Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-13a-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Jeudi 5 février 1998

4 L'audience est ouverte à 9 heures 20.

5 M. le Président (interprétation) - Bonjour. Puis-je demander au greffier

6 de nous introduire l'affaire ?

7 M. le Greffier (interprétation) - Affaire IT-95-13a-T, le Procureur contre

8 Slavko Dokmanovic.

9 M. le Président (interprétation) - Merci. Maître Niemann.

10 M. Niemann (interprétation) - Je m'appelle Me Niemann et je comparais avec

11 Me Williamson, Me Waspi et Me Ros.

12 M. le Président (interprétation) - Merci.

13 M. Fila (interprétation) - Monsieur le Président, je m'appelle Thomas Fila

14 et, avec Me Petrovic et Me Lopicic, je défends M. Dokmanovic.

15 M. le Président (interprétation) - Merci. Je voudrais demander à

16 M. Dokmanovic s'il m'entend. Vous m'entendez ? Oui ? Très bien.

17 Peut-on faire entrer le témoin ?

18 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience).

19 M. le Président (interprétation) - Vous pouvez vous asseoir.

20 M. Berghofer (interprétation) - Merci.

21 M. le Président (interprétation) - Maître Fila, puis-je vous rappeler

22 qu'il vous est demandé d'avoir la gentillesse de parler assez lentement et

23 d'attendre quelques

24 secondes avant de poser votre question suivante, sinon nous avons du mal à

25 vous suivre.

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1 M. Fila (interprétation) - Monsieur le Président, je l'ai même écrit noir

2 sur blanc.

3 Monsieur Berghofer, vous avez passé plusieurs jours à l'hôpital avant le

4 20 novembre ?

5 M. Berghofer (interprétation) - Le 18 et le 19.

6 M. Fila (interprétation) - Y avait-il une pièce réservée aux réservistes

7 et aux soldats de la JNA blessés à l'hôpital ?

8 M. Berghofer (interprétation) - Cela, je ne saurais pas vous le dire.

9 M. Fila (interprétation) - Hier, vous avez parlé des réservistes.

10 Qu'entendez-vous par le terme "réserviste" ?

11 M. Berghofer (interprétation) - Eh bien, dans l'ex-Yougoslavie, les jeunes

12 gens qui faisaient leur service recevaient après cinq ou six ans, s'ils

13 entraient dans l'armée, un uniforme militaire en cas de guerre pour être

14 prêts à l'action.

15 M. Fila (interprétation) - En cas de mobilisation ?

16 M. Berghofer (interprétation) - Oui. Je considère que ces jeunes gens

17 étaient des réservistes.

18 M. Fila (interprétation) - Faisaient-ils partis de la JNA ou étaient-ils

19 paramilitaires ?

20 M. Berghofer (interprétation) - Dans le système de l'époque en

21 Yougoslavie, ils auraient dû être des soldats légaux, mais finalement, il

22 s'est avéré qu'ils étaient paramilitaires.

23 M. Fila (interprétation) - Mais paramilitaires dans quel sens ? Comment

24 concluez-vous cela ?

25 M. Berghofer (interprétation) - Parce qu'ils étaient les seuls à recevoir

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1 un uniforme alors qu'il y en avait qui ne recevaient pas d'uniforme. Mais

2 si quelqu'un leur donnait des ordres, alors ils dépendaient de la JNA.

3 Cela, je ne le sais pas.

4 M. Fila (interprétation) - Dans votre déclaration écrite, vous avez

5 déclaré que le Dr Bosanac est devenue directeur de l'hôpital lorsque le

6 Dr Ivankovic a été mis de côté. Qu'est-ce que cela veut dire ?

7 M. Berghofer (interprétation) - Je ne me rappelle pas avoir dit cela. Je

8 ne me rappelle pas avoir dit que le Dr Bosanac était directeur et que lui

9 a été mis de côté. Je ne me rappelle pas. Pouvez-vous me rappeler plus

10 précisément ce que j'ai dit ?

11 M. Fila (interprétation) - Nous trouverons le passage, ce n'est pas un

12 problème.

13 Page 3, vous dites : "Le Dr Bosanac est devenue directeur de l'hôpital dès

14 que le Dr Ivankovic a été relégué". C'est votre déclaration ?

15 M. Berghofer (interprétation) - Peut-être que c'est bien cela, mais je me

16 rappelle que dans la nuit du 19 au 20, le Dr Bosanac a demandé au

17 Dr Ivankovic de venir dans un bureau. Il lui a dit : "Comment se fait-il

18 que tu aies besoin de moi, cela fait trois mois que tu ne m'as pas

19 appelé".

20 M. Fila (interprétation) - Oui, mais je vous demande ce que signifie

21 "relégué", "mis de côté". Pourquoi ? Parce qu'il était serbe ?

22 M. Berghofer (interprétation) - Je n'ai pas dit cela. Je n'ai pas dit

23 qu'il avait été mis de côté.

24 M. Fila (interprétation) - C'est ce qui est écrit.

25 M. Berghofer (interprétation) - C'est écrit, mais ce n'est pas ce que j'ai

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1 dit. Qu'on l'a remplacé, peut-être, mais qu'on l'a mis de côté, non.

2 M. Fila (interprétation) - Vous voulez vérifier que vous avez signé cette

3 déclaration ?

4 M. Berghofer (interprétation) - Je l'ai peut-être bien signée. Il est

5 probable qu'en interprétation, ils considèrent que lorsqu'on le remplace,

6 il est relégué, mis de côté. Je suis d'accord. On peut le comprendre

7 ainsi. Peut-être que celui qui a traduit, au lieu de dire "remplacé" a dit

8 "relégué".

9 M. Fila (interprétation) - Je regarderai la version anglaise. Mais je ne

10 parle pas anglais. Je demanderai donc à l'un de mes collègues de lire le

11 passage en anglais.

12 M. Petrovic (interprétation) - "Le Dr Bosanac est devenue directeur de

13 l'hôpital au moment où le Dr Ivankovic a été mis de côté. Elle voulait,

14 etc., etc.".

15 M. Berghofer (interprétation) - Non, non. J'affirme une nouvelle fois

16 qu'il a été remplacé. Oui, en effet. Il a été remplacé. Je vais vous dire

17 pourquoi. Lorsque nous venions de temps en temps à l'hôpital, nous

18 apportions des vivres. Une infirmière, Mme Mandic, qui est serbe aussi de

19 Zagreb, a dit : "Messieurs Nikola et Drako, à l'avenir, lorsque vous

20 apporterez quelque chose, ne l'apportez plus au Dr Ivankovic, mais

21 apportez-le ici parce qu'il a été remplacé".

22 Je n'ai jamais utilisé l'expression "relégué" ou "mis de côté", mais

23 "remplacé", oui, c'est ce qui a été dit.

24 M. Fila (interprétation) - Pourquoi a-t-il été remplacé ?

25 M. Berghofer (interprétation) - Eh bien, il faudrait que vous posiez la

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1 question aux experts. Moi, j'avais de très bonnes relations depuis 15 ou

2 16 ans avec le Dr Ivankovic. Je le respectais beaucoup. Je le respecterai

3 encore demain. Pourquoi a-t-il été remplacé ? Je ne saurais pas le dire.

4 M. Fila (interprétation) - Pendant votre séjour à l'hôpital, ces trois

5 jours, le 18 ,19 et 20, avez-vous jamais vu M. Dokmanovic ?

6 M. Berghofer (interprétation) - Non.

7 M. Fila (interprétation) - Hier, vous avez dit qu'ensuite vous êtes monté

8 à bord des autobus. Etaient-ils civils ou militaires ?

9 M. Berghofer (interprétation) - Civils.

10 M. Fila (interprétation) - Et c'est à bord de ces autobus que vous êtes

11 parti pour la caserne de Vukovar ?

12 M. Berghofer (interprétation) - Oui, mais je souligne que ces autobus

13 n'étaient pas des autobus de Vukovar.

14 M. Fila (interprétation) - Quel genre d'autobus était-ce ? Leur couleur ?

15 Leurs plaques d'immatriculation ?

16 M. Berghofer (interprétation) - Pour autant que je me souvienne, ils

17 étaient immatriculés à Sjrenjanin*. Ces autobus n'étaient pas tout à fait

18 neufs, mais enfin, ils n'étaient pas non plus très anciens. Ils pouvaient

19 avoir une dizaine d'années.

20 M. Fila (interprétation) - La couleur ?

21 M. Berghofer (interprétation) - Ah, la couleur ? Ils étaient de couleur

22 crème, pas vraiment blanc, mais crème.

23 M. Fila (interprétation) - Vous avez dit que vous avez vu le Pr Licina ?

24 M. Berghofer (interprétation) - Oui.

25 M. Fila (interprétation) - Où et quand est-il sorti de l'autobus ?

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1 M. Berghofer (interprétation) - A la caserne.

2 M. Fila (interprétation) - Il est descendu de l'autobus à la caserne ?

3 M. Berghofer (interprétation) - Oui. Un réserviste lui a dit :

4 "Monsieur Licina, comment se fait-il que vous soyez ici ?". Il a haussé

5 les épaules et après cinq minutes, il est descendu. Lui, Hidek et Kolesar.

6 Kolesar était le mari de la surveillante des infirmières du Dr Ivankovic.

7 M. Fila (interprétation) - Etes-vous sûr qu'il n'est pas descendu de

8 l'autobus à Ovcara ?

9 M. Berghofer (interprétation) - Non, non. Il était assis devant moi dans

10 l'autobus.

11 M. Fila (interprétation). - J'ai oublié de vous poser une question. Avant

12 votre arrivée à l'hôpital, pendant que la situation devenait ce qu'elle

13 était à Vukovar, les Serbes ont-ils quitté la ville ?

14 M. Berghofer (interprétation). - Vous voulez dire pendant ces deux jours ?

15 M. Fila (interprétation). - Non, je veux dire avant, en juin, en juillet,

16 en août et en septembre ?

17 M. Berghofer (interprétation). - Certains sont partis. Je ne dirais pas

18 qu'ils sont tous restés, mais il y en a qui sont restés et qui se sont

19 retrouvés dans la cave avec moi. Je peux vous donner leurs noms et leurs

20 prénoms. J'ai encore aujourd'hui de bonnes relations avec eux.

21 M. Fila (interprétation). - Je vous demanderai maintenant de répondre à la

22 question suivante. Vous disiez que vous aviez votre montre pendant que

23 vous étiez à la caserne. A peu près à quelle heure êtes-vous partis de la

24 caserne de la JNA et vers quelle heure êtes-vous arrivés à Ovcara. ?

25 M. Berghofer (interprétation). - Monsieur le docteur, il faut que je vous

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1 corrige. J'avais deux montres, une montre-bracelet et une montre à

2 gousset. Ne me prenez pas au mot, mais je pense qu'il était 13 heures

3 moins 5, ou 13 heures 10, ou quelque chose comme cela.

4 M. Fila (interprétation). - Qu'est-ce que cela veut dire 13 heures 10 ?

5 M. Berghofer (interprétation). - Dans l'après-midi.

6 M. Fila (interprétation). - Où à 13 heures 10 ?

7 M. Berghofer (interprétation). - Nous sommes partis de la caserne.

8 M. Fila (interprétation). - A quelle heure à peu près êtes-vous arrivés à

9 Ovcara ?

10 M. Berghofer (interprétation). - Eh bien, écoutez, les autobus

11 n'avançaient pas vite. Ils allaient assez lentement. Alors, disons une

12 demi-heure à peu près. Nous sommes arrivés aux alentours de deux heures.

13 Je ne peux pas préciser l'heure à la minute près.

14 M. Fila (interprétation). - Donc, aux alentours de 14 heures ?

15 M. Berghofer (interprétation). - Oui.

16 M. Fila (interprétation). - Hier, vous avez dit que vous avez vu Slavko

17 Dokmanovic au moment où les autobus étaient en train de se vider ?

18 M. Berghofer (interprétation). - Oui.

19 M. Fila (interprétation). - Cela veut-il dire que vous l'avez vu avant que

20 tous les autobus aient été vides ?

21 M. Berghofer (interprétation). - Oui.

22 M. Fila (interprétation). - Est-ce que cela s'est passé à un moment de la

23 journée où il faisait clair, où la nuit tombait, ou lorsqu'il faisait

24 nuit ?

25 M. Berghofer (interprétation). - Eh bien, je vais encore vous corriger.

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1 Nous étions à peu près 240 personnes. Ce n'est peut-être pas le nombre

2 tout à fait exact, mais enfin à peu près. Pensez au fait qu'on est d'abord

3 passé par la saisie de nos papiers personnels, puis par la bastonnade.

4 M. Fila (interprétation). - Mais vous disiez que les bus étaient en train

5 d'être déchargés. Est-ce que la visibilité était tout à fait bonne lorsque

6 vous avez vu Dokmanovic, faisait-il jour ?

7 M. Berghofer (interprétation). - Oui, il faisait tout à fait jour.

8 M. Fila (interprétation). - Hier, vous nous avez dit qu'ensuite, on vous a

9 fait sortir du hangar, que vous avez passé un certain temps dehors et

10 qu'après cela vous êtes parti dans un véhicule, je ne me rappelle pas

11 lequel.

12 M. Berghofer (interprétation). - Oui.

13 M. Fila (interprétation). - Au moment où on vous a fait sortir du hangar,

14 faisait-il encore jour ?

15 M. Berghofer (interprétation). - Oui, il faisait encore jour. Il a fait

16 jour encore à peu près quarante minutes.

17 M. Fila (interprétation). - Entre le moment où vous êtes sorti du hangar

18 et...

19 M. Berghofer (interprétation). - Oui, oui.

20 M. Fila (interprétation). - Il faisait encore jour pendant 40 minutes ?

21 M. Berghofer (interprétation). - Oui à peu près, 40 à 45 minutes.

22 M. Fila (interprétation). - Quand vous avez démarré, il faisait nuit ou

23 c'était le crépuscule ?

24 M. Berghofer (interprétation). - Oui, c'était le crépuscule. Quand on est

25 arrivé sur la route principale de Vukovar à Negoslavci, je peux vous dire

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1 qu'il faisait complètement nuit.

2 M. Fila (interprétation). - Après le moment où vous êtes sorti du hangar,

3 êtes-vous revenu dans le hangar ?

4 M. Berghofer (interprétation). - Moi, non.

5 M. Fila (interprétation). - Il est donc permis de conclure que vous êtes

6 resté en permanence à l'extérieur entre le moment où on vous a fait sortir

7 du hangar et le moment où vous êtes parti pour Velepromet et Medoteks?

8 M. Berghofer (interprétation). - Oui, vous pouvez le conclure.

9 M. Fila (interprétation). - Merci. Hier, vous avez décrit votre arrivée,

10 le passage à tabac, etc. A une question de l'accusation, vous avez dit

11 qu'un homme dans une telle situation voit, mais je n'ai pas compris

12 exactement ce que vous avez dit ensuite. Vous avez utilisé une expression

13 particulière. Pouvez-vous vous rappeler ?

14 M. Berghofer (interprétation). - Eh bien écoutez, dans de telles

15 situations...

16 M. Fila (interprétation). - On voit et vous avez ajouté quelque chose.

17 M. Berghofer (interprétation). - Dans de telles situations, évidemment, ce

18 qu'on essaie au maximum, c'est d'échapper aux coups. J'ai peut-être ajouté

19 quelque chose. Mais vous devriez me rappeler ce que j'ai dit.

20 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit quelque chose du genre : "On

21 voit même ce qu'on ne voit pas ".

22 M. Berghofer (interprétation). - Quand j'ai reçu un coup sur la tête, le

23 Procureur m'a demandé si je m'étais évanoui. J'ai répondu que c'était le

24 contraire, que cela m'a, au contraire, encore éclairci les idées.

25 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit qu'à ce moment-là on peut voir y

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1 compris ce qu'on ne voit pas.

2 M. Berghofer (interprétation). - Oui, quelque chose dans ce sens-là.

3 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit que votre femme avait été tuée

4 par le bombardement le 6 novembre.

5 M. Berghofer (interprétation). - Oui.

6 M. Fila (interprétation). - Vous vous rappelez bien que c'était le

7 6 novembre ?

8 M. Berghofer (interprétation). - Oui.

9 M. Fila (interprétation). - Comment expliquez-vous que, dans votre

10 déclaration écrite, il est stipulé que votre femme a été tuée le

11 4 novembre ?

12 M. Berghofer (interprétation). - Aujourd'hui, je crois que c'est le 6.

13 M. Fila (interprétation). - Mais, dans votre déclaration vous avez parlé

14 du 4. C'est quand même une date importante.

15 M. Berghofer (interprétation). - Peut-être qu'elle est morte le 4 et qu'on

16 l'a enterrée le 6, à l'hôpital. Peut-être, c'est possible. Mais je crois

17 quand même que c'était le 6.

18 M. Fila (interprétation). - Vous n'êtes pas sûr ?

19 M. Berghofer (interprétation). - Si, je suis sûr, je suis sûr.

20 M. Fila (interprétation). - Sûr de quoi, du 4 ou du 6 ?

21 M. Berghofer (interprétation). - Que c'était le 6.

22 M. Fila (interprétation). - Vous êtes sûr que c'était le 6 ?

23 M. Berghofer (interprétation). - Je suis sûr que c'était le 6.

24 M. Fila (interprétation). - Expliquez-nous pourquoi vous avez dit dans

25 votre déclaration préalable que c'était le 4.

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1 M. Berghofer (interprétation). - Souvent dans des déclarations, on

2 commence à dire quelque chose. Je répète que l'interprète dans sa

3 traduction n'a peut-être pas bien écrit les choses.

4 M. Fila (interprétation). - Oui mais, Monsieur Berghofer, vous avez signé.

5 Vous savez sans doute ce que vous dites et ce que vous signez.

6 M. Berghofer (interprétation). - Je sais ce que je dis, mais, voyez-vous,

7 je répète, je n'ai pas l'habitude de signer ce que je dis après, comme ici

8 par exemple. Il est possible qu'il y ait eu une erreur ici ou là. Je me

9 rappelle bien de trois dates : mon arrivée à Ovcara, mon arrivée de

10 Mitrovica et le jour où cette femme est morte.

11 M. Fila (interprétation). - Dans votre déclaration écrite, il est stipulé

12 que

13 cette déclaration vous a été lue avant que vous ne la signiez.

14 Monsieur Curtis vous l'a-t-il lue ?

15 M. Berghofer (interprétation). - Oui, il me l'a lue.

16 M. Fila (interprétation). - Pourquoi l'avez-vous signée si elle était

17 inexacte ?

18 M. Berghofer (interprétation). - Peut-être que j'étais fatigué, peut-être

19 n'ai-je pas bien suivi.

20 M. Fila (interprétation). - Il vous arrive de confondre les dates, les

21 heures, peut-être mêmes les lieux ?

22 M. Berghofer (interprétation). - Non. Il y a des dates que je ne me

23 rappelle pas bien. Mais il y a des dates particulières que je me rappelle

24 bien.

25 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit que vous connaissiez

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1 M Dokmanovic de vue seulement ?

2 M. Berghofer (interprétation). - Oui.

3 M. Fila (interprétation). - Cela signifie que M. Dokmanovic ne vous

4 connaît pas ?

5 M. Berghofer (interprétation). - Sans doute pas.

6 M. Fila (interprétation). - Puisque vous faites erreur dans les dates, ne

7 pensez-vous pas que vous pouvez faire erreur sur un visage ? Quelqu'un

8 vous a rappelé que c'était Dokmanovic ?

9 M. Berghofer (interprétation). - Non.

10 M. Fila (interprétation). - Quelqu'un vous a-t-il dit que c'était

11 Dokmanovic ?

12 M. Berghofer (interprétation). - Non. Je connais plusieurs milliers de

13 personne. Il y en a dont je connais le nom le prénom et d'autres, le

14 visage.

15 M. Fila (interprétation). - Personne ne vous y a fait penser ?

16 M. Berghofer (interprétation). - Ce n'était pas la peine. Je vous le dis à

17 nouveau : je jouais au football, j'aimais bien le ballon. Je sais que j'ai

18 joué avec lui au football plusieurs fois.

19 M. Fila (interprétation). - Mais à ce moment-là, vous avez perdu votre

20 fille, votre épouse, vos biens, votre vie a été détruite. Vous étiez dans

21 une situation difficile. Vous avez reçu des coups. Vous n'êtes pas capable

22 de vous rappeler exactement le jour de la mort de votre femme. Comment

23 vous attendez-vous à ce que je vous fasse confiance lorsque vous dites que

24 vous connaissez un homme qui vous est inconnu ?

25 M. Berghofer (interprétation). - Je vais vous dire tout de suite. C'est

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1 seulement à Zagreb que j'ai appris que ma fille était portée disparue.

2 Quand je suis parti, ma fille était dans une autre maison. Elle était

3 mariée. Moi, je suis parti le 24 dans la nuit, quand il y a eu des coups

4 de feu. J'ai appris la disparition de ma fille seulement en 1993 quand des

5 gens sont arrivés de Vukovar et m'ont dit que ma fille avait disparu. Je

6 me suis dit que c'était une erreur.

7 Je ne sais pas si cela vous intéresse, mais je vais vous le dire, en 1991

8 je me suis séparé de leur mère. La femme qui est morte, c'était ma

9 compagne, mais je la considérais comme ma femme. Je l'appelais ma femme,

10 mais nous n'étions pas mariés. C'est donc seulement en 1993 que j'ai

11 appris que ma fille, celle qui a un an de plus que ma fille cadette, avait

12 disparu.

13 M. Fila (interprétation). - Vous n'aviez pas eu de contact avec elle

14 jusqu'en 1993 et vous ne l'avez pas cherchée ?

15 M. Berghofer (interprétation). - Non, non, je ne pouvais pas, il n'y avait

16 pas de communication avec Vukovar. Il n'y en a que depuis six mois.

17 M. Fila (interprétation). - Mais il y avait la Croix-Rouge et d'autres

18 organisations !

19 M. Berghofer (interprétation). - Je ne vous ai pas dit, Monsieur, mais

20 pendant que j'étais à Mitrovica, ma mère, qui était de petite taille, est

21 tombée et s'est cassé le corps du fémur. Elle est morte. Je ne vous l'ai

22 pas encore dit. Sur 300 000 réfugiés -je pense que c'est à peu près le

23 nombre des réfugiés de Croatie-, qui aurait pu chercher quelqu'un ?

24 M. Fila (interprétation). - Vous avez mentionné un certain Duvnjak et vous

25 avez dit que quelqu'un avait tiré sur lui.

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1 M. Berghofer (interprétation). - Monsieur, je suis ici sous serment. Je

2 n'ai pas dit que quelqu'un avait tiré sur lui.

3 M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, alors j'ai fait une erreur.

4 Pourriez-vous à nouveau décrire les faits pour qu'il n'y ait pas

5 d'erreur ?

6 M. Berghofer (interprétation). - Aux alentours du 19 novembre -maintenant

7 il faut que je fasse attention quand je parle des minutes pour ne rien

8 perdre-, le 19 dans l'après-midi, le portier de l'hôpital, Bogdan Kuzmic

9 -je me rappelle bien son nom-, est arrivé. Il est arrivé dans l'entrée de

10 l'hôpital. Moi, j'étais dans une pièce et j'ai jeté un coup d'oeil à

11 l'extérieur. J'ai vu que ce Duvnjak était assis sur une chaise. Il était

12 assis à l'endroit où se tiennent les blessés. Il était à une douzaine de

13 mètres de moi. Je l'ai simplement entendu dire, en écartant les bras :

14 "Qu'est-ce que je pouvais faire ?" C'est tout ce que j'ai entendu.

15 M. Fila (interprétation). - Quand l'avez-vous vu pour la dernière fois ?

16 A-t-il été emmené à ce moment-là ?

17 M. Berghofer (interprétation). - Non, je n'ai pas vu qu'on l'a emmené,

18 mais j'ai vu qu'il parlait avec Kuzmic.

19 M. Fila (interprétation). - Vous ne savez pas ce qui lui est arrivé ?

20 M. Berghofer (interprétation). - Je ne sais pas.

21 M. Fila (interprétation). - Etait-il serbe ou croate ?

22 M. Berghofer (interprétation). - Je pense qu'il était croate. Il

23 travaillait dans la police.

24 M. Fila (interprétation). - Hier, vous nous avez dit qu'à un certain

25 moment, vous avez vu Slavko Dokmanovic et que vous avez passé à ses côtés

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1 un certain temps. A quelle heure cela pouvait être ? Après 14 heures ?

2 M. Berghofer (interprétation). - Il était déjà 15 heures.

3 M. Fila (interprétation). - Mais il n'était pas 16 heures ?

4 M. Berghofer (interprétation). - Il était entre 15 et 16 heures. Je ne

5 peux pas vous dire à la minute près.

6 M. Fila (interprétation). - Mais il faisait jour ? A ce moment-là, les

7 autobus étaient en train de se décharger ?

8 M. Berghofer (interprétation). - Oui.

9 M. Fila (interprétation). - Merci. Pouvez-vous me dire encore une chose ?

10 Quels étaient les vêtements de Slavko Dokmanovic ce jour-là ? Commencez

11 par le haut.

12 M. Berghofer (interprétation). - Il portait l'uniforme complet des

13 aviateurs de l'ex-Armée populaire yougoslave.

14 M. Fila (interprétation). - Qu'avait-il aux pieds ?

15 M. Berghofer (interprétation). - Normalement des chaussures.

16 M. Fila (interprétation). - Pas des bottes, mais des chaussures ?

17 M. Berghofer (interprétation). - Des chaussures, pour autant que j'ai pu

18 le voir.

19 M. Fila (interprétation). - Je suppose qu'il avait des pantalons ?

20 M. Berghofer (interprétation). - Bien sûr.

21 M. Fila (interprétation). - Quelle était la couleur de ses pantalons ?

22 M. Berghofer (interprétation). - Bleu marine, bleu foncé.

23 M. Fila (interprétation). - Et ensuite ?

24 M. Berghofer (interprétation). - Il avait une espèce d'anorak, de veste,

25 de coupe-vent qui n'était pas boutonné.

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1 M. Fila (interprétation). - Vous utilisez l'expression "Basketica" qui est

2 une expression régionale. Ceux qui sont ici ne connaissent pas bien ce

3 mot. Basketica, cela vient de basket, n'est-ce pas ?

4 M. Berghofer (interprétation). - Ecoutez, un coupe-vent, un anorak.

5 M. Fila (interprétation). - Décrivez cette veste. Y avait-il une fermeture

6 éclair ? Comment se fermait-elle devant ?

7 M. Berghofer (interprétation). - Eh bien une fermeture à glissière, une

8 fermeture éclair, vous connaissez.

9 M. Fila (interprétation). - Oui, je connais. C'était donc un coupe-vent en

10 nylon, avec une fermeture éclair ?

11 M. Berghofer (interprétation). - Vous m'entendez maintenant ?

12 M. Fila (interprétation). - Oui, excusez-moi. Vous avez parlé d'un coupe-

13 vent, d'un anorak en nylon avec une fermeture éclair et de couleur bleu

14 foncé.

15 M. Berghofer (interprétation). - Non, c'est l'uniforme d'aviateur qui

16 était bleu foncé. Vous le connaissez bien, l'uniforme des pilotes dans

17 l'ancienne Armée populaire yougoslave.

18 M. Fila (interprétation). - Très bien, je vous ai compris. Mais ce coupe-

19 vent avec une fermeture éclair, de quelle couleur était-il ?

20 M. Berghofer (interprétation). - Eh bien, il était presque noir, mais bleu

21 encore, bleu très foncé.

22 M. Fila (interprétation). - L'avait-il sur lui ? Avait-il les bras dans

23 les manches ?

24 M. Berghofer (interprétation). - Oui, il l'avait sur lui, mais pas

25 boutonné.

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1 M. Fila (interprétation). - Pouviez-vous voir ses épaules ?

2 M. Berghofer (interprétation). - Oui.

3 M. Fila (interprétation). - Portait-il des insignes sur les épaules ?

4 M. Berghofer (interprétation). - Je n'en ai pas vu.

5 M. Fila (interprétation). - Sous le coupe-vent ? Il devait porter quelque

6 chose en dessous.

7 M. Berghofer (interprétation). - Oui, il portait sa veste ou plutôt ce

8 coupe-vent.

9 M. Fila (interprétation). - Et sous le coupe-vent ?

10 M. Berghofer (interprétation). - Une chemise et une cravate.

11 M. Fila (interprétation). - De quelle couleur ?

12 M. Berghofer (interprétation). - La chemise était bleue, un bleu un peu

13 plus clair.

14 M. Fila (interprétation). - Portait-il quelque chose sur la tête ?

15 M. Berghofer (interprétation). - Non, il était tête nue.

16 M. Fila (interprétation). - Tout le temps ?

17 M. Berghofer (interprétation). - Je ne pourrais pas dire.

18 M. Fila (interprétation). - Mais vous le regardiez, n'est-ce pas ?

19 M. Berghofer (interprétation). - Je ne le regardais pas tout le temps, il

20 était à l'intérieur. Il était sans doute à l'intérieur depuis quatre ou

21 cinq minutes, peut

22 être dix minutes. J'ai souligné dans ma déclaration que je n'étais pas sûr

23 du temps pendant lequel ils ont frappé cet homme. Après, j'ai compris

24 qu'il s'agissait de Sinisa Glavacevic.

25 M. Fila (interprétation). - Mais vous avez dit que cela avait duré quatre

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1 ou cinq minutes et que vous l'avez regardé, comme vous nous regardez

2 maintenant.

3 M. Berghofer (interprétation). - Pendant à peu près le même temps, pendant

4 à peu près ce temps-là.

5 M. Fila (interprétation). - Mais vous avez compté les minutes ?

6 M. Berghofer (interprétation). - Non, je ne pouvais pas réellement compter

7 les minutes. Je ne peux pas vous le dire avec une précision absolue.

8 M. Fila (interprétation). - Très bien, mais pendant tout le temps où vous

9 l'avez regardé, il ne portait rien sur la tête ?

10 M. Berghofer (interprétation). - Pour autant que je me rappelle, il ne

11 portait rien.

12 M. Fila (interprétation). - N'avait-il pas un couvre-chef lorsqu'il s'est

13 adressé à Cakalic ?

14 M. Berghofer (interprétation). - Je ne pourrais vraiment pas vous dire.

15 Lorsque je l'ai vu, pour autant que je me rappelle, il avait un calot

16 accroché sur son côté droit.

17 M. Fila (interprétation). - Accroché à quoi ?

18 M. Berghofer (interprétation). - Comme s'il était enfilé dans la poche de

19 son coupe-vent, ou peut-être était-il accroché à la ceinture devant.

20 M. Fila (interprétation). - Il avait donc aussi une ceinture. Une ceinture

21 de l'armée ?

22 M. Berghofer (interprétation). - Non, une ceinture ordinaire.

23 M. Fila (interprétation). - Je connais la différence, mais je vous demande

24 s'il avait un ceinturon militaire ou une ceinture ordinaire.

25 M. Berghofer (interprétation). - Il avait une ceinture de pantalon

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1 normale.

2 M. Fila (interprétation). - Donc son calot était accroché à la ceinture de

3 ses pantalons ?

4 M. Berghofer (interprétation). - Oui.

5 M. Fila (interprétation). - Dans votre déclaration, vous n'avez jamais

6 mentionné ce calot, ni le coupe-vent ou la veste de basket. Pourquoi ne

7 l'avez-vous pas fait ?

8 M. Berghofer (interprétation). - Personne ne m'a posé la question au sujet

9 de Dokmanovic. C'est moi qui ait donné cette information volontairement en

10 disant qu'il était là. Il peut y avoir d'autres choses que l'on ne se

11 rappelle pas.

12 M. Fila (interprétation). - Mais personne ne vous a posé la question hier

13 au sujet du coupe-vent et vous en avez parlé. Comment se fait-il que vous

14 n'en ayez pas parlé avant ?

15 M. Berghofer (interprétation). - Peut-être que je ne me rappelais pas ou

16 que les gens ne me l'ont pas demandé.

17 M. Fila (interprétation). - Comment se fait-il que vous en ayez parlé

18 hier ?

19 M. Berghofer (interprétation). - Mais, hier, personne ne m'a posé des

20 questions au sujet des chaussures. Aujourd'hui, vous le faites. Cela

21 dépend des questions auxquelles ont répond.

22 M. Fila (interprétation). - Dans la déclaration écrite que vous avez faite

23 devant ce Tribunal, avant vous avez dit l'avoir vu à 2 heures de l'après-

24 midi.

25 M. Berghofer (interprétation). - Monsieur, je vous ai dit que je ne peux

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1 pas préciser l'heure exacte. Mais je suis tout à fait sûr que lorsque nous

2 sommes partis

3 d'Ovcara, il faisait nuit, il faisait sombre parce que les lumières

4 étaient allumées.

5 M. Fila (interprétation). - Cela, c'était quand vous êtes partis. Mais

6 quand vous êtes arrivés ?

7 M. Berghofer (interprétation). - Quand nous sommes arrivés, il faisait

8 plein jour.

9 M. Fila (interprétation). - En réponse aux questions du Procureur, vous

10 avez déclaré qu'il était 2 heures de l'après-midi. Vous voulez que je vous

11 lise le passage ?

12 M. Berghofer (interprétation). - Oui.

13 M. Fila (interprétation). - "Nous sommes arrivés à Ovcara aux alentours de

14 14 heures et il a fallu quelque temps pour que les gens se fassent

15 battre", et tout ce que j'ai raconté. Cela a pris quelque temps. Je ne

16 sais pas pourquoi vous vous intéressez tellement à ces heures.

17 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit : "Vers 14 heures, le réserviste

18 Slavko Dokmanovic", réserviste. Aujourd'hui vous dites que c'est un

19 officier de la JNA. "Il était le président de la municipalité. Il est

20 entré dans le hangar et il m'a dit : 'Toi aussi, tu es ici, inspecteur'."

21 M. Niemann (interprétation). - Je voudrais savoir si l'avocat de la

22 défense se réfère au compte rendu ou à la déclaration ?

23 M. Fila (interprétation). - Non, il ne s'agit pas du compte rendu d'hier

24 mais de la déclaration du témoin à M. Curtis, la même personne qui a

25 arrêté M. Dokmanovic. C'est sa déclaration qui fait partie du compte

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1 rendu, si j'ai bien compris.

2 M. Niemann (interprétation). - Je pense que pour le témoin il faut qu'il

3 soit tout à fait clair qu'il s'agit non pas du compte rendu d'hier, mais

4 de sa déclaration

5 originale.

6 M. Fila (interprétation). - C'est bien ce que j'ai dit, je parle de cette

7 déclaration. Mais pour le moment, je ne sais pas de quelle page il s'agit.

8 M. le Président (interprétation). - Moi aussi, j'ai mal compris. Je

9 croyais que vous parliez du compte rendu et je trouve que cette précision

10 était tout à fait à sa place. Maintenant, il est clair que vous parlez de

11 la déclaration et non pas du compte rendu d'hier.

12 M. Fila (interprétation). - Il s'agit de deux déclarations.

13 Tout d'abord, nous avons sa déclaration qu'il a donné à l'enquêteur

14 Kevin Curtis, page 7, c'est-à-dire à l'avant-dernière page de la

15 traduction où il parle de Stevan, Zoric, Gradina, etc., et là il dit :

16 "Vers 14 heures, le réserviste, etc.", ce que je viens de lire.

17 Ensuite, il y a sa deuxième déclaration. C'est celle qui a prêté à

18 confusion. C'est la déclaration conformément à l'audience des témoins

19 selon l'article 61. Il a donné cette déclaration devant le Juge Jorda en

20 disant : "A environ 2 heures de l'après-midi, le réserviste que je

21 connaissais, Slavko Dokmanovic, qui était le président de la municipalité,

22 est entré dans le hangar". Donc avant le témoignage d'hier, à deux

23 reprises il parle de 14 heures. C'est pour cela que je demande à quelle

24 heure cela s'est passé, parce que pour moi -et vous savez les raisons pour

25 lesquelles je le dis- le temps est très important.

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1 M. Berghofer (interprétation). - Puis-je répondre ?

2 M. Fila (interprétation). - Oui, veuillez répondre. S'agissait-il

3 d'environ 14 heures ou bien de 14 heures ?

4 M. Berghofer (interprétation). - Pouvez-vous relire encore une fois le

5 passage et me dire ce que je dois dire ?

6 M. Fila (interprétation). - Les deux déclarations -l'une que vous avez

7 donnée à M. Curtis, l'autre devant la Chambre de première instance de

8 M. Jorda- indiquent que c'était à 14 heures, le 20 novembre, que vous avez

9 vu le réserviste Slavko Dokmanovic.

10 M. Berghofer (interprétation). - Premièrement, Monsieur, à ce moment-là je

11 ne pouvais pas regarder ma montre parce que je n'en avais plus. Vous avez

12 oublié que j'ai tout d'abord perdu ma montre, parce que Mugosa l'a prise

13 et d'autres choses aussi. Deuxièmement, peut-être y a-t-il eu un

14 malentendu. Ils portaient tous des vêtements de réservistes de la JNA.

15 Cela dit, Slavko Dokmanovic avait un uniforme bleu d'aviateur. Donc,

16 écoutez-moi bien, ce réserviste, quand je dis réserviste je ne parlais pas

17 de Slavko Dokmanovic, étant donné que lui, il a un nom et un prénom. Le

18 réserviste dont j'ai parlé était quelqu'un de plus fort et plus grand,

19 mais je ne connaissais pas son nom. C'est pour cela que j'ai dit : "et un

20 réserviste". Là, il s'agissait probablement du réserviste qui avait un

21 sifflet. Donc je ne sais pas. Je ne l'ai pas appelé Slavko Dokmanovic

22 réserviste, mais j'ai parlé du réserviste et je suppose que c'est la

23 personne qui avait le sifflet. Il y avait deux groupes de personnes. Il y

24 en avait à l'intérieur et à l'extérieur. Et puis, il y a un réserviste qui

25 entre, qui souffle dans son sifflet et dit : "Cela suffit. Un groupe sort

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1 mais un autre groupe entre". Ecoutez, j'espère que vous avez bien compris

2 cette fois-ci.

3 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, s'il vous plaît, pour

4 couper court à cette discussion, je souhaiterais que le témoin lise lui

5 aussi, tout seul, ce qu'il a déclaré à la fois à M. Curtis et devant la

6 Chambre de M. Jorda, qu'il lise lui-même qu'il a dit à deux reprises que

7 Dokmanovic était un réserviste.

8 M. Berghofer (interprétation). - Je peux le faire, mais...

9 M. Niemann (interprétation). - Objection, Monsieur le Président. L'avocat

10 de la défense a déjà posé cette question au moins trois fois. Le témoin a

11 répondu. Monsieur Fila a clairement pu constater que ce que le témoin dit

12 est en conformité avec ce que le témoin a déclaré à M. Curtis et devant la

13 Chambre de M. Jorda. Nous pouvons passer une semaine et nous n'aurons pas

14 plus de précision.

15 M. le Président (interprétation). - Je ne comprends pas, Maître Niemann,

16 pourquoi vous vous opposez à cela. Pourquoi ne pas permettre au témoin de

17 lire lui-même les deux lignes en question ? Ensuite, nous pourrons

18 poursuivre avec d'autres questions.

19 M. Fila (interprétation) - Oui, je prie le témoin de bien vouloir lire sa

20 propre déclaration en serbe, étant donné que, bien sûr, il ne va pas lire

21 en anglais ou bien en croate, je suppose.

22 Il s'agit de la page 7, c'est une ligne. Je vous prie de bien vouloir lire

23 mot à mot ce qui est écrit là-dessus.

24 M. Berghofer (interprétation) - Très bien. Il n'y a aucun problème.

25 M. Fila (interprétation) - Lisez !

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1 M. Berghofer (interprétation) - Je l'ai lu et donc, finalement,

2 Slavko Dokmanovic lui aussi est un réserviste. Il n'y a aucun problème

3 avec cela. Si j'ai bien compris, Maître Fila, ou bien c'est lui qui ne m'a

4 pas compris.

5 M. Fila (interprétation) - Veuillez lire à haute voix.

6 M. Berghofer (interprétation) - Aucun problème.

7 "Vers 14 heures, le réserviste Slavko Dokmanovic qui était le Président de

8 la municipalité".

9 M. Fila (interprétation) - Merci, c'est tout.

10 M. Berghofer (interprétation) - Je ne vois pas. C'est vous l'expert. Mais,

11 pour moi, lui aussi est un réserviste. Pour moi, c'est un réserviste.

12 M. Fila (interprétation) - Il y a deux minutes, vous avez dit qu'il

13 n'était pas un réserviste.

14 M. Berghofer (interprétation) - Monsieur Fila, s'il vous plaît, si cet

15 homme a un certain âge, s'il ne fait pas partie des troupes régulières,

16 chez nous, cela s'appelle un "réserviste". Il avait plus de 25 ans et il

17 portait un uniforme.

18 M. Fila (interprétation) - Donc, s'il avait cet uniforme d'aviateur, cela

19 ne veut rien dire pour vous.

20 M. Berghofer (interprétation) - J'ai fait mon service militaire et je sais

21 que cet uniforme existe bel et bien. J'ai expliqué aux Juges ce dont on

22 parle lorsque nous parlons d'un uniforme d'aviateur de la JNA.

23 M. Fila (interprétation) - Vous savez, il y a souvent des différences par

24 rapport à ce que vous disiez avant et ce que vous dites maintenant. Hier,

25 par exemple, vous avez dit que, dans la nuit entre le 20 et le 21, entre

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1 environ une heure et quart et trois heures et quart, vous avez entendu des

2 coups de feu.

3 M. Berghofer (interprétation) - Oui.

4 M. Fila (interprétation) - Et dans votre déclaration à M. Curtis, vous

5 avez parlé des rafales.

6 M. Fila (interprétation) - Monsieur Fila, vous savez très bien ce que sont

7 des rafales. Il s'agit d'un fusil automatique. Moi, je ne peux pas vous

8 dire très exactement, mais je peux vous dire que nous avons entendu

9 18 coups de feu d'un revolver. Dans chaque revolver, il y a six balles.

10 Là, il ne s'agit pas d'une rafale. Ici, on voit bien qu'il s'agit d'une

11 erreur d'interprétation. Une rafale, cela vient d'un fusil automatique.

12 Là, on ne peut pas savoir combien de tirs ont été tirés. Mais quand vous

13 entendez un revolver, vous pouvez entendre "tchu, tchu » six fois. Et

14 puis, vous attendez 40 ou 50 minutes et ensuite vous entendez encore une

15 fois six tirs, six coups

16 de feu.

17 M. Fila (interprétation) - Ecoutez, je ne comprends pas parce que, dans la

18 déclaration, vous parliez de plusieurs rafales et, hier, vous avez dit

19 "des coups de feu tirés d'un revolver". Je ne comprends pas quelle est la

20 différence entre les deux pour vous.

21 M. Berghofer (interprétation) - Monsieur Fila, le problème, c'est souvent

22 dans l'interprétation. Pour les interprètes, c'est la même chose, une

23 rafale et des coups de feu tirés d'un revolver. Mais vous et moi nous

24 savons que ce n'est pas du tout la même chose. Là, je peux vous affirmer

25 qu'il s'agit de coups de feu tirés d'un revolver.

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1 M. Fila (interprétation) - Ce que vous avez dit dans votre déclaration,

2 "plusieurs rafales", ce n'est pas correct.

3 M. Berghofer (interprétation) - Non, non, non. Il s'agissait d'un

4 revolver.

5 M. Fila (interprétation) - Je suis désolé de vous importuner, mais tout

6 cela démontre la fiabilité du témoin. Je vais lire un autre passage.

7 M. le Président (interprétation) - Allez-y.

8 M. Fila (interprétation) - Hier, vous avez dit que Slavko Dokmanovic est

9 entré cinq ou six minutes après vous.

10 M. Berghofer (interprétation) - Oui.

11 M. Fila (interprétation) - Tout d'abord, il frappe un blessé.

12 M. Berghofer (interprétation) - Dado Dukic ?

13 M. Fila (interprétation) - Ensuite, un garçon.

14 M. Berghofer (interprétation) - Oui.

15 M. Fila (interprétation) - Vous avez dit que c'était le fils de Bjordic*.

16 M. Berghofer (interprétation) - Je ne suis pas tout à fait sûr. Je ne

17 connaissais pas le garçon, même aujourd'hui, je ne suis pas sûr que

18 c'était son fils.

19 M. Fila (interprétation) - Qu'est-ce que vous voulez dire ? Je ne

20 comprends pas.

21 M. Berghofer (interprétation) - C'est un jeune homme d'environ 17 ou

22 18 ans.

23 M. Fila (interprétation) - S'agissait-il d'un fils dont le nom était

24 Boneter* ?

25 M. Berghofer (interprétation) - Monsieur Fila, j'ai déjà dit que je

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1 n'étais pas sûr que c'était Boneter*. C'est seulement maintenant que j'ai

2 compris cela. Je disais toujours que c'était un jeune homme et que je ne

3 pouvais pas garantir qu'il s'agissait de Boneter*.

4 M. Fila (interprétation) - Dans votre déclaration à M. Curtis, vous ne

5 mentionnez pas du tout ce garçon. Comment se fait-il que tout d'un coup

6 vous en parliez ?

7 M. Berghofer (interprétation) - Vous voyez, c'est pour cela que j'ai donné

8 une déclaration parlant de cela et cela ne figure pas dans la déclaration.

9 Je vous le dis, des interprètes n'interprètent pas bien. Maintenant, on

10 met en cause ce que je dis. Ce que je vous dis maintenant, c'est vrai.

11 M. Fila (interprétation) - Bien. Hier, vous avez dit que d'abord, il a

12 frappé le blessé, ensuite le garçon, ensuite Cecolic*.

13 M. Berghofer (interprétation) - Il n'a pas frappé Cecolic*.

14 M. Fila (interprétation) - Non, je n'ai pas dit cela, mais d'après vous,

15 il vous a dit : "Vous êtes là, inspecteur" ?

16 M. Berghofer (interprétation). - Oui, c'est bien ce qu'il a dit : "Vous

17 êtes là, inspecteur".

18 M. Fila (interprétation). - Durant les audiences de témoins, selon

19 l'article 61, vous avez dit qu'il avait d'abord frappé le garçon et

20 ensuite l'homme blessé.

21 M. Berghofer (interprétation). - Non, Monsieur Fila, il a d'abord frappé

22 Dukic, que je connaissais très bien, et ensuite le garçon.

23 M. Fila (interprétation). - Si je vous montre la déclaration selon

24 l'audience des témoins selon l'article 61, vous avez dit : "D'abord, il a

25 frappé le jeune homme".

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1 M. Berghofer (interprétation). - Je vous dis que, peut-être, pour

2 l'interprète cela était égal de savoir qui il avait frappé en premier.

3 M. Fila (interprétation). - Il s'agit du compte rendu tout à fait précis.

4 M. Niemann (interprétation). - Je pense que tout cela prête à confusion,

5 que le témoin ne sait peut-être pas de quoi il s'agit lorsque l'on parle

6 de l'audience au titre de l'article 61. Je pense que cela peut être

7 injuste vis-à-vis du témoin.

8 M. le Président (interprétation). - Je souhaiterais que M. Fila passe aux

9 autres questions.

10 M. Fila (interprétation). - Vous avez donné une déclaration à M. Curtis.

11 Là, vous savez de quoi je parle.

12 M. Berghofer (interprétation) - Oui.

13 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit que, tout d'abord, il a salué

14 Cakalic en disant : "Tu es là, inspecteur, toi aussi". Ensuite, il a

15 frappé l'homme blessé. Vous n'avez pas du tout mentionné le garçon.

16 Comment expliquez-vous cela ? J'espère que vous comprenez de quoi je

17 parle. Sinon le Procureur interviendra.

18 M. Berghofer (interprétation). - Ecoutez, je l'affirme de nouveau. Tout

19 d'abord, il a frappé Dukic dont la tête a heurté un mur. Il a crié.

20 M. Fila (interprétation). - Quel était l'ordre de ces actions ?

21 M. Berghofer (interprétation). - Je connais très bien l'ordre, mais si

22 l'interprète fait une erreur, ce n'est pas ma faute.

23 M. Fila (interprétation). - Je vais vous lire ce passage.

24 M. le Président (interprétation). - Veuillez nous indiquer ce que vous

25 allez lire.

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1 M. Fila (interprétation). - Je vais vous lire le compte-rendu de

2 l'audience, au titre de l'article 61, en date du 27 mars 1996. C'est la

3 traduction croate. Vous dites : "Etant donné que j'étais dans le cinquième

4 bus qui était l'avant-dernier, lorsque j'ai couru dans le hangar, j'ai vu

5 un jeune homme qui entrait en courant derrière moi. Il marchait dans la

6 même direction que le docteur. Il avait l'air très nerveux. Ses mains

7 étaient derrière son dos, il allait à droite et à gauche dans le hangar.

8 Lorsque ce jeune homme a couru à côté de lui, celui-ci a fait un saut

9 comme s'il était un footballeur et il a réussi à frapper, à donner un coup

10 de pied au visage du jeune homme".

11 Est-ce exact ?

12 M. Berghofer (interprétation). - Non, ce n'est pas exact.

13 M. Fila (interprétation). - Je vais continuer à lire.

14 "Environ dix minutes plus tard, peut-être même pas, il y avait le docteur

15 Dado Dukic. Dado Kukic était blessé aux jambes et s'était accroupi près du

16 mur. Dokmanovic est arrivé et lui a donné un coup de pied. Il s'agit d'un

17 coup de pied qu'au football on appelle un coup à la volée."

18 Pouvez-vous constater que c'est différent de ce que vous disiez avant ?

19 M. Berghofer (interprétation). - Puis-je répondre ?

20 M. Fila (interprétation). - Oui, allez-y.

21 M. Berghofer (interprétation). - Vous voyez, l'erreur c'est qu'il ne

22 s'agit pas du Dr Dukic, mais de son fils, Dado Dukic. S'il y a un

23 traducteur ou un interprète qui n'est pas très rigoureux, il peut y avoir

24 une erreur. En ce qui concerne le jeune homme, vous avez parlé d'autre

25 chose. J'étais déjà dans le hangar lorsque le jeune

Page 779

1 homme courait à l'intérieur. Il ne courait pas derrière moi mais j'y étais

2 déjà. Il courait. Il est passé à côté de Slavko Dokmanovic. Le mouvement

3 de football qu'on appelle ciseau, c'est très simple, c'est ce qu'il a

4 appliqué. C'est ainsi que cela s'est passé.

5 M. Fila (interprétation). - J'ai tout simplement voulu dire qu'il y a des

6 différences dans vos déclarations.

7 M. Berghofer (interprétation). - Oui, mais je viens de vous expliquer

8 qu'il ne s'agissait pas du Dr Dukic, mais de son fils Dado. Peut-être que

9 je ne savais pas tout à fait quelque chose, mais peut-être que les

10 interprètes ne connaissent pas quelque chose. Tout à l'heure, certains ne

11 connaissaient pas notre terme pour la veste coupe-vent ou anorak.

12 M. Fila (interprétation). - Oui, mais nous parlons de l'ordre, nous ne

13 parlons pas seulement du Dr Dukic ou de son fils. C'est l'ordre qui

14 change. Entre une déclaration et une autre, je veux bien que vous soyez

15 confus.

16 M. Berghofer (interprétation). - Je ne suis pas confus.

17 M. le Président (interprétation). - Monsieur Fila, vous avez atteint le

18 résultat que vous souhaitiez. Je vous redemande de passer aux questions

19 suivantes.

20 M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, je voudrais juste vérifier pour

21 voir si je n'ai pas oublié quelque chose. Mais je pense que j'aurai

22 bientôt terminé.

23 Je souhaiterais avoir quelques précisions concernant l'ordre des autobus

24 dans lesquels vous étiez, l'ordre dans lequel vous étiez assis.

25 Monsieur Cakalic était-il assis devant vous ou pas ?

Page 780

1 M. Berghofer (interprétation). - Maintenant, il faut que je me rappelle

2 quelque chose qui s'est passé il y a sept ans. Beaucoup de personnes ont

3 perdu la vie. Vous voulez savoir comment on était assis ! Moi, j'étais

4 heureux de voir des personnes vivantes. Le Pr Licina ou bien le mari de

5 l'infirmière Bicer*.

6 M. Fila (interprétation). - On va essayer de raccourcir le débat. Est-ce

7 que Cakalic était avec vous dans l'autobus ?

8 M. Berghofer (interprétation). - Il était à droite.

9 M. Fila (interprétation). - Dans le même autobus ?

10 M. Berghofer (interprétation). - Attendez, je veux me concentrer. Oui, je

11 pense qu'il était dans le même autobus. Dans la caserne j'étais à gauche

12 et là, lorsqu'on est arrivé à Ovcara, j'étais sur la droite.

13 M. Fila (interprétation). - Je vous demande de quel autobus il s'agissait.

14 M. Berghofer (interprétation). - Je pense que c'était le quatrième

15 autobus.

16 M. Fila (interprétation). - Dans vos déclarations, quelquefois vous dites

17 cinquième ou sixième.

18 M. Berghofer (interprétation). - Non, il y avait six autobus au total.

19 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit troisième, cinquième, sixième et

20 maintenant vous dites quatrième. Cakalic était dans le même bus ?

21 M. Berghofer (interprétation). - Oui. Et Damjan Samardzic.

22 M. Fila (interprétation). - Moi, je m'intéresse à Cakalic. Vous avez dit

23 avoir vu des paramilitaires à l'hôpital. Y en avait-il à Ovcara aussi ?

24 M. Berghofer (interprétation). - Non.

25 M. Fila (interprétation). - Vous ne m'avez peut-être pas bien compris.

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1 Vous êtes arrivé jusqu'à la caserne, ensuite à Ovcara. Avez-vous remarqué

2 si les mêmes personnes se trouvaient à la fois à l'hôpital, à la caserne

3 et à Ovcara ?

4 M. Berghofer (interprétation). - Ecoutez, là où c'est facile, c'est

5 lorsque je connais quelqu'un. Je peux tout de suite savoir s'il faisait

6 partie des troupes paramilitaires. Dans ce groupe-là, je connaissais

7 M. Kuzmic, qui était en uniforme de réserviste de la JNA. C'était facile

8 pour moi de savoir s'il était là ou pas. Mais les

9 autres, je ne les connaissais pas vraiment.

10 M. Fila (interprétation). - Lorsque vous êtes rentré à Velepromet -c'est

11 vraiment ma dernière question-, avez-vous vu des civils, des gens de

12 Vukovar ?

13 M. Berghofer (interprétation). - Oui, par exemple j'ai vu la mère de

14 Goran Kustro. C'était une voisine.

15 M. Fila (interprétation). - Goran Kustro ? C'était celui qui a pris votre

16 argent ?

17 M. Berghofer (interprétation). - Goran Mugosa Kustro.

18 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit que c'était celui qui avait pris

19 votre argent ?

20 M. Berghofer (interprétation). - Oui.

21 M. Fila (interprétation). - Il a pris votre argent, mais pas votre montre.

22 M. Berghofer (interprétation). - Si, si, il a pris ma montre aussi, mais

23 celle que j'avais dans la poche est restée.

24 M. Fila (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, c'est tout.

25 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann ?

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1 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous avez répondu à la question de

2 Me Fila sur le temps, notamment qui s'est écoulé à la caserne de la JNA et

3 après, au complexe agricole d'Ovcara, donniez-vous à Me Fila la meilleure

4 estimation possible, d'après les souvenirs qui vous restent de cette

5 époque ?

6 M. Berghofer (interprétation). - Eh bien oui, plus ou moins.

7 M. Niemann (interprétation). - Maître Fila vous a également posé des

8 questions sur le fait que vous aviez été emmené à l'extérieur du hangar.

9 Vous avez répondu que lorsque vous êtes sorti, il faisait jour. Pendant

10 combien de temps êtes-vous resté à l'extérieur du hangar avant qu'on vous

11 emmène dans la camionnette qui

12 vous a ramené à Vukovar ? Vous en souvenez-vous ? Si vous ne le pouvez

13 pas, ce n'est pas très grave.

14 M. Berghofer (interprétation). - Oui, je m'en souviens assez bien. C'était

15 une Polo. Nous sommes restés à l'extérieur pendant environ 35 minutes.

16 Vous savez, il est plus facile pour moi de dire quand nous sommes partis,

17 c'est-à-dire à peu près au crépuscule, vers 5 heures. En fait, nous sommes

18 restés trente minutes à l'extérieur, avant que la nuit ne tombe.

19 M. Niemann (interprétation). - Enfin, Me Fila vous a posé certaines

20 questions sur les vêtements que portait M. Slavko Dokmanovic. Connaissez-

21 vous bien le visage de M. Dokmanovic ?

22 M. Berghofer (interprétation). - Oui, très bien.

23 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous des doutes quant au fait que la

24 personne que vous avez vue ce jour-là était bien Slavko Dokmanovic à

25 Ovcara ?

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1 M. Berghofer (interprétation). - Non, non, c'est impossible parce que si

2 cela fait plus de vingt ans que vous connaissez un homme, il y a des gens

3 qu'on peut se rappeler, même si on les a vus trois fois...

4 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous des doutes ou non sur l'identité

5 de l'homme que vous avez vu ce jour-là ?

6 M. Berghofer (interprétation). - Je suis convaincu que c'était Slavko

7 Dokmanovic.

8 M. Niemann (interprétation). - Je n'ai plus de questions, Monsieur le

9 Président.

10 M. le Président (interprétation). - Merci. Monsieur Berghofer, je suis

11 désolé, vous devez être assez fatigué et peut-être que vous êtes ému

12 également. Mais j'ai besoin néanmoins de vous poser une ou deux questions,

13 si cela ne vous dérange

14 pas.

15 M. Berghofer (interprétation). - Non, je vous en prie, allez-y.

16 M. le Président (interprétation). - Merci. Dans votre déclaration, lorsque

17 vous avez été interrogé en juin 1995, vous vous souvenez, par un enquêteur

18 du Tribunal, vous dites -et je vous cite : "Dokmanovic faisait les cent

19 pas à l'intérieur du hangar alors que les gens étaient frappés". J'ai eu

20 la très nette impression qu'il était la personne responsable de

21 l'opération, même si je ne l'ai pas entendu donner d'ordres. Ma question

22 est la suivante : comment avez-vous tiré cette impression de la

23 situation ? Comment avez-vous pu penser que M. Dokmanovic était la

24 personne responsable dans ce hangar ? Comment en êtes-vous arrivé à cette

25 conclusion ?

Page 784

1 M. Berghofer (interprétation). - Eh bien, Monsieur, dans une entreprise,

2 un employé doit respecter son patron. Par exemple, c'est la différence

3 entre moi et Slavko Dokmanovic. Il y avait cinq échelons entre nous.

4 C'était un homme politique, un homme très important. Il était Président de

5 la municipalité.

6 Et puis, ces hommes, ces réservistes avec qui il était, je ne l'ai pas

7 entendu émettre d'ordres, mais j'ai supposé que s'il est le Président de

8 la municipalité, ses paroles auraient été suivies. S'il avait dit :

9 "Arrêtez de les battre !", on lui aurait sans doute obéi. Je ne l'ai pas

10 entendu prononcer un mot, un ordre.

11 D'autre part, je ne pouvais pas dire de façon très libre qu'il n'était pas

12 responsable de tout cela, de tout ce qui s'était passé sur les lieux.

13 M. le Président (interprétation). - Oui, d'accord c'est votre conclusion,

14 votre supposition. Ma question est la suivante : vous avez eu l'impression

15 que c'était une personne qui détenait une certaine autorité et un pouvoir

16 de commandement. Mais avez-vous conclu cela d'un geste, d'une attitude de

17 sa part dans le hangar ?

18 Oubliez, je vous le demande, sa position précédente en tant que Président

19 de l'assemblée municipale de Vukovar. Essayez simplement de vous

20 concentrer sur ce qu'il a fait, sur l'attitude qu'il avait dans le hangar.

21 S'est-il conduit de manière à vous faire penser qu'il était véritablement

22 le responsable et que tout le monde aurait obéi à ses ordres s'il en avait

23 donnés ?

24 M. Berghofer (interprétation). - Je le répète, à mon avis, il détenait une

25 autorité sur ces lieux, sur les réservistes en tout cas, comme un patron,

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1 un dirigeant. Personnellement, si j'étais à la place de ces réservistes,

2 j'aurais fait la même chose parce que je respecte mes supérieurs. Je pense

3 qu'il avait une autorité sur eux. Je ne sais pas si c'est clair et si je

4 n'ai pas bien répondu à votre question, je vous en prie, dites-le moi.

5 M. le Président (interprétation). - Non non, merci de votre réponse. Si

6 cela ne vous dérange pas, je voudrais vous poser la deuxième question.

7 Lorsque vous avez été sauvé, comme vous dites dans votre déclaration,

8 lorsque vous avez été emmené à l'extérieur du hangar et séparé des autres

9 par une personne, vous avez été emmené à l'extérieur, à ce moment-là

10 étiez-vous seul ou faisiez-vous partie d'un petit groupe de personnes qui

11 avaient été épargnées par quelqu'un qui se trouvait à l'intérieur ?

12 Lorsque vous vous trouviez à l'extérieur du hangar, après le passage à

13 tabac, étiez-vous seul ou dans un groupe ?

14 (expurgée)

15 (expurgée)

16 (expurgée)

17 (expurgé). Je ne l'ai jamais revu par la suite. A ce moment-là, il

18 avait 18 ans à peu près. Il y avait Stevan Guncavic également, et puis

19 (expurgé) aussi était là. Je ne l'ai plus revu après non plus. Je ne

20 me rappelle plus d'autres personnes.

21 M. le Président (interprétation). - Et lorsque vous étiez dans ce groupe,

22 avec les autres personnes, que s'est il passé avant que vous ne montiez

23 dans cette

24 camionnette et que vous partiez à Velepromet ? Avez-vous rencontré des

25 officiers de la JNA avant de partir en bus ou en camionnette vers

Page 786

1 Velepromet ?

2 M. Berghofer (interprétation). - Je crois que j'ai donné le nom et le

3 prénom, mais je n'en suis plus très sûr. J'avais les genoux qui

4 tremblaient. Je crois que quelqu'un prenait nos noms et nos prénoms. Vous

5 savez, cela fait longtemps maintenant. Il est difficile de revenir si loin

6 en arrière. Je crois que j'ai donné mon nom et mon prénom. D'après ce dont

7 je me souviens, personne ne portait les insignes de l'Armée yougoslave.

8 M. le Président (interprétation). - Des militaires vous ont-ils interrogé,

9 avec ou sans insignes, que ce soit un officier ou non ? Ce groupe que vous

10 constituiez, ces six ou sept personnes ont-elles été interrogées par un

11 officier ou un soldat avant que vous ne montiez dans la camionnette pour

12 aller à Velepromet ? Si vous ne vous en souvenez pas, cela ne fait rien.

13 M. Berghofer (interprétation). - Je crois que nous n'avons fait que donner

14 nos noms et prénoms. On ne m'a rien demandé quant à moi. On m'a juste

15 demandé quel était mon nom de famille. J'ai donné mon nom et mon prénom.

16 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des objections à ce que le

17 témoin se retire ?

18 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, nous voudrions

19 demander que le témoin ne soit pas définitivement libéré. Bien sûr, nous

20 n'imposerons aucune limite, nous ne l'empêcherons pas de quitter

21 l'enceinte du tribunal et de retourner en ex-Yougoslavie, mais puisqu'il

22 reste une pièce en litige, nous demanderons simplement qu'il ne soit pas

23 définitivement libéré.

24 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, êtes-vous d'accord ?

25 M. Fila (interprétation). - Il y a un problème. Je ne sais pas si mon

Page 787

1 collègue m'a bien compris. Un nom a été mentionné qui n'aurait pas dû

2 l'être.

3 M. Niemann (interprétation). - Oui, c'est pour cela que je demanderai une

4 expurgation à la page 37, ligne 14 [à expurger].

5 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur Berghofer,

6 d'être venu ici. Vous pouvez maintenant quitter le prétoire.

7 M. Berghofer (interprétation). - Merci.

8 (Le témoin quitte la salle d'audience.)

9 M. Niemann (interprétation). - On me dit qu'il y a une autre expurgation

10 page 41, lignes 18 à 21 [à expurger]. Peut-être y a-t-il une confusion sur

11 les pages. Peut-être le greffier pourra-t-il nous aider à vérifier cela.

12 Il s'agit sans doute de la page 21 lignes 18 à 21.

13 M. le Greffier.(interprétation) - Qui ont besoin d'être expurgées.

14 M. Niemann (interprétation). - Oui, c'est cela.

15 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, allez-vous citer le

16 témoin suivant ?

17 M. Williamson (interprétation). - Monsieur.le Président, nous allons

18 appeler maintenant Emil Cakalic à la barre.

19 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

20 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Monsieur Cakalic. Puis-je

21 vous demander de lire la déclaration solennelle, s'il vous plaît ?

22 M. Cakalic (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

23 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

24 M. le Président. - Merci. Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

25 M. Williamson (interprétation). - Monsieur, voudriez-vous nous donner

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1 votre nom pour le compte rendu ?

2 M. Cakalic (interprétation). - Je m'appelle Emil Cakalic .

3 M. Williamson (interprétation). - En juin 1995, Monsieur Cakalic, vous

4 souvenez-vous avoir rencontré M. Vladimir Dzuro, un enquêteur du Bureau du

5 Procureur de ce Tribunal ?

6 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

7 M. Williamson (interprétation). - A cette époque, avez-vous fait une

8 déclaration qui a été rédigée en anglais ?

9 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

10 M. Williamson (interprétation). - Cette déclaration vous a-t-elle ensuite

11 été relue par un interprète en croate ?

12 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

13 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous signé cette déclaration ?

14 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

15 M. Williamson (interprétation). - Je voudrais maintenant que ce document

16 soit soumis au témoin.

17 M. le Greffier. - Il s'agira de la pièce de l'accusation 51.

18 M. Williamson (interprétation). - Pièce 51.

19 Monsieur Cakalic, est-ce bien votre signature qui apparaît sur cette

20 déclaration ?

21 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

22 M. Williamson (interprétation). - Depuis que vous êtes arrivé à La Haye,

23 avez-vous eu la possibilité d'examiner une version en croate de cette

24 déclaration ?

25 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

Page 789

1 M. Williamson (interprétation). - Au cours de cet examen, avez-vous trouvé

2 deux erreurs -de moindre importance- que vous aimeriez corriger

3 maintenant ?

4 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

5 M. Williamson (interprétation). - Je vais donc vous inviter à examiner la

6 page 5 de la version en croate, 4ème paragraphe. Veuillez me dire si vous

7 voyez l'erreur que vous avez retrouvée. Madame et Messieurs les Juges,

8 dans la version anglaise, il s'agit du dernier paragraphe de la page 5.

9 Avez-vous trouvé l'erreur que vous aviez repérée auparavant ?

10 M. Cakalic (interprétation). - Oui. C'est une question qui porte sur le

11 degré de correction des verres ; ce devrait être 1,25 en haut et 2,75 en

12 bas. En fait, les chiffres devraient être inversés.

13 M. Williamson (interprétation). - Dans ce même paragraphe, y a-t-il autre

14 chose qui nécessite une correction ?

15 M. Cakalic (interprétation). - Oui, effectivement. Il devrait être écrit :

16 "Il était Président de la municipalité de Vukovar et membre du Conseil

17 national serbe". Il

18 manque le mot national.

19 M. Williamson (interprétation). - Après cette clarification, à votre

20 connaissance, votre déclaration est-elle conforme à vos propos ?

21 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

22 M. Williamson (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges, je

23 voudrais demander le versement de la version en anglais en tant que

24 pièce 51 et de la version en croate en tant que pièce 51/A, les deux sous

25 scellés.

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1 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, des objections ?

2 M. Fila (interprétation). - Non.

3 M. le Président (interprétation). - Très bien. Qu'en est-il de la

4 déclaration supplémentaire ?

5 M. Williamson (interprétation). - Oui, j'allais y arriver, Monsieur le

6 Président, et la verser comme autre pièce.

7 M. Fila (interprétation). - J'ai une question à poser, Monsieur le

8 Président. La déclaration supplémentaire que j'ai reçue hier fait-elle

9 partie de cette pièce ou non ?

10 M. Williamson (interprétation). - J'allais y arriver. Nous allons la

11 verser sous une cote différente pour que ce soit beaucoup plus clair. Si

12 nous devons faire référence à l'un de ces deux documents, nous saurons

13 duquel nous parlons.

14 M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, je n'avais pas compris.

15 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Cakalic, en avril 1996, avez-

16 vous, à nouveau, rencontré M. Dzuro afin d'apporter un petit complément à

17 votre déclaration préalable ?

18 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

19 M. Williamson (interprétation). - Cette déclaration a également été

20 rédigée en anglais et relue à votre intention en croate, n'est-ce pas ?

21 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

22 M. Williamson (interprétation). - Je voudrais maintenant montrer ce

23 document au témoin. Il s'agira de la pièce de l'accusation 52.

24 Reconnaissez-vous votre signature sur la version de ce document en

25 anglais ?

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1 M. Cakalic (interprétation). - Oui, sur la gauche.

2 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous eu la possibilité d'examiner

3 une traduction en croate de cette même déclaration ?

4 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

5 M. Williamson (interprétation). - Pensez-vous, à votre connaissance,

6 qu'elle est conforme à vos propos ?

7 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

8 M. Williamson (interprétation). - Très bien. Je voudrais demander le

9 versement de cette pièce, pièce de l'accusation 52, il s'agit donc du

10 complément de la première déclaration.

11 La version en anglais serait la pièce de l'accusation 52, la version en

12 croate 52/A. Je voudrais verser les deux sous scellés.

13 M. le Président (interprétation). - Très bien.

14 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Cakalic, en mai 1992 avez-vous

15 été interrogé par la police croate au commissariat principal à Zagreb ?

16 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

17 M. Williamson (interprétation). - A votre connaissance, y a-t-il eu un

18 rapport officiel au terme de cet interrogatoire ?

19 M. Cakalic (interprétation). - Ce rapport a été rédigé, mais je ne l'avais

20 pas vu avant. C'est un document qui doit être remis à des personnes

21 officielles qui y ont intérêt, ou qui connaissent les activités d'une

22 personne, et qui ont besoin de ces

23 informations, qui peuvent être utilisées pour rafraîchir la mémoire de la

24 personne ou pour avoir plus de renseignements sur tel ou tel événement.

25 M. Williamson (interprétation). - J'aimerais montrer à M. Cakalic ce

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1 document. Je pense que M. Fila va formuler la même objection qu'hier, mais

2 nous voulons simplement enregistrer ce document aux fins d'identification.

3 J'aimerais que cette pièce reçoivent la cote 53. La traduction en anglais

4 recevra la cote 53/A.

5 Sur la dernière page de la version en croate de ce rapport officiel,

6 voyez-vous une signature ?

7 M. Cakalic (interprétation). - Oui. Il y a la signature de la personne qui

8 l'a rédigé.

9 M. Williamson (interprétation). - Ce n'est pas votre signature, n'est-ce

10 pas ?

11 M. Cakalic (interprétation). - Non.

12 M. Williamson (interprétation). - Je voudrais demander le versement de

13 cette pièce, mais je pense que M. Fila va y faire objection.

14 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, y faites-vous objection ?

15 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, ai-je besoin de me

16 répéter ? Ai-je besoin de répéter l'objection que j'ai formulée hier ? Je

17 ne le pense pas. Ce n'est pas la peine de faire perdre le temps de cette

18 Chambre.

19 M. Williamson (interprétation). - Eh bien, Monsieur le Président, nous

20 allons les enregistrer aux fins d'identification, pour l'instant sous les

21 cotes 53 et 53/A.

22 Monsieur Cakalic, pouvez-vous nous dire d'où vous êtes originaire ?

23 M. Cakalic (interprétation). - Je viens de Fericanci, vers le nord-ouest,

24 à peu près à 60 kilomètres d'Osijek.

25 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous grandi à Fericanci ?

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1 M. Cakalic (interprétation). - Oui, j'y ai vécu jusqu'au 2 février 1943.

2 M. Williamson (interprétation). - En 1943, où avez-vous déménagé ?

3 M. Cakalic (interprétation). - A Varazdin.

4 M. Williamson (interprétation). - A un moment donné, avez-vous vécu à

5 Zagreb ?

6 M. Cakalic (interprétation). - Oui, mi-décembre j'y ai déménagé et j'y

7 suis resté jusqu'au 1er juillet 1958.

8 M. Williamson (interprétation). - Pendant le temps que vous avez passé à

9 Zagreb, avez-vous continué vos études ?

10 M. Cakalic (interprétation). - Oui. J'ai fini mon second cycle d'études et

11 j'ai travaillé là-bas.

12 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous entamé des études supérieures

13 après cela ?

14 M. Cakalic (interprétation). - Oui, mais après avoir obtenu un travail à

15 Vukovar.

16 M. Williamson (interprétation). - Quel poste avez-vous obtenu ?

17 M. Cakalic (interprétation). - J'étais responsable du laboratoire médical

18 central et du laboratoire de transfusion sanguine.

19 M. Williamson (interprétation). - Quelle est votre formation ?

20 M. Cakalic (interprétation). - J'ai obtenu mon diplôme à l'Ecole

21 supérieure des inspecteurs sanitaires à Belgrade.

22 M. Williamson (interprétation). - Vous avez travaillé en tant

23 qu'inspecteur sanitaire à Vukovar, n'est-ce pas ?

24 M. Cakalic (interprétation). - Oui, inspecteur sanitaire, c'est cela.

25 En 1968, j'ai quitté l'hôpital de Vukovar. C'est la municipalité qui m'a

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1 engagé en tant

2 qu'inspecteur sanitaire.

3 M. Williamson (interprétation). - Pendant combien de temps êtes-vous resté

4 à ce poste ?

5 M. Cakalic (interprétation). - Le plus longtemps possible pendant le

6 conflit, en fait.

7 M. Williamson (interprétation). - Donc jusqu'en 1991, n'est-ce pas ?

8 M. Cakalic (interprétation). - Oui, c'est cela et en 1991 aussi.

9 M. Williamson (interprétation). - Début 1991, des barricades ont-elles été

10 installées dans certains villages entourant Vukovar ?

11 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

12 M. Williamson (interprétation). - Vous rappelez-vous du moment où cela

13 s'est produit ?

14 M. Cakalic (interprétation). - Après le meurtre de policiers croates à

15 Borovo Selo.

16 M. Williamson (interprétation). - Pourriez-vous nous décrire la situation

17 à Vukovar à ce moment-là ?

18 M. Cakalic (interprétation). - Après le massacre des policiers croates à

19 Borovo Selo ?

20 M. Williamson (interprétation). - Oui, c'est ça.

21 M. Cakalic (interprétation). - Il y avait une certaine tension entre les

22 gens à Vukovar, tension psychologique. Après cela, les coups de feu ont

23 commencé. Les gens avaient perdu la tête. Ils étaient paniqués. Certains

24 avaient des informations, d'autres avaient des informations

25 contradictoires. D'un point de vue psychologique, la situation était très

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1 dure.

2 M. Williamson (interprétation). - La situation s'est-elle améliorée au

3 cours

4 de l'été ?

5 M. Cakalic (interprétation). - Non.

6 M. Williamson (interprétation). - Que s'est-il passé au cours de l'été ?

7 M. Cakalic (interprétation). - Eh bien, les obus ont commencé à tomber sur

8 la ville. C'étaient les unités paramilitaires qui s'étaient formées, qui

9 pilonnaient au départ et ensuite des soldats de l'Armée populaire

10 yougoslave ont pilonné également. Ceux-là étaient même bien armés.

11 M. Williamson (interprétation). - Est-ce qu'au cours de l'été, les

12 habitants de Vukovar ont quitté la ville ?

13 M. Cakalic (interprétation). - Beaucoup ont quitté la ville, mais beaucoup

14 sont revenus par la suite.

15 M. Williamson (interprétation). - A votre connaissance, pourquoi les gens

16 quittaient-ils la ville ?

17 M. Cakalic (interprétation). - Par peur.

18 M. Williamson (interprétation). - Vous avez indiqué qu'au cours de l'été,

19 des obus ont commencé à tomber sur la ville. Les pilonnages étaient-ils

20 intenses au départ ?

21 M. Cakalic (interprétation). - Eh bien, au début ils étaient assez

22 sporadiques. Pour autant que je me rappelle, les obus tombaient surtout

23 aux alentours du bâtiment dans lequel je me trouvais. Ensuite, ils sont

24 tombés dans le centre-ville pour atteindre la périphérie de la ville du

25 côté de Borovo Selo. On tirait depuis Brsadin et au mois d'août les

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1 attaques étaient déjà relativement conséquentes. On entendait toute la

2 journée des coups de feu tirés d'armes automatiques. Il y a eu aussi le

3 début des attaques aériennes et peu à peu, cela s'est transformé en une

4 véritable guerre.

5 M. Williamson (interprétation). - Etes-vous resté dans votre maison

6 pendant tout ce temps ?

7 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

8 M. Williamson (interprétation). - Où se trouvait votre maison ?

9 M. Cakalic (interprétation). - Dans la rue Boris Kidric, au n° 79, près du

10 stade municipal de Vukovar.

11 M. Williamson (interprétation). - Y avait-il quelqu'un avec vous dans

12 votre maison pendant toute cette bataille ?

13 M. Cakalic (interprétation). - Je passais très peu de temps à la maison

14 parce que j'avais mon travail. Mais il y avait ma femme, des voisins, des

15 amis.

16 M. Williamson (interprétation). - Quelles étaient vos conditions de vie, à

17 vous et à votre femme pendant la bataille ?

18 M. Cakalic (interprétation). - Nous avions les mêmes conditions que tout

19 le monde. Il fallait se garder en bonne forme physique. Il fallait

20 répondre aux besoins élémentaires en alimentation et en eau. Jusqu'à la

21 fin du mois de septembre, ces conditions ont été acceptables. Plus tard,

22 il n'y a plus eu d'eau parce que les canalisations du système de

23 distribution de l'eau dans Vukovar ont été endommagées. La même chose est

24 arrivée dans des villages aux alentours.

25 En ce qui concerne l'alimentation, il a fallu garder des aliments au

Page 797

1 réfrigérateur. Quand l'électricité a disparu, nous n'avons plus pu manger

2 que des aliments secs.

3 M. Williamson (interprétation). - Vous avez indiqué que vous étiez absent

4 assez souvent. Aviez-vous des responsabilités pendant la bataille ?

5 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

6 M. Williamson (interprétation). - De quelle nature étaient vos

7 responsabilités ?

8 M. Cakalic (interprétation). - Eh bien, je me suis porté volontaire auprès

9 du Secrétariat chargé de la défense populaire, parce que je souhaitais

10 remplir un certain nombre de fonctions sanitaires de prévention médicale

11 au profit de l'Armée croate, de la police croate et de la population de la

12 ville.

13 M. Williamson (interprétation). - Qu'est-ce que cette tâche impliquait ?

14 M. Cakalic (interprétation). - D'abord, il fallait se procurer de l'eau

15 potable, de l'eau saine pour les habitants et pour l'armée. Il fallait

16 garantir un certain nombre de mesures d'hygiène vitale à l'Armée Croate et

17 à la police.

18 M. Williamson (interprétation). - Pendant la durée de la bataille, avez-

19 vous eu connaissance d'une épidémie qui aurait commencé ou de certaines

20 maladies qui se seraient répandues dans la ville ?

21 M. Cakalic (interprétation). - Non, cela n'a pas été le cas. Cela n'a pas

22 été le cas parce que j'ai donné des instructions très strictes, très

23 précises quant à la façon de laver, d'emballer les aliments au moment de

24 leur conditionnement. J'ai également donné des instructions quant à la

25 façon dont les aliments devaient être préparés. J'exigeais de contrôler

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1 tous les moyens de transport avant leur utilisation. C'est seulement après

2 qu'ils pouvaient être remplis avec les aliments qu'ils étaient censés

3 transporter. C'était donc obligatoire. C'est seulement à ce moment-là que

4 le transport pouvait commencer vers les différentes destinations prévues.

5 Je parle d'aliments chauds.

6 M. Williamson (interprétation). - Pendant la bataille, un moment est-il

7 arrivé où vous avez quitté votre domicile ?

8 M. Cakalic (interprétation). - Le 17 novembre, mon épouse et moi-même

9 avons quitté notre domicile pour nous rendre à l'hôpital de Vukovar. Nous

10 l'avons fait parce qu'on nous avait informés du fait que des unités de

11 l'Armée yougoslave, ainsi que

12 des unités paramilitaires, assuraient par des véhicules militaires le

13 transfert des habitants de la rue dans laquelle j'habitais. A ce moment-

14 là, ma femme et moi-même, ainsi que des voisins avons décidé de quitter

15 nos domiciles. Certains sont restés aux abords de l'hôpital. Moi, je suis

16 rentré à l'intérieur de l'hôpital avec mon épouse et d'autres enfin sont

17 allés dans d'autres bâtiments.

18 M. Williamson (interprétation). - Etait-il difficile de pénétrer dans

19 l'hôpital ce jour-là ?

20 M. Cakalic (interprétation). - Oui, nous étions déjà dans le quatrième

21 quart de la journée. Il faisait sombre. Les rues étaient endommagées par

22 les obus. Les arbres étaient, pour certains, tombés au sol. On marchait

23 souvent à tâtons.

24 M. Williamson (interprétation). - Pouvez-vous décrire la situation à

25 l'hôpital quand vous y êtes arrivé ?

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1 M. Cakalic (interprétation). - La situation qui régnait à l'hôpital était

2 absolument atroce. Dès l'entrée, dès qu'on pénétrait dans la cour, on

3 voyait des foules considérables. L'hôpital était dans un état d'hygiène

4 assez peu satisfaisant. Il n'y avait pas assez d'eau. J'ai l'impression

5 qu'en fait les canalisations étaient bouchées.

6 M. Williamson (interprétation). - Comment avez-vous été logés à

7 l'hôpital ?

8 M. Cakalic (interprétation). - Cela faisait dix ans que je travaillais

9 dans cet hôpital. Je connaissais toutes les personnes qui y travaillaient.

10 Je suis allé au département de radiologie. On y a trouvé des lits, avec

11 des collègues on y a passé deux nuits.

12 M. Williamson (interprétation). - Ces nuits étaient celles des 17 et 18 ou

13 des 18 et 19 ?

14 M. Cakalic (interprétation). - Des 17 et 18, 18 et 19 et 19 et 20.

15 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, peut-être est-ce

16 un moment approprié pour interrompre cette déposition.

17 M. le Président (interprétation). - Nous suspendons l'audience pendant

18 20 minutes.

19 L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 15.

20 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Cakalic, avant la pause, vous

21 étiez en train de décrire la situation qui régnait à l'hôpital au moment

22 où vous vous y trouviez. Avez-vous vu des soldats de la JNA dans

23 l'hôpital ?

24 M. Cakalic (interprétation). - A ce moment, ils n'étaient pas encore là.

25 M. Williamson (interprétation). - Est-ce qu'à un moment donné, ces soldats

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1 sont arrivés à l'hôpital ?

2 M. Cakalic (interprétation). - Ils étaient sans doute dans les environs et

3 ils sont arrivés à l'hôpital. Nous les avons vus en fait lorsque M. Vidic

4 a remis le contrôle de la ville.

5 M. Williamson (interprétation). - Quand cela s'est-il passé ?

6 M. Cakalic (interprétation). - Cela s'est passé à 0 heure 0 minute le

7 20 novembre.

8 M. Williamson (interprétation). - Donc aux alentours de minuit dans la

9 nuit du 19 au 20 ?

10 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

11 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, apparemment il y

12 a un problème technique.

13 M. le Président (interprétation). - Un son bizarre.

14 M. Williamson (interprétation). - Oui... Apparemment cela va mieux. Cela

15 semble se produire au moment où la sténotypiste tape. Il semble qu'il y

16 ait une interférence.

17 M. le Président (interprétation). - Si cela ne vous ennuie pas, nous

18 pourrions poursuivre en dépit de ce son.

19 M. Williamson (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur Cakalic, pour

20 l'interruption. Vous avez indiqué qu'aux alentours de minuit, dans la nuit

21 du 19 au 20, une réunion avait eu lieu avec M. Vidic et les membres de la

22 JNA. Comment avez-vous appris que cette réunion se tenait ?

23 M. Cakalic (interprétation). - Le 19 novembre, aux alentours de

24 23 heures 30, je me suis rendu dans le bureau de M. Vidic. Nous savions à

25 ce moment qu'il y aurait reddition de la ville. J'ai proposé de participer

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1 à ces pourparlers, parce que j'avais une autorisation spéciale de la

2 Croix-Rouge qui m'autorisait à participer à ce genre de pourparlers, pas

3 nécessairement dans cette situation de guerre précise, mais une

4 autorisation à participer aux pourparlers au nom de la Croix-Rouge.

5 M. Williamson (interprétation). - Savez-vous qui a représenté la JNA à

6 cette réunion avec M. Vidic ?

7 M. Cakalic (interprétation). - Oui. Un major est entré dans son bureau. A

8 ce moment-là, je ne connaissais pas son nom. Je l'ai appris plus tard, il

9 s'agissait du Major Sljivancanin, escorté de M. Bogdan Kuzmic qui faisait

10 partie de son entourage.

11 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Cakalic, nous devons nous

12 interrompre à nouveau. Il y a des problèmes techniques. Je vous prie de

13 nous excuser.

14 M. le Président (interprétation). - Pourrait-on appeler un technicien ?

15 L'interprète française nous entend-elle ?

16 L'Interprète. - oui.

17 M. le Président (interprétation). - Je crains que nous ne devions faire

18 une pause de 15 minutes.

19 L'audience, suspendue à 11 h 30, reprend à 11 h 40.

20 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Cakalic, avant la pause vous

21 parliez de cette réunion qui a eu lieu entre le Major Sljivancanin et

22 M. Vidic. Où avez-vous passé cette nuit du 19 au 20 ?

23 M. Cakalic (interprétation). - Dans l'hôpital de Vukovar, dans le

24 département de radiologie.

25 M. Williamson (interprétation). - C'est donc le même endroit où vous aviez

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1 passé les deux nuits précédentes ? C'est bien cela ?

2 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

3 M. Williamson (interprétation). - La nuit du 19 au 20 novembre, au moment

4 où a eu lieu cette réunion, avez-vous eu des discussions ou des contacts

5 avec le Major Sljivancanin ?

6 M. Cakalic (interprétation). - Non.

7 M. Williamson (interprétation). - L'avez-vous revu le lendemain matin ?

8 M. Cakalic (interprétation). - Avant le transport des personnes arrêtées

9 dans l'hôpital de Vukovar vers Ovcara.

10 M. Williamson (interprétation). - Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé

11 à l'hôpital le matin du 20 ?

12 M. Cakalic (interprétation). - Le matin, aux alentours de 7 heures et

13 demie ou 8 heures -je ne peux pas dire l'heure exacte-, toutes les

14 personnes qui travaillaient dans le centre médical ont été convoquées à

15 une réunion. Toutes les autres

16 personnes qui ne travaillaient pas dans le centre médical ont reçu pour

17 instruction de sortir de l'hôpital en empruntant la porte du département

18 des urgences.

19 Une colonne s'est formée à ce niveau. Nous étions environ 200, peut-être

20 même 250 personnes. Tout ce que nous avions dans nos poches, nous devions

21 le sortir et le montrer aux deux soldats qui se trouvaient là. L'un

22 d'entre eux était Pero. J'ai appris son prénom plus tard, parce qu'il nous

23 a escortés de la caserne de Vukovar, où nous sommes allés pour la deuxième

24 fois, jusqu'à Sremska Mitrovica.

25 Ce soldat nous a injuriés autant qu'il a pu. Il nous a dit qu'il nous

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1 aurait bien tous tués, mais qu'il y avait, de notre côté, des prisonniers

2 qui appartenaient à son armée, que c'était la raison pour laquelle il ne

3 le faisait pas.

4 A ce moment-là, j'ai vu que deux patients -je crois qu'il s'agissait

5 d'officiers de l'Armée yougoslave- étaient transportés sur des lits. L'un

6 avait une perfusion et l'autre une bouteille d'oxygène. On les a emmenés

7 vers une destination que je n'ai pas connue.

8 M. Williamson (interprétation). - Ces deux soldats avaient-ils l'air

9 d'être des patients de l'hôpital ?

10 M. Cakalic (interprétation). - Oui, oui, ils étaient des patients de

11 l'hôpital.

12 M. Williamson (interprétation). - J'aimerais que l'on montre au témoin la

13 pièce à conviction de l'accusation n° 8. Et je demanderai que l'on allume

14 le rétroprojecteur et que l'on place le document sur le rétroprojecteur.

15 Reconnaissez-vous cette photographie ? Que représente cette photo ?

16 M. Cakalic (interprétation). - C'est l'ambulance et la porte à gauche mène

17 vers les urgences ainsi qu'aux cabinets de médecins spécialistes. Entre le

18 véhicule et la rue de Gunduliceva, c'est là que nous étions placés en

19 rang.

20 M. Williamson (interprétation). - Si vous devez parler de la photo qui se

21 trouve à droite, pouvez-vous nous indiquer où vous vous trouviez à

22 l'époque ?

23 M. Cakalic (interprétation). - Entre le véhicule et la sortie de l'hôpital

24 dans la rue de Gunduliceva, dans cette partie-là.

25 M. Williamson (interprétation). - Et pendant que vous étiez dans cette

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1 rangée, avez-vous vu le Major Sljivancanin ?

2 M. Cakalic (interprétation). - Un peu plus tard, quand on nous a emmenés

3 dans les véhicules.

4 M. Williamson (interprétation). - Merci, c'est tout en ce qui concerne

5 cette photo.

6 Que s'est-il passé lorsque que vous étiez tous regroupés à l'extérieur ?

7 M. Cakalic (interprétation). - Après avoir amené les blessés qui

8 appartenaient à la JNA, ils nous ont fait sortir et monter à bord des

9 autobus. A ce moment, il y avait cinq autobus, si je me rappelle bien.

10 M. Williamson (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompe. Avant

11 de monter dans les autobus, quelque chose s'est-il passé lorsque que vous

12 étiez toujours dans la rangée à l'extérieur ?

13 M. Cakalic (interprétation). - Personne ne nous tabassait.

14 M. Williamson (interprétation). - Vous a-t-on fouillés ?

15 M. Cakalic (interprétation). - Oui. Je l'ai déjà dit : il fallait qu'on

16 sorte tout ce que nous avions dans nos poches, dans nos sacoches. Il a

17 fallu qu'on vide tout cela. Ils ont examiné tout cela, tout ce qu'ils

18 considéraient comme dangereux, par exemple des couteaux, des Gillette, ils

19 ont enlevé cela et, pour le reste, ils nous ont permis de remettre ces

20 affaires dans les sacoches.

21 M. Williamson (interprétation). - Qui vous a dit de monter dans les bus ?

22 M. Cakalic (interprétation). - Il s'agissait des soldats de l'Armée

23 populaire

24 yougoslave. C'est eux qui nous répartissaient. Par exemple, j'aurais pu

25 entrer dans le quatrième bus et la personne m'a dit de monter dans le

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1 troisième. Ils suivaient une certaine logique qui leur était propre. Je me

2 suis assis dans le troisième bus.

3 M. Williamson (interprétation). - Et où se trouvaient exactement ces bus ?

4 M. Cakalic (interprétation). - Est-ce que je peux montrer cela sur la

5 photo ?

6 M. Williamson (interprétation). - Je pense qu'il faudrait brancher le

7 rétroprojecteur de nouveau et montrer sur la photo à droite.

8 M. Cakalic (interprétation). - Donc, nous étions dans ce passage vers la

9 rue Gunduliceva et, à droite dans la rue Gunduliceva, il y avait des

10 autobus. Dans la partie à gauche, vers la rue qui croise la rue

11 Gunduliceva, il y a peut-être 30 mètres donc peut-être deux autobus

12 étaient là. A la sortie même se trouvait le troisième autobus et,

13 derrière, le quatrième et le cinquième.

14 M. Williamson (interprétation). - Et après que vous êtes montés dans

15 l'autobus, que s'est-il passé ensuite ?

16 M. Cakalic (interprétation). - Nous sommes montés dans les autobus, nous

17 avons attendu que les bus se remplissent. Le premier, le deuxième, le

18 troisième sont partis. Il a fallu qu'ils fassent demi-tour à un carrefour.

19 Ils nous ont amenés depuis la rue Gunduliceva en passant par la place de

20 Mako Oreskovi, par la rue d'Adzije, à côté du marché, en passant par le

21 pont jusqu'à la place de Matija Gubac, je pense ensuite près de Velepromet

22 et de l'église orthodoxe, et ensuite dans la rue Krasova et près de la rue

23 de Sajmiste.

24 M. Williamson (interprétation). - Lorsque que vous parlez de Velepromet

25 et, ensuite, de l'église orthodoxe, s'agit-il de l'entrepôt de

Page 806

1 Velepromet ?

2 M. Cakalic (interprétation). - Non, c'est le siège de la société.

3 M. Cakalic (interprétation). - Quand vous êtes arrivé à la caserne de la

4 JNA, qu'avez-vous remarqué, qu'est-ce que vous avez observé ?

5 M. Cakalic (interprétation). - Lorsque les cinq autobus se sont arrêtés,

6 les Chetniks et les soldats sont venus. Ils nous ont maltraité en disant :

7 "Toi, je vais t'égorger !", "Toi, je vais te tuer !", etc. Par exemple,

8 Samardzic Damjan a été attaqué par un certain Milos Bulic qui a dit qu'il

9 allait le tuer, de même que son fils. Et, effectivement, c'est ce qui

10 s'est passé le soir même.

11 Il y en a un qui m'a fait un signe qui voulait dire qu'il allait

12 m'égorger, et donc ils ont quitté notre autobus et sont entrés dans le

13 quatrième et le cinquième. Ensuite, une personne que je connaissais, qui

14 travaillait avec moi à la mairie -il s'appelait Vlado Kosic, c'était un

15 économiste, il occupait le poste du conseiller du Président pour

16 l'économie à la mairie-, m'a regardé. Il m'a souri et il m'a dit : "Emil,

17 tu ne t'es pas assis dans le bon bus". J'ai demandé : "Et quel est le

18 meilleur ?" Il a répondu : "Ils sont tous pareils".

19 J'ai aussi vu sa femme, j'ai vu Radivoje Jakovljevic qu'on appelait

20 "Frigidaire". J'ai vu Sreto Nedeljkovic de Bobota qui gardait l'entrepôt,

21 le dépôt d'armes qui se trouvait à une dizaine de mètres de l'autobus. Je

22 lui ai demandé : "Que va-t-il nous arriver ?". Il a dit : "On va vous

23 amener quelque part, on va vous échanger, il n'y aura pas de problème".

24 C'était réconfortant, mais la réponse de Kosic n'était pas réconfortante.

25 A l'époque, je ne vous pouvais pas encore réfléchir à cette réponse, mais

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1 après les événements qui se sont déroulé à Ovara et le reste, j'ai compris

2 qu'il savait exactement où nous devions être emmenés.

3 M. Williamson (interprétation). - Pouvez-vous décrire ce que ces hommes-là

4 portaient, comment ils étaient vêtus, ainsi que la femme de M. Kosic par

5 exemple ?

6 M. Cakalic (interprétation). - Monsieur Kosic et sa femme portaient des

7 uniformes de la JNA, des uniforme olive. Lui, il avait un couvre-chef

8 militaire sur la tête. Quant à Radivoj Jakovljevic, il portait des

9 vêtements de civil. Sreto, qui gardait l'entrepôt, avait un uniforme

10 militaire en bon état et était armé d'un fusil.

11 M. Williamson (interprétation). - A ce point, je souhaite que l'on montre

12 au témoin la pièce à conviction de l'accusation n° 20.

13 M. le Greffier (interprétation). - Ce n'est pas encore une pièce à

14 conviction.

15 M. Williamson (interprétation). - Effectivement, il était marqué "pour

16 identification". Veuillez placer cela sur le rétroprojecteur, s'il vous

17 plaît. Veuillez assombrir un peu la pièce.

18 Monsieur Cakalic, est-ce que vous reconnaissez ce que représente cette

19 photo ?

20 M. Cakalic (interprétation). - Oui, c'est la cour de la caserne de

21 Vukovar.

22 M. Williamson (interprétation). - Pouvez-vous montrer où vous vous

23 trouviez le 20 novembre, encore une fois en utilisant la photo qui se

24 trouve à votre gauche ?

25 M. Cakalic (interprétation). - On nous a amenés à l'entrée. Nous étions

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1 près de cet hangar-là. Les véhicules étaient là, du bus 1 jusqu'au 5. Par

2 la suite, on m'a dit qu'un sixième bus était arrivé.

3 M. Williamson (interprétation). - Où avez-vous ces autres personnes dont

4 vous avez parlé, avec qui vous avez parlé dans la caserne ?

5 M. Cakalic (interprétation). - Le troisième bus était ici à peu près. Eux

6 sont venus de cette partie-là. Ici le premier, le deuxième et le troisième

7 bus. J'ai parlé

8 ici avec M. Kosic et Sreto Nedeljkovic qui gardait les munitions qui se

9 trouvaient dans cette partie-là. Là se trouvaient les quatrième et

10 cinquième bus. Plus tard, quand j'ai parlé avec les autres personnes

11 arrêtées, elles m'ont dit que le sixième autobus était arrivé par là.

12 M. Williamson (interprétation). - Merci. Monsieur Cakalic, y a-t-il eu des

13 provocations venant de la part des gens qui étaient dans les autobus ?

14 M. Cakalic (interprétation). - Non.

15 M. Williamson (interprétation). - Les bus sont restés pendant combien de

16 temps dans la caserne, selon vous ?

17 M. Cakalic (interprétation). - Je ne peux pas vous le dire très

18 exactement, peut-être jusqu'à environ 2 heures - 2 heures 10. Je suppose

19 que c'est jusqu'à environ cette heure qu'ils sont restés.

20 M. Williamson (interprétation). - Connaissez-vous un endroit qui s'appelle

21 Velepromet ?

22 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

23 M. Williamson (interprétation). - Où se trouve-t-il par rapport à la

24 caserne de la JNA ? Ici, je ne parle pas du bâtiment administratif dont

25 vous avez parlé tout à l'heure.

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1 M. Cakalic (interprétation). - Vous parlez de l'entrepôt de Velepromet ?

2 Après la sortie, cela se trouve dans la même rue, sur le chemin de

3 Negoslavci, à droite. Oui, effectivement, c'est vers Negoslavci à droite.

4 M. Williamson (interprétation). - C'est à quelle distance

5 approximativement par rapport à la caserne de la JNA ?

6 M. Cakalic (interprétation). - Peut-être à 200 mètres, je ne peux pas vous

7 le dire très exactement, mais environ 200 mètres.

8 M. Williamson (interprétation). - Après que les bus ont quitté la caserne,

9 où sont-ils allés ?

10 M. Cakalic (interprétation). - Par la rue Sajmiste vers Negoslavci. Ils

11 ont tourné, ils ont pris un petite route qui menait vers Ovcara. Ovcara

12 fait partie du domaine agricole de Vukovar.

13 M. Williamson (interprétation). - Etiez-vous déjà allé à Ovcara ?

14 M. Cakalic (interprétation). - De nombreuses fois.

15 M. Williamson (interprétation). - Qu'avez-vous pu observer ? Que s'est-il

16 passé quand vous êtes arrivé à Ovcara ?

17 M. Cakalic (interprétation). - Il y avait beaucoup de véhicules civils sur

18 la droite de la route, environ du bâtiment d'administration jusqu'au

19 premier hangar. Le premier autobus s'est arrêté devant le hangar et les

20 prisonniers ont commencé d'en sortir un par un. Ils ont été accueillis par

21 un capitaine de l'Armée yougoslave. Je suppose que c'était un réserviste

22 étant donné qu'il ne pouvait pas boutonner sa veste d'officier. Il mettait

23 ses mains dans les poches, il prenait ce qu'il voulait.

24 Après, il fallait passer par une haie de Chetniks qui se trouvaient à

25 gauche et à droite et qui passaient tout le monde à tabac. Il faut que je

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1 dise qu'il y a un vieil homme, dont le nom était Bosanac -c'était le beau-

2 père du Dr Bosanac-, il avait plus de 70 ans, qui a été lui aussi passé à

3 tabac. Il est tombé par terre. Après, cela a été le tour du deuxième

4 autobus, ensuite du mien. Moi aussi, je suis passé par là, je suis arrivé

5 jusqu'au capitaine, il m'a enlevé mes lunettes, il a essayé de les mettre

6 sur sa tête. Il y avait encore du soleil. C'était des lunettes comme

7 celles que je porte aujourd'hui, très sensibles. Il a vu qu'il ne pouvait

8 pas voir, il les a jetées par terre et les a écrasées.

9 Ensuite, j'ai dû passer par la haie de Chetniks. Là, ils nous tabassaient

10 tous.

11 Avant d'entrer dans le hangar, environ à deux mètres ou deux mètres et

12 demi, on a appelé mon nom. "Voyons notre inspecteur et toi, Emil, toi

13 aussi tu es ici. Que fais-tu ici ?" J'ai regardé. J'ai reconnu

14 Slavko Dokmanovic et j'ai dit : "Moi, je fais comme tout le monde ici". Et

15 lorsque qu'il a dit "inspecteur" en me parlant, ceux qui tabassaient les

16 gens pensaient que j'étais probablement un inspecteur de police. Ils m'ont

17 donc infligé des blessures graves. Cela s'est encore aggravé lorsque je

18 suis entré dans le hangar.

19 A l'intérieur, j'ai vu Slavko Dokmanovic qui donnait des coups de pied à

20 Dado, Vladimir. C'était un de nos soldats. Je ne me rappelle pas son nom

21 de famille maintenant. Lui, il était blessé, il avait des plaies aux

22 jambes. Lui, il lui donnait des coups de pied aux jambes, sur ses plaies.

23 J'ai pu le voir aussi faire un mouvement de football appelé "ciseaux".

24 C'est ainsi qu'il lui a donné un coup de pied.

25 Milos Bulic s'est approché de moi. Il avait une barre de bois. Il m'a

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1 frappé sur le cou, ce qui a provoqué une blessure grave. Des gens peuvent

2 en témoigner. Nous étions couverts de sang et; sur la droite, les

3 prisonniers étaient alignés contre le mur, les mains appuyées contre le

4 mur et les pieds le plus loin possible du mur. On les passait à tabac au

5 maximum.

6 Du côté gauche, à environ sept ou dix mètres, il y avait des tas de foin,

7 de paille. Quelqu'un m'a dit de me mettre là. Je me suis assis sur un tas

8 de paille et, à ce moment-là, j'ai vu que la menace proférée à l'encontre

9 de Damjan Samardzic se réalisait. Milos Bulic et certaines autres l'ont

10 jeté par terre. Il était allongé sur le ventre. On sautait sur lui. On lui

11 a pris la tête et on la lui a cognée contre le béton. Ensuite, on l'a

12 retourné. On sautait sur son ventre. Le sang coulait de son nez et de ses

13 lèvres. Il est mort.

14 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Cakalic, je vais vous

15 interrompre pendant un instant. Vous avez dit que vous avez entendu la

16 voix quand

17 vous êtes entré dans le hangar et que vous avez reconnu Slavko Dokmanovic.

18 D'où connaissez-vous Slavko Dokmanovic ?

19 M. Cakalic (interprétation). - Il travaillait dans la même institution que

20 moi. Il était conseiller du Président pour l'économie. On s'était

21 rencontré peut-être quatorze ou quinze ans plus tôt, dans le cadre d'une

22 manifestation organisée par Vupik à Bobota. Je le connaissais aussi en

23 tant que Président de la municipalité de Vukovar. On se rencontrait de

24 temps en temps et on se disait bonjour.

25 M. Williamson (interprétation). - Au cours de ces quinze années, vous avez

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1 eu l'occasion de lui parler ?

2 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

3 M. Williamson (interprétation). - Avant le 20 novembre, comment décririez-

4 vous vos rapports avec lui ? S'agissait-il de rapports amicaux ?

5 M. Cakalic (interprétation). - Oui, il s'agissait de rapports amicaux. Mon

6 dernier contact avec lui datait peut-être du mois de juin. C'était environ

7 un mois après le massacre des policiers croates à Borovo Selo. On a

8 annoncé qu'une délégation allait venir à Vukovar, composée d'un

9 représentant de la Croix-Rouge internationale. Je pense qu'il s'agissait

10 du Dr Nicosen*, ensuite du Secrétaire de la Croix-Rouge yougoslave,

11 Rade Dubajic, du Secrétaire de la Croix-Rouge croate, feu le

12 Dr Anton Debocevic, du Secrétaire de la Croix-Rouge de Vukovar et de

13 moi-même en tant que Président de la Croix-Rouge de Vukovar. On m'a requis

14 pour demander au Président de la municipalité de Vukovar qu'il assiste à

15 cette réunion. Moi-même, je suis allé au bureau de Slavko Dokmanovic. Je

16 lui ai transmis le message et je lui ai demandé d'assister à cette réunion

17 à une certaine heure. Cependant, c'est M. Vidic qui est venu assister à la

18 réunion. Je pense qu'à cette époque-là, il n'était pas encore le

19 représentant du Gouvernement croate pour la municipalité de Vukovar. A ce

20 moment-là, j'ai eu mes

21 premiers contacts avec Vidic.

22 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Cakalic...

23 Excusez-moi, j'ai l'impression que nous avons de nouveau un problème

24 technique en ce moment.

25 M. Cakalic (interprétation). - J'entends bien.

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1 M. Williamson (interprétation). - J'ai l'impression qu'en ce moment, le

2 problème vient du compte rendu.

3 Excusez-moi, juste un moment, s'il vous plaît. Vous avez dit que vous êtes

4 allé voir M. Dokmanovic pour lui transmettre l'invitation à cette réunion.

5 Est-ce exact ?

6 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

7 M. Williamson (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?

8 M. Cakalic (interprétation). - Monsieur Dokmanovic n'est pas venu à la

9 réunion. Il a envoyé M. Vidic.

10 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous vu M. Dokmanovic au moment où

11 vous lui avez transmis cette invitation ?

12 M. Cakalic (interprétation). - Oui. C'était dans son bureau officiel.

13 M. Williamson (interprétation). - A l'époque, avez-vous discuté avec lui ?

14 Lui avez-vous parlé ?

15 M. Cakalic (interprétation). - Oui, je lui ai dit : "Slavko, s'il te

16 plaît, sois gentil, viens à cette réunion". Je lui ai dit qui allait y

17 assister. Il ne s'agissait pas d'une invitation par écrit, mais je suis

18 allé l'inviter verbalement.

19 M. Williamson (interprétation). - Vous souvenez-vous de sa réponse à

20 l'époque ?

21 M. Cakalic (interprétation). - Il a dit qu'il allait venir et que, si

22 jamais il ne pouvait pas venir, il enverrait quelqu'un.

23 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Cakalic, voyez-vous aujourd'hui

24 dans le prétoire M. Dokmanovic ?

25 M. Cakalic (interprétation). - Oui, je le vois et je le connais.

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1 M. Williamson (interprétation). - Pouvez-vous nous dire où il est assis

2 et le montrer ?

3 M. Cakalic (interprétation). - Au fond, au deuxième siège du côté gauche.

4 M. Williamson (interprétation). - Veuillez introduire dans le compte rendu

5 que le témoin a identifié M. Slavko Dokmanovic.

6 Le 20 novembre, avez-vous eu un doute quant à savoir si vous aviez vu

7 Slavko Dokmanovic à Ovcara ?

8 M. Cakalic (interprétation). - Non. Je suis sûr de l'avoir vu.

9 M. Williamson (interprétation). - Vous rappelez-vous ce qu'il portait ?

10 M. Cakalic (interprétation). - Il avait une uniforme bleu, peut-être un

11 peu moins foncé que ma veste. Sur la tête, il avait un calot à la Tito

12 avec une étoile rouge. Et puis, il avait une veste trois-quarts qui

13 arrivait un peu au-dessus des genoux.

14 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Dokmanovic vous a-t-il frappé ?

15 M. Cakalic (interprétation). - Non.

16 M. Williamson (interprétation). - Mais vous avez été passé à tabac là-

17 bas. Est-ce exact ?

18 M. Cakalic (interprétation). - Très fortement.

19 M. Williamson (interprétation). - Au moment où vous avez vu M. Dokmanovic,

20 quel était votre état psychologique à l'époque ?

21 M. Cakalic (interprétation). - Mon état psychologique était plutôt solide,

22 mais j'ai été très surpris. Je remarquais tous les détails et je me

23 rappelle très bien tous

24 les événements. Le seul problème que j'ai concerne les horaires.

25 M. Williamson (interprétation). - A un moment dans la journée, avez-vous

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1 perdu connaissance ?

2 M. Cakalic (interprétation). - On m'a frappé. Je tombais mais je me

3 relevais, parce que, normalement, ceux qui tombaient ne se relevaient

4 plus.

5 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous eu des problèmes de vision à

6 un moment pendant la journée ?

7 M. Cakalic (interprétation). - Je porte normalement des lunettes mais, à

8 ce moment-là, je n'avais pas de lunettes. Mon degré de correction de

9 verres était 1,25 en haut et 2,75 en bas. Mais je peux décrire en ce

10 moment, ici, tous les visages.

11 M. Williamson (interprétation). - A un moment, votre visage a-t-il été

12 couvert de sang ?

13 M. Cakalic (interprétation). - Oui. Peut-être est-ce à cause de cela que

14 je n'ai pas pu reconnaître certaines autres personnes. Le sang coulait de

15 mon nez, de ma bouche. Il y en avait partout sur le visage et sur les

16 vêtements, mais après peu de temps j'ai pu m'essuyer les yeux avec un

17 mouchoir. J'ai donc pu voir.

18 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous avez indiqué que vous avez

19 vu M. Dokmanovic, y avait-il du sang sur votre visage à ce moment-là ?

20 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

21 M. Williamson (interprétation). - Y avait-il du sang dans vos yeux ? Cela

22 vous bouchait-il la vue ?

23 M. Cakalic (interprétation). - Non.

24 M. Williamson (interprétation). - Vous avez parlé du fait que

25 Damjan Samardzic avait été frappé. Vous avez eu l'impression qu'il avait

Page 816

1 été tué, n'est-ce pas ?

2 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

3 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous vu d'autres personnes

4 gravement blessées ou tuées ?

5 M. Cakalic (interprétation). - Oui, la même chose est arrivée à un certain

6 Kemo, déjà dans le bus lorsqu'on nous emmenait de la caserne à Ovcara. Il

7 a été frappé pas les soldats qui étaient avec nous dans le bus. Ils

8 disaient qu'ils allaient le tuer, ce c'était un Sipta*, c'est-à-dire un

9 Albanais. Il a répondu que ce n'était pas le cas, qu'il venait de

10 Macedoine, qu'il avait un nom macédonien et que ses papiers d'identité

11 pouvaient le prouver. De toute façon, il a été tué à Ovcara, de la même

12 façon que Samardzic l'a été.

13 M. Williamson (interprétation). - Combien de temps êtes-vous resté à

14 l'intérieur du hangar d'Ovcara ?

15 M. Cakalic (interprétation). - Peut-être une heure à l'extérieur.

16 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous étiez à l'intérieur du

17 hangar, comment décririez-vous la lumière qu'il y avait à l'intérieur ?

18 M. Cakalic (interprétation). - Il y avait des fenêtres juste au dessous du

19 toit qui s'ouvraient vers l'intérieur ; la lumière venait d'un endroit du

20 mur et de l'autre également, et du mur opposé. En fait, on voyait assez

21 bien. Lorsqu'il n'y a plus eu de lumière naturelle qui entrait dans le

22 hangar, une ampoule a été allumée, qui venait d'un groupe électrogène.

23 M. Williamson (interprétation). - J'aimerais qu'on remontre au témoin la

24 pièce de l'accusation 20, simplement pour qu'il l'identifie. L'huissier

25 pourrait peut-être indiquer la page qu'il convient de montrer au témoin.

Page 817

1 Monsieur Cakalic, reconnaissez-vous ce que représente cette photo ?

2 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

3 M. Williamson (interprétation). - Que représente-t-elle ?

4 M. Cakalic (interprétation). - Il s'agit du hangar avec les machines

5 agricoles.

6 M. Williamson (interprétation). - Ces machines se trouvaient-elles au même

7 endroit le 20 novembre ?

8 M. Cakalic (interprétation). - Non.

9 M. Williamson (interprétation). - Peut-être pourrions-nous baisser la

10 lumière un peu. Monsieur Cakalic, pourriez-vous nous montrer sur cette

11 photo l'endroit où vous vous trouviez et l'endroit où certains événements

12 dont vous avez parlé se sont produits.

13 M. Cakalic (interprétation). - Tout d'abord, j'aimerais vous montrer les

14 fenêtres. Les portes étaient un peu plus ouvertes que sur cette photo.

15 Nous avons suivi cet itinéraire, ce chemin entre deux rangs de Chetniks.

16 Nous sommes entrés. Milos Bulic était là. Après, on m'a appelé

17 "inspecteur" et, pensant que j'étais inspecteur de police, il a commencé à

18 me frapper. Je suis tombé à deux reprises, je me suis relevé et je suis

19 allé vers lui. J'étais très troublé, je n'arrivais pas à me contrôler,

20 mais c'était très étrange, il s'est mis à courir, il s'est enfui alors

21 même qu'il était armé, vers la gauche et puis à trois à quatre mètres de

22 l'endroit où Damjan Samardzic s'est fait tuer.

23 J'ai vu M. Dokmanovic à peu près à cet endroit ici. Il a frappé

24 Dado Dukic... je ne me rappelle plus son nom de famille. Ah si ! Vladimir,

25 connu sous le surnom de Dado Dukic. Je le connaissais parce que j'étais un

Page 818

1 ami de la famille.

2 M. Williamson (interprétation). - Passons à la page suivante de cet album,

3 s'il vous plaît. La photo suivante. Cette photo est-elle une

4 représentation plus claire des fenêtres dont vous avez parlé ?

5 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

6 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, j'aimerais

7 demander le versement de cette pièce en tant que pièce à conviction 20.

8 Monsieur Cakalic, dans quelles circonstances avez-vous été emmené à

9 l'extérieur du hangar ?

10 M. Cakalic (interprétation). - Nous étions très nombreux. Nous avons tous

11 été violemment frappés, nous étions assis sur des meules de paille... Vous

12 savez comment ils les assemblent après la récolte, des ballots de paille.

13 Et puis, au bout d'un certain temps, un homme s'est tenu à l'extérieur,

14 près de la porte. Il portait les vêtements de l'Armée yougoslave, mais il

15 n'avait pas d'insigne sur son calot. Il avait un ruban blanc, je ne sais

16 plus si c'était à l'épaule gauche ou droite.

17 Il m'a montré du doigt et il a dit : "Toi, le vieux, sors !" Evidemment,

18 nous n'étions pas rasés et nous avions un aspect extérieur terrible. J'ai

19 dit : "Non, je ne veux pas sortir parce que tu va me tuer". Il m'a

20 répondu : "Non, je ne te tuerai pas. Mets-toi à côté du hangar".

21 A ce moment-là, tous les bus avaient été déchargés. Je me suis mis à côté

22 de la porte et il m'a dit d'attendre, ce que j'ai fait. Mais les passages

23 à tabac à l'intérieur ont continué. Après, j'ai perdu M. Dokmanovic de

24 vue, je pense qu'il est sorti du hangar. Je suis sorti, je me tenais près

25 de la porte. Et puis un autre jeune homme est entré. (expurgé)

Page 819

1 (expurgée)

2 (expurgée)

3 (expurgée)

4 (expurgée)

5 (expurgé). J'ai dit que je pensais qu'il était serbe.

6 On nous a fait sortir devant le hangar. J'ai vu les soldats qui nous

7 avaient

8 fait monter dans les bus. Deux d'entre eux étaient là à Ovcara et

9 demandaient de l'argent. L'un de nous du groupe des sept a donné de

10 l'argent, je ne sais plus qui c'était, il faisait déjà nuit.

11 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous enfin quitté le hangar et

12 Ovcara ?t

13 M. Cakalic (interprétation). - Non. Après nous être rassemblés près de la

14 porte, après un certain temps, on nous a rappelés à l'intérieur. Un

15 colonel et deux lieutenants-colonels étaient présents. Ils ont pris nos

16 noms, éclairés par une ampoule. Après cela, nous sommes ressortis et nous

17 avons attendu jusqu'à ce qu'une camionnette vienne nous chercher.

18 Mais, avant de partir, certains événements se sont produits dans le

19 hangar. Un homme est apparu, un homme très charpenté, qui mesurait peut-

20 être deux mètres. Je pense qu'il devait faire 130 kilos. Il avait un grand

21 chapeau ou un grand béret avec une cocarde, et puis il avait des couteaux

22 qui étaient attachés à sa ceinture. Un major, dont j'ai appris le nom par

23 la suite, Milan Lukic, lorsque nous quittions la caserne pour la deuxième

24 fois vers Negoslavci, escortait le convoi à ce moment-là. Il voulait

25 utiliser les matraques électriques.

Page 820

1 Le Chetnik, le grand -je ne connais pas son nom- dit de ne pas le faire.

2 Il y avait trop de témoins.

3 M. Williamson (interprétation). - Puis-je interrompre le témoin très

4 rapidement ? Je voudrais qu'il y ait expurgation page 79, lignes 10, 11 et

5 13 [à expurger]. Merci.

6 Lorsque vous avez été emmené dans cette camionnette, qui était le

7 chauffeur, le connaissez-vous ?

8 M. Cakalic (interprétation). - Oui, Mile Bakic était son nom.

9 M. Williamson (interprétation). - Le connaissiez-vous avant ?

10 M. Cakalic (interprétation). - Oui, je le connaissais. Il conduisait un

11 véhicule. Il travaillait pour l'inspection médicale. Il transportait du

12 pain de la boulangerie jusqu'à l'endroit où on le vendait.

13 M. Williamson (interprétation). - Où vous a-t-il emmené ?

14 M. Cakalic (interprétation). - En fait, j'étais assis à côté de le lui

15 dans le van. Il conduisait et, à ma droite, il y avait un soldat qui avait

16 un fusil. Il y avait un autre soldat, mais je ne l'ai pas reconnu. Il y

17 avait un autre prisonnier. Tous les autres étaient assis à l'arrière.

18 M. Williamson (interprétation). - Où êtes-vous allés ?

19 M. Cakalic (interprétation). - Ils nous ont emmenés à Velepromet. A

20 Velepromet, ils nous ont dit de sortir. Un homme s'est approché de nous.

21 Je le connaissais, c'était un marchand de Negoslavci, il s'appelle

22 Bingulac. Il m'a regardé et m'a demandé : "Oncle Emil, mais qu'est-ce que

23 tu fais là ?". J'ai répondu : "Mais ce que tous les autres font". Il en a

24 reconnu d'autres également.

25 A ce moment-là, parmi tous les soldats qui nous escortaient, certains ont

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1 commencé à nous traiter de meurtriers, de bandits, de tueurs de Serbes.

2 Lorsque Bingulac, le marchand, a entendu qu'on nous traitait de tout cela,

3 il a dit : "Je n'ai pas de place pour eux, emmenez-les à Modateks", ce

4 qu'ils ont fait. C'était une entreprise privée de textile, il y avait

5 beaucoup de machines. Lorsque nous y sommes rentrés, il y avait environ

6 150 femmes à l'intérieur, qui avaient été rassemblées à Vukovar et qu'on

7 avait amenées ici. On les avait mises sur la droite. L'un des soldats qui

8 nous escortaient s'est avancé et leur a dit : "Attention, les grands

9 meurtriers de Vukovar sont arrivés". J'ai entendu parmi les femmes

10 quelqu'un dire : "Bien sûr, Oncle Emir et Oncle Guncevic ne peuvent pas

11 être des meurtriers, nous les connaissons, ils ne peuvent pas

12 faire cela". Alors le soldat l'a montrée du doigt d'un air menaçant en lui

13 disant de se taire. Puis ces femmes ont été emmenés dans trois bus, mais

14 je ne sais pas dans quelle direction.

15 M. Williamson (interprétation). - Combien de temps êtes-vous resté à

16 Modateks ?

17 M. Cakalic (interprétation). - Jusqu'au 20, jusqu'à 4 heures, 4 heures 30.

18 Il y avait un homme qu'ils appelaient Dedica ou grand-père, mais je ne le

19 connais pas et je ne le connaissais pas auparavant. Il nous a donné

20 certaines tâches -nettoyer, astiquer- et c'est ce que nous avons fait.

21 Le 21, entre 3 heures et 5 heures -je n'ai plus la notion du temps-, ils

22 nous ont fait rentrer dans une petite pièce qui ne faisait pas plus de

23 6 mètres carrés, où il y avait des bancs et quelques placards. Il nous a

24 dit de nous asseoir. Il nous a donné du poisson en boîte, un peu de pain

25 et de l'eau. Il a dit qu'il allait nous enfermer parce que les Chetniks

Page 822

1 pourraient venir et nous massacrer.

2 Et ce matin-là, ils sont venus et en grand nombre. Ils sont venus à

3 Modateks pour voir à quoi nous ressemblions. Un caporal est venu, je crois

4 qu'il était macédonien. Ils ont attaqué Berghofer, Dudas, Guncevic, la

5 fille de mon collègue qui était inspecteur également. Il lui a mis un

6 couteau sous la gorge et ce sergent-major a dit : "Quand je t'emmènerai à

7 Velepromet, Topola te brûlera les yeux avec des mégots de cigarettes".

8 Donc c'était des gens très curieux, c'est le moins qu'on puisse dire, qui

9 voulaient venir voir de quoi nous avions l'air.

10 Parmi eux, il y avait un directeur de Borovo, qui s'appelait Jovo Dabic,

11 qui était un très bon ami à moi. Lorsque je l'ai vu rentrer, nous nous

12 sommes cachés derrière les machines. Il a appelé Guncevic qui était un de

13 ses collègues de la faculté d'économie, mais nous ne souhaitions pas le

14 saluer.

15 M. Williamson (interprétation). - Vous avez indiqué que vous aviez quitté

16 Modatex le 21. Où vous a-t-on emmenés par la suite ?

17 M. Cakalic (interprétation). - Le grand-père Dedica était venu, je ne sais

18 pas d'où il est venu, nous ouvrir la porte. Un autre homme l'accompagnait,

19 qui avait le grade de capitaine. Je le connais, mais je ne me rappelle

20 plus son nom de famille, je suis sûr que cela me reviendra.

21 Les deux hommes nous ont escortés à pied de Modateks jusqu'à l'entrepôt de

22 Velepromet. C'était un centre de rassemblement pour les prisonniers. Il

23 pleuvait légèrement, il faisait assez froid. Je portais juste une veste,

24 comme celle que j'ai aujourd'hui, donc on n'était pas bien habillé.

25 Devant Velepromet, à droite de la route, se trouvait un groupe de gens qui

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1 portaient des uniformes de l'Armée yougoslave. Ils avaient des casques sur

2 la tête et ils n'arrêtaient pas de crier : "Donne-moi Perkovic ! Donne-moi

3 Guncevic !", etc. J'ai reconnu Pero Krtinic parmi eux, parce que nous nous

4 voyions souvent, nous allions ensemble à la pêche. Cependant ce grand-père

5 était très juste, il a dit : "Si quelqu'un touche un seul cheveu de ces

6 sept hommes, eh bien je le tuerai de mes mains". Bien sûr, personne ne

7 nous a touchés. Et il a dit : "Lorsque je vous les livrerai, à ce moment-

8 là vous en ferez ce que vous voudrez, ce sera votre affaire à ce moment-

9 là".

10 On nous a emmenés à l'atelier des charpentiers. Il y avait un couloir,

11 puis une salle sur la gauche et sur la droite. Nous sommes entrés dans une

12 pièce les uns après les autres, nous devions mettre nos mains contre le

13 mur, écarter les jambes, puis on nous a fouillés. On nous a tout

14 confisqué, tout ce que nous avions. Vous vous en souviendrez peut-être,

15 lorsque nous sommes descendus du bus, j'ai mentionné que seules mes

16 lunettes m'ont été confisquées. J'avais tout gardé, j'avais mes papiers,

17 ce papier qui me donnait la possibilité de négocier au nom de la Croix-

18 Rouge, j'avais de l'argent, j'avais mon livret de caisse d'épargne. Ils

19 m'ont tout pris, en fait, à moment-là.

20 Ce qu'ils en ont fait, je ne sais pas.

21 J'ai vu le Dr Maric, il était chirurgien orthopédiste. Nous étions de très

22 bons amis. Il était assis à un bureau, il prenait nos noms et prénoms, et

23 d'autres renseignements sur nous. Je me rappelle notamment que, non pas

24 l'un d'entre nous, mais l'un des autres prisonniers est venu se plaindre

25 au Dr Maric. Il était anémique car en fait il était diabétique, donc il

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1 lui a donné trois ou quatre morceaux de sucre et il s'est senti mieux

2 après. Le Dr Maric ne pouvait pas me regarder dans les yeux, je voyais

3 qu'il était tout rouge et qu'il n'osait pas me regarder en face. Moi

4 aussi, j'étais gêné.

5 Nous sommes rentrés dans cette pièce que nous appelions la pièce de la

6 mort. J'y ai vu beaucoup de personnes que je connaissais. Lorsque je suis

7 rentré, M. Karlo Crk m'a invité à m'asseoir à côté de lui. Il m'a offert

8 sa chaise et s'est assis par terre. Il avait une couverture, je ne sais

9 plus exactement ce que c'était. Une fois là, il y avait des grandes portes

10 et un loquet à l'extérieur. Chaque fois que cette porte s'ouvrait et qu'un

11 nom était appelé, c'était un rituel en quelque sorte, il fallait soulever

12 le loquet, tirer la porte. Et quelqu'un disait : "Toi, tu sors". Monsieur

13 Cerkvan* est sorti et il n'est jamais revenu. Ivan Golac est sorti et il

14 n'est jamais revenu.

15 Soudain, la porte s'est ouverte. J'ai vu à la porte une personne qui

16 portait un uniforme militaire de la JNA avec calot, un uniforme en bonne

17 et due forme, des grenades de chaque côté, et j'ai vu Zarko Lezkovac qui

18 s'occupait de la défense civile dans l'organisation Vutex avec qui j'avais

19 coopéré, j'avais organisé l'administration des premiers soins. En fait,

20 j'avais donné des cours de premiers soins dans le cadre de la défense

21 civile. Il avait organisé lui-même ses cours. En fait, nous étions en bons

22 termes. J'ai pensé qu'il était saoul parce que je ne l'avais jamais vu

23 dans un tel état avant.

24 Cependant, après plusieurs allées et venues, Tihomir Perkovic a été

25 appelé.

Page 825

1 Il l'ont fait sortir et ils l'ont ramené à l'intérieur plusieurs fois.

2 Chaque fois, il avait de nouveaux bleus, de nouvelles contusions sur son

3 visage. La dernière fois qu'ils l'ont fait sortir, peut-être vers

4 11 heures, c'était bien la dernière fois puisqu'il n'est jamais revenu.

5 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Perkovic était une des

6 personnes qui était partie d'Ovcara avec vous ?

7 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

8 M. Williamson (interprétation). - Etes-vous finalement parti ? Vous êtes-

9 vous rendu à Sremska Mitrovica ?

10 M. Cakalic (interprétation). – (expurgé)

11 (expurgée)

12 (expurgé). Je crois qu'il est venu témoigner ici récemment.

13 Après un certain temps, après minuit, par la fenêtre on entendait les

14 bruits que faisaient les Chetniks, ils chantaient et visiblement ils

15 venaient dans les pièces où nous nous trouvions. Ils nous menaçaient. Il y

16 avait une petite fenêtre et on pouvait y jeter une grenade.

17 Et puis un capitaine est venu, qui a dit qu'il était capitaine du contre-

18 espionnage et qu'il venait nous sauver, nous emmener à la caserne

19 militaire de Vukovar. Il était venu en bus. Il a dit que si nous ne

20 voulions pas partir, les Chetniks nous tueraient tous. Il fallait donc

21 partir le plus rapidement possible. Il a ouvert la porte et nous sommes

22 montés dans le bus. Celui-ci n'arrivait pas à démarrer et il a fallu le

23 pousser. Nous avions fait peut-être dix à quinze mètres quand nous avons

24 vu ce groupe.

25 Ce groupe commençait à s'avancer vers la pièce que nous appelions la

Page 826

1 "pièce de la mort". Ils voulaient nous tuer. Mais nous avons été emmenés à

2 la caserne militaire de Vukovar pour la deuxième fois. Là, nous sommes

3 sortis du bus, on nous a

4 emmenés dans une grande salle, peut-être la moitié de ce prétoire. Les

5 soldats de l'Armée yougoslave nous attendaient. Ils nous ont traités de

6 façon très convenable, nous ont donné de la nourriture, de l'eau, des

7 couvertures. Nous pensions que nous pourrions nous reposer un peu.

8 Cependant, le soleil se levait. De plus en plus de policiers militaires

9 entraient et frappaient les hommes. Il y avait déjà quelque quarante

10 hommes sur place. Tous les gens qui étaient dans la pièce de la mort nous

11 avaient suivis, nous les six. Perkovic n'était plus avec nous. Tout le

12 monde avait été emmené à Velepromet. Je ne l'ai pas dit avant, je voudrais

13 donc le rajouter maintenant. Au fur et à mesure que la matinée avançait,

14 il y avait de plus en plus de policiers militaires qui rentraient dans

15 notre pièce.

16 Les mains d'un jeune homme ont été attachées derrière son dos à l'aide

17 d'un fil électrique. Il avait des blessures aux mains. Ils lui ont fait

18 avaler deux ou trois balles de pistolet. Il était dans le camp de

19 Mitrovica avec moi après. Il y avait également un autre qui s'appelait

20 Vukevic, de la municipalité. Monsieur Dokmanovic le connaissait aussi, il

21 travaillait dans la section Finances. Lui aussi a été très maltraité, il a

22 reçu beaucoup de coups. Il était près de moi. Il y avait trois ou quatre

23 personnes entre nous. D'autres personnes ont été frappées également.

24 Il était peut-être 7 heures du matin quand un soldat est rentré. Il

25 n'avait pas de calot, il avait les cheveux très courts, il avait un

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1 manteau militaire et il s'est présenté. Il a dit : "Je suis Vojin Misic,

2 un Serbe de Negoslavci. Je suis le capitaine Vojin Misic".

3 Je ne sais pas si c'était vraiment lui ou pas. Je ne l'avais jamais vu

4 auparavant et je ne l'ai jamais revu par la suite. Mais c'est ce qu'il a

5 dit : "Les Serbes d'un côté, et tous les autres de l'autre". Il y avait

6 des femmes avec nous également.

7 L'une d'entre elles nous a dit : "Qu'est-ce que je vais faire ? Je suis

8 croate et mon mari est serbe". Il a répondu : "Sur la droite !". Les

9 Serbes étaient d'un côté et les autres de l'autre. Nous étions de l'autre.

10 Il s'est tourné vers nous, les Croates, et a commencé à nous parler. Il a

11 dit : "Nous allons tous vous tuer, nous allons tous vous brûler, nous

12 allons jeter vos cendres dans le Danube pour détruire les graines

13 croates". Je me rappelle très bien de cette phrase, et je ne l'oublierai

14 jamais.

15 Nous étions tout apeurés. Nous ne savions pas ce qu'il allait advenir de

16 nous. Il a permis à certaines personnes d'aller aux toilettes deux par

17 deux. Lorsque les deux revenaient, il en envoyait deux autres. Guncevic et

18 moi-même sommes restés en arrière. Nous étions les derniers. On nous a

19 dit : "Ne sortez pas, il y a beaucoup de Chetniks à l'extérieur".

20 Il fallait sortir de la pièce par un couloir. Arrivés aux toilettes,

21 beaucoup de Chetniks nous attendaient.

22 Après cela, une liste a été rédigée. Dans le couloir où se trouvaient les

23 Chetniks, l'un d'entre eux s'est approché de moi et a essayé de

24 m'attraper. Mais les soldats ne l'ont pas laissé faire. On nous a ramenés

25 au bus, puis on nous a emmenés à Negoslavci. Nous avons passé deux heures,

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1 deux heures et demi, trois heures... je ne sais pas trop.

2 Nous avions également un véhicule blindé qui nous accompagnait. Puis j'ai

3 vu un lieutenant de leur armée entrer dans le véhicule. Je crois qu'il

4 s'était rendu à nos soldats.

5 M. Williamson (interprétation). - Je crois qu'il faut également une autre

6 expurgation sur la page 86, des lignes 8 à 10 [à expurger].

7 M. Cakalic, pour avancer un peu, êtes-vous arrivé finalement à

8 Sremska Mitrovica ce jour-là ?

9 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

10 M. Williamson (interprétation). - Pendant combien de temps êtes-vous resté

11 à Sremska Mitrovica ?

12 M. Cakalic (interprétation). - Jusqu'au 7 février 1992.

13 M. Williamson (interprétation). - Au cours de cette période, où étiez-vous

14 logé ?

15 M. Cakalic (interprétation). - A Sremska Mitrovica.

16 M. Williamson (interprétation). - Oui, mais où ?

17 M. Cakalic (interprétation). - Au pavillon n° 3, au deuxième étage,

18 chambre 3.

19 M. Williamson (interprétation). - Où se trouvait ce pavillon ? Etait-ce

20 dans une institution, une organisation quelconque ?

21 M. Cakalic (interprétation). - Oui, à la prison, à la maison de correction

22 de Mitrovica.

23 M. Williamson (interprétation). - Vous a-t-on accusé d'un quelconque crime

24 à ce moment-là ?

25 M. Cakalic (interprétation). - Non.

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1 M. Williamson (interprétation). - Y avait-il des allégations contre vous,

2 disant que vous auriez fait quelque chose de mal ou d'illégal ?

3 M. Cakalic (interprétation). - Non, pendant longtemps non.

4 M. Williamson (interprétation). - Aviez-vous une idée de la raison pour

5 laquelle vous étiez détenu ?

6 M. Cakalic (interprétation). - Comme tous les autres, mais ils avaient de

7 bonnes informations sur qui avait fait quoi. J'ai dit que j'avais fait du

8 bénévolat pour l'Armée croate, pour la population civile de Vukovar, parce

9 que tout le personnel

10 médical était parti, sauf Ivo Kardun qui était un de mes collègues. Je lui

11 ai donné après certaines tâches à accomplir à l'hôpital parce qu'il y

12 avait beaucoup à faire. Il y avait beaucoup de blessés et il devait

13 fournir de l'eau potable, etc. C'était une personne très bonne, très

14 consciencieuse.

15 J'ai d'abord été interrogé, le 14 janvier 1992; par M. Boro Savic. Il

16 était Secrétaire général d'un parti politique à Vukovar. Il y avait un

17 certain Hadzic Goran, Président de ce parti politique, qui est devenu par

18 la suite Président de la Krajina. Il voulait que je réponde à certaines de

19 leurs questions. Par exemple :"Qui a déclenché la mobilisation à

20 Vukovar ?" J'ai répondu :"La police militaire de l'Armée croate", mais il

21 n'a pas cru qu'il y avait une police militaire dans l'Armée croate. Mais

22 c'était assez bien organisé.

23 Autre question : "Qui ont-ils mobilisé, notamment dans le bâtiment où

24 j'habitais ?" J'ai dit : "Ils ont mobilisé Nikola Pekic". Ils m'ont

25 demandé qui c'était et j'ai répondu que c'était mon voisin, le neveu du

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1 général Dusan Pekic, à la retraite. Ils m'ont demandé ce qu'ils lui

2 avaient fait. J'ai répondu qu'ils l'avaient emmené. Ils m'ont demandé :

3 "Ils l'ont massacré ?" J'ai répondu : "Non, bien sûr".

4 M. Williamson (interprétation). - Pour éviter cela, je vais vous poser une

5 ou deux questions sur ce qui vous est arrivé à Mitrovica. Suite à la

6 période que vous avez passée, avez-vous eu des blessures ?

7 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

8 M. Williamson (interprétation). - De quelle nature étaient ces blessures ?

9 M. Cakalic (interprétation). - Tout d'abord, j'ai reçu la première

10 blessure grave à Ovcara. J'ai eu un problème dans le cou. Vous voyez, je

11 n'arrive pas à serrer le poing totalement encore. Je ne peux pas soulever

12 la main plus haut que cela. Je ne dis pas que c'est simplement une

13 conséquence d'Ovcara, parce que j'ai aussi subi des

14 violences à Mitrovica.

15 La deuxième fois était vraiment terrible. Nous devions enlever nos

16 chaussures et nos vêtements. Je m'étais blessé quand j'étais enfant, au

17 cours de la Seconde guerre mondiale, au pied gauche, et lorsque Vukovar a

18 été bombardée par les avions, j'ai couru. J'ai voulu sauter dans une cour

19 et je suis retombé sur l'angle que formait une marche d'escalier. Je me

20 suis fait mal au pied.

21 A ce moment-là, à Mitrovica, il a fallu que j'enlève mes chaussures.

22 J'avais une bande autour du pied. Je ne sais pas ce qu'il a pensé, mais il

23 a commencé à frapper sur cet endroit blessé et recouvert d'une bande.

24 Encore aujourd'hui, j'ai extrêmement mal à la jambe. Une atrophie au

25 niveau de cette jambe. Je peux vous le montrer si vous le souhaitez. On

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1 nous a frappés, nous devions nous coucher sur le dos, puis sur le ventre.

2 Ce n'étaient pas les soldats, la deuxième fois, qui nous battaient, mais

3 la police.

4 M. Williamson (interprétation). - Ces policiers, d'où venaient-ils ? De

5 quelle république ?

6 M. Cakalic (interprétation). - Comme je l'ai dit par la suite, nous avons

7 fait connaissance d'un certain nombre d'entre eux parce que nous

8 travaillions à Mitrovica. Nous étions en contact avec eux. Ils nous

9 interrogeaient et nous ramenaient des interrogatoires et puis ils nous

10 emmenaient faire le ménage dans certaines pièces, nettoyer des portes,

11 apporter des médicaments aux prisonniers qui en avaient besoin.

12 M. Williamson (interprétation). - Où est Sremska Mitrovica ? Dans quelle

13 république ?

14 M. Cakalic (interprétation). - Dans la République de Serbie.

15 M. Williamson (interprétation). - Je n'ai plus de questions, Monsieur le

16 Président.

17 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je pense que nous

18 allons lever l'audience maintenant, jusqu'à 14 heures 30 précises.

19 L'audience est suspendue à 12 heures 55

20 L’audience est reprise à 14 heures 30.

21 M. le Président (interprétation) - Maître Fila.

22 M. Fila (interprétation) - Merci, Monsieur le Président. Monsieur Cakalic,

23 nous allons d'abord dire quelques mots de la période antérieure aux

24 événements.

25 Vous avez dit que M. Dokmanovic était Président de l'Assemblée municipale

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1 de Vukovar. Ensuite, vous avez parlé d'une réunion. Quand l'avez-vous vu

2 pour la dernière fois ?

3 M. Cakalic (interprétation) - A Ovcara.

4 M. Fila (interprétation) - Non, avant.

5 M. Cakalic (interprétation) - Avant cela, j'ai dû le voir au début du mois

6 de juin, quand ils nous ont dit que les représentants de la Croix-Rouge

7 internationale, M. Nikolson...

8 M. Fila (interprétation) - Et Après ?

9 M. Cakalic (interprétation) - Après, je l'ai vu à Ovcara.

10 M. Fila (interprétation) - Que s’est-il passé avec M. Dokmanovic entre-

11 temps ?

12 M. Cakalic (interprétation) - C'est lui qui le sait.

13 M. Fila (interprétation) - Excusez-moi, mais est-il parti ? A-t-il quitté

14 Vukovar ?

15 M. Cakalic (interprétation) - Il est resté quelque temps à Vukovar et est

16 sans doute parti par la suite. Je ne l’ai pas revu par la suite. Je ne me

17 suis pas intéressé à lui non plus. D'après ce que j'ai entendu dire, il

18 serait parti.

19 M. Fila (interprétation) - Est-ce que l'Assemblée municipale de Vukovar a

20 été dissoute ?

21 M. Cakalic (interprétation) - Le représentant du gouvernement croate a été

22 nommé, mais est-ce que l'Assemblée municipale a été dissoute, je ne le

23 sais pas.

24 M. Fila (interprétation) - Qui était ce représentant ?

25 M. Cakalic (interprétation) - Marin Vidic.

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1 M. Fila (interprétation) - Vous travailliez à l'hôpital. Ce qui

2 m'intéresserait, serait de savoir, pendant les deux ou trois jours que

3 vous avez passés à l'hôpital, si une partie de l'hôpital était réservée

4 aux réservistes de la JNA, aux blessés de la JNA ?

5 M. Cakalic (interprétation) - Ils étaient confondus avec les autres

6 blessés de l'Armée populaire yougoslave. Il n'y a eu aucun problème.

7 M. Fila (interprétation) - Avaient-ils un espace réservé ou étaient-ils

8 avec les autres ?

9 M. Cakalic (interprétation) - Je crois qu'ils étaient avec les autres.

10 Mais je n'en suis pas tout à fait sûr.

11 M. Fila (interprétation) - Le 19, certaines personnes ont-elles été

12 emmenées hors de l'hôpital de Vukovar, le soir par exemple, à la fin de

13 l'après-midi ? Savez-vous si l'une quelconque de ces personnes... Comment

14 puis-je dire pour que ce ne soit pas trop dur ? ...Si l’une de ces

15 personnes a terminé ses jours à Ovcara ?

16 M. Cakalic (interprétation) - Oui.

17 M. Fila (interprétation) - Pouvez-vous me dire de qui il s'agit ?

18 M. Cakalic (interprétation) - Stanko Duvnjak. Il était technicien médical

19 à l'hôpital. Il était chargé des plâtres. Je ne me souviens pas de son nom

20 de famille, mais il a été enlevé. D'autres ont été emmenés. Je n'ai pas vu

21 notre journaliste, par exemple, à l'hôpital. Il a été emmené aussi. En

22 fait, ils sont partis à Ovcara ensuite.

23 M. Fila (interprétation) - Mais ils ont bien été emmenés le 19 ?

24 M. Cakalic (interprétation) - Oui. Certaines des personnes que je connais

25 ont été emmenées à Ovcara et identifiées à partir des charniers d'Ovcara.

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1 M. Fila (interprétation) - Pour que les choses soient claires, je parlais

2 des gens emmenés le 19.

3 M. Cakalic (interprétation) - Oui.

4 M. Fila (interprétation) - Par la suite, quand différentes forces armées

5 sont-elles arrivées ?

6 M. Cakalic (interprétation) - Mais de quelles forces armées parlez-vous ?

7 M. Fila (interprétation) - Nous y viendrons. Ecoutez, je ne sais pas

8 comment les appeler, il y avait la JNA et d'autres. Vous nous le direz.

9 M. Cakalic (interprétation) - Qu'est-ce que je vous dirai ?

10 M. Fila (interprétation) - Je vais vous poser la question.

11 M. Cakalic (interprétation) - Je vous en prie.

12 M. Fila (interprétation) - La question est la suivante : quelles sont les

13 formations qui sont arrivées ?

14 M. Cakalic (interprétation) - D'abord, les formations de l'Armée

15 yougoslave. Lorsque l'Armée yougoslave est partie, les Chetniks sont

16 arrivés derrière eux.

17 M. Fila (interprétation) - Nous parlons bien de l'hôpital les 19 et 20 ?

18 M. Cakalic (interprétation) - Je sais que l'Armée Yougoslave n'a pas voulu

19 donner l'autorisation immédiatement aux Chetniks d'entrer à l'hôpital.

20 Mais à l'hôpital, Stanko Duvnjak, Sinisa Glavasevic et puis un certain

21 Yosib Batarelo et d’autres dont je ne me rappelle pas le nom ont été

22 emmenés.

23 M. Fila (interprétation) - Mais parmi les Chetniks, ou quel que soit le

24 nom que vous leur donnez, parmi eux, il y avait des gens de Vukovar, des

25 habitants de la

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1 ville ?

2 M. Cakalic (interprétation) - Oui.

3 M. Fila (interprétation) - Est-ce qu'il s'agissait de gens qui

4 connaissaient Vukovar ?

5 M. Cakalic (interprétation) - Oui.

6 M. Fila (interprétation) - Etaient-ils capables de montrer à la JNA les

7 bâtiments, les plus importants de Vukovar, les lieux les plus importants

8 de Vukovar ?

9 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

10 M. Fila (interprétation). - Dans ces trois endroits -l'hôpital, la caserne

11 et Ovcara-, à part Ovcara, avez-vous vu Slavko Dokmanovic dans l'un des

12 deux autres endroits ?

13 M. Cakalic (interprétation). - Non.

14 M. Fila (interprétation). - Ni le 19 ni le 18 ?

15 M. Cakalic (interprétation). - Non.

16 M. Fila (interprétation). - Merci. Nous allons maintenant passer à Ovcara

17 pour ne pas perdre de temps. Vous avez dit que Dokmanovic a frappé un

18 homme répondant au nom de Dado, si je ne me trompe pas ?

19 M. Cakalic (interprétation). - Djukic.

20 M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous me dire où se tenait Dokmanovic et

21 où se tenait Djukic quand il l'a frappé et de quelle façon il l'a frappé ?

22 M. Cakalic (interprétation). - Alors que je pénétrais dans le hangar, j'ai

23 déjà vu M. Slavko qui frappait Dado Djukic.

24 M. Fila (interprétation). - A quel endroit ?

25 M. Cakalic (interprétation). - Aux jambes. Il était blessé aux jambes. Il

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1 le frappait aux jambes.

2 M. Fila (interprétation). - Nous ne nous sommes pas compris. Dans quel

3 endroit du hangar, en quel point du hangar ? Vous l'avez montré tout à

4 l'heure.

5 M. Cakalic (interprétation). - A peu près derrière le point blanc, quand

6 on rentre dans le hangar, à droite, à trois ou quatre mètres de l'entrée.

7 M. Fila (interprétation). - Donc à peu près au milieu du hangar ?

8 M. Cakalic (interprétation). - A peu près.

9 M. Fila (interprétation). - Monsieur Cakalic, vous avez fait une

10 déclaration complémentaire que vous a rappelée le Procureur. En page 2 de

11 cette déclaration, vous avez dit la chose suivante -je cite : "En raison

12 des circonstances et de l'état dans lequel j'étais, je n'ai pas pu voir

13 qui Dokmanovic frappait, mais il ne m'a pas frappé, moi".

14 M. Cakalic (interprétation). - Mais j'ai dit que j'avais vu qu'il frappait

15 Djukic je l'ai dit dans ma déclaration précédente également.

16 M. Fila (interprétation). - Le fait est que vous ne l'avez pas dit. Nous

17 pouvons relire votre déclaration si les juges le souhaitent. Ni dans la

18 première de vos déclarations ni dans votre déclaration complémentaire vous

19 n'avez déclaré avoir vu Dokmanovic frapper qui que ce soit.

20 M. Cakalic (interprétation). - Si, je l'ai même dit dans la note

21 officielle, il me semble, même dans cette note.

22 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, si vous le permettez,

23 il serait peut-être bon qu'on montre au témoin les deux déclarations,

24 qu'il les lise pour constater que c'est bien ce qu'il a dit.

25 M. le Président (interprétation). - Oui. Y a-t-il des objections ? Maître

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1 Fila ?

2 M. Fila (interprétation). - Oui, excusez-moi.

3 M. le Président (interprétation). - Souhaitez-vous que le témoin lise des

4 lignes particulières de cette déclaration ?

5 M. Fila (interprétation). - Il est en train de les lire.

6 M. le Président (interprétation). - Lui avez-vous indiqué de quelles

7 lignes il s'agissait ?

8 M. Fila (interprétation). - Je lui ai demandé de retrouver les endroits où

9 il dit avoir déclaré que Dokmanovic frappait M. Djukic. Il y a deux

10 déclarations qui ont été versées au dossier, et on ne peut pas trouver

11 cette déclaration dans l'un de ces deux textes.

12 M. Fila (interprétation). - Vous pouvez regarder votre déclaration

13 complémentaire, Monsieur Cakalic.

14 M. Cakalic (interprétation). - Je peux la regarder ?

15 M. Fila (interprétation). - Oui. Lisez-moi le passage où il est écrit que

16 Dokmanovic avait frappé Dado Djukic.

17 M. Cakalic (interprétation). - Il n'est pas écrit que j'ai vu qu'il avait

18 frappé M. Djukic mais que je l'ai vu frapper nos hommes.

19 M. Fila (interprétation). - Vous avez déclaré que vous aviez dit que

20 Dokmanovic avait frappé Dado Djukic, or cela ne figure pas dans le texte.

21 Il est écrit que vous ne l'avez pas vu.

22 M. Cakalic (interprétation). - J'ai dit que je l'ai vu frapper nos

23 blessés. Nos blessés, c'était en fait Dado Djukic.

24 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit que dans les deux déclarations,

25 vous avez affirmé l'avoir vu frapper Dado Djukic. Dans votre déclaration

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1 et dans la déclaration supplémentaire, il est écrit que Bulic a pris une

2 matraque, mais vous n'avez jamais mentionné Dokmanovic.

3 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, je fais

4 objection, car je pense qu'en ce moment il s'agit d'une dispute entre

5 Me Fila et le témoin.

6 M. le Président (interprétation). - Oui, Maître Fila, je vous demanderai

7 de poursuivre.

8 M. Fila (interprétation). - Comment expliquez-vous la phrase que je vous

9 ai lue tout à l'heure, qui émane de votre déclaration complémentaire en

10 date du 21 avril 1996 ? Je cite : "En raison des circonstances et de

11 l'état dans lequel je me trouvais, je n'ai pas pu voir qui Dokmanovic

12 frappait, mais il ne m'a pas frappé, moi".

13 M. Cakalic (interprétation). - J'ai dit que lorsque j'ai pénétré dans le

14 hangar, il frappait nos blessés. Ce qui n'est pas écrit, c'est que, parmi

15 nos blessés, se trouvait Dado Djukic. Mais il y était. Je l'ai vu et j'ai

16 fait cette déclaration sous serment.

17 M. Fila (interprétation). - Ne prêtez pas trop serment. Combien de temps

18 Dokmanovic s'est-il trouvé dans votre champ de vision ce soir-là, en

19 minutes, en heures, en jours, ce que vous voulez.

20 M. Cakalic (interprétation). - Je ne suis pas très bien le temps. Je

21 n'étais pas vraiment en état de le dire, mais je peux vous donner une

22 réponse approximative. Il s'est trouvé dans mon champ de vision disons

23 deux ou trois minutes.

24 M. Fila (interprétation). - Avant ces deux ou trois minutes, les vôtres

25 ont-ils été frappés ? Ont-ils été frappés après ces deux ou trois

Page 839

1 minutes ? Avant et après Dokmanovic ?

2 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

3 M. Fila (interprétation). - Sommes-nous en droit de dire que les coups

4 n'ont pas commencé avec l'arrivée de Dokmanovic et n'ont pas cessé avec

5 son départ ?

6 M. Cakalic (interprétation). - C’est sûr.

7 M. Fila (interprétation). - Merci beaucoup. Pouvez-vous maintenant nous

8 décrire en détail les vêtements, l'uniforme, les vêtements au sens général

9 du terme que portait Dokmanovic ?...

10 M. Cakalic (interprétation). - Il portait des pantalons.

11 M. Fila (interprétation). - ...En partant d’en haut ?

12 M. Cakalic (interprétation). - J'ai vu qu'il avait un pantalon bleu, qu'il

13 avait ce qu'on pourrait appeler un manteau trois-quarts bleu, un peu plus

14 clair peut-être que ce que je porte aujourd'hui. Sur la tête, il avait le

15 calot avec l'étoile à cinq branches.

16 M. Fila (interprétation). - Je suppose que sous le manteau trois-quarts,

17 il avait une veste ou une chemise ?

18 M. Cakalic (interprétation). - Je ne l'ai pas vue.

19 M. Fila (interprétation). - De quel tissu, à peu près, était fait ce

20 vêtement ? Etait-ce un uniforme de la JNA ?

21 M. Cakalic (interprétation). - C'était un uniforme bleu. Il me semble que

22 les pilotes de l'Armée yougoslave portaient ce genre d'uniforme.

23 M. Fila (interprétation). - Vous avez déclaré qu'il était lieutenant-

24 colonel de la JNA.

25 M. Cakalic (interprétation). - Il avait son grade, le grade de lieutenant-

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1 colonel de la JNA, sur les épaulettes à gauche et à droite.

2 M. Fila (interprétation). - Ne vous fâchez pas, car nous sommes les seuls

3 à les connaître, mais quel est l'aspect des grades et où se portent-ils ?

4 M. Cakalic (interprétation). - Sur les épaulettes à gauche et à droite.

5 M. Fila (interprétation). - Et quel est leur aspect ?

6 M. Cakalic (interprétation). - Trois champs de couleur. Le champ du milieu

7 ne comporte pas d’étoile, mais les deux autres, oui.

8 M. Fila (interprétation). - Je vais être précis. Ces étoiles se

9 trouvaient-elles

10 sur le vêtement qu'il portait par dessus ou sur le vêtement qu'il portait

11 en dessous ?

12 M. Cakalic (interprétation). - Par dessus.

13 M. Fila (interprétation). - Donc sur cette espèce de manteau ?

14 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

15 M. Fila (interprétation). - Cette espèce de manteau était en tissu ou

16 était-ce comme un anorak ?

17 M. Cakalic (interprétation). - Je crois que c'était du tissu, de l'étoffe.

18 M. Fila (interprétation). - Que portait-il encore en étoffe ? Le manteau

19 trois-quarts et quoi d'autre ?

20 M. Cakalic (interprétation). - En tissu, en étoffe de laine.

21 M. Fila (interprétation). - Il avait un calot et sur ce calot se trouvait

22 l'étoile à cinq branches ?

23 M. Cakalic (interprétation). - Oui. S’il la portait par la suite, je ne

24 sais pas.

25 M. Fila (interprétation). - Nous parlons de ces trois ou quatre minutes où

Page 841

1 vous l'avez vu et non pas du moment où vous ne l'avez pas vu. A la

2 question du Procureur, vous avez dit -me semble-t-il- que vous aviez une

3 bonne mémoire des événements et des visages, mais que vous aviez des

4 difficultés à vous rappeler les heures. Qu'est-ce que cela veut dire ?

5 M. Cakalic (interprétation). - Cela veut dire que j'ai du mal à répondre

6 aux questions que vous venez de poser lorsque vous me demandez si quelque

7 chose a duré cinq minute ou quinze minutes.

8 M. Fila (interprétation). - D'accord, j'ai compris. Mais savez-vous s'il

9 faisait jour, si c'était le crépuscule ou s'il faisait nuit ?

10 M. Cakalic (interprétation). - J'ai déjà répondu à cela. Je répondrai de

11 nouveau si vous le souhaitez.

12 M. Fila (interprétation). - Je le souhaite. Au moment où les autobus sont

13 arrivés, faisait-il jour ?

14 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

15 M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous dire à peu près à quelle heure

16 cela s'est passé ?

17 M. Cakalic (interprétation). - Après 14 heures en tout cas.

18 M. Fila (interprétation). - Quand vous avez vu Dokmanovic à l'intérieur,

19 combien de temps après votre arrivée l'avez vous vu à peu près ?

20 M. Cakalic (interprétation). - Ecoutez, deux autobus sont passés. Moi,

21 j'étais dans le troisième autobus, dans le fond. Peut-être que cela a duré

22 quarante minutes. Une quarantaine de minutes peut-être. Disons que c'est

23 cela.

24 M. Fila (interprétation). - Donc, en tout cas, avant 15 heures ?

25 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

Page 842

1 M. Fila (interprétation). - Quand vous êtes sortis du hangar, votre

2 groupe, est-ce qu’il faisait encore jour, la nuit tombait ou faisait-il

3 nuit ?

4 M. Cakalic (interprétation). - Quand je suis sorti, il faisait encore

5 jour. Il y en avait qui arrivaient encore et la nuit commençait à tomber

6 légèrement. Nous ne sommes pas tous sortis du hangar en même temps. Cela a

7 duré pas mal de temps.

8 M. Fila (interprétation). - Au moment où vous êtes sorti du hangar, il

9 faisait donc jour. Cet événement, le moment où vous avez vu Dokmanovic,

10 cela s'est-il passé avant ?

11 M. Cakalic (interprétation). - Avant oui.

12 M. Fila (interprétation). - Après votre sortie du hangar, alors qu'il

13 faisait jour, vous n'avez plus vu Dokmanovic ?

14 M. Cakalic (interprétation). - Non.

15 M. Fila (interprétation). - Merci. Vous avez dit que, quand la nuit a

16 commencé à tomber, des lumières sont apparues. Y avait-il peut-être un

17 véhicule dans les parages ?

18 M. Cakalic (interprétation). - Je sais que ce sont des ampoules

19 électriques qui donnent l'électricité. Je suppose que c'était un

20 générateur parce qu'on entendait un bruit. Mais nous n'avions pas la

21 possibilité d'aller voir sur place pour vérifier. Cette lumière suffisait

22 aux besoins des hommes qui prenaient nos noms, parce que cela leur

23 permettait d'inscrire nos noms.

24 M. Fila (interprétation). - Vous n'avez pas vu un véhicule avec des phares

25 allumés à l'entrée, à la porte ?

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1 M. Cakalic (interprétation). - Il est arrivé quand on nous a fait sortir

2 du hangar. Un véhicule est arrivé. Devant la porte d'Ovcara, entre la

3 route, le chemin qui mène à Ovcara, le véhicule s'est arrêté à cet

4 endroit-là. Il en est sorti, je n'ai pas pu tout à fait compter

5 précisément, une dizaine ou une quinzaine de soldats qui portaient

6 l'uniforme de l'Armée yougoslave, qui portaient le calot et qui portaient

7 des battes de base-ball. Ils sont entrés dans le hangar. Le gardien qui

8 était dans le hangar a fermé la porte.

9 A l'intérieur, il y avait un colonel et, lorsqu'il a sifflé, ils se sont

10 mis à frapper les gens, tous ceux qu'ils voulaient frapper. Quand le

11 gardien a sifflé de nouveau, ils ont changé de position. Ceux qui ne

12 frappaient pas jusque-là ont commencé à frapper. Vous savez, les cris

13 étaient terribles. J'en rêve encore la nuit. Quand je me réveille, c'est

14 terrible.

15 M. Fila (interprétation). - Je sais, je suis d'accord avec vous, cela a dû

16 être terrible.

17 M. Cakalic (interprétation). - J'ai vraiment été traumatisé.

18 M. Fila (interprétation). - Oui, je suis absolument d'accord avec vous,

19 c'était terrible. Il n'y a pas de question. Mais le véhicule se trouvait

20 là, n'est-ce pas ? Il vous éclairait. Ce n'était pas un véhicule qui avait

21 amené des prisonniers, des hommes ?

22 M. Cakalic (interprétation). - La camionnette a fait demi-tour. Y avait-il

23 un autre véhicule ? Il me semble que c'était peut-être un véhicule pour

24 les passagers.

25 M. Fila (interprétation). - Mais pas un véhicule militaire ? Est-ce que

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1 c'était un véhicule militaire, celui qui se tenait devant la porte ?

2 M. Cakalic (interprétation). - Je ne me rappelle pas.

3 M. Fila (interprétation). - Dans votre déclaration complémentaire, vous

4 avez déclaré que, dans la presse et à la télévision, vous avez vu

5 Slavko Dokmanovic par la suite. En quelle année cela s'est-il passé ?

6 M. Cakalic (interprétation). - Cela s'est passé en 1991, quand on pouvait

7 encore voir la télévision chez nous.

8 M. Fila (interprétation). - Non, je parle de la suite des événements,

9 quand vous êtes arrivé à Zagreb.

10 M. Cakalic (interprétation). - Je l'ai vu à la télévision. Je ne peux pas

11 vous dire quel jour et à quelle heure. Je me souviens seulement que j'ai

12 vu Slavko Dokmanovic à la télévision.

13 M. Fila (interprétation). - Vous parlez de quelle année ? 1994 ? 1995 ?

14 M. Cakalic (interprétation). - Je l'ai vu plus tard. Je suppose que cela

15 venait de Knin. On les voyait tous à la télévision. Quand il a été membre

16 du Conseil exécutif serbe.

17 M. Fila (interprétation). - Vous verrez, j'ai un document qui prouve qu'il

18 n'a jamais été membre du Conseil exécutif serbe, mais cela n'a pas

19 d'importance. Après les événements dont nous parlons, quand l'avez-vous vu

20 à la télévision ? C'est ce qui

21 m'intéresse.

22 M. Cakalic (interprétation). - Je l'ai vu un jour à la télévision.

23 M. Fila (interprétation). - Oui, je vous crois, vous avez pu me voir moi

24 aussi.

25 M. Cakalic (interprétation). - Je n'ai pas inscrit les dates.

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1 M. Fila (interprétation). - Je parle de tous ces événements. Ce qui

2 m'intéresse, ce sont les événements. Je parle des événements.

3 M. Cakalic (interprétation). - Je n'apprends pas cela comme une chanson

4 par coeur pour pouvoir vous dire quel jour, à quelle heure et à quelle

5 minute j'ai vu telle ou telle personne. Je n'essaie même pas de m'inscrire

6 cela dans ma mémoire.

7 M. Fila (interprétation). - Mais dans votre déclaration complémentaire

8 -elle se trouve là, je l'ai entre les mains-, vous affirmez -je cite- :

9 "Après mon retour en Croatie, j'ai vu plusieurs fois Dokmanovic à la

10 télévision".. Quand cela s'est-il passé ? Aujourd'hui, nous sommes dans

11 une période ultérieure à votre retour en Croatie.

12 M. Cakalic (interprétation) - Je vous ai dit, je l'ai vu il n'y a pas

13 longtemps, il y a quelques jours, à la télévision.

14 M. Fila (interprétation) - Pour que les choses soient plus simples,

15 pouvez-vous nous dire si cela s'est passé en 1994, 1995 ?

16 M. Cakalic (interprétation) - Disons que cela s'est passé en 1997 et 1998.

17 M. Fila (interprétation) - Et en 1995 ?

18 M. Cakalic (interprétation) - Probablement.

19 M. Fila (interprétation) - Quand vous l'avez vu à Ovcara, ce soir-là,

20 l’avez-vous entendu dire quelque chose ?

21 M. Cakalic (interprétation) - C'était l'après-midi, pas le soir.

22 M. Fila (interprétation) - D'accord, l'après-midi. Excusez-moi. En dehors

23 de ce que vous venez de raconter, la conversation entre les inspecteurs,

24 l’avez-vous entendu dire autre chose ?

25 M. Cakalic (interprétation) - Non.

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1 M. Fila (interprétation) - Il n'a donné d'ordres à personne ?

2 M. Cakalic (interprétation) - Peut-être a-t-il parlé à quelqu’un, mais

3 moi, je ne l'ai pas entendu.

4 M. Fila (interprétation) - Vous ne l'avez pas entendu. Merci.

5 En dehors du texte que vous avez cité, vous n'avez rien entendu d'autre ?

6 M. Cakalic (interprétation) - Rien.

7 M. Fila (interprétation) - Est-ce que vous avez tiré une quelconque

8 conclusion à son sujet en rapport avec la JNA et tout cela, à l'époque,

9 pas aujourd'hui ?

10 M. Cakalic (interprétation) - Oui. J'étais très surpris. Cela m'a beaucoup

11 frappé. Je peux poursuivre ?

12 M. Williamson (interprétation) - Objection, Monsieur le Président, je

13 pense que si le témoin a autre chose à dire, il devrait être autorisé à

14 répondre complètement.

15 M. Fila (interprétation) - Je vous prie de m'excuser, mais je regardais

16 l’heure. Je vous en prie, répondez ! Ce n'est pas le problème.

17 M. Cakalic (interprétation) - Il m'a été désagréable, j'ai été gêné de le

18 voir là-bas. Aujourd'hui encore, je serais heureux de ne pas l'avoir vu

19 là-bas. Je me suis dit : "Comment un intellectuel, un homme connu, un

20 homme avec qui je me suis trouvé à plusieurs reprises dans le même bureau

21 -je crois qu’il connaissait pas mal des gens qui se trouvaient sur les

22 lieux- a-t-il pu agir de cette façon ?"

23 S'il en avait sauvé un seul, je le défendrais aujourd'hui. Celui qui m'a

24 sauvé, moi, vous savez, Evo Soric*, j'ai entendu dire qu'e c'était un

25 criminel de guerre. Je n'ai

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1 pas vu son nom sur la liste. S'il était traduit devant le Tribunal, je

2 témoignerais et je supplierais qu'on l'acquitte. Si M. Slavko avait sauvé

3 un seul homme là-bas, je prierais les juges aujourd’hui de l’acquitter. Si

4 cela avait été le cas...

5 M. Fila (interprétation) - Connaissez-vous M. Vodicka ? Il était

6 vétérinaire ?

7 M. Cakalic (interprétation) - Oui, je le connaissais.

8 M. Fila (interprétation) - Eh bien, il l'a sauvé, lui, par exemple, sans

9 aucun doute.

10 M. Cakalic (interprétation) - D'Ovcara ?

11 M. Fila (interprétation) - Non, d’Ilok.

12 M. Cakalic (interprétation) - Mais nous parlons d'Ovcara.

13 M. Fila (interprétation) - Vous avez votre point de vue, j'ai le mien.

14 Avez-vous vu le Pr Licina là-bas ?

15 M. Cakalic (interprétation) - Oui. Il était dans un convoi.

16 M. Fila (interprétation) - Dans un des autobus ?

17 M. Cakalic (interprétation) - Oui, dans un des autobus.

18 M. Fila (interprétation) - Vous l'avez vu à Ovcara ?

19 M. Cakalic (interprétation) - Non.

20 M. Fila (interprétation) - Vous l'avez vu peut-être dans l'autobus ?

21 M. Cakalic (interprétation) - J'ai été informé.

22 M. Fila (interprétation) - Excusez-moi ?

23 M. Cakalic (interprétation) - J'ai été informé qu'à la caserne, on l’a

24 fait sortir de l'autobus. Il y a eu pas mal de mouvements quand on

25 discutait dans le camp. Nous parlions entre nous. On m'a dit qu'il avait

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1 été sorti des autobus à la caserne.

2 M. Fila (interprétation) - Monsieur Berghofer était-il ou pas avec vous

3 dans l'autobus ?

4 M. Cakalic (interprétation) - Oui.

5 M. Fila (interprétation) - Savez-vous où il était assis par rapport à

6 vous ?

7 M. Cakalic (interprétation) - Devant moi, sans doute deux rangs devant

8 moi.

9 M. Fila (interprétation) - Comment sortait-on de l'autobus à l'arrivée

10 à Ovcara ?

11 M. Cakalic (interprétation) - Par la porte d'entrée.

12 M. Fila (interprétation) - Oui, mais de quelle façon, un par un, deux par

13 deux ?

14 M. Cakalic (interprétation) - Un par un. Je voulais vous donner davantage

15 de détails pour mieux vous expliquer d'ailleurs.

16 M. Fila (interprétation) - Dans votre déclaration, votre première

17 déclaration, vous avez déclaré que vous étiez dans l'autobus et que vous

18 vous trouviez dans le premier tiers du bus. Vous avez précisé qu'il y

19 avait un certain Tomislav Pap à côté de vous.

20 M. Cakalic (interprétation) - Oui.

21 M. Fila (interprétation) - Vous avez dit qu'il y avait Josip Adzak et que

22 vous ne connaissiez personne d'autre à bord de ce bus.

23 M. Cakalic (interprétation) - Mais vous voyez, Berghofer, je le connais

24 depuis vingt ou trente ans.

25 M. Fila (interprétation) - Je vous crois. Mais vous avez déclaré que vous

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1 ne connaissiez personne.

2 M. Cakalic (interprétation) - Monsieur, à ce moment donné, dans un tel

3 état de surprise, vous ne m'auriez pas reconnu non plus.

4 M. Fila (interprétation) - Je ne sais pas si je vous aurais reconnu. Je ne

5 suis pas à votre place, mais vous avez déclaré que vous n’aviez reconnu

6 personne, et maintenant vous dites que Berghofer était avec vous.

7 M. Cakalic (interprétation) - Comment avoir dit que je n'avais vu

8 personne ? Il y avait un bus plein de personnes.

9 M. Fila (interprétation) - Je n’ai pas dit que vous n’aviez reconnu

10 personne, mais je dis que, subitement, vous nous dites que vous connaissez

11 Berghofer depuis vingt ans. Alors, comment l’avez-vous reconnu ?

12 M. Cakalic (interprétation) - Mais je l'ai reconnu. Aurais-je été supposé

13 prendre le nom de toutes les personnes présentes pour dire que je les

14 reconnais ?

15 M. Fila (interprétation) - Non, non, non. Monsieur, vous savez que vous

16 êtes en train de redire des choses qui ne figurent pas dans votre

17 déclaration.

18 M. Cakalic (interprétation) - Moi, je parle des choses qui se sont

19 passées, de la réalité, c'est de cela que je parle.

20 M. Fila (interprétation) - Excusez-moi, j'ai oublié de vous poser une

21 question. Lorsqu'on vous a emmené de l'hôpital, à quoi ressemblaient les

22 bus ?

23 M. Cakalic (interprétation) - Ils appartenaient à Cazmatrans et à la

24 société de transport public.

25 M. Fila (interprétation). - Celle de Vukovar ? Il y avait des couleurs

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1 spéciales, quelles étaient-elles ?

2 M. Cakalic (interprétation). - Ils étaient rouge. Je ne sais pas s'ils

3 avaient cette espèce de ligne sur le bas-flanc. Vous savez, généralement

4 ils ont cette ligne.

5 M. Fila (interprétation). - Oui, oui, je vous comprends. Ils étaient rouge

6 et il y avait des plaques d'immatriculation de Vukovar ?

7 M. Cakalic (interprétation). - Oui. C'étaient peut-être des plaques de

8 Scoplje, je ne sais pas.

9 M. Fila (interprétation). - Je vous remercie.

10 M. Cakalic (interprétation). - Je vous parle de ce que j'ai pu voir.

11 M. Fila (interprétation). - Ils étaient couleur gris, vert ? C'étaient des

12 bus municipaux ?

13 M. Cakalic (interprétation). - C'est ce que je viens de vous dire.

14 M. Fila (interprétation). - Je vous remercie.

15 Une petite précision, parce qu'il me semble qu'il y a une contradiction.

16 Lorsque vous avez dit que vous alliez de l'hôpital jusqu'aux casernes

17 militaires, y êtes-vous allé directement ou êtes-vous passé par

18 Velepromet, ou êtes-vous passé par Velepromet tout simplement parce que

19 Velepromet se trouve juste derrière ?

20 M. Cakalic (interprétation). - Non, nous ne sommes pas passés par là. En

21 tout cas, mon bus n'est pas passé par là.

22 M. Fila (interprétation). - Je vous pose une question qui porte sur votre

23 bus.

24 Vous aviez une montre au poignet alors que vous étiez à Ovcara ?

25 M. Cakalic (interprétation). - Oui, j'avais une montre. Franchement, je

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1 n'ai pas pensé à regarder quelle heure il était.

2 M. Fila (interprétation). - Je comprends. C'est tout à fait

3 compréhensible.

4 Une question encore. Vous avez parlé d'un certain Golac. S'agit-il

5 d'Ivan Golac ?

6 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

7 M. Fila (interprétation). - Et vous avez parlé d'un monsieur qui s'appelle

8 Krunoslav ?

9 M. Cakalic (interprétation). - Oui. Il s'agit de deux frères, vous savez.

10 M. Fila (interprétation). - Ma dernière question enfin. Vous avez déclaré

11 que M. Dokmanovic portait l'insigne de la JNA, qu'il avait un grade de

12 lieutenant-colonel de la JNA. Dans l'une de vos déclarations, vous avez

13 déclaré qu'il était peut-être réserviste, que c'était peut-être un

14 officier de réserve. Est-ce bien ce que vous avez dit ?

15 M. Cakalic (interprétation). - Ils portaient tous les mêmes uniformes,

16 qu'il s'agisse d'officiers ou de soldats de réserve.

17 M. Fila (interprétation). - Je vous remercie.

18 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur FILA.

19 Maître Williamson, voulez-vous poser des questions complémentaires au

20 témoin ?

21 M. Williamson (interprétation). - Quelques questions.

22 Monsieur Cakalic, comment avez-vous reconnu M. Dokmanovic à Ovcara ?

23 M. Cakalic (interprétation). - Je le connais depuis plus de 15 ans. Sans

24 doute que, d'ici 10 ans, je le reconnaîtrai également si nous sommes

25 encore tous les deux en vie et si nous avons l'occasion de nous retrouver.

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1 M. Williamson (interprétation). - Vous l'avez reconnu parce que vous avez

2 vu son visage ou à ses vêtements ?

3 M. Cakalic (interprétation). - Mais, en fait, ses vêtements m'ont

4 franchement surpris. Je l'ai reconnu grâce à son visage.

5 M. Williamson (interprétation). - Je vous remercie. Je n'ai plus de

6 questions.

7 M. le Président (interprétation). - Merci.

8 Le Juge May, je crois, a une question à poser.

9 M. May (interprétation). - Monsieur Cakalic, apportez- moi votre aide sur

10 le point suivant. Vous avez déclaré que vous aviez travaillé dans la même

11 institution que M. Dokmanovic.

12 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

13 M. May (interprétation). - De quelle institution s'agissait-il ?

14 M. Cakalic (interprétation). - C'était l'assemblée municipale de Vukovar.

15 Nous travaillions dans l'administration. En fait, l'administration était

16 constituée d'un certain nombre de départements, des départements de

17 services sociaux, santé, finances publiques, etc. Il y a donc

18 deux bâtiments qui constituent un même ensemble, en fait.

19 Monsieur Dokmanovic était Conseiller du Président du Comité pour

20 l'agriculture.

21 M. May (interprétation). - Il travaillait dans le même bâtiment que vous

22 ou dans un autre bâtiment ?

23 M. Cakalic (interprétation). - Auparavant, je travaillais dans le même

24 bâtiment. Mais, par la suite, le Comité aux affaires sociales et le

25 Tribunal d'instance sont allés dans un autre endroit de cet ensemble de

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1 bâtiments.

2 M. May (interprétation). - Tandis que vous travailliez tous les deux dans

3 cette même institution, quelle était la fréquence de vos rencontres en

4 moyenne ?

5 M. Cakalic (interprétation). - Un commissaire à l'agriculture partageait

6 son bureau avec M. Dokmanovic. Souvent, j'allais voir cet inspecteur.

7 J'avais à m'entretenir avec lui parce que nous avions des missions pour

8 lesquelles nous travaillions main dans la main. A ce moment-là, je voyais

9 M. Dokmanovic, je le saluais, nous échangions quelques paroles, c'était à

10 peu près tout, je ne sais pas, une fois par semaine, une fois tous les

11 quinze ou vingt jours. Nous nous voyions régulièrement.

12 M. May (interprétation) - Lors de ces rencontres, aviez-vous de réelles

13 discussions avec lui ?

14 M. Cakalic (interprétation). - Oui, nous conversions, nous nous saluions.

15 M. May (interprétation) - Vous appeliez-vous l'un et l'autre par vos

16 prénoms ? Connaissiez-vous son prénom ?

17 M. Cakalic (interprétation). - Oui.

18 M. May (interprétation) - Vous aussi, il vous appelait par votre prénom ?

19 M. Cakalic (interprétation). - Oui, bien sûr.

20 M. May (interprétation) - Pour en revenir à ce qui s'est passé à Ovcara,

21 je sais que vous avez du mal à donner des horaires précis, mais je tiens à

22 m'assurer du point suivant. Tâchez de nous apporter votre aide si vous le

23 pouvez. Tandis que vous étiez à Ovcara, pendant combien de temps avez-vous

24 eu M. Slavko Dokmanovic dans votre champ de vision ? Pouvez-vous nous

25 répondre ou pas ?

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1 M. Cakalic (interprétation). - J'ai pu le voir lorsqu'il a dit mon nom,

2 c'est-à-dire lorsqu'il est entré dans le hangar. C'est là que j'ai été

3 battu. Je ne sais pas combien de temps cela a duré. Mais, vous savez, ils

4 m'ont frappé longtemps. Ils me tapaient sur la tête, je tombais, puis je

5 me relevais. A un certain moment, lorsque je suis entré dans le hangar, je

6 l'ai vu qui frappait les blessés qui se trouvaient là. Il se trouvait

7 parmi ce groupe de blessés et Dado Djukic était l'un des blessés. C'était

8 un de mes meilleurs amis. J'étais un des amis de la famille. Je

9 connaissais très bien son père, le père de Dado Djukic.

10 J'étais si bouleversé par ce que je voyais. Pourquoi ne l'ai-je pas écrit

11 dans ma déclaration ? Je n'en sais rien. Peut-être ai-je pensé que ce

12 n'était pas nécessaire. J’ai dit qu'il battait les blessés.

13 M. May (interprétation) - Vous avez parlé de cela précédemment. Pouvez-

14 vous nous dire combien de temps vous avez eu Slavko Dokmanovic sous les

15 yeux, dans votre champ de vision ?

16 M. Cakalic (interprétation). - Deux minutes, peut-être cinq... C'est

17 difficile à dire.

18 M. May (interprétation) - Je vous remercie.

19 M. Cakalic (interprétation). - Je ne peux pas être plus précis.

20 M. May (interprétation) - Je vous pose une dernière question. En fait,

21 peut-être que le conseil de la défense pourra mieux me répondre que vous-

22 même. Qu'est-ce que ce calot à la Tito ? Pouvez-vous me répondre ? De quoi

23 s'agit-il exactement ? Est-ce un petit béret ?

24 M. Williamson (interprétation). - C'est une espèce de chapeau étroit et

25 long qui forme une pointe en haut. Je sais bien que je fais des signes

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1 avec les mains qui ne peuvent pas être retranscrits dans le compte rendu.

2 M. Fila (interprétation). - Dans votre armée, Monsieur le Juge, dans

3 l'armée britannique, ils ont aussi ces petits chapeaux. C'est la même

4 chose, sauf que c’est gris et qu'il y a une étoile à cinq branches sur le

5 devant. Toutes les armées ont ce type de chapeau. D'ailleurs, sur la

6 cassette, on voit bien Sljivancanin qui porte ce type de chapeau.

7 M. Cakalic (interprétation). - Puis-je expliquer ce qu'est un calot à la

8 Tito ?

9 M. le Président (interprétation). - J'ai quelques questions à poser. Tout

10 d'abord, commencez par nous expliquer quelles étaient les fonctions du

11 Président de l'Assemblée municipale de Vukovar. Je ne parle pas de la

12 structure, je ne veux pas que vous nous disiez quelles étaient les

13 compétences juridiques de cette Assemblée municipale, mais quel était le

14 fonctionnement quotidien et quelles étaient les responsabilités

15 principales du Président de l'Assemblée municipale de Vukovar ?

16 M. Cakalic (interprétation). - Le Président de l'Assemblée municipale de

17 Vukovar est l'entité qui a la responsabilité supérieure dans le cadre de

18 l'Assemblée. L'Assemblée avait des fonctions extrêmement importantes. Il

19 fallait voter et attribuer le budget aux différents organes de la

20 municipalité. Il y avait tout un débat sur le budget. Il y avait des

21 fonctions politiques à mener à bien. Il fallait superviser les différents

22 départements et autorités en présence. Même s'il y avait un responsable

23 dans chaque département, le Président devait s'assurer du bon

24 fonctionnement de l'ensemble des départements. Lui, par exemple, pouvait

25 me demander à moi, en tant qu'inspecteur sanitaire, de faire rapport à

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1 l'Assemblée, d'expliquer certains points. Très souvent, j'étais présent

2 lors de séances de l'Assemblée, de réunions et j'expliquais le

3 fonctionnement de certains services, comme le Service de santé, ou ce qui

4 se passait sur le territoire de la municipalité. Je ne sais pas si ma

5 réponse vous satisfait.

6 M. le Président (interprétation). - Si, tout à fait. Maintenant, puis-je

7 vous demander la chose suivante ? Je suppose qu'il y avait une police

8 municipale, n'est-ce pas ? Y avait-il un organe de police locale et si

9 c'était le cas y avait-il un commandement de cette police ? Qui émettait

10 des ordres vis-à-vis de la police municipale ? Le Président de l'Assemblée

11 municipale ou quelqu'un d'autre ?

12 M. Cakalic (interprétation). - La police avait son propre chef de la

13 police et puis les différents responsables des divers départements

14 devaient répondre de leurs acte devant le Président de l'Assemblée

15 municipale et devant l'Assemblée municipale elle-même. Le Président de

16 l'Assemblée municipale avait le droit et le devoir de demander à chacun

17 des responsables de département de lui faire rapport de la situation

18 prévalant dans son département particulier.

19 Le Président pouvait également donner des ordres visant à la mise en

20 application de certaines mesures. Il pouvait également ordonner une

21 mobilisation générale, entre autres choses.

22 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Vous avez déclaré

23 qu'entre les mois de juin et de novembre 1991, M. Dokmanovic n'a pas

24 exercé ses fonctions de Président de l'Assemblée municipale. Il a été

25 remplacé par quelqu'un d'autre. Vous avez dit que son adjoint l'avait

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1 remplacé, un Croate. Vous l'avez nommé d'ailleurs.

2 Savez-vous quel rôle il a joué entre les mois de juin et de

3 novembre 1991 ? Quelles ont été les fonctions qu'il exerçait dans le cadre

4 de son mandat de Président de l’Assemblée municipale ? Je parle de

5 M. Dokmanovic.

6 M. Cakalic (interprétation). - Vous parlez de Slavko Dokmanovic ?

7 M. le Président (interprétation). - Oui.

8 M. Cakalic (interprétation). - Je ne sais pas quelles autres fonctions il

9 a exercées outre celles qu’il exerçait dans le cadre de son poste de

10 Président de l'Assemblée municipale et au sein du SDP, le parti politique

11 auquel il appartenait. Je ne sais pas quelles autres fonctions il a

12 occupées. Pour ce qui est de son poste en tant que Président de

13 l'Assemblée municipale, il faut bien savoir que c'est le poste le plus

14 important sur ce territoire qui rassemble quelque 80 000 personnes. Il

15 avait un travail considérable à faire en tant que Président de l'Assemblée

16 municipale.

17 Par exemple, les inspecteurs sanitaires et le département de l'inspection

18 sanitaire -qui étaient chargés de la médecine, de la santé publique-

19 prenaient une part active à la gestion du système d'approvisionnement en

20 eau. Il y avait 21 villages. Tous ces villages, sauf un, disposaient d'un

21 système d'approvisionnement en eau.

22 Le Président de l'Assemblée municipale avait, dans ce cadre, une fonction

23 très importante à exercer. Il devait se rendre à diverses réunions qui se

24 tenaient au niveau local et expliquer lui-même, ou il chargeait quelqu'un

25 de le faire, qu'il était absolument fondamental de construire ce système

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1 d'approvisionnement en eau.

2 M. le Président (interprétation). - Excusez-moi de revenir à une question

3 que je viens de vous poser. D'après ce que vous avez dit, je comprends

4 qu'entre le mois de juin et le mois de novembre1991, il n'a pas de facto

5 exercé ses fonctions de Président parce qu'il a été remplacé par

6 Marin Vidic qui était en fait le Président intérimaire de l'Assemblée

7 municipale de Vukovar pendant toute cette période.

8 Ma question est la suivante : savez-vous s'il a exercé d'autres fonctions,

9 que ce soit à Vukovar ou ailleurs, outre ses fonctions normales ? Savez-

10 vous s'il a joué un rôle quelconque dans un autre cadre, un rôle

11 politique, militaire ou autre ?

12 M. Cakalic (interprétation). - Je ne sais pas exactement quand le

13 gouvernement de la République de la Croatie a dégageé M. Dokmanovic de ses

14 obligations en tant que Président de l'Assemblée municipale, mais

15 M. Dokmanovic a sans doute occupé un certain poste au sein du Conseil

16 national Serbe. C'était à la télévision une fois, il y avait eu une

17 émission, des représentants de ce Conseil. Il y a également des livres qui

18 ont été écrits à ce sujet. Je ne sais pas le titre de ce livre, mais j'en

19 ai entendu parler quelque part.

20 M. le Président (interprétation). - J'ai quelques questions à vous poser

21 sur ce qui s'est passé dans le hangar. Dans votre déclaration

22 complémentaire, que vous avez faites le 18 juin 1995... Non excusez-moi,

23 le 21 avri 1996, vous avez dit, et je vous cite : "L'enquêteur du Tribunal

24 m'a montré un certain nombre de photos et j'y ai reconnu

25 Slavko Dokmanovic, notamment sur les photos L et M de la deuxième série.

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1 Il apparaît sur ces photos revêtu d'un uniforme de camouflage différent de

2 celui qu'il portait à Ovcara".

3 Pourriez vous nous dire quelles étaient les différences entre ces deux

4 uniformes, à savoir celui qu'il portait sur la photo et celui qu'il

5 portait à Ovcara ?

6 M. Cakalic (interprétation). - A Ovcara, il portait l'uniforme que j'ai

7 décrit

8 il y a quelques instants. Sur les photos, il portait un uniforme de

9 camouflage.

10 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Lorsque vous vous

11 trouviez dans le hangar, aviez-vous l'impression que M. Dokmanovic

12 jouissait d'une certaine autorité à l'intérieur du hangar ? Exerçait-il

13 son autorité sur les personnes, les Chetniks comme vous dites, ou les

14 soldats de la JNA qui, d'après vous, frappaient les civils qui se

15 trouvaient là ?

16 Avez-vous l'impression que les autres lui étaient subordonnés ? Avez-vous

17 l'impression qu'il émettait des ordres, qu'il donnait des instructions qui

18 révélaient qu'il était revêtu d'une certaine autorité, ou tous les autres

19 acteurs étaient-ils sur le même pied d'égalité, je parle des autres

20 Chetniks, comme vous le dites vous, ou des soldats de la JNA ?

21 M. Cakalic (interprétation). - Je ne dirais pas que M. Dokmanovic est un

22 Chetnik. Je ne crois pas qu'il ait été revêtu d'une autorité particulière.

23 Je ne crois pas qu'il avait la capacité d'émettre des ordres. Je crois

24 qu'il est venu là de sa propre initiative.

25 M. le Président (interprétation). - Oui, je vois. Comment se comportait-il

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1 à l'égard des autres personnes présentes dans le hangar ? Ces personnes

2 qui, d'après vous, frappaient les civils ? Excusez-moi, vous êtes

3 certainement fatigué. Souhaitez-vous faire une petite pause ? Voulez vous

4 vous reposer ?

5 M. Cakalic (interprétation). - Non, non, je ne suis pas fatigué.

6 Simplement, tout cela remue des souvenirs très durs. Excusez-moi. Pouvez-

7 vous répéter votre question, s'il vous plaît ?

8 M. le Président (interprétation). - Oui, bien sûr. Mais surtout, je ne

9 voudrais pas insister si vous vous sentez mal à l'aise.

10 M. Cakalic (interprétation). - Excusez-moi, je vais me reprendre.

11 M. le Président (interprétation). - Voici ma question. En cette occasion,

12 avez-vous eu l'impression qu'il n'était pas tout à fait comme les autres ?

13 Avez-vous eu l'impression qu'il avait plus d'autorité que les autres ? Les

14 autres lui étaient-ils subordonnés ? Etait-il leur supérieur, d'une

15 certaine façon ? Les autres le respectaient-ils ? Ces personnes qui

16 battaient les civils le respectaient-elles ?

17 M. Cakalic (interprétation). - Non. C'est moi qui le respectais. Je ne

18 sais pas si les autres le respectaient. Moi, je n'ai pas eu l'impression

19 que c'était lui le meneur. Je ne crois pas que c'était lui qui donnait les

20 ordres.

21 M. le Président (interprétation). - Bien. Tandis que vous étiez dans le

22 hangar, avez-vous vu qui que soit battre à mort les civils qui ont été

23 emmenés à Ovcara ? Vous avez déclaré qu'ils ont battu certaines personnes,

24 parmi lesquelles des blessés. Mais avez-vous vu si quelqu'un était battu à

25 mort ?

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1 M. Cakalic (interprétation). - Oui, Samardic Damjan et un homme appelé

2 Kemo ou Kemal. Ils ont tous les deux été tués à Ovcara, juste à côté de

3 moi. Ils étaient à deux ou trois mètres de moi. J'ai vu Milos Bilic qui

4 tuait Damjan Samardic. Je l'ai vu le tuer. Je n'étais pas à même de

5 m'assurer du fait qu'il était vraiment mort, mais d'après ce que j'ai pu

6 voir de l'endroit où je me trouvais, j'ai vu qu'il ne respirait plus. Et

7 puis Kemal aussi est mort.

8 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je vais vous poser

9 une dernière question qui porte sur la situation générale, à la fois avant

10 ce qui s'est passé à Ovcara et après.

11 Vous avez déclaré qu'au cours de cette période vous êtes entré en contact

12 avec deux types de personnes, les Chetniks ou les personnes appartenant à

13 des groupes paramilitaires d'une part et, d'autre part, les membres de la

14 JNA, que ce soit des officiers ou des soldats. Avez-vous eu l'impression

15 que l'une de ces deux catégories

16 donnait des ordres à l'autre ? Par exemple, les Chetniks exerçaient-ils le

17 contrôle sur l'autre groupe ou était-ce plutôt l'inverse ? Ou ces deux

18 groupes étaient-ils sur un pied d'égalité, agissaient-ils indépendamment

19 l'un de l'autre ? Qui avait le contrôle de la situation ?

20 M. Cakalic (interprétation). - Oui oui, je vous comprends. La JNA était

21 l'armée régulière de Yougoslavie. Ils respectaient une certaine éthique. A

22 mon avis, la plupart d'entre eux ont agi en fonction de ces principes

23 d'éthique. Mais il faut savoir qu'il y avait une situation différentes là-

24 bas. La JNA est arrivée, puis a quitté le territoire. Ce sont les Chetniks

25 qui sont arrivés juste derrière.

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1 Il peut exister certains doutes quant à ce point-là. Peut-être avaient-ils

2 conclu un accord préalable sur ce point. Je n'ai pas vraiment répondu à

3 votre question pour l'instant, je le sais. Je n'ai pas vu d'officiers de

4 la JNA frapper des gens, mais j'ai vu des membres de la police de la JNA

5 qui nous frappaient à la caserne militaire, lorsque nous sommes revenus

6 d'Ovcara. J'entends par là que d'Ovcara nous sommes allés à Velepromet, de

7 là à Modateks. Ensuite, nous sommes allés dans la chambre de la mort. De

8 cette chambre, et sous les ordres d'un capitaine, nous sommes retournés à

9 la caserne militaire et, de là, à Mitrovica. Je n'ai pas vu un seul

10 officier de la JNA frapper qui que ce soit, à l'exception de

11 M. Dokmanovic.

12 M. le Président (interprétation). - Pardonnez-moi, je vais vous poser une

13 autre question. Je vois bien que vous êtes fatigué.

14 M. Cakalic (interprétation). - Je vous en prie.

15 M. le Président (interprétation). - A un moment dans votre déclaration,

16 vous dites que vous avez été sauvé par Stjepan Zoric qu'on appelait Cevo.

17 Est-ce bien exact ? Oui... Voilà, je retrouve le passage : "J'ai été sauvé

18 par un homme qui s'appelle Stjepan Zoric, 'Cevo', qui s'est souvenu que je

19 lui avais rendu un service

20 avant la guerre". C'est ce que vous avez dit.

21 Qu'entendez-vous par là : "Il m'a sauvé" ? Voulez-vous dire qu'il vous a

22 fait sortir du groupe ? De quoi vous a-t-il sauvé ? D'après vous, était-il

23 conscient de ce qu'il était en train de faire ? Comprenait-il bien qu'il

24 vous distinguait des autres et qu'il vous faisait sortir du groupe, qu'il

25 vous séparait de ce groupe ?

Page 863

1 M. Cakalic (interprétation). - Oui. Au début, je n'ai pas reconnu Cevo

2 jusqu'à ce qu'il m'explique. Puis j'ai commencé à réfléchir. Je me suis

3 souvenu que je lui avais rendu un service qu'un de mes collègues ne lui

4 avait pas rendu. C'était quelque chose dont il avait besoin immédiatement,

5 un document ou un papier. Monsieur Cevo m'a sauvé. S'il ne m'avait pas

6 sauvé ce jour-là, je ne serais pas là aujourd'hui.

7 Chacun d'entre nous, de ces sept personnes qui avons été sauvées d'Ovcara,

8 a eu son sauveur. Ivankovic, qu'on appelait Joe, a sauvé Berghofer et a

9 sauvé également...

10 M. le Président (interprétation). - Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas

11 absolument crucial.

12 M. Cakalic (interprétation). - Je vois. Mais il a sauvé au moins deux

13 autres personnes. Je suis persuadé que si cela n'avait pas été le cas,

14 elles seraient mortes. Nous avons chacun eu notre sauveur.

15 M. le Président (interprétation). - Monsieur Cakalic, merci infiniment.

16 Merci d'avoir répondu à mes questions.

17 Y a-t-il des questions complémentaires que l'une des parties souhaiterait

18 poser au témoin ?

19 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, nous n'avons plus

20 de questions à poser. Cependant, nous aimerions que le témoin ne puisse

21 pas partir de façon définitive. Nous ne voulons pas exercer des

22 restrictions quelconques quant à

23 sa capacité de déplacement.

24 M. Fila (interprétation). - Je sais que je n'ai plus droit de poser de

25 questions, mais avec votre permission, pourrions-nous identifier cette

Page 864

1 personne, ce Stjepan Zoric dont le surnom était Cevo ?

2 M. Cakalic (interprétation). - Oui, Cevo était son surnom.

3 M. Fila (interprétation). - Vient-il de Cev, du Monténégro ?

4 M. Cakalic (interprétation). - Non Monsieur, c'est une petite abréviation

5 de son nom. Peut-être que vous aussi, vous avez un surnom. Peut-être que

6 vous avez un ami qui avait un surnom et que vous avez du mal à retrouver.

7 Rarement je l'ai appelé Cevo mais, dans ma déclaration je lui ai donné

8 également ce surnom de Cevo. Mais vraiment, il mérite que l'on donne son

9 identité complète. J'ai entendu dire qu'il était mort dans un accident de

10 la circulation.

11 M. Fila (interprétation). - Je vous remercie. Excusez-moi.

12 M. le Président (interprétation). - Monsieur Cakalic, merci beaucoup, une

13 fois encore, d'être venu témoigner ici. Vous pouvez quitter le prétoire.

14 Je crois qu'il va falloir que vous restiez dans le secteur quelque temps.

15 (M. Cakalic quitte le prétoire.)

16 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, le témoin suivant

17 a demandé des mesures de déformation de la voix. Il va nous falloir

18 prendre une petite pause afin que les techniciens puissent travailler.

19 M. le Président (interprétation). - Fort bien. De combien de temps avons-

20 nous besoin ? Dix minutes ? Un quart-d'heure ? Parfait. Nous prenons une

21 pause de 15 minutes.

22 L'audience, suspendue à 15 heures 30, est reprise à 15 heures 45.

23 M. Niemann (interprétation). - Le témoin suivant souhaiterait que lui soit

24 attribué un pseudonyme et qu'il y ait altération des traits de son visage

25 et de sa voix. Nous l'appellerons Témoin B.

Page 865

1 M. le Président (interprétation). - Oui. Monsieur le témoin B, veuillez

2 prononcer la déclaration solennelle.

3 Témoin B (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

4 vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

5 M. le Président (interprétation). - Merci. Veuillez vous asseoir.

6 M. Niemann (interprétation). - Merci. Témoin B, nous allons utiliser le

7 pseudonyme de Témoin B lorsque nous nous adressons à vous. Comprenez-

8 vous ?

9 Témoin B (interprétation). - Oui.

10 M. Niemann (interprétation). - Je vous demanderai de consulter le morceau

11 de papier qui vous est présenté et de dire s'il s'agit bien de notre nom.

12 Témoin B (interprétation). - Oui.

13 M. Niemann (interprétation). - Pouvez-vous montrer ce morceau de papier à

14 M Fila ? Je voudrais, Monsieur le Président, vous demander le versement de

15 cette pièce sous scellés et que cette pièce reçoive la cote dans l'ordre

16 logique des choses.

17 M. le Greffier (interprétation). - Il s'agira de la pièce 54.

18 M. Niemann (interprétation). - Témoin B, le 14 juin 1995, avez-vous donné

19 une déclaration à un enquêteur du Bureau du Procureur du Tribunal

20 international, M. Dennis Milner, sur les événements qui se sont produits

21 et qui vous sont arrivés en 1991 à Vukovar et ailleurs ?

22 Témoin B (interprétation). - Oui.

23 M. Niemann (interprétation). - Cette déclaration a-t-elle été rédigée en

24 anglais et un interprète était-il sur les lieux, interprète qui vous a

25 ensuite relu votre déclaration en croate ? Avez-vous ensuite signé chacune

Page 866

1 des pages de ce document ?

2 Témoin B (interprétation). - Oui.

3 M. Niemann (interprétation). - Veuillez maintenant consulter le document

4 que je vais vous remettre. Il y a la version en anglais et une traduction

5 également qui pourrait être enregistrée sous une cote.

6 Voyez-vous votre signature apposée sur chacune des pages du document en

7 anglais ?

8 Témoin B (interprétation). - Oui.

9 M. Niemann (interprétation). - Je demande le versement de ce document qui

10 recevra sans doute la cote suivante. La traduction recevra également cette

11 même cote suivie de la lettre A.

12 M. le Greffier (interprétation). - Il s'agira de la pièce 55 et, la

13 traduction, de la pièce 55/A.

14 M. le Président (interprétation). - Pas d'objection de Maître Fila ? Très

15 bien.

16 M. Niemann (interprétation). - Témoin B, le 14 septembre 1995, y a-t-il eu

17 un autre interrogatoire par M. Dennis Milner, au terme duquel vous avez

18 également mené une déclaration plus courte ? Celle-ci a-t-elle été ensuite

19 rédigée en anglais et traduite en croate ?

20 Témoin B (interprétation). - Oui.

21 M. Niemann (interprétation). - Voudriez-vous maintenant regarder le

22 document que je vais vous faire transmettre ? Monsieur le Président, nous

23 n'avons pas de traduction en croate, mais je peux m'assurer que ceci sera

24 fait.

25 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, avons-nous reçu ce

Page 867

1 document ? Je ne le crois pas.

2 M. Niemann (interprétation). - Non, apparemment pas vous, Madame et

3 Messieurs les Juges, mais nous l'avons transmis à la défense. Mais nous

4 avons des copies supplémentaires. C'est une déclaration très courte, d'à

5 peine une page.

6 M. le Président (interprétation). - Plus tard peut-être.

7 M. Fila (interprétation). - Je ne l'ai pas reçu en croate.

8 M. Niemann (interprétation). - Non, effectivement, je sais.

9 Témoin, y a-t-il votre signature sur la page de ce document ?

10 Témoin B (interprétation). - Oui.

11 M. Niemann (interprétation). - Je demande le versement de ce document,

12 Monsieur le Président. J'ai ici trois exemplaires de ce document pour

13 vous.

14 M. le Greffier. (interprétation). - Il s'agit de la pièce 56.

15 M. Niemann (interprétation). - Témoin, où êtes-vous né ?

16 Témoin B (interprétation). - Je suis né à Vukovar.

17 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous passé la plupart de votre vie à

18 Vukovar ?

19 Témoin B (interprétation). - Oui, toute ma vie, jusqu'à ce que je parte en

20 exil.

21 M. Niemann (interprétation). - Où êtes-vous allé à l'école ?

22 Témoin B (interprétation). - A Vukovar. J'ai obtenu mon diplôme à l'école

23 d'économie de Vukovar.

24 M. Niemann (interprétation). - Après la fin de vos études, dans quel

25 domaine avez-vous travaillé ?

Page 868

1 Témoin B (interprétation). - Pendant une coupe période, j'ai travaillé sur

2 le domaine de Borovo. Ensuite, j'ai travaillé à Trantsougrieca* dans la

3 filière de Vukovar.

4 M. Niemann (interprétation). - Quel type de commerce ou d'activité avait

5 cette entreprise ?

6 Témoin B (interprétation). - C'était un entreprise de transport

7 international, une entreprise d'import-export, internationale.

8 M. Niemann (interprétation). - Viviez-vous avec votre famille dans la

9 ville de Vukovar avant 1991 ?

10 Témoin B (interprétation). - Oui.

11 M. Niemann (interprétation). - Quand avez-vous fait votre service

12 militaire ?

13 Témoin B (interprétation). - En 1984/1985.

14 M. Niemann (interprétation). - Etes-vous ensuite allé dans une école

15 spéciale, une école des officiers ?

16 Témoin B (interprétation). - Oui. A Karlovac. J'ai effectivement suivi

17 cette formation. J'ai aussi suivi des cours à Pivka.

18 M. Niemann (interprétation). - Vous êtes-vous spécialisé dans une activité

19 militaire en particulier ?

20 Témoin B (interprétation). - Oui, dans le génie. Plus particulièrement,

21 j'étais dans les fortifications et dans les mines.

22 M. Niemann (interprétation). - Je voudrais vous amener au début des

23 hostilités dans la région de Vukovar, des hostilités militaires. Vous

24 trouviez-vous à Vukovar au milieu et vers la fin de 1991 ?

25 Témoin B (interprétation). - Oui.

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1 M. Niemann (interprétation). - Au cours de l'été 1991, pourriez-vous nous

2 décrire comment la situation a changé, comment la vie quotidienne a changé

3 et comment les activités militaires se sont développées ?

4 Témoin B (interprétation). - Il est assez difficile de tout décrire, tout

5 ce qui s'est passé. Mais il est important de décrire les événements de

6 Vukovar, notamment les événements du 2 mai qui ont totalement transformé

7 la situation dans ce qui se passait dans la région de Vukovar. Cela

8 reflétait tout ce qui se passait en Croatie et en ex-Yougoslavie. La vie

9 est devenue de plus en plus difficile. Tout allait dans le sens de

10 l'éclatement d'un conflit.

11 M. Niemann (interprétation). - Votre femme et vos enfants ont-ils quitté

12 la région de Vukovar le 7 août. ?

13 Témoin B (interprétation). - Oui. Ils sont partis "en vacances", ou plutôt

14 on les a envoyés au bord de la mer pendant trois semaines.

15 M. Niemann (interprétation). - Et vous, vous êtes resté à Vukovar au cours

16 de cette période ?

17 Témoin B (interprétation). - Oui. J'y suis resté et j'ai continué à

18 travailler, à faire des travaux dans ma maison qui était en cours de

19 construction.

20 M. Niemann (interprétation). - En septembre 1991, avez-vous pris

21 l'initiative de participer à la défense de Vukovar ?

22 Témoin B (interprétation). - Oui.

23 M. Niemann (interprétation). - Qu'avez-vous fait ?

24 Témoin B (interprétation). - On m'a invité à venir au bâtiment de

25 l'Assemblée municipale et j'ai assisté à une réunion au cours de laquelle

Page 870

1 des nominations ont été faites et des tâches assignées à telle ou telle

2 personne dans le cadre de la défense de Vukovar.

3 M. Niemann (interprétation). - A qui vous êtes-vous adressé lorsque vous

4 êtes arrivé dans ce bâtiment de l'Assemblée municipale ?

5 Témoin B (interprétation). - J'ai rencontré le jeune Yastreb

6 Jorko Branko*, qui a organisé la réunion au nom de M. Dedakovic, et puis

7 le Secrétaire de la Défense nationale, Rehak Daniel.

8 M. Niemann (interprétation). - Ces personnes dont vous venez de donner les

9 noms étaient-elles des militaires ou des civils ?

10 Témoin B (interprétation). - Monsieur Borkovic était un militaire.

11 Monsieur Rehak était le Secrétaire de la Défense nationale dans la

12 municipalité.

13 M. Niemann (interprétation). - En ce qui concerne le Secrétaire de la

14 Défense, était-il lié d'une façon ou d'une autre à la municipalité ou au

15 gouvernement de la République à Zagreb, si vous le savez ?

16 Témoin B (interprétation). - Il avait sans doute des liens avec les deux,

17 avec ces deux échelons d'autorité.

18 M. Niemann (interprétation). - A quelle organisation militaire ces hommes

19 étaient-ils liés ?

20 Témoin B (interprétation). - L'organisation militaire s'appelait

21 "Assemblée des gardes populaires".

22 M. Niemann (interprétation). - Etait-ce là l'organisation qui allait mener

23 à

24 la création d'une autre organisation militaire, que vous pourriez

25 maintenant nous décrire ?

Page 871

1 Témoin B (interprétation). - En bref, c'était une partie de l'Armée croate

2 ou de ce qu'était alors l'Armée croate.

3 M. Niemann (interprétation). - Lorsque que vous êtes allé à la mairie et

4 que vous avez participé à cette réunion, vous a-t-on assigné une tâche ou

5 une mission particulière ?

6 Témoin B (interprétation). - Oui, effectivement. On m'a donné le

7 commandement des unités du génie dans le cadre de la défense de la ville

8 de Vukovar.

9 M. Niemann (interprétation). - Aviez-vous un grade particulier ?

10 Témoin B (interprétation). - Non. J'avais un grade dans l’armée avant,

11 mais à ce moment-là il n’y avait aucune nécessité d'attribuer tel ou tel

12 grade.

13 M. Niemann (interprétation). - Comment vous appelaient les membres de

14 l’organisation militaire qui assuraient la défense ?

15 Témoin B (interprétation). - Ils m'appelaient commandant. C'était une

16 unité normale, il y avait un commandant et les soldats.

17 M. Niemann (interprétation). - Aviez-vous des subordonnés ?

18 Témoin B (interprétation). - Oui, effectivement.

19 M. Niemann (interprétation). - Et combien ?

20 Témoin B (interprétation). - Disons huit, mais cela a changé au vu de

21 différentes circonstances.

22 M. Niemann (interprétation). - Vous a-t-on assigné une tâche

23 particulière ?

24 Témoin B (interprétation). - Oui, je devais poser des mines là où il le

25 fallait, sur la demande de Jastreb, de Mile Dedakovic, de Genio Jastreb*

Page 872

1 ou de

2 Branko Petkovic*.

3 M. Niemann (interprétation). - Portiez-vous des uniformes ?

4 Témoin B (interprétation). - Non, je n’avais pas le temps de demander un

5 uniforme. Il n’y en avait pas suffisamment. La ville était occupée et les

6 vêtements que nous avions étaient réservés aux officiers, aux hommes tués.

7 Donc, en fait, nous avions des bottes de militaires et des insignes du HV

8 ou plutôt de la Garde nationale.

9 M. Niemann (interprétation). - Où se portait cet insigne ?

10 Témoin B (interprétation). - Généralement, sur l’épaule. Mais, étant donné

11 les circonstances, nous les portions n’importe où où nous pouvions les

12 coudre, il n’y avait pas de règle particulière.

13 M. Niemann (interprétation). - Aviez-vous reçu des armes ?

14 Témoin B (interprétation). - Je devais recevoir une arme, mais je n’en ai

15 finalement pas reçu à ce moment-là.

16 M. Niemann (interprétation). - Après avoir rejoint la défense en septembre

17 et de septembre jusqu’à octobre 1991, où étiez-vous basé et que faisiez-

18 vous ? Quelle était la tâche que vous accomplissiez ?

19 Témoin B (interprétation). - Nous étions logés dans le sous-sol de

20 l’ancienne école des apprentis. Nous accomplissions nos tâches, nous

21 posions des mines, nous établissions des fortifications sur ordres de nos

22 commandants supérieurs, de Jastreb, et dans le cadre de la défense de la

23 ville.

24 M. Niemann (interprétation). - De qui receviez-vous vos ordres ?

25 Témoin B (interprétation). - Je l’ai dit, de Jastreb.

Page 873

1 M. Niemann (interprétation). - Et savez-vous qui était son supérieur ?

2 Témoin B (interprétation). - Je ne sais pas qui était son supérieur

3 direct, mais je pense que c’était soit M. Tudjman, soit quelqu’un des

4 hautes sphères

5 dirigeantes.

6 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous parlez de Tudjman, je suppose

7 que vous parlez du Président Tudjman de Croatie.

8 Témoin B (interprétation). - Oui, c’est ça, le haut commandant.

9 M. Niemann (interprétation). - Concernant vos différentes tâches, vous

10 avez décrit les circonstances qui régnaient en septembre, octobre et

11 novembre. Pourriez-vous nous donner plus de détails ?

12 Témoin B (interprétation). - Eh bien, les conditions physiques et

13 psychologiques étaient très dures. Il fallait assurer sa survie. Les

14 conditions étaient très difficiles et on ne savait pas de quoi serait fait

15 le lendemain, et cela a été tous les jours ainsi.

16 M. Niemann (interprétation). - Tous les habitants de Vukovar sont-ils

17 restés dans la ville ou certains sont-ils partis au cours du siège ?

18 Témoin B (interprétation). - Il est difficile de répondre à cette

19 question. Beaucoup d’habitants de Vukovar en sont partis, certains sont

20 revenus. Cela arrivait tous les jours lorsqu’il était possible d’entrer et

21 de sortir de Vukovar.

22 M. Niemann (interprétation). - En novembre, est-il devenu manifeste que la

23 défense de la ville deviendrait impossible ?

24 Témoin B (interprétation). - Oui, cela semblait être tous les jours le

25 cas, mais nous avons continué à nous battre le plus longtemps possible,

Page 874

1 enfin le plus longtemps que nos commandants nous ont demandé de le faire.

2 M. Niemann (interprétation). - Combien de temps cela a-t-il duré ?

3 Témoin B (interprétation). - Jusqu’à mi-novembre.

4 M. Niemann (interprétation). - Que s’est-il passé mi-novembre ?

5 Témoin B (interprétation). - Comme je l’ai dit, beaucoup des lignes de

6 défense avaient cédé sous la pression des forces qui nous étaient

7 supérieures, donc elles avaient dû reculer ou bien avaient été éliminées.

8 Tout d’abord, une partie de Borovo Selo avait été isolée et la défense

9 éliminée. Les liens territoriaux entre différentes parties de la ville ont

10 été supprimés. Après cela, le quartier général a également disparu, il a

11 été démantelé.

12 M. Niemann (interprétation). - Le quartier général des forces de défense

13 a-t-il simplement été démantelé, ou bien les personnes qui le

14 constituaient ont-elles quitté la ville ?

15 Témoin B (interprétation). - Je ne sais pas, c’est difficile à dire parce

16 que lorsque je suis arrivé, un jour, mi-novembre, je me suis rendu au

17 quartier général et il n’y avait plus personne, hormis certaines personnes

18 qui s’étaient en quelque sorte perdues.

19 M. Niemann (interprétation). - Qu’avez-vous fait alors, face à cette

20 situation ?

21 Témoin B (interprétation). - Face à cette situation, je suis reparti

22 auprès de mes hommes. Je les ai en quelque sorte désorganisés, c’est-à-

23 dire que je leur ai dit ce qui s’était passé et de se diriger vers

24 Vinkovci, vers la liberté. Quant à moi je suis retourné chez moi, vers mes

25 parents.

Page 875

1 M. Niemann (interprétation). - Vous avez parlé de la mi-novembre. Pouvez-

2 vous nous donner une date plus précise ?

3 Témoin B (interprétation). - Sans doute le 15 ou le 16 novembre. Je ne

4 peux vous donner la date exacte. Dans ces conditions terribles, on avait

5 du mal à garder la notion du temps et de l'heure.

6 M. Niemann (interprétation). - Où se trouvaient vos parents à ce moment-

7 là ?

8 Témoin B (interprétation). - Mes parents étaient chez moi, dans le sous-

9 sol.

10 M. Niemann (interprétation). - Pendant combien de temps êtes-vous resté

11 dans le sous-sol avec vos parents ?

12 Témoin B (interprétation). - Je vous l’ai dit. Avant cela, lorsque j’ai

13 rejoint la défense, j’y suis resté jusqu’au mois de septembre. Après mi-

14 septembre, je suis resté avec mes parents.

15 M. Niemann (interprétation). - Septembre ou novembre ?

16 Témoin B (interprétation). - Septembre.

17 M. Niemann (interprétation). - Je crois que vous nous avez dit que la

18 défense de Vukovar est devenue impossible à partir de la mi-novembre,

19 n'est-ce pas ?

20 Témoin B (interprétation). - Ce n'est pas qu'elle devenait impossible,

21 mais nous sommes devenus désorganisés, nous avons perdu notre structure

22 militaire.

23 M. Niemann (interprétation). - Qu'avez-vous fait à partir de la

24 mi-novembre ?

25 Témoin B (interprétation). - Je l'ai dit, je suis revenu chez moi, avec

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1 mes parents. Après cela, je leur ai parlé, ils avaient sans doute entendu

2 à la radio ou des voisins leur avaient dit que l'évacuation des habitants

3 était organisée à partie de l'hôpital.

4 M. Niemann (interprétation). - Saviez-vous quand cette évacuation devait

5 avoir lieu ?

6 Témoin B (interprétation). - Non, pas vraiment. Cela n'a pas été indiqué

7 avec précision, mais la rumeur disait que nous devions nous rendre à

8 l'hôpital dans la matinée. Nous devions aller à l'hôpital le matin.

9 M. Niemann (interprétation). - Le matin de quel jour, le savez-vous ?

10 Témoin B (interprétation). - Oui, je suis sûr que c'était le 18 novembre,

11 peut-être le 19. Je n'étais pas certain de la date à l'époque.

12 M. Niemann (interprétation). - Vous êtes-vous effectivement rendu à

13 l'hôpital ce jour-là ?

14 Témoin B (interprétation). - Oui, j'y suis allé avec mes parents.

15 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé à l'hôpital,

16 qu'avez-vous vu ?

17 Témoin B (interprétation). - J'ai vu un grand nombre de personnes qui

18 s'étaient rassemblées tout autour de l'hôpital, entre le vieux bâtiment et

19 le nouveau. Je suis allé voir, bien sûr, les hommes qui avaient été

20 blessés, qui se trouvaient dans l'enceinte de l'hôpital, qui y étaient

21 soignés.

22 M. Niemann (interprétation). - S'agissait-il d'hommes qui avaient servi

23 avec vous pendant le siège de Vukovar ?

24 Témoin B (interprétation). - Oui, c'étaient les hommes qui faisaient

25 partie de mon unité.

Page 877

1 M. Niemann (interprétation). - Vous souvenez-vous du nom des hommes qui

2 ont servi avec vous ?

3 Témoin B (interprétation). - Oui bien sûr, évidemment. C'étaient mes

4 camarades, mes frères d'armes.

5 M. Niemann (interprétation). - Pouvez-vous nous donner des noms ?

6 Témoin B (interprétation). - Oui, si c'est nécessaire. Darko Kalizan...

7 M. Niemann (interprétation). - Qu'avez-vous fait, à part rendre visite à

8 vos hommes lorsque vous êtes allé à l'hôpital ?

9 Témoin B (interprétation). - J'ai donné mon nom à l'insistance de mon père

10 puisque j'avais été blessé à plusieurs reprises. On a mis mon nom sur la

11 liste des

12 blessés qui était dressée par le Dr Jozo Tomic.

13 M. Niemann (interprétation). - Après avoir donné votre nom au Dr Tomic,

14 que s'est-il passé ?

15 Témoin B (interprétation). - Après cela, je suis sorti à l'extérieur de

16 l'hôpital, j'y suis resté avec mes parents pendant un certain temps. Et

17 puis des militaires ou des paramilitaires sont venus du centre-ville,

18 notamment un major de l'ancienne JNA dans un véhicule blindé. Il était

19 accompagné de plusieurs membres de son unité.

20 Ils sont rentrés par la porte principale dans le territoire qui entourait

21 l'hôpital. Cet homme, ce major, a assuré la sécurité du lieu. Je me suis

22 retiré un peu, je suis resté quelque temps à l'extérieur et puis je suis

23 descendu au sous-sol, afin de rendre visite à d'autres membres :

24 Radovan Ilisin notamment et d'autres. C'est là que j'étais lorsque la nuit

25 est tombée.

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1 J'ai passé la nuit au premier étage, peut-être au deuxième de l'hôpital

2 qui avait été partiellement détruit. Le lendemain matin, on nous a

3 appelés. On criait nos noms. Nous avons dû sortir en utilisant la porte

4 des urgences, c'est-à-dire dans l'unité de gynécologie, là où les blessés

5 et les personnes malades étaient amenés.

6 M. Niemann (interprétation). - Qui a émis ces ordres ? Qui vous a ordonné

7 de sortir ?

8 Témoin B (interprétation). - Des gens... Qui ? Je ne sais pas, mais le

9 message a été transmis de personne à personne et il y avait des cris. Ces

10 gens passaient un peu partout et ils disaient que toute personne mobile,

11 qui pouvait marcher, devait partir.

12 M. Niemann (interprétation). - S'agissait-il de membres du personnel

13 médical de l'hôpital, des forces de défense croates ou de quelqu'un

14 d'autre ?

15 Témoin B (interprétation). - Non, non, c'étaient des gens qui étaient

16 venus

17 de l'extérieur. Par la suite, ils étaient habillés moitié en civil, moitié

18 en militaire ou ils avaient simplement une partie d'uniforme, mais

19 aujourd'hui il m'est difficile de le préciser.

20 M. Niemann (interprétation). - Je ne vous demande pas nécessairement de

21 dire de qui il s'agissait, mais est-ce que vous les associez avec la

22 partie croate ou avec la partie serbe ?

23 Témoin B (interprétation). - Disons avec la partie serbe parce qu'ils ne

24 faisaient sûrement pas partie de la partie croate.

25 M. Niemann (interprétation). - Quand vous avez quitté le bâtiment, que

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1 s'est-il passé ?

2 Témoin B (interprétation). - A ce moment-là, ils nous ont fait mettre en

3 rang par deux et ils cherchaient des armes, des grenades, des revolvers,

4 des couteaux.... Je ne sais pas exactement ce qu'ils cherchaient. Après

5 cette fouille, ils nous ont dirigés vers la rue Gunduliceva, vers la

6 sortie arrière du bâtiment, et ils nous ont donné l'ordre de monter à bord

7 d'autobus qui étaient près.

8 M. Niemann (interprétation). - Combien y avait-il de bus à peu près ? Vous

9 le rappelez-vous ?

10 Témoin B (interprétation). - Si je me souviens bien, il y en avait trois.

11 M. Niemann (interprétation). - Aviez-vous déjà vu ces bus auparavant ?

12 Témoin B (interprétation). - Oui, c'étaient des autobus qui comportaient

13 cinquante à soixante places, des autobus normaux.

14 M. Niemann (interprétation). - Savez-vous à quelle heure du matin vous

15 êtes monté à bord de ces autobus ?

16 Témoin B (interprétation). - Il ne pouvait pas être plus tard que 8 heures

17 du matin.

18 M. Niemann (interprétation). - Vous rappelez-vous la date de cet

19 événement ?

20 Témoin B (interprétation). - J'ai déjà dit la date, je pense que très

21 probablement c'était le 20, au matin. Mais je n'étais même pas sûr moi-

22 même des dates à ce moment-là.

23 M. Niemann (interprétation). - Quand vous êtes montés à bord de ces

24 autobus, que s'est-il passé ?

25 Témoin B (interprétation). - Quand nous sommes montés dans les autobus,

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1 nous étions constamment surveillés par un soldat qui nous visait avec son

2 arme. Les autobus sont restés sur place quelque temps, peut-être une demi-

3 heure, peut-être plus longtemps, il est difficile de le dire. Les autobus

4 étaient tournés dans la direction de Borovo. C'est-à-dire en sens inverse

5 de la circulation normale lorsque la situation était normale. Une fois que

6 les autobus ont été remplis, après un certain temps, les autobus ont fait

7 demi-tour sur la route, ils se sont formés en colonne. Et ils ont pris le

8 chemin du centre de la ville.

9 M. Niemann (interprétation). - Qui se trouvait à bord de ces autobus ? N'y

10 avait-il que des gens qui étaient venus à l'hôpital pour y être évacués,

11 ou y avait-il aussi des patients ? Pouvez-vous nous aider sur ce point ?

12 Témoin B (interprétation). - Il est difficile de répondre à cette

13 question, mais tous ceux qui se trouvaient dans les autobus s'étaient

14 trouvés auparavant dans l'enceinte de l'hôpital, c'est-à-dire dans la cave

15 de l'hôpital ou dans un autre endroit dans l'hôpital. Ils se sont trouvés

16 là.

17 Etaient-ce des civils de la ville, étaient-ce des blessés ? Il est

18 difficile de le dire. Il y avait sans doute un mélange des deux.

19 M. Niemann (interprétation). - Y avait-il des gardes à bord de ces

20 autobus ?

21 Témoin B (interprétation). - Oui, un soldat, disons que c'était un soldat.

22 Il nous surveillait et il nous visait de son arme. Il était très tendu, ne

23 nous quittait pas des yeux. C'était une mitraillette qu'il portait.

24 M. Niemann (interprétation). - Et le soldat qui portait cette

25 mitraillette, était-ce un soldat régulier ou un soldat non régulier ?

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1 Témoin B (interprétation). - Je ne peux vous donner que mon point de vue

2 personnel, il est difficile de confirmer avec certitude sa situation mais

3 d'après son aspect, il était permis de penser que c'était un soldat qui

4 n'avait pas encore terminé son service militaire.

5 M. Niemann (interprétation). - Vous parlez de service militaire au sein de

6 la JNA ?

7 Témoin B (interprétation). - Oui, à peu près.

8 M. Niemann (interprétation). - Quand les autobus ont fait demi-tour et ont

9 pris la direction du centre de Vukovar, pouvez-vous nous dire où ils sont

10 allés ?

11 Témoin B (interprétation). - Nous avons pris la direction du centre et le

12 voyage s'est terminé dans l'enceinte de la caserne qui est sans doute

13 d'ailleurs encore une caserne aujourd'hui, c'est la seule caserne.

14 M. Niemann (interprétation). - Par ces mots, vous voulez dire la caserne

15 de la JNA ?

16 Témoin B (interprétation). - Oui, sur le champ de foire.

17 M. Niemann (interprétation). - Quand ils sont arrivés à la caserne, que

18 s'est-il passé ?

19 Témoin B (interprétation). - Quand ce convoi de trois autobus est arrivé à

20 la caserne, il a formé un demi-cercle à peu près au centre de la cour de

21 la caserne et,

22 comme dans l'enceinte de la caserne il y avait pas mal de monde, il y

23 avait même beaucoup de monde, il s'est formé... Comment est-ce que je peux

24 dire ? ...Un attroupement.

25 Ils ont entouré les autobus. Certains proféraient des menaces, certains

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1 lançaient des cris, cela a duré quelque temps, et ensuite deux ou trois

2 autres autobus sont arrivés du champ de foire. Ils se sont présentés à la

3 nouvelle entrée. Maintenant, combien d'autobus exactement sont arrivés à

4 cette entrée, je ne peux pas le dire. Nous sommes encore restés sur place

5 quelque temps, sous les menaces, les insultes, en subissant les cris et,

6 comme je viens de le dire, nous y sommes restés encore quelque temps, deux

7 ou trois heures peut-être, mais peut-être plus ou moins longtemps, c'est

8 difficile à dire.

9 Le convoi a quitté la caserne, il est sorti sur la route principale du

10 champ de foire et a pris la direction du centre de Vukovar, ou plutôt de

11 Negoslavci. Avant d'arriver là-bas, il a tourné à gauche, a emprunté la

12 route qui est prévue pour les travaux agricoles. En fait, c'est une espèce

13 d'allée qui nous a permis d'arriver jusqu'aux bâtiments administratifs de

14 ce complexe agricole, et nous avons été amenés devant un hangar qui se

15 trouve sur ce territoire de Ovcara.

16 M. Niemann (interprétation). - Merci. Je demanderai maintenant que l'on

17 montre au témoin la pièce à conviction n° 20 de l'accusation. Je vous

18 demanderai de jeter un coup d'oeil à cette pièce à conviction qui sera

19 placée sur le rétroprojecteur et je vous prierai de commencer par la

20 première photographie. Vous pouvez les regarder l'une après l'autre et

21 vous pouvez nous dire : "Je parle de la première photographie, de la

22 deuxième photographie" au fur et à mesure que vous les commentez. Je vous

23 demanderai d'utiliser le pointeur pour nous décrire le trajet qui a fini

24 par vous amener à la ferme d'Ovcara. Pouvez-vous faire cela, Monsieur ?

25 Pendant que vous nous

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1 donnerez vos explications quant au trajet que vous avez accompli, il

2 serait bon que vous utilisiez le micro de façon à ce que vous soyez

3 entendu. Il est un peu difficile de faire les deux en même temps, mais

4 c'est ce que je vous demande néanmoins.

5 Témoin B (interprétation). - C'est ici que l'on nous a fait sortir. C'est

6 la porte qui mène à la chirurgie. Là, on nous a placés en rang par deux.

7 Nous avons été fouillés, puis nous avons été dirigés sous escorte jusqu'à

8 la rue Gunduliceva où nous sommes montés dans les autobus.

9 M. Niemann (interprétation). - Le Témoin parlait de la première

10 photographie de la série.

11 Témoin B (interprétation). - Peut-on passer à la deuxième photographie ?

12 M. Niemann (interprétation). - Oui.

13 Témoin B (interprétation). - Les autobus se trouvaient orientés dans ce

14 sens de la circulation, mais en fait, l'avant était en arrière, c'est-à-

15 dire dans la direction de Borovo Selo. Dans le passé, dans les conditions

16 du passé, c'était une rue à sens unique qui allait vers la ville. C'est

17 donc là que nous sommes montés à bord des autobus. Ces autobus, sur cette

18 route, ont fait demi-tour pour prendre la direction de la ville.

19 On peut passer à la troisième photo.

20 M. Niemann (interprétation). - Le Témoin parlait de la deuxième

21 photographie. Vous pouvez nous parler de la photographie suivante ?

22 Témoin B (interprétation). - Les autobus se trouvaient ici. Ils ont fait

23 demi-tour à ce niveau et ont pris la direction du centre de la ville en

24 convoi. Donc, là, nous sommes dans la rue de Gunduliceva, la place

25 Marko Oreskovic, la place Bozidara Adzije, dans le sens de la rue

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1 Dimitrija Tucovica.

2 M. Niemann (interprétation). - Merci.

3 Témoin B (interprétation). - Nous avons donc poursuivi par la rue Tucovica

4 jusqu'au carrefour où nous avons pris la direction du centre. Nous sommes

5 passés par Kraseva. Ensuite, on ne voit plus, il faut passer à la photo

6 suivante. Nous sommes revenus sur la rue Bozidara. Nous avons passé le

7 pont et nous avons poursuivi notre trajet.

8 Ici, nous avons franchi le pont dans le sens du centre, la rue

9 Dimitrija Tucovica jusqu'à droite par la rue Jove et vers le haut.

10 M. Niemann (interprétation). - Le Témoin parlait de la sixième

11 photographie. Nous passons à la septième.

12 Témoin B (interprétation). - Ensuite, nous nous sommes trouvés dans le

13 centre-ville. Nous avons tourné sur la droite, dans la rue Jove de

14 l'époque -je crois qu'elle s'appelle toujours ainsi- et nous avons

15 continué... Excusez-moi, c'est ici, la rue Zmaj Jove. Nous l'avons suivie,

16 puis nous sommes allés jusqu'à Kraseva dans la direction du champ de

17 foire.

18 On peut passer à la photo suivante.

19 M. Niemann (interprétation). - Nous passons à la huitième photographie.

20 Témoin B (interprétation). - Nous sommes toujours dans la rue Zmaj Jove et

21 nous remontons vers la rue Kraceva, vers le carrefour vers le champ de

22 foire.

23 M. Niemann (interprétation). - La neuvième photographie.

24 Témoin B (interprétation). - Nous sommes toujours dans la direction de

25 Kraseva. Nous remontons vers le champ de foire. On peut passer à la photo

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1 suivante.

2 M. Niemann (interprétation). - Dixième photographie.

3 Témoin B (interprétation). - C'est la suite de la rue Kraseva et le

4 passage dans la rue du champ de foire.

5 M. Niemann (interprétation). - Onzième photographie.

6 Témoin B (interprétation). - Le carrefour avec la rue Kraseva et la rue

7 continue vers le champ de foire. Photographie suivante.

8 M. Niemann (interprétation). - Douzième photographie.

9 Témoin B (interprétation). - Ici, il y a le carrefour avec la rue Kraseva

10 et la rue continue toujours vers le champ de foire et la caserne, tout

11 droit.

12 M. Niemann (interprétation). - Treizième photographie.

13 Témoin B (interprétation). - Ici, c'est la caserne. Nous sommes arrivés de

14 la ville par ici. Nous avons tourné à gauche en empruntant cette nouvelle

15 entrée qui mène à la caserne. Et puis, nous avons fait ici un demi-tour.

16 C'est là que les autobus se sont arrêtés en demi-cercle. Ils étaient

17 trois. Ensuite, il y en a au moins deux ou trois qui ont rejoint les trois

18 premiers, le premier convoi, en entrant par la même entrée.

19 Puis après pas mal de temps à l'arrêt, où nous avons subi des insultes,

20 des menaces, des vexations, toutes sortes d'autres choses que je n'avais

21 vues ni vécues en d'autres circonstances, nous sommes repartis par le même

22 chemin en ressortant par l'entrée par laquelle nous étions entrés pour

23 aller dans la direction de Negoslavci, c'est-à-dire dans le sens inverse

24 de la ville, vers le village de Negoslavci.

25 Photo suivante, s'il vous plaît.

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1 M. Niemann (interprétation). - Je crois que l'on peut sauter les deux

2 photographies suivantes, la quatorzième et la quinzième. Voici la seizième

3 photographie.

4 Témoin B (interprétation). - On voit ici la sortie de la ville, ou plutôt

5 du champ de foire, et la direction qui mène vers le village de Negoslavci.

6 M. Niemann (interprétation). - La photo suivante, la dix-septième.

7 Témoin B (interprétation). - C'est donc la sortie de Vukovar et la

8 direction qui mène à Negoslavci. Nous avons tourné à gauche, mais je ne

9 suis pas sûr que ce soit

10 exactement à cet endroit que nous avons tourné à gauche, car c'était une

11 route asphaltée. Peut-être est-ce une erreur. En tout cas, nous avons

12 tourné à gauche et poursuivi notre chemin.

13 M. Niemann (interprétation). - La dix-huitième photographie, la suivante.

14 Témoin B (interprétation). - Toujours ce virage. Je n'ai rien qui me

15 prouve que c'est vraiment à cet endroit que nous avons tourné. En tout

16 cas, c'est soit ici, soit un peu plus loin, mais nous avons tourné à

17 gauche, vers Ovcara.

18 M. Niemann (interprétation). - Photo suivante, n° 19.

19 Témoin B (interprétation). - C'est sans doute de là que nous sommes

20 arrivés. C'est là que nous avons tourné à droite. Nous avons continué vers

21 le bâtiment administratif d'Ovcara probablement.

22 M. Niemann (interprétation). - Photo n° 20.

23 Témoin B (interprétation). - Nous avons poursuivi notre chemin par cette

24 route, dans cette direction, puis à gauche, encore un peu à gauche et nous

25 sommes arrivés dans le cadre des bâtiments administratifs d'Ovcara, puis à

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1 droite jusqu'à un hangar.

2 M. Niemann (interprétation). - Numéro 21 ?

3 Témoin B (interprétation). - C'est toujours la même route vue sous un

4 autre angle, donc la route par laquelle nous sommes arrivés. Nous sommes

5 rentrés sur le territoire d'Ovcara et, toujours en convoi, nous avons

6 poursuivi notre chemin jusqu'au moment où nous nous sommes arrêtés devant

7 le hangar où a commencé le déchargement des autobus, l'un après l'autre.

8 M. Niemann (interprétation). - Numéro 22 ?

9 Témoin B (interprétation). - Ici, nous sommes déjà sur le territoire

10 d'Ovcara. Nous avons donc continué jusqu'au hangar. C'est là que nous nous

11 sommes

12 arrêtés, au niveau de l'entrée dans le hangar.

13 M. Niemann (interprétation). - Eh bien, nous allons laisser de côté cette

14 pièce à conviction pour le moment, mais elle devrait rester sur le

15 rétroprojecteur. Témoin B, vous avez déclaré être arrivé dans le hangar

16 que vous venez de nous montrer sur la pièce à conviction n° 20. Que s'est-

17 il passé à ce moment-là, lorsque les autobus se sont arrêtés à cet

18 endroit ?

19 Témoin B (interprétation). - Un par un, les voyageurs -appelons-les des

20 voyageurs- ont reçu l'ordre de descendre de son autobus et il a dû passer

21 à travers une haie d'hommes. La haie n'était pas immédiatement à cet

22 endroit, mais un peu plus loin. On ne la voyait pas. En passant dans cette

23 haie, chacun se faisait retirer tout ce qu'il avait sur lui : les objets

24 de valeur, les vestes... Tout ce qu'ils trouvaient, ils le prenaient.

25 Ils ont commencé à maltraiter les hommes et il s'est constitué un tas

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1 d'objets personnels qui avaient été retirés aux hommes. Ensuite, les

2 hommes ont été contraints d'entrer dans le hangar où attendaient ceux qui

3 étaient rangés en haie. Ils nous frappaient avec des matraques, avec tout

4 ce qu'ils avaient à la main... Je ne sais pas, ce qu'ils avaient... Des

5 pelles, des câbles métalliques, des armes. Ils nous frappaient à coups de

6 pied et avec les mains. Ils utilisaient tout ce qui leur tombait sous la

7 main pour nous frapper.

8 Après cela, un par un, les autobus se sont vidés. Les hommes ont été

9 contraints de rentrer dans le hangar et les tortures ont continué. Les

10 sévices se sont poursuivis avec une intensité moindre ou accrue. Certains

11 ont souffert davantage, d'autres moins. En tout cas, c'est l'enfer ou

12 l'antichambre de l'enfer qui a eu lieu dans ce hangar.

13 M. Niemann (interprétation). - Quel était votre ordre de sortie ?

14 Témoin B (interprétation). - Je pense que j'étais le troisième, dans le

15 troisième autobus.

16 M. Niemann (interprétation). - Aviez-vous une montre en votre possession

17 lorsque que vous êtes monté dans l'autobus ?

18 Témoin B (interprétation). - Oui, je l'avais encore sur moi.

19 M. Niemann (interprétation). - Qu'est-il arrivé à votre montre ?

20 Témoin B (interprétation). - En traversant cette haie d'hommes, ma montre

21 s'est cassée puisque j'ai reçu par mal de coups sur tout le corps et sur

22 la tête. Bien évidemment, ma montre n'a pas pu supporter le choc et elle

23 s'est brisée.

24 M. Niemann (interprétation). - Vous venez de dire avoir été frappé à la

25 tête. Avec quoi vous a-t-on frappé à la tête ?

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1 Témoin B (interprétation). - C'était sans doute un câble métallique. J'ai

2 reçu un coup très fort et cela m'a fait une énorme bosse à la tête. En

3 traversant la haie après cela, j'ai reçu encore d'autres coups. Ensuite,

4 on m'a jeté sur de la paille qui se trouvait à un endroit dans le hangar.

5 M. Niemann (interprétation). - Qui vous a frappé à la tête ? Le savez-

6 vous ? L'avez-vous vu ?

7 Témoin B (interprétation). - Non, il y avait un tel désordre, un tel

8 chaos, tellement de poussière qu'il était impossible de voir quoi que soit

9 dans une telle situation.

10 M. Niemann (interprétation). - Ces hommes vous ont-ils semblé être des

11 soldats réguliers ou était-ce des paramilitaires ? Avez-vous pu le

12 vérifier ?

13 Témoin B (interprétation). - La seule conclusion que j'ai pu tirer, je

14 l'ai tirée au moment où j'ai vu les hommes devant moi qui commençaient à

15 se faire retirer leurs objets personnels et à se faire maltraiter et

16 frapper, avant même l'entrée du hangar, et sans imaginer ce qui allait se

17 passer à l'intérieur du hangar. J'ai donc pu

18 constater que ce groupe était composé d'hommes aux aspects très divers.

19 C'était des voyous, pour employer un terme neutre, mais qui portaient les

20 insignes de l'ex-JNA.

21 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous reconnu des hommes dans cette

22 foule de voyous que vous avez vus et qui frappaient ces hommes ?

23 Témoin B (interprétation). - Oui.

24 M. Niemann (interprétation). - Pouvez-vous donner le nom de quelques-uns

25 de ces hommes que vous dites avoir reconnus ?

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1 Témoin B (interprétation). - C'est très difficile, mais avant ma sortie de

2 l'autobus, avant d'entrer dans le hangar, j'ai vu Dusan Borovac, par

3 exemple, surnommé Dule, un commerçant de Borzava*. C'était donc un

4 habitant de la région, quelqu'un qui vivait à Vukovar. Lui, je l'ai vu, je

5 le dis avec certitude.

6 M. Niemann (interprétation). - Quand vous avez pénétré dans le hangar et

7 que vous avez été jeté sur cette paille, les hommes se sont-ils fait

8 tabasser à l'intérieur du hangar ?

9 Témoin B (interprétation). - Eh bien, j'ai dit que c'est à ce moment-là

10 qu'a commencé la terreur, avec une intensité moindre ou plus grande, mais

11 une dizaine d'hommes circulaient en cercle par deux ou trois et ils

12 s'arrêtaient devant l'un ou l'autre des hommes auxquels ils posaient des

13 questions, qu'ils maltraitaient, auxquels ils prenaient tout ce qu'ils

14 avaient sur eux, qu'ils frappaient avec tout ce qui leur tombaient sous la

15 main, avec des fusils ou, pour être plus précis, ils frappaient avec la

16 crosse de leurs fusils. Certains avaient même des battes de base-ball. Je

17 ne vous dirai pas comment ils utilisaient leurs poings, leurs pieds, leurs

18 bottes militaires.

19 J'ai même vu Vladimir Djukic, surnommé Dado. Il était grièvement blessé en

20 dessous des genoux. Il avait des plaies aux jambes et il avait eu le plus

21 grand mal à monter à bord de l'autobus. Je ne sais pas du tout comment il

22 est arrivé jusqu'au hangar

23 et comment il a pu pénétrer dans le hangar. Il avait des béquilles pour

24 simplement être capable de marcher et ils lui ont cassé ses béquilles en

25 le frappant aux jambes.

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1 Est-ce qu'ils frappaient plus durement les gens qu'ils connaissaient,

2 peut-être... Ou est-ce qu'ils frappaient ceux qui disaient ne pas être

3 résidents de Vukovar ? En tout cas, ils se sont montrés encore plus

4 brutaux sur certains hommes, plus violents. Ils pensaient que cela ne leur

5 nuirait pas parce qu'on ne les retrouverait pas à Vukovar par la suite.

6 Je suppose, parce qu'il y en avait un qui était tout près de moi, qu'il

7 est mort sous l'effet des coups et des tortures. Il a été obligé de

8 chanter des chants et autres hymnes Chetniks et pour dire les choses

9 brièvment, tant qu'il a eu un souffle de vie, il a été obligé de chanter.

10 Ils n'arrêtaient pas de le frapper et de le piétiner et je crois qu'ils

11 ont continué tant qu'il a encore eu un souffle de vie. Il était surnommé

12 Kemo.

13 M. Niemann (interprétation). - Vous dites que vous imaginez, que vous

14 pensez qu'il est mort, que voulez-vous dire par là ? Est-ce qu'il vous a

15 semblé mort ?

16 Témoin B (interprétation). - Après tout cela, il m'a semblé qu'il était

17 mort, il ne bougeait plus. Je ne sais pas ce qui lui est arrivé ensuite.

18 Il était tout près de moi.

19 M. Niemann (interprétation). - Après que tous les bus ont été vidés,

20 d'après vous, combien de personnes se trouvaient dans ce bâtiment ?

21 Témoin B (interprétation). - Il est difficile de donner un chiffre. Je

22 dirais entre 200 et 300 personnes.

23 M. Niemann (interprétation). - Y avait-t-il une personne qui semblait

24 avoir le contrôle de la situation parmi ces personnes qui frappaient les

25 civils ?

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1 Témoin B (interprétation). - Il y avait un homme de grande taille qui

2 portait cet uniforme vert olive couleur SMB, de l'enseigne de la JNA. Il

3 n'avait pas

4 d'insigne. C'était un homme de très grande taille. Il avait une moustache

5 et utilisait un sifflet.

6 C'est lui qui réglait les activités des autres, c'est lui qui les arrêtait

7 ou qui leur disait au contraire de poursuivre. Il disait cela aux

8 personnes qui commettaient toutes ces atrocités. C'était son sifflet qui

9 lui servait de moyen de communication avec ses subordonnés, peut-être est-

10 ce ainsi qu'il faut les appeler.

11 Mais tandis que ses subordonnés battaient les gens et circulaient dans le

12 bâtiment, d'autres de ces personnes nous tenaient en joue avec un fusil.

13 Il y avait également des personnes de Vukovar qui tenaient ces fusils,

14 sans doute des réservistes.

15 M. Niemann (interprétation). - Veuillez regarder la photo suivante dans la

16 série qui a été placée sur le rétroprojecteur à vos côtés. Il s'agit de la

17 pièce de l'accusation n° 20. Je souhaite que vous regardiez la vingt-

18 troisième photographie.

19 Témoin B (interprétation). - Oui.

20 M. Niemann (interprétation). - Vous reconnaissez ce que l'on voit sur

21 cette photo ?

22 Témoin B (interprétation). - Oui, c'est le hangar. Sauf qu'à l'époque, il

23 n'y avait pas tous ces véhicules qui s'y trouvaient. A l'époque, le hangar

24 était à moitié rempli de paille. Il y avait un certain nombre d'entrées ou

25 de sorties dans ce hangar. Cela, c'est l'entrée principale où se trouvait

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1 la haie d'hommes où nous nous sommes fait frapper.

2 M. Niemann (interprétation). - Vous pouvez passer à la photographie

3 suivante s'il vous plaît, la photographie n° 24.

4 Témoin B (interprétation). - Il est difficile de se situer sur cette

5 photographie, mais si l'entrée se trouve ici -mais c'est un peu difficile

6 de le dire précisément- alors, c'est là que se trouvait la haie et c'est

7 par là que nous sommes

8 entrés. Et c'est ainsi que nous avons été jetés dans ce hangar.

9 M. Niemann (interprétation). - Examinez maintenant la vingt-cinquième

10 potographie, la photographie suivante.

11 Témoin B (interprétation). - Oui. Il s'agit là aussi du hangar. Comme je

12 l'ai dit précédemment, il y avait un certain nombre d'entrées dans ce

13 hangar. Il est donc difficile de dire où se trouvait l'entrée principale.

14 Mais si elle était de ce côté-ci, alors je dirais que la haie se trouvait

15 ici, par rapport à l'entrée.

16 M. Niemann (interprétation). - Je vous remercie.

17 Témoin B (interprétation). - Je vous en prie.

18 M. Niemann (interprétation). - Pendant toute la période qu'elles ont

19 passée dans ce hangar, certaines personnes ont été frappées, mais outre

20 cela, se produisait-il quelque chose d'autre que vous ayez remarqué ?

21 Témoin B (interprétation). - Une liste a été dressée. Comment pourrais-je

22 expliquer ? Une liste des noms de tous les prisonniers, toutes les

23 victimes. Il y avait un soldat dans son uniforme tout propre, vert olive,

24 très net, il portait une moustache, il avait les cheveux coupés ras, il

25 était dans un uniforme de camouflage. C'est lui qui a dressé la liste de

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1 tous les détenus.

2 Après un certain temps, le crépuscule était venu, la nuit avait dû

3 tomber ; c'était presque l'hiver, vous savez. Ils ont branché des

4 générateurs, enfin quelque chose qui permet d'obtenir de l'électricité, de

5 la lumière. Pendant tout ce temps-là, ils allaient et venaient, entraient

6 ou sortaient du hangar. Je parle de toutes ces personnes qui ont maltraité

7 et torturé les personnes qui s'y trouvaient. Après la tombée de la nuit,

8 des gens ont commencé à sortir. Ils étaient 10 ou 15. C'est eux qui

9 disaient combien de personnes devaient former une file et, une fois que la

10 file était formée, on les faisait sortir du hangar.

11 M. Niemann (interprétation). - Qui leur disait de former cette file ?

12 Témoin B (interprétation). - Ces soldats qui étaient armés. Je ne sais pas

13 qui exactement a donné l'ordre de faire sortir ces hommes, mais ce sont

14 les soldats qui se trouvaient là. Ce sont eux qui se sont occupés de faire

15 sortir les détenus en file. Cela se passait toutes les dix ou quinze

16 minutes environ.

17 M. Niemann (interprétation). - Lorsque les hommes sont sortis, avez-vous

18 entendu quoi que ce soit ?

19 Témoin B (interprétation). - Je n'ai rien remarqué de spécial. Il y avait

20 beaucoup de bruit. Il y avait un camion ou peut-être était-ce un

21 générateur qui était branché. Il y avait beaucoup de bruit à l'extérieur.

22 Mais non, je n'ai rien remarqué de spécial, hormis ce bruit dont j'ai

23 parlé.

24 M. Niemann (interprétation). - Vous avez déclaré que certains hommes

25 étaient désignés pour former des groupes de quinze ou plus de personnes.

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1 Sur quelle base, ces hommes étaient-ils désignés ? Etaient-ils désignés

2 systématiquement ou bien occupaient-ils certains postes ? Qu'est-ce qui

3 déterminait le fait que ces hommes étaient choisis ?

4 Témoin B (interprétation). - Non, ce n'était pas systématique, mais

5 comment dirais-je, c'était technique. En fait, cela dépendait de l'endroit

6 où ils étaient assis dans le hangar. Ils ont commencé à faire sortir les

7 gens qui se trouvaient près de la porte et en procédant ainsi

8 progressivement. Cela ne se basait sur aucun critère particulier. Peut-

9 être sélectionnaient-ils les groupes de quinze ou vingt.

10 M. Niemann (interprétation). - Où vous trouviez-vous dans les hangars par

11 rapport à la porte ?

12 Témoin B (interprétation). - Assez loin, vers le milieu du hangar. J'étais

13 dans le troisième, le quatrième, peut-être même le cinquième groupe, c'est

14 difficile à

15 dire. Ce qui était certain, c'est que je ne faisais partie ni du premier

16 groupe, ni du dernier.

17 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous reconnu ces hommes qui faisaient

18 partie de ces groupes et qui ont été emmenés à l'extérieur ?

19 Témoin B (interprétation). - C'est un peu difficile à dire. je connaissais

20 mes voisins immédiats. Je les ai vraiment vus, mais je ne peux pas

21 vraiment me prononcer sur les autres.

22 M. Niemann (interprétation). - Vous ne pouvez pas nous donner le nom de

23 certaines de ces personnes ?

24 Témoin B (interprétation). - Je peux donner le nom de mes voisins

25 immédiats, de ces personnes que j'ai reconnues par exemple. Il y avait

Page 896

1 Stanko Duvnjak, un policier de Vukovar, Milan Greza qui était inspecteur

2 de police, Drago Krizan, Vladimir Djukic, Zvonko Varenica, le jeune

3 Zambja, Slaven Vukorevic, Damir... c'était un des chauffeurs de l'hôpital.

4 Kemo également se trouvait là. Il me semble qu'ils l'ont battu à mort, sur

5 place dans le hangar.

6 Voici certains des noms dont je suis à même de me souvenir pour l'instant.

7 M. Niemann (interprétation). - A un moment donné, vous avez vous-même été

8 désigné pour être emmené à l'extérieur ?

9 Témoin B (interprétation). - Oui, en effet, je l'ai dit. J'étais dans le

10 troisième, dans le quatrième, peut-être même dans le cinquième groupe. Moi

11 aussi, j'ai été emmené à l'extérieur. J'ai dû, moi aussi, monter dans un

12 véhicule militaire. C'était un camion de deux tonnes à peu près, recouvert

13 d'une bâche. Un certain nombre d'entre nous avons dû monter dans ce

14 véhicule. Je ne sais pas exactement combien nous étions.

15 Mais je connaissais certaines des personnes qui m'entouraient. Par

16 exemple, je connaissais Zeljko Jurela, Nato Pero que je connaissais

17 auparavant.

18 M. Niemann (interprétation). - Pourriez-vous nous aider en nous disant de

19 combien de personnes votre groupe était constitué ? Je ne vous demande pas

20 un chiffre précis, simplement une évaluation.

21 Témoin B (interprétation). - Je dirais que nous étions de dix à quinze.

22 C'est vraiment assez difficile d'être précis sur ce point. A ce moment-là,

23 on ne pensait pas à compter les gens qui nous entouraient ou à se souvenir

24 des visages de ces personnes, mais au vu de la taille de ce camion, on

25 peut déduire le nombre approximatif de personnes qui s'y trouvaient, parce

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1 que c'était un véhicule classique, un véhicule de deux tonnes environ, un

2 véhicule militaire capable de transporter un certain nombre de personnes.

3 Quant au nombre de personnes qui pouvaient effectivement y monter, je peux

4 dire que nous n'étions pas trop serrés. Je dirais que nous étions quinze

5 ou vingt.

6 M. Niemann (interprétation). - Comment êtes-vous monté dans le camion ?

7 Témoin B (interprétation). - Nous sommes montés par la partie centrale du

8 camion, en utilisant des marches dépliables, des escaliers improvisés.

9 M. Niemann (interprétation). - Quelles étaient les conditions à

10 l'extérieur ? Faisait-il nuit ? Pouvez-vous nous décrire la situation ?

11 Témoin B (interprétation). - Il faisait nuit, mais la lune brillait. Donc

12 il ne faisait pas nuit noire. En fait, le ciel était très clair.

13 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous êtes monté dans le camion, y

14 avait-il des soldats à l'arrière du camion ou seulement des prisonniers ?

15 Témoin B (interprétation). - Non, il n'y avait que des prisonniers.

16 D'abord, ils nous ont fait monter dans le camion, puis les soldats ont

17 replié ces marches et ils ont fermé l'entrée par laquelle nous étions

18 passés. Comme je l'ai précisé, le camion était

19 recouvert d'une bâche. Ensuite, ils sont montés dans la cabine du

20 chauffeur, juste à côté de lui.

21 M. Niemann (interprétation). - Etiez-vous assis dans le camion lorsque

22 vous êtes monté ?

23 Témoin B (interprétation). - Je ne sais pas si je me suis assis, mais je

24 sais que je me trouvais du côté gauche du camion, si on le regarde du côté

25 par lequel nous sommes montés. Quand vous montez par l'arrière du camion,

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1 je me trouvais vers le côté gauche, au centre à peu près.

2 M. Niemann (interprétation). - Quand vous dites le centre du camion, vous

3 voulez dire à peu près au milieu par rapport à la cabine du chauffeur et à

4 l'arrière du camion ?

5 Témoin B (interprétation). - Oui, tout à fait.

6 M. Niemann (interprétation). - L'arrière du camion était-il bloqué par une

7 toile ou par une bâche ? Y avait-il quoi que ce soit qui bloquait

8 l'arrière du camion ?

9 Témoin B (interprétation). - Je l'ai déjà dit, j'ai dit que le camion

10 était intégralement recouvert d'une bâche, l'arrière compris.

11 Je dirais que 80% de l'arrière était couvert. Il y avait seulement un

12 petit espace qui permettait aux prisonniers de monter au milieu du camion.

13 Il y avait une petite ouverture qui avait été pratiquée et nous

14 l'utilisions pour monter dans le camion. C'est après cela que les petites

15 marches ont été démontées et que cette ouverture a été fermée. Tout a été

16 fermé.

17 M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?

18 Témoin B (interprétation). - Nous étions montés dans le camion, nous avons

19 repris la route déjà empruntée pour arriver. Nous avons pris à droite par

20 rapport au hangar, nous avons suivi cette route pendant un moment, en

21 direction de Grabovo.

22 Après un kilomètre, un kilomètre et demi peut-être, nous sommes arrivés à

23 une petite pente. Le camion a ralenti, a tourné sur la gauche. Il a pris

24 un chemin de terre qui traversait un bois. C'était une espèce de terre

25 marécageuse entre Ovcara et Grabovo.

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1 Nous avons poursuivi dans une direction qui nous était inconnue et on nous

2 a dit que l'on nous emmenait dans un autre hangar, que nous n'étions que

3 transférés dans un endroit.

4 Après un certain temps, un des prisonniers a eu une idée. Il a dit qu'il

5 allait sauter du camion, mais un autre prisonnier l'a empêché de le faire.

6 Il l'a persuadé de ne pas sortir du camion. Lui hésitait. Il a fini par ne

7 pas le faire. A ce moment précis, moi j'ai décidé de le faire. Je me suis

8 glissé dans cet espace dont j'ai parlé tout à l'heure et j'ai sauté par

9 l'arrière du camion.

10 M. Niemann (interprétation). - Que s'est-il passé lorsque vous vous avez

11 sauté du camion ?

12 Témoin B (interprétation). - J'ai sauté du camion, je me suis retourné

13 pour voir si quelqu'un me suivait ou m'avait vu, je me suis dirigé vers

14 Vukovar. En tout cas, j'ai repris la direction du hangar, mais dans la

15 direction générale de Vukovar. Alors que je m'éloignais, régulièrement je

16 me retournais. Je voyais bien que j'arrivais à creuser la distance qui me

17 séparait du camion. Comme c'était une vallée, j'ai fini par remonter la

18 route et j'ai poursuivi en direction de Mitnica. Cela vous permet peut-

19 être de vous repérer plus facilement.

20 Alors que je m'éloignais, après un certain temps, quelques secondes, peut-

21 être une minute, enfin très peu de temps après, j'ai entendu une rafale de

22 coups de feu très brève, et puis des coups de feu isolés. C'est la

23 dernière chose que j'ai entendue. J'ai continué mon chemin, j'ai continué

24 à m'éloigner. Parfois je courais, parfois je marchais... disons que je

25 fuyais plutôt en direction de Vukovar.

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1 M. Niemann (interprétation). - J'aimerais à présent que vous fassiez la

2 chose suivante. Veuillez regarder la pièce à conviction n° 20, surtout la

3 dernière photographie de cette pièce. Je vais également vous soumettre une

4 autre photographie qui n'a pas reçu de cote pour l'instant. Je vais

5 demander au greffier de bien vouloir lui en donner une.

6 Monsieur le Président, la photographie qui est en train de recevoir une

7 cote est en fait identique à celle qui apparaît dans la pièce 20, la 26ème

8 photo et je souhaite que le témoin appose un certain nombre d’indications

9 sur cette photographie.

10 M. le Greffier. - Il s'agit de la pièce de l'accusation numéro 57.

11 M. Niemann (interprétation). - Témoin B, veuillez simplement pour

12 l’instant comparer ces deux photographies. Dites-nous, pour les besoins du

13 compte rendu, s’il s’agit bien de la même photographie ?

14 Témoin B (interprétation). - Oui.

15 M. Niemann (interprétation). - Maintenant, nous pouvons retirer la pièce

16 du rétroprojecteur et nous pouvons y placer la photographie que le témoin

17 a entre les mains. Cette pièce peut être rendue au Greffe, Monsieur

18 l’huissier, merci.

19 Vous avez, Monsieur le Témoin, sur la table qui est en face de vous un

20 feutre bleu, auriez-vous l'obligeance d'apporter certaines précisions sur

21 cette photographie ? Je voudrais que vous nous indiquiez le chemin que

22 vous avez suivi avec le camion. Commencez d’abord par nous indiquer cette

23 petite pente de la route. Veuillez poursuivre en nous précisant la route

24 que vous avez prise cette nuit-là.

25 Témoin B (interprétation). - Donc la pente commence ici, le point le plus

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1 bas est là, ensuite la pente remonte.

2 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, peut-être puis-je

3 vous aider en demandant à ce que la lumière soit baissée, je crois

4 qu’ainsi, nous

5 pourrons mieux voir ce que le témoin indique. Je souhaite également que la

6 photo soit placée au centre du rétroprojecteur. Merci.

7 Commencez d’abord par ce qui s’est passé au hangar. Indiquez-nous

8 l’endroit où vous êtes monté dans le camion ?

9 Témoin B (interprétation). - Le hangar se trouve ici.

10 M. Niemann (interprétation). - Faites un signe bien distinctif pour que

11 tout soit clair. Ici, vous nous indiquez l’endroit où la route descend,

12 n’est-ce pas ? Pouvez-vous faire une indication à cet endroit ?

13 Témoin B (interprétation). - Oui. C’est quelque part par ici.

14 M. Niemann (interprétation). - Où commence le chemin de terre dont vous

15 avez parlé ? Vous pouvez l’indiquer, s’il vous plaît ?

16 Témoin B (interprétation). - L’endroit où il commence ? Il commence ici,

17 voici la route, là on voit bien que c’est un chemin de terre qui commence,

18 une forêt.

19 M. Niemann (interprétation). - Maintenant, voulez-vous, s’il vous plaît,

20 indiquer le chemin de terre, et ensuite l’endroit d’où vous avez sauté du

21 camion ?

22 Témoin B (interprétation). - Quelque chose comme ça... à peu près ici...

23 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous êtes descendu du camion,

24 qu'avez-vous fait ensuite ?

25 Témoin B (interprétation). - J’ai commencé à courir, à grimper la pente et

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1 j’ai poursuivi ma fuite vers Vukovar.

2 M. Niemann (interprétation). - Je vous remercie. Nous pouvons rallumer la

3 lumière. J’ai entre les mains une carte de la région, j’aimerais que vous

4 l’examiniez, s’il vous plaît. Peut-on assigner une cote à cette nouvelle

5 pièce à conviction ? J’ai également un exemplaire de cette même carte à la

6 disposition des conseils de la défense. C’est une carte dont ils disposent

7 déjà, mais c’est un agrandissement de cette

8 carte. Placez cette carte sur le rétroprojecteur et essayez de vous y

9 repérer, s’il vous plaît.

10 J’aimerais maintenant que vous m’aidiez à nouveau, du mieux que vous le

11 pouvez. Indiquez-nous l’intégralité du chemin depuis Ovcara, montrez-nous

12 l’endroit où vous avez quitté le véhicule et enfin le chemin que vous avez

13 emprunté pendant votre fuite.

14 Témoin B (interprétation). - Fort bien. J’utilise le feutre bleu ?

15 M. Niemann (interprétation). - Oui. Au fur et à mesure que vous marquez

16 des indications, veuillez nous indiquer ce que vous décrivez. Si vous ne

17 pouvez être très précis sur le secteur de Vukovar, ne vous inquiétez pas,

18 indiquez les choses de façon générale et peut-être pourrez-vous être plus

19 précis lorsque il s’agira d’indiquer le chemin de terre et le reste des

20 indications.

21 Témoin B (interprétation). - Oui. Donc l’hôpital est ici. Nous sommes

22 passés par le centre de la ville, en passant par le champ de foire. Par

23 ici, il y a la caserne. Nous avons pris la direction de Negoslavci, par

24 ici. Et juste avant Negoslavci, la route part sur la gauche, puis à

25 nouveau sur la droite. Et voici le hangar, c’est là que nous sommes

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1 descendus. Ensuite, quand on nous a à nouveau emmenés, nous sommes passés

2 par là, il y a eu la petite pente que j’indique, puis le chemin de fer.

3 C’est là que j’ai dû sauter du camion, quelque part par là. J’ai commencé

4 à revenir sur le chemin que nous avions parcouru pour rejoindre Vukovar.

5 Je poursuis ?

6 M. Niemann (interprétation). - Pour indiquer qu’il s’agit bien du chemin

7 que vous avez fait dans l’autre sens, indiquez le chemin en faisant des

8 lignes en pointillés.

9 Témoin B (interprétation). - Je vais le faire, j’ai commencé à faire une

10 ligne droite, mais maintenant je vais faire des pointillés.

11 Donc, voilà, je traverse le petit bois, je traverse les champs de maïs, le

12 champ de foire, j’ai traversé la route. Puis j’ai pris la route

13 Petrovicki, puis la route qui va vers Bogdanovci, j’ai pris sur la gauche

14 de Bogdanovci et j’ai pris la direction de Vinkovci. J’ai poursuivi mon

15 chemin en direction de Vinkovci et j'ai atteint le village de Cerici,

16 enfin c’est ce que j’ai cru à ce moment-là. Je l’ai presque dépassé et,

17 comme je souffrais de déshydratation, après cette longue marche, si c’est

18 ainsi qu’on peut l’appeler, je suis revenu sur mes pas et je me suis

19 abrité. En fait, j’ai réveillé des réservistes de la JNA qui devaient se

20 trouver là et j’ai été capturé.

21 M. Niemann (interprétation). - Parfait, je vous remercie. Monsieur le

22 président, je demande le versement au dossier de ces deux pièces, s’il

23 vous plaît.

24 M. le Greffier. - Il s’agira des pièces 57 et 58 de l’accusation.

25 M. Niemann (interprétation). - Après avoir été capturé par ces

Page 904

1 réservistes, que s’est-il passé ? Que vous est-il arrivé ?

2 Témoin B (interprétation). - J’ai passé tout le reste de la nuit dans une

3 pièce de ce bâtiment où ils demeuraient au matin. Ils m’ont emmené en

4 voiture au quartier général qui se trouvait quelque part au centre du

5 village. Bien évidemment, ils se sont demandés ce qu’ils allaient faire de

6 moi. Entre-temps des réservistes m’ont parlé, de temps à autre, ils me

7 frappaient. Ils ont pris une pièce en or qui me restait, que mon père

8 m'avait donnée juste avant que je parte. Ils l'ont trouvée.

9 Ils m'ont frappé à l'arcade sourcilière. J'ai donc commencé à saigner. Je

10 n'y ai pas passé beaucoup de temps. Je n'ai pas attendu longtemps. Ils

11 m'ont de nouveau fait monter dans un camion et ils m'ont emmené vers

12 Stari Jancovci.

13 Ils m'ont emmené de nouveau dans une maison qui avait été transformée.

14 C'était devenu une espèce de quartier général. On m'a mis dans la cave. On

15 m'a frappé.

16 Moi-même et les autres qui se trouvaient là. Il y avait des prisonniers de

17 Vukovar.

18 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous été interrogé pendant tout ce

19 temps ?

20 Témoin B (interprétation). - Oui, effectivement. On m'a emmené pour un

21 interrogatoire. C'est un capitaine qui m'a emmené. C'est lui qui m'a

22 interrogé. Il m'a posé des questions sur mes activités pendant la guerre.

23 Après un certain temps, on m'a raccompagné à la cave et puis je suis

24 remonté, redescendu, etc. Cela a continué ainsi. J'ai passé une autre nuit

25 dans la cave. Ensuite, on m'a fait passer dans une autre pièce. On m'a

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1 attaché au radiateur avec des menottes. J'y ai passé la nuit. La nuit

2 suivante, moi-même et les autres prisonniers qui se trouvaient dans la

3 cave nous avons été mis dans une camionnette. On nous a emmenés à Sid, au

4 commissariat qui se trouve à Sid.

5 Une fois arrivés là-bas, on nous a jetés, mis dans une petite pièce et,

6 par la suite, on nous a fait sortir un par un pour être interrogés. Là

7 encore, on m'a posé des questions quant à ce qui s'était passé pendant la

8 guerre, qui avait fait quoi.

9 M. Niemann (interprétation). - Outre les questions que l'on vous a posées

10 sur ce qui s'était passé pendant la guerre, vous a-t-on posé d'autres

11 types de questions ?

12 Témoin B (interprétation). - Oui, toutes sortes de questions, des

13 questions sur tout ce que je savais, sur tout ce qui s'était passé. Il a

14 parlé d'Ovcara également. Il a parlé de tout ce qui lui passait par la

15 tête, tout ce qui pouvait lui venir à l'esprit. Après cet interrogatoire

16 qui a duré relativement peu de temps, j'ai pu retourner dans la pièce.

17 Peu de temps après, des hommes sont arrivés, qui nous ont emmenés, qui

18 nous ont frappés avec leurs poings, avec leurs pieds. Ils nous ont encore

19 fait monter dans un autre camion qui nous a emmenés. Par la suite, nous

20 avons réalisé qu'ils nous avaient emmenés à la prison de Sremska Mitrovica

21 où on nous a fouillés.

22 M. Niemann (interprétation). - Je vous interromps un instant. Lorsque

23 qu'on vous a posé des questions sur Ovcara, savez-vous exactement quel

24 type de questions on vous a posées quand vous étiez à Sid ? Que vous ont-

25 ils dit à propos d'Ovcara ?

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1 Témoin B (interprétation). - Ils m'ont demandé ce que je savais à propos

2 d'Ovcara, combien de personnes avaient été tuées, s'il y avait eu des

3 personnes tuées. Moi, je n'avais vraiment pas envie d'en parler, en tout

4 cas à cet homme.

5 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous l'impression qu'il était au

6 courant de ce qui s'était passé à Ovcara au vu de ce qu'il vous a dit, au

7 vu des questions qu'il vous a posées ?

8 Témoin B (interprétation). - J'avais l'impression qu'il essayait de

9 rassembler des informations, de savoir si l'on savait quoi que ce soit à

10 propos d'Ovcara. Mais étant donné que je n'ai pas manifesté un intérêt

11 quelconque sur ce sujet, nous sommes passés à autre chose. Il a fini par

12 me renvoyer dans la cellule.

13 M. Niemann (interprétation). - Vous aviez l'impression que vous vous

14 seriez mis dans une position dangereuse si vous parliez d'Ovcara ?

15 Témoin B (interprétation). - J'étais constamment menacé, constamment en

16 danger.

17 M. Niemann (interprétation). - Ensuite, vous êtes allé à

18 Sremska Mitrovica. Combien de temps y êtes-vous resté ?

19 Témoin B (interprétation). - J'y suis resté du 22 novembre 1991 jusqu'au

20 4 février 1992. Mais le 15 janvier, après un interrogatoire et lorsque que

21 des mesures de détention ont été décidées par le Tribunal militaire, j'ai

22 été placé en isolement. J'y suis resté jusqu'au 15 février. A ce moment-

23 là, j'ai été transféré à la prison militaire de Belgrade.

24 M. Niemann (interprétation). - Quand vous êtes arrivé à Belgrade, que

25 s'est-il passé ?

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1 Témoin B (interprétation). - Nous avons été placés, parce que je n'étais

2 plus seul, dans différentes cellules. Le plus souvent, il a y avait huit

3 prisonniers par cellule. Nous étions mélangés. Il y avait à la fois des

4 réservistes et d'autres personnes, d'autres membres de la JNA qui avaient

5 commis des crimes ou des délits, des vols, par exemple, des meurtres,

6 d'autres types de choses qui s'étaient passées au sein de l'armée. En

7 fait, souvent, ils avaient essayé d'échapper à la mobilisation générale ou

8 avait eu d'autres problèmes de ce type.

9 Nous avons donc été placés avec ces mêmes personnes dans des cellules.

10 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous été accusé d'un crime

11 quelconque ?

12 Témoin B (interprétation). - Oui. On m'a accusé de rébellion armée et

13 d'avoir commis des crimes contre la population civile.

14 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous appris si des éléments de preuve

15 quelconque soutenaient cette accusation portée contre vous ?

16 Témoin B (interprétation). - Non, aucun argument n'a été avancé. Il n'y

17 avait aucun élément de preuve.

18 M. Niemann (interprétation). - Etes-vous passé devant un tribunal pour

19 répondre de ces accusations ?

20 Témoin B (interprétation). - Oui. Le procès ou la date du procès a été

21 prévu, puis reporté. Entre-temps, la communauté internationale, grâce à

22 l'intervention de mes proches, notamment de ma femme, a appris ce qui

23 m'arrivait. Ils ont pris conscience de ce qui se passait, de ce qui était

24 en train de nous être fait. Amnesty International a été averti et

25 M. Paul Miller a assisté à l'un des procès qui avait été

Page 908

1 organisés. Par la suite, ce procès a été reporté. Je crois que c'est parce

2 qu'il était présent. Puis, à nouveau, la date du procès a été fixée un

3 certain nombre de fois. Mais elle a été reportée encore une fois.

4 Puis, enfin, le procès a eu lieu dans une certaine mesure, sauf que mon

5 conseil de la défense n'a pas pu faire sa plaidoirie finale et qu'aucune

6 sentence n'a été prononcée. Le procès n'a jamais été conclu, en tout cas

7 je n'en ai jamais eu connaissance.

8 M. Niemann (interprétation). - Enfin, vous avez été libéré par la suite ?

9 Témoin B (interprétation). - Oui, nous avons fait l'objet d'un échange,

10 c'est ainsi qu'on l'appelait, le 14 août, à Nemetin.

11 M. Niemann (interprétation). - Un peu plus tard, au mois d'août 1992, vous

12 avez rencontré un homme appelé Clive Snow.

13 Témoin B (interprétation). - Oui, en effet.

14 M. Niemann (interprétation). - C'est une réunion ou un entretien qui a eu

15 lieu à Belgrade, n'est-ce pas ?

16 Témoin B (interprétation). - Non, pas à Belgrade.

17 Après ma libération, après mon échange, cela a eu lieu.

18 M. Niemann (interprétation). - Excusez-moi, je me suis trompé, c'était à

19 Zagreb.

20 Témoin B (interprétation). - Oui, à Zagreb.

21 M. Niemann (interprétation). - Lors de cet entretien, avez-vous fourni un

22 certain nombre d'informations similaires à celles que vous avez données au

23 Tribunal aujourd'hui, informations relatives au chemin que vous avez

24 emprunté à bord de ce camion, depuis la ferme d'Ovcara ?

25 Témoin B (interprétation). - Je lui ai tout dit. Je lui ai dit tout ce que

Page 909

1 je

2 vous ai dit aujourd'hui, peut-être avec un peu plus ou un peu moins de

3 détails, mais j'ai répondu à toutes ces questions.

4 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, je n'ai plus de

5 questions à poser.

6 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Maître Fila, il est

7 un peu tard, n'est-ce pas ?

8 M. Fila (interprétation) - C'est vous qui avez la parole,

9 Monsieur le Président, je n'ai que trois questions à poser, dix minutes

10 peut-être.

11 M. le Président (interprétation). - Entendu.

12 M. Fila (interprétation) - Veuillez nous dire, s'il vous plaît, quels

13 types d'uniformes vous avez vus entre l'hôpital et Ovcara et par la

14 suite ?

15 Témoin B (interprétation). - J'en ai vu plusieurs, si l'on peut appeler

16 cela des uniformes.

17 M. Fila (interprétation) - Quelle couleur ?

18 Témoin B (interprétation). - C'est une bonne question, mais il est

19 difficile d'y répondre. Un uniforme, cela veut dire qu'une personne

20 devrait être habillée de la même manière qu'une autre, mais dans ce cas-

21 là, les gens portaient des uniformes différents. Il y avait toutes sortes

22 d'uniformes : camouflage, classique, gris, vert olive. Puis, il y avait

23 ceux qui n'étaient pas véritablement habillés avec des uniformes. C'était

24 un mélange de vêtements civils et d'uniformes. Puis, il y avait des

25 cocardes et d'autres insignes également portés.

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1 M. Fila (interprétation). - Vert olive ?

2 Témoin B (interprétation). - C'étaient des uniformes bigarrés, mélangés,

3 etc...

4 M. Fila (interprétation). - Toutes sortes de choses différentes. Vous avez

5 dit que Dado Djukic...

6 Témoin B (interprétation). - Vladimir...

7 M. Fila (interprétation). - Oui, Dado, c'est un surnom, cela ne fait rien.

8 Où était-il à Ovcara ?

9 Témoin B (interprétation). - Il était de l'autre côté de l'entrée, pas

10 très proche de moi, peut-être à 10 mètres de moi. Mais à ce moment-là, je

11 le voyais à cet endroit.

12 M. Fila (interprétation). - Savez-vous qui l'a frappé ? Etait-il couché

13 par terre, était-il debout lorsqu'il avait ces béquilles ?

14 Témoin B (interprétation). - Il était gravement blessé, il était le plus

15 souvent couché par terre, mais parfois, il était assis également, à côté

16 de la porte du hangar. Il avait ses béquilles avec lui qui ont été

17 utilisées pour le frapper.

18 M. Fila (interprétation). - Savez-vous qui l'a frappé ?

19 Témoin B (interprétation). - L'armée, les gardes, si on peut appeler cela

20 des gardes et tous les autres qui ont participé à cette horreur.

21 M. Fila (interprétation). - Au moment où ils vous ont fait sortir, vous

22 avez dit qu'il faisait nuit. Combien de bus y avait-il ? L'avez-vous

23 remarqué ?

24 Témoin B (interprétation). - Je n'ai pas vu de bus.

25 M. Fila (interprétation). - Lorsqu'on vous a emmené, y avait-il des bus ?

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1 Etaient-ils civils, militaires, de quelle couleur ? Lorsque l'on vous a

2 emmené en véhicule, cela veut dire quoi ? Lorsqu'on vous a emmené de

3 l'hôpital vers la caserne, etc, vous n'avez pas regardé les plaques

4 d'immatriculation ?

5 Témoin B (interprétation). - Non, je ne les ai pas regardées à ce moment-

6 là, cela n'avait guère d'importance.

7 M. Fila (interprétation). - De quelle couleur étaient ces bus ?

8 S'agissait-il

9 de civils ou de militaires ?

10 Témoin B (interprétation). - Je crois que c'étaient des bus civils.

11 M. Fila (interprétation). - De quelle couleur ?

12 Témoin B (interprétation). - De couleur claire, je ne sais pas.

13 M. Fila (interprétation). - Savez-vous combien en tout il y avait de bus

14 devant Ovcara ? Vous avez dit que vous étiez dans le troisième. Y en

15 avait-il d'autres ?

16 Témoin B (interprétation). - Puisque deux ou trois autres sont venus

17 s'ajouter aux nôtres, je n'en suis pas sûr, mais il devait y en avoir six.

18 M. Fila (interprétation). - Est-ce que cela veut dire que vous êtes sorti

19 et qu'ensuite, les bus sont arrivés ou que les bus étaient là lorsque vous

20 êtes sorti ?

21 Témoin B (interprétation). - Les bus se sont vidés les uns après les

22 autres. Un bus se vidait, un autre se vidait, ils se vidaient les uns

23 après les autres.

24 M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous dire à quelle heure les bus sont

25 arrivés à Ovcara à peu près ?

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1 Témoin B (interprétation). - C'était dans l'après-midi. Je ne sais pas,

2 peut-être vers deux heures.

3 M. Fila (interprétation). - Vous voulez dire 14 heures ?

4 Témoin B (interprétation). - Oui, c'est cela à peu près, mais c'est une

5 approximation.

6 M. Fila (interprétation). - Merci. Je n'ai plus de questions, Monsieur le

7 Président.

8 M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, voulez-vous poser

9 d'autres questions ? Non ? Très bien, merci.

10 Il n'y a donc pas d'objections à ce que le témoin soit libéré ? Très bien.

11 Je suppose que demain, nous allons entendre cinq autres témoins ou

12 certains d'entre eux ?

13 M. Niemann (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, les cinq

14 témoins sont prêts à déposer demain.

15 M. le Président (interprétation). - Pensez-vous que nous pourrions

16 recevoir demain la liste de votre part des témoins que nous entendrons la

17 semaine prochaine ?

18 M. Williamson (interprétation). - Oui, c'est ce que j'allais vous dire

19 Monsieur le Président. Nous sommes en train d'organiser les derniers

20 voyages. C'est pour cela que nous n'avons pas pu vous la fournir

21 aujourd'hui, mais nous l'aurons demain matin, dès la reprise de

22 l'audience.

23 M. le Président (interprétation). - Très bien, nous levons l'audience

24 jusqu'à demain matin 9 heures 15.

25 L'audience est levée à 17 heures 30.