Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 461

1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-13a-T

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3 Mardi 3 février 1998

4 L’audience est ouverte à 9 heures 15.

5

6 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Le greffier peut-il

7 introduire l'affaire, s'il vous plaît.

8 M. le Greffier (interprétation). - Affaire IT 95-13a, le Procureur

9 contre Slavko Dokmanovic.

10 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Les parties peuvent-

11 elles se présenter ?

12 M. Niemann (interprétation). - Bonjour. Monsieur le Président, Madame et

13 Monsieur les Juges. Je comparais avec Me Williamson, Me Waespi, M. Vos et

14 Me Sutherland, mes collègues de l'accusation.

15 M. le Président (interprétation). - Merci. La défense, s’il vous plaît.

16 M. Fila (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Je m'appelle

17 Thomas Fila. Je défends M. Slavko Dokmanovic en compagnie de mes confrères

18 Maître Petrovic et Maître Lopicic.

19 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

20 L'accusé peut-il m'entendre dans une langue qu'il comprend ? Je vois qu'il

21 fait un signe de la tête, c'est parfait, je vous remercie.

22 Nous allons poursuivre avec la comparution des témoins. L'accusation a la

23 parole.

24 M. Williamson (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, bonjour.

25 Il s'agit d'un témoin qui a demandé des mesures de protection complètes.

Page 462

1 Il va témoigner sous un pseudonyme. Il s'agit du Témoin N, comme dans

2 novembre. Nous utiliserons les techniques de déformation de l'image et

3 d'altération de la voix. Une fois que le témoin sera rentré dans la salle

4 d'audience, je lui ferai transmettre un papier où figurera son identité

5 pour qu’il puisse la confirmer, ensuite nous commencerons

6 l'interrogatoire.

7 Bien sûr, nous informerons de l'identité du témoin à la fois les juges et

8 les conseils de la défense.

9 M. le Président (interprétation). - Puis-je demander à l'accusation s'il

10 s'agit du témoin qui apparaît au chiffre numéro 4 sur la liste que vous

11 nous avez communiquée, la liste jointe au document confidentiel déposé le

12 29 janvier ?

13 M. Williamson (interprétation) - Absolument, Monsieur le Président.

14 M. le Président (interprétation). - Le numéro 4 donc, Maître Williamson ?

15 M. Williamson (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

16 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

17 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Veuillez prêter serment, s'il

18 vous plaît.

19 Témoin N (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

20 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 M. le Président (interprétation). - Asseyez-vous, je vous en prie.

22 M. Williamson (interprétation). - J'aimerais à présent que le témoin jette

23 un coup d'oeil sur la feuille de papier que je vais lui faire passer. Je

24 souhaiterais que vous nous indiquiez sans prononcer une parole si c'est

25 bien votre nom qui figure sur

Page 463

1 cette feuille.

2 Témoin N (interprétation). - Oui.

3 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, je demande le

4 versement au dossier de cette pièce. Je pense qu’il s'agira de la pièce de

5 l'accusation n° 16.

6 M. le Président (interprétation). - Merci.

7 M. Williamson (interprétation). - Je demande que ceci soit versé au

8 dossier sous scellés.

9 M. le Président (interprétation). - Des objections de la part de la

10 défense ? Non ? Je vous remercie.

11 M. Williamson (interprétation). - Au cours de votre témoignage, je vous

12 appellerai Témoin N.

13 Témoin N, au mois de juillet 1995, vous avez bien eu un entretien avec un

14 enquêteur du Tribunal, n'est-ce pas ?

15 Témoin N (interprétation). - Oui.

16 M. Williamson (interprétation). - A ce moment-là, vous avez bien fait une

17 déclaration écrite à cet enquêteur et vous l'avez signée ?

18 Témoin N (interprétation). - Oui.

19 M. Williamson (interprétation). - J'aimerais maintenant que vous jetiez un

20 coup d'oeil sur des documents qui sont la pièce de l'accusation numéro 17

21 et j'aimerais que vous nous disiez si c'est bien votre signature qui

22 apparaît sur ce document.

23 Témoin N (interprétation). - Oui.

24 M. Williamson (interprétation). - C'est bien votre signature qui apparaît

25 sur ce document ?

Page 464

1 Témoin N (interprétation). - Oui.

2 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, je demande donc

3 le versement au dossier de cette pièce, la pièce de l'accusation

4 numéro 17, et je demande le versement au dossier de la pièce de

5 l'accusation 17 a, à savoir une traduction de ce même document. Je demande

6 que ce soit versé sous scellés.

7 M. le Président (interprétation). - Des objections, Maître Fila, non ? Pas

8 d'objections ? Je vous remercie.

9 M. Williamson (interprétation). - Vous êtes originaire de Vukovar, n'est-

10 ce pas ?

11 Témoin N (interprétation). - Oui.

12 M. Williamson (interprétation). - C'est là que vous avez grandi et vécu ?

13 Témoin N (interprétation). - Oui. Je suis d'ailleurs né à Vukovar.

14 M. Williamson (interprétation). - Merci. Quelle est votre appartenance

15 ethnique ?

16 Témoin N (interprétation). - Je suis croate.

17 M. Williamson (interprétation). - Où avez-vous reçu votre formation

18 scolaire et professionnelle ?

19 Témoin N (interprétation). - A Vukovar.

20 M. Williamson (interprétation). - Dans quel secteur avez-vous suivi votre

21 formation ? Quelle a été votre formation ?

22 Témoin N (interprétation). - J’ai commencé par suivre les cours d'une

23 école d'ingénieur. Ensuite, j'ai réussi à trouver un emploi à Vukovar,

24 plutôt je n'ai pas réussi à trouver un travail à Vukovar. J'ai continué ma

25 formation et je suis devenu chauffeur professionnel.

Page 465

1 M. Williamson (interprétation). - A un moment donné, avez-vous dû faire

2 votre service militaire obligatoire dans les rangs de la JNA ?

3 Témoin N (interprétation). - Oui.

4 M. Williamson (interprétation). - A quelle époque avez-vous fait votre

5 service militaire ?

6 Témoin N (interprétation). - En 1988-1989.

7 M. Williamson (interprétation). - Où avez-vous fait votre service

8 militaire ?

9 Témoin N (interprétation). - A Kraljevo et à Prizren.

10 M. Williamson (interprétation). - Vous avez déclaré que vous étiez

11 retourné à l'école suivre une formation. Etait-ce avant ou après votre

12 service militaire dans les rangs de la JNA ?

13 Témoin N (interprétation). - C'était après avoir accompli mon service

14 militaire.

15 M. Williamson (interprétation). - A un certain moment, avez-vous pris un

16 emploi à l'hôpital de Vukovar ?

17 Témoin N (interprétation). - Oui.

18 M. Williamson (interprétation). - Quand était-ce ?

19 Témoin N (interprétation). - Au mois de mai, mais cela n'a duré que

20 quelque temps. Ensuite, le 28 juin, j'ai eu un emploi à durée

21 indéterminée.

22 M. Williamson (interprétation). - A quelle époque était-ce ?

23 Témoin N (interprétation). - En 1991.

24 M. Williamson (interprétation). - Quelle était la nature de votre emploi ?

25 Témoin N (interprétation). - J'étais chauffeur d'ambulance.

Page 466

1 M. Williamson (interprétation). - Dans quelles circonstances avez-vous pu

2 obtenir cet emploi ?

3 Témoin N (interprétation). - Eh bien, il y avait un poste vacant. Je suis

4 venu prendre la place de quelqu'un. C'est ainsi que je suis resté à ce

5 même poste.

6 M. Williamson (interprétation). - Quelle était la situation à Vukovar

7 lorsque vous avez commencé à travailler pour l'hôpital ?

8 Témoin N (interprétation). - La situation était extrêmement tendue.

9 M. Williamson (interprétation). - Pourquoi cette tension, pourquoi cette

10 atmosphère ?

11 Témoin N (interprétation). - Eh bien, à ce moment-là, le pilonnage des

12 villages environnants avaient déjà commencé. Et puis, certains quartiers

13 de la ville ont également été pilonnés.

14 M. Williamson (interprétation). - Vous avez spécifié que des villages

15 environnants étaient pilonnés. Y a-t-il eu un moment où la ville de

16 Vukovar elle-même a fait l'objet de pilonnages ?

17 Témoin N (interprétation). - Non, pas à ce moment-là, mais plus tard, vers

18 la fin du mois de juillet.

19 M. Williamson (interprétation). - A un certain moment, votre famille a-t-

20 elle quitté Vukovar ?

21 Témoin N (interprétation). - Mes parents ont quitté Vukovar au mois

22 d'août.

23 M. Williamson (interprétation). - Pourquoi sont-ils partis ?

24 Témoin N (interprétation). - Eh bien, mon père est cardiaque. Il ne

25 pouvait donc pas supporter la situation. Je les ai emmenés à Vinkovci et

Page 467

1 moi-même, je suis retourné à Vukovar.

2 M. Williamson (interprétation). - Votre famille est bien croate n'est-ce

3 pas ?

4 Témoin N (interprétation). - Oui en effet.

5 M. Williamson (interprétation). - Les Serbes étaient-ils en train de

6 quitter la ville eux aussi ?

7 Témoin N (interprétation). - Oui.

8 M. Williamson (interprétation). - Où viviez-vous durant le conflit ?

9 Témoin N (interprétation). - Quand mes parents sont partis de Vukovar,

10 j'ai passé quelques jours chez moi, à la maison. Ensuite, je suis parti

11 pour l'hôpital où je suis resté de façon permanente.

12 M. Williamson (interprétation). - Où avez-vous été logé à l'hôpital, dans

13 quelles conditions viviez-vous ?

14 Témoin N (interprétation). - Quelques-uns d'entre nous avons trouvé un

15 endroit où nous installer sans gêner les membres du personnel médical et

16 sans gêner non plus les malades.

17 M. Williamson (interprétation). - Quelle était la situation qui prévalait

18 à l'hôpital pendant cette période ?

19 Témoin N (interprétation). - Au début, cela allait à peu près bien, mais

20 par la suite de plus en plus de blessés sont arrivés à l'hôpital.

21 M. Williamson (interprétation). - Quelles étaient vos responsabilités

22 pendant que durait tout ce conflit ?

23 Témoin N (interprétation). - Tout au long du conflit, j'étais chargé de

24 transporter les blessés. Peu importait qu'il s'agisse de soldats ou de

25 civils, l'important, c'était de les amener à l'hôpital.

Page 468

1 M. Williamson (interprétation). - En menant à bien ces tâches, vous

2 pouviez donc circuler librement dans Vukovar ?

3 Témoin N (interprétation). - Non.

4 M. Williamson (interprétation). - Avez vous jamais quitté l'hôpital ?

5 Témoin N (interprétation). - Non.

6 M. Williamson (interprétation). - Comment avez-vous pu aller chercher ces

7 blessés sans pour autant quitter l'hôpital ?

8 Témoin N (interprétation). - Enfin, ce que je veux dire, c'est que ce

9 n'était pas de mon propre gré que je quittais l'hôpital. Mais s'il y avait

10 un appel, une urgence, alors oui je quittais l'hôpital dans un ambulance.

11 M. Williamson (interprétation). - Alors que vous conduisiez cette

12 ambulance, vous étiez à même d'observer ce qui s'était passé dans la

13 ville ?

14 Témoin N (interprétation). - Oui. Tous les jours il y avait plus de dégâts

15 dans les quartiers de la ville.

16 M. Williamson (interprétation). - Vers la fin du mois de septembre, êtes-

17 vous à un certain moment parti de Vukovar pour Zagreb où vous avez passé

18 quelque temps ?

19 Témoin N (interprétation). - Oui.

20 M. Williamson (interprétation). - Pourquoi êtes-vous parti ?

21 Témoin N (interprétation). - Eh bien, j'ai conduit les blessés à Zagreb.

22 M. Williamson (interprétation). - Vous a-t-il été difficile de quitter la

23 ville ou d'y revenir par la suite ?

24 Témoin N (interprétation). - C'était extrêmement difficile pour moi, parce

25 que dans le village de Ceric*, il y avait eu des pilonnages intenses. Et

Page 469

1 moi, j'ai failli être tué.

2 M. Williamson (interprétation). - Vous étiez obligé de traverser la ligne

3 de front pour sortir et pour entrer à Vukovar pendant cette période de

4 temps ?

5 Témoin N (interprétation). - Oui.

6 M. Williamson (interprétation). - La ville était entièrement encerclée ou

7 bien sous un siège important ?

8 Témoin N (interprétation). - La ville était encerclée. Il n'y avait que

9 cette route qui traversait les champs pour atteindre Vinkovci. Il fallait

10 même traverser des champs de maïs.

11 M. Williamson (interprétation). - Cette route, c'était le seul lien qui

12 existait entre Vukovar et le monde extérieur à cette époque ?

13 Témoin N (interprétation). - Oui. C'était le seul lien entre Vukovar,

14 Bogdanovci, Vinkovci et une autre ville.

15 M. Williamson (interprétation). - Après être retourné à Vukovar depuis

16 Zagreb, êtes-vous jamais sorti de la ville en une autre occasion ?

17 Témoin N (interprétation). - Je sortais de la ville mais pas de Vukovar.

18 M. Williamson (interprétation). - Etait-il possible de quitter Vukovar

19 après cette date ?

20 Témoin N (interprétation). - Non ce n'était plus possible.

21 M. Williamson (interprétation). - Pourquoi cela ?

22 Témoin N (interprétation). - La ville était intégralement encerclée.

23 M. Williamson (interprétation). - Au mois de novembre, la bataille a

24 touché à sa fin. Avez-vous eu conscience que de plus en plus d'habitants

25 de la ville se rassemblaient à l'hôpital ?

Page 470

1 Témoin N (interprétation). - Oui.

2 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous une idée de ce qui motivait

3 leur arrivée à l'hôpital ?

4 Témoin N (interprétation). - Ils pensaient que leur seul salut, c'était

5 l'hôpital. Ils avaient entendu dire que la communauté internationale

6 allait intervenir.

7 M. Williamson (interprétation). - Vous rappelez-vous les circonstances de

8 l'arrivée de la JNA à l'hôpital, après la fin de la bataille ?

9 Témoin N (interprétation). - Oui.

10 M. Williamson (interprétation). - Quand cela s'est-il passé ?

11 Témoin N (interprétation). - Le 18 novembre 1991, dans le courant de

12 l'après-midi.

13 M. Williamson (interprétation). - Que s'est il passé à l'hôpital ce jour-

14 là et le lendemain ?

15 Témoin N (interprétation). - Ce soir-là, certaines personnes ont été

16 emmenées. Le lendemain, ils ont séparé les hommes des femmes.

17 M. Williamson (interprétation). - Au matin du 20, avez-vous eu

18 connaissance d'une réunion qui s'est tenue à l'intérieur de l'hôpital ?

19 Témoin N (interprétation). - Oui.

20 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous vous-même participé à cette

21 réunion ?

22 Témoin N (interprétation). - Je n'ai pas assisté à la réunion parce que le

23 docteur Ivankovic m’a dit que les chauffeurs ne faisaient pas partie du

24 personnel de l'hôpital. Il nous a demandé de sortir de la pièce.

25 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous êtes sortis à l'extérieur,

Page 471

1 que s'est-il passé ?

2 Témoin N (interprétation). - Devant l'unité de chirurgie, ils étaient en

3 train de séparer les hommes des femmes. Nous devions nous tenir en file,

4 une file qui faisait toute la longueur de l'hôpital.

5 M. Williamson (interprétation). - Vous dites qu'ils séparaient les hommes

6 des femmes. Avez-vous vu d'autres malades parmi ces personnes ?

7 Témoin N (interprétation). - Oui, en fait, les malades étaient parmi nous.

8 M. Williamson (interprétation). - Les membres du personnel médical se

9 trouvaient là également ?

10 Témoin N (interprétation). - Non. Ils se trouvaient dans la salle des

11 plâtres.

12 M. Williamson (interprétation). - Que vous est-il arrivé à vous, après

13 qu'on vous a fait vous tenir en ligne parmi toutes ces personnes ?

14 Témoin N (interprétation). - Des soldats sont arrivés. Ils ont commencé à

15 nous fouiller. Par la suite, sur la rue Gunduliceva, où cinq autobus

16 étaient garés, nous avons commencé à monter dans les bus.

17 M. Williamson (interprétation). - Pourquoi êtes-vous montés dans ces bus ?

18 Témoin N (interprétation). - Nous obéissions aux ordres.

19 M. Williamson (interprétation). - Qui donnait ces ordres ?

20 Témoin N (interprétation). - Les officiers militaires, mais je ne sais pas

21 quel était leur grade.

22 M. Williamson (interprétation). - Cet homme qui donnait des ordres,

23 c'était un officier de la JNA ?

24 Témoin N (interprétation). - Oui.

25 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous êtes monté dans le bus, qui

Page 472

1 d'autre s'y trouvait ?

2 Témoin N (interprétation). - Mes collègues, les autres chauffeurs, et puis

3 certains malades qui étaient légèrement blessés. Il y avait également

4 d'autres personnes qui occupaient des emplois techniques à l'hôpital.

5 M. Williamson (interprétation). - Vous avez également vu des malades dans

6 ce bus ?

7 Témoin N (interprétation). - Oui, il y avait certaines personnes que je

8 connaissais.

9 M. Williamson (interprétation). - Que vous est-il arrivé après être monté

10 dans le bus ?

11 Témoin N (interprétation). - Je suis d'abord monté dans le bus. Quelques

12 minutes plus tard, un officier de la JNA est monté, je ne sais pas quel

13 était son grade... un capitaine, un major, je ne sais pas.

14 Puis il nous a montré une carte que nous avions, qui indiquait ce que nous

15 faisions à l'hôpital, notre nom, etc. A ce moment-là, je ne savais pas

16 quoi faire. Mais juste derrière moi, il y avait Zdravko Dapic, le

17 responsable des chauffeurs. C'était mon chef. Lorsqu'il a montré sa carte,

18 j'ai aussi montré la mienne. A ce moment-là, l'officier a dit que nous

19 devions sortir du bus.

20 M. Williamson (interprétation). - Savez-vous si d'autres personnes sont

21 descendues des autres bus dans les mêmes circonstances ?

22 Témoin N (interprétation). - Oui. Des cinq bus, seules cinq personnes,

23 c'est-à-dire nous-mêmes, sommes descendus. Pour autant que je le sache, un

24 autre officier est monté dans les deux premiers bus. Pour ce qui est des

25 trois autres bus, ils étaient pour la plupart remplis de techniciens de

Page 473

1 l'hôpital qui portaient ces cartes.

2 M. Williamson (interprétation). - Après être descendus du bus, qu'avez-

3 vous fait ? Où êtes-vous allés ?

4 Témoin N (interprétation). - Nous nous sommes alignés près de la clôture

5 de l'hôpital. Quelques minutes plus tard, tous les bus ont fait demi-tour

6 et ont commencé à se diriger vers le centre. Je pensais que mes collègues

7 allaient faire l'objet d'un échange et que je devais rester derrière. A ce

8 moment-là, le major Sljivancanin est arrivé. Il avait une liste à la main.

9 Il vérifiait si nous apparaissions sur cette liste.

10 Ensuite, il m'a demandé ce que je faisais à l'hôpital et après quelques

11 instants, il nous a dit de rentrer dans l'hôpital.

12 M. Williamson (interprétation). - Combien de temps êtes-vous resté à

13 l'hôpital par la suite ?

14 Témoin N (interprétation). - Une heure, peut-être deux.

15 M. Williamson (interprétation). - Où avez-vous passé ces quelques heures ?

16 Témoin N (interprétation). - Je me tenais devant l'unité des urgences à

17 l'hôpital.

18 M. Williamson (interprétation). - Dans quelles circonstances avez-vous pu

19 quitter l'hôpital ?

20 Témoin N (interprétation). - Lorsque je suis revenu, lorsque je me tenais

21 devant cette unité des urgences, un soldat m'a attiré sur le côté et m'a

22 demandé d'où je venais. J'ai dit que je venais de Vukovar. Il m'a dit :

23 "Mais d'où viens-tu exactement ?" J'ai dit que j'habitais dans la rue

24 Narodnih Mucenika. Il m'a demandé où cela se trouvait. J'ai dit que

25 c'était à Mitnica. A ce moment-là, il m'a dit de l'accompagner.

Page 474

1 A cet instant, une femme, Mme Vuka, qui était technicienne à l'hôpital,

2 est allée vers lui et lui a dit quelque chose. Suite à cela, il m'a rendu

3 ma carte. Je l'ai serrée fort dans mes bras et elle m'a accompagné vers

4 les bus qui se trouvaient de l'autre côté de l'hôpital et qui attendaient

5 des civils. Ces autobus étaient destinés au transport des civils.

6 M. Williamson (interprétation). - Cette femme qui a récupéré votre carte

7 était une Serbe ?

8 Témoin N (interprétation). - Oui.

9 M. Williamson (interprétation). - Elle avait travaillé à l'hôpital durant

10 toute la bataille, n'est-ce pas ?

11 Témoin N (interprétation). - Oui.

12 M. Williamson (interprétation). - Elle est intervenue en votre faveur,

13 n'est-ce pas ?

14 Témoin N (interprétation). - Oui.

15 M. Williamson (interprétation). - Après être monté dans le bus qui se

16 tenait de l'autre côté de l'hôpital, où êtes-vous allé ?

17 Témoin N (interprétation). - Lorsque je suis monté dans le bus, mon chef,

18 Zdravko Dapic, et moi-même, nous sommes accroupis entre les sièges de

19 l'autobus. Les femmes qui s'y trouvaient nous ont recouverts de leurs

20 sacs, de leurs vestes, de leurs manteaux, parce que les soldats qui

21 étaient à l'extérieur demandaient que les hommes descendent à nouveau du

22 bus. Ils criaient, ils frappaient les parois de l'autobus. Quelque temps

23 après, les bus ont démarré et se sont dirigés vers le centre de la ville.

24 M. Williamson (interprétation). - Une fois que les bus sont allés en

25 direction du centre-ville, vers quel endroit se sont-ils dirigés ?

Page 475

1 Témoin N (interprétation). - Eh bien, ils ont traversé le centre-ville,

2 puis ils sont passés par Velepromet. Ils ont pris ensuite la direction de

3 Modateks vers Negoslavci, puis de Negoslavci vers Sremska Mitrovica.

4 M. Williamson (interprétation). - Que s'est-il passé à Sremska Mitrovica ?

5 Témoin N (interprétation). - Une fois arrivés à Sremska Mitrovica, nous y

6 avons passé la nuit. Le lendemain, un échange a eu lieu à Bosanski Vori*.

7 M. Williamson (interprétation). - Je n'ai plus de questions, Monsieur le

8 Président.

9 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Fila ?

10 M. Fila (interprétation). - Monsieur, je vais vous poser quelques

11 questions

12 qui portent sur votre passé, si vous le voulez bien. Je vous demanderai de

13 nous dire quels jours se sont passés les événements que vous venez de

14 décrire ?

15 Témoin N (interprétation). - A Sremska Mitrovica ?

16 M. Fila (interprétation). - Non, ceux qui se sont passés à l'hôpital le 19

17 ou le 20 novembre.

18 Témoin N (interprétation). - Je sais que les soldats sont arrivés dans

19 l'après-midi le 18 et c’est le 20 que l'évacuation a commencé des blessés

20 et des civils.

21 M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le Président, je pose

22 cette question parce qu’à la deuxième page de la déclaration écrite du

23 témoin il peut y avoir une confusion. Car le témoin indique que les

24 soldats sont arrivés le 18 et que le lendemain Sljivancanin..., etc. Ce

25 n'est pas le lendemain puisque c'est le 20. Je dis cela pour qu'il n'y ait

Page 476

1 pas de problème.

2 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, si mon collègue a

3 une question (expurgé)

4 (expurgé)

5 M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, je voulais simplement apporter ma

6 contribution, mon aide, pour que les dates soient bien claires, rien de

7 plus. Mais bon, je poursuis.

8 (expurgé)

9 Témoin N (interprétation). - Le 18 au soir.

10 M. Fila (interprétation). - Marko Mandic ?

11 Témoin N (interprétation). - Egalement.

12 M. Fila (interprétation). - Et Neko Lukenda ?

13 Témoin N (interprétation). - Ce n’est pas Lukenda, Lukenda est son nom de

14 famille.

15 M. Fila (interprétation). - Mais c’est ce que vous avez dit.

16 Témoin N (interprétation). - C’était le 18 également, en soirée.

17 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit qu'ils étaient portés manquants.

18 Témoin N (interprétation). - Glavasevic n’était pas porté manquant puisque

19 sa tombe a été retrouvée à Ovscara. Mais les autres, oui, sont portés

20 manquants.

21 M. Fila (interprétation). - Donc Ivan Glavasevic ?

22 Témoin N (interprétation). - Non, Glavasevic, pardon, a été emmené le 18

23 et identifié parmi les tombes d’Ovscara. C'est bien ce que vous avez dit ?

24 Témoin N (interprétation). - Oui.

25 M. Fila (interprétation). - Merci.

Page 477

1 Ce même soir, je suppose qu'ils ont également emmené Marko Vlaho qu’ils

2 ont autorisé à revenir deux jours à près ?

3 Témoin N (interprétation). - Je crois que c'est le cas.

4 M. Fila (interprétation). - Je lis votre déclaration écrite, voyez-vous !

5 Vous avez dit que Marko avait un fils, Miroslav, qui avait été emmené et

6 dont on ne connaissait pas le sort.

7 Témoin N (interprétation). - Effectivement.

8 M. Fila (interprétation). - Quand a-t-il été emmené ?

9 Témoin N (interprétation). - Lui aussi se trouvait devant les autobus. Il

10 est rentré dans l’un des cinq autobus qui ont servi à l'évacuation, les

11 cinq autobus dont je viens de parler.

12 M. Fila (interprétation). - Il fait donc partie des personnes qui ont été

13 emmenées le 20 ?

14 Témoin N (interprétation). - Oui.

15 M. Fila (interprétation). - Merci. Les autobus dans lesquels vous vous

16 trouviez se sont-ils arrêtés devant Velepromet quelque temps, le 20 ?

17 Témoin N (interprétation). - Un instant, oui, effectivement.

18 M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous nous dire combien de temps,

19 combien d'heures ?

20 Témoin N (interprétation). - Je ne peux pas. Je ne sais pas quelle heure

21 il était. Peut-être 2 heures, 2 heures 30.

22 M. Fila (interprétation). - A midi, n'est-ce pas ?

23 Témoin N (interprétation). - Non, pas à midi. A 2 heures/ 2 heures 30.

24 M. Fila (interprétation). - Oui, mais je voulais dire pas à 2 heures du

25 matin.

Page 478

1 Témoin N (interprétation). - Effectivement, dans l'après-midi.

2 M. Fila (interprétation). - Si je vous montrais une vidéo, pourriez-vous

3 reconnaître une des personnes qui se trouvait dans ces autobus ?

4 Témoin N (interprétation). - Peut-être.

5 M. Fila (interprétation). - Eh bien, si vous le permettez, Monsieur le

6 Président, j'aimerais que l’on diffuse la pièce à conviction de la défense

7 numéro 2, simplement une petite séquence, à condition que l'accusation ne

8 ralentisse pas le processus.

9 M. Williamson (interprétation). - Pas d'objection, Monsieur le Président.

10 Je crois que c'est une pièce à conviction de la défense, la pièce à

11 conviction numéro 2.

12 M. Fila (interprétation). - Oui, oui.

13 M. Williamson (interprétation). - Pas d'objection.

14 M. Fila (interprétation). - Pendant que l’on prépare la cassette, je vous

15 poserai encore une question.

16 Vous avez dit qu'un officier de la JNA était entré dans l'un des deux

17 premiers autobus sur les cinq et qu'il vous avait fait sortir lorsque vous

18 avez montré votre carte.

19 Témoin N (interprétation). - Oui.

20 M. Fila (interprétation). - Pendant tous ces événements, avez-vous vu des

21 paramilitaires qui faisaient sortir quelqu'un de l'autobus ?

22 Témoin N (interprétation). - S'il y avait quelqu'un avec cet officier qui

23 était paramilitaire ?

24 M. Fila (interprétation). - Non, nous ne nous sommes pas compris. Je parle

25 de l'ensemble des événements du 20. En dehors des soldats de la JNA,

Page 479

1 Sljivancanin, cet officier inconnu, etc, avez-vous vu des habitants de

2 Vukovar, des gens de Vukovar, qui n'étaient pas de l'armée ?

3 Témoin N (interprétation). - J'ai vu des paramilitaires mais je ne crois

4 pas qu'ils venaient de Vukovar.

5 M. Fila (interprétation). - Vous avez parlé du fils du Dr Sljivancanin, je

6 crois ?

7 Témoin N (interprétation). - Oui.

8 M. Fila (interprétation). - Qu’était-il ?

9 Témoin N (interprétation). - Il était sans doute volontaire, il portait un

10 uniforme.

11 M. Fila (interprétation). - Un uniforme de la JNA ou des paramilitaires ?

12 Témoin N (interprétation). - Des paramilitaires.

13 M. Fila (interprétation). - Donc vous avez quand même vu quelqu’un

14 appartenant aux paramilitaires.

15 Témoin N (interprétation). - Oui.

16 M. Fila (interprétation). - Est-ce qu'il y en avait d’autres ? L’un de vos

17 chauffeurs, etc ?

18 Témoin N (interprétation). - Non.

19 M. Fila (interprétation). - Je vous remercie. Je vous demanderai

20 maintenant de regarder la vidéo. Merci, Monsieur le Président. Une petite

21 séquence vidéo très courte.

22 (Diffusion de la vidéo.)

23 M. Fila (interprétation). - Une seule question. Avez-vous reconnu

24 quelqu'un ? Etaient-ce bien les autobus dans lesquels vous êtes montés ?

25 Témoin N (interprétation). - Je n'ai reconnu personne.

Page 480

1 M. Fila (interprétation). - Etaient-ce des gens qui étaient dans votre

2 autobus ?

3 Témoin N (interprétation). - Non.

4 M. Fila (interprétation). - Vous ne savez pas ? Cela ne fait rien. Merci.

5 Vous êtes sûr que ce ne sont pas ces personnes ? Hier, vous les avez

6 reconnues. C'est la raison pour laquelle je vous pose la question.

7 Témoin N (interprétation). - Je ne peux pas répondre à cette question. Je

8 ne connais personne de ces autobus.

9 M. Fila (interprétation). - Merci beaucoup. Je n'ai plus de questions.

10 M. le Président (interprétation). - L'accusation ?

11 M. Williamson (interprétation). - Je n'ai pas de questions

12 supplémentaires, Monsieur le Président.

13 M. le Président (interprétation). - Avez-vous des objections à ce qu'on

14 libère le témoin ?

15 M. Williamson (interprétation). - Aucune objection.

16 M. le Président. - Merci, Monsieur, d'être venu. Vous pouvez maintenant

17 vous retirer.

18 (Le témoin quitte la salle d'audience.)

19 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, allez-vous faire

20 entrer votre témoin suivant ?

21 M. Niemann (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

22 M. le Président (interprétation). - Merci.

23 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, s’agissant du témoin

24 suivant, le Témoin E, il a déjà obtenu des mesures de protection. Il

25 demande qu’on fasse référence à lui sous le nom de Témoin E et que l’image

Page 481

1 de son visage soit déformée pendant toute la durée de sa déposition.

2 Merci, Monsieur le Président.

3 M. May (interprétation). - Pouvez-vous m'aider, Maître Niemann, sur un

4 point ? Velepromet est mentionnée dans une déposition. Nous aimerions

5 savoir de quoi il s'agit.

6 M. Niemann (interprétation). - Oui. Monsieur le Juge, le témoin suivant va

7 vous aider. Il va vous montrer l'endroit sur une photographie et vous

8 expliquera de quoi il s'agit. En quelques mots, il s'agit d'un bâtiment

9 qui se trouve dans la ville de Vukovar non loin de la caserne de la JNA.

10 C'est un bâtiment qui ressemble un peu à un hangar si je ne m’abuse ou à

11 un entrepôt. Mais je poserai les questions au témoin qui vous aidera très

12 certainement sur ce point.

13 M. May (interprétation). - Merci beaucoup.

14 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, le témoin qui va

15 pénétrer dans le prétoire apparaît sur la liste sous le numéro 5.

16 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience).

17 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Témoin E. Je vous prierai de

18 lire le texte de la déclaration solennelle qui vous est remis.

19 Témoin E (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

20 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 M. le Président (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous asseoir.

22 Témoin E (interprétation). - Merci.

23 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann.

24 M. Niemann (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le Président.

25 Monsieur, au cours de votre déposition de ce matin, nous nous adresserons

Page 482

1 à vous sous le nom de Témoin E. Vous comprenez cela ?

2 (Le témoin acquiesce.)

3 Lorsque vous me répondez, je vous demanderai d'utiliser des mots car si

4 vous hochez de la tête, cela ne figurera pas sur le compte rendu. Je vous

5 demanderai, lorsque je vous pose une, question de me répondre avec des

6 mots, Monsieur.

7 Témoin E (interprétation). - Je comprends.

8 M. Niemann (interprétation). - Merci. Je vous demanderai maintenant de

9 regarder ce qui est écrit sur la feuille de papier qui vous sera remise et

10 de nous dire, si oui ou non, c'est bien votre nom qui est écrit sur ce

11 papier.

12 Témoin E (interprétation). - Oui.

13 M. Niemann (interprétation). - Peut-on montrer ce papier à la défense ?

14 Monsieur le Président, je demande le versement de cette feuille de papier

15 sous scellés en tant que pièce à conviction suivante pour l'accusation.

16 M. le Greffier (interprétation). - C'est la pièce 18.

17 M. le Président (interprétation). - Il n'y a pas d'objection de la part de

18 la défense ? Maître Fila, je vous demande si vous avez une objection au

19 versement de cette pièce à conviction au dossier ? Le nom du témoin ?

20 M. Fila (interprétation). - Non, non.

21 M. le Président (interprétation). - Merci.

22 M. Niemann (interprétation). - Témoin E, le 19 juin 1995, des enquêteurs

23 de ce Tribunal, le Tribunal pénal international, vous ont-ils rendu

24 visite ? Et au cours de cette visite, ces enquêteurs ont-ils obtenu de

25 vous une déclaration portant sur les événements que vous avez vécus à

Page 483

1 Vukovar dans la deuxième moitié de l'année 1991 ?

2 Témoin E (interprétation). - Oui.

3 M. Niemann (interprétation). - Cette déclaration a-t-elle été rédigée en

4 anglais, puis vous a ensuite été traduite en croate ?

5 Témoin E (interprétation). - Oui.

6 M. Niemann (interprétation). - Une fois que la déclaration a été

7 complètement consignée, son contenu vous en a-t-il été lu par une

8 interprète et avez-vous convenu que le récit était fidèle à la vérité,

9 fidèle à ce que vous aviez dit dans votre déposition ?

10 Témoin E (interprétation). - Oui.

11 M. Niemann (interprétation). - A l'issue de ce processus, vous a-t-on prié

12 d'apposer votre signature sur ce document ?

13 Témoin E (interprétation). - Oui.

14 M. Niemann (interprétation). - Je vous demanderai de bien vouloir regarder

15 ce document qui va maintenant vous être remis, Monsieur. Il en existe une

16 traduction en croate.

17 Témoin E (interprétation). - Je vous demanderai de bien vouloir regarder

18 la version anglaise de ce document pour nous dire si votre signature et

19 bien apposée en bas de chacune des pages de cette version anglaise.

20 Témoin E (interprétation). - Oui.

21 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, je demande le

22 versement au dossier de cette déclaration ainsi que de la traduction

23 croate de la déclaration.

24 M. le Président (interprétation). - Oui.

25 M. le Greffier (interprétation). - Ce sera la pièce à conviction 19 et

Page 484

1 19 a pour la traduction croate.

2 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des objections de la part de

3 la défense ?

4 (Maître Fila fait un signe négatif de la tête.)

5 Merci.

6 M. Niemann (interprétation). - Témoin E, vous trouviez-vous dans la région

7 de Vukovar lorsque les tensions ont commencé à croître vers la fin

8 de 1991 ?

9 Témoin E (interprétation). - Oui.

10 M. Niemann (interprétation). - A cette époque, participiez-vous à la

11 défense civile, ce qui impliquait entre autres tâches de distribuer des

12 vivres et une aide médicale ?

13 Témoin E (interprétation). - Pas à ce moment-là.

14 M. Niemann (interprétation). - Mais plus tard, vous avez participé à ce

15 genre d'actions ?

16 Témoin E (interprétation). - Oui.

17 M. Niemann (interprétation). - Peut-être pourriez-vous nous expliquer ce

18 que vous faisiez et à quel moment vous l'avez fait. Je veux parler du mois

19 et du jour, si possible.

20 Témoin E (interprétation). - Je crois que cela se passait au mois de

21 mai 1991. A ce moment-là, des policiers ont trouvé la mort à Borovo Selo.

22 A mon avis, c'est à ce moment-là que les événements très désagréables

23 vécus par la ville de Vukovar ont commencé. Jusqu'à ce moment-là, nous

24 estimions que ce genre de chose ne se produirait pas, mais après

25 l'assassinat des policiers Croates, nous nous sommes

Page 485

1 rendu compte que quelque chose se préparait, que quelque chose allait

2 arriver.

3 M. Niemann (interprétation). - Qu'avez-vous vu se préparer ? Que pensiez-

4 vous qui allait arriver ?

5 Témoin E (interprétation). - L’un des indices a été le départ des

6 habitants de nationalité Serbe de Vukovar. Ils sont d'abord partis en

7 traversant le Danube sur une embarcation, sur une espèce de radeau. Ils

8 ont rejoint la République de Serbie. Les gens sont partis en masse et

9 ensemble. Nous leur avons donc demandé pourquoi ils partaient, où ils

10 allaient. Ils n'ont pas répondu à la question de pourquoi ils partaient,

11 mais ils ont simplement dit qu'ils étaient persécutés dans la ville de

12 Vukovar par la police croate. J'ai demandé à plusieurs de mes amis qui

13 quittaient la ville : "Allez, dis-moi, pourquoi est-ce que tu pars ?" Ils

14 haussaient les épaules et me répondaient : "J'espère que tu vas bientôt

15 t’en rendre compte aussi". Mais ceux qui n'ont pas pris cette embarcation,

16 ceux qui n'ont pas quitté la ville de Vukovar d'une façon ou d'une autre à

17 ce moment-là sont allés à l'armée et l'armée a utilisé ces véhicules pour

18 les transporter jusqu'à Borovo Selo.

19 J'habite dans la rue principale du Vukovar et je peux vous dire que tous

20 les jours on voyait l'arrivée de ces personnes et leurs transferts. Bien

21 entendu, c'était un indice, ou plutôt cela montrait de la manière la plus

22 nette que quelque chose se préparait. Mais même à ce moment-là, nous ne

23 sommes pas parvenus à nous rendre compte de ce qui allait se passer.

24 M. Niemann (interprétation). - Ce bac, dont vous venez de parler il y a

25 quelques instants, qui traversait le Danube vers la République de Serbie

Page 486

1 située de l'autre côté -c'est bien cela ?- allait vers la République de

2 Serbie, n'est-ce pas ?

3 Témoin E (interprétation). - Oui.

4 M. Niemann (interprétation). - La caserne de l'armée, où ces personnes se

5 rassemblaient ensuite pour être transférées par des véhicules de l'armée,

6 était la caserne militaire, la caserne de la JNA, n'est-ce pas ?

7 Témoin E (interprétation). - Oui, la seule caserne de Vukovar

8 effectivement.

9 M. Niemann (interprétation). - Pendant le siège de Vukovar, les conditions

10 de vie de la population de Vukovar étaient-elles difficiles ?

11 Témoin E (interprétation). - Les conditions étaient très difficiles.

12 M. Niemann (interprétation). - Y avait-il des pénuries de vivres,

13 d'électricité et de produits de première nécessité pendant cette période ?

14 Témoin E (interprétation). - Le premier pilonnage de Vukovar a eu lieu au

15 mois de juin ou plutôt juillet 1991. Les obus ont commencé à tomber sur la

16 ville sans aucun avertissement, tout à fait soudainement. Bien sûr, la

17 panique s'est répandue dans la ville. Tout le monde essayait de se

18 débrouiller en faisant de son mieux pour sauver sa propre vie et celle des

19 membres de sa famille, et bien évidemment la vie des personnes qui ne

20 pouvaient pas s'occuper de leur propre bien-être.

21 Peu après, Vukovar a été bloquée, c'est-à-dire fermée des quatres côtés.

22 Elle est restée enfermée ainsi pendant trois mois. Dans la ville elle-

23 même, il n'y avait pas d'électricité, pas d'eau. En ce qui concerne la

24 nourriture, elle pourrissait rapidement. Cela a donc été très difficile

25 pour la population de survivre durant cette période de siège de la ville.

Page 487

1 M. Niemann (interprétation). - Afin de vous protéger et de protéger les

2 autres citoyens de Vukovar des pilonnages incessants, avez-vous trouvé un

3 abri dans un endroit qui se trouvait à proximité de l'hôpital de Vukovar ?

4 Témoin E (interprétation). - La ville de Vukovar est faite de telle

5 manière qu'il y existait à la fois des abris naturels et des abris

6 artificiels. Je veux parler par

7 exemple des abris antiatomiques et des caves qui se trouvaient sous de

8 grands immeubles. Moi-même, j'ai été dans un abri semblable, qui se

9 trouvait en face de l'hôpital de Vukovar et qui appartenait à la société

10 Vupik de Vukovar. Dans cet abri, sous le magasin se trouvaient environ

11 soixante personnes. Il y avait des personnes d'appartenance ethnique

12 différente. Il y avait des Serbes, des Croates. Je pense que la proportion

13 était de 50/50.

14 M. Niemann (interprétation). - Combien de temps avez-vous passé dans cette

15 cave de l'immeuble de la société Vupik ?

16 Témoin E (interprétation). - Nous y avons passé environ deux mois et demi.

17 Nous y sommes restés jusqu'à la chute de Vukovar.

18 M. Niemann (interprétation). - Pendant que vous étiez dans cet abri, de

19 temps en temps entendiez-vous parler... Receviez-vous des récits

20 concernant ce qui se passait à l'extérieur de Vukovar de la part des

21 personnes qui venaient et qui partaient ?

22 Témoin E (interprétation). - Oui.

23 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous appris que des négociations se

24 déroulaient afin de conclure un accord sur une évacuation pacifique de la

25 population de Vukovar ?

Page 488

1 Témoin E (interprétation). - Oui.

2 M. Niemann (interprétation). - Qu'avez-vous appris là-dessus et à quel

3 moment ?

4 Témoin E (interprétation). - Etant donné que l'abri dans lequel je me

5 trouvais avec d'autres citoyens se trouvait juste à côté de l'hôpital de

6 Vukovar, qui était la cible principale des pilonnages, parmi tous les

7 autres immeubles de Vukovar, et juste à côté de l'hôpital se trouvait le

8 bâtiment du ministère de l'Intérieur de Vukovar, tout cela se passait à

9 une centaine de mètres de distance. Bien évidemment, nous posions

10 des questions afin de savoir ce qui allait se passer dans la ville.

11 J'ai appris que des négociations avec la JNA de l'époque se déroulaient,

12 concernant la reddition de la ville de Vukovar, pour que les gens -à mon

13 avis, les civils étaient entre 10 000 et 12 000 dans la ville, y compris

14 de nombreux blessés- puissent partir là où ils choisiraient. En revanche,

15 la ville devait se rendre à l'Armée populaire yougoslave de l'époque.

16 M. Niemann (interprétation). - Savez-vous quand cela devait se produire,

17 d'après la manière dont vous avez compris ces informations ?

18 Témoin E (interprétation). - A mon avis, cela devait se passer très

19 rapidement, afin d'éviter de nouvelles victimes et des destructions.

20 Cependant, ces négociations étaient très ardues, très difficiles et très

21 longues.

22 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous appris qu'un accord a finalement

23 été conclu concernant l'évacuation des citoyens de Vukovar ?

24 Témoin E (interprétation). - Etant donné que le bâtiment du ministère de

25 l'Intérieur a été incendié, les employés, ensemble avec leur chef de

Page 489

1 l'époque, se sont tous déplacés dans notre abri étant donné qu'il était

2 grand et qu'il y avait suffisamment de place pour tout le monde. Celui qui

3 était le chef à l'époque, M. Polis Stjepan*, le chef de la police à

4 Vukovar, était l'un des membres de la délégation qui menait les

5 négociations au nom de la ville de Vukovar. Il avait été en contact avec

6 Mme Vesna Bosanac et M. Marin Vidic Bili. Nous avons donc su quelle était

7 l'issue des négociations.

8 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous cru comprendre qu'au mois de

9 novembre, vers la mi-novembre et plus tard, l'évacuation devait avoir lieu

10 conformément à cet accord ?

11 Témoin E (interprétation). - Oui. Il nous a été dit qu'un accord avait été

12 signé avec l'Armée populaire yougoslave, que la ville devait se rendre et

13 que toutes les personnes, y compris les membres de l'armée et de la

14 police, pouvaient quitter la ville de Vukovar et partir là où elles le

15 souhaitaient. A ce moment-là, il y a eu une confusion, plutôt une panique.

16 Nous sommes allés ensemble avec eux à l'hôpital qui se trouvait, comme je

17 l'ai dit, en face de l'abri où nous étions. La raison de cela était que

18 nous considérions que, si l'on se trouvait dans une masse plus grande de

19 personnes, nous avions plus de chance de survivre. C'est ainsi que nous

20 avons estimé la situation.

21 M. Niemann (interprétation). - A quelle date vous êtes-vous rendu à

22 l'hôpital ? Vous en souvenez vous ?

23 Témoin E (interprétation). - C'était le 25 novembre 1991, tard le soir.

24 M. Niemann (interprétation). - Vous avez dit que c'était le 25. Etes-vous

25 sûr qu'il s'agissait de cette date-là ou bien peut-être s'agissait-il

Page 490

1 d'une autre date ?

2 Témoin E (interprétation). - Il est difficile de parler avec beaucoup

3 d'exactitude de cette date-là. A cette époque-là, nous étions tous sous

4 l'effet d'une grande peur. Mais je pense qu'il est possible qu'il s'agisse

5 du 25 ou du 26 novembre.

6 M. Niemann (interprétation). - Mais êtes vous sûr qu'il s'agissait du mois

7 de novembre ?

8 Témoin E (interprétation). - Oui.

9 M. Niemann (interprétation). - Quand vous êtes allé à l'hôpital, de quoi

10 avaient peur ces gens-là, ce qui les a conduits à l'hôpital ?

11 Témoin E (interprétation). - Les gens n'avaient pas peur de se rendre à

12 l'Armée populaire yougoslave, mais ils avaient peur de se rendre aux

13 formations paramilitaires, ceux qu'on appelait les Chetniks, dont on

14 disait qu'ils commettaient des atrocités et qu'ils en avaient commis dans

15 un certain nombre dans les villages autour de Vukovar, avant sa chute.

16 C'est pourquoi les gens avaient peur. C'est pourquoi ils

17 allaient à l'hôpital, croyant que dans une plus grande masse de personnes,

18 ils avaient plus de chances de survivre et que l'Armée populaire

19 yougoslave allait protéger ces populations.

20 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé à l'hôpital, que

21 s'est il passé ? Qu'avez-vous fait quand vous êtes arrivé à l'hôpital ?

22 Témoin E (interprétation). - Quand nous sommes arrivés à l'hôpital, il y

23 avait énormément d'autres personnes qui venaient après nous, qui avaient

24 quitté leurs propres abris se trouvant dans la ville de Vukovar.

25 Des représentants de la Croix-Rouge nous ont dit qu'un accord avait été

Page 491

1 passé et qu'il fallait dresser la liste des personnes pour que 50 ou 55

2 soient placées dans chacun des autocars et que certaines personnes

3 allaient venir pour déployer ces personnes dans les autocars. Nous avons

4 fait ce qui nous a été demandé.

5 M. Niemann (interprétation). - Combien de temps avez-vous passé à

6 l'hôpital ?

7 Témoin E (interprétation). - Je suis resté à l'hôpital jusqu'au

8 19 novembre 1991, jusqu'à environ 5 heures de l'après-midi.

9 M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé le 19 novembre 1991, à

10 5 heures de l'après-midi ?

11 Témoin E (interprétation). - Nous nous attendions tous à l'arrivée des

12 représentants, ou plutôt à l'Arrivée de l'armée populaire yougoslave.

13 Effectivement, ils sont arrivés.

14 M. Niemann (interprétation). - Savez-vous qui est arrivé de la part de

15 l'Armée populaire yougoslave ?

16 Témoin E (interprétation). - Des officiers en uniforme de camouflage sont

17 arrivés. L'un d'eux s'est présenté en disant : "Je suis le

18 Major Sljivancanin. A partir de

19 maintenant, vous allez obéir à mes ordres".

20 M. Niemann (interprétation). - Qu'ont fait ces officiers après leur

21 arrivée ?

22 Témoin E (interprétation). - Lorsqu'ils sont arrivés, comme je l'ai dit,

23 ils ont dit qu'il fallait obéir à ces ordres et ils nous ont dit que nous

24 allions être transportés dans le centre de rassemblement -c'est ainsi

25 qu'ils l'ont appelé- qui était l'entrepôt de la société Velepromet de

Page 492

1 Vukovar. A ces mots, nous avons compris que, quant à l'accord qui avait

2 été passé, rien n'allait être réalisé.

3 M. Niemann (interprétation). - Qui devait être transporté à Velepromet ?

4 Témoin E (interprétation). - Ils ont dit qu'ils allaient d'abord

5 transporter les femmes, les enfants et les personnes très âgées, et

6 ensuite tous les autres.

7 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous dites "tous les autres", pour

8 autant que vous le sachiez, cela se référait également aux patients de

9 l'hôpital ou seulement aux civils qui s'y étaient regroupés ?

10 Témoin E (interprétation). - Je ne connais pas la réponse en détail, mais

11 j'ai l'impression que tout le monde devait être évacué.

12 M. Niemann (interprétation). - Quel était le moyen de transport que vous

13 deviez utiliser pour être évacués de l'hôpital à Velepromet ?

14 Témoin E (interprétation). - Nous avons été évacués de l'hôpital jusqu'à

15 Velepromet en camions militaires, c'est-à-dire que nous sommes allés

16 jusqu'à la cour de la société Vupik qui se trouve en face de l'entrepôt

17 Velepromet.

18 M. Niemann (interprétation). - D'autres véhicules que les camions

19 militaires ont-ils été utilisés ? En avez-vous vu d'autres ?

20 Témoin E (interprétation). - Il y avait certains transporteurs militaires.

21 M. Niemann (interprétation). - Mis à part le Major Sljivancanin qui vous a

22 parlé, avez-vous reconnu d'autres militaires qui sont arrivés à l'hôpital

23 ce jour-là, le

24 19 novembre ?

25 Témoin E (interprétation). - Non.

Page 493

1 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous reconnu des habitants locaux qui

2 portaient un uniforme militaire ?

3 Témoin E (interprétation). - Lorsque nous avons quitté le bâtiment de

4 l'hôpital, alors que nous étions dans la cour, j'ai vu plusieurs personnes

5 de Vukovar qui arrivaient à l'hôpital de Vukovar.

6 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous avez été transportés à

7 Velepromet, que s'est-il passé lorsque vous y êtes arrivés ?

8 Témoin E (interprétation). - Quand nous sommes arrivés à Velepromet, moi-

9 même et mon groupe, on nous a placés dans la cour de la société Vupik qui

10 se trouve en face de l'entrepôt de Velepromet. Sur place, il y avait déjà

11 un grand nombre de personnes qui ont été amenées là de quelque part et qui

12 ont été laissées.

13 M. Niemann (interprétation). - A un moment, avez-vous vu des autocars ?

14 Témoin E (interprétation). - Non.

15 M. Niemann (interprétation). - Qu'ont-ils fait de ces personnes qui sont

16 arrivées, les personnes de votre groupe ?

17 Témoin E (interprétation). - A ce moment-là, lorsque nous sommes arrivés,

18 nous avons vu sur place des habitants de Vukovar. Moi, je connaissais un

19 grand nombre d'entre eux. Ils portaient des uniformes différents. Il y

20 avait à la fois des hommes et des femmes en uniforme.

21 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous reconnu ces uniformes ?

22 Témoin E (interprétation). - Oui.

23 M. Niemann (interprétation). - Pouvez-vous nous dire ceux que vous

24 avez reconnus ?

25 Témoin E (interprétation). - Il y avait des uniformes de camouflage, des

Page 494

1 uniformes anciens, ce qu'on appelle SMB, à savoir des uniformes verts

2 anciens. Il y avait des personnes en civil qui n'avaient qu'un couvre-chef

3 militaire. Il y avait de tout.

4 M. Niemann (interprétation). - Mis à part cela, avez-vous vu des soldats

5 réguliers de l'Armée populaire yougoslave ?

6 Témoin E (interprétation). - A cette époque-là, mis à part ceux qui

7 assuraient notre transport, il n'y en avait pas d'autres.

8 M. Niemann (interprétation). - Donc les personnes en uniforme et en

9 vêtements civils n'étaient pas des soldats de la JNA.

10 Témoin E (interprétation). - Oui.

11 M. Niemann (interprétation). - Ces personnes qui avaient des uniformes

12 militaires mais qui n'étaient pas des soldats de la JNA ont-elles fait

13 quelque chose à ces gens qui sortaient des autobus ?

14 Témoin E (interprétation). - Il est difficile de décrire la situation qui

15 régnait à ce moment-là à l'endroit où nous avions été amenés. Il y avait

16 un chaos, une confusion totale, des cris, des tirs, des pleurs. Je

17 connaissais quelques-uns de ces gens-là. Il faisait sombre, il était tard.

18 Ils passaient d'une personne à une autre avec une torche. Ils faisaient

19 sortir ceux qu'ils choisissaient. Ils les faisaient aller là où ils le

20 souhaitaient. En ce qui me concerne, c'était pareil.

21 M. Niemann (interprétation). - Quand vous dites "Ils les amenaient", vous

22 parlez de ces personnes en uniforme militaire ?

23 Témoin E (interprétation). - Oui.

24 M. Niemann (interprétation). - Savez-vous ou bien avez-vous une idée de

25 l'appartenance ethnique de ces personnes qui portaient des uniformes ?

Page 495

1 Témoin E (interprétation). - En ce qui concerne ceux que je connaissais,

2 je peux vous dire qui ils étaient. Quant aux autres que je ne connaissais

3 pas et qui étaient sur place, bien évidemment je ne peux pas dire quelle

4 était leur appartenance ethnique. Ceux que je connaissais étaient des

5 habitants serbes de Vukovar.

6 M. Niemann (interprétation). - Ces gens-là étaient-ils parmi ce groupe de

7 personnes qui portaient des uniformes militaires ?

8 Témoin E (interprétation). - Oui.

9 M. Niemann (interprétation). - Tout à l'heure, vous avez dit qu'ils

10 emmenaient des gens quelque part. Maltraitaient-ils des gens autour de

11 vous lorsque vous sortiez des bus, après votre arrivée sur place ?

12 Témoin E (interprétation). - J'ai déjà dit qu'il était difficile de

13 décrire la situation qui régnait. Les gens étaient amenés, passés à tabac,

14 maltraités de toutes les manières imaginables.

15 M. Niemann (interprétation). - Vous avez dit que vous aussi aviez été

16 amené quelque part. Est-ce exact ?

17 Témoin E (interprétation). - Oui.

18 M. Niemann (interprétation). - Savez-vous qui vous a amené ?

19 Témoin E (interprétation). - Moi-même et l'ami qui était avec moi -son nom

20 est Aleksandar Cotar- avons été choisis de notre groupe par Darko Fot. Il

21 nous ont emmenés en face, dans la cour de Velepromet et il nous a mis dans

22 un groupe près d'un grand mur et nous sommes restés sur place.

23 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous posé la question de savoir ce qui

24 se passait à un certain moment ?

25 Témoin E (interprétation). - Je lui ai posé la question étant donné que je

Page 496

1 le connaissais bien. Nous étions chasseurs tous les deux. Je lui ai dit :

2 "Darko, que se

3 passe-t-il ?" Il a dit : "Tu le sauras le moment voulu".

4 M. Niemann (interprétation). - Quand on vous a placé devant un mur, que

5 s'est-il passé ensuite ?

6 Témoin E (interprétation). - Encore une fois, des personnes venaient avec

7 les torches qu'elles dirigeaient dans les yeux de personnes qui se

8 trouvaient dans cette rangée devant le mur. Encore une fois, ils faisaient

9 partir des personnes choisies dans une direction inconnue. Cela dit, il

10 faisait sombre. Il n'y avait pas de lumière.

11 M. Niemann (interprétation). - Vous ont-ils emmené quelque part ? Vous

12 ont-ils dit de faire quelque chose ?

13 Témoin E (interprétation). - Encore une fois, j'ai dû quitter ce groupe-

14 là. C'est un autre homme, Mico Dancovic, que je connaissais

15 personnellement lui aussi, qui m'a fait sortir de ce groupe. Il était

16 serveur dans un restaurant de Vukovar.

17 M. Niemann (interprétation). - Vous a-t-il dit quelque chose ?

18 Témoin E (interprétation). - Non.

19 M. Niemann (interprétation). - Vous a-t-il fait quelque chose ?

20 Témoin E (interprétation). - Non.

21 M. Niemann (interprétation). - Que s’est-il passé ensuite ?

22 Témoin E (interprétation). - Après cela, un homme était à côté de moi. Je

23 sais que son nom était Blaskovic. Je sais que c'était un policier à

24 Vukovar. Mico Dankovic l’a fait sortir du groupe en lui disant qu'il

25 fallait qu'il règle quelques comptes de leur passé. Il l'a frappé avec son

Page 497

1 fusil sur le visage. Il lui a coupé tout le visage.

2 M. Niemann (interprétation). - Que s’est-il passé ensuite ?

3 Témoin E (interprétation). - Il a emmené Blaskovic. Je n'ai pas compris à

4 ce moment-là où. Après quelque temps, une troisième personne est arrivée,

5 qui m'a fait

6 sortir moi-même pour la troisième fois ensemble avec une autre personne.

7 Son prénom était Jurica*. Il travaillait dans une société d'hôtellerie à

8 Vukovar. Il a dit : "Venez, vous êtes à moi". Son nom était Borozvanovic*.

9 Lui aussi, je le connaissais personnellement.

10 M. Niemann (interprétation). - Nous allons vous interrompre juste un

11 instant. On vous a dit que Blaskovic était un policier. Quelle était son

12 appartenance ethnique ?

13 Témoin E (interprétation). - Il était croate. Il venait d'un village près

14 d’Ilok.

15 M. Niemann (interprétation). - Excusez-moi de vous avoir interrompu. La

16 personne a dit : "Venez avec moi, vous êtes à moi". Que s'est-il passé

17 ensuite ?

18 Témoin E (interprétation). - Il nous a emmenés. Il nous tenait par la

19 main. Il nous a emmenés dans le noir. A un moment, je lui ai demandé :

20 "Boro, où vas-tu avec nous ?" (expurgé)

21 (expurgé). Ici, il y aura ce soir une pagaille".

22 M. Niemann (interprétation). - Que s’est-il passé ensuite ?

23 Témoin E (interprétation). - Il nous a fait venir dans un petit immeuble

24 qui se trouve à l'intérieur de la cour de l'entrepôt Velepromet. Par la

25 suite, lorsque j'y suis entré, j'ai appris que c'était leur atelier.

Page 498

1 Devant cet atelier, se trouvait un homme en uniforme de camouflage. Il

2 n'avait pas de couvre-chef. Il avait des cheveux longs, noirs. Il était

3 très très grand. Boro, qui nous a fait venir là, lui a dit : "Topola, ce

4 sont les miens. Je ne veux pas que quelqu'un les touche".

5 Etant donné que c'était l'hiver, je portais la fourrure et j'avais à la

6 main un petit sac avec des affaires qui nous appartenaient, à moi et à mon

7 épouse. On m'a demandé de laisser le sac à côté, d'enlever ma fourrure.

8 Là-bas, il y avait déjà plusieurs sacs et plusieurs vêtements. J'ai fait

9 ce que l'on m'a demandé de faire.

10 Tout de suite après, ce même Topola m'a demandé de lui donner ma pièce

11 d'identité. J'avais un portefeuille. Je l'ai sorti entièrement et je lui

12 ai donné le portefeuille. Il l'a ouvert. Il a pris l'argent. Il a mis

13 l'argent sur une table qui se trouvait devant lui. Sur cette table se

14 trouvait déjà un petit tas d'argent. Quant à mes documents, il les a jetés

15 sous la table. Je suis resté sur place. J'avais une petite veste en cuir

16 sur moi. Ensuite, il a dit : "Enlève cela aussi et met cela à côté". Je

17 l'ai fait. Ensuite, j'ai dit : "Rendez-moi au moins ma pièce d'identité".

18 Il m'a répondu : "Tu n'en auras plus jamais besoin».

19 Et la même chose a recommencé. Encore une fois, il a refait toutes ces

20 mêmes choses et a redit toutes ces mêmes choses à Jurica*. Jurica* avait

21 sur lui des deutsche marks. Cette personne a pris les marks et les a mis

22 dans sa poche. Il a dit : (expurgé)

23 Il a ouvert la porte. C'était une porte coulissante. Vous savez, on

24 l'ouvre sur le côté. Il a dit : "Entre là-dedans". Je suis entré le

25 premier. Il a donné un coup de pied dans le dos à Jurica* et a fermé la

Page 499

1 porte.

2 M. Niemann (interprétation). - Vous êtes entré dans cette pièce. Que

3 s'est-il passé ensuite ?

4 Témoin E (interprétation). - Il faisait sombre dans cette pièce. Puis, par

5 la suite, j'ai pu distinguer dans un coin qu'il y avait une source de

6 lumière. Je me suis aperçu qu'en fait, la pièce était pleine de gens. Par

7 la suite, (expurgé) et ont dit : "Mais enfin, que fais-tu là ?"

8 C'est ainsi que j'ai pu reconnaître les personnes qui se trouvaient dans

9 cette pièce.

10 Cette personne qui a appelé mon nom était accroupie près de la porte.

11 C'était Mirko Blidovic*, un enquêteur. En fait, c'était même un

12 inspecteur. Il inspectait les marchés dans la ville de Vukovar.

13 Puis, j'ai reconnu un certain nombre d'autres personnes, un médecin

14 notamment. A ce moment-là, il travaillait à l'hôpital de Vukovar. Je crois

15 que c'était M. Nadas. Je me souviens de son nom de famille. Il y avait

16 également Petar Cicvaric, qui travaillait à la poste. Et puis, il y avait

17 un homme qui s'appelait Zeko, qui travaillait pour Velepromet. Il y avait

18 les frères Murma*, je crois, et d'autres personnes que je connaissais de

19 vue, mais je suis incapable de vous donner leurs noms.

20 M. Niemann (interprétation). - Et ces personnes, comme vous, étaient

21 détenues dans cette pièce, toutes ces personnes dont vous venez de nous

22 donner le nom ?

23 Témoin E (interprétation). - Oui, elles étaient détenues.

24 M. Niemann (interprétation). - Au cours de la soirée, y a-t-il eu àun

25 moment où une autre personne a été emmenée dans cette pièce, une personne

Page 500

1 qui était blessée ?

2 Témoin E (interprétation). - Juste un peu avant cela... C'est un peu

3 difficile d'être très précis. Je ne sais pas à quel moment exactement cela

4 s'est passé. Nous avons entendu des rafales, juste devant le bâtiment où

5 nous nous trouvions. Peu de temps après, la porte s'est ouverte et un

6 jeune homme a été jeté dans la pièce. Il avait reçu des balles dans ses

7 deux jambes. Je le connaissais de vue, lui aussi. Nous avons essayé de

8 l'aider et à ce moment-là, ce médecin, M. Nadas, a essayé de lui donner

9 des soins. Mais nous n'avions rien pour nous occuper de lui donc j'ai pris

10 la petite chemise que je portais sur moi et je l'ai donné à M. Nadas pour

11 qu'il puisse faire un bandage, mais cela n'a pas très bien marché.

12 J'ai commencé à taper sur la porte de la pièce et j'ai appelé cet homme.

13 Il fallait absolument qu'on aide ce jeune homme. De fait, la porte s'est

14 ouverte et ce Topola est entré. Je lui ai dit que cet homme perdait du

15 sang, qu'il allait mourir. Peu de

16 temps à près, deux hommes sont arrivés. Ils l'ont emmené. Dix minutes plus

17 tard environ, ils l'ont ramené. Il avait les jambes bandées. Nous avons vu

18 que les pansements étaient satisfaisants. Nous lui avons demandé qui lui

19 avait apporté ces soins. Il nous a dit : "C'est le Dr Maric qui a fait

20 cela".

21 M. Niemann (interprétation). - Peu de temps après, vers 21 heures,

22 quelqu'un est entré dans la pièce, n'est-ce pas, cette pièce où vous étiez

23 détenus ?

24 Témoin E (interprétation). - Un quart-d'heure, peut-être une demi-heure

25 plus tard, la porte s'est ouverte. Un jeune homme, avec les cheveux

Page 501

1 blonds, il portait une barbe également, est entré. Il avait une bouteille

2 à la main. Il avait un fusil en bandoulière. Visiblement, il était ivre.

3 Il a dit et je cite : "A 21 heures, non d'ailleurs pas à 21 heures, mais à

4 21 heures 30, vous allez tous être exécutés". Il a juste dit cela.

5 Ensuite, il est parti et il a fermé la porte derrière lui.

6 M. Niemann (interprétation). - Que s’est-il passé par la suite ?

7 Témoin E (interprétation). - Par la suite, nous sommes tous restés

8 silencieux. Nous avions atteint un degré de terreur extrême. Vers

9 21 heures 30, la porte de la pièce s'est ouverte. Mais l'homme qui est

10 entré n'était pas cet homme blond qui était entré précédemment. C'était un

11 officier de la JNA. Il était en uniforme. Il portait des lunettes. Deux

12 soldats l'accompagnaient, qui portaient aussi cet uniforme vert olive.

13 Au début, nous avons pensé qu'il s'agissait du peloton d'exécution. Mais

14 en fait, cet homme nous a dit : "Ecoutez et levez-vous tous". Jusqu'alors,

15 on ne nous avait jamais parlé de la sorte. Si on nous adressait la parole,

16 on nous disait "Oustachi". C'est ainsi qu'on nous adressait la parole. Ces

17 paroles nous ont surpris. Il a continué en disant : "Ecoutez, tenez-vous

18 par la main, deux par deux, ne regardez ni à droite ni à gauche. Il y a un

19 bus qui attend à l'extérieur. Montez dans le bus, asseyez-vous en silence

20 et rien ne vous arrivera". Nous avons commencé à nous prendre par la main

21 les

22 uns les autres, et à ce moment-là, il a dit à ses soldats : "Tournez-vous,

23 et si qui que ce soit approche, tirez".

24 A l'extérieur, il y avait des gens qui criaient : "Tuez les oustachi ! Ne

25 les emmenez pas, tuez-les !". Mais personne ne s'est approché de nous.

Page 502

1 Nous sommes montés dans le bus qui était effectivement garé devant le

2 bâtiment. L'officier est monté. Il a dit au chauffeur : "Prend la

3 direction de Negoslavci et gare-toi derrière un véhicule militaire". Ils

4 appellent cela un "peace-gower*". Et c'est effectivement ce qui s'est

5 passé.

6 Après cela, nous avons pu voir ce qui se passait depuis l'intérieur du

7 bus, en regardant par la fenêtre. Quelques instants plus tard, j'ai pu

8 voir que d'autres bus nous suivaient. Il y avait toute une file de bus,

9 sept ou huit peut-être, je n'en suis pas tout à fait sûr.

10 M. Niemann (interprétation). - Vous avez ensuite été emmenés dans un camp

11 où vous avez été détenus, n'est-ce pas ?

12 Témoin E (interprétation). - Nous avons pris la direction de Negoslavci.

13 Je connais bien le secteur. Je peux dire que nous passions par Sid et nous

14 avons également traversé Sremska Mitrovica. Il faisait sombre, c'était la

15 nuit. Nous nous sommes arrêtés devant la prison de Sremska Mitrovica. Nous

16 sommes restés là jusqu'au lendemain matin.

17 M. Niemann (interprétation). - Et c'est alors que vous avez été libéré, ou

18 bien dites-nous peut-être la date précise de votre retour en Croatie, si

19 vous vous en souvenez.

20 Témoin E (interprétation). - Je crois que je suis rentré en Croatie le

21 23 mars 1992, dans le cadre d'un échange qui a eu lieu à Osijek*.

22 M. Niemann (interprétation). - Vous avez bien été libéré en mars n'est-ce

23 pas ?

24 Témoin E (interprétation). - Oui, au mois de mars.

25 M. Niemann (interprétation). - Bien. Si vous le voulez bien, je vais vous

Page 503

1 demander de regarder une série de photographies. Certaines ne vous diront

2 rien, mais je souhaiterais que, si vous en reconnaissez une parmi

3 d'autres, vous nous fassiez quelques commentaires à son sujet. Peut-on

4 faire passer au témoin la série de photographies qui se trouvent dans

5 l'album intitulé "Le chemin depuis l'hôpital de Vukovar".

6 M. le Président (interprétation). - Peut-être pourrions nous faire une

7 pause de vingt minutes ?

8 M. Niemann (interprétation). - Absolument, Monsieur le Président.

9 M. le Président (interprétation). - La séance est levée pour vingt

10 minutes.

11 L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 25.

12 M. le Président (interprétation). - L’audience est reprise.

13 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, avant que nous ne

14 fassions entrer le témoin, je souhaite attirer votre attention sur un

15 point concernant directement ce témoin. Dans un instant, je compte lui

16 communiquer une pièce à conviction trouvée sur le charnier d’Ovcara. C'est

17 un objet qu'il pourra identifier, il fera un témoignage relatif à cet

18 objet. C'est quelque chose qui lui est très cher, il m'a demandé s'il

19 pouvait obtenir cet objet qui a été versé au dossier. J'ai consulté mon

20 collègue de la défense qui a très généreusement déclaré qu'il n’y aurait

21 pas de problème dès lors que cet objet est photographié. Si la

22 photographie est bonne, le témoin pourra repartir avec cet objet, si vous

23 en êtes d’accord, Monsieur le Président.

24 M. le Président (interprétation). - Absolument, Maître Niemann. Il n’y a

25 pas de problème.

Page 504

1 M. Niemann (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

2 M. le Président (interprétation). - Faites entrer le témoin, s’il vous

3 plaît.

4 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

5 M. Niemann (interprétation). - Pourrait-on montrer au témoin l'album de

6 photographies qui porte le titre : "Le trajet depuis l'hôpital de

7 Vukovar". On pourrait lui assigner une cote en tant que pièce de

8 l'accusation.

9 M. le Greffier. - Oui, c'est la pièce de l'accusation numéro 20.

10 M. Niemann (interprétation). - Témoin E, j'ai indiqué par un petit

11 autocollant jaune la page à laquelle je veux que vous vous référiez. A

12 l’attention des Juges, je précise qu’il s’agit de la page où se trouve la

13 treizième photographie de l’album. Si vous le voulez bien, nous allons

14 placer cet album de photographies sur les rétroprojecteur que l’on va

15 maintenant allumer. Je vais vous demander de poser ce document sur l’écran

16 qui est à côté de vous.

17 (Le témoin s’exécute.)

18 Veuillez regarder l’album placé sur le rétroprojecteur et non pas l’image

19 qui se trouve sur l’écran qui est sous vos yeux. Témoin E, reconnaissez-

20 vous cette photographie ?

21 Témoin E (interprétation). - Oui, c'est la caserne à Vukovar.

22 M. Niemann (interprétation). - La caserne de la JNA, n’est-ce pas ?

23 Témoin E (interprétation). - Absolument.

24 M. Niemann (interprétation). - Pourriez-vous nous indiquer où se situe

25 Velepromet par rapport à cette caserne ? Indiquez-le avec un feutre, s’il

Page 505

1 vous plaît. Marquez le secteur de Velepromet ; peut-être ne voyez-vous pas

2 l’intégralité de cette

3 zone mais juste l’endroit où elle se trouve.

4 Témoin E (interprétation). - Elle se trouve approximativement à droite, à

5 500 ou 600 mètres plus loin de l’endroit que j’indique, à 500 ou

6 600 mètres des casernes, du côté droit de la route.

7 M. Niemann (interprétation). - Je vous remercie. Donc, on ne voit pas

8 clairement ce secteur sur la photographie.

9 Témoin E (interprétation). - Non, on ne le voit vraiment pas bien. En

10 fait, on ne peut pas le voir du tout.

11 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, je demanderai

12 simplement à enregistrer cette pièce aux fins d’identification. Ce n’est

13 que lors du témoignage du prochain témoin que nous en demanderons le

14 versement au dossier

15 Témoin E, vous êtes un homme marié, n’est-ce pas ?

16 Témoin E (interprétation). - Oui.

17 M. Niemann (interprétation). - Vous avez eu deux enfants, un petit garçon

18 et une petite fille.

19 Témoin E (interprétation). - Oui.

20 M. Niemann (interprétation). - Quelle est la date de naissance de votre

21 fils ?

22 Témoin E (interprétation). - 1968.

23 M. Niemann (interprétation). - Quel était son prénom ? Donnez-nous

24 simplement son prénom.

25 Témoin E (interprétation). - Josip.

Page 506

1 M. Niemann (interprétation). - A l’époque du conflit dont vous aviez parlé

2 au cours de votre témoignage, que faisait votre fils ?

3 Témoin E (interprétation). - Il faisait partie de la défense de la ville

4 de

5 Vukovar.

6 M. Niemann (interprétation). - L'avez-vous vu de temps en temps au cours

7 de ce conflit ?

8 Témoin E (interprétation). - Oui.

9 M. Niemann (interprétation). - De temps en temps, se rendait-il à l'abri

10 où vous étiez réfugiés à Vukovar, pendant le siège ?

11 Témoin E (interprétation). - Oui. Nous nous y trouvions, ma femme et moi-

12 même.

13 M. Niemann (interprétation). - Et votre fils vous rendait visite de temps

14 en temps ?

15 Témoin E (interprétation). - Oui, en effet.

16 M. Niemann (interprétation). - Quand avez-vous vu votre fils pour la

17 dernière fois ?

18 Témoin E (interprétation). - Le 19 novembre, alors que je partais pour

19 Velepromet.

20 M. Niemann (interprétation). - Alors, vous l'avez vu à l'hôpital, n'est-ce

21 pas ?

22 Témoin E (interprétation). - Oui.

23 M. Niemann (interprétation). - Que faisait-il à l'hôpital lorsque vous

24 l'avez vu, ce jour où vous l'avez vu pour la dernière fois ?

25 Témoin E (interprétation). - Il se trouvait parmi un groupe de personnes.

Page 507

1 Il était chargé, avec ce groupe de personnes, d'assurer le transport des

2 blessés graves de l'hôpital de Vukovar. Il faisait partie de l'équipe de

3 transport des blessés.

4 M. Niemann (interprétation). - L'avez-vous jamais revu depuis ?

5 Témoin E (interprétation). - Après ce jour-là, non, je ne l'ai jamais

6 revu. Je

7 ne l'ai jamais revu depuis le 19 novembre entre 16 heures et 17 heures.

8 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous fait des recherches quant à ce

9 qui avait pu lui arriver ?

10 Témoin E (interprétation). - Après être parti de l'hôpital, j'ai été

11 emmené dans ce camp à Stajicevo*. Puis j'ai été emmené dans le camp de

12 Sremska Mitrovica. Le CICR est arrivé. Bien entendu, je leur ai posé des

13 questions au sujet de mon fils, mais je n'ai rien pu trouver quant à

14 l'endroit où lui pouvait être retrouvé.

15 M. Niemann (interprétation). - Depuis novembre 1991 et jusqu'à

16 aujourd'hui, avez-vous obtenu des informations quelconques quant à ce qui

17 aurait pu lui arriver ?

18 Témoin E (interprétation). - J'ai obtenu toutes sortes d'informations, des

19 informations selon lesquelles il était en prison en République serbe. J'ai

20 reçu d'autres informations selon lesquelles ils avaient tous été tués à

21 Vukovar, à Ovcara. On m'a dit d'autres choses encore, mais toutes ces

22 informations se sont avérées fausses.

23 M. Niemann (interprétation). - Je vais maintenant vous demander de

24 regarder cet objet que je vais vous faire passer. En fait, il s'agit de

25 deux objets. Lorsque vous les aurez entre les mains, sortez-les de la

Page 508

1 poche plastique où ils se trouvent et posez les sur le rétroprojecteur

2 afin que tout le monde puisse les voir.

3 Peut-on allumer le rétroprojecteur, s'il vous plaît ?

4 Pouvez-vous bien étaler ces objets sur le rétroprojecteur, pour que nous

5 puissions les voir ?

6 Nous n'avons aucune image sur l'écran. Je ne sais pas s'il y a un problème

7 quelconque.

8 Reconnaissez-vous ces objets, Témoin E ?

9 Témoin E (interprétation). - Oui.

10 M. Niemann (interprétation). - De quoi s'agit-il ?

11 Témoin E (interprétation). - C'est une chaîne d'argent que mon fils

12 portait au cou. Sur cette chaîne, il y a une petite plaque où il est écrit

13 "Dieu et les Croates" et l'autre pendentif accroché est un trèfle en or.

14 C'est un cadeau que lui a fait ma fille Ivana. Ma fille Ivana vit avec

15 moi. On voit également une statue de Saint-Antoine qui lui avait été

16 donnée par ma femme dans l'espoir que cette médaille le protègerait.

17 M. Niemann (interprétation). - Quand avez-vous vu ces objets qui se

18 trouvent à l'écran pour la dernière fois, avant que vous ne les revoyiez

19 ici à La Haye, bien évidemment ?

20 M. Niemann (interprétation). - Je n'ai jamais revu ces objets, sauf quand

21 je suis allé à Zagreb pour les identifier. La dernière fois que nous les

22 avons vus, c'était lorsque mon fils les portait au cou à l'hôpital à

23 Vukovar. C'est ainsi que nous avons pu l'identifier.

24 M. Niemann (interprétation). - Je demande le versement au dossier de ces

25 objets, monsieur le Président.

Page 509

1 Au nom du témoin, je vais formuler la demande suivante : le témoin m'a

2 demandé que ces objets soient photographiés afin qu'il puisse les garder

3 avec lui. Maître Fila nous a fait part du fait qu'il n'avait aucune

4 objection à élever à ce sujet.

5 M. le Président (interprétation). - Je fais droit à votre demande,

6 Maître Niemann.

7 M. Niemann (interprétation). - Je n'ai plus de questions à poser, monsieur

8 le Président.

9 M. Fila (interprétation). - Je vous prie de m'excuser, mais je suis aussi

10 ému en cet instant. Cela étant, je dois poursuivre mon travail.

11 Témoin E, quelle est la distance entre le poste de police et l'hôpital, en

12 ligne droite ?

13 Témoin E (interprétation). - Cinquante mètres.

14 M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous me dire, si vous le savez, si des

15 coups de feu ont été tirés depuis le poste de police à un moment

16 quelconque ?

17 Témoin E (interprétation). - Pour autant que je le sache, non.

18 M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, mais j'ai des questions au sujet

19 de votre fils.

20 Témoin E (interprétation). - Je vous en prie.

21 M. Fila (interprétation). - Savez-vous si c'est le 19 ou le 20 qu'il est

22 sorti de l'hôpital, d'après ce que l'on vous a dit ?

23 Témoin E (interprétation). - Le 20.

24 M. Fila (interprétation). - Savez-vous qu'une personne qui a été emmenée

25 le 19 ou le 20 a terminé ses jours à Ovcara, c'est-à-dire a été identifiée

Page 510

1 par la suite comme étant mort à Ovcara ? Avez-vous entendu parler de

2 cela ?

3 Témoin E (interprétation). - Non.

4 M. Fila (interprétation). - Vous avez parlé de Darko Fot dans votre

5 déposition.

6 Témoin E (interprétation). - Oui.

7 M. Fila (interprétation). - Etait-ce un Serbe ou un Croate ?

8 Témoin E (interprétation). - D'après ce que je sais, il est le fils d'un

9 couple mixte.

10 M. Fila (interprétation). - Mais Fot est un nom croate.

11 Témoin E (interprétation). - Couple mixte.

12 M. Fila (interprétation). - Et Mirko Blidovic ?

13 Témoin E (interprétation). - La même chose.

14 M. Fila (interprétation). - Mirko Blidovic n'est pas croate ?

15 Témoin E (interprétation). - Non, je crois que c'est l'enfant d'un couple

16 mixte.

17 M. Fila (interprétation). - Je vous pose cette question, parce que

18 j'aimerais que vous me disiez si vous pensez que ceux qui vous ont

19 maltraité, ces paramilitaires, étaient uniquement croates ou pouvaient-ils

20 être mixtes, serbes et croates ?

21 Témoin E (interprétation). - D'après ce que je sais, j'ai cité des noms,

22 Mirko Blidovic entre autres. A mon avis, c'était un enfant issu d'un

23 couple mixte, mais la majorité d'entre eux étaient des Croates.

24 M. Fila (interprétation). - Il y a tout de même des personnes d'autres

25 origines, n'est-ce pas ?

Page 511

1 Témoin E (interprétation). - Oui.

2 M. Fila (interprétation). - Merci.

3 Il y a encore quelques détails que j’aimerais vous demander. Ensuite, je

4 n'abuserai pas de votre attention. Vous avez dit que vous aviez quelque

5 confiance dans la JNA et que c'est un officier de la JNA qui a fini par

6 vous sauver.

7 Témoin E (interprétation). - Pour ce que j'en sais, oui.

8 M. Fila (interprétation). - Ce qui m’intéresse, c’est la chose suivante :

9 dans les formations paramilitaires, vous avez reconnu des personnes de

10 Vukovar et vous avez donné leur nom.

11 Témoin E (interprétation). - Oui.

12 M. Fila (interprétation). - Etaient-ce des gens qui pouvaient montrer les

13 environs de Vukovar à des personnes venant de l’extérieur ?

14 Témoin E (interprétation). - Oui.

15 M. Fila (interprétation). - Il n'était donc pas nécessaire qu'un tiers

16 arrive

17 pour leur montrer où était le poste de police, l'hôpital, etc. ?

18 Témoin E (interprétation). - Non.

19 M. Fila (interprétation). - Je vous prierai de donner la réponse en mots

20 et pas en hochant seulement de la tête.

21 Témoin E (interprétation). - Non.

22 M. Fila (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur le Témoin E. Je

23 regrette d'avoir abusé de votre temps. Je n'ai plus de questions.

24 M. le Président (interprétation). - Merci. Y a-t-il des questions

25 supplémentaires ?

Page 512

1 M. Niemann (interprétation). - Non, Monsieur le Président, je n’ai pas de

2 questions supplémentaires. Je ne sais pas si la pièce à conviction a reçu

3 une cote.

4 M. le Greffier. (interprétation). - Oui, la cote est le numéro 21.

5 M. Niemann (interprétation). - Merci. Je n’ai pas de questions

6 supplémentaires.

7 M. le Président (interprétation). - J'ai une question. Témoin E, j’ai une

8 question à vous poser. Dans votre déclaration écrite, vous avez dit, je

9 cite : "Lorsque nous sommes arrivés à Velepromet, les soldats de la JNA

10 ont commencé à répartir les gens en quatre groupes. Les femmes étaient

11 dans un groupe, les Serbes dans un deuxième groupe, les Croates dans un

12 troisième groupe et les non-Croates dans un quatrième groupe".

13 Ma question est la suivante : qu’entendez-vous par "non-Croates" dans le

14 quatrième groupe ? Qui composait le quatrième groupe ?

15 Témoin E (interprétation). - D'après ce que je sais, avant la guerre, à

16 Vukovar, vingt-trois nations et peuples étaient représentés. Au moment où

17 nous avons été emmenés de l'hôpital pour aller à Velepromet, nous avons

18 tous été obligés de dire

19 de quelle nationalité nous étions. C'est sur cette base que l'on nous

20 répartissait.

21 Les Croates ou les Oustachi, comme on nous appelait couramment, étaient

22 placés d'un côté, les Serbes de l'autre et les autres, les Ruthènes, les

23 Ukrainiens, les Hongrois et autres, étaient dirigés dans un troisième

24 groupe, un troisième endroit.

25 M. le Président (interprétation). - Un quatrième groupe. Merci.

Page 513

1 Y a-t-il des objections à ce qu'on libère le témoin ?

2 M. Niemann (interprétation). - Non, Monsieur le Président.

3 M. Fila (interprétation). - Non, Monsieur le Président.

4 M. le Président (interprétation). - Merci.

5 Merci Témoin E d'être venu. Vous pouvez vous retirer maintenant.

6 Témoin E (interprétation). - Merci à vous également.

7 (Le témoin quitte la salle d’audience.)

8 M. le Président (interprétation). - Je suppose que le Procureur va appeler

9 le témoin suivant, le témoin n° 6.

10 M. Waespi (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, de n’avoir pas

11 cité le nom de ce témoin qui a demandé des mesures de protection. La

12 défense les a acceptées. Ce témoin sera mentionné sous le nom de Témoin O.

13 (Le témoin est introduit dans la salle d’audience.)

14 M. le Président (interprétation). - Je vous demanderai, Témoin O, de bien

15 vouloir prononcer la déclaration solennelle.

16 Témoin O (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

17 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

18 M. le Président (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous asseoir.

19 M. Waespi (interprétation). - Bonjour, Monsieur. Conformément à vos

20 souhaits, Monsieur le Témoin, votre nom ne sera pas prononcé. Vous êtes

21 donc désormais le Témoin O.

22 Je vais demander que l'on vous remette une feuille de papier sur laquelle

23 est inscrit votre nom. Je vous prierai de lire ce qui est écrit sur cette

24 feuille de papier et de nous indiquer simplement, par "oui" ou par "non"

25 s'il s'agit bien de votre nom.

Page 514

1 Témoin O (interprétation). - Oui.

2 M. Waespi (interprétation). - Merci. Peut-on montrer ce papier à la

3 défense ?

4 Je demande le versement au dossier de ce papier sous scellés.

5 Ce sera sans doute la pièce à conviction de l'accusation n° 22.

6 M. le Greffier. (interprétation). - C'est exact.

7 M. Waespi (interprétation). - Témoin O, vous rappelez-vous avoir été

8 interrogé en avril 1996 par un enquêteur de ce Tribunal ?

9 Témoin O (interprétation). - Je me rappelle.

10 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous signé un document qui était la

11 traduction en anglais de cet entretien ?

12 Témoin O (interprétation). - Oui.

13 M. Waespi (interprétation). - Je prierai l'huissier de montrer au témoin

14 un autre document accompagné de sa traduction en croate.

15 Témoin O, je vous demanderai de nous dire si vous voyez votre signature au

16 bas de ce document ?

17 Témoin O (interprétation). - C'est bien ma signature.

18 M. Waespi (interprétation). - Merci beaucoup.

19 Je demande le versement au dossier de ce document, ainsi que de la

20 traduction en croate de ce même document.

21 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des objections du côté de la

22 défense ?

23 M. Fila (interprétation). - Non.

24 M. le Président (interprétation). - Merci.

25 M. le Greffier. (interprétation). - Ce sera la pièce à conviction de

Page 515

1 l'accusation n° 23. La traduction croate aura la cote 23 A.

2 M. Waespi (interprétation). - Merci.

3 Tout va bien, Témoin O ?

4 Témoin O (interprétation). - Oui.

5 M. Waespi (interprétation). - Merci beaucoup.

6 Quelle est votre profession, Monsieur ?

7 Témoin O (interprétation). - Economiste.

8 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous toujours un emploi aujourd’hui ?

9 Témoin O (interprétation). - Non. Je n'ai pas d'emploi en ce moment, mais

10 je vais avoir du travail parce que l’on a besoin de moi à l'hôpital.

11 Simplement, il faut que l'on me fournisse une salle.

12 M. Waespi (interprétation). - Merci. Pourriez-vous nous donner quelques

13 détails au sujet de votre éducation et, notamment, de votre expérience

14 professionnelle ?

15 Témoin O (interprétation). - J’ai eu une scolarité très difficile parce

16 qu’après la deuxième guerre mondiale, je suis devenu orphelin, mes deux

17 parents sont morts. Au moment où je suis parti à l’école, ma tutrice est

18 morte elle aussi, de sorte que je me suis retrouvé pratiquement tout seul

19 dans la rue. Je suis allé à l'école tout seul. J’ai également travaillé.

20 M. Waespi (interprétation). - Est-il exact de dire que vous avez acquis

21 votre expérience professionnelle principale pendant trois décennies à

22 l'hôpital de Vukovar ?

23 Témoin O (interprétation). - Oui.

24 M. Waespi (interprétation). - En 1991, travailliez-vous toujours à

25 l'hôpital de Vukovar ?

Page 516

1 Témoin O (interprétation). - Oui. J'y ai travaillé jusqu'à la fin, jusqu'à

2 la chute de la ville.

3 M. Waespi (interprétation). - Quelle était votre profession ? Que faisiez-

4 vous à l'hôpital de Vukovar ?

5 Témoin O (interprétation). - Pendant la guerre, à partir du mois d’août et

6 jusqu’au mois d’octobre à peu près, il y avait une trentaine d’hommes, qui

7 étaient les maris des infirmières et des médecins, qui faisaient partie de

8 mon groupe, avec lesquels je travaillais. Nous assurions le transfert des

9 blessés, tous les travaux physiques : le transfert des blessés, leur

10 préparation, tout ce qu’il y avait de physique, je ne le faisais

11 pas avant cette date.

12 M. Waespi (interprétation). - Merci beaucoup mais votre travail principal

13 avant la guerre, disons en 1990, quel était-il ? Vous étiez chargé des

14 approvisionnements de l'hôpital, n'est-ce pas ? C'est bien cela ?

15 Témoin O (interprétation). - Oui. Avant cela, j'étais responsable des

16 approvisionnements, ce qui signifie que je m'occupais des

17 approvisionnements alimentaires, et bien entendu également des

18 approvisionnements en matériel médical et en médicaments dans le cadre

19 d'un inventaire en bonne et due forme.

20 M. Waespi (interprétation). - Passons maintenant aux derniers jours qui

21 ont précédé la chute de Vukovar. Vous avez dit que vous vous occupiez de

22 préparation des aliments à ce moment-là. Pour combien de personnes est-ce

23 que vous prépariez à manger ?

24 Témoin O (interprétation). - Pour sept cents personnes environ, les

25 patients et le personnel de l'hôpital.

Page 517

1 M. Waespi (interprétation). - Merci et où habitiez-vous à ce moment-là ?

2 Habitiez-vous dans l'hôpital ? Si oui, depuis quelle date ?

3 Témoin O (interprétation). - Depuis le mois d'août, je vivais dans

4 l'hôpital. Je ne retournais plus à la maison, parce qu'elle avait déjà été

5 détruite à moment-là. Les conditions de vie étaient très difficiles. Moi,

6 comme beaucoup d'autres d'ailleurs, nous dormions sous le lit des

7 patients.

8 M. Waespi (interprétation). - Est-ce que l'hôpital a été une cible directe

9 à quelque moment que ce soit, vous rappelez-vous un tel incident ?

10 Témoin O (interprétation). - L'hôpital était une cible permanente, mais je

11 me rappelle un moment -je ne me souviens plus exactement quand cela s'est

12 passé, je crois au début du mois d'octobre- où deux grenades ont été

13 lancées, dont l'une a détruit

14 en partie le toit du bâtiment et a traversé tous les étages, mais sans

15 exploser. Donc elle n'a pas tout détruit. L'autre a explosé dans la cour

16 de l'hôpital et a infligé des dommages importants. Les deux bâtiments

17 -l'ancien et le nouveau- ont été endommagés. C'était horrible parce que

18 les portes, les fenêtres, tout était détruit.

19 Au milieu de l'hôpital, il y avait une croix rouge de vingt mètres sur

20 vingt, ainsi que sur le toit de l'hôpital. Je soulignerai que jusqu'à

21 4 000 obus tombaient de temps en temps sur l'hôpital. Chaque jour.

22 M. Waespi (interprétation). - Est-ce qu'il y avait une défense organisée à

23 l'intérieur de l'hôpital ?

24 Témoin O (interprétation). - Non. L'hôpital ne s'est pas défendu, il n'y

25 avait pas d'armes à l'hôpital, simplement il y avait des gardes à la porte

Page 518

1 ainsi qu'à l'entrée des salles communes, deux gardiens, mais c'est tout.

2 M. Waespi (interprétation). - Est-ce qu'on vous a informé un jour que vous

3 partiriez dans un convoi ?

4 Témoin O (interprétation). - Oui, le Dr Vesna Bosanac est allé voir tous

5 ceux qui travaillaient dans l'hôpital, un soir, je ne me souviens plus si

6 c'est le 18 ou le 19, mais elle nous a annoncé que Vukovar était tombée et

7 que nous pourrions tous partir où nous le souhaitions en Croatie ou en

8 Serbie, selon nos désirs, que c'était le résultat d'un accord.

9 M. Waespi (interprétation). - Ce jour dont vous venez de parler, le jour

10 où on vous a informé de votre future évacuation, est-ce qu'il y avait

11 encore des combats qui se déroulaient ?

12 Témoin O (interprétation). - On entendait des coups de feu au loin, mais

13 les combats avaient cessé. On entendait de temps en autre une rafale

14 lointaine. Mais c'est tout.

15 M. Waespi (interprétation). - Que s'est-il passé alors, tout le matin

16 du 20. Est-ce que vous prépariez les petits-déjeuners ?

17 Témoin O (interprétation). - Tôt le matin, nous préparions les petits-

18 déjeuners pour tous les patients et tout le personnel. Derrière nous, un

19 soldat armé d'une mitraillette se tenait debout et nous accompagnait à

20 chaque pas que nous faisions, ce qui était très désagréable pour nous.

21 Nous étions très mal à l'aise.

22 M. Waespi (interprétation). - Est-il arrivé un moment où l'un des membres

23 du personnel de l'hôpital vous a informé qu'il vous fallait quitter

24 l'hôpital ?

25 Témoin O (interprétation). - Oui. Cela s'est passé entre 9 heures et

Page 519

1 9 heures et demie. Est-ce que c'était une panseuse ou une infirmière, je

2 ne me souviens plus vraiment, mais quelqu'un est arrivé.

3 Nous étions très loin de la cellule de crise de l'hôpital qui était

4 responsable du personnel de l'hôpital, parce que nous étions dans un

5 département séparé, le département qui s'occupait de l'alimentation de

6 l'hôpital.

7 M. Waespi (interprétation). - Et où est-ce qu'on vous a dirigés ?

8 Témoin O (interprétation). - Nous avons été orientés vers l'abri que nous

9 avons traversé pour arriver à la sortie des urgences. Lorsque que nous

10 sommes sortis de cette salle des urgences, nous avons trouvé une haie de

11 soldats réguliers -pas des paramilitaires mais des soldats réguliers- qui

12 ont fouillé nos objets personnels.

13 Après cela, nous sommes montés à bord des autobus. Comme je faisais partie

14 des derniers à sortir, je suis monté à bord du dernier, c'est-à-dire du

15 cinquième autobus qui était complètement bondé. Nous étions plus de

16 soixante dans cet autobus.

17 M. Waespi (interprétation). - Qui étaient ces autres soixante personnes

18 dont vous venez de parler ? Est-ce que c'était des civils, des patients,

19 vous vous le rappelez ?

20 Témoin O (interprétation). - Eh bien, parmi ces autres personnes, il y

21 avait des membres des unités paramilitaires et des civils ou plutôt,

22 comment dirais-je ?... C'étaient, je crois, aussi des membres d'unités

23 paramilitaires, mais c'étaient des Serbes de chez nous qui étaient entrés

24 dans l'enceinte de l'hôpital.

25 M. Waespi (interprétation). - Quand vous parlez de paramilitaires, vous

Page 520

1 parlez des soldats que vous avez vus à l'extérieur dans la cour de

2 l'hôpital, c'est bien cela ?

3 Témoin O (interprétation). - Dans la cour de l'hôpital, j'ai vu aussi des

4 membres des unités paramilitaires, des hommes qui n'appartenaient pas à

5 l'armée, qui appartenaient -comment dire ?- aux paramilitaires.

6 M. Waespi (interprétation). - Quand vous parlez des passagers de l'autobus

7 à bord duquel vous êtes monté, donc de ce cinquième autobus, qui étaient

8 les autres passagers ?

9 Témoin O (interprétation). - Les autres passagers étaient des blessés

10 légers, une partie des civils et le personnel technique de l'hôpital.

11 M. Waespi (interprétation). - Vous rappelez-vous le nom de certaines de

12 ces personnes ?

13 Témoin O (interprétation). - De celles qui étaient dans l’autobus ?

14 M. Waespi (interprétation). - Oui.

15 Témoin O (interprétation). - Jozo A daga, Jozo Zeyko, Franjo Varenica,

16 Tomo Branic*, Stem Djuro*, Uiham Bagam*, Gavric et d’autres.

17 M. Waespi (interprétation). - Merci. N’y avait-il que des hommes à bord de

18 cet autobus ?

19 Témoin O (interprétation). - Dans cet autobus mais aussi dans les autres,

20 il n'y avait que des hommes.

21 M. Waespi (interprétation). - Vous rappelez-vous du type d'autobus ?

22 Etaient-ce des autobus militaires ou civils ? Vous rappelez-vous la

23 couleur de la carrosserie de ces autobus ?

24 Témoin O (interprétation). - Ils étaient de couleur vert olive, c’étaient

25 de très vieux autobus avec des sièges en bois. Je pense, en fait, que ces

Page 521

1 autobus étaient des véhicules militaires utilisés pour les sorties de

2 l’armée.

3 M. Waespi (interprétation). - Quand ces autobus, et le vôtre notamment,

4 ont-ils démarré ?

5 Témoin O (interprétation). - Aux alentours de 10 heures.

6 M. Waespi (interprétation). - Vous a-t-on dit quelle était la destination,

7 ou en tout cas la direction du trajet de ces autobus ?

8 Témoin O (interprétation). - Je pensais qu’il s’agissait d’un contrôle de

9 routine. Personne ne nous a dit où nous allions. J’en ai personnellement

10 tiré la conclusion qu’on nous emmenait subir un contrôle de routine.

11 M. Waespi (interprétation). - Quel est le trajet emprunté par cet

12 autobus ?

13 Témoin O (interprétation). - Cet autobus a pris la rue Gunduliceva et a

14 traversé le centre de la ville. Du côté droit, vers la caserne, nous avons

15 franchi le pont et nous sommes passés devant l’église orthodoxe, près du

16 centre médical, devant Velepromet. Nous avons interrompu notre trajet au

17 niveau de la caserne. Les autobus se sont garés en demi-cercle.

18 M. Waespi (interprétation). - Vous venez de dire que vous étiez êtes passé

19 devant Velepromet. Quelle est la distance entre Velepromet et la caserne

20 de la JNA qui était la destination finale de votre voyage ?

21 Témoin O (interprétation). - Un kilomètre, un kilomètre et demi.

22 M. Waespi (interprétation). - Qu’est-il arrivé à la caserne de la JNA ?

23 Les

24 autobus se sont-ils arrêtés ?

25 Témoin O (interprétation). - Les autobus se sont arrêtés. Après quoi, les

Page 522

1 Arcanovcis*, les seseljis* et les Chetniks locaux, c’est-à-dire les Serbes

2 de la région, ont afflué. Ils étaient tous membres d’unités

3 paramilitaires.

4 M. Waespi (interprétation). - De quelle humeur étaient-ils ? Etaient-ils

5 calmes, organisés ? Comment se comportaient-ils ?

6 Témoin O (interprétation). - Ils étaient d’une humeur terrible. On aurait

7 dit qu’ils étaient euphoriques. Ils sortaient leurs couteaux, ils nous

8 menaçaient avec leurs couteaux. Ils portaient une barbe de plusieurs

9 jours. J’avais l’impression qu’ils ne s’étaient pas lavés depuis au moins

10 trois jours. Ils nous menaçaient de nous égorger. Ils ont encerclé les

11 autobus.

12 M. Waespi (interprétation). - Un officier est-il monté à bord de l'autobus

13 en appelant le nom de certains médecins, par exemple celui du Dr Farkas ?

14 Témoin O (interprétation). - Oui, un officier de haut rang est monté. Il a

15 demandé le Dr Farkas, le Dr Emedia*, le Dr Emedi, le journaliste

16 Esteradher et le journaliste Sinica Glavasevic.

17 M. Waespi (interprétation). - Cet officier de haut rang dont vous parlez,

18 pensez-vous qu’il faisait partie des unités paramilitaires qui circulaient

19 dans la zone ? Pensez-vous que c’était un paramilitaire qui comptait au

20 nombre de ceux qui vous menaçaient ou bien appartenait-il à une autre

21 unité ?

22 Témoin O (interprétation). - Non, je pense qu’il était un militaire de

23 haut rang, pour ne pas dire de très haut rang.

24 M. Waespi (interprétation). - Comment se comportait-il ? Etait-il plus

25 amical que les autres soldats que vous venez de décrire ?

Page 523

1 Témoin O (interprétation). - Oui, il se comportait correctement. Il est

2 arrivé et a simplement demandé où étaient les personnes dont il a donné

3 les noms.

4 M. Waespi (interprétation). - Quelqu’un savait-il où se trouvaient les

5 personnes dont il avait donné les noms ?

6 Témoin O (interprétation). - Je savais où se trouvaient le Dr Farkas, le

7 Dr Emedia* et le Dr Simunovic parce que je travaillais avec eux. Je savais

8 qu’ils étaient tous à Borovokomerc, mais je n’ai bien sûr pas voulu le

9 dire.

10 M Waespi (interprétation). - Après le départ de l'officier, alors que vous

11 étiez encore dans l'autobus en train d'attendre, est-ce qu'à un moment

12 Rudolf Wilhelm ou quelqu'un d'autre a reconnu un des soldats que vous

13 venez de décrire comme ayant encerclé l'autobus ?

14 Témoin O (interprétation). - Je ne pourrais pas dire avec certitude qu'il

15 s'agissait de Rudolf Wilhelm, peut-être était-ce quelqu'un d'autre, mais

16 par la voix j'aurais pu le reconnaître. Je connaissais aussi cet homme,

17 mais je me suis caché parce que pendant ses heures libres il travaillait

18 avec ce Fust*, avec cet homme de l'entrepôt que Rudolf appelait à l'aide.

19 Rudolf a dit : "Sauve-nous." Il a répondu : "Je ne peux rien faire, les

20 gens dont les noms figurent sur la liste sont fichus". Neso, c'est une

21 abréviation pour Nedjelvko.

22 M Waespi (interprétation). - Merci beaucoup. Qu'est-il arrivé ensuite ?

23 Est-ce que cet autre soldat, ce soldat de haut rang qui est monté sur

24 l'autobus avait une liste à la main ?

25 Témoin O (interprétation). - Oui, il est monté à bord de l'autobus avec

Page 524

1 une liste. Il a appelé à peu près cinq ou six personnes dans chaque

2 autobus. Au total, cela faisait une trentaine de personnes. Quand notre

3 nom était appelé, nous devions sortir de l'autobus. Un autre autobus était

4 arrivé, en plus des cinq premiers. Il se trouvait à cinquante mètres

5 environ des cinq autobus et se préparait à nous accueillir. Nous

6 devions donc marcher dans la direction de ce sixième autobus et traverser

7 une haie de soldats qui s'était créée à ce moment-là et qui au passage

8 nous assénaient des coups de matraques.

9 M Waespi (interprétation). - Merci. Vous avez parlé d'une liste. Votre nom

10 figurait-il sur cette liste ?

11 Témoin O (interprétation). - Oui, dans mon autobus mon nom figurait en

12 deuxième ou troisième position sur la liste.

13 M Waespi (interprétation). - Certains de vos cousins ont été mentionnés et

14 figuraient sur cette liste ?

15 Témoin O (interprétation). - Oui, mon frère et mon neveu qui, eux-aussi,

16 travaillaient à l'hôpital.

17 M Waespi (interprétation). - Par la suite, avez-vous appris qui aurait pu

18 mettre votre nom sur cette liste ?

19 Témoin O (interprétation). - Oui. Quand nous avons été amenés, nous avons

20 pratiquement été volés. Etant donné que Sljivancanin avait une réunion

21 avec le personnel de l'hôpital, entre-temps ils faisaient sortir les

22 autres qui ne faisaient pas partie du personnel, mais du service

23 technique. La dernière à être sortie est une infirmière qui a vu son mari.

24 Elle a dit : "Je trouve cela suspect, on emmène nos maris dans une

25 direction inconnue".

Page 525

1 L'infirmière Mokos a demandé au Dr Ivancevski de demander au

2 Major Sljivancanin de nous prendre en considération, de créer une liste

3 avec nos noms, en disant que nous ne participions pas à la guerre, et de

4 nous retirer, ce qui a été fait. Mon épouse a mis mon nom sur la liste, de

5 même que celui de mon neveu, ainsi que le nom de certains amis. Mais des

6 mesures de restriction ont été appliquées au sein de l'hôpital, ce qui

7 fait que certaines personnes de la liste ont pu être effectivement

8 retirées. Je pense que ceux prenaient la décision étaient les membres de

9 la cinquième colonne au sein de l'hôpital.

10 M Waespi (interprétation). - Merci. Vous avez dit qu'ensuite vous êtes

11 sorti de cet autobus et que vous avez été emmené dans un autre autobus. Y

12 avait-il des soldats dans cet autobus ?

13 Témoin O (interprétation). - Non, pas vraiment de soldats, mais il y avait

14 des paramilitaires locaux. L'un d'eux s'appelait Milan Bulic. Je ne sais

15 pas le nom de l'autre. Il était de Negoslavci.

16 Devant le bus, il y avait un jeune soldat d'environ vingt ans. J'ai eu

17 l'impression qu'il était dans l'armée depuis récemment.

18 M Waespi (interprétation). - Avez-vous été passés à tabac par ces soldats

19 dans l'autobus ?

20 Témoin O (interprétation). - Ils nous battaient férocement, avec des

21 matraques en fer. Tout le monde a été battu, surtout Jozo Zelkic que

22 Milan Bulic a frappé avec une matraque en fer très fort sur la tête.

23 L'autre est tombé par terre en lui disant : "Milan, pense seulement au

24 nombre de fois où tu as eu un repas chez moi". C'étaient des amis avant la

25 guerre et sa femme avait travaillé avec lui à la cuisine de l'hôpital.

Page 526

1 M Waespi (interprétation). - Clairement, ces soldats vous ont parlé. Vous

2 ont-ils menacés, à part le fait qu'ils vous passaient à tabac ?

3 Témoin O (interprétation). - Quand l'autobus a démarré, ils nous

4 menaçaient en disant que nous allions être fusillés, mais ils disaient

5 cela seulement pour nous intimider.

6 M Waespi (interprétation). - Vous rappelez-vous les noms de ces personnes

7 qui étaient dans l'autobus avec vous ?

8 Témoin O (interprétation). - Oui, je m'en souviens, au moins certains

9 d'entre eux. Wilhelm Zvonimir, Miroslav Vlaho, Natov Vlaho*,

10 Mihovil Kolesar, Danko... je ne connais pas son prénom. Ensuite, je ne me

11 rappelle pas vraiment. Nous étions une trentaine.

12 Je me souviens de Jozo Adaga, Jozo Zeljko et les autres. Il n'y en avait

13 qu'un dont je ne connaissais ni le nom ni le prénom. Il travaillait à

14 Jugopetrol et il a été accusé d'avoir tué un certain Jovo Pakijica, mais

15 cela n'était pas vrai. Quant à nous, on nous a accusés d'avoir égorgé

16 cinquante enfants, en tant qu'Oustachis, mais cela non plus, ce n'était

17 pas vrai et cela a été démenti quelques jours plus tard, parce qu'une

18 journaliste italienne a écrit cela et que cela est paru dans la presse

19 internationale.

20 M Waespi (interprétation). - En ce qui concerne les personnes qui étaient

21 dans l'autobus avec vous et que vous connaissiez, les connaissiez-vous

22 bien ?

23 Témoin O (interprétation). - Oui, sauf celui dont on a dit qu'il avait tué

24 Jovo Pakijica. Lui, je ne le connaissais pas bien, je le voyais de temps

25 en temps, mais je sais qu'il avait des amis dans le groupe qui était avec

Page 527

1 nous.

2 M Waespi (interprétation). - Merci. Vous êtes resté combien de temps dans

3 cette caserne de la JNA avant votre départ ?

4 Témoin O (interprétation). - Environ 45 minutes à une heure, pas plus.

5 Mais cela était le cas seulement de notre groupe de trente personnes.

6 Quant aux cinq autres autobus, ils sont restés dans la caserne.

7 M Waespi (interprétation). - A ce moment-là, vous a-t-on dit où se

8 dirigeait votre autobus ?

9 Témoin O (interprétation). - Non, ils nous ont dit qu'ils allaient nous

10 fusiller à Adica. Cependant, cela n'était pas vrai, ils ne faisaient que

11 nous intimider.

12 M Waespi (interprétation). - Finalement, où est allé l'autobus ?

13 Témoin O (interprétation). - Ils nous ont amenés jusqu'à l'entrée qui se

14 trouve à l'arrière de l'hôpital, dans la rue Gunduliceva. Nous devions

15 sortir là, mais les Serbes locaux devaient s'assurer que nous n'avions pas

16 d'armes et que nous étions des employés de l'hôpital. Certaines

17 infirmières ont fait sortir leurs maris. J'ai demandé à deux docteurs de

18 garantir. Ils ont dit qu'ils allaient revenir, mais ils ne l'ont pas fait.

19 Tout à fait par hasard, c'est l'infirmière Bosnic qui est arrivée. Elle

20 est allée voir Sljjivancanin et lui a demandé de nous relâcher, ce qui

21 fait que moi, mon neveu et mon frère sommes sortis. Derrière moi, Jozo et

22 Zeljko sont arrivés, ils pleuraient. Ils m'ont demandé de m'adresser à une

23 dame qui était chef du département chargé de l'alimentation afin qu'elle

24 s'adresse à Sljivancanin pour qu'il les relâche.

25 M Waespi (interprétation). - Est-ce qu'eux aussi ont pu sortir de

Page 528

1 l'autobus ?

2 Témoin O (interprétation). - Non, ils ne pouvaient pas sortir, il fallait

3 que quelqu'un intervienne pour eux, vienne donner une garantie les

4 concernant.

5 M Waespi (interprétation). - Mais à la fin, ont-ils été relâchés ?

6 Témoin O (interprétation). - Non. Après être sorti de l'autobus, je me

7 suis adressé à Anica Sila qui était la responsable du département

8 d'alimentation. Je lui ai dit de s'adresser à Sljivancanin. Nous y sommes

9 allés ensemble, avec mon épouse et avec une autre personne, c'est-à-dire

10 l'épouse de Jozo Zeljko. Elles sont allées chez Sljivancanin qui leur a

11 dit : "Attendez un peu, on va voir cela tout à l'heure".

12 Entre-temps, un Chetnik portant une barbe, un paramilitaire, est arrivé.

13 Il lui a demandé de s'écarter. Il lui a dit quelque chose et a lancé un

14 regard terrible vers la femme de Jozo Zeljko. Sljivancanin est rentré et

15 nous a dit : "Partez. S'ils sont coupables; ils seront punis, sinon ils

16 seront relâchés". Quant à l'un d'eux, je sais qu'il a été tué et enterré.

17 M Waespi (interprétation). - Pendant combien de temps êtes-vous resté dans

18 la cour de l'hôpital ?

19 Témoin O (interprétation). - Je n'ai pas passé beaucoup de temps dans la

20 cour, je n'ai fait que traverser la cour pour aller d'un hôpital à

21 l'autre. Dans ce lieu se trouvait déjà un convoi constitué de patients, de

22 blessés. Il y avait aussi des représentants des observateurs européens sur

23 place. Il y avait plusieurs véhicules garés là-bas. Il y avait des

24 observateurs européens, les membres du personnel de l'hôpital et aussi les

25 ambulances avec les blessés.

Page 529

1 M Waespi (interprétation). - Pouvez-vous décrire ces autobus ? Encore une

2 fois, s'agissait-il d'autobus de couleur vert olive ?

3 Témoin O (interprétation). - Je ne m'en souviens pas. A vrai dire, j'ai

4 l'impression que les autobus étaient plus confortables, mais je n'ai même

5 pas vu de siège. L'autobus était complètement bondé. Par exemple, j’ai

6 passé tout le trajet debout.

7 M. Waespi (interprétation). - Qui d’autre se trouvait dans le bus ? Vous

8 en souvenez-vous ?

9 Témoin O (interprétation). - Il y avait ma femme, le personnel médical de

10 l’hôpital, pour la plupart. Je sais que Mme Cakalic y était. Elle ne

11 travaillait pas à l'hôpital. C'était la femme d'un collègue qui avait

12 travaillé à l'hôpital auparavant. Les autres étaient des employés de

13 l'hôpital, des infirmières, des docteurs, des techniciens médicaux, etc.

14 M. Waespi (interprétation). - Ces employés de l'hôpital étaient-ils vêtus

15 de blanc ?

16 Témoin O (interprétation). - Vous voulez parler de ceux qui étaient dans

17 le convoi ?

18 M. Waespi (interprétation). - Oui, dans les bus qui faisaient partie du

19 convoi.

20 Témoin O (interprétation). - Non. Ils portaient des vêtements de civils.

21 Quant aux vestes blanches, nous les avions tous quand nous avions été

22 amenés à la caserne.

23 M. Waespi (interprétation). - Quand votre bus a-t-il démarré ? Dans quelle

24 direction est-il parti ?

25 Témoin O (interprétation). - Notre bus a démarré vers 2 heures ou 3 heures

Page 530

1 de l'après-midi. Nous avons pris la rue principale, la rue de

2 Ive Lole Ribara. Nous avons tourné près de la pharmacie. Nous sommes

3 passés à travers le centre-ville. Ensuite, nous avons pris la rue de

4 Radiceva, la rue de Senoina. De la rue de Senoina, nous avons tourné à

5 droite vers le cimetière. Nous sommes arrivés à un carrefour où nous avons

6 tourné à gauche vers le centre médical, c'est-à-dire vers Velepromet.

7 M. Waespi (interprétation). - Vous êtes-vous arrêté à Velepromet ?

8 Témoin O (interprétation). - Oui, nous nous sommes arrêtés pour une courte

9 période de temps. A travers les fenêtres, nous avons pu voir qu'il y avait

10 beaucoup de personnes capturées dans la cour. Monsieur Maric est apparu,

11 le Dr Maric. Il nous faisait des signes de la main, mais nous, tout le

12 personnel, nous avons tourné notre tête de l'autre côté en signe de

13 protestation.

14 M. Waespi (interprétation). - Qui est le Dr Maric ?

15 Témoin O (interprétation). - Le Dr Maric était un orthopédiste qui, dès

16 les débuts de la guerre, est allé soit à Bobota, soit à Negoslavci. Il ne

17 travaille plus à l'hôpital. D'après les informations que j’ai eues par la

18 suite, il était colonel.

19 M. Waespi (interprétation). - Etait-il serbe ?

20 Témoin O (interprétation). - Je pense qu'il était monténégrin. Je n'en

21 suis

22 pas sûr. Il était soit serbe, soit monténégrin.

23 M. Waespi (interprétation). - Vous avez dit que vous aviez attendu pendant

24 quelques moments, pendant peu de temps à Velepromet. Après cela, quelle

25 direction avez-vous prise ?

Page 531

1 Témoin O (interprétation). - Nous nous sommes dirigés vers Modateks. Ils

2 nous faisaient circuler à droite et à gauche. A la fin, ils nous ont

3 emmenés à Negoslavci en nous disant qu'ils avaient des négociations avec

4 le gouvernement croate, en disant que Tudjman ne voulait pas de nous et

5 qu’ils ne savaient donc pas ce qu'ils devaient faire de nous. Ce n'était

6 pas vrai.

7 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous été de Vukovar à Negoslavci en

8 prenant la route principale ou bien y a-t-il eu des détours ?

9 Témoin O (interprétation). - Nous avons effectivement pris des détours.

10 Nous passions par des villages. Tout cela a ralenti l'évacuation. Je ne

11 sais pas quel était le but. Etait-ce pour nous fatiguer

12 psychologiquement ? Ils n’arrêtaient pas de nous dire que Tudjman ne

13 voulait pas de nous et qu’ils ne savaient pas ce qu’ils devaient faire de

14 nous.

15 M. Waespi (interprétation). - Vous avez donc remarqué que ce convoi

16 progressait de manière assez lente ?

17 Témoin O (interprétation). - Oui, effectivement. Cela se déroulait de

18 manière assez lente. J'avais l'impression qu’il le faisait délibérément.

19 M. Waespi (interprétation). - Y avait-il beaucoup de circulation pendant

20 votre trajet ?

21 Témoin O (interprétation). - Non, il n’y avait pas beaucoup de

22 circulation. La seule chose, c'est que, dans ces villages par lesquels

23 nous passions, nous voyions presque dans chaque cour un char ; le canon

24 était dirigé dans des directions différentes.

25 M. Waespi (interprétation). - Y a-t-il eu des barrages routiers ?

Page 532

1 Avez-vous été arrêtés quelque part ?

2 Témoin O (interprétation). - Non.

3 M. Waespi (interprétation). - Faisait-il déjà nuit quand vous êtes arrivés

4 à Negoslavci ?

5 Témoin O (interprétation). - Oui.

6 M. Waespi (interprétation). - Après Negoslavci, avez-vous continué le

7 chemin faire Orolik ?

8 M. Waespi (interprétation). - Oui. Nous sommes allés vers Orolik. Ensuite,

9 je ne me souviens pas très exactement. Je sais qu'à la fin, on est arrivé

10 à Mitrovica. A Mitrovica, les observateurs européens nous ont enregistrés.

11 Ils nous ont dit de ne pas bouger si nous voulions écouter leur conseil,

12 qu'il ne fallait pas que nous sortions de l'autobus, même si les soldats

13 nous proposaient d’aller dans une salle où il y avait déjà des soldats

14 capturés. Nous avons suivi leur conseil. Même si nous avions passé

15 pratiquement un jour et une nuit debout dans l'autobus, nous ne sommes pas

16 sortis de l'autobus.

17 M. Waespi (interprétation). - Dernière question : la route entre

18 Negoslavci et Orolik était-elle dans un état différent par rapport à la

19 route entre Vukovar et Negoslavci concernant la circulation et d’autres

20 choses ?

21 M. Waespi (interprétation). - Tout à fait, tout à fait, étant donné que la

22 route était tout à fait dégagée. Il n'y avait pas de trou dans la

23 chaussée, alors que la route entre Vukovar et Velepromet était très

24 abîmée. Il y avait plein de trous. C’est pour cela que nous étions

25 tellement ralentis.

Page 533

1 M. Waespi (interprétation). - Merci. Je n'ai plus de questions.

2 M. le Président (interprétation). - Merci.

3 Monsieur Fila...

4 M. Fila (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

5 Il apparaît dans le procès-verbal que vous êtes allé, par le biais de

6 Velepromet, jusqu'à l'hôpital.

7 Témoin O (interprétation). - A côté de Velepromet.

8 M. Fila (interprétation). - Ce n'est pas la même chose.

9 Témoin O (interprétation). - D'un côté, il y a Velepromet et, de l’autre,

10 la caserne.

11 M. Fila (interprétation). - Qu’est-ce qui vient en premier ?

12 Témoin O (interprétation). - C'est la caserne.

13 M. Fila (interprétation). - Vous n’avez donc pas pu prendre ce chemin-là.

14 D’accord, j'ai compris.

15 Vous avez dit que, le 11 novembre, un certain Bojan Kuzmic a fait sortir

16 Ivan Bozak.

17 Témoin O (interprétation). - Oui.

18 M. Fila (interprétation). - Ensuite, Marko Mandic.

19 Témoin O (interprétation). - Oui. Cette nuit-là, Marko Vlaho aussi.

20 M. Fila (interprétation). - Marko Vlaho a survécu ?

21 Témoin O (interprétation). - Oui.

22 M. Fila (interprétation). - Savez-vous ce qui est arrivé à Ivan Bozak et à

23 Marko Mandic ?

24 Témoin O (interprétation). - Marko Mandic a été emmené dans une direction

25 inconnue. Encore aujourd’hui, il n'a pas été retrouvé. Quant à Bozak, je

Page 534

1 sais qu’il a été tué devant l’entrée de l'hôpital. Je ne l'ai pas vu de

2 mes propres yeux, mais la femme qui s'occupait du nettoyage l’a vu de ses

3 propres yeux.

4 M. Fila (interprétation). - Excusez-moi d’avoir posé cette question, mais

5 son nom figure sur la liste des personnes tuées à Ovcara.

6 Témoin O (interprétation). - Je vais vous l’expliquer.

7 Quand nous sommes arrivés à Zagreb, nous avons tous reçu pour instruction

8 de dresser une liste du personnel, étant donné que nous nous connaissions

9 tous. Les familles cherchaient les membres de leur famille, leurs cousins

10 et autres. Quant à Bojan, personne ne le cherchait. De moi-même, étant

11 donné que je savais qu'il était mort, j’ai mis son nom sur la liste afin

12 qu'on ne perde pas sa trace , mais je sais avec certitude qu'il n'est pas

13 mort à Ovcara.

14 M. Fila (interprétation). - Merci. J’ai posé la question pour mettre en

15 doute non pas votre témoignage mais l’acte d’accusation.

16 Vous avez dit qu’au mois de mai, de nombreux Serbes de Borovo Selo ont été

17 emmenés, des gens blessés par balle, et que cela vous a ému. Pouvez-vous

18 nous en dire davantage ?

19 Témoin O (interprétation). - J'ai reçu le message selon lequel un échange

20 de tirs avait eu lieu à Borovo Selo, qu’il y avait des blessés et qu'il

21 fallait envoyer un véhicule. J'ai transmis ce message et on a envoyé

22 plusieurs véhicules. J'ai moi-même mis le véhicule de mon service à

23 disposition. Je voulais personnellement m’y rendre, mais on m'a dit

24 d'attendre et de rester sur place pour pouvoir les aider à leur retour.

25 Quand ils sont rentrés, j'étais vraiment choqué par ce que je voyais. Ils

Page 535

1 étaient vraiment massacrés, c’était horrible à voir ; je ne suis pas un

2 expert médical. C'était horrible pour moi de voir cela, étant donné que

3 j'ai perdu mes deux parents ; cependant je ne les connaissais pas, donc je

4 ne me souviens pas d’eux. Ils ont été tués par des Chetniks pendant la

5 Deuxième guerre mondiale. J’ai eu un choc, car j’ai compris que la même

6 chose qu’auparavant se reproduisait. C’est pourquoi j’ai passé quinze

7 jours dans le

8 département de neuropsychiatrie où j’ai perdu vingt kilos.

9 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit qu’il s’agissait des Serbes ?

10 Témoin O (interprétation). - Oui, de Borovo Selo.

11 M. Fila (interprétation). - Si je vous ai bien compris, vous connaissez le

12 personnel de l’hôpital ?

13 Témoin O (interprétation). - Oui.

14 M. Fila (interprétation). - Cela fait 31 ans que vous y travaillez.

15 Témoin O (interprétation). - Oui.

16 M. Fila (interprétation). - Si vous regardiez une vidéo des membres du

17 personnel de votre hôpital, les reconnaîtriez-vous ?

18 Témoin O (interprétation). - Certainement.

19 M. Fila (interprétation). - Avec l’accord du Tribunal, je souhaite que

20 l’on montre au témoin la pièce à conviction de la défense numéro 2.

21 M. Waespi (interprétation). - Pas d’objection.

22 (L’huissier s’exécute.)

23 M. Fila (interprétation). - Entre-temps, des soldats vous ont-ils donné du

24 thé, devant Orolik ?

25 Témoin O (interprétation). - Non. Nous avons seulement reçu du thé à

Page 536

1 Mitrovica quand nous sommes sortis des autobus pendant un moment.

2 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit que vers 14 heures,

3 14 heures 30, vous étiez à Velepromet.

4 Témoin O (interprétation). - Oui.

5 M. Fila (interprétation). - Bien sûr, vous ne savez pas très exactement

6 quand, n’est-ce pas ?

7 Témoin O (interprétation). - Non.

8 M. Fila (interprétation). - Merci. Passons à la projection de la vidéo. Si

9 vous reconnaissez quelqu’un, dites-le, s’il vous plaît.

10 (Projection de la vidéo.)

11 Témoin O (interprétation). - C’est notre infirmière avec sa fille. C'est à

12 Velepromet. Là, c’est Vrancic Vesna avec sa fille. Ici, c’est Seremet dont

13 je ne connais pas le prénom et sa belle-soeur, puis Veber.

14 M. Fila (interprétation). - En voyant les autobus, pouvez-vous dire s’il y

15 a, là aussi, des personnes que vous reconnaissez ?

16 Témoin O (interprétation). - Là c’est Hadic, de nouveau Hadic, puis Arkan,

17 Terek, la femme qui s'occupait du nettoyage à l'hôpital dont je ne connais

18 pas le nom. Je reconnais aussi Marija Terek qui travaillait dans l'unité

19 épidémiologique, et l’autre qui s’occupait du nettoyage mais je ne sais

20 pas exactement dans quelle partie de l’hôpital.

21 M. Fila (interprétation). - Est-ce que cela s’est passé le 20 novembre ?

22 Est-ce que c'était cela, ces autobus-là ?

23 Témoin O (interprétation). - Je ne sais pas.

24 M. Fila (interprétation). - Est-ce qu'il s'agit là des autobus que vous

25 avez pris ?

Page 537

1 Témoin O (interprétation). - Je ne sais pas.

2 M. Fila (interprétation). - Mais les gens qui ont quitté l'hôpital ?

3 Témoin O (interprétation). - Oui, mais ici il s'agit d'un montage. Il y a

4 une partie qui se passe à Velepromet, une partie qui se passe ailleurs,

5 donc je trouve qu'il y a quelque chose qui n'est pas tout à fait clair. Il

6 y a un des autobus que j'ai vu où j'ai vu la femme qui faisait partie du

7 personnel d'entretien et une autre, ça c'est l'autobus.

8 M. Fila (interprétation). - Est-ce que l'autobus que vous avez vu était

9 celui qui faisait partie du convoi ou bien qui partait le 20 novembre ?

10 Témoin O (interprétation). - C'était un autobus du convoi.

11 M. Fila (interprétation). - Est-ce que cela s'est passé le 20 novembre ?

12 Témoin O (interprétation). - Oui.

13 M. Fila (interprétation). - Merci beaucoup. Vous comprenez bien qu'il

14 s'agit d'une vidéo amateur ?

15 Témoin O (interprétation). - Ecoutez, je ne suis pas sûr si cela faisait

16 partie du convoi. Cela aurait pu être à Velepromet ou ailleurs, je ne peux

17 l'affirmer parce que tout a été relié, Velepromet et le reste. Ce qu'on

18 voyait bien, c'est le personnel médical et plusieurs autobus, mais quant à

19 l'autre partie de la vidéo, cela n'était pas très cohérent, je ne sais pas

20 ce que cela veut dire.

21 M. Fila (interprétation). - Vous ne devez pas le savoir. Mais tout à

22 l'heure, vous avez dit que vous les avez reconnus.

23 Témoin O (interprétation). - Oui, mais je ne sais pas si ces personnes ont

24 été filmées un peu plus loin.

25 M. Fila (interprétation). - Est-ce le même jour ?

Page 538

1 Témoin O (interprétation). - Cela, je ne le sais pas. La collègue que j'ai

2 reconnue, effectivement, était dans le même autobus que moi le

3 20 novembre.

4 M. Fila (interprétation). - Merci.

5 M. le Président (interprétation). - Est-ce que l'accusation a des

6 questions supplémentaires ?

7 M. Waespi (interprétation). - Oui, monsieur le Président, quelques

8 questions, simplement. Témoin, vous avez déclaré qu'il y avait quelque

9 chose quelque chose qui vous gênait dans cette cassette. Voulez-vous qu'on

10 vous la rediffuse pour que vous nous montriez ce qui vous dérange dans

11 cette cassette et ce que vous mettez

12 en doute.

13 Témoin O (interprétation). - En fait, ce qui me gêne, c'est qu'on parle de

14 Velepromet et puis il y a ce bus où je reconnais deux personnes seulement,

15 cette femme de ménage de l'hôpital et puis cette femme qui travaillait

16 dans l'unité d'épidémiologie. On voit un peu d'images de ce qui s'est

17 passé à Velepromet et puis on voit autre chose aussi. Pour autant que je

18 sache, ni Arkan ni Hadic ne se trouvaient à l'hôpital et, subitement,

19 voilà que je les vois sur ces images qui ont été filmées. Tout est

20 mélangé, il me semble.

21 Pour ce qui me concerne, je n'ai jamais vu l'un de ces deux hommes, et je

22 n'ai jamais non plus entendu dire qu'il se trouvait à l'hôpital.

23 M. Waespi (interprétation). - Merci. Je reviens sur certains points sur

24 lesquels Me Fila vous a posé des questions. A un certain moment, il vous a

25 demandé si des Serbes avaient été abattus à Borovo Selo, et vous avez

Page 539

1 répondu que oui, qu'il s'agissait bien de Serbes qui avaient été abattus.

2 Je cite le compte-rendu, c'est bien ce que vous avez répondu à Me Fila ?

3 Témoin O (interprétation). - Oui, c'est la réponse que j'ai donnée, mais

4 je ne peux pas affirmer qu'il ne s'agissait pas peut-être de personnes

5 Vukovar que je n'ai pas reconnues. Pour autant que je sache, aucun d'entre

6 nous n'a été tué. J'en ai donc conclu que c'était des Serbes qui avaient

7 été abattus parce qu'on se trouvait à Borovo Selo.

8 Tous les membres de notre personnel ont été ramenés avec des ambulances et

9 ils ont ramené également les personnes qui avaient été gravement blessées.

10 Je n'ai reconnu personne de Vukovar ou aucun Serbo-croate parmi les

11 personnes dans ce convoi.

12 M. Waespi (interprétation). - Donc, pour autant que vous sachiez, il n'y a

13 pas eu de Croates abattus à Borovo Selo ?

14 Témoin O (interprétation). - Je sais qu'ils ont été exécutés. Mais ils

15 n'ont pas été emmenés à l'hôpital parce que si cela avait été le cas, ils

16 n'auraient pas été amenés à l'hôpital. Je crois que la règle générale,

17 c'est qu'on ne ramène pas des cadavres, on ramène simplement les blessés

18 auxquels il est encore possible d'apporter des soins.

19 M. Waespi (interprétation). - Y avait-il des policiers croates qui ont été

20 abattus ?

21 Témoin O (interprétation). - Oui. Mais c'est ce que j'ai entendu dire, je

22 n'ai jamais vu cela moi-même. J'ai entendu dire que des policiers avaient

23 été tués à l'entrée même de Borovo Selo et dans Borovo Selo. Voilà ce que

24 j'ai entendu dire, mais je ne peux pas confirmer tout cela, parce que je

25 n'en suis pas certain.

Page 540

1 M. Waespi (interprétation). - Je vous remercie. Monsieur, le Président,

2 accordez-moi un instant s'il-vous-plaît.

3 Monsieur le Président, je n'ai plus de questions.

4 M. le Président (interprétation). - Quant à moi, j'ai deux questions à

5 poser au témoin. Vous nous avez dit que vous aviez rencontré deux groupes

6 de militaires. L'un était constitué plutôt d'officiers ou de soldats de la

7 JNA et l'autre de paramilitaires locaux. C'est ce que vous avez dit.

8 Ma première question est la suivante : lorsque que l'on vous frappait, je

9 crois comprendre que c'étaient ces paramilitaires locaux, comme vous les

10 avez appelés, qui vous frappaient.

11 Témoin O (interprétation). - Oui.

12 M. le Président (interprétation). - Tandis qu'on vous frappait, y avait-

13 il des officiers de la JNA présents sur les lieux ?

14 Témoin O (interprétation). - Non. Il n'y avait qu'un soldat qui venait

15 juste d'arriver certainement, c'était un soldat régulier, qui avait dû

16 être mobilisé. il devait avoir une vingtaine d'années.

17 J'aimerai simplement apporter un éclaircissement. Je n'ai pas vu de

18 militaire dans ces groupes. C'était en fait les membres des milices

19 d'Arkan et les hommes de Seselj, et puis il y avait aussi des locaux.

20 C'étaient tous des paramilitaires. J'ai pensé d'eux qu'ils étaient

21 honnêtes. Ils ne prenaient pas part à cette guerre, mais ils sont tous

22 arrivés aux casernes, ces personnes que je connaissais.

23 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Ma deuxième question

24 est d'ordre plus général, elle a trait à ce que vous avez vu. Quels types

25 de rapports y avait-il entre les officiers ou les soldats de JNA et les

Page 541

1 membres des groupes paramilitaires ? Est-ce que c'étaient les membres de

2 la JNA qui avaient le contrôle des groupes paramilitaires ou pas ?

3 Témoin O (interprétation). - Non, pas du tout.

4 En fait, ils prétendaient simplement... Ils faisaient comme s'ils ne

5 voyaient pas toutes ces atrocités. Ils n'étaient pas très nombreux,

6 simplement ils ne voulaient pas voir ce qui se passait, ils voulaient

7 essayer de se distancier par rapport à tout ce qui se passait. Ils ne

8 disaient pas : "Ne faites pas cela !", mais simplement ils permettaient

9 que cela se produise, que ces atrocités soient commises contre nous.

10 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Y a-t-il des

11 objections à ce que le témoin puisse se retirer de façon définitive ?

12 Maître Fila ?

13 M. Fila (interprétation). - Non, merci Monsieur le Président.

14 (M. Waespi fait un signe négatif de la tête.)

15 M. le Président (interprétation). - Merci infiniment d'être venu, vous

16 pouvez partir.

17 (Le témoin quitte la salle d'audience.)

18 La séance est levée jusqu'à 14 heures 30 précises. L'audience est

19 suspendue.

20 L’audience est suspendue à 13 heures 00.

21 L'audience est reprise à 14 heures 30.

22 M. le Président (interprétation) - Le Bureau du Procureur voudrait-il

23 appeler le témoin suivant ?

24 M. Williamson (interprétation) - Oui, Monsieur le Président, nous sommes

25 prêts. J'ai parlé avec ce témoin, lequel a déclaré qu'il ne nécessitait

Page 542

1 pas de mesures de protection, mais mon collègue, Me Waespi, est en train

2 de vérifier afin de s'assurer que c'est toujours le cas. Après cela, nous

3 serons prêts à poursuivre.

4 M. le Président (interprétation) - Pourrais-je demander à l'accusation si

5 elle a remis les déclarations du témoin K et du témoin n° 15, témoins 11

6 et 15 sur la liste temporaire des témoins.

7 M. Williamson (interprétation) - En ce qui concerne le témoin 15, aucune

8 déclaration n'a été prise de cette personne. En ce qui concerne le

9 témoin 11, je pense que cette déclaration a peut-être été communiquée,

10 mais je ne sais pas s'il s'agit de son vrai nom ou pas. Je peux le

11 vérifier par la suite, dans l'après-midi. Ensuite, je pourrai vous dire ce

12 qui a été fait ou non. Si cela n'a pas été fait, je pourrai vous

13 communiquer les déclarations de ce témoin par la suite, dans l’après-midi.

14 Monsieur le Président, le témoin suivant a demandé une altération des

15 traits du visage. Outre cette altération, il n'y aura rien d'autre. Nous

16 pourrons utiliser son vrai nom et sa voix sera transmise ou diffusée telle

17 quelle.

18 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience).

19 M. le Président (interprétation) - Puis-je demander au témoin de prêter

20 serment, s'il vous plaît ?

21 M. Dodaj (interprétation) - Je déclare solennellement que je dirai la

22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

23 M. le Président (interprétation) - Merci. Veuillez vous asseoir.

24 M. Williamson (interprétation) - Pourriez-vous nous donner votre nom, s'il

25 vous plaît, pour le compte rendu ?

Page 543

1 M. Dodaj (interprétation) - Aider* Dodaj.

2 M. Williamson (interprétation) - Monsieur Dodaj, d'où venez-vous ? D'où

3 êtes-vous originaire ?

4 M. Dodaj (interprétation) - Je viens de Djakovica.

5 M. Williamson (interprétation) - Y avez-vous passé la plupart de votre

6 vie ?

7 M. Dodaj (interprétation) - Non.

8 M. Williamson (interprétation) - Où avez-vous vécu ?Où avez-vous grandi ?

9 M. Dodaj (interprétation) - A Bielovar.

10 (L'interprète signale qu'elle n'a pas entendu ni compris l'adresse).

11 M. Williamson (interprétation) - Quelle est votre nationalité ?

12 M. Dodaj (interprétation) - Je suis albanais.

13 M. Williamson (interprétation) - A un moment donné, avez-vous eu

14 l'obligation de rejoindre les rangs de la JNA dans le cadre de votre

15 service militaire ?

16 M. Dodaj (interprétation) - Oui.

17 M. Williamson (interprétation) - A quelle époque cela s'est-il produit ?

18 M. Dodaj (interprétation) - Le 18 mars 1991.

19 (L’interprète de la cabine anglaise demande que le témoin parle plus près

20 du micro.)

21 M. Williamson (interprétation) - Monsieur Dodaj, pourriez-vous vous

22 pencher un peu en avant et vous rapprocher du micro. Je crois que les

23 interprètes ont

24 un peu de mal à vous entendre.

25 M. Dodaj (interprétation) - D’accord.

Page 544

1 M. Williamson (interprétation) - Lorsque vous avez rejoint la JNA

2 le 18 mars 1991, où vous a-t-on envoyé au départ ?

3 M. Dodaj (interprétation) - A Pétrovac Na Milavi.

4 M. Williamson (interprétation) - Où cela se trouve-t-il ?

5 M. Dodaj (interprétation) - C'est près de Poserovac*, en Serbie.

6 M. Williamson (interprétation) - A quelle unité avez-vous été affecté ?

7 M. Dodaj (interprétation) - Unité des blindés motorisés.

8 M. Williamson (interprétation) - Lorsque vous faisiez votre service

9 militaire, votre unité regroupait-elle des personnes de toutes les

10 républiques de la Yougoslavie ?

11 M. Dodaj (interprétation) - Oui, oui.

12 M. Williamson (interprétation) - Y avait-il des traitements de faveur ou

13 de défaveur selon la nationalité des personnes ?

14 M. Dodaj (interprétation) - Oui.

15 M. Williamson (interprétation) - Comment cela se manifestait-il ?

16 M. Dodaj (interprétation) - Nous, qui venions de Croatie, devions

17 travailler plus dur que ceux qui venaient de Serbie. Ils jouissaient de

18 conditions plus favorables que nous.

19 M. Williamson (interprétation) - S'agissait-il simplement des Croates ou

20 bien ce traitement était-il réservé à d'autres personnes provenant

21 d'autres républiques également ?

22 M. Dodaj (interprétation) - Non. Il s'agissait plus particulièrement des

23 Croates.

24 M. Williamson (interprétation) - Au cours de l'année 1991, avez-vous

25 observé une diminution du nombre de soldats qui venaient d'autres parties

Page 545

1 de la Yougoslavie ?

2 M. Dodaj (interprétation) - Oui. Ils ne venaient plus de Slovénie ou de

3 Croatie.

4 M. Williamson (interprétation) - Avez-vous pu observer ou connaissiez-vous

5 les tensions qui existaient entre la Serbie ou la Slovénie ou bien entre

6 la Serbie et la Croatie à cette époque ?

7 M. Dodaj (interprétation) - Oui.

8 M. Williamson (interprétation) - Vous a-t-on dit quoi que ce soit sur la

9 situation ? Vos supérieurs vous ont-ils tenus au courant ?

10 M. Dodaj (interprétation) - Ils nous ont dit qu'il y avait un groupe de

11 personnes, je ne sais pas comment vous le dire, qui étaient des rebelles.

12 M. Williamson (interprétation) - Avez-vous essayé à un moment ou à un

13 autre de quitter la JNA ?

14 M. Dodaj (interprétation) - Oui.

15 M. Williamson (interprétation) - Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé

16 alors ?

17 M. Dodaj (interprétation) - Je m’enfuyais. Je me suis échappé de la

18 caserne en juin et ils m'ont rattrapé à Zemun. Ils m'ont ramené à Pozarac.

19 M. Williamson (interprétation) - Avez-vous été sanctionné à ce moment-là ?

20 M. Dodaj (interprétation) - Oui.

21 M. Williamson (interprétation) - Comment s’est manifestée cette sanction ?

22 M. Dodaj (interprétation). - J'ai été mis aux arrêts pendant soixante

23 jours.

24 M. Williamson (interprétation). - A un moment donné, votre unité a-t-elle

25 été déployée en Croatie ?

Page 546

1 M. Dodaj (interprétation). - Non, pas à ce moment-là.

2 M. Williamson (interprétation). - Quand a-t-elle été envoyée en Croatie ?

3 M. Dodaj (interprétation). - En juillet, Bijelo Brdo par Osijek.

4 M. Williamson (interprétation). - Quelles tâches avez-vous dû exécuter à

5 ce moment-là ?

6 M. Dodaj (interprétation). - Nous avons eu pour mission de détruire

7 environ 20 000 Oustachi qui se trouvaient autour d'Osijek.

8 M. Williamson (interprétation). - Y avait-il, à votre avis,

9 20 000 Oustachi dans le village près d'Osijek ?

10 M. Dodaj (interprétation). - Non, il n'y en avait aucun. C'étaient des

11 gens qui défendaient leurs maisons, leurs foyers.

12 M. Williamson (interprétation). - Pendant combien de temps votre unité

13 est-elle restée en Croatie ?

14 M. Dodaj (interprétation). - Environ vingt jours à cet endroit.

15 M. Williamson (interprétation). - Et après, où êtes-vous allés ?

16 M. Dodaj (interprétation). - Ils nous ont renvoyés à Petrovac Na Milavi, à

17 la caserne militaire.

18 M. Williamson (interprétation). - A un moment ou un autre, avez-vous été

19 renvoyés en Croatie ?

20 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

21 M. Williamson (interprétation). - Quand ?

22 M. Dodaj (interprétation). - En septembre.

23 M. Williamson (interprétation). - A ce moment-là, que vous a-t-on dit sur

24 votre destination et sur votre mission ?

25 M. Dodaj (interprétation). - On ne nous a rien dit, on ne nous a pas dit

Page 547

1 où nous allions. Dix à vingt soldats ont été choisis, la plupart croates,

2 et ont été renvoyés à Sremska Mitrovica.

3 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivés à

4 Sremska Mitrovica, vous a-t-on dit ce que vous alliez faire ?

5 M. Dodaj (interprétation). - Oui. On nous a donné tout notre équipement,

6 nos armes, etc., et nous sommes allés à Vukovar.

7 M. Williamson (interprétation). - En septembre 1991, lorsque vous êtes

8 arrivé à Mitrovica, la répartition ethnique de l'armée avait-elle changé

9 par rapport à auparavant ?

10 M. Dodaj (interprétation). - Oui, il y avait plus de haine au sein de

11 l'armée.

12 M. Williamson (interprétation). - Y avait-il plus de Serbes dans les

13 forces militaires qu'auparavant ?

14 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

15 M. Williamson (interprétation). - Et qu'en était-il des Croates ? Combien

16 étaient-ils ?

17 M. Dodaj (interprétation). - Ils étaient très peu nombreux.

18 M. Williamson (interprétation). - Et les Slovènes ?

19 M. Dodaj (interprétation). - Il n'y en avait pas, aucun, parce qu'ils

20 étaient tous retournés dans leur République. On les avait remmenés.

21 M. Williamson (interprétation). - D'où venaient les nouveaux Serbes qui se

22 trouvaient dans les rangs de la JNA ?

23 M. Dodaj (interprétation). - C'étaient des réservistes. Il y avait des

24 réservistes qui étaient mobilisés en Serbie à ce moment-là. C'étaient des

25 volontaires. Ils venaient de toutes les régions de la Serbie.

Page 548

1 M. Williamson (interprétation). - Y avait-il également des soldats des

2 unités de la Défense territoriale ?

3 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

4 M. Williamson (interprétation). - Il y a un instant, vous disiez qu'il y

5 avait plus de haine au sein de l'armée. Pouvez-vous expliquer ce que vous

6 voulez dire ?

7 M. Dodaj (interprétation). - Ils disaient qu'ils étaient extrêmement

8 impatients d'arriver à Vukovar pour détruire tous les Croates, pour

9 détruire tout ce qui était croate. Ils nous passaient des chansons serbes.

10 M. Williamson (interprétation). - Vous a-t-il semblé qu'il s'agissait

11 encore, à l'époque, d'une armée vraiment yougoslave ?

12 M. Dodaj (interprétation). - Non, ce n'était plus le cas. J'ai vu qu'il y

13 avait des soldats de réserve, qu'ils ne portaient pas des insignes de

14 l'armée yougoslave, ils avaient des drapeaux serbes et la cocarde serbe.

15 Ils avaient donc ces drapeaux serbes. C'était le drapeau serbe que nous

16 avions et non pas le drapeau yougoslave.

17 M. Williamson (interprétation). - A un moment ou à un autre, avez-vous vu

18 ou observé des unités paramilitaires serbes ?

19 M. Dodaj (interprétation). - A Negoslavci, je les ai vues là-bas.

20 M. Williamson (interprétation). - Savez-vous à quel groupe ces unités

21 étaient liées, associées ?

22 M. Dodaj (interprétation). - Non, je n'en sais rien.

23 M. Williamson (interprétation). - Quel était leur rôle ?

24 M. Dodaj (interprétation). - Le même que le nôtre, ils devaient détruire

25 toute la ville.

Page 549

1 M. Williamson (interprétation). - Ces forces paramilitaires semblaient-

2 elles coopérer de façon très étroite avec la JNA ?

3 M. Dodaj (interprétation). - Cela semblait être le cas, oui. Elles

4 coopéraient parce qu'à Negoslavci il y avait cette cellule de crise. La

5 Défense territoriale et l'Armée yougoslave se trouvaient avec eux.

6 M. Williamson (interprétation). - Votre unité a-t-elle participé à des

7 combats à Vukovar ?

8 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

9 M. Williamson (interprétation). - Qu'avez-vous observé quant à la manière

10 dont la bataille était menée ?

11 M. Dodaj (interprétation). - Nous sommes arrivés le 1er septembre, entre

12 Luzec* et Bogdanovci, c'est-à-dire sur la route entre Vinkovci et Vukovar.

13 Nous avions barré cette route. Nous nous sommes installés là avec nos

14 chars et nos transporteurs. Nous tirions vers la ville avec toutes les

15 armes que nous avions à notre disposition.

16 M. Williamson (interprétation). - Quels types d'armes utilisait la JNA ?

17 M. Dodaj (interprétation). - Mon unité utilisait des chars

18 100 millimètres, des transporteurs avec des armes 20 millimètres, des

19 fusils automatiques PKT, des armes légères et du mortier 60 et

20 80 millimètres.

21 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous vu des avions de la JNA qui

22 essayaient de détruire Vukovar ?

23 M. Dodaj (interprétation). - Oui. Le 14 septembre 1991, je les ai vus. Ils

24 ont pilonné la ville avec quatre ou cinq avions.

25 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous vu également des pièces

Page 550

1 d'artillerie lourde ?

2 M. Dodaj (interprétation). - Oui, aussi, et des canons, des chars. A ce

3 moment là, mon unité avait environ 20 chars à sa disposition.

4 M. Williamson (interprétation). - Quelle était la fréquence du pilonnage

5 par les forces de la JNA et par les forces serbes donc ?

6 M. Dodaj (interprétation). - Jour et nuit.

7 M. Williamson (interprétation). - De façon continue ?

8 M. Dodaj (interprétation). - Lorsque nous allions prendre le petit-

9 déjeuner ou le déjeuner, nous prenions une pause d'une heure.

10 M. Williamson (interprétation). - Aviez-vous reçu des ordres quant aux

11 cibles à atteindre au sein de la ville ?

12 M. Dodaj (interprétation). - Nous utilisions principalement les chars pour

13 viser la ville.

14 M. Williamson (interprétation). - Vous visiez quelque chose en particulier

15 dans la ville ?

16 M. Dodaj (interprétation). - Non.

17 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous reçu des ordres indiquant

18 quelles zones, quels endroits vous deviez viser et quelles zones vous

19 deviez éviter ?

20 M. Dodaj (interprétation). - Non, personne ne pensait à cela. Nous

21 pilonnions la ville, que ce soit des cibles militaires, des civils ou quoi

22 que ce soit d'autre.

23 M. Williamson (interprétation). - Quelle résistance opposaient les forces

24 croates qui défendaient la ville ?

25 M. Dodaj (interprétation). - La résistance était très faible.

Page 551

1 M. Williamson (interprétation). - Les Croates avaient-ils des avions ?

2 M. Dodaj (interprétation). - Non.

3 M. Williamson (interprétation). - Avaient-ils de l'artillerie ?

4 M. Dodaj (interprétation). - Non. Ils n'avaient pas d'armes lourdes.

5 M. Williamson (interprétation). - Avaient-ils des chars ?

6 M. Dodaj (interprétation). - Non.

7 M. Williamson (interprétation). - Pourriez-vous nous dire quoi que ce soit

8 sur le degré de destruction de la ville à ce moment-là ?

9 M. Dodaj (interprétation). - Tout était détruit dans la ville et ses

10 environs : toutes les maisons des civils, les immeubles, les châteaux

11 d’eau, tout cela depuis notre position bien sûr. Lorsque j'étais dans

12 l'armée, tous les jours on envoyait de 100 à 200 obus.

13 M. Williamson (interprétation). - Simplement votre unité ?

14 M. Dodaj (interprétation). - Il y avait d'autres unités, mais je n'ai pas

15 vu ce qu'elles faisaient. Je sais simplement ce que faisait mon unité.

16 M. Williamson (interprétation). - A un moment donné, avez-vous décidé de

17 vous échapper de la JNA ?

18 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

19 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous réussi à vous enfuir ?

20 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

21 M. Williamson (interprétation). - Etiez-vous tout seul ?

22 M. Dodaj (interprétation). - Non, j'étais le cinquième soldat à m'enfuir.

23 M. Williamson (interprétation). - Comment avez-vous fait ?

24 M. Dodaj (interprétation). - Nous étions ensemble le plus souvent, c'est

25 ainsi que nous nous sommes mis d'accord pour déserter cette armée et

Page 552

1 rejoindre l'armée croate, le camp croate.

2 M. Williamson (interprétation). - Comment avez-vous pu réussir à vous

3 enfuir ?

4 M. Dodaj (interprétation). - Le 24 septembre, vers midi, nous sommes

5 partis vers des maisons qui étaient dans une zone neutre. Il n'y avait pas

6 de civils. Nous nous sommes dits que nous allions aller vers ces maisons

7 pour prendre quelques affaires afin de ne pas avoir froid. C'est là que

8 nous avons quitté notre position.

9 M. Williamson (interprétation). - Que s’est-il passé lorsque vous êtes

10 arrivé à ces maisons ?

11 M. Dodaj (interprétation). - Nous avons rencontré un civil et nous lui

12 avons demandé d'aller voir les gardes et de leur dire qu'il y avait cinq

13 soldats qui étaient en fuite et qui voulaient se rendre. Les soldats

14 croates nous ont fait rentrer. Ils nous ont traités de façon très

15 convenable.

16 M. Williamson (interprétation). - Où vous a-t-on emmenés ?

17 M. Dodaj (interprétation). - On nous a emmenés dans des véhicules vers

18 Vukovar, au commissariat de police.

19 M. Williamson (interprétation). - Après votre arrivée au commissariat de

20 police, que s'est-il passé ?

21 M. Dodaj (interprétation). - Ils nous ont accueillis sur place. On a

22 enlevé nos uniformes, on nous a donné des vêtements civils, on nous a posé

23 des questions au commissariat de police. Ils nous ont demandé s'il y avait

24 d'autres personnes croates dans l'armée qui voulaient aussi s'enfuir, etc.

25 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé dans le camp

Page 553

1 croate, vous a-t-il semblé que la ville était occupée par des Oustachi ?

2 M. Dodaj (interprétation). - Non. Il avait des gens qui vivaient dans

3 cette ville, des résidents de cette ville qui défendaient leurs maisons

4 avec tout ce qu'ils trouvaient.

5 M. Williamson (interprétation). - Ceci était-il conforme à ce que vous

6 avaient dit les officiers de la JNA ?

7 M. Dodaj (interprétation). - Non, pas du tout, non.

8 M. Williamson (interprétation). - Que vous avaient-ils dit quant à

9 l'identité de vos ennemis ?

10 M. Dodaj (interprétation). - Vous voulez dire, les supérieurs de la JNA ?

11 M. Williamson (interprétation). - Oui.

12 M. Dodaj (interprétation). - Ils nous disaient que nous nous battions

13 contre les Oustachi, contre des mercenaires qui venaient d'ailleurs,

14 principalement contre les Oustachi, c'est ce qu'ils nous avaient dit. Nous

15 devions riposter. En fait, au bout du compte, nous nous sommes rendu

16 compte que nous luttions contre la population croate. Mais je n'ai pas vu

17 d'Oustachi, moi, sur place.

18 M. Williamson (interprétation). - Puisque vous étiez sur les lieux et que

19 vous avez vu les armes dont disposaient les Croates, diriez-vous qu'il y

20 avait égalité des armes entre les Croates et les Serbes ?

21 M. Dodaj (interprétation). - Non, pas du tout. Le camp serbe était

22 largement doté d'armes lourdes, d'avions, alors que les Croates avaient

23 des fusils de chasse, des pistolets de petit calibre. Personne n'avait de

24 fusil de combat.

25 M. Williamson (interprétation). - Avez vous rejoint ensuite les forces

Page 554

1 croates à Vukovar ?

2 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

3 M. Williamson (interprétation). - Y avait-il des Serbes qui se battaient

4 au côté des Croates et qui défendaient Vukovar ?

5 M. Dodaj (interprétation). - Il y avait certains Serbes qui se battaient

6 contre les forces serbes dans les défenses de Vukovar. Vous savez, il y

7 avait différentes

8 nationalités.

9 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous étiez dans la ville même,

10 avez-vous pu mieux observer les dégâts provoqués sur la ville ?

11 M. Dodaj (interprétation). - Oui. J'ai vu qu'il y avait des dégâts. Il

12 n'y avait presque plus d'immeubles qui n'avaient pas de marques de

13 pilonnages ou de balles ou d'impacts d'obus.

14 M. Williamson (interprétation). - Certains bâtiments étaient-ils plus

15 endommagés que d'autres ?

16 M. Dodaj (interprétation). - Oui, l'hôpital, par exemple. J'étais souvent

17 à l'hôpital. J'ai vu ce qui se passait. On tirait dessus, des bombes

18 aériennes tombaient. Les chars s'attaquaient également à l'hôpital de tous

19 côté.

20 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous êtes allé à l'hôpital à

21 plusieurs reprises, avez-vous pu observer quoi que ce soit qui vous aurait

22 donné à penser que c'était une cible militaire ?

23 M. Dodaj (interprétation). - Non. Je n'ai rien vu. Ce n'était pas une

24 cible militaire. C'était une cible civile.

25 M. Williamson (interprétation). - Vous a-t-il semblé évident à un moment

Page 555

1 donné que la bataille tirait à la sa fin ?

2 M. Dodaj (interprétation). - Oui, oui, vers la fin. Ils avaient déjà pris

3 le contrôle de toute la ville. On ne pouvait plus sortir.

4 M. Williamson (interprétation). - Et à quel moment avez-vous eu cette

5 impression que les combats cessaient ?

6 M. Dodaj (interprétation). - Le 17 novembre, plus ou moins.

7 M. Williamson (interprétation). - Où êtes vous allé, à la fin des

8 combats ?

9 M. Dodaj (interprétation). - Le 18 novembre 1991, je suis venu à

10 l'hôpital

11 parce que je pensais que c'était l'endroit le plus sûr. Je pensais que

12 rien ne m'arriverait si j'étais là-bas. Certains de mes collègues et moi-

13 même sommes venus à l'hôpital. Il y avait beaucoup de civils, de personnes

14 blessées.

15 M. Williamson (interprétation). - Quelle était la situation à l'hôpital

16 lorsque vous y êtes arrivé ? Y avait-il beaucoup de gens ?

17 M. Dodaj (interprétation). - Oui, il y avait pas mal de gens, environ

18 450 blessés. Il y avait aussi des civils, des femmes et des enfants, des

19 personnes âgées. Toutes ces personnes étaient à l'hôpital.

20 M. Williamson (interprétation). - Avez vous apporté votre arme à

21 l'hôpital ?

22 M. Dodaj (interprétation). - Non. Nous n'avions pas le droit de prendre

23 notre arme à l'hôpital.

24 M. Williamson (interprétation). - A un moment donné, vous êtes-vous rendu

25 compte que la JNA était arrivée, elle aussi, à l'hôpital ?

Page 556

1 M. Dodaj (interprétation). - Oui. La JNA, la Défense territoriale, les

2 volontaires, toutes les formations militaires étaient venues. Elles

3 venaient toutes à l'hôpital et dans les environs.

4 M. Williamson (interprétation) - Que s’est-il passé à l'arrivée de la

5 JNA ?

6 M. Dodaj (interprétation) - Le 20, ou plutôt le 19, ils ont emmené les

7 femmes et les enfants à part. Je ne sais pas où ils les ont emmenés. Nous,

8 les hommes et les blessés, ils nous ont laissés à l'hôpital. Le 20, vers 8

9 heures et demie, 9 heures, ils nous ont fait sortir de l'hôpital. Ils nous

10 ont mis en rang devant l'hôpital. Les autobus sont arrivés. Ils nous ont

11 fait pénétrer dans les autobus et nous ont emmenés jusqu'à la caserne.

12 M. Williamson (interprétation) - Revenons un peu en arrière. Que s’est-il

13 passé à l'hôpital dans la nuit du 19 au 20 novembre ?

14 M. Dodaj (interprétation) - Je ne sais pas.

15 M. Williamson (interprétation) - Où étiez-vous à ce moment-là ?

16 M. Dodaj (interprétation) - A ce moment-là, je me trouvais dans la cave de

17 l'hôpital. J'y suis resté le 19 jusqu'au 20 au matin.

18 M. Williamson (interprétation) - Le matin du 20, vous avez dit que l'on

19 vous avait fait sortir de l'hôpital et que, finalement, on vous avait fait

20 monter à bord des autobus. Mais quelque chose s'est-il passé avant que

21 vous n'entriez dans les autobus ?

22 M. Dodaj (interprétation) - Avant de sortir de l'hôpital, le

23 Major Sljivancanin était là. Il donnait des ordres à ses gardes, les

24 membres de la garde de Belgrade. Ils nous ont fouillés pour voir ce que

25 nous avions sur nous, des montres, des choses comme cela. Ils nous ont

Page 557

1 pris tout cela. Ensuite, ils nous ont donné l'ordre de garder les mains

2 dans le dos, la tête baissée. Et puis, ils en ont séparé quelques-uns du

3 groupe. Ils les ont mis de côté. Je ne sais pas ce qui est arrivé à ces

4 personnes. Nous, ils nous ont fait monter dans les autobus.

5 M. Williamson (interprétation) - Vous avez indiqué que vos objets de

6 valeur avaient été saisis après la fouille ?

7 M. Dodaj (interprétation) - Oui, oui. Oui, en effet, oui.

8 M. Williamson (interprétation) - Une fois que vous avez tous été fouillés,

9 que s'est-il passé ?

10 M. Dodaj (interprétation) - A ce moment-là, ils nous ont fait monter dans

11 les autobus. Ils nous ont emmenés à la caserne de Vukovar.

12 M. Williamson (interprétation) - Y avait-il des gardes dans les autobus ?

13 M. Dodaj (interprétation) - Oui. Il y avait le chauffeur de l'autobus et

14 un soldat qui se trouvait à bord, avec un fusil. Il nous visait de façon à

15 éviter que quoi que

16 ce soit ne se passe.

17 M. Williamson (interprétation) - Vous avez indiqué que les autobus sont

18 allés de l'hôpital jusqu'à la caserne de Vukovar. Qu'avez-vous vu à votre

19 arrivée à la caserne ?

20 M. Dodaj (interprétation) - J'ai vu que la ville était totalement

21 détruite. J'ai vu pas mal de cadavres dans les rues, au bord de la route.

22 Puis, nous sommes arrivés à la caserne. Un capitaine est monté à bord de

23 l'autobus à ce moment-là et a appelé un certain nombre de personnes. Il

24 leur a dit de descendre et une fois que ces personnes sont descendues,

25 elles ont été rassemblées dans la cour de la caserne. Elles étaient en

Page 558

1 sang quand elles sont descendues de l'autobus. Elles ont été entassées

2 dans un véhicule militaire.

3 M. Williamson (interprétation) - Avez-vous pu voir ce qui se passait à

4 l'extérieur de l'autobus, dans l'enceinte de la caserne, en dehors de ces

5 personnes qui ont été emmenées ?

6 M. Dodaj (interprétation) - Je n'ai vu que cela. Je n'ai vu que ce passage

7 à tabac de ces personnes qui descendaient de l'autobus. J'ai vu qu'il y

8 avait des soldats un peu partout de tous les côtés, des volontaires à eux

9 et des Aigles blancs, des soldats. Ils étaient tous autour de nous. Ils

10 nous menaçaient. Ils disaient qu'ils allaient tous nous tuer, que nous

11 n'avions pas la moindre chance de rester vivants, aucun d'entre nous.

12 M. Williamson (interprétation) - L'un de ces soldats est-il monté à bord

13 d'un de vos autobus ?

14 M. Dodaj (interprétation) - Oui, il est monté à bord. Il nous a lancé des

15 menaces. Les gens qui étaient assis devant se sont fait frapper. Il tapait

16 de tous les côtés.

17 M. Williamson (interprétation) - A un certain moment, les autobus ont-ils

18 quitté la caserne ?

19 M. Dodaj (interprétation) - Oui.

20 M. Williamson (interprétation) - Où êtes-vous allés, à partir de là ?

21 M. Dodaj (interprétation) - De la caserne, nous sommes allés jusqu'à un

22 hangar.

23 M. Williamson (interprétation) - Savez-vous où se trouvait ce hangar ?

24 M. Dodaj (interprétation) - A Ovcara, je crois.

25 M. Williamson (interprétation) - Etiez-vous déjà allé à Ovcara à quelque

Page 559

1 moment que ce soit ?

2 M. Dodaj (interprétation) - Non.

3 M. Williamson (interprétation) - Au cours du trajet de la caserne de la

4 JNA jusqu'à Ovcara, y avait-il encore des gardes à bord des autobus ?

5 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

6 M. Williamson (interprétation). - Ces gardes étaient-ils les mêmes que

7 ceux qui avaient escorté les autobus de l'hôpital jusqu'à la caserne ?

8 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

9 M. Williamson (interprétation). - Lorsque les autobus sont arrivés à

10 Ovcara, qu'avez-vous vu se passer ?

11 M. Dodaj (interprétation). - A ce moment-là, les gens de la caserne

12 avaient à la main des matraques, des manches de pelle, de pioche. Ils

13 allaient derrière nous. Certains étaient arrivés avant nous et, de la

14 sortie des autobus jusqu'à l'entrée du hangar, ils formaient une colonne.

15 Chaque fois que l'un d'entre nous sortait de l'autobus, ils le passaient à

16 tabac. En fait, les gens étaient déjà à moitié morts. Ils avaient les

17 mains en sang, ils étaient couverts de sang.

18 M. Williamson (interprétation). - Est-ce qu'à un certain moment, vous

19 avez vu un ancien soldat de la JNA que vous connaissiez sortir de l'un des

20 autobus ?

21 M. Dodaj (interprétation). - Oui, en effet.

22 M. Williamson (interprétation). - Comment s'appelait-il ?

23 M. Dodaj (interprétation). - Zlatko Zlogledja.

24 M. Williamson (interprétation). - Que lui est-il arrivé que vous ayez vu,

25 s'il lui est arrivé quelque chose ?

Page 560

1 M. Dodaj (interprétation). - Nous, nous étions quatre soldats dans les

2 autobus. Petar Kuscevic, de Split, était descendu avant moi et avant

3 Zloboda. Un soldat serbe l'a frappé. Petr Kruscevic a dit : "Ne me frappez

4 pas, je suis un soldat de l'Armée populaire yougoslave. Ne me frappez pas,

5 je suis de l'armée". Ils l'ont donc mis de côté et se sont ensuite

6 concentrés sur moi-même et sur Zlatko Zlogleddja qui étions soldats

7 également.

8 M. Williamson (interprétation). - Une fois que vous avez été identifiés en

9 tant que soldats, que vous est-il arrivé ?

10 M. Dodaj (interprétation). - Une fois qu'ils ont enfermé tout le monde

11 dans le hangar, après que les gens sont descendus de l'autobus, ils nous

12 ont isolés des autres et nous ont amenés à Negoslavci.

13 M. Williamson (interprétation). - A un certain moment, avez-vous pénétré à

14 l'intérieur du hangar à Ovcara ?

15 M. Dodaj (interprétation). - Non, mais j'ai vu ce qui se passait, ce

16 qu'ils ont fait aux gens devant le hangar.

17 M. Williamson (interprétation). - Il s'agit de ce que vous venez de

18 décrire, des gens qui étaient forcés de passer à l'intérieur d'une haie de

19 soldats ?

20 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

21 M. Williamson (interprétation). - Combien de temps êtes-vous resté

22 devant le hangar avant d'aller à Negoslavci ?

23 M. Dodaj (interprétation). - Une heure, une heure et demie à peu près.

24 M. Williamson (interprétation). - Comment vous a-t-on transportés d'Ovcara

25 à Negoslavci ?

Page 561

1 M. Dodaj (interprétation). - On nous a transportés dans un véhicule

2 militaire. Il y avait un major et un soldat sans* chauffeur qui nous ont

3 amenés à Negoslavci. Là, ils nous ont ligoté les mains et nous ont mis

4 dans la cave d'une maison privée.

5 M. Williamson (interprétation). - Combien de temps êtes-vous restés dans

6 cette maison à Negoslavci ?

7 M. Dodaj (interprétation). - Quatre jours.

8 M. Williamson (interprétation). - Le matin du jour où cela s'est passé, le

9 matin du 21, avez-vous eu la possibilité de parler à un soldat de la JNA ?

10 M. Dodaj (interprétation). - Il y avait quatre soldats qui nous gardaient.

11 Ils prenaient des tours. Vers 6 heures du matin, le 21, un soldat de Sabac

12 est arrivé et a dit que ces Chetniks avaient assassiné près de 600 hommes

13 à Ovcara.

14 M. Williamson (interprétation). - Suite aux quatre jours que vous avez

15 passés à Negoslavci, où vous a-t-on emmenés ?

16 M. Dodaj (interprétation). - On nous a emmenés à Topcider, à la caserne de

17 Zemun, à Belgrade.

18 M. Williamson (interprétation). - Que s'est-il passé, une fois que vous

19 êtes arrivés à Topcider ?

20 M. Dodaj (interprétation). - Ils nous ont interrogés. Ils nous ont demandé

21 ce que nous avions fait, pourquoi nous avions déserté l'armée. Ils nous

22 ont frappés. Leurs hommes, leurs réservistes, de simples soldats nous

23 interrogeaient. Ils nous ont

24 frappés pendant quatorze jours sans discontinuer. Nous nous sommes même

25 évanouis de temps en temps. On ne nous donnait rien à manger. Ensuite, on

Page 562

1 nous a emmenés à la prison militaire de Belgrade.

2 M. Williamson (interprétation). - Suite à ces coups, avez-vous eu des

3 séquelles ?

4 M. Dodaj (interprétation). - Oui, j'ai eu une commotion cérébrale et des

5 côtes du côté droit cassé, ainsi que des blessures à la colonne

6 vertébrale.

7 M. Williamson (interprétation). - Comment vos côtes ont été fracturées ?

8 M. Dodaj (interprétation). - Ils nous ont frappés dans un endroit qui

9 était une salle de cinéma. Il y avait une scène. Ils nous faisaient monter

10 sur la scène et nous faisaient tomber à coups de matraque, à coups de

11 balai, les objets qu'on utilise pour nettoyer le sol. Ils nous frappaient

12 avec ce genre d'objets et nous faisaient tomber de la scène sur les sièges

13 où les spectateurs sont censés être assis.

14 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous été accusés de quelque crime

15 que ce soit ?

16 M. Dodaj (interprétation). - J'ai été accusé de désertion de la JNA; de

17 révolte armée et de vol d'armes.

18 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous subi des pressions pour signer

19 une déclaration dans laquelle vous avouiez ces crimes ou d'autres crimes ?

20 M. Dodaj (interprétation). - Ils ont exercé des pressions sur nous pour

21 que nous avouions que nous avions tué des Serbes, violé, assassiné. C'est

22 surtout ce genre de choses qu'ils voulaient que nous disions dans notre

23 déclaration. Ils voulaient que nous disions dans la déclaration ce qu'eux

24 souhaitaient que nous disions. C'est pour cela que nous n'avons signé

25 aucune déclaration, parce que nous subissions la contrainte venant d'eux

Page 563

1 pour signer.

2 M. Williamson (interprétation). - Vous a-t-on jamais présenté à des

3 tribunaux au motif de ces chefs d'accusation ?

4 M. Dodaj (interprétation). - Non, je n'ai pas été traduit en justice pour

5 ces délits, mais uniquement pour révolte armée, désertion et vol d'armes.

6 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous été condamné pour ces chefs

7 d'accusation ?

8 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

9 M. Williamson (interprétation). - Quelle a été la peine qui a été

10 prononcée contre vous en raison de ces charges ?

11 M. Dodaj (interprétation). - J'ai été condamné à six ans. Puis ils m'ont

12 tout de suite enlevé un an au moment du procès, de sorte que j'ai été

13 condamné à cinq ans ; j’ai eu cinq ans.

14 M. Williamson (interprétation). - Quelle partie de cette peine avez-vous

15 effectivement purgée ?

16 M. Dodaj (interprétation). - Deux ans.

17 M. Williamson (interprétation). - Où avez-vous purgé cette peine ?

18 M. Dodaj (interprétation). - J'ai passé sept mois à la prison militaire et

19 dix-sept mois à Valjevo.

20 M. Williamson (interprétation). - Est-ce que Valjevo était une prison

21 militaire ?

22 M. Dodaj (interprétation). - Non, une prison civile.

23 M. Williamson (interprétation). - Valjevo se trouve en République de

24 Serbie ?

25 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

Page 564

1 M. Williamson (interprétation). - Quand avez-vous été relâché de

2 Valjevo ?

3 M. Dodaj (interprétation). - Le 21 novembre 1993.

4 M. Williamson (interprétation). - Etes-vous retourné en Croatie à ce

5 moment-là ?

6 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

7 M. Williamson (interprétation). - Maintenant, je voudrais que l’on montre

8 au témoin un document qui sera enregistré en tant que pièce à conviction

9 de l'accusation...

10 M. le Greffier. - Numéro 24.

11 M. Williamson (interprétation). - ...24. Monsieur Dodaj, vous rappelez-

12 vous avoir été interrogé en 1996 par un enquêteur du Bureau du Procureur

13 de ce Tribunal ?

14 M. Dodaj (interprétation). - Oui, je m'en souviens.

15 M. Williamson (interprétation). - Au cours de l'entretien que vous avez eu

16 avec cet enquêteur, avez-vous donné une déclaration qui a été traduite en

17 anglais, et ensuite retraduite à votre intention en langue croate ?

18 M. Dodaj (interprétation). - Ma signature ne figure que sur la version

19 anglaise, mais j'en ai une en croate également.

20 M. Williamson (interprétation). - Au moment où vous avez fait cette

21 déclaration, vous a-t-elle été interprétée oralement en croate ?

22 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

23 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous signé cette déclaration ?

24 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

25 M. Williamson (interprétation). - Pouvez-vous me dire si c'est bien votre

Page 565

1 signature qui est apposée sur la version de la déclaration que vous avez

2 entre les

3 mains ?

4 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

5 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, Madame et

6 Messieurs les Juges, je demande le versement sous scellés au dossier de ce

7 document en tant que pièce à conviction de l'accusation numéro 24. La

8 version croate sera la pièce à conviction de l’accusation 24/A dont je

9 demande également le versement au dossier sous scellés.

10 M. le Président (interprétation). - Très bien. Il n'y a pas d'objection de

11 la part de la défense ? Donc la pièce est admise.

12 M. Williamson (interprétation). - Je n'ai plus de questions à poser au

13 témoin.

14 M. le Président (interprétation). - Maître Fila ?

15 M. Fila (interprétation). - Je voudrais informer le Tribunal que selon le

16 Code pénal yougoslave, il n'y a pas de prison particulière pour purger une

17 peine prononcée par un tribunal militaire. Est-ce bien cela, Monsieur ?

18 M. Dodaj (interprétation). - Je ne sais pas si c'est cela. Nous étions

19 quatre personnes de Croatie et 150 délinquants dans la prison. Alors,

20 imaginez que vous soyez dans une telle prison !

21 M. Fila (interprétation). - Oui, je suis d'accord, mais ce n'était pas une

22 prison définie pour ce genre de peines. C'était une prison réservée aux

23 jeunes délinquants, n'est-ce pas ?

24 M. Dodaj (interprétation). - Oui, aux délinquants.

25 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, il n'y a pas de prison

Page 566

1 militaire en Yougoslavie.

2 Monsieur le témoin, essayons de voir quelques dates. Quand, à peu près,

3 êtes-vous partis vers la caserne de la JNA ?

4 M. Dodaj (interprétation). - Nous sommes partis aux alentours de

5 8 heures 30, 10 heures. Nous sommes arrivés vers 11 heures à la caserne.

6 M. Fila (interprétation). - Combien de temps êtes-vous restés devant la

7 caserne ?

8 M. Dodaj (interprétation). - 45 minutes environ.

9 M. Fila (interprétation). - Savez-vous à peu près combien de temps il vous

10 a fallu pour arriver à Ovcara et à quel moment êtes-vous partis puisque

11 vous avez dit être restés sur place 1 heure 30 environ ?

12 M. Dodaj (interprétation). - Nous sommes partis pour Ovcara vers

13 2 heures 30, à peu près. Je ne pourrais pas vous le dire exactement.

14 M. Fila (interprétation). - Mais il faisait jour ?

15 M. Dodaj (interprétation). - Oui, il faisait jour.

16 M. Fila (interprétation). - D'après votre déclaration, vous avez vu une

17 porte d'entrée au hangar. Savez-vous combien il y avait d'entrées dans ce

18 hangar ?

19 M. Dodaj (interprétation). - Deux.

20 M. Fila (interprétation). - Une porte arrière et une porte avant, ou deux

21 portes l'une à côté de l'autre ?

22 M. Dodaj (interprétation). - Une porte à l'avant et une porte à l'arrière.

23 M. Fila (interprétation). - Quelle porte pouviez-vous voir ?

24 M. Dodaj (interprétation). - La première.

25 M. Fila (interprétation). - Pouviez-vous voir à l'intérieur ?

Page 567

1 M. Dodaj (interprétation). - Oui, on pouvait voir à l'intérieur puisque la

2 porte était ouverte.

3 M. Fila (interprétation). - Il faisait jour ?

4 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

5 M. Fila (interprétation). - Y avait-il de la lumière à l'intérieur ?

6 M. Dodaj (interprétation). - Non.

7 M. Fila (interprétation). - Votre nom et votre prénom étant secrets, je

8 vous demanderai quelle est votre date de naissance ?

9 M. Dodaj (interprétation). - Vous devez la connaître !

10 M. Williamson (interprétation). - Je fais objection, Monsieur le

11 Président, à ce que le témoin dise sa date de naissance. Cela permettrait

12 exagérément de l'identifier et ce n'est pas indispensable.

13 M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, vous avez déclaré que ce témoin

14 ne demandait qu'une déformation du visage et que tout le reste ne posait

15 pas de problème. Mais si le témoin ne souhaite pas répondre à une

16 question, qu'il ne le fasse pas. D'accord !

17 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Fila peut peut-être nous

18 expliquer la pertinence de cette question ? Je ne vois pas de raison de

19 diffuser la date de naissance de ce témoin un peu partout dans le monde.

20 M. le Président (interprétation). - Néanmoins, nous avons son nom.

21 M. Fila (interprétation). - J'aimerais savoir où il est né, comment

22 s'appellent son père, sa mère et quelle est sa nationalité. C'est ce qui

23 figure dans toutes les déclarations de témoin. Enfin, cela n'a pas

24 d'importance. Dans sa déclaration, ces éléments ne figurent pas.

25 M. le Président (interprétation). - Vous pouvez procéder. Posez la

Page 568

1 question.

2 M. Fila (interprétation). - J'aimerais connaître le nom de votre père, où

3 vous êtes né, votre date de naissance.

4 M. Dodaj (interprétation). - Je ne répondrai pas à ces questions.

5 M. le Président (interprétation). - Puis-je demander au témoin pourquoi il

6 refuse de répondre à ces questions ?

7 M. Dodaj (interprétation). - Pour garantir ma sécurité, tout simplement.

8 Je viens du Kosovo, région sous occupation serbe. C'est pour cela. Mais je

9 vis en Croatie. Ma famille est en Croatie, mais il y a également des

10 membres de ma famille dans le Kosovo.

11 M. Fila (interprétation). - Etes-vous albanais de nationalité ?

12 M. Dodaj (interprétation). - Oui, en effet.

13 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit qu'il n'y avait que des gens de

14 Vukovar qui se battaient à Vukovar.

15 M. Dodaj (interprétation). - C'est le cas, effectivement.

16 M. Fila (interprétation). - Mais vous êtes de Vukovar ?

17 M. Dodaj (interprétation). - Je ne suis pas de Vukovar.

18 M. Fila (interprétation). - Combien y avait-il de gens de Vukovar comme

19 vous ?

20 M. Dodaj (interprétation). - Je n'en connais que quatre.

21 M. Fila (interprétation). - Ils n'étaient pas de Vukovar mais ils se

22 battaient à Vukovar ?

23 M. Dodaj (interprétation). - Oui, c'est une partie de la Croatie.

24 M. Fila (interprétation). - Le Kosovo est une partie de la Croatie ?

25 M. Dodaj (interprétation). - Pas le Kosovo, mais Vukovar.

Page 569

1 M. Fila (interprétation). - Mais vous êtes du Kosovo ?

2 M. Dodaj (interprétation). - Non, je suis de Croatie.

3 M. Fila (interprétation). - Vous êtes un Albanais de Croatie ?

4 M. Dodaj (interprétation). - Je vis en Croatie. J'ai tous mes documents.

5 J'ai terminé mes études en Croatie.

6 M. Fila (interprétation). - Le Tribunal statuera. Quand vous êtes parti,

7 avez-vous emporté vos armes ?

8 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

9 M. Fila (interprétation). - Qu'avez-vous emporté ?

10 M. Dodaj (interprétation). - Un fusil automatique.

11 M. Fila (interprétation). - Qui n'est pas votre propriété sans doute ?

12 M. Dodaj (interprétation). - Je l'ai reçu, on me l'a donné.

13 M. Fila (interprétation). - Est-ce pour cela qu'on vous a jugé à

14 Belgrade ? Parce qu'entre autres, vous avez emporté un fusil qui ne vous

15 appartenait pas ?

16 M. Dodaj (interprétation). - Oui, en effet.

17 M. Fila (interprétation). - On vous a jugé pour désertion ?

18 M. Dodaj (interprétation). - Oui.

19 M. Fila (interprétation). - Avez-vous utilisé ce fusil pour tirer plus

20 tard ?

21 M. Dodaj (interprétation). - Je n'ai pas tiré.

22 M. Fila (interprétation). - Dans votre déclaration, il est écrit que vous

23 avez rejoint des combattants.

24 M. Dodaj (interprétation). - Je les ai rejoint, oui.

25 M. Fila (interprétation). - Mais alors, vous avez tiré avec quoi ?

Page 570

1 M. Dodaj (interprétation). - Avec un fusil.

2 M. Fila (interprétation). - Avec ce fusil ?

3 M. Dodaj (interprétation). - Pas avec ce fusil.

4 M. Fila (interprétation). - Avec un autre fusil ?

5 M. Dodaj (interprétation). - Avec un autre fusil.

6 M. Fila (interprétation). - Avec quel fusil ?

7 M. Dodaj (interprétation). - Avec un fusil de chasse.

8 M. Fila (interprétation). - Qu'est-il arrivé au fusil que vous aviez reçu

9 à l'armée ?

10 M. Dodaj (interprétation). - Je l'ai jeté.

11 M. Fila (interprétation). - Vous me dites la vérité ?

12 M. Dodaj (interprétation). - Je vous dis la vérité. Avant d'arriver à

13 Vukovar, j'ai jeté le fusil.

14 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit qu'il n'y avait que des fusils

15 de chasse et des revolvers ?

16 M. Dodaj (interprétation). - J'ai parlé d'autres armes.

17 M. Fila (interprétation). - Non, non ! Parmi les défenseurs de Vukovar, y

18 avait-il des mortiers et des mines ?

19 M. Dodaj (interprétation). - Je n'ai pas vu de mortier.

20 M. Fila (interprétation). - Et des mines ?

21 M. Dodaj (interprétation). - Je n'ai pas vu de mines non plus.

22 M. Fila (interprétation). - Vous étiez dans le bureau de la police. Cela

23 se trouve-t-il près de l'hôpital ?

24 M. Dodaj (interprétation). - A environ 200 mètres de l'hôpital.

25 M. Fila (interprétation). - A vol d'oiseau ?

Page 571

1 M. Dodaj (interprétation). - Si vous y allez à pied.

2 M. Fila (interprétation). - Et à vol d'oiseau ?

3 M. Dodaj (interprétation). - Je ne sais pas, je ne suis pas un expert en

4 distances aériennes.

5 M. Fila (interprétation). - Si j'ai bien compris, vous êtes un expert en

6 canons et vous avez utilisé des canons ?

7 M. Dodaj (interprétation). - Blindés.

8 M. Fila (interprétation). - Dans les bureaux de la police, avez-vous vu

9 des armes ?

10 M. Dodaj (interprétation). - Des armes légères, des armes d'infanterie.

11 M. Fila (interprétation). - De quel genre ? Des fusils de chasse ?

12 M. Dodaj (interprétation). - Des revolvers. Il y avait peu d'armes

13 automatiques.

14 M. Fila (interprétation). - Enfin, combien y avait-il d'autobus à Ovcara

15 lorsque vous y avez passé un certain temps ?

16 M. Dodaj (interprétation). - Je sais qu'il y en avait six ou sept. Je ne

17 sais pas exactement.

18 M. Fila (interprétation). - Dans ces six, vous comptez le vôtre ?

19 M. Dodaj (interprétation). - Six ou sept.

20 M. Fila (interprétation). - Merci, monsieur le Président, je n'ai pas

21 d'autres questions.

22 M. le Président (interprétation). - Des questions supplémentaires de la

23 part de l'accusation ?

24 M. Williamson (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur

25 le Président.

Page 572

1 M. le Président (interprétation). - J'aurai quelques questions à poser au

2 témoin. Vous avez d'abord dit, dans votre déposition orale, que lorsque

3 vous étiez à la caserne, vous aviez vu des soldats, des volontaires et des

4 Aigles blancs. Qu'entendez-vous par Aigles blancs ? Ce n'était

5 probablement pas des soldats de la JNA. Etait-ce des membres des troupes

6 paramilitaires ?

7 M. Dodaj (interprétation). - C'étaient leurs paramilitaires, des civils,

8 des Serbes qui ont revêtu l'uniforme chetnik, tout simplement.

9 M. le Président (interprétation). - Ils portaient des armes ?

10 M. Dodaj (interprétation). - Oui, ils étaient armés, ils portaient des

11 armes.

12 M. le Président (interprétation). - Merci. J'ai deux questions qui portent

13 sur la période durant laquelle vous étiez membre de la JNA, aux alentours

14 de septembre 1991. D'abord, vous avez dit que lorsque vous étiez dans une

15 unité, vous faisiez partie d'une unité qui pilonnait Vukovar et qu'elle ne

16 faisait aucune distinction entre des objectifs ou des cibles civiles ou

17 militaires.

18 Je voudrais savoir si vous aviez des instructions militaires, autrement

19 dit si vous aviez reçu des ordres vous enjoignant de ne pas faire de

20 différences entre les objectifs civils et militaires ou s'il s'agissait

21 d'une initiative de votre unité. Avez-vous eu connaissance de quelque

22 instruction ou ordre émanant d'un supérieur et stipulant qu'il ne vous

23 fallait faire aucune distinction entre un objectif civil et un objectif

24 militaire ?

25 M. Dodaj (interprétation). - Nous avons reçu des instructions de notre

Page 573

1 commandant selon lesquelles il fallait que nous détruisions la ville et

2 qu'il n'y avait pas de différence entre les objectifs civils ou

3 militaires. Il n'y avait que des objectifs civils sur lesquels nous

4 tirions. Tout ce qui était croate devait être détruit, pour dire les

5 choses simplement.

6 M. le Président (interprétation). - Merci. Vous avez dit également,

7 toujours s'agissant de la période où vous faisiez partie d'une unité de la

8 JNA -et je cite vos propos- que vous coopériez étroitement avec des

9 troupes paramilitaires. Pouvez-vous nous expliquer ce que vous entendez

10 par "coopération étroite entre les membres de la JNA et les troupes

11 paramilitaires sur place" ?

12 M. Dodaj (interprétation). - C'est l'armée qui collaborait avec eux. Ce

13 n'était pas moi, personnellement.

14 Je n'étais pas en contact avec eux. En revanche, l'armée, si, étant donné

15 qu'ils avaient un quartier général commun à Negoslavci. Ils s'y

16 réunissaient tous. Les gens d'Arkan cherchaient les Aigles blancs et les

17 représentants de l'armée.

18 M. le Président (interprétation). - Mais savez-vous si ces troupes

19 paramilitaires recevaient des instructions de la part de la JNA ou s'ils

20 faisaient partie de la chaîne de commandement de la JNA, ou bien s'ils

21 agissaient de manière indépendante par rapport à la JNA ?

22 M. Dodaj (interprétation). - Je pense qu'ils agissaient de manière

23 indépendante. Ce qu'ils faisaient, c'est incroyable.

24 M. le Président (interprétation). - Merci. Y a-t-il des objections à ce

25 que le témoin se retire de manière définitive ? Merci beaucoup d'être

Page 574

1 venu, Monsieur Dodaj. Maintenant, vous pouvez vous retirer.

2 M. Dodaj (interprétation). - Merci à vous aussi de m'avoir écouté.

3 (Le témoin quitte la salle d'audience.)

4 M. le Président (interprétation). - Le Procureur appellera-t-il maintenant

5 le Témoin I ?

6 M. Waespi (interprétation). - Oui. Effectivement, nous avons changé

7 l'ordre. Le témoin est d'accord, lui aussi, pour que l'on révèle son

8 identité. Sa seule condition est que son image soit déformée comme c'était

9 le cas pour le témoin précédent.

10 Le témoin est introduit dans la salle d'audience.

11 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Veuillez prêter serment s'il

12 vous plaît.

13 M. Zlogledja (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 M. le Président (interprétation). - Merci, veuillez vous asseoir. Vous

16 pouvez poursuivre, Monsieur le Procureur.

17 M. Waespi (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Bonjour

18 Monsieur Zlogledja.

19 M. Zlogledja (interprétation). - Bonjour.

20 M. Waespi (interprétation). - Veuillez décliner votre identité pour le

21 procès-verbal.

22 M. Zlogledja (interprétation). - Zlatko Zlogledja.

23 M. Waespi (interprétation). - Merci. Avez-vous eu un entretien en

24 avril 1996 avec un enquêteur de ce Tribunal ?

25 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

Page 575

1 M. Waespi (interprétation). - Vous souvenez-vous si vous avez signé un

2 document qui était la traduction vers l'anglais de cet entretien ?

3 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

4 M. Waespi (interprétation). - Je demanderai à Monsieur l'huissier, quand

5 il aura terminé ce qu'il est en train de faire, merci... Veuillez examiner

6 ce document et nous dire si vous voyez votre signature apposée en bas de

7 ce document.

8 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

9 M. Waespi (interprétation). - Merci. Je demanderai à l'huissier de montrer

10 ce document également au conseil de la défense. Je demande le versement au

11 dossier. Je suppose qu'il s'agirait des pièces à conviction numéro 25 et

12 25/A pour la traduction vers la langue croate.

13 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des objections ? Merci.

14 M. Waespi (interprétation). - Commençons maintenant votre interrogatoire.

15 Où êtes-vous né ?

16 M. Zlogledja (interprétation). - A Sisak.

17 M. Waespi (interprétation). - Sisak est en Croatie, est-ce exact ?

18 M. Zlogledja (interprétation). - Oui c'est en Croatie.

19 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire quelle est votre

20 formation et votre expérience professionnelle ?

21 M. Zlogledja (interprétation). - J'ai terminé mon école primaire à

22 Savaska Dubiza*. J'ai terminé le lycée à Bosnoza Dubiza*, et après

23 l'école, je n'ai pas eu de travail.

24 M. Waespi (interprétation). - Après l'école, vous êtes allé directement

25 dans l'armée. Est-ce exact ?

Page 576

1 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

2 M. Waespi (interprétation). - Il s'agissait de quelle armée ? De la JNA ?

3 M. Zlogledja (interprétation). - A Valjo*.

4 M. Waespi (interprétation). - Oui, mais lorsque vous dites l'armée, vous

5 êtes d'accord avec moi pour dire que vous pensez la JNA ?

6 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, la JNA

7 M. Waespi (interprétation). - Merci. Vous êtes resté au sein de cette

8 armée pendant combien de temps ?

9 M. Zlogledja (interprétation). - Pendant environ six mois.

10 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous dire exactement durant

11 quelle période ?

12 M. Zlogledja (interprétation). - C'était entre le mois de mars et le mois

13 de septembre.

14 M. Waespi (interprétation). - Et vous parlez de l'année 1991 ? Est-ce

15 exact ?

16 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, 1991.

17 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous maintenant nous expliquer quel

18 était le service militaire que vous avez fait ? Vous avez commencé par une

19 formation, est-ce exact ?

20 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, nous avons eu une formation

21 accélérée qui a duré trois mois.

22 M. Waespi (interprétation). - Ensuite, où êtes-vous allé ?

23 M. Zlogledja (interprétation). - Non.

24 M. Waespi (interprétation). - Après avoir terminé cette formation, vous a-

25 t-on dit d'aller quelque part pour continuer à vous acquitter de vos

Page 577

1 tâches de soldats ?

2 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, après cette formation accélérée,

3 nous devions partir pour la Slovénie.

4 M. Waespi (interprétation). - Etes-vous arrivés jusqu'à la Slovénie, à un

5 moment ?

6 M. Zlogledja (interprétation). - Non, nous sommes arrivés jusqu'à Sabac,

7 et c'est là que nous sommes restés.

8 M. Waespi (interprétation). - Vous êtes restés à Sabac pendant combien de

9 temps ?

10 M. Zlogledja (interprétation). - Environ deux mois.

11 M. Waespi (interprétation). - Après cela, vous a-t-on dit de faire autre

12 chose ?

13 M. Zlogledja (interprétation). - Non. Ils ont dit que la situation s'était

14 calmée et que nous allions rentrer dans la caserne, quelque part

15 probablement à Sabac.

16 M. Waespi (interprétation). - Dans quelle caserne êtes-vous allés ?

17 M. Zlogledja (interprétation). - Nous ne sommes partis nulle part. Nous

18 sommes restés à Sabac à l'endroit où nous avons été auparavant.

19 M. Waespi (interprétation) - Après ce séjour à Sabac, étiez-vous censés

20 aller à Vukovar ?

21 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, nous avons quitté Sabac pour aller

22 vers Vukovar par la route de Sid.

23 M. Waespi (interprétation). - Etes-vous d’abord arrivés à Vukovar ou à

24 Sid ?

25 M. Zlogledja (interprétation). - Non, d’abord à Sid et ensuite à Vukovar.

Page 578

1 M. Waespi (interprétation). - Etes-vous arrivés directement en ville ou

2 bien vous trouviez-vous sur une position en dehors de la ville ?

3 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, nous sommes arrivés à Negoslavci.

4 Nous étions donc dans la banlieue de Vukovar et non dans la ville.

5 M. Waespi (interprétation). - A un moment donné, avez-vous décidé de vous

6 enfuir et de déserter ?

7 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

8 M. Waespi (interprétation). - Vous souvenez-vous de la date de cet

9 événement ?

10 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, c'était vers le 20 septembre.

11 M. Waespi (interprétation). - Nous parlons toujours de 1991 ?

12 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, de 1991.

13 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous

14 avez décidé de déserter ? Avez-vous été encouragé à le faire du fait que

15 la plupart des membres de la JNA étaient des Serbes ?

16 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, c'est exact. Tout nous amenait à

17 conclure qu'il s'agissait d'une armée serbe : les drapeaux, les chansons

18 serbes, tout.

19 M. Waespi (interprétation). - Les soldats serbes qui y étaient avec vous,

20 vous disaient-ils aussi qu'il fallait que vous quittiez l'armée car il

21 s'agissait maintenant d'une armée serbe ?

22 M. Zlogledja (interprétation). - Oui. Ils n'arrêtaient pas de nous

23 provoquer. Ils nous disaient : "Qu'attendez-vous ? Les Oustachi, les

24 Zenga, partez".

25 M. Waespi (interprétation). - Donc, vous vous êtes enfuis, est-ce exact ?

Page 579

1 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

2 M. Waespi (interprétation). - Où êtes-vous allés exactement ?

3 M. Zlogledja (interprétation). - Nous sommes allés dans un quartier, qui

4 s’appelait Lujas je crois. Ensuite, nous sommes allés à Vukovar avec

5 l'aide d'un civil.

6 M. Waespi (interprétation). - Où êtes-vous allés exactement à Vukovar ?

7 M. Zlogledja (interprétation). - Nous sommes allés au poste de police.

8 M. Waespi (interprétation). - A la fin, avez-vous rejoint les rangs des

9 forces croates ?

10 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

11 M. Waespi (interprétation). - Connaissez-vous le nom de cette formation ?

12 M. Zlogledja (interprétation). - Il s'agissait des forces réservistes de

13 la police.

14 M. Waespi (interprétation). - Etes-vous allés sur les lignes de front avec

15 cette formation ?

16 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, effectivement, nous sommes allés sur

17 des lignes de front.

18 M. Waespi (interprétation). - Etes-vous allés, à la fin, à l'hôpital de

19 Vukovar parce qu'une des personnes qui étaient avec vous était blessée ?

20 M. Zlogledja (interprétation). - Oui. Nous l'avons emmenée à l'hôpital et

21 nous y sommes restés.

22 M. Waespi (interprétation). - Vous rappelez-vous la date à laquelle vous

23 êtes allés à l'hôpital ?

24 M. Zlogledja (interprétation). - Je pense qu'il s'agissait du

25 18 novembre 1991.

Page 580

1 M. Waespi (interprétation). - Quand vous étiez à l'hôpital, avez-vous

2 remarqué des soldats de la JNA, vos anciens collègues et des réservistes ?

3 M. Zlogledja (interprétation). - Pas le jour où nous sommes arrivés à

4 l'hôpital, pas encore.

5 M. Waespi (interprétation). - Quand les avez-vous vus ?

6 M. Zlogledja (interprétation). - Le lendemain, c'était donc le 19 après-

7 midi.

8 M. Waespi (interprétation). - Il s'agissait de quel genre de soldats ?

9 Pouvez-vous nous les décrire ?

10 M. Zlogledja (interprétation). - Il s'agissait de Serbes locaux, de

11 réservistes. Ils étaient pleins de haine, de désespoir et ils avaient

12 l'air terrible.

13 M. Waespi (interprétation). - Comment pouvez-vous établir la différence

14 entre ces Serbes locaux et les soldats de la JNA ? Pouvez-vous nous les

15 décrire ?

16 M. Zlogledja (interprétation). - Il n'y a pas de différence profonde, mais

17 les réservistes locaux étaient encore moins disciplinés que les soldats de

18 la JNA.

19 M. Waespi (interprétation). - A ce moment-là, vous étiez à l'hôpital. Les

20 combats autour de Vukovar continuaient-ils ?

21 M. Zlogledja (interprétation). - Non, il n'y avait pratiquement plus de

22 combats.

23 M. Waespi (interprétation). - Pendant combien de temps êtes-vous resté à

24 l'hôpital ?

25 M. Zlogledja (interprétation). - J'y ai passé la journée et la nuit. J’y

Page 581

1 suis resté jusqu'au lendemain matin.

2 M. Waespi (interprétation). - Et où êtes-vous resté ? Dans l'hôtel ? A un

3 certain étage ?

4 M. Zlogledja (interprétation). - Je ne comprends pas la question.

5 M. Waespi (interprétation). - Y avait-il un sous-sol dans l'hôpital dans

6 lequel vous auriez pu rester ? Ou bien étiez-vous au premier étage ou au

7 deuxième étage ?

8 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, j'étais au sous-sol.

9 M. Waespi (interprétation). - Vous avait-on dit que les gens de l'hôpital

10 allaient être évacués ?

11 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, l'évacuation devait avoir lieu dans

12 l'après-midi, le 19.

13 M. Waespi (interprétation). - Vous aussi, avez-vous été évacué lors de

14 l’évacuation dont vous venez de parler ?

15 M. Zlogledja (interprétation). - Non. Ils ont évacué les femmes, les

16 enfants et les personnes âgées. Moi, j'ai décidé de rester.

17 M. Waespi (interprétation). - Maintenant, parlons du lendemain matin, le

18 20 novembre. Vous a-t-on dit de vous diriger vers la sortie de l'hôpital ?

19 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

20 M. Waespi (interprétation). - Vous rappelez-vous l’heure ?

21 M. Zlogledja (interprétation). - C'était vers 8 heures du matin.

22 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous dire ce que vous avez vu à

23 la sortie ? Des gens ? Des véhicules ?

24 M. Zlogledja (interprétation). - Des soldats serbes s’y trouvaient, des

25 réservistes.

Page 582

1 M. Waespi (interprétation). - Que vous est-il arrivé ? Vous a-t-on donné

2 des instructions quant à votre comportement ?

3 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, il fallait mettre les mains derrière

4 le dos, sortir de l'hôpital et nous mettre en rang.

5 M. Waespi (interprétation). - Que s’est-il passé ensuite ?

6 M. Zlogledja (interprétation). - Les soldats serbes nous ont fouillé. Nous

7 devions rester tranquille.

8 M. Waespi (interprétation). - Que cherchaient-il ? Le savez-vous ?

9 M. Zlogledja (interprétation). - Ils cherchaient des armes, quelque chose

10 comme ça.

11 M. Waespi (interprétation). - Y avait-il des femmes et des enfants autour

12 de vous ?

13 M. Zlogledja (interprétation). - Il y a eu quelques femmes, des membres du

14 personnel médical. Des enfants, je n'en ai pas vus.

15 M. Waespi (interprétation). - Ont-ils aussi fouillé les femmes ?

16 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, tout à fait et complètement.

17 M. Waespi (interprétation). - Que s’est-il passé ensuite ? Vous a-t-on

18 emmenés jusqu'aux autobus ?

19 M. Zlogledja (interprétation). - Quand tout cela s'est terminé, ils nous

20 ont dit d'entrer dans les autobus.

21 M. Waespi (interprétation). - Combien d'autobus y avait-il ?

22 M. Zlogledja (interprétation). - Je dirais environ huit.

23 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous décrire ces bus ? Etait-ce des

24 bus civils ou militaires ?

25 M. Zlogledja (interprétation). - C’était des bus civils.

Page 583

1 M. Waespi (interprétation). - Vous souvenez-vous de leur couleur ?

2 M. Zlogledja (interprétation). - Je pense qu'ils étaient bleu ou rouge.

3 M. Waespi (interprétation). - Parlons maintenant, de nouveau, des soldats

4 qui vous ont fouillés. Etaient-ils eux aussi des Serbes locaux ?

5 M. Zlogledja (interprétation). - Ils étaient mixtes.

6 M. Waespi (interprétation). - Ont-ils montré du doigt certaines personnes,

7 certains hommes qui ont ensuite été éloignés ?

8 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, ils reconnaissaient leurs amis,

9 leurs voisins et ils les faisaient sortir du groupe.

10 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous vu seulement des soldats autour,

11 ou bien aussi un officier avec un grade ?

12 M. Zlogledja (interprétation). - Oui. J'ai vu Sljivancanin.

13 M. Waespi (interprétation). - Etait-il le seul officier supérieur présent

14 sur place, au moins d'après ce que, vous, vous avez vu ?

15 M. Zlogledja (interprétation). - Je l'ai vu, je l'ai reconnu, mais j'ai

16 l'impression qu'il y avait d'autres officiers aussi.

17 M. Waespi (interprétation). - Comment était-il vêtu ?

18 M. Zlogledja (interprétation). - Il portait un uniforme de camouflage.

19 M. Waespi (interprétation). - Quelle impression vous a donné

20 Sljivancanin ? Aviez-vous l'impression qu'il était la personne responsable

21 de l'opération ?

22 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

23 M. Waespi (interprétation). - Sljivancanin appartenait-il à la JNA ou bien

24 faisait-il partie des Serbes locaux dont vous avez parlé tout à l'heure ?

25 M. Zlogledja (interprétation). - La JNA, mais ils sont tous pareils

Page 584

1 profondément.

2 M. Waespi (interprétation). - Vous avez vu des Serbes locaux. Vous avez vu

3 Sljivancanin qui faisait partie de la JNA. Y a-t-il eu aussi des soldats

4 de la JNA ?

5 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

6 M. Waespi (interprétation). - Aviez-vous l'impression que tous les

7 soldats, ceux de la JNA et les Serbes locaux, fonctionnaient de manière

8 coordonnée ?

9 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

10 M. Waespi (interprétation). - Vous avez parlé de Sljivancanin. Combien de

11 temps l'avez-vous vu sur place ?

12 M. Zlogledja (interprétation). - Il est passé plusieurs fois. Il est entré

13 à l'hôpital. Il en est sorti.

14 M. Waespi (interprétation). - Pendant combien de temps y êtes-vous resté ?

15 M. Zlogledja (interprétation). - Le tout, y compris la fouille, a duré

16 environ une heure.

17 M. Waespi (interprétation). - Ensuite, on vous a emmené jusqu'aux autobus

18 que vous venez de décrire ?

19 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

20 M. Waespi (interprétation). - Y a-t-il eu des gardes a bord de vos

21 autobus ?

22 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

23 M. Waespi (interprétation). - Vous souvenez-vous de leur nombre ?

24 M. Zlogledja (interprétation). - Il y avait le chauffeur, qui était armé.

25 Je pense qu'il y en avait encore deux à l'avant, près du chauffeur.

Page 585

1 M. Waespi (interprétation). - Le chauffeur portait-il aussi un uniforme ?

2 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, il portait un uniforme.

3 M. Waespi (interprétation). - Ces gardes appartenaient-ils à la JNA ou

4 bien étaient-ils des Serbes locaux ?

5 M. Zlogledja (interprétation). - Je pense que les gardes appartenaient à

6 la JNA.

7 M. Waespi (interprétation). - Combien de personnes y avait-il dans

8 l'autobus avec vous ?

9 M. Zlogledja (interprétation). - L'autobus était plein.

10 M. Waespi (interprétation). - Quand vous dites "plein", cela veut dire

11 environ combien de personnes ?

12 M. Zlogledja (interprétation). - Environ 40 à 50.

13 M. Waespi (interprétation). - Connaissiez-vous quelques-uns des autres

14 passagers ?

15 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

16 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous dire leurs noms ?

17 M. Zlogledja (interprétation). - Dodaj, Ivica. Je ne me rappelle plus

18 d'autres noms.

19 M. Waespi (interprétation). - Vous a-t-on dit quelle était la destination

20 de cet autobus ?

21 M. Zlogledja (interprétation). - Non. Nous avons simplement démarré dans

22 une direction inconnue.

23 M. Waespi (interprétation). - Lorsque vous avez démarré avec votre

24 autobus, aviez-vous l'impression que les combats continuaient dans la

25 ville ou aviez-vous l'impression qu’ils étaient terminés ?

Page 586

1 M. Zlogledja (interprétation). - Non, il n'y avait plus de combats.

2 M. Waespi (interprétation). - Où est parti l'autobus ?

3 M. Zlogledja (interprétation). - Ils nous ont conduits vers la caserne de

4 Vukovar où nous nous sommes arrêtés.

5 M. Waespi (interprétation). - Combien de temps le trajet jusqu'à cette

6 destination, à savoir la caserne, a-t-il duré ?

7 M. Zlogledja (interprétation). - Environ une heure.

8 M. Waespi (interprétation). - Vous souvenez-vous du moment où vous êtes

9 arrivé dans la caserne ?

10 M. Zlogledja (interprétation). - C'était environ vers 11 heures.

11 M. Waespi (interprétation). - Que s’est-il passé dans la caserne ? Avez-

12 vous vu des soldats aux alentours ?

13 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, il y avait leurs soldats dans la

14 caserne.

15 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous dire de nouveau s'il

16 s'agissait des soldats de la JNA ou bien de ceux que vous avez décrits en

17 tant que Serbes locaux ?

18 M. Zlogledja (interprétation). - Oui. Ils étaient mixtes. Il y avait à la

19 fois des soldats de la JNA et des réservistes, à savoir des Serbes locaux.

20 M. Waespi (interprétation). - Les Serbes locaux sont-ils entrés dans

21 l'autobus où vous étiez assis ? Ont-ils commencé à tabasser les personnes

22 qui s'y trouvaient ?

23 M. Zlogledja (interprétation). - Oui. Ils sont entrés par la porte avant.

24 Ils faisaient du bruit. Ils disaient : "Oustachis, nous allons tous vous

25 tuer, nous allons tous vous fusiller". Ils tabassaient les gens.

Page 587

1 M. Zlogledja (interprétation). - Saviez-vous qu'il s'agissait des Serbes

2 locaux parce que les autres personnes qui étaient avec vous dans l'autobus

3 les connaissaient ?

4 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, parce qu'ils entraient dans les

5 autobus. En fait, ils ont reconnu plusieurs personnes qui étaient à bord

6 de l'autobus. Ils les ont fait sortir.

7 M. Waespi (interprétation). - Des personnes ont donc été emmenées à

8 l'extérieur des autobus. Combien de personnes ont dû quitter votre

9 autobus ?

10 M. Zlogledja (interprétation). - Dans mon autobus, il y avait quatre ou

11 cinq personnes que l'on a fait sortir.

12 M. Waespi (interprétation). - Connaissez-vous leurs noms ?

13 M. Zlogledja (interprétation). - Non. Je ne sais pas. Je pense qu'il y

14 avait

15 trois ou quatre personnes qui étaient de Vukovar. Il y en avait un qui

16 était de Zagreb. Je sais qu'il était de Zagreb, mais je ne connais pas son

17 nom.

18 M. Waespi (interprétation). - Vous êtes resté dans la cour de la caserne

19 pendant combien de temps ?

20 M. Zlogledja (interprétation). - Nous avons passé environ une heure ou

21 peut-être deux heures là-bas.

22 M. Waespi (interprétation). - Que s’est-il passé ensuite ?

23 M. Zlogledja (interprétation). - Ensuite, nous avons poursuivi notre

24 chemin dans une direction que nous ignorions. Nous nous sommes arrêtés

25 dans un champ devant un hangar.

Page 588

1 M Waespi (interprétation). - Revenons un peu en arrière. Y avait-il

2 toujours des gardes dans l'autobus quand vous avez quitté la caserne ?

3 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

4 M Waespi (interprétation). - Est-ce que ces gardes étaient les mêmes que

5 ceux qui sont entrés dans l'autobus devant l'hôpital ?

6 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

7 M Waespi (interprétation). - Peut-être est-ce le moment propice pour faire

8 une pause ?

9 M. le Président (interprétation). - Nous allons faire une pause de

10 20 minutes.

11 L'audience, suspendue à 16 heures, est reprise à 16 heures 25.

12 M Waespi (interprétation). - Juste avant la pause, vous disiez que les bus

13 ont redémarré et sont partis dans une autre direction ? Ils ont quitté la

14 caserne, est-ce

15 exact ?

16 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

17 M Waespi (interprétation). - Vous a-t-on dit cette fois quelle était la

18 destination du voyage ?

19 M. Zlogledja (interprétation). - Non.

20 M Waespi (interprétation). - Quelle était la destination ?

21 M. Zlogledja (interprétation). - Nous avons commencé à aller dans une

22 direction qui nous était inconnue et nous nous sommes arrêtés devant un

23 hangar, dans un champ.

24 M Waespi (interprétation). - Combien de temps avez-vous mis en autobus

25 pour arriver jusqu'à cet endroit ?

Page 589

1 M. Zlogledja (interprétation). - Environ 20 minutes... entre 20 minutes et

2 une demi-heure.

3 M Waespi (interprétation). - Vous venez de dire qu'il y avait un hangar.

4 Pouvez-vous nous décrire plus précisément ce vous avez vu ?

5 M. Zlogledja (interprétation). - Oui. C'était un hangar long. La porte

6 était ouverte. Par la suite, les gens des bus y sont rentrés.

7 M Waespi (interprétation). - Outre les bus, y avait-il d'autres véhicules

8 militaires ou civils ou équipements agricoles qui se trouvaient là ?

9 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, il y avait des véhicules militaires

10 qui servaient au transport, des jeeps, des bulldozers à usage civil qui se

11 trouvaient sur le côté, ainsi que des blindés transport de troupes.

12 M Waespi (interprétation). - Où se trouvait votre bus par rapport à tous

13 les autres véhicules et aux autres bus plus précisément ?

14 M. Zlogledja (interprétation). - Eh bien, les bus étaient en colonne. Ils

15 formaient une colonne les uns derrière les autres.

16 M. Waespi (interprétation). - A ce moment-là, lorsque que vous vous êtes

17 approché de ces endroits, qu'avez-vous pensé ? Qu'aviez-vous l'impression

18 qu’il allait se produire ? Pouvez-vous nous décrire vos sentiments à ce

19 moment-là, après tant de temps, tant d'années ?

20 M. Zlogledja (interprétation). - Oui. J'ai pensé que quelque chose de

21 mauvais allait se produire au moment où nous sommes descendus, quelque

22 chose de mal.

23 M. Waespi (interprétation). - Qu'est-il arrivé aux passagers des autres

24 bus qui se trouvaient devant vous ? Qu'avez-vous vu de l'endroit où vous

25 vous trouviez ?

Page 590

1 M. Zlogledja (interprétation). - Tous les autobus se sont arrêtés devant

2 la porte. Les gens descendaient et devaient entrer dans le hangar. Sur le

3 côté, il y avait des soldats avec des matraques, des bâtons. Ils

4 frappaient les gens qui leur passaient devant, en direction du hangar.

5 M. Waespi (interprétation). - Des gens ont-ils été isolés du groupe parmi

6 ceux qui allaient vers le hangar ?

7 M. Zlogledja (interprétation). - Oui. Il y avait les Serbes locaux, qui

8 reconnaissaient sans doute leurs voisins et qui les séparaient du groupe.

9 Ils étaient frappés également, mais ils n'entraient pas dans le hangar.

10 M. Waespi (interprétation). - Vous avez parlé des Serbes locaux. Y avait-

11 il également des soldats de la JNA ?

12 M. Zlogledja (interprétation). - Oui. Il y avait les deux.

13 M. Waespi (interprétation). - Combien de soldats en tout, c’est-à-dire

14 soldats de la JNA et Serbes locaux ? Combien étaient-ils à peu près ?

15 M. Zlogledja (interprétation). - Environ 30, tous ensemble.

16 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous dire s'il y avait plus de

17 soldats de la JNA ou plus de Serbes locaux ?

18 M. Zlogledja (interprétation). - Je crois qu'il y avait une majorité de

19 Serbes locaux.

20 M. Waespi (interprétation). - Après que votre bus s'est arrêté, les

21 soldats y sont-ils montés ? Ont-ils demandé qui était albanais ?

22 M. Zlogledja (interprétation). - Oui. Ils sont rentrés et ils ont demandé

23 s'il y avait des Albanais. Si c'était le cas, ils devaient s'avancer.

24 M. Waespi (interprétation). - Y avait-il des Albanais dans votre bus que

25 vous connaissiez ?

Page 591

1 M. Zlogledja (interprétation). - Oui. Il y avait Dodaj. Il s'est avancé et

2 le soldat lui a dit que c’était lui qui allait s’en charger.

3 M. Waespi (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?

4 M. Zlogledja (interprétation). - Lorsque notre tour est venu, je crois

5 qu'il y avait un lieutenant-colonel ou un colonel, avec deux de ses

6 hommes, qui avait été battu. Ils lui ont dit que c’étaient des soldats de

7 la JNA, qu’ils avaient été faits prisonniers. Ils lui ont demandé s'il y

8 avait d'autres prisonniers. Ils ont parlé de nous deux. Ils nous ont donc

9 attendus à la porte du bus.

10 M. Waespi (interprétation). - Quand vous parlez de collègues, c'étaient

11 des collègues à vous, pas des soldats de la JNA, des officiers de la JNA,

12 n'est-ce pas ?

13 M. Zlogledja (interprétation). - Oui. Nos collègues à nous, qui étaient

14 dans les bus devant nous.

15 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous donner leurs noms ?

16 M. Zlogledja (interprétation). - Petar Kuscevic et Samin Halkic*.

17 M. Waespi (interprétation). - Que s’est-il passé lorsque vous êtes

18 descendu du bus ? Avez-vous dû passer devant cette rangée de soldats qui

19 frappaient les autres gens ou bien vous a-t-on fait passer sur le côté ?

20 M. Zlogledja (interprétation). - Non. Nous n'avons pas dû passer devant

21 cette rangée de soldats. Ils nous attendaient et ils nous ont mis de côté.

22 M. Waespi (interprétation). - Vous êtes donc allés vers ces collègues et

23 cet officier de la JNA ?

24 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

25 M. Waespi (interprétation). - Vous a-t-on frappé également au cours de

Page 592

1 cette période ?

2 M. Zlogledja (interprétation). - Pas à cet endroit.

3 M. Waespi (interprétation). - A quoi ressemblait l'officier dont vous

4 venez de parler ? Je crois que vous avez dit qu'il était colonel.

5 Pouvez-vous nous le décrire plus précisément ?

6 M. Zlogledja (interprétation). - Oui. Il avait des cheveux poivre et sel,

7 une légère calvitie. Il n'était pas très grand. Il était un peu trapu.

8 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous donner son âge à peu près ?

9 M. Zlogledja (interprétation). - Entre 40 et 50 ans.

10 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous parlé avec lui ?

11 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

12 M. Waespi (interprétation). - De quoi parliez-vous ?

13 M. Zlogledja (interprétation). - Il nous a posé des questions, de quelle

14 unité de la JNA nous étions, où nous avions été positionnés, etc.

15 M. Waespi (interprétation). - Il pensait donc sans doute que vous étiez

16 des soldats de la JNA à ce moment-là ?

17 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, sans doute. Il pensait sûrement que

18 nous étions des Serbes et que nous étions de leur côté.

19 M. Waespi (interprétation). - Et s'est-il rendu compte que ce n'était pas

20 le cas, que vous n'étiez pas des Serbes ?

21 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, par la suite il nous a demandé

22 quelle était notre nationalité. Il s'est rendu compte que nous n'étions

23 pas serbes.

24 M. Waespi (interprétation). - Comment a-t-il réagi lorsqu'il s'en est

25 rendu compte ?

Page 593

1 M. Zlogledja (interprétation). - Il a dit que nous devions savoir que nous

2 étions des déserteurs, que nous nous étions enfuis de l'armée et que les

3 déserteurs étaient exécutés, que par conséquent nous serions exécutés et

4 que nous devrions peut-être comparaître devant une Cour martiale à

5 Belgrade.

6 M. Waespi (interprétation). - Vous avez dit plus tôt, dans votre

7 témoignage, que vous aviez vu Sljivancanin à l'hôpital. Avez-vous revu

8 Sljivancanin à l'endroit dont vous parlez maintenant ?

9 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, je crois qu'il est passé à côté de

10 nous.

11 M. Waespi (interprétation). - Etait-il seul ou accompagné ?

12 M. Zlogledja (interprétation). - Non, il n'était pas seul. Il y avait deux

13 ou trois autres officiers avec lui.

14 M. Waespi (interprétation). - Quels vêtements portait-il ?

15 M. Zlogledja (interprétation). - Il portait aussi un uniforme de

16 camouflage.

17 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous eu l'impression que, tout comme à

18 l'hôpital, il était responsable de l'opération ?

19 M. Zlogledja (interprétation). - On pourrait dire cela, oui.

20 M. Waespi (interprétation). - Pendant combien de temps votre conversation

21 avec l'officier a-t-elle duré ?

22 M. Zlogledja (interprétation). - Peut-être une heure au maximum.

23 M. Waespi (interprétation). - Au cours de votre attente, avez-vous pu

24 entendre ce qui arrivait aux personnes qui se trouvaient dans le hangar ?

25 M. Zlogledja (interprétation). - Oui. Il y avait un autre autobus derrière

Page 594

1 nous et la même procédure en quelque sorte a été suivie : les personnes

2 qui descendaient du bus étaient frappées, ensuite elles devaient entrer

3 dans le hangar où elles recevaient d'autres coups.

4 M. Waespi (interprétation). - En ce qui concerne ces passages à tabac,

5 vous les avez vus ou entendus ?

6 M. Zlogledja (interprétation). - Oui, nous les avons vus. Et puis nous

7 entendions les gémissements, les cris.

8 M. Waespi (interprétation). - Qu'avez-vous pensé de la situation à la

9 ferme d'Ovcara ? Etait-ce une situation de chaos ou tout était-il bien

10 organisé ?

11 M. Zlogledja (interprétation). - On peut dire qu'en fait tout était

12 organisé parce que tout le monde attendait sur place. Ils connaissaient

13 les lieux, ce hangar, tout était préparé pour l'arrivée de ces gens.

14 M. Waespi (interprétation). - Après cette conversation avec l'officier de

15 la JNA, que s'est-il passé ?

16 M. Zlogledja (interprétation). - Il nous a dit que si nous disions la

17 vérité, on nous emmenerait à Belgrade pour comparaître devant une cour

18 martiale. Après cette conversation qui a duré environ une heure, nous

19 sommes allés à Negoslavci.

20 M. Waespi (interprétation). - Lorsque vous êtes partis -je suppose dans un

21 véhicule- de quel type de véhicule s'agissait-il ?

22 M. Zlogledja (interprétation). - C'était l'une de leurs Jeep.

23 M. Waespi (interprétation). - Lorsque vous êtes partis, faisait-il encore

24 jour ?

25 M. Zlogledja (interprétation). - Oui.

Page 595

1 M. Waespi (interprétation). - Où vous a-t-on emmenés ?

2 M. Zlogledja (interprétation). - Nous pensions que nous allions

3 directement à Belgrade. En fait, nous nous sommes arrêtés devant une

4 maison. Nous avons ensuite appris que c'était Negoslavci.

5 M. Waespi (interprétation). - Qui était avec vous dans ce véhicule

6 militaire ?

7 M. Zlogledja (interprétation). - Le chauffeur, un lieutenant-colonel et un

8 autre soldat, un garde.

9 M. Waespi (interprétation). - Ce lieutenant colonel, à un moment ou un

10 autre, vous a-t-il donné son nom ?

11 M. Zlogledja (interprétation). - Non... Je ne me rappelle pas de son nom.

12 M. Waespi (interprétation). - Que s'est-il passé lorsque vous êtes arrivé

13 à cet endroit, à Negoslavci ?

14 M. Zlogledja (interprétation). - Nous sommes sortis du véhicule, on nous a

15 fouillé une nouvelle fois. Ils nous ont bandé les yeux.

16 M. Waespi (interprétation). - Vous avez gardé ce bandeau sur les yeux

17 pendant combien de temps ?

18 M. Zlogledja (interprétation). - En fait, on nous a emmenés l'un après

19 l'autre dans un sous-sol, le sous-sol de la maison.

20 M. Waespi (interprétation). - Que s'est-il passé alors ?

21 M. Zlogledja (interprétation). - Lorsque nous sommes rentrés dans ce

22 sous-sol, nous avons entendu des gémissements, des gens se trouvaient là.

23 Nous avons pu regarder un peu sous notre bandeau et nous en avons déduit,

24 d'après les gémissements, que des personnes étaient blessées puisqu'il y

25 avait une civière.

Page 596

1 M. Waespi (interprétation). - Vous a-t-on battu également ?

2 M. Zlogledja (interprétation) - Lorsque nous sommes arrivés sur place,

3 oui. Ils entraient et nous frappaient et ils nous disaient qu’ils allaient

4 nous tuer aussi.

5 M Waespi (interprétation) - Vous souvenez-vous des personnes qui vous

6 frappaient ? Vous avez dit que vous aviez les yeux bandés, mais aviez-vous

7 certains signes qui permettaient de connaître l'identité de vos

8 assaillants ?

9 M. Zlogledja (interprétation) - Sans doute, très probablement, il

10 s'agissait de personnes de Negoslavci, des Serbes locaux parce que

11 lorsqu'on nous a dit qu'on allait nous tuer, il y avait des soldats de la

12 JNA qui étaient là. Ils nous disaient qu'ils étaient responsables de nous

13 et donc qu'il fallait qu'ils nous tuent plus tard.

14 M Waespi (interprétation) - Ensuite vous a-t-on transféré ailleurs ? Avez-

15 vous quitté Negoslavci ?

16 M. Zlogledja (interprétation) - Nous sommes restés là quelques jours,

17 quatre jours.

18 M Waespi (interprétation) - Après ces quatre jours, où vous a-t-on emmené

19 ?

20 M. Zlogledja (interprétation) - Après ces quatre jours, on nous a emmenés

21 à Belgrade aux casernes de Topcider.

22 M Waespi (interprétation) - Je n'ai plus de questions,

23 Monsieur le Président.

24 M. le Président (interprétation) - Merci. Je me tourne vers Maître Fila,

25 mais avant de commencer, Maître Fila, je voudrais vous demander, au nom

Page 597

1 des

2 interprètes, de poser votre question et d'attendre la fin de

3 l’interprétation en anglais avant que le témoin n’y réponde. Merci.

4 M. Fila (interprétation) - Vous avez reconnu le Colonel Sljivancanin ?

5 M. Zlogledja (interprétation) - Oui.

6 M. Fila (interprétation) - Le Major en fait ?

7 M. Zlogledja (interprétation) - Je ne sais pas ce qu'il était à l’époque.

8 M. Fila (interprétation) - Avait-il quelque chose sur la tête ?

9 M. Zlogledja (interprétation) - Oui, un chapeau.

10 M. Fila (interprétation) - Qu’est-ce qu’il y avait sur ce chapeau ?

11 M. Zlogledja (interprétation) - Il y avait quelque chose.

12 M. Fila (interprétation) - Quand avez-vous commencé votre service ?

13 M. Zlogledja (interprétation) - En mars.

14 M. Fila (interprétation) - En 1991 ?

15 M. Zlogledja (interprétation) - Oui.

16 M. Fila (interprétation) - Avez-vous prêté serment ?

17 M. Zlogledja (interprétation) - Oui.

18 M. Fila (interprétation) - Avez-vous un chapeau ?

19 M. Zlogledja (interprétation) - Oui.

20 M. Fila (interprétation) - Qu’y avait-il sur ce chapeau ?

21 M. Zlogledja (interprétation) - Je pense que c’était une étoile, je

22 suppose.

23 M. Fila (interprétation) - Que voulez-vous dire en disant "vous pensez",

24 cela y était ou pas ?

25 M. Zlogledja (interprétation) - Oui, cela y était.

Page 598

1 M. Fila (interprétation) - C'était un insigne de la JNA ou de la Serbie ?

2 M. Zlogledja (interprétation) - De la JNA.

3 M. Fila (interprétation) - Avant de quitter la caserne, aviez-vous un

4 étendard à la caserne ?

5 M. Zlogledja (interprétation) - Oui, à la caserne.

6 M. Fila (interprétation) - Quel étendard ?

7 M. Zlogledja (interprétation) - Dans la caserne, c’était un étendard

8 yougoslave.

9 Fila (interprétation) - Quand et où avez-vous vu un étendard serbe à la

10 caserne de la JNA ? .

11 M. Zlogledja (interprétation) - Au-delà de Sid.

12 M. Fila (interprétation) - Où avez-vous vu Sljivancanin ?

13 M. Zlogledja (interprétation) - A Vukovar.

14 M. Fila (interprétation) - On n'utilisait plus le drapeau yougoslave

15 pendant que vous étiez dans l'armée ?

16 M. Zlogledja (interprétation) - Les réservistes utilisaient l'étendard

17 serbe.

18 M. Fila (interprétation) - Et l'étendard de la JNA ?

19 M. Zlogledja (interprétation) - Je n'ai pas vu d'étendard de la JNA.

20 M. Fila (interprétation) - Mais la JNA et les réservistes étaient

21 ensemble, n’est-ce pas, ils étaient fusionnés ? Donc, est-ce que la JNA

22 avait un étendard et qu'est-ce qu’il y avait dessus ? Une étoile rouge, ou

23 quelque chose comme cela.

24 M. Zlogledja (interprétation) - Il avait deux choses, l'étoile rouge, et

25 les 4 S.

Page 599

1 M. Fila (interprétation) - A la JNA, du temps de Vukovar, il y avait les 4

2 signes cyrilliques ?

3 M. Zlogledja (interprétation) - Au moment de la bataille.

4 M. Fila (interprétation) - Au sein de la JNA, vous avez vu un étendard

5 avec les 4 cyrilliques à la JNA du temps de Vukovar ?

6 M. Zlogledja (interprétation) - Oui.

7 M. Fila (interprétation) - Vous venez de parler d'un bulldozer.

8 M. Zlogledja (interprétation) - Oui.

9 M. Fila (interprétation) - En avez-vous parlé aussi dans la déclaration

10 que vous avez faite aux enquêteurs du Tribunal ?

11 M. Zlogledja (interprétation) - Oui.

12 M. Fila (interprétation) - Je n'ai pas vu mention de ce bulldozer dans

13 votre déclaration au Tribunal, mais puisque vous dites que vous l'aviez

14 mentionné, savez-vous ce qu’était ce bulldozer ? Fonctionnait-il ou était-

15 il simplement sur le côté ?

16 M. Zlogledja (interprétation) - Il était là, il était sur le côté.

17 M. Fila (interprétation) - Quand vous avez vu ce hangar, à Ovcara, vous

18 voyez de quoi je veux parler, vous avez vu des éléments mécanisés de

19 l'armée, des Jeep comme vous l’avez dit, etc. Est-ce que vous avez acquis

20 le sentiment que l'armée avait intégré ce hangar, qu'elle était stationnée

21 dans ce hangar ?

22 M. Zlogledja (interprétation) - Non, ce n’était pas un bâtiment pour le

23 stationnement de l'armée. Cela n'avait pas cet aspect.

24 M. Fila (interprétation) - Je ne parle pas d'une caserne où les soldats

25 doivent dormir, mais ces éléments mécanisés de l’armée, que pouvaient-ils

Page 600

1 faire à cet endroit ? Vous avez parlé de blindés transport de troupes, de

2 Jeep ?

3 M. Zlogledja (interprétation) - Ces véhicules attendaient les gens qui

4 arrivaient.

5 M. Fila (interprétation) - Quand vous dites "ils", de qui parlez-vous ?

6 M. Zlogledja (interprétation) - Des soldats de la JNA et des réservistes.

7 M. Fila (interprétation) - Vous avez dit qu'il y avait là des Serbes

8 locaux.

9 M. Zlogledja (interprétation) - Oui.

10 M. Fila (interprétation) - Comment distinguiez-vous les réservistes, les

11 soldats de la JNA, les Serbes locaux et les paramilitaires ? Est-ce que

12 vous les connaissiez ?

13 M. Zlogledja (interprétation) - Je ne les connaissais pas personnellement,

14 mais quand certains sortaient de l’autobus, eux l'appelaient par son nom,

15 donc cela signifie qu'ils étaient leurs voisins.

16 M. Fila (interprétation) - Est-ce que je peux dire que ces Serbes locaux

17 étaient des gens de Vukovar ?

18 M. Zlogledja (interprétation) - Oui.

19 M. Fila (interprétation) - D’après leurs mouvements, vous en avez conclu

20 qu’ils connaissaient le terrain, qu'ils circulaient sur un terrain qu'ils

21 connaissaient ?

22 M. Zlogledja (interprétation) - Oui.

23 M. Fila (interprétation) - Merci. Beaucoup je n'ai pas d'autres questions.

24 M. le Président (interprétation) - Maître Waespi, souhaitez-vous poser de

25 nouvelles questions au témoin ?

Page 601

1 M Waespi (interprétation) - Non, Monsieur le Président.

2 M. le Président (interprétation) - Y a-t-il des objections à ce que le

3 témoin se retire ? Pas d'objections ? Merci beaucoup d'être venu. Vous

4 pouvez vous retirer maintenant.

5 M. Zlogledja (interprétation) - Merci à vous.

6 M. le Président (interprétation) - Je me demandais si le Bureau du

7 Procureur avait un autre témoin.

8 M. Niemann (interprétation) - Malheureusement, nous n’en avons plus pour

9 aujourd'hui, Monsieur le Président. Nous allons à un rythme tel que nous

10 n'avions

11 pas prévu d'autres témoins. Mais nous serons prêts dès demain matin pour

12 poursuivre. Pour le moment, nous n’avons plus de témoins.

13 Maître Williamson va vous présenter un point particulier.

14 M. le Président (interprétation) - Merci.

15 M. Williamson (interprétation) - Monsieur le Président, vous m’avez posé

16 des questions sur la déclaration du témoin K. Au cours de la pause, j'ai

17 pu vérifier que cette déclaration avait déjà été communiquée et qu’elle

18 porte le nom du témoin. Ce témoin, au départ, avait demandé des mesures de

19 protection, par la suite, il est revenu sur sa décision. Lorsque nous lui

20 avons parlé, juste avant le début du procès, il y avait repensé.

21 Finalement, il a dit qu'il souhaitait des mesures de protection.

22 En fait, vous avez la déclaration avec le nom du témoin. J'ai écrit son

23 nom sur ce papier. Je peux peut-être le donner à l'huissier lorsqu’il

24 reviendra. Il y a un exemplaire pour la défense et un pour vous, Madame et

25 Messieurs les Juges. Vous verrez le nom du témoin. Si, pour une raison ou

Page 602

1 une autre, vous n’avez pas reçu la déclaration, nous pourrons sans aucun

2 doute vous la communiquer.

3 M. le Président (interprétation) - Merci.

4 M. Williamson (interprétation) - Monsieur le Président, la défense vient

5 d'indiquer qu'elle avait cette déclaration. Je pense que vous devriez

6 l’avoir aussi. Si ce n'est pas le cas, faites-le nous savoir et nous

7 serons très heureux de vous la communiquer.

8 Concernant le témoin T, il ne viendra pas témoigner. Par conséquent, nous

9 allons devoir ajouter des témoins supplémentaires à cette liste pour cette

10 semaine. Nous allons continuer. Je pense que nous allons faire venir des

11 témoins à propos desquels nous n’avons pas recueilli de déclaration. Pour

12 deux de ces témoins, nous allons fournir un résumé de ce que sera leur

13 témoignage demain.

14 M. le Président (interprétation) - Très bien. Demain matin, nous allons

15 commencer avec le Témoin 9.

16 M. Williamson (interprétation) - Oui, c’est exact.

17 M. le Président (interprétation) - Ensuite, nous passerons au Témoin 11.

18 M. Williamson (interprétation) - Et ensuite le Témoin 12.

19 M. le Président (interprétation) - Très bien. Nous allons lever l’audience

20 jusqu'à demain matin 9 h 15 précisément.

21 L'audience est levée à 16 heures 50.

22

23

24

25