il se trouvait

22 là avec un ami ; il prenait un café. Il régnait là une atmosphère très

23 agréable. Nous avons parlé de la liberté de pensée, nous avons abordé des

24 sujets politiques, nous avons parlé de sports. Après environ une demi-

25 heure, M. Dokmanovic m'a dit —et je le cite— : "Mon ami, j'ai une

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1 proposition à vous faire. C'est une bonne idée." J'ai alors appris que

2 M. Dokmanovic me faisait une proposition extrêmement intéressante : il

3 voulait que je l'accompagne à Vukovar le jour suivant. Après les

4 explications qu'il m'a fournies, je lui ai dit en quelques mots : "Slavko,

5 je ne fais toujours pas confiance aux autorités croates. Même à ce jour,

6 je ne fais pas confiance à ceux qui font partie de l'ATNUSO, parce que

7 j'ai une certaine expérience en la matière. J'ai peur que, si nous nous

8 rendons là-bas, nous soyons piégés."

9 Monsieur Dokmanovic m'a convaincu vraiment, en utilisant des

10 arguments très convaincants, qu'il fallait y aller. Je lui ai fait

11 confiance. Encore aujourd'hui, je lui fais confiance. C'est mon ami.

12 Il m'a dit qu'il avait obtenu des garanties du secrétaire qui

13 appartient au conseil de M. Klein et j'ai compris qu'effectivement ce dont

14 nous parlions pouvait être justifié. Il a mentionné un homme, M. Curtis.

15 Jamais je n'avais rencontré cette personne. C'est la première fois que

16 j'entendais son nom. Il m'a déclaré que ce Monsieur avait eu un entretien

17 avec lui la veille, à son domicile de Sombor. Il m'a dit qu'il avait reçu

18 des garanties, qu'il avait obtenu un sauf-conduit, qu'il n'y aurait aucun

19 problème, parce qu'il se rendrait à Vukovar et en reviendrait sous la

20 protection de l’ATNUSO.

21 Je faisais confiance à l’ATNUSO pour de telles missions. Et

22 puis, il m'a également dit qu'il avait également obtenu des garanties de

23 M. Klein, qui est l'administrateur principal, qui se trouvait à ce moment-

24 là à New-York et qui se rendait à Zagreb. M. Klein se rendait à Zagreb, il

25 devait y rencontrer M. Tudjman et aborder le sujet de la protection des

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1 bien des Serbes non amnistiés.

2 Il m'a présenté le document. J'ai cru ce qu'il m'a dit et ce que

3 j'ai vu. Nous avons dit que si nous étions à même d'arriver à protéger

4 notre propriété, alors pourquoi ne pas nous rendre là-bas et avoir cet

5 entretien. Nous pensions que Jack Klein* était un homme tout à fait digne

6 de confiance, un homme d'honneur.

7 Moi-même, par deux fois, j'ai accompagné M. Klein à Zagreb en

8 tant que membre du conseil exécutif municipal. J'ai dit à M. Dokmanovic :

9 "Demain, nous verrons. On ne peut jamais savoir ce qui va se produire. Il

10 faut attendre".

11 J'ai laissé M. Dokmanovic et je lui ai dit que peut-être je

12 viendrais, mais peut-être pas. Le lendemain matin, nous nous sommes

13 appelés et j'ai dit : "C'est décidé, je viens".

14 A ce moment-là, je pensais que les propositions faites par

15 M. Curtis étaient des propositions honnêtes, parce que je me fondais sur

16 la position qu'il occupait, ses fonctions. M. Dokmanovic est venu me

17 rejoindre chez moi vers 14 heures 15. Il nous a fallu une demi-heure à

18 40 minutes pour atteindre le pont qui se trouvait du côté croate, de notre

19 côté. Nous

20 nous y sommes rendus en voiture.

21 Puis nous avons parlé de l'absence de mesures de sécurité à

22 l'endroit où nous nous rendions, parce que la veille un Tribunal de

23 Croatie avait déclaré coupable un homme innocent et l'avait condamné à

24 cinq ans de prison. Je connaissais cette personne qui était innocente.

25 M. Dokmanovic était absolument sûr de lui, il avait confiance en ce que le

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1 secrétaire de M. Klein lui avait dit. Il avait confiance en ce que lui

2 avait dit M. Curtis. D’après lui, M. Klein était décidé à nous protéger.

3 Lorsque nous avons atteint le pont, il était 14 heures 53 et la

4 voiture dans laquelle nous sommes arrivés a été récupérée par un de nos

5 amis communs, à M. Dokmanovic et à moi-même. Il a emmené la voiture chez

6 lui pour pouvoir la garder là. Nous avons traversé le pont, il devait être

7 14 heures 55. Nous avons été accueillis par les officiers de la douane,

8 par des policiers qui ne nous ont soumis à aucun contrôle.

9 Et puis, à trente mètres de là, M. Dokmanovic et moi-même, nous

10 avons aperçu deux voitures garées qui portaient le symbole des Nations

11 Unies. Alors que nous nous approchions de ces voitures -nous avons peut-

12 être parcouru trente mètres pour nous en approcher- un homme se trouvait

13 là, à côté de ces voitures. Il était revêtu d'habits extrêmement élégants.

14 Je serais capable de le reconnaître. Il avait un badge qu'il portait à la

15 main.

16 Lorsque nous sommes arrivés à sa hauteur, il a demandé :

17 "Monsieur Dokmanovic ?" Il a fait un signe de la tête, a répondu oui. Et

18 puis il m'a indiqué du doigt et on lui a dit que j'étais un ami de

19 M. Dokmanovic. Il a dit :"D'accord".

20 Mais en me fondant sur ce que j'ai pu analyser d'un point de vue

21 psychologique, je me suis aperçu que cet homme n’était pas heureux que je

22 me trouve là. Il a donné un badge à M. Dokmanovic. Il y avait une photo en

23 couleur sur ce badge. Moi, je suis entré dans la voiture. Une ou deux

24 minutes plus tard, nous avons démarré et nous avons commencé à traverser

25 le pont à une vitesse assez rapide.

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1 J'étais convaincu que nous nous rendions à Vukovar pour avoir un

2 entretien avec M. Klein. Nous étions escortés. J'étais assis derrière du

3 chauffeur. A ma gauche, la fenêtre était ouverte. Il y avait un courant

4 d'air assez violent, qui me gênait. J'ai essayé de fermer la fenêtre avec

5 le bouton prévu à cet effet. Cela n'a pas fonctionné. A ce moment-là, j'ai

6 commencé à avoir des doutes. Je me suis demandé s'il ne se passait pas

7 quelque chose de bizarre. J'ai commencé à penser que cela ressemblait à...

8 enfin, j'avais l'impression qu'on me retenait prisonnier d'une certaine

9 façon.

10 Alors que nous nous approchions de la frontière, la voiture a

11 ralenti, et arrivant vers nous, nous avons vu des véhicules civils qui

12 arrivaient de la direction de Dalj. La circulation a été arrêtée de ce

13 côté-là pendant un court moment et nous avons été capables de traverser. A

14 ce moment-là, j'ai remarqué quelque chose que je n'avais pas encore

15 remarqué jusque là, alors que j'ai dû traverser ce pont deux cents ou

16 trois cents fois déjà. J'ai remarqué que tout le monde faisait le salut au

17 moment où notre voiture passait. J'ai pensé que quelque chose de très

18 particulier se passait là. Peut-être était-ce dû au fait que nous étions

19 dans un véhicule des Nations Unies ou peut-être était-ce dû au fait que

20 nous étions sous la protection de M. Klein.

21 Nous nous sommes approchés du poste de contrôle de l'ATNUSO qui

22 est à près d'un kilomètre de là. Nous avons ralenti et de l'autre côté, un

23 petit camion blanc était garé. Il portait, lui aussi, le symbole des

24 Nations Unies. Je connais bien la région parce que j'y suis né, comme je

25 l’ai dit précédemment. Je suis né à Dalj.

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1 Alors que nous nous approchions de ce camp, le véhicule qui se

2 trouvait garé à droite est passé du côté gauche. Pendant un instant, il

3 m'a semblé qu'il allait y avoir un accident, mais notre chauffeur a fait

4 un écart et est rentré dans le camp. Et puis les pneux ont crissé assez

5 violemment.

6 Là, j'en viens à un élément tout à fait extraordinaire. A un

7 moment donné, le véhicule s'est arrêté et des hommes masqués, armés, sont

8 arrivés. Nous avons été sortis du

9 véhicule et à ce moment-là, l'un d'entre nous a été emmené vers le côté

10 droit et M. Dokmanovic vers le côté gauche.

11 A ce moment-là, je me sentais vraiment particulièrement mal.

12 J'avais la certitude d'avoir été trahi. Je me sentais terriblement mal à

13 l'aise et j'avais le sentiment d'avoir autorisé sur le territoire de mon

14 ex-Etat quelqu'un à me contraindre d'aller de l'autre côté par la force.

15 On m'a donc lié les mains dans le dos, comme on l'a fait à M. Dokmanovic,

16 et ceux qui nous accompagnaient nous ont emmenés dans un lieu fermé, assez

17 sombre. J'y suis resté de 5 heures 15 environ de l'après-midi jusqu'à

18 15 heures 05, jusqu'au moment où est arrivé le représentant de M. Klein,

19 et notamment un juriste qui travaillait pour lui.

20 A ce moment-là, on m'a dit que j'avais été arrêté par erreur,

21 que je serais libéré, qu'on allait venir me chercher pour me retransférer

22 de l'autre côté.

23 C'est exactement ce qui s'est passé. On m'a transféré jusqu'à la

24 moitié du pont à peu près, et j'ai continué ensuite le reste du chemin à

25 pied jusqu'à nos hommes. Quant à M. Dokmanovic, on ne m'a pas dit grand-

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1 chose. Simplement, j'ai entendu dire que des poursuites seraient engagées

2 contre lui et qu'en fait il était utilisé comme pion sur un échiquier, que

3 son rôle ne commencerait à intervenir qu'au moment où je serais sur le

4 territoire serbe, c'est-à-dire de l'autre côté.

5 Madame la Présidente, voilà, je crois en être arrivé au terme de

6 mon exposé. C'est tout ce que j'avais à vous dire pour le moment.

7 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Fila, avez-vous

8 d'autres questions ?

9 M. Fila (interprétation). - Non, merci, Madame la Présidente.

10 Mme la Présidente (interprétation). - Merci. Contre-

11 interrogatoire ?

12 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Knezevic, je

13 m'appelle Clint Williamson et je suis avocat auprès du bureau du

14 Procureur. Depuis combien de temps connaissez-vous M. Dokmanovic ?

15 M. Knezevic (interprétation). - Je connais M. Dokmanovic depuis

16 les années 80. J'ai dû faire sa connaissance en 1984-1985.

17 M. Williamson (interprétation). - Et vous dites que vous faisiez

18 du sport avec lui, est-ce exact ?

19 M. Knezevic (interprétation). - Oui.

20 M. Williamson (interprétation). - Quel genre de sport ?

21 M. Knezevic (interprétation). - Du football.

22 M. Williamson (interprétation). - Le considérez-vous comme un

23 bon ami ?

24 M. Knezevic (interprétation). - Je le considérais comme un bon

25 ami, et ce après que nous ayons passé plusieurs années à jouer au football

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1 ensuite. J'ai fait sa connaissance, je connaissais bien cet homme et

2 j'affirme, effectivement, qu'il était un bon ami à moi.

3 M. Williamson (interprétation). - Le 27 juin, lorsque vous êtes

4 allé avec lui sur le pont de Bogojevo, saviez-vous qu'il portait une

5 arme ?

6 M. Knezevic (interprétation). - Non.

7 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé au

8 poste frontière, vous avez indiqué avoir échangé quelques propos avec le

9 douanier serbe, avoir fait quelques pas à pied, avoir donc passé le poste-

10 frontière dans le sens de la Croatie et avoir poursuivi votre chemin. Est-

11 ce bien cela ?

12 M. Knezevic (interprétation). - Il est exact que j'ai salué les

13 officiers de la douane et les représentants de la police. Après tout,

14 c'est un comportement tout à fait normal et urbain. Mais rien ne m'avait

15 été dit quant à la suite précise des événements. J'ai poursuivi mon

16 chemin. Un policier a simplement fait un petit geste de la main et j'ai

17 continué à marcher. Je ne me suis pas arrêté longtemps pour leur parler.

18 M. Williamson (interprétation). - Très bien. Après être passé

19 devant eux et les avoir salués, vous avez déclaré avoir franchi une

20 trentaine de mètres à partir de l'emplacement

21 du véhicule, de l'autre côté de la frontière.

22 M. Fila (interprétation). - Objection ! Le témoin n'a jamais dit

23 qu'il était passé de l'autre côté de la frontière. Il faut connaître tout

24 de même ce pont et savoir comment se présentent les choses sur le plan

25 physique. Il n'a pas franchi la frontière. Il ne l'a jamais fait.

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1 M. Williamson (interprétation). - Je ne lui ai pas demandé cela.

2 Je lui ai demandé s'il avait passé le poste-frontière et s'il avait

3 couvert à pied une trentaine de mètres pour rejoindre le véhicule.

4 Mme la Présidente (interprétation). - Vous pouvez poursuivre.

5 M. Williamson (interprétation). - Est-ce exact ?

6 M. Knezevic (interprétation). - Excusez-moi, je n'ai pas compris

7 la question. Pourriez-vous la répéter une nouvelle fois ?

8 M. Williamson (interprétation). - Où se trouvaient les véhicules

9 par rapport au poste-frontière ?

10 M. Knezevic (interprétation). - Par rapport au poste-frontière,

11 où se trouvaient les véhicules ? Ils se trouvaient à une trentaine de

12 mètres, à 30 ou 40 mètres à peu près, comme je l’ai dit, de l'endroit où

13 étaient nos forces de police.

14 M. Williamson (interprétation). - Trente à 40 mètres, mais dans

15 quelle direction, dans quel sens ?

16 M. Knezevic (interprétation). - Dans le sens de la circulation

17 Bogojevo/Erdut, c'est-à-dire dans la direction qui va de nos forces, les

18 forces serbes yougoslaves, vers les forces croates. Après le passage de la

19 frontière, il y a encore un ou deux kilomètres à couvrir avant d'arriver à

20 la frontière.

21 M. Williamson (interprétation). - J'ai compris. A partir du

22 poste-frontière, vous avez Bogojevo d'un côté et Erdut de l'autre côté,

23 c'est bien cela ?

24 M. Knezevic (interprétation). - Oui.

25 M. Williamson (interprétation). - Les véhicules étaient-ils plus

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1 près d'Erdut ou de Bogojevo par rapport au poste-frontière ?

2 M. Knezevic (interprétation). - Les véhicules étaient tournés

3 dans le sens d'Erdut. Pour être précis, j'ajouterai que du côté gauche du

4 Danube, c'est là que nous étions, c’est là que se trouvait le véhicule,

5 nous étions encore sur le territoire. Mais du côté droit, de l'autre côté,

6 sur l'autre rive du Danube, c'est le territoire de la République de

7 Croatie, donc Erdut. Et nous allions dans ce sens avec notre véhicule.

8 M. Williamson (interprétation). - Je comprends bien de quel côté

9 du fleuve vous étiez. Mais je vous demande si le véhicule était toujours

10 du même côté du poste-frontière, ou s'il était déjà passé de l'autre côté

11 du poste-frontière, du côté d'Erdut ?

12 M. Knezevic (interprétation). - Officiellement, les véhicules ne

13 peuvent pas passer de l'autre côté lorsqu'ils effectuent un transfert d'un

14 Etat à un autre, dans des conditions bien spécifiées. Il faut pour cela

15 une autorisation bien précise, avec des conditions tout à fait

16 déterminées. Donc si les conditions fixées avaient été respectées, les

17 choses n'auraient pas pu se passer comme elles se sont passées avec

18 Dokmanovic et Knezevic.

19 M. Williamson (interprétation). - Vous n'avez pas répondu à ma

20 question. Est-ce que le véhicule était du côté d'Erdut par rapport au

21 poste-frontière ? C'est une question très simple.

22 M. Knezevic (interprétation). - Oui, absolument. Du côté

23 d'Erdut, je l'ai déjà dit.

24 M. Williamson (interprétation). - Merci. S'agissant de ce que

25 M. Dokmanovic vous a dit, les assurances qu'il vous a fournies, de ce

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1 qu'il vous a dit de M. Klein, vous n’avez obtenu ces assurances que de

2 M. Dokmanovic, n'est-ce pas ?

3 M. Knezevic (interprétation). - Oui, je n'ai pas eu de

4 conversation de ce type avec qui que ce soit d'autre. D'ailleurs, je

5 n'aurais pas souhaité parler de ce genre de choses avec qui que ce soit.

6 M. Williamson (interprétation). - Vous n'étiez pas présent

7 lorsqu'un appel téléphonique a eu lieu entre M. Dokmanovic et

8 M. Hryshchyshyn, n'est-ce pas ?

9 M. Knezevic (interprétation). - Non.

10 M. Williamson (interprétation). - Et vous n'étiez pas présent

11 lorsqu'une conversation téléphonique a eu lieu entre M. Dokmanovic et

12 M. Curtis, n'est-ce pas ?

13 M. Knezevic (interprétation). - Non.

14 M. Williamson (interprétation). - Très bien. Je n'ai pas d'autre

15 question, Madame le Président.

16 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Fila, avez-vous des

17 questions complémentaires ?

18 M. Fila (interprétation). - Une seule, pour que les choses

19 soient tout à fait claires.

20 Pourquoi M. Dokmanovic avait-il besoin d'une garantie pour

21 franchir la frontière ? Est-ce que cela est inscrit sur un document en

22 République de Croatie ?

23 M. Knezevic (interprétation). - Mon nom figure sur un document

24 qui est la liste des Serbes dont la présence n'est pas souhaitée en

25 République de Croatie. Une procédure a été engagée à mon encontre en vertu

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1 de l'article 122 du Code pénal de Croatie. C'est une charge qui, à mes

2 yeux, est ridicule. J'aurais commis des crimes contre des victimes.

3 M. Fila (interprétation). - En d'autres termes, aviez-vous

4 besoin d'une garantie officielle pour franchir la frontière ?

5 M. Knezevic (interprétation). - Non.

6 M. Fila (interprétation). - Où se trouve la frontière ?

7 M. Knezevic (interprétation). - La frontière passe au milieu du

8 Danube.

9 M. Fila (interprétation). - De quel côté étaient les véhicules ?

10 M. Knezevic (interprétation). - Les véhicules étaient du côté

11 gauche du Danube, du côté de la République de Serbie et de la République

12 de Yougoslavie.

13 M. Williamson (interprétation). - Je n'ai pas d'autre question,

14 Madame le Président.

15 Mme la Présidente (interprétation). - Monsieur Knezevic, j'aurai

16 quelques questions à vous poser rapidement. Vous avez dit dans votre

17 déposition que M. Dokmanovic vous a montré un document, lorsque vous lui

18 avez rendu visite le 26 juin ?

19 M. Knezevic (interprétation). - Oui, j'ai dit dans ma déposition

20 que M. Dokmanovic m'a montré un document. Mais aucun document ne m’a été

21 montré le 26 juin. Ce jour-là, je suis allé chez M. Dokmanovic uniquement

22 pour avoir une conversation, obtenir des informations de lui, et pour

23 qu'il me persuade de l'accompagner le lendemain dans son voyage.

24 Mme la Présidente (interprétation). - Quand M. Dokmanovic vous

25 a-t-il montré un document ? J'ai cru comprendre que vous lui avez rendu

Page 123

1 visite le 26 juin, que vous êtes arrivé chez lui aux alentours de

2 16 heures, que vous avez parlé avec lui et qu'à ce moment-là il vous a

3 montré un document. Peut-être n'ai-je pas bien compris ce que vous avez

4 dit ?

5 M. Knezevic (interprétation). - M Dokmanovic ne m'a montré aucun

6 document. Peut-être que vous vous souvenez de la chose suivante ; lorsque

7 M. Dokmanovic m'a appelé au téléphone, ce jour-là il m'a dit : "Viens me

8 voir, j'ai quelque chose à te dire et à te montrer". Mais en fait, lorsque

9 je suis allé chez lui, il n'a fait que me parler et il ne m'a rien montré.

10 Mme la Présidente (interprétation). - C'est donc à 2 heures 15,

11 le 26 juin, que M. Dokmanovic est arrivé chez vous. C'est à ce moment-là

12 que vous avez été conduits en voiture, en passant par le pont, de l'autre

13 côté de la République fédérale de Yougoslavie. Est-ce exact ?

14 M. Knezevic (interprétation). - Effectivement. M. Dokmanovic a

15 été très précis. A 2 heures 15, il a fait connaître son arrivée par le son

16 des sirènes. Moi, j'étais déjà prêt. J'avais préparé mon sac. Je suis

17 sorti, j'ai fermé à clef. Donc tout cela s’est passé exactement à

18 14 heures 15.

19 Mme la Présidente (interprétation). - Ce véhicule, je suppose,

20 était conduit par un de vos amis ou un ami de M. Dokmanovic. Cet homme ou

21 cette femme vous a ensuite conduit en voiture jusqu'au pont. Est-ce

22 exact ?.

23 M. Knezevic (interprétation). - Il est exact que M. Dokmanovic

24 et moi-même sommes allés seuls jusqu'à Bogojevo. Dans un hameau non loin

25 de cette ville habite M. Bozidar Purkovic, un de ses parents, que nous

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1 avons invité à s'asseoir quelque instants dans le véhicule, avec nous.

2 M. Dokmanovic a continué à conduire dans la direction du pont. Il a fait

3 demi-tour et, lorsqu'il est sorti du véhicule, il a remis les clefs à

4 M. Purkovic qui était officiellement là pour reprendre la voiture, la

5 ramener jusqu'à son domicile et la garer.

6 Mme la Présidente (interprétation) - Lorsque vous-même et

7 M. Dokmanovic avez traversé le pont à pied, êtes-vous passés par le poste

8 de douane qui était surveillé par des représentants de la République

9 fédérale de Yougoslavie ?

10 M. Knezevic (interprétation). - Le poste de police et le poste

11 de douane sont liés. Ils sont situés l'un à côté de l'autre. Donc, dès

12 lors que je passe la douane, oui, effectivement il y a 20 ou 30 mètres qui

13 nous séparent des véhicules qui arrivent de l'autre côté parce que les

14 véhicules des Nations Unies n'ont pas le droit de passer de l'autre côté

15 sans une autorisation spéciale.

16 Mme la Présidente (interprétation). - Le poste de douane, est-ce

17 l'endroit qui, une fois franchi, vous amène du côté croate ?

18 M. Knezevic (interprétation). - Non, non. C'était de notre côté,

19 du côté serbe. Avant la Croatie, il y avait encore sûrement, comme je l'ai

20 dit, un kilomètre.

21 Mme la Présidente (interprétation). - Y a-t-il un point de

22 contrôle croate sur le pont, un poste de douane croate ?

23 M. Knezevic (interprétation). - Si à partir de Bogojevo, on

24 regarde dans la direction d'Erdut, il y en a un à un kilomètre environ :

25 il y a un poste de douane de l'autre côté du fleuve, du côté droit du

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1 Danube, à 500 mètres environ.

2 Mme la Présidente (interprétation). - Il y a une frontière

3 croate ?

4 M. Knezevic (interprétation). - Le côté croate.

5 M. la Présidente (interprétation). - Lorsque le véhicule des

6 Nations Unies vous a fait monter à bord, de quel côté vous trouviez-vous

7 par rapport au poste de douane croate ?

8 M. Knezevic (interprétation). - Nous étions du côté gauche de la

9 rive, donc sur le territoire yougoslave et serbe, Bogojevo.

10 Mme la Présidente (interprétation). - Donc, je crois comprendre

11 que, sur le pont qui franchit le Danube, il y a un espace, une étendue

12 entre le poste de douane de la République fédérale de Yougoslavie et le

13 poste de douane croate. Autrement dit, vous passez d'abord le poste de

14 douane de la République fédérale de Yougoslavie et vous marchez une

15 certaine distance avant de rejoindre le poste de douane croate. Est-ce

16 exact ?

17 M. Knezevic (interprétation). - Je vais essayer de préciser ce

18 que j'ai dit. J'ai parlé de mon arrestation ; à ce moment-là, les portes

19 du véhicule étaient fermées, je ne pouvais plus les ouvrir. C'est devenu

20 clair pour moi : j'étais arrêté. Même si j'avais voulu sortir, je n'aurais

21 pas pu. J'ai été contraint, j'ai dû me rendre de l'autre côté par la

22 force. Je parle pour moi. Il y a environ 700 ou 800 mètres jusqu'à la

23 douane, c'est-à-dire depuis le milieu du fleuve jusqu'au bout du pont. Je

24 ne sais pas si j'ai été clair.

25 Mme la Présidente (interprétation). - Je suppose qu'il y a, d'un

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1 côté du pont, un poste de douane croate et un poste de douane de la

2 République fédérale de Yougoslavie. Et entre les deux postes de douane, il

3 y a l'étendue du pont ?

4 M. Knezevic (interprétation). - Oui.

5 Mme la Présidente (interprétation). - Bien. Alors, comment

6 savez-vous qu'à tel ou tel moment, vous êtes sur le territoire croate ou

7 sur le territoire de la République fédérale de Yougoslavie, dès lors que

8 vous avez passé le poste de douane de la République fédérale de

9 Yougoslavie, mais que vous n'avez pas encore franchi le poste de douane de

10 la République de

11 Croatie ? Comment, dans cet espace-là, savez-vous à quel moment vous êtes

12 sur le territoire de la République fédérale de Yougoslavie ou de Croatie ?

13 M. Knezevic (interprétation). - C'est très simple : je me sens

14 comme passant dans la République de Croatie quand, en tant que citoyen, en

15 tant qu'homme de la rue, je franchis le poste de douane de mon côté et que

16 je commence à marcher à pied de l'autre côté. Au bout de 500 ou

17 600 mètres, je suis déjà du côté de la douane d'en face. Le fleuve fait au

18 moins 500 mètres.

19 Mme la Présidente (interprétation). - Il faut donc que vous

20 déterminiez où se trouve le milieu du pont et, selon l'emplacement par

21 rapport au milieu du pont, vous êtes soit du côté de la République

22 fédérale de Yougoslavie soit du côté de la République de Croatie ; par

23 rapport à l'emplacement du milieu.

24 M. Knezevic (interprétation). - C'est ce que disent les

25 règlements. Ce n'est pas moi qui le dis.

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1 Mme la Présidente (interprétation). - Très bien, très bien.

2 Maître Fila, avez-vous d'autres questions ?

3 M. Fila (interprétation). - Madame la Présidente, j'aimerais

4 vous apporter quelques explications, si vous me le permettez. Le pont ne

5 franchit pas uniquement le fleuve.

6 Mme la Présidente (interprétation). - Ecoutez, il n'est pas

7 approprié que vous témoigniez, Maître Fila ; nous avons des témoins. C'est

8 la raison pour laquelle je ne vous pose pas de questions au sujet du

9 fleuve, mais que j'ai posé des questions au témoin. Si vous souhaitez

10 poser d'autres questions au témoin, faites-le.

11 M. Fila (interprétation). - Puis-je poser une question, je vous

12 prie ? Les véhicules de l'ATNUSO se trouvaient-ils sur la partie du pont

13 qui franchit le fleuve ou sur la partie du pont qui se trouve sur terre ?

14 M. Knezevic (interprétation). - Les deux véhicules se trouvaient

15 sur le territoire de

16 la République de Yougoslavie et sur la terre, pas sur la partie du pont

17 qui engendre le fleuve.

18 M. Fila (interprétation). - Voilà ce que je voulais vous

19 expliquer. J'ai une autre question. Comment étaient-ils vêtus ? J'ai

20 oublié de poser cette question. Que portaient ces hommes ?

21 Et puis, vous-même et M. Dokmanovic, comment étiez-vous

22 habillés ?

23 M. Knezevic (interprétation). - Je me rappelle bien que je

24 portais une chemise d'été à manches courtes.

25 M. Fila (interprétation). - Et M. Dokmanovic ?

Page 128

1 M. Knezevic (interprétation). - Il portait un costume un peu

2 comme celui que je porte aujourd'hui —je me le rappelle très bien—, avec

3 une cravate.

4 Mme la Présidente (interprétation) - Maître Williamson ?

5 M. Williamson (interprétation). - Pas d'autres questions,

6 Madame la Présidente.

7 Mme la Présidente (interprétation) - Y a-t-il des objections à

8 ce qu'on libère de façon définitive M. Knezevic ?

9 M. Williamson (interprétation). - Non, Madame la Présidente.

10 Mme la Présidente (interprétation) - M. Knezevic, vous êtes

11 libre de quitter la salle d'audience et ce, de façon définitive.

12 Nénamoins, vous comprenez bien les restrictions qui ont régi votre venue

13 dans cette salle. Je crois comprendre que vous sortirez d'ici et serez

14 ramené chez vous immédiatement. Merci d'être venu.

15 M. Knezevic (interprétation). - Merci à vous également.

16 (Le témoin est reconduit hors de la salle d'audience.)

17 Mme la Présidente (interprétation) - Maître Fila, pouvez-vous

18 appeler votre témoin suivant, je vous prie.

19 M. Fila (interprétation). - Il s'agit de l'épouse de

20 M. Dokmanovic, Mme Danilka Dokmanovic.

21 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

22 Mme la Présidente (interprétation). - Madame Dokmanovic, je vous

23 demanderai de vous lever. On va vous remettre le texte d'un serment. Je

24 vous demanderai de prêter serment.

25 M. Fila (interprétation). - M'entendez-vous ?

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1 Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui, je vous entends. Je

2 déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que

3 la vérité.

4 Mme la Présidente (interprétation). - Merci, vous pouvez vous

5 asseoir. Maître Fila ?

6 Mme Lopicic (interprétation). - (Hors micro)

7 Madame Dokmanovic, pouvez-vous nous dire brièvement qui vous êtes ?

8 Mme Dokmanovic (interprétation). - Je m'appelle Danilka

9 Dokmanovic. Je suis née le 24 octobre 1949 à Vukovar. Je suis la femme de

10 Slavko Dokmanovic. J'ai un diplôme d'économie et deux enfants. En ce

11 moment, je réside à Sombor. Avez-vous besoin d'autres renseignements ?

12 Mme Lopicic (interprétation). - Non. Connaissez-vous M. Curtis

13 et son interprète ?

14 Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui.

15 Mme Lopicic (interprétation). - Sont-ils allés chez vous, à

16 Sombor ?

17 Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui.

18 Mme Lopicic (interprétation). - Pouvez-vous nous parler quelques

19 instants de ce jour-là ? Quand et comment cela s'est-il passé ?

20 Mme la Présidente (interprétation). - Excusez-moi. Assurons-nous

21 que le nom de ce témoin ne sera pas prononcé. Madame Dokmanovic, avant

22 votre entrée dans la salle d'audience, un accord a été conclu avec votre

23 conseil quant au fait que le nom de cet interprète ne serait pas prononcé.

24 Je vous demande de ne pas le prononcer.

25 Mme Lopicic (interprétation). - Nous ne connaissons pas son nom,

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1 non plus.

2 Mme Dokmanovic (interprétation). - Ils sont venus le 27 juin

3 1997, pour la première fois. J'étais au travail, mais Slavko m'a dit que

4 des gens du Tribunal devaient venir chez nous, dans la maison où nous

5 habitons, vers 10 heures. Je suis rentrée à la maison à 14 heures 10 et

6 j'ai vu deux hommes qui discutaient avec mon mari. Ce jour-là, ils sont

7 restés ensemble jusqu'aux alentours de 16 heures 20 ou 16 heures 30. Je ne

8 suis pas absolument sûre de l'heure. Avez-vous besoin d'autres

9 renseignements ?

10 Mme Lopicic (interprétation). - Savez-vous de quoi ils ont

11 parlé ?

12 Mme Dokmanovic (interprétation). - Ils ont discuté des

13 événements de Vukovar, pour l'essentiel des événements qui avaient précédé

14 l'éclatement du conflit, c'est-à-dire la période pendant laquelle mon mari

15 était encore autorisé à s'y trouver.

16 Mme Lopicic (interprétation). - Quand avez-vous appris que votre

17 mari devait aller à Vukovar le vendredi 27 ?

18 Mme Dokmanovic (interprétation). - Le 26, lorsque je suis

19 revenue du travail, les gens du Tribunal étaient déjà partis et Slavko m'a

20 dit que le 27, il était censé aller à Vukovar pour s'entretenir avec

21 certains représentants officiels. Je lui ai dit que cela n'était pas sûr.

22 J'ai essayé de le convaincre de ne pas aller à Vukovar. Lui m'a répondu

23 que M. Curtis avait parlé avec Michael Hryshchyshyn, le secrétaire, qui

24 lui avait garanti un voyage aller et retour sans le moindre problème, sans

25 le moindre danger. J'ai encore une fois essayé de le convaincre de

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1 renoncer à ce voyage. Mais il a de nouveau redit que tout était organisé,

2 que les conditions étaient sûres, que le chauffeur était un homme bien

3 connu qui n'avait pas besoin de s'arrêter au

4 poste de contrôle et donc que les conditions étaient bonnes.

5 J'ai cru ce qui était dit puisque M. Klein était sur le

6 territoire dans le but de nous défendre. Slavko est parti le 27 pour

7 Vukovar.

8 Mme Lopicic (interprétation). - Je vais vous remettre une

9 feuille de papier que j'ai déjà remise au juge et à la partie adverse.

10 Mme la Présidente (interprétation). - Enregistrons-nous cette

11 pièce en tant que pièce à conviction ?

12 Mme Lopicic (interprétation). - Ce document se trouve déjà dans

13 le dossier. Il est traduit en anglais. Nous avons la traduction en anglais

14 assurée par les soins de la défense. Voici ce document. Le premier papier

15 était l'original et ceci est une photocopie.

16 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Lopicic, le

17 document qui vient d'être remis au témoin sera enregistré sous la cote

18 "pièce à conviction de la défense 1" et la traduction sera "pièce à

19 conviction de la défense D1/A". Je crois qu'il est important d'enregistrer

20 ces documents dans le cadre du dossier, bien qu'ils aient déjà été remis

21 au greffe ce matin.

22 Mme Lopicic (interprétation). - La défense a déjà remis ce

23 document au greffe vendredi. Mais aujourd'hui nous y avons ajouté la

24 traduction anglaise.

25 (A l'intention du témoin)

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1 Pouvez-vous m'expliquer ce qui est écrit sur ce papier et qui

2 l'a écrit ?

3 Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui, c'est Slavko qui a écrit

4 cela avant de partir rencontrer le général Klein. Moi, je ne l'avais pas

5 rencontré. J'étais au travail. Il a donc laissé ce mot. Les représentants

6 du Tribunal devaient l'attendre à 19 heures le même jour à la maison. Mais

7 comme Slavko pensait sans doute qu'il risquait d'être retenu à cette

8 rencontre, il m'a écrit: "Danilka, si je ne rentre pas avant 19 heures et

9 si je ne t'appelle pas au téléphone, appelle-moi avec le téléphone d'en

10 haut chez le secrétaire de Klein." C'est le téléphone que nous avons à la

11 maison dont il parlait.

12 Mme Lopicic (interprétation). - C'est sur ce mot que nous voyons

13 qu'il devait rencontrer le général.

14 Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui, évidemment.

15 Mme la Présidente (interprétation). - Y a-t-il objection à la

16 pièce à conviction 1 et 1/A ?

17 M. Williamson (interprétation). - Pas d'objection.

18 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Fila ?

19 M. Fila (interprétation). - Après avoir appris l'arrestation de

20 Slavko Dokmanovic, le témoin est-il allé chez M. Klein et si oui, que

21 s'est-il passé lors de cette rencontre ?

22 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Fila, un seul

23 conseil peut interroger le témoin. Mais si vous souhaitez poser une autre

24 question au témoin, priez Me Lopicic de le faire.

25 Mme Lopicic (interprétation). - Après l'arrestation de votre

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1 mari, vous êtes-vous rendue chez le général Klein ? Si oui, parlez-nous de

2 la conversation que vous avez eue avec lui.

3 Mme Dokmanovic (interprétation). - Oui, j'y suis allée. Je lui

4 ai demandé de me recevoir. Il m'a reçu le 2 juillet et la conversation

5 s'est déroulée de la façon suivante. Je lui ai demandé comment il avait pu

6 garantir la sécurité de mon mari et ensuite autoriser son arrestation, où

7 était son autorité. Il m'a expliqué qu'il devait coopérer avec le Tribunal

8 et m'a dit -je cite ses mots- "Si je ne l'avais pas arrêté, il lui serait

9 resté 48 heures pour faire ses bagages". C'était la réponse à ma question.

10 Je n'ai pas posé d'autres questions après cela.

11 Mme Lopicic (interprétation). - Merci beaucoup, ce sera tout

12 pour le moment.

13 Mme Dokmanovic (interprétation). - Je vous en prie.

14 M. Williamson (interprétation). - Je suis avocat auprès du

15 bureau du Procureur. Vous n'étiez pas présente lorsque votre mari a eu une

16 quelconque des conversations qu'il a eues avec M. Curtis pour organiser

17 les conditions précises de son voyage à Vukovar, n'est-ce pas ?

18 Mme Dokmanovic (interprétation). - C'est exact.

19 M. Williamson (interprétation). - Vous n'étiez pas présente

20 lorsque votre mari a parlé par téléphone à M. Hryshchyshyn ?

21 Mme Dokmanovic (interprétation). - Je n'étais pas présente, mais

22 l'épouse de mon frère, ma belle-soeur, était présente. Elle se trouvait à

23 la maison. Elle leur a offert du café pendant que Slavko parlait avec

24 M. Hryshchyshyn au téléphone.

25 M. Williamson (interprétation). - Mais tous les renseignements

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1 que vous avez reçus, les assurances qui lui auraient été fournies

2 notamment, tout cela vous l'avez entendu de sa bouche ? Est-ce exact ?

3 Mme Dokmanovic (interprétation). - De sa bouche et de celle de

4 ma belle-soeur qui était présente lors de la conversation et qui a entendu

5 le représentant du Tribunal. Slavko parlait avec M. Hryshchyshyn. Elle l'a

6 entendu répondre : "Vous n'avez pas de raison d'avoir peur, tout ira

7 bien".

8 M. Williamson (interprétation). - Je n'ai plus de question,

9 Madame la Présidente.

10 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Lopicic ?

11 Mme Lopicic (interprétation). - Je n'ai plus d'autres questions

12 non plus.

13 Mme la Présidente (interprétation). - Merci. Y a-t-il des

14 objections à ce que Mme Dokmanovic soit libérée de façon définitive ?

15 M. Williamson (interprétation). - Non.

16 Mme la Présidente (interprétation). - Très bien. Dans ce cas,

17 vous êtes libérée de façon définitive. Merci.

18 Mme Dokmanovic (interprétation). - Merci.

19 (Le témoin est reconduit hors de la salle d'audience.)

20 Mme la Présidente (interprétation). - Monsieur Fila, avez-vous

21 d'autres témoins ?

22 M. Fila (interprétation). - J'ai un dernier témoin pour conclure

23 en deux heures, comme je l'ai dit. Monsieur Slavko Dokmanovic va faire une

24 déclaration sur qui lui a dit quoi.

25 Mme la Présidente (interprétation). - Nous allons faire une

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1 pause de vingt minutes. Ensuite, nous entendrons le témoignage de

2 M. Dokmanovic.

3 (L'audience, suspendue à 11 heures 05, est reprise à 11 heures 30)

4 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Fila, pouvez-vous

5 appeler votre témoin suivant, je vous prie ?

6 M. Fila (interprétation). - Oui, Madame le Président. Mon témoin

7 suivant est M. Slavko Dokmanovic.

8 Mme la Présidente (interprétation). - Monsieur Dokmanovic.

9 M. Dokmanovic (interprétation). - Je déclare solennellement que

10 je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

11 Mme la Présidente (interprétation). - Merci,

12 Monsieur Dokmanovic. Vous pouvez vous asseoir. Maître Fila, je crois

13 comprendre que M. Dokmanovic va maintenant témoigner et ne parlera que des

14 circonstances qui ont entouré son arrestation. Donc le cadre est

15 restreint.

16 M. Fila (interprétation). - Oui, Madame le Président, c'est ce

17 que j'ai compris également.

18 Monsieur Dokmanovic, pour commencer, pouvez-vous nous dire

19 quelques mots à votre sujet ? Mais lorsque je vous poserai une question,

20 je vous prierai d'attendre quelques instants avant de répondre pour aider

21 les interprètes.

22 M. Dokmanovic (interprétation). - Je m'appelle

23 Slavko Dokmanovic. Je suis né le 14 décembre 1949 à Trpinja. J'ai un

24 diplôme de l'université d’Osijek en agriculture. J'ai travaillé dans une

25 entreprise publique agricole, pendant plusieurs années, avant de commencer

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1 à m'intéresser un peu à la politique ces dernières années.

2 M. Fila (interprétation). - Vous avez entendu que les propos que

3 vous tiendrez

4 devront se limiter aux conditions de votre arrestation. C'est donc sur ce

5 sujet que je vous interrogerai. Jusqu'à quel moment, en 1996, avez-vous

6 été président du conseil exécutif de la municipalité de Vukovar ?

7 M. Dokmanovic (interprétation). - Jusqu'au 5 avril 1996.

8 M. Fila (interprétation). - Cette assemblée municipale est-elle

9 géographiquement proche de la base de l’ATNUSO à Vukovar ?

10 M. Dokmanovic (interprétation). - Elle est à peu près à un

11 kilomètre.

12 M. Fila (interprétation). - A quel moment avez-vous contacté les

13 responsables de l’ATNUSO ?

14 M. Dokmanovic (interprétation). - Pratiquement tous les jours.

15 Ils se trouvaient à la mairie de Vukovar.

16 M. Fila (interprétation). - Combien de temps après ?

17 M. Dokmanovic (interprétation). - Je suis parti en juillet, mais

18 je suis revenu car ma maison se trouve à Trpinja. Je ne me rappelle pas la

19 date exacte à laquelle je m'y suis trouvé pour la dernière fois, mais j'ai

20 eu un emploi jusqu'au 5 octobre 1996.

21 M. Fila (interprétation). - Avez-vous des parents en Croatie ?

22 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui, j'ai une maison, un fils,

23 sa femme et un petit-fils.

24 M. Fila (interprétation). - Ma prochaine question est la

25 suivante : dans quelles conditions avez-vous établi un contact avec les

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1 représentants du Tribunal ?

2 M. Dokmanovic (interprétation). - Sur proposition de

3 M Milinkovic, un ami à moi, et avec l'aide de M. Savic, j'ai établi un

4 contact avec le bureau du Tribunal à Belgrade. La première réunion que

5 nous avons eue a eu lieu au début de 1997 dans les environs de Belgrade,

6 je ne sais pas exactement dans quel village, mais en tout cas dans la

7 maison de M. Milinkovic. Une femme était également présente, dont je ne me

8 rappelle pas le nom.

9 Après cela, j'ai eu des contacts avec les représentants du

10 Tribunal, avec leur bureau à Vukovar. J'ai eu plusieurs entretiens

11 téléphoniques avec eux. Tout cela au printemps.

12 M. Fila (interprétation). - Quand avez-vous fait la connaissance

13 de M. Curtis ?

14 M. Dokmanovic (interprétation). - J'ai eu plusieurs

15 conversations téléphoniques avec M. Curtis avant de le rencontrer. Nous

16 nous sommes rencontrés la première fois le 24 juin 1997, dans la maison où

17 j'habite, à Sombor, en République fédérale de Yougoslavie.

18 M. Fila (interprétation). - Quel est votre statut en République

19 fédérale yougoslave ?

20 M. Dokmanovic (interprétation). - Je suis réfugié en République

21 fédérale yougoslave, c'est mon statut.

22 M. Fila (interprétation). - Quel passeport possédez-vous et où

23 sont vos papiers d'identité ?

24 M. Dokmanovic (interprétation). - Je suis considéré comme

25 réfugié. J'ai une carte d'identité qui a été faite en Yougoslavie. Je n'ai

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1 pas de passeport. J'avais un vieux passeport qui datait des années 80.

2 M. Fila (interprétation). - Où ce passeport a-t-il été fait ?

3 M. Dokmanovic (interprétation). - En Croatie.

4 M. Fila (interprétation). - Quelle est votre nationalité ?

5 M. Dokmanovic (interprétation). - Je n'ai pas de nationalité, je

6 suis un réfugié.

7 M. Fila (interprétation). - Quelle nationalité aviez-vous avant

8 cela ?

9 M. Dokmanovic (interprétation). - Yougoslave. De toute façon,

10 nous n'avons pas la nationalité de notre République. Donc ma nationalité

11 est la nationalité yougoslave.

12 M. Fila (interprétation). - Revenons sur les contacts que vous

13 avez eus avec M. Curtis. Que s’est-il passé au moment où vous l’avez

14 contacté ?

15 M. Dokmanovic (interprétation). - Le 24 juin, après un appel

16 téléphonique, M. Curtis est venu chez moi, comme nous en étions convenus.

17 Nous avions décidé qu’il

18 arriverait à 10 heures du matin. Je pense qu’il est arrivé quelques

19 minutes plus tôt, accompagné d’un interprète. Je les ai fait entrer et

20 nous avons parlé, de 10 heures à 16 heures à peu près, des choses qui

21 s'étaient passées à Vukovar en 1990 et 1991.

22 Vers la fin de notre discussion, j'ai demandé à M. Curtis,

23 compte tenu de l'autorité qui était la sienne, si le Tribunal avait

24 compétence pour résoudre certains problèmes liés à la propriété des Serbes

25 qui ne souhaitent pas vivre sur le territoire contrôlé par l’ATNUSO.

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1 M. Curtis m'a dit que ce n'était pas sa compétence, mais

2 qu’effectivement ce genre de problèmes relevait de la compétence de

3 l’ATNUSO. Il a proposé d'organiser, en tout cas de tenter d'organiser, un

4 rendez-vous avec le représentant de l’ATNUSO, le général Klein, en vue de

5 résoudre ce problème.

6 Nous nous sommes donc mis d'accord. Il m'a annoncé qu'il allait

7 me recontacter et nous avons pris rendez-vous pour le 25 juin, le

8 lendemain du jour où nous avons eu cette conversation. Après quoi,

9 M. Curtis est parti, je ne sais pas exactement à quelle heure, mais après

10 16 heures, accompagné de son interprète.

11 Le lendemain, le 25, nous étions donc convenus de nous revoir,

12 au même endroit, à la même heure. M. Curtis est arrivé accompagné de son

13 interprète. Lorsque nous avons pénétré dans la maison, il m'a annoncé

14 qu'il avait de bonnes nouvelles. Il m'a dit avoir parlé avec

15 M. Michael Hryshchyshyn, et m'a dit que M. Hryschchyran attendait mon

16 appel aux alentours de 10 heures 15. Or, c'était à peu près l'heure de

17 notre rencontre.

18 Il m'a donné une note sur laquelle figurait son nom. Je crois

19 que cette note fait partie des pièces à conviction.

20 M. Fila (interprétation). - Un instant, je vous prie.

21 Madame le Président, une copie de cette note figure dans les documents,

22 dans le dossier, mais je voudrais qu'on remette cet original au greffe

23 pour enregistrement.

24 M. Fila (interprétation). - Que vous a-t-il dit ?

25 M. Dokmanovic (interprétation). - Il m'a dit d'appeler les

Page 140

1 numéros de téléphone qui figurent sur ce papier. C'est ce que j'ai fait.

2 J'ai eu au bout du fil une femme à qui je me suis présenté. J'ai demandé à

3 parler à M. Michael Hryshchyshyn. J'ai parlé avec lui une dizaine de

4 minutes et M. Hryshchyshyn m'a dit avoir parlé avec M. Curtis ; il m'a dit

5 être informé du fait que M. Curtis m'avait dit que je pouvais rencontrer

6 M. Klein. J'ai répondu qu'effectivement, c'était bien cela : que j'étais

7 d'accord pour parler à M. Klein, que je souhaitais donc le voir. Il m'a

8 dit que je pouvais organiser librement cette rencontre. Je lui ai dit que

9 j'étais tout à fait d'accord et que j'allais le faire, mais que je ne me

10 sentais pas assez sûr sur le territoire de la République de Croatie, que

11 je souhaitais donc que la rencontre ait lieu en République yougoslave.

12 Monsieur Hryshchyshyn m'a répondu que cette rencontre devrait

13 sans doute se faire tout de même en République de Croatie, étant donné les

14 difficultés liées au passage de la frontière, donc, à Vukovar. J'ai dit :

15 "D'accord. Dans ces conditions, si c'est indispensable, j'accepte. Mais, à

16 ce moment-là, j'exige des conditions de sécurité garanties pour le voyage

17 aller et retour". M. Hryshchyshyn m'a répondu que, bien entendu, il me

18 garantissait un aller et un retour en toute sécurité à Vukovar et qu'un

19 véhicule spécial utilisé par M. Klein serait mis à ma disposition. C'est

20 un véhicule que tout le monde connaît et qui n'a besoin de s'arrêter nulle

21 part. J'ai dit que ce véhicule devait absolument venir me chercher sur le

22 territoire de Yougoslavie. M. Hryshchyshyn m'a dit qu'il avait un message

23 à me transmettre de la part de M. Klein : celui-ci me faisait savoir qu'il

24 aurait plaisir à me rencontrer et qu'il avait un certain nombre de

25 photographies de réunions précédentes à me remettre.

Page 141

1 M. Klein est arrivé sur le territoire qui est actuellement sous

2 le contrôle de l'ATNUSO. Je dois dire que j'avais pleine confiance en

3 M. Klein qui a tout pouvoir dans cette région et qui est la personnalité

4 la plus importante. Si moi, participant à cet accord, je n'ai pas

5 confiance en lui, comment les 150000 habitants et plus, dont le sort est

6 lié à cet accord, pourraient-ils avoir confiance en lui ? Tout à fait

7 normalement, je lui faisais donc confiance. J'ai

8 dit que tout allait bien. Je n'avais pas le moindre soupçon. A la fin de

9 la conversation, M. Curtis m'a demandé si tout allait bien. J'ai répondu :

10 "Nous verrons" et M. Curtis a dit : "Ne vous inquiétez pas : vous avez

11 toutes les assurances et toutes les garanties nécessaires. Tout ira bien".

12 Nous avons donc achevé notre conversation. J'avais quelques amis

13 qui arrivaient à ce moment-là. M. Curtis a déclaré qu'il souhaitait

14 partir. J'ai pensé que c'était un signe de politesse, étant donné

15 l'arrivée de mes amis.

16 M. Fila (interprétation). - Un instant, je vous prie. Lorsque

17 vous avez demandé des garanties, les avez-vous demandées vis-à-vis d'un

18 Etat en particulier ? Par exemple, avez-vous demandé une garantie de non

19 arrestation par la Chine, le Japon ou un autre Etat ?

20 M. Dokmanovic (interprétation). - Non, j'ai demandé des

21 garanties pour circulation sans difficulté à partir de la Yougoslavie et

22 jusqu'au retour en Yougoslavie.

23 M. Fila (interprétation). - Poursuivez.

24 M. Dokmanovic (interprétation). - Comme je l'ai dit, il est

25 parti aux environs de 2 heures de l'après-midi. Nous étions convenus de

Page 142

1 nous rencontrer à nouveau le vendredi 27 juin, à 7 heures, au même

2 endroit, dans la maison où j'habite, après mon retour de Vukovar.

3 M. Curtis savait, à l'époque, que je ne rentrerais pas ; mais c'est une

4 autre histoire.

5 Monsieur Curtis est donc parti. Aux alentours de 3 heures 30, un

6 représentant de l'ATNUSO a appelé pour me demander s'il fallait m'envoyer

7 quelqu'un pour me conduire jusqu'au pont. J'ai répondu que ce n'était pas

8 nécessaire, que j'irais avec un ami jusqu'au pont et qu'il suffisait qu'un

9 véhicule soit envoyé au pont. Le lendemain, le 20 juin, aux alentours de

10 18 heures, j'ai appelé M. Knezevic, qui est de Baranja. Il a de

11 l'expérience, il est très respecté aussi dans cette région ; il se trouve

12 dans une situation comparable à la mienne. Je l'ai prié de venir me voir

13 pour m'entendre avec lui.

14 Une dizaine de minutes plus tard —nous habitons près l'un de

15 l'autre—,

16 M. Knezevic est arrivé. Moi, j'étais assis dans le jardin avec

17 M. Purkovic, un ami. M. Knezevic s'est assis avec nous. Nous avons parlé

18 quelques instants. Je lui ai expliqué de quoi il était question. Je lui ai

19 expliqué qu'il était question de la propriété d'un grand nombre de Serbes

20 —au moins 15000— et de nos biens à nous également. Je lui ai dit que tous

21 les deux, nous connaissions M. Klein et que je proposais ou plutôt que

22 j'avais conclu un rendez-vous avec M. Klein le 27 juin. Je le priais donc,

23 lui, de m'accompagner, car il connaissait également M. Klein dans le cadre

24 de ses fonctions officielles, en tant que représentant de la région. Lui

25 connaît bien les problèmes de Baranja, car il y a deux sous-régions dans

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1 ce territoire : Baranja, d'un côté, et Srem, de l'autre. Il était donc

2 tout à fait en mesure d'expliquer en détail de quoi il retournait. Il

3 pouvait m'aider à présenter une analyse correcte de la situation.

4 Lui ne manifestait pas un grand enthousiasme à m'accompagner,

5 car il savait qu'il existait une liste sur laquelle 150 noms figuraient,

6 des gens qui n'étaient pas couverts d'une grâce quelconque du côté de la

7 République de Croatie. Il m'a demandé —je cite— : "Slavko, est-ce que

8 c'est sûr ?" Je lui ai répondu : "C'est sûr : M. Klein garantit notre

9 sécurité. Si nous deux ne pouvons pas faire confiance à M. Klein, qui

10 pourrait lui faire confiance dans la région ?". Avec peu d'enthousiasme,

11 car il avait sans doute un pressentiment, mais c'est un brave homme, il a

12 donné son accord. M. Knezevic est parti peu après, car il avait quelque

13 chose à finir chez lui. Nous avons décidé qu'il viendrait me rechercher le

14 lendemain, le vendredi 27 à 14 heures 15, étant donné que le véhicule de

15 l'ATNUSO devait nous attendre sur le pont, du côté yougoslave, aux

16 environs de 3 heures de l'après-midi.

17 A 14 heures 15, j'ai entendu M. Knezevic qui arrivait. J'ai

18 prévenu M. Purkovic de mon arrivée en klaxonnant. Il y a un camping qui se

19 trouve tout près du pont et je m'étais entendu avec M. Purkovic à qui

20 j'avais demandé de nous accompagner jusqu'à la frontière pour revenir avec

21 le véhicule. Je lui ai dit que nous allions le chercher et que nous

22 poursuivrions ensuite notre chemin, chacun de notre côté. M. Purkovic est

23 entré dans le véhicule et nous

24 avons démarré. Nous étions à 500 ou 600 mètres de cette zone de camping

25 qui est tout près de la frontière.

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1 Nous avons atteint le poste-frontière et j'ai remarqué à ce

2 moment-là deux véhicules sur ma gauche qui étaient garés. J'ai dit:

3 "Vraiment, ils sont d'une grande précision." J'ai fait faire demi-tour au

4 véhicule au bout du pont, c'est-à-dire à une vingtaine de mètres de

5 distance environ, et j'ai garé la voiture tout près de cet endroit.

6 M. Knezevic et moi-même sommes sortis de la voiture. M. Purkovic s'est

7 assis au volant et a repris le véhicule en sens inverse pour le ramener à

8 mon domicile. M. Knezevic et moi-même nous avons commencé à marcher en

9 direction des véhicules garés. Nous avons salué les hommes, c'est-à-dire

10 les officiers de police et les douaniers, et commencé à marcher vers les

11 véhicules.

12 Ces véhicules étaient tournés du côté croate. Dans le premier,

13 il y avait des insignes des Nations Unies tout à fait visibles. Ces deux

14 véhicules étaient deux Jeep. La première de ces Jeep, avec des vitres

15 teintées, avait à son bord des soldats. Un homme a marché dans notre

16 direction. Il se trouvait au départ entre les deux Jeep. Il nous a demandé

17 si nous parlions anglais et nous lui avons répondu que c'était possible.

18 Il nous a demandé en anglais notre badge. Nous lui avons montré le mien,

19 mais M. Knezevic, qui n'avait pas été annoncé, n'en portait pas.

20 M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous décrire ce badge ? Qu'y

21 avait-il d'écrit dessus ?

22 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne me rappelle pas ce qui

23 figurait sur ce badge, mais il indiquait mon identité. Je n'ai pas jeté un

24 coup d'oeil au badge. Sans doute, témoignait-il de mon identité, en cas de

25 nécessité. Cet homme est venu à notre rencontre et nous a dit que nous

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1 devrions monter dans le véhicule, ce que nous avons fait. Ce véhicule

2 avait également des vitres teintées. Nous avons démarré relativement vite

3 et M. Knezevic a dit quelques mots au sujet du fait que le Danube était un

4 très large fleuve. Nous avons traversé le pont à une vitesse assez

5 importante. Le véhicule a ralenti du côté croate, du côté du poste

6 frontière. Mais nous ne nous sommes pas arrêtés. A ce moment-là, la route

7 grimpe, mais le véhicule a continué à assez grande vitesse.

8 M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, monsieur Dokmanovic,

9 quelque chose s'est-il passé lorsque vous êtes monté dans le véhicule,

10 quelque chose lié à la portière ?

11 M. Dokmanovic (interprétation). - La portière était fermée à

12 clef. J'ai pu entendre le déclic de la fermeture.

13 M. Fila (interprétation). - Poursuivez, je vous prie.

14 M. Dokmanovic (interprétation). - Nous avons donc grimpé cette

15 pente. Là, se trouve une station d'essence qui avait été transformée en

16 fortification. Je ne sais pas quel était exactement l'objet de ce

17 bâtiment, mais c'est une installation de l'ATNUSO. Elle était donc

18 entourée de sacs de sable et de l'extérieur de la direction inverse, un

19 camion qui portait également des insignes des Nations Unies a démarré dans

20 notre direction. Comme nous allions assez vite, nous avons failli avoir un

21 accident.

22 Notre chauffeur a tourné brutalement vers la gauche dans la

23 direction de la station d'essence. J'ai vraiment cru que notre véhicule

24 allait se retourner. Puis il s'est arrêté brutalement. Un grand nombre de

25 soldats se sont mis à courir dans notre direction. Ils avaient des masques

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1 sur le visage et ils portaient des fusils automatiques pointés sur nous.

2 M. Fila (interprétation). - Qu'avez-vous dit à ce moment-là ?

3 Nous avons entendu la description des lieux, mais pourriez-vous nous dire

4 ce que vous avez déclaré ? N'allez pas plus loin quant à la description

5 des lieux car nous entrerions dans un domaine confidentiel.

6 M. Dokmanovic (interprétation). - C'est ce que nous avons vu.

7 Lorsqu'ils ont ouvert la portière de la voiture et essayé de me faire

8 sortir avec M. Knezevic, j'ai dit: "C'est une erreur, nous allons

9 rencontrer M. Klein."

10 M. Fila (interprétation). - Cela n'a pas été enregistré. Avez-

11 vous répété cette phrase à plusieurs reprises ?

12 M. Dokmanovic (interprétation). - Je dois l'avoir répété deux ou

13 trois fois. Je leur ai demandé de me permettre d'appeler M. Klein au

14 téléphone. Ils ne m'y ont pas autorisé.

15 M. Fila (interprétation). - Portiez-vous une arme ? Avez-vous un

16 permis de port d'armes ?

17 M. Dokmanovic (interprétation). - Dans le sac qui se trouvait à

18 côté de moi, sur le sol, se trouvait un révolver. Il se trouvait dans ce

19 sac depuis pas mal de temps et avec la date qui figure sur le journal,

20 également dans le sac à côté du révolver, il est possible de vérifier le

21 jour où j'ai mis ce révolver dans le sac. Je ne porte pas ce sac avec moi

22 tout le temps. Je l'ai pris ce jour-là pour y mettre un carnet de notes.

23 J'ai un permis de port d'armes effectivement.

24 M. Fila (interprétation). - En d'autres termes, vous ne portiez

25 pas ce révolver sur vous physiquement ?

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1 M. Dokmanovic (interprétation). - Non, et je n'ai jamais tiré un

2 coup de feu dans ma vie. Je ne voulais mettre la vie de personne en

3 danger.

4 M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous décrire ce pont ? Quel

5 est son aspect ? Quelle est la partie du pont qui enjambe le fleuve ? Y a-

6 t-il une partie du pont qui n'enjambe pas le fleuve ? Où les véhicules

7 sont-ils arrêtés ? Sont-ils arrêtés au-dessus du fleuve ou sur la terre ?

8 Quelle est la largeur du pont ?

9 M. Dokmanovic (interprétation). - Le pont a une largeur

10 d'environ deux kilomètres. Le Danube a une largeur d'environ un kilomètre

11 à cet endroit-là. Cela dépend, bien sûr, du volume d'eau en circulation.

12 A 500 mètres au moins sur la gauche, se trouve le côté yougoslave qui est

13 sur terre et pas sur l'eau. Sur la gauche, il y a une zone de camping et

14 sur la droite des entrepôts, tout cela sur la terre et pas sur la partie

15 du pont qui enjambe le fleuve. Quant à la frontière, elle se trouve

16 maintenant au milieu du Danube.

17 M. Fila (interprétation). - Est-ce la frontière qui séparait la

18 République socialiste de Croatie et la Serbie, à l'époque de l'ex-

19 Yougoslavie ?

20 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui, elle se trouve à cet

21 endroit effectivement.

22 M. Fila (interprétation). - Qui garde la frontière ? La police

23 ou l'armée ?

24 M. Dokmanovic (interprétation). - L'armée.

25 M. Fila (interprétation). - Y a-t-il des hommes qui

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1 patrouillent ? Y a-t-il un poste de garde ?

2 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui, des hommes patrouillent

3 tous les jours sur les rives du Danube. Je ne peux pas vous dire

4 exactement combien ils sont, mais ce sont des représentants de la police.

5 Dans cette région, il y a également un poste de garde.

6 M. Fila (interprétation). - Où étaient les véhicules par rapport

7 à eux ?

8 M. Dokmanovic (interprétation). - Du côté yougoslave.

9 M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si ces hommes

10 se trouvaient entre le poste de police et la zone dans laquelle ils

11 patrouillaient ?

12 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui, ces soldats étaient plus

13 près du côté croate. Donc ces hommes avaient traversé la frontière, la

14 zone contrôlée par l'armée.

15 M. Fila (interprétation). - Pourrions-nous revenir en arrière un

16 instant ? Pour quelles raisons n'étiez-vous plus président de l'assemblée

17 municipale depuis le 5 octobre ?

18 M. Dokmanovic (interprétation). - L'une des raisons est que tout

19 le monde ne soutenait pas l'accord d'août qui venait d'être signé. Il y

20 avait un certain nombre de questions conflictuelles, eu égard à cet

21 accord. C'est sans doute l'une des raisons.

22 M. Fila (interprétation). - Répétons cela une fois de plus.

23 Quelles ont été les garanties qui vous ont été données ? Ces garanties

24 provenaient-elles de Croates ou d'autres personnes ?

25 M. Dokmanovic (interprétation). - J'ai demandé des garanties de

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1 sauf-conduit, comme quoi je pourrai aller et venir sur le territoire de

2 Yougoslavie.

3 M. Fila (interprétation). - Cela n'avait rien à voir avec qui

4 pourrait vous menacer

5 éventuellement ?

6 M. Dokmanovic (interprétation). - J'étais sur la liste des

7 Serbes auxquels aucune amnistie n'avait été accordée par les Croates. Mais

8 il y avait une force de police commune là-bas. Je ne connaissais pas très

9 bien la situation, mais j'ai demandé des garanties de sauf-conduit pour

10 aller et venir en Yougoslavie, à la fois pour moi et M. Knezevic.

11 M. Fila (interprétation). - Merci. Madame la présidente, c'est

12 tout.

13 Mme la Présidente (interprétation). - Contre-interrogatoire ?

14 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Dokmanovic, dans la

15 dernière déclaration que vous avez faite, vous avez dit que vous avez

16 demandé un sauf-conduit pour aller et revenir en Yougoslavie pour vous et

17 M. Knezevic, est-ce exact ?

18 M. Dokmanovic (interprétation). - Pour moi. A l'époque, il n'a

19 pas été fait mention de M. Knezevic. Lorsque j'ai demandé cette garantie,

20 je l'ai demandé pour moi-même.

21 M. Williamson (interprétation). - Donc pas de sauf-conduit pour

22 M. Knezevic ?

23 M. Dokmanovic (interprétation). - Je n'ai pas demandé de sauf-

24 conduit pour M. Knezevic, comme je l’ai dit. Bien entendu, je pensais que

25 puisque j'en avais un, il en aurait eu un également.

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1 M. Williamson (interprétation). - Donc, finalement, c'est une

2 erreur qui figurait dans votre interrogatoire principal ?

3 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.

4 M. Williamson (interprétation). - Le 27 juin, vous pensiez que

5 vous alliez voir M. Klein directement, pour vous entretenir avec lui, et

6 revenir immédiatement après, n'est-ce pas ?

7 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.

8 M. Williamson (interprétation). - Et vous faisiez confiance à

9 M. Klein ?

10 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui, j'avais confiance en lui.

11 M. Williamson (interprétation). - Vous n'aviez aucune raison de

12 penser qu'il vous trahirait ?

13 M. Dokmanovic (interprétation). - Non.

14 M. Williamson (interprétation). - Donc, pendant le voyage, vous

15 étiez décontracté ? Vous n’aviez aucune crainte ?

16 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne comprends pas cette

17 question. J'allais rencontrer M. Klein, je ne peux pas véritablement

18 décrire dans quel état je me trouvais.

19 M. Williamson (interprétation). - Etiez-vous anxieux ? Etiez-

20 vous nerveux ?

21 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne comprends pas la

22 question.

23 M. Williamson (interprétation). - Je crois que c'est très

24 simple. Etiez-vous nerveux ? Ressentiez-vous une certaine anxiété ?

25 M. Dokmanovic (interprétation). - Bien entendu, je n'étais pas

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1 complètement décontracté parce que c'était une situation nouvelle et que

2 ce n'était pas une situation très simple, mais je pensais que les

3 promesses qui m'avaient été faites seraient respectées.

4 M. Williamson (interprétation). - Au moment de traverser le

5 pont, vous avez dit que vous et M. Knezevic, vous aviez parlé des eaux du

6 Danube. Vous avez dit que ces eaux étaient à un niveau assez élevé.

7 M. Dokmanovic (interprétation). - C’est un commentaire de

8 M. Knezevic. Je ne me rappelle pas si j'ai répondu oui. Il est possible

9 effectivement que j'aie donné confirmation.

10 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous discuté avec

11 M. Knezevic pendant le voyage et quel a été sujet de votre discussion ? Y

12 en a-t-il eu d'autres ?

13 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne crois pas, mais je ne

14 m'en souviens pas.

15 M. Williamson (interprétation). - Jusqu'au moment où vous avez

16 été tiré du véhicule, vous étiez toujours convaincu que vous alliez

17 rencontrer M. Klein, n'est-ce pas ?

18 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.

19 M. Williamson (interprétation). - Vous avez été choqué lorsqu'on

20 vous a tiré violemment du véhicule, n'est-ce pas ?

21 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.

22 M. Williamson (interprétation). - Vous avez décrit M. Klein

23 comme le grand chef de la région, n'est-ce pas ?

24 M. Dokmanovic (interprétation). - Il était l'administrateur

25 principal, donc l'autorité la plus importante de la zone.

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1 M. Williamson (interprétation). - Le respectiez-vous pour cette

2 position ?

3 M. Dokmanovic (interprétation). - Il faisait son travail et je

4 devais respecter son travail.

5 M. Williamson (interprétation). - Aviez-vous des raisons d'avoir

6 peur de lui, des raisons personnelles ?

7 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne peux pas répondre à

8 cette question du bureau du Procureur.

9 M. Williamson (interprétation). - Répondez par oui ou non :

10 aviez-vous peur de lui ?

11 M. Dokmanovic (interprétation). - D'un point de vue personnel,

12 non.

13 M. Williamson (interprétation). - Cet ami à qui vous avez confié

14 la voiture était un de vos amis ? M. Purkovic était-il un de vos amis ?

15 M. Dokmanovic (interprétation). - C’était un assez bon ami, oui.

16 M. Williamson (interprétation). - Vous lui faisiez confiance.

17 Vous lui avez confié les clefs pour qu'il ramène votre voiture, n'est-ce

18 pas ?

19 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.

20 M. Williamson (interprétation). - Madame le Président, je n'ai

21 plus de question.

22 Mme la Présidente (interprétation). - Monsieur Fila ?

23 M. Fila (interprétation). - Pour clarifier les choses,

24 Monsieur Dokmanovic, combien de temps y a-t-il eu entre le moment où il

25 est entré dans la voiture et le moment où on l'en a extirpé ?

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1 M. Dokmanovic (interprétation). - Environ cinq minutes.

2 M. Fila (interprétation). - Merci beaucoup. Je n'ai pas d'autres

3 questions.

4 Mme la Présidente (interprétation). - Monsieur Williamson ?

5 M. Williamson (interprétation). - Je n'ai pas d'autres

6 questions, Madame le Président.

7 Mme la Présidente (interprétation). - J'ai une question à poser

8 à M. Dokmanovic. Vous vouliez vous entretenir au sujet de problèmes liés

9 aux biens qui appartenaient à des Serbes en Slavonie orientale, n'est-ce

10 pas ?

11 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.

12 Mme la Présidente (interprétation). - On vous a dit que pour

13 parler de ces problèmes, il fallait que vous vous rendiez en Slavonie

14 orientale, n'est-ce pas ?

15 M. Dokmanovic (interprétation). - Non, mais on m'a dit qu'il y

16 aurait une rencontre avec M. Klein, à Vukovar, en Slavonie orientale, car

17 M. Klein avait besoin d’un permis spécial pour se rendre en Yougoslavie.

18 Je ne sais pas si c'est exact, mais on m'a dit que j'obtiendrais un sauf-

19 conduit et c'est ce que j'ai dit.

20 Mme la Présidente (interprétation). - Donc vous avez cru

21 comprendre que vous pourriez parler de ces problèmes de biens et de

22 propriétés dans la République fédérale de Yougoslavie avec M. Klein ?

23 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne comprends pas si j'avais

24 compris ou pas. Je ne comprends pas la question. Voulez-vous dire : est-ce

25 que la rencontre aurait pu avoir lieu à un autre endroit qu’à Vukovar ?

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1 Mme la Présidente (interprétation). - Mais vous vouliez avoir

2 une entrevue avec

3 M. Klein afin de parler de la manière dont pourraient se résoudre ces

4 problèmes de propriété des Serbes sur le territoire croate. Est-ce exact ?

5 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui, je voulais parler

6 d'éventuelles solutions afin de résoudre les problèmes de compensations

7 pour les Serbes qui avaient des propriétés là-bas, mais qui ne

8 souhaitaient pas vivre sur le territoire croate.

9 Mme la Présidente (interprétation). - Avez-vous demandé à

10 rencontrer les personnes qui avaient compétence pour discuter de ces

11 problèmes ou quelqu'un d'autre a-t-il fait cette demande ?

12 M. Dokmanovic (interprétation). - Je l'ai demandé par

13 l'intermédiaire de M. Curtis, ou plutôt M. Curtis a dit que l’ATNUSO avait

14 compétence dans ce domaine et non le Tribunal. J'ai déjà décrit cette

15 conversation.

16 Mme la Présidente (interprétation). - Cela vous semblait

17 acceptable ?

18 M. Dokmanovic (interprétation). - C'était des gens que je

19 respectais puisqu'ils venaient d'institutions que je respectais. Je ne

20 pouvais pas mettre en doute la parole de personnes qui m'avaient fait des

21 promesses à ce sujet.

22 Mme la Présidente (interprétation). - Monsieur Fila, avez-vous

23 d'autres questions ?

24 M. Fila (interprétation). - Non, mais je voudrais là encore

25 faire une clarification. De quoi voulez-vous parler ?

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1 M. Dokmanovic (interprétation). - Entre autres choses, d'une

2 propriété privée.

3 M. Fila (interprétation). - C'est tout. Madame le Président, je

4 n'ai pas d'autre témoin.

5 M. Williamson (interprétation). - Je voudrais juste formuler

6 quelques questions. Monsieur Dokmanovic, vous avez dit que vous avez reçu

7 des informations selon lesquelles M. Klein ne pouvait pas se rendre en

8 Serbie parce qu'il avait besoin d'un permis spécial. Est-ce

9 exact ?

10 M. Dokmanovic (interprétation). - C’est ce que M. Hryshchyshyn a

11 dit.

12 M. Williamson (interprétation). - Vous souvenez-vous de ses

13 termes exacts ?

14 M. Dokmanovic (interprétation). - Il m'a dit que M. Klein

15 proposait une rencontre à Vukovar, puisque -afin de passer en Yougoslavie-

16 il lui faudrait un permis. Mais il n'a pas dit pour qui il faudrait un

17 permis et je n’ai pas posé la question.

18 M. Williamson (interprétation). - Je n'ai pas d'autres

19 questions, Madame le Président, merci.

20 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Fila ?

21 M. Fila (interprétation). - Dans les éléments de preuve que j'ai

22 soumis, il y a une photocopie de la carte d'identité, du passeport, ainsi

23 que d'autres documents pertinents qu'a donnés M. Hryshchyshyn. Voudriez-

24 vous que je vous les lise ou souhaitez-vous les lire plus tard ?

25 Mme la Présidente (interprétation). - Je voudrais poser une

Page 156

1 question, M. Dokmanovic : avez vous compris que M. Klein avait compétence

2 pour discuter de ces problèmes de propriété ?

3 M. Dokmanovic (interprétation). - C'est l'explication que m'a

4 donnée M. Curtis. Il m'a dit que c'était de la compétence de l'ATNUSO et

5 qu'il essayerait d'organiser une réunion avec l'ATNUSO pour discuter de

6 ces problèmes. Lorsque j'en ai parlé à M. Hryshchyshyn, lors d'une

7 conversation téléphonique, il m'a répondu que c'était une bonne question.

8 Lorsqu'il reviendrait de New-York, M. Klein rendrait visite à M. Tudjman

9 et il aurait des informations à me transmettre.

10 Mme la Présidente (interprétation). - Pour discuter de ces

11 problèmes de propriété, vous deviez aller en Croatie, n'est-ce pas ?

12 M. Dokmanovic (interprétation). - Je devais me rendre dans une

13 zone contrôlée

14 par l'ATNUSO, c'est-à-dire les territoires appartenant à la Croatie, mais

15 contrôlés par l'ATNUSO.

16 Mme la Présidente (interprétation). - Si vous deviez débattre de

17 ces problèmes avec M. Klein, vous deviez vous rendre là-bas, n'est-ce

18 pas ?

19 M. Dokmanovic (interprétation). - C'est ce que M. Hryshchyshyn a

20 suggéré : que nous organisions cette rencontre à Vukovar ; ou plutôt, cela

21 a été la suggestion de M. Klein qui m'a été transmise par M. Hryshchyshyn.

22 Mme la Présidente (interprétation). - Bien. Passons maintenant à

23 la petite note qui est la pièce n° 2, proposée par la défense, que

24 M. Dokmanovic a identifiée. Voulez-vous que cette pièce soit portée au

25 dossier ? Avez-vous des objections, Monsieur Williamson ?

Page 157

1 M. Williamson (interprétation). - Non.

2 Mme la Présidente (interprétation). - Donc cette pièce sera

3 admise au dossier. Maître Fila, avez-vous besoin de M. Dokmanovic pour

4 identifier ces pièces ?

5 M. Fila (interprétation). - Non, merci. Cet élément de preuve

6 vous est utile à vous.

7 Mme la Présidente (interprétation) - Très bien,

8 Monsieur Dokmanovic, vous pouvez retourner à votre place.

9 M. Dokmanovic (interprétation). - Merci.

10 Mme la Présidente (interprétation) - Quelles pièces voulez-vous

11 porter au dossier, Maître Fila ? Je pense que nous allons les enregistrer

12 en commençant par la pièce n° 3 de la défense.

13 M. Fila (interprétation). - C'est ma collègue qui va

14 intervenir ; puisque c'est en anglais, c'est beaucoup plus facile pour

15 elle.

16 Mme Lopicic (interprétation) - Je voudrais expliquer certains

17 des documents qui font partie du dossier de preuve. Tout d'abord, le

18 premier document est le passeport de M. Dokmanovic.

19 Mme la Présidente (interprétation) - Est-ce une pièce à part

20 entière ?

21 Mme Lopicic (interprétation) - Oui. Donc c'est la pièce n° 3.

22 Mme la Présidente (interprétation) - La suivante ?

23 Mme Lopicic (interprétation) - La deuxième pièce est un permis

24 de port d'armes, le permis de M. Dokmanovic, qui montre qu'il possédait un

25 permis de port d'armes à l'époque où il a été illégalement arrêté.

Page 158

1 La troisième pièce est une carte d'identité qui a été émise à

2 Vukovar, le 22 juillet 1996.

3 Mme la Présidente (interprétation) - Monsieur Dokmanovic, s'il

4 vous plaît, m'entendez-vous ?

5 Maître Fila, s'il vous plaît, mettez vos écouteurs. Si

6 M. Dokmanovic souhaite prendre la parole, il doit vous en parler à vous au

7 lieu de prendre la parole. Monsieur Dokmanovic, si vous voulez parler au

8 conseil, s'il vous plaît faites un signe. Il y a un garde à côté de vous.

9 Moi-même, je vous regarde et nous donnerons à votre conseil la possibilité

10 de s'entretenir avec vous. S'il vous plaît, ne prenez pas la parole de

11 cette manière.

12 Bien. Donc vous parliez, Mme Lopicic, de la carte d'identité.

13 Mme Lopicic (interprétation) - Cette carte a été émise dans la

14 République fédérale de Yougoslavie. Si vous le permettez, je voudrais

15 l'expliquer à M. Dokmanovic. En fait, c'est une erreur : elle n'a pas été

16 émise à Vukovar.

17 Nous avons ensuite la carte d'emploi de M. Dokmanovic ; c'est

18 l'original. A la page 8, vous voyez —et c'est important pour la défense—

19 qu'il a travaillé à Vukovar jusqu'au 5 octobre 1996. Donc, c'est

20 quatre mois après que le mandat d'arrêt ait été lancé, qu'il a été

21 communiqué à l'ATNUSO et à la Croatie.

22 La pièce suivante est une pièce provenant du ministère des

23 Affaires intérieures de la Serbie. Dans cette pièce, on lit que

24 M. Dokmanovic a une résidence au numéro 35 d'une adresse

25 quelconque à partir du 22 juillet 1996.

Page 159

1 M. Jan (interprétation). - Je vous demande pardon, où est cette

2 résidence ?

3 Mme Lopicic (interprétation). - Vojvodanska*.

4 Donc Slavko Dokmanovic avait une résidence dans la République

5 fédérale de Yougoslavie, à Sombor, à partir du 22 juillet 1996.

6 M. Jan (interprétation). - Mais vous avez dit qu'il avait été

7 employé à Vukovar jusqu'au 5 octobre. Il y a donc une différence de trois

8 mois.

9 Mme Lopicic (interprétation). - Oui, mais il a voyagé tous les

10 jours parce qu'il a été employé jusqu'au 5 octobre 1996 -nous avons un

11 document-, mais sa femme a déménagé à Sombor le 22 juillet. Puis-je

12 continuer ?

13 Mme la Présidente (interprétation). - Oui, je crois que c'est la

14 pièce 7.

15 Mme Lopicic (interprétation). - Il s'agit d'un document en

16 anglais concernant Adolf Eichman, document émis par le conseil de

17 sécurité. Cela fait une page : nous avons d'un côté la version anglaise et

18 de l'autre la version française.

19 Pièce suivante : convention sur le terrorisme, sur la prise

20 d'otages, en anglais, mais la première page du document est en serbo-

21 croate. Elle porte la certification du document. Comme vous pouvez le

22 voir, en bas de la page, à gauche, on trouve la version anglaise et à

23 droite la version serbo-croate. Le passage qui intéresse la défense est

24 l'article 14, page 355.

25 Pièce suivante : la version croate destinée au public et aux

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1 médias sur l'arrestation de M. Dokmanovic.

2 Pièce suivante : une petite note. Nous en avons déjà parlé, le

3 papier jaune, la petite note jaune.

4 Mme la Présidente (interprétation). - Il s'agit de la pièce n° 2

5 de la défense, n'est-ce pas ?

6 Mme Lopicic (interprétation). - Oui, papier qui a été donné par

7 M. Curtis à

8 M. Dokmanovic.

9 Pièce suivante : la réaction sur l'arrestation de

10 M. Slavko Dokmanovic.

11 Mme la Présidente (interprétation). - Elle est intitulée :

12 "Association de combat, conflits en Slavonie orientale. Protestations". Ce

13 document porte sur l'arrestation.

14 Mme Lopicic (interprétation). - Oui.

15 Mme la Présidente (interprétation). - Ce document est daté du

16 30 juin. Qu'est-ce que cette association ?

17 Mme Lopicic (interprétation). - C'est le Président

18 Milan Ivankovic. Cette association se trouve à Vukovar. Elle s'intéresse à

19 toutes les guerres, pas seulement aux conflits yougoslaves, mais également

20 à la Seconde guerre mondiale et à la Première guerre mondiale.

21 M. Jan (interprétation). - Est-ce une organisation non

22 gouvernementale ?

23 Mme Lopicic (interprétation). - Oui.

24 La pièce suivante est une déclaration de l'hôpital de Vukovar où

25 M. Dokmanovic a été soigné après un accident de voiture. Elle date du

Page 161

1 16 juin 1996. Il a été emmené à l'hôpital et est resté là-bas quatre

2 journées, du 16 au 20 mai 1996. On le voit sur le document.

3 La pièce suivante ne figure pas sur la liste. C'est un ordre

4 d'arrestation qui vient du bureau du Procureur. Il y a une différence

5 entre les versions anglaise et française. Dans le paragraphe 4 de la

6 version anglaise, il est dit que par ce document, les Nations Unies

7 demandent à l'administration de la Slavonie orientale d'arrêter

8 M. Dokmanovic pour le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

9 Il est donc dit que l'ATNUSO devrait recevoir ce document. Il

10 s'agit de la version yougoslave et non française. Dans la version

11 yougoslave, il est donné une version différente. La force est également

12 mentionnée dans le paragraphe 3 de la version anglaise et la version est

13 différente dans la version serbo-croate. Lorsqu'il a été arrêté

14 illégalement le 27 juin 1997, il a reçu la version serbo-croate qui parle

15 de la République de Croatie.

16 Mme la Présidente (interprétation). - Voulez-vous répéter s'il

17 vous plaît ? Je crois qu'il s'agit de la pièce n° 14, n'est-ce pas ?

18 M. le Greffier (interprétation). - Oui.

19 Mme la Présidente (interprétation). - Où dois-je regarder ?

20 Mme Lopicic (interprétation). - La page 1 sur le mandat d'arrêt,

21 version anglaise.

22 Mme la Présidente (interprétation). - Eh bien, je lis : "Les

23 Nations Unies demandent à l'Administration de transition pour la Slavonie

24 orientale de chercher et d'arrêter cette personne au nom du Tribunal de

25 l'ex-Yougoslavie".

Page 162

1 Et dans la version serbe ?

2 Mme Lopicic (interprétation). - Il faut regarder le dernier

3 paragraphe, au bas de la dernière page.

4 Mme la Présidente (interprétation). - Oui, je vois.

5 Mme Lopicic (interprétation). - Sur la première page de la

6 version serbo-croate, dernier paragraphe en bas.

7 Mme la Présidente (interprétation). - Sur la toute première

8 page, c'est cela ?

9 Mme Lopicic (interprétation). - Oui.

10 Mme la Présidente (interprétation). - Il est dit que "La

11 République de Croatie devrait chercher à arrêter M. Dokmanovic au nom du

12 Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie". Au lieu de mentionner

13 l'ATNUSO, on parle de la République de Croatie.

14 Il s'agit des lettres qui figurent au bas de la première page ?

15 Mme Lopicic (interprétation). - Oui.

16 Mme la Présidente (interprétation). - Vous dites que dans la

17 version serbo-croate, il n'est pas fait mention de l'ATNUSO et de leur

18 mission de chercher et d'essayer d'arrêter M. Dokmanovic ?

19 Mme Lopicic (interprétation). - C'est exact. Dans la deuxième

20 page du document

21 serbo-croate....

22 Mme la Présidente (interprétation). - Mais il semble être daté.

23 Porte-t-il la même date ?

24 Mme Lopicic (interprétation). - Oui. Ils sont datés tous les

25 deux du 3 avril 1996. Excusez-moi, un instant.

Page 163

1 Mme la Présidente (interprétation). - Excusez-moi un instant.

2 Maître Lopicic?

3 Mme Lopicic (interprétation). - Madame le Président, je crois

4 que cela s'est déjà présenté.

5 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Lopicic, je vous ai

6 interrompue.

7 Mme Lopicic (interprétation). - Oui. Sur la deuxième page de la

8 version serbo-croate, dans les quatrième et cinquième paragraphes en

9 partant du haut, on parle de la République de Croatie à la place de

10 l’ATNUSO. Cette situation se présente à trois reprises : une fois sur la

11 première fois, deux fois sur la deuxième page. On parle de la République

12 de Croatie, alors que dans la version anglaise on parle de l’ATNUSO. Il ne

13 s'agit pas d'une seule erreur ponctuelle, mais de trois erreurs.

14 On voit également la mention du fait que cela s'est produit de

15 façon illégale par certains aspects. On peut dire également que ce

16 document est illégal. C’est au vu du Règlement de preuve et de procédure

17 du Tribunal, parce que M. Dokmanovic ne dispose que de la version serbo-

18 croate de ce document puisqu'il ne parle pas anglais.

19 Nous ne pensons pas qu'il s'agit d'une petite erreur, mais de

20 trois erreurs. A trois reprises, lors de la traduction, une erreur a été

21 commise. Il ne s'agit pas ici d'un simple incident de traduction.

22 Mme la Présidente (interprétation). - Je viens d'avoir un petit

23 entretien avec les représentants du Greffe. Je pense que cet après-midi

24 nous allons entendre ce qu'ils peuvent nous dire concernant cela. Nous

25 allons voir s’ils peuvent expliquer ce qui s'est produit. C'est quelque

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1 chose qui relève du Greffe. Cela concerne donc la pièce de la

2 défense n° 13.

3 Mme Lopicic (interprétation). - Oui. La pièce suivante est la

4 demande aux représentants des Nations Unies, représentants de l’ATNUSO,

5 datée du 17 juillet 1996. Elle a donc été datée trois mois après la

6 délivrance de l'acte d'accusation, du mandat d'arrêt.

7 La défense souhaite poser la question suivante : comment se

8 fait-il que trois mois et demi après que le mandat d'arrêt ait été

9 délivré, les représentants de l’ATNUSO ont reçu ce même mandat d'arrêt ?

10 Nous sommes au XXème siècle tout de même, c’est l’ère des ordinateurs,

11 l’ère des fax. Il y a bien des moyens d'entrer en contact, d'établir une

12 communication, à l'heure actuelle. Le mandat d'arrêt a été délivré le

13 3 avril 1996. M. Dokmanovic était alors le président de la municipalité de

14 Vukovar et ce jusqu'au 5 avril, donc deux jours après que le mandat

15 d'arrêt ait été délivré.

16 Je pense que l’ATNUSO aurait pu l'arrêter à ce moment précis

17 alors qu'il trouvait encore à Vukovar. Tout le monde alors aurait déclaré

18 qu'il s'agissait là d'une arrestation légale, ce qui n'est plus le cas à

19 présent.

20 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Lopicic, vous

21 voulez verser d'autres pièces au dossier ?

22 Mme Lopicic (interprétation). - Non, Madame le Président.

23 Mme la Présidente (interprétation). - Monsieur Williamson, avez-

24 vous une objection à élever contre le versement des pièces dont nous

25 venons de parler, c’est-à-dire les pièces de la défense de 3 à 14 ? En

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1 fait, la pièce n° 2 est semblable à la pièce 11. Il s'agit d'une seule et

2 même pièce. Donc nous parlons des pièces qui vont du numéro 13 au 14.

3 M. Williamson (interprétation). - Madame le Président, nous

4 n'avons vu aucune de ces pièces. Nous aimerions pouvoir y jeter un coup

5 d'oeil avant de nous déclarer.

6 Mme la Présidente (interprétation). - Vous pourrez les examiner

7 pendant la pause du déjeuner. Je pense que c'est normal.

8 M. Williamson (interprétation). - Je vous remercie.

9 Mme la Présidente (interprétation). - Je voulais poser une

10 question à M. Dokmanovic. J'ai oublié une question qui a trait à ses

11 antécédents. Je voulais demander à M. Dokmanovic si ses origines sont

12 serbes. Maître Fila, permettez-moi de poser cette question à

13 M. Dokmanovic ; il peut rester à sa place actuelle. Monsieur Dokmanovic,

14 êtes-vous d’origine serbe ? Vos ascendants familiaux sont-ils serbes ?

15 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui, je suis Serbe.

16 Mme la Présidente (interprétation). - Je vous remercie. Y a-t-il

17 d'autres questions, qu'elles proviennent de la défense ou du bureau du

18 Procureur ?

19 M. Williamson (interprétation). - Non, Madame le Président. Je

20 vous remercie.

21 Mme la Présidente (interprétation). - Nous en avons fini pour

22 les demandes de la défense. Nous allons statuer sur l'histoire des pièces

23 de la défense après la pause du déjeuner, pour donner l'occasion au bureau

24 du Procureur d'y jeter un coup d'oeil.

25 Monsieur Williamson, aimeriez-vous continuer avec les débats

Page 166

1 concernant les arguments de l'accusation ?

2 M. Niemann (interprétation). - Mesdames et Messieurs les Juges,

3 je suis chargé de l’affaire pour l'accusation et j'appelle à la barre

4 Kevin Curtis.

5 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)

6 M. Curtis (interprétation). - Je déclare solennellement que je

7 dirai la vérité, toute la vérité rien, que la vérité.

8 Mme la Présidente (interprétation). - Je vous remercie,

9 Monsieur Curtis. Vous pouvez vous asseoir.

10 M. Niemann (interprétation). - Veuillez décliner votre identité,

11 s’il vous plaît.

12 M. Curtis (interprétation). - Kevin Curtis.

13 M. Niemann (interprétation). - Votre date de naissance ?

14 M. Curtis (interprétation). - Le 13 février 1953.

15 M. Niemann (interprétation). - Quel est votre poste

16 actuellement ? Que faisiez-vous d’ailleurs avant de commencer à travailler

17 pour le Tribunal ?

18 M. Curtis (interprétation). - J’étais détective auprès du poste

19 de police du Yorkshire en Angleterre.

20 M. Niemann (interprétation). - Combien de temps avez-vous

21 travaillé pour le Tribunal ?

22 M. Curtis (interprétation). - J’y travaille depuis avril 1995.

23 M. Niemann (interprétation). - Quel poste occupiez-vous au sein

24 du Tribunal ?

25 M. Curtis (interprétation). - Je suis enquêteur.

Page 167

1 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous rencontré l’accusé ?

2 Connaissez-vous l'accusé, M. Dokmanovic ?

3 M. Curtis (interprétation). - Oui, en effet.

4 M. Niemann (interprétation). - Quand êtes-vous entré en contact

5 pour la première fois avec M. Dokmanovic ?

6 M. Curtis (interprétation). - C'était à la suite de l'entretien

7 qu'il avait eu au bureau de Belgrade, en décembre de l’année dernière.

8 J'ai pris contact avec lui en janvier de cette année.

9 M. Niemann (interprétation). - Où l'avez-vous contacté ?

10 M. Curtis (interprétation). - Je l'ai appelé. C'était le numéro

11 qu'il nous avait lui-même fourni.

12 M. Niemann (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelle a

13 été la teneur de votre entretien à ce moment-là ?

14 M. Curtis (interprétation). - Au cours de cette conversation,

15 j'ai compris qu'il était entré en contact avec notre bureau à Belgrade,

16 qu'il voulait absolument déposer pour ce qui est de certaines atrocités

17 commises par les Croates contre les Serbes à Vukovar. Je lui ai alors

18 proposé que nous nous rencontrions.

19 M. Niemann (interprétation). - Que vous a-t-il dit ?

20 M. Curtis (interprétation). - Il était tout à fait d'accord.

21 J'ai dit que, comme je me trouvais dans la région, nous pourrions aisément

22 nous retrouver à Vukovar.

23 M. Niemann (interprétation). - Pour que la Cour comprenne bien,

24 où se trouve Vukovar ?

25 M. Curtis (interprétation). - C'est dans la Slavonie orientale,

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1 dans la région sous le contrôle de l’ATNUSO.

2 M. Niemann (interprétation). - Quand vous avez dit que vous

3 pouviez aller à Vukovar, que vous a-t-il répondu ?

4 M. Curtis (interprétation). - Il a dit qu'il ne pouvait pas

5 aller à Vukovar pour des raisons personnelles, même s’il n’avait rien

6 contre le Tribunal ni contre l’ATNUSO.

7 M. Niemann (interprétation). - Qu'avez-vous proposé alors ?

8 M. Curtis (interprétation). - J’ai proposé que nous nous

9 retrouvions dans un autre lieu, peut-être même dans un autre pays. J'ai

10 alors suggéré la région de Baranja qui se trouve en

11 Croatie.

12 M. Niemann (interprétation). - Plus précisément, où se trouve

13 cette région de Baranja ?

14 M. Curtis (interprétation). - C’est toujours dans la région qui

15 est sous le contrôle de l’ATNUSO. Elle se trouve à côté de Vukovar.

16 M. Niemann (interprétation). - Que vous a-t-il dit en réponse à

17 cette proposition ?

18 M. Curtis (interprétation). -Il a dit que peut-être nous

19 pourrions nous retrouver dans une certaine ville, à Beli Manastir.

20 M. Niemann (interprétation). - Où se trouve cette ville ?

21 M. Curtis (interprétation). - Elle est à proximité de Vukovar.

22 M. Niemann (interprétation). - Suite à cela, qu'avez-vous

23 décidé ?

24 M. Curtis (interprétation). - J'ai dit qu'il fallait que je

25 prenne un certain nombre de dispositions, qu'il faudrait que nous nous

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1 retrouvions en un certain endroit dans cette ville. J'ai dit que j'allais

2 le rappeler vers 13 heures, le jour suivant.

3 M. Niemann (interprétation). - Etes-vous entré en contact avec

4 lui le jour suivant ?

5 M. Curtis (interprétation). - Au cours de l’après-midi, nous

6 avons essayé de rentrer en contact avec M. Dokmanovic, mais sans succès.

7 Ce n’est que vers 17 heures que nous avons pu le contacter.

8 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous êtes entré en

9 contact avec lui, lorsque vous l'avez appelé, de quoi avez-vous parlé ?

10 M. Curtis (interprétation). - J'ai déclaré que j'avais pris un

11 certain nombre de dispositions dans un hôtel qui se trouve à

12 Beli Manastir, et que je pouvais l'y retrouver la semaine suivante, c'est-

13 à-dire à la date dont nous étions convenus. Je ne me rappelle pas

14 exactement cette date.

15 M. Niemann (interprétation). - Que vous a-t-il répondu alors ?

16 M. Curtis (interprétation). - Il a eu un comportement assez

17 étrange, un changement d'opinion. Il a dit qu'il refusait de traverser la

18 rivière et qu'il n'était pas prêt à me retrouver à l'intérieur de la zone

19 qui se trouve sous le contrôle de l’ATNUSO.

20 M. Niemann (interprétation). - Suite à cela, que lui avez-vous

21 dit ?

22 M. Curtis (interprétation). - Excusez-moi, j'ai oublié de dire

23 qu'il avait dit que je ne pouvais pas me rendre à Sombor, chez lui, c’est-

24 à-dire en République fédérale de Yougoslavie. J'ai expliqué que je ne

25 pouvais pas m’y rendre du fait de tous les événements et de la situation

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1 extrêmement complexe qui régnait à Belgrade. J'ai dit qu'il faudrait que

2 je rentre à La Haye, que je fasse un certain nombre de recherches et que

3 je pourrais ensuite le contacter par téléphone.

4 M. Niemann (interprétation). - Vous avez décidé ensuite de

5 l'appeler ultérieurement ?

6 M. Curtis (interprétation). - Oui, en effet. Je suis entré en

7 contact avec lui un certain nombre de fois. J'ai dit que je travaillais

8 toujours sur la question et que j'essayais de savoir où nous pourrions

9 nous retrouver.

10 M. Niemann (interprétation). - Combien de temps ces

11 conversations ont-elles duré ?

12 M. Curtis (interprétation). - Je suis entré en contact avec lui

13 en juin et nous avons enfin décidé le lieu et l'heure de notre rencontre.

14 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous parlez du mois de

15 juin, il s'agit du mois de juin 1997, n'est-ce pas ?

16 M. Curtis (interprétation). - Oui.

17 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous avez parlé du mois

18 de juin 1997, avez-vous décidé en quel lieu et à quelle heure vous alliez

19 vous retrouver ?

20 M. Curtis (interprétation). - Nous avons décidé que nous nous

21 retrouvions chez lui, à Sombor, le 24 juin, à 10 heures du matin.

22 M. Niemann (interprétation). - A ce moment précis, saviez-vous

23 qu'un acte d'accusation avait été lancé contre M. Dokmanovic ?

24 M. Curtis (interprétation). - Oui, dès le premier entretien que

25 j’ai eu, je savais parfaitement qu'un acte d'accusation avait été lancé

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1 contre lui.

2 M. Niemann (interprétation). - Le 24 juin, l’avez-vous

3 rencontré ?

4 M. Curtis (interprétation). - Oui, au cours de la conversation

5 que nous avons eue au téléphone, M. Dokmanovic m'a donné son adresse, m'a

6 dit comment m’y rendre et je m'y suis rendu à 10 heures le jour prévu.

7 M. Niemann (interprétation). - Il s’agit donc du 24 juin ?

8 M. Curtis (interprétation). - Oui.

9 M. Niemann (interprétation). - Veuillez expliquer à la Chambre

10 ce qui s'est produit le jour où vous vous êtes rendu chez lui, le

11 24 juin ?

12 M. Curtis (interprétation). - Lorsque j'y suis arrivé, pour

13 autant que je sache, seul M. Dokmanovic se trouvait dans la maison. Il m'a

14 accueilli au porche d'entrée. Après que les présentations aient été

15 faites, nous avons poursuivi l'entretien relatif au sujet qu'il voulait

16 aborder.

17 M. Niemann (interprétation). - Aviez- vous des intentions

18 particulières à l’égard de M. Dokmanovic lorsque vous êtes allé le

19 retrouver chez lui ?

20 M. Curtis (interprétation). - Oui, je voulais absolument qu'il

21 me fasse confiance, je voulais absolument l’amener dans une région de

22 l’ATNUSO où l'arrestation pourrait avoir lieu.

23 M. Niemann (interprétation). - Cet entretien du 24 juin, combien

24 de temps a-t-il duré ?

25 M. Curtis (interprétation). - Je pense qu'il a duré environ six

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1 heures.

2 M. Niemann (interprétation). - Après cet entretien de six

3 heures, que s'est-il produit ?

4 M. Curtis (interprétation). - J'étais en train de rassembler mes

5 affaires pour partir, j'avais l'impression qu'il fallait que je fasse un

6 certain nombre de choses suite à cet entretien. Subitement, il a abordé le

7 sujet. Il m’a demandé si je pouvais lui faire part de mon avis concernant

8 ces biens qui se trouvaient dans la région de Trpinja, dans la région de

9 Vukovar.

10 M. Niemann (interprétation). - Trpinja est dans la région qui se

11 trouve sous le contrôle de l’ATNUSO ?

12 M. Curtis (interprétation). - Oui, en effet.

13 M. Niemann (interprétation). - Que vous a-t-il dit ?

14 M. Curtis (interprétation). - Il m'a demandé si, oui ou non, je

15 savais si les autorités croates -qui étaient en train de prendre le

16 contrôle de la région- étaient à même de lui proposer des dédommagements

17 ou de lui racheter sa propriété.

18 M. Niemann (interprétation). - Que lui avez-vous dit alors ?

19 M. Curtis (interprétation). - J’ai dit que je n'étais pas à même

20 de répondre à cette question, que je n'étais pas au courant des

21 dispositions qui avaient été prises concernant ce type de questions.

22 Ensuite j'ai dit : "Au vu de la situation qui était la vôtre à Vukovar,

23 n'avez-vous pas été à même de rentrer en contact avec le général Klein ?".

24 M. Niemann (interprétation). - Que vous a-t-il répondu ?

25 M. Curtis (interprétation). - Il m'a dit qu'il avait rencontré

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1 le général klein, puisqu'il était anciennement le maire de Vukovar, qu'il

2 avait régulièrement rencontré M. Klein, mais que dans la situation

3 actuelle il ne pouvait même plus l'appeler.

4 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous poursuivi l'entretien ?

5 M. Curtis (interprétation). - Je lui ai demandé s'il avait

6 essayé d'appeler le général Klein. Il m'a répondu que non. J'ai saisi

7 cette occasion qui s’offrait à moi et je lui ai dit que je pourrais

8 l'aider à rentrer en contact avec le général Klein, que je me rendrais au

9 bureau du général Klein cet même après-midi et que j'essayerai de préparer

10 un rendez-vous, d'établir une

11 heure de rendez-vous.

12 M. Niemann (interprétation). - Quelle a été sa réaction lorsque

13 vous lui avez dit cela ?

14 M. Curtis (interprétation). - Il était un peu préoccupé parce

15 qu'il a dit qu'il était bien conscient qu'il était l'objet d'un acte

16 d'accusation émis par les autorités de Croatie, qu'il était poursuivi pour

17 des crimes de guerre. Il avait peur d'entrer en contact avec les autorités

18 croates, ou la police croate, au moment de traverser la frontière.

19 M. Niemann (interprétation). - Que lui avez-vous dit ?

20 M. Curtis (interprétation). - Je lui ai dit que, lorsque je me

21 rendrais au bureau de M.Klein, je ne manquerais pas de souligner cet

22 aspect de la question et que nous verrions alors ce qui pourrait être

23 fait.

24 M. Niemann (interprétation). - Lui avez-vous dit quoi que ce

25 soit d'autre concernant cette affaire ?

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1 M. Curtis (interprétation). - Je n’étais pas à même de dire quoi

2 que ce soit d'autre parce que c'est alors que je me suis rendu au bureau

3 de M. Klein pour entamer les négociations.

4 M. Niemann (interprétation). - Qu'avez-vous fait alors ?

5 M. Curtis (interprétation). - Je suis parti de chez

6 M. Dokmanovic vers Vukovar où se trouve le quartier général de l’ATNUSO.

7 C’est alors que je suis rentré en contact avec d'autres membres du bureau

8 du Procureur et avec l'état-major de l’ATNUSO.

9 M. Niemann (interprétation). - Suite à ces rencontres avec les

10 représentants du bureau du Procureur et de l'état-major de l’ATNUSO,

11 quelles décisions ont été prises ?

12 M. Curtis (interprétation). - M. Dokmanovic était surtout

13 soucieux de ce qui allait arriver des biens qui se trouvaient à Trpinja.

14 Je pensais que c'était peut-être une bonne idée d'essayer d'aborder le

15 sujet avec M. Dokmanovic. Je pensais qu'il allait peut-être poser des

16 questions concernant toutes les propriétés serbes qui se trouvaient en

17 Croatie. Je pensais que

18 peut-être ce sujet-là pouvait nous permettre de le faire venir à une

19 réunion.

20 M. Niemann (interprétation). - En avez-vous fait part à

21 M. Dokmanovic ?

22 M. Curtis (interprétation). - Au cours des réunions qui ont eu

23 lieu l'après-midi avec les membres de l’ATNUSO, nous nous sommes arrangés

24 pour que je puisse retourner voir M. Dokmanovic le 25 juin. Nous nous

25 sommes mis d'accord pour que je lui donne un morceau de papier sur lequel

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1 figurerait le nom de M. Michael Hryshchyshyn, l'un des membres de l'équipe

2 de M. Klein. Nous nous sommes mis d'accord pour que je demande à

3 M. Dokmanovic qu'il appelle M. Hryshchyshyn à 10 heures 15 le matin

4 suivant.

5 M. Niemann (interprétation). - Pouvez-vous décrire ce morceau de

6 papier ?

7 M. Curtis (interprétation). - C'était une feuille identique à

8 celle-ci, mais d'une taille un peu plus grande.

9 M. Niemann (interprétation). - Je voudrais que cette pièce soit

10 versée, en tant que pièce de l'accusation numéro 2, et qu'elle soit

11 montrée au témoin. Monsieur Curtis, reconnaissez-vous ce morceau de

12 papier ?

13 M. Curtis (interprétation). - Oui, il s'agit du papier que j'ai

14 donné à M. Dokmanovic.

15 M. Niemann (interprétation). - Que s’est-il produit alors ?

16 M. Curtis (interprétation). - Nous avons essayé de tout revoir

17 dans le détail pour savoir ce qui allait se passer le lendemain, lorsque

18 je retournerais voir M. Dokmanovic. Je suis arrivé chez lui à 10 heures 05

19 le matin suivant et lorsque j'y suis arrivé, bien sûr, nous nous sommes

20 salués. M. Dokmanovic a préparé du café. J'ai dit que j'avais un certain

21 nombre de choses à lui communiquer et je lui ai expliqué que

22 Michael Hryshchyshyn attendait son coup de fil à 10 heures 15.

23 M. Niemann (interprétation). - Qu'avez-vous fait de ce morceau

24 de papier, la pièce de l'accusation numéro 2 ?

25 M. Curtis (interprétation). - Je l'ai donné à M. Dokmanovic,

Page 176

1 puis il a apporté le café, il a été chercher le téléphone qui se trouvait

2 dans une autre pièce et l'a branché dans la pièce où je me trouvais.

3 M. Niemann (interprétation). - Outre vous-même et M. Dokmanovic,

4 qui se trouvait dans cette pièce ?

5 M. Curtis (interprétation). - Mon interprète.

6 M. Niemann (interprétation). - Y avait-il quelqu'un d'autre ?

7 M. Curtis (interprétation). - Non.

8 M. Niemann (interprétation). - Que s’est-il passé ?

9 M. Curtis (interprétation). - Vers 10 heures 20, M. Dokmanovic

10 n'avait toujours pas passé ce coup de fil. Je lui ai dit : "Souhaitez-vous

11 d'abord que nous procédions à l'entretien ou voulez-vous d'abord

12 appeler ?" Il m'a répondu : "Je n'ai rien à perdre, je n'ai qu'à appeler."

13 C'est ce qu'il a fait.

14 M. Niemann (interprétation). - Etiez-vous présent au cours de

15 cet entretien téléphonique ?

16 M. Curtis (interprétation). - Oui.

17 M. Niemann (interprétation). - Etait-il interprété en votre

18 présence ?

19 M. Curtis (interprétation). - Non.

20 M. Niemann (interprétation). - Combien de temps a duré cet

21 entretien téléphonique ?

22 M. Curtis (interprétation). - C'est difficile à dire, pas plus

23 de cinq minutes. Mais je ne peux pas être précis sur ce point.

24 M. Niemann (interprétation). - Y avait-il une conversation

25 réelle ?

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1 M. Curtis (interprétation). - Oui.

2 M. Niemann (interprétation). - C'était une conversation qui se

3 tenait en serbe ?

4 M. Curtis (interprétation). - Oui, je le pense.

5 M. Niemann (interprétation). - Vous ne parlez pas serbe vous-

6 même ?

7 M. Curtis (interprétation). - Non, en effet.

8 M. Niemann (interprétation). - Après la fin de cet entretien

9 téléphonique, M. Dokmanovic vous a-t-il dit quoi que ce soit ?

10 M. Curtis (interprétation). - Au cours de la conversation, il

11 avait l'air tout à fait confiant, très heureux. Après cet entretien, il

12 s'est tourné vers moi, a souri, m'a tendu la main et m'a dit merci en

13 anglais. Nous n'avons pas pu parler de cela à ce moment précis.

14 M. Niemann (interprétation). - Que s’est-il passé au cours de la

15 journée ?

16 M. Curtis (interprétation). - Nous avons continué l'entretien

17 que nous avions entamé le jour précédent.

18 M. Niemann (interprétation). - Cet entretien est-il arrivé à son

19 terme ?

20 M. Curtis (interprétation). - Oui. A la fin de l'entretien, je

21 lui ai déclaré qu'il me faudrait le revoir afin que nous puissions

22 procéder à la relecture et à la signature de cet entretien. Je lui ai dit

23 que peut-être le vendredi était le bon moment pour le faire.

24 M. Niemann (interprétation). - Saviez-vous que quelque chose

25 était prévu pour le vendredi après-midi ?

Page 178

1 M. Curtis (interprétation). - Oui, j'étais conscient qu'au

2 départ, notre projet était que la réunion avec le général Klein ait lieu

3 vers 15 heures le vendredi après-midi.

4 M. Niemann (interprétation). - Ceci dit, vous avez proposé le

5 mardi après-midi pour faire toutes les démarches ?

6 M. Curtis (interprétation). - Oui, en effet.

7 M. Niemann (interprétation). - Que vous a-t-il dit ?

8 M. Curtis (interprétation). - Il a dit : "Le vendredi soir,

9 lorsque j'aurai terminé avec le général Klein."

10 M. Niemann (interprétation). - Qu'avez-vous fait alors ?

11 M. Curtis (interprétation). - J'ai laissé M. Dokmanovic. Je suis

12 revenu à Vukovar, au quartier général de l'ATNUSO, où nous avons tenu une

13 réunion. J'y ai donné mon interprétation des événements et nous les avons

14 confrontés avec ce qui s'était passé à Vukovar, au cours de l'entretien

15 téléphonique.

16 M. Niemann (interprétation). - Quelle était la conclusion de

17 cette réunion ?

18 M. Curtis (interprétation). - Nous avons établi les plans qui

19 nous permettraient de procéder à l'arrestation de M. Dokmanovic, une fois

20 que nous allions nous trouver dans la région sous contrôle de l'ATNUSO, le

21 vendredi suivant.

22 M. Niemann (interprétation). - Lors des deux réunions que vous

23 avez eues avec M. Dokmanovic, a-t-il, à quelque moment que ce soit, essayé

24 d'obtenir des garanties de votre part concernant son arrestation et

25 s'assurant qu'il ne serait pas arrêté ?

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1 M. Curtis (interprétation). - La seule chose qu'il a dite est

2 qu'il ne souhaitait en aucun cas entrer en contact avec les représentants

3 des autorités croates.

4 M. Niemann (interprétation). - Qu'avez-vous répondu à cela ?

5 M. Curtis (interprétation). - Comme je l'ai dit, je lui ai

6 simplement signalé que j'en ferais part à l'ATNUSO, lors de la préparation

7 de la réunion qui allait avoir lieu.

8 M. Niemann (interprétation). - Que faisiez-vous le vendredi

9 27 juin ?

10 M. Curtis (interprétation). - Etant donné que la réunion avec

11 M. Dokmanovic était prévue pour 15 heures, quelque temps auparavant moi-

12 même et d'autres membres du bureau du Procureur nous sommes rendus à la

13 base des Nations Unies qui se trouve à Erdut. C'est une base qui se trouve

14 dans la région contrôlée par l'ATNUSO.

15 M. Niemann (interprétation). - Qu'avez-vous fait lorsque vous

16 êtes arrivé à Erdut ?

17 M. Curtis (interprétation). - Vers 14 heures 45, le convoi

18 constitué de trois véhicules qui allait chercher M. Dokmanovic à la

19 frontière est parti. Moi-même, je me suis placé

20 de telle sorte que M. Dokmanovic ne puisse pas me voir. Je me suis placé

21 dans un véhicule qui se trouvait un peu plus loin de la base.

22 M. Niemann (interprétation). - Que s’est-il passé alors ?

23 M. Curtis (interprétation). - Je ne me souviens plus très bien

24 des heures précises, mais vers 15 heures, j'ai aperçu le premier véhicule

25 du convoi qui était parti chercher M. Dokmanovic. J'ai vu ce véhicule

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1 arriver sur la base, suivi de très près par un second véhicule. Il

2 s'agissait d'un véhicule avec des vitres teintées.

3 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous avez vu ce second

4 véhicule arrivé sur la base, que s'est-il produit ?

5 M. Curtis (interprétation). - Très rapidement, un certain nombre

6 d'hommes armés et masqués ont entouré ce véhicule et la portière du

7 passager à l'arrière du véhicule, là où se trouvait M. Dokmanovic, a été

8 ouverte. M. Dokmanovic a été extirpé du véhicule. Puis il est passé vers

9 ma gauche. J'étais aussi du côté de cette portière. On l'a emmené près de

10 la porte d'un bâtiment qui se trouvait là.

11 M. Niemann (interprétation). - Que s’est-il passé ?

12 M. Curtis (interprétation). - Je ne sais plus si on l'a d'abord

13 menotté ou s'il l'a été par la suite. Ce qui est certain, c'est qu'on l'a

14 fouillé. Les officiers l'ont fouillé.

15 M. Niemann (interprétation). - Brièvement, pouvez-vous ensuite

16 nous raconter ce qui s'est passé ?

17 M. Curtis (interprétation). - L'un de mes collègues est arrivé

18 près du véhicule et a apporté la veste qui devait appartenir à

19 M. Dokmanovic. Il y avait également une petite mallette. On m'a dit que

20 c'était la mallette de M. Dokmanovic.

21 M. Niemann (interprétation). - A-t-on fouillé cette mallette ?

22 M. Curtis (interprétation). - A ce moment précis, non, parce que

23 la procédure normale était que je me saisisse de ces deux objets pour

24 ensuite les fouiller en arrivant à la

25 prison.

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1 M. Niemann (interprétation). - Que s’est-il passé ensuite ?

2 M. Curtis (interprétation). - Même si je ne pouvais pas

3 entendre, j'étais conscient qu'un de mes collègues et un interprète

4 étaient en train de lui faire la lecture de ses droits.

5 M. Niemann (interprétation). - Après la lecture de ses droits,

6 que s'est-il passé ?

7 M. Curtis (interprétation). - Le convoi s'est rendu à l'aéroport

8 de Cerpin.

9 M. Niemann (interprétation). - Une fois arrivé, que s'est-il

10 produit ?

11 M. Curtis (interprétation). - M. Dokmanovic a subi un examen

12 médical. Pendant qu'il était soumis à cet examen, je suis monté dans

13 l'avion qui attendait de nous emmener à La Haye ; j'ai décidé qui allait

14 s'asseoir où, dans cet avion, au cours du voyage.

15 M. Niemann (interprétation). - Ensuite, vous êtes partis pour

16 La Haye, n'est-ce pas ?

17 M. Curtis (interprétation). - Après l'examen médical, nous

18 sommes tous montés dans l'avion ; arrivés à La Haye, M. Dokmanovic a été

19 pris en charge par des officiers de police néerlandais qui l'ont emmené à

20 l'unité de détention de Scheveningen.

21 M. Niemann (interprétation). - Qu'avez-vous fait par la suite ?

22 M. Curtis (interprétation). - Je n'ai pas pris part à ce qui

23 s'est passé ensuite. Simplement, une fois à la prison, j'ai fouillé les

24 deux objets qui appartenaient à M. Dokmanovic et je l'ai fait sous les

25 yeux des officiers qui se trouvaient là.

Page 182

1 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous dites que vous avez

2 fouillé ces deux objets, qu'avez-vous fouillé exactement ?

3 M. Curtis (interprétation). - J'ai fouillé la veste qui lui

4 appartenait et j'ai également regardé ce que contenait sa mallette.

5 M. Niemann (interprétation). - Cela vous a-t-il permis de

6 découvrir quoi que ce soit ?

7 M. Curtis (interprétation). - Il y avait un portefeuille, des

8 papiers divers qui se trouvaient dans sa veste. Dans la mallette, il y

9 avait un certain nombre d'objets : des documents, deux sacs en plastique

10 et puis un Magnum 3.57 chargé ; c'est une arme de poing.

11 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous examiné cette arme ?

12 M. Curtis (interprétation). - Oui, mais je ne m'y connais pas

13 tellement. Je l'ai examinée avec un des experts de l'équipe balistique qui

14 se trouve à la prison.

15 M. Niemann (interprétation). - A la suite de cet examen,

16 qu'avez-vous découvert concernant cette arme ?

17 M. Curtis (interprétation). - Nous avons vu que c'était un

18 barillet à six coups et que c'était un revolver yougoslave.

19 M. Niemann (interprétation). - Madame la Présidente, je n'ai

20 plus de question à poser.

21 Mme la Présidente (interprétation) - Nous allons lever la séance

22 et nous reprendrons à 14 heures 30.

23 Maître Niemann, je pense que vous aurez terminé dans le courant

24 de la journée : vous n'avez plus que deux témoins à citer.

25 M. Niemann (interprétation). - En effet, je pense que ce sera

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1 assez bref.

2 Mme la Présidente (interprétation) - Eh bien, nous levons la

3 séance.

4 (La séance est suspendue à 13 heures.)

5 (L'audience est reprise à 14 heures 35.)

6 Mme la Présidente (interprétation). - Monsieur Niemann.

7 M. Niemann (interprétation). - Madame la Présidente, avant de

8 commencer, nous avons eu l'occasion d'examiner les pièces qui ont été

9 soumises ce matin et nous avons des objections sur deux d'entre elles.

10 Elles sont enregistrées sous la cote D 10 pour la déclaration destinée au

11 public et aux médias et la pièce D 11 intitulée "Réaction sur

12 l'arrestation de M. Slavko Dokmanovic". Nous ne voyons pas la pertinence

13 de ces documents. Nous n'avons pas d'autres objections sur les autres

14 documents.

15 Mme la Présidente (interprétation). - Maître, quelle est votre

16 réponse aux objections soulevées pour les documents D 10 et D 11 ? Le

17 bureau du Procureur dit qu'il ne voit pas la pertinence de ces documents.

18 Mme Lopicic (interprétation). - Je voudrais déclarer que ces

19 deux pièces sont apparues concernant l'arrestation illégale qui a eu lieu

20 le 27 juin 1997. Ce sont des déclarations de différentes associations et

21 leur opinion sur l'arrestation de M. Dokmanovic, qui a eu lieu le 27 juin.

22 C'est très important pour la défense ; et pour vous, Madame la Présidente,

23 il est très important de voir ces réactions à Vukovar, en Croatie et en

24 Yougoslavie.

25 Mme la Présidente (interprétation). - Le Tribunal n'est pas

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1 concerné par toute réaction venant du public.

2 Monsieur Fila, je suis désolée : nous ne pouvons pas parler tous

3 les deux en même temps. Vendredi, il a été fait mention de la déclaration

4 du Procureur sur l'arrestation de M. Dokmanovic. Là, je dis la même

5 chose : il s'agit de ce que dit le Procureur et des documents reprenant

6 ses conversations avec la presse. Cela n'a aucune pertinence dans ces

7 débats actuels. Nous discutons ici pour savoir si l'arrestation de

8 M. Dokmanovic a été légale ou non, si ses droits ont été violés. Ce sont

9 des questions juridiques auxquelles on peut apporter une réponse selon les

10 preuves que nous examinons pendant cette audience ; non parce qu'un groupe

11 de

12 personnes un peu extérieures à l'affaire ou d'autres autorités peuvent

13 considérer comme étant illégal ou non. Ce n'est pas une déclaration de la

14 Croatie, ce n'est pas non plus une déclaration de la République fédérale

15 de Yougoslavie. Par conséquent, ce n'est pas pertinent.

16 Mme Lopicic (interprétation). - Près de 50 000 personnes ont

17 quitté la région au moment de l'arrestation ; c'est donc très important.

18 Il faut signaler que ces Serbes devraient pouvoir rester dans cette

19 région. Donc, cela a un rapport direct avec cette déclaration.

20 Mme la Présidente (interprétation). - Avez-vous fini,

21 Mme Lopicic ?

22 Mme Lopicic (interprétation). - Non. Je voudrais dire également

23 qu'il y a eu des protestations contre cette arrestation. Le ministre des

24 Affaires étrangères de la République fédérale de Yougoslavie a protesté

25 contre cette arrestation ; je voudrais le signaler. Vous avez d'ailleurs

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1 ce document.

2 M. Niemann (interprétation). - Cette déclaration n'est pas

3 incluse dans les pièces D 10 et D 11. Le fait que 50 000 personnes ont

4 quitté la région à la suite de l'arrestation de M. Dokmanovic n'est pas

5 prouvé ; je crois qu'il n'y a aucun élément qui vient appuyer ce fait.

6 Mme la Présidente (interprétation). - Je voudrais retenir

7 l'objection. Veuillez m'excuser un instant. Je voudrais retenir

8 l'objection en ce qui concerne la pièce D 10 et la pièce D 11. Ces deux

9 pièces ne seront pas retenues et ne seront pas versées au dossier.

10 Maître Fila ou Maître Lopicic, voulez-vous contre-interroger le

11 témoin ?

12 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)

13 Maître Fila, vous pouvez poursuivre.

14 M. Fila (interprétation). - Monsieur Curtis, mon nom est

15 Toma Fila. Je suis le conseil de la défense pour M. Dokmanovic. Je

16 voudrais vous poser quelques questions. Savez-vous où se situe la

17 frontière entre la Croatie et la République fédérale de Yougoslavie par

18 rapport au pont ou sur le pont ?

19 M. Curtis (interprétation). - Eh bien, la frontière est sur le

20 côté serbe. Je connais

21 l'emplacement des deux frontières.

22 Savez-vous que Sombor est sur le territoire de la République

23 fédérale de Yougoslavie et non pas sur le territoire de l’ATNUSO ?

24 M. Curtis (interprétation). - Je ne sais pas.

25 M. Fila (interprétation). - Pensez-vous donc que Sombor, lieu de

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1 vie de Slavko Dokmanovic, est sur le territoire contrôlé par l’ATNUSO ?

2 Lorsque vous l'avez rencontré, vous avez pris un café avec lui, vous avez

3 été chez lui, vous avez rencontré sa femme, était-ce sur le territoire de

4 l’ATNUSO ?

5 M. Curtis (interprétation). - Désolé, quand j'ai dit Sombor, je

6 pensais que vous aviez parlé d'autre chose. Oui, je savais que Sombor

7 était en République fédérale de Yougoslavie.

8 M. Fila (interprétation). - Sombor ?

9 M. Curtis (interprétation). - Oui.

10 M. Fila (interprétation). - Est-ce une zone de compétence pour

11 l’ATNUSO ?

12 M. Curtis (interprétation). - Non.

13 M. Fila (interprétation). - Travailliez-vous pour le bureau de

14 Belgrade, du Tribunal de La Haye, ou pour le bureau de Zagreb, ou pour le

15 bureau bosniaque ?

16 M. Curtis (interprétation). - Je travaille pour le bureau du

17 Procureur du Tribunal.

18 M. Fila (interprétation). - Donc vous n'avez aucun lien direct

19 avec les bureaux de Belgrade, de Zagreb ou de Sarajevo ?

20 M. Curtis (interprétation). - Le bureau du Procureur est lié à

21 tous les bureaux locaux.

22 M. Fila (interprétation). - Très bien. Vous vous êtes rendu sur

23 le territoire de Yougoslavie, puisque vous êtes bien d'accord avec moi

24 qu'il s'agit du territoire yougoslave. Avez-vous demandé un permis à toute

25 autorité du pays afin de mener une enquête ou d'arrêter

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1 les gens ? Vous pouvez utiliser le terme que vous voulez.

2 M. Curtis (interprétation). - Pour autant que je sache, le camp

3 yougoslave doit coopérer avec nous.

4 M. Fila (interprétation). - Monsieur Curtis, je ne veux pas

5 savoir ce que vous savez. Avez-vous demandé cette licence ? Avez-vous

6 demandé une coopération aux autorités yougoslaves lorsque vous êtes entré

7 dans la maison ou dans l'appartement de M. Dokmanovic ?

8 M. Curtis (interprétation). - Non, j'y étais invité par

9 M. Dokmanovic. Je n'ai pas eu de permission spéciale.

10 M. Fila (interprétation). - Avez-vous dit à M. Dokmanovic que

11 vous vous rendiez là-bas pour le tromper et pour l’attirer sur le

12 territoire de la Croatie ?

13 M. Curtis (interprétation). - Bien sûr que non !

14 M. Fila (interprétation). - Est-ce que vous connaissiez à

15 l'avance le contenu de la conversation qu'il allait avoir avec

16 M. Hryshchyshyn ?

17 M. Curtis (interprétation). - Oui, plus ou moins.

18 M. Fila (interprétation). - Que devait-il lui dire ?

19 M. Curtis (interprétation). - Je ne connaissais que certains

20 détails de ce qui allait être dit. Je savais qu'il était prévu d'organiser

21 une rencontre avec le général Klein, à 3 heures ou 3 heures 30, le

22 vendredi 27 juin. J'ai invité M. Dokmanovic à se rendre à cette réunion.

23 M. Fila (interprétation). - Devait-on donner des garanties à

24 M. Dokmanovic qu'il pourrait se rendre là-bas et surtout revenir ?

25 M. Curtis (interprétation). - Nous n'en avons jamais parlé

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1 puisqu'il ne devait pas revenir.

2 M. Fila (interprétation). - Je sais, je sais pourquoi vous vous

3 êtes rendu chez lui. Mais ma question est : est-ce que vous lui avez dit

4 ou est-ce que M. Hryshchyshyn -c'est très difficile pour moi de prononcer

5 ce nom- lui a assuré qu'il obtiendrait un sauf-conduit ?

6 M. Curtis (interprétation). - C’est M. Hryshchyshyn et, pour

7 autant que je sache, il n'avait pas l'intention de lui offrir cette

8 possibilité.

9 M. Fila (interprétation). - L’a-t-il garanti, je ne sais pas

10 s'il en avait l'intention ? Mais l’a-t-il fait ? Lui a-t-il donné des

11 garanties ? Si vous ne savez pas, très bien. Je retirerai la question.

12 Saviez-vous que le véhicule que vous utilisiez était le véhicule

13 utilisé personnellement par M. Klein ?

14 M. Curtis (interprétation). - Je ne sais pas. Je n'en suis pas

15 sûr. Je crois, mais je n'en suis pas sûr.

16 M. Fila (interprétation). - De quel territoire s'agissait-il, de

17 la Croatie ou de la Yougoslavie, à l'endroit ou le véhicule s'est arrêté ?

18 De quel côté du Danube se trouvait ce véhicule ?

19 M. Curtis (interprétation). - D quoi parlez-vous lorsque vous

20 dites : s’est arrêté ?

21 M. Fila (interprétation). - Avant que M. Dokmanovic n'entre dans

22 le véhicule, celui qui attendait son arrivée.

23 M. Curtis (interprétation). - Comme je l'ai déjà dit, j'étais à

24 la base des Nations Unies et donc je ne peux pas le dire.

25 M. Fila (interprétation). - Très bien. Avez-vous proposé à

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1 M. Dokmanovic que les véhicules viennent le chercher à Sombor ? Chez lui

2 donc !

3 M. Curtis (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne me suis pas

4 mêlé de l'organisation même, et surtout de ce qui a été conclu entre lui

5 et M. Hryshchyshyn. J'étais avec lui, chez lui, lorsque cette conversation

6 a eu lieu.

7 M. Fila (interprétation). - Si je vous ai bien compris, vous ne

8 connaissez pas le contenu de cette conversation ?

9 M. Curtis (interprétation). - Non.

10 M. Fila (interprétation). - Très bien. Quand avez-vous eu

11 exactement connaissance de la mise en accusation ? Je ne demande pas la

12 date exacte. Dites-moi si c’était en 1996 ou en 1997 ?

13 M. Curtis (interprétation). - En 1996.

14 M. Fila (interprétation). - 1996. Et à quel moment, lorsqu'il

15 était encore à Vukovar ou après son départ ?

16 M. Curtis (interprétation). - Je ne me rappelle plus exactement.

17 Je ne sais pas quand j’ai eu connaissance de cette information.

18 M. Fila (interprétation). - Est-ce que vous pourriez essayer

19 d’être plus précis ? Etait-ce durant l’été, durant l’hiver 1996 ?

20 M. Curtis (interprétation). - Puisque cela a été émis en avril,

21 il n’y a donc rien eu, pas quand j'ai eu connaissance de cette

22 information.

23 M. Fila (interprétation). - Pourriez-vous essayer d'être plus

24 précis ? Etait-ce durant l'été, durant l'hiver 1996 ? Puisque cela a été

25 émis en avril, il n'y a donc rien eu en avril ?

Page 190

1 M. Curtis (interprétation). - Non, je ne peux pas être plus

2 précis. Je sais que j'ai commencé à travailler sur l'arrestation de

3 M. Dokmanovic en janvier 1997.

4 M. Fila (interprétation). - Dernière question, car je ne veux

5 pas prendre plus de temps : l'interprète, dont le nom n'a pas été révélé,

6 a-t-il travaillé pour vous à cette occasion ? A-t-il interprété quoi que

7 ce soit pour vous lorsque vous avez rendu visite à M. Dokmanovic et

8 lorsque vous lui avez donné la petite note jaune ? Y a-t-il eu des

9 conversations entre vous et M. Dokmanovic ?

10 M. Curtis (interprétation). - Parlez-vous de son récit de la

11 conversation téléphonique qu'il m'aurait fait ?

12 M. Fila (interprétation). - Oui, plus ou moins. Vous a-t-il dit

13 quelque chose après avoir raccroché le téléphone ? Lorsque M. Niemann vous

14 l'a demandé, vous avez dit que c'était

15 une véritable conversation au téléphone. Vous a-t-il dit quelque chose ?

16 M. Curtis (interprétation). - Nous n'en avons pas parlé.

17 M. Fila (interprétation). - Donc, vous n'en avez pas parlé ?

18 M. Curtis (interprétation). - Exact.

19 M. Fila (interprétation). - De qui est l'écriture sur le papier

20 jaune ? Qui a écrit le papier jaune ?

21 M. Curtis (interprétation). - Tout ce que je peux dire, c'est

22 que ce n'est pas mon écriture. J'étais présent lorsque cette note a été

23 écrite. Puisque je suis sous serment, je ne veux pas dire qui l'a écrite,

24 mais, en regardant ce morceau de papier, je vois deux écritures

25 différentes, mais je n'ai rien écrit sur ce papier.

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1 M. Fila (interprétation). - Donc, ce n'est pas votre écriture.

2 Est-ce qu'une de ces écritures est celle de M. Hryshchyshyn ? Les autres

3 personnes ne m'intéressent pas.

4 M. Curtis (interprétation). - Je ne peux pas répondre avec

5 certitude parce que M. Hryshchyshyn aurait été présent. Je suppose que,

6 dans des conditions normales, c'est moi qui aurais écrit le numéro de

7 téléphone. En fait, quelqu'un a écrit ces différents numéros de téléphone

8 pour moi.

9 M. Fila (interprétation). - Puisque M. Hryshchyshyn était

10 présent, vous a-t-il dit pourquoi il vous donnait ce papier à vous ?

11 M. Curtis (interprétation). - Disons que c'était la manière dont

12 j'envisageais de faire les choses.

13 M. Fila (interprétation). - Vous a-t-il dit —là, je ne veux pas

14 votre impression, mais des faits— : "Dites-lui de m'appeler : je lui dirai

15 de venir, etc." ?

16 M. Curtis (interprétation). - Nous nous sommes mis d'accord sur

17 la chose suivante : la manière dont M. Dokmanovic allait s'entretenir avec

18 M. Hryshchyshyn était que je donnerais à M. Dokmanovic le papier et que

19 M. Dokmanovic allait appeler M. Hryshchyshin en

20 ma présence.

21 M. Fila (interprétation). - Vous n'avez pas parlé du contenu de

22 cette conversation avec M. Hryshchyshyn avant la conversation

23 téléphonique ?

24 M. Curtis (interprétation). - Eh bien, ils étaient censés parler

25 de la visite de M. Dokmanovic dans la zone de l'ATNUSO ou dans la région

Page 192

1 où il pourrait rencontrer le général Klein.

2 M. Fila (interprétation). - Ce qui, en fait, allait être un

3 mensonge, n'est-ce pas ?

4 M. Curtis (interprétation). - Je ne sais pas de quoi ils ont

5 véritablement parlé parce que je n'ai pas pu entendre moi-même la

6 conversation.

7 M. Fila (interprétation). - Mais le fait qu'il n'ait pu

8 s'entretenir avec M. Klein à Vukovar à 15 heures montre que c'était un

9 mensonge, n'est-ce pas ?

10 M. Curtis (interprétation). - Le fait est qu'il n'a pas pu

11 rencontrer le général Klein parce qu'il a été arrêté.

12 M. Fila (interprétation). - Oui, nous le savons : il a été

13 arrêté et c'est pourquoi nous sommes ici. Cela ne veut-il pas dire que

14 M. Hryshchyshyn lui a menti ? Pourquoi est-ce une question si difficile ?

15 M. Curtis (interprétation). - Comme je vous l'ai dit, toutes les

16 conversations qui ont eu lieu entre M. Dokmanovic et M. Hryshchyshyn me

17 sont inconnues. Je ne peux pas répondre à ces questions.

18 M. Fila (interprétation). - Je lui demanderai lorsqu'il sera là,

19 mais je vous repose la question. Essayez-vous de nous faire croire que

20 vous êtes reparti après et que vous n'avez pas reparlé à M. Hryschchyran,

21 que vous ne saviez pas quel était le contenu de la conversation

22 téléphonique entre M. Hryshchyshyn et M. Dokmanovic ?

23 M. Curtis (interprétation). - Je n'ai pas entendu cette

24 conversation. La seule chose que j'ai entendue, c'est la partie de

25 M. Dokmanovic de cette conversation.

Page 193

1 M. Fila (interprétation). - J'ai très bien compris ce que vous

2 voulez dire. J'ai compris, mais il y a eu toute une journée entre ces deux

3 événements, entre le mercredi 25 jusqu'à l'arrestation qui a eu lieu

4 le 27. Avez-vous parlé à M. Hryshchyshyn sur le contenu de la conversation

5 avec M. Dokmanovic ? Sinon, comment pouviez-vous préparer cette

6 embuscade ?

7 M. Curtis (interprétation). - C'était un effort commun entre

8 l'ATNUSO et le bureau du Procureur.

9 M. Fila (interprétation). - J'ai compris, mais je voudrais

10 savoir si M. Hryshchyshyn vous a dit, après votre retour, parlé de la

11 conversation téléphonique ?

12 M. Curtis (interprétation). - Il m'a dit que l'organisation de

13 l'entretien de M. Dokmanovic était faite et qu'il arriverait aux environs

14 de 3 heures, le vendredi.

15 M. Fila (interprétation). - Il n'a pas parlé du fait que

16 M. Dokmanovic aurait demandé des garanties ? Il ne vous a pas parlé du

17 fait qu'il allait envoyer un véhicule de l'ATNUSO pour lui ? Vous en a-t-

18 il parlé ou non ?

19 M. Curtis (interprétation). - Non.

20 M. Fila (interprétation). - Pourquoi, alors, M. Dokmanovic

21 n'est-il pas venu dans son propre véhicule puisqu'il est venu jusqu'au

22 pont dans son propre véhicule ? Il aurait dû parcourir un kilomètre et

23 demi de plus pour être sous votre juridiction. Pourquoi ?

24 M. Curtis (interprétation). - Je suis sous serment. Comme je

25 vous l'ai dit, M. Dokmanovic l'a dit : il était inquiet, il avait peur de

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1 la police croate et des autorités. Il avait peur que celles-ci ne

2 l'arrêtent puisqu'il était un criminel de guerre recherché par les

3 autorités croates. Il faut lui demander pourquoi il n'a pas utilisé son

4 propre véhicule.

5 M. Fila (interprétation). - Cela, je l'ai compris. Qu'est-ce que

6 le fait qu'il était préoccupé a à voir avec le fait que vous avez envoyé

7 des véhicules portant le symbole des Nations Unies ? Parce que de cette

8 manière, il n'y aurait pas de raison de s'inquiéter. Donc, quelle est la

9 raison pour ne pas lui avoir laissé prendre son propre véhicule ?

10 M. Curtis (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne peux pas

11 répondre à cette question.

12 M. Fila (interprétation). - Merci.

13 Mme la Présidente (interprétation). - Y a-t-il objection à ce

14 que M. Curtis puisse se retirer de façon définitive, M. Fila ?. A moins

15 que vous n'ayez l'intention de le rappeler à la barre, M. Curtis pourra se

16 retirer de façon définitive. Ou souhaitez-vous simplement qu'il soit à

17 votre disposition éventuellement ?

18 M. Fila (interprétation). - Je n'ai aucune intention de le

19 rappeler, de le ré-entendre. Il n'y a qu'un point sur lequel nous ne

20 sommes pas d'accord : ce sont les garanties. Et ce point demeure depuis le

21 début.

22 Mme la Présidente (interprétation). - Monsieur Curtis, vous

23 pouvez vous retirer de façon définitive. Merci d'être venu.

24 M. Curtis (interprétation). - Merci.

25 M. Niemann (interprétation). - J'appelle à la barre le témoin A,

Page 195

1 Madame la Présidente.

2 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

3 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Niemann, je vous

4 prierai de bien vouloir écrire le nom de ce témoin sur une feuille de

5 papier. Je vous prie de m'excuser encore une fois, j'ai oublié le nom sur

6 mon bureau, mais ce nom est, bien sûr, confidentiel. (S'adressant au

7 témoin) Monsieur, je vous demanderai de lire le texte du serment.

8 Témoin A (interprétation). - Je déclare solennellement que je

9 dirai la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

10 Mme la Présidente (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous

11 asseoir. Nous vous appellerons "témoin A" pendant la durée de cette

12 audience. L'accusation fait figurer votre nom sur un morceau de papier. Ce

13 papier va être montré d'abord à la défense. Monsieur l'huissier, vous

14 pouvez le mettre sous les yeux du témoin.

15 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le témoin A, vous est-il

16 arrivé, de temps en temps, de travailler en tant qu'interprète sur le

17 terrain, pour le bureau du Procureur de ce Tribunal ?

18 Témoin A (interprétation). - Dois-je répondre en anglais ou dans

19 ma langue maternelle ?

20 M. Niemann (interprétation). - Vous pouvez parler votre langue

21 maternelle, je crois.

22 Mme la Présidente (interprétation). - Tout dépend de ce qu'est

23 votre langue maternelle. Il faut, bien sûr, que nous puissions vous

24 fournir une interprétation.

25 Témoin A (interprétation). - Cela pourrait être le serbo-croate.

Page 196

1 Mme la Présidente (interprétation). - Si vous le voulez, c'est

2 possible.

3 Témoin A (interprétation). - C'est le serbo-croate.

4 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous entendu ma question ?

5 Témoin A (interprétation). - Oui. En effet, j'ai travaillé de

6 temps en temps pour le Tribunal.

7 M. Niemann (interprétation). - Le 24 juin de cette année,

8 travailliez-vous pour le bureau du Procureur, en tant qu'interprète sur le

9 terrain ?

10 Témoin A (interprétation). - Oui.

11 M. Niemann (interprétation). - Quelle était la nature de votre

12 activité professionnelle ?

13 Témoin A (interprétation). - Les quatre premiers jours, je ne

14 savais pas très bien quelle était la nature de mon emploi. On m'a dit que

15 quelque chose allait se produire, mais on ne m'a pas dit exactement quoi.

16 Jusqu'au mardi pratiquement, je ne savais pas ce qui se passait. Le mardi,

17 j'en ai été informé. Ce jour-là, nous sommes allés dans un camp de

18 l'ATNUSO où on m'a dit qu'il était question éventuellement d'arrêter

19 M. Dokmanovic. Dans le cadre de cette arrestation, je devais lui

20 interpréter ses droits, au cas où il serait éventuellement arrêté. Voilà

21 ce qui m'avait été demandé.

22 M. Niemann (interprétation). - Cela se passait le 24 juin 1997,

23 n'est-ce pas ?

24 Témoin A (interprétation). - Oui, je crois que c'était ce jour-

25 là.

Page 197

1 M. Niemann (interprétation). - Ce jour-là, vous avez donc reçu

2 des informations, mais le lendemain, le 25 juin 1997, qu'avez-vous fait ?

3 Témoin A (interprétation). - Le 25 juin, avec M. Williamson, je

4 me suis rendu au poste de commandement de l'ATNUSO à Vukovar. Nous sommes

5 entrés dans le bureau du général Klein où nous avons rencontré

6 M. Michael Hryshchyshyn et un autre homme. Je crois que le nom de ce

7 dernier était Roger Crispy*. Je ne suis pas sûr de Crispy, mais je suis

8 sûr pour Roger. Dans ce bureau, on m'a dit qu'aux alentours de 10 heures,

9 on attendait un appel de M. Dokmanovic et que je devais lui traduire ce

10 que M. Hryshchyshyn lui dirait et traduire à M. Hryshchyshyn les propos de

11 M. Dokmanovic. Je devais donc agir en tant qu'interprète au cours de cette

12 conversation.

13 M. Niemann (interprétation). - Connaissiez-vous les fonctions de

14 M. Hryshchyshyn à ce moment-là ?

15 Témoin A (interprétation). - Je crois qu'il était l'adjoint

16 exécutif du général Klein.

17 M. Niemann (interprétation). - Pour autant que vous le sachiez,

18 il travaillait pour l'ATNUSO, n'est-ce pas ?

19 Témoin A (interprétation). - Oui, pour autant que je le sache.

20 M. Niemann (interprétation). - Après 10 heures, le 25 juin 1997,

21 le téléphone a-t-il effectivement sonné ?

22 Témoin A (interprétation). - Oui, vers 10 heures 15, le

23 téléphone a sonné et M. Hryshchyshyn a pris l'écouteur. C'était

24 M. Dokmanovic qui appelait. M. Hryshchyshyn a dit à ce moment-là qu'il

25 allait s'exprimer avec l'aide d'un interprète, c'est-à-dire avec mon aide.

Page 198

1 M. Niemann (interprétation). - Pouvez-vous décrire le

2 téléphone ? Etait-ce un téléphone portable ou un téléphone classique ?

3 Témoin A (interprétation). - C'était un téléphone avec un micro.

4 M. Niemann (interprétation). - Le micro a-t-il fonctionné ?

5 Témoin A (interprétation). - Je crois que oui.

6 M. Niemann (interprétation). - Pouvez-vous, pour autant que vous

7 vous la rappeliez, nous relater la conversation que vous avez interprétée

8 entre M. Dokmanovic et M. Hryshchyshyn ?

9 Témoin A (interprétation). - Au début de cette conversation,

10 M. Hryshchyshyn a dit à M. Dokmanovic que cela faisait longtemps qu'ils ne

11 s'étaient pas vus et que le général Klein était disposé à rencontrer

12 M. Dokmanovic pour discuter du problème des biens appartenant aux Serbes

13 désireux de quitter la Slavonie orientale. M. Dokmanovic a donné son

14 accord. Il a accepté cette rencontre et rendez-vous a été pris pour

15 15 heures 30, le vendredi 27 juin 1997. Pour le reste, ils ont parlé du

16 transport et du voyage de M. Dokmanovic jusqu'au poste de commandement de

17 l'ATNUSO.

18 M. Niemann (interprétation). - Pouvez-vous nous donner des

19 détails au sujet des dispositions prises pour assurer le transport de

20 M. Dokmanovic, c'est-à-dire ce dont a discuté

21 M. Dokmanovic avec M. Hryshchyshyn ?

22 Témoin A (interprétation). - M. Hryshchyshyn a proposé un moyen

23 de transport à M. Dokmanovic, depuis Sombor -je crois que c'est bien de

24 Sombor qu'il est parti- jusqu'au poste de commandement de l'ATNUSO. Mais

25 M. Dokmanovic a annoncé qu'il viendrait avec son véhicule personnel

Page 199

1 jusqu'au pont de Bogojevo. Après quoi, M. Dokmanovic a demandé qu'une

2 voiture vienne le chercher et qu'elle l'attende sur le bord du pont, du

3 côté de Bogojevo. Il s'agit du pont qui relie Erdut de Bogojevo.

4 M. Niemann (interprétation). - Qu'est-ce que M. Hryshchyshyn a

5 alors dit en réponse aux propos de M. Dokmanovic ?

6 Témoin A (interprétation). - M. Hryshchyshyn a donné son accord.

7 M. Niemann (interprétation). - Y a-t- il eu d'autres discussions

8 entre eux que vous vous rappeliez, au sujet de cette rencontre qui devait

9 avoir lieu ?

10 Témoin A (interprétation). - Je ne me rappelle aucun détail

11 concret en rapport avec ce rendez-vous. Je sais que M. Hryshchyshyn a dit

12 qu'il possédait des photographies de M. Dokmanovic, d'une réunion

13 antérieure. Ne prenez pas ce que je suis en train de dire pour une

14 certitude, mais en tout cas il a été question de photos. Cet après-midi-

15 là, il fallait confirmer si M. Dokmanovic viendrait seul, dans son

16 véhicule personnel, jusqu'à Bogojevo. Il a confirmé qu'un ami à lui allait

17 l'amener jusqu'à la frontière, c’est-à-dire jusqu’à Bogojevo, en voiture.

18 M. Niemann (interprétation). - Vous rappelez-vous si, à un

19 moment quelconque, dans cette conversation que vous avez eue avec

20 M. Hryshchyshyn, ou au cours des conversations que vous avez eues avec

21 M. Dokmanovic plus tard dans l'après-midi, des garanties lui aient été

22 données quant à la sécurité et à la liberté de son transfert jusqu'au

23 poste de commandement de l’ATNUSO ?

24 Témoin A (interprétation). - Aucune garantie ne lui a été

25 fournie, en tout cas cela n'a pas été dit. M. Dokmanovic a insisté pour

Page 200

1 que la voiture l’attende sur le pont, mais du côté

2 de Bogojevo. Pour autant que je me rappelle, rien n'a été dit de concret.

3 Aucune garantie ne lui a été apportée quant à sa sécurité. En tout cas,

4 pas dans ces mots. Personne ne lui a dit : "Je garantis votre sécurité".

5 M. Niemann (interprétation). - Quel a été le rôle que vous avez

6 joué dans cette affaire, par la suite, après ces conversations du

7 mercredi 25 ?

8 Témoin A (interprétation). - En rapport avec l’affaire

9 Dokmanovic, nous avons attendu la suite des événements dans un camp

10 d'Erdut. Je m'y trouvais avec M. Vladimir Dzuro, un enquêteur, qui devait

11 lire ses droits à M. Dokmanovic. Le vendredi à 15 heures, j'étais sur

12 place et j'attendais tout simplement une éventuelle arrestation de

13 M. Dokmanovic.

14 M. Niemann (interprétation). - Il s'agit du vendredi

15 27 juin 1997, n'est-ce pas ?

16 Témoin A (interprétation). - Oui, le 27.

17 M. Niemann (interprétation). - Où vous trouviez-vous,

18 physiquement, à ce moment particulier, à ce moment précis ?

19 Témoin A (interprétation). - Nous étions dans le camp de

20 l’ATNUSO à Erdut. Nous circulions à l'intérieur des barrières, quelque

21 part dans le camp, au milieu du camp si vous voulez que je vous apporte

22 une précision supplémentaire.

23 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous vous êtes trouvé à

24 cet endroit, qu'avez-vous vu ou fait ?

25 Témoin A (interprétation). - A un moment donné, une Jeep est

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1 arrivée, deux personnes en sont sorties. J'ai demandé qui était

2 M. Dokmanovic, car je ne le connaissais pas de vue, je n'avais pas vu de

3 photographie de lui. On m'a donc montré M. Dokmanovic.

4 Après cela, le deuxième homme, qui était dans le véhicule

5 également, a été emmené plus loin. Je n'ai pas vu exactement où. Puis

6 M. Dokmanovic a été séparé des autres. M. Vladimir Dzuro et moi-même nous

7 sommes approchés de lui. Nous lui avons lu ses droits. En fait,

8 M. Vladimir Dzuro lui a lu ses droits et j'ai interprété.

9 M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas d'autre question,

10 Madame le Président.

11 Mme le Président (interprétation). - Maître Fila ?

12 M. Fila (interprétation). - Monsieur A, je m’appelle Toma Fila

13 et je défends M. Dokmanovic. M. Hryshchyshyn connaît-il le serbe ou le

14 serbo-croate si vous préférez, ou le bosniaque si c’est le terme populaire

15 aujourd’hui ?

16 Témoin A (interprétation). - Pour autant que je le sache, je ne

17 l'ai pas entendu parler cette langue, mais il en connaît peut-être

18 quelques mots car il est d'origine ukrainienne.

19 M. Fila (interprétation). - Bogojevo se trouve sur quel

20 territoire ?

21 Témoin A (interprétation). - Je ne sais pas.

22 M. Fila (interprétation). - Vous ne savez pas ?

23 Témoin A (interprétation). - Je ne sais pas. Mais, entre Erdut

24 et Bogojevo, quelque part se trouve la frontière, sans doute, au niveau du

25 pont. Mais je ne le sais pas exactement, car je n'ai jamais vécu dans

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1 cette région.

2 M. Fila (interprétation). - M. Klein était-il à Vukovar lorsque

3 vous avez parlé avec les représentants du bureau du Procureur ?

4 Témoin A (interprétation). - Non.

5 M. Fila (interprétation). - Donc ce rendez-vous à 15 heures

6 était impossible puisque M. Klein n’était pas là ?

7 Témoin A (interprétation). - Ecoutez, ne prenez pas tout ce que

8 je dis pour argent content, car ce n'était pas mon rôle d'intervenir dans

9 ces affaires. Mais M. Klein devait revenir normalement, je crois, d'un

10 rendez-vous important à New York le vendredi, et le vendredi il était là.

11 M. Fila (interprétation). - En d'autres termes, est-ce que

12 M. Klein avait été informé des dispositions qui avaient été prises avec le

13 représentant du bureau du Procureur ?

14 Témoin A (interprétation). - Je ne peux pas vous le dire

15 exactement, mais pour autant que je le sache, oui il était informé.

16 M. Fila (interprétation). - M. Dokmanovic se trouvait de l'autre

17 côté. Il pensait qu'il parlait en serbe avec M. Hryshchyshyn. En fait

18 c'est à vous qu'il parlait ?

19 Témoin A (interprétation). - Non. M. Hryshchyshyn a pris

20 l’écouteur. Je crois que M. Dokmanovic parle un peu l'anglais, en tout cas

21 un minimum. A ce moment-là, M. Hryshchyshyn a dit qu'il allait s'exprimer

22 avec l'aide de son interprète -c'est exactement ce qu'il a dit- donc avec

23 mon aide.

24 Témoin A (interprétation). - Oui, cela je l’avais compris.

25 J’avais compris ce que vous aviez déjà dit. Donc lorsque vous avez parlé

Page 203

1 des véhicules, ou du véhicule... Il n'y en avait qu'un, n'est-ce pas ?

2 Bon, d'accord je ne vous pose pas la question.

3 Mais quand il en a été question, est-ce qu’il vous a dit si ce

4 serait un véhicule ou des véhicules des Nations Unies ? Ou quel véhicule

5 ce serait qui irait du côté de Bogojevo ?

6 Témoin A (interprétation). - Je ne sais pas, mais je suppose

7 qu'il était entendu que ce serait des véhicules de l’ATNUSO. Aucun autre

8 véhicule ne pouvait circuler.

9 Témoin A (interprétation). - Est-ce que Bogujevo est dans la

10 juridiction ou sous la compétence de l’ATNUSO ?

11 Témoin A (interprétation). - Je crois que vous vous trompez

12 d'interlocuteur, Monsieur. Vous ne posez pas la question à la bonne

13 personne.

14 M. Fila (interprétation). - Mais vous avez entendu la question,

15 n'est-ce pas ?

16 Témoin A (interprétation). - Oui, mais je pense que vous vous

17 trompez de personne. Il vous faut trouver quelqu'un d'autre pour répondre

18 à cette question.

19 M. Fila (interprétation). - Merci, je n'ai pas d'autre question,

20 Madame le Président.

21 M. Niemann (interprétation). - Pas de question.

22 Mme Odio-Benito (interprétation). - Monsieur A, êtes-vous

23 interprète de profession ?

24 Témoin A (interprétation). - Non, je suis ingénieur. Mais j'ai

25 achevé des cours

Page 204

1 d'anglais et je travaille pour le Tribunal depuis le mois de mai 1996 en

2 tant qu'interprète sur le terrain.

3 Mme Odio-Benito (interprétation). - Merci.

4 Mme la Présidente (interprétation). - Travaillez-vous toujours

5 comme interprète sur le terrain ?

6 Témoin A (interprétation). - En tant qu'ingénieur ?

7 Mme la Présidente (interprétation). - Non, je posais la question

8 au sujet de l'interprétation pour le bureau du Procureur du Tribunal ?

9 Témoin A (interprétation). - Oui. Je viens de terminer une

10 mission, il y a quelques jours.

11 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Niemann, vous avez

12 d'autres questions ?

13 M. Niemann (interprétation). - Non.

14 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Fila ? Y a-t-il

15 objection à ce qu'on libère définitivement le témoin ?

16 M. Fila (interprétation). - Madame le Président, vous pouvez

17 remercier ce témoin. Mais l'objection est toujours la même, elle porte sur

18 le problème des garanties, les mêmes qu'avec le premier témoin. Il a bien

19 dû en entendre parler.

20 Mme la Présidente (interprétation). - Si vous avez l'intention

21 de témoigner, nous vous entendrons plus tard.

22 Bien, merci, Monsieur le témoin A. Vous pouvez disposer de façon

23 définitive.

24 (Le témoin est reconduit hors de la salle d'audience)

25 M. Niemann (interprétation). - Je cite à la barre

Page 205

1 Monsieur Hryshchyshyn.

2 Mme la Présidente (interprétation). - Combien de temps avez-vous

3 l'intention d'interroger M. Hryshchyshyn.

4 M. Niemann (interprétation). - Quinze minutes, 20 minutes,

5 Madame le Président.

6 Mme la Présidente (interprétation). - J'ai demandé au greffier,

7 Maître Fila et Maître Niemann, de venir s'expliquer au sujet des mandats

8 d'arrêts qui ont été émis. Il s'agit de la pièce à conviction D-13. Vous

9 vous rappelez, Maître Lopicic, que vous avez versé au dossier deux

10 documents dans le cadre de la pièce à conviction D-13 : un document en

11 serbo-croate et un document en anglais. J'ai demandé au greffier de venir

12 s'expliquer sur la teneur de ce document.

13 C'est la raison pour laquelle je vous ai demandé combien de

14 temps il vous fallait pour interroger ce témoin. Vous venez de dire quinze

15 minutes. Très bien, tout va bien.

16 M. Fila (interprétation). - Madame le Président, si

17 Maître Niemann en est d'accord, nous pouvons raccourcir les questions.

18 Demandez-lui simplement s'il a fourni et proposé des garanties et je

19 n'insisterai pas. Une seule question.

20 Mme la Présidente (interprétation). - J'aurai des questions

21 supplémentaires, cela ne fait aucun doute,mais j'apprécie votre aide.

22 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience)

23 M. le Greffier (interprétation). - Monsieur, nous vous demandons

24 de prêter serment sur la base du texte qui vient de vous être remis.

25 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je déclare solennellement

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1 que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

2 Mme la Présidente (interprétation). - Vous pouvez vous asseoir.

3 M. Niemann (interprétation). - Monsieur, pouvez-vous décliner

4 votre nom complet ?

5 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui, mon nom est Michael

6 Hryshchyshyn.

7 M. Niemann (interprétation). - Quelle est votre date de

8 naissance ?

9 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Le 4 septembre 1956.

10 M. Niemann (interprétation). - Au cours de cette année, avec qui

11 avez-vous travaillé ?

12 M. Hryshchyshyn (interprétation). - J'ai travaillé pour les

13 Nations Unies.

14 M. Niemann (interprétation). - En quel endroit ?

15 M. Hryshchyshyn (interprétation). - En Slavonie orientale, en

16 Croatie.

17 M. Niemann (interprétation). - Dans quel secteur exact des

18 Nations Unies ?

19 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Le département des

20 opérations de maintien de la paix.

21 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que l'organisation pour

22 laquelle vous avez travaillé en Slavonie orientale est communément connue

23 sous le nom d'ATNUSO ?

24 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui.

25 M. Niemann (interprétation). - Quelles étaient vos fonctions au

Page 207

1 sein des Nations Unies ?

2 M. Hryshchyshyn (interprétation). - J'étais l'assistant

3 militaire de l'administrateur transitoire.

4 M. Niemann (interprétation). - Qu'entend-on par administration

5 transitoire ?

6 M. Hryshchyshyn (interprétation). - L'administration transitoire

7 est le sous-secrétariat général qui dirige la mission de l'ATNUSO. C'est

8 en fait le chef de l'exécutif de cette organisation.

9 M. Niemann (interprétation). - En juin 1997, qui était

10 administrateur transitoire ?

11 M. Hryshchyshyn (interprétation). - C'était M. Klein.

12 M. Niemann (interprétation). - Quelles étaient vos fonctions

13 auprès de M. Klein ?

14 M. Hryshchyshyn (interprétation). - J'étais chargé d'organiser

15 le calendrier de M. Klein, de coordonner ses activités quotidiennes et à

16 long terme, d'organiser ses réunions, ses points de rencontre, de lui

17 soumettre des documents d'orientation et d'information, et pour

18 l'essentiel de toutes les activités destinées à l'aider dans son rôle

19 d'administrateur transitoire.

20 M. Niemann (interprétation). - Au cours de la deuxième moitié de

21 1996, avez-vous eu connaissance de négociations entre le Tribunal pénal

22 international pour l'ex-Yougoslavie et l'ATNUSO ?

23 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui.

24 M. Niemann (interprétation). - Quelle était la nature de ces

25 négociations ?

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1 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Au cours du deuxième

2 semestre de 1996, un mandat a été émis par le Tribunal pénal international

3 et remis à l'administrateur transitoire.

4 M. Niemann (interprétation). - Ce mandat, savez-vous si c'était

5 un document public ou s'il avait été gardé secret en vertu d'une

6 ordonnance de la Cour ?

7 M. Hryshchyshyn (interprétation). - C'était un document qui

8 n'était pas ouvert au public.

9 M. Niemann (interprétation). - Savez-vous qui était visé

10 particulièrement par ce mandat d'arrêt ?

11 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui.

12 M. Niemann (interprétation). - Qui était-ce ?

13 M. Hryshchyshyn (interprétation). - En fait, il y a eu un

14 premier mandat, puis il a été modifié. Le mandat initial était destiné à

15 assurer l'arrestation de trois officiers et le mandat amendé était destiné

16 à assurer l'arrestation de M. Dokmanovic.

17 M. Niemann (interprétation). - Quel était le rôle que le

18 Tribunal pénal international souhaitait voir jouer à l'ATNUSO, en rapport

19 avec cette arrestation ?

20 M. Hryshchyshyn (interprétation). - D'après ce que j'ai compris,

21 la mission de

22 l'ATNUSO consiste à appuyer l'action du Tribunal pénal international

23 chaque fois que c'est possible.

24 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous dites "appuyer",

25 est-ce que vous étiez censé aider le Tribunal directement ?

Page 209

1 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Notre mission consistait à

2 assurer la coordination, à fournir des informations, et toute aide

3 nécessaire, chaque fois qu'elle s'avérait nécessaire.

4 M. Niemann (interprétation). - Le 24 juin 1997, avez-vous

5 rencontré un représentant du bureau du Procureur du Tribunal ?

6 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Pouvez-vous me redire la

7 date ?

8 M. Niemann (interprétation). - Le 24 juin 1997, un mardi.

9 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui, effectivement.

10 M. Niemann (interprétation). - Lorsque cette réunion s'est

11 tenue, qu'y avez-vous appris ?

12 M. Hryshchyshyn (interprétation). - J'ai appris que le Tribunal

13 pénal international avait rencontré M. Dokmanovic et lui avait indiqué

14 qu'il serait bon qu'il rencontre M. Klein, l'administrateur transitoire.

15 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous avez été informé de

16 cela, qu'avez-vous dit ?

17 M. Hryshchyshyn (interprétation). - On m'a indiqué qu'il

18 pourrait vouloir passer un coup de téléphone pour organiser la réunion et

19 j'ai indiqué que je faciliterais cette réunion, si cela m'était demandé.

20 M. Niemann (interprétation). - Comment devaient fonctionner les

21 dispositions prises pour favoriser la tenue de cette réunion ?

22 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Il m'a été indiqué qu'il

23 était probable qu'il

24 appelle notre bureau pour organiser un rendez-vous. Je leur avais indiqué

25 que je serais disponible le lendemain matin, pendant une certaine période,

Page 210

1 et que si l'on m'appelait, je pourrais intervenir pendant la conversation

2 téléphonique.

3 M. Niemann (interprétation). - Quelle était la période de temps

4 dont vous venez de parler comme étant celle pendant laquelle vous étiez

5 disponible ?

6 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je crois qu'il s'agissait de

7 10 heures à 10 heures 30. C'était la période la plus propice.

8 M. Niemann (interprétation). - Le mercredi 25 juin 1997.

9 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui.

10 M. Niemann (interprétation). - Le mercredi 25 juin 1997, pouvez-

11 vous vous rappeler ce qui s'est passé aux environs de 10 heures 10 à

12 10 heures 30, ce matin là à l'ATNUSO ?

13 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui, j'étais revenu d'une

14 réunion d'état-major dans mon bureau et aux alentours de 10 heures 30,

15 j'ai reçu un coup de téléphone du Tribunal pénal international. Plus tard,

16 au cours de cette même conversation, j'ai parlé avec M. Dokmanovic.

17 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous dites TPI, avez-vous

18 parlé à un représentant du TPI ?

19 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui, effectivement, mais je

20 ne me rappelle pas exactement aujourd'hui à qui j'ai parlé.

21 M. Niemann (interprétation). - Bien. Et que s'est-il passé

22 ensuite ?

23 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Après que j'aie parlé avec

24 ce représentant du TPI, il m'a été indiqué que M. Dokmanovic souhaitait

25 parler avec moi et les deux hommes ont poursuivi la conversation au

Page 211

1 téléphone.

2 M. Niemann (interprétation). - Lui avez-vous parlé directement

3 ou êtes-vous passé

4 par un interprète ?

5 M. Hryshchyshyn (interprétation). - J'ai utilisé les services

6 d'un interprète.

7 M. Niemann (interprétation). - Pouvez-vous vous rappeler la

8 teneur de cette conversation téléphonique que vous avez eue à l'époque ?

9 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui. La conversation

10 téléphonique a commencé par un échange de formalités, c'est-à-dire que

11 nous nous sommes salués. Après quoi, nous en sommes arrivés au vif du

12 sujet, c'est-à-dire que M. Dokmanovic souhaitait me demander d'organiser

13 une rencontre avec M. Klein.

14 M. Niemann (interprétation). - Vous rappelez-vous ce que

15 M. Dokmanovic a dit exactement à ce sujet ?

16 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui. Il a indiqué qu'il

17 avait eu une rencontre avec des membres du TPI, qu'il avait des sujets qui

18 l'intéressaient, dont il voudrait discuter, notamment les problèmes des

19 droits de propriété des Serbes ethniques et, plus précisément, ses droits

20 de propriété à lui eu égard à une terre qu'il possédait en Slavonie

21 orientale. Il souhaitait savoir ce qui arriverait à ses terrains

22 lorsqu'ils seraient réintégrés dans la République de Croatie.

23 M. Niemann (interprétation). - Lorsqu'il vous a dit cela, que

24 lui avez-vous répondu ?

25 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je lui ai indiqué que je

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1 croyais que l'administrateur transitoire serait désireux de le rencontrer

2 et de discuter avec lui du mécanisme destiné à régler ce problème.

3 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous discuté avec lui au

4 sujet de l'heure de la rencontre ?

5 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Nous avons discuté de sa

6 réunion avec l'administrateur transitoire pour 3 heures 30 le vendredi

7 27 juin à Vukovar.

8 M. Niemann (interprétation). - Pourquoi est-ce cette heure qui a

9 été choisie ?

10 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Parce que c'était l'heure où

11 il y avait une disponibilité sur le calendrier.

12 M. Niemann (interprétation). - Eu égard aux dispositions de

13 transport, qu'avez-vous discuté avec lui à ce sujet ?

14 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Lorsque M. Dokmanovic m'a

15 parlé, j'ai senti qu'il avait quelques préoccupations concernant la façon

16 dont il voyagerait pour se rendre au siège de l'ATNUSO.

17 M. Niemann (interprétation). - Pouvez-vous être plus précis

18 quant à ce qui a fait que vous avez acquis ce sentiment ?

19 M. Hryshchyshyn (interprétation). - En fait, il a dit qu'il

20 était un peu inquiet. Nous en avons discuté. Je lui ai proposé, pour

21 faciliter son accès à la région, de lui envoyer un véhicule des Nations

22 Unies, de façon qu'il puisse venir dans la région plus facilement.

23 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous discuté avec lui quant

24 à l'emplacement où les véhicules l'attendraient ?

25 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui.

Page 213

1 M. Niemann (interprétation). - Que lui avez-vous dit ?

2 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Nous avons discuté du fait

3 que les véhicules se trouveraient entre les deux points de contrôles

4 frontaliers, c'est-à-dire le point de contrôle frontalier croate et le

5 point de contrôle frontalier serbe sur le pont, à Erdut.

6 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous pris des dispositions

7 particulières concernant cela ?

8 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui.

9 M. Niemann (interprétation). - Que lui avez-vous dit ?. Lui

10 avez-vous dit que ce serait le point où vous viendriez le chercher ou

11 d'autres choses ? Ou est-ce lui qui a proposé cela ?

12 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Maintenant, je ne sais plus

13 exactement qui a fait la proposition. Mais, comme nous avons eu cet

14 entretien tous les deux, eh bien, nous avons conclu que c'était la

15 meilleure façon de procéder. Il n'est pas anormal d'envoyer le véhicule

16 appartenant aux Nations Unies pour aller chercher certains hôtes, certains

17 invités lorsqu'ils arrivent dans la région sous contrôle de l'ATNUSO.

18 M. Niemann (interprétation). - Dans cette base d'Erdut où se

19 trouve le pont, savez-vous l'endroit précis où se trouve la frontière ?

20 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Non, je ne le sais pas. Je

21 sais seulement qu'il s'agit d'une région qui se trouve entre la région où

22 se trouve le poste de contrôle de l'ATNUSO et le poste de contrôle

23 officiel du gouvernement serbe.

24 M. Niemann (interprétation). - Savez-vous si, oui ou non, cette

25 frontière ou cette ligne frontalière a été bien déterminée par les deux

Page 214

1 côtés ?

2 M. Hryshchyshyn (interprétation). - J'ai l'impression que, dans

3 d'autres régions, pas forcément dans la région dont nous parlons

4 actuellement, mais dans une autre région, lorsque nous avons regardé sur

5 d'autres cartes appartenant à diverses organisations, alors nous nous

6 sommes aperçus qu'effectivement cette ligne frontalière était sujette à

7 controverse, ou du moins son exact emplacement. Sous le gouvernement de la

8 Yougoslavie, bien évidemment, cette question n'était pas aussi importante

9 qu'elle l'est désormais.

10 M. Niemann (interprétation). - Savez-vous où se trouve cette

11 frontière d'après la République fédérale de Yougoslavie, par rapport à ce

12 pont, par rapport à Erdut ?

13 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je ne sais pas exactement

14 quelle est leur position en la matière. Si vous regardez où ils ont établi

15 leur poste de contrôle, alors vous vous apercevez qu'il n'est certainement

16 pas sur le pont, mais plutôt sur un morceau de territoire qui se trouve à

17 l'est du pont.

18 M. Niemann (interprétation). - Et le poste de contrôle qui se

19 trouve du côté

20 croate, du côté d'Erdut par rapport au pont, pouvez-vous nous dire si ce

21 poste est occupé par des membres de la police croate ou des membres de

22 l'ATNUSO ?

23 M. Hryshchyshyn (interprétation). - A cette époque-là, ce poste

24 était gardé par des membres des forces militaires de l'ATNUSO, par des

25 observateurs de l'ATNUSO chargés justement de ces postes frontières.

Page 215

1 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous dites que c'était un

2 poste qui était occupé par ces gens, qu'entendez-vous exactement ?

3 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Ces observateurs étaient

4 responsables de ces postes de contrôle et je pense que le TPF, c'est-à-

5 dire le FPI, était impliqué ; je pense qu'il y avait également une force

6 de police transitoire. Cela supposait un contrôle des véhicules qui

7 entraient et qui quittaient la région. Cela supposait qu'on regarde si des

8 armes passaient par ces postes de frontière.

9 M. Niemann (interprétation). - En dehors des aspects que vous

10 avez déjà soulignés, vous rappelez-vous si M. Dokmanovic a dit quoi que ce

11 soit d'autre concernant la réunion suggérée ?

12 M. Hryshchyshyn (interprétation). - A l'heure actuelle, non ; je

13 ne me rappelle rien d'autre.

14 M. Niemann (interprétation). - A-t-il dit qu'il vous

15 retrouverait au point que vous aviez établi, qu'il se rendrait là où

16 devaient se trouver les véhicules des Nations Unies ?

17 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui, en effet. Nous étions

18 convenus de nous retrouver à 15 heures ; cela voulait dire que nous

19 aurions largement le temps de nous rendre au bureau de l'administrateur

20 transitoire.

21 M. Niemann (interprétation). - Lorsque les véhicules de l'ATNUSO

22 doivent aller sur le territoire de la République fédérale de Yougoslavie,

23 en ont-ils l'autorisation ?

24 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Pour ce qui est des

25 véhicules de l'ATNUSO,

Page 216

1 oui, ils en ont l'autorisation.

2 M. Niemann (interprétation). - Est-il nécessaire que les membres

3 de l'ATNUSO reçoivent un permis spécial, un permis qui leur permette de

4 circuler dans le territoire de la République fédérale de Yougoslavie ?

5 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Non, ils n'ont pas besoin

6 d'obtenir ce permis. Ils doivent simplement présenter leur carte

7 d'identification lorsqu'ils passent les frontières de l'ex-Yougoslavie.

8 M. Niemann (interprétation). - Au cours de l'entretien que vous

9 avez eu avec M. Dokmanovic, vous rappelez-vous avoir dit que M. Klein

10 avait en sa possession une photo de M. Dokmanovic ?

11 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui, de fait, je m'en

12 souviens. M. Klein m'avait informé du fait qu'il avait une photo en sa

13 possession et il m'avait également dit que, plus tard, il pensait donner

14 cette photo à M. Dokmanovic.

15 M. Niemann (interprétation). - Par la suite, avez-vous pris part

16 à d'autres démarches ?. Quelles ont été vos responsabilités à la suite de

17 cet entretien téléphonique ?

18 M. Hryshchyshyn (interprétation). - D'abord, j'ai conclu avec

19 M. Dokmanovic un certain nombre de choses au téléphone ; ensuite, la seule

20 chose dont je me suis occupé concernant cette affaire, c'est que j'ai reçu

21 un appel le vendredi soir du fils de M. Dokmanovic.

22 M. Niemann (interprétation). - Lors de cet entretien avec

23 M. Dokmanovic, lui avez-vous, à un moment,donné des garanties ? Ne lui

24 avez-vous jamais dit qu'il ne serait pas arrêté lors de ce déplacement ?

25 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je lui ai dit qu'à bord de

Page 217

1 ces véhicules, il n'aurait aucun problème pour entrer dans les territoires

2 tenus par l'ATNUSO.

3 M. Niemann (interprétation). - En dehors de cela, lui avez-vous

4 dit quoi que ce soit d'autre ?

5 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Il n'y avait rien que je

6 puisse ajouter. Je ne pouvais lui donner aucune garantie.

7 M. Niemann (interprétation). - Madame la Présidente, je n'ai

8 plus de questions à poser.

9 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Fila ?

10 M. Fila (interprétation). - Je m'appelle Toma Fila et je suis le

11 conseil de la défense de M. Dokmanovic. Je vais vous poser un certain

12 nombre de questions. Vous avez déclaré deux choses et pour moi ce sont

13 deux choses contradictoires. Tout d'abord, vous avez dit que vous n'aviez

14 donné aucune garantie et que, par ailleurs, vous aviez donné la garantie à

15 M. Dokmanovic selon laquelle c'était un véhicule des Nations Unies qui

16 allait lui permettre d'entrer sur le territoire de l'ATNUSO. Vous ai-je

17 bien compris ?

18 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Peut-être ne m'avez-vous pas

19 parfaitement compris. M. Dokmanovic était préoccupé par le fait qu'il

20 puisse avoir un problème au moment d'entrer dans la région sous le

21 contrôle de l'ATNUSO. Afin de l'aider à dissiper ses craintes, j'ai

22 suggéré de lui prêter un véhicule qui peut entrer, dans cette région, sans

23 être soumis à un quelconque contrôle. Ainsi, nous lui assurions qu'il

24 pouvait entrer sans problème dans cette région. C'est quelque chose que

25 l'on fait souvent. C'est une procédure tout à fait normale. Tout véhicule

Page 218

1 appartenant aux Nations Unies qui passe un poste de contrôle, qu'il

2 s'agisse d'un poste international ou interne à la Croatie, peut entrer

3 dans la région sans aucun contrôle. C'est quelque chose qui entre tout à

4 fait dans le cadre de la politique menée par l'ATNUSO.

5 M. Fila (interprétation). - Depuis quand est-ce un problème

6 d'entrer sur le territoire de la Croatie ? Nous tous et l'ATNUSO peuvent

7 entrer sur le territoire. Mais là, manifestement, il y a un problème pour

8 ce qui est de sortir du territoire. A qui avez-vous donné des garanties de

9 sauf-conduit pour entrer sur le territoire tenu par l'ATNUSO, alors que

10 ces personnes n'avaient pas demandé de garanties d'entrée mais plutôt de

11 sortie ?

12 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je crois qu'il est

13 impossible d'entrer, pour une personne normale, sur le territoire de

14 l'ATNUSO. Ils ont besoin d'avoir un permis spécifique. Ils doivent pouvoir

15 présenter des papiers d'identification qui doivent être reconnus comme

16 tels et qui leur permettent d'entrer sur le territoire. Tous les véhicules

17 arrêtés au poste de contrôle sont soumis à une fouille. Nous cherchons

18 notamment à repérer des armes qui pourraient être transportées. On ne peut

19 pas dire qu'il s'agit là d'une frontière perméable, mais d'un poste de

20 contrôle, non seulement des entrées, mais également des sorties de cette

21 région. Il y a une procédure qui est toujours suivie en cas d'entrée ou de

22 sortie.

23 M. Fila (interprétation). - Mais bien sûr, toute personne qui

24 n'aurait pas ces documents se verrait interdire l'accès. C'est normal à

25 tout poste-frontière dans le monde entier. Ce qui m'intéresse est la chose

Page 219

1 suivante :. M. Dokmanovic a-t-il reçu des garanties quant à sa possibilité

2 de sortir ? Je ne vois pas très bien pourquoi il lui faudrait des

3 garanties pour entrer chez les Croates ou ailleurs. Il était président de

4 la municipalité. Vous savez que son fils travaille à l'ATNUSO. Pourquoi

5 aurait-il eu besoin de garanties pour entrer sur ce territoire ? Comment

6 est-ce explicable ? Pourquoi aurait-il eu besoin de garanties pour entrer,

7 s'il n'a pas besoin de garanties pour sortir ? Cela vous paraît-il

8 logique ?

9 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Au cours de notre entretien,

10 j'ai eu l'impression que M. Dokmanovic était particulièrement préoccupé

11 par cette idée de franchir les barrages à l'entrée et à la sortie. C'est

12 ce problème-là qui était source de ses préoccupations.

13 M. Fila (interprétation). - D'accord. Maintenant oui, cela me

14 convient. Merci beaucoup. Cela n'avait pas de sens qu'il veuille

15 simplement entrer.

16 Par ailleurs, vous nous avez dit qu'il était habituel chez vous

17 d'envoyer un véhicule lorsque M. Klein attendait des invités.

18 M. Hryshchyshyn (interprétation). - En effet, c'est tout à fait

19 exact.

20 M. Fila (interprétation). - Etaient-ce des véhicules que

21 M. Klein utilisait lui-même ?

22 Les véhicules que vous avez envoyés à M. Dokmanovic étaient-ils utilisés

23 couramment par M. Klein ?

24 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui, ils l'étaient.

25 M. Fila (interprétation). - Très bien. Cela signifie-t-il que

Page 220

1 M. Dokmanovic était l'invité de M. Klein ?

2 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Fila, il faut

3 absolument que vous laissiez au témoin le temps de répondre à vos

4 questions.

5 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je n'ai pas eu le temps de

6 finir ma réponse à la question précédente. Il faut souligner un point qui

7 me semble important. Je crois que le problème n'était pas seulement le

8 fait de pouvoir entrer et sortir de la région. J'ai eu l'impression, au

9 cours de cette conversation, que M. Dokmanovic avait peur d'être vu dans

10 les limites de cette région. C'est la raison pour laquelle ces véhicules

11 ont été envoyés parce qu'une fois dans ces véhicules aux vitres fumées,

12 étant donné également qu'il s'agit des véhicules qui appartiennent à

13 l'administrateur transitoire, toute personne se trouvant dans la région

14 dont nous parlons ne pourrait pas forcément repérer la personne qui

15 emprunte ce véhicule. Je vous remercie, madame la présidente, de me donner

16 l'occasion d'expliquer cela. C'est pour cela que nous avons proposé

17 d'envoyer ces véhicules. C'est précisément pour lui permettre de voyager

18 sans être reconnu. Il ne s'agit pas de savoir s'il était soucieux de

19 savoir s'il pouvait entrer ou sortir de la région, il ne voulait tout

20 simplement pas être vu dans les limites de cette région.

21 M. Fila (interprétation). - Je vous remercie. C'est exactement

22 ce que dit M. Dokmanovic. Il n'y a pas de raison que nous en discutions de

23 façon contradictoire. Nous avons un point de vue identique là-dessus.

24 J'en arrive à ma question suivante. M. Hryshchyshyn a dit qu'il

25 était habituel d'envoyer des véhicules sur le territoire de la République

Page 221

1 fédérale de Yougoslavie lorsque M. Klein attendait des invités. Je demande

2 si M. Dokmanovic était l'invité de M. Klein.

3 M. Hryshchyshyn (interprétation). - M. Dokmanovic était en train

4 de respecter sa partie d'un accord conclu entre deux parties, c'est-à-dire

5 la tenue d'une réunion entre lui-même et les forces de l'ATNUSO.

6 M. Fila (interprétation). - Je vous ai posé une question.

7 Lorsque Me Niemann vous a posé la question, vous avez répondu qu'il était

8 habituel que l’ATNUSO envoie ses véhicules pour chercher des invités de

9 M. Klein sur le territoire de la République fédérale yougoslave. Je suis

10 d'accord avec cela. Cela signifie-t-il que M. Dokmanovic était l'invité de

11 M. Klein ? Il l'était ou il ne l'était pas ?

12 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Non.

13 M. Fila (interprétation). - Il faudrait savoir quelle est votre

14 définition du mot "invité".

15 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Excusez-moi, mais les gens

16 que vous arrêtez et que vous envoyez à Scheveningen, je ne les considère

17 pas comme des invités. Ce n’est pas comme cela que j’entends le terme

18 invité. Un invité est quelqu'un qui vient déjeuner ou dîner. C'est

19 quelqu'un qu'on accueille chez-soi, à la maison. Vous êtes ukrainien et,

20 nous, en Yougoslavie nous sommes slaves. Vous savez ce qu'est un invité.

21 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je ne suis pas ukrainien,

22 mais américain.

23 M. Fila (interprétation). - Un invité c’est quelqu’un qu’on

24 invite à la maison. Je suis d'origine grecque. Je n'ai pas voulu vous

25 offenser, excusez-moi. Mais ce que je voulais dire c’est cela : quand on

Page 222

1 est invité, quand on vient chez quelqu'un, quand on vient à la maison

2 c'est qu'on est un invité. Quand on est appelé à venir c'est qu'on est un

3 invité.

4 Si donc M. Dokmanovic était un invité, j'aimerais que cela soit

5 confirmé. Cela ne concorde pas avec l'embuscade qui lui a été tendue à

6 Erdut par l’ATNUSO. Ou il était un invité ou il ne l'était pas. On peut

7 essayer autrement si vous voulez.

8 Mme le Président (interprétation). - Est-ce que M. Klein a

9 invité M. Dokmanovic

10 à se rendre chez lui ?

11 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Non, pas du tout.

12 M. Fila (interprétation). - Bon, on va essayer autrement.

13 M. Klein avait-il réellement un rendez-vous à 3 heures de l'après-midi

14 avec M. Dokmanovic ?

15 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Une réunion était prévue.

16 Cette réunion n'a pas eu lieu.

17 M. Fila (interprétation). - Au moment où vous avez fixé ce

18 rendez-vous, saviez-vous qu'il serait arrêté dès qu'il aurait passé la

19 frontière, parce que c'est à quelques centaines de mètres de distance ?

20 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je savais que c’était une

21 éventualité qu'on pouvait envisager, oui.

22 M. Fila (interprétation). - Autrement dit, d'après vous il y

23 avait une autre possibilité, c’est-à-dire qu'il se rendrait à cette

24 réunion et recevrait la photo de M. Klein ?

25 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui, en effet.

Page 223

1 M. Fila (interprétation). - Monsieur Klein était-il sur place à

2 3 heures ? L'attendait-il pour lui remettre la photographie ?

3 M. Hryshchyshyn (interprétation). - La réunion était prévue à

4 15 heures 30. Pour ce qui est de la rencontre à Erdut, elle était prévue

5 pour 15 heures.

6 M. Fila (interprétation). - Je comprends. M. Klein était-il sur

7 place ? Attendait-il l'arrivée de M. Dokmanovic avec à la main la

8 photographie dont vous dites qu'elle était en sa possession ? Ou M. Klein

9 n'était-il pas du tout sur place ?

10 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Monsieur Klein savait

11 parfaitement qu'il avait une réunion avec M. Dokmanovic. Elle figurait sur

12 son calendrier. M. Klein, cet après-midi-là, revenait de Zagreb. Il était

13 en transit, si vous voulez.

14 M. Fila (interprétation). - La question que je vous pose est la

15 suivante : est-ce que

16 ce jour-là, à 15 heures 30, M. Klein était là où il était prévu qu'il

17 attende M. Dokmanovic ? Je ne vous demande pas d’où il revenait ni où il

18 allait, mais s’il était là-bas, s’il était sur place, comme vous êtes ici

19 aujourd’hui ?

20 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Non, il était en retard.

21 M. Fila (interprétation). - Ah, il n'était pas là. Quand est-il

22 arrivé ?

23 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Parce qu'il était à Zagreb,

24 pour autant que je sache. Il se trouvait à Zagreb, il revenait d'un

25 voyage. Il est revenu ! Je ne sais pas à quelle heure exactement il est

Page 224

1 revenu, mais il est revenu.

2 M. Fila (interprétation). - Et vous maintenez toujours que cette

3 rencontre avait vraiment été prévue entre M. Klein et M. Dokmanovic, avec

4 la possibilité que cette réunion ait vraiment lieu ? Ou est-ce que ce

5 n’était pas plutôt une embuscade destinée à assurer l'arrestation.de

6 M. Dokmanovic ?

7 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Lorsque j'avais organisé la

8 réunion avec M. Dokmanovic, j'avais vérifié quelles étaient les

9 disponibilités de M. Klein, quelle était l'heure d'arrivée de son vol,

10 l’heure de son arrivée dans la région. J'avais organisé la réunion de

11 telle sorte que M. KLein puisse se trouver à 15 heures 30 dans son bureau,

12 afin qu'il puisse y retrouver M. Dokmanovic.

13 Au cours de la journée de vendredi, un vol a été retardé. C'est

14 ce qui explique que M. Klein est arrivé plus tard que prévu. Mais lorsque

15 nous avons établi l’horaire de la réunion, elle a été prévue de telle

16 sorte que M. Klein puisse se trouver dans son bureau à 15 heures 30 comme

17 prévu, dans le quartier général de l’ATNUSO.

18 M. Fila (interprétation). - Bon. Quand avez-vous appris qu’il

19 serait arrêté s’il passait la frontière ? Si vous l’avez appris, excusez-

20 moi !

21 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je savais bien qu'il y avait

22 un mandat d'arrêt qui avait été délivré contre lui et que c’était une

23 éventualité, qu'il pouvait être arrêté.

24 M. Fila (interprétation). - Qui a organisé l'embuscade à Erdut

25 au poste-frontière ? Si ce n'est pas vous, puisque vous êtes responsable

Page 225

1 militaire !

2 M. Niemann (interprétation). - Objection, Madame le Président,

3 je n’accepte pas qu'on utilise le mot embuscade.

4 Mme la Présidente (interprétation). - Objection retenue. Qui a

5 organisé l'arrestation ? N'utilisez pas le mot embuscade parce que c'est,

6 d’une certaine façon, tout à fait péjoratif. N’utilisez pas ce mot. Qui a

7 organisé l'arrestation ? Le mot embuscade est teintée d'un certain aspect

8 d'illégalité. C'est quelque chose sur quoi la Chambre tranchera, si c'est

9 nécessaire. Vous comprenez, Maître Fila ?

10 M. Fila (interprétation). - Bon. Qui a organisé l'arrestation,

11 si ce n'est pas vous, alors que les personnes impliquées étaient des

12 militaires de l’ATNUSO ? Quelqu'un pouvait-il agir sans que vous le

13 sachiez ?

14 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui, cela pouvait être le

15 cas, mais laissez-moi m'expliquer. J'ai certes un titre de conseiller

16 militaire, mais je ne fais pas rapport au commandant des troupes

17 militaires. Elles ne me font pas rapport, non plus.

18 Pour ce qui est des opérations menées par les soldats de

19 l’ATNUSO, cela ne dépend pas de moi. Je ne sais pas toujours quelles sont

20 les activités de ces hommes. Je ne le sais pas à chaque instant. Cela

21 relève de la responsabilité du commandement des forces militaires.

22 Quant à votre question portant sur qui a organisé cette

23 arrestation, je n'en suis pas certain. Je sais que c'est le Tribunal pénal

24 international qui a mené cette arrestation ; ça, c'est une certitude.

25 M. Fila (interprétation). - Mais quelqu'un prévaut sur les

Page 226

1 Juges. Il faut bien que quelqu'un procède physiquement à l'arrestation. Un

2 tribunal ne peut pas arrêter quelqu'un. La police peut le faire, mais un

3 tribunal non. Un tribunal peut donner un ordre.

4 M. Niemann (interprétation). - Madame le Président, objection.

5 Je suis contre ces

6 questions qui visent à savoir qui a organisé l'arrestation. Je ne suis pas

7 certain d'avoir bien compris au vu de l'interprétation que j'ai reçue.

8 Mme la Présidente (interprétation). - J'ai moi-même une

9 question.

10 M. Fila (interprétation). - Ce n'est pas ce que je souhaitais.

11 Mme la Présidente (interprétation). - L’ATNUSO, est-ce le bureau

12 du Procureur qui a procédé à l’arrestation ? Vous avez dit que c’était le

13 Tribunal qui avait procédé à l’arrestation. Et ce que dit M. Fila, c’est

14 que nous-mêmes nous faisons partie du Tribunal pénal international. Vous

15 ne voulez certainement pas dire que nous avons procédé à l’arrestation

16 nous-mêmes !

17 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Non, non. D'après moi, c'est

18 ce que je crois qu'il s'est passé. A ce moment-là, je me trouvais dans un

19 bureau. Je n'ai eu connaissance de ce qui s'était passé qu'après que cela

20 ait lieu. J'ai compris que c'était le personnel de l’ATNUSO, le personnel

21 militaire qui avait pris part à l'actuelle détention de M. Dokmanovic.

22 Mais je crois que l'interpellation de M. Dokmanovic a été conduite par des

23 enquêteurs appartenant au Tribunal pénal international. Je crois que ce

24 sont eux qui se sont servis ou ont procédé effectivement à l'arrestation.

25 M. Fila (interprétation). - C'est cela qui m'intéressait.

Page 227

1 Maintenant quant aux véhicules dont vous dites qu'ils appartenaient à

2 M. Klein, savez-vous de quel côté du poste-frontière ils se trouvaient ?

3 Etaient-ils du côté croate ou de l'autre côté ? Ou plutôt -je reformule ma

4 question- là nous avons le poste-frontière, là Erdut, là-bas Bogujevo. Où

5 étaient ces véhicules ?

6 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Si vous regardez la région,

7 vous vous apercevrez qu’entre les deux postes de contrôle il y a Erdut et

8 le pont. D'après moi, M. Dokmanovic est passé à bord d'un véhicule des

9 Nations Unies à un certain point qui se trouve entre ces deux

10 délimitations. Ce n'était pas en Croatie, mais à un moment donné sur ce

11 pont.

12 M. Fila (interprétation). - Alors vous savez exactement où se

13 trouve la frontière, suite à l’affirmation que vous venez de faire. Si

14 vous pouvez affirmer que ce véhicule n'était ni du côté croate ni du côté

15 yougoslave, il faut bien que vous sachiez où se trouve la frontière ?

16 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je crois qu'il y a nombre de

17 lignes frontalières qui sont assez floues. Ce dont nous sommes absolument

18 certains en revanche, c'est que grâce à des missions de patrouilles,

19 d'observation, de contrôle, il y a des entités qui exercent leur

20 souveraineté sur des morceaux de territoires. Ce que nous savons, c’est

21 que sur ce pont, ni la Croatie ni la République fédérale de Yougoslavie

22 n'exerçaient leur souveraineté. Elles n'exerçaient aucune souveraineté sur

23 cette région précise.

24 En d’autres termes, si les deux postes de contrôle s'étaient

25 trouvés côte à côte, j'aurais pu vous dire à ce moment-là qui appartenait

Page 228

1 à quoi.

2 M. Fila (interprétation). - Vous avez simplement qu'il ne

3 s'agissait ni du territoire de la Croatie ni du territoire de la

4 Yougoslavie. C'est impossible. C'est un territoire qui doit bien

5 appartenir à quelqu'un. Jusqu'où patrouillent les forces yougoslaves ?

6 Avez-vous vu cela ? Jusqu'où patrouille l'armée yougoslave ? Jusqu'au

7 milieu du pont ? Y a-t-il une guérite, un poste de garde ?

8 M. Hryshchyshyn (interprétation). - D'après moi, les milices

9 serbes.

10 M. Fila (interprétation). - Pas les milices, l'armée.

11 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui, l'armée. Je n'ai jamais

12 entendu ni même vu ces forces passer le poste de contrôle et entrer sur le

13 pont. Pour développer ce que j'ai commencé à vous dire en réponse à votre

14 précédente question, je ne suis pas un expert en la matière, loin de là.

15 Je suis également conscient du fait qu'il y a des régions de par le monde

16 que l'on appelle des zones internationales, qu'il s'agisse d'eaux

17 internationales ou de territoires. Ces zones sont souvent utilisées —et

18 c'est tout à fait commun— par plus d'un pays, plus d'une

19 nation. Mais je crois qu'ici, ce qui est important, c'est de comprendre

20 que les véhicules se trouvaient sur le pont tout d'abord pour que l'entrée

21 de M. Dokmanovic soit rendue plus aisée et, en second lieu, il est

22 important de comprendre que les véhicules ne sont pas entrés dans le

23 territoire de la République fédérale de Yougoslavie.

24 M. Fila (interprétation). - Dernière question.

25 Mme la Présidente (interprétation). - Laissez le témoin

Page 229

1 compléter sa réponse, laissez-le terminer.

2 M. Fila (interprétation). - D'accord, qu'il finisse.

3 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je voudrais finir ma phrase.

4 La raison pour laquelle il se trouvait à cet endroit précis du pont, c'est

5 que les véhicules ATNUSO n'auraient pas à traverser le poste de contrôle

6 de la République fédérale de Yougoslavie, pour avoir à faire demi-tour et

7 repasser une seconde fois par ce poste de contrôle.

8 M. Fila (interprétation). - Avez-vous proposé à M. Dokmanovic de

9 lui envoyer, chez lui, à son domicile ou à son bureau, un véhicule pour le

10 chercher ?

11 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Non, je n'ai pas fait cette

12 proposition.

13 M. Fila (interprétation). - J'en arrive à ma dernière question.

14 Sur ce pont, des patrouilles de l'ATNUSO effectuent-elles des

15 vérifications, des contrôles ? Puisque ni les policiers yougoslaves, ni

16 les policiers croates ne réalisent de vérifications, de contrôles, des

17 hommes de l'ATNUSO patrouillent-ils d'un côté à l'autre ? Autrement dit,

18 est-ce une zone de compétence de l'ATNUSO ? C'est ma question.

19 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je crois qu'aucune des deux

20 parties n'est responsable de cette zone, n'est compétente pour cette zone.

21 Les deux parties concernées sont stationnées à leur poste de contrôle et

22 je ne crois pas qu'il y ait des patrouilles régulières, des allées et

23 venues régulières entre ces deux points de contrôle. Les autorités de la

24 République fédérale yougoslave ont leur poste de contrôle et les

25 responsables de l'ATNUSO ont leur poste

Page 230

1 de contrôle.

2 M. Fila (interprétation). - Enfin, d'après les résolutions des

3 Nations Unies selon lesquelles, Srem, la Slavonie orientale, etc. sont des

4 territoires sous contrôle de l'ATNUSO, en rapport avec la découverte des

5 personnes poursuivies pour crimes de guerre par ce Tribunal, savez-vous

6 quelle est l'autorité de l'ATNUSO en accord avec cela ?

7 M. Hryshchyshyn (interprétation). - C'est une question ?

8 Mme la Présidente (interprétation). - Oui, vous pouvez répondre.

9 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Dans la résolution du

10 Conseil de sécurité qui crée l'ATNUSO comme étant une force chargée d'une

11 mission particulière, il est dit précisément que l'administrateur

12 transitoire a tout pouvoir exécutif et toute autorité sur la région

13 constituée par la Slavonie orientale, la région de Baranja et la Srem

14 occidentale. D'autre part, cette résolution précise que l'ATNUSO doit

15 coopérer et doit aider le Tribunal pénal international. Cela fait partie

16 de son mandat. Si vous regardez la résolution du Conseil de sécurité, vous

17 verrez ces mots y figurer noir sur blanc.

18 Mme la Présidente (interprétation). - Monsieur Fila, avez-vous

19 d'autres questions à poser ?

20 M. Fila (interprétation). - Je n'avais pas fini. Il est question

21 de quel territoire dans cette compétence accordée à M. Klein ? Tout ce que

22 vous avez dit est exact, mais de quel territoire est-il question en

23 rapport avec l'ATNUSO ?

24 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Comme je l'ai dit

25 précédemment, il s'agit de la région de Slavonie orientale, Baranja et de

Page 231

1 la Srem occidentale. C'est la région qui est sous le contrôle de l'ATNUSO

2 M. Fila (interprétation). - En dehors de cette compétence, vous

3 n'avez aucune compétence, par exemple, sur un territoire yougoslave ou un

4 territoire qui ne fait pas partie de ces régions ?

5 M. Hryshchyshyn (interprétation). - C'est absolument exact.

6 Notre mandat se limite à exercer une certaine autorité dans cette région.

7 Mme la Présidente (interprétation). - Maître M. Niemann.

8 M. Niemann (interprétation). - Madame la Présidente, je n'ai pas

9 d'autre question à poser. Je vous remercie.

10 Mme la Présidente (interprétation). - Monsieur, j'aimerais vous

11 poser un certain nombre de questions. M. Klein est l'administrateur

12 transitoire, n'est-ce pas ?

13 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Madame la Présidente,

14 excusez-moi : il était l'administrateur transitoire au cours de cette

15 période.

16 Mme la Présidente (interprétation). - Donc, il était

17 administrateur ?

18 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui, il a quitté son poste

19 le 1er août de cette année.

20 Mme la Présidente (interprétation). - Si l'ATNUSO devait

21 déléguer son autorité à quelqu'un pour mener à bien l'arrestation de

22 M. Dokmanovic, qui aurait été la personne compétente pour effectuer cet

23 ordre ? Etait-ce M. Klein à cette époque-là ou d'autres personnes

24 auraient-elles pu être les récipiendaires de cet ordre ?

25 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Il y a d'autres personnes

Page 232

1 qui sont autorisées par les autorités exécutives : M. Klein avait un

2 adjoint ; il avait également un commandant en chef.

3 Mme la Présidente (interprétation). - Qui a donné l'ordre

4 d'arrêter M. Dokmanovic ? Le savez-vous ? Qui, au sein de l'ATNUSO ?

5 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je n'en suis pas sûr. Je ne

6 sais pas qui a donné cet ordre.

7 Mme la Présidente (interprétation). - Savez-vous si un des

8 responsables de l'ATNUSO a participé, avec M. Curtis, M. Kevin Curtis, au

9 sein du bureau du Procureur ?

10 Savez-vous si un responsable de l'ATNUSO a encouragé M. Dokmanovic à se

11 rendre en Slavonie orientale ?

12 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je crois, Madame

13 la Présidente, que des représentants du Tribunal se sont entretenus à

14 maintes reprises avec M. Dokmanovic ; ces personnes se sont entretenues

15 plusieurs fois sur différents sujets. Je crois qu'ils ont parlé notamment

16 de différents sites dans la région et M. Dokmanovic, je crois, voulait

17 leur montrer très précisément ces différents endroits où auraient eu lieu

18 des crimes de guerre. Je crois que c'est ce qui s'est passé durant ces

19 différentes conversations. M. Dokmanovic avait déclaré que cela faisait

20 longtemps notamment qu'il n'avait pas vu M. Klein et qu'il souhaitait que

21 celui-ci visite cette région.

22 Mme la Présidente (interprétation). - Lorsque vous avez parlé

23 avec M. Dokmanovic, de quel jour s'agissait-il ?

24 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je crois qu'il s'agissait du

25 25 juin, oui.

Page 233

1 Mme la Présidente (interprétation). - Etait-ce la première fois

2 que vous parliez d'une possible réunion avec M. Klein ?

3 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui, tout à fait.

4 Mme la Présidente (interprétation). - Durant cette période, en

5 tout cas ?

6 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui.

7 Mme la Présidente (interprétation). - A cette époque, saviez-

8 vous que l'ATNUSO était en train d'organiser l'arrestation de

9 M. Dokmanovic, lorsque celui-ci se rendrait en Slavonie orientale, le

10 27 juin ?

11 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je savais qu'un mandat

12 d'arrêt avait été émis.

13 Mme la Présidente (interprétation). - Oui, vous l'avez déjà dit,

14 mais vous êtes l'assistant militaire de l'administrateur transitoire.

15 Lorsque vous avez parlé avec M. Dokmanovic le 25 juin, deux jours après il

16 vient dans cette région et il est arrêté par l'ATNUSO. Saviez-vous,

17 au moment où vous lui avez parlé, que l'ATNUSO allait l'arrêter ?

18 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je savais que c'était une

19 éventualité.

20 Mme la Présidente (interprétation). - Saviez-vous que c'était

21 une éventualité parce qu'il y avait un mandat d'arrêt lancé contre lui par

22 la Croatie ou par le Tribunal ?

23 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je savais qu'un mandat

24 d'arrêt avait été émis contre lui. En ce qui concerne les plans qui

25 avaient été faits par l'ATNUSO...

Page 234

1 Mme la Présidente (interprétation). - Etait-ce la première fois

2 que cela arrivait dans cette région ?

3 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui.

4 Mme la Présidente (interprétation). - Saviez-vous, à cette

5 époque, que l'ATNUSO était en train d'organiser l'arrestation de

6 M. Dokmanovic, prévue deux jours plus tard ?

7 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Il y avait des plans pour

8 l'arrestation de criminels qui entraient dans la zone de Slavonie

9 orientale.

10 Mme la Présidente (interprétation). - Oui, je le sais. Je sais

11 qu'il y avait un mandat d'arrêt contre lui. Mais vous êtes l'assistant

12 militaire de l'administrateur transitoire. Il me semble que si des plans

13 étaient en train d'être faits pour son arrestation, vous auriez dû être au

14 courant, n'est-ce pas ?

15 M. Hryshchyshyn (interprétation). - J'essaie de me souvenir avec

16 précision de l'incident.

17 Mme la Présidente (interprétation). - Puisque c'était la

18 première fois que cela arrivait sur ce territoire, je pense que vous

19 devriez en avoir un souvenir très précis, n'est-ce pas ?

20 M. Hryshchyshyn (interprétation). - A cette époque, je savais

21 qu'il y avait une éventualité d'arrestation de M. Dokmanovic.

22 Mme la Présidente (interprétation). - Lui avez-vous parlé

23 d'organiser une

24 rencontre avec M. Klein, pour parler de problèmes de propriété ?

25 M. Hryshchyshyn (interprétation). - C'est exact.

Page 235

1 Mme la Présidente (interprétation). - Vous déclarez que M. Klein

2 avait l'intention de se rendre à cette réunion, n'est-ce pas ?

3 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui, c'est exact. En

4 d'autres termes, lorsqu'il a programmé cette réunion, nous pensions que

5 M. Klein serait à Vukovar et serait disponible pour cette réunion.

6 Mme la Présidente (interprétation). - Quand avez-vous entendu

7 parler, pour la première fois, du fait que M. Dokmanovic viendrait en

8 Slavonie orientale ?

9 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Le 24 juin.

10 Mme la Présidente (interprétation). - Qui vous en a parlé ?

11 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Des représentants du

12 Tribunal qui travaillaient en Slavonie orientale.

13 Mme la Présidente (interprétation). - Vous ont-ils dit que s'il

14 venait, ils souhaitaient que l'ATNUSO l'arrête ?

15 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Ils m'ont dit que s'il

16 venait, ils auraient besoin de notre aide.

17 Mme la Présidente (interprétation). - A ce moment-là, avez-vous

18 promis cette aide ?

19 M. Hryshchyshyn (interprétation). - J'ai dit que nous offririons

20 notre coopération, effectivement.

21 Mme la Présidente (interprétation). - Donc vous avez parlé de la

22 résolution du 15 janvier 1996. Dans le paragraphe 10, on lit qu'il y a un

23 élément militaire et un élément civil. J'ai lu cette résolution. Pourriez-

24 vous nous dire quelle partie de l'article 10 ou de l'article 11 autorise

25 l'ATNUSO à arrêter une personne au nom du Tribunal ? J'ai une copie que

Page 236

1 j'ai un peu

2 marquée de différents traits, mais je veux bien vous la prêter si vous le

3 souhaitez. Voyez-vous les paragraphes 10 et 11 ? C'est sur la troisième

4 page, je crois.

5 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui.

6 Mme la Présidente (interprétation). - Je ne vois rien de

7 particulier dans cette partie, mais si vous passez au paragraphe 22, le

8 conseil de sécurité répète...

9 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui, en fait l'article 21

10 dit que l'ATNUSO devra coopérer avec le Tribunal, notamment en ce qui

11 concerne la protection des personnes identifiées par le bureau du

12 Procureur et au nom du Tribunal pénal international.

13 Mme la Présidente (interprétation). - Le paragraphe 20 affirme

14 que tous les Etats devront coopérer avec le Tribunal pénal international

15 pour l'ex-Yougoslavie et ses organes, selon la résolution 827 prise le

16 25 mai 1993. Il signale que les Etats devront respecter les demandes

17 d'assistance ou les ordonnances émises par la Chambre de première

18 instance, en vertu de l'article 29 du Statut. Connaissez-vous l'article 29

19 du Statut ?

20 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Non, je ne l'ai pas

21 actuellement à l'esprit.

22 Mme la Présidente (interprétation). - L'article 29 parle de

23 coopération et d'assistance judiciaire. Il dit que les Etats devront

24 respecter, sans délai, toute demande d'assistance ou toute ordonnance

25 émise par la Chambre de première instance. Ensuite, cet article fait

Page 237

1 référence à l'arrestation ou la détention de personnes. L'article 29

2 mentionne spécifiquement que les Etats ont le devoir d'arrêter ou

3 d'emprisonner des personnes. Mais selon vous, l'ATNUSO a cette

4 responsabilité également ?

5 M. Hryshchyshyn (interprétation). - C'est exact. Tel que je l'ai

6 compris et d'un point de vue extérieur, la République de Croatie n'exerce

7 pas de souveraineté dans cette région. Pour cette région particulière que

8 je viens de décrire, la responsabilité doit être exercée par les Nations

9 Unies et plus particulièrement par l'ATNUSO. Je pense que l'ATNUSO

10 fonctionnerait comme une organisation qui a une souveraineté et en tant

11 que telle, elle doit exercer cette

12 responsabilité jusqu'à ce que le territoire soit réintégré dans un Etat,

13 la République de Croatie en l'occurrence.

14 Mme la Présidente (interprétation). - Donc l'ATNUSO aurait la

15 possibilité, la compétence d'arrêter pour le Tribunal pénal international,

16 en Slavonie orientale ?

17 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui, c'est ainsi que je

18 comprends les choses. La force de police dans cette région, qui est

19 appelée la force de police transitoire, est responsable vis-à-vis de

20 l'administrateur transitoire et non pas vis-à-vis de la République de

21 Croatie. Donc, pour tout ce qui est des fonctions de surveillance, de

22 contrôle, ces responsabilités incombent à l'ATNUSO.

23 Mme la Présidente (interprétation). - Savez-vous si l'ATNUSO a

24 reçu des demandes de la part de la République de Croatie pour

25 l'arrestation et les poursuites de M. Dokmanovic ?

Page 238

1 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Pour autant que je sache, je

2 n'ai pas connaissance de plainte qui aurait été émise par la République de

3 Croatie à l'ATNUSO, sur ce cas particulier.

4 Mme la Présidente (interprétation). - Quant à l'accord de base

5 mentionné dans cette résolution, est-il entre les Croates et la communauté

6 serbe ? Savez-vous à quoi se réfère cet accord de base ? Cet accord

7 mentionne-t-il des sujets qui pourraient nous aider dans cette affaire de

8 l'arrestation de M. Dokmanovic ?

9 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je ne connais pas très bien

10 cet accord. Je crois qu'il a été signé le 12 novembre 1995. Cet accord

11 demande une période de deux ans, c'est-à-dire que si une des deux parties

12 décidait de prolonger cette période, elle pourrait la prolonger jusqu'à

13 deux ans. Donc c'est un accord entre le gouvernement croate et la

14 communauté serbe de la Slavonie orientale, de Baranja et de Srem. C'est un

15 accord qui a été signé sous la tutelle de l'ambassadeur Peter Galbraith

16 des Nations Unies et d'un représentant spécial des Nations Unies.

17 Il a été signé afin d'éviter de nouveaux conflits militaires et d'essayer

18 d'amener à l'instauration de la paix dans la région.

19 Mme la Présidente (interprétation). - Monsieur Niemann, avez-

20 vous quelque chose à dire ? Monsieur Fila ?

21 M. Fila (interprétation). - Je voudrais juste essayer de

22 clarifier un seul point. Connaissez-vous le ministre des Affaires

23 étrangères?

24 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui, je le connais. Nous

25 nous sommes rencontrés plusieurs fois et nous avons reçu une lettre de

Page 239

1 protestation.

2 M. Fila (interprétation). - Que dit cette lettre ?

3 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je ne me rappelle pas du

4 contenu exact de cette lettre-fax. C'était une lettre destinée à

5 l'administrateur transitoire, mais c'était une lettre de protestation.

6 Cependant, je dois dire que lors des réunions qui ont suivi,

7 réunions qui ont regroupé des personnes appartenant aux autorités

8 supérieures serbes, cette lettre a été l'objet de discussions entre

9 l’administrateur transitoire et des responsables du gouvernement serbe.

10 Lors de ces réunions, la protestation a été abandonnée en quelque sorte.

11 Il n'y a pas eu de conflit, de rancoeur, et la situation s'est apaisée.

12 L'arrestation n'a donc pas entraîné de situation conflictuelle.

13 M. Fila (interprétation). - Cette protestation a-t-elle été

14 retirée ? Ou bien, pourquoi donc n’y a-t-il pas eu d'affrontements, en

15 quelque sorte, sur ce point ? Est-ce que M. Milutinovic, le ministre des

16 Affaires étrangères, a retiré sa protestation ? Je tiens pour une

17 certitude qu'il ne l'a pas fait. Le ministre des Affaires étrangères de la

18 Yougoslavie, M. Milutinovic, a-t-il retiré cette lettre de protestation ?

19 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Je ne sais pas s’il a retiré

20 officiellement cette lettre de protestation. Cependant, je dois signaler

21 qu'une réunion s'est tenue entre le

22 Président Milosevic, M. Milutinovic et M. Klein qui faisait aussi partie

23 de cette réunion. A la fin de cette réunion, il n'y a plus eu signe d'une

24 éventuelle protestation du gouvernement serbe.

25 Mme la Présidente (interprétation). - Monsieur Fila, avez-vous

Page 240

1 d'autres questions ? Je voudrais parler de la pièce n° 11.

2 M. Fila (interprétation). - Je termine. Quelle a été la réaction

3 de la population après l'arrestation de M. Dokmanovic sur des territoires

4 contrôlés par l’ATNUSO ? Y a-t-il eu des protestations issues de

5 différentes organisations ? Les gens ont-ils commencé à quitter le

6 territoire après cette arrestation ? Est-ce la raison pour laquelle vous

7 avez eu des discussions avec M. Milosevic ?

8 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Ce n'était pas la raison qui

9 a motivé la réunion avec M. Milosevic. Dans cette réunion, nous avons

10 discuté d'un certain nombre de problèmes. L'administrateur transitoire a

11 rencontré le Président de la Croatie et, à l’époque, le Président de la

12 République serbe, pour notamment différents problèmes, car c'est une

13 région qui abrite plusieurs groupes ethniques. Nous avions donc besoin

14 d'une réunion particulière pour parler de tout cela.

15 En ce qui concerne la réaction des différentes personnes qui

16 habitaient dans cette région, au départ les personnes ont été un peu

17 préoccupées et l'ont d'ailleurs exprimé. Il me semble qu'effectivement

18 nous avons reçu au moins une lettre de protestation, peut-être d'un

19 dirigeant local, je ne sais plus exactement de qui nous l'avons reçue.

20 Effectivement, c'était une lettre de préoccupations.

21 M. Fila (interprétation). - M. Matevovic ?

22 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Oui, c'est possible. Je ne

23 me rappelle plus. On peut dire qu'à cette époque il y a eu une réaction de

24 la population qui s’en est trouvée assez apaisée. Mais je crois qu’il est

25 difficile de décrire les réactions individuelles des personnes ; mais je

Page 241

1 voudrais être franc. Toute protestation qui, selon moi, a été très mince,

2 a disparu très

3 rapidement. En fait, la réaction générale de la population a été une

4 réaction mitigée. Il y a eu à la fois des gens qui étaient préoccupés par

5 ce qui s'était passé et d'autres personnes qui se sont rendu compte que

6 c'était de la responsabilité de la communauté internationale de

7 concrétiser des mises en accusations faites par ce Tribunal. Donc, en

8 fait, il n’y a pas eu de compromis dans toute la région en ce qui concerne

9 la réaction face à cet incident.

10 De plus, après cette arrestation, il a été signalé que certains

11 individus se sont montrés très préoccupés, individus qui -peut-être ou

12 peut-être pas- ont participé à des actions illégales. Certains individus

13 ont quitté la région après cette arrestation. Pour moi, la réaction a été

14 mitigée, elle a été assez faible et a vite disparu.

15 M. Fila (interprétation). - Encore une question, la dernière.

16 Puisque nous savons qu'il y a des forces de police qui sont sous le

17 contrôle de l’ATNUSO et qui sont composées de Croates et de Serbes, c'est

18 bien exact ce que je suis en train de dire, est-ce que ces forces mixtes

19 peuvent procéder à une arrestation ? Ou êtes-vous obligé de faire appel à

20 des soldats de l’ATNUSO ? Merci.

21 M. Hryshchyshyn (interprétation). - Non, la police peut arrêter

22 des individus.

23 M. Fila (interprétation). - Merci.

24 Mme la Présidente (interprétation). - Monsieur Niemann, avez-

25 vous des questions ?

Page 242

1 M. Niemann (interprétation). - Non.

2 Mme la Présidente (interprétation). - Après la pause, nous

3 allons entendre les déclarations du Greffe. Je voudrais clarifier certains

4 points. Puis, nous entendrons les interventions des deux parties et, si

5 nous pouvons, je voudrais ensuite terminer à 17 heures 30. Nous voudrions

6 tous finir à 17 heures 30. Nous ne pouvons pas continuer demain puisqu'il

7 n'y a qu'une salle de Tribunal et qu'il y a deux procès en même temps.

8 En ce qui concerne la pièce 11 de la défense,

9 Monsieur Williamson, je crois que

10 vous avez soulevé une objection vis-à-vis de cette pièce ?

11 M. Williamson (interprétation). - Je crois que l'une des pièces

12 présentée était une lettre de M. Materovic qui est dirigeant d'une

13 organisation de Serbes locale en Slavonie orientale et qui a déjà été

14 soumise.

15 Mme la Présidente (interprétation). - Très bien. Donc nous

16 allons prendre une pause jusqu'à 16 heures 45. Monsieur le témoin, vous

17 êtes libéré de façon définitive.

18 (Le témoin est reconduit hors de la salle d'audience)

19 (La séance, suspendue à 16 heures 30, est reprise à 16 heures 45)

20 Mme la Présidente (interprétation). - J'ai demandé à

21 Mme le Greffier d'être présente dans notre réunion en cet instant pour

22 qu'elle nous explique quelles sont les circonstances entourant la création

23 de la pièce à conviction de la défense n° 13, à savoir le mandat d'arrêt

24 dont une version existe en serbo-croate et l'autre en anglais.

25 Y a-t-il un problème technique ?

Page 243

1 La pause a été relativement courte de façon que nous puissions

2 suspendre l'audience à 17 heures 30.

3 Comme je viens de le dire, j'ai demandé à Mme le Greffier

4 d'assister à notre audience de façon qu'elle puisse parler de la pièce à

5 conviction de la défense n° 13, à savoir le mandat d'arrêt visant

6 M. Dokmanovic. Il en existe une version en serbo-croate, une autre version

7 en anglais, toutes deux composant la pièce à conviction de la

8 défense n° 13.

9 Madame De Sampayo.

10 Mme le Greffier (interprétation). - Comme j'ai compris la

11 question, je pense qu'il m'est demandé d'expliquer quel est le statut de

12 la pièce à conviction de la défense n° 13. Il y a un mandat d'arrêt

13 initial qui a été signé le 3 avril 1996 et confirmé par le juge Riad. Ce

14 mandat n'a pas été divulgué et a été signifié plus tard, en juillet 1996 ;

15 il a été envoyé à l'ATNUSO.

16 Selon moi, le document original, c'est-à-dire l'ordonnance

17 originale du juge, signée par lui, est un mandat d'arrêt rédigé en

18 anglais. Un exemplaire en serbo-croate était annexé à ce mandat d'arrêt.

19 Vous vous rendez bien compte qu'au Greffe, nous ne sommes pas capables de

20 lire et de vérifier chaque mot de la traduction ; nous ne pouvons pas

21 vérifier l'exactitude de la traduction. Il apparaît aujourd'hui que la

22 traduction en serbo-croate comportait une erreur. Les noms des personnes

23 visées y figurent sans erreur et le destinataire était l'ATNUSO. Mais une

24 autre version de ce mandat d'arrêt devait être envoyée au gouvernement

25 croate ; plutôt un autre exemplaire de la traduction devait être envoyé au

Page 244

1 gouvernement croate. C'est ce qui figure dans le texte et cela a été

2 corrigé. C'est une erreur ; cela ne fait aucun doute.

3 Comme vous le savez, nous essayons au mieux de réduire le nombre

4 d'erreurs commises par les êtres humains, mais il convient de souligner

5 qu'il s'agit là d'une traduction et pas d'un document original. Le

6 document original ne comporte aucune erreur ; il a été signé par le

7 juge Riad, le 3 avril, et expédié par la suite. C'est ce document qui fait

8 foi. Seulement, il est rédigé en anglais.

9 Mme la Présidente (interprétation). - De la façon dont je

10 comprends les choses, Mme De Sampayo, par la suite, lorsqu'il est apparu

11 que la version serbo-croate du mandat d'arrêt anglais, signé par le

12 juge Riad, le 3 avril 1996, n'indiquait comme destinataire que la

13 République de Croatie, cette erreur a été corrigée, amendée par la suite.

14 La version serbo-croate, qui fait désormais partie du dossier, indique

15 bien que le mandat devait être envoyé à la fois à l'ATNUSO et à la

16 République de Croatie. C'est bien cela ?

17 Mme le Greffier (interprétation). - Le mandat n'a pas été envoyé

18 à la Croatie. Il s'agissait d'une ordonnance du juge et il était stipulé

19 que cette ordonnance ne devait pas être divulguée et qu'il n'était pas

20 nécessaire de l'envoyer à la République de Croatie.

21 Mme la Présidente (interprétation). - Bien. Donc, si ce document

22 figure dans les dossiers du Greffe, il n'aura pas besoin d'être versé au

23 dossier de cette audience. Bien entendu, la défense et l'accusation auront

24 la possibilité d'en obtenir un exemplaire puisque ce document n'est plus

25 sous scellés.

Page 245

1 Mme le Greffier (interprétation). - J'ai cru comprendre que des

2 exemplaires ont été envoyés aux deux parties en présence ici.

3 Mme la Présidente (interprétation). - La version corrigée.

4 Mme le Greffier (interprétation). - Oui, la version corrigée.

5 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Fila, dites-vous

6 que vous avez reçu un exemplaire de la version corrigée en serbo-croate du

7 mandat d'arrêt, celui qui correspond au mandat d'arrêt en anglais signé le

8 3 avril 1996 par le juge Riad ?

9 M. Fila (interprétation). - Madame la Présidente, au moment de

10 son arrestation, M. Dokmanovic a écrit un document sur lequel il était

11 indiqué en serbo-croate que c'est l'Etat croate qui devait l'arrêter.

12 C'est la source de notre objection. Ce qui s'est passé par la suite ne

13 m'intéresse pas. Au moment de son arrestation M. Dokmanovic aurait dû

14 recevoir une version exacte. Que la version ait été corrigée par la suite

15 n'a guère d'importance. Nous évoquons cela pour une raison très simple, à

16 savoir qu'en trois endroits le terme ATNUSO est traduit de façon erronée

17 par Croatie. C'est impossible. Une telle erreur n'est pas une erreur

18 mineure et elle ne peut pas être commise sans importance. Personne ne

19 savait qu'on allait constater cette erreur. C'est donc, d'après nous, une

20 erreur délibérée. M. Dokmanovic, qui ne connaît pas l'anglais, a reçu ce

21 texte en serbo-croate qui comportait cette erreur.

22 Mme la Présidente (interprétation). - C'est M. Dokmanovic qui a

23 reçu ce document ? Bien. Maître Niemann, avez-vous un commentaire à

24 formuler sur cette question ?

25 M. Niemann (interprétation). - Non, Mme la Présidente.

Page 246

1 Mme la Présidente (interprétation). - Merci beaucoup. Merci,

2 Madame De Sampayo, d'être venue dans le prétoire. S'il n'y a pas d'autre

3 question, nous conclurons avec les remarques de conclusion.

4 Maître Fila ?

5 M. Fila (interprétation). - Mme la Présidente, dans le respect

6 de l'horaire prévu, je m'exprimerai très brièvement, car ce que nous

7 avions à dire a déjà été remis au Tribunal par écrit ; et cela fait

8 plusieurs fois que moi-même et mon collègue de l'accusation échangeons nos

9 points de vue.

10 La première remarque que nous faisons est la suivante : le

11 territoire sur lequel l'arrestation a eu lieu n'est pas sous le contrôle

12 de l'ATNUSO. Je crois que c'est un fait qui ne peut être discuté. Les deux

13 hommes, Dokmanovic et Knezevic, ont factuellement été arrêtés, privés de

14 liberté sur un territoire qui n'est pas sous la juridiction de l'ATNUSO.

15 Le deuxième

16 point, c'est l'embuscade qui n'a même pas été discutée. Le troisième

17 point, qui ressort de la déposition de M. Curtis, c'est qu'il apparaît à

18 l'évidence qu'il est allé chez lui pour le tromper. Nous prétendons que

19 cela a été fait en vertu d'une résolution des Nations Unies et que

20 l'ATNUSO n'avait pas autorité pour agir de la sorte.

21 Cinquièmement, l'article 59 des documents de base de ce Tribunal

22 prévoit qu'il est impossible de prévaloir sur une résolution des Nations

23 Unies. Sixièmement, cet exemple nous vient de l'affaire Adolf Eichman et

24 Klaus Barbie pour ce qui est du comportement d'un état déterminé. Le

25 Conseil de sécurité a réagi au comportement d'un certain nombre d'Etats en

Page 247

1 estimant que la souveraineté était menacée dans l'affaire des forces

2 israéliennes, par exemple, qui ont attaqué l'aéroport d'Entebe. Cela a

3 donné lieu à une convention sur le terrorisme qui interdit des actions de

4 ce genre, à l'avenir.

5 Ce Tribunal ne représente pas le Tribunal d'un Etat. Il

6 représente les tribunaux de plusieurs Etats. C'est un élément exécutoire

7 pour ce Tribunal et ce Tribunal doit agir de façon que tous les Etats

8 membres des Nations Unies qui le reconnaissent puissent assumer les

9 conséquences de leurs actes, notamment les conséquences du fait d'honorer

10 ou de ne pas honorer telle ou telle décision d'un tribunal. Dans l'affaire

11 Eichman, Israël n'avait pas autorité pour décider des sanctions qui ont

12 été imposées, mais le Conseil de sécurité pouvait appliquer ces sanctions

13 contre mon pays ; ce qui a été fait pendant quelques années. Je ne parle

14 pas d'un individu, mais des Etats-Unis. Ces sanctions ont donc été imposée

15 par le Conseil de sécurité. Par conséquent, une question d'absence de

16 coopération de la Yougoslavie avec le Tribunal a été évoquée. Nous avons

17 déjà dit et cité la Constitution yougoslave. Un conflit existe entre les

18 autorités yougoslaves et ce Tribunal.

19 L'extradition doit être discutée dans ce cadre. Elle ne concerne

20 que des citoyens yougoslaves. Il n'y a eu aucun problème, à aucun moment,

21 d'extradition concernant des personnes qui ne sont pas citoyens de la

22 République fédérale yougoslave, à la demande de ce

23 Tribunal. M. Dokmanovic, par exemple, est concerné dans ce sens. Il ne

24 peut donc être question d'arrestation réalisée dans ce cadre s'il s'agit

25 d'un citoyen qui n'est pas citoyen de la Yougoslavie. Les conséquences des

Page 248

1 actes dont il a été question ici sont graves : l'expulsion d'un grand

2 nombre de personnes. Je voudrais les rappeler ici. Des dommages ont été

3 imposés, des gens ont été lésés. J'aimerais rappeler à Me Niemann l'erreur

4 sur la personne commise à l'encontre d'un citoyen qui a comparu ici et qui

5 a été emprisonné pendant trois mois. Des gens ont fui, qui étaient

6 coupables ou qui ne l'étaient pas.

7 Voilà quelles sont les raisons de la réaction que nous avons

8 exprimée ici, aujourd'hui. La confiance est entachée, sapée à la base.

9 J'ai déjà dit à plusieurs reprises que des victimes et des enfants,

10 notamment, ont souffert. Tout cela constitue un danger pour demain parce

11 que si, demain, un autre Curtis veut organiser une rencontre avec

12 quelqu'un, que se passera-t-il ? La souveraineté de la Yougoslavie a été

13 lésée. Les véhicules des Nations Unies ont un but précis ; ils servent à

14 une fin précise. Une embuscade a été organisée à Erdut. Vous avez entendu

15 un certain nombre de personnes qui en ont parlé. L'interprète —dont je ne

16 citerai pas le nom— a déclaré que M. Hryshchyshyn avait proposé d'envoyer

17 des véhicules des Nations Unies, y compris à Sombor, c'est-à-dire

18 l'endroit où habite M. Dokmanovic. M. Curtis l'a confirmé également.

19 M. Hryshchyshyn a nié ce fait. Il était tout à fait manifeste que

20 M. Dokmanovic n'était pas l'invité de M. Hryshchyshyn, mais qu'une

21 opération avait été organisée pour le faire venir sur les lieux où il

22 était possible de l'arrêter.

23 Personne ne me convaincra qu'à partir du 3 avril 1996, le

24 juge Riad, en deuxième page du mandat d'arrêt, n'a pas donné l'adresse

25 exacte de M. Dokmanovic. Un fax a été envoyé pour permettre à la police de

Page 249

1 l'arrêter. Si vous écoutez M. Hryshchyshyn, vous avez l'impression que,

2 sur le territoire de la Slavonie, il n'existe que des représentants de

3 l'ATNUSO. Or, il existe des forces de police très puissantes qui sont sous

4 le contrôle direct de M. Klein ; elles pouvaient intervenir sans aucun

5 problème. Pourquoi a-t-il fallu attendre jusqu'en juin 1997 depuis le

6 3 avril ? Fallait-il attendre la décision d'une personnalité importante

7 des Etats-Unis ? Je n'en sais rien et je n'affirmerai pas ce que je ne

8 sais pas.

9 Cette opération a été mal menée. L'intégrité de mon pays a été

10 lésée. La réaction, y compris du ministère des Affaires étrangères de

11 Croatie... Vous avez posé une question à Mme Rodac et il a été dit qu'il

12 était impossible de se promener comme on le voulait, en Croatie. Je ne

13 connais pas un seul pays où quelqu'un peut procéder à une arrestation sur

14 le sol de ce pays sans que les autorités soient au courant. J'ai bien

15 compris quel était le fond de l'affaire Eichman et de l'affaire Barbie.

16 Mais là, nous avions une police d'un Etat qui envoyait cette police sur le

17 territoire d'un autre Etat pour procéder à une arrestation. Même en dépit

18 de cela, l'arrestation a été jugée irrégulière. En sus de tout ce que je

19 viens de dire, j'ajouterai que je considère que, si un tel mode

20 d'arrestation est entériné par vous, cela aura des répercussions très

21 importantes. Il n'y a aucun problème pour que M. Dokmanovic retourne en

22 Yougoslavie et que vous interveniez auprès de la Yougoslavie selon les

23 règles. Mais l'arrestation telle qu'elle a été faite n'est pas acceptable.

24 M. Dokmanovic a un statut de réfugié. Ce n'est pas la même chose

25 qu'un statut de citoyen. Je suppose que vous êtes au courant. Dans le

Page 250

1 document que j'ai soumis au Tribunal, l'adresse exacte de M. Dokmanovic

2 apparaît, ainsi que sa citoyenneté. Avant la guerre, au sein de la RSFY,

3 nous avions deux nationalités dont celle de la République. Par exemple,

4 moi, j'étais originaire de Grèce, donc je n'avais pas la nationalité de la

5 République dans laquelle je résidais ; et j'étais également yougoslave.

6 Aujourd'hui, je suis encore protégé par ce genre de règlement. Il n'est

7 pas question de discuter le point de savoir si nous avons raison ou pas de

8 maintenir ces règlements. M. Cassese en a déjà discuté. Quoi qu'il en

9 soit, ce n'est pas le sujet ici.

10 Pour résumer, ce qui s'est passé n'est pas régulier. Il est très

11 grave de pouvoir envisager que cela puisse se reproduire à l'avenir, car

12 cela présenterait un danger très important pour l'existence de pas mal de

13 jeunes gens dans ces régions. Je vous remercie.

14 Mme la Présidente (interprétation). - Où M. Dokmanovic est-il

15 né ? Vous dites que cela figure dans les documents. Je ne suis pas sûre de

16 l'avoir remarqué.

17 M. Fila (interprétation). - Vous avez la carte d'identité et le

18 passeport de M. Dokmanovic qui ont été versés au dossier. Il y est écrit

19 "Vukovar". Tous ces documents ont été émis à Vukovar. Il n'aurait pas pu

20 être Président de l'Assemblée municipale de Vukovar s'il n'était pas né à

21 Vukovar. Il n'y avait aucune nécessité d'organiser une telle opération. Je

22 crois qu'il convient de le dire publiquement. Aucune nécessité. La

23 cassette que j'ai demandé à voir, je ne l'ai pas demandée pour mettre en

24 danger la vie de ses enfants, pas du tout. Croyez-moi, une erreur a été

25 commise : il importe qu'elle soit corrigée.

Page 251

1 Mme la Présidente (interprétation). - Quelles sont les

2 conséquences juridiques du retard ?. Le mandat d'arrêt a été signé par le

3 juge Riad, le 3 avril 1996. Selon les documents professionnels de

4 M. Dokmanovic, il résidait à Sombor depuis juillet 1996. Quelles sont les

5 conséquences juridiques de ce retard ?

6 Je comprends que factuellement l'arrestation aurait pu être

7 faite plus tôt, mais quels sont les droits qui ont été violés, sur le plan

8 juridique, en raison de ce retard et non en raison de la méthode

9 d'arrestation ?

10 M. Fila (interprétation). - Toute personne qui vit sur le

11 territoire de la République yougoslave a un statut déterminé et bénéficie

12 de certaines protections. Il n'était pas illégalement sur le territoire

13 yougoslave. Même dans ces conditions, il était impossible de l'arrêter.

14 Légalement, il avait le statut de réfugié : en 1997, cette liste sur

15 laquelle figuraient 150 noms est apparue ; son nom et celui de Knezevic

16 figuraient sur cette liste. Son épouse est partie pour Sombor en

17 juillet 1997. Dokmanovic a dû continuer à travailler pendant six mois dans

18 le cadre de sa profession. Il a subi un accident de voiture et, à tout

19 moment, il pouvait être arrêté : il a été photographié avec M. Klein, il a

20 participé à des réunions qui ont abouti à des accords. Je ne comprends pas

21 pourquoi il fallait causer, provoquer un incident international et créer

22 tant

23 d'agitation alors qu'il était possible de l'arrêter à tout moment. A

24 Baranja, Milosevic et d'autres ont tout fait pour que les choses se

25 calment. Vous savez, nous avons fait beaucoup d'efforts pour que les gens

Page 252

1 arrêtent de fuir. Me Vujin et moi-même, nous nous sommes investis

2 personnellement.

3 Mme la Présidente (interprétation). - Quels sont les droits qui

4 ont été violés, sur le plan juridique, par ce retard à exécution de

5 l'arrestation ? C'était ma question. Je comprends que vous estimiez qu'il

6 n'y avait pas nécessité d'attendre si longtemps. Je ne suis d'ailleurs pas

7 au courant que cette nécessité ait jamais existé. Je ne suis pas au

8 courant de cela. Quelle était la situation en avril 1996 ? Qui était

9 disponible pour exécuter le mandat d'arrêt ? Je ne le sais pas. Je demande

10 quels sont les droits qui ont été violés et s'il pouvait être arrêté dans

11 un délai de trente jours, après émission du mandat d'arrêt ou y avait-il

12 un délai prescrit ? Est-ce cela que vous êtes en train de dire ?

13 M. Fila (interprétation). - Non, je désire dire que la procédure

14 des Nations Unies, par l'intermédiaire du Statut, a prévu la façon dont

15 une arrestation doit être faite. Il était réfugié sur le territoire d'un

16 Etat indépendant qui s'appelle la Yougoslavie. Sur ce territoire, il est

17 impossible de procéder à une arrestation de cette façon. Il fallait

18 demander à la Yougoslavie de procéder à l'arrestation. Son droit a été

19 lésé parce qu'il a été arrêté de façon inhumaine, d'une façon qui viole

20 les Droits de l'homme.

21 J'explique que ce n'est pas ainsi que les choses se font, qu'il

22 aurait fallu faire appel à une police légale pour procéder à

23 l'arrestation. Aujourd'hui, demain ou après-demain, nous essaierions de

24 confirmer sa culpabilité ou son innocence. Je pense qu'une arrestation

25 irrégulière fait que la souveraineté de la Yougoslavie a été lésée et que

Page 253

1 cette opération est inacceptable.

2 C'est la raison pour laquelle j'ai soumis mon document. Les

3 Nations Unies ont d'ailleurs prévu de quelle façon, ici, il doit être

4 procédé à une arrestation. Le Conseil de sécurité a déterminé ce que

5 pouvait faire l'ATNUSO. Nulle part il n'est écrit que l'ATNUSO est

6 habilitée

7 à arrêter des gens, à organiser des embuscades, etc., en tout cas pas de

8 façon armée.

9 Enfin, j'affirme que les règlements de ce Tribunal ne peuvent

10 pas prévaloir sur les résolutions des Nations Unies.

11 Donc tout ce qui s'est passé dans cette affaire suffit à

12 déclarer que cette arrestation est illégale. J'ai évoqué le retard.

13 Jusqu'au mois d'octobre, il était disponible. Il était disponible depuis

14 le mois de mars ou même février.

15 Mme la Présidente (interprétation). - Donc, vous ne dites pas

16 qu'un accusé a droit d'être arrêté dans un délai prescrit. Vous dites que

17 l'article 29 du Statut prescrit un certain nombre de conditions à

18 l'arrestation et que l'ATNUSO n'a pas autorité pour procéder à une

19 arrestation. Vous ajoutez que le mode d'arrestation était irrégulier,

20 n'est-ce pas ?

21 M. Fila (interprétation). - Troisièmement, ou en outre, le

22 mandat d'arrêt doit être exécuté sans retard, c'est ce qui est écrit dans

23 le statut. Il convient donc de demander à l'Etat qui procède à

24 l'arrestation de le faire sans retard et de ne pas attendre que quelqu'un

25 estime, à un moment donné, qu'il peut être intéressant de procéder à

Page 254

1 l'arrestation, deux ou trois ans plus tard. C'est ce qui est écrit dans le

2 statut.

3 Mme la Présidente (interprétation). - Etes-vous en train de dire

4 que le fait que le mandat ait été scellé a empêché un Etat de remplir ses

5 obligations légales en vertu de l'article 29 puisque les termes "sans

6 retard inutile" existent ? Ce retard commence-t-il à courir à partir de la

7 signature par le juge de confirmation ou à partir du moment où le mandat

8 est émis publiquement ?

9 M. Fila (interprétation). - Si un mandat d'arrêt est émis à des

10 fins d'arrestation, il faut s'adresser à l'Etat sur le territoire duquel

11 se trouve la personne recherchée, l'accusé, je ne sais pas quels termes

12 vous utilisez. Je crois que nous parlons d'accusé. Je crois que

13 l'article 53, pour autant que je l'aie compris, ne signifie pas que les

14 choses doivent se faire dans le secret, sans être divulguées à l'Etat

15 concerné. Sinon cela signifierait que des parachutistes peuvent

16 débarquer, demain, sur le territoire d'un Etat et attaquer à leur gré.

17 Mme la Présidente (interprétation). - Très bien, merci.

18 M. Williamson (interprétation). - Madame la Présidente, un

19 certain nombre de documents ont déjà été soumis au Tribunal sur ce sujet.

20 Je ferai confiance au contenu de ces documents. Je voudrais reprendre

21 quelques-uns des points que vient d'évoquer M. Fila.

22 Pour répondre à sa prétention selon laquelle l'arrestation a eu

23 lieu sur le territoire de la République fédérale yougoslave, je rappelle

24 que, dans son document écrit, M. Fila parle de territoire de la République

25 yougoslave, de facto parce que M. Dokmanovic était dans un véhicule qui se

Page 255

1 trouvait sur ce territoire. D'après ce qui a été dit ici aujourd'hui,

2 l'ambiguïté qui préside à l'emplacement exact de la frontière a bien été

3 montrée. Il est avéré que les véhicules se trouvaient entre le poste-

4 frontière du côté yougoslave et le poste-frontière du côté croate.

5 A ce moment-là, M. Dokmanovic et M. Knezevic sont montés de leur

6 plein gré dans le véhicule. Selon la déposition de M. Dokmanovic, jusqu'au

7 moment où il a été extirpé du véhicule, il continuait à croire qu'il se

8 rendait à une rencontre avec M. Klein. Rien, au cours du voyage, depuis le

9 côté Bogujevo du fleuve jusqu'au camp de l'ATNUSO, n'a permis à

10 M. Dokmanovic de penser qu'il était effectivement en état d'arrestation.

11 L'arrestation s'est effectivement produite sur le territoire croate à

12 quelque distance du pont.

13 En outre, M. Fila argue du fait que l'ATNUSO n'est pas mandatée

14 pour procéder à des arrestations. Là, je dirai deux choses. D'abord,

15 l'ATNUSO était en possession d'un mandat d'arrêt en bonne et due forme,

16 signé par un juge de ce Tribunal. Ce mandat était délivré en vertu de

17 l'article 59 du Règlement promulgué par les juges de ce Tribunal. Il y

18 avait donc une ordonnance du Tribunal pour agir. A notre avis, il aurait

19 été contraire à l'ordonnance de la Cour de ne pas agir.

20 De plus, si vous lisez le paragraphe 21 du mandat, il y est

21 stipulé de l'ATNUSO doit coopérer avec le Tribunal international dans

22 l'exécution de ses mandats d'arrêt et qu'il faut qu'il y ait coopération

23 avec les personnes qui mènent les enquêtes pour le Tribunal international.

24 Lorsque le mandat de l'ATNUSO a été déterminé par le Conseil de

25 sécurité en vertu de la résolution 1037 des Nations Unies, le mandat

Page 256

1 d'arrêt a été discuté. Mon avis est qu'une personne recherchée doit être

2 traduite devant la justice. Je cite : "Au cours de la période de

3 transition et en vertu des dispositions de la résolution et du statut du

4 Tribunal international,

5 l'ATNUSO a donc autorité pour traiter des crimes de guerre commis dans

6 l'ex-Yougoslavie." En outre le représentant égyptien, M. Alari*, a déclaré

7 lors de cette réunion, en rapport avec l'article 21 du projet de

8 résolution : "La coopération entre l'ATNUSO et le Tribunal international

9 de l'ex-Yougoslavie doit être globale et large. Elle doit avoir pour but

10 de traduire en justice les personnes recherchées. Personne n'est autorisé

11 à contester le sens de ce mandat. Chacun est tenu d'agir en vertu du

12 contenu de ce mandat."

13 Mme la Présidente (interprétation). - Vous êtes conscient,

14 M. Williamson, que le représentant de l'ATNUSO, c'est-à-dire l'assistant

15 de l'administrateur transitoire, a déclaré que l'ATNUSO n'avait pas arrêté

16 M. Dokmanovic. Il a déclaré que c'était le bureau du procureur du Tribunal

17 qui l'avait arrêté. Etes-vous d'accord avec ce qui a été dit ?

18 M. Williamson (interprétation). - Il s'agit d'une opération dont

19 nous avons tous vu la bande vidéo. Elle parle d'elle-même.

20 Mme la Présidente (interprétation). - Absolument pas.

21 M. Williamson (interprétation). - Il a été placé sous la garde

22 de membres de l'ATNUSO.

23 Mme la Présidente (interprétation). - Mais quand M. Dokmanovic

24 a-t-il été arrêté pour la première fois ?

25 M. Williamson (interprétation). - Sur la base d'Erdut.

Page 257

1 Mme la Présidente (interprétation). - Qui l'a détenu ?

2 M. Williamson (interprétation). - C'est bien le personnel

3 militaire de l'ATNUSO.

4 Mme la Présidente (interprétation). - A-t-il été arrêté à ce

5 moment précis ? Etait-il sous le coup du mandat d'arrestation à ce moment

6 précis ?

7 M. Williamson (interprétation). - Je pense que oui, c'était le

8 cas. Il n'était pas libre de s'en aller.

9 Mme la Présidente (interprétation). - On ne lui a pas fait la

10 lecture de ses droits.

11 M. Williamson (interprétation). - On lui a fait la lecture de

12 ses droits, immédiatement après son arrestation.

13 Mme la Présidente (interprétation). - On lui a lu ses droits

14 lorsqu'il est arrivé à la base d'Erdut ?

15 M. Williamson (interprétation). - Je suis en train de dire qu'au

16 moment où il a été détenu, il se trouvait à la base d'Erdut.

17 Mme la Présidente (interprétation). - Avant cela, il aurait pu

18 quitter le véhicule et se considérer comme un homme libre.

19 M. Williamson (interprétation). - Je ne peux pas dire cela. Ce

20 serait pure spéculation de ma part. Comment aurait réagi le personnel se

21 trouvant autour du véhicule à ce moment-là ? La question ne s'est même pas

22 posée. La question est la suivante. Si M. Dokmanovic est entré de son

23 plein gré dans ce véhicule, il n'y avait aucune raison pour qu'il essaie

24 de s'en échapper. Il n'a pas essayé de s'en échapper. Ce serait pure

25 spéculation de ma part de dire que les soldats qui conduisaient ce

Page 258

1 véhicule auraient subitement verrouillé les portes et tenté de le

2 maintenir physiquement à l'intérieur du véhicule s'il était resté du côté

3 yougoslave du pont.

4 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Fila, je vous en

5 prie, ne prenez pas la parole lorsque Maître Williamson nous soumet ses

6 conclusions !

7 Vous êtes bien d'accord qu'il a été arrêté, tout de même ?

8 M. Williamson (interprétation). - Nous sommes d'accord pour dire

9 qu'il a été arrêté une fois qu'il est sorti du véhicule.

10 Mme la Présidente (interprétation). - Quand a-t-il été arrêté ?

11 M. Williamson (interprétation). - Eh bien à ce même moment.

12 Mme la Présidente (interprétation). - Entendu. Qui l’a arrêté ?

13 M. Williamson (interprétation). - Il a été arrêté par le

14 personnel militaire de

15 l’ATNUSO et par les représentants du bureau du Procureur.

16 Mme la Présidente (interprétation). - Quels sont les pouvoirs du

17 représentant du bureau du Procureur pour arrêter quelqu'un ?

18 M. Williamson (interprétation). - Selon l'article 59 du

19 Statut...

20 Mme la Présidente (interprétation). - Il s'agit ici d'un article

21 du Règlement de preuve et de procédure. L'article 16 du statut déclare :

22 « Le Procureur est responsable de l'instruction des dossiers et de

23 l'exercice de la poursuite contre les auteurs de violations graves du

24 droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-

25 Yougoslavie depuis le 1er janvier 1991 ». Il n’y a donc rien d'autre qui

Page 259

1 apparaît dans l'article 16 qui se réfère à une arrestation ou à quelque

2 chose d'approchant. Il est écrit que le Procureur est un organe distinct,

3 etc., qu'il se compose de...

4 Donc, il faut se référer à l'article 59 bis du Règlement de

5 preuve et de procédure qui concerne les mandats d'arrêt et les ordres de

6 transfert. Cet article 59 bis prévoit l'arrestation ou le transfert du

7 mandat d'arrêt aux autorités et au Procureur. C'est donc l'article 59 bis

8 qui donne autorité au bureau du Procureur d'arrêter quelqu'un.

9 M. Williamson (interprétation). - En effet.

10 Mme la Présidente (interprétation). - Vous êtes donc d'accord

11 que le bureau du Procureur ne peut pas aller au-delà des pouvoirs qui lui

12 sont accordés par le biais de l'article 59 ?

13 M. Williamson (interprétation). - Madame le Président,

14 l'article 15 prévoit que les juges du Tribunal international adopteront un

15 règlement qui régira la phase préalable à l'audience, l'audience et les

16 recours, la recevabilité des preuves, la protection des victimes et des

17 témoins et d'autres questions appropriées. Il semble que ce soit l'article

18 pertinent et celui qui permette au Tribunal de fonctionner.

19 Mme la Présidente (interprétation). - Dans l'article 29, on

20 parle effectivement

21 d'arrestation et on parle de la coopération des Etats qui doivent se

22 conformer aux ordonnances du Tribunal et aider à mener à bien les

23 arrestations. Pouvez-vous me dire dans quel article du Statut il est

24 conféré cette autorité au bureau du Procureur ?

25 M. Williamson (interprétation). - Je ne sais pas s'il y a une

Page 260

1 disposition spéciale dans le Statut qui donne l'autorisation au bureau du

2 Procureur ou à qui que ce soit d’autre, à des Etats de mener à bien des

3 arrestations. Cela dit, je pense que l'on peut supposer que tout ce qui

4 est écrit dans les documents de base est absolument valide. Tout ce que

5 nous avons fait, nous l’avons fait dans le cadre du respect des statuts.

6 Mme la Présidente (interprétation). - L'article 22 stipule que

7 le Tribunal prévoit dans son Règlement de procédure et de preuve des

8 mesures de protection des victimes et des témoins. Les mesures de

9 protection comprennent, sans y être limitées, la tenue d'audiences à huis

10 clos et la protection d'identité des victimes.

11 M. Williamson (interprétation). - Vous parlez de l'article 22 ?

12 Mme la Présidente (interprétation). - Non, de l'article 20.2

13 M. Williamson (interprétation). - Excusez-moi.

14 Mme la Présidente (interprétation). - L'article 20.2 est le

15 suivant : « Toute personne contre laquelle un acte d’accusation a été

16 confirmé et conformément à une ordonnance ou un mandat d’arrêt décerné par

17 le Tribunal international placée en état d’arrestation, immédiatement

18 informée des chefs d’accusation portés contre elle, est déférée au

19 Tribunal international ».

20 L'article 16.1 parle d'une façon générale de l'autorité qui est

21 conférée au bureau du Procureur. Donnez-moi un endroit du Statut où l’on

22 donne cette autorité au bureau du Procureur. Si vous pensez que le

23 Procureur ne reçoit pas ce type d'autorité, sauf dans ce qui figure dans

24 le Règlement de procédure et de preuve, alors dites-le.

25 M. Williamson (interprétation). - Ma position est la suivante.

Page 261

1 Le Règlement de

2 preuve et de procédure a été appliqué. Le Règlement prévoit que le

3 Procureur peut procéder à des arrestations. Cela figure dans les pouvoirs

4 implicites du Tribunal.

5 Mme la Présidente (interprétation). - Vous vous rendez compte

6 que le Règlement n'a pas forcément une base suffisante dans le statut pour

7 que cette base puisse être considérée comme valable automatiquement. Les

8 juges font le règlement, mais ils peuvent faire des erreurs, n'est-ce

9 pas ? Moi, en tout cas, j’en fais.

10 Si vous recherchez l'autorité dans le Règlement uniquement, je

11 pense qu'il serait préférable de se tourner du côté du Statut, parce que

12 c'est ce que font les juges lorsqu'ils établissent un règlement. Je

13 proposerais que l’on examine les articles 20.2 ou 16.1.

14 M. Williamson (interprétation). - Madame le Président, je suis

15 d'accord que l'article 20.2 peut être invoqué et qu'il autorise le

16 Procureur à procéder à des arrestations ou au moins à ôter la liberté à

17 des personnes. C'est ce qui s'est passé dans ce cas précis.

18 Mme la Présidente (interprétation). - C'est votre position qu'il

19 y a eu arrestation mixte par l’ATNUSO et le bureau du Procureur ?

20 M. Williamson (interprétation). - Ma position, c’est que les

21 soldats de l’ATNUSO ont physiquement placé M. Dokmanovic en état

22 d'arrestation. Ils lui ont enlevé son véhicule, ils l'ont fouillé, ils lui

23 ont mis des menottes. A ce moment-là, un enquêteur du bureau du Procureur

24 a informé M. Dokmanovic de ses droits et c'est avec les représentants du

25 bureau du Procureur, aux côtés du personnel militaire de l’ATNUSO, que

Page 262

1 l'arrestation a eu lieu et qu'ils sont allés dans un aéroport en Croatie

2 d'où il est parti pour La-Haye.

3 Mme la Présidente (interprétation). - Lorsqu'il est parti de

4 Croatie, il se trouvait dans un avion avec des représentants du Procureur

5 et deux pilotes qui, je crois, étaient des représentants de l’ATNUSO ?

6 M. Williamson (interprétation). - Des forces aériennes belges.

7 Mme la Présidente (interprétation). - Très bien.

8 En tout cas, M. Dokmanovic était seul lorsqu'il a été remis à la

9 police néerlandaise, n'est-ce pas ?

10 M. Williamson (interprétation). - C'est exact.

11 Mme la Présidente (interprétation). - Donc, il y a eu

12 arrestation commune. C'est ce que vous dites. Dites-vous que les soldats

13 de l’ATNUSO lui ont ôté sa liberté, ont pris le contrôle de sa personne et

14 l'ont arrêté pour lui lire ses droits seulement par la suite et que cette

15 lecture de ses droits a été faite par un représentant du bureau du

16 Procureur ?

17 M. Williamson (interprétation). - Je dirais que, lorsque

18 l'arrestation a été achevée, c'est ce qui s'est passé. Il a été informé de

19 ses droits.

20 Mme la Présidente (interprétation). - Et l'accusation a fait

21 cela ?

22 M. Williamson (interprétation). - C'est exact.

23 Mme la Présidente (interprétation). - Si l’ATNUSO n'avait jamais

24 participé à l'opération, le Procureur aurait-il eu autorité de priver de

25 liberté et d'arrêter M. Dokmanovic ?

Page 263

1 M. Williamson (interprétation). - Je dirais que c'est le cas en

2 vertu de l'article 59 bis.

3 Mme la Présidente (interprétation). - Appuyé par... ?

4 M. Williamson (interprétation). - ...par l'article 20.2.

5 Mme la Présidente (interprétation). - Dans le Statut...

6 Excusez-moi, je vous ai interrompu parce que vous parliez de ce point et

7 il me semble que cela diffère de la déposition du témoin représentant

8 l'administration transitoire.

9 M. Williamson (interprétation). - Madame le Président,

10 j’arguerai également que M. Hryshchyshyn n'est pas en état de parler au

11 nom de l'ensemble de l’ATNUSO.

12 Mme la Présidente (interprétation). - Eh bien alors, ne

13 l'invitez pas à venir prendre la parole ici ! Je suppose que vous aviez

14 d'autres représentants que vous pouviez citer à la barre. Il est

15 inéquitable de proposer à la Cour un témoin de l’ATNUSO pour dire ensuite

16 qu'il n'est pas

17 tout à fait compétent pour nous parler au nom de cette organisation. Nous

18 avons besoin d'entendre des gens compétents.

19 Poursuivez, Maître Williamson.

20 M. Williamson (interprétation). - Le sujet suivant a été évoqué

21 par M. Fila. Il portait sur la souveraineté de la République fédérale

22 yougoslave. Vous avez entendu une déposition quant au fait qu'une plainte

23 a été déposée à l’ATNUSO par M. Milutinovic, le ministre des Affaires

24 étrangères.

25 Selon M. Hryshchyshyn, le Président Milosevic était présent. Ce

Page 264

1 point a été évoqué. Apparemment, il a été résolu au cours d'une

2 discussion. Le Procureur estime que M. Dokmanovic n'avait aucune raison de

3 soulever ce problème. S'il y a un problème de souveraineté, il se pose

4 entre la République fédérale yougoslave et le Tribunal.

5 Cela n’a rien à voir avec M. Dokmanovic. Il ne peut pas affirmer

6 ses droits en temps qu'individu, comme s'il était un Etat. Je pense que le

7 droit coutumier le prouve bien.

8 Maître Fila a fourni au Tribunal une résolution du conseil de

9 sécurité adoptée par les agents israéliens au moment de son enlèvement,

10 lorsqu'il a été renvoyé en Israël. Le conseil de sécurité a émis des

11 critiques à l’encontre d’Israël pour cette opération. Ce qui est plus

12 important, c'est que le tribunal israélien a soutenu cette action.

13 L'ensemble de la jurisprudence apporte une aide tout à fait

14 cohérente à ce type d'opération. La position des tribunaux a consisté à

15 dire que les individus ne peuvent pas affirmer un droit de souveraineté.

16 En rapport avec le commentaire de Me Fila quant au fait que la

17 Croatie a protesté contre l'arrestation, M. Dokmanovic a transité par le

18 territoire croate. Il est parti à partir d'un aéroport qui se situait dans

19 les environs d’Osijek, en présence de la police croate. Tout le monde

20 était donc au courant de ce qui se passait et aucune protestation n’a été

21 faite.

22 M. Dokmanovic a été transporté jusqu'à La Haye sans

23 protestation. Les autorités

24 croates pouvaient se plaindre. Si elles l'avaient souhaité, elles

25 pouvaient arrêter l'avion et l’empêcher de décoller. C’était un avion

Page 265

1 civil sur le territoire croate. Je ne pense pas qu'il y ait aucun

2 fondement quant au fait que la Croatie ait déposé une plainte. En fait,

3 l'arrestation s'est produite sur le territoire Croate.

4 Maître Fila a également déclaré que le Tribunal avait une autre

5 possibilité, celle de demander l'extradition de M. Dokmanovic puisqu’il

6 n’est pas citoyen de la République fédérale yougoslave. Le bureau du

7 Procureur n'avait pas le moyen de savoir de quel Etat il était citoyen. Il

8 est réfugié en Serbie. Il vient de Slavonie orientale. Des circonstances

9 décrites dans le document de M. Fila montrent qu'il est également un

10 citoyen de la République fédérale yougoslave.

11 Donc une enquête quant à sa citoyenneté aurait à l’évidence posé

12 un problème pour déterminer de quelles autorités il dépendait. Le fait est

13 que la République fédérale yougoslave est obligée, est tenue de remettre

14 au Tribunal toute personne, indépendamment du fait qu’elle soit citoyenne

15 de la République fédérale yougoslave ou pas, dès lors qu'elle est

16 recherchée et considérée comme mise en accusation par ce Tribunal, et ce

17 en vertu du droit national. Donc nous n'avons pas à aller plus loin que

18 cela.

19 La Yougoslavie a refusé de coopérer avec le Tribunal dans

20 l'affaire Sljivancin, qui est encore colonel de l'armée yougoslave. Il est

21 assigné à résidence dans sa maison à Belgrade. En vertu de l'article 58 du

22 Règlement de procédure et de preuve, cette coopération est une obligation.

23 Mme le Président (interprétation). - Savez-vous de quel Etat il

24 est citoyen ?

25 M. Williamson (interprétation). - S’il est Monténégrin,

Page 266

1 Madame le Président ?

2 Mme le Président (interprétation). - J'ai entendu M. Dokmanovic

3 dire dans sa déposition qu'il n'était pas citoyen d'une République, qu'il

4 se considérait Yougoslave, mais pas citoyen d'une République. Donc les

5 autres n'ont pas été remis au Tribunal. L'un est

6 Monténégrin, entre autre.

7 M. Williamson (interprétation). - Les deux autres sont Serbes.

8 Mme la Présidente (interprétation). - Serbes de République

9 fédérale ?

10 M. Williamson (interprétation). - De Serbie, en tant que telle.

11 Mme la Présidente (interprétation). - Très bien.

12 M. Williamson (interprétation). - Mais la position du Procureur

13 consiste à dire que ce n'est pas simplement un point technique. Si un

14 mandat d'arrêt a été envoyé à la République fédérale de Yougoslavie, elle

15 aurait réagi de la même façon. Elle n'aurait pas remis M. Dokmanovic à un

16 Croate ethnique. Il n'était pas serbe et j'affirme que c'est la base

17 réelle du comportement de la République fédérale yougoslave lorsqu'elle

18 détient un citoyen.

19 Mme le Président (interprétation). - Est-ce que cela fait une

20 différence ? Est-ce que le Procureur doit d'abord demander à un Etat et

21 attendre un certain temps pour déterminer si l'Etat a procédé ou pas à

22 l'arrestation ?

23 M. Williamson (interprétation). - Non, je ne crois pas, Madame

24 le Président.

25 Mme la Présidente (interprétation). - Si nous avons autorité,

Page 267

1 nous l’avons. Si vous avez le pouvoir, il me semble que vous exerciez ce

2 pouvoir, n'est-ce pas Me Williamson ?

3 M. Williamson (interprétation). - C'est exact.

4 Mme la Présidente (interprétation). - Avons-nous vraiment besoin

5 d'aller aussi loin que dans l'affaire Eichman. Dans cette affaire, la

6 Cour suprême a déclaré pour l’essentiel, en 1992, qu'elle ne s'intéressait

7 pas à traduire une personne devant un tribunal, que ce n'était pas son

8 seul intérêt.

9 Pour M. Dokmanovic, à moins qu'il soit prouvé qu'il a été

10 kidnappé par des autorités étatiques ou peut-être par les autorités du

11 bureau du Procureur, nous ne pouvons pas aller plus loin.

12 Ce Tribunal est un tribunal international qui n'est pas lié par

13 les règlements en

14 vigueur dans tel ou tel Etat ou par les décisions de tel ou tel Etat. Il

15 convient d'appliquer des normes internationales qui se situent à un niveau

16 plus élevé. Je suppose que la norme internationale du niveau plus élevé

17 consisterait à ouvrir le débat en tant que tel.

18 M. Williamson (interprétation). - Je suis d'accord, Madame le

19 Président, sur le fait que les faits n'ont pas grand-chose à voir avec

20 l’affaire Eichman.

21 Mais, il y a une autre affaire qui a déjà été citée dans ce

22 prétoire, et qui à mon avis est plus proche sur le plan judiciaire ; à

23 savoir l'affaire qui a eu lieu au Canada. Au paragraphe 11, page 6 de la

24 réponse du Procureur du 14 août 1997, il en est question.

25 Dans cette affaire, un Américain a été invité à franchir la

Page 268

1 frontière canadienne pour témoigner devant une commission de sécurité de

2 l'Ontario à Toronto. Une fois que cet homme a passé la frontière, il a été

3 mis en état d'arrestation. Il est apparu que l'invitation à témoigner

4 n'était qu'un prétexte. Le tribunal a estimé que c'était exact. Je pense

5 que cette situation est probablement plus proche de l'affaire dont nous

6 traitons ici.

7 Et je suis d'accord avec vous, nous n'avons pas besoin de

8 remonter à l’affaire Eichman ou à d'autres cas d'enlèvements de ce genre.

9 L'intention du bureau du Procureur, depuis le jour de

10 l'arrestation de M. Dokmanovic, depuis le moment où M. Curtis a établi le

11 contact avec lui, a consisté à exécuter ce mandat.

12 Mme la Présidente (interprétation). - Permettez-moi de vous

13 poser une question à ce sujet. Le Procureur a, soit arrêté M. Dokmanovic,

14 soit au moins participé conjointement à son arrestation.

15 Si le Procureur pouvait être trompé par un Etat, être amené à

16 agir de telle ou telle façon sur des bases qui seraient mensongères, et

17 que cela conduise à l'exécution d'un mandat d'arrêt, nous n'allons pas

18 réexaminer toutes les procédures, mais est-ce que cela violerait les

19 droits de l'accusé, si vous voyez ce que je veux dire ? Cela ferait-il une

20 différence de savoir si un

21 Etat est impliqué et a trompé un individu ou pas ? Je ne vois pas comment

22 m'exprimer mieux que cela.

23 M. Williamson (interprétation). - Je vous suis. Je pense que le

24 fait de savoir si des autorités étatiques sont impliquées ou pas à son

25 importance.

Page 269

1 Mme la Présidente (interprétation). - Savez-vous quel est l'Etat

2 du droit aux Etats-Unis quant à des allégations mensongères qui entraînent

3 l'exécution d'une opération officielle ?

4 M. Williamson (interprétation). - Je crois que le tribunal

5 appuierait. Je pense qu'aux Etats-Unis, les tribunaux sont allés jusqu'à

6 entériner des enlèvements, mêmes lorsqu'il y avait usage du mensonge.

7 Mme la Présidente (interprétation). - Cela, c’est une chose.

8 Laissons là de côté. Essayons d'avancer. Vous dites que si l'Etat est

9 impliqué, cela a un effet, une conséquence.

10 M. Williamson (interprétation). - Ce qui n'a pas d'effet, c'est

11 d'être en présence d'un Etat ou d'individus privés. En fait, je sais

12 qu'aux Etats-Unis ces cas sont assez fréquents. Vous devriez les connaître

13 également. Vous savez que les chasseurs de prime existent aux Etats-Unis.

14 Mmele Président (interprétation). - Cela concerne des

15 particuliers. Et il peut y avoir dans certains cas renonciation à certains

16 droits.

17 M. Williamson (interprétation). - C'est exact. En tout cas, ce

18 que j'essaie de dire c’est qu'il peut exister des arrestations auxquelles

19 il est procédé par des particuliers. Je ne pense pas que les choses

20 seraient différentes si ces arrestations avaient été faites par des

21 autorités étatiques.

22 Mme le Président (interprétation). - Très bien. Et le sauf-

23 conduit ? Avez-vous traité de ce point ?

24 M. Williamson (interprétation). - Pas encore.

25 Mme le Président (interprétation). - Le témoignage est très

Page 270

1 clair sur ce point.

2 M. Dokmanovic n'a reçu aucune garantie de sauf-conduit. Je pense qu'en

3 fonction des circonstances, il est possible qu'il y ait eu implication de

4 sauf-conduit. Je n'ai aucun doute qu'il a cru bénéficier de certains

5 droits, mais rien n'a explicitement été dit à M. Dokmanovic à cet égard.

6 Il a pas posé de questions précises sur ce point. Rien ne lui a été dit.

7 M. Curtis a témoigné sur ce point, M. Hryshchyshyn de même, et

8 le témoin-interprète également dans le même sens. M. Hryshchyshyn a

9 indiqué que M. Dokmanovic lui avait dit être inquiet de l'action

10 éventuelle des autorités croates, que c'est pour cette raison qu'il lui a

11 proposé un véhicule des Nations Unies, pour lui permettre de passer le

12 poste-frontière. Cela n'a rien à voir avec un sauf-conduit.

13 En tout cas, même si certaines garanties de sécurité lui ont été

14 données, notre position consiste à dire qu'il aurait tout de même été

15 arrêté, et qu'il était approprié de l'arrêter. C'était une ordonnance

16 valable d'un tribunal. Rien n'aurait pu être dit ou fait par le bureau du

17 Procureur ou l’ATNUSO pour aller à l’encontre de cette ordonnance.

18 Mme le Président (interprétation). - Il est très difficile pour

19 moi de me prononcer car le Tribunal, la Chambre d'instance, ont reçu des

20 demandes de sauf-conduit pour des témoins afin de leur permettre de

21 comparaître. Nous en avons accordé à certains.

22 Le sauf-conduit est donc une forme de protection. Les sauf-

23 conduits que nous avons publiés, émis, ne permettent pas d'enlever sa

24 liberté à une personne, tant qu'elle se trouve à La Haye. Etes-vous en

25 train de me dire que ce morceau de papier n'a aucune valeur ?

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1 M. Williamson (interprétation). - Non, Madame le Président, pas

2 du tout. Ce que je dis, c'est qu'une ordonnance du Tribunal est une raison

3 valable pour permettre d'agir au bureau du Procureur.

4 Mme la Présidente (interprétation). - Je vous en prie, Maître

5 Fila, un peu de tenue.

6 M. Williamson (interprétation). - C'est la raison pour laquelle

7 le bureau du Procureur réfute la demande de sauf-conduit et la garantie de

8 sauf-conduit évoquée par la

9 défense. Je dis que nous n'avions pas, au bureau du Procureur, la

10 possibilité de prévaloir sur une ordonnance du Tribunal.

11 Mme la Présidente (interprétation). - Aviez-vous autorité pour

12 proposer un sauf-conduit ? Si par exemple ce Tribunal devait considérer un

13 mandat d'arrêt, le Procureur aurait-il autorité pour donner à une personne

14 le droit d'exécuter ce mandat d'arrêt en tant que particulier ?

15 M. Williamson (interprétation). - Non, je ne pense pas.

16 Mme la Présidente (interprétation). - Pourquoi dites-vous que

17 cela fait une différence ? Quel est le rapport avec ce sauf-conduit ?

18 M. Williamson (interprétation). - Nous n'avons pas autorité pour

19 délivrer des sauf-conduits. Même s'il y avait mensonge, nous ne serions

20 pas liés. Mais le sujet n'a pas été évoqué. M. Dokmanovic n'a pas demandé

21 précisément un sauf-conduit ou une garantie de non arrestation à qui que

22 ce soit. Il a exprimé des inquiétudes quant à l'attitude des autorités

23 croates et celles-ci ont été prises en compte.

24 La première fois que nous avons entendu parler de sauf-conduit,

25 c'est au moment où Maître Fila a déposé les exceptions préjudicielles.

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1 Mme la Présidente (interprétation). - Les transcripts audio et

2 vidéo étaient sous scellés. L'admettez-vous ?

3 M. Williamson (interprétation). - Les bandes audio ?

4 Mme la Présidente (interprétation). - Les transcripts audio et

5 vidéo. Nous avons demandé une conférence de mise en état. Bien entendu,

6 nous avons résolu le problème de la vidéo, mais le transcript montre que

7 durant l'arrestation, l'accusé a entendu ses droits et l'accusation estime

8 qu'il n'y a pas eu violation de ses droits.

9 Est-ce que cela a été versé au dossier de cette audience ?

10 M. Williamson (interprétation). - Je ne suis pas sûr, Madame le

11 Président.

12 Mme la Présidente (interprétation). - N'est-ce pas la raison...

13 M. Williamson (interprétation). - La défense a reçu un

14 exemplaire de cela.

15 Mme la Présidente (interprétation). - Ne devons-nous pas traiter

16 ce qu'a dit M. Dokmanovic ? A-t-il été informé ou non de ses droits ? Ne

17 faut-il pas appuyer sur une pièce à conviction pour en juger et traiter du

18 problème des pièces à conviction scellées ?

19 M. Williamson (interprétation). - Nous n'avons pas d'objection

20 par rapport à cette partie de la bande qui montre la lecture publique de

21 ses droits. Ma seule préoccupation vient du fait que M. Dokmanovic a fait

22 une déclaration assez longue à bord de l'avion qui le ramenait et que

23 celle-ci figure également sur la bande audio.

24 Mme la Présidente (interprétation). - Pouvons-nous rencontrer

25 M. Fila et peut-être nous entendre avec lui quant à la nature et au statut

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1 de cette pièce à conviction ?

2 M. Williamson (interprétation). - Oui, Madame le Président, je

3 ne pense pas que cela pose un problème.

4 Mme la Présidente (interprétation). - S'il y a un problème, la

5 Chambre d'instance vous aidera. L'accusation a donc sa pièce à conviction.

6 Y a-t-il objection à ce que nous suivions cette procédure, Maître Fila ?

7 M. Fila (interprétation). - Au contraire, je suis tout à fait

8 d'accord avec le fait que les parties considérées comme confidentielles

9 sur la bande vidéo devraient être considérées comme confidentielles sur la

10 bande audio également. Je pense que vous avez pris une décision en salle

11 d'audience de regarder la vidéo et que cette partie ne doit pas être

12 rendue publique. C'est la décision que vous avez prise. Nous ne pouvons

13 pas avoir deux décisions contradictoires.

14 Mme la Présidente (interprétation). - Si la Chambre détermine

15 que M. Dokmanovic a bien été informé de ses droits, nous avons tout de

16 même besoin d'une conclusion.

17 M. Williamson (interprétation). - (silence).

18 Mme la Présidente (interprétation). - Avez-vous quelque chose à

19 ajouter, M. Williamson ?

20 M. Williamson (interprétation). - Non, Madame le Président,

21 c’est tout.

22 Mme la Présidente (interprétation). - Maître Fila, avez-vous

23 quelque chose à ajouter ?

24 M. Fila (interprétation). - Madame le Président, un

25 éclaircissement simplement. Les deux parties ont donné leur point de vue.

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1 Je voudrais ajouter quelques mots d'explication quant au problème de la

2 nationalité et de la citoyenneté des personnes qui ont été mentionnées

3 ici. M. Sljivancin est citoyen de la République de Serbie parce qu'il

4 vient du Monténégro, alors que M. Mucic vous n'avez pas la bonne

5 information. M. Sljivancin est protégé par notre Constitution. Mon avis

6 personnel n’a guère d'importance sur ce point. C'est la position de l'Etat

7 qui importe et. l’Etat yougoslave estime qu'il ne peut pas extrader ses

8 propres citoyens. Je voulais simplement apporter cet éclaircissement.

9 Mme la Présidente (interprétation). - Y a-t-il autre chose,

10 Maître Williamson ?

11 M. Williamson (interprétation). - Madame le Président, je

12 voudrais ajouter rapidement quelques mots en rapport avec M. Sljivancin.

13 Je pense que sa non-extradition n'est qu'un petit problème technique. Le

14 seul obstacle pour sa comparution ici réside dans le fait qu'il est

15 citoyen yougoslave. Cela va beaucoup plus loin que les intentions de la

16 République fédérale quant à l'extradition de ses citoyens.

17 Mme la Présidente (interprétation). - Ne discutons pas de tant

18 de points qui n'ont rien à voir avec notre affaire. Il se fait tard. Les

19 parties doivent encore se rencontrer au sujet des pièces à conviction et

20 du problème de l’information ou non de l’accusé quant à ses droits. Nous

21 suspendons la séance. La décision sera rendue en rapport avec les

22 exceptions de la défense relatives à la légalité de l’arrestation.

23 Je suspends l’audience.

24 (L'audience est suspendue à 17 h 50).

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