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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-13a-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Mercredi 4 février 1998
4 L'audience est ouverte à 9 heures 15.
5 M. le Président (interprétation). - Faites entrer l'accusé.
6 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)
7 Merci. Monsieur le Greffier, introduisez l'affaire , s'il vous plaît.
8 M. le Greffier. - Affaire IT-95-13a-T, le Procureur contre
9 Slavko Dokmanovic.
10 M. le Président (interprétation). - Merci. Les parties peuvent-elles se
11 présenter ?
12 M. Niemann (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
13 Madame et Messieurs les Juges. Je m'appelle Grant Niemann. Je suis
14 accompagné de mon collègue Me Clint Williamson pour l'accusation.
15 M. le Président (interprétation). - Le conseil de la défense ?
16 M. Fila (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,
17 Madame et Messieurs les Juges. Je m'appelle Toma Fila. Je suis assisté de
18 mes collègues Me Jelena Lopicic et Me Vladimir Petkovic.
19 M. le Président (interprétation). - L'accusé m'entend ? Oui ? Merci. Je
20 vais maintenant me tourner vers l'accusation. Est-elle prête à appeler le
21 premier témoin à la barre ?
22 M. Williamson (interprétation). - Avant de faire entrer le témoin,
23 j'aborderai des questions préliminaires, si cela vous convient.
24 En ce qui concerne la discussion que nous avons eue ces derniers jours,
25 j'ai préparé une nouvelle liste de témoins qui indique les nouveaux
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1 témoins que nous allons faire comparaître cette semaine. Je peux vous la
2 fournir dès maintenant. Nous y avons inclu quatre autres témoins.
3 Malheureusement, ce sont les seuls quatre autres témoins que nous pourrons
4 avoir à notre disposition cette semaine. Il y a un certain nombre de
5 raisons à cela. La Division d'aide aux victimes et aux témoins a, pour des
6 raisons de sécurité, certains problèmes de logement et d'accueil. En
7 effet, il faut qu'elle le sache une semaine à l'avance. Nous avons besoin
8 de demander des visas au gouvernement néerlandais pour ces personnes. Il
9 faut que nous organisions les voyages, généralement cela prend un certain
10 temps.
11 Nous avons suivi un rythme beaucoup plus rapide que dans tous les autres
12 procès, jusqu'ici, devant ce Tribunal. Nous avons fait venir ici le plus
13 grand nombre de témoins possible. Donc voilà les témoins qui seront
14 disponibles cette semaine. Cela nous amènera jusqu'à vendredi, mais peut-
15 être pas jusqu'à 17 heures.
16 Je vous transmets un bref résumé de la teneur du témoignage de témoins
17 auprès desquels une déclaration n'a pas été recueillie. Il y a également
18 cinq témoins dont nous avons parlé ces jours derniers. Toutes ces
19 personnes sont des membres des familles des victimes d'Ovcara. Il y a
20 notamment Vladimir Veber, Dragan Zehac*, etc. Vous n'avez pas reçu de
21 déclaration de ces personnes.
22 Enfin, je vous fournis pour le témoin Emil Cahalic un complément de
23 déclaration qui a été recueilli en avril 1996. Lorsque la déclaration a
24 été fournie à la Cour et à la défense il s'agissait de la déclaration
25 originale, mais une déclaration supplémentaire a été malencontreusement
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1 oubliée, je m'en suis rendu compte hier. Dès que je m'en suis aperçu, j'ai
2 bien sûr transmis une copie de cette déclaration
3 supplémentaire à la défense, en anglais. La traduction de cette
4 déclaration sera terminée ce matin vers 10 heures. Cela représente à peu
5 près deux pages de texte. Emil Cakalic doit témoigner demain. Je crois que
6 la défense aura besoin de ce temps pour examiner la déclaration et se
7 préparer avant qu'il n'entre dans ce prétoire.
8 Les deux autres documents que j'ai déjà fournis et que je peux vous
9 transmettre, si vous le souhaitez, sont donc les documents que je viens de
10 mentionner.
11 M. le Président (interprétation). - Merci. Faites entrer le témoin, s'il
12 vous plaît.
13 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)
14 Bonjour. Le témoin peut-il prononcer la déclaration solennelle ?
15 Témoin P (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la
16 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
17 M. le Président (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous asseoir. Puis-
18 je demander à l'accusation si la protection de ce témoin intègre des
19 mesures telles que la distorsion de la voix ?
20 M. Williamson (interprétation). - Non, Monsieur le Président. Il s'agit de
21 l'altération des traits du visage.
22 Juste avant que le témoin ne vienne témoigner, il avait demandé qu'on
23 utilise un pseudonyme. Donc, je l'appellerai Témoin P. Je voudrais que le
24 témoin examine ce document.
25 M. le Président (interprétation). - Avant de commencer, puis-je demander à
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1 l'accusation, au nom de tous les Juges, si de façon générale vous pourriez
2 éviter de poser des questions qui ont tendance à guider le témoin ?
3 M. Williamson (interprétation). - Bien sûr, Monsieur le Président.
4 Je voudrais que vous examiniez ce morceau de papier et, sans prononcer le
5 nom qui y figure, que vous me disiez si c'est bien le vôtre. Vous devez
6 répondre par oui ou par non.
7 Témoin P (interprétation). - Oui.
8 M. Williamson (interprétation). - Je voudrais enregistrer cette pièce du
9 Bureau du Procureur. Sous quelle cote, Monsieur le Greffier ?
10 M. le Greffier. - Pièce numéro 26.
11 M. Williamson (interprétation). - Très bien. Pièce de l'accusation 26.
12 Cette pièce sera versée au dossier sous scellés.
13 M. le Président (interprétation). - Je suppose que la défense n'a pas
14 d'objection. Merci.
15 M. Williamson (interprétation). - Témoin P, vous souvenez-vous qu'à une
16 certaine date de 1995, vous avez parlé à un enquêteur du Bureau du
17 Procureur de ce Tribunal ?
18 Témoin P (interprétation). - Oui.
19 M. Williamson (interprétation). - A cette occasion, avez-vous fait une
20 déclaration qui a été prise en anglais ?
21 Témoin P (interprétation). - Oui.
22 M. Williamson (interprétation). - Cette déclaration vous a-t-elle été
23 relue par la suite par un traducteur en croate ?
24 Témoin P (interprétation). - Oui.
25 M. Williamson (interprétation). - Je voudrais montrer cette pièce au
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1 témoin. Nous allons enregistrer cette pièce de l'accusation sous la
2 cote 27 ?
3 M. le Greffier. - 27.
4 M. Williamson (interprétation). - Témoin P, reconnaissez-vous ce
5 document ?
6 Témoin P (interprétation). - Oui, oui.
7 M. Williamson (interprétation). - Est-ce bien votre signature sur ce
8 document ?
9 Témoin P (interprétation). - Oui.
10 M. Williamson (interprétation). - Je voudrais donc demander le versement
11 de cette pièce de l'accusation 27, déclaration du Témoin P, sous scellés.
12 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des objections de la part du
13 conseil de la défense ? Non ? Merci.
14 M. Williamson (interprétation). - Pouvez-vous nous dire d'où vous êtes
15 originaire ?
16 Témoin P (interprétation). - Je viens de Vukovar.
17 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous passé toute votre vie à
18 Vukovar ?
19 Témoin P (interprétation). - Oui, jusqu'à la guerre, en 1991.
20 M. Williamson (interprétation). - Etes-vous allé à l'école là-bas ?
21 Témoin P (interprétation). - Oui.
22 M. Williamson (interprétation). - Quand avez-vous terminé vos études
23 secondaires à Vukovar ? ?
24 Témoin P (interprétation) - J'ai terminé mes études secondaires le 19 juin
25 1991.
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1 M. Williamson (interprétation) - Au début de 1991, la paix régnait. Une
2 paix relative régnait-elle à Vukovar ?
3 Témoin P (interprétation) - Jusqu'à la fin du mois d'avril, je n'ai rien
4 remarqué. En revenant des vacances de Pâques, nous devions emporter de la
5 nourriture
6 à Borovo Selo. On nous a interceptés. Sur la route, des hommes armés ne
7 nous laissaient pas passer. Quelques jours plus tard, l'incident s'est
8 produit à Borovo Selo, le 2 mai. Après, la situation a empiré et est
9 devenue très tendue.
10 M. Williamson (interprétation) - Savez-vous ce qui s'est produit à
11 Borovo Selo le 2 mai ?
12 Témoin P (interprétation) - Je l'ai appris par la presse, mais j'ai
13 entendu l'histoire qui était racontée par différentes personnes de la
14 ville. Je savais que les tensions étaient très intenses.
15 M. Williamson (interprétation) - Vous avez dit qu'après, les tensions ont
16 été exacerbées. Après cela, y avaient-ils des incidents qui montraient
17 cette exacerbation ?
18 Témoin P (interprétation) - La situation était assez tendue. Je crois
19 qu'aux alentours du 26 juin, la situation a atteint son paroxysme dans un
20 café qui se trouvait près de chez moi, deux membres de la garde ont été
21 tués. Ils n'avaient rien fait. Ils rentraient juste dans le café pour
22 boire un verre. Deux hommes sont rentrés et les ont tués.
23 M. Williamson (interprétation) - Lorsque vous dites deux membres des
24 gardes ou de la garde, de quelle garde parlez-vous ?
25 Témoin P (interprétation) - Les gardes croates qui portaient des uniformes
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1 de camouflage et l'insigne de l'armée croate.
2 M. Williamson (interprétation) - Savez-vous qui les a tués ?
3 Témoin P (interprétation) - Oui. Le propriétaire, Slobodan Jurisic, qui
4 possédait le bâtiment dans lequel se trouvait le bar. Il était accompagné
5 de Miki Stojkovic.
6 M. Williamson (interprétation) - A votre avis, MM. Jurisic et Stojkovic
7 étaient des Serbes ?
8 Témoin P (interprétation) - Oui, oui, ce sont des Serbes.
9 M. Williamson (interprétation) - Et vers la fin de l'été, les tensions se
10 sont-elles apaisées ou la situation a-t-elle empiré ?
11 Témoin P (interprétation) - Jusqu'au 10 juillet, lorsque j'ai quitté
12 Vukovar, de plus en plus on entendait des coups de feu au cours de la
13 nuit. La ville était pratiquement désertée. Les gens étaient partis en
14 vacances ou s'étaient enfuis. Et puis, le 10 juillet, je suis parti.
15 M. Williamson (interprétation) - Pourquoi êtes-vous parti en juillet ?
16 Témoin P (interprétation) - J'ai pris mes vacances d'été, comme je le
17 faisais tous les ans. J'allais à Bjelovar voir des parents.
18 M. Williamson (interprétation) - Vous avez indiqué que les gens étaient
19 partis en vacances ou s'étaient enfuis. Mais que fuyaient-ils ?
20 Témoin P (interprétation) - Je ne sais pas. Ils avaient sans doute peur à
21 cause des incidents. C'est pour cela qu'ils partaient. Ils ne
22 déménageaient pas. Ils partaient simplement.
23 M. Williamson (interprétation) - A votre connaissance, les personnes
24 étaient-elles forcées de partir, elles y étaient obligées, ou le
25 faisaient-elles de leur plein gré ?
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1 Témoin P (interprétation) - Non. Les gens avaient simplement peur. Lorsque
2 quelqu'un sait que quelqu'un d'autre a été tué dans un café de sang-froid,
3 cela éveille la peur chez certaines personnes sans doute.
4 M. Williamson (interprétation) - Vous parlez de Croates aussi bien que de
5 Serbes ?
6 Témoin P (interprétation) - Les Croates partaient surtout en vacances
7 d'été, alors que les Serbes avaient déjà commencé à partir dès le mois de
8 mai. Ils sont allés en Serbie de façon très organisée. Ils partaient pour
9 trois jours, puis ils revenaient. Cela a fait toute une histoire. Mes amis
10 serbes, que je connaissais, s'ils partaient, je savais qu'ils allaient
11 revenir très prochainement. Ils s'arrangeaient pour que cette visite
12 coïncide avec le match de l'équipe Vesda* qui devait avoir lieu à
13 Belgrade.
14 M. Williamson (interprétation) - Vous avez dit que vous êtes allé à
15 Bjielovar le 10 juillet. Etes-vous revenu à Vukovar plus tard dans l'été ?
16 Témoin P (interprétation) - Le 18 août, oui.
17 M. Williamson (interprétation) - La situation avait-elle changé depuis
18 votre départ au mois de juillet ?
19 Témoin P (interprétation) - Du 18 au 24, c'était assez calme. On entendait
20 seulement des coups de feu sporadiques, comme avant. Cependant, au sein de
21 la ville, il y avait de moins en moins de monde.
22 M. Williamson (interprétation) - Vous avez parlé du 24 août. Que s'est-il
23 passé ce jour-là ?
24 Témoin P (interprétation) - Le 24 et par la suite, j'étais dans la cave à
25 cause du pilonnage qui avait commencé. Des avions larguaient des bombes
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1 sur la ville. Les obus tombaient sur la ville. Il n'y avait plus aucune
2 sécurité à l'extérieur de la cave.
3 M. Williamson (interprétation) - Quelle était la fréquence des pilonnages
4 ou des attaques aériennes ?
5 Témoin P (interprétation) - A cette époque, en comparaison avec ce qui est
6 arrivé par la suite, la fréquence n'était pas très élevée C'était
7 sporadique, mais c'est encore pire d'ailleurs, parce qu'une attaque vous
8 prend par surprise. Vous vous calmez peu à peu et puis, tout d'un coup,
9 une rafale d'obus vous tombe dessus et des gens meurent.
10 M. Williamson (interprétation) - Vous avez dit que vous vous êtes réfugié
11 dans la cave lorsque les attaques ont commencé. Où se trouvait cette
12 cave ?
13 Témoin P (interprétation) - Dans le sous-sol de ma maison.
14 M. Williamson (interprétation) - Etes-vous resté chez vous pendant toute
15 cette période ?
16 Témoin P (interprétation) - Je suis parti de chez moi le 15 ou le
17 16 septembre lorsque les Serbes et l'armée sont arrivés à cent ou deux
18 cents mètres de chez moi.
19 M. Williamson (interprétation) - Jusqu'à ce moment-là, qui était avec
20 vous, chez vous, s'il y avait quelqu'un ?
21 Témoin P (interprétation) - J'étais dans la cave avec ma mère et ma grand-
22 mère.
23 M. Williamson (interprétation) - Lorsque vous êtes parti de chez vous, ou
24 êtes-vous allé ?
25 Témoin P (interprétation). - Je suis allé à l'abri antiatomique dans le
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1 quartier d'Olajnica.
2 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous rejoint la défense de la
3 ville ?
4 Témoin P (interprétation). - Oui.
5 M. Williamson (interprétation). - Pourquoi ?
6 Témoin P (interprétation). - J'ai ressenti le besoin de participer à la
7 défense de ma ville et la motivation principale était qu'il y avait un
8 grand nombre de civils dont personne ne pouvait s'occuper.
9 M. Williamson (interprétation). - Vous considériez-vous comme un
10 Oustachi ?
11 Témoin P (interprétation). - Non.
12 M. Williamson (interprétation). - Et les autres hommes qui défendaient la
13 ville, à votre avis, étaient-ils des Oustachis ?
14 Témoin P (interprétation). - Non. Il ne s'agissait que de soldats croates
15 qui défendaient leur ville et leur territoire.
16 M. Williamson (interprétation). - Y avait-il de Serbes qui défendaient la
17 ville, selon vous et à votre connaissance ?
18 Témoin P (interprétation). - Oui, un certain nombre.
19 M. Williamson (interprétation). - Et la plupart des personnes qui
20 défendaient la ville étaient des gens de la ville elle-même, des gens
21 locaux ?
22 Témoin P (interprétation). - La plupart, oui.
23 M. Williamson (interprétation). - Quels étaient vos responsabilités ou
24 votre tâche au cours des combats ?
25 Témoin P (interprétation). - Je devais obtenir des vivres, de l'eau,
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1 assurer le transport des blessés, faire des tours de garde dans cette
2 zone, parce qu'il y avait beaucoup de civils. Il y avait quatre réservoirs
3 d'eau avec 1 000 litres d'eau dans chaque. En fait, nous transportions de
4 la nourriture d'un endroit à un autre, et puis du carburant, du fioul,
5 pour que nous puissions préparer les aliments.
6 M. Williamson (interprétation). - Où vous trouviez-vous la plupart du
7 temps au cours des combats ?
8 Témoin P (interprétation). - Notre base était l'abri antiatomique à
9 Olajnica. A partir de là, nous étions envoyés en mission.
10 M. Williamson (interprétation). - Etiez-vous armés à ce moment-là ?
11 Témoin P (interprétation). - Oui. Lorsque nous faisions nos tours de
12 garde, nous étions armés.
13 M. Williamson (interprétation). - Etes-vous restés à Olajnica pendant tous
14 les combats ?
15 Témoin P (interprétation). - Oui.
16 M. Williamson (interprétation). - Lorsque les combats ont tiré à leur fin,
17 au mois de novembre, avez-vous changé de base ?
18 Témoin P (interprétation). - Je suis resté à Olajnica jusqu'au 19 novembre
19 au matin. Une femme avec un drapeau blanc est venue jusqu'à nous et a
20 demandé qui voulait aller vers les Serbes et ceux qui voulaient le faire
21 devaient aller vers le marché. Ceux qui voulaient aller en Croatie
22 devaient aller vers l'hôpital. Je suis donc allé vers l'hôpital. Il y
23 avait un grand nombre de civils. Nous n'étions que très peu d'hommes et
24 nous les avons emmenés vers l'hôpital.
25 M. Williamson (interprétation). - Votre mère est-elle partie également
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1 vers l'hôpital ?
2 Témoin P (interprétation). - Non, elle a été blessée le 8 novembre, alors
3 qu'elle allait donner son sang à l'hôpital. En fait, elle se trouvait déjà
4 à l'hôpital. Elle suivait un traitement.
5 M. Williamson (interprétation). - Dans quelles circonstances a-t-elle été
6 blessée ?
7 Témoin P (interprétation). - Une femme de l'hôpital est venue et a dit
8 qu'ils avaient besoin de sang parce qu'il y avait beaucoup de blessés.
9 Elle cherchait donc des donneurs. Nous sommes donc rentrés dans une très
10 petite voiture, une petite Fiat, nous étions cinq. Nous avons entendu des
11 coups de feu qui provenaient de la colline que nous appelions "Hollywood",
12 juste derrière Olajnica. C'est là que ma mère a été blessée dans la
13 voiture. Nous avons accéléré. Nous l'avons conduite jusqu'à l'hôpital.
14 Elle a été opérée tout de suite. La balle a été extraite. C'était un
15 calibre 7.62 et voilà. C'est comme cela qu'elle a été blessée.
16 M. Williamson (interprétation). - Pouvez-vous détailler un peu la
17 situation à l'hôpital lorsque vous y êtes arrivé le 19 ?
18 Témoin P (interprétation). - Le 19, lorsque nous sommes arrivés à
19 l'hôpital, à mon avis il y avait plus de mille personnes, mille civils. Je
20 suis allé voir ma mère qui était couchée à l'hôpital. Tous ces blessés,
21 ces civils, ces médecins étaient rassemblés au même endroit. Ils se
22 tenaient au rez-de-chaussée sur les escaliers. Il y avait énormément de
23 monde.
24 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé à l'hôpital,
25 le 19, à votre connaissance, la JNA s'y trouvait-elle déjà ?
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1 Témoin P (interprétation). - Lorsque je suis arrivé, je n'ai vu qu'un
2 soldat. Mais je suis rentré tout de suite pour voir ma mère. En fait, je
3 ne les ai pas vus. Mais par la suite, vers 1 ou 2 heures de l'après-midi,
4 une rumeur disait que des officiers de la JNA étaient arrivés.
5 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous vu, de vos yeux, ces officiers
6 à ce moment-là ?
7 Témoin P (interprétation). - Le 19, non, je n'ai pas vu ces officiers
8 personnellement.
9 M. Williamson (interprétation). - Au cours de la nuit entre le 19 et
10 le 20, que s'est-il passé à l'hôpital ?
11 Témoin P (interprétation). - Le 19, dans la soirée, des Chetniks se sont
12 introduits dans l'hôpital et, parmi eux, il y en avait un qui cherchait
13 son frère. C'était le 19 au soir. J'ai entendu des coups de feu autour de
14 l'hôpital. Nos hommes étaient assis sur des chaises. Ils dormaient ou ils
15 parlaient.
16 M. Williamson (interprétation). - Vous, où étiez-vous durant cette nuit-
17 là?
18 Témoin P (interprétation). - J'ai passé la nuit soit à parler à ma mère,
19 soit à quelques mètres d'elle sur une chaise, à somnoler.
20 M. Williamson (interprétation). - Au matin du 20, que s'est-il passé à
21 l'hôpital ?
22 Témoin P (interprétation). - Le 20 au matin, des officiers de la JNA sont
23 entrés. Ils ont appelé des noms qui figuraient sur une liste. Il fallait
24 que les personnes appelées sortent de l'hôpital. Il y avait un officier
25 qui portait un sac, qui a enfoncé un stylo dans la plaie d'un des soldats
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1 qui était blessé. Ce soldat hurlait de douleur. Il a été emmené.
2 Lorsqu'ils ont été emmenés hors de l'hôpital, ils ont dit que tous les
3 hommes entre 16 et 60 ans et tous les hommes valides, notamment les
4 blessés qui avait des béquilles, devaient sortir également.
5 Lorsque nous sommes sortis, nous nous sommes alignés contre le mur. Nous
6 avons formé deux lignes contre le mur. Sljivancanin nous a parlé. Il nous
7 a dit que rien de tout cela n'aurait dû arriver. On nous a fouillés. Moi-
8 même, j'ai été fouillé trois fois. Et puis, nous sommes montés dans les
9 bus.
10 M. Williamson (interprétation). - J'aimerais à présent que le témoin
11 examine une pièce qui a déjà reçu une cote, la pièce de l'accusation n° 8.
12 Cette pièce a déjà été versée au dossier en tant que pièce de l'accusation
13 n° 8. J'aimerais que ce document soit posé sur le rétroprojecteur, s'il
14 vous plaît. Si vous pouviez, monsieur, regarder la deuxième photographie,
15 s'il vous plaît. Vous reconnaissez cette photographie ?
16 Témoin P (interprétation). - Oui.
17 M. Williamson (interprétation). - En vous tournant vers le rétroprojecteur
18 qui se trouve à votre droite, pourriez-vous nous indiquer des lieux ou des
19 objets qui pourraient nous indiquer où vous avez été emmenés lorsqu'on
20 vous a fait sortir de
21 l'hôpital.
22 Témoin P (interprétation). - Nous sommes sortis par ici et nous nous
23 sommes alignés contre ce mur que j'indique maintenant. Sljivancanin se
24 tenait par là ; à côté de lui il y avait Radic. Les bus étaient garées là-
25 bas, plus loin, dans cette rue, la rue Gunduliceva.
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1 M. Williamson (interprétation). - Maintenant, si vous pouviez tourner les
2 pages et arriver à la deuxième photographie à partir de la fin de l'album,
3 s'il vous plaît. Reconnaissez-vous cette photographie ?
4 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est l'endroit où l'on nous a emmenés.
5 Je me tenais quelque part par là. Sljivancanin était là, Radic à ses
6 côtés, ici. Tout ce secteur était rempli de soldats, de Chetniks. On nous
7 a fouillés plus loin, là-bas, et on nous a emmenés pour nous faire monter
8 dans les bus.
9 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous utilisez le terme
10 "Chetnik", à qui faites-vous référence ?
11 Témoin P (interprétation). - Ils portaient des uniformes disparates. Ils
12 portaient des barbes. Ils avaient l'insigne des Aigles blancs ou l'insigne
13 des cocardes. Ils avaient aussi des toques de fourrure. C'était eux les
14 Chetniks.
15 M. Williamson (interprétation). - Les personnes que vous appelez des
16 Chetniks avaient-elles une idéologie politique particulière ?
17 Témoin P (interprétation). - Oui, c'étaient des nationalistes serbes, des
18 extrémistes.
19 M. Williamson (interprétation). - C'est un terme que vous appliquez à tous
20 les Serbes d'une façon générale ?
21 Témoin P (interprétation). - Non, bien sûr que non, jamais de la vie.
22 M. Williamson (interprétation). - Tandis que vous vous trouviez dehors et
23 qu'on vous a fait vous aligner contre ce mur, que s'est-il passé ?
24 Témoin P (interprétation) - Sljivancanin nous a adressé la parole, nous
25 disant que nous n'aurions pas dû faire ceci ou cela. Il a donné des ordres
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1 au Capitaine Radic, puis il a transmis ses ordres aux soldats qui nous
2 fouillaient. Nous nous trouvions sur le côté droit. Quant aux femmes,
3 elles se trouvaient sur le côté gauche.
4 M. Williamson (interprétation). - Ces fouilles, comment étaient-elles
5 menées ?
6 Témoin P (interprétation). - Nous étions fouillés entièrement. Tous les
7 objets nous étaient enlevés, même les crayons, les Bics, tout ce qui était
8 dur ou rigide nous était retiré, confisqué.
9 M. Williamson (interprétation). - Qui pratiquait ces fouilles ?
10 Témoin P (interprétation). - Des soldats de la JNA, ce sont eux qui nous
11 fouillaient.
12 M. Williamson (interprétation). - Etaient-ils armés ?
13 Témoin P (interprétation). - Oui.
14 M. Williamson (interprétation). - Vous-même ou les autres hommes qui vous
15 trouviez dans cette espèce de tunnel que vous nous avez indiqué, étiez-
16 vous armés ?
17 Témoin P (interprétation). - Non. Nous étions tous en civil. Nous ne
18 portions aucune arme.
19 M. Williamson (interprétation). - Parmi ces personnes qui se trouvaient
20 là, y avait-il des blessés ?
21 Témoin P (interprétation). - Oui. Il y en avait même un certain nombre.
22 M. Williamson (interprétation). - Y avait-il parmi vous des membres du
23 personnel de l'hôpital ?
24 Témoin P (interprétation). - Oui.
25 M. Williamson (interprétation). - Vous avez précisé que les bus se
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1 trouvaient garés sur la rue Gunduliceva. Combien de bus avez-vous vu dans
2 cette rue ?
3 Témoin P (interprétation). - Je suis sûr qu'il y en avait au moins cinq.
4 Quand au sixième, je n'en suis pas tout à fait certain.
5 M. Williamson (interprétation). - Dans quelles circonstances êtes-vous
6 montés dans le bus ?
7 Témoin P (interprétation). - Nous avons donc d'abord été fouillés.
8 Ensuite, nous sommes montés dans les bus.
9 M. Williamson (interprétation). - On vous a dit de monter dans ces bus ?
10 Témoin P (interprétation). - Oui.
11 M. Williamson (interprétation). - Vous a-t-on ordonné de monter dans un
12 bus en particulier ou vous faisait-on monter dans tous les bus qui se
13 trouvaient là au hasard ?
14 Témoin P (interprétation). - Non, ils ont dit à chacun d'entre nous dans
15 quel bus il devait monter.
16 M. Williamson (interprétation). - Vous-même, dans quel bus êtes-vous
17 monté ?
18 Témoin P (interprétation). - Je crois que c'était l'avant-dernier. Je suis
19 allé jusqu'à l'arrière du bus. Je suis entré par la porte arrière.
20 M. Williamson (interprétation). - Pourriez-vous nous décrire ces bus ?
21 Témoin P (interprétation). - C'étaient des bus tout ce qu'il y a
22 d'ordinaire. Ils étaient tous de cette couleur vert olive.
23 M. Williamson (interprétation). - D'après vous, était-ce des bus civils ?
24 Témoin P (interprétation). - Non, des bus militaires. Des bus militaires.
25 M. Williamson (interprétation). - Connaissiez-vous les autres personnes
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1 qui se trouvaient dans le bus avec vous ?
2 Témoin P (interprétation). - Oui. J'en connaissais un certain nombre.
3 M. Williamson (interprétation). - Pourriez-vous nous donner le nom de
4 certaines de ces personnes ?
5 Témoin P (interprétation). - Dans mon bus, il y avait Franjo Nadj,
6 Miralic*, un certain nombre de Simunovic qui avaient le même nom de
7 famille et d'autres personnes encore. Je ne connaissais pas de nom
8 beaucoup de ces personnes. Je les connaissais surtout de vue pour la
9 plupart.
10 M. Williamson.(interprétation). - Est-ce qu'il y avait un garde dans le
11 bus ?
12 Témoin P (interprétation). - Oui, il y avait le chauffeur et un soldat de
13 la JNA armé, qui nous gardait.
14 M. Williamson (interprétation). - Quelle direction ont pris les bus depuis
15 l'hôpital ?
16 Témoin P (interprétation). - Eh bien, ils sont passés par la place du
17 marché, ils ont traversé le pont, ils sont passés devant l'hôpital des
18 enfants, ils ont pris la rue Rac* et ils sont passés directement par le
19 champ de foire pour atteindre enfin les casernes de la JNA.
20 M. Williamson (interprétation). - Je souhaiterais maintenant que nous
21 diffusions une vidéo au témoin. Un instant, Monsieur le Président, si vous
22 le voulez bien.
23 Monsieur le Président, je ne crois pas que cette pièce ait déjà été versée
24 au dossier. Il s'agit d'une vidéo qui a été diffusée en partie durant la
25 déclaration liminaire de Me Niemann. C'est une vidéo intitulée "L'incident
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1 Vukovar/Ovcara" et qui indique
2 le chemin qui a été emprunté par les bus depuis l'hôpital. C'est cette
3 vidéo que je souhaiterais diffuser, le passage qui concerne le chemin
4 emprunté par les bus depuis l'hôpital jusqu'aux casernes de la JNA.
5 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des objections ? Non ? Je
6 vous remercie.
7 (Diffusion de la vidéo.)
8 M. Williamson (interprétation). - Témoin P, au fur et à mesure que vous
9 voyez ces images, pouvez-vous décrire au Tribunal ce que vous apercevez
10 sur votre écran ?
11 Témoin P (interprétation). - Je n'y manquerai pas.
12 M. Williamson (interprétation). - Je crois que ce n'est pas le bon segment
13 qui est diffusé. Peut-on revenir au tout début de la cassette, s'il vous
14 plaît ?
15 Combien de temps avez-vous attendu dans les bus, après avoir quitté
16 l'hôpital ?
17 Témoin P (interprétation). - Nous avons passé peut-être une demi-heure
18 dans ces bus. En fait, nous attendions que les cinq ou six bus qui se
19 trouvaient là soient remplis. Il fallait que chacun soit fouillé avant de
20 pouvoir monter dans les bus.
21 M. Williamson (interprétation). - Avant que vous ne montiez dans le bus,
22 s'est-il passé quoi que ce soit à l'hôpital avant votre départ ?
23 Témoin P (interprétation). - Pas que je le sache. Il me semble qu'ils ont
24 simplement fouillé les personnes qui se trouvaient là et qu'ils les ont
25 emmenées vers les bus.
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1 M. Williamson (interprétation). - Je crois maintenant que nous pouvons
2 diffuser la cassette. Je vous demande à nouveau de commenter les images
3 que nous allons voir et d'expliquer aux juges ce que vous voyez.
4 (Diffusion de la cassette vidéo.)
5 Témoin P (interprétation). - C'est l'entrée principale de l'hôpital de
6 Vukovar.
7 M. Williamson (interprétation). - Cela donne-t-il sur la rue Gunduliceva ?
8 Témoin P (interprétation). - Non, non. C'est... Excusez-moi, mais j'ai
9 oublié le nom de la rue.
10 M. Williamson (interprétation). - Mais donc cela se trouve exactement à
11 l'opposé de la rue Gunduliceva, n'est-ce pas ?
12 Témoin P (interprétation). - Absolument. C'est de l'autre côté de la rue
13 Gunduliceva.
14 Là, nous avons vu la cour de l'hôpital. Et puis, ici, le mur et l'allée
15 dans laquelle nous nous tenions, là où nous avons été fouillés. C'est de
16 là que nous sommes allés vers les bus pour y monter. Là, on peut voir
17 l'intérieur de l'hôpital.
18 M. Williamson (interprétation). - Ces images ont été filmées à quel étage
19 de l'hôpital ? Etes-vous en mesure de nous le dire ?
20 Témoin P (interprétation) - Il me semble que ces images ont été filmées
21 dans la cave de l'hôpital, au sous-sol.
22 M. Williamson (interprétation) - Lorsque vous vous trouviez à l'hôpital
23 le 19, quelles étaient les parties de l'hôpital qui étaient utilisées ?
24 Témoin P (interprétation) - Eh bien, le rez-de-chaussée et le sous-sol
25 uniquement parce que les étages supérieurs avaient été soit endommagés par
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1 les pilonnages, soit entièrement détruits.
2 Là encore, on peut voir l'intérieur de l'hôpital. La porte que l'on voit
3 est celle par laquelle nous sommes sortis. On voit cette même porte de
4 l'autre côté. C'est donc par là que nous sommes sortis. Voici où se
5 trouvaient les soldats et les Chetniks.
6 Nous, nous étions contre ce mur que l'on peut voir.
7 Voici le chemin que nous avons emprunté pour nous rendre jusqu'au bus.
8 Ici, on peut voir la rue Gunduliceva. C'est là qu'ils nous ont amenés.
9 Puis, nous avons suivi cette route. C'est toujours la rue Gunduliceva que
10 l'on voit ici.
11 M. Williamson (interprétation) - C'est la direction que vous avez
12 empruntée ce jour-là ?
13 Témoin P (interprétation) - Oui. C'est la direction que nous avons prise,
14 en effet. C'est sur cette route que les bus roulaient. Ici, nous passons
15 près de la place du marché. Ensuite, on traverse le pont. C'est ce que
16 nous avons fait ce jour-là.
17 M. Williamson (interprétation) - Ce pont, qu'enjambe-t-il ?
18 Témoin P (interprétation) - Il enjambe le fleuve Vuka. Ensuite, nous avons
19 traversé le pont. Ici, nous avons pris à droite. Nous sommes entrés dans
20 la rue Kraseva. Nous avons suivi la rue Kraseva. Nous l'avons remontée.
21 Puis nous sommes arrivés au carrefour avec la rue Ognjen Prica. Nous avons
22 poursuivi notre route vers le champ de foire.
23 Voici la rue qui borde le champ de foire. Voilà une vue aérienne de
24 l'hôpital.
25 M. Williamson (interprétation) - Quand on voit indiqué sur l'écran "entrée
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1 arrière", c'est bien l'endroit par lequel vous êtes sorti de l'hôpital,
2 n'est-ce pas ?
3 Témoin P (interprétation) - Oui, en effet, tout à fait.
4 M. Williamson (interprétation) - Peut-on revenir un peu en arrière, s'il
5 vous plaît, et faire un arrêt sur image ? Peut-on retourner un peu en
6 arrière, s'il vous plaît ? Peut-on faire un arrêt sur image maintenant ?
7 Témoin P, en regardant cette image, voyez-vous le quartier Olajnica ?
8 Témoin P (interprétation) - Oui. Cela se trouve à côté de l'arrêt du bus.
9 M. Williamson (interprétation) - Pourriez-vous nous donner des indications
10 plus précises parce que, malheureusement, nous ne pouvons pas voir
11 exactement ce que vous nous dites. Peut-être pouvez-vous nous dire où se
12 trouve le quartier par rapport à la rivière ou à d'autres éléments que
13 nous pouvons voir sur l'image ?
14 Témoin P (interprétation) - Par rapport à la rivière Vuka, disons que si
15 l'on part du pont qui se trouve vers le bas, on voit l'ancien bâtiment de
16 la SDK et l'arrêt du bus. Ensuite, on voit le quartier Olajnica. Sur la
17 rive gauche de la Vuka, il y a cet espace vert et ensuite le quartier
18 Olajnica.
19 M. Williamson (interprétation) - C'est là que l'on voit ces immeubles qui
20 ont l'air assez élevé ?
21 Témoin P (interprétation) - Oui. Il y avait des immeubles de sept ou huit
22 étages.
23 M. Williamson (interprétation) - Je vous remercie. On peut poursuivre la
24 diffusion de la vidéo.
25 Peut-on faire à nouveau un arrêt sur image ici ?
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1 Témoin P, voyez-vous ici l'emplacement de votre maison à Vukovar ?
2 Témoin P (interprétation) - C'est un peu difficile de me repérer, mais je
3 vois où elle se trouve.
4 M. Williamson (interprétation). - Je vous remercie. Nous pouvons continuer
5 la diffusion.
6 Témoin P (interprétation). - Et voici l'entrée de la caserne de la JNA par
7 laquelle nous sommes passés.
8 M. Williamson (interprétation). - Peut-on faire un arrêt sur image ici,
9 s'il vous plaît ? Reconnaissez-vous cet endroit ?
10 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est l'enceinte de la caserne de la
11 JNA, avec la cour où se sont garés les bus. Ils se sont garés en demi-
12 cercle dans cette cour que nous voyons ici.
13 M. Williamson (interprétation). - Parfait. Nous pouvons maintenant arrêter
14 la diffusion.
15 Monsieur le Président, je souhaite demander le versement au dossier de
16 cette cassette vidéo. Il s'agit de la pièce de l'accusation n° 28.
17 M. le Président (interprétation). - Parfait.
18 M. Williamson (interprétation). - Témoin P, pouvez-vous nous dire ce qui
19 s'est passé lorsque les bus sont arrivés dans les casernes de la JNA ?
20 Témoin P (interprétation). - Ils se sont garés en demi-cercle. Il y avait
21 des soldats, des Chetniks revêtus de divers uniformes, qui se tenaient là.
22 Les Chetniks s'étaient emparés de pelles et en brisaient la poignée.
23 Ensuite, je les ai entendu aiguiser leurs couteaux. Ils circulaient tout
24 autour des bus. Ils prenaient des photos d'autres Chetniks qui avaient
25 leur couteau entre les dents. De temps en temps, certains d'entre eux
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1 essayaient de monter dans les bus. Mais les gardes ne les laissaient pas
2 faire.
3 M. Williamson (interprétation). - Des menaces ont-elles été proférées
4 contre des personnes qui se trouvaient dans les bus ?
5 Témoin P (interprétation). - Oui, ils sont montés dans un des bus et ont
6 menacé des gens qui s'y trouvaient. Un type est monté et a dit : "Ne vous
7 inquiétez pas, je ne coupe que les nez et les oreilles". Un autre est
8 arrivé et a dit : "Mais vous aviez besoin de tout cela pour quoi ?", des
9 choses comme cela.
10 M. Williamson (interprétation). - Dans quel état vous trouviez-vous à ce
11 moment-là ?
12 Témoin P (interprétation). - J'avais peur, bien sûr, j'avais vraiment
13 peur.
14 M. Williamson (interprétation). - Aviez-vous une idée de ce qui allait
15 vous arriver ?
16 Témoin P (interprétation). - Je ne me suis pas dit qu'il allait nous
17 arriver quelque chose de grave, mais j'avais peur de ces sauvages qui nous
18 entouraient.
19 M. Williamson (interprétation). - Combien de temps les bus sont-ils restés
20 garés dans la cour de la caserne de la JNA, pour autant que vous vous en
21 souveniez ?
22 Témoin P (interprétation). - Deux ou trois heures. C'est l'impression que
23 j'ai eue, en tout cas.
24 M. Williamson (interprétation). - Regardiez-vous votre montre pendant tout
25 ce temps ?
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1 Témoin P (interprétation). - Non, je ne portais pas de montre.
2 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous une idée quelconque de l'heure
3 qu'il pouvait être ou du moment de la journée où tout cela se passait ?
4 Témoin P (interprétation). - Je dirais qu'il devait être midi ou 1 heure,
5 peut-être. Peut-être était-il même plus tard que cela. J'avais une idée
6 assez imprécise de l'heure.
7 M. Williamson (interprétation). - Connaissez-vous un endroit qui s'appelle
8 Velepromet ?
9 Témoin P (interprétation). - Oui.
10 M. Williamson (interprétation). - Où cela se trouve-t-il par rapport à
11 l'emplacement des casernes de la JNA ?
12 Témoin P (interprétation). - En fait, c'est juste de l'autre côté de la
13 route, si on suit la diagonale, cela se trouve de l'autre côté de la
14 route.
15 M. Williamson (interprétation). - C'est donc vraiment juste à côté de la
16 caserne, n'est-ce pas ?
17 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est à moins de trois minutes de la
18 caserne.
19 M. Williamson (interprétation). - A un moment donné, les bus ont-ils
20 quitté la cour de la caserne ?
21 Témoin P (interprétation). - Ce capitaine, le capitaine Radic, est monté
22 dans les bus. Il a lu des noms qui se trouvaient sur des listes qu'il
23 avait à la main. Il a dit que les personnes qu'il citait devaient
24 descendre du bus et monter dans un autre bus. Tandis qu'ils changeaient de
25 bus, les Chetniks les battaient sauvagement.
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1 M. Williamson (interprétation). - Vous avez parlé un certain nombre de
2 fois du Major Sljivancanin et du capitaine Radic. Comment connaissiez-vous
3 leurs noms ?
4 Témoin P (interprétation). - Pour ce qui est de Sljivancanin, je ne peux
5 pas exactement vous dire comment j'ai appris son nom. Je l'ai tout de
6 suite reconnu. Peut-être s'est-il présenté. Et puis Sljivancanin a parlé à
7 Radic en lui disant "Capitaine Radic".
8 M. Williamson (interprétation). - Quand cela s'est-il passé ?
9 Témoin P (interprétation). - A l'hôpital, Sljivancanin adressait la parole
10 à Radic en lui disant "Capitaine Radic". Et puis Radic, lui, est monté
11 dans les bus alors que nous nous trouvions à la caserne.
12 M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit que le capitaine Radic
13 avait lu certains noms sur des listes et que les personnes citées étaient
14 descendues des bus. Combien de temps après cela les bus ont-ils quitté la
15 cour de la caserne ?
16 Témoin P (interprétation). - Une demi-heure ou une heure après, nous avons
17 démarré.
18 M. Williamson (interprétation). - Où les bus sont-ils allés lorsqu'ils ont
19 quitté la caserne ?
20 Témoin P (interprétation). - Nous avons pris la direction de Negoslavci et
21 nous avons tourné à gauche pour prendre une route asphaltée qui traversait
22 les champs, dans la direction d'Ovcara. Là, nous sommes arrivés devant le
23 hangar.
24 M. Williamson (interprétation). - Pendant cette partie du trajet de la
25 caserne de la JNA jusqu'à Ovcara, aviez-vous des gardes à bord des
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1 autobus ?
2 Témoin P (interprétation). - Oui, les mêmes gardes.
3 M. Williamson (interprétation). - Je voudrais qu'on nous montre maintenant
4 la séquence vidéo qui montre les images du trajet entre la caserne et
5 Ovcara. C'est toujours une partie de la pièce à conviction 28. Monsieur
6 le témoin, je vous demanderai de continuer à nous dire ce que vous voyez,
7 en commentant les images de cette vidéo.
8 Témoin P (interprétation). - Très bien.
9 C'est une vue aérienne. Ici, c'est la route qui va à Negoslavci. C'est ce
10 que montre la flèche. C'est donc cette route que nous avons empruntée,
11 dans cette direction que nous sommes allés. Et puis, nous avons tourné à
12 gauche. On voit ici la route asphaltée qui traversent les champs. Là, nous
13 avons encore tourné. Après un virage à droite, nous sommes arrivés au
14 hangar.
15 M. Williamson (interprétation). - Peut-on arrêter la diffusion de la vidéo
16 à ce stade, nous reprendrons plus tard. C'est tout ce dont nous avons
17 besoin pour le moment.
18 (Arrêt de la diffusion de la vidéo.)
19 J'aimerais maintenant que l'on montre au témoin plusieurs cartes
20 géographiques qui ont été enregistrées séparément, ainsi que sur les
21 écrans vidéo pour que nous puissions voir le même itinéraire.
22 La première carte -je dis cela pour les techniciens- comporte
23 l'indication B3-1. Nous en demandons l'enregistrement à des fins
24 d'identification en tant que pièce à conviction de l'accusation numéro 29.
25 Témoin P, pourriez-vous nous dire ce que nous y voyons sur cette carte ?
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1 Témoin P (interprétation). - C'est la carte de Vukovar. On voit la
2 rivière, l'hôpital, la caserne de la JNA, la route qui mène à Negoslavci,
3 la route qui traverse les champs et puis ce virage, dernier virage, et le
4 hangar.
5 M. Williamson (interprétation). - Très bien. Peut-on maintenant montrer la
6 carte suivante -B3-7, pour les techniciens ? Nous en demandons
7 l'enregistrement à des fins d'identification en tant que pièce à
8 conviction de l'accusation numéro 30. Vous pouvez nous dire de quoi il
9 s'agit ?
10 Témoin P (interprétation). - Toujours d'un plan, une carte où figure les
11 mentions relatives à l'hôpital. On voit la rivière, le pont que nous avons
12 traversé, puis le virage qui nous a amenés à la caserne.
13 M. Williamson (interprétation). - Pouvons-nous maintenant voir la
14 carte B3-6 enregistrée en tant que pièce à conviction de l'accusation
15 numéro 30.
16 Témoin P (interprétation). - Nous voyons ici l'hôpital de Vukovar. Nous
17 sommes sortis de l'hôpital par la sortie arrière. Les autobus étaient
18 garés dans la rue Gunduliceva. Les autobus sont partis. Quant à l'entrée
19 principale, elle donne sur la rue de Lole Ribara.
20 M. Williamson (interprétation). - Je crois que je me suis trompé. La pièce
21 à conviction que nous venons de voir est la pièce à conviction 31.
22 Je demande maintenant la carte B3-5 qui sera donc enregistrée en tant que
23 pièce à conviction de l'accusation numéro 32. Pouvez-vous nous décrire ce
24 que vous voyez ici ?
25 Témoin P (interprétation). - Oui. C'est le trajet qui mène de l'hôpital au
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1 pont, puis on traverse le pont pour arriver à la place du marché et
2 ensuite vous pouvez voir les habitations, le quartier d'Olajnica.
3 M. Williamson (interprétation). - Pouvez-vous nous montrer où se trouve
4 exactement Olajnica sur ce plan ?
5 Témoin P (interprétation). - Eh bien, vous voyez l'hôpital, puis le trajet
6 indiqué en jaune, c'est le trajet que nous avons suivi. Cette trace jaune
7 traverse la rivière Vuka, en bleu. De l'autre côté se trouve le bâtiment
8 de l'ancienne SDK (la comptabilité publique). Ensuite, on voit la gare
9 routière, à gauche une zone habitée et c'est le quartier en question.
10 M. Williamson (interprétation). - Peut-on dire que cela se trouve entre la
11 rivière Vuka et la zone verte sur la gauche ?
12 Témoin P (interprétation). - Oui, oui. Je suis d'accord.
13 M. Williamson (interprétation). - Ce quartier de Olajnica était le
14 quartier où vous habitiez pendant la bataille, n'est-ce pas ?
15 Témoin P (interprétation). - Pendant la guerre, oui.
16 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous une idée de la distance entre
17 ce quartier et l'hôpital ?
18 Témoin P (interprétation). - Si l'on prend les petites rues, dans des
19 conditions normales il faut moins de 5 minutes. A vol d'oiseau en ligne
20 droite, cela fait peut-être 200 mètres.
21 M. Williamson (interprétation). - Je voudrais maintenant la carte B3-4 qui
22 est enregistrée en tant que pièce à conviction de l'accusation numéro 33.
23 Pouvez-vous nous dire ce que nous voyons sur cette carte, sur ce plan ?
24 Témoin P (interprétation). - Nous avons traversé le pont sur la rivière
25 Vuka. Nous arrivons près de la maison des travailleurs. Nous traversons
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1 ensuite pour passer devant la vieille banque, la garderie, la crèche et la
2 rue Josip Krac. Nous continuons cette rue jusqu'au carrefour, la rue qui
3 longe la foire.
4 M. Williamson (interprétation). - Pouvons-nous voir la pièce à conviction
5 de l'accusation 34, c'est-à-dire le document enregistré en tant que
6 B/3/3 ?
7 Témoin P (interprétation). - Nous voyons ici le champ de foire et nous
8 tournons vers la caserne de la JNA.
9 M. Williamson (interprétation). - Je sais que cela n'est pas très
10 nettement visible sur cette carte, mais pouvez-vous nous montrer où se
11 trouve Velepromet par rapport à la caserne ?
12 Témoin P (interprétation). - De l'autre côté de la route, je ne sais pas
13 exactement si c'est plus haut ou plus bas, en tout cas de l'autre côté.
14 Vous voyez le cercle jaune. On traverse la route et, de l'autre côté, se
15 trouve Velepromet.
16 M. Williamson (interprétation). - Peut-on maintenant nous montrer le
17 document B/3/7. ?
18 Excusez-moi... Je crois que nous l'avons déjà vu. Je demande le plan B.3.2
19 dont je demande l'enregistrement en tant que pièce à conviction de
20 l'accusation n° 35.
21 Témoin P (interprétation). - Alors nous voyons la caserne, le chemin qui
22 va vers Negoslavci. On tourne, on prend la route asphaltée à travers
23 champs. On arrive jusqu'au dernier petit virage et on arrive finalement au
24 hangar.
25 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, je demande le
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1 versement au dossier de toutes ces pièces à conviction, 29 à 35. J'en ai
2 des copies si cela est nécessaire. Je dirai au greffier que les documents
3 sont dans le même ordre que leur présentation.
4 Lorsque les autobus sont arrivés au hangar d'Ovcara, qu'avez-vous vu se
5 passer ?
6 Témoin P (interprétation). - Ils ont fait sortir les hommes un par un des
7 autobus et chacun de ces hommes devait passer entre deux rangées d'hommes,
8 de Chetniks, qui les frappaient, qui leur prenaient leurs vestes, leur
9 argent, leurs papiers.
10 M. Williamson (interprétation). - Pourriez-vous décrire plus en détail ce
11 que vous entendez par cette double rangée d'hommes ?
12 Témoin P (interprétation). - A la porte de l'autobus, se trouvaient de
13 chaque côté de la porte une dizaine de Chetniks. Les gens qui sortaient de
14 l'autobus devaient passer entre ces hommes et au fur et à mesure qu'ils
15 s'avançaient, ils recevaient des coups.
16 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous pu voir cette scène depuis
17 l'autobus à bord duquel vous vous trouviez ?
18 Témoin P (interprétation). - Oui, quand je me suis approché de la porte de
19 sortie, j'ai vu les choses très clairement.
20 M. Williamson (interprétation). - Tous les bus ont-ils été déchargés de
21 leurs passagers en même temps ?
22 Témoin P (interprétation). - Les autobus se suivaient en file indienne et
23 les hommes sortaient les uns derrière les autres, en file indienne
24 également.
25 M. Williamson (interprétation). - Vous avez indiqué que chacun des hommes
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1 a dû passer entre cette rangée d'hommes. Cela a-t-il été votre cas
2 également ?
3 Témoin P (interprétation). - Oui, oui. J'ai dû passer à travers cette
4 rangée d'hommes comme les autres. Et j'ai reçu des coups. Avant d'entrer
5 dans le hangar, j'ai dû donner ma veste, mon argent et mes papiers, après
6 quoi je suis entré dans le hangar où nous attendait un autre groupe de
7 Chetniks qui a continué à nous frapper.
8 M. Williamson (interprétation). - Avec quoi vous frappaient-ils ?
9 Témoin P (interprétation). - Avec toutes sortes de choses, des bâtons
10 qu'ils avaient préparés dans la caserne, des chaînes, des manches de
11 pioche. Ils enlevaient même les béquilles ou les cannes des blessés afin
12 de s'en servir pour les frapper.
13 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous été blessé, suite à ce passage
14 à tabac ?
15 Témoin P (interprétation). - J'ai reçu un coup à l'arcade sourcilière,
16 parce qu'un Chetnik a voulu m'atteindre au niveau des lunettes tout de
17 suite. Il m'a frappé avec sa matraque au niveau de l'arcade sourcilière.
18 M. Williamson (interprétation). - Vos lunettes ont-elles été cassées ?
19 Témoin P (interprétation). - Oui, immédiatement.
20 M. Williamson (interprétation). - Que s'est-il passé dans le hangar quand
21 vous y êtes entré ? Pouvez-vous décrire la situation générale dans le
22 hangar ?
23 Témoin P (interprétation). - J'étais dans un secteur où il y avait de la
24 paille. Chacun des hommes qui pénétrait dans le hangar, après avoir reçu
25 ce que j'appellerai la volée d'entrée, se trouvait face à des Chetniks.
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1 Ceux-ci inventaient toutes sortes de choses. Si l'homme qui était en face
2 d'eux était assez jeune, le Chetnik disait qu'il avait tué des enfants et
3 il se mettait à le frapper. Si c'était quelqu'un d'un peu plus âgé, il
4 l'accusait d'avoir été membre de la Garde croate et il se mettait à le
5 frapper.
6 A un moment est arrivé un Chetnik monténégrin qui s'est mis à frapper. Il
7 a frappé tellement longtemps qu'on se demande comment l'autre n'est pas
8 mort.
9 M. Williamson (interprétation). - A votre connaissance, quelqu'un d'autre
10 a-t-il été gravement blessé ou est-il mort des suites de ces coups ?
11 Témoin P (interprétation). - A part l'Albanais, ils ont frappé très
12 violemment encore un autre homme qui, par la suite, n'a plus donné signe
13 de vie non
14 plus.
15 M. Williamson (interprétation). - Qui frappait les hommes dans le hangar ?
16 Témoin P (interprétation). - Tous ceux qui étaient dans le hangar, mais
17 les Chetniks étaient les plus violents, aussi bien ceux de la région que
18 ceux de l'extérieur.
19 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous vu des soldats de la JNA dans
20 le hangar ?
21 Témoin P (interprétation). - Il y avait quelques soldats de la JNA et un
22 certain nombre d'officiers.
23 M. Williamson (interprétation). - Connaissiez-vous l'un quelconque des
24 hommes qui se trouvaient dans le hangar et qui ont reçu les coups ?
25 Témoin P (interprétation). - J'en connaissais la majorité. Comme je l'ai
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1 dit, je connaissais la majorité de vue et pas mal d'entre eux de nom
2 également.
3 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais
4 maintenant qu'on voie une autre séquence vidéo et qu'on la montre au
5 Témoin P. J'en demande l'enregistrement en tant que pièce à conviction de
6 l'accusation n° 36. C'est une séquence qui a été tournée dans l'hôpital
7 dans la nuit du 19 au 20. J'aimerais voir si le témoin peut reconnaître
8 l'une quelconque des personnes qui ont été filmées et qui figurent dans
9 cette séquence vidéo comme l'ayant vu plus tard à Ovcara. Cette séquence
10 dure quelques minutes. Monsieur, je vous demanderai encore une fois de
11 bien vouloir nous dire ce que nous voyons au fur et à mesure.
12 Si vous voyez quelqu'un que vous reconnaissez, je vous demanderai de nous
13 demander un arrêt sur image.
14 (Diffusion de la cassette vidéo.)
15 M. Williamson (interprétation) - Pouvez-vous nous dire ce que vous
16 voyez ?
17 Témoin P (interprétation) - C'est l'intérieur de l'hôpital, les blessés.
18 Stop. On voit ici l'homme qui a été emmené à l'extérieur, Stipo Sotinac
19 quand j'ai dit qu'un officier tenait une liste et faisait sortir les
20 hommes en appelant leur nom.
21 M. Williamson (interprétation) - Pouvez-vous nous dire de quel homme vous
22 parlez ? Nous n'avons pas de pointeur, malheureusement.
23 Témoin P (interprétation) - On voit ici trois hommes allongés d'un côté.
24 Lui, est tourné de l'autre côté. Il a une chemise blanche, une moustache.
25 Il est chauve. Il est sur la partie gauche de l'écran et a un pansement
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1 sur les yeux.
2 M. Williamson (interprétation) - Bien. Poursuivons la diffusion.
3 Témoin P (interprétation) - On ne voit pas bien l'homme qui se trouve en
4 haut à droite à cause du signe vidéo. Ici, on voit l'homme qui a été tué
5 Damjan Samardzic, qui est mort des coups reçus à Ovcara.
6 M. Williamson (interprétation) - Peut-on poursuivre la diffusion ?
7 Témoin P (interprétation) - Ce jeune homme à gauche, qui est assis et qui
8 tient le dossier du banc, avec une veste noire avec un intérieur blanc,
9 c'est Damir Kovatci. Il était blessé aux poumons. Ils l'ont frappé avec
10 une violence toute particulière.
11 M. Williamson (interprétation) - Voyez-vous quelqu'un d'autre que vous
12 connaissez sur cette photographie ?
13 Témoin P (interprétation) - Il y a aussi Igor Kacic.
14 Mais on peut aller plus loin, on verra mieux son visage sur les images qui
15 viennent. Il faut continuer la diffusion pour voir son visage.
16 Stop. Ici, on voit Igor Kacic qui avait 16 ans à ce moment-là.
17 M. Williamson (interprétation). - Pouvez-vous nous indiquer de qui il
18 s'agit exactement ?
19 Témoin P (interprétation). - Il est à côté de Kovacic. C'est celui qui est
20 le plus grand sur cette image. Il est debout. Il a une veste mauve et un
21 tee-shirt blanc. Il a une frange qui lui tombe sur les yeux et il est le
22 plus grand sur cette image, sur la partie gauche de l'écran.
23 M. Williamson (interprétation). - Peut-on poursuivre la diffusion ?
24 Excusez-moi, Igor Kacic, vous l'avez vu à Ovcara ?
25 Témoin P (interprétation). - Oui, je l'ai vu à Ovcara.
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1 M. Williamson (interprétation). - Poursuivons la diffusion.
2 Témoin P (interprétation). - On voit de nouveau Igor Kacic.
3 M. Williamson (interprétation). - Savez-vous où vous vous trouviez par
4 rapport à lui ?
5 Témoin P (interprétation). - Au moment où la séquence a été filmée ?
6 M. Williamson (interprétation). - Au cours de cette soirée-là, oui. Si
7 vous reconnaissez un endroit où vous vous trouviez, vous, vous pouvez nous
8 demander un arrêt sur image.
9 Témoin P (interprétation). - J'ai passé la nuit avec eux, avec Damir et
10 Igor. Il y avait une chaise dans ce secteur où j'ai passé la nuit.
11 M. Williamson (interprétation). - Très bien. Connaissez-vous cet homme ?
12 Témoin P (interprétation). - Oui. On a vu aussi cet homme à Ovcara. Je ne
13 sais pas comment il s'appelle.
14 M. Williamson (interprétation). - Très bien. Peut-on poursuivre la
15 diffusion ?
16 Monsieur le Président, il y a des commentaires qui sont prononcés sur ces
17 bandes, mais nous avons coupé le son.
18 Témoin P (interprétation). - J'ai vu ce jeune homme à Ovcara.
19 M. Williamson (interprétation). - Connaissez-vous son nom ?
20 Témoin P (interprétation). - Non, je ne le connais pas.
21 M. Williamson (interprétation). - Très bien. Poursuivons la diffusion.
22 Témoin P (interprétation). - Stop. J'ai vu l'homme en blouse blanche ainsi
23 que le jeune homme en tee-shirt mauve qui est blessé à la main. Il
24 s'appelle Poposki*. Je ne connais pas son prénom ni le nom de l'homme en
25 blouse blanche.
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1 M. Williamson (interprétation). - Vous avez indiqué l'homme dont le nom de
2 famille est Jaco Baski*. Est-ce bien cela ?
3 Témoin P (interprétation). - Je pense qu'il avait deux noms de famille :
4 Duca Niako Baski*.
5 M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit ne pas connaître le nom de
6 l'homme en blanc ? Est-ce bien cela ?
7 Témoin P (interprétation). - C'est exact.
8 M. Williamson (interprétation). - Eh bien, reprenons la diffusion.
9 Connaissez-vous cet homme ?
10 Témoin P (interprétation). - Non, je ne le connais pas. Je crois qu'il a
11 eu des brûlures à Olajnica parce que, les deux jours précédents, ils
12 avaient utilisé du napalm et des balles incendiaires pour toucher les
13 bâtiments. Les Chetniks, bien sûr.
14 (Diffusion de la cassette vidéo.)
15 Témoin P (interprétation). - Arrêtez la bande, s'il vous plaît.
16 Le jeune homme en blouse blanche, au milieu, s'appelle Damir Polhert.
17 C'est son nom. Je l'ai vu également.
18 M. Williamson (interprétation). - Vous pouvez poursuivre.
19 Témoin P (interprétation). - Là, on le revoit à l'extrême gauche de
20 l'écran.
21 M. Williamson (interprétation). - Et c'est la personne qui porte les
22 lunettes et la blouse blanche, n'est-ce pas ?
23 Témoin P (interprétation). - Oui, Damir Polhert.
24 M. Williamson (interprétation). - Je pense que nous pouvons arrêter la
25 cassette maintenant.
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1 Je voudrais maintenant demander le versement de cette pièce en tant que
2 pièce de l'accusation n° 36. En ce qui concerne les personnes qui ont été
3 identifiées, nous fournirons des images tirées de la vidéo. Il s'agira des
4 pièces 37 à 45 inclus. Nous nous organiserons avec M. le Greffier pour
5 savoir quelle photo correspond à quelle personne. Les indications de temps
6 seront également sur les photos.
7 Monsieur le Président, j'allais vous suggérer de faire la pause
8 maintenant.
9 M. le Président (interprétation). - Oui. Nous prendrons une pause de vingt
10 minutes.
11 L'audience, suspendue à 10 h 50, est reprise à 11 h 15.
12 M. le Président (interprétation). - Je me tourne vers l'accusation pour
13 lui demander de poursuivre le témoignage.
14 M. Williamson (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Pour
15 clarifier un peu les choses, je me suis entretenu avec M. Bos et je crois
16 qu'afin que les choses soient très claires, à savoir quelles photographies
17 ont été identifiées, je pourrais peut-être les montrer au témoin une fois
18 de plus afin qu'il les identifie et que nous y apposions un numéro.
19 Je demande à l'huissier de donner tous ces exemplaires au témoin.
20 M. May (interprétation) - Pendant que j'y pense, pouvez-vous nous rappeler
21 la distance entre la caserne de la JNA et la ferme d'Ovcara ?
22 M. Williamson (interprétation). - Je crois qu'il s'agit d'environ quatre à
23 cinq kilomètres.
24 M. May (interprétation) - Merci.
25 M. Williamson (interprétation). - Un enquêteur viendra témoigner par la
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1 suite, sans doute à la fin de la présentation de nos arguments, il nous
2 donnera une distance plus précise à ce moment-là.
3 Témoin P, je voudrais que vous examiniez chacune des photographies, les
4 unes après les autres. La première est la photographie pièce de
5 l'accusation n° 37. Je voudrais que vous indiquiez s'il s'agit bien de
6 photographies que vous avez identifiées précédemment au cours de votre
7 témoignage.
8 Témoin P (interprétation). - Excusez-moi, je n'entends pas. Les
9 interprètes pourraient-ils parler plus fort ?
10 M. Williamson (interprétation). - Au fur et à mesure que vous examinerez
11 chacune des photos, pourrez-vous nous donner le nom de la personne si vous
12 le connaissez, et si vous ne le connaissez pas, dites-le simplement, ainsi
13 que l'endroit où vous l'avez vue par la suite.
14 Témoin P (interprétation). - La première personne, sur la gauche de la
15 photographie, c'est Stipo Sotinac. Il porte une chemise blanche et un
16 bandage sur l'oeil gauche.
17 M. Williamson (interprétation). - M'entendez-vous ?
18 Monsieur le Président, pour aller le plus rapidement possible, le témoin
19 pourrait peut-être placer chaque photographie sur le rétroprojecteur et la
20 rendre à l'huissier au fur et à mesure. Nous pourrions aller ainsi plus
21 rapidement.
22 Si vous pouvez attendre que le rétroprojecteur soit allumé. Il s'agit de
23 la pièce de l'accusation n° 37. Pourriez-vous nous dire rapidement de quoi
24 il s'agit ?
25 Témoin P (interprétation). - Cet homme est Stipo Sotinac. Il a été appelé,
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1 son nom était sur la liste. Avant que tous les autres ne quittent
2 l'hôpital, il faisait partie de ce groupe.
3 M. Williamson (interprétation). - Pièce suivante : pièce n° 38 de
4 l'accusation.
5 Témoin P (interprétation). - Cet homme, ici, est Damjan Samardzic. Il a
6 été frappé à mort dans le hangar à Ovcara.
7 M. Williamson (interprétation). - Cette personne avait-elle un surnom ?
8 Témoin P (interprétation). - Son surnom était Veliki Bojler, c'est-à-dire
9 "grande chaudière".
10 M. Williamson (interprétation). - C'est maintenant la pièce n° 39 qui est
11 placée sur le rétroprojecteur.
12 Témoin P (interprétation). - Ce jeune homme est Damir Kovacic. Il a été
13 blessé à la poitrine et a été battu très violemment à Ocava.
14 M. Williamson (interprétation). - Pièce de l'accusation n° 40.
15 Témoin P (interprétation). - Ce jeune homme est Igor Kacici. Il a seize
16 ans. Je l'ai vu à Ocava également.
17 M. Williamson (interprétation). - Photographie suivante, pièce de
18 l'accusation 41.
19 Témoin P (interprétation). - Je ne connais pas le nom de cet homme. Je
20 l’ai vu à Ovcara aussi.
21 M. Williamson (interprétation). - C’est la pièce 42.
22 Témoin P (interprétation). - Même chose pour cet homme. Je ne connais
23 pas son nom, mais il était là-bas.
24 M. Williamson (interprétation). - Photographie suivante : pièce à
25 conviction de l’accusation n° 43.
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1 Témoin P (interprétation). - Je ne connais pas le nom de cet homme non
2 plus.
3 M. Williamson (interprétation). - Y a-t-il une autre personne que vous
4 connaissez sur cette photo ?
5 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est Dosanja Jakubovski. Son surnom est
6 Ivan ou quelque chose comme cela.
7 M. Williamson (interprétation). - Vous avez vu ces deux hommes à Ovcara ?
8 Témoin P (interprétation). - Oui.
9 M. Williamson (interprétation). - Photographie suivante : il s'agira de la
10 pièce à conviction de l’accusation n° 44.
11 Témoin P (interprétation). - Ce sont les deux mêmes hommes : Jakubovski et
12 l'autre.
13 M. Williamson (interprétation). - Photographie suivante : pièce de
14 l'accusation n° 45.
15 Témoin P (interprétation). - C'est Damir Polhert qui porte des lunettes.
16 Je l'ai vu à Ovcara.
17 M. Williamson (interprétation). - Très bien. Dernière photographie qui
18 sera... Je ne crois pas que vous l'avez indiqué sur la vidéo, mais avez-
19 vous vous eu la possibilité après avoir vu cette cassette dans ce
20 prétoire, de la parcourir avec un expert du Bureaux du Procureur ?
21 Témoin P (interprétation). - Oui.
22 M. Williamson (interprétation). - A ce moment-là, aviez-vous dit que cette
23 scène incluait quelqu'un que vous connaissiez ?
24 Témoin P (interprétation). - Oui.
25 M. Williamson (interprétation). - Pouvez-vous nous dire de quoi il
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1 s'agit ? Il s'agit de la pièce de l'accusation 46.
2 Témoin P (interprétation). - Cet homme était à Ovcara également. Je ne
3 connais pas son nom.
4 M. Williamson (interprétation). - Très bien.
5 Je voudrais demander le versement des pièces 37 à 47 inclus.
6 Témoin P, avant de regarder la vidéo, vous parliez de ce qui se passait
7 dans le hangar. Pendant combien de temps êtes-vous resté dedans ?
8 Témoin P (interprétation). - J'y suis resté, je ne sais pas, peut-être une
9 demi-heure, 45 minutes, lorsqu'un Chetnik de la région, un soldat est venu
10 vers moi et m’a demandé ce que je faisais là. J’ai haussé les épaules. Il
11 m'a demandé si j'étais dans l'armée. J'ai répondu que non.
12 J'ai dit que j'étais dans l'abri antiatomique à Olajnica. Puis il m'a pris
13 à part, à gauche de la porte, près de Jakoslav Cindin* qui était également
14 avec moi sur les lieux. On nous a laissés là. On nous a gardés. On nous a
15 fait garder par un soldat de la JNA avec un fusil. Il était à quelques pas
16 de nous et nous surveillait
17 M. Williamson (interprétation). - En 1991, saviez-vous qui était
18 Slavko Dokmanovic ?
19 Témoin P (interprétation). - Je savais qu'il était le maire de la ville de
20 Vukovar, qu'il était serbe, qu'il était parti en juin. Mais je ne
21 connaissais pas son visage.
22 M. Williamson (interprétation). - Saviez-vous s'il était à Ovcara le
23 20 novembre 1991 ?
24 M. May (interprétation). - (Hors micro.)
25 Je crois que vous devriez formuler cette question. Vous pourriez lui
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1 demander s'il a vu des témoins. Mais "avoir connaissance" pourrait mener à
2 un tas d'autres notions.
3 M. Williamson (interprétation). - Oui, je vais reformuler cette question.
4 Avez-vous vu Slavko Dokmanovic à Ovcara le 20 novembre 1991 ?
5 Témoin P (interprétation). - Sans doute, mais je ne l'ai pas reconnu. Je
6 ne connaissais pas son visage.
7 M. Williamson (interprétation). - Dans quelles circonstances avez-vous été
8 emmené à l'extérieur du hangar ?
9 Témoin P (interprétation). - C'est le soldat qui m'a fait sortir. Après
10 avoir passé un certain temps à gauche de la porte, on m'a fait sortir du
11 hangar. Kacic Igor était là aussi. Peu à peu, ils en ont fait sortir
12 d'autres. Au bout du compte, nous étions neuf à être dehors.
13 Puis nous sommes retournés au hangar. Ils ont pris nos noms en deux
14 exemplaires. L'un des exemplaires a été donné à un soldat de la JNA ou
15 plutôt à un officier de la JNA, qui a déclaré être membre de la sécurité
16 militaire dans la JNA.
17 M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit que neuf d'entre vous
18 étiez sortis du hangar. Etes-vous restés ensemble ?
19 Témoin P (interprétation). - Alors que nous allions nous diriger vers la
20 camionnette qui devait nous emmener à Vukovar, un Chetnik est apparu. Il a
21 demandé : "Igor Kacic* est ici ?" et l'un des soldats a dû le mettre de
22 côté. Il était jeune, il n'avait que 16 ans.
23 L'autre a dit : "Il doit retourner dans le hangar, son père est Oustachi".
24 Ensuite, , nous avons commencé à nous diriger vers la camionnette et
25 Miro Ljub* est
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1 venu vers nous en courant, un Chetnik. J'avais l'impression qu'il
2 commandait. Il y avait aussi un homme avec un bâton avec lui, il était
3 invalide déjà avant la guerre. Il s'appelait Ivan Jasmic* et Miro Ljub* a
4 demandé aux Chetniks qui nous escortaient pourquoi ils l'emmenaient, lui.
5 Il était le secrétaire du HDZ. Il a donc été ramené aussi. En fait, nous
6 sommes restés à sept.
7 M. Williamson (interprétation). - Pendant combien de temps êtes-vous resté
8 à l'extérieur du hangar, à votre avis ?
9 Témoin P (interprétation). - Peut-être une heure. Le crépuscule tombait
10 déjà lorsque nous partions.
11 M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit que vous partiez. Où êtes-
12 vous allés ?
13 Témoin P (interprétation). - Alors que nous étions encore devant le
14 hangar, nous avons entendu un bruit de d'équipement très fort. Je ne sais
15 pas s'il s'agissait de pelleteuses ou autre chose, mais en tout cas nous
16 avons entendu un bruit très fort.
17 On nous a d'abord emmenés à Velepromet où ils n'ont pas voulu nous laisser
18 rentrer : ils n'avaient pas de place. Ils nous ont donc emmenés à
19 Modateks.
20 M. Williamson (interprétation). - Comment vous a-t-on transportés d'Ovcara
21 jusqu'à Velepromet et ensuite jusqu'à Modateks ?
22 Témoin P (interprétation). - Dans une camionnette, à l'arrière. On était
23 assis sur des espèces de cageots.
24 M. Williamson (interprétation). - Qui était avec vous dans cette
25 camionnette ?
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1 Témoin P (interprétation). - Nous étions sept en tout. Il y avait des
2 Chetniks aussi avec nous, mais je ne me souviens pas de leurs visages. Il
3 faisait sombre
4 et je n'avais pas mes lunettes.
5 M. Williamson (interprétation). - Pendant combien de temps êtes-vous resté
6 à Modateks ?
7 Témoin P (interprétation). - A 7 heures du soir à peu près. Nous y avons
8 passé la nuit, sur une table en marbre qui était utilisée pour y
9 entreposer des vêtements. C'est là que les Chetniks sont arrivés. Ils nous
10 ont demandé qui nous étions et ce que nous avions fait. Puis un Chetnik
11 est venu et m'a emmené avec lui.
12 M. Williamson (interprétation). - Comment avez-vous été libéré de
13 Modateks ? Une fois que ce Chetnik est venu vers vous, qu'a-t-il fait de
14 vous ? Où vous a-t-il emmené ?
15 Témoin P (interprétation). - On ne m'a pas libéré, il m'a emmené dans la
16 maison d'une autre personne, où il y avait principalement des personnes
17 âgées d'ailleurs, dont les fils se battaient au sein de l'Armée croate,
18 c'est-à-dire dans la Garde nationale, et dont les mères étaient présentes.
19 En tout cas, sa mère était là, c'était sa maison.
20 M. Williamson (interprétation). - Pendant combien de temps êtes-vous resté
21 dans cette maison ?
22 Témoin P (interprétation). - Jusqu'au 14 décembre 1991.
23 M. Williamson (interprétation). - Vous êtes donc resté à Vukovar pendant
24 toute cette période, n'est-ce pas ?
25 Témoin P (interprétation). - Oui.
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1 M. Williamson (interprétation). - Au cours de cette période, avez-vous eu
2 la possibilité de parler avec tous les Serbes de la région de ce qui
3 s'était passé à Ovcara ?
4 Témoin P (interprétation). - Ils venaient me voir tous les jours. J'étais
5 avec
6 eux. Il y en avait quatre ou cinq qui étaient à Ovcara. Je n'ai pas osé
7 leur poser de questions, sauf à un certain Savic. Il m'a dit : "Ils sont
8 tous sous la terre".
9 M. Williamson (interprétation). - Le 14 décembre, où êtes-vous allé ?
10 Témoin P (interprétation). - Je suis allé à Sid où je suis resté cinq
11 jours. Je suis allé ensuite à Belgrade, ceci jusqu'au 12 janvier. Ensuite,
12 j'ai traversé la Bosnie pour aller en Croatie.
13 M. Williamson (interprétation). - Je n'ai plus de questions, monsieur le
14 Président.
15 M. le Président (interprétation). - Maître Fila ?
16 M. Fila (interprétation). - Avant de commencer mon contre-interrogatoire,
17 j'aimerais faire une objection pour le compte-rendu. Ce témoin n'a jamais
18 mentionné Dokmanovic. Il a fait deux déclarations pourtant, notamment dans
19 le cadre de l'audience au titre de l'Article 61.
20 On ne m'a pas communiqué la déclaration supplémentaire du témoin. J'essaie
21 d'être tolérant, mais si je n'exprime pas ma réaction, je risque d'avoir à
22 faire face à la même situation à l'avenir. C'est pourquoi je veux exprimer
23 cette objection.
24 M. May (interprétation) - Maître Fila, sur le témoignage que vient de
25 faire ce témoin sur votre client, je suis tout à fait d'accord avec vous
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1 sur ce point. Il n'y a aucun signe qu'une telle déclaration allait être
2 faite. Avant que ce type de déclaration soit faite, je suis sûr que vous
3 devriez être prévenu que cette déclaration risque d'être faite. Je pense
4 que le Bureau du Procureur en est totalement conscient.
5 Ce qu'il a dit est clair. En revanche, il ne connaissait pas votre client
6 et lorsqu'on lui a demandé s'il avait vu votre client sur place, il a
7 répondu : "Probablement, il était sans doute là-bas", mais il n'a pas pu
8 le dire effectivement parce qu'il ne le connaissait pas.
9 En fait, ce témoignage n'a pas de poids parce qu'il n'a pas pu reconnaître
10 votre client. Il n'a pas pu procéder à une quelconque forme
11 d'identification. Peut-être que cela vous aide, Maître Fila.
12 M. Williamson (interprétation). - Nous sommes d'accord, il n'y a pas eu
13 d'identification quelle qu'elle soit. La façon dont a parlé le témoin
14 n'était peut-être pas celle à laquelle nous nous attendions, mais en tout
15 cas cela ne constitue pas une identification de M. Dokmanovic.
16 M. May (interprétation) - Oui, c'est sans doute la solution, mais si une
17 question de ce type doit être posée, il faut qu'il y ait un avertissement
18 préalable si vous avez l'intention de poser une question telle que celle-
19 ci au témoin parce que c'est une question extrêmement directe, qui permet
20 d'identifier l'accusé.
21 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit que le 19, vous étiez à
22 l'hôpital
23 Témoin P (interprétation). - Oui.
24 M. Fila (interprétation). - Savez-vous si quelqu'un était sorti le 19,
25 chez les Chetniks, les paramilitaires, etc., c'est-à-dire des personnes à
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1 l'hôpital ?
2 Témoin P (interprétation). - Oui, le 19, la plupart des personnes ont
3 quitté l'hôpital.
4 M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, nous n'avons pas bien compris.
5 Ont-ils été forcés à sortir ?
6 Témoin P (interprétation). - Lorsque que quelqu'un vous dit de grimper
7 dans un camion et d'aller à Velepromet, je crois que c'est forcer les
8 gens, à mon avis.
9 M. Fila (interprétation). - Je vous parle du 19.
10 Témoin P (interprétation). - Très bien.
11 M. Fila (interprétation). - savez-vous si l'une ou l'autre de ces
12 personnes a fini à Ocava ?
13 Témoin P (interprétation). - Des personnes qui ont été sorties de
14 l'hôpital le 19, je ne sais pas.
15 M. Fila (interprétation). - Les soldats de la JNA qui sont venus
16 portaient-ils l'étoile à cinq branches sur leur béret, Sljivancanin et les
17 autres ?
18 Témoin P (interprétation). - Je ne me rappelle pas avoir vu une étoile à
19 cinq branches.
20 M. Fila (interprétation). - Vous vous rappelez quoi ? Des Aigles blancs ?
21 Témoin P (interprétation). - Non, le drapeau rouge sans étoile.
22 M. Fila (interprétation). - Très bien, il n'y a aucun problème. Il y a une
23 cassette de toute façon. Y avait-il également des Serbes de la région, des
24 paramilitaires ?
25 Témoin P (interprétation). - Oui.
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1 M. Fila (interprétation). - S'agissait-il des Serbes de la région qui
2 connaissaient Vukovar ?
3 Témoin P (interprétation). - Oui.
4 M. Fila (interprétation). - Auraient-ils eu besoin d'une aide quelconque
5 pour que la JNA puisse circuler ou bien est-ce que les Serbes suffisaient,
6 est-ce qu'il suffisait que les Serbes soient là pour qu'ils puissent voir
7 les environs ?
8 Témoin P (interprétation). - Je ne comprends pas la question.
9 M. Fila (interprétation). - Vous avez déclaré qu'ils connaissaient bien
10 Vukovar, que tous ces gens de la région auraient été capables de leur
11 indiquer où se trouvait la gare des bus, etc.
12 Témoin P (interprétation). - Pour autant que je sache, les militaires
13 disposaient de cartes extrêmement précises. Ils n'avaient pas besoin de
14 qui que ce soit pour se repérer dans la région.
15 M. Fila (interprétation). - Je vous remercie infiniment. Je vais vous
16 poser une autre question qui m'intéresse beaucoup. Etant donné que vous
17 avez pris part au combat, peu importe de quelle façon d'ailleurs vous y
18 avez pris part, dites-moi qui se trouvait dans la région entre Negoslavci
19 et Vukovar pendant les combats, disons entre les mois de septembre,
20 octobre et novembre, tandis que, vous même, vous étiez, dirais-je, libre ?
21 Témoin P (interprétation). - Eh bien, il y avait la caserne qui se
22 trouvait là depuis un certain temps déjà. Mais je ne sais pas qui
23 l'occupait à ce moment-là. Je ne peux pas en être absolument certain. Ce
24 qui est certain, c'est que des obus tombaient et qu'ils provenaient de ce
25 secteur-là.
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1 Donc sans doute que les militaires et les Chetniks se trouvaient là. Moi,
2 je dispose de certains informations selon lesquelles il y avait des
3 Chetniks qui se trouvaient là, des Chteniks de la région et des Chetniks
4 qui provenaient de l'extérieur.
5 M. Fila (interprétation). - L'accusation vous a posé une question relative
6 à ce que vous entendiez par le terme "Chetnik", alors maintenant je vous
7 pose la question : "Qu'entendez-vous par le terme Oustachi" ?
8 Témoin P (interprétation). - Pour moi, le terme "Oustachi" est le terme
9 qui définit l'armée historique de l'Etat indépendant de Croatie.
10 M. Fila (interprétation). - Y avait-il de telles personnes présentes en
11 1991 ?
12 Témoin P (interprétation). - Je vous parle de la situation historique.
13 M. Fila (interprétation). - Je vous ai très bien compris, mais y avait-il
14 des Oustachis contemporains en 1991 ?
15 Témoin P (interprétation). - Non, c'était de 1941 à 1945.
16 M. Fila (interprétation). - Y avait-il des formations paramilitaires à
17 Vukovar ?
18 Témoin P (interprétation). - Non, je n'en ai vu aucune.
19 M. Fila (interprétation). - Est-ce qu'il s'agit également là de choses
20 historiques, ou bien quel type de pouvoir avaient-ils ?
21 Témoin P (interprétation). - Je ne sais pas. Ah, vous voulez dire est-ce
22 qu'il y avait une personne historique ou une entité qui avait bénéficié
23 d'une formation paramilitaire ?
24 M. Fila (interprétation). - Est-ce qu'il y avait des formations armées,
25 voilà ma question.
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1 Témoin P (interprétation). - Je n'ai vu aucune formation militaire, là-
2 bas. Je ne sais pas s'ils étaient armés.
3 M. Fila (interprétation). - Tandis que vous alliez de l'hôpital vers la
4 caserne de la JNA, est-ce que vous avez fait ce chemin directement ou
5 êtes-vous passé par Velepromet, et est-ce que vous avez circulé dans le
6 secteur avant d'arriver là-bas ?
7 Témoin P (interprétation). - Non, nous sommes allés directement là-bas.
8 Nous sommes allés directement à la caserne.
9 M. Fila (interprétation). - Velepromet, ça se trouve de l'autre côté de la
10 route ou bien un peu au-delà de la caserne ?
11 Témoin P (interprétation). - Un peu au-delà.
12 M. Fila (interprétation). - A quelle distance ?
13 Témoin P (interprétation). - Disons 100 mètres.
14 M. Fila (interprétation). - J'ai bien compris que vous ne portiez pas de
15 montre ce jour-là et que, par conséquent, il vous est difficile de vous
16 repérer dans le temps. Ceci étant dit, à quel moment de la journée cela
17 s'est-il passé, à quel moment de la journée êtes-vous arrivé à Ovcara ?
18 Donnez-nous une approximation, je ne vous
19 demande rien de plus.
20 Témoin P (interprétation). - Lorsque nous sommes arrivés à Ovcara, c'est
21 cela que vous me demandez ?
22 M. Fila (interprétation). - Oui, lorsque ces cinq ou six bus sont arrivés
23 à Ovcara, c'était à quel moment de la journée ?
24 Témoin P (interprétation). - Entre 14 et 15 heures.
25 M. Fila (interprétation). - 14 et 15 heures, donc l'après-midi ?
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1 Témoin P (interprétation). - Oui.
2 M. Fila (interprétation). - Quand êtes-vous parti ?
3 Témoin P (interprétation). - Entre 17 et 18 heures.
4 M. Fila (interprétation). - Parfait, entre 17 et 18 heures, donc l'après-
5 midi, comme cela tout est clair pour tour le monde. Je vous remercie.
6 Vous avez parlé de M. Jurisic. Est-ce que c'est lui qui a tué ces deux
7 gardes ?
8 Témoin P (interprétation). - Oui.
9 M. Fila (interprétation). - C'est une personne à qui il manque des
10 doigts ?
11 Témoin P (interprétation). - Non, non. C'est un de mes voisins et je le
12 connais d'ailleurs assez bien.
13 M. Fila (interprétation). - Comment s'appelle-t-il exactement ?
14 Témoin P (interprétation). - Slobodan. Il a exécuté un homme qu'il avait
15 d'abord blessé. Il l'a d'abord abattu, ensuite il lui a marché dessus,
16 enfin il l'a achevé. C'était le 26 ou le 27.
17 M. Fila (interprétation). - Si je vous ai bien compris, lorsque que ce
18 soldat vous a frappé avec un bâton au niveau de l'arcade sourcillière,
19 vous avez perdu vos lunettes, n'est-ce pas ?
20 Témoin P (interprétation). - Oui.
21 M. Fila (interprétation). - Vos lunettes sont très résistantes ou pas ?
22 Témoin P (interprétation). - Je dirais qu'elles ont un degré de correction
23 de 25.
24 M. Fila (interprétation). - Après avoir perdu vos lunettes, avez-vous pu
25 reconnaître des personnes de façon assez précise ?
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1 Témoin P (interprétation). - Vous savez, ma vue n'est pas si mauvaise.
2 M. Fila (interprétation). - Oui, je sais très bien, j'ai moi-même ce type
3 de problème de vision. Mais la raison pour laquelle je vous pose ce type
4 de question est la suivante : un peu plus tard, dans la camionnette,
5 lorsque vous étiez sept personnes, qui avez-vous reconnu ? Qui de ces
6 personnes connaissez vous ?
7 Témoin P (interprétation). - J'ai déjà répondu à la question.
8 M. Fila (interprétation). - Oui, je sais. Si vous ne voulez pas répondre à
9 la question, si cela vous fait peur de répondre, vous pouvez écrire ces
10 noms sur un morceau de papier. Vous n'avez pas besoin de le dire à haute
11 voix.
12 Témoin P (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
13 dois-je répondre à la question ?
14 M. le Président (interprétation). - Oui. Pourquoi hésitez-vous à répondre
15 à la question ? Avez-vous un problème quelconque ?
16 M. Williamson (interprétation). - Je crois, Monsieur le Président, que
17 certaines de ces personnes vont venir ici en tant que témoins protégés.
18 Peut-être le témoin est-il conscient de cela et du fait que ces témoins
19 ont réclamé des mesures de sécurité.
20 M. le Président (interprétation). - Vous émettriez une objection quant au
21 fait que le témoin écrive le nom de ces personnes sur un morceau de
22 papier ?
23 M. Williamson (interprétation). - Non.
24 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
25 Témoin P, veuillez s'il vous plaît indiquer le nom de ces personnes sur
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1 une feuille de papier.
2 M. Williamson (interprétation). - Un instant, s'il vous plaît. J'aimerais
3 voir ce morceau de papier avant qu'il ne soit versé au dossier, s'il vous
4 plaît.
5 Monsieur le Président, nous n'avons pas d'objection quant au versement au
6 dossier de ce document.
7 M. Fila (interprétation). - Vous avez déclaré que vous n'aviez pas aperçu
8 d'étoiles sur les bérets des soldats à l'hôpital, le 19 et le 20.
9 Témoin P (interprétation). - Oui, c'est ce que j'ai dit.
10 M. Fila (interprétation). - A Ovcara, avez-vous vu quelqu'un porter un
11 béret avec ces étoiles à cinq branches ? D'ailleurs, avez-vous servi dans
12 les rangs de l'armée ?
13 Témoin P (interprétation). - Non, du fait justement de ma mauvaise vue.
14 M. Fila (interprétation). - Effectivement, il en a été de même pour moi.
15 Vous rappelez-vous de quelqu'un qui aurait porté ce type d'étoiles ?
16 Témoin P (interprétation). - Non, pas à Ovcara. Je ne me rappelle de
17 personne.
18 M. Fila (interprétation). - Vous ne vous rappelez pas avoir vu ce type
19 d'étoiles à Ovcara ? Parfait.
20 Vous rappelez-vous dans quel bus vous vous trouviez là-bas ? L'une
21 quelconque des personnes dont vous avez écrit le nom sur ce bout de papier
22 se trouvait-elle dans le bus avec vous ?
23 Témoin P (interprétation). - Oui.
24 M. Fila (interprétation). - Toutes ces personnes ou certaines d'entre
25 elles ?
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1 Témoin P (interprétation). - Certaines de ces personnes.
2 M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous faire une indication des personnes
3 qui se trouvaient avec vous dans le bus ? Vous étiez dans l'avant-dernier
4 bus ?
5 Témoin P (interprétation). - Si c'était six bus, j'étais dans le
6 cinquième. S'il n'y avait que cinq bus, j'étais dans le quatrième.
7 M. Fila (interprétation). - Fort bien, vous étiez dans le quatrième ou le
8 cinquième bus, selon le nombre total. S'il vous plaît, apposez cette
9 indication à côté du nom des personnes qui se trouvaient dans le bus avec
10 vous.
11 Excusez-moi, avez-vous terminé ?
12 Témoin P (interprétation). - Oui.
13 M. Fila (interprétation). - Parfait.
14 J'ai une dernière question à vous poser. Vous avez déclaré qu'il y avait
15 du foin dans ce hangar.
16 Témoin P (interprétation). - Oui, en effet.
17 M. Fila (interprétation). - Ma dernière question maintenant. Excusez-moi
18 de votre temps. Cela signifie-t-il que des gens dormaient sur ce foin ou
19 que des gens avaient occupé le hangar quelque temps auparavant ?
20 Témoin P (interprétation). - C'était un complexe agricole. Je ne sais donc
21 pas exactement à quelle fin c'était utilisé.
22 M. Fila (interprétation). - Avez-vous vu des machines dans cet endroit,
23 des pelleteuses, des tracteurs, d'autres types de machines agricoles ?
24 Témoin P (interprétation). - Oui, je crois qu'il y avait quelque chose,
25 mais vraiment tout au fond du hangar.
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1 M. Fila (interprétation). - Vous parlez de l'intérieur ou de l'extérieur
2 du
3 hangar ?
4 Témoin P (interprétation). - De l'extérieur. J'ai simplement entendu ces
5 machines à l'extérieur.
6 M. Fila (interprétation). - Vous avez vu des machines ?
7 Témoin P (interprétation). - Non, je n'ai rien vu.
8 M. Fila (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur. Je n'ai pas
9 d'autres questions à vous poser. Je n'ai pas d'opposition au fait que le
10 témoin puisse se retirer de façon définitive.
11 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
12 Maître Williamson, souhaitez-vous exercer votre droit de réplique ?
13 M. Williamson (interprétation). - Un instant, Monsieur le Président, s'il
14 vous plaît.
15 Monsieur Fila souhaite-t-il demander le versement au dossier de ce
16 document ou pas ? Ce document a-t-il été versé au dossier ? A-t-il reçu
17 une cote ?
18 M. Fila (interprétation). - Oui. Je pensais que, plus tard, je pourrais
19 confirmer les noms qui apparaissent sur cette liste grâce à l'intervention
20 d'autres témoins. C'est la seule raison pour laquelle je n'ai pas demandé
21 le versement au dossier immédiatement.
22 M. Williamson (interprétation). - Parfait. Je n'ai pas d'autres questions
23 à poser.
24 M. le Président (interprétation). - De quel document s'agit-il ?
25 M. le Greffier. (interprétation). - Du document D 3.
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1 M. le Président (interprétation). - Merci. J'ai quelques questions à
2 poser, il y a deux ou trois points qui ne sont pas tout à fait clairs pour
3 moi.
4 Vous avez tout d'abord dit que vous aviez vu neuf personnes se faire
5 frapper. Où et quand ont été frappées ces neuf personnes que vous nous
6 avez montrées sur les photos ? Ont-elles été frappées avant d'entrer dans
7 le hanger ou dans le hangar ? Je ne vous ai pas très bien compris. C'est
8 simplement pour cela que je vous pose cette question.
9 Témoin P (interprétation). - Je ne sais pas combien de personnes j'ai
10 identifiées sur cette cassette. Si vous dites neuf, peut-être est-ce neuf
11 effectivement. Elles ont été battues avant d'entrer dans le hangar, et une
12 fois qu'elles sont entrées dans le hangar.
13 M. le Président (interprétation). - Dans le hangar également, je vois.
14 Vous avez précisé qu'on vous avait retiré vos lunettes. Cela s'est passé
15 avant que vous n'entriez dans le hangar ou bien une fois que vous étiez
16 déjà dans le hangar ?
17 Témoin P (interprétation). - Lorsque je suis entré dans le hangar, ils
18 n'ont pas pris mes lunettes, mais ce Chetnik les a cassées avec son bâton.
19 M. le Président (interprétation). - Dès que vous êtes entré dans le
20 hangar, vos lunettes ont été brisées ?
21 Témoin P (interprétation). - En effet.
22 M. le Président (interprétation). Je crois que vous êtes myope, n'est-ce
23 pas ?
24 Témoin P (interprétation). - Oui.
25 M. le Président (interprétation). - Dites-moi, quel était le degré de
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1 visibilité dans le hangar ? Etait-ce facile de voir les gens circuler dans
2 le hangar ? Comment arriviez-vous à reconnaître le visages des personnes
3 qui s'y trouvaient ? Etait-ce en plein jour ou bien était-ce dans le
4 courant de l'après-midi ? Faisait-il sombre ?
5 Témoin P (interprétation). - Oui, on y voyait, il faisait jour. Et de
6 près, je
7 peux reconnaître les gens que je connais. Certains des hommes qui se
8 trouvaient là, je les reconnaissais, même s'ils étaient à quelque distance
9 de moi, je les reconnaissais au son de leurs voix par exemple.
10 M. le Président (interprétation). - Je vois. Donc la lumière du jour
11 arrivait dans le hangar. Mais d'où provenait-elle ?
12 Témoin P (interprétation). - Elle entrait par la porte. Il y avait
13 également des fenêtres dans le hangar.
14 M. le Président (interprétation). - Je vois. Combien de fenêtres, vous le
15 rappelez-vous ?
16 Témoin P (interprétation). - Au niveau du plafond, il y a un alignement
17 de fenêtres qui sont côte à côte, juste sous la ligne du toit, sur toute
18 la longueur du mur, il y avait des fenêtres côte à côte.
19 M. le Président (interprétation). - Vous voulez dire qu'il y avait deux
20 fenêtres sous le toit, l'une près de l'autre ?
21 Témoin P (interprétation). - Non, non. Vous avez le toit, et puis juste
22 sous le toit, sur toute la longueur du mur du hangar, il y avait une
23 rangée de fenêtres qui étaient placées tout à côté l'une de l'autre. Je ne
24 sais pas de combien de fenêtres il s'agissait.
25 M. le Président (interprétation). - Outre les fenêtres, combien y avait-il
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1 de portes à l'intérieur du hangar ?
2 Témoin P (interprétation). - Il a avait deux portes d'un côté, deux
3 grandes portes... Je crois qu'il y en avait deux autres de l'autre côté.
4 M. le Président (interprétation). - Ces portes du hangar étaient ouvertes
5 ou fermées ? Les personnes qui vous amenaient à l'intérieur du hangar les
6 ont-elles maintenues ouvertes ou fermées ?
7 Témoin P (interprétation). - L'une des portes était ouverte, la porte qui
8 se trouvait sur le devant.
9 M. le Président (interprétation). - Si cela ne vous ennuie pas, je vais
10 maintenant vous poser une question portant sur les événements qui se sont
11 produits en juin 1991. Vous avez parlé du meurtre de deux personnes qui
12 ont été abattues quelque part, à Vukovar il me semble, et à un moment,
13 vous avez précisé que des soldats portaient -et je vous cite- l'insigne de
14 l'Armée croate. C'est ce que vous avez dit.
15 Savez-vous à partir de quel moment les soldats de l'Armée croate ont
16 commencé à porter l'insigne de l'Armée croate ?
17 Témoin P (interprétation). - Ces deux hommes portaient l'uniforme de
18 l'Armée croate. Ils sont entrés dans ce café pour prendre un verre. Et
19 puis deux autres hommes sont arrivés et les ont tués.
20 M. le Président (interprétation). - Voyons si je vous ai bien compris,
21 cela veut dire que ces deux soldats n'étaient pas des soldats de la JNA, à
22 ce moment-là, en juin 1991 ? C'étaient déjà des soldats qui portaient
23 l'uniforme et l'insigne de l'Armée croate, par opposition à l'uniforme de
24 la JNA ?
25 Témoin P (interprétation). - Oui, nous parlons de la fin du mois de juin,
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1 vers le 27 juin.
2 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
3 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, nous disposons de
4 certaines photographies du hangar. Peut-être que cela peut vous aider à
5 mieux comprendre les points que vous avez abordés. Peut-être que nous
6 pouvons les montrer.
7 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Y a-t-il des
8 oppositions de la défense ? Non ? Je vous remercie.
9 M. Williamson (interprétation). - Il s'agit de la pièce de la défense
10 n° 20.
11 Je demande que l'on commence à montrer la cinquième photographie, à partir
12 de la fin de l'album. On peut ensuite regarder les photos suivantes.
13 Si l'huissier veut bien m'apporter l'album, j'indiquerai plus précisément
14 de quelles photos je parle.
15 Témoin P, pouvez-vous expliquer ce que l'on voit sur cette première
16 photographie ?
17 Témoin P (interprétation). - Voilà le hangar où nous avons été emmenés.
18 Voici une des portes. On voit bien les fenêtres sous le toit. C'est le
19 hangar.
20 M. Williamson (interprétation). - Pourrait-on baisser les lumières dans la
21 salle, parce que cela fait des reflets un peu gênants ? C'est parfait.
22 Témoin P, ayez l'obligeance de nous répéter ce que vous venez de dire.
23 Témoin P (interprétation). - Voici une des portes, tout ce bâtiment-ci est
24 le hangar. Voici les fenêtres dont je parlais, qui se trouvent juste sous
25 le toit. Ici, on aperçoit l'autre porte, celle qui était fermée. Et puis
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1 de l'autre côté, je crois qu'il y avait également deux portes qui étaient
2 fermées. Il y avait également une rangée de fenêtres parallèles à celles
3 que l'on peut voir.
4 M. Williamson (interprétation). - Par quelle porte êtes-vous passé, vous
5 et les autres hommes emmenés au hangar, le 20 novembre ?
6 Témoin P (interprétation). - Par ici. Les bus se garaient les uns après
7 les autres ici. Et puis les gardes, les Chetniks, se tenaient de ce côté-
8 ci. Nous devions passer entre la haie qu'ils formaient.
9 D'un côté, ils rassemblaient nos papiers, et puis notre groupe de neuf,
10 puis de sept personnes a été rassemblé ici.
11 M. Williamson (interprétation). - Je vous remercie. Vous pouvez tourner la
12 page et regarder la photo suivante. Peut-on avoir un agrandissement ou
13 placer la
14 photographie afin de la voir dans son intégralité ?
15 Témoin P (interprétation). - Voici la porte. Les hommes se tenaient le
16 long des murs. Les Chetniks se tenaient ici et moi j'étais là, au point
17 que j'indique, c'est là que j'ai été emmené lorsqu'on m'a séparé de
18 Jegoslav*.
19 M. Williamson (interprétation). - Je vous remercie. Vous pouvez regarder
20 la photo suivante, s'il vous plaît.
21 Témoin P (interprétation). - Ici on voit l'intérieur du hangar, c'est une
22 photo prise depuis l'entrée. Là, on voit l'autre porte dont j'ai parlé
23 tout à l'heure. On voit également les fenêtres. A ce niveau là à peu près,
24 il y avait de la paille et c'est là qu'ils ont abattu un homme. Je me
25 tenais par là. C'est là qu'ils ont frappé Kajomir* Kovacic*. Vous voyez
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1 que tous ces points sont très rapprochés les uns des autres. Kajomir* été
2 tiré depuis ce point-là et frappé ici. Etant donné que je le connaissais,
3 bien que je sois myope, j'ai reconnu sa silhouette, ses vêtements. C'était
4 très facile de le voir et de le reconnaître, notamment ici lorsque
5 Kovacic* a été frappé ; j'ai pu tout voir.
6 M. Williamson (interprétation). - Vous pouvez maintenant regarder la
7 photographie suivante.
8 Témoin P (interprétation). - C'est à peu près à ce niveau-là que se tenait
9 le garde. Moi, je me tenais ici. A peu près au milieu, là, il y avait un
10 officier de la JNA.
11 M. Williamson (interprétation). - Précédemment, au cours de votre
12 témoignage, vous avez déclaré que lorsque vous vous trouviez à l'intérieur
13 du hangar, aucune machine ne s'y trouvait. C'est bien cela, n'est-ce pas ?
14 Témoin P (interprétation). - Permettez-moi de regarder à nouveau la
15 photographie précédente. Peut-être que ce type d'engin-là était au fond du
16 hangar mais ce n'est pas vraiment une machine, c'est une espèce d'outil de
17 travail, et cela se trouvait
18 vers le fond du hangar. Il y avait un ou deux engins de ce genre. Ce sont
19 des espèces d'outils et pas vraiment des machines.
20 M. Williamson (interprétation). - Je vous remercie. Monsieur le Président,
21 je n'ai plus de questions à poser.
22 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Fila, souhaitez-vous
23 prendre la parole ?
24 M. Fila (interprétation). - Non, simplement le témoin n'a pas décrit le
25 bureau ; je ne sais pas si cela a une importance quelconque.
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1 M. le Président (interprétation). - Qu'entendez-vous par là ? Le bureau ?
2 Vous parlez de l'officier de la JNA qui se trouvait au milieu du hangar,
3 c'est de cela dont vous parlez ?
4 M. Fila (interprétation). - Oui, je pensais qu'il aurait été bon de savoir
5 à quoi ressemblait cet officier de la JNA, par exemple quel était son
6 grade, etc.
7 Témoin P (interprétation). - Je ne sais pas quel était son grade, je n'ai
8 jamais servi dans les rangs de l'armée. Il portait un uniforme classique
9 de la JNA et une casquette. Il pesait environ 170 kg, il était assez gros.
10 Il avait les cheveux grisonnants.
11 M. Fila (interprétation). - Avait-il une moustache ?
12 Témoin P (interprétation). - Je ne crois pas.
13 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Personne ne s'oppose
14 à ce que le témoin puisse se retirer définitivement ?
15 M. Williamson (interprétation). - Pas d'objection, Monsieur le Président.
16 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Témoin P, merci
17 infiniment d'être venu témoigner ici, vous pouvez vous retirer.
18 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
19 M. le Président (interprétation). - L'accusation souhaite-t-elle appeler à
20 comparaître le prochain témoin ?
21 M. Waespi (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président. J'appelle à
22 comparaître le Témoin K.
23 M. le Président (interprétation). - Merci. Quelles sont les mesures de
24 protection qui sont appliquées à ce témoin ?
25 M. Waespi (interprétation). - Pardon ?
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1 M. le Président (interprétation). - Quelles sont les mesures de protection
2 qui ont été demandées par ce témoin ?
3 M. Waespi (interprétation). - Le témoin a demandé la déformation de ses
4 traits, mais il n'y aura pas d'altération de sa voix.
5 M. le Président (interprétation). - Je vois, merci.
6 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
7 Bonjour. Veuillee prêter serment, s'il vous plaît.
8 Témoin K (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la
9 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
10 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, asseyez-vous.
11 M. Waespi (interprétation). - Monsieur le Président, Madame et Monsieur
12 les Juges, je vais faire passer au témoin une feuille de papier et lui
13 demander si le nom, qui apparaît sur la feuille, est bien le sien. Si
14 c'est le cas, qu'il dise oui ou non.
15 Témoin K (interprétation). - Oui.
16 M. Waespi (interprétation). - Je demande le versement au dossier de ce
17 document, c'est notre prochaine pièce à conviction, je crois qu'il s'agit
18 de la pièce 47 ; je demande à ce qu'elle soit versée sous scellés. Je vous
19 remercie.
20 Est-ce que vous vous sentez bien ? Tout va bien, Témoin K ?
21 Témoin K (interprétation). - Jusqu'à présent, oui.
22 M. Waespi (interprétation). - Vous rappelez-vous avoir eu un entretien le
23 7 septembre 1995 avec un enquêteur de ce Tribunal ?
24 Témoin K (interprétation). - Oui, je me rappelle.
25 M. Waespi (interprétation). - Vous rappelez-vous avoir signé un document
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1 qui était la traduction en anglais des propos que vous avez tenus au cours
2 de cet entretien ?
3 Témoin K (interprétation). - Oui.
4 M. Waespi (interprétation). - Merci. Je demanderai à Monsieur l'huissier
5 de montrer au Témoin l'original en anglais et la traduction en croate de
6 ce document.
7 Monsieur le Témoin, voyez-vous votre signature au bas du document en
8 anglais ?
9 Témoin K (interprétation). - Oui.
10 M. Waespi (interprétation). - Merci beaucoup. Je demande le versement au
11 dossier de ce document en tant que pièce à conviction de l'accusation
12 numéro 48. La traduction en croate sera la pièce à conviction de
13 l'accusation 48/A. Ces deux pièces à conviction devraient être placées
14 sous scellés.
15 M. le Président (interprétation). - Des objections, Maître Fila ?
16 M. Fila (interprétation). - Non.
17 M. le Président (interprétation). - Merci.
18 M. Waespi (interprétation). - Témoin K, où êtes-vous né ?
19 Témoin K (interprétation). - A Zagreb.
20 M. Waespi (interprétation). - Est-ce également l'endroit où vous avez
21 passé le plus clair de votre vie ?
22 Témoin K (interprétation). - Toute ma vie.
23 M. Waespi (interprétation). - Merci. Je vous demanderai de bien vouloir
24 nous dire rapidement quelle a été votre éducation.
25 Témoin K (interprétation). - J'ai terminé mes études secondaires. J'ai
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1 fait des études techniques de chauffeur. Je suis maintenant en éducation
2 physique dans le cadre d'études militaires.
3 M. Waespi (interprétation). - Quelle est votre profession actuelle ?
4 Témoin K (interprétation). - Je suis officier professionnel de l'armée
5 croate.
6 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous jamais servi au sein de la JNA ?
7 Témoin K (interprétation). - Non.
8 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous jamais servi au sein d'une
9 quelconque autre armée ?
10 Témoin K (interprétation). - Non, seulement au sein de l'armée croate.
11 M. Waespi (interprétation). - Quand avez-vous rejoint les rangs de l'armée
12 croate ?
13 Témoin K (interprétation). - Le 10 août 1991.
14 M. Waespi (interprétation). - Pourquoi avez-vous décidé de rentrer dans
15 l'armée croate ?
16 Témoin K (interprétation). - J'avais une vingtaine d'années. Ma patrie, la
17 Croatie, était en danger. Il y avait une guerre en Croatie. J'ai donc
18 considéré qu'il était important que je rejoigne les rangs des défenseurs
19 de la souveraineté de ma patrie.
20 M. Waespi (interprétation). - Où vous êtes-vous inscrit pour rentrer dans
21 l'armée croate ?
22 Témoin K (interprétation). - A Zagreb, dans le quartier de Rakitje.
23 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous signé un contrat, un papier ?
24 Témoin K (interprétation). - Oui, j'ai signé un contrat qui faisait de moi
25 une nouvelle recrue au sein de la Garde nationale croate.
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1 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous signé un quelconque serment
2 inscrit sur ce document ?
3 Témoin K (interprétation). - On peut le dire avec ces mots. On peut le
4 dire de cette façon, oui.
5 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à peu près quels
6 étaient les mots qui figuraient sur ce contrat ?
7 Témoin K (interprétation). - Je m'engageais à défendre les intérêts de
8 l'Etat croate, sa souveraineté. Je m'engageais à défendre son peuple, ses
9 habitants et, s'il le fallait, à donner ma vie pour la réalisation de ces
10 objectifs. Tels sont les points principaux.
11 En outre, un certain nombre de droits, qui étaient les droits dont je
12 jouissais en tant que membre de la Garde nationale croate, étaient
13 stipulés sur ce même document.
14 M. Waespi (interprétation). - Etiez-vous payé pour les services que vous
15 rendiez ?
16 Témoin K (interprétation). - Oui, je recevais une solde.
17 M. Waespi (interprétation). - Qui vous payait cette solde ?
18 Témoin K (interprétation). - L'Etat croate.
19 M. Waespi (interprétation). - Pendant combien de temps durait ce contrat ?
20 Quelle était la durée de validité ?
21 Témoin K (interprétation). - J'ai signé pour trois ans.
22 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous suivi une quelconque formation ?
23 Témoin K (interprétation). - Oui, un entraînement court, rapide et
24 élémentaire.
25 M. Waespi (interprétation). - Où avez-vous suivi cet entraînement ?
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1 Témoin K (interprétation). - Dans le lieu appelé Kuminovac*.
2 M. Waespi (interprétation). - Est-ce un endroit qui se trouve en Croatie ?
3 Témoin K (interprétation). - Oui, en Croatie, pas loin de Zagreb.
4 M. Waespi (interprétation). - Portiez-vous une uniforme ?
5 Témoin K (interprétation). - Oui.
6 M. Waespi (interprétation). - Cet uniforme comportait-il la moindre
7 indication sur la veste, sur le couvre-chef ou ailleurs, montrant qu'il
8 s'agissait de l'uniforme de l'armée croate ?
9 Témoin K (interprétation). - Il y avait le drapeau et l'écusson croates.
10 M. Waespi (interprétation). - Un moment est-il venu où vous êtes allé à
11 Vukovar ?
12 Témoin K (interprétation). - Oui.
13 M. Waespi (interprétation). - Vous rappelez-vous la date ?
14 Témoin K (interprétation). - Oui, le 30 septembre, dans la nuit du
15 30 septembre au 1er octobre. Je suis entré à Vukovar la nuit du
16 1er octobre à 2 h 30 du matin.
17 M. Waespi (interprétation). - Qui vous a donné l'ordre d'aller à Vukovar ?
18 Témoin K (interprétation). - Mon commandant, Perkovic, me l'a donné
19 personnellement.
20 M. Waespi (interprétation). - Il fait également partie de l'armée croate ?
21 Témoin K (interprétation). - Oui, oui.
22 M. Waespi (interprétation). - Qui était membre de votre unité ?
23 Témoin K (interprétation). - Vingt hommes composaient mon unité. Elle
24 était divisée en deux sections de dix hommes.
25 M. Waespi (interprétation). - Etiez-vous le chef de l'un de ces
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1 détachements, de l'une de ces sections ?
2 Témoin K (interprétation). - Je menais la deuxième section, le deuxième
3 détachement qui comptait dix hommes.
4 M. Waespi (interprétation). - Quel était le type de cette unité ? De
5 quelle unité s'agissait-il ?
6 Témoin K (interprétation). - Il s'agissait d'une unité de fantassins, d'un
7 détachement de fantassins.
8 M. Waespi (interprétation). - Qui étaient vos hommes, ces dix hommes que
9 vous venez d'évoquer ?
10 Témoin K (interprétation). - Des soldats, comme moi.
11 M Waespi (interprétation). - Est-ce qu'ils venaient aussi de Zagreb, de la
12 même ville que vous ?
13 Témoin K (interprétation). - La majorité d'entre eux.
14 M Waespi (interprétation). - Quels types d'armes portiez-vous ?
15 Témoin K (interprétation). - Des armes de fantassins surtout et des armes
16 antiblindés.
17 M Waespi (interprétation). - Qu'est-il arrivé lorsque votre unité est
18 entrée dans Vukovar cette nuit, aux premières heures du matin du
19 1er octobre ?
20 Témoin K (interprétation). - D'abord, nous avons relevé une de nos unités
21 qui se trouvait à Vukovar. Nous avons pris nos positions au silo et nous
22 avons commencé à organiser la défense contre les attaques.
23 M Waespi (interprétation). - Donc la position où vous vous trouviez se
24 trouvait sur le Danube. Est-ce ce que vous nous dites ?
25 Témoin K (interprétation). - Oui.
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1 M Waespi (interprétation). - Vous avez défendu ces positions contre des
2 attaques venant du Danube -c'est ce que vous venez de dire-, mais qui se
3 trouvait de l'autre côté du Danube, sur la rive opposée ?
4 Témoin K (interprétation). - Sur la rive opposée se trouvait l'Armée
5 populaire yougoslave.
6 M Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelles armes les
7 soldats de la JNA possédaient ?
8 Témoin K (interprétation). - D'après nous, ils avaient de l'artillerie,
9 des avions. Ils nous écrasaient avec des obus, avec leurs avions, avec
10 leurs canons. Ils avaient toutes les armes qu'ils possèdent aujourd'hui.
11 M Waespi (interprétation). - A votre position sur le Danube, avez-vous
12 jamais eu des contacts avec l'ennemi ? Avez-vous eu des contacts avec
13 l'infanterie puisque vous avez déjà parlé de pilonnages ?
14 Témoin K (interprétation). - Nous n'avons pas eu de contacts de
15 fantassins. Ils ont fait une tentative pour traverser le Danube à un
16 certain moment, mais on ne peut pas parler d'action de combat. Nous
17 n'avons donc pas eu de réels contacts de fantassins avec eux.
18 M Waespi (interprétation). - Après que vous avez quitté cette position sur
19 le Danube, êtes-vous allé dans un secteur de la ville de Vukovar ?
20 Témoin K (interprétation). - Oui.
21 M Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous dire où se trouvait ce
22 secteur ?
23 Témoin K (interprétation). - C'était la rue du 1er mai.
24 M Waespi (interprétation). - Dans cette nouvelle position, avez-vous eu
25 des contacts d'infanterie avec la JNA ?
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1 Témoin K (interprétation). - Oui.
2 M Waespi (interprétation). - Avez-vous également eu des contacts
3 d'infanterie avec des forces autres que la JNA ? Des paramilitaires par
4 exemple ?
5 Témoin K (interprétation). - Oui.
6 M Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelle est la
7 différence entre ces deux groupes, entre la JNA et les paramilitaires ?
8 Témoin K (interprétation). - La première différence, c'est la façon dont
9 ils sont habillés, les insignes qu'ils portent. Il y a une grande
10 différence avec la JNA.
11 M Waespi (interprétation). - A partir de vos impressions au cours du
12 combat, pouvez-vous nous dire si vous aviez le sentimentqu'ils agissaient
13 ensemble ?
14 Témoin K (interprétation). - Puisqu'ils nous attaquaient ensemble, il est
15 normal et logique d'en conclure qu'ils agissaient sur la base d'un accord.
16 Il est impossible de mener une action conjointe si vous n'avez pas un
17 accord au départ.
18 M Waespi (interprétation). - Avez-vous acquis l'impression que l'un de ces
19 deux groupes -je parle de la JNA et des paramilitaires- était supérieur à
20 l'autre ?
21 Témoin K (interprétation). - Puisque la JNA avait des armes à sa
22 disposition, qu'elle avait de la logistique, il est logique d'en conclure
23 que les formations paramilitaires dépendaient de l'Armée populaire
24 yougoslave. Ils avaient bien sûr tout ce qui leur fallait. Les
25 uniformes... Il y avait des gens éduqués qui leur donnaient des ordres.
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1 C'est ma conclusion.
2 M Waespi (interprétation). - Vous êtes soldat de métier. Si vous pensez à
3 ces deux forces -la JNA et les paramilitaires-, estimez-vous qu'il y avait
4 une différence dans leur comportement au combat, dans leur attitude, dans
5 la façon dont ils combattaient ?
6 Témoin K (interprétation). - C'étaient les soldats de l'Armée populaire
7 yougoslave qui attaquaient toujours les premiers. En tout cas, c'est ce
8 que moi j'ai constaté. Leurs forces principales, et je parle uniquement de
9 l'endroit où je me trouvais, était l'Armée populaire yougoslave. Les
10 autres étaient toujours un peu en retrait.
11 M Waespi (interprétation). - Est-il arrivé un moment où vous êtes allé à
12 l'hôpital de Vukovar ?
13 Témoin K (interprétation). - Je suis entré plusieurs fois dans l'hôpital
14 de Vukovar. Finalement, c'est là que je me suis rendu également.
15 M Waespi (interprétation). - Quand vous êtes-vous rendu ? Vous rappelez-
16 vous le jour ?
17 Témoin K (interprétation). - Je considère que la date de ma reddition est
18 le 20 novembre, jour où l'armée a pris le dessus sur nous et nous a fait
19 rentrer dans les autobus. Pour moi, c'est le jour de ma reddition.
20 M Waespi (interprétation). - Quel jour êtes-vous entré dans l'hôpital pour
21 y rester plusieurs jours ? Vous rappelez-vous la date ?
22 Témoin K (interprétation). - Il faut que vous compreniez qu'il s'est passé
23 six ans depuis. Aujourd'hui, je parlerais du 17, mais il pourrait s'agir
24 du 18.
25 M Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous dire pour quelles raisons
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1 vous vous êtes rendu ?
2 Témoin K (interprétation). - A ce moment-là, je n'avais pas le choix, je
3 n'ai pas réfléchi beaucoup.
4 M Waespi (interprétation). - Votre unité a-t-elle été la seule à se
5 rendre ?
6 Témoin K (interprétation). - Non.
7 M Waespi (interprétation). - Donc plusieurs unités se sont rendues.
8 Témoin K (interprétation). - Oui, toute la ville s'est rendue. Tous les
9 soldats qui se trouvaient dans la ville à ce moment-là ont été forcés à se
10 rendre.
11 M Waespi (interprétation). - Cette reddition de masse a donc eu pour effet
12 que les combats se sont arrêtés à ce moment-là ?
13 Témoin K (interprétation). - Oui, les deux derniers jours, on ne peut même
14 plus dire qu'il y avait des combats. L'Armée populaire yougoslave a vu que
15 tout était parti, qu'il n'y avait plus de positions, plus de résistance et
16 donc normalement c'était logique.
17 M Waespi (interprétation). - Pouvez-vous décrire la situation que vous
18 avez trouvée dans l'hôpital au moment où vous y êtes entré, ce jour qui
19 est peut-être le 16 ou le 17 ?
20 Témoin K (interprétation). - A ce moment-là, il y avait déjà pas mal de
21 désorganisation dans l'hôpital parcce que les gens de la ville avaient
22 tendance à aller dans la direction de l'hôpital.
23 Il y avait beaucoup de civils, de blessés, des enfants. Tout le monde, en
24 gros, se rassemblait dans l'hôpital. Les gens qui sortaient des abris
25 s'enfuyaient vers l'hôpital pour y chercher un nouveau refuge. Il y avait
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1 beaucoup de monde et une terrible panique.
2 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous emportés vos armes à l’intérieur
3 de l’hôpital ?
4 Témoin K (interprétation). - Non.
5 M. Waespi (interprétation). - Combien d’hommes de votre unité se sont
6 rendus en même temps que vous ?
7 Témoin K (interprétation). - Je ne peux pas vous dire le chiffre exact,
8 mais je crois qu’il devait s’agir de sept à huit hommes.
9 M. Waespi (interprétation). - Avaient-ils leurs armes sur eux lorsqu’ils
10 sont rentrés dans l’hôpital ?
11 Témoin K (interprétation). - Non, la majorité était blessée, c’est la
12 raison pour laquelle ils se sont retrouvés dans l’hôpital, donc ils
13 n’avaient pas leurs armes à l’intérieur de l’hôpital.
14 M. Waespi (interprétation). - Etiez-vous, personnellement, blessé ?
15 Témoin K (interprétation). - Non.
16 M. Waespi (interprétation). - Portiez-vous un uniforme à l’intérieur de
17 l’hôpital?
18 Témoin K (interprétation). - Non.
19 M. Waespi (interprétation). - Vous êtes-vous rendu compte que le
20 19 novembre la JNA est entrée dans l’hôpital ?
21 Témoin K (interprétation). - Oui. Je les ai vus en soirée, dans la soirée
22 du 19 et même aux alentours de minuit. Je ne sais plus exactement l’heure.
23 M. Waespi (interprétation). - Parlons maintenant du 20 novembre. Est-ce
24 que le matin on vous a dit de sortir du bâtiment ?
25 Témoin K (interprétation). - Oui.
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1 M. Waespi (interprétation). - Vous rappelez-vous, après tout ce temps, à
2 quelle heure on vous a dit de sortir de l’hôpital ?
3 Témoin K (interprétation). - Je vais essayer, je crois que cela devait
4 être entre 9 heures et 10 heures du matin.
5 M. Waespi (interprétation). - Qu’avez-vous vu à l’extérieur de l’hôpital ?
6 Témoin K (interprétation). - D’abord j'ai vu pas mal des nôtres, des
7 civils, des soldats de l'Armée populaire yougoslave. J'ai vu leurs forces
8 locales, leurs forces paramilitaires. J'ai vu des véhicules militaires,
9 des transports de troupes.
10 M. Waespi (interprétation). - Que vous est-il arrivé, personnellement,
11 lorsque vous êtes sorti de l’hôpital ? Avez-vous été, à un certain moment,
12 arrêté ?
13 Témoin K (interprétation). - Oui. Nous avons tous été arrêtés à la sortie
14 de l’hôpital. Les soldats de l’Armée populaire yougoslave nous ont
15 fouillés.
16 M. Waespi (interprétation). - Y avait-il d’autres soldats de la JNA dans
17 les environs, en dehors de ceux qui procédaient à la fouille ?
18 Témoin K (interprétation). - Oui, il y en avait d’autres qui assuraient la
19 sécurité.
20 M. Waespi (interprétation). - Combien y avait-il de soldats au total ?
21 Témoin K (interprétation). - Je ne peux pas vous dire le chiffre exact
22 mais ils étaient en nombre suffisant pour se protéger contre une
23 éventuelle réaction de notre part ; c’est tout à fait normal dans ces
24 conditions. Ils étaient assez nombreux.
25 M. Waespi (interprétation). - Etaient-ils armés ?
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1 Témoin K (interprétation). - Oui, ils l’étaient.
2 M. Waespi (interprétation). - Vous avez parlé de soldats de la JNA et
3 également d’autres soldats paramilitaires. Est-ce bien cela, parliez-vous
4 bien de paramilitaires ?
5 Témoin K (interprétation). - Oui.
6 M. Waespi (interprétation). - Vous avez dit que les soldats étaient assez
7 nombreux. Pouvez-vous nous dire si les soldats de la JNA étaient plus
8 nombreux que les paramilitaires ou l’inverse ?
9 Témoin K (interprétation). - Il y avait plus de soldats de la JNA.
10 M. Waespi (interprétation). - N’avez-vous vu que des soldats ou bien aussi
11 des officiers, des gradés ?
12 Témoin K (interprétation). - Je ne sais plus exactement, je n’ai pas vu le
13 grade des uns et des autres, mais dans la façon dont les ordres étaient
14 donnés j’ai
15 constaté qu’il y avait aussi quelques officiers.
16 M. Waespi (interprétation). - A votre avis, à ce moment-là est-ce que
17 votre impression était que cette scène était organisée ? Ou aviez-vous
18 l’impression que les événements étaient chaotiques, que la situation était
19 chaotique ?
20 Témoin K (interprétation). - Non, rien n’était chaotique, tout était
21 organisé.
22 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous vu une personne répondant au nom
23 de Sljivancanin ?
24 Témoin K (interprétation). - Oui.
25 M. Waespi (interprétation). - Quand l’avez-vous vue ?
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1 Témoin K (interprétation). - Quand je suis sorti de l’hôpital.
2 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire son aspect physique
3 et comment il était habillé ?
4 Témoin K (interprétation). - Il portait un uniforme de camouflage. Il
5 avait une moustache. Il était grand, plus grand que moi. Il avait l’étoile
6 à cinq branches. Je me rappelle qu’il parlait avec autorité aux gens qui
7 l'entouraient. Tout d'un coup, il a disparu. Il était d'abord près de moi,
8 et il a disparu. J'ai donc attendu quelques instants. Ce qui m'a permis
9 surtout de le remarquer, c'est qu'il faisait beaucoup de bruit autour de
10 lui. Il parlait très fort.
11 M Waespi (interprétation) - Combien de minutes, combien de temps avez-vous
12 vu Sljivancanin ?
13 Témoin K (interprétation) - Moi, je suppose que je n'ai pas réussi à le
14 voir plus de cinq minutes. Cinq minutes au maximum, j'ai réussi à le voir.
15 M Waespi (interprétation) - Après les fouilles dont vous avez parlé, où
16 vous a-t-on emmenés ?
17 Témoin K (interprétation) - On nous a emmenés dans les autobus.
18 M Waespi (interprétation) - Pouvez-vous nous dire de quels autobus il
19 s'agissait ? Vous pouvez nous en indiquer la couleur peut-être ?
20 Témoin K (interprétation) - Je crois que c'étaient des autobus civils. Je
21 ne me rappelle pas exactement. Peut-être qu'il y en avait un ou deux qui
22 étaient des autobus militaires, mais à ce moment-là, cela ne me paraissait
23 pas important.
24 M Waespi (interprétation) - Est-ce que vous vous rappelez combien il y
25 avait d'autobus arrêtés sur place ?
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1 Témoin K (interprétation) - Cinq.
2 M Waespi (interprétation) - Est-ce que vous vous rappelez à bord duquel de
3 ces cinq autobus vous êtes monté ?
4 Témoin K (interprétation) - Là aussi, ma mémoire me trahit un peu, comme
5 on dit. Je crois être monté à bord du quatrième ou du cinquième autobus,
6 en tout cas dans l'un des derniers.
7 M Waespi (interprétation) - Est-ce que ces autobus étaient garés à
8 l'intérieur de la cour de l'hôpital où à l'extérieur ?
9 Témoin K (interprétation) - Non, à l'extérieur, sur la route. Derrière
10 l'entrée de l'hôpital.
11 M Waespi (interprétation) - Y avait-il des gardes à bord de votre
12 autobus ?
13 Témoin K (interprétation) - Oui.
14 M Waespi (interprétation) - Etaient-ils armés ?
15 Témoin K (interprétation) - Oui, ils l'étaient.
16 M Waespi (interprétation) - Ces gardes appartenaient-ils à la JNA ou
17 étaient-ils des paramilitaires ?
18 Témoin K (interprétation) - C'étaient des gardes de la JNA.
19 M Waespi (interprétation) - Combien y avait-il de personnes avec vous à
20 bord de cet autobus ?
21 Témoin K (interprétation) - Puisqu'il y a 50 à 55 sièges dans cet autobus
22 et qu'il était plein, je pense que vraisemblablement, il y avait le même
23 nombre de personnes.
24 M Waespi (interprétation) - Est-ce que vous connaissiez l'un ou l'autre
25 des passagers de cet autobus ?
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1 Témoin K (interprétation) - Oui.
2 M Waespi (interprétation) - Est-ce que vous pouvez nous donner un ou
3 plusieurs noms ?
4 Témoin K (interprétation) - Je connaissais Zeljko Major et Ivan Gruber
5 aussi je pense. Il y en avait d'autres que je connaissais de vue. Mais je
6 ne connaissais pas leur nom.
7 M Waespi (interprétation) - Est-ce que ces hommes étaient membres de votre
8 unité ?
9 Témoin K (interprétation) - Oui. Zeljko Major est venu avec moi à Vukovar
10 et Ivan Gruber était arrivé un peu avant, mais nous appartenions aux mêmes
11 structures.
12 M Waespi (interprétation) - Y avait-il aussi des femmes ou des enfants à
13 bord de cet autobus ou n'y avait-il que des hommes ?
14 Témoin K (interprétation) - Il n'y avait pas d'enfants, mais une femme
15 avec son mari dans cet autobus, mais par la suite ils ont été séparés, la
16 femme n'était plus dans l'autobus.
17 M Waespi (interprétation) - Est-ce que vous savez à quel moment de la
18 journée vous êtes monté dans l'autobus ?
19 Témoin K (interprétation) - Eh bien écoutez, c'est une évaluation
20 personnelle, la fouille a duré entre quinze et trente minutes, donc, il
21 est probable que nous sommes montés à bord de l'autobus à 10 heures et
22 demie, 11 heures pour aller ailleurs.
23 M Waespi (interprétation) - Vous a-t-on dit où vous alliez ?
24 Témoin K (interprétation) - Les soldats de la JNA, leurs responsables,
25 personne ne nous a rien dit.
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1 M Waespi (interprétation) - Et en fait, quelle était votre destination ?
2 Témoin K (interprétation) - Nous avons traversé la ville. Nous sommes
3 arrivés ensuite à la caserne de Vukovar.
4 M Waespi (interprétation) - Est-ce que vous avez roulé lentement ou vite
5 dans cet autobus ? Vous le rappelez-vous ?
6 Témoin K (interprétation) - La traversée de la ville s'est faite
7 relativement lentement.
8 M Waespi (interprétation) - Est-ce que l'autobus avançait lentement parce
9 qu'il y avait encore des combats ?
10 Témoin K (interprétation) - Non, non, il n'y avait plus de combats.
11 M Waespi (interprétation) - Combien de temps a-t-il fallu à cet autobus
12 pour arriver à sa nouvelle destination ?
13 Témoin K (interprétation) - Je vais encore essayer de faire une
14 évaluation : peut-être une demi-heure.
15 M Waespi (interprétation) - Qu'est-il arrivé à la caserne ? D'abord, est-
16 ce que vous avez vu des soldats dans les environs ?
17 Témoin K (interprétation) - Oui, j'ai vu des soldats parce qu'un groupe de
18 soldats escortait les bus dans lesquels nous nous trouvions. J'ai vu un
19 char et un transporteur, et puis des Chetniks et d'autres soldats de la
20 JNA.
21 M. Waespi (interprétation). - A votre avis, à ce moment-là, avez-vous
22 pensé que les soldats que vous avez vus autour de la caserne faisaient
23 partie du même groupe que ceux que vous aviez vus à l'hôpital ?
24 Témoin K (interprétation). - Oui.
25 M. Waespi (interprétation). - Pourquoi avez-vous pensé cela ?
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1 Témoin K (interprétation). - Eh bien, en fait, ils se parlaient. Ils se
2 parlaient, ils étaient dans le même véhicule, ils étaient mélangés en
3 quelque sorte. Mais on voyait bien que la JNA jouait le rôle principal.
4 Ils avaient tous des armes.
5 M. Waespi (interprétation). - Les soldats que vous venez de décrire sont-
6 ils montés dans votre autobus ?
7 Témoin K (interprétation). - Il y avait deux gardes de la JNA dans notre
8 bus, ils n'ont permis à personne d'y monter mais les Chetniks venaient
9 jusqu'à la porte. Ils faisaient du bruit, ils prononçaient des jurons mais
10 ils ne sont pas montés dans le bus.
11 M. Waespi (interprétation). - A un moment donné, est-ce que qu'un soldat
12 de la JNA est monté dans le bus avec une liste de noms entre les mains ?
13 Témoin K (interprétation). - Ce n'était pas un soldat, c'était un
14 capitaine. Il a lu quelques noms, et ces personnes sont descendues.
15 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire ce capitaine ?
16 Témoin K (interprétation). - Il était grand et fort, il portait un béret
17 bleu avec l'étoile à cinq branches. Je pense qu'il avait le teint foncé
18 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous vu ce qui est arrivé aux personnes
19 qui sont descendues de ce bus ?
20 Témoin K (interprétation). - On les a amenées dans un autre bus qui était
21 garé sur le côté de la route et qui était vide à l'époque.
22 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous vu ce qui est arrivé à ces
23 personnes lorsque qu'elles sont montées dans le bus ?
24 Témoin K (interprétation). - Je n'ai vu qu'une personne frappée par les
25 Chetniks. Les soldats l'on emmenée quelque part et les Chetniks ont suivi
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1 en courant et l'ont frappée. C'est la seule personne que j'ai vue recevoir
2 des coups. Les autres sont seulement remontés dans le bus et se sont
3 assis.
4 M. Waespi (interprétation). - Pendant combien de temps êtes-vous resté aux
5 alentours de cette caserne ?
6 Témoin K (interprétation). - Cela m'a semblé très long, deux ou trois
7 heures. Nous sommes restés dans le complexe de la caserne pendant deux ou
8 trois heures.
9 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à quelle heure au
10 cours de la journée les bus sont repartis ?
11 Témoin K (interprétation). - Vers 2 heures, 2 heures 30 de l'après-midi.
12 M. Waespi (interprétation). - Et vers où vous êtes-vous dirigés ?
13 Témoin K (interprétation). - A ce moment-là, je ne le savais pas, mais
14 lorsque nous sommes arrivés à Ovcara, je savais que j'étais à Ovcara, donc
15 c'était notre destination. Mais à ce moment-là, je ne le savais pas.
16 M. Waespi (interprétation). - Y avait-il encore des gardes dans le bus ?
17 Témoin K (interprétation). - Oui.
18 M. Waespi (interprétation). - Et s'agissait-il des mêmes gardes qui
19 étaient montés dans le bus à l'hôpital ?
20 Témoin K (interprétation). - Oui.
21 M. Waespi (interprétation). - Les autres bus qui étaient partis de
22 l'hôpital avec le vôtre suivaient-ils encore votre bus ou étaient-ils
23 devant votre autobus ?
24 Témoin K (interprétation). - Oui, c'était un convoi. Et le bus dans lequel
25 ils avaient mis certaines personnes qui étaient descendues d'un autre bus
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1 avait rejoint également ce convoi.
2 M. Waespi (interprétation). - Vous avez dit que vous étiez arrivés à un
3 endroit appelé Ovcara.
4 Témoin K (interprétation). - Oui.
5 M. Waespi (interprétation). - Combien de temps le voyage jusqu'à Ovcara a-
6 t-il duré ?
7 Témoin K (interprétation). - Eh bien, c'est encore une estimation, je ne
8 suis peut-être pas précis, mais je pense que cela n'a pas duré plus d'une
9 demi-heure.
10 M. Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous donner plus de détails sur
11 le lieu où vous êtes arrivé ? Y avait-il des bâtiments ?
12 Témoin K (interprétation). - Tout d'abord, nous sommes arrivés à un
13 complexe, je crois qu'il y avait deux ou trois bâtiments, ensuite nous
14 avons tourné à droite, peut-être 100, 200 ou 300 mètres, mais cela n'est
15 pas très important, et puis il avait ce hangar devant lequel les bus se
16 sont arrêtés. Je crois que mon bus était l'avant-dernier du convoi.
17 Lorsque nous sommes arrivés sur place, nous avons vu des soldats de la
18 JNA, des Chetniks, ceux qui étaient devant l'hôpital, qui étaient venus à
19 la caserne se trouvaient là également. J'ai vu des véhicules militaires,
20 des transporteurs, des véhicules civils, quelques-uns, et puis quand nous
21 nous sommes arrêtés, les gens commençaient à descendre des bus. Les uns
22 après les autres.
23 M. Waespi (interprétation). - Qu'avez-vous vu lorsque que vous avez dû
24 descendre du bus ?
25 Témoin K (interprétation). - J'ai vu que, devant les hangars, il y avait
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1 une haie de soldats, de Chetniks, et les gens passaient sous cette haie et
2 tout leurs objets de valeur leur étaient confisqués,. Nous, les
3 catholiques, nous portions des médailles et elles nous ont été
4 confisquées.
5 Nous étions frappés. Et nous passions sous cette haie et nous entrions
6 dans le hangar et il y avait un tas qui ne cessait de croître, un tas
7 d'objets de valeur sur le côté.
8 M. Waespi (interprétation). - Vous avez donc dû descendre du bus et, vous
9 aussi, vous avez dû passer sous cette haie ou alors avez-vous rencontré
10 quelque qu'un ?
11 Témoin K (interprétation). - Lorsque que nous sommes descendus du bus, en
12 fait, nous n'avons pas couru. Nous devions d'abord nous tenir là et puis
13 avancer lentement vers cette haie de soldats.
14 Alors que je m'approchais des soldats, 20 ou 30 mètres avant, un jeune
15 soldat de la JNA nous a demandé qui nous y étions et d'où nous venions. Je
16 pense qu'il voulait le savoir à l'époque. Un soldat est venu vers moi. Il
17 m'a demandé d'où je venais. Je lui ai dit que j'étais de Zagreb. Il s'est
18 frotté les mains et a dit : "Eh bien voilà ! Maintenant, vous êtes là,
19 c'est sûr". J'ai dit : "J'ai un ami à Ruma", parce que le soldat venait
20 juste de me dire qu'il était sur le point d'y aller. Je lui ai dit ceci :
21 "J'ai un ami sur place". Il m'a demandé : "Qui est ton ami ? Où habite-t-
22 il ?" Je me souvenais de l'adresse de cette personne, plus ou moins. Je
23 lui ai dit le nom de mon ami à Ruma. Il m'a dit qu'effectivement, il
24 connaissait cette personne. J'étais en train de m'approcher de la haie de
25 soldats. Je lui ai dit : "Peux-tu faire quelque chose pour moi ? Peux-tu
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1 m'éviter cela ?" Alors, il a secoué la tête et a dit : "Dieu te sauvera".
2 A ce moment-là, j'ai atteint la haie.
3 M. Waespi (interprétation). - Après avoir traversé cette haie, où êtes-
4 vous arrivé ?
5 Témoin K (interprétation). - Je suis arrivé à la porte du hangar. Je me
6 souviens que, à ma droite, j'ai entendu Sinica Glavacevic*, un Chetnik. Il
7 y avait plusieurs soldats. Je ne me rappelle pas à quoi ils ressemblaient.
8 C'étaient des soldats de la JNA, des Chetniks, je ne sais pas, je ne sais
9 plus très bien.
10 M. Waespi (interprétation). - Pendant combien de temps avez-vous été
11 frappé ? Combien de temps cette période de passage à tabac a-t-elle duré ?
12 Témoin K (interprétation). - Contrairement aux autres qui ont été battus
13 ou passés à tabac, je ne peux pas vraiment dire que j'ai été passé à tabac
14 parce que cela n'a pas duré plus de 5 minutes.
15 M. Waespi (interprétation). - Que s'est-il passé après ces 5 minutes ?
16 Témoin K (interprétation). - Le jeune homme avec qui j'avais parlé à
17 l'extérieur est venu. Il escortait un des officiers de la JNA. Il y avait
18 aussi un autre soldat. Je me suis rendu compte plus tard que cela devait
19 être son ami. Maintenant, je vais essayer de le citer le plus précisément
20 possible. Il m'a montré du doigt. Il a dit : "Arrête de le battre" et il
21 s'est tourné vers son officier. Il a dit : "Capitaine, puis-je sauver cet
22 homme ? C'est une bonne personne. Je le connaissais avant. Puis-je le
23 faire sortir du hangar ?"
24 Le capitaine a dit : "Fais-le sortir et garde-le à côté de toi pour que
25 les Chetniks ne lui fassent rien». Après cela, on m'a fait sortir.
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1 M. Waespi (interprétation). - Monsieur le Président, peut-être est-ce le
2 bon moment de faire la pause déjeuner ?
3 M. le Président (interprétation). - Combien de temps va encore durer
4 votre interrogatoire principal ?
5 M. Waespi (interprétation). - Peut-être un quart-d'heure.
6 M. le Président (interprétation). - Très bien. Alors, nous allons lever
7 l'audience maintenant. Nous reprendrons à 14 h 30 précises.
8 L'audience est suspendue à 13 heures.
9 L’audience est reprise à 14 heures 30.
10 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie, Monsieur le
11 Procureur.
12 M. Waespi (interprétation). - Merci. Je voudrais poursuivre
13 l'interrogatoire du Témoin K.
14 Témoin K, juste avant la pause déjeuner, vous nous avez dit que vous aviez
15 été sauvé -selon vos termes- par ce soldat de Ruma qui, avec une autre
16 personne que vous avez qualifiée de capitaine, vous ont emmenés. Pourriez-
17 vous nous dire maintenant à quoi ressemblaient ces soldats de Ruma ?
18 Quelle était leur apparence extérieure ?
19 Témoin K (interprétation). - Eh bien, en fait le soldat en question
20 faisait ma taille, à peu près 1,75 mètre. Il avait les cheveux châtain
21 clair. Il portait une veste verte, un blouson de pilote, plus exactement
22 un blouson en cuir. Comme arme, il avait un fusil à pompe. Il avait l'air
23 jeune et ne devait pas avoir plus de vingt ans. Apparemment, il ne se
24 rasait même pas encore.
25 M. Waespi (interprétation). - Diriez-vous qu'il s'agissait d'un soldat de
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1 la JNA ?
2 Témoin K (interprétation). - Il s'est présenté comme étant un soldat de la
3 JNA devant rentrer chez lui très prochainement, dans deux ou trois jours.
4 M. Waespi (interprétation). - Passons maintenant à l'autre personne, dont
5 vous avez dit qu'elle était capitaine. Pouvez-vous décrire cet homme ?
6 Témoin K (interprétation). - Il était plus grand que moi, plus charpenté.
7 Il portait un béret bleu sur la tête, avec une étoile à cinq branches qui
8 y était cousue. Je suis presque convaincu qu'il s'agissait du même
9 capitaine qui était à la caserne de Vukovar et qui était rentré dans le
10 bus avec une liste de noms.
11 M. Waespi (interprétation). - Donc vous l'aviez déjà vu avant ce même
12 jour ?
13 Témoin K (interprétation). - Oui, oui.
14 M. Waespi (interprétation). - Où vous a-t-on emmené lorsque vous êtes
15 sorti du hangar ?
16 Témoin K (interprétation). - On m'a emmené à l'extérieur du hangar, sur le
17 côté, un peu plus loin, contre le mur du hangar, près de la porte.
18 M. Waespi (interprétation). - Qu'avez-vous fait à cet endroit et pendant
19 combien de temps ?
20 Témoin K (interprétation). - Nous sommes restés là, tout le groupe, tous
21 les hommes qui avaient été mis de côté. Je n'ai rien fait, j'étais gardé
22 par les soldats, c'est tout.
23 M. Waespi (interprétation). - La porte que vous avez utilisée pour sortir
24 était-elle ouverte ?
25 Témoin K (interprétation). - Oui, la porte était ouverte.
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1 Je voudrais revenir un instant sur une question que vous m'avez posée
2 auparavant, vous m'avez demandé combien de temps je suis resté là. A mon
3 avis, au moins une heure trente.
4 M. Waespi (interprétation). - Les soldats de Ruma sont-ils restés de façon
5 permanente avec vous au cours de cette heure ?
6 Témoin K (interprétation). - La plupart du temps, et lorsqu'il n'était pas
7 là, eh bien il y avait un de ses amis -qui était également soldat- qui
8 venait le remplacer.
9 M. Waespi (interprétation). - Y avait-il beaucoup de mouvements à
10 l'extérieur, vers le hangar, que vous ayez pu observer pendant que vous
11 étiez dehors ?
12 Témoin K (interprétation). - Oui. C'était surtout les soldats de la JNA
13 qui
14 rentraient et sortaient, et les Chetniks.
15 M. Waespi (interprétation). - Vous avez parlé, il y a un instant, d'autres
16 personnes qui attendaient avec vous et qui étaient également surveillées
17 par le soldat ou les soldats. Pouvez-vous nous donner les noms des hommes
18 qui étaient avec vous ?
19 Témoin K (interprétation). – (expurgé), Berghofer, Cakalic,
20 Perkovic. Voilà, c'est tout. Je sais que nous étions sept, mais je ne
21 connais pas tous les noms.
22 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous vu Sljivancanin à ce moment-là ?
23 Témoin K (interprétation). - Non.
24 M. Waespi (interprétation). - Savez-vous ce qui est arrivé à ces deux
25 hommes dont vous avez parlé précédemment, qui étaient dans le bus, Gruber
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1 et Major ?
2 Témoin K (interprétation). - Lorsque nous sommes entrés dans le hangar, je
3 n'ai pas vu Gruber, mais j'ai vu Major parce qu'il est était près de moi.
4 Il avait un pansement sur le visage et il avait été battu.
5 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous vu une femme en larmes au moment
6 où vous vous trouviez à l'extérieur en train d'attendre. Avez-vous vu
7 cette femme s'approcher d'un officier ?
8 Témoin K (interprétation). - Oui.
9 M Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous décrire cet incident ?
10 Témoin K (interprétation). - Je ne sais pas d'où elle venait, mais elle
11 est venue, il y avait plusieurs officiers et elle était en larmes. Elle
12 suppliait qu'on fasse sortir son fils du hangar, parce que celui-ci
13 n'avait rien à voir avec l'armée ou avec la guerre, parce qu'il était
14 handicapé de naissance.
15 En réponse, cet officier de la JNA est rentré dans le hangar et a fait
16 sortir le
17 jeune homme. Je me souviens que cet officier a dit à la femme : "Va-t'en
18 maintenant, tu dois te rendre compte que c'est le colonel... -je ne sais
19 plus s'il a dit Ivankovic ou Ivanovic- qui a sauvé la vie de ton fils".
20 M Waespi (interprétation). - Vous avez eu l'impression à ce moment-là que
21 cet officier qui s'occupait de cette femme se qualifiait de colonel
22 Ivanovic ou Ivankovic ? Il ne parlait pas d'une tierce personne, mais bien
23 de lui-même ?
24 Témoin K (interprétation). - Il est rentré avec elle à l'intérieur, puis
25 il a fait sortir le jeune homme. Donc je pense qu'il parlait de lui-même.
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1 M Waespi (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à quoi il ressemblait ?
2 Témoin K (interprétation). - Je vais essayer. Il était plus grand que moi,
3 entre 1,81 mètre et 1,85 mètre, à mon avis. Il avait des cheveux blancs.
4 Il était costaud. Il avait une voix très grave et il portait un long
5 manteau de soldat.
6 M Waespi (interprétation). - La femme dont vous venez de parler était-elle
7 la seule femme que vous ayez vu au complexe agricole ?
8 Témoin K (interprétation). - Oui, c'est la seule que j'aie vue.
9 M Waespi (interprétation). - Après cette période d'attente d'environ une
10 heure, vous a-t-on ramené à l'intérieur du hangar ?
11 Témoin K (interprétation). - Oui, on nous a tous rapidement fait rentrer à
12 l'intérieur pour prendre nos noms et dresser une liste.
13 M Waespi (interprétation). - Avant que vous ne rentriez à nouveau dans le
14 hangar, faisait-il jour ou nuit ? Comment décririez-vous la situation ?
15 Témoin K (interprétation). - Eh bien, la nuit tombait. C'était le
16 crépuscule... Enfin, il faisait presque nuit.
17 M Waespi (interprétation). - Comment a-t-on pris vos noms ? Y avait-il une
18 table et qui écrivait les noms, s'il y avait quelqu'un ?
19 Témoin K (interprétation). - Je ne me souviens pas s'il y avait une table
20 ou des cartons, mais je sais qu'il y avait deux ou trois soldats de la JNA
21 qui étaient assis devant cette table improvisée et qui notaient les noms.
22 Il faisait assez sombre à l'intérieur parce que la lumière était faible.
23 M Waespi (interprétation). - Y avait-il d'autres sources de lumière à part
24 ces ampoules faibles dont vous avez parlé ?
25 Témoin K (interprétation). - Je me souviens que les soldats de la JNA ont
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1 garé un véhicule devant la porte et qu'ils ont allumé les phares afin
2 d'éclairer l'intérieur du hangar.
3 M Waespi (interprétation). - Si vous avez regardé à l'intérieur du hangar,
4 est-ce que vous avez vu des personnes qui recevaient des coups à ce
5 moment-là ?
6 Témoin K (interprétation). - Non, ils ne les frappaient plus à ce moment-
7 là.
8 M Waespi (interprétation). - Pouvez-vous dire à quoi ressemblait la
9 scène ? Est-ce que les gens étaient debout ? Est-ce qu'ils étaient couchés
10 par terre ?
11 Témoin K (interprétation). - Certaines personnes étaient assises, d'autres
12 faisaient les cent pas. Certaines étaient couchées, dont certaines
13 inertes.
14 M Waespi (interprétation). - Combien d'hommes se trouvaient dans le hangar
15 à ce moment-là ?
16 Témoin K (interprétation). - Il y avait tous nos hommes qui étaient venus
17 dans le hangar et peut-être cent soldats de la JNA. Mais je vous en prie,
18 ne me prenez pas au pied de la lettre parce que je ne suis pas
19 complètement sûr du chiffre que j'avance.
20 M. Waespi (interprétation). - Les gens qui étaient couchés par terre à
21 votre avis étaient-ils blessés ?
22 Témoin K (interprétation). - Puisqu'il faisait froid, ils étaient couchés
23 là avec une bonne raison de le faire, peut-être, sans doute même parce
24 qu'ils étaient blessés.
25 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous entendu des sons que ces personnes
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1 pouvaient faire ?
2 Témoin K (interprétation). - Eh bien, il n'y avait pas de cris audibles,
3 mais on entendait des petits gémissements étouffés.
4 M. Waespi (interprétation). - Et qu'ont fait les soldats à ce moment-là ?
5 Est-ce qu'ils étaient debout ? Pouvez vous nous les décrire ?
6 Témoin K (interprétation). - Ils étaient dans le hangar. Ils étaient armés
7 et s'assuraient que personne ne tentait de s'enfuir. Il y en avait aussi
8 dehors, devant le hangar. Je parle de tous les gardes, les JNA et les
9 Chetniks.
10 M. Waespi (interprétation). - Lorsqu'on vous a fait ressortir du hangar,
11 avez-vous eu de nouveau la possibilité de parler à ce soldat de la JNA, le
12 jeune ?
13 Témoin K (interprétation). - Nous sommes rentrés dans une petite
14 camionnette et nous avons pu parler. Je lui ai parlé, oui.
15 M. Waespi (interprétation). - Lui avez-vous demandé ce qui arrivait aux
16 gens qui se trouvaient à l'intérieur du hangar ?
17 Témoin K (interprétation). - Je lui ai demandé ce qui allait advenir d'eux
18 et il a répondu qu'ils seraient sans doute tous exécutés.
19 M. Waespi (interprétation). - A un moment ou à un autre, avez-vous entendu
20 des sons provenant de matériel, de machines ?
21 Témoin K (interprétation). - J'ai entendu ces sons-là avant d'entrer dans
22 le hangar, lorsqu'on a pris nos noms. Lorsque les passages à tabac se sont
23 arrêtés et que le silence est revenu, j'ai entendu un bruit qui venait
24 peut-être d'un demi-kilomètre. J'ai
25 pensé d'abord qu'il s'agissait de chars, même si à ce moment-là il n'y
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1 avait vraiment plus besoin de chars.
2 M. Waespi (interprétation). - Ma dernière question dans cette série : en
3 tant que soldat, quelle a été votre impression en voyant ces scènes ?
4 Etait-ce une opération organisée ? Les gens accomplissaient-ils leur
5 travail, leurs tâches, ou bien était-ce une situation extrêmement
6 désorganisée et chaotique ?
7 Témoin K (interprétation). - Eh bien, je peux vous dire quelle a été mon
8 impression. Ils savaient bien que nous allions aller à tel et tel
9 endroits, en suivant telle et telle procédures, qu'il allait y avoir cette
10 haie de soldats. On savait où mettre les gens, les prisonniers, à
11 l'intérieur du hangar. Il y avait sans doute un de leurs officiers avec un
12 sifflet. Et puis, toutes les minutes, je ne sais pas, toutes les quelques
13 minutes, il soufflait dans son sifflet, ce qui était le signal que
14 l'équipe de personnes qui passaient à tabac les prisonniers devait changer
15 puisqu'ils devaient prendre du repos. Et puis on a donc pris nos noms.
16 Donc, à mon avis, tout cela était organisé, tout était préparé à l'avance.
17 Ils savaient ce qu'ils allaient faire de nous, à mon avis.
18 M. Waespi (interprétation). - Cette personne qui avait un sifflet, l'avez
19 vous vue ?
20 Témoin K (interprétation). - Oui, je l'ai vue. Mais je ne pourrais pas le
21 décrire parce que je ne me rappelle plus.
22 M. Waespi (interprétation). - Encore quelques questions sur ce qui vous
23 est arrivé ensuite. Vous avez quitté Ovcara dans un véhicule, n'est-ce
24 pas ?
25 Témoin K (interprétation). - Oui.
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1 M. Waespi (interprétation). - Où vous a-t-on emmené ?
2 Témoin K (interprétation). - On nous a emmenés à Velepromet, nous y sommes
3 restés quelques minutes. A Velepromet, ils ont refusé de nous faire
4 rentrer, ils
5 disaient, je crois qu'il n'y avait pas de place pour nous.
6 M. Waespi (interprétation). - Où avez-vous été transférés après
7 Veleprome ?
8 Témoin K (interprétation). - Après Velepromet, on nous a emmenés à une
9 usine de textile, Modateks.
10 M. Waespi (interprétation). - A quelle distance cette usine se trouve-t-
11 elle de Velepromet ?
12 Témoin K (interprétation). - Pas très loin. Nous y sommes arrivés très
13 vite, peut-être un kilomètre, peut-être même moins. Je ne connais pas très
14 bien la ville. Je ne peux pas vraiment vous dire avec précision.
15 M. Waespi (interprétation). - Avez-vous passé la nuit à Modateks ?
16 Témoin K (interprétation). - Oui.
17 M. Waespi (interprétation). - Merci. A un moment donné, les soldats
18 paramilitaires ou les Chetniks, ou quel que soit le nom que vous leur
19 donnez, sont arrivés ?
20 Témoin K (interprétation). - Oui. Ils sont arrivés dans la soirée et puis
21 le lendemain matin à Modateks.
22 M. Waespi (interprétation). - Vous ont-ils dit quoi que ce soit ?
23 Témoin K (interprétation). - Au cours de la soirée, ils ont crié :
24 "Qu'est-ce qu'ils font là ? Qui les a amenés ici ? Ils vont nous tuer !"
25 Ils ont dit tout cela. Parce qu'à Modateks, il y avait aussi des personnes
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1 âgées, des femmes et des enfants qui devaient être transférés en Croatie.
2 M. Waespi (interprétation). - Après avoir passé la nuit à Modateks, vous
3 a-t-on transférés à nouveau et où ?
4 Témoin K (interprétation). - Dans la matinée, le lendemain matin, on nous
5 a transférés à Velepromet.
6 M. Waespi (interprétation). - Pendant combien de temps êtes-vous resté à
7 Velepromet ?
8 Témoin K (interprétation). - J'y suis resté ce jour-là jusqu'à minuit.
9 M. Waespi (interprétation). - Et le lendemain ?
10 Témoin K (interprétation). - Le lendemain, dans la matinée, le
11 22 décembre, on nous a emmenés à Sremska Mitrovica. Mais avant cela, on
12 nous a emmenés à la caserne.
13 M. Waespi (interprétation). - La même caserne où vous aviez été deux jours
14 auparavant, la caserne de la JNA, c'est cela ?
15 Témoin K (interprétation). - Oui.
16 M Waespi (interprétation) - Vous souvenez-vous s'il y a eu des passages à
17 tabac à la caserne de la JNA ?
18 Témoin K (interprétation) - Je n'ai pas été frappé du tout et d'après ce
19 que j'ai vu, personne n'a été frappé, d'après ce que j'ai vu. En fait, ils
20 nous ont donné de l'eau, des aliments en boîte. C'est tout.
21 M Waespi (interprétation) - Merci. Monsieur le Président, je n'ai plus de
22 questions.
23 M. le Président (interprétation) - Merci. Maître Fila.
24 M. Fila (interprétation) - Madame et Messieurs les Juges. Témoin, dans
25 votre déclaration antérieure, vous ne vous rappeliez plus de toutes les
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1 personnes avec qui vous étiez. Maintenant, vous nous dites quels sont les
2 noms de ces personnes. Quand avez-vous appris les noms de ces personnes ?
3 Témoin K (interprétation) - Je me rappelais de Perkovic et Berghofer,
4 peut-être ne les ai-je pas mentionnés dans ma déclaration. Ai-je parlé de
5 Perkovic ?
6 M. Fila (interprétation) - Je parle trop vite peut-être. Le problème,
7 c'est que nous parlons la même langue.
8 Dans votre déclaration, vous dites : "Parmi les six personnes, je ne me
9 souviens simplement que de M. Berghofer" et vous dites maintenant qu'il y
10 a sept personnes et vous vous rappelez des noms suivants.
11 Témoin K (interprétation) - J'ai appris par la suite qui étaient ces
12 personnes.
13 M. Fila (interprétation) - Très bien. A ce moment-là, vous sept, vous avez
14 été amenés devant le hangar. Faisait-il jour lorsqu'on vous a fait sortir
15 du hangar où vous êtes restés pendant une heure et demie ?
16 Témoin K (interprétation) - Donc avant ou plutôt... ?
17 M. Fila (interprétation) - Avant que l'on prenne vos noms.
18 Témoin K (interprétation) - Oui, il faisait jour, mais les sept ne sont
19 pas sortis en même temps. Nous sommes sortis les uns après les autres. Les
20 six ou sept que nous étions ne sommes pas sortis en même temps.
21 M. Fila (interprétation) - Oui, je comprends. Mais lorsque le dernier
22 d'entre vous est sorti, faisait-il encore jour ?
23 Témoin K (interprétation) - Oui, je crois, je crois.
24 M. Fila (interprétation) - Après que vous êtes sortis du hangar, l'un où
25 l'autre d'entre vous a-t-il été frappé ?
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1 Témoin K (interprétation) - D'après mes souvenirs, non.
2 M. Fila (interprétation) - Ma question est "dans le hangar", pas "devant
3 le hangar"
4 Témoin K (interprétation) - Un moment, s'il vous plaît. Pouvez-vous
5 répéter la question ?
6 M. Fila (interprétation) - Après, lorsque vous étiez tous les sept dehors,
7 il faisait jour dehors. A partir de ce moment-là, jusqu'à ce que vous
8 partiez dans la camionnette au crépuscule, y a-t-il eu une quelconque
9 personne qui ait été battue parmi vous, dans le groupe de sept que vous
10 constituiez ?
11 Témoin K (interprétation) - Non, je ne crois pas. Ce n'est peut-être pas
12 la bonne réponse. Je ne sais pas. En tout cas, moi je n'ai été battu par
13 personne.
14 M. Fila (interprétation) - Vous êtes un soldat, donc il m'est plus facile
15 de vous poser cette question. De quelle couleur étaient les uniformes que
16 vous avez vu porter au hangar ? De quel type d'uniformes s'agissait-il ?
17 Témoin K (interprétation) - J'ai vu l'uniforme vert olive de la JNA, les
18 uniformes de camouflage. J'ai vu des Chetniks qui portaient différents
19 vêtements, certains portaient des vêtements de civils, d'autres étaient
20 partiellement habillés avec un uniforme. Ils avaient des pulls de
21 camouflage et leur toque en fourrure classique.
22 M. Fila (interprétation) - Les officiers de la JNA et plus généralement
23 les officiers, leur uniforme était de quelle couleur ?
24 Témoin K (interprétation) - Ce capitaine avait un uniforme de camouflage,
25 par exemple. L'autre, celui qui était colonel, Ivanovic ou Ivankovic,
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1 avait un uniforme vert olive. D'autres officiers avec lui portaient le
2 même uniforme.
3 M. Fila (interprétation) - Précédemment, au cours de votre témoignage,
4 vous avez déclaré que vous aviez l'impression que cet Ivanovic ou cet
5 Ivankovic, d'autres ont dit qu'il s'appelait Jovanovic, qu'il était le
6 commandant en chef à ce moment-là, je peux lire votre déclaration si vous
7 ne vous en souvenez pas.
8 Témoin K (interprétation) - C'est l'impression que j'ai eue moi. Je peux
9 expliquer pourquoi j'ai eu cette impression.
10 M. Fila (interprétation) - Non, non, je vérifie simplement si vous vous en
11 tenez à ce que vous avez dit dans votre déclaration.
12 D'autres membres de la défense de Vukovar se sont ils rendus ? Sont-ils
13 restés en uniforme ?
14 Témoin K (interprétation) - Non, je ne crois pas. Je n'ai vu aucun
15 uniforme. Peut-être y en avait-il, mais je ne les ai pas vus.
16 M. Fila (interprétation). - De quelle couleur était votre uniforme ?
17 Ressemblait-il à ceux de la JNA ? Non ?
18 Témoin K (interprétation). - Je vous explique. Nous avions des uniformes
19 de camouflage. C'était un uniforme différent de celui des soldats de la
20 JNA qui portaient des uniformes de camouflage.
21 M. Fila (interprétation). - C'était bien un uniforme qui avait les
22 couleurs d'un uniforme de camouflage, n'est-ce pas ?
23 Témoin K (interprétation). - Oui.
24 M. Fila (interprétation). - Pour ce qui est des armes que portaient les
25 unités de défense de Vukovar, y avait-il des mortiers ?
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1 Témoin K (interprétation). - Dans les secteurs où je me trouvais -ce sont
2 les seuls dont je puisse parler- il n'y avait pas de mortiers.
3 M. Fila (interprétation). - Dans le secteur où vous vous trouviez, y a-t-
4 il eu un moment où vous vous êtes trouvé sur la ligne de front et où vous
5 avez pu voir la route allant de Vukovar à Negoslavci ?
6 Témoin K (interprétation). - Je ne crois pas, je ne crois pas que cela ait
7 été le cas.
8 M. Fila (interprétation). - Pourriez-vous m'expliquer la raison pour
9 laquelle vous avez ressenti l'utilité de retirer votre uniforme, alors que
10 vous faisiez partie des unités régulières ?
11 Témoin K (interprétation). - C'est très simple. Je pensais que l'objectif
12 prioritaire était de survivre. Je pensais qu'il était plus probable que je
13 sois tué si je restais.
14 M. Fila (interprétation). - Qu'en est-il des Zenger* ? N'auriez-vous pas
15 été mieux protégé en tant que soldat ?
16 Témoin K (interprétation). - C'est votre opinion.
17 M. Fila (interprétation). - Lorsque l'accusation vous a posé la question,
18 vous avez répondu que les Chetniks et les formations paramilitaires... Ou
19 plutôt ce n'était pas juste les Chetniks ? Ils sont allés avec vous de
20 l'hôpital à la caserne à Ovcara ?
21 Témoin K (interprétation). - Je ne dis pas que tous ces hommes y sont
22 allés.
23 M. Fila (interprétation). - Ce n'est pas ce que j'ai dit non plus.
24 Témoin K (interprétation). - J'ai dit que c'étaient des Chetniks et pour
25 moi ils sont tous les mêmes.
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1 M. Fila (interprétation). - Ma question est la suivante. Cela signifie-t-
2 il qu'ils ont escorté la JNA pendant tout ce trajet ?
3 Témoin K (interprétation). - Oui.
4 M. Fila (interprétation). - Quand vous avez répondu à la question de
5 l'accusation quant à la conjonction de leur action, pensiez-vous qu'ils
6 avaient participé avec la JNA aux préparatifs ?
7 Témoin K (interprétation). - Je ne pense pas qu'ils aient participé aux
8 préparatifs, mais ils ont voulu tenir leur place.
9 M. Fila (interprétation). - Vous pensez donc qu'ils les ont accompagnés
10 pour tenir leur place ?
11 Témoin K (interprétation). - Oui, la JNA les organisait.
12 M. Fila (interprétation). - D'après votre conviction, puisque vous avez
13 participé aux combats, la JNA connaissait-elle bien la configuration du
14 terrain autour de Vukovar ?
15 Témoin K (interprétation). - Puisqu'ils ont pris le contrôle de Vukovar,
16 je suppose qu'ils connaissaient bien le terrain.
17 M. Fila (interprétation). - Je vous parle en tant qu'expert, vous
18 comprenez, ne vous fâchez pas. Vous savez très bien comment se prépare un
19 combat. Je n'ai personne de plus compétent à interroger.
20 Témoin K (interprétation). - Je peux vous répondre en partie, mais en tant
21 que soldat je ne suis pas obligé de répondre à tout ce que vous me
22 demandez. Sur le principe, je n'ai pas bien compris tout ce que vous me
23 demandiez. Pouvez-vous répéter ?
24 M. Fila (interprétation). - Je vous demandais ce qu'en fait vous m'avez
25 répondu, à savoir si une armée qui prend une ville connaît le terrain.
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1 Est-ce habituel dans une armée ?
2 Témoin K (interprétation). - Evidemment, elle doit connaître le terrain,
3 elle le connaît, bien sûr.
4 M. Fila (interprétation). - C'est ce que je vous disais.
5 Témoin K (interprétation). - Oui, d'accord.
6 M. Fila (interprétation). - Ce Basinger* ?
7 Témoin K (interprétation). - Von Bersinger* !
8 M. Fila (interprétation). - Qui est-ce ?
9 Témoin K (interprétation). - C'était un membre de notre unité qui a changé
10 son nom avant la guerre pour s'appeler Karl Von Bersinger*.
11 M. Fila (interprétation). - Vous ne connaissez pas son nom avant la
12 guerre ? Vous n'êtes pas obligé de répondre à la question.
13 Témoin K (interprétation). - Je ne souhaite pas répondre.
14 M. Fila (interprétation). - Avez-vous vu un Serbe qui était avec vous qui
15 aurait ressemblé à un professeur, ce soir-là, un monsieur plus âgé ?
16 Témoin K (interprétation). - Peut-être était-il là, mais je ne me rappelle
17 pas. Je ne me rappelle pas.
18 M. Fila (interprétation). - Merci.
19 Témoin K (interprétation). - Merci.
20 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des questions supplémentaires
21 de la part de l'accusation ?
22 M Waespi (interprétation). - Non.
23 M. le Président (interprétation). - J'ai quelques questions à vous poser.
24 D'abord vous avez dit que vous étiez entré dans l'Armée croate le
25 10 août 1991. Est-ce bien cela ?
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1 Témoin K (interprétation). - Oui.
2 M. le Président (interprétation). - Vous avez dit que vous aviez signé un
3 contrat pour trois ans. Je me demandais si vous pourriez vous rappeler le
4 moment où vous vous êtes trouvé engagé pour la première fois dans des
5 combats contre l'adversaire, après être entré dans l'Armée croate, des
6 combats, une rencontre armée avec l'adversaire sur le plan militaire.
7 Quand cela a-t-il pu avoir lieu ?
8 Témoin K (interprétation). - Le 10 septembre ou le 8 septembre à peu près.
9 M. le Président (interprétation). - Vous rappelez-vous si l'adversaire
10 était constitué de soldats de la JNA ou de paramilitaires ou bien est-ce
11 que les deux groupes
12 combattaient ensemble contre vos unités ?
13 Témoin K (interprétation). - Moi, je ne les ai pas vus. Ils nous ont
14 attaqués et pilonnés. Nous avons battu en retraite de notre position,
15 c'est de cette façon que s'est fait le contact. Donc, je ne peux pas dire
16 s'il s'agissait de Chetniks ou de soldats de la JNA. Quelqu'un nous a
17 attaqués. Maintenant, de qui s'agissait-il exactement... Peut-être de...
18 De toute façon, ce n'est même pas important.
19 M. le Président (interprétation). - Mais y a-t-il eu un moment où vous
20 vous êtes battu uniquement contre des groupes paramilitaires ? Je me
21 demandais s'il était arrivé que vous vous soyez battu contre un seul de
22 ces deux groupes ou bien étiez-vous incapable de distinguer entre les
23 éléments qui composaient les combattants ennemis ?
24 Témoin K (interprétation). - Ma première guerre a été Vukovar, ma première
25 guerre réelle. Tout le reste, pour moi, n'était pas la guerre. Ils nous
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1 pilonnaient, on battait en retraite, nous n'avions plus de contacts avec
2 eux et nous n'en avons plus eu jusqu'à Vukovar.
3 M. le Président (interprétation). - Merci. J'ai une autre question. Vous
4 avez dit que vous étiez entré dans l'hôpital le 17 ou le 18 novembre, je
5 parle de l'hôpital de Vukovar, parce que vous aviez décidé de vous rendre.
6 Je me demandais pour quelle raison vous étiez allé à l'hôpital.
7 Normalement, quand on appartient à une unité militaire et qu'on souhaite
8 se rendre, la procédure normale consiste tout simplement à se rendre aux
9 combattants ennemis. Pour quelle raison particulière vous êtes-vous dirigé
10 vers l'hôpital ?
11 Témoin K (interprétation). - De tout mon détachement, celui qui est venu
12 de Zagreb, j'étais le seul de ses membres à ne pas être blessé. Comme
13 j'allais voir mes compagnons à l'hôpital, j'ai décidé qu'il fallait que je
14 m'interroge : ou bien je sortais de
15 la ville, je ne veux pas dire que je fuyais, ou bien je restais à
16 l'intérieur de la ville. Les choses étaient très peu claires. Il n'y avait
17 plus de défense organisée. Il n'y avait plus que des petits groupes
18 disséminés dans différents endroits qui erraient tout seuls dans les
19 divers quartiers de la ville. C'était le chaos le plus total. J'ai donc
20 décidé que je serais le plus sûr à l'hôpital auprès de mes compagnons,
21 auprès de mes collègues, parce que je ne souhaitais pas rester seul. C'est
22 donc le fruit de ma réflexion personnelle.
23 M. le Président (interprétation). - Merci. Il n'y a plus d'autres
24 questions ? L'une des parties a-t-elle une quelconque objection à ce qu'on
25 libère définitivement le témoin ?
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1 M. Waespi (interprétation). - J'ai encore une question. Y a-t-il eu une
2 raison pour que vous montriez quelques réticences à vous rendre
3 directement aux troupes ennemies ? Vous avez dit que vous étiez plus sûr à
4 l'hôpital. Pourriez-vous nous donner davantage de détails ?
5 Témoin K (interprétation). - Tout simplement sortir de la maison, aller
6 dans la rue et me rendre de cette façon me faisait peur. Tandis que dans
7 les conditions où je l'ai fait, avec d'autres à mes côtés, je me sentais
8 plus sûr ; c'est la seule raison. Est-ce suffisamment clair ?
9 M. Waespi (interprétation). - Merci, oui. Je n'ai pas d'autres questions.
10 M. le Président (interprétation). - Donc pas d'objection ?
11 M. Waespi (interprétation). - Pas de l'accusation.
12 M. le Président (interprétation). - Merci.
13 Je vous remercie, Monsieur, d'être venu témoigner. Vous pouvez vous
14 retirer.
15 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
16 M. Niemann (interprétation). - Le témoin suivant est Dragutin Berghofer,
17 Monsieur le Président. Il n'a pas demandé de mesure de protection
18 spéciale.
19 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)
20 M. le Président (interprétation) - Monsieur Berghofer, je vous demanderai
21 de prononcer la déclaration solennelle.
22 M. Berghofer (interprétation) - Oui. Je déclare solennellement que je
23 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
24 M. le Président (interprétation) - Merci, vous pouvez vous asseoir.
25 M. Berghofer (interprétation) - Merci.
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1 M. le Président (interprétation) - Maître Niemann ?
2 M. Niemann (interprétation) - Pourriez-vous décliner votre nom complet ?
3 M. Berghofer (interprétation) - Dragutin Berghofer.
4 M. Niemann (interprétation) - Quelle est votre date de naissance ?
5 M. Berghofer (interprétation) - Le 20 septembre 1940.
6 M. Niemann (interprétation) - Où êtes-vous né ?
7 M. Berghofer (interprétation) - - A Osijek.
8 M. Niemann (interprétation) - Où avez-vous passé la majeure partie de
9 votre vie ?
10 M. Berghofer (interprétation) - A Vukovar, depuis 1946.
11 M. Niemann (interprétation) - Quelle était votre profession ?
12 M. Berghofer (interprétation) - Depuis l'âge de 18 ans, j'étais assistant-
13 décorateur-tapissier. J'ai toujours travaillé dans le domaine de la
14 tapisserie et de la décoration d'intérieur.
15 M. Niemann (interprétation) - L'avez-vous fait dans la ville de Vukovar et
16 dans ses environs ?
17 M. Berghofer (interprétation) - Oui, oui tout le temps.
18 M. Niemann (interprétation) - Aviez-vous une entreprise à Vukovar ?
19 M. Berghofer (interprétation) - Oui, depuis 15 ans. Aujourd'hui, cela fait
20 16 ans. Pour être plus précis, depuis 1979.
21 M. Niemann (interprétation) - Monsieur Berghofer, vous rappelez-vous avoir
22 reçu la visite de M. Kevin Curtis du bureau du Procureur du Tribunal
23 international les 16 et 17 juin 1995 et avoir eu un entretien avec lui à
24 ce moment-là ?
25 M. Berghofer (interprétation) - Oui.
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1 M. Niemann (interprétation) - Vous rappelez-vous que cet entretien s'est
2 déroulé en langue anglaise et le compte-rendu a été rédigé en langue
3 anglaise, mais il a été interprété à votre intention durant l'entretien ?
4 M. Berghofer (interprétation) - Oui.
5 M. Niemann (interprétation) - Vous vous rappelez que la déclaration issue
6 de cet entretien vous a été lue ensuite et que vous avez apposé votre
7 signature sur chacune des pages du document ?
8 M. Berghofer (interprétation) - Oui.
9 M. Niemann (interprétation) - Pourriez-vous jeter un coup d'oeil à ce que
10 je vais vous montrer maintenant ?
11 Je vous demanderai de regarder la première page du document que je vous
12 fais remettre, auquel je vais donner maintenant un numéro de pièce à
13 conviction, le numéro suivant.
14 M. le Greffier (interprétation) - Il s'agit du numéro 49.
15 M. Niemann (interprétation) - Il existe une traduction de ce document en
16 langue croate, à laquelle j'aimerais que l'on affecte une cote.
17 M. le Greffier (interprétation) - 49 a.
18 M. Niemann (interprétation) - Monsieur Berghofer, en regardant le document
19 que vous avez entre les mains à présent, voyez-vous qu'au bas de chaque
20 page de ce document figure votre signature ?
21 M. Berghofer (interprétation) - Oui.
22 M. Niemann (interprétation) - Je demande le versement au dossier de cette
23 déclaration.
24 M. le Président (interprétation) - Pas d'objections ? La défense ? Non.
25 Merci.
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1 M. Niemann (interprétation) - Monsieur Berghofer, outre la déclaration que
2 vous avez faite au représentant du bureau du Procureur et qui portait sur
3 les événements de Vukovar et d'Ovcara, avez-vous également fait une
4 déclaration en présence d'un représentant du ministère croate de
5 l'Intérieur de la police de Vukovar ?
6 M. Berghofer (interprétation) - Oui.
7 M. Niemann (interprétation) - Vous rappelez-vous que vous avez fait cette
8 déclaration le 1er juin 1992 ou aux environs de cette date ?
9 M. Berghofer (interprétation) - Oui, oui.
10 M. Niemann (interprétation) - Cette déclaration a-t-elle été faite...
11 Excusez-moi, Monsieur le Président, à Zagreb, quelque part à Zagreb ?
12 M. Berghofer (interprétation) - Oui.
13 M. Niemann (interprétation) - Je vous prierai de bien vouloir regarder ce
14 que je vais maintenant vous faire remettre.
15 J'appréhende déjà l'objection que va élever Me Fila, mais je m'arrêterai
16 pour lui laisser le temps de présenter ses arguments le moment venu, sans
17 aucun doute.
18 Eu égard à ce document que vous avez à présent entre les mains, avez
19 vous eu la possibilité de parcourir la version croate de ce document avant
20 d'entrer dans le prétoire ?
21 M. Berghofer (interprétation) - Oui.
22 M. Niemann (interprétation) - Ce document n'est pas signé par vous, n'est-
23 ce pas ?
24 M. Berghofer (interprétation) - Non.
25 M. Niemann (interprétation) - Mais une signature figure effectivement au
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1 bas du document. Savez-vous à qui se rapporte cette signature ? Vous
2 pouvez regarder le document, Monsieur.
3 M. Berghofer (interprétation) - Je crois que c'est la signature d'un
4 policier. Je crois qu'il était policier en uniforme.
5 M. Niemann (interprétation) - Les circonstances dans lesquelles vous avez
6 fait cette déclaration au cours de laquelle s'est déroulé cet entretien,
7 pourriez-vous expliquer aux juges de quelle façon ce document a vu le
8 jour, pour autant que vous le sachiez ?
9 M. Berghofer (interprétation). - Quand on m'a libéré, à Sremska Mitrovica,
10 le 27 mars 1992, nous sommes arrivés à Zagreb. Immédiatement, on nous a
11 demandé des informations. On nous a demandé qui nous étions, ce que nous
12 faisions, comment nous avions traversé, ce que nous avions vécu. Nous
13 avons commencé à raconter. Nous sommes restés en un lieu déterminé en tant
14 que réfugiés et ensuite ils ont envoyé un policier. J'ai donc fait ma
15 déclaration.
16 M. Niemann (interprétation). - A la lecture de la déclaration, vous êtes
17 bien convaincu que c'est la déclaration que vous avez faite devant le
18 policier de Zagreb ce jour-là ?
19 M. Berghofer (interprétation). - Certains éléments sont exacts, mais
20 d'autres sembleraient indiquer qu'il s'est trompé ou que je me suis
21 trompé, en tout cas il y a des inexactitudes.
22 M. Niemann (interprétation). - Pourriez-vous, je vous prie, nous dire de
23 façon générale quels sont les passages que vous estimez légèrement
24 inexacts ? Je crois que vous savez où ils se trouvent.
25 M. Berghofer (interprétation). - Ce qui m'ennuie le plus, c'est ce qui
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1 s'est passé à Ovcara et les heures affectées à ces événements. Puis-je
2 parler librement ?
3 M. Niemann (interprétation). - Oui.
4 M. Berghofer (interprétation). - Monsieur le Président, nous sommes partis
5 d'Ovcara vers 17 heures. La nuit commençait déjà à tomber. Les heures
6 indiquées au sujet d'Ovcara ne sont pas exactes.
7 M. Niemann (interprétation). - En fait, l'heure de votre départ d'Ovcara ?
8 M. Berghofer (interprétation). - Oui.
9 M. Niemann (interprétation). - Merci. A part cela, lorsque vous lisez
10 votre déclaration, elle semble fidèle, elle semble exacte ?
11 M. Berghofer (interprétation). - Oui, d'habitude, quand il y a traduction,
12 il y a ici et là une petite inexactitude. Mais enfin l'ensemble est
13 correct.
14 M. Niemann (interprétation). - Merci.
15 J'aimerais demander le versement au dossier de ce document, mais j'ai cru
16 comprendre que Maître Fila avait une objection à élever.
17 M. le Président (interprétation). - Maître Fila ?
18 M. Fila (interprétation). - Avant d'élever une objection, je parlerai de
19 ces horaires. Le témoin vient de parler de l'heure de départ d'Ovcara.
20 Mais si l'heure n'est pas 17 heures, quelle est l'heure exacte ?
21 M. Berghofer (interprétation). - Puis-je répondre ?
22 M. Fila (interprétation). - Oui.
23 M. Berghofer (interprétation). - L'heure exacte est 16 heures 45 ou
24 17 heures 15, quelque chose comme cela.
25 M. Fila (interprétation). - Nous ne nous sommes pas bien compris.
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1 17 heures, c'est l'heure où vous avez quitté Ovcara. C'est ce que vous
2 avez dit. Au lieu de 17 heures, ce qui est écrit dans le texte, quelle est
3 l'heure que vous considérez exacte ?
4 M. Berghofer (interprétation). - Ce qui est exact, c'est que nous sommes
5 partis d'Ovcara à 17 heures. Mais par erreur il est inscrit dans le texte
6 que nous sommes arrivés à 17 heures à Ovcara.
7 M. Fila (interprétation). - Mon objection, Monsieur le Président, s'appuie
8 sur la chose suivante. Ce texte n'est pas une déclaration du témoin. Si
9 vous regardez le document, vous verrez en bas à droite, en petites
10 lettres, qu'il s'agit d'une déclaration faite en vertu de l'article 151,
11 article 2 du Code pénal de la Yougoslavie. Il s'agit donc des notes, des
12 observations que prennent les policiers qui ne sont pas utilisables devant
13 un Tribunal dans un procès. Ce sont des notes qui servent à ce que nous
14 appelons la procédure préalable au procès. Du temps de Djukic, je vous ai
15 déjà dit cela, si vous vous le rappelez. Vous pouvez vérifier ce que j'ai
16 dit à ce moment-là. Il y a chez nous une procédure préalable au procès. Il
17 n'est donc pas utile de présenter ce document. Le témoin a des remarques à
18 faire, mais il n'est pas utile, me semble-t-il, de présenter quelque chose
19 qui n'est pas utilisé en Yougoslavie. Nous avons ici un témoin en chair et
20 en os qui peut nous dire ce qui s'est passé. Pourquoi faudrait-il
21 apprendre de façon indirecte ce que cet homme peut et va nous dire de vive
22 voix ?
23 En même temps, je tiens à dire que je ne m'opposerai pas à l'accusation si
24 celle-ci demande à entendre ce policier. Cela me convient, cela ne me pose
25 pas de
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1 problème.
2 M. le Président (interprétation). - Merci. Puis-je vous demander,
3 Maître Niemann, si ce document a été communiqué à la défense ?
4 M. Niemann (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
5 M. le Président (interprétation). - Mais pas aux Juges ?
6 M. Niemann (interprétation). - Ce n'est pas un document du Bureau du
7 Procureur, Monsieur le Président.
8 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, vous faites donc
9 objection à ce que ce document soit versé au dossier ?
10 M. Fila (interprétation). - Oui, parce que c'est un élément de preuve de
11 deuxième main alors que nous avons un élément de preuve de première main.
12 Je ne vois pas quel est l'objet de cette démarche.
13 M. le Président (interprétation). - Oui, je comprends.
14 L'objection est acceptée. Nous n'acceptons pas ce document en tant
15 qu'élément de preuve versé au dossier.
16 M. Niemann (interprétation). - J'en demande néanmoins l'enregistrement à
17 des fins d'identification. Est-ce possible ? Je demande que lui soit
18 affecté le numéro suivant de la séquence. Merci.
19 M. le Président (interprétation). - Fort bien. Monsieur Bos, avez-vous
20 satisfait à la demande du bureau du Procureur ?
21 M. le Greffier.(interprétation) - Oui, Monsieur le Président.
22 M. Niemann (interprétation) - Monsieur Berghofer, je souhaite que nous
23 nous penchions ensemble sur les événements de Vukovar en 1991, et
24 notamment les événements qui se sont produits au mois d'août 1991,
25 notamment le 24 août. Vous souvenez-vous de cette date ?
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1 M. Berghofer (interprétation). - Oui. Je voudrais simplement demander que
2 nous nous penchions d'abord sur une date précédente. Je voudrais que nous
3 revenions vingt-quatre jours en avant, à l'époque où j'étais le
4 propriétaire de deux entreprises. Je travaillais toujours à ce moment-là
5 et ce malgré le fait que des obus tombaient sur la ville.
6 Les habitants de Vukovar, nous, nous pensions que rien n'allait arriver.
7 Nous n'avions même pas envisagé la possibilité d'une telle catastrophe.
8 Pendant deux ou trois jours, j'ai passé mon temps à remplir ma cave de
9 charbon. Ma maison se trouve à une vingtaine de mètres de la caserne de la
10 JNA. Il y avait un canon de 19 millimètres. Il y avait également un canon
11 anti-aérien qui était prêt à tirer. J'ai vu cela tandis que je remplissais
12 ma cave de charbon. J'ai observé cela juste quelques jours avant le
13 24 août. Je n'avais aucune idée de ce qui allait advenir de moi.
14 Le 24, vers minuit, juste après minuit, je suis entré dans ma chambre.
15 J'ai allumé de la lumière simplement pour voir si le lit était fait.
16 Ensuite, j'ai tout de suite éteint la lumière. J'ai vu qu'il y avait un
17 char pointé vers moi, à l'endroit où vous êtes assis, Monsieur le
18 Président. Il y avait un char à cette distance de moi. J'étais couché dans
19 mon lit. A ce moment précis, ils ont ouvert le feu.
20 Comment décrire ce que j'ai ressenti ? J'ai presque honte de dire ce que
21 j'ai ressenti. C'était comme si la terre s'ouvrait. Il y a eu ce grand
22 bruit. Je ne sais pas comment décrire cela, mais j'ai vraiment eu de la
23 chance. Il y avait ce petit mur de contrefort. En fait, c'était un mur qui
24 était juste sous le niveau de la fenêtre. Donc je n'ai pas été touché.
25 J'ai rampé hors de mon lit et j'ai rampé vers une autre pièce.
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1 J'y suis resté jusqu'au matin du 25 août parce qu'à ce moment-là, j'ai
2 entendu des voix. J'ai regardé vers l'extérieur et j'ai vu mon voisin,
3 M. Mlatinovic*. Il parlait avec un soldat qui était de garde sur ce même
4 blindé. J'ai dit : "Mila, qui me hait
5 au point de faire cela à ma maison ?" Il m'a dit : "Regarde, ils ont fait
6 la même chose chez moi". J'ai regardé et sa maison était intacte. En fait,
7 ils ont ciblé un certain nombre de maisons du quartier. Il y avait la
8 mienne et celle de mon voisin Pasko Semja*. Ils ont visé sa maison à lui,
9 ils ont épargné la maison suivante et deux autres maisons ont été ciblées
10 également. Et puis la maison des Misigavaz*. En fait, il y avait ma
11 maison, la maison de Slavko Posonjak et puis une autre maison. En fait,
12 ils n'arrêtaient pas de les viser, tour à tour pendant plusieurs heures.
13 Non seulement ils les visaient, mais ils tiraient dessus.
14 Et puis, un peu plus tard, vers quatre heures à peu près, les tirs ont
15 diminué d'intensité. Au matin, quand j'ai entendu cette voix, c'était
16 comme si rien de tout cela ne s'était passé. J'ai enfourché ma
17 motocyclette. J'ai laissé ma vieille mère dans la cour de la maison et je
18 suis parti en direction de mon magasin.
19 En fait, quand je parle d'entreprise ou de magasin, je veux préciser que
20 j'étais propriétaire de cinq propriétés. Il y avait ma maison près de la
21 caserne, une maison de 110 m2 environ, et pour le reste de mes biens
22 c'étaient des maisons de plain-pied qui avaient quand même une salle de
23 bains et des sanitaires, bref tout le confort moderne.
24 Pour ce qui est de mes deux magasins, ils n'étaient pas exactement au
25 centre-ville. Ces deux maisons étaient des maisons bien construites,
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1 solidement bâties. Des caves avaient été creusées en-dessous au temps de
2 l'Empire austro-hongrois. J'ai donc décidé de m'installer là. Jamais nous
3 n'aurions pensé qu'une telle chose puisse nous arriver.
4 Et puis, à partir du 24, les obus n'ont cessé d'arriver depuis Negoslavci,
5 d'autres directions encore, depuis de Backa Palanka. Je me suis donc
6 installé dans cette cave qui, pendant la guerre, avait abrité quarante
7 femmes et enfants.
8 M. Niemann (interprétation). - Y avait-il d'autres membres de votre
9 famille avec vous dans cette cave ?
10 M. Berghofer (interprétation). - Oui.
11 M. Niemann (interprétation). - Qui s'y trouvait avec vous ?
12 M. Berghofer (interprétation). - Ma vieille mère est venue avec moi, parce
13 que ma maison a explosé sous l'impact d'un obus. Je n'avais donc plus de
14 toit. Ma mère est donc venue, ma fille également et ma femme. Nous
15 n'étions pas mariés, mais nous vivions ensemble. Mon autre fille est venue
16 nous rejoindre, accompagnée de mes deux petites-filles. Elles s'appellent
17 Vesna et Jasna. Ce sont mes deux petites-filles.
18 M. Niemann (interprétation). - Qu'est-il arrivé à Vesna ?
19 M. Berghofer (interprétation). - C'est la JNA, ainsi qu'on l'appelait, qui
20 a emmené Vesna. Je ne l'ai jamais revue depuis. J'ai appris depuis qui
21 l'avait emmenée Si on me demande de le dire, je le ferai. Elle a été
22 emmenée par des soldats de l'Armée populaire yougoslave et par des
23 personnes que nous appelions des Chetniks.
24 M. Niemann (interprétation). - Vous dites que vous ne l'avez pas revue
25 depuis, n'est-ce pas ?
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1 M. Berghofer (interprétation). - Non. J'ai eu un certain nombre de
2 contacts avec un des hommes qui l'a emmenée. Il a dit qu'il était obligé
3 de le faire. Il se trouvait à Vukovar.
4 M. Niemann (interprétation). - Vous avez déclaré que votre compagne se
5 trouvait avec vous également dans cette cave.
6 M. Berghofer (interprétation). - Oui.
7 M. Niemann (interprétation). - Que lui est-il arrivé pendant la guerre ?
8 M. Berghofer (interprétation). - Elle a été la seule victime parmi les
9 quarante femmes qui se trouvaient dans cette cave. Elle a été tuée le
10 6 novembre 1991.
11 M. Niemann (interprétation). - Dans quelles circonstances a-t-elle été
12 tuée ?
13 M. Berghofer (interprétation). - Monsieur le Président, imaginons que le
14 Danube est dans mon dos et que l'obus est juste devant mon magasin. Cet
15 obus a explosé et les éclats ont traversé la fenêtre, sont rentrés dans le
16 mur du magasin qui donne sur la cave. A ce moment précis, elle fumait sur
17 le seuil de la porte pour ne pas gêner avec la fumée les enfants et les
18 personnes âgées. Elle a été frappée au cou.
19 M. Niemann (interprétation). - L'une quelconque des personnes qui se
20 trouvaient avec vous dans la cave à ce moment-là était-elle armée ?
21 M. Berghofer (interprétation). - Pour autant que je sache, non, mais je ne
22 peux pas l'affirmer en toute certitude. Je ne peux pas dire que parmi
23 toutes les personnes qui se trouvaient là -2 000, 2 500, je ne sais pas,
24 on ne peut pas compter- certaines étaient armées. Peut-être même avons-
25 nous déjeuné avec elles. Moi-même, je n'ai jamais tiré une seule balle
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1 avec quelque armes que ce soit.
2 M. Niemann (interprétation). - Il y avait des femmes et des enfants dans
3 ces abris, n'est-ce pas ? Pas seulement des hommes ?
4 M. Berghofer (interprétation). - Oui.
5 M. Niemann (interprétation). - Comment toutes ces personnes
6 s'alimentaient-elles pendant le siège ?
7 M. Berghofer (interprétation). - Eh bien, vous voyez, Vukovar est une
8 ville prospère. Comme je l'ai déjà dit, jamais nous n'avions imaginé
9 qu'une telle chose puisse se produire, un tel désastre. Tant qu'on a pu
10 passer par Marica et Bogdanovci, c'était en fait le seul cordon qui nous
11 reliait avec l'extérieur, parce que de tous les autres côtés, il y avait
12 les forces locales et puis la JNA. Nous avons donc reçu de l'aide de
13 Jacovo*. Ces provisions étaient apportées par des camions. Des magasins
14 avaient
15 été abandonnés.
16 Pour ce qui est de la viande, il n'y avait pas de problème, mais il n'y
17 avait pas d'électricité. A quoi servait-il d'abattre un animal étant donné
18 que l'on ne pouvait pas manger la viande immédiatement ? Le lendemain, la
19 viande tourne, ne peut plus être mangée.
20 Il n'y avait donc qu'un grand chaudron. Nous mangions. Il y avait là des
21 Serbes, des Hongrois, d'autres représentants d'ethnies, des Albanais. Nous
22 n'avons jamais demandé à qui que ce soit à quelle ethnie il appartenait.
23 Lorsque les obus sont tombés, nous étions tous ensemble dans la cave.
24 M. Niemann (interprétation) - Vous aviez de la nourriture vous-même. En
25 certaines occasions, n'avez-vous pas approvisionné d'autres abris en
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1 nourriture ?
2 M. Berghofer (interprétation) - Oui, en effet. La pomme de terre était
3 devenue une denrée très demandée. Il y avait là l'église et le monastère.
4 Il n'y avait plus une seule pomme de terre, plus de sucre. Plus rien ne
5 fonctionnait. Il y avait des épiceries qui avaient été abandonnées. Nous
6 transportions de la nourriture à la fois à l'hôpital, au monastère et dans
7 le centre de la ville. Nous les apportions aux personnes âgées qui
8 demeuraient encore chez elles.
9 Certaines femmes âgées souffraient beaucoup du froid parce qu'elles
10 n'avaient plus de chauffage. 3 000 personnes environ partaient de ce
11 bâtiment, le Borovka comme on l'appelait. Ils parcouraient 15 mètres pour
12 arriver à ma cave et à mon magasin.
13 M. Niemann (interprétation). - Y a-t-il eu un moment, au cours du siège de
14 Vukovar, où vous-même et d'autres personnes avez essayé de vous enfuir ?
15 M. Berghofer (interprétation) - Nous n'arrêtions pas de penser à la fuite.
16 Mais dès que nous prenions la décision de le faire, nous entendions à la
17 radio qu'une
18 trêve avait été déclarée, qu'il n'y aurait plus de coups de feu tirés. Dès
19 que la nuit tombait, vers 19 heures, les obus recommençaient à tomber sur
20 Vukovar, cette pauvre ville.
21 Etant donné que j'avais une certaine somme d'argent sur moi, un petit
22 capital, vous savez comment cela se passe, il fallait bien que je garde
23 cet argent et que je l'économise aussi longtemps que possible. Par la
24 suite, toutes nos maisons ont été détruites. Il n'y avait plus de toits.
25 Une de mes maisons a flambé pendant trois jours.
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1 Au début, les pompiers ont essayé d'éteindre les incendies. Savez-vous ce
2 qui leur est arrivé ? Ils n'ont plus jamais recommencé parce que, tout en
3 haut de certains bâtiments, il y avait des tireurs isolés de la JNA, comme
4 on l'appelait. Ils tiraient très facilement sur les pompiers. Ils étaient
5 faciles à repérer. Près de 15 pompiers ont été abattus à Vukovar. Certains
6 d'entre eux ont été tués à l'hôpital lorsque le camion citerne a explosé
7 alors qu'il apportait de l'eau à l'hôpital.
8 M. Niemann (interprétation) - Mais je vous posais une question relative au
9 fait que vous avez, en une certaine occasion, essayé de vous enfuir de
10 Vukovar, de forcer le siège et de vous enfuir.
11 M. Berghofer (interprétation). - Oui, j'ai essayé de le faire, je me
12 rappelle ; c'était à la fin du mois de septembre. Les vivres sont venus à
13 manquer, notamment pour les enfants. J'avais un petit-fils de 5 mois. Il
14 était dans une poussette, un couffin.
15 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous réussi à vous enfuir ? Votre
16 tentative a-t-elle réussi ?
17 M. Berghofer (interprétation). - Non, je n'ai pas pu m'enfuir. Par la
18 suite, lorsque j'ai essayé de m'enfuir à nouveau, c'était trop tard.
19 M. Niemann (interprétation). - Par la suite, vous êtes-vous rendu à
20 l'hôpital à Vukovar dans l'espoir de quitter la ville ?
21 M. Berghofer (interprétation). - Oui, effectivement.
22 M. Niemann (interprétation). - A quel moment êtes-vous allé à l'hôpital ?
23 Vous vous en souvenez ?
24 M. Berghofer (interprétation). - C'était le 17 novembre 1991. Il me semble
25 que les habitants qui se trouvaient encore à Vukovar se sont tous dirigés
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1 vers l'immeuble de l'assemblée municipale qui se trouve à 300 mètres
2 environ de l'hôpital. C'est ce qu'ils ont appelé une "tentative de fuite".
3 Mais comment peut-on s'enfuir quand il y a 250 fusils automatiques et des
4 soldats partout ?
5 J'ai donc décidé de les accompagner, ces hommes qui voulaient s'enfuir,
6 mais un obus est tombé. Deux hommes sont morts immédiatement. J'ai été
7 saisi de panique et je suis revenu vers l'hôpital.
8 Puis, vers 23 h 30, le 17 novembre, il faisait donc nuit, il y avait une
9 espèce de bruine qui tombait. C'étaient les circonstances à ce moment-là.
10 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous êtes allé à l'hôpital,
11 d'autres personnes s'y trouvaient hormis vous-même ?
12 M. Berghofer (interprétation). - On n'aurait pas pu y loger une mouche
13 tellement les gens y étaient agglutinés dans les corridors. Je ne parle
14 pas des blessés. Il y en avait deux à trois par lit. C'était comble. Je ne
15 peux pas être très précis. Mais, franchement, on n'aurait pas pu faire
16 entrer qui que soit d'autre.
17 M. Niemann (interprétation). - Vous-même, où vous êtes-vous installé
18 lorsque vous êtes arrivé à l'hôpital ?
19 M. Berghofer (interprétation). - Moi, j'étais dans le nouveau bâtiment de
20 l'hôpital, parce qu'à l'étage c'était complètement détruit. Je n'étais pas
21 dans les étages supérieurs mais, au contraire, au rez-de-chaussée.
22 Cette nuit-là, je n'ai pas fermé l'oeil. Le lendemain matin, j'avais faim.
23 L'hôpital n'avait plus rien à nous donner à manger. J'ai donc pris de la
24 Blédine, ce qu'il y avait, de la nourriture pour enfants qui se trouvait
25 dans l'unité de pédiatrie. Il y avait du lait en poudre, des choses comme
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1 cela. C'est ainsi que j'ai passé la nuit du 17 au 18 et enfin du 18 au
2 19 et du 19 au 20.
3 M. Niemann (interprétation). - Vous êtes resté dans une pièce en
4 particulier ?
5 M. Berghofer (interprétation). - Oui. Du 18 au 19, j'ai trouvé un petit
6 lit d'enfant. C'est dans ce lit que j'ai passé la nuit. J'étais tout
7 recroquevillé. Et puis, le 19 au matin, vers 11 heures, le Dr Ivankovic
8 m'a vu et m'a demandé ce que je faisais là. J'ai répondu : "Je suis là où
9 se trouvent tous les autres". Il a dit : "Mais venez avec moi dans mon
10 bureau, venez vous asseoir".
11 M. Niemann (interprétation). - S'est-il passé quoi que ce soit de spécial
12 alors que vous vous trouviez assis dans le bureau du Dr Ivankovic ?
13 M. Berghofer (interprétation). - Je n'étais pas seul avec lui. Il y avait
14 Perkovic, je crois qu'il s'appelait Tomislan Perkovic. Et puis, il y avait
15 des infirmières, deux autres médecins. Nous étions peut-être 8 ou 10 dans
16 cette pièce.
17 M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?
18 M. Berghofer (interprétation). - Je crois que c'était le 19 dans l'après-
19 midi. Alors que je me trouvais déjà avec ces personnes, ces infirmières et
20 Tihomir Perkovic, le fils du docteur est arrivé. Il s'appelle Goran. Il a
21 embrassé son père. Des réservistes de la JNA sont également arrivés, des
22 habitants de la région qui travaillaient pour l'hôpital. Ils se saluaient
23 les uns les autres, s'embrassaient. A ce moment-là, j'ai vu... Je ne me
24 rappelle pas de son nom de famille, mais par la suite je m'en suis
25 souvenu. Ils ont tout de suite commencé à poser des questions aux blessés.
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1 M. Niemann (interprétation). - Qui sont ces personnes qui ont commencé
2 à interroger certains des blessés ?
3 M. Berghofer (interprétation). - C'était le portier de l'hôpital. Il
4 s'appelait Bogdan Kuzmic, le concierge.
5 M. Niemann (interprétation). - Portait-il un uniforme quelconque ?
6 M. Berghofer (interprétation). - C'était un réserviste. Il appartenait au
7 -comment dire ?- groupe paramilitaire de la JNA.
8 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que le fils du Dr Ivankovic s'est
9 entretenu avec son père ?
10 M. Berghofer (interprétation). - Oui, en effet.
11 M. Niemann (interprétation). - Que lui a-t-il dit ?
12 M. Berghofer (interprétation). - D'abord, ils ont commencé par
13 s'embrasser. Puis, il m'a tendu la main, à moi ainsi qu'à toutes les
14 autres personnes présentes. Il a dit : "Pourquoi n'êtes-vous pas partis
15 quand je vous ai dit de le faire ? Nous voulions mettre le feu à Vukovar
16 en lançant des bombes au napalm. Où est grand-mère ?" Son père a dit :
17 "Une bombe est tombée sur l'hôpital, elle a été tuée". Il parlait de la
18 belle-mère d'Ivankovic, donc de la grand-mère de ce jeune homme.
19 Il a dit : "Je suis vraiment malheureux qu'elle n'ait pas eu le temps de
20 me voir porter ce chapeau avec cette cocarde". En fait, il ne portait pas
21 un béret, il portait un casque avec une étoile à cinq branches.
22 M. Niemann (interprétation). - Il me semble que vous vous êtes trompé,
23 n'est-ce pas ? Vous avez dit "elle" dans votre témoignage, mais vous
24 voulez dire "il", n'est-ce pas ?
25 M. Berghofer (interprétation). - Oui, c'est lui qui parlait. Il parlait de
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1 sa grand-mère qui a été tuée. Je ne comprends pas très bien votre
2 question.
3 M. Niemann (interprétation). - Je crois que tout le monde comprend très
4 bien maintenant. Il y a eu une petite erreur dans le compte rendu.
5 Qu'a répondu le docteur Ivankovic à son fils ?
6 M. Berghofer (interprétation). -"Tais-toi Goran ! Tais-toi et va-t-en !
7 Sors !" Le Dr Ivankovic est resté à l'hôpital jusqu'au bout. Il a tout le
8 temps fait son travail.
9 M. Niemann (interprétation). - Y avait-il des réservistes, des officiers
10 ou des membres de la JNA à l'hôpital, avant ce moment-là ? En avez-vous
11 vu ?
12 M. Berghofer (interprétation). - Non. Une demi-heure auparavant, disons
13 vers 15 heures 30, les réservistes de la JNA sont arrivés pour la toute
14 première fois.
15 M. Niemann (interprétation). - Il me semble que précédemment vous avez dit
16 qu'ils ont commencé à poser des questions à des blessés. C'est bien cela ?
17 M. Berghofer (interprétation). - Oui, cela s'est passé à peu près au même
18 moment. Cela s'est passé au même moment où ce jeune homme est venu voir
19 son fils. A ce moment, Bogdan Kuzmic est parti dans une autre direction.
20 Tout cela s'est passé en dix minutes ou un quart-d'heure. Cela s'est passé
21 très vite. Stanko Duvnjak a été interrogé. Il était assis dans le couloir.
22 Je me rappelle que Stanko a dit : "Qu'est-ce que j'aurais bien pu faire ?
23 Qu'est-ce que je pouvais faire ?"
24 Ils ont posé des questions à d'autres personnes encore. Croyez-moi, je
25 connais bien cette personne, mais si je n'arrive pas à me rappeler de son
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1 nom ni de son prénom, cela ne sert à rien, n'est-ce pas ? Enfin, si cela
2 vous intéresse, je peux aussi préciser qu'il faisait déjà sombre et que
3 c'était la nuit. C'était le 19.
4 Nous avons passé toute cette nuit-là assis dans cette pièce. Par la
5 suite... mais je peux là encore me tromper, peut-être que je fais une
6 erreur d'une demi-heure -vous savez comment c'est, quand on a peur on ne
7 prend pas des notes sur le coup- grosso modo il était 1 heure 15,
8 1 heure 30, il y a eu des coups de fusil, six coups. Ils
9 ont été tirés assez loin de là, mais on les entendait très bien.
10 Puis il y a eu un silence d'une quarantaine de minutes et à nouveau nous
11 avons entendu ces coups de fusils tirés avec la même arme. On peut dire
12 qu'en l'espace de deux heures, ce fusil a tiré dix-huit coups. Tout a pris
13 fin vers 3 heures 15 le matin.
14 M. Niemann (interprétation). - Excusez-moi, nous allons revenir sur ce que
15 vous avez dit précédemment, à propos de ces personnes à qui on a posé des
16 questions. Savez-vous pourquoi on leur a posé des questions ? Quel était
17 l'objectif de ces questions posées par les réservistes de la JNA ?
18 M. Berghofer (interprétation). - Voyez-vous, Stanko Duvnjak était policier
19 en Yougoslavie. Bogdan Kuzmic était concierge à l'hôpital. Alors, pourquoi
20 posait-on des questions aux blessés ? Je ne sais pas. J'ai juste entendu
21 cette personne dire : "Mais qu'est-ce que je pouvais faire d'autre ?"
22 C'est tout ce que j'ai entendu. Et puis je ne l'ai plus vu. On ne voit
23 plus maintenant Stanko Duvnjak.
24 M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé le lendemain matin, le
25 20 novembre 1991 ?
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1 M. Berghofer (interprétation). - Pendant cette nuit-là où j'ai entendu les
2 coups de fusil, je ne peux pas vous dire exactement combien de bus ou de
3 camions sont partis de l'hôpital en emmenant des gens, mais toute la nuit
4 on a pu entendre ces camions et ces bus. Au moment du démarrage, on les
5 entendait partir. Par la suite, j'ai appris ce qui s'était passé à
6 Velepromet. Cela se trouve à quatre kilomètres de l'hôpital, en direction
7 de Negoslavci. C'est juste à l'extérieur de la ville.
8 Puis le jour s'est levé et, vers 7 heures, un officier de grande taille
9 qui portait une moustache est entré. Il portait un gilet pare-balles, une
10 casquette à la Tito avec une étoile à cinq branches... Je ne me rappelle
11 plus de son nom parce que j'ai quitté cette armée il y a déjà une
12 éternité. J'étais donc incapable de reconnaître les
13 grades.
14 Il criait : "Docteur, mais qu'attendez-vous ? C'est la guerre. Les blessés
15 légers ainsi que les civils doivent aller sur la gauche." Pour nous, les
16 habitants de Vukovar, la gauche c'est ce qu'on appelait la Sapudl. D'un
17 côté il y avait la rue Sapudl et de l'autre la rue Ivalula*
18 M. le Président (interprétation). - Je crois que nous allons faire une
19 pause. Nous reviendrons dans vingt minutes.
20 L'audience, suspendue à 16 h 00, est reprise à 16 h 20.
21 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, veuillez poursuivre.
22 M. Niemann (interprétation). - Juste avant notre pause,
23 Monsieur Berghofer, vous nous disiez la façon dont cet officier est rentré
24 dans la pièce. Vous n'avez pas vu son grade, mais il a commencé à parler
25 avec le Dr Ivankovic sur le sort des personnes de l'hôpital.
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1 Je crois que vous avez dit qu'il avait donné certaines instructions quant
2 à l'endroit où ces personnes devaient aller. Connaissez-vous le nom de cet
3 officier ou ne l'avez-vous appris que par la suite ?
4 M. Berghofer (interprétation). - Je ne voudrais pas exagérer mais un an et
5 demi après, je ne savais toujours pas comment il s'appelait parce que j'ai
6 passé quatre mois et demi en prison et puis je suis revenu. J'avais le
7 statut de réfugié. J'étais dans un abri de fortune, je n'avais pas la
8 télévision.
9 En fait, je n'ai pas appris son nom avant un an et demi. A ce moment-là,
10 j'ai appris qu'il s'appelait Major Sljivancanin parce qu'à l'hôpital, il
11 ne montrait pas de grade, il avait simplement ce béret à la Tito. Il était
12 grand, il avait une moustache, il
13 avait un gilet pare-balles. Je n'ai appris que par la suite que son nom
14 était Sljivancanin.
15 M. Niemann (interprétation). - Et l'avez-vous reconnu à la télévision ?
16 M. Berghofer (interprétation). - Oui, oui. Il était aisément
17 reconnaissable, on ne pouvait pas se tromper.
18 M. Niemann (interprétation). - Quel était son nom, finalement ?
19 M. Berghofer (interprétation). - Major Veselin Sljivancanin.
20 M. Niemann (interprétation). - Et que s'est-il passé ensuite, après qu'il
21 a donné ces ordres ? C'était le 20 novembre 1991 ?
22 M. Berghofer (interprétation). - Oui, oui. Vers 8 heures, peut-être plus
23 tard. Nous nous sommes mis en rang, comme il nous l'avait ordonné. Il y
24 avait également un réserviste de 45 ans à peu près, assez costaud, je ne
25 sais pas, je ne pense pas que je pourrais le reconnaître et je ne
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1 connaissais pas son nom.
2 Il y avait également d'autres personnes qui ont confisqué tous les objets
3 en métal. Ils n'ont pas touché les bijoux ou les portefeuilles, l'argent,
4 mais seulement des objets que nous ne devions pas porter, comme des
5 couteaux ou des choses comme cela.
6 M. Niemann (interprétation). - Et vos montres, vous ont-ils permis de les
7 garder ?
8 M. Berghofer (interprétation). - Oui, oui. Non, non, ils n'ont pas touché
9 d'effets personnels, si vous voulez, d'objets de valeur qui nous
10 appartenaient.
11 M. Niemann (interprétation). - Combien de personnes ont été alignées de
12 cette façon à peu près ?
13 M. Berghofer (interprétation). - C'est difficile à dire. Mais par la
14 suite, les six bus que nous avons pris étaient pleins. Ils étaient prêts
15 déjà et ils attendaient dans la rue.
16 M. Niemann (interprétation). - Les personnes que les réservistes de la JNA
17 ont fait monter dans les bus, étaient-elles des femmes, des enfants, des
18 hommes ou du personnel médical ? Pourriez-vous nous donner plus de détails
19 sur leur identité ?
20 M. Berghofer (interprétation). - Ceux qui montaient dans les bus ou ceux
21 qui avaient donné les ordres de monter dans les bus ?
22 M. Niemann (interprétation). - Non, les gens qui montaient dans les bus
23 qui venaient de l'hôpital.
24 M. Berghofer (interprétation). - D'accord. Eh bien, parmi ces personnes,
25 certains avaient le bras en écharpe, il y en avait qui avaient leurs
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1 chaussons. Et comme l'homme l'a dit lui-même, il y avait des personnes peu
2 blessées et des civils, et puis du personnel médical de l'hôpital. Ils
3 avaient des espèces de badges. On ne leur a pas dit de monter dans les
4 bus, mais certains sont restés, même s'ils avaient les badges.
5 Lorsque que nous sommes montés dans les bus, on nous a emmenés vers la
6 caserne.
7 M. Niemann (interprétation). - Et dans quels bus êtes-vous monté, vous en
8 souvenez-vous ?
9 M. Berghofer (interprétation). - D'après mes souvenirs, j'étais dans le
10 quatrième bus.
11 M. Niemann (interprétation). - Y avait-il une ou plusieurs personnes dans
12 ces bus dont vous vous souvenez ? Je ne ne parle pas d'officiers ou de
13 soldats de la JNA. Une ou plusieurs personnes qui venaient de l'hôpital
14 comme vous, dont vous vous souvenez.
15 M. Berghofer (interprétation). - Oui, je me rappelle très bien
16 Emil Cakalic par exemple. Il était inspecteur sanitaire dans la
17 municipalité de Vukovar, il rendait visite aux civils. Il était aidé de
18 mon voisin Drago Davoric* qui portait de l'eau à
19 l'hôpital. Et puis il y avait un certain nombre d'autres personnes, de
20 jeunes hommes ou de personnes âgées.
21 M. Niemann (interprétation). - Outre les gens que l'on a fait sortir de
22 l'hôpital, y avait-il d'autres soldats de la JNA, des réservistes dans le
23 bus avec vous ?
24 M. Berghofer (interprétation). - Oui, dans mon bus, il y avait deux
25 soldats réguliers de la JNA et je pense que c'était également le cas dans
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1 les autres bus qui formaient le convoi.
2 M. Niemann (interprétation). - Où vous ont-ils emmenés dans le bus,
3 lorsque vous êtes partis de l'hôpital ?
4 M. Berghofer (interprétation). - Je ne peux pas vous donner l'heure
5 précise, mais vers 9 heures-9 heures et demie, nous sommes arrivés à la
6 caserne, vers le champ de foire.
7 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous parlez de caserne, il s'agit
8 de celle de la JNA ?
9 M. Berghofer (interprétation). - Oui.
10 M. Niemann (interprétation). - C'est la caserne de la JNA à Vukovar ?
11 M. Berghofer (interprétation). - Oui.
12 M. Niemann (interprétation). - Le même endroit qui se trouvait près de
13 chez vous lorsque vous en avez parlé, il y a quelques instants.
14 M. Berghofer (interprétation). - Oui.
15 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé à la caserne de la
16 JNA, que s'est-il passé à ce moment-là ? Pouvez-vous nous le dire ?
17 M. Berghofer (interprétation). - Eh bien, plusieurs choses sont arrivées.
18 Je crois que nous étions là depuis plus de quatre heures debout. Et puis,
19 il y avait de bons amis à nous, des voisins, des réservistes avec des
20 armes automatiques. Ils tournaient
21 autour des bus, ils menaçaient. Par exemple, un de mes voisins qui était à
22 l'école avec ma fille se tapait la fesse à l'endroit où il avait son
23 couteau et me disait qu'il allait me couper la gorge. D'autres hurlaient
24 de joie comme s'ils étaient devant un film, comme lorsque les Indiens
25 capturent les Blancs et qu'on ne sait pas ce qu'ils vont leur faire.
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1 D'autres ont eu de la chance. Certaines personnes sont venues les
2 chercher. Elles sont mêmes montées dans le bus. Je me rappelle de
3 M. Bolicina* qui était professeur de mathémathiques. Il y avait Hidek qui
4 était horloger, et puis Kolesar. Et dans d'autres bus, il y avait des gens
5 que l'on faisait sortir. Je me disais : "Ils ont de la chance".
6 Cependant, devant il y avait un bus militaire dans lequel ils faisaient
7 monter des gens. J'ai vu que les gens se faisaient frapper au moment où
8 ils montaient dans le bus. Là, je suis revenu sur mon opinion et je me
9 suis dit que finalement, ils n'étaient pas si chanceux que cela.
10 Et puis, des gens étaient écartés sur le côté et devaient rester à la
11 caserne. Un peu plus tard, ce bus est parti en direction de Negoslavci. Je
12 ne savais pas où ils les emmenaient. Mais pendant qu'ils montaient dans ce
13 bus, certain des jeunes hommes, des réservistes, avaient pris l'extincteur
14 et commençaient à casser, à utiliser des pioches, des haches, à casser
15 différents matériels. Ils criaient.
16 M. Niemann (interprétation). - Très bien. Pendant cette période de quatre
17 heures dont vous avez parlé, vous avez dit que vous étiez à la caserne de
18 la JNA. Vous trouviez-vous à ce moment-là à l'intérieur ou à l'extérieur
19 du bus ? Avez-vous pu en sortir à un moment donné ?
20 M. Berghofer (interprétation). - Non, on ne pouvait pas sortir. J'ai passé
21 les quatre heures dans le bus.
22 M. Niemann (interprétation). - Il s'agissait de réservistes qui
23 proféraient
24 ces menaces et qui étaient à l'extérieur du bus ? Sont-ils rentrés dans le
25 bus, à un moment donné ? Ont-ils essayé de le faire ?
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1 M. Berghofer (interprétation). - Ils ont menacé de le faire, ils ont
2 essayé d'y monter mais, d'après mes souvenirs, trois hommes sont descendus
3 calmement du bus et il n'y a eu aucune violence.
4 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous parlez de soldats, il s'agit
5 de soldats de la JNA ou de réservistes ?
6 M. Berghofer (interprétation). - De soldats de la JNA.
7 M. Niemann (interprétation). - Ont-ils protégé les gens qui étaient dans
8 le bus de ceux qui voulaient monter, qui étaient encore à l'extérieur ?
9 M. Berghofer (interprétation). - Oui.
10 M. Niemann (interprétation). - Vous avez également dit, au cours de votre
11 témoignage, que les bus se sont dirigés vers Negoslavci. Que s'est-il
12 passé ensuite ?
13 M. Berghofer (interprétation). - Tout d'abord, il y avait le bus militaire
14 qui a démarré. Ensuite, il a été suivi par cet autre bus -le 101, je ne
15 sais plus comment il s'appelait- et puis nous sommes partis dans la
16 direction de Negoslavci. Mais au lieu d'aller à Negoslavci, ils ont tourné
17 vers la gauche. Je connais bien Vukovar. J'en viens. J'y ai passé
18 cinquante ans. Je ne suis jamais allé à Ovcara. Je n'ai jamais travaillé
19 dans le secteur de l'agriculture. Je ne savais donc pas où nous allions.
20 Puis, nous sommes arrivés à Ovcara. Certaines personnes, dans le bus,
21 m'ont dit que nous étions à Ovcara. C'est ainsi que je l'ai appris.
22 M. Niemann (interprétation). - Lorsque que vous êtes arrivé à Ovcara,
23 votre bus était-il le bus n° 4 dans cette file ou aviez-vous changé de
24 position entre votre départ des casernes et votre arrivée à Ovcara ?
25 M. Berghofer (interprétation). - D'après mes souvenirs, les bus sont
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1 restés dans leur position initiale. Je ne crois pas qu'ils ont changé de
2 position.
3 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous vous êtes arrêtés à Ovcara, où
4 vous êtes-vous arrêtés exactement ?
5 M. Berghofer (interprétation). - A côté d'un bâtiment, une espèce de
6 grande halle. Au fur et à mesure que les gens descendaient des bus, ils
7 avançaient, ils redémarraient, tous dans la même direction.
8 M. Niemann (interprétation). - Donc les gens descendaient les uns après
9 les autres et les bus s'alignaient les uns derrière les autres ?
10 M. Berghofer (interprétation). - Oui, oui.
11 M. Niemann (interprétation). - Tous les gens des bus sont-ils descendus en
12 même temps ou a-t-on fait sortir les gens d'un bus puis les gens d'un
13 autre ?
14 M. Berghofer (interprétation). - Un bus après l'autre. Je me rappelle de
15 Goran Mogosa. C'était un voisin qui habitait à trois maisons de chez moi.
16 Il s'appelait Kustro. C'était à lui qu'il fallait s'adresser pour donner
17 les sacs, les portefeuilles, les bijoux. En fait, il vous prenait tout. Je
18 ne sais pas s'il a pu fouiller tout le monde. Lorsque mon tour est venu,
19 il n'a pas pris grand-chose. Il a seulement pris ma montre et quelques
20 deutsche marks mais, autour de lui, il y avait beaucoup de sacs, de
21 valises, d'attachés-cases, de papiers d'identité, de vestes, de vêtements
22 jetés par ci par là.
23 Il était assis près d'un petit fossé. Il y avait donc trois mètres carrés
24 qui étaient remplis d'objets.
25 M. Niemann (interprétation). - Lorsque les gens sont descendus des bus,
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1 que s'est-il passé, outre le fait qu'ils devaient donner tous leurs
2 objets ?
3 M. Berghofer (interprétation). - Eh bien ensuite, les passagers des bus
4 devaient parcourir trois, cinq, six mètres ; cela dépendait où se
5 trouvaient les gens.
6 Evidemment, il n'y avait pas suffisamment de temps pour fouiller trois
7 personnes à la fois. Ensuite, il fallait aller à un endroit que
8 j'appellerais "l'enfer". Ils vous frappaient de toute part. Ils vous
9 donnaient des coups de pied avec leurs bottes, des coups de poing. Je me
10 rappelle quand ils s'en sont pris à Damjan Samardzic avec des bâtons. Ils
11 l'ont battu et il ne s'en est jamais remis. Il était inerte. Il y en a eu
12 un autre. Je crois que c'était son neveu Gaso. En tout cas, il y avait
13 deux corps par terre. Pendant plus de deux heures, ils sont restés là.
14 Quant à moi, j'ai reçu deux coups, la première fois à l'entrejambe et la
15 deuxième au ventre. J'ai eu mal au poignet, à la gencive. Après, un homme
16 de Negoslavci a posé la question : "Est-ce que vous le connaissez ?" Je me
17 suis retourné. Il m'a frappé tellement violemment avec un bâton, comme une
18 espèce de béquille que les blessés utilisent pour marcher, que j'ai
19 commencé à saigner tout de suite. Heureusement, je ne suis pas tombé et je
20 suis donc allé à l'intérieur du hangar.
21 M. Niemann (interprétation). - Et les gens qui donnaient ces coups, avez-
22 vous pu les reconnaître ?
23 M. Berghofer (interprétation). - Devant le hangar, comme je l'ai dit, il y
24 avait Goran Mogosa, que l'on appelait "Kustro" et puis mon voisin
25 Stevan Zoric qui habitait dans la rue Tamaltinska, c'était un de mes
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1 voisins, près de la caserne. Je ne sais pas s'il y avait ses fils, parce
2 qu'ils étaient jeunes, après j'ai appris qu'ils étaient effectivement à
3 Ovcara. Donc je l'ai appris par la suite, mais je ne peux pas en être
4 complètement sûr. Et puis il y avait Milos Bulidza. C'était le boucher, il
5 travaillait pour l'hôpital ; c'était une personne assez importante là-bas.
6 Les autres je ne sais pas, je pense qu'il y avait douze ou treize
7 personnes.
8 M. Niemann (interprétation). - Que portaient ces personnes ? Pouvez-vous
9 nous les décrire ?
10 M. Berghofer (interprétation). - Ils portaient aussi les uniformes vert
11 olive, comme les réservistes de la JNA.
12 M. Niemann (interprétation). - Et avez-vous perdu conscience après ces
13 coups ?
14 M. Berghofer (interprétation). - Heureusement pour moi, non.
15 M. Niemann (interprétation). - Vous a-t-on frappé au niveau des yeux ?
16 M. Berghofer (interprétation). - Non. Le coup a été porté sur l'épaule et
17 vers la tête, sur la droite, derrière l'oreille en fait.
18 M. Niemann (interprétation). - Ceci a-t-il eu des conséquences sur votre
19 vision, les coups qu'on vous a portés en tout cas ?
20 M. Berghofer (interprétation). - Non. En fait, vous commencez à être
21 beaucoup plus attentif, vous voyez plus que vous ne verriez dans des
22 conditions normales. Cela veut dire que ça ne m'a pas du tout gêné pour
23 voir, mais j'avais de la chance. Car, en fait, ils s'occupaient de
24 Damjan Samardzic, donc je m'en suis plutôt bien sorti.
25 M. Niemann (interprétation). - Je crois que vous avez dit que vous avez
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1 réussi à rentrer dans le hangar. Est-ce exact ?
2 M. Berghofer (interprétation). - Oui, c'est exact. Je suis rentré à
3 l'intérieur en courant. Je n'y suis pas rentré en marchant mais bien en
4 courant. Lorsque j'y suis rentré, j'ai vu tout de suite beaucoup d'hommes.
5 Certains étaient mes amis. Pour certains, j'avais fabriqué des meubles.
6 Ils étaient arrivés à Ovcara avant nous. Il y avait Ante Podruzic,
7 Zeljko Begov, Stanko, Kolak. Zeljko Begov qui se trouvait à côté de moi et
8 qui a perdu conscience plusieurs fois. Ils étaient arrivés avec le bus
9 militaire avant nous.
10 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous reconnu certains des soldats de
11 la JNA ou des réservistes lorsque vous êtes entré dans le hangar ?
12 M. Berghofer (interprétation). - A ce moment-là, tout le monde portait
13 l'uniforme de la JNA et j'ai déjà dit qui j'avais vu à l'extérieur. Cinq
14 ou six minutes plus tard, les gens rentraient encore. Il y avait un jeune
15 homme blessé qui était accroupi devant l'entrée. Slavko Dokmanovic, le
16 président de la municipalité, l'a frappé. Il lui a donné un coup de pied
17 dans le visage, juste dans le visage. Cinq ou six minutes après, un jeune
18 homme est rentré en courant. Il avait 17, 18 ou 19 ans, je ne sais pas
19 quel âge il avait. Un de mes amis cherchait un de ses fils,
20 Tomislav Panis*. Il ressemblait à son père, mais je ne peux pas dire avec
21 certitude que c'était bien lui. Quiconque s'y connaît un peu en football,
22 sait ce que sont les ciseaux ! Il est rentré et Slavko Dokmanovic a suivi.
23 M. Niemann (interprétation). - Est-ce Slavko Dokmanovic a dit quoi que ce
24 soit à qui que ce soit lorsqu'il est rentré dans le hangar ?
25 M. Berghofer (interprétation). - D'après ce dont je me souviens, et ma
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1 mémoire est assez bonne, Emil Cakalic, celui qui travaillait pour lui, son
2 inspecteur sanitaire, est entré derrière lui. Quand il l'a vu, il a dit en
3 souriant : "Oh, Monsieur l'Inspecteur...".
4 M. Niemann (interprétation). - L'employé de qui, qui travaillait pour
5 qui ? Que voulez-vous dire par là ?
6 M. Berghofer (interprétation). - Je ne l'ai pas dit tout de suite, mais
7 Slavko Dokmanovic était président de l'assemblée municipale. Il a été le
8 chef de la ville, le maire. Comment puis-je dire ? Et Emil Cakalic
9 travaillait aussi dans la municipalité, donc il travaillait avec
10 Slavko Dokmanovic.
11 M. Niemann (interprétation). - Oui. Dites-nous ce qui est arrivé ?
12 M. Berghofer (interprétation). - Eh bien, puisque Cakalic est aussi entré
13 dans le hangar, avec un sourire un peu ironique il a dit : "Ah, Monsieur
14 l'Inspecteur, vous êtes ici aussi !" De sorte que ceux qui étaient à
15 l'intérieur, les réservistes qui étaient à l'intérieur, se sont de nouveau
16 jetés sur lui. Il en a reçu encore des coups, il en avait déjà reçu à
17 l'extérieur, il en recevait maintenant à l'intérieur. Dans mon souvenir,
18 c'est d'abord Cakalic qui a reçu les coups, ensuite Dado Djukic a été
19 frappé. Puis, il a frappé le petit jeune en faisant un ciseau avec les
20 jambes. Il y a une chose que je n'ai jamais dite...
21 M. Niemann (interprétation). - Mais qui a frappé le jeune homme d'un
22 ciseau des jambes ?
23 M. Berghofer (interprétation). - Le président de l'assemblée municipale,
24 Slavko Dokmanovic.
25 M. Niemann (interprétation). - Et qui a dit : "Monsieur l'Inspecteur, vous
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1 êtes ici aussi !" ?
2 M. Berghofer (interprétation). - Toujours Slavko Dokmanovic.
3 M. Niemann (interprétation). - Bien. A quelle distance vous trouviez-vous
4 de M. Cakalic lorsque M. Dokmanovic lui a parlé ?
5 M. Berghofer (interprétation). - A quatre mètres, à peu près.
6 M. Niemann (interprétation). - Pouviez-vous entendre nettement la
7 conversation ?
8 M. Berghofer (interprétation). - Pour autant que je l'ai compris, c'est
9 ainsi que les choses ont été dites. Il ne l'a pas dit à voix basse. Il lui
10 a sans doute répondu quelque chose. Mais, après, tout de même il y a eu
11 pas mal de mouvement et de désordre, je n'ai pas pu tout entendre.
12 M. Niemann (interprétation). - Combien de temps M. Dokmanovic est-il resté
13 dans la pièce, dans le hangar ? Combien de temps avez-vous pu le voir de
14 vos
15 yeux ?
16 M. Berghofer (interprétation). - J'ajouterai encore simplement ce que je
17 vais vous dire. Il y avait aussi Sinisa Glavacevic, un journaliste envoyé
18 spécial à Vukovar. Je ne le voyais pas très nettement, il était assez
19 loin, mais ils se sont tellement défoulés sur lui qu'en fait je ne le
20 voyais même pas. C'est pour cela que je n'en ai jamais parlé dans ma
21 déclaration.
22 Maintenant que nous parlons d'Ovcara, le film me revient à l'esprit et je
23 me rends compte que c'était tout de même lui.
24 Maintenant, du point de vue temps, Slavko Dokmanovic... je dirais qu'il
25 est resté 20 à 25 minutes.
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1 M. Niemann (interprétation). - Pendant le temps où Slavko Dokmanovic était
2 dans le hangar, est-ce que vous le voyiez bien ?
3 M. Berghofer (interprétation). - Très clairement.
4 M. Niemann (interprétation). - Quel genre de lumière y avait-il dans le
5 hangar au moment où Dokmanovic est entré ? Quel était l'éclairage ?
6 M. Berghofer (interprétation). - Très bon.
7 M. Niemann (interprétation). - Pouviez-vous voir Slavko Dokmanovic de
8 face, de profil, ou les deux ?
9 M. Berghofer (interprétation). - A ce moment-là, je le voyais très bien de
10 face parce que devant moi il n'y en avait pas beaucoup. Les autobus
11 n'étaient pas encore tous vidés. Je ne suis pas très petit, je ne suis pas
12 très grand, mais je l'ai vu à quatre ou cinq mètres de moi.
13 M. Niemann (interprétation). - Avant ce moment-là, depuis combien de temps
14 connaissiez-vous Slavko Dokmanovic ?
15 M. Berghofer (interprétation). - Je ne pourrais pas vraiment le dire avec
16 une précision absolue, mais aujourd'hui cela fait six ou sept ans que les
17 événements se sont passés. Au total, je le connais depuis vingt ans. Il
18 jouait au football, il allait aux matchs. Je le connaissais de vue. Je
19 connais près de 20 000 personnes à Vukovar. Je ne connais pas tout le
20 monde par son prénom... Je l'ai vu plus tard aussi, dans un quartier de la
21 ville, parce que j'ai un magasin dans ce quartier, un magasin de tapis.
22 J'avais aussi un magasin de nettoyage des rideaux. C'est le quartier de
23 Pik.
24 M. Niemann (interprétation). - Qu'est-ce que Pik ?
25 M. Berghofer (interprétation). - C'est une très grande entreprise
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1 industrielle et agricole qui gérait de très nombreuses têtes de bétail...
2 du boeuf, du porc, des agneaux, industrie alimentaire... Tout faisait
3 partie de Pik.
4 M. Niemann (interprétation). - Où se trouvait Pik ?
5 M. Berghofer (interprétation). - Pour vous faciliter les choses, je peux
6 vous dire, si l'on prend l'exemple de La Haye où nous sommes aujourd'hui,
7 que vous allez sept kilomètres vers l'est, sept kilomètres vers l'ouest,
8 dix kilomètres vers le sud. Il y avait les villages de Negoslavci, de
9 Sotin*, d'Ilok qui se trouvait à 35 kilomètres de Vukovar, de Trpinja*
10 d'où vient Slavko Dokmanovic, de Bobota*. C'est un très grand complexe
11 foncier. Je ne peux pas vous dire exactement, mais de Vukovar vous pouviez
12 faire 35 kilomètres dans toutes les directions et vous étiez toujours dans
13 le secteur de Pik. Les vignobles aussi étaient dans le secteur de Pik.
14 M. Niemann (interprétation). - Pourquoi avez-vous vu Slavko Dokmanovic
15 dans le cadre de Pik ?
16 M. Berghofer (interprétation). - Tout à fait par hasard. Soit je montais
17 des stores, soit je lavais des tapis et des moquettes et il est arrivé.
18 Pour autant que je sache, il travaillait pour eux.
19 M. Niemann (interprétation). - En dehors du fait de l'avoir déjà vu dans
20 le
21 cadre de Pik, l'aviez-vous vu de temps à autre depuis qu'il était devenu
22 maire de Vukovar ?
23 M. Berghofer (interprétation). - Pas très souvent, mais il arrivait que
24 j'aille à la mairie pour confirmer une facture. Enfin cela arrivait. Donc
25 je ne pourrais pas dire que je le voyais toutes les trois semaines.
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1 Quelquefois, il se passait six ou sept semaines sans que je le voie...
2 même six mois.
3 M. Niemann (interprétation). - Pourriez-vous regarder autour de vous dans
4 ce prétoire, nous dire si vous voyez Slavko Dokmanovic dans cette salle
5 d'audience et pointer le doigt sur lui ?
6 M. Berghofer (interprétation). - Oui, je l'ai vu, il est au dernier rang à
7 gauche.
8 M. Niemann (interprétation). - Pour revenir au moment où vous avez vu
9 Slavko Dokmanovic à Ovcara dans le hangar, avez-vous remarqué ce jour-là
10 comment il était habillé ?
11 M. Berghofer (interprétation). - Il n'y avait que lui qui portait
12 l'uniforme bleu de l'aviation de l'Armée populaire yougoslave.
13 M. Niemann (interprétation). - Avait-il une capote par dessus l'uniforme
14 ou ne portait-il que l'uniforme ?
15 M. Berghofer (interprétation). - Il portait une espèce de capote, mais pas
16 boutonnée.
17 En fait, cela ressemblait davantage à une protection contre la pluie ou le
18 vent.
19 M. Niemann (interprétation). - Quelle en était la couleur ?
20 M. Berghofer (interprétation). - Vous parlez de l'uniforme ou de cette
21 espèce de veste, de coupe-vent ?
22 M. Niemann (interprétation). - Je pense au coupe-vent.
23 M. Berghofer (interprétation). - C'était un genre de bleu foncé tirant sur
24 le noir, mais encore bleu foncé. L'uniforme était un peu plus clair, mais
25 il était lui aussi bleu-marine.
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1 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous remarqué s'il y avait des
2 insignes ou des emblèmes militaires sur ses vêtements ?
3 M. Berghofer (interprétation). - Je n'ai pas vu. Je n'en ai pas vu.
4 M. Niemann (interprétation). - Est-ce que vous avez vu si
5 Slavko Dokmanovic était armé ou pas ?
6 M. Berghofer (interprétation). - D'après ce que j'ai vu, il ne portait pas
7 d'arme.
8 M. Niemann (interprétation). - Je crois que, dans votre déposition, vous
9 avez déjà dit un certain nombre de choses que vous avez vu faire à
10 Slavko Dokmanovic, mais pourriez-vous nous dire ce qu'il faisait quand il
11 était en face de vous ?
12 M. Berghofer (interprétation). - Il marchait assez nerveusement tant qu'il
13 y a eu de la place dans ce hangar. Au cours des 20 minutes, il a frappé
14 ces deux hommes, il a salué Cakalic. Pour Sinisa Glavacevic, qui se
15 trouvait à l'entrée du hangar, je ne peux pas confirmer ce qu'il a dit. Je
16 me trouvais assez loin. Je répète que je n’ai pas pu voir. J’ai vu qu'il
17 frappait quelqu'un, qu'il y avait une espèce d'attroupement, mais je n'ai
18 pas vu précisément qui il frappait.
19 M. Niemann (interprétation). - Que s’est-il passé ensuite, après que vous
20 avez remarqué ce que faisait Slavko Dokmanovic ?
21 M. Berghofer (interprétation). - Il y avait un réserviste qui, lui aussi,
22 avait la quarantaine et qui était assez corpulent. Il avait un sifflet
23 comme le sifflet d’un
24 arbitre de football. Des hommes ont été frappés à l’intérieur du hangar.
25 Au bout de quelques minutes, la porte s’ouvre. Ce réserviste entre, il
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1 siffle dans son sifflet et il dit : " Nous partons ". Moi, je peux vous
2 dire que j’ai commencé à être assez content, mais il y en a qui sortaient
3 et d'autres qui rentraient en même temps. Ils avaient arrêté de me
4 frapper. Il y en a d'autres qui ont continué à recevoir des coups.
5 Dans le hangar, dans cette halle, il y avait deux femmes. J'en connais
6 une, Tuskan Dragica ; l'autre, je ne la connais pas.
7 M. Niemann (interprétation). - Par la suite, avez-vous été séparé du reste
8 du groupe qui restait dans le hangar ?
9 M. Berghofer (interprétation). - Oui, oui. Après quelque temps, si l'on
10 parle par exemple d’une heure et demie... Je peux vous dire, sans l'ombre
11 d’un doute, que c'était l'enfer. Je crois que l'enfer ne peut pas être
12 autrement que ce que j'ai vécu là-bas; bien que je ne sois pas allé en
13 enfer.
14 Je ne sais pas, personnellement, à qui je peux dire " merci " pour être
15 resté en vie parce que, là-bas, il y avait Ivankovic, mon voisin
16 Stevan Zoric. J'avais d'assez bons rapports avec Bulidza. Nous jouions au
17 football ensemble.
18 Enfin, moi, ils m’ont fait sortir, avec une dizaine d'entre nous ; je
19 crois pouvoir le dire sans me tromper. (expurgé)
20 (expurgée)
21 (expurgée)
22 (expurgée)
23 (expurgé). Je ne
24 connais ni son nom ni son prénom. Il y avait Joakim Dudas. Je ne me
25 rappelle pas d'autres noms, mais il me semble que nous étions une dizaine.
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1 M. Niemann (interprétation). - Quand on vous a séparés, où êtes-vous
2 allés ? Où vous a-t-on emmenés ?
3 M. Berghofer (interprétation). - Quand ils nous ont séparés, après une
4 vingtaine de minutes, les choses allaient lentement. Nous étions dehors.
5 La nuit commençait déjà à tomber. Nous sommes entrés dans une camionnette.
6 Je me rappelle bien qu'il a fallu allumer la lumière parce qu'une autre
7 voiture venait d’en face, après qu’on a démarré. Cette autre voiture avait
8 aussi les phares allumés. Ils nous ont emmenés jusqu’à Velepromet. Là-bas,
9 il n'y avait pas de place. Alors, ils nous ont emmenés dans une usine de
10 tricot. On appelle cette usine " Modateks ". Elle se trouve sur la route
11 de Petrovci à Vukovar.
12 Là-bas, on est arrivés, disons, autour de 6 heures et demie ou 7 heures.
13 Je ne peux pas dire exactement à quelle heure maintenant, parce que je
14 n'avais plus de montre ; mais, croyez-moi, j’ai même oublié que j'avais ma
15 montre de poche. Vous savez comment c’est, c’est l’hiver, on a des tas de
16 poches, on a 5 ou 6 poches. Je n'avais pas fouillé toutes mes poches et
17 cela faisait longtemps que je ne savais plus ce qu’il y avait dans l’une
18 ou l’autre. J’avais oublié que j'avais cette montre gousset. Nous nous
19 sommes retrouvés vers 7 heures ou 7 h 30 à Modateks.
20 A la porte, il y avait Dorde Pavlovic* qui, jusqu’à la veille, était
21 maçon. Il travaillait à la construction de ma maison, ou plutôt de la
22 maison de mon gendre. Une femme parlait avec lui. Pour autant que je
23 sache, elle est croate. Elle s'appelle Nevenka...Vous voyez, sur le moment
24 je ne me rappelle pas son nom de famille. Cela me reviendra.
25 Nevenka Abramovic.
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1 Sur la gauche, une lumière était allumée, une lumière assez faible. En
2 dessous de cette lumière, je dirais qu'il y avait environ 120 à 140 femmes
3 sur la gauche.
4 On est rentré dans ce grand hangar tout plat. Il ne s’est pas écoulé
5 5 minutes qu'un commerçant qu'on appelait Dusko est arrivé. C'était un
6 jeune homme grand, assez agréable à regarder. Il travaillait aux chemins
7 de fer. Comme il faisait
8 assez sombre, il a demandé : (expurgé)
9 (expurgée)
10 (expurgé) ? On parlera demain matin ". C'est tout ce qui s'est passé ce
11 soir-là, le soir du 20 novembre 1991.
12 M. Niemann (interprétation). - Que s’est-il passé après ?
13 M. Berghofer (interprétation). - Le matin, alors, là, nous étions le
14 21 novembre, aux alentours de 5 heures du matin, 3 autobus sont arrivés,
15 je crois ; je n'en suis pas tout à fait sûr. Ils ont emmené les femmes. Je
16 ne sais pas où ils les ont emmenées. Nous sommes restés tout seuls. Le
17 matin, évidemment des soldats réguliers de la JNA sont arrivés. Certains
18 étaient des réservistes. Et le chef là-bas, c'était un vieux. Je le
19 connais bien comme cela, mais enfin, croyez-moi, je ne connais ni son nom
20 ni son prénom. Je ne peux rien dire de mal à son sujet. Vous entendrez la
21 suite de ma déposition.
22 Vers 8 heures et demie, il pleuvait dehors, et je ne sais pas, peut-être
23 que j’ai fait quelque chose, mais en tout cas, ils m'ont tout de suite dit
24 que j'allais servir de steak parce qu'il pleuvait dehors. Croyez-moi, je
25 ne me suis pas effrayé. Je n'ai pas bougé un cil. Un soldat a sorti un
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1 revolver, je suis resté de marbre. Puis j'ai commencé à laver ce grand
2 hangar.
3 Vers 10 heures et demie - 11 heures, une petite jeune fille est entrée.
4 Elle avait à peine 15 ans... je dirais pas 15 ans...allez jusqu'à 16. Elle
5 est arrivée. Elle portait un uniforme vert olive, SMB, un manteau. Elle
6 était accompagnée de deux soldats. Du doigt, elle montre quelqu’un, elle
7 dit : « Celui-là ». C'était moi.
8 Alors, les deux soldats me mettent contre le mur, me donnent l'ordre
9 d'écarter les jambes. Elle prend un bon couteau de 20 cm, un peu comme
10 cela, vous voyez. Elle me le met sur le cou. Moi, je ne savais pas qui
11 elle était.
12 La première question qu'elle a posée a été : « Pour qui as-tu voté ? » Ne
13 vous attendez pas à du courage de ma part. J’ai dit : « Pour
14 Ivisa Sarcanin ». C'était soi-disant le communiste. La Yougoslavie était
15 soi-disant communiste. Elle me dit : « Pour qui encore as-tu voté ? » J’ai
16 dit : « Pour Milicevic ». Je crois qu'il était directeur de la poste à
17 l’époque, c’était le délégué de la municipalité. J'ai dit encore que
18 j’avais voté pour un des nôtres de Vukovar. Puis elle m’a demandé combien
19 j'avais tué de Serbes, combien j'avais tué de vieilles femmes, où étaient
20 mon uniforme et mon fusil automatique.
21 Croyez-moi, en fait, je n'ai pas eu aussi peur là-bas qu'à Ovcara. J’ai
22 répondu : « Toi, la petite, qu’est-ce que tu racontes ? ». Elle se met à
23 hurler contre moi. Elle prend une cigarette à l'un des soldats et arrive à
24 quatre centimètres de mon œil. Elle s'apprête à éteindre sa cigarette dans
25 mon œil. Je ne sais pas si elle l'aurait éteinte ou pas, mais le jeune
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1 soldat ne lui a pas permis de le faire.
2 Après cela, la situation s'est un peu calmée, mais j'insiste, le
3 21 novembre, quand ces femmes étaient encore là-bas, enfin certaines
4 d'entre elles, il me semble qu'elles n'y étaient pas toutes en tout cas,
5 ce soldat a encore tiré tellement à l’extérieur dans la cour avec sa
6 mitrailleuse anti-aérienne que son copain à l’intérieur m'a dit : « Ne
7 vous inquiétez pas, n’ayez pas peur, c’est ma pseudo fête de famille
8 aujourd’hui ». Je n'ai jamais su de quelle fête de famille religieuse il
9 s'agissait. En tout cas, à un certain moment, la situation s'est un peu
10 calmée.
11 M. Niemann (interprétation) - Monsieur le Président, est-ce que je peux
12 interrompre un moment la déposition et demander qu'il y ait une
13 expurgation à la page 149, lignes 12 à 13 ? Merci.
14 Monsieur Berghofer, est-ce qu'ensuite, vous avez été incarcéré à
15 Sremska Mitrovica ?
16 M. Berghofer (interprétation) - Monsieur le Docteur, on est toujours
17 au 21, on n’est pas encore arrivé à Velepromet !
18 M. Niemann (interprétation) - Mais peut-être pourriez-vous, de manière
19 assez brève, nous dire comment vous êtes arrivé à Sremska Mitrovica ?
20 M. Berghofer (interprétation) - Je vais le dire rapidement. A deux heures
21 à peu près, (expurgé), déjà en
22 original, il a insulté ma mère. Il a dit : « Eh, le blanc qui est-ce qui
23 vous a amené ici ? »
24 Perkovic a dit : « Ivankovic... », je ne sais pas qui d’autre l'a
25 mentionné, mais il a de nouveau insulté sa mère et les nôtres. Il a dit
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1 qu'il allait se tuer d'abord et nous tuer ensuite. Je ne suis pas sûr de
2 ce qui s'est passé, je n'ai plus entendu parler de lui. Ensuite le vieux
3 est arrivé, on a reçu à manger, un peu de pain. Yezdimir Stankovic est
4 arrivé, qui était aussi un de mes voisins, qui ne m'a pas fait de mal ;
5 avec le vieux, avec Deda. Il y avait Stankovic, ils m'ont escorté jusqu'à
6 Velepromet.
7 A Velepromet, ils ont séparé Tihomir Perkovic des autres. Il y en a un qui
8 lui a donné un coup de chaussure dans l'œil. Il a insulté sa mère. Il l’a
9 fait sortir et on a entendu un coup, un cri, des menaces. (expurgé)
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 Vers 23 heures, de jeunes soldats sont arrivés et ont dit : « N’ayez pas
13 peur, le capitaine veut vous sauver . On va remonter dans les autobus ».
14 On est monté dans les autobus. On est retourné à la caserne où l’on est
15 arrivé le 21 dans la nuit, juste un peu avant minuit.
16 M. Niemann (interprétation) - Où êtes-vous allé à ce moment-là ?
17 M. Berghofer (interprétation) - Vous voulez dire à partir de la caserne ?
18 Là, on est déjà le 22 ?
19 M. Niemann (interprétation) - Oui.
20 M. Berghofer (interprétation) - Eh bien, ils ont pris nos noms, nous ont
21 mis dans l'autobus et nous ont emmenés à Sremska Mitrovica tout droit à la
22 prison.
23 M. Niemann (interprétation) - Combien de temps avez-vous été incarcéré à
24 cet endroit ?
25 M. Berghofer (interprétation) - Quatre mois et demi.
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1 M. Niemann (interprétation) - Par la suite, avez-vous été échangé ?
2 M. Berghofer (interprétation) - Oui, le 27 mars 1992, près d’Osijek à
3 Nemetin. J'ai été échangé.
4 M. Niemann (interprétation) - Je n'ai pas d'autres questions,
5 Monsieur le Président, mais je demande encore une expurgation à la
6 ligne 11 de la page 154 avant que la suite des interrogatoires ne se
7 produisent.
8 M. le Président (interprétation) - Je me tourne vers Maître Fila. Je vous
9 demande ce que vous souhaitez faire. Il est assez tard. Il est
10 17 heures 20, en principe, nous devons nous interrompre à 17 heures 30.
11 M. Fila (interprétation) - Je ne peux en aucun cas en avoir terminé à
12 17 heures 30.
13 M. le Président (interprétation) - Bien sûr. Préféreriez-vous commencer
14 demain matin à 9 heures 15 ? C’est sans doute préférable.
15 M. Fila (interprétation) - Ce serait mieux, mais si vous voulez que je
16 commence pendant dix minutes, je peux le faire, mais il est préférable de
17 commencer demain.
18 M. le Président (interprétation) - Je crois qu'il est préférable de lever
19 l'audience jusqu'à demain, 9 heures 15 précises.
20 L'audience est levée à 17 heures 20.
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