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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-13a-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Vendredi 20 mars 1998
4 L'audience est ouverte à 8 heures 30.
5 M. le Président (interprétation). - Le greffe peut-il citer l’affaire ,
6 s’il vous plaît ?
7 M. le greffier (interprétation). - IT-95-13a-T, le Procureur contre
8 Slavko Dokmanovic.
9 M. le Président (interprétation). - Quelles sont les comparutions ce
10 matin ?
11 M. Niemann (interprétation). - Je m'appelle Grant Niemann. Je comparais
12 avec Me Williamson et Me Waspi, au nom de l’accusation.
13 M. le Président (interprétation). - Merci.
14 M. Fila (interprétation). - Je suis Thomas Fila et je comparais avec
15 Me Lopicic et Me Petrovic pour la défense de M. Dokmanovic.
16 M. le Président (interprétation). - Merci. Monsieur Dokmanovic, vous
17 m'entendez ?
18 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.
19 M. le Président (interprétation). - Vous voyez que nous avons tenu notre
20 promesse, nous avons une audience aujourd'hui. Nous avons obtenu de notre
21 Président l'autorisation de ne pas assister à la plénière, ce qui veut
22 dire que nous pouvons travailler toute la journée, mais il faudra tenir
23 compte d'autres contraintes. Une autre Chambre de première instance
24 tiendra audience.
25 Nous sommes convenus avec le Juge Jorda d’interrompre nos travaux à
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1 13 heures
2 et, s'il nous faut reprendre, nous ne pourrons reprendre qu'à 16 heures,
3 de telle sorte que la première Chambre d'instance pourra tenir son
4 audience de 14 heures 30 à 16 heures. J'espère que cela convient à tout le
5 monde. Je crois qu'il y avait quelque petit problème. Non ? Tout est
6 réglé. Très bien.
7 Avant de demander au témoin d'entrer dans le prétoire, j'aimerai demander
8 ceci à Me Fila. Pourrait-il préciser un point que j'avais oublié de
9 soulever hier ou avant-hier. Tôt ou tard, pourra-t-il nous dire combien de
10 témoins à décharge devront être entendus par sa visioconférence ?
11 M. Fila (interprétation). - Vous aurez une réponse par écrit,
12 Monsieur le Président mais, auparavant, je dois savoir de Me Niemann s'il
13 est d'accord avec l'idée.
14 Un de ces témoins serait entendu par liaison vidéo. Nous aurions un...
15 mais s'il est clair que M. Dokmanovic n'était pas du tout à Ovcara, il ne
16 sera pas du tout nécessaire d'appeler ce témoin.
17 M. le Président (interprétation). - Fort bien. Vous nous tiendrez au
18 courant. C'est important pour que les techniciens puissent prendre toutes
19 les mesures nécessaires. Il faut aussi rendre une ordonnance à cette fin.
20 Il faut connaître cela avec un certain préavis. Nous pouvons maintenant
21 entendre le témoin. Monsieur le Procureur, quel est le témoin que vous
22 appelez à la barre ?
23 M. Williamson (interprétation). - Stjepan Mesic, Monsieur le Président.
24 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)
25 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Monsieur Mesic. Je vous
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1 demanderai de lire la déclaration solennelle.
2 M. Mesic (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la
3 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
4 M. le Président (interprétation). - Merci, veuillez prendre place.
5 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Mesic, de quelle nationalité
6 êtes-vous ?
7 M. Mesic (interprétation). - Je suis croate.
8 M. Williamson (interprétation). - D'où êtes-vous en Croatie ? De quel
9 endroit êtes-vous originaire ?
10 M. Mesic (interprétation). - Je suis né à Orahovica, en Slavonie.
11 M. Williamson (interprétation). - En 1965, avez-vous essayé d'obtenir une
12 fonction politique à Orahovica ?
13 M. Mesic (interprétation). - En 1965, j'ai participé aux élections sur
14 une plate-forme des citoyens et j'ai été élu à l'Assemblée croate.
15 M. Williamson (interprétation). - Parallèlement, avez-vous essayé
16 d'obtenir une autre fonction ou avez-vous été élu à une autre fonction ?
17 M. Mesic (interprétation). - Oui, après cela, j'ai fait partie de
18 l'assemblée municipale et j'ai aussi été élu comme échevin de l'assemblée
19 municipale.
20 M. Williamson (interprétation). - Voulez-vous dire que vous avez cherché à
21 être élu sur un programme différent de celui du parti communiste ?
22 M. Mesic (interprétation). - Oui. Il s'agit en fait de la plate-forme des
23 citoyens. Il était alors possible (en vertu du droit prévalant) d'avoir en
24 sus la liste proposée par l'alliance socialiste ou la ligue des
25 communistes. Un groupe de citoyens, se composant d'environ une centaine de
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1 personnes, pouvait présenter un candidat en leur nom aux élections. Cette
2 plate-forme allait devenir officielle. Avant que je ne le fasse, personne
3 ne l'avait fait. J'ai été le premier et le dernier à saisir cette
4 opportunité.
5 M. Williamson (interprétation). - A la fin des années 1960, avez-vous fait
6 partie du mouvement connu sous le nom de "Printemps croate" ?
7 M. Mesic (interprétation). - C'est exact. Le "Printemps croate" était en
8 fait un mouvement à plusieurs niveaux, plusieurs couches. Il y avait d'un
9 côté la partie progressiste de
10 la ligue des communistes de Croatie, le mouvement des étudiants, le
11 mouvement de la jeunesse, des universitaires, des professeurs et de
12 l’autre côté l'Organisation culturelle sociale de Croatie.
13 M. Williamson (interprétation). - Quel était le programme que
14 préconisaient ceux qui participaient au "Printemps croate" ?
15 M. Mesic (interprétation). - A l'époque, on pouvait préconiser et ne
16 défendre qu'une chose, c'est ce que nous avions fait. Nous voulions une
17 meilleure démocratisation de la société, plus de justice dans la gestion
18 de l'Etat, ce qui signifiait que nous pourrions établir qui payait en
19 Yougoslavie ou qui était payé en Yougoslavie, donc une meilleure tenue des
20 comptes. Nous préconisions aussi la fin du système des changes de devises
21 étrangères. Nous voulions la démocratisation de la société pour que les
22 gens puissent se déplacer sans entraves ; à cette époque il n'était pas
23 facile de le faire. Des contraintes étaient appliqués aux déplacements à
24 l'étranger.
25 M. Williamson (interprétation). - Quelle a été la réaction de Tito face à
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1 ce mouvement, face au "Printemps croate" ?
2 M. Mesic (interprétation). - Au départ, il était favorable. Il nous a
3 soutenus. Il est même venu à Zagreb pour encourager le mouvement du
4 "Printemps croate". Toutefois, lorsque les généraux ont vu ce mouvement
5 comme un mouvement nationaliste, Tito à ce moment-là a accepté ce
6 qu'exigeait de lui l'armée. Il a demandé que tous ceux qui avaient
7 participé à ce mouvement soient éloignés de la politique et qu'ils ne
8 puissent plus exercer leurs fonctions professionnelles. Donc, lors de la
9 réunion de Karadjordjevo et lors de la 21ème session du Parti communiste
10 de Yougoslavie, a commencé à ce moment-là ce que j'appellerai la
11 persécution des membres du "Printemps croate", y compris la mienne et
12 celle de 10.000 personnes au moins, dont beaucoup étaient emprisonnées.
13 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous été éloigné ? Avez-vous été
14 démis de vos fonctions en tant que président de la municipalité et de
15 votre siège à l'assemblée, au
16 SABOR ?
17 M. Mesic (interprétation). - Exactement. Comme tous les autres, j'ai été
18 démis de mes fonctions et j'ai été pratiquement laissé à la rue. Je n'ai
19 pas pu trouver d'emploi pendant deux ans. Même si j'avais été admis au
20 barreau, je n'ai pas pu exercer mon métier de juriste. Je n'ai pu occuper
21 aucune fonction officielle. Jusqu'au moment où j'ai été envoyé en prison
22 pour purger une peine, je n'ai pas travaillé. J'ai trouvé tout au plus des
23 petits boulots. Je les gardais jusqu'au moment où l'on découvrait qui y
24 était, puis j'étais aussi mis à la rue. J'ai été condamné à 2 ans et
25 2 mois, peine que j'ai purgée à Stara Gradiskia.
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1 M. Williamson (interprétation). - A votre libération, avez-vous pu trouver
2 un emploi ?
3 M. Mesic (interprétation). - Non. Je n'ai pas pu trouver d'emploi. Il se
4 fait qu'un ingénieur, Zarko Vincek, c'est ainsi qu'il s'appelait, était le
5 directeur d'un bureau de consultant. Il avait été dans les rangs des
6 partisans avec mon père. Pas plus que moi, il ne se considérait
7 nationaliste, par conséquent il m'a donné un emploi. Quand il a quitté la
8 firme, je suis devenu le directeur de cette firme.
9 M. Williamson (interprétation). - A la suite de ce «Printemps croate»,
10 Tito a-t-il apporté des modifications à la structure du gouvernement
11 yougoslave ?
12 M. Mesic (interprétation). - Oui. Les options ultérieures qu'il
13 envisageait étaient grandement influencées par le mouvement du "Printemps
14 croate", mais aussi par les idées de la libéralisation en Serbie. Il a
15 finalement amendé la Constitution pour en établir une nouvelle en 1974 qui
16 introduisait dans le mécanisme yougoslave un modèle confédéral. Il voulait
17 de cette façon constituer un système, un mécanisme de prise de décision en
18 Yougoslavie, grâce auquel une présidence au sommet prendrait les décisions
19 les plus importantes par consensus, dont les mandats des membres de la
20 présidence s’exerceraient par roulement pour que toutes les fonctions
21 présidentielles soient assumées successivement par chacune des Républiques
22 et ce de
23 façon automatique.
24 Il pensait qu'après sa mort et la perte de son charisme personnel, il
25 faudrait que la Yougoslavie puisse continuer à fonctionner.
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1 M. Williamson (interprétation). - Combien la constitution de 1974
2 prévoyait-elle de membres dans cette présidence ?
3 M. Mesic (interprétation). - Il y avait huit membres, deux qui
4 représentaient les provinces et les six autres les Républiques. La
5 constitution conférait aux provinces de Voïvodine et de Kosovo un statut
6 d'Etat, ce qui n'était pas vraiment très accepté par les dirigeants
7 serbes. Cela veut dire que dès l'adoption de la constitution, en 1974, ils
8 ont émis des objections très musclées face à cette idée. Cela venait de
9 Serbie.
10 M. Williamson (interprétation). - Après la mort de Tito, en 1980, le
11 système a-t-il fonctionné comme il l'avait prévu ?
12 M. Mesic (interprétation). - Oui, dirais-je, pour un certain temps, ce
13 système a fonctionné grâce à sa nature intrinsèque. Toutefois, de plus en
14 plus, des conflits ont éclaté. Il y avait des conflits d'intérêts,
15 effectivement, des niveaux inégaux de développement entre les différentes
16 République. Il y avait donc une certaine frustration parce qu’à certains
17 endroits où il y avait des matières premières, des bases de ressources,
18 les matières premières étaient vendues à des prix plus bas que ceux du
19 marché mondial. Les autres parties de la Yougoslavie, plus développées,
20 n'étaient pas contentes non plus parce qu'elles devaient apporter aussi
21 leur contribution, ce qui épuisait leur propre économie républicaine.
22 Ensuite, se posaient d'autres problèmes, dont un était manifeste : l'armée
23 était trop lourde. C’était un mécanisme qui épuisait le pays du fait
24 qu'elle demandait d'énormes ressources. Cela a entraîné des conflits,
25 notamment entre les différentes Républiques.
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1 M. Williamson (interprétation). - Quand Milosevic est-il arrivé au pouvoir
2 en Serbie ?
3 M. Mesic (interprétation). - Je ne me souviens pas de l’année exacte à
4 laquelle il est arrivé au pouvoir, mais en tout cas c’était deux ou trois
5 ans avant ces modifications démocratiques.
6 Il a été confirmé dans son pouvoir par cette réunion, ce meeting, comme on
7 l’a appelé, ou ce rassemblement du peuple. Les conflits se manifestaient
8 par lui. Il voulait détruire l'autonomie des provinces du Kosovo et de la
9 Voïvodine. Après ce qui était arrivé en Voïvodine et au Kosovo, on voyait
10 quelles étaient les intentions véritables de Milosevic. Il voulait que la
11 Serbie soit une et entière et ne se compose pas de trois parties
12 différentes. C'est une idée que l'on retrouve en filigrane tout du long.
13 M. Williamson (interprétation). - Quelle était la révolution
14 bureaucratique produite sous Milosevic ?
15 M. Mesic (interprétation). - Il m’est difficile de juger ceci d'où je
16 suis, mais c'était un simulacre, une farce. C'était une lutte pour le
17 pouvoir. Il était déterminé à retirer le pouvoir de toutes les structures
18 qui existaient depuis Tito pour installer d'autres structures pour que le
19 système et l'autorité totalitaire de Milosevic soient acceptés. Il est
20 parvenu à ses fins.
21 M. Williamson (interprétation). - Quelle a été la révolution du Yaourt ?
22 M. Mesic (interprétation). - C'est le nom que l'on a donné à cette phase
23 de la révolution anti-bureaucratique qui a eu lieu en Voïvodine. En effet,
24 les dirigeants en Voïvodine étaient favorables à l'autonomie. Certains
25 n'étaient pas entravés par quelque forme de nationalisme que ce soit, qui
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1 embêtaient Milosevic. Milosevic a mis en place des hommes qui étaient
2 loyaux à ses idées et qui n'étaient pas originaires de la Voïvodine.
3 M. Williamson (interprétation). - Milosevic a-t-il pu aussi introduire des
4 modifications dans les dirigeants du Monténégro ?
5 M. Mesic (interprétation). - Oui. En effet, les autorités du Monténégro,
6 les dirigeants étaient aussi favorables à la Yougoslavie dans leur façon
7 de voir. Si l'on analyse
8 Milosevic, il ne s'est jamais intéressé à l'idée d'une Yougoslavie
9 fédérale ou confédérée. Il voulait une grande Serbie. C'est tout ce qui
10 l'intéressait et c'est ce qu'il recherchait.
11 Les premières revendications de cette révolution appelée anti-
12 bureaucratique était que la Yougoslavie devait être reconstruite, que la
13 Serbie n'avait que pâti de l'ex-Yougoslavie et que les autonomies devaient
14 disparaître et qu'étant donné les facteurs croates qui demandaient que la
15 Serbie reste dans la Yougoslavie alors que lui, Milosevic, faisait tout
16 pour la démanteler.
17 M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit que M. Milosevic avait
18 pris des mesures contre le Kosovo. Qu'est-il advenu de l'assemblée du
19 Kosovo ?
20 M. Mesic (interprétation). - Il a évincé tous les dirigeants du Kosovo. Il
21 a aboli l'assemblée. C'était à tel point qu’il a fait en sorte que le
22 représentant du Kosovo se trouve dans la présidence de Yougoslavie et soit
23 élu dans l'assemblée Serbe. L'assemblée du Kosovo ne se réunissait plus. A
24 ma connaissance, la population du Kosovo se compose à 90 % d'Albanais, le
25 reste étant des Serbes. Il a fait fi de tout cela à l'évidence pour mettre
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1 une fin à l'autonomie du Kosovo.
2 Les organes fédéraux ont commencé cet exercice consistant à pacifier le
3 Kosovo. Puis, cela a été le rôle qu'a pris à Serbie.
4 M. Williamson (interprétation). - Au fil du temps, Milosevic a-t-il réussi
5 à introduire une modification dans le statut autonome du Kosovo et de la
6 Voïvodine. Cela a il été formalisé ?
7 M. Mesic (interprétation). - Personne n'a demandé l’avis de la Voïvodine
8 ou du Kosovo. En fin de compte, ils n'ont plus participé à aucune
9 élection. La constitution a été adoptée, celle de la République de la
10 Serbie qui, à toutes fins utiles, mettait fin à l’autonomie de ces deux
11 provinces.
12 M. Williamson (interprétation). - Le 28 juin 1989, Milosevic a tenu un
13 discours à Gazimestan, Kosovo, dans lequel il parlait de la relation des
14 rapports de la Serbie avec ses
15 voisins. Vous souviendriez-vous de ce qu'il aurait dit à propos de la
16 possibilité de la guerre ?
17 M. Mesic (interprétation). - Je crois que cela a été le moment fort dans
18 toute l'évolution politique de la Yougoslavie. En effet, je ne me souviens
19 plus des mots exacts, mais Milosevic a dit qu'il y avait des querelles,
20 des conflits en Yougoslavie et que ces conflits n'étaient pas encore
21 armés, mais qu'il ne fallait pas exclure la possibilité de conflits armés.
22 Et puis, il y a eu de grands rassemblements, de grandes réunions du peuple
23 organisées en Serbie afin de perpétuer cette tendance qui avait vu le jour
24 au Kosovo, en Voïvodine et dans le reste de la Serbie qui voulait en fait
25 se séparer du reste de la Yougoslavie. Il y avait encore de grandes
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1 craintes dans tout le pays, notamment en Croatie.
2 Cela a eu pour conséquence que la ligue des communistes et ses dirigeants
3 en Croatie ont décidé d'obtenir ou d'organiser des élections prématurées
4 pour voir qui sortirait vainqueur de ces élections, afin d'être soutenus
5 par les gens au cas où il y aurait une nécessité d'organiser une défense,
6 étant donné les menaces qui pesaient, qui n'étaient encore que verbales à
7 ce moment-là mais nous donnaient des frissons.
8 M. Williamson (interprétation). - En 1990, lorsque le XIVe Congrès du
9 Parti communiste de Yougoslavie a été organisé, des scissions se sont-
10 elles développées au sein du parti communiste ?
11 M. Mesic (interprétation). - C'est un congrès tout particulièrement
12 important, puisqu'il marque la fin de l'existence du facteur
13 d'intégration. Je m'explique. La Yougoslavie pouvait exister tant qu'elle
14 avait trois facteurs d'intégration :d'abord Tito et son charisme,
15 deuxièmement la ligue des communistes, le Parti communiste, le parti
16 général de la Yougoslavie et, troisième facteur, l'armée yougoslave qui
17 était aussi une entité yougoslave.
18 Avec la mort de Tito, deux facteurs sont restés en place et avec la
19 désintégration de la ligue des communistes, il restait un seul facteur
20 d'intégration, l'armée yougoslave.
21 J'ai donc l'impression que cela a été une action menée à dessein par
22 Milosevic. Il
23 voulait détruire ce facteur-là afin que lui seul puisse prendre le
24 contrôle. Je parlais bien sûr du deuxième facteur d'intégration, de la
25 ligue des communistes, pour qu'il ait le contrôle sur le troisième
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1 facteur, l'armée. Le temps l'a montré effectivement. Il en a fait peu à
2 peu une armée serbe.
3 M. Williamson (interprétation). - En l'absence d'un parti yougoslave
4 centralisé, les partis communistes républicains ont-ils pris davantage de
5 pouvoir ?
6 M. Mesic (interprétation). - A ce moment-là, les partis communistes de
7 Croatie, notamment, et de la République, ont commencé à réfléchir à la
8 question, à défendre l'idée d'un système multipartite. Ils pensaient que
9 le monopole du pouvoir du Parti communiste était intenable et qu'il y
10 avait de grandes modifications, de grands mouvements qui se faisaient dans
11 le monde et n'allaient pas sans influencer la Yougoslavie. C'est ainsi que
12 nous avons commencé à mettre en place un modèle appelé « européen » vers
13 le mois d'août.
14 M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit que les partis communistes
15 de la Slovénie et de la Croatie étaient en faveur d'un système
16 multipartite. Cela a-t-il débouché sur des élections libres ?
17 M. Mesic (interprétation). - Oui. C'est précisément cette absence de peur
18 d'un système multipartite, quelque chose qui est le fruit d'une
19 évolution ; de nouvelles personnes sont apparues à l'avant-plan. Ils ont
20 compris que si l'on appartient à différents partis, cela ne veut pas dire
21 pour autant que les gens sont ennemis, hostiles. C'est simplement qu'ils
22 pensent différemment, qu'ils ont une vision différente de problèmes
23 différents, d'où l'autorisation dans ces partis d'avoir un système
24 multipartite.
25 D'abord cela s'est passé lentement. Peu à peu, nous avons obtenu de
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1 véritables partis politiques, précisément grâce à cette évolution et à
2 l'évolution positive de la pensée démocratique dans la ligue des
3 communistes en Slovénie et Croatie.
4 M. Williamson (interprétation). - Au cours des élections d'avril et de
5 mai 1990 en
6 Croatie, y avez-vous participé et posé votre candidature ?
7 M. Mesic (interprétation). - Oui. J'ai commencé à participer au sein de la
8 communauté démocratique croate avec Franjo Tudjman, Josip Manolic et Josip
9 Boljkovac. Je me suis porté candidat au même poste que j'occupais en 1965.
10 J'ai été élu au Parlement croate pour la seconde fois.
11 M. Williamson (interprétation). - Vous avez appelé ce parti « l'Union
12 démocratique croate ». Parle-t-on de ce parti en utilisant les initiales
13 « HDZ » ?
14 M. Mesic (interprétation). - Oui, oui. Ce n'est pas un parti en tant que
15 tel. On appelle cela une union parce qu'il y avait un certain danger.
16 Lorsque de nouveaux partis ont été établis, il y avait un risque. Le
17 régime aurait pu les interdire, les déclarer illégaux parce que la loi
18 interdisait la création de partis politiques. En revanche, des groupes
19 d'intérêt pouvaient être établis. Mais ils n'étaient pas définis
20 strictement par le droit, par la loi. Afin d'éviter ce piège juridique, le
21 HDZ s'est créé en tant qu'union. Ce nom est resté par la suite.
22 Cependant, le HDZ n'est jamais véritablement devenu un parti. Il est
23 plutôt resté un mouvement. En revanche, d'autres partis ont été créés en
24 Croatie, très clairement définis, ceux-là. Ces partis ont d'ailleurs bien
25 fonctionné dans leur environnement politique.
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1 M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit que vous aviez été élu au
2 Parlement. Quels résultats ont été obtenus par le HDZ en général, dans ces
3 élections ?
4 M. Mesic (interprétation). - Le HDZ a gagné les élections grâce à la loi
5 qui permettait d'obtenir une majorité relative et, cependant, de gagner le
6 nombre de sièges le plus important au sein du Parlement croate. Je suis
7 devenu le premier Premier ministre nommé du premier gouvernement de la
8 Croatie.
9 M. Williamson (interprétation). - En mai 1990, vous êtes-vous rendu compte
10 de la formation d'une association de municipalités serbes à Knin ?
11 M. Mesic (interprétation). - Oui. J'en ai entendu parler. Je crois que
12 c'était une
13 mauvaise attitude parce que la population serbe en Croatie était mise dans
14 un ghetto. Je crois que c'était une décision négative à la fois pour les
15 Serbes qui se trouvaient en Croatie et pour les citoyens de Croatie en
16 général.
17 M. Williamson (interprétation). - Qui a formé cette association ? Vous en
18 souvenez-vous ?
19 M. Mesic (interprétation). - L'organisation politique, le SDS (le Parti
20 démocratique serbe) a été formé par Jovan Paskovic qui était le dirigeant
21 idéologique du parti. Mais je crois que c'est Milan Babic qui a proclamé
22 l'existence de cette communauté. Il était alors président de la
23 municipalité de Knin.
24 M. Williamson (interprétation). - Au cours des dix ans que vous avez passé
25 au poste de Premier ministre, avez-vous essayé d'instaurer un dialogue
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1 avec les représentants des municipalités contrôlées par les Serbes en
2 Croatie.
3 M. Mesic (interprétation). - Oui, au fur et à mesure que les partis
4 politiques se sont développés. Il y a eu également une évolution générale
5 qui a eu lieu. Le SDS a été établi et avait une idéologie nationaliste,
6 mais des partis croates défendaient des idées similaires. Il y avait donc
7 certaines tensions qui ont mené à des barrages routiers. C'est ce qu'on a
8 appelé la « Révolution des troncs d'arbres » par la suite.
9 Les routes croates et les voies ferrées n'ont plus servi. L'économie s'en
10 est trouvé paralysée. C'était le chaos qui régnait. Parce qu'il était tout
11 simplement impossible de faire fonctionner l'Etat si les routes et les
12 voies ferrées étaient bloquées. En tant que Premier ministre, j'ai demandé
13 que des négociations soient ouvertes avec les présidents de ces
14 municipalités qui sont devenus membres de la communauté de ces
15 municipalités.
16 Je dois dire que tous les Présidents des municipalités étaient d'accord
17 avec moi. Nous nous rencontrions partout plus Plitvice, Zagreb, sur la
18 côte, n'importe où afin d'examiner les problèmes qui se posaient et
19 comment, de concert, nous pourrions les résoudre.
20 Seul le Président de la municipalité de Knin, Milan Babic, n'a pas répondu
21 à mon invitation. Il a envoyé son secrétaire de municipalité. Il a dit
22 qu'il acceptait cela et qu'il pensait que c'était une bonne idée de
23 s'asseoir à une table de négociation, de faire cesser ces différentes
24 tensions de nous soumettre, les uns aux autres, les différents problèmes
25 afin de les résoudre.
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1 J'ai répondu : « mais qu’en est-il du Président Babic, le Président de la
2 municipalité ? » Il a dit qu'il se trouvait à Belgrade à ce moment-là et
3 qu'il m'appellerait dès que possible, dès qu'il rentrerait de Belgrade. Au
4 bout du compte, il ne m'a pas rappelé.
5 J'ai demandé une nouvelle réunion soit organisée. C'est son secrétaire que
6 j'ai eu à nouveau. Il m'a répondu que M. Babic avait dit que tout
7 président de la municipalité était interdit, par lui-même, de maintenir un
8 certain contact avec Zagreb. Par la suite, les communications ont été bien
9 plus difficiles.
10 M. Williamson (interprétation). - En août 1990, les Croates ont-ils perdu
11 le contrôle de la station de police ou du poste de police de Knin ?
12 M. Mesic (interprétation). - Oui, c'est exact. Une certaine partie des
13 policiers a abandonné le poste en prenant d'assaut le poste de police de
14 Knin et en coupant toute communication avec le ministère de l'intérieur.
15 Bien sûr, cela s'est passé dans d'autres municipalités également.
16 M. Williamson (interprétation). - A un moment ou à un autre, la police
17 croate a-t-elle tenté de reprendre le contrôle de ce poste de police ?
18 M. Mesic (interprétation). - Afin de reprendre le contrôle, une action
19 rapide devait être lancée et notamment en établissant des postes de police
20 dans les villages et villes environnant afin que les policiers rebelles de
21 Knin ne puissent plus sévir dans la zone. A Kijevo, qui se trouve près de
22 Knin, un poste de police a également été établi.
23 Une tentative a été faite afin d'instaurer ce contrôle. Nous avons envoyé
24 des hélicoptères, des policiers, afin de s'infiltrer dans Knin et
25 d'établir ce contrôle. Cependant, les
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1 avions Mig de l'armée yougoslave ont bloqué ces hélicoptères et cette
2 opération a échoué.
3 M. Williamson (interprétation). - Pourquoi la JNA voulait-elle intervenir
4 dans cet incident ?
5 M. Mesic (interprétation). - Tout d'abord, cette opération de la JNA m'a
6 pris par surprise. Ce sont également leurs explications qui m'ont surpris.
7 Il aurait été logique que l'armée soutienne les décisions officielles, à
8 savoir le ministère de l'Intérieur. Il fallait réinstaurer l'ordre et la
9 discipline. Il aurait été logique que la JNA soutienne ce type d'action.
10 Cependant, cela ne s’est pas produit. Il m'a été très difficile d'obtenir
11 le numéro de téléphone du général Adzic.
12 Finalement, je l'ai appelé et j'ai protesté. Pourquoi les avions Mig
13 yougoslaves sont-ils en train d'entraver une opération de police qui veut
14 rétablir le contrôle sur son territoire ? Il m'a répondu d'une façon
15 arrogante et agressive, en disant que toute tentative de prendre ce poste
16 de police par des hélicoptères ou d'emmener des policiers à Knin serait
17 entravée et que si une seule tête serbe devait tomber, deux mille têtes
18 croates paieraient le prix de cela.
19 M. Williamson (interprétation). - Quelle était sa position dans la JNA à
20 l'époque, le savez-vous ?
21 M. Mesic (interprétation). - Il était chef d'Etat Major.
22 M. Williamson (interprétation). - A l'automne 1990, votre poste au sein du
23 gouvernement a-t-il changé ?
24 M. Mesic (interprétation). - Oui. A l'automne 1990, les dirigeants
25 croates, dirigeants politiques, ont conclu que le gouvernement
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1 démocratique nouvellement établi en Croatie devait avoir son propre
2 représentant dans le cadre de la présidence de la Yougoslavie. Jusqu'à
3 l'époque, Stipe Suvar faisait partie de cette présidence et représentait
4 la Croatie.
5 On m’a donc nommé, plus précisément c'est le Parlement croate qui m'a élu
6 et on m'a envoyé à Belgrade. Tout d'abord pour assumer le poste de vice-
7 Président de la présidence de Yougoslavie, puis, par la suite, le
8 changement se faisait automatiquement. Je devais devenir
9 Président de la présidence de Yougoslavie.
10 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous êtes devenu membre de la
11 présidence, qui étaient les autres membres de celle-ci ?
12 M. Mesic (interprétation). - A l'époque, le représentant du Kosovo était
13 Riza Sapuniu. Le représentant de la Voïvodine était le professeur
14 Zelenovic. Celui de la Slavonie Janez Drnovsek.
15 Le représentant de la Macédoine était M. Tupurkovski. Bogic Bogicevic
16 était représentant de Bosnie-Herzégovine. Le représentant de la Serbie
17 était Borisav Jovic et le représentant du Monténégro était Nenad Bucin.
18 M. Williamson (interprétation). - Rapidement, après votre arrivée,
19 certains des membres ont-ils été remplacés ?
20 M. Mesic (interprétation). - Effectivement, il y a eu un changement. Le
21 professeur Riza Sapuniu a été remplacé par Sejdo Bajramovic, qui a été élu
22 par l'assemblée serbe au nom de la province autonome du Kosovo. Le
23 Parlement du Kosovo n'a pas pu se réunir ensuite. Ainsi, le parlement
24 serbe a rappelé M. Sapuniu et a nommé ce nouveau membre Bajramovic. Je
25 crois qu'il ne parlait même pas l'albanais. Je ne l'ai jamais entendu
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1 parler albanais.
2 M. Williamson (interprétation). - Qu'en était-il du représentant du
3 Monténégro et de celui de la Voïvodine ?
4 M. Mesic (interprétation). - Le représentant du Monténégro était donc
5 Nenad Bucin. Par la suite, lorsque Borisav Jovic, le représentant de la
6 Serbie, s'est retiré de la présidence, Nenad Bucin l'a également fait.
7 Cependant Borisav Jovic a réintégré la présidence, mais Nenad Bucin a tenu
8 parole, il n'est pas retourné au sein de la présidence. Il a été remplacé
9 par Branko Kostic, du Monténégro. Je crois que Zelenovic avait un poste
10 qui était incompatible. Donc c'est Kostic qui a pris sa place.
11 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous eu connaissance d'une
12 initiative de
13 Martin Spegelj afin de fournir des armes à la Croatie en 1990 ?
14 M. Mesic (interprétation). - Oui. Ce n'est pas seulement à l'initiative de
15 Martin Spegelj. La Croatie a été totalement désarmée avant les premières
16 élections démocratiques L'armée yougoslave avait pris toutes les armes de
17 la défense territoriale. Le système était tel que l'armée était sous le
18 contrôle de la présidence yougoslave, et la défense territoriale était
19 contrôlée par la République, qui s'occupait également des moyens
20 financiers nécessaires. C'était donc le Président de la République qui
21 contrôlait cela.
22 Avant les élections, toutes les armes de la défense territoriale ont été
23 confisquées. Les polices avaient peu d'armes. Il y avait 15.000 policiers
24 légèrement armés. Etant donné les dangers et les menaces auxquels la
25 Croatie devait faire face, la décision a été prise qu'au sein du ministère
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1 de l'intérieur, il faudrait créer une formation que l'on appellerait « les
2 corps de la garde nationale », qui était une sorte de gendarmerie, pour
3 reprendre un équivalent français. On les appelait les ZNG. Ils devaient
4 avoir une structure militaire, mais ils devaient être contrôlés par le
5 ministère de l'intérieur.
6 Afin de réorganiser les rangs ainsi, le ministère de l'intérieur a demandé
7 au ministère fédéral l'autorisation d'acquérir des armes en Yougoslavie.
8 Cependant, leur réponse a été qu'il n'y avait pas d'armes, et que l'usine
9 de production ne pouvait pas nous vendre d'armes. Par la suite, le
10 ministre de l'intérieur a pris la décision que ces armes devaient être
11 achetées à l'extérieur des frontières yougoslaves. Bien sûr, elles l'ont
12 été, pas en quantité, comme on a bien pu le dire par la suite.
13 M. Williamson (interprétation). - Lors de la réunion de la présidence le
14 9 janvier 1991, y a-t-il eu certaines discussions sur le désarmement
15 d'unités paramilitaires ?
16 M. Mesic (interprétation). - Oui. Il y a eu un certain nombre de
17 discussions parce que l'armée yougoslave armait des villages serbes, ce
18 qui était à mon avis une attitude suicidaire parce que le fait d'armer 10%
19 de la population croate, qui était serbe, allait à l'encontre des
20 intérêts serbes. Cependant, malheureusement, l'armée yougoslave ne cessait
21 de faire cela et d'armer ces villages.
22 Les Croates, malheureusement, obtenaient aussi des armes. Il y avait les
23 forces de police, les corps de garde nationale, ZNG, qui obtenaient des
24 armes lourdes. D'autres groupes agissaient en dehors de cette structure.
25 Par conséquent, nous en avons discuté. Ces organisations paramilitaires
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1 illégales devaient être désarmées.
2 La présidence était tout à fait d'accord avec cette idée, bien sûr. Toutes
3 ces organisations n'étaient pas contrôlées par le ministère de
4 l'intérieur. Le ZNG, le corps de garde était une organisation légale. Bien
5 entendu, le désarmement ne devait pas s'appliquer à la ZNG. Et puis, par
6 la suite, certaines personnes n'ont plus été d'accord. Il y a eu un
7 conflit d'opinion. Etc..
8 M. Williamson (interprétation). - Le 21 janvier, vous souvenez-vous avoir
9 entretenu une conversation téléphonique de Sarajevo avec Borisav Jovic?
10 M. Mesic (interprétation). - Oui. Je me souviens que je me trouvais à
11 Sarajevo. J'y ai donné une conférence. Borisav Jovic m'a trouvé. C'est la
12 première fois que j'ai rencontré là-bas Radovan Karadzic. J'étais assez
13 surpris de ses opinions. Borisav Jovic m'a demandé de me mettre d'accord
14 avec lui sur certaines de ses propositions, mais cela n'a pas été
15 possible.
16 M. Williamson (interprétation). - Lors de la réunion de la présidence le
17 25 janvier 1991, y a-t-il eu des discussions sur l'intervention de la JNA
18 en Croatie ?
19 M. Mesic (interprétation). - Oui. Il s'agissait en fait des propositions
20 de Borisav Jovic. J'avais voté contre l'utilisation de l'armée. Cependant,
21 une promesse avait été faite. L'armée ne devait pas intervenir, elle ne
22 devait que faire une apparition.
23 Par leur simple apparition, toute révolte serait dissuadée, la révolte qui
24 avait débuté dans les rues de Belgrade. J'avais donc voté contre cette
25 proposition.
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1 M. Williamson (interprétation). - Quel a été le résultat du vote au sein
2 de la
3 présidence à moment-là ?
4 M. Mesic (interprétation). - La majorité a décidé que cette proposition
5 devait être acceptée, que l'armée devait faire une apparition, mais
6 qu'elle ne devait pas intervenir.
7 M. Williamson (interprétation). - Je ne suis pas sûr que nous parlions de
8 la même chose. Je parle du moment où certaines discussions ont eu lieu sur
9 l'intervention de la JNA en Croatie. Dans votre réponse, vous avez parlé
10 des manifestations de Belgrade.
11 M. Mesic (interprétation). - Oui. Oui, oui. Excusez-moi, je me suis
12 trompé.
13 En Croatie, l'armée n'a jamais obtenu l'autorisation de sortir des
14 casernes. C'était une situation assez spécifique. Lorsqu'il devait y avoir
15 un conflit avec certains groupes rebelles qui étaient en train de
16 conquérir de plus grands territoires, c'était un secret public en quelque
17 sorte, un secret de polichinelle que sur le territoire de Croatie un
18 territoire Serbe était en train d'être établi, ce qui était inacceptable
19 pour la Croatie. Mais l'armée, tous ces différents groupes...
20 Lorsqu'il y avait un conflit, l'armée devait sortir, devait couvrir une
21 certaine zone et empêcher qu'il y ait toute communication entre les
22 membres du gouvernement de la Croatie et les groupes. L'armée était déjà
23 sur le terrain et nous ne pouvions pas la rappeler. Nous, qui étions
24 opposés à l'intervention de cette armée, nous ne pouvions pas obliger
25 l'armée à faire quoi que ce soit.
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1 Nous n'avions pas obtenu cette majorité au sein de la présidence. Il y
2 avait égalité, quatre voix contre quatre. D’un côté, il y avait le bloc
3 Serbe, c'est-à-dire la Serbie, le Monténégro, le Kosovo et la Voïvodine
4 d’une part, et, de l’autre, il y avait la Bosnie-Herzégovine, la Croatie,
5 la Slovénie et la Macédoine, d’autre part. Il y avait donc quatre voix
6 contre quatre. Nous ne pouvions donc pas faire se retirer l'armée.
7 Cependant, nous pouvions prendre une décision, à savoir que l'armée devait
8 se retirer dans un délai de trois mois. C'était la date limite que l'armée
9 devait respecter. Cette décision a été acceptée puisque les représentants
10 de la Serbie et les représentants de l'armée
11 pensaient qu'ils allaient écraser notre résistance en trois mois de toute
12 façon et établir la situation qu'ils souhaitaient voir régner.
13 M. Williamson (interprétation). - Quand cela s’est-il produit ? Quand
14 l'armée est-elle sortie et quand ce délai de trois mois a-t-il été fixé ?
15 Des événements ont-ils précédé cela ?
16 M. Mesic (interprétation). - Il y a eu Pakrac, puis Blitca. Notamment à
17 Pakrac, l’armée est sortie sans aucune raison. La présidence n'avait pris
18 aucune décision à cet effet. A Pakrac, les rebelles avaient attaqué le
19 poste de police. Le ministère de l'Intérieur avait établi une unité
20 spéciale, un détachement qui s'est rendu sur les lieux pour essayer de
21 désarmer ces personnes qui avaient pris le poste de police.
22 Par la suite, l'armée est arrivée avec un grand nombre de chars de
23 différents endroits. A ce moment-là, je me trouvais à Zagreb et j'ai
24 décidé de me rendre là-bas. Je suis allé à Pakrac. Nous avons entamé des
25 négociations avec l'armée. Il y avait quatre généraux, vingt colonels,
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1 soixante-dix officiers au total.
2 Après cela, j'ai déjeuné avec eux. Il y avait le général Vasiljevic, du
3 service des renseignements généraux, qui avait organisé cette provocation,
4 parce que l'objectif était de traverser la Croatie entre Virovitica et
5 Karlovac et d'organiser cette provocation en suivant cette ligne. Mais
6 elle n'était pas aussi efficace qu'il l'aurait souhaité. La population
7 n'avait pas encore commencé à s'entre-tuer.
8 Vasiljevic a prétendu que les femmes et les enfants avaient pris la fuite,
9 qu'ils se cachaient dans la forêt, que la forêt était pleine de gens qui
10 avaient peur des autorités croates. Au cours de la seconde guerre
11 mondiale, je me cachais, moi aussi, dans la forêt avant d'aller en
12 Hongrie. J'ai dit que j’allais voir ces gens parce qu'ils n'ont rien à
13 craindre, ils n'ont aucune raison d'avoir peur de la Croatie. Moi,
14 beaucoup moins que les autres, parce qu’après tout onze membres de ma
15 famille ont perdu la vie lorsqu'ils se battaient dans les rangs des
16 partisans.
17 Puis, le général Trifunovic, un homme raisonnable, a dit : « vous savez,
18 ce ne sont
19 pas des gens qui fuient et qui se cachent dans la forêt. C'est une farce
20 purement et simplement. Il y a eu quelques coup de feu, mais personne n'a
21 été blessé ». C'est justement grâce à la présence de cet homme et d'autres
22 officiers raisonnables que je suis resté déjeuner avec eux.
23 Le lendemain nous avons eu une réunion à la présidence et j'ai informé les
24 autres membres de ce qui s'était passé.
25 M. Williamson (interprétation). - Ce général Trifunovic, dont vous avez
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1 parlé, était-il Serbe ?
2 M. Mesic (interprétation). - Oui, il était Serbe.
3 M. Williamson (interprétation). - Au cours de cette réunion qui a suivi
4 cet incident, avez-vous pu vous entretenir avec Boris Aviovic. Avez-vous
5 parlé des victimes de Pakrac ?
6 M. Mesic (interprétation). - Oui, puisque je savais précisément ce qui
7 s'était passé à Pakrac. J'ai pu informer les membres de la présidence de
8 ce qui s'était passé, que cela avait été une provocation, que les gens ne
9 s'entre-tuaient pas. Il y avait des impacts de balles sur les bâtiments,
10 mais il n'y avait ni blessés ni mors.
11 Par la suite, Borisav Jovic m'a dit, au cours de cette réunion, qu'il
12 avait lu dans un journal de Titograd ce qui s'était passé à Pakrac, que
13 les faits n'avaient pas été niées, mais que de toute façon ils n’auraient
14 pas pu l’être et qu’il avait lu que quarante Serbes avaient été massacrés
15 à Pakrac. Je lui ai dit que c'était totalement faux, que c'était de
16 l'information déformée et qu'il fallait qu'il me croit moi et non ce qu'il
17 avait lu dans les journaux, dans ce journal populaire de Titograd qui
18 avait été imprimé à quelque 800 kilomètres de l'incident. Il ne devait
19 pas lire des choses au sujet desquelles aucun commentaire n'avait été
20 fait. Je lui ai dit que s’il croyait cela, il pouvait alors croire
21 n’importe quoi, ce que j’ai lui, moi, dans les journaux, etc.
22 En fait, il y a eu un certain silence, un silence de confusion. Après
23 cela, c'est mon rapport des incidents de Pakrac qui a fait foi.
24 M. Williamson (interprétation). - Durant cette période de février-
25 mars 1991, qui
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1 était le président de la présidence ?
2 M. Mesic (interprétation). - Le président de la présidence était
3 Borisan Jovic.
4 M. Williamson (interprétation). - A ce moment-là, était-il le commandant
5 suprême de la JNA ?
6 M. Mesic (interprétation). - Oui. J'en étais le vice-Président, car la loi
7 réglant le travail de la présidence était telle que le vice-Président
8 (sortant) devenait automatiquement président d'Etat, le vice-Président
9 entrant devant le devenir au bout d'un an. C'est ainsi que cette politique
10 se déroulait.
11 M. Williamson (interprétation). - Tout à l'heure, vous avez mentionné des
12 manifestations à Belgrade. Une réunion a-t-elle eu lieu ensuite à
13 Belgrade, au début du mois de mars, réunion au cours de laquelle on a
14 parlé de la possibilité d'organiser une intervention des troupes sur les
15 rues de Belgrade ?
16 M. Mesic (interprétation). - Oui, effectivement, c'est ce qui a provoqué
17 une sorte de contradiction de ma part. Borisan Jovic m'avait téléphoné
18 pour me demander si j'étais d'accord avec une intervention de l'armée ;
19 j'ai refusé. Cette décision a été prise à la majorité, mais je n'ai pas
20 voté pour.
21 M. Williamson (interprétation). - Que pouvez-vous dire au sujet de la
22 réunion suivante de la présidence qui s'est déroulée le 12 mars au
23 quartier général de l'armée ?
24 M. Mesic (interprétation). - Normalement, la présidence se réunissait dans
25 le palais de la présidence. D'habitude, il n'y avait aucune difficulté
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1 lors de ces réunions. Quand nous avons convoqué cette dernière réunion du
2 12 mars, moi-même j'y ai assistée. Nous sommes arrivés devant le palais de
3 la présidence où un autobus militaire et une escorte officielle nous
4 attendaient. Ils nous ont dit qu'il fallait que nous nous rendions au
5 quartier général parce que c'était là que nous pouvions disposer de toutes
6 les cartes géographiques nécessaires, qu'il était plus simple de nous
7 rendre sur place que d'amener ces cartes au palais de la présidence. Là
8 aussi, il s'agissait d'une action planifiée à l'avance. Nous y sommes
9 arrivés.
10 Nous avons enlevé nos vestes. Il faisait assez froid. Il n'y avait pas de
11 chauffage. Ils nous ont offert des manteaux d'officiers, tout cela nous a
12 donné un aspect militaire. L'idée était de nous donner un aspect militaire
13 pendant la prise de décision. Mais la plupart d'entre nous ont refusé .
14 Nous avons tout de même résisté au froid sans ces manteaux militaires.
15 Par la suite, j'ai pu voir certaines images de cette réunion à la BBC ; je
16 ne sais pas comment ils ont eu cette vidéo. De toute façon, il s'agissait
17 d'une sorte de tournant.
18 M. Williamson (interprétation). - Pendant cette réunion, quelques
19 décisions ont-elles été adoptées concernant l’intervention de la JNA en
20 Croatie ?
21 M. Mesic (interprétation). - Je sais que la JNA a insisté à plusieurs
22 reprises. Lorsque je dis la JNA, je parle du ministre de la Défense de la
23 Yougoslavie, Veljko Kadijevic, et du chef de l'état-major yougoslave,
24 Blagoja Adzic. Ils demandaient à chaque fois que l'on donne carte blanche
25 à l'armée, l'armée devant avoir toute liberté de décision sur ses propres
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1 actions et interventions, et que la présidence adopte la décision
2 d'accorder la liberté à la JNA sur le timing et toutes les interventions.
3 Je me rappelle avoir rencontré, à la sortie, Bogic Bogicevic, le
4 représentant de la Bosnie-Herzégovine. Quelqu'un -je crois que c'était
5 Vasil Tusurkovski- m'a dit que les généraux ont passé la nuit à parler
6 avec Bogic Bogicevic. Je lui ai demandé comment il se sentait, s'il avait
7 jamais passé la nuit en entretiens aussi agréables avec des généraux. Il
8 m'a dit qu'il se sentait bien. Je lui ai dit : "Quelle va être ton
9 attitude lors de la réunion ?". Il m'a répondu : "Tu sais bien que je suis
10 un homme de principe." ; cela s'est avéré vrai.
11 Nous savions qui allait adopter quelle sorte d'attitude pendant cette
12 réunion. Mais l'armée probablement pensait qu'elle pouvait influencer
13 Bogic Bogicevic. Borisan Jovic a été tellement surpris par l'attitude de
14 Bogic Bogicevic qu'il lui a dit : "Mais écoute, Bogic, tu es serbe". Il a
15 répondu : "Je suis serbe, mais je suis avant tout bosniaque." Encore une
16 fois, le
17 vote s'est terminé par quatre voix pour et quatre voix contre. La décision
18 n'a pas été adoptée.
19 M. Williamson (interprétation). - Lorsque le vote au sein de la présidence
20 pour donner la carte blanche à la JNA n'a pas réussi, quelle a été la
21 réaction de Kadijevic ?
22 M. Mesic (interprétation). - Kadijevic a été très nerveux même si, au
23 départ, quand nous sommes arrivés, il semblait léger, spontané. Il
24 semblait de bonne humeur lorsque nous sommes arrivés. Mais, au fur et à
25 mesure que les discussions se développaient -et surtout mon intervention
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1 l'a contrarié, de manière importante.
2 Lorsque nous sommes arrivés à cette réunion j'ai posé une question. Je
3 voulais savoir si j'étais en état d'arrestation ou pas, étant donné que je
4 suis arrivé dans un autobus militaire avec une escorte militaire. J'ai
5 dit : "Si je suis arrêté, je vais intervenir d'une manière et, si je ne le
6 suis pas, je vais intervenir d'une autre manière." A la suite de cela, le
7 général Kadijevic s'est mis très en colère. Il n'a pas pu se calmer. Après
8 le vote, il est sorti de la pièce en courant et il est rentré.
9 Ce qui m'a surpris à nouveau, c'est qu'il a dit que l'armée allait agir
10 seulement sur la base de la Constitution, de ses obligations
11 constitutionnelles et que, en ce qui concerne la présidence, il ne voulait
12 rien avoir à voir avec cette présidence. Lorsqu'il est revenu quinze à
13 vingt minutes plus tard, je ne sais pas très exactement, il a dit qu’à son
14 avis la Serbie allait créer sa propre armée.
15 M. Williamson (interprétation). - Dans les jours qui suivaient, à un
16 certain moment Borisan Jovic a déposé sa démission de la présidence ?
17 M. Mesic (interprétation). - Effectivement, le lendemain, Borisan Jovic a
18 démissionné par écrit. Au cours d'une intervention télévisée, il a déclaré
19 qu'il n'allait plus se rendre à la présidence car la présidence n'avait
20 pas adopté la décision requise par le sommet militaire. J'ai réagi assez
21 rapidement.
22 Je suis apparu à la télévision moi-même. J'ai dit que rien ne s'était
23 passé, que le
24 Président avait démissionné et que j'avais repris toutes les fonctions
25 d'Etat, que de toute façon les mécanismes d'Etat allaient continuer à
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1 fonctionner comme avant.
2 M. Williamson (interprétation). - Le 16 mars, est-ce que Slobodan
3 Milosevic a fait une déclaration publique en ce qui concerne sa propre
4 vision du statut de la Yougoslavie ?
5 M. Mesic (interprétation). - Oui, oui. C'est une déclaration qui constitue
6 un vrai tournant en ce qui concerne les rapports en Yougoslavie. En effet,
7 Slobodan Milosevic a dit qu'il s'agissait bel et bien des derniers jours
8 de l'agonie yougoslave, que la Serbie, étant donné que Borisav Jovic
9 s’était retiré de la présidence, n'allait pas envoyer de délégués au sein
10 de la présidence yougoslave, mais que la Serbie n'était pas liée non plus
11 par aucune décision de la présidence yougoslave.
12 En effet, il a annoncé une sécession. Cette décision, qu'il a annoncée à
13 cette époque, n'a jamais été retirée par la suite. Même si peu de temps
14 après, Borisav Jovic est réapparu à une réunion de la présidence faisant
15 comme si de rien n'était.
16 Quant à Milosevic, sa déclaration selon laquelle la Serbie n'allait pas
17 respecter les décisions de la présidence n'a jamais été retirée par lui
18 par la suite.
19 M. Williamson (interprétation). - Durant la même période, Milosevic a-t-il
20 parlé de la mobilisation des forces territoriales serbes ?
21 M. Mesic (interprétation). - Effectivement, il a parlé tout de suite, il a
22 annoncé la mobilisation de toutes les unités spéciales et des réservistes
23 au sein de la Serbie. Par la suite, en ce qui concerne ces réservistes, on
24 les a vus partout en Croatie. Mais, bien évidemment, cela a eu un effet
25 d'homogénéisation sur le plan de la défense dans d'autres parties de la
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1 Yougoslavie.
2 M. Williamson (interprétation). - Quelle était à l'époque la fonction de
3 Slobodan Milosevic, au mois de mars 1991 ?
4 M. Mesic (interprétation). - Il était le Président de la Serbie et, bien
5 évidemment, sur la base des décisions de sa propre assemblée, il pouvait
6 effectuer une mobilisation. Mais il
7 n'existait pas une telle décision adoptée par l'assemblée serbe.
8 Malheureusement, l'armée effectuait la mobilisation, même si la présidence
9 n'avait jamais adopté une décision à ce sujet.
10 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous pu voir si M. Milosevic avait
11 une quelconque influence sur la manière dont Borisav Jovic et d'autres
12 membres de ce bloc serbe votaient au sein de la présidence ?
13 M. Mesic (interprétation). - Il était tout à fait clair que les dirigeants
14 militaires étaient sous l'influence et sous le contrôle direct de Slobodan
15 Milosevic. Il ne s'est pas caché de cela.
16 En effet, pas un seul général de l'armée yougoslave ne n’est rendu à moi
17 en tant que commandant suprême, étant donné que j'étais à la tête de la
18 présidence. Automatiquement, j'étais le commandant suprême de l'armée
19 yougoslave. Pas un seul n’est venu me voir. La situation devenait
20 compliquée, voire tragique compte tenu de toutes les victimes, de toutes
21 les destructions. J'essayais de trouver une solution.
22 J'ai demandé à voir le ministre de la défense, Veljko Kadijevic. J'ai
23 essayé de lui dire qu'il ne fallait pas que l'armée s’immisce dans les
24 affaires politiques. C'est ce qui a provoqué la dégradation de la
25 situation. L'armée a établi les frontières de la grande Serbie et,
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1 visiblement, c'était leur tâche.
2 Lorsque j'ai dit à Kadijevic, lorsque je lui ai posé la question de savoir
3 pourquoi Slobodan Milosevic, le Président de la Serbie, avait une
4 influence aussi importante sur lui, il a répondu qu'il ne s'agissait pas
5 d'une influence aussi grande, mais qu'il coopérait avec Milosevic parce
6 que tous les autres étaient des Chetniks beaucoup plus extrémistes que
7 Milosevic. C’est pourquoi il était au contact avec lui. Je lui ai dit
8 qu’il est clair que Milosevic crée l'armée serbe. Il n'aura pas besoin
9 d'officiers yougoslaves, mais d'officiers serbes. Après cette tâche, je
10 lui ai dit qu’il allait partir de l'armée. Je lui ai dit : « si tu
11 continues comme maintenant, tu ne seras même pas vivant à la fin de cette
12 action. »
13 Etant donné que l’armée s’est vue abandonner par ses membres croates,
14 albanais et par d’autres Républiques de l’ex-Yougoslavie, l’armée devenait
15 serbe.
16 M. Williamson (interprétation). - On a parlé également de l'influence de
17 Milosevic sur d'autres membres de la présidence tels Borisav Jovic et
18 d'autres du bloc serbe. A-t-il eu une influence sur la manière dont ils
19 votaient au sein de la présidence ?
20 M. Williamson (interprétation). - Tout à fait. En ce qui concerne
21 Borisav Jovic qui avait le contrôle sur les trois autres membres du
22 Monténégro, Kosovo et Voïvodine, à chaque fois avant les votes il sortait
23 pour quelques minutes. Je lui disais : "Ecoutes, Boro, dis bonjour à
24 Milosevic, et essayez de revenir au plus vite pour qu'on puisse voter". A
25 chaque fois, il me faisait un sourire, il sortait et peu de temps après il
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1 revenait et il votait.
2 M. Williamson (interprétation). - Au même moment, le 16 mars, y- a-t-il eu
3 une sorte de déclaration concernant Knin, concernant les régions sous le
4 contrôle serbe, une déclaration publiée à Knin ?
5 M. Mesic (interprétation). - Oui. Il s'agissait visiblement d'une action
6 synchronisée et M. Babic à déclaré sa sécession par rapport à la Croatie
7 et à Zagreb.
8 M. Williamson (interprétation). - Vous avez mentionné tout à l'heure
9 certains événements qui se sont déroulés à Plitvice. Que s'est-il déroulé
10 à Plitvice en mars 1991 ?
11 M. Mesic (interprétation). - Ce pouvoir rebelle a pris le contrôle sur la
12 région de Plitvice. Le ministère de la défense voulait reprendre le
13 contrôle sur le poste de police là-bas, et établir le fonctionnement
14 normal de toutes les institutions, y compris le poste de police de cette
15 municipalité, des municipalités avoisinantes. Il n'y avait aucune raison
16 d'avoir un conflit militaire, la preuve en est que les policiers qui se
17 rendaient sur place étaient dans un autobus et n'étaient pas en équipement
18 de combat. Mais ils ont été accueillis avec des tirs de feu. Il y a eu
19 certaines victimes, un certain policier a été tué. La situation s'est
20 détériorée par la suite.
21 M. Williamson (interprétation). - Est-ce que certains Serbes ont été
22 arrêtés à la
23 suite de cet incident ?
24 M. Mesic (interprétation). - Oui. Certains Serbes ont été interpellés à la
25 suite de cela, y compris Goran Hadzic, qui était sur place alors qu'il n'y
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1 avait aucune raison pour qu'il soit là, étant donné qu'il venait de la
2 région de Podunavlje Je pense qu'il a été libéré par la suite et qu'il
3 avait déclaré qu'il se trouvait dans cette région par hasard, qu'il y
4 était de passage.
5 M. Williamson (interprétation). - Cette région de Podunavlje se trouve-t-
6 elle en Slavonie orientale ?
7 M. Mesic (interprétation). - Oui, la région de la Slavonie orientale,
8 Baranja le Srem occidental.
9 M. Williamson (interprétation). - Après Plitvice, la JNA a-t-elle reçu
10 plus de pouvoir d'action en Croatie pendant trois mois ? Cette décision a-
11 t-elle été adoptée par la présidence ?
12 M. Mesic (interprétation). - Ce n'est pas la présidence qui a donné ce
13 pouvoir à la JNA, mais la JNA s'est retrouvée dans une situation où la
14 présidence n'avait pas adopté de décision. Donc la JNA n'avait pas
15 d'instructions. Nous avons dit qu'ils n'avaient qu'à rester sur place
16 pendant trois mois et qu'au bout de trois mois ils devaient se retirer.
17 M. Williamson (interprétation). - Où étaient-ils à ce moment-là ? Il
18 n'étaient pas dans les casernes ?
19 M. Mesic (interprétation). - Effectivement, ils n'étaient pas dans les
20 casernes et leurs actions étaient tout à fait illégales. Après cela, il
21 n'était plus possible d'entreprendre des actions illégales, après
22 l'expiration de ce délai de trois mois.
23 M. Williamson (interprétation). - Fin mars, avez-vous pris connaissance
24 d'une réunion entre Slobodan Milosevic et Franjo Tudjman à Karadjordjevo ?
25 M. Mesic (interprétation). - Non seulement, j'ai pris connaissance de
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1 cette réunion, mais je l'ai organisée d'une certaine manière. C'est-à-dire
2 que je me suis adressé à Bora Jovic en
3 tant que représentant serbe au sein de la présidence yougoslave, et je lui
4 ai dit que nous savions très certainement que la JNA armait des serbes,
5 qu'on distribuait des armes de qualité. Il ne s'agissait pas simplement
6 des armes visant à la défense, il y avait une possibilité réelle d'avoir
7 un conflit éclaté, une escalade de la situation, les Croates allaient
8 s'armer également, les choses allaient échapper à tout contrôle et, dans
9 un conflit entre les 10 % des Serbes en Croatie et 90 % des Croates, les
10 serbes allaient tout perdre. Ils allaient perdre leurs propriétés et aussi
11 leur vie. Je lui ai dit : "Pourquoi pousser la population à un tel
12 suicide ? Il faut essayer de voir si l'on pouvait trouver une solution par
13 la négociation". Je lui ai dit : "Qu'est-ce qui vous intéresse ? Le
14 territoire croate ou les Serbes en tant que citoyens croates" ? Il m'a
15 répondu : "En ce qui concerne les Serbes en Croatie, cela ne m'intéresse
16 pas du tout. Ce ne sont pas nos citoyens. Mais les autres, si vous voulez
17 les empaler, je m'en fiche, ce n'est pas notre problème". Je lui ai dit :
18 "Mais alors qu'est-ce qui vous intéresse" ? Il m'a dit : "Ce qui nous
19 interesse, ce sont les 66 % du territoire serbe de Bosnie-Herzegovine,
20 c’était le territoire qui était serbe, qui est serbe et qui restera
21 serbe». J’ai dit : "Si les citoyens serbes de Croatie ne vous intéressent
22 pas, s'il n'y a que la Bosnie qui vous intéresse, retrouvons-nous autour
23 d'une table, essayons de trouver une solution au problème en Croatie,
24 essayons de pacifier la situation et quant au problème de Bosnie, nous
25 pouvons l'internationaliser, le résoudre au sein d'institutions
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1 internationales. Mais essayons d'éviter la guerre". Je lui ai dit aussi :
2 "Es-tu d'accord, pour que d'un côté moi-même et Tudjman, de l'autre côté
3 toi même et Slobodan Milosevic, nous nous retrouvions quelque part pour
4 analyser la situation et pour arriver éventuellement à une proposition de
5 solution" ?. Il m'a répondu qu'il était d'accord personnellement mais
6 qu'il devait consulter Milosevic et qu'il allait me téléphoner une heure
7 plus tard. Il m'a téléphoné en me disant que Milosevic était d'accord avec
8 une telle réunion et qu'il proposait qu'elle ait lieu où que ce soit dans
9 le pays ou à l'étranger. Je suis allé à Zagreb tout de suite avec cette
10 information. J'ai dit à Tudjman que les deux autres étaient prêts à nous
11 rencontrer. Je lui ai parlé de tout le
12 contenu de l'entretien et il m'a dit : "Très bien, donc ils sont d'accord
13 ,je te dirai quand nous devrons organiser cet entretien". Cependant, je
14 n'ai jamais eu l'occasion d'organiser une telle réunion. Par la suite,
15 j'ai appris que Tudjman allait rencontrer Milosevic tout seul, qu'ils
16 devaient se rencontrer tous les deux à Karadjordjevo.
17 Je lui ai demandé qu'elle était la raison. La réponse était : « je veux
18 savoir ce qu’il veut ». J'ai dit qu’étant donné qu'en 1971 une réunion a
19 eu lieu à Karadjordjevo et que par la suite, cela a eu des conséquences
20 sur certains d'entre nous, que par la suite plusieurs d'entre nous ont été
21 emprisonnés, je lui ai dit que ce n'était pas un bon endroit pour se
22 rencontrer avec Milosevic. Il m'a répondu : « peu importe l'endroit, je
23 veux simplement voir ce qu'il veut ».
24 Il est parti tout seul. Il est rentré le même jour et il a dit qu'il avait
25 des garanties de la JNA comme quoi l'armée yougoslave n'allait pas
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1 attaquer la Croatie. Il a dit que ces garanties n'ont pas été offertes
2 seulement par Veljko Kadijevic, mais aussi par Slobodan Milosevic, que la
3 Bosnie n'était pas viable en tant qu'Etat, qu'il s'agissait là de
4 l'opinion de Slobodan Milosevic et que, dans ce cas-là, la Croatie
5 recevrait les mêmes frontières, les mêmes frontières qu'elle avait en 1938
6 et que Milosevic a dit aussi : « vous n'avez qu'à prendre Cazin, Kladusa
7 et Bihac ». Il s’agissait de la Bosnie occidentale, la Bosnie turque. Il a
8 ajouté que la Serbie n'avait pas besoin de cela.
9 J'ai dit que ce n'est pas logique. Milosevic veut entamer une guerre pour
10 dépecer la Bosnie. J'ai dit que de toute façon, je me demandais s'il était
11 possible de démembrer la Bosnie sans la guerre. Tudjman m'a dit que je ne
12 connaissais pas l'histoire. J'ai dit que peut-être que je ne connaissais
13 pas l'histoire, mais que j’avais un sens logique. Le temps a montré que
14 j’avais eu raison.
15 M. Williamson (interprétation). - Début mai, un incident s’est-il produit
16 à Borovo Selo, incident dont vous avez pris connaissance ?
17 M. Mesic (interprétation). - Oui, cela a été publié partout dans le pays
18 et à
19 l'étranger. La police croate était au courant avec l'armement des Serbes
20 et des villages serbes. Une patrouille croate suivait une camionnette pour
21 laquelle on présumait qu'elle était pleine d'armes. La camionnette s'est
22 perdue quelque part.
23 En cherchant la camionnette, ils sont arrivés jusqu'au centre de Borovo
24 Selo. Les tirs de coups de feu ont commencé. Un policier a été tué, un
25 autre a été capturé et un autre a réussi à s'échapper. Il est allé à
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1 Vukovar et a informé les autres de cet événement. La police locale a
2 envoyé un autobus plein de policiers en se disant que compte tenu du grand
3 nombre de policiers sur place, il n'y aurait aucun conflit, qu’il était
4 possible de faire constat, de voir qui avait entamé cette action armée
5 sans aucune raison.
6 Cependant, ils ont été accueillis par des tirs, des coups de feu. Il y a
7 eu beaucoup de blessés, douze policiers ont été tués. Par la suite, il a
8 été constaté que les agresseurs venaient en grande partie de Serbie,
9 qu'ils étaient très bien armée et très professionnellement formés. Le
10 résultat fut tragique pour les Croates, c'est-à-dire que des
11 professionnels dans leur propre métier ont été tués d'une manière aussi
12 barbare.
13 M. Williamson (interprétation). - Vous avez donc été vice-Président de la
14 présidence pendant cette période. Y a-t-il eu une date à laquelle vous
15 deviez prendre la présidence par roulement.
16 M. Mesic (interprétation). - Oui, je devais devenir Président de la
17 présidence. Compte tenu de l'inertie ambiante ou du système, je devais
18 devenir Président de façon automatique. Il suffisait de dire que la
19 Croatie avait envoyé son représentant pour que celui-ci devienne Président
20 de la présidence, que son poste ou son office de vice-Président était
21 arrivé à expiration et qu'il était censé de venir Président.
22 Cela devait se faire en mars, mais le bloc serbe n'a pas marqué son
23 accord. Borasav Jovic avait mis cela aux voix, alors que précédemment tout
24 se faisait de façon automatique. Le résultat du vote a été : une
25 abstention, trois voix.... Borasav Jovic, en tant que Président, a dit
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1 que le Président n'avait pas été élu. Cela a créé un vide : ce roulement
2 automatique n'était plus appliqué. La Serbie a insisté pour que n'importe
3 qui pouvait venir de la Croatie, sauf Stjepan Mesic. C’était une vexation
4 pour la Croatie parce que ce serait la Serbie qui allait alors décider qui
5 représenterait la Croatie au sein de la présidence de la Yougoslavie.
6 Une crise a donc éclaté dans le cadre de ces rapports généraux. Il y a eu
7 la Troïka de la communauté. Vous avez le représentant de la communauté
8 internationale. On a exercé une pression au niveau international. Ils ont
9 essayé de forcer les dirigeants serbes. Le bloc serte a accepté cette
10 solution qui n'a pas été imposée à la Yougoslavie par qui que ce soit.
11 Cela faisait partie de la pratique que nous avions toujours adoptée.
12 Après un certain temps, deux mois s'étaient écoulés, ils ont accepté que
13 je devienne Président de la présidence de la Yougoslavie. Il me semble que
14 c’est Vandenbroeck qui a joué le rôle principal dans cet incident. Il
15 voulait que la décision soit adoptée.
16 M. Williamson (interprétation). - Je ne sais pas s'il y a problème de
17 traduction ou pas pour ce qui est de la date de l'événement. Cela s’est-il
18 passé en mars ou en mai ? Deviez-vous devenir Président de la présidence
19 en mars ou en mai ?
20 M. Mesic (interprétation). - C’était en mai et cela a duré environ deux
21 mois. Je ne sais plus exactement.
22 M. Williamson (interprétation). - Le 25 juin 1991, s'est-il produit
23 quelque chose en Croatie et en Slovénie, un événement vraiment
24 significatif ?
25 M. Mesic (interprétation). - Oui. La Croatie a organisé un référendum pour
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1 savoir ce que voulaient les citoyens de la Croatie. Au cours de ce
2 référendum, 85 % des citoyens qui se sont exprimés ont voté en faveur de
3 l'indépendance. Il y avait deux options possibles : soit on restait au
4 sein de la Yougoslavie, soit on votait pour l'indépendance. 85 % ont voté
5 pour l'indépendance, mais je peux vous dire aussi que la majorité des
6 Serbes ont voté pour une Croatie indépendante.
7 M. Williamson (interprétation). - Cette indépendance a-t-elle été
8 effectivement proclamée le 25 juin ?
9 M. Mesic (interprétation). - Non. Après ce référendum, le Parlement Croate
10 a accepté la décision manifestée par le référendum et a proclamé
11 l'indépendance. Je me dois d'ajouter, qu'avant la proclamation de
12 l'indépendance, la Croatie et la Slovénie, par le truchement de leurs
13 représentants ainsi que de moi-même, ont essayé de reconstruire la
14 Yougoslavie car il était évident que la Yougoslavie dans son état d'alors
15 ne pouvait pas perdurer.
16 Toutes les Républiques étaient frustrées de leur statut. Toutes pensaient
17 qu'elles étaient en train de perdre dans la Yougoslavie. Là, c'était pour
18 moi un signe que ce mécanisme de l'Etat devait être revu. Milosevic,
19 puisqu'il s'emparait de la direction de la Voïvodine et du Monténégro,
20 ainsi que du Kosovo, a aussi dit que la Serbie était lésée par la
21 Yougoslavie, que des usines serbes avaient été démantelées et installées
22 ailleurs après la deuxième guerre mondiale.
23 Des explications avaient été fournies aux fins de dire que la Serbie
24 n'avait plus besoin de la Yougoslavie. Nous l’avons vu dans les décisions
25 qu'il a prises, puisqu'il ne reconnaissait plus les décisions prises par
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1 la présidence de la Yougoslavie. Mais lorsqu'il a renforcé son pouvoir,
2 lorsqu'il a renversé les dirigeants des provinces, il a prétendument
3 déclaré oeuvrer en faveur de la Yougoslavie. Il a dit que la Serbie ne
4 voulait rien d'autre qu'une fédération ferme.
5 Que voulait dire «une fédération solide » ? Cela voulait dire que tous les
6 autres éléments constitutifs de la fédération étaient sensé subir le sort
7 de la Voïvodine et du Kosovo. Personne n'a bien sûr accepté cette
8 situation, d'où notre proposition d'avoir un système fédéré ou confédéré,
9 mais ce serait une vraie confédération.
10 En d'autres termes, nous saurions quels seraient les pouvoirs au niveau de
11 la
12 confédération et qui paierait et pourquoi de façon que tous les comptes
13 soient nets et clairs.
14 Cette proposition prévoyait aussi une date butoir. Il s'agissait de voir
15 si cela pouvait marcher en l'espace de trois à cinq ans. Si ce modèle
16 marchait bien, on garderait le modèle de la confédération. A l’inverse,
17 nous prendrions des chemins séparés. Milosevic refusait une telle idée. Il
18 ne cessait de défendre l'idée d'une fédération qu'il appelait « moderne et
19 ferme ». De cette façon, il montrait qu'il ne s'intéressait à aucune forme
20 que pourrait prendre la Yougoslavie, que tout ce qu'il voulait c'était une
21 plus grande Serbie.
22 Par la suite, le temps l'a prouvé lorsque la Slovénie en a eu le droit.
23 Quand l'armée s'est retirée de la Slovénie, tout cela a montré qu'il se
24 passait d'autres choses au moment du démembrement de la Yougoslavie. Il
25 était clair qu'une plus grande Serbie devait naître au moment où la
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1 Yougoslavie était ravagée.
2 M. Williamson (interprétation). - Vous avez parlé du retrait de la
3 Slovénie de la Yougoslavie. Y a-t-il eu une intervention de la JNA en
4 Slovénie ?
5 M. Mesic (interprétation). - Officiellement, l'armée n'est pas intervenue
6 parce que la Slovénie avait proclamé son indépendance, mais elle a trouvé
7 un prétexte. En effet, la Slovénie avait établi ses propres régimes
8 douaniers ou plutôt ses points de contrôle aux frontières. De cette façon,
9 le système des douanes yougoslaves ne pouvait plus fonctionner.
10 Le bureau des Douanes centrales a demandé au gouvernement fédéral et au
11 Premier ministre, Ante Markovic, d'établir un contrôle douanier. Je crois
12 que c'est sans malice qu'il a demandé l'assistance de l'armée, en cas de
13 nécessité. Cependant, l'armée, au lieu d'aider les postes frontières, les
14 postes douaniers, a quitté ses casernes avec ses chars et a commencé à
15 établir ses propres barrages routiers aux frontières. Les habitants de
16 Slavonie avaient les leurs. Ils ont riposté. Cela a débouché sur un
17 conflit, une guerre de dix jours.
18 Moi aussi, j'ai essayé d'établir un semblant de paix, de mettre terme à ce
19 conflit. Je n'ai pas pu prendre l'autoroute, mais les routes de campagne
20 vers Lubjana. J'ai parlé avec les
21 plus hauts représentants militaires, avec Milan Kucan. J'ai fini par
22 réussir à les convaincre qu'il fallait mettre fin à la guerre. La Défense
23 territoriale de la Slovénie devrait, avons-nous dit, ainsi que l'armée,
24 reprendre le chemin des casernes.
25 M. Williamson (interprétation). - Au cours de cette période où la JNA
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1 était impliquée en Slovénie, avez-vous émis le 30 juin un ordre pour que
2 la JNA réintègre ses casernes ?
3 M. Mesic (interprétation). - Tout à fait. La présidence avait déjà
4 précédemment rendu une décision selon laquelle l'armée pouvait rester hors
5 de ses casernes pour une période de trois mois. Nous parlions des unités
6 de l'armée qui étaient déjà cantonnées à l'extérieur. Il n'était pas
7 nécessaire de prendre une nouvelle décision. Sur la base de la décision
8 existant déjà, j'ai donné des instructions pour que toutes les unités de
9 l'armée réintègrent les casernes. Ils n'ont bien sûr pas respecté cet
10 ordre. C'était pratiquement un coup d'Etat militaire.
11 Par la suite, que ce soit dans les faits ou dans la forme, l'armée n'a
12 plus jamais écouté les ordres de la présidence. Elle n'a plus jamais
13 écouté que Slobodan Milosevic.
14 M. Williamson (interprétation). - J'aimerai montrer au témoin le document
15 portant la cote P102.
16 (L’huissier s’exécute.)
17 Pouvez-vous dire ce qu'est ce document, Monsieur Mesic ?
18 M. Mesic (interprétation). - J'ai signé ce document qui porte la date du
19 30 juin. Ce document dit : «1- L'état-major devrait arrêter toute action
20 militaire en Slovénie conformément à l'accord conclu entre les dirigeants
21 de la Yougoslavie, le représentants de la Communauté européenne. 2- Ordre
22 pour que toutes les unités militaires retournent dans les casernes, cela
23 vaut pour tout le territoire du pays. 3- Je donne l'ordre à l'état-major
24 de la JNA de retirer sur-le-champ l'ordre de mobilisation. 4- J'informe
25 toutes les autorités républicaines et fédérales, ainsi que l'opinion
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1 publique nationale et internationale, que j'ai été forcé de
2 prendre ces mesures à cause de l'attitude systématique des représentants
3 de la Serbie, du Monténégro, dans la présidence de la RSFY interdisant à
4 la présidence de se constituer conformément à la Constitution de la RSFY.»
5 M. Williamson (interprétation). - A quel titre, en quelle qualité, avez-
6 vous donné ces ordres ?
7 M. Mesic (interprétation). - J'ai donné ces ordres, ces instructions, à
8 titre de membres de la présidence et de commandant suprême de l'armée
9 yougoslave. En effet, en vertu de la Constitution, je détenais ces
10 fonctions, notamment dans l'armée.
11 M. Williamson (interprétation). - La JNA a-t-elle exécuté l'ordre que vous
12 aviez rendu, vous qui étiez le chef de la Yougoslavie, le chef légal de la
13 Yougoslavie ?
14 M. Mesic (interprétation). - Non. Ils n'ont fait que rire. Ils s'en sont
15 moqués.
16 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, l'heure est-elle
17 venue de faire une interruption ?
18 M. le Président (interprétation). - Oui. Nous allons faire une suspension
19 de vingt minutes.
20 L’audience, suspendue à 10 heures 15, est reprise à 10 heures 40.
21 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Mesic, nous en étions restés au
22 moment où cette ordonnance que vous aviez rendue le 30 juin était l'objet
23 de discussions. Avec l'intervention de la troïka de la communauté
24 européenne, avez-vous réussi à prendre officiellement fonction en tant que
25 président de la présidence, le 1er juillet ?
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1 M. Mesic (interprétation). - Oui. Comme je l'ai dit, cette intervention a
2 eu lieu parce que la présidence n'avait pas été constituée. Mais la troïka
3 européenne a exercé une pression sur le bloc serbe et, finalement, j'ai
4 été élu président de la présidence ou, plus
5 exactement, confirmé à ce poste de président de la présidence.
6 M. Williamson (interprétation). - Le 4 juillet 1991, y a-t-il eu une
7 réunion de la présidence par rapport au conflit qui se poursuivait en
8 Slovénie ?
9 M. Mesic (interprétation). - Oui. Lors de cette réunion, tout ce qui se
10 passait en Slovénie a été discuté.
11 M. Williamson (interprétation). - Y a-t-il eu une discussion ou une
12 décision prise à propos du retour de la JNA dans les casernes en
13 Slovénie ?
14 M. Mesic (interprétation). - Oui. C'était bien là l'objet principal de la
15 réunion, à savoir si l'armée devait réintégrer les casernes.
16 M. Williamson (interprétation). - Quatre jours plus tard, le 8 juillet, y
17 a-t-il eu une réunion à Brjone ?
18 M. Mesic (interprétation). - A Brjone, il y a eu une réunion avec l'aide
19 de la troïka européenne.
20 M. Williamson (interprétation). - Des représentants de toutes les
21 républiques de la Yougoslavie étaient-ils aussi présents à cette réunion ?
22 M. Mesic (interprétation). - Ce que je sais, c'est que nous avons attendu
23 longtemps les représentants de la Serbie et du Monténégro. Je ne sais plus
24 exactement aujourd'hui qui était présent à cette réunion, mais je sais
25 qu'il y avait une majorité qui nous a permis d'adopter cette décision.
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1 M. Williamson (interprétation). - Quel a été le résultat de cette
2 réunion ? A-t-elle débouché sur une décision relative à la situation en
3 Croatie, en Slovénie et, surtout, par rapport à l'indépendance de ces deux
4 républiques ?
5 M. Mesic (interprétation). - C'était l'objet principal de notre réunion.
6 La troïka européenne avait insisté sur ce point à savoir que les décisions
7 de la Slovénie et de la Croatie par rapport à l'indépendance ne devraient
8 pas être mises en oeuvre au cours d'un délai de trois
9 mois.
10 Personne n'avait fait objection à ce que la Slovénie et la Croatie
11 deviennent indépendantes. Toutefois, il y avait simplement une proposition
12 sur la table qui visait à ce qu'on essaie, par des moyens politiques,
13 d'éviter ce conflit en ayant cette période de trois mois pour essayer de
14 ne pas résoudre les problèmes par l'exercice de la force ou de la
15 pression.
16 M. Williamson (interprétation). - L'effet de cette décision était-il
17 d'enlever cette indépendance à la Croatie et à la Slovénie ?
18 M. Mesic (interprétation). - Non, pas du tout. Il n'en a pas du tout été
19 question. C'était seulement l'application de la décision qui était
20 repoussée. Toutefois, les résultats ont été maintenus. En effet, après
21 tout, cette décision avait été prise dans le respect du droit, que ce soit
22 pour la Croatie ou la Slovénie. Il était donc clair que, si une solution
23 ne pouvait pas se trouver dans l'espace de trois mois, ces décisions
24 resteraient d'application.
25 M. Fila (interprétation). - Objection. Je demande que le témoin ne donne
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1 pas un avis d'expert sur qui devient indépendant et comment cette
2 république le devient. Hier, nous nous étions mis d'accord pour qu'il ne
3 parle que du rôle qu'il a joué. J'ai entendu déjà beaucoup d'insultes à
4 l'égard de la tête de mon Etat.
5 Je défends Slavko Dokmanovic à Vukovar pour un seul jour et ce témoin a
6 été appelé à la barre en tant que président de la présidence pour voir ce
7 qui s'est passé. De là à lui poser des questions sur le Kosovo, la
8 Voïvodine, je ne sais encore quoi. Nous ne parlons pas du sujet qui nous
9 intéresse. Je n'ai rien contre cet homme, il répond aux questions qui lui
10 sont posées. Maintenant, on lui pose des questions sur l'indépendance
11 alors que c'est une question qui regarde les experts.
12 Je demande donc, avec tout le respect que je dois à la Chambre, que ne
13 soit posées au témoin que les questions sur lesquelles il a des
14 connaissances. Il n'a pas à déterminer si des élections étaient légales ou
15 pas.
16 M. Williamson (interprétation). - Puis-je répondre,
17 Monsieur le Président ?
18 M. le Président (interprétation). - Oui.
19 M. Williamson (interprétation). - D'abord, toutes ces questions portent
20 sur la dissolution de la Yougoslavie. Tout l'intérêt de cela pour nos
21 débats porte sur la question de savoir si c'est un conflit armé
22 international, non pas sur ce qui s'est passé le 20 novembre à Vukovar,
23 mais qui nous donne une idée plus large de la situation.
24 J'ai perdu le fil de mes idées, excusez-moi.
25 M. le Président (interprétation). - On parle ici de l'indépendance de la
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1 Croatie.
2 M. Williamson (interprétation). - Merci, Monsieur, de me le rappeler. De
3 surcroît, ce témoin ne tirait pas de conclusion juridique, pas du tout. Il
4 parle de décisions qui avaient été prises à ce moment-là, auxquelles il a
5 participé. Il a participé à l'élaboration de ces décisions, aux modalités
6 de prise de décision. Il parle aussi de ces décisions.
7 Mais la décision ultime ou les conclusions juridiques que l'on pourrait
8 tirer quant aux effets de ces actions et de ces décisions, effets mis en
9 oeuvre par les participants à cette action, relèvent du ressort de la
10 Chambre. Ce qui nous intéresse, ce sont les discussions auxquelles cette
11 personne, à titre individuel, a participé mais aussi en tant que président
12 de la présidence.
13 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, je dois dire que votre
14 objection n'est pas retenue. En effet, ce que vient de dire le Procureur
15 est tout à fait approprié. Il essaie de dresser un cadre général, de
16 montrer le décor ou les circonstances, le contexte dans lequel tout cela
17 s'est passé, dont on voit les répercussions ici, devant la Chambre. Il
18 incombera à la Chambre seule de tirer les conclusions juridiques. Je
19 demanderai au témoin de s'abstenir de tirer des conclusions juridiques ou
20 de donner des définitions juridiques.
21 M. Williamson (interprétation). - Fort bien, Monsieur le Président, je
22 vous remercie. A la suite de cette conférence à Brjone, y a-t-il eu,
23 le 18 juillet, une réunion au cours
24 de laquelle la question du retrait de la JNA de la Slovénie été posée ?
25 M. Mesic (interprétation). - C'est exact. Pour moi, les propositions
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1 soumises par les cadres supérieurs de l'armée et l'accord de la Serbie
2 d'accepter cela à l'ordre du jour, à savoir le retrait de la JNA, m'a
3 surpris. Pourquoi ? Parce que si la JNA luttait pour la survie de la
4 Yougoslavie, il n'était pas logique, pour moi, qu'il y ait retrait de la
5 JNA de la Slovénie.
6 En d'autres termes, j'ai compris de quoi tout ceci retournait. Je n'ai pas
7 voté en faveur de la proposition, mais j'ai émis des réserves. J'ai dit :
8 « Si la JNA se retire de la Croatie et de la Bosnie-Herzégovine aussi, à
9 ce moment-là je voterai en faveur du retrait de la JNA de la Slovénie
10 aussi » ; car je craignais que cette armée ou que des parties de cette
11 armée ne s'aventurent en Croatie, en Bosnie-Herzégovine pour y renforcer
12 les forces qui s'opposaient aux autorités légales.
13 M. Williamson (interprétation). - En juillet et en août 1991, que se
14 passait-il dans la région de la Krajina, en Croatie ?
15 M. Mesic (interprétation). - En Krajina, il y a eu aussi un référendum. Je
16 ne sais pas exactement quand il s'est tenu. Nous nous sommes dit que ce
17 n'était pas un exercice légal parce que ce référendum n'a pas été tenu
18 conformément à quelque réglementation que ce soit de la République de
19 Croatie, alors qu'il se tenait en République de Croatie.
20 Deuxièmement, c'était un référendum strictement national, ce qui n'est pas
21 autorisé, car les décisions devaient se prendre sur le territoire. S'il y
22 avait quelque référendum que ce soit, tous les citoyens de ce territoire
23 devaient s'exprimer aux urnes, y compris ceux qui avaient été évincés de
24 ce territoire. Pourtant, ces personne ne se sont pas présentées au
25 référendum qui, dès lors, n'avait aucun effet légal.
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1 M. Williamson (interprétation). - Dans la région de la Krajina, y avait-il
2 davantage de régions qui se trouvaient peu à peu sous le contrôle des
3 Serbes ?
4 M. Mesic (interprétation). - Je dirai que de plus en plus de régions se
5 trouvaient
6 sous le contrôle de la JNA, laquelle était devenue pratiquement l'armée
7 serbe. Ce n'était qu'un prétexte. Le conflit entre les deux parties
8 belligérantes serait résolu par le fait que l'armée s'interposerait, mais
9 l'armée ne s'interposait pas entre les deux parties. Elle couvrait le
10 territoire qui était censé devenir partie de la grande Serbie par la
11 suite.
12 M. Fila (interprétation). - Objection une fois de plus,
13 Monsieur le Président. Ce sont là des conclusions, des déductions. Ce
14 n'est pas là une déposition. Ce sont des conclusions selon lesquelles une
15 grande Serbie est en train de se créer, que c'est l'armée qui le fait. Ce
16 sont des conclusions, c'est inacceptable. Mais je ne vais plus protester.
17 A vous de décider comme vous voulez.
18 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, j'ai le sentiment que le
19 témoin donne sa propre vision des faits historiques. Vous avez le droit de
20 contester son évaluation par la suite.
21 Il n’empêche qu'il se prononce sur des faits historiques, tel qu'il les a
22 perçus. Je ne vois pas en quoi cela n'est pas correct.
23 M. Williamson (interprétation). - Si vous le permettez, Monsieur le
24 Président, le témoin était alors commandant suprême des militaires.
25 Pouvait-il exercer ce contrôle ou pas ? Je ne sais pas. En tout cas, il
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1 était en mesure de recueillir des informations et de s’entretenir avec
2 telle ou telle personne. Nous y viendrons d'ailleurs dans un instant.
3 Après que ces régions de la Krajina et d'autres parties de la Croatie se
4 sont trouvées sous le contrôle des Serbes, qu'est-il advenu des civils
5 serbes qui y vivaient. Ont-ils eu le droit de rester sur ce territoire ?
6 M. Mesic (interprétation). - La plupart des civils ont été expulsés.
7 Beaucoup d'entre eux ont été tués. Beaucoup de villages ont été incendiés,
8 rayés de la carte et beaucoup de personnes sont restées sur place, mais
9 dans des conditions très difficiles d'après les informations que j'ai pu
10 recevoir.
11 M. Williamson (interprétation). - Au cours de cette période, avez-vous eu
12 l'occasion de discuter de toutes ces choses et de faire valoir ces
13 éléments précisément, à savoir que des civils étaient expulsés ou tués.
14 Avez-vous porté cela à la connaissance du ministre de la Défense,
15 M. Kadijevic ?
16 M. Mesic (interprétation). - J'en ai parlé à Veljko Kadijevic, ministre de
17 la Défense, à ma propre demande dans son bureau. J'en ai également parlé
18 avec Borasav Jovic, représentant serbe de la présidence. Je dois dire que
19 lorsque la soi-disant Krajina a demandé l'indépendance de la Croatie, j'en
20 ai discuté aussi avec Milan Babic, le Président de la soi-disant Krajina.
21 Je lui ai dit qu'ils étaient en train de le duper, que Borojevic et
22 Milosevic étaient en train de le duper et que ces territoires croates
23 n'allaient pas faire partie de la Serbie.
24 Lui répétait ce que Milosevic n'avait eu de cesse de dire, que tous les
25 Serbes avaient le droit de vivre dans le même Etat et qu'il pouvait
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1 exercer ce droit par voie de référendum, même s'il est bien connu que la
2 Commission Badinter en a conclu que les Républiques avaient le droit de
3 sécession et non pas les individus. C'est finalement ce qui s'est passé.
4 Je lui ai donc dit qu'il serait préférable qu'ils résolvent leurs
5 problèmes en Croatie plutôt qu'à Belgrade.
6 Monsieur Babic n'a pas vraiment écouté mes propos. Il a dit que lui et moi
7 nous aurions l'occasion de voir que tout cela allait devenir la Serbie. Je
8 lui ai répondu qu’en aucun cas, que ce n'est pas seulement qu'il n'aurait
9 pas la Serbie en Croatie, mais qu'il n'aurait pas non plus son cabinet de
10 dentiste en Croatie, car il était dentiste. Je lui ai demandé s'il voyait
11 vraiment ce qui se passait, que les Serbes devenaient totalement serbes,
12 que l'armée devenait aussi tout à fait serbe et qu'ils étaient en train de
13 prendre le territoire de Garasanin et que le mémorandum de l'académie
14 militaire des sciences avait demandé, à savoir qu'une grande Serbie était
15 en train d'être créée.
16 Il a ajouté que lui n'avait rien à voir dans ce contexte, qu'il était
17 général yougoslave et que quand il aurait terminé son travail, d'autres
18 viendraient à sa place, des généraux serbes et
19 qu'il n'aurait plus aucune place.
20 C'était valable aussi pour tout autre général yougoslave, à savoir qu'ils
21 n'auraient plus leur place. Nous ne nous sommes pas mis d'accord,
22 malheureusement.
23 Par la suite, il a publié un livre dans lequel il a confirmé ce que
24 j'affirme aujourd'hui, c'est-à-dire que prétendument il défendait les
25 Serbes, mais qu'en fait il créait de nouvelles frontières.
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1 M. Williamson (interprétation). - A votre connaissance, des mesures ont-
2 elles été prises par le général Kadijevic ou par Borasav Jovic pour mettre
3 un terme à ces pratiques d'expulsion de civils croates, au fait de tuer
4 des civils au cours d'actions menées par la JNA ?
5 M. Mesic (interprétation). - Je pense qu'effectivement il y a eu des cas
6 où l'armée à une attitude moins dure par rapport à la population. Lorsque
7 l'armée apparaissait, il s'en suivait aussi des groupes renégats. La
8 population était terrorisée par ces groupes, mais l'armée ne s'est pas
9 opposée. Cette dernière couvrait tout ce territoire et la République de
10 Croatie n'a pas pu établir son propre contrôle du fait de l'intervention
11 de cette armée.
12 L'armée, dans les faits, protégeait ces autorités, ces groupes renégats,
13 action qu'aucun Etat légitime ne peut tolérer sur son territoire.
14 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous jamais discuté avec le général
15 Kadijevic de savoir comment la JNA luttait pour la Yougoslavie, après
16 qu'on ait laissé partir à Slovénie ?
17 M. Mesic (interprétation). - Oui. J'ai eu de nombreux entretiens de ce
18 type. Je l'ai déjà dit. C'est à ma propre initiative que je les ai menés.
19 Pas un seul général n'est venu me voir. J'ai affirmé que c'était
20 précisément la sortie de la Slovénie qui était un exemple symbolique du
21 fait que ni l'armée ni la Serbie ne s'intéressait à la Yougoslavie,
22 puisqu'on avait laisser partir la Slovénie. Si on l'avait laissé partir,
23 c'est parce qu'il n'y avait pas de Serbes autochtones en Slovénie. Il
24 était impossible d'assurer la couverture territoriale de tous les Serbes.
25 C'est précisément le fait que la Slovénie était partie qui était la preuve
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1 que personne dans l'armée ou dans la Serbie ne voulait de la Yougoslavie.
2 L'armée avait pour mission de s'accaparer du plus grand territoire
3 possible. Vous le savez, c'est un appareil très lourd, surtout à sa tête.
4 Or il devait être financé et il fallait le territoire le plus large
5 possible pour assurer le maintien de cette armée.
6 C'était ce que demandaient les officiers de l'armée, car l'armée devrait
7 trouver des sources de ravitaillement aussi. La Serbie elle-même était
8 intéressée à obtenir le plus d'espaces possibles pour créer un Etat de
9 modèle ethnique avec des frontières ethniques.
10 Lorsque Kadijevic m’a donné cette explication, il m'a dit : « la Slovénie
11 peut partir, mais cette dernière, dans quelques années, demandera par
12 écrit à réintégrer la Yougoslavie ».
13 M. Williamson (interprétation). - Tous ces généraux supérieurs et ces
14 amiraux de la JNA étaient-ils tous Serbes ?
15 M. Mesic (interprétation). - Pas tous. Il y avait trois généraux qui ont
16 accepté ce nouveau rapport de force, qui pensaient après tout qu'ils
17 servaient dans la JNA depuis longtemps, qu'ils s'y étaient trouvés leur
18 place. Il y a aussi des Croates qui sont restés du côté opposé, je général
19 Jurjevic, le général Brovet, ainsi qu'un troisième général. Manifestement,
20 il avait choisi le camp opposé.
21 M. Williamson (interprétation). – Parmi les cadres supérieurs de l'armée,
22 un ou des groupes ethniques prédominaient-ils parmi le corps des
23 officiers ?Je parle ici du cadre supérieur de l'armée.
24 M. Mesic (interprétation). - Bien sûr. Dans le corps des
25 officiers supérieurs, il y avait prédominance du groupe ethnique serbe.
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1 C’était ainsi depuis plusieurs années. Des conflits avaient éclaté en 1991
2 et le Printemps croate avait été réprimé.
3 Ainsi, par exemple dans ma propre municipalité, où la majorité de la
4 population avait été favorable aux partisans au cours de la guerre
5 nationale de libération, il y avait un
6 nombre négligeable d'Oustachis. Lorsque des hommes étaient envoyés à
7 l’Académie militaire en formation, il était indiqué dans leur curriculum
8 vitae que leurs parents avaient été dans l'armée de l’ennemi et qu’ils
9 avaient combattu aux côtés des partisans depuis 1941/1942. Ils étaient
10 ainsi éliminés et privés de cette possibilité de rejoindre les rangs de
11 l'armée.
12 Bien entendu, nous y avons fait objection. Nous n'avons pas réussi à
13 changer ce rapport de forces. Ils prétendaient que les Croates et les
14 Slovènes appartenant à des Républiques les plus développées ne
15 souhaitaient pas devenir membres de l'armée. Les Albanais également, parce
16 que c'était justement un groupe moins développé, ne souhaitaient pas non
17 plus. En tout cas, c'était ce qui était dit, qu’ils ne souhaitaient pas
18 rejoindre l'armée. Il n'y avait, par conséquent, que les Serbes qui
19 souhaitaient le faire.
20 Aussi, après le démantèlement de la Yougoslavie, chacun a suivi sa route,
21 les Croates vers la Croatie, les Bosniaques vers la Bosnie, les Slovènes
22 vers la Slovénie, les Musulmans vers la Bosnie. La majorité qui est
23 restait était composée des Serbes.
24 M. Williamson (interprétation). – Je ne sais pas s'il y a eu un problème
25 de traduction, mais je crois que vous avez dit : après le Printemps
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1 croate. En tout cas, il apparaît sur le compte-rendu : «après le Printemps
2 croate en 1991». Je pense qu'il devrait s'agir de 1971 ?
3 M. Mesic (interprétation). – Oui, 1971, effectivement.
4 M. Williamson (interprétation). – Au cours du mois de juillet 1991, les
5 conflits se sont-ils intensifiés en Croatie ?
6 M. Mesic (interprétation). - Oui. Effectivement les conflits s'étaient
7 intensifiés parce que les rangs de l'armée yougoslave se sont joints au
8 conflit.
9 M. Williamson (interprétation). – Je vais, maintenant, montrer un document
10 au témoin. Il s'agira de la pièce de l'accusation 103. Je voudrais
11 demander au témoin s'il peut identifier le document. Nous n'avons pas de
12 traduction en anglais de ce document. Nous allons
13 compléter ce document par la suite et nous joindrons la traduction à cette
14 pièce ; il s'agira alors de la pièce 103A. Mais le témoin pourrait peut-
15 être jeter un oeil à ce document et l'identifier, si possible.
16 Reconnaissez vous ce document, Monsieur Mesic ?
17 M. Mesic (interprétation). - Oui. C'est un communiqué de presse du
18 26 juillet qui émane de la présidence de la Yougoslavie. Il contient
19 notamment l'une des décisions portant sur un cessez-le-feu et la cessation
20 de toute hostilité, l'établissement ou l'ouverture de négociations portant
21 sur les modalités de ce cessez-le-feu, une décision sur le désarmement
22 d'unités paramilitaires illégales et de groupes armés, et également la
23 décision selon laquelle les unités de l'armée yougoslave devaient
24 retourner aux casernes.
25 Puis, il y a une autre partie à laquelle je n'adhère pas, à savoir que le
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1 cessez-le-feu demande que les forces armées de la République de Croatie ne
2 soient pas envoyées dans les zones de crise parce que la population est
3 majoritairement serbe. Je n'adhérais pas à cette partie de la décision ;
4 en effet je pensais que la police croate et toutes les autres structures
5 de la Croatie avaient le droit de fonctionner sur le territoire croate.
6 M. Williamson (interprétation). – Où se trouvait le village de Kijevo ?
7 M. Mesic (interprétation). - Kijevo se trouve à proximité de Knin. Le
8 ministre de l'Intérieur croate a adopté une décision afin d'établir un
9 poste de police militaire à Kijevo car cette zone n'était pas couverte par
10 la protection de la police, notamment parce que le poste de police de Knin
11 n'était pas contrôlé par le ministère de l'Intérieur croate.
12 M. Williamson (interprétation). – A la fin du mois d'août, qu'est-il
13 arrivé ? Que s'est il passé au village de Kijevo, si bien évidemment il se
14 passait quoi que ce soit en août 1991 ?
15 M. Mesic (interprétation). - Oui. Malheureusement, ce village a été
16 incendié, rasé. Dans cet incendie, l'expulsion de tous les villageois a
17 joué un rôle. En effet, les villageois avaient
18 été expulsés par l'armée yougoslave de Knin. Je crois qu'elle était
19 dirigée par le colonel Radko Mladic à l'époque. Des forces paramilitaires
20 ont également participé à l'expulsion des villageois. Il y a avait des
21 chars émanant de la JNA.
22 M. Williamson (interprétation). – Avez vous participé à une conférence
23 tenue à La Haye au début du mois de septembre 1991 ?
24 M. Mesic (interprétation). - Oui, effectivement. Cette conférence s'est
25 tenue ici même. Tous les membres de la présidence y ont assistée, ainsi
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1 que les présidents des présidences, à savoir les présidents des
2 Républiques yougoslaves. C'était en septembre.
3 M. Williamson (interprétation). – Au cours de cette conférence, une
4 proposition a-t-elle était formulée par Lord Carrington ?
5 M. Mesic (interprétation). - Lord Carrington a proposé une solution ou une
6 idée très concrète. La plupart des participants à la conférence ont
7 exprimé leur assentiment. D'ailleurs, c'était clair. La conférence elle-
8 même et Lord Carrington l’ont souligné, les anciens éléments constitutifs
9 de la fédération avaient obtenu leur indépendance. Donc ils avaient la
10 possibilité, chacun, de choisir leur option pour l'avenir : comment ils
11 allaient gérer leur indépendance à l'avenir, avec qui ils souhaitaient
12 s'associer.
13 Mais il a également souligné qu'ils devaient tenir compte de la nécessité
14 de protéger les droits de certains groupes, de certaines entités, dont le
15 pays tuteur finissait par être un pays différent de celui de leur groupe
16 ethnique. Cet Etat parent, en quelque sorte, pourrait avoir la possibilité
17 de s'occuper des minorités qui se trouvaient sur un autre territoire. Cela
18 voulait dire que par exemple les Albanais auraient ce droit au Kosovo.
19 Malheureusement, Milosevic n'a pas accepté cette proposition. Je crois que
20 c'était le seul à ne pas l'avoir acceptée. Même Bula Tovic l'a acceptée,
21 au nom du Monténégro, et son ministre des Affaires étrangères, Samardic,
22 également.
23 M. Williamson (interprétation). – Un certain nombre de réunions ont-elles
24 eu lieu
25 après le 25 juin afin d'instaurer la paix ?
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1 M. Mesic (interprétation). - Oui.
2 M. Williamson (interprétation). – Au cours de ces réunions, quel a été le
3 rôle joué par les présidents des différentes République (Tudjman,
4 Milosevic, Kucan) ? Par rapport aux représentants de la présidence
5 yougoslave, qui avaient le rôle fort ?
6 M. Mesic (interprétation). - Les membres de la présidence n'ont joué aucun
7 rôle parce que la Yougoslavie ne fonctionnait pas. Elle n'existait plus.
8 Les Républiques qui avaient obtenu leur indépendance. Par conséquent, les
9 membres de la présidence ne participaient plus aux consultations
10 politiques qui portaient sur la façon dont les problèmes politiques
11 devaient être réglés.
12 M. Williamson (interprétation). – Le 11 septembre, avez-vous émis une
13 décision portant sur le retour de la JNA aux casernes ?
14 M. Mesic (interprétation). - Oui. A nouveau, j'ai invoqué mes droits, en
15 tant que membres de la présidence. J'ai demandé à l'armée de rejoindre ses
16 casernes. Il était très inquiétant que l'armée ait décidé d'agir de façon
17 autonome.
18 M. Williamson (interprétation). – Je voudrais montrer un document au
19 témoin, qui sera la pièce de l'accusation 104. Il n'y a pas de traduction
20 en anglais de ce document. Elle vous sera communiquée par la suite. Elle
21 sera marquée cote 104/A.
22 Monsieur Mesic, reconnaissez-vous ce document ?
23 M. Mesic (interprétation). - Oui. Il s'agit d'un ordre émanant de moi-
24 même. Dans la première section, j'aborde des informations que j'ai reçues
25 avant de formuler cet ordre. J'ai dit que l'armée s'oppose aux Croates.
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1 Enfin, ce n'est pas qu'elle s'oppose, mais qu'elle bombarde des villes et
2 villages croates. Je parle également des lieux où cela s'est produit. Je
3 dis aussi : « toutes les unités doivent se retirer dans leur caserne dans
4 un délai de 48 heures. Ces unités aidées, par des groupes rebelles, ont
5 saisi la zone de la municipalité de Beli Manastir et que cette
6 unité, tout particulièrement, doit se retirer de cet endroit dans un délai
7 de 72 heures et cela dès l’émission de cet ordre par l'intermédiaire des
8 médias.
9 « Tous les commandants militaires qui refuseront de tenir compte de cet
10 ordre et de le respecter, ordre qui émane de la présidence de la RSFY et
11 portant sur le retrait de cette armée jusqu'à la JNA, seront déclarés
12 hors-la-loi.
13 « Le retrait des unités de la JNA et le retour à la caserne, le
14 démantèlement de la Défense territoriale qui avait été mobilisée de façon
15 illégale, parce que non soutenue par la présidence de la RSFY, créeront
16 des circonstances idéales pour une résolution pacifique de la crise et
17 pour un dialogue démocratique entre tous les éléments concernés. Ce n'est
18 qu'en retirant l'armée, et grâce à son retour aux casernes, qu'il sera
19 possible de s'assurer que l'Etat de droit et le bon fonctionnement des
20 institutions de l'Etat seront possible. »
21 J'ai signé ce là le 11 septembre 1991.
22 M. Williamson (interprétation). - La JNA a-t-elle obéit à votre ordre ?
23 M. Mesic (interprétation). - Non, l'armée yougoslave n'a pas exécuté cet
24 ordre. En fait, la pression s'est intensifiée et ils ont participé de plus
25 en plus.
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1 M. Williamson (interprétation). - Dans cet ordre, dont vous avez parlé,
2 selon lequel la JNA devait se retirer de la zone de Beli Manastir, quelle
3 est la région entre la rivière de la Brava ou le fleuve du Danube et
4 comment l'appelle-t-on ?
5 M. Mesic (interprétation). - C’est Baranja.
6 Il faut que j'explique un peu pourquoi j'ai mentionné Beli Manastir, parce
7 que tout cet exercice, d'un point de vue militaire, a été lancé par
8 l'armée yougoslave, même sans soutien des éléments rebelles, parce qu'il
9 n'y en avait pas beaucoup à cet endroit-là. Donc tous ces dégâts, toute
10 cette occupation, ont en fait été exécutés par l’armée yougoslave. Il
11 s’agissait, je crois, de la garnison de Novi Sad.
12 M. Williamson (interprétation). - Cette région de Baranja était-elle
13 habitée de
14 façon prédominante par les Serbes ?
15 M. Mesic (interprétation). - Non. Aucune de ces zones, sauf la Voïvodine
16 et la Serbie, n’était habitée principalement par des Serbes. Au contraire,
17 la population était surtout croate selon le recensement de 1991.
18 M. Williamson (interprétation). - Peut-on dire que Baranja est
19 relativement proche de Vukovar ?
20 M. Mesic (interprétation). - Oui, effectivement. Elle est assez proche de
21 Vukovar et d'un point de vue, géographique ces deux régions sont plus ou
22 moins similaires.
23 M. Williamson (interprétation). - A la fin du mois de septembre et au
24 début du mois d'octobre, pendant la première semaine, où vous trouviez-
25 vous ?
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1 M. Mesic (interprétation). - J'étais à Zagreb.
2 M. Williamson (interprétation). - Au cours de cette période, certains
3 efforts ont-ils été faits afin d'organiser des réunions de la présidence à
4 Belgrade ?
5 M. Mesic (interprétation). - Je voulais convoquer une réunion de la
6 présidence. Je me suis mis en contact avec tous les membres de la
7 présidence. Mais physiquement, en tant que chef d'Etat, je n'ai pu me
8 rendre à cet endroit par avion parce que tous les aéroports avaient été
9 bloqués par la JNA. Je ne pouvais qu'utiliser un véhicule de l'armée
10 populaire yougoslave ou bien je ne pouvais me déplacer qu’en demandant les
11 services de cette même armée. Je ne pouvais donc pas me rendre à Belgrade,
12 sauf en obtenant un laissez-passer.
13 Ceux qui se trouvaient à Belgrade ont profité de la situation et la
14 situation s'est aggravée. Ils ont rejoint le coup d'Etat militaire qui
15 était en train d'être organisé.
16 M. Williamson (interprétation). - Je voudrais maintenant montrer au témoin
17 un nouveau document qui portera la cote 105. Je voudrais vous demander,
18 Monsieur Mesic, si vous pouvez identifier ce document. Il n’y a pas de
19 traduction en anglais, mais lorsqu’elle existera, elle portera la
20 cote 105/A.
21 Pouvez-vous identifier ce document ? En fait, il s'agit de deux documents.
22 M. Mesic (interprétation). - Oui. C'est un document par lequel j'informe
23 par écrit Anton Stari, le Secrétaire général de la présidence de la RSFY à
24 Belgrade, le 30 septembre, que je proteste contre la convocation d'une
25 réunion à laquelle tous le monde est convoqué par quelqu'un d'autre. J'ai
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1 déclaré également que j'accepterais si on me fournissait un droit de
2 passage pour y assister.
3 Par ailleurs, j'ai demandé d'informer les membres de la présidence que le
4 Président n'avait pu, depuis un certain temps déjà, assumer sa tâche parce
5 que l'armée yougoslave ne lui permettait pas de se rendre à Belgrade.
6 Non, en fait, ce n'est pas qu'on m'ait empêché, mais ils invoquaient le
7 fait que j'avais été empêché d'assumer mes fonctions et que c'était la
8 raison pour laquelle ils n'avaient pas convoqué de réunion de la
9 présidence.
10 En fait, on ne m'avait pas empêché de le faire, je n'avais pas été empêché
11 de venir ou de ne pas venir parce que j'étais malade. Je voulais que cela
12 soit clair. J'ai donc informé les membres de la présidence que s'ils
13 devaient répondre à une invitation illégale de réunion, ils seraient en
14 fait les complices de ceux qui étaient impliqués dans ce coup d'Etat
15 militaire. C'était clairement ce qu'incluait ce document.
16 M. Williamson (interprétation). - Qu'est-il indiqué dans l'article de
17 journal qui suit ce premier document ?
18 M. Mesic (interprétation). - « Stjepan Mesic, selon la demande du bloc
19 serbe, doit convoquer une réunion de la présidence ». Dans sa déclaration,
20 il dit : « Stjepan Mesic, président de la présidence de la RSFY, a demandé
21 comment il pouvait commenter sa déclaration d'avant-hier à l'issue de la
22 réunion de la présidence à Belgrade dans laquelle, notamment, il demandait
23 qu'une réunion de la présidence soit convoquée. S'il continue à ne pas
24 pouvoir se rendre à cette réunion, si, les conditions citées dans le
25 règlement de procédure
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1 en ce qui concerne la convocation d'une réunion, doivent être
2 effectivement appliqués, dans ce cas, cette réunion devrait être présidée
3 par le vice-Président de la présidence. » C'est ce qui est dit.
4 Etant donné le fait que l'armée a bloqué les routes et le trafic aérien,
5 je ne peux convoquer une réunion à Belgrade, mais seulement à Zagreb ou à
6 Ljubljana ou dans une autre ville où je peux me rendre par route.
7 M. Williamson (interprétation). - Excusez-moi, je voudrais vous montrer
8 maintenant un autre document ou un nouvel ensemble de documents qui
9 portent sur la même période. Il s'agira de la pièce de l'accusation 106.
10 Il n'y a pas de traduction en anglais. Elle sera déposée plus tard sous la
11 cote 106A.
12 Je vous demanderai d'identifier ces documents et de les résumer à
13 l'intention des Juges.
14 M. Mesic (interprétation). - La première page concerne la présidence de la
15 RCFY. C'est une lettre au secrétaire général à Belgrade en date du
16 2 octobre 1991 et signée par moi-même.
17 J'accuse réception d'une invitation qui m'a été envoyée et qui convoque la
18 140ème session de la réunion de la présidence et je dis également que je
19 considère que c'est une invitation illégale.
20 M. Williamson (interprétation). - Et le deuxième document ?
21 M. Mesic (interprétation). - Il s'agit du document original. Le deuxième
22 document est également en date... non c'est un autre exemplaire du même
23 document. Le 1er octobre est la date du second document. C'est Anton Stari
24 qui m'informe de l'ordre du jour. La réunion à laquelle nous devions
25 assister allait nous permettre de discuter de certains points d'ordre
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1 général sur la défense nationale.
2 C'est la convocation de la 144ème réunion à laquelle est joint l'ordre du
3 jour, et je
4 m'en suis un peu éloigné dans le document précédent parce que je ne
5 reconnaissais pas la légalité de la convocation de cette réunion de la
6 présidence.
7 M. Williamson (interprétation). - Très bien. Pour être bien clair, c'était
8 le troisième document, n'est-ce pas ? Pourriez vous regardez de nouveau,
9 si c'est possible ?
10 M. Mesic (interprétation). - Oui. C'est le troisième document. C'est
11 l'ordre du jour. L'invitation m'est envoyée par le secrétaire général mais
12 il est évident qu'il l'a fait sous l'influence du vice-Président qui
13 assumait des fonctions qu'il n'avait pas à l'époque.
14 M. Williamson (interprétation). - Si vous regardez le deuxième document,
15 pourriez-vous nous faire le résumé de la teneur de ce document ?
16 Vous avez indiqué qu'il s'agissait d'un nouvel exemplaire du premier
17 document. Excusez-moi, c'est moi qui me suis trompé.
18 Je voudrais maintenant vous montrer des documents qui porteront la côte
19 pièce de l'accusation 107. Veuillez nous dire si vous pouvez les
20 identifier. Cette fois, Monsieur le Président, il y a une traduction en
21 anglais, ainsi qu'un original en croate.
22 M. Mesic (interprétation). - C'est un document original. Il y a également
23 une traduction en anglais annexée. Je m'adresse au président des Etats-
24 Unis d'Amérique, George Bush. Je l'informe de l'ultimatum délivré par
25 l'armée populaire yougoslave à la République de Croatie en tant que preuve
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1 que l'armée agit de façon autonome et qu'elle n'agit plus dans le cadre
2 des institutions d'Etat.
3 J'informe également le président Bush que la Fédération yougoslave a cessé
4 d'exister, que l'armée m'empêche de me rendre à Belgrade. Je lui parle de
5 l'agression continue de la Serbie et de la JNA qui n'est plus yougoslave,
6 qui est devenue serbe. Je demande que cette nouvelle réalité dans notre
7 région du monde soit reconnue. Je déclare également que le régime serbe de
8 Slobodan Milosevic a remplacé la Fédération yougoslave.
9 Je conclus en déclarant que ce n'est que, grâce à la reconnaissance de
10 nouvelles
11 entités au sein de leur frontière, que la guerre pourra être stoppée,
12 ainsi que la destruction. Une guerre qui pourrait s'étendre au reste de
13 l'Europe.
14 M. Williamson (interprétation). - Je voudrais maintenant vous montrer un
15 autre document qui portera la cote pièce de l'accusation 108, qui semble
16 être la même lettre mais envoyée au Secrétaire général des Nations Unies,
17 Haver Perez de Cuellar. Pourriez-vous me dire s'il s'agit de la même
18 lettre qui a été envoyée à M. Perez de Cuellar ?
19 M. Mesic (interprétation). - C’est exact. Il s'agit de la lettre au
20 Secrétaire général des Nations Unies, M. Perez de Cuellar. Le texte est
21 identique. Mais il faut que j'ajoute que, en tant que président de la
22 présidence yougoslave, je me suis rendu aux Nations Unies où je leur ai
23 dit ce qui se passait. Je leur ai fait part de mes prévisions quant aux
24 événements qui allaient se dérouler sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.
25 On m'a demandé si une des solutions serait de sacrifier pour la paix une
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1 partie des territoires et de laisser ces territoires aux Serbes. J'ai
2 demandé de quels territoires croates on parlait. Ils m'ont dit qu'il
3 s'agissait de la partie du territoire qui était voisine de la Serbie. J'ai
4 expliqué qu'il s'agissait de territoires à majorité croate et que les
5 territoires à majorité serbe étaient à environ cinq cents kilomètres plus
6 loin, à Knin et que, tout simplement, il était impossible de mettre cela
7 en oeuvre et que cela justifierait une guerre.
8 La situation s'est déroulée de la manière qui a été présentée ici, une
9 guerre brutale s'est déroulée. Par cette lettre, j'ai informé
10 M. Perez de Cuellar des résultats de la non-intervention de la communauté
11 internationale.
12 J'affirme que la communauté internationale, suite à ma proposition, a
13 proposé des observateurs internationaux entre la Serbie et la Croatie et
14 entre la Bosnie et la Serbie. Si cela avait été fait, il n'y aurait pas eu
15 de guerre et une solution pacifique aurait été trouvée. En conclusion,
16 j'ai écrit que, à la fois la communauté internationale et les mécanismes
17 internationaux ne se sont pas révélés efficaces dans notre cas.
18 M. Williamson (interprétation). - Malgré ces protestations que vous avez
19 envoyées aux dirigeants mondiaux et aux autres membres de la présidence,
20 des réunions de la présidence ont-elles continué à avoir lieu à Belgrade ?
21 M. Mesic (interprétation). - Non, il n'y a plus eu de réunions de
22 présidence. Nos deux dernières réunions se sont déroulées ici, à La Haye.
23 M. Williamson (interprétation). - Un groupe, au sein de la présidence, se
24 réunissait-il en créant une sorte de présidence tronquée ?
25 M. Mesic (interprétation). - En effet, mais ceci ne produisait rien,
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1 conformément à la constitution. Il s'agissait du groupe que nous appelions
2 entre nous "le bloc serbe", c'est-à-dire la Serbie, le Kosovo, la
3 Voïvodine et le Monténégro. Ils se sont auto proclamés facteurs
4 pertinents. Ils ont exclu les autres et ont continué à fonctionner en tant
5 que présidence tronquée.
6 Quant à leur décision, elle n'obligeait personne alors qu'ils continuaient
7 à fonctionner de cette manière illégale.
8 M. Williamson (interprétation). - Et cette présidence tronquée, d'après
9 vos connaissances, a-t-elle autorisé l'authentification des actions de la
10 JNA en Croatie ?
11 M. Mesic (interprétation). - Effectivement, la JNA suivait les
12 instructions sur la base des décisions adoptées par cette présidence
13 tronquée. Mais il s'agissait là de la poursuite des actions de coup
14 d'Etat, parce que tout ce qu'ils faisaient n'était que la mise en oeuvre
15 d'un coup d'Etat militaire.
16 M. Williamson (interprétation). - Le 7 octobre 1991, étiez-vous dans le
17 palais présidentiel à Zagreb, Banski Dvori ?
18 M. Mesic (interprétation). - Il s'agit là encore d'une preuve qui montre
19 que l'armée opérait un coup d'Etat à l'époque. En effet, j'ai téléphoné de
20 Zagreb à Belgrade. J'ai téléphoné à Ante Markovic, le Premier ministre
21 yougoslave. Je lui ai demandé de venir à Zagreb pour essayer d'analyser la
22 nouvelle situation. La présidence d'Etat était bloquée. Le Conseil
23 exécutif,
24 c'est-à-dire le gouvernement, était bloqué. L'Assemblée nationale était
25 bloquée, elle aussi. Toutes les institutions fédérales ne fonctionnaient
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1 pas.
2 C'est pourquoi j'ai téléphoné au Premier ministre pour lui demander de
3 nous rencontrer à Zagreb. Je lui ai parlé au téléphone. Le lendemain, je
4 l'ai rencontré à 10 heures du matin.
5 A 11 heures, M. Tudjman devait se réunir avec M. Markovic. Nous devions
6 avoir un déjeuner à midi. Anton Markovic a accepté ce programme. Nous
7 avons parlé au téléphone. Je n'ai pas pris en considération le fait que le
8 téléphone était certainement sous écoute. Ante Markovic est venu à Zagreb.
9 Nous avons eu notre réunion. Il s'est réuni avec Tudjman.
10 Nous avons déjeuné et, une heure après, nous sommes retournés dans le
11 cabinet du président Tudjman. C'est à ce moment-là que le Banski Dvori, le
12 palais présidentiel, a été bombardé à l'endroit même où nous avions
13 déjeuné.
14 Ma conclusion était que l'armée a voulu, en me tuant, faire en sorte que
15 le vice-Président devienne le président légal, parce qu'il n'y aurait plus
16 de président.
17 En tuant Ante Markovic, c'est son vice-Président, Aca Mitrovic, de Serbie,
18 qui devait prendre sa place, encore une fois de manière légale. Avec
19 l'assassinat de Franjo Tudjman, il y aurait eu le chaos en Croatie, étant
20 donné que toutes les institutions du gouvernement ne fonctionnaient pas
21 tout à fait encore. C'est certainement ce qui a été planifiée.
22 Heureusement, cela n'a pas réussi. Nous avons quitté les Banski Dvori.
23 Nous avons cherché refuge dans un abri souterrain. Un homme a été tué.
24 Beaucoup de choses ont été détruites. Dans l'abri souterrain, nous nous
25 sommes mis d'accord pour que je me rende dans les pays du Bénélux pour
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1 demander la reconnaissance de l'indépendance de la Croatie et que
2 Ante Markovic aille en Autriche pour demander la même chose de l'Autriche.
3 J'ai exécuté ma tâche. J'ai obtenu des promesses concernant la
4 reconnaissance de notre indépendance. Ensuite, les événements se sont
5 accélérés. Effectivement, cette attaque
6 contre Banski Dvori a accéléré la reconnaissance de la Croatie.
7 M. Williamson (interprétation). - Cette attaque a-t-elle été lancée avec
8 des avions de combat de la JNA ?
9 M. Mesic (interprétation). - Oui, cela a été fait de manière très
10 professionnelle. Ils ont très bien visé. Heureusement pour nous, nous
11 n'étions pas à l'endroit où ils pensaient que nous allions déjeuner.
12 Sinon, vous n'auriez pas eu de témoins aujourd'hui, en tout cas ce témoin-
13 là.
14 M. Williamson (interprétation). - D'après ce que vous savez, y a-t-il eu
15 d'autres raids aériens contre la ville de Zagreb, dans la même période ?
16 M. Mesic (interprétation). - Il y a eu d'autres attaques contre Zagreb
17 lancées depuis d'autres régions sous le contrôle de l'armée yougoslave et
18 de Milan Martic, avec ces formations. Zagreb a été bombardée plusieurs
19 fois. Il y a eu des victimes, des destructions dans les rues de Zagreb et
20 plusieurs bâtiments ont été détruits.
21 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous parlez de l'attaque lancée
22 par M. Martic, vous parlez de l'année 1995 ?
23 M. Mesic (interprétation). - Effectivement. J'ai simplement voulu dire
24 qu'il y a eu des attaques jusqu'à l'année 1995.
25 M. Williamson (interprétation). - A un certain moment, au mois d'octobre,
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1 la JNA a-t-elle entrepris une action contre la ville de Dubrovnik ?
2 M. Mesic (interprétation). - Oui. Cette action a été menée par l'armée
3 yougoslave, même si certains réservistes du Monténégro ont aussi
4 participé. C'était la première fois dans l'histoire de la ville de
5 Dubrovnik qu'elle était attaquée, même si ses murailles ont été
6 construites depuis plusieurs centaines d'années. C'était la première fois
7 que cette ville était attaquée de cette manière.
8 Les alentours de Dubrovnik, notamment Konavli, ont été détruits avec
9 beaucoup de
10 dégâts matériels et de victimes humaines. L'armée yougoslave, notamment, a
11 totalement encerclé Dubrovnik, à la fois par terre et par mer. J'ai essayé
12 de faire une percée à travers ce blocus et fournir l'aide à Dubrovnik.
13 M. Williamson (interprétation). - Dubrovnik contenait-elle une communauté
14 serbe importante ?
15 M. Mesic (interprétation). - Non. Des Serbes y vivaient en temps
16 qu'individus. Certains habitants étaient des Serbes de Croatie, mais il
17 n'y avait pas un groupe serbe qui recouvrait une partie du territoire de
18 la région de Dubrovnik.
19 M. Williamson (interprétation). - Les Serbes constituaient-ils là-bas la
20 population majoritaire ?
21 M. Mesic (interprétation). - A Dubrovnik ? Non. Leur présence y était
22 insignifiante. Quant à Konavli qui a été brûlée et incendiée, il n'y avait
23 pas de Serbes du tout.
24 M. Williamson (interprétation). - Dubrovnik comportait-elle des structures
25 militaires importantes ?
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1 M. Mesic (interprétation). - Non, pas du tout. Il s'agit d'un centre
2 culturel, avec d'importants monuments culturels et historiques. C'est une
3 ville touristique. Il n'y avait aucune raison militaire pour attaquer
4 Dubrovnik.
5 M. Williamson (interprétation). - Je souhaiterais vous montrer un document
6 qui aura la cote de la pièce à conviction de l'accusation numéro 110. Je
7 vous demanderai de bien vouloir identifier le document. Je vais vous
8 montrer également la pièce à conviction numéro 111. Pardon, il s'agit des
9 pièces à conviction 109 et 110. Je crois qu'il s'agit de la même lettre
10 qui a été envoyée à M. Perez de Cuellar et au président des Etats-Unis.
11 Les deux lettres sont en anglais.
12 Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit, dans ces documents ?
13 M. Mesic (interprétation). - Les deux documents sont authentiques. Il
14 s'agit de
15 l'attaque contre Dubrovnik. Je décris les événements concernant cette
16 attaque et, bien évidemment, je demande de l'aide.
17 M. Williamson (interprétation). - Et, à peu près au même moment où vous
18 avez écrit cette lettre, avez-vous envoyé une autre lettre à M. De Cuellar
19 dans laquelle vous décrivez en termes généraux la situation de la guerre
20 en Croatie ?
21 M. Mesic (interprétation). - En effet. J'ai voulu informer les
22 Nation Unies de la manière dont la guerre se développait, de l'escalade,
23 et que j'avais raison lorsque je demandais que les frontières soient
24 protégées afin d'éviter la guerre.
25 M. Williamson (interprétation). - Maintenant, je souhaiterai montrer au
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1 témoin un autre document, la pièce à conviction de l'accusation n° 111.
2 Pouvez-vous rapidement identifier ce document et dire aux Juges de quoi
3 il s'agit ?
4 M. Mesic (interprétation). - C'est une lettre datée du 4 octobre dans
5 laquelle j'averti M. Perez de Cuellar, en tant que Secrétaire général des
6 Nations Unies, que le colonel Veljko Kadijevic, le ministère de la
7 Défense, a formellement annoncé la guerre à la Croatie. J'ai dit que la
8 survie du peuple croate et de l'Etat croate était en jeu et que les
9 attaques étaient lancées à la fois par des forces aériennes et maritimes.
10 J'ai dit qu'il fallait protéger notre peuple et notre Etat contre le
11 régime serbe et que c'était effectivement une déclaration de guerre par
12 M. Kadjievic.
13 M. Williamson (interprétation). - A la fin de la guerre, avez-vous
14 entrepris une action afin de percer le blocus maritime autour de
15 Dubrovnik ?
16 M. Mesic (interprétation). - Oui, nous avons créé un convoi qui avait une
17 mission pacifique, convoi constitué de quarante vaisseaux. J'étais sur un
18 de ces vaisseaux, Flavia, qui était le vaisseau le plus grand. Nous avons
19 voulu encourager, soutenir les gens de Dubrovnik, leur montrer qu'ils
20 n'étaient pas seuls et aussi leur apporter de l'aide en nourriture et en
21 médicaments.
22 L'armée a arrêté ce convoi. Nous avons eu des négociations longues et
23 épineuses. L'armée, notamment, l'amiral Brovet, a demandé que nous nous
24 rendions au Monténégro, à Zelenika pour vérifier si les vaisseaux
25 n’étaient pas équipés de canons. J'ai répondu que les canons étaient le
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1 fruit de leur imagination, qu’il s'agissait d’aide humanitaire et que nous
2 allions passer à Dubrovnik. Je me disais qu'ils n'allaient pas nous faire
3 sombrer.
4 Finalement, suite à de longues négociations, ils m’ont laissé passer
5 jusqu'à Dubrovnik où nous avons pu décharger et ainsi apporter de l’aide.
6 Plusieurs des nôtres ont été tués étant donné qu'entre-temps, pendant que
7 nous étions à Dubrovnik, une nouvelle attaque a été lancée contre
8 Dubrovnik.
9 M. Williamson (interprétation). - Est-ce qu'à un moment en décembre 1991,
10 vous avez démissionné de manière officielle de votre poste de Président ?
11 M. Mesic (interprétation). - Oui. Le Parlement croate m'a délégué en tant
12 que représentant croate au sein de la présidence. Etant donné que j'ai
13 constaté que la Yougoslavie n'existait plus, j'ai démissionné
14 officiellement au sein du Parlement, c'est-à-dire devant le Parlement
15 croate. Cette démission a été acceptée.
16 M. Williamson (interprétation). - Dans le courant de l'année 1991, quand
17 vous étiez Président, la JNA a-t-elle obéi à vos ordres ?
18 M. Mesic (interprétation). - Je dois constater, malheureusement, que pas
19 un seul officier ni un seul membre de la JNA n’a exécuté un quelconque de
20 mes ordres, sauf, mais je le dis de façon ironique, peut-être le général
21 Vasiljevic à qui j’ai demandé de s’asseoir et il l’a fait. C’est le seul
22 ordre, parmi tous ceux que j’ai pu donner en tant que Président de la
23 présidence yougoslave, qui a jamais été exécuté.
24 M. Williamson (interprétation). - Je n'ai plus de questions. Je souhaite
25 maintenant demander le versement au dossier des pièces à conviction 102 à
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1 111.
2 M. le Président (interprétation). - Il n'y a pas d'objection ? (Non)
3 Merci, Maître Williamson. Maître Fila ?
4 M. Fila (interprétation). - Monsieur Mesic, tout d'abord je souhaiterais
5 dire que j'ai lu dans des journaux croates des déclarations visant à dire
6 que j’avais dit que vous étiez coupable de la guerre et que je voulais que
7 vous veniez ici pour prouver cela. Vous me connaissez suffisamment pour
8 savoir que c'est un mensonge. Cela a été publié dans Globus.
9 Je souhaite simplement que vous apportiez une précision quant aux date des
10 deux dernières réunions de la présidence yougoslave à La Haye. Quand se
11 sont tenues ces deux réunions ?
12 M. Mesic (interprétation). - Il s’agissait de la mi-septembre et, si je
13 m’en souviens bien, c'était également début octobre
14 M. Fila (interprétation). - Peut-être était-ce le 18 octobre, est-ce
15 possible ? Je vais vous montrer le document.
16 M. Mesic (interprétation). - Je le pense, mais je n’ai pas ce document
17 ici.
18 M. Fila (interprétation). - Le document est là. Etiez-vous à La Haye les 4
19 et 5 novembre aussi ?
20 M. Mesic (interprétation). - J’étais à La Haye pendant deux réunions.
21 M. Fila (interprétation). - Il y en a eu une troisième.
22 M. Mesic (interprétation). - Je n’ai pas assisté à la troisième réunion.
23 M. Fila (interprétation). - D’accord. Vous étiez là en quelle qualité ?
24 M. Mesic (interprétation). - En qualité de membre de la présidence.
25 M. Fila (interprétation). - De la RSFY ?
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1 M. Mesic (interprétation). - Oui. Quant à la dernière réunion, y
2 assistaient les Présidents de la présidence.
3 M. Fila (interprétation). - En ce qui concerne les réunions auxquelles
4 vous avez assisté, vous y étiez en qualité de membre de la présidence ?
5 M. Mesic (interprétation). - Oui, mais je n’assistais pas à la dernière de
6 ces réunions.
7 M. Fila (interprétation). - Il y a eu beaucoup de déclarations à votre
8 sujet, dont je vous lirai certaines parties. Si ces dernières s’avèrent
9 exactes, vous me le direz. Sinon, il s’agira encore une fois de mensonges
10 divulguées par les médias.
11 Nous avons parlé tout à l'heure et vous avez déclaré que le HDZ était un
12 parti extrémiste de pensée unique qui a pillé le peuple.
13 M. Mesic (interprétation). - Oui, mais il faut situer cela historiquement.
14 M. Fila (interprétation). - Oui, mais l'avez-vous dit ?
15 M. Mesic (interprétation). - Il faut expliquer cette déclaration. Au
16 moment où le HDZ a été créé, au moment où j'en étais membre et au moment
17 où son programme a été constitué, ce parti favorisait la démocratie et une
18 société libre.
19 Au moment où les rapports entre des forces politiques au sein du HDZ ont
20 changé, j'ai quitté le HDZ et j'ai adopté une attitude critique à son
21 égard.
22 M. Fila (interprétation). - C'est donc une déclaration faite par la
23 suite ?
24 M. Mesic (interprétation). - Effectivement.
25 M. Fila (interprétation). - Vous avez parlé des réunions de Tudjman et
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1 Milosevic à Karadjordjevo. Vous avez déclaré qu’à la suite de plusieurs de
2 leurs rencontres Milosevic a obtenu la Republika Srpska et Tudjman
3 l'Herceg-Bosna.
4 M. Mesic (interprétation). - Je n'ai jamais affirmé que cela a été convenu
5 à Karadjordjevo.
6 M. Fila (interprétation). - Moi non plus. J'ai dit que cela s'est passé
7 par la suite.
8 M. Mesic (interprétation). - J'ai dit que Milosevic a créé la République
9 serbe et que les Croates, avec la politique de Tudjman, ont créé le
10 Herceg-Bosna.
11 M. Fila (interprétation). - Donc c'était la même chose, c'était
12 équivalent ?
13 M. Mesic (interprétation). - Oui. Ils ont obtenu l’Herceg-Bosna à la suite
14 de cela.
15 M. Fila (interprétation). - Vous avez parlé de cette réunion entre
16 Milosevic et Tudjman. Vous avez indiqué quelle était la proposition de
17 Milosevic. Je veux savoir quelle a été la réponse de Tudjman ?
18 M. Mesic (interprétation). - Tudjman m'a indiqué quelle était la
19 proposition de Milosevic, mais je n'ai pas d'information concernant
20 l'issue de cette proposition.
21 M. Fila (interprétation). - Je veux savoir s'il l'a proposé ?
22 M. Mesic (interprétation). - Je ne le sais pas, je ne l'ai jamais su.
23 Tudjman m'a dit quelle était la proposition de Milosevic. Je n'ai pas
24 d'information quant à son issue.
25 M. Fila (interprétation). - Vous êtes certainement au courant d'un certain
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1 papier qui a été écrit dans un café par Tudjman, où Tudjman a tracé de
2 nouvelles frontières de partage de la Bosnie-Herzégovine ?
3 M. Mesic (interprétation). - Ce n'était pas à Karadjordjevo.
4 M. Fila (interprétation). - Non mais après, à Londres, vous le saviez ?
5 M. Mesic (interprétation). - Oui, après j'ai entendu parler de cela, mais
6 je n'ai rien vu. Quelqu'un d'autre devrait l'identifier.
7 M. Fila (interprétation). - Si Tudjman et Milosevic on passé un accord,
8 comment se fait-il que la JNA à attaqué la Croatie ?
9 M. Mesic (interprétation). - Ce n'est pas illogique. Milosevic a trompé
10 tout le monde ; d'abord pour protéger les Serbes et après la tempête il
11 n'a rien fait pour protéger ces mêmes Serbes.
12 M. Fila (interprétation). - Ce sont les Serbes eux mêmes qui ont dû faire
13 quelque chose ?
14 M. Mesic (interprétation). - Effectivement. Il a contribué à une telle
15 politique. Les Serbes n'ont jamais essayé de respecter les autorités
16 croates, mais ils se tournaient toujours vers
17 les autorités serbes pour les consulter.
18 M. Fila (interprétation). - On le verra plus tard. Apparemment, il y a eu
19 un accord entre Milosevic et Tudjman concernant la Bosnie-Herzégovine.
20 Pourquoi voulez-vous que dans ce cas l'armée lance une attaque contre la
21 Croatie ?
22 M. Mesic (interprétation). - Au cours du démantèlement de la Yougoslavie,
23 visiblement Milosevic voulait tromper Tudjman et prendre une partie du
24 territoire de Croatie. Les français disent : «L'appétit vient en
25 mangeant". Il avait un appétit plus grand que ses possibilités.
Page 1555
1 M. Fila (interprétation). - J'ai lu une déclaration où vous avez dit que
2 Mate Boban poursuivait la réalisation de la politique de Tudjman en
3 Bosnie-Herzégovine. Il a déclaré qu'il n'avait pas sa propre politique,
4 mais qu'il exerçait celle de Tudjman ?
5 M. Mesic (interprétation). - C'est ce qu'il a dit et je l'ai répété.
6 M. Fila (interprétation). - Et que tout ce qui a été effectué en Bosnie-
7 Herzégovine l'était avec la connaissance de Tudjman ?
8 M. Mesic (interprétation). - Oui.
9 M. Fila (interprétation). - D'après votre témoignage (mais il est
10 difficile de savoir), y-a-t-il eu des crimes contre les Serbes pendant la
11 guerre en Croatie ? Y a-t-il eu des victimes serbes blessées ?
12 M. Mesic (interprétation). - Personne ne m'a posé de question à ce propos.
13 M. Fila (interprétation). - Je vous en pose une.
14 M. Mesic (interprétation). - Effectivement, il y a eu des crimes. Les gens
15 n'ont pas été traduits en justice à temps. C'est dommage pour la Croatie
16 car il n'y a pas eu de tels procès. J'affirme que si la Croatie avait
17 fonctionné en tant qu'Etat, et avait observé l'état de droit et ses règles
18 dans leur intégrité, aujourd'hui il n'y aurait pas nécessité pour le
19 Tribunal de La Haye de traduire en justice nos citoyens
20 M. Fila (interprétation). - Qui est responsable de cet état de choses
21 entre les Serbes et les Musulmans ? Qui est responsable de l'assassinat de
22 certains Musulmans ? Est-ce Tudjman qui est responsable ? A
23 Pakracka, Poljana par exemple qui est responsable de l'expulsion et de
24 l'éviction des Serbes de leur demeures, de leurs emplois. ? Nous savons
25 que cela s'est passé.
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1 M. Mesic (interprétation). - C'est la guerre qui a été la cause de cette
2 haine réciproque, de ces récriminations collectives qui étaient le fait de
3 toute la communauté. Tous les Musulmans blâmaient tous les Serbes de leur
4 sort et tous les Croates aussi. Pour les Croates, tous les Serbes et les
5 Musulmans qui étaient responsables. Par la logique de la guerre, lorsqu'on
6 parlait des Serbes, c'étaient tous les Croates et tous les Musulmans qui
7 étaient responsables de leur sort. Tout le monde blâmait tout le monde.
8 Ce dont nous avions besoin, et ce dont nous avons besoin aujourd'hui,
9 c'est d'individualiser la culpabilité ; ceci pour répondre à votre
10 première question. Je défends l’idée selon laquelle la culpabilité doit
11 être individualisée, qu'il ne faut pas préjuger de la culpabilité de qui
12 que soit, qu'il incombe au Tribunal de déterminer la responsabilité de
13 tout un chacun.
14 A un moment donné, nous cesserons d'avoir ces récriminations et ces
15 culpabilisations collectives. Il sera possible d'avoir une cohabitation
16 normale en Croatie, en Serbie, en Bosnie-Herzégovine. Il serait bon pour
17 les Serbes d'avoir une telle individualisation de la culpabilité et de la
18 responsabilité.
19 M. Fila (interprétation). - Fort bien, merci. Parlons de quelque chose de
20 différent. Vous avez parlé de Milosevic. Vous avez dit qu'il était à
21 blâmer pour ceci et pour cela, qu'il avait en fait renversé la Yougoslavie
22 grâce à son érosion progressive. Pourriez-vous appliquer le même critère
23 au Président Tudjman lorsqu'il s'agit de crimes commis contre les Serbes ?
24 Je pense plus particulièrement à ce qui a suivi l'opération Storm et au
25 massacre de la population à Pakracka. Pourriez-vous citer ces
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1 responsabilités. ?
2 M. Williamson (interprétation). - Objection. Nous avons donné beaucoup de
3 latitude à M. Fila, mais il parle d'événements de 1995 qui n'ont rien à
4 voir avec les faits de la cause.
5 M. le Président. - Oui, Maître Fila, poursuivez.
6 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, excusez-moi. En quelle
7 année a eu lieu le bombardement de Zagreb par Martic ? C'était aussi
8 en 1995, la question a été posée à ce propos.
9 M. Williamson (interprétation). - En réponse à cela, j'ai demandé, et je
10 vérifierai sur le compte rendu, si au cours de cette période il y a eu
11 d'autres bombardements de Zagreb. En réponse à cette question, M. Mesic a
12 dit qu'il y avait eu des attaques lancées par Martic. J'ai ensuite apporté
13 une précision en disant que cela s'était passé en 1995. J'ai arrêté ma
14 ligne de questions.
15 M. le Président. - Maître Fila, effectivement l'accusation a raison. Je
16 m'en souviens parfaitement. Essayons de nous limiter à la période
17 concernant l'acte d'accusation, donc en 1991. Le gros problème aujourd'hui
18 est de savoir si c'était un conflit armé international.
19 M. Fila (interprétation). - A propos du Kosovo ou de la Croatie, parce
20 qu'on a aussi parlé du Kosovo ce matin, ce n'est toujours pas le
21 territoire de la Croatie. J'ai demandé si -Pakracka Poljana c'était
22 en 1991- des Serbes ont été renvoyés de leur emploi. La persécution des
23 personnes qui ont perdu leur emploi était-elle de la responsabilité de
24 M. Tudjman ou de celle de Milosevic ?
25 M. Mesic (interprétation). - Je n'ai jamais accusé Milosevic d'un seul
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1 crime, si ce n'est qu'il a mené une mauvaise politique. Sa politique a
2 entraîné des crimes. Je l'ai accusé d'avoir planifié la guerre et
3 d'inclure dans cette guerre le génocide, parce qu'il demandait un Etat
4 purement ethnique, un Etat pur. Il voulait des frontières ethniques ,
5 c'est de cela que je l'accuse.
6 Quant à Tudjman, je l'accuse d'avoir mené la politique qu'il ne fallait
7 pas. Quelles sont les répercussions de cette politique ? Ce seront des
8 conclusions que tairont d'autres.
9 Quant à la famille Zec dont vous avez parlée, j'ai demandé qu'il y ait un
10 procès sur cette affaire. Quelqu'un a été tué sur le seuil de sa porte, sa
11 femme et son enfant ont été tués aussi. Ils ont été tués dans des bois
12 proches de Zagreb. Sa femme, c'est Mariana Mesic, et j'avais de bonnes
13 raisons d'intervenir. D'ailleurs, la poursuite avait été engagée. J'ai
14 horreur de la façon dont les débats se sont tenus, parce que ceux qui
15 avaient avoué leurs crimes, que ce soit pour Pakracka Poljana ou pour la
16 famille Zec, ces personnes ont été acquittées parce que l'avocat n'était
17 pas présent au moment où ces aveux ont été faits. Que me restait-il à
18 faire ? J'ai essayé de faire ce que je pouvais. Mais les autorités et ceux
19 qui avaient vraiment le pouvoir ne se sont pas acquittés de leurs
20 obligations.
21 M. Fila (interprétation). - Monsieur Tudjman a dit qu'il n'y aurait que
22 3 % de Serbes en Croatie après la guerre.
23 M. Mesic (interprétation). - Vous n'avez pas bien entendu. Etant donné les
24 circonstances qui régnaient à ce moment-là, au moment où cela a été dit,
25 c’était à voir dans le cadre d'un règlement qui essayait de limiter les
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1 droits des groupes ethniques en fonction de leur représentation numérique.
2 Les Serbes, s'ils représentaient plus de 8 %, avaient d'autres avantages
3 étant donné leur nombre important.
4 Je ne sais pas pourquoi vous posez cette question, peut-être vaudrait-il
5 mieux la poser à M Tudjman. En tout cas, M. Tudjman s'est contenté de dire
6 qu'après cette guerre, il fallait s'attendre à ce que pas plus de 5 % de
7 Serbes restent. Je ne sais pas pourquoi. Il pensait qu'ils allaient
8 partir, forcés de le faire ou de leur plein gré ; c’est un aparté. Je n'ai
9 fait que citer ses propres conclusions.
10 M. Fila (interprétation). - Vous avez parlé de la rébellion des Serbes, de
11 cette révolution des «troncs d'arbres», vous avez parlé de Plitvice. Vous
12 avez dit que quelqu'un appréhendé, puis libéré... enfin inutile de
13 polémiquer car je suis le conseil de la défense. Quoi qu'il en soit, vous
14 avez parlé de M. Ravkovic qui avait créé et démarré le SDS. A-t-il été
15 reçu
16 par M. Tudjman et que lui a-t-il demandé ?
17 M. Mesic (interprétation). - A ma connaissance, et j’ai aussi parlé à
18 M. Ravkovic, il demandait l'autorité des Serbes en Croatie. Il a eu
19 plusieurs entretiens avec M. Tudjman. Je n'y étais pas présent.
20 Il y a eu une telle escalade que de grands rassemblements de Serbes et de
21 Croates ont été utilisés pour que certains incitent à la rébellion armée.
22 La situation s'est aggravée, a commencé à se détériorer plus que ce qui
23 correspondait à ses aspirations et nous avons vu comment cela a fini.
24 M. Fila (interprétation). - Des conversations ont-elles été publiées qui
25 tournaient en dérision dans le public ?
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1 M. Mesic (interprétation). - J'estime que ces conversations n'auraient pas
2 du être publiées, mais elles l’ont été. Il est de loin préférable de
3 discuter, ne serait-ce que pour éviter 3 ans ou 3 jours de guerre.
4 M. Fila (interprétation). - En 1990, la Constitution de la Croatie a été
5 amendée après la victoire électorale du HDZ. Qu'est-il advenu des Serbes ?
6 Reprenons la chronologie des événements. En vertu de la Constitution
7 de 1974, il y avait deux nations constitutives en Croatie, les Serbes et
8 les Croates. Que s'est-il passé après que la Constitution ait été
9 amendée ? Qu'est-il advenu aux Serbes de Croatie ?
10 M. Mesic (interprétation). - Comme des Etats avaient été constitués et que
11 la Serbie est l'Etat parent des Serbes...
12 M. Fila (interprétation). - Je parle à partir de 1990.
13 M. Mesic (interprétation). - Je comprends bien, mais il était manifeste
14 que la Serbie cherchait aussi à faire valoir ses droits à l'indépendance.
15 M. Mesic (interprétation). - Ce que voulait faire la Croatie, c'est
16 établir un nouveau système. Bien sûr, si dans la Constitution de la
17 République de la Croatie il n'est rien dit à propos
18 des peuples, à propos des nations (nous sommes tous juristes ici de toute
19 façon), il y a un préambule. La partie contraignante de la Constitution
20 existe aussi.
21 Dans le préambule, on parle de la naissance de la création de l'Etat
22 Croate, des contributions apportées par certains facteurs. Les Serbes y
23 sont mentionnés en tant que nation. En tant qu'individu, ils ont contribué
24 à la création de l'Etat croate. Ils ne sont d'ailleurs pas les seules
25 nationalités, comme nous les appelons, qui y soient mentionnées. D'autres
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1 groupes ethniques sont également mentionnés comme ayant contribué à la
2 création de l'Etat.
3 La partie contraignante, les dispositions ne mentionnent ni les Musulmans,
4 ni les Croates, ni les Serbes, aucune nationalité. On dit simplement que
5 la Croatie est l'Etat de tous ces citoyens.
6 M. Fila (interprétation). - Je vous ai d'abord demandé, dans la
7 Constitution de 1974, si la Constitution de la Croatie spécifie deux
8 nations constitutives, les Serbes et les Croates ?
9 M. Mesic (interprétation). - C’est exact, en 1974 c'était ainsi que cela
10 se passait. On parlait du peuple serbe en Croatie et on disait les
11 nationalités pour parler des autres.
12 M. Fila (interprétation). - Quelle est la situation en vertu de la
13 Constitution vue par la Commission Badinter ?
14 M. Mesic (interprétation). - Il est dit de façon résolue que les
15 Républiques ont le droit de faire sécession et que ces Républiques se sont
16 associées pour former auparavant la Yougoslavie. Bien sûr, cela a fait
17 l'objet d'une autre interprétation pour la Serbie, à savoir que ce droit
18 avait été consumé et que les Républiques n'étaient plus séparées.
19 C'était un droit durable, droit qui ne pouvait pas être consumé de cette
20 façon, un droit qui avait été investi dans chaque République, un droit qui
21 lui revenait de demander l'indépendance. Car ils n'avaient pas constitué
22 la Yougoslavie comme des peuples, mais des membres de l'Etat Croate qui
23 s'étaient associés au sein de la Fédération yougoslave.
24 M. Fila (interprétation). - Monsieur Mesic, la Constitution de 1974 parle
25 du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, elle ne parle pas des
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1 Républiques. Dans quel article dit-on que ces Républiques ont ce droit à
2 disposer d’elles-mêmes ?
3 M. Mesic (interprétation). - Ce sont les éléments constitutifs de la
4 Fédération.
5 M. Fila (interprétation). - Les peuples ?
6 M. Mesic (interprétation). - Non, pas les peuples. On en parle
7 incidemment. Ce sont plutôt les Républiques. Ne nous attardons pas sur
8 cette question, elle pourrait nous prendre des siècles si on veut la
9 régler.
10 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit qu’à la date du 5 décembre 1991
11 vous avez été relevé de vos fonctions de président par une décision du
12 Sabor, de l'Assemblée parlementaire.
13 J'aimerais vous donner lecture d’un document qui vient de l'assemblée et
14 qui rappelle la fin de la présidence.
15 Je cite M. Mesic : «J'ai la charge de vous dire que la République de
16 Yougoslavie n'existe plus». Je passe à un autre passage, car c’est un peu
17 trop long : « Djarko a dit à cette occasion que Mesic avait gardé sa
18 promesse, que la Yougoslavie n'existait plus».
19 J'aimerais vous poser la question suivante au regard de cette déclaration.
20 Vous avez dit que la Yougoslavie n'existait plus. L’avez-vous vraiment dit
21 et qu’est-ce que cela veut dire : «Je me suis acquitté d’une tâche, la
22 Yougoslavie n’existe plus» ?
23 M. Mesic (interprétation). - J'ai été délégué à Belgrade au nom du
24 Parlement croate en tant que membre de la présidence de la Yougoslavie,
25 d'abord en tant que vice-Président et par la suite en tant que président.
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1 M. Fila (interprétation). - Bien.
2 M. Mesic (interprétation). - C'était la seule mission dont je devais
3 m'acquitter à ce poste. Etant donné que la Yougoslavie n'existait plus, il
4 ne me restait plus aucune autre mission
5 à accomplir. Je ne devais pas être procureur ou avocat à Belgrade. Je
6 n'avais qu'à être membre de la présidence. Lorsque cette tâche a disparu,
7 je n'en avais plus. Je n'avais plus rien à faire au sein de la présidence.
8 M. Fila (interprétation). - Peut-être en tant que travailleur immigré, par
9 la suite ?
10 M. Fila (interprétation). - Je voulais vous rappeler cette déclaration
11 parce que je voulais expliquer au Tribunal pourquoi vous n'êtes pas devenu
12 Président de la présidence, pourquoi ils ne voulaient pas vous élire en
13 tant que Président, parce que vous avez dit quelque chose n'est-ce pas ?
14 M. Mesic (interprétation). - Ce ne sont là que de pures spéculations, de
15 Baran Jovic et de son mentor. Prétendument, j'aurais dit que je serais le
16 dernier Président de la Yougoslavie. Lorsque je me suis rendu à Belgrade,
17 la Fédération ne fonctionnait plus. Plus rien ne fonctionnait à ce moment-
18 là. Toutes les républiques étaient frustrées de leur statut, y compris les
19 provinces. Je crois qu'il ne serait que logique que les provinces aient le
20 droit de voter et de s'exprimer de cette façon. Malheureusement, elles
21 n'ont pas eu ce droit. La situation étant ce qu'elle est, j'étais prêt à
22 aller à Belgrade où tout le monde voulait reconstruire la Yougoslavie. Je
23 suis sein d'esprit. J'en ai donc conclu logiquement que, dans cette
24 configuration, avec ces structures qui étaient en train d'être mises en
25 place, je serais sans doute le dernier Président, que soit il y aurait
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1 après moi une Yougoslavie confédérée, ou qu'il n'y en aurait plus. J'en
2 suis venu à cette conclusion très logique et j'avais raison. Plus personne
3 n'a été élu après moi, pas à cause de ma propre volonté, mais parce qu'il
4 y a eu la volonté des forces politiques.
5 M. Fila (interprétation). - Avez-vous dit que vous alliez à Belgrade pour
6 n'être que le dernier Président de la République.
7 M. Mesic (interprétation). - Non, en réponse à une question posée par un
8 journaliste, j'ai dit que je pensais que je serais le dernier Président de
9 la Yougoslavie dans cette présente configuration.
10 M. Fila (interprétation). - Parce qu'elle ne fonctionnait plus ?
11 M. Mesic (interprétation). - Précisément.
12 M. Fila (interprétation). - J'aimerais vous lire quelque chose. Vous avez
13 écrit un livre n'est-ce pas ?
14 Je lis : "Comment nous avons renversé la Yougoslavie. Je ne m'inclus pas
15 dans le "nous"".
16 M. Mesic (interprétation). - Nous avons tous participé à la perte de la
17 Yougoslavie. Je suis d'accord.
18 M. Fila (interprétation). - Vous avez fait une déclaration solennelle,
19 n'est-ce pas ? Quand vous êtes venu à Belgrade, 18 millions de
20 Yougoslaves, moi-même y compris, vous ont entendu prêter votre serment.
21 Vous voulez me le lire ?
22 M. Mesic (interprétation). - Non.
23 M. Fila (interprétation). - Pourquoi, pas. Vous voulez que je la lise ?
24 M. Mesic (interprétation). - Oui.
25 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit : "Je dis que je vais lutter
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1 pour la protection de la souveraineté de l'indépendance et de l'intégrité
2 du pays et pour la réalisation du pouvoir des classes ouvrières et de tout
3 le peuple ouvrier. Je lutterai pour l'accomplissement de la confrérie dans
4 l'unité et pour le respect de toutes les nationalités égalitaires pour la
5 réalisation d'une société autogestionnaire, pour l'exercice de l'intérêt
6 commun général des ouvriers et des citoyens de la RSFY et que je
7 respecterai la constitution de la RSFY, ainsi que ses lois fédérales et
8 que je m'acquitterai consciencieusement de mes obligations".
9 Et vous avez enterré cet Etat ?
10 M. Mesic (interprétation). - Je ne l'ai pas enterré ! J'ai respecté le
11 serment constitutionnel que j'ai prêté. La Yougoslavie n'était plus là. Je
12 n'y pouvais rien.
13 M. Fila (interprétation). - Peut-être que vous ne vouliez pas aider.
14 M. Mesic (interprétation). - Si une personne se noie depuis trois jours,
15 comment voulez-vous ressusciter cette personne ? Rien de ce que j'aurais
16 pu faire n'aurait permis de sauver la Yougoslavie. C'était une pure perte
17 de temps. En effet, d'autres facteurs avaient détruit la Yougoslavie.
18 M. Fila (interprétation). - Pourquoi n'avez-vous pas donné votre
19 démission ? Vous avez trompé les personnes, donné l'espoir que vous alliez
20 faire quelque chose.
21 M. Mesic (interprétation). - Ce n'est pas du tout comme cela.
22 M. Fila (interprétation). - Vous quittiez la Yougoslavie.
23 M. Mesic (interprétation). - Non, ce n'était pas comme cela parce que
24 quelqu'un aurait pu me remplacer et cette personne n'aurait pas
25 nécessairement respecté les intérêts de la Répubulique de Croatie ou
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1 d'autres. Après tout, j'avais cette responsabilité.
2 M. Fila (interprétation). - Je suppose que vous n'êtes pas la seule
3 personne qui soit en mesure de protéger les intérêts croates. Tudjman
4 aurait pu le faire.
5 M. Mesic (interprétation). - Je devais respecter les intérêts de ceux qui
6 m'avaient envoyé à Belgrade, et je crois avoir fait mon travail en toute
7 conscience.
8 M. Fila (interprétation). - Expliquez-vous.
9 M. Mesic (interprétation). - J'avais toujours demandé que les structures
10 de l'Etat fonctionnent, que l'armée ne donne plus de décision politique,
11 que les problèmes politiques soient résolus dans la paix. Par la suite, il
12 est devenu manifeste, que, par exemple, les Tchèques et les Slovaques ont
13 pu s'organiser de façon civilisée. Si la JNA n'avait pas armé les Serbes
14 de Croatie, s'il n'y avait pas eu l'ambition de diviser la Bosnie, s'il
15 n'y avait pas eu cette ambition de changer les frontières, il est certain
16 qu'un concept confédéral aurait pu prendre forme dans la paix
17 M. Fila (interprétation). - Ou le pays aurait pu se diviser.
18 M. Mesic (interprétation). - Mais dans la paix.
19 M. Fila (interprétation). - Pourquoi ne pas avoir donné l'autonomie
20 culturelle à Arajkovic ? Etait-il indispensable de faire sortir les Serbes
21 de la conception à ce moment-là précis ?
22 Vous ne pouvez pas faire d'objection sur ce point.
23 M. Mesic (interprétation). - La question est différente. Elle ne fait pas
24 partie de ce procès.
25 M. Fila (interprétation). - Comment interprétez-vous ce que dit Zarko
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1 Domljan: "Mesic a tenu sa promesse. Il avait promis qu'il serait le
2 dernier Président de Yougoslavie". Donc, c'était la promesse que vous
3 faisiez alors que vous alliez en Yougoslavie ?
4 M. Mesic (interprétation). - Sans doute que Zarko Domljan ne m'a pas
5 compris. lorsque je suis allé à Belgrade.
6 M. Fila (interprétation). - Alors que vous parliez du Kosovo, vous avez
7 dit que 90 % de la population est d'origine albanaise.
8 M. Mesic (interprétation). - Oui.
9 M. Fila (interprétation). - Et qu'en Croatie il y a 10 % de Serbes ?
10 M. Mesic (interprétation). - Oui.
11 M. Fila (interprétation). - Les chiffres ne sont pas tout à fait exacts,
12 mais cela ne fait rien. Le Kosovo fait-il partie de la Serbie ou pas ?
13 M. Mesic (interprétation). - Le Kosovo est devenu une partie de la Serbie
14 parce qu'au cours de la seconde guerre mondiale, un accord a été passé
15 entre Tito et Anveroja pour dire qu'il faudrait qu'il y ait une révolte au
16 Kosovo contre les Italiens et les Allemands et qu'après la guerre, le
17 statut du Kosovo serait réglé.
18 M. Fila (interprétation). - Qu'est-ce qu'était le Kosovo avant la guerre ?
19 A quel Etat appartenait-il ?
20 M. Mesic (interprétation). - Cela faisait partie de la Yougoslavie
21 unitaire. Mais au cours de la seconde guerre mondiale, cette Yougoslavie
22 n'existait plus. Elle s'est fondée par la suite sur des bases différentes.
23 M. Fila (interprétation). - Revenons à la première guerre mondiale. Est-ce
24 que cela ne faisait pas partie de la Serbie, même avant la première guerre
25 mondiale ?
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1 M. Mesic (interprétation). - Avant, oui. Et le Kosovo faisait partie de la
2 Serbie, mais de nouvelles républiques se sont constituées après la
3 deuxième guerre mondiale. Le Kosovo est devenu une région parce que
4 l'Albanie a insisté à cause de la population majoritairement albanaise.
5 Mais déjà au cours de la deuxième guerre mondiale, cela devait devenir une
6 partie de l'Albanie. Tito avait une logique différente. Il avait dit qu'il
7 était important de lutter contre l'occupant et que l'on déciderait du
8 statut du Kosovo après la guerre.
9 M. Fila (interprétation). - Et après la guerre, que s'est-il passé ?
10 M. Mesic (interprétation). - Après la guerre, c'était en Serbie avec
11 beaucoup d'autonomie. Cette province, ainsi que la Voïvodine, avaient un
12 statut d'Etat puisqu'ils avaient un représentant au sein de la présidence,
13 comme une République.
14 M. Fila (interprétation). - D'après la constitution de 1974 ?
15 M. Mesic (interprétation). - Oui.
16 M. Fila (interprétation). - Vous avez parlé de deux millions d'Albanais.
17 Quel est le pourcentage de la population de Serbie ?
18 M. Mesic (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne me suis pas
19 particulièrement occupé de la Serbie.
20 M. Fila (interprétation). - Si, vous connaissez le Kosovo et la Serbie.
21 Vous avez parlé d'une population de plus de 10 millions, cela représente
22 20 %. Combien de Serbes y avait-il en Croatie, d'après le référendum
23 de 1991. Combien de Yougoslaves ?
24 M. Mesic (interprétation). - Je crois qu'il devait y avoir 700 ou 800 000
25 Serbes.
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1 M. Fila (interprétation). – Avec les Yougoslaves, un million ? Cela
2 représente 10 % de la Croatie ?
3 M. Mesic (interprétation). – Pourquoi les mettez-vous avec les
4 Yougoslaves ?
5 M. Fila (interprétation). - Certains yougoslaves étaient Serbes, d'autres
6 Croates ?
7 M. Mesic (interprétation). - C'étaient des mariages mixtes, mais pas
8 seulement. Il ne sert à rien de monter en épingle la question de ceux qui
9 se déclaraient yougoslaves ou pas.
10 M. Fila (interprétation) - Vous avez parlé de 700 000. Cela représente
11 10 % ou plus de la population croate ?
12 M. Mesic (interprétation). - D'accord, 12 %.
13 M. Fila (interprétation). - C’est même plus, mais cela ne fait rien.
14 Vous avez parlé du succès du référendum croate ?
15 M. Mesic (interprétation). - Oui.
16 M. Fila (interprétation). - Sur le territoire de Vukovar, y a-t-il eu un
17 référendum couronné de succès ? Je défends une personne qui a été accusée
18 pour Vukovar. Je ne veux pas savoir ce qui s'est passé au Kosovo.
19 M. Mesic (interprétation). - Parlons de ce référendum. 84 % de ceux qui se
20 sont exprimés ont voté en faveur d'une Croatie indépendante.
21 M. Fila (interprétation). - Non, je parle du référendum à Vukovar. Est-ce
22 que 50 % des personnes ont voté ?
23 M. Mesic (interprétation). - Je ne sais pas. Qui dit que 50 % doit
24 participer à un référendum. Un référendum est organisé sur tout le
25 territoire d'un Etat et certains ne votent pas dans un tel référendum.
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1 M. Fila (interprétation). - D'accord, mais j'aimerais savoir si vous
2 savez combien de personnes ont participé au référendum de Vukovar.
3 M. Mesic (interprétation). - Je ne sais pas exactement.
4 M. Fila (interprétation). - D'après la décision prise par le Parlement,
5 pourquoi n'avez-vous pas discuté du rappel de Loncari de Markovic, de
6 Kadijevic ?
7 M. Mesic (interprétation). - La Croatie a demandé à tous ses citoyens,
8 après avoir obtenu son indépendance, et après que j’ai quitté mon poste de
9 président, à revenir en Croatie, indépendamment de leur origine ethnique.
10 Beaucoup de Serbes, venant des institutions de l'Etat, sont rentrés en
11 Croatie.
12 M. Fila (interprétation). - Je pose une question à propos de la décision
13 prise par votre Parlement. Certaines de ces personnes sont même devenues
14 ministres. D'après la décision du Parlement, vous êtes le seul à vous voir
15 démettre de vos fonctions, pourquoi ?
16 M. Mesic (interprétation). - Parce qu’à cette occasion, on n'a discuté que
17 de ma démission.
18 M. Fila (interprétation). - J'ai compris. J'ai une autre question. Etant
19 donné la composition des autorités fédérales, le Premier ministre était
20 Ante Markovic, un Croate. Kadijevic était un officier croate, n'est-ce
21 pas ? Brovet était de Slovénie.
22 Pourquoi retire-t-on des juges ? Pourquoi est-ce que la
23 République de Krajina...
24 M. Williamson (interprétation). – Les interprètes demandent que vous
25 ralentissiez le débit, Maître Fila.
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1 M. Fila (interprétation). - Je m'excuse auprès des interprètes.
2 Lors de cette même réunion du 5 décembre, le Parlement a pris une
3 décision, selon laquelle, le gouvernement de Croatie devrait prendre des
4 mesures afin de mettre certaines décisions en œuvre, mais, seulement à ce
5 moment-là, pour que la Croatie devienne partie de la communauté
6 internationale. Pourquoi seulement à ce moment-là, le 5 décembre 1991 ?
7 M. Mesic (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne suis pas un
8 représentant de la Croatie, ici.
9 M. Fila (interprétation). - Vous n'êtes pas non plus le représentant du
10 Kosovo, mais vous savez tout sur le Kosovo.
11 M. Mesic (interprétation). - Non, je suis ici en tant que ex-Président de
12 la Yougoslavie.
13 M. Fila (interprétation). - Et moi, je vous pose ces questions à ce titre.
14 Le 5 décembre, pourquoi la Croatie a-t-elle demandé ceci, je vous en donne
15 lecture :
16 « Le Parlement de la République de Croatie a demandé au gouvernement de la
17 Croatie, d'entamer les procédures nécessaires, dans le cadre de la
18 législation existante, pour inclure la Croatie dans la communauté
19 internationale. »
20 Pourquoi seulement à ce moment-là ?
21 M. Mesic (interprétation). - Je demanderai à M. Tudjman.
22 M. Fila (interprétation). - Je parle du Parlement.
23 M. Mesic (interprétation). - Je vais demander à Zarko Domljan, au premier
24 président du Parlement.
25 M. Fila (interprétation). - Est-ce qu’il y a eu une influence due à
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1 Vukovar ?
2 M. Mesic (interprétation). - Pourquoi Vukovar aurait-il une influence ? Je
3 ne vois pas pourquoi.
4 M. Fila (interprétation). - Pour accélérer le processus de prise de
5 décision sur la reconnaissance de l'Etat.
6 M. Mesic (interprétation). - Il n'y a pas de raison pour laquelle Vukovar
7 aurait un effet important.
8 M. Fila (interprétation). - J'ai ici nombre de vos signatures apposées sur
9 différentes décisions en tant que Président de la présidence de la RSFY,
10 même après octobre 1991, sur la promotion de certains officiers et autres
11 choses encore.
12 Je ne comprends pas très bien pourquoi vous faisiez cela. Maintenant vous
13 dites que
14 personne ne vous a écouté.
15 M. Williamson (interprétation). – Objection, s'il vous plaît. Je crois,
16 soyons justes, que s'il fait référence à des documents où est apposée la
17 signature du témoin, nous devrions avoir la possibilités de les examiner
18 avant qu'ils ne soient soumis à ce dernier. Le témoin devrait avoir la
19 possibilités de les consulter.
20 M. Fila (interprétation). - Je retire ma question, excusez-moi. En tout
21 cas, certains documents ont été signés. C'est indubitable.
22 M. Mesic (interprétation). - Je vous rappelle que j'ai moi-même signé des
23 documents établissant la promotion de certains officiers et sous-
24 officiers.
25 En fait, je n'ai pas signé ces documents. Je sais qu'on m'a également fait
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1 passer des documents sur la décoration de certains hommes et que je ne les
2 ai pas signés non plus. Je ne sais pas si j'ai signé quoi que ce soit
3 avant ces événements et qu'ils ont été publié par la suite. Je n'en suis
4 vraiment pas sûr, mais je ne le crois pas en tout cas.
5 M. Fila (interprétation). - Savez-vous quand MM. Loncar, Ante Markovic et
6 Kadijevic ont quitté leurs fonctions d'officiers dans la République
7 fédérale ?
8 M. Mesic (interprétation). - Non je ne sais pas, je ne me souviens plus,
9 il y a beaucoup de choses qui se sont passées.
10 M. Fila (interprétation). - Mais c’était avant ou après vous ?
11 M. Mesic (interprétation). - Après.
12 M. Fila (interprétation). - Avez-vous fait une déclaration qui a été
13 reprise et interprétée de différentes manières à différentes reprises, à
14 savoir que les Serbes ne peuvent pas croire qu'ils ont amené leur droit à
15 la terre sur leurs chaussures de paysans ?
16 M. Mesic (interprétation). - Je crois que c'est une simplification des
17 choses. Je vais répéter la façon dont je l'ai dite. Au départ, à Krajina,
18 il y avait des graffitis et des slogans, les gens criaient : « C'est la
19 Serbie ».
20 Ce que j'ai dit à l'époque, c'est que les Serbes de Croatie n’ont pas
21 amené la Serbie à la Croatie sous leur semelle. Parce que lorsqu'ils sont
22 venus, ils ne sont pas arrivés en portant des chaussures vernies. C'était
23 simplement une expression pour expliquer les choses.
24 Mais j'ai également dit à ce moment-là que ni les Croates ni les autres
25 n'ont volé la Croatie, non amené la Croatie à l’Autriche dans leurs
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1 chaussures parce que c'était des citoyens de la République d'Autriche et
2 qu'ils auraient pu emmener la Croatie là-bas, dans leurs coeurs. Mais
3 qu’ils vivaient sur le sol autrichien et que, par conséquent, ils étaient
4 des citoyens autrichiens.
5 Par conséquent, j’invitais les Serbes à se rendre compte du fait qu'ils
6 étaient citoyens de la République de Croatie et qu'ils ne devaient pas se
7 battre pour la Serbie en Croatie et déclarer que les villages dans
8 lesquels ils habitaient étaient serbes.
9 M. le Président (interprétation). - Voulez-vous répéter votre question,
10 Maître Fila, s’il vous plaît ?
11 M. Fila (interprétation). - La question est donc : « Lorsque les Serbes
12 sont arrivés dans ce territoire que vous appelez Croatie, je dis qu'ils
13 sont venus d'Autriche, de Hongrie ».
14 M. Mesic (interprétation). - Je dois répondre de la façon suivante.
15 L'Autriche-Hongrie était composée d'un certain nombre d'Etats. L'empereur
16 autrichien était également le roi de la Croatie.
17 La Croatie a toujours été un élément séparé parce qu'elle a été tout
18 d'abord incorporée dans le royaume de Hongrie au moment où le
19 Pacta Conventa a été signé, en 1052, lorsque le roi de la Hongrie est
20 également devenu le roi de la Croatie. Mais la Croatie était considérée
21 comme une entité séparée. Avec l'empire austro-hongrois, la Croatie a été
22 incorporée mais, là encore, comme une entité un peu autonome, séparée,
23 parce que le roi autrichien était également le roi croate.
24 Pour répondre à votre question, quand les Serbes sont-ils arrivés en
25 majorité ?,
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1 C'était après 1697, après la pénétration d'Eugène de Savoie à Skoplje
2 lorsque, en vertu du traité, il s'est retiré comme l'ont fait d'ailleurs
3 ses partisans, les partisans qui l'avaient soutenu jusqu'à ce qu'il entre
4 dans Skoplje. C’est après cette victoire qu'environ 400.000 Serbes sont
5 arrivés, le plus grand groupe qui soit jamais arrivé d’ailleurs en
6 Slovénie, en Voïvodine et dans d'autres parties encore.
7 Je dois dire que dans d'autres périodes de l’histoire, il y a eu d'autres
8 flux importants qui sont arrivés, des flux de Serbes, mais pas à une
9 échelle aussi importante qu'à ce moment-là. Parce que l'Autriche a créé un
10 couloir et, à ce moment-là, triait la population comme c'est arrivé
11 plusieurs fois dans l'histoire comme vous avez pu le voir. De même,
12 Catherine la Grande a couvert ses terres dans la grande Russie avec les
13 Cosaques, essayant de créer des frontières, des couloirs afin de protéger
14 les frontières de la Russie. L'Autriche avait fait la même chose, elle
15 avait créé ce couloir afin de protéger ses frontières.
16 M. Fila (interprétation). - J'ai écouté ce que vous avez dit mais je
17 voudrais savoir si la Slavonie faisait partie de la Croatie à ce moment-
18 là ?
19 M. Williamson (interprétation). - Excusez-moi, nous sommes en train de
20 parler du XVIIème siècle et je ne vois pas véritablement quelle est la
21 pertinence de ces questions par rapport à la question qui nous intéresse.
22 M. Fila (interprétation). - Laissez-moi m'expliquer. La Slavonie est
23 l'endroit où se trouve Vukovar, c’est pour cela que je pose ces questions.
24 Je demande quand la Slavonie est devenue une partie de la Croatie.
25 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, vous pouvez continuer,
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1 posez votre question.
2 M. Fila (interprétation). - Je demande en ce qui concerne la Slavonie
3 parce que Vukovar se trouve en Slavonie. Quand la Slavonie est-elle
4 devenue croate ?
5 M. Mesic (interprétation). - On sait historiquement que le territoire de
6 la Croatie
7 comportait là-bas Novi Sad de Croatie, la Slavonie et la Dalmatie. Tout
8 cela était la Croatie. Cependant, les statuts juridiques de ces régions
9 étaient différents.
10 En ce qui concerne les frontières, y compris celles dont vous parlez,
11 elles ont été tracées de manière définitive suite à la Deuxième Guerre
12 mondiale. Il faut que je mentionne une autre chose afin que tout soit tout
13 à fait clair. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les Républiques, les
14 entités futures de la fédération yougoslave se sont constituées. Cela a
15 simplement été confirmé par la suite.
16 Il faut que je réponde à quelque chose que vous n'avez pas posé en tant
17 que question en ce qui concerne la Voïvodine. Pendant la Deuxième Guerre
18 mondiale...
19 M. Fila (interprétation). - Je demande que vous répondiez à mes questions.
20 M. Mesic (interprétation). - La Voïvodine était sous le commandement
21 croate et non pas sous celui de l'état-major serbe, ce dernier n'existant
22 même pas. Il y avait deux unités de partisans en Serbie. Le détachement de
23 Kosmaj, plus encore autre chose, et tous les autres étaient des Chetniks.
24 M. Fila (interprétation). - Moi aussi, je pourrais dire que vous aviez 5 %
25 de la population dans les partisans et que tous les autres étaient des
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1 Oustachis. Mon père était partisan.
2 M. Mesic (interprétation). - Mon père, toute ma famille et moi-même étions
3 des partisans.
4 M. Fila (interprétation). - Je ne l'étais pas, j'étais trop jeune.
5 M. Mesic (interprétation). - J'ai fait la guerre pour vous aussi.
6 M. Fila (interprétation). - Mon père, lui, a été partisan. Il n'était pas
7 croate.
8 M. Mesic (interprétation). - Je n'ai jamais accusé le peuple serbe en tant
9 que tel, mais certains de ses éléments, c'est-à-dire les Chetniks.
10 M. Fila (interprétation). - Avez-vous donné l'ordre que l'armée se
11 retire ?
12 M. Mesic (interprétation). - Les Croates n'attaquaient pas de villages.
13 Ils essayaient de faire fonctionner l'Etat.
14 M. Fila (interprétation). - Quel Etat, l'Etat dont vous étiez président ou
15 celui de Croatie ?
16 M. Mesic (interprétation). - L'Etat de Croatie.
17 M. Fila (interprétation). - Vous étiez président de la Yougoslavie.
18 M. Mesic (interprétation). - Oui, mais je m'attachais à faire en sorte que
19 toutes les Républiques fonctionnent, y compris la Croatie.
20 M. Fila (interprétation). - Au sein de la Yougoslavie ?
21 M. Mesic (interprétation). - Oui.
22 M. Fila (interprétation). - En tant que président de la Yougoslavie, vous
23 vouliez que les Républiques fonctionnent au sein de la Yougoslavie ?
24 M. Mesic (interprétation). - Jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée.
25 M. Fila (interprétation). - Donc, il y a eu une demande selon laquelle il
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1 ne fallait pas envoyer des forces croates dans certains territoires ?
2 M. Mesic (interprétation). - J'étais minoritaire.
3 M. Fila (interprétation). - S'agissait-il d'une décision valable ?
4 M. Mesic (interprétation). - Oui, elle était valable puisque mon vote
5 était minoritaire.
6 M. Fila (interprétation). - Le 2 octobre, dans votre lettre à M. Bush,
7 vous écrivez que vous êtes le président légitime de la Yougoslavie ?
8 M. Mesic (interprétation). - Oui. Il faut bien que j'explique qui lui
9 écrit pour qu'il ne pense pas qu'il reçoit une lettre du président de la
10 municipalité d'Oravica.
11 M. Fila (interprétation). - Vous parlez de votre impossibilité comme
12 président de la Yougoslavie, car l'armée qui est devenue serbe ne peut
13 plus être arrêtée ?
14 M. Mesic (interprétation). - C'est exact.
15 M. Fila (interprétation). - Mais qu'elle peut être arrêtée si la nouvelle
16 réalité est reconnue. Qu'est cette nouvelle réalité ?
17 M. Mesic (interprétation). - Cela signifie que la Fédération a arrêté de
18 fonctionner le jour même où les premiers éléments constitutifs de la
19 Fédération ont été abolis, notamment les deux provinces autonomes, et
20 surtout lorsque Milosevic a déclaré que la Serbie n'allait pas obéir à
21 quelque décision que ce soit de la présidence. Milosevic n'a jamais retiré
22 cette déclaration.
23 M. Fila (interprétation). - C’est Milosevic qui l'a dit ou la Serbie ?
24 M. Mesic (interprétation). - C'est Milosevic, en tant que président de
25 Serbie, qui l'a déclaré.
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1 M. Fila (interprétation). - Je ne suis pas sûr qu'il l’ait déclaré
2 vraiment ainsi ; peu importe. Pourquoi à ce moment-là ne quittez-vous pas
3 votre poste de président de la présidence de la Yougoslavie, puisqu'elle
4 n'existe pas ? Vous êtes président de quelque chose qui n'existe pas.
5 M. Mesic (interprétation). - Le Parlement qui m'a nommé ne m'a pas encore
6 démis. Je voulais déjà partir, je trouvais qu'il ne fallait pas que je
7 reste puisque rien ne fonctionnait, je voulais démissionner.
8 M. Fila (interprétation). - Vous connaissez le statut du Kosovo et de la
9 Voïvodine au sein de la République de Serbie ?
10 M. Mesic (interprétation). - Oui.
11 M. Fila (interprétation). - Est-il vrai que les représentants du Parlement
12 du Kosovo et de la Voïvodine avaient des sièges dans le Parlement serbe et
13 non pas l'inverse ?
14 M. Mesic (interprétation). - Oui.
15 M. Fila (interprétation). - Y a-t-il un autre Etat où la logique soit la
16 même ?
17 M. Mesic (interprétation). - Non, c'était illogique, mais on aurait pu
18 résoudre cela
19 sans terreur.
20 M. Fila (interprétation). - Oui, la question de la terreur est autre
21 chose. La Deuxième guerre mondiale aurait pu être terminée sans
22 Sajenovasotci. Tel n'a pas été le cas. Si les Serbes ont demandé une
23 autonomie culturelle, pourquoi cela ne pouvait-il pas leur être accordé ?
24 M. Mesic (interprétation). - Je dois redire ce que j'ai déjà dit. Il y a
25 eu des problèmes et il faut les résoudre par le biais des discussions et
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1 non par les armes. J'ai demandé à voir tous les présidents de
2 municipalité, mais personne n'osait accepter de se réunir avec moi parce
3 qu'il serait traité de traître. Ils ont préféré résoudre le problème par
4 les armes ; nous voyons le résultat.
5 M. Fila (interprétation). - Lorsque en 1990 Rakovic et les siens ont
6 demandé l'autonomie culturelle. Pourquoi ne leur a-t-on pas accordé alors
7 que cela leur a été offert par la suite au sein du plan Z4 ?
8 M. Mesic (interprétation). - Vous voulez mon opinion personnelle ?
9 M. Fila (interprétation). - Oui.
10 M. Mesic (interprétation). - Je pense que l'on aurait dû leur donner
11 l'autonomie culturelle.
12 M. Fila (interprétation). - Les Serbes avaient-ils peur, qu'il s'agisse
13 d'une peur réelle ou non, que ce qui s'était passé sous Ante Pavelic se
14 reproduise ?
15 M. Mesic (interprétation). - Ils n'avaient pas de raisons réelles d'avoir
16 peur étant donné que la plupart d'entre nous, qui étions au pouvoir en
17 Croatie, étions tous des antifascistes. Il n'y avait pas de raison d'avoir
18 peur de nous.
19 Visiblement, il y a eu d'autres aspirations selon lesquelles on voulait
20 créer une peur artificielle. Je veux bien admettre que cela provoquait
21 certainement une peur réelle chez certains quant à une telle suite des
22 événements. Cette peur n'était pas fondée et il ne fallait pas bloquer
23 les routes, résister au pouvoir croate de manière aussi violente et
24 ensuite dire : "On a barré les routes parce qu'on a peur".
25 M. Fila (interprétation). - Ils n'ont pas barré les routes en 1941. Il y
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1 en a plusieurs milliers qui ont été tués.
2 M. Mesic (interprétation). - En ce qui concerne ma famille, tous les
3 membres de ma famille ont rejoint les partisans à cette époque-là. Ne me
4 posez pas des questions concernant l'Etat indépendant croate, cela n'a
5 rien à voir avec moi.
6 M. Fila (interprétation). - Effectivement, cela n'a rien à voir avec vous.
7 Dieu merci. J'ai une bien meilleure opinion de vous que ce que vous
8 n'imaginez, et que celle que vous avez de moi.
9 Si je vous ai bien compris, vous témoignez aujourd'hui sur tous les
10 événements qui ont eu lieu. Je dois vous poser une autre question.
11 Connaissez-vous M. Dokmanovic, celui qui est derrière ?
12 M. Mesic (interprétation). - Oui, je le connais.
13 M. Fila (interprétation). - Peut-être avez-vous été son invité une fois ou
14 une autre ?
15 M. Mesic (interprétation). - Oui.
16 M. Fila (interprétation). - A cette occasion, avez-vous remarqué une
17 expression de nationalisme de sa part ?
18 M. Mesic (interprétation). - Je l'ai rencontré en tant que président du
19 gouvernement. A l'époque, il était le président de la municipalité de
20 Vukovar.
21 Nous avons eu un entretien tout à fait correct. Sur la base de cet
22 entretien, je ne peux rien dire de négatif. Je peux dire que de nombreuses
23 conclusions que nous avons eues étaient pratiquement identiques. Je n'ai
24 pas pu m'imaginer qu'un jour il se trouverait dans une situation telle que
25 celle d'aujourd'hui.
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1 M. Fila (interprétation). - Etant donné qu'à une époque vous étiez
2 président de
3 l'assemblée municipale, pouvez-vous nous expliquer comment se fait-il que
4 vous, en tant que Président d'Etat, vous n'ayez pas pu faire en sorte
5 qu'on obéisse à vos ordres, vos ordres donnés à la JNA ? Un président de
6 la municipalité pouvait-il donner des ordres auxquels la JNA allait
7 obéir ?
8 M. Mesic (interprétation). - De toute façon, je ne pouvais pas réussir.
9 J'essayais toujours de faire en sorte que l'armée agisse de manière
10 légale. Je voulais faire en sorte qu'il devienne clair que leur action
11 était contre les institutions et qu'ils opéraient un coup d'Etat
12 militaire.
13 M. Fila (interprétation). - Vous savez, ce n'est pas une question vous
14 concernant personnellement. Je parle des postes : qui pouvait influencer
15 l'armée, mis à part Milosevic que vous avez déjà mentionné ?
16 M. Mesic (interprétation). - Je ne sais pas ce que Dokmanovic aurait pu
17 faire.
18 M. Fila (interprétation). - En tant qu’ancien président de l’assemblée
19 municipale ?
20 M. Mesic (interprétation). - Je ne peux pas le savoir. Je ne sais pas quel
21 était exactement son poste.
22 M. Fila (interprétation). - Il n'avait pas d'ingérence par rapport à la
23 JNA ?
24 M. Mesic (interprétation). - Certainement pas.
25 M. Fila (interprétation). - Savez vous quelque chose s'agissant de la
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1 défense territoriale ?
2 M. Mesic (interprétation). - Oui, elle était sous le contrôle de la
3 présidence de la République. Donc, la défense territoriale de chaque
4 municipalité, y compris de la municipalité de Vukovar, pouvait être
5 seulement sous le commandement de la présidence de la Croatie. La seule
6 manière de l'activer était de l'activer par le biais de la présidence de
7 Croatie. C'était valable pour chaque République.
8 M. Fila (interprétation). - Je pense que je vais bientôt terminer. Je
9 regarde la
10 montre et j'essaie d'éviter la séance de l'après-midi.
11 En ce qui concerne Borovo Selo et la tragédie qui y a eu lieu, je suis
12 absolument d'accord avec vous pour dire qu'il aurait fallu éviter cela.
13 Etes-vous pourtant sûr que le but de l'opération n'était pas d'enlever un
14 drapeau là-bas?
15 M. Mesic (interprétation). - Oui, je me rappelle qu'il y avait une sorte
16 de provocation allant dans ce sens-là. Je ne connais pas les détails, mais
17 même le fait d'enlever, de baisser un drapeau, ce n'est pas une raison
18 pour tuer quelqu'un.
19 M. Fila (interprétation). - Personne n'a été tué la première fois.
20 M. Mesic (interprétation). - Oui, mais ce n’est pas une raison.
21 M. Fila (interprétation). - Oui, c’est vrai. Le drapeau qui a été enlevé
22 était le drapeau serbe ?
23 M. Mesic (interprétation). - Oui, mais même si c'était le drapeau des
24 Nations Unies, ce n'est pas une raison pour tuer qui que ce soit.
25 M. Fila (interprétation). - C’est exact.
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1 Une autre chose, en ce qui concerne la présidence. Depuis quand
2 MM. Bogicevic et Tupurkovski étaient-ils membres de la présidence?
3 M. Mesic (interprétation). - Ils y étaient même avant moi.
4 M. Fila (interprétation). - Jusqu'à quand ?
5 M. Mesic (interprétation). - Je ne sais pas qui est parti le premier des
6 deux, mais je pense qu'après que j'ai arrêté de venir, eux aussi ont fait
7 la même chose.
8 M. Fila (interprétation). - Jusqu'alors, venaient-ils eux aussi ?
9 M. Mesic (interprétation). - Le premier qui a arrêté de venir, c'était
10 Drnovsek.
11 M. Fila (interprétation). - Puis vous, puis Cile, c’est-à-dire
12 M. Tupurkovki ?
13 M. Mesic (interprétation). - En effet.
14 M. Fila (interprétation). - J'ai encore une question pour compléter
15 l'image.
16 Au cours de 1990-1991, y a-t-il eu des attaques contre les casernes de la
17 JNA ? Est-ce qu’un incident a eu lieu à Split ? Savez-vous quelque chose
18 là-dessus ? Une caserne a-t-elle été attaquée à l'époque là-bas?
19 M. Mesic (interprétation). - Je comprends très bien la situation dans
20 laquelle la Croatie s'est retrouvée à l'époque. De cette caserne, on
21 fournissait des armes à la population serbe dans les municipalités.
22 M. Fila (interprétation). - Un soldat de l'armée yougoslave a été tué ?
23 M. Mesic (interprétation). - Oui, mais la Croatie voulait organiser sa
24 défense. Elle a été entièrement désarmée. Toutes les armes de la défense
25 territoriale croate ont été envoyées dans les casernes de la JNA.
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1 Il faut que je dise que j'ai demandé à M. Kalgjavic, c'est-à-dire à
2 l'amiral Brovet, qu'on rende à la Croatie ces armes, étant donné que la
3 Croatie a acheté ces armes avec ses propres moyens, étant donné que la
4 saisie s'est opérée de manière illégale. Et Brovet m'a répondu qu'il
5 s'agissait bel et bien des armes croates et qu'il était possible de
6 constituer une commission qui pouvait aller faire une visite, un tour de
7 l'endroit où les armes étaient stockées.
8 Les Croates voulaient empêcher que ces armes soient distribuées de manière
9 illégale. La décision a été prise de bloquer les casernes pour empêcher
10 les militaires d'être au contact avec les rebelles, les unités rebelles
11 qui avaient pris le contrôle de certaines parties de la Croatie.
12 M. Fila (interprétation). - En ce qui concerne la Cour constitutionnelle
13 de la Yougoslavie, il y avait aussi un juge de Croatie, n'est-ce pas?
14 M. Mesic (interprétation). - Oui.
15 M. Fila (interprétation). - Savez-vous quelle était la décision de la Cour
16 constitutionnelle de Yougoslavie où le juge de la Croatie était présent et
17 où la décision de l'indépendance de la Croatie a été révoquée?
18 M. Mesic (interprétation). - Il y a eu un représentant de la Croatie ?
19 M. Fila (interprétation). - Oui, il y avait un représentant. Il a voté
20 contre cela. Savez-vous cela ?
21 M. Mesic (interprétation). - Nous sommes des juristes. A l'époque, la
22 décision n'était pas encore opérationnelle.
23 M. Fila (interprétation). - Une telle décision a-t-elle été adoptée ?
24 M. Mesic (interprétation). - Oui, mais elle n'était pas opérationnelle.
25 Là, il s'agit d'une procédure un peu plus longue pour qu'une décision
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1 devienne opérationnelle.
2 M. Fila (interprétation). - Oui, mais vous savez que la cour
3 constitutionnelle yougoslave a adopté une décision de révocation ?
4 M. Mesic (interprétation). - Oui.
5 M. Fila (interprétation). - Une autre question concernant la déclaration
6 de Brioni.
7 M. Mesic (interprétation). - Oui.
8 M. Fila (interprétation). - Est-ce qu'au sein de cette déclaration il n'a
9 pas été dit que l'indépendance allait être reportée mais que toutes les
10 parties étaient invitées à négocier?
11 M. Mesic (interprétation). - C'est exact. La mise en oeuvre de
12 l'indépendance devait être reportée et les discussions devaient avoir
13 lieu. Cela n'a pas aboli la décision d'indépendance.
14 M. Fila (interprétation). - Oui, mais on ne la mentionne pas
15 M. Mesic (interprétation). - En effet.
16 M. Fila (interprétation). - J'ai un document ici, mais seulement en
17 anglais. Je vous demanderai de bien vouloir identifier votre signature. Il
18 s'agit de l'annexe 3 du document de cessez-le-feu du 18 Octobre 1991 signé
19 ici à La Haye.
20 Excusez-moi, parce que je n'ai pas de traduction, mais vous savez vous-
21 même, Monsieur le président, que j'ai eu très peu de temps. Je n'ai pas pu
22 photocopier le document. J'ai travaillé jusqu'à 5 heures et demie ce
23 matin. Si on peut montrer cela maintenant. On le photocopiera tout à
24 l'heure.
25 M. Williamson (interprétation). - Si nous pouvions seulement jeter un coup
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1 d'oeil auparavant, il n'est pas la peine de le photocopier tout de suite.
2 M. Fila (interprétation). - Très bien. S'agit-il bel et bien de votre
3 signature. C'est ma seule question, c'est très simple n'est-ce pas?
4 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, il ne faut pas se
5 dépêcher. A mon avis, c'est trop important pour vous de poursuivre votre
6 contre-interrogatoire. N'essayez pas de vous dépêcher. A mon avis, il y
7 aura aussi des questions supplémentaires. Nous, les juges, avons aussi
8 certaines questions à poser. Allez-y.
9 M. Mesic (interprétation). - Oui, c'est ma signature. C'est l'accord de
10 cessez-le-feu.
11 Je ne sais pas ce qui est écrit en haut du document, mais c'est ma
12 signature.
13 M. le Président (interprétation). - Avez-vous ce document en Croate,
14 Maître Fila ?
15 M. Fila (interprétation). - Non, j'ai trouvé ce document ici.
16 M. Mesic (interprétation). - C'est un grand texte.
17 M. Fila (interprétation). - Non, seulement la partie que vous regardez
18 maintenant.
19 M. Mesic (interprétation). - C'est ma signature.
20 M. Fila (interprétation). - Quelqu'un peut traduire rapidement cela.
21 M. le Président (interprétation). - Il est possible de le faire à l'heure
22 du déjeuner. Cela pourra être montré au témoin tout à l'heure.
23 M. le Président (interprétation). - Etes-vous d'accord, Monsieur Fila,
24 pour que nous levions la séance maintenant et que nous continuions à
25 16 heures cet après-midi ?
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1 M. Fila (interprétation). - Très bien.
2 M. le Président (interprétation). - Merci. La séance est suspendue.
3 L’audience est suspendue à 13 heures
4 L’audience est reprise à 16 heures 45.
5 M. le Président (interprétation). - Excusez-nous de ce retard. De toute
6 façon, ce n'est pas notre faute, mais je m'excuse quand même.
7 Maître Fila, allez-y.
8 M. Fila (interprétation). - Monsieur Mesic, je n'aurai pas encore beaucoup
9 de questions. Je suppose que vous en avez eu assez.
10 Vous avez mentionné dans votre lettre la déclaration de guerre de
11 M. Kadijevic, mais de quelle guerre parlez-vous ? Je ne comprends pas du
12 tout.
13 M. Mesic (interprétation). - Oui. Il a menacé la Croatie en disant qu'il
14 allait entreprendre toutes les actions qu'il jugeait nécessaires. C'était
15 en tant que pièce jointe, mais je ne sais pas où cela a disparu.
16 M. Fila (interprétation). - D'accord, je comprends.
17 Monsieur le Président, le Procureur a fait objection par rapport au fait
18 que je posais des questions sans les documenter en ce qui concerne les
19 signatures par rapport aux avancements des officiers. C'est pourquoi je
20 vous demande de bien vouloir examiner ce document en serbo-croate.
21 M. le Greffier. (interprétation). - La cote du document est D 11.
22 M. Fila (interprétation). - Apparemment, j'ai donné le dernier exemplaire,
23 mais ce n'est pas grave.
24 Veuillez examiner ce document. S'agit-il des décrets que vous avez signés
25 par rapport à l'avancement du général Kukanjac* et d'un autre général ?
Page 1589
1 Quand cela a-t-il été signé ?
2 M. Mesic (interprétation). - Le 2 août 1991.
3 M. Fila (interprétation). - Qu'est-ce que cela représente ?
4 M. Mesic (interprétation). - Voilà ce qui est indiqué : il s'agit de ma
5 signature, mais
6 j'ai l'impression qu'il s'agit ici d'autre chose.
7 M. Fila (interprétation). - Il s'agit du mois d'aôut, le 2 août 1991.
8 M. Mesic (interprétation). - C'est possible.
9 M. Fila (interprétation). - Etant donné que la Chambre de Première
10 Instance ne parle pas serbe, c'est-à-dire le serbo-croate de l'époque,
11 dites-nous de quoi il s'agit.
12 M. Mesic (interprétation). - En fait, le ministère de la défense est
13 responsable pour toutes sortes d'avancements dans le domaine militaire et
14 cela arrive automatiquement jusqu'à la présidence. Le Président signe ces
15 documents. Mais lorsque l'on en est arrivé au moment où il fallait
16 décerner des décorations, il s'agissait certainement des mérites qui
17 étaient contestables à l'époque, non seulement contestables mais
18 inacceptables.
19 M. Fila (interprétation). - Très bien. La date a déjà été mentionnée.
20 Monsieur Mesic, je souhaiterais vous poser la question suivante : au mois
21 d'octobre jusqu'au 4 novembre, plusieurs fois, à la télévision croate, on
22 a pu voir vos interviews et, à chaque fois, on vous mentionnait en tant
23 que Président de la Yougoslavie. Par exemple, le 24 octobre, il était
24 écrit : "Président de la présidence de la Yougoslavie". Vous disiez que
25 l'armée allait se démembrer, étant donné qu'elle ne pouvait pas être
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1 financée seulement par la Serbie, que la guerre allait se répandre en
2 Bosnie -vous aviez raison-, que c'était la raison pour laquelle Milosevic
3 regroupait ses troupes et que la guerre allait s'avérer fatale pour
4 Milosevic et la Serbie.
5 C'est à cause de cette fin que je vous ai lu cette partie.
6 M. Mesic (interprétation). - C'est ce qui se passe maintenant.
7 M. Fila (interprétation). - Le 23 octobre, vous avez dit que les
8 représentants serbes ne pouvaient pas se rendre à La Haye et que
9 Lord Carrington pouvait dire quelle était la solution définitive de la
10 crise et que vous ne pouviez pas utiliser l'avion, étant donné qu'il vous
11 a été rendu impossible d'utiliser le carburant, est-ce exact ?
12 M. Mesic (interprétation). - C'est exact.
13 M. Fila (interprétation). - Ensuite, il y a une interview télévisée à la
14 télévision croate, le 24 octobre. C'est une interview que vous avez
15 accordée au ZDF, la télévision allemande, lors de laquelle vous déclarez
16 que, en tant que président de président de la présidence de la
17 Yougoslavie, vous essayez d'internationaliser la guerre et d'arrêter la
18 guerre, qu'il fallait comprendre que la Croatie, que le tout faisait
19 partie de l'Europe.
20 Finalement, au mois de novembre, le 4 novembre 1991, vous avez dit que le
21 Président Tudjman, le président de la présidence de la Yougoslavie, à
22 l'invitation de Lord Carrington, devait se rendre à La Haye. C'était
23 publié.
24 M. Mesic (interprétation). - C'est exact.
25 M. Fila (interprétation). - Finalement, vous avez mentionné un certain
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1 nombre de personnes responsables pour ce qui s'est passé. Au cas où le
2 Procureur accuse de vrais responsables, viendrez-vous témoigner ?
3 M. Mesic (interprétation). - Si le Tribunal accuse qui que ce soit...
4 M. Williamson (interprétation). - J'ai une objection par rapport à cette
5 question car elle n'est pas pertinente.
6 M. Fila (interprétation). - Je m'excuse. J'ai dit qu'il s'agissait de
7 curiosité et je retire ma question. Je m'excuse encore une fois auprès des
8 interprètes à cause de mon débit trop rapide. J'espère que je n'aurai plus
9 d'excuses à présenter et j'en ai terminé avec mes questions.
10 M. le Président (interprétation). - Merci. Le Procureur souhaite-t-il
11 poser de nouvelles questions ?
12 M. Williamson (interprétation). - Veuillez m'accorder un instant,
13 Monsieur le Président. Nous pouvons demander une expurgation à la
14 page 137, lignes 24 et 25.
15 Je n'ai plus de question à poser, Monsieur le Président.
16 M. le Président (interprétation). - Merci.
17 Mme Mumba (interprétation). - J'aurai un certain nombre de questions à
18 vous poser. Selon la Constitution croate, au moins celle de 1991, quelle
19 était la procédure à suivre pour organiser un référendum ? Si une décision
20 était prise par le peuple dans le cadre d'un référendum, cette décision
21 prenait-elle effet immédiatement ?
22 M. Mesic (interprétation). - Non. En vertu de la loi sur le référendum,
23 cette décision ne prenait pas effet immédiatement, mais elle devait faire
24 l'objet d'une décision du Parlement croate. Cependant, le Parlement devait
25 prendre en compte la volonté exprimée par le peuple au cours du
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1 référendum.
2 Mme Mumba (interprétation). - Vous étiez député croate, de l'Etat
3 démocratique de Croatie, en 1991 ?
4 M. Mesic (interprétation). - J'ai été élu au Parlement au cours des
5 premières élections démocratiques, mais j'ai été désigné comme Premier
6 ministre du gouvernement et, par conséquent, j'ai abandonné mes fonctions
7 de député qui était mon premier mandat.
8 Mme Mumba (interprétation). - En vertu de la procédure croate, quelle est
9 la procédure à suivre de démission d'un député. Devez-vous faire cela par
10 un document écrit, ou une déclaration orale suffit-elle ?
11 M. Mesic (interprétation). - Tout d'abord, la différence entre moi-même et
12 la position que j'occupais ou celle qui était occupée par d'autres
13 représentants croates des organes fédéraux était que tous les autres
14 membres étaient élus par l'assemblée fédérale, tous les autres membres ou
15 plutôt seulement un membre de la présidence, à savoir moi-même, était élu
16 par le Parlement. Il suffisait d'une démission, qu'elle soit orale ou
17 écrite et, pour ce qui est de mon cas particulier, cela s'est fait à la
18 fois oralement et par écrit.
19 Mme Mumba (interprétation). - Au cours de votre témoignage, vous avez dit
20 aux Juges que, en décembre 1991, le Parlement croate vous a élu à la
21 présidence de la RSFY, la République socialiste fédérative de Yougoslavie,
22 et que, à ce moment-là, vous avez démissionné
23 de votre poste de député ?
24 M. Mesic (interprétation). - En 1990, en septembre, j'ai été élu membre de
25 présidence de la Yougoslavie et c'est à ce moment-là que j'ai démissionné
Page 1593
1 de mon poste de député. Non, pardon, j'ai rendu ma démission ou j'ai
2 proposé ma démission après avoir été élu premier ministre, c'est-à-dire
3 juste après la constitution de l'assemblée du parlement et lorsque je suis
4 allé à Belgrade, là je ne faisais déjà plus partie du parlement.
5 Mme Mumba (interprétation). - De la Croatie ?
6 M. Mesic (interprétation). - Oui, du parlement croate.
7 Mme Mumba (interprétation). - Lorsque vous étiez président de la
8 présidence de l'ex-République de Yougoslavie, je voudrais savoir si la
9 présidence pouvait agir en tant que présidence dans toute autre ville que
10 Belgrade ?
11 M. Mesic (interprétation). - Oui. En vertu des règles de procédures qui
12 régissaient la présidence, les réunions de la présidence devaient se tenir
13 dans le bâtiment de la présidence, dans le bâtiment de la fédération. Mais
14 il n'était pas exclu de tenir d'autres réunions ailleurs si cela devait
15 être le cas en pratique.
16 Mme Mumba (interprétation). - Est-ce pour cela que vous avez pu écrire ces
17 documents présentés par le Bureau du Procureur, les pièces 108 et 107, au
18 secrétaire général des Nations Unies et également au président des Etats-
19 Unis à l'extérieur de Belgrade ?
20 M. Mesic (interprétation). - J'ai essayé de convoquer une réunion à
21 l'extérieur de Belgrade mais le bloc serbe ne l'a pas accepté. Moi-même,
22 je n'ai pas pu me rendre à Belgrade parce que l'aéroport avait été bloqué,
23 ainsi que toutes les voies routières et ferroviaires qui y menaient. Les
24 forces militaires m’ont donc empêché de me rendre à Belgrade.
25 Mme Mumba (interprétation). - Toutes ces lettres que vous avez écrites à
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1 cette époque, en octobre, étaient-elles officielles ? Vous les écriviez en
2 votre qualité de président de la présidence de la RSFY ?
3 M. Mesic (interprétation). - Oui, c'est exact. Je les ai écrites de mon
4 bureau à Zagreb.
5 Et bien sûr, il n'y a pas de chiffres qui y sont apposés car les chiffres
6 étaient apposés à Belgrade et, ces lettres, je les ai envoyées de Zagreb,
7 donc il n’y a aucune cote qui figure sur ces lettres, à part leur date
8 d'écriture.
9 Mme Mumba (interprétation). - Merci.
10 M. le Président(interprétation). - Pas de question ?
11 Monsieur le Juge May ? Moi, j'en aurais quelques-unes en revanche. Vous
12 avez dit qu'en 1990 je crois, le corps de la garde nationale, le ZNG, a
13 été créé en Croatie. C'était une sorte de gendarmerie, je reprends vos
14 mots, et si j'ai bien compris, vous vouliez parler d'une sorte d'unité
15 supplémentaire de police en quelque sorte. Je crois que vous avez dit ou
16 je l'ai lu quelque part : « Cette garde nationale a participé aux combats,
17 en 1991 ». Mais à ce moment-là en 1991, cette unité était-elle encore une
18 sorte de force de police ou bien était elle plutôt une armée nationale
19 croate ?
20 M. Mesic (interprétation). - Lorsque le corps de la garde nationale a été
21 fondé, il l'a été conformément à ce qu’étaient les règles en vigueur. A ce
22 moment-là, aucune unité militaire n'aurait pu être formée. Il fallait que
23 ce soit une unité de police qui soit une structure quelque peu militaire.
24 Cette unité devait apporter son soutien dans des opérations
25 d’intervention, lorsqu’il y avait des révoltes par exemple, comme la
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1 gendarmerie ou les carabiniers en Italie.
2 Ce n'est qu'ensuite, après l'obtention de l’indépendance par la Croatie,
3 qu'elle s'est établie en temps qu’armée.
4 M. le Président (interprétation). - Qu’en est-il de la défense
5 territoriale, disons entre juillet et novembre 1991 ? Quel était le rôle
6 des unités de la défense territoriale dans la zone encerclant Vukovar ?
7 C’est ma première question.
8 La seconde est la suivante : les membres de la défense territoriale
9 étaient-ils sous le
10 contrôle de Zagreb, de la Croatie ? Qui contrôlait ces unités de la
11 défense territoriale ?
12 M. Mesic (interprétation). - La Croatie n'a pas mobilisé ses unités de la
13 Défense territoriale car elle avait été désarmée précédemment. Par
14 conséquent, l'unité du ministère de l'Intérieur a été mobilisée.
15 Cependant, les personnes qui étaient recrutées ne l'étaient pas par les
16 autorités officielles de la République de Croatie. Mais bien plutôt par
17 les autorités des régions autonomes autoproclamées.
18 M. le Président (interprétation). - Au cours des combats s'étalant entre
19 août et novembre 1991, dans la zone qui nous intéresse, quelles étaient
20 les parties en présence ? Les parties belligérantes ?
21 M. Mesic (interprétation). - Du côté croate, il y avait la police, le
22 corps de garde nationale, le ZNG et puis il y avait la défense civile. De
23 l'autre côté, il y avait les unités de l'armée yougoslave, des réservistes
24 qui venaient de Serbie et des groupes illégaux, des unités paramilitaires.
25 M. le Président (interprétation). - Merci. En parlant de la Slovénie, vous
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1 avez dit que, en 1991, la Slovénie avait installé des postes de contrôle
2 de douane au niveau des frontières entre la Slovénie et ses pays
3 limitrophes. Je voudrais savoir si en Croatie également, à certains
4 moments, des points de contrôle des douanes ont été également établis par
5 les autorités de Zagreb ?
6 M. Mesic (interprétation). - Non. A cette époque en Croatie, nous n'avions
7 pas ce genre de mécanisme.
8 M. le Président (interprétation). - Mais à quel moment les autorités
9 croates, les autorités centrales qui se trouvaient à Zagreb, ont-elles
10 exercé leur contrôle sur leurs frontières en envoyant leurs soldats, leurs
11 policiers ?
12 M. Mesic (interprétation). - Aux frontières de la Croatie, il n'y avait
13 pas d'unité militaire. Il y avait des civils qui contrôlaient le passage.
14 Ce n'est qu'après la proclamation de
15 l’indépendance -je dois dire qu'il y avait une certaine paralysie de la
16 situation au niveau des frontières et du contrôle. Parce que la Croatie
17 s'était mise d'accord pour ne pas appliquer dans son intégralité sa
18 décision d’indépendance, je parle là du délai de trois mois qui avait été
19 fixé à Brijuni.
20 M. le Président (interprétation). - Puisque vous aviez des fonctions
21 importantes au sein de l'Etat, vous pourriez peut-être nous dire... Au
22 cours de la période qui nous intéresse toujours, à savoir entre juillet et
23 octobre-novembre 1991, qui, donc, exerçait les fonctions administratives
24 en Croatie au sein de l'appareil de l'Etat ? Qui contrôlait cet appareil
25 d'Etat ? Etait-ce les autorités de Belgrade ou de Zagreb qui donnaient des
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1 ordres, des instructions, qui décidaient de la nomination des
2 fonctionnaires, etc. ?
3 M. Mesic (interprétation). - Tout ce qui était fait au sein de cet
4 appareil d'Etat sur le territoire de la République de Croatie était décidé
5 par la République elle-même, conformément aux vieilles lois. La police
6 était contrôlée par le ministère de l'Intérieur, même dans l'ancien
7 régime. Et ce n'était pas le ministère de l'Intérieur de la fédération qui
8 dirigeait la police.
9 La fédération n'avait qu'un rôle consultatif. Elle ne pouvait pas faire
10 tout ce qu'elle souhaitait, au niveau fonctionnel j'entends, sans le
11 consentement de la République et si la République souhaitait quelque chose
12 dans un domaine particulier, si elle avait besoin de l'aide des autorités
13 fédérales, elle devait en faire la demande. Mais la fédération ne pouvait
14 rien leur imposer.
15 La fédération était en fait constituée par des républiques qui y avaient
16 consenti. La nomination d'ambassadeur, cependant, et des fonctionnaires du
17 ministère des Affaires étrangères était surtout décidée par la fédération.
18 La République n'avait pas grand-chose à y voir.
19 M. le Président (interprétation). - Très bien. Qu’en est-il de ce rôle
20 consultatif émanant des autorités centrales, je suppose de Belgrade, par
21 rapport aux différentes républiques
22 à partir de juin-juillet 1991 ?
23 Ces fonctions, ce rôle consultatif était-il encore exercé au niveau des
24 autorités centrales ou bien ce rôle était-il tout simplement ignoré par
25 les autorités de Zagreb ?
Page 1598
1 M. Mesic (interprétation). - Ce lien n'existait presque plus, il était
2 devenu trop ténu. Le ministère de l'Intérieur continuait à jouer son rôle,
3 je parle du ministère de la Croatie. On ne demandait plus d'aide à la
4 fédération, au ministère fédéral.
5 M. le Président (interprétation). - Vous voyez maintenant pourquoi je vous
6 pose ces questions sur les frontières car les frontières se trouvent sous
7 la compétence de l'Etat. Elles se trouvent à l'intérieur des limites de
8 l'autorité centrale et j’imagine que, en ex-Yougoslavie, le contrôle des
9 frontières de tout l'Etat fixait également les limites de l'autorité
10 centrale. C'est pourquoi je vous pose cette question.
11 M. Mesic (interprétation). - Oui, tout à fait.
12 M. le Président (interprétation). - C'est pourquoi je vous demande qui
13 exerçait le contrôle sur les frontières au cours de cette période ? Les
14 frontières extérieures de la Croatie, qui les contrôlait, était-ce la
15 Croatie, la République elle-même ou une autre autorité ?
16 M. Mesic (interprétation). - Le contrôle des frontières était exercé par
17 l'autorité fédérale, l'administration fédérale des douanes entre autres,
18 jusqu'à ce que la Slovénie prenne le contrôle, non pas des frontières
19 comme j'étais tenté de le dire, mais de ces postes de contrôle de douane.
20 Et un autre incident s’est produit également : en Croatie, nous avions des
21 frontières externes mais nous avions également des frontières vers la
22 Bosnie, la Slovénie, c'est-à-dire vers d'autres éléments constitutifs de
23 la fédération et nous avons une autre frontière extérieure vers la
24 Hongrie. Le système s'est écroulé et la Croatie a établi ses points de
25 contrôle à ces endroits.
Page 1599
1 M. le Président (interprétation). - Merci. Passons à une autre question :
2 ce document a été versé au dossier à l'initiative du Bureau du Procureur,
3 un document
4 du 4 octobre 1991. C'est une lettre que vous avez écrite et qui était
5 adressée au Secrétaire général des Nations Unies d'alors,
6 M. Perez de Cuellar, dans laquelle vous dites que le ministre de la
7 Défense, Veljko Kadijevic, a déclaré la guerre à la Croatie. Le ministère
8 de la Défense fédéral.
9 On ne nous a pas donné la déclaration de guerre en elle-même, je ne sais
10 pas si le Bureau du Procureur ou la défense ont ce document, mais nous
11 serions heureux de le voir.
12 M. Williamson (interprétation). - Nous n'avons pas le document en soit,
13 Monsieur le Président, nous avions juste la lettre, nous n'avions pas
14 l'annexe. Peut-être que M. Mesic pourrait vous donner quelques
15 explications.
16 M. le Président. - Je me demandais si vous pouviez nous expliquer quelle
17 était la teneur de cette déclaration de guerre émanant du ministre de la
18 Défense fédérale et qui était adressée à la Croatie ? S'agissait-il d’un
19 ultimatum d'une déclaration de guerre ? En quels termes était-elle
20 formulée ? Pourriez-vous nous les décrire au mieux de votre mémoire ?
21 M. Mesic (interprétation). - Cette déclaration était en fait un ultimatum
22 délivré à l'attention de la Croatie. Le ministère de la Défense a menacé
23 la Croatie en déclarant qu'il utiliserait toutes ses forces, à savoir ses
24 forces armées, s'il était vérifié ou prouvé que les intérêts de l'armée
25 yougoslave étaient menacés. Cela veut dire que ce serait une guerre totale
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1 contre la Croatie.
2 M. le Président. - Cela veut dire que cette expression, de déclaration de
3 guerre donc, a été utilisée dans votre lettre adressée au Secrétaire
4 général des Nations Unies. Mais ces mots n'ont pas été utilisés par le
5 ministère de la Défense fédérale, c'était en fait un ultimatum, une menace
6 d'utiliser la force armée contre la Croatie.
7 Je vois dans cette lettre que vous dites que vous joignez à ce document
8 cette déclaration de guerre. Peut-être pourrions-nous obtenir ce document
9 des Nations Unies, puisque d'après ce que dit votre lettre en annexe vous
10 avez envoyé à M. Perez de Cuellar cette
11 déclaration de guerre ?
12 M. Mesic (interprétation). - Tout à fait. J'y ai joint l'ultimatum. Nous
13 pouvons bien sûr le comprendre au sens littéral et au sens figuré, puisque
14 c'était vraiment ce que cela voulait dire, c'était réellement une
15 déclaration de guerre.
16 M. le Président. - Oui, mais généralement les déclarations de guerre sont
17 formulées par des Etats souverains et contre un autre Etat souverain.
18 Vous êtes sans doute fatigué par temps de questions, mais je voudrais vous
19 en poser cependant une autre. Pourriez-vous expliquer aux Juges le
20 fonctionnement d'une institution dont nous avons parlée dans différents
21 documents ? Sur le gouvernement du district serbe de la Slavonie
22 orientale, de la Baranie et de la Srème occidentale, qui j’imagine a été
23 créé vers la fin 1991, pourriez-vous nous donner quelques explications sur
24 ses caractéristiques principales ?
25 M. Mesic (interprétation). - Dans ce territoire, qui n'était plus contrôlé
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1 par le gouvernement croate, au cours des dernières élections, les organes
2 normaux de gouvernement ont été établis. Ils étaient légaux et légitimes.
3 C'étaient des organes qui avaient été élus.
4 Lorsque la Krajina a fait sécession, certaines modifications ont été
5 apportées à ces organes de représentation et également au sein de la
6 structure du pouvoir exécutif. Ceci n'était pas fondé sur les lois de la
7 Croatie. C'est pourquoi la Croatie les considérait comme illégales et
8 illégitimes. Ce qui a été fait l’a été en violation des lois croates, mais
9 cependant sur le territoire croate.
10 M. le Président. - Merci. Mais de quel gouvernement s'agissait-il ?
11 S’agissait-il d'un gouvernement local, régional, ou bien rebelle en
12 quelque sorte qui exerçait les fonctions d'un gouvernement normal sur un
13 territoire particulier ? Quel était son domaine de compétence, sa
14 juridiction ?
15 M. Mesic (interprétation). - Cette autorité avait également changé de nom.
16 Parfois elle se qualifiait de district autonome, parfois de République de
17 la Krajina serbe, bien que cette
18 région n’ait rien à voir avec la Krajina. C'était assez difficile pour les
19 autorités croates de comprendre tout cela.
20 Sur tout ce que les personnes extérieures ont entendu sur le référendum,
21 eh bien le gouvernement croate a toujours répondu la même chose, à savoir
22 que toutes ces dispositions étaient illégitimes et illégales.
23 M. le Président. - Excusez-moi d'insister sur ce point, mais ce
24 gouvernement a-t-il exercé une quelconque autorité sur la zone de Vukovar
25 en Slavonie orientale à un moment donné, dans cette zone et en particulier
Page 1602
1 et après l'occupation de cette même zone ?
2 M. Mesic (interprétation). - Cette autonomie récemment proclamée, ce
3 gouvernement autonome récemment proclamé, dans la région de la Krajina,
4 avait certaines parties du territoire sous son contrôle, là où se trouvait
5 l'armée yougoslave. Et c'était également un gouvernement rebelle qui ne
6 reconnaissait pas les autorités de Zagreb.
7 M. le Président. - Merci. Je voudrais savoir si le Bureau du Procureur a
8 des questions supplémentaires, nées des questions posées par les Juges ?
9 M. Williamson (interprétation). - Je n'ai qu'une question, Monsieur le
10 Président.
11 Monsieur Mesic, vous avez indiqué que le ZNG s’est transformé. Il est
12 passé de l’état de gendarmerie à un état d'armée croate lorsque la Croatie
13 a proclamé son indépendance. Pourriez-vous éclaircir un peu ce point et
14 nous apporter quelques dates ? Quand cette armée s'est-elle transformée ?
15 M. Mesic (interprétation). - Après la déclaration d’indépendance de la
16 Croatie, de fait la Croatie pouvait jouir de sa propre armée. Je ne
17 connais pas la date exacte, je ne m'en souviens plus. Mais je crois que
18 c’était cette période de trois mois où les choses étaient en suspens. Il y
19 avait encore le corps de la garde nationale, le ZNG. Mais, après cette
20 période, la Croatie avait fixé ce délai de trois mois qui a expiré et
21 c'est ensuite seulement que la décision a été prise de créer cette armée
22 croate.
23 M. Williamson (interprétation). - Je n'ai plus de questions.
24 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, voulez-vous poser une
25 nouvelle question, suite aux questions posées par les Juges ?
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1 M. Fila (interprétation). - Tout simplement, quelle était la partie de la
2 Croatie sous le contrôle de ce gouvernement rebelle de la République de la
3 Krajina serbe ? En pourcentage ?
4 M. Mesic (interprétation). - Cela aussi a changé mais, vers la fin, il
5 s'agissait d'environ 5 %.
6 M. Fila (interprétation). - Au début, par exemple ? Le président Tudjman
7 disait qu'il s'agissait environ d'un tiers du territoire.
8 M. Mesic (interprétation). - Pas vraiment d'un tiers, mais d'un quart du
9 territoire, environ.
10 M. Fila (interprétation). - Si le Procureur l'accepte, je demande que ce
11 document soit versé au dossier comme pièce à conviction de la défense.
12 M. le Président (interprétation). - Il n'y a pas d'objection ?
13 M. Williamson (interprétation). - Non, il n'y a pas d'objection.
14 M. Fila (interprétation). - J'ai encore une question. Pendant combien de
15 temps ces territoires sont-ils restés sous le contrôle serbe ?
16 M. Mesic (interprétation). - Cela dépendait. A un moment, cela
17 représentait un quart du territoire croate, pour en arriver au territoire
18 représentant environ 5 %, ce qui veut dire que ce pourcentage de la partie
19 de la Croatie qui était sous occupation changeait.
20 M. Williamson (interprétation). - Et cela a changé suite aux opérations
21 Tempête, en 1995, et Eclair ?
22 M. Mesic (interprétation). - Oui. C'est alors que la plus grande partie du
23 territoire croate a été libérée. Effectivement, avec les opérations
24 Tempête et Eclair, la libération de la Croatie s'est pratiquement terminée
25 et la réintégration pacifique a pu être terminée.
Page 1604
1 M. Fila (interprétation). - Combien de Serbes y a-t-il en Croatie,
2 maintenant ?
3 M. Mesic (interprétation). - Je dois vous dire que de plus en plus de
4 Serbes rentrent. Certains Serbes souhaitent régulariser leur situation et
5 plus la procédure d'individualisation de culpabilité sera avancée, plus
6 facile ce sera pour un grand nombre de Serbes de rentrer dans leur patrie.
7 M. Fila (interprétation). - Ma question était de savoir quel est le
8 pourcentage de Serbes aujourd'hui ? Quant à l'avenir, cela, on le verra,
9 Monsieur Mesic. Il y en a beaucoup qui partent en Norvège, environ
10 cinquante mille.
11 M. Mesic (interprétation). - Cinquante mille, je n'en suis pas sûr. Il ne
12 faut pas parler de chiffres maintenant. On connaîtra les chiffres lors du
13 recensement prochain. Mais je pense que plus de 50 % des 10 % à 12 % des
14 Serbes qui existaient en Croatie avant la guerre sont rentrés en Croatie
15 depuis.
16 M. le Président (interprétation). - Merci. Je pense que, en ce moment, il
17 faudrait que nous respections les droits élémentaires de l'homme par
18 rapport à notre témoin. Je suppose qu'il n'y a pas d'objection à ce que le
19 témoin se retire de manière définitive.
20 Monsieur Mesic, merci d'être venu témoigner. Vous pouvez vous retirer
21 définitivement maintenant.
22 (Le témoin est reconduit hors de la salle d’audience.)
23 Avant de lever la séance, je souhaiterais vous rappeler le fait que nous
24 aurons des séances dans cette affaire dans la semaine à partir
25 du 20 avril. Mais nous ne pourrons pas commencer à 8 heures 30, étant
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1 donné que nous aurons une conférence de mise en état concernant
2 l'affaire Kunarac entre 9 heures 30 et 10 heures. Je propose que,
3 le 20 avril, nous commencions à 10 heures du matin.
4 Je crois que ce sera la fin de la présentation des éléments de preuve de
5 la procuration.
6 M. Niemann (interprétation). - Effectivement.
7 M. le Président (interprétation). - Ce sera rapide étant donné qu'une
8 autre Chambre aura besoin du prétoire dans l'après-midi.
9 M. Fila (interprétation). - Je veux dire que j'ai remis le texte de ma
10 déclaration liminaire ce matin. Vous l'aurez dès que la traduction sera
11 terminée.
12 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. L'audience est levée.
13 L'audience est levée à 17 heures 25.
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