Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                      Affaire IT-95-13a-T

  2   POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

  3   Mercredi 22 avril 1998

  4   LE PROCUREUR

  5   c/

  6   ZALTKO DOKMANOVIC

  7   L’audience est ouverte à 8 heures 30.

  8   M. le Président (interprétation). - Bonjour. Le Greffe peut-il

  9   introduire l'affaire ?

 10   M. le Greffier (interprétation). - Affaire 95-13a-T, le

 11   Procureur contre Slavko Dokmanovic.

 12   M. Niemann (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

 13   Je m'appelle Grant Niemann. Je comparais avec Me Waspi, Me Williamson et

 14   M. Vos, au nom de l'accusation.

 15   M. le Président (interprétation). - Merci.

 16   M. Fila (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président. Je

 17   m'appelle Tomas Fila. Je comparais avec Me Lopicic et Me Petrovic pour la

 18   défense de M. Dokmanovic.

 19   M. le Président (interprétation). - Merci.

 20   Monsieur Dokmanovic, vous suivez nos débats ?

 21   M. Dokmanovic (interprétation). - Fort bien, merci.

 22   Avant d'introduire le témoin, je voudrais vous demander si vous

 23   êtes d'accord avec la note rédigée par le Greffe qui est relative aux deux

 24   documents dont nous avons discutés hier. Vous avez sans doute reçu la

 25   traduction en anglais de la bibliographie de notre témoin, plus les pages


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  1   qui manquaient pour l'autre document. Il est donc convenu que ces pièces

  2   peuvent être versées au dossier.

  3   L'accusation est-elle d'accord ?

  4   M. Niemann (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

  5   M. le Président (interprétation). - La défense aussi ?

  6   M. Fila (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

  7   M. le Président (interprétation). - Fort bien.

  8   Pouvons-nous faire entrer le témoin ?

  9   (L’huissier s’exécute)

 10   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, avant de

 11   poursuivre l'interrogatoire du témoin, je dois vous faire part d'un

 12   problème.

 13   Nous avons déposé une requête aujourd'hui aux fins d'obtenir un

 14   sauf-conduit supplémentaire pour un autre témoin. Je m'excuse d'avoir dû

 15   déposer cette requête, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de vous dire

 16   davantage à quel point je suis désolé de devoir le faire. Mais certains

 17   témoins ont parlé à d'autres témoins du fait qu'ils ont obtenu un sauf-

 18   conduit. Et maintenant, (expurgé), qui devait comparaître lundi avec

 19   (expurgé) veut avoir, lui aussi, un sauf-conduit. Il s'agit d'un

 20   témoin important.

 21   L'importance que revêt ce témoin apparaît du fait que

 22   l'accusation a eu hier un long entretien avec le témoin. Ce dernier a fait

 23   une déclaration à propos du fait qu'il a participé aux négociations à

 24   propos d'Ilok. (expurgé) a appelé à la barre un témoin à cet

 25   égard. Il était Président de l'Assemblée municipale de Backa Palanka.


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  1   (expurgé) a parlé à ce témoin qui vient d'Ilok. Je pense qu'il

  2   s'agit d'un témoin important qui pourrait éclaircir quelques questions

  3   relatives à Ilok.

  4   Je m'excuse une nouvelle fois. Ce sont des demandes formulées

  5   par les témoins et je ne peux rien y faire. Je pense que vous comprenez

  6   ces difficultés. Je vous demande donc

  7   l'autorisation d'obtenir un sauf-conduit.

  8   M. le Président (interprétation). - Maître Niemann ?

  9   M. Niemann (interprétation). - Pas d'objection.

 10   M. le Président (interprétation). - Il faudra, bien sûr,

 11   consulter les autorités néerlandaises. Nous pouvons maintenant poursuivre

 12   l'interrogatoire.

 13   M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, encore un instant, si

 14   vous me le permettez.

 15   Demain, des visas seront accordés à tous les témoins, mais

 16   personne n'a obtenu encore de visa ni de billet d'avion. Vous, vous vivez

 17   dans des pays où les visas ne sont pas nécessaires, alors que pour

 18   nous,les visas posent de sérieuses difficultés.

 19   J'aimerais vous demander ceci : est-il possible d'accélérer les

 20   contacts avec la police néerlandaise ? Faute d'obtenir ce visa d'ici

 21   demain, ou plutôt d'ici vendredi après-midi, ces témoins ne pourront pas

 22   partir. Ils ont besoin d'avoir ces visas vendredi, à 9 heures. Excusez-moi

 23   une fois de plus.

 24   M. le Président (interprétation). - Le Greffe peut-il nous dire

 25   si des mesures peuvent être prises afin d'accorder les documents requis ?


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  1   M. le Greffier (interprétation). - Nous pourrons prendre des

  2   dispositions. J'en discuterai ce matin avec le Greffe. Cela ne devrait pas

  3   poser de problème.

  4   M. le Président (interprétation). - Merci.

  5   Maître Niemann, vous allez procéder au contre-interrogatoire.

  6   Peut-on introduire le témoin ?

  7   (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

  8   Bonjour, Madame le professeur. Vous pouvez vous asseoir.

  9   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je vous remercie.

 10   M. Niemann (interprétation). - Bonjour, professeur.

 11   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Bonjour.

 12   M. Niemann (interprétation). - Hier, vous avez parlé de la

 13   Constitution de 1974. Vous avez expliqué aux Juges comment vous avez

 14   effectué une étude toute particulière dans ce domaine. En vertu de la

 15   Constitution de 1974, n'y a-t-il pas, dans cette Constitution, une

 16   disposition selon laquelle le Président Tito voulait être Président à vie,

 17   avant qu'on ne commence cette présidence par roulement ?

 18   M. Niemann (interprétation). - N'y a il pas de traduction ?

 19   L'interprétation ne passe pas. Puis je répéter ma question à votre

 20   intention ?

 21   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui, je vous demande de

 22   répéter la question. Il y avait un petit problème de canal.

 23   M. Niemann (interprétation). - Est-il exact de dire qu'en vertu

 24   de la Constitution de 1974, Tito a été désigné Président à vie ?

 25   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Il semble toujours y


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  1   avoir des problèmes de traduction. Maintenant, je vous entends, excusez-

  2   moi.

  3   M. Niemann (interprétation). - J'essaye une troisième fois de

  4   poser la question. Mais, d’abord, m'entendez vous ?

  5   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

  6   M. Niemann (interprétation). - Si vous avez la moindre

  7   difficulté à comprendre ou à m'entendre, dites-le moi, nous pourrons y

  8   remédier.

  9   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je vous remercie.

 10   M. Niemann (interprétation). - Je vous posais la question

 11   suivante. Etait-il exact qu'en vertu de la Constitution de 1974 Tito avait

 12   été désigné Président à vie ?

 13   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - D'ordinaire, nous disions

 14   que Joseph Broz Tito avait été nommé Président à vie. Lorsque je pose une

 15   question à ce propos, mes étudiants me disent que c’est en vertu de la

 16   Constitution de 1974 qu’il était désigné Président à vie. Mais, si nous

 17   voulons être precis sur le plan constitutionnel et juridique, ce n'est

 18   pas en vertu de la Constitution qu'il a été élu Président à vie, mais il a

 19   reçu la possibilité de se voir élire par l'Assemblée fédérale qui en avait

 20   compétence sans qu'il y ait une limitation de durée du mandat. Il pouvait

 21   donc être réélu en vertu de la Constitution et pendant une certaine

 22   période, il y a une limitation dans la durée du mandat. Mais ceci ne

 23   s'appliquait pas à Tito. Il a reçu la possibilité d'être réélu autant de

 24   fois qu'il voulait en tant que Président de la Yougoslavie.

 25   Soyons précis, il n'y a aucune norme constitutionnelle, aucune


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  1   formule qui précise que Josip Tito doit être le Président à vie de la

  2   Yougoslavie, mais se fondant sur la volonté du peuple et des représentants

  3   du peuple à l'Assemblée de la République et de la province également, il

  4   était convenu qu'il pouvait être réélu pour un nombre illimité de mandats

  5   par le Parlement fédéral au poste de Président de la Yougoslavie.

  6   M. Niemann (interprétation). - Vous conviendrez avec moi du fait

  7   que ceci a eu pour effet que le roulement de la présidence n'a pas été une

  8   réalité jusqu'à la mort de Tito.

  9   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - C'est exact. Mais

 10   permettez-moi d'ajouter quelque chose. De par la Constitution elle-même et

 11   les amendements constitutionnels de 1971, les amendements constitutionnels

 12   ont été opérationnels avant la Constitution de 1974, car il s'agissait

 13   d'amendements à la Constitution précédente, qui ont introduit la

 14   présidence de la RCFY en tant que présidence collégiale pour la République

 15   fédérative socialiste de Yougoslavie. Les mêmes amendements prévoyaient

 16   que tant que Tito serait Président de la RCFY, disons-le de façon simple,

 17   la présidence était l'organe qui en puissance devait intervenir au moment

 18   précis où Tito n'exercerait plus les fonctions de Président. Nous n'avons

 19   pas dit du fait de sa mort, car en théorie il était possible que Tito

 20   présente sa démission ou cesse ses fonctions présidentielles par une autre

 21   modalité. C'est à ce moment-là que les amendements constitutionnels

 22   joueraient et que la présidence collégiale de l'Etat fédéral entrerait en

 23   fonction.

 24   M. Niemann (interprétation). - Mais, en réalité, on peut dire

 25   que l’expérience d'une présidence par roulement n'était pas quelque chose


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  1   que connaissait bien la RSFY juste après la

  2   mort de Tito, n'est-ce pas ?

  3   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je pense qu'hier nous nos

  4   sommes bien compris. Je parle du modèle constitutionnel, ce que prévoit

  5   tout l'aspect normatif et nous, constitutionnalistes, nous devons toujours

  6   garder à l'esprit le fait qui y a des normes qu'il faut respecter, parce

  7   que la Constitution est la loi suprême du pays, la lex superior, alors que

  8   dans la réalité et en pratique les choses étaient parfois différentes. Je

  9   le sais en temps qu'experte, mais aussi en tant que citoyenne de la RSFY.

 10   Parfois, il y avait d'autres dimensions au problème.

 11   M. Niemann (interprétation). - Mais à plusieurs reprises, hier,

 12   au cours de votre déposition, vous avez parlé de la souveraineté de

 13   l'Etat, peut-être pas dans ces termes mêmes mais en tout cas nous parlions

 14   de la Croatie et d'autres républiques.

 15   Quels sont les critères que, vous, vous appliquez lorsque vous

 16   voulez déterminer ce qu'est la souveraineté indépendante d'un Etat ?

 17   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - J'en ai parlé

 18   effectivement et j'ai utilisé le terme de souveraineté. En effet,

 19   lorsqu'on parle d'un Etat organisé de façon fédérale, le premier droit

 20   classique constitutionnel pose la question théorique de savoir qui dispose

 21   de la souveraineté au sein de cet Etat, surtout lorsque l'Etat a deux

 22   niveaux de pouvoir, un pouvoir centralisé et un pouvoir des unités

 23   constituant la Fédération.

 24   Depuis l'introduction du premier Etat fédéral, je parle ici des

 25   États-Unis d'Amérique, cette question est de notoriété publique. Nous


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  1   savons qui est souverain, mais cette question a été tout à fait

  2   essentielle et la théorie a dû se pencher sur une telle question. Cela a

  3   été une pierre d'achoppement lors des guerres sécessionnistes dans la

  4   deuxième moitié du XIXème siècle. Il y a eu une première fédération et la

  5   fédération était stable. Elle s'est appliquée pendant près de deux siècles

  6   et la théorie a donné la seule réponse possible, à savoir que le véhicule

  7   de la souveraineté en Yougoslavie c'est vraiment l'Etat fédéral.

  8   J’ai cité un premier élément. Les critères établissant la

  9   souveraineté sont des critères

 10   selon lesquels le pouvoir, l'autorité, au sein de la fédération ont deux

 11   significations. Vous avez l'autorité suprême, mais au niveau intérieur et

 12   extérieur il y a une synthèse qui reprend les deux éléments, à savoir

 13   l'autorité et le pouvoir de la fédération qui s'incarnent dans ces organes

 14   suprêmes déterminés par la lex superior, et la Constitution qui est

 15   l'autorité suprême sur le territoire de l'Etat. Il y a aussi d'autres

 16   autorités, mais elles sont subordonnées à l'autorité fédérale ; c’est le

 17   deuxième élément de souveraineté.

 18   Ai-je ainsi répondu à votre question ? Je pense que oui !

 19   C'est donc la souveraineté par rapport à d'autres Etats. Il y a

 20   trois éléments : la synthèse, la fédération, l'émanation du pouvoir

 21   suprême à l'extérieur et à l'intérieur.

 22   M. Niemann (interprétation). - Je pense que ma question était

 23   d'ordre plus général. Vous y avez répondu dans le contexte d'une

 24   fédération, mais pourriez-vous convenir avec moi du fait qu'il est

 25   généralement reconnu que certains des critères qui s'appliquent à la


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  1   souveraineté sont d'abord le territoire, puis le fonctionnement du

  2   gouvernement, et qu’il y a la population. Il y a tout du moins ces trois

  3   critères ? Etes-vous d'accord avec moi là-dessus ?

  4   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui. En fait, votre

  5   question découle de ce que j'ai dit en réponse à votre première question.

  6   Vous demandez quelles sont les propriétés de l'Etat, quelles sont les

  7   conditions à réunir pour qu'un Etat soit reconnu en tant que tel. Ce sont

  8   effectivement les trois critères à remplir : le territoire, la population

  9   et un gouvernement qui fonctionne.

 10   De cette façon, et je réponds plus précisément à votre question,

 11   je crois que nous sommes d'accord pour dire que ceci présente un lien avec

 12   ce que nous avons déjà dit à propos de la fédération.

 13   M. Niemann. (interprétation) - Fort bien, merci. Loin de moi

 14   l'idée de vous dissuader de nous fournir des réponses circonstanciées. Si

 15   vous pensez qu'il faut vraiment donner beaucoup de détails à ma question,

 16   n'hésitez pas à le faire, mais la plupart du temps mes

 17   questions ne demandent comme réponse qu'un oui ou un non. Si vous avez le

 18   sentiment que la question que je vous pose mérite un tel traitement, ne

 19   vous sentez pas obligée de nous donner des explications trop détaillées.

 20   Je vous laisse juge, je ne veux pas m'interposer dans la façon

 21   dont vous répondez aux questions que je vous pose, mais si vous avez envie

 22   de répondre par oui ou par non, n'hésitez pas à le faire. Sitôt après,

 23   effectivement, ma prochaine question demandera une explication.

 24   Vous parlez de ce concept de la citoyenneté de la RSFY et de la

 25   citoyenneté au sein d'une république. Vous dites à ce propos que si l'on


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  1   perd la citoyenneté fédérale, automatiquement est perdue la citoyenneté

  2   républicaine. Est-ce bien ce que vous nous dites ? Est-ce là une

  3   interprétation exacte de l'avis que vous avez sur la question ?

  4   Mme Djukic-Veljkovic. (interprétation) - Merci de me mettre en

  5   garde, tout d'abord de me demander d'être concise dans mes réponses, mais

  6   je vous rappelle que je suis ici à titre d'expert en matière

  7   constitutionnelle. C'est vous qui m'aideriez si vous pouviez mieux

  8   circonscrire vos questions.

  9   Mais je reviens à la question précise que vous avez posée. En

 10   matière de citoyenneté, je crois que nous nous sommes compris car je parle

 11   des dispositions de la constitution relative à la citoyenneté dans un Etat

 12   fédéral. Ce sont des dispositions que vous retrouverez non seulement dans

 13   la Constitution de la RSFY dont nous parlons, mais elle sont aussi

 14   caractéristiques, à quelques variations près, de la Constitution de la

 15   plupart des Etats organisés de façon fédérale.

 16   Vous avez donc une citoyenneté que j'appellerai fédérale

 17   appartenant en tant que citoyen à une fédération. Là, c'est une catégorie

 18   qui met en oeuvre la citoyenneté de l'unité fédérale, et conformément à ce

 19   que l'on fait dans d'autres fédérations, comme je l'ai dit hier, en

 20   Yougoslavie aussi il y a une citoyenneté républicaine, une citoyenneté

 21   fédérale, telle qu'elle est

 22   déterminée pas la Constitution et conforme aux lois, et fédérales, et

 23   républicaines, en matière de citoyenneté. Il est exact que j'ai dit que la

 24   citoyenneté républicaine ne peut pas exister sans la citoyenneté fédérale

 25   M. Niemann (interprétation). - Pourquoi ?


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  1   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Tout simplement parce que

  2   la fédération est un Etat fédéral, un Etat qui se compose d'unités que

  3   j'appelle fédérales. Ceci présente un caractère essentiellement différent

  4   de ce que vous auriez comme confédération d'Etat. Ce qui caractérise un

  5   Etat fédéral c'est précisément qu'il y a la citoyenneté des citoyens. La

  6   double citoyenneté, j'entends par là la citoyenneté de l'unité fédérale,

  7   donc républicaine, et la citoyenneté fédérale.

  8   C'est en fonction de cela que les citoyens avaient droit de cité

  9   et il y avait aussi un lien entre la citoyenneté fédérale et l'unité

 10   républicaine parce que nous ne parlons pas de confédération mais bien de

 11   fédération, c'est donc le lien légal entre le citoyen et l'Etat fédéral

 12   qui reste unique, unitaire.

 13   M. Niemann (interprétation). - Donc cela ne veut-il pas dire

 14   qu'il y a vraiment synergie de ces deux citoyennetés ? Si vous avez

 15   l’unité fédérale et qu'il y a démantèlement de la fédération, ceci a un

 16   effet sur les composantes de la fédération. Et, à l'inverse, si des Etats

 17   prennent leur devenir en main, ceci a un effet sur la fédération. Il n'est

 18   donc pas exact de dire que ceci est un effet unilatéral.

 19   En d'autres termes, si vous perdez la citoyenneté d'une

 20   république, cela a le même effet que si vous perdiez votre citoyenneté

 21   fédérale, n'est-ce pas ?.

 22   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je pense avoir compris

 23   votre question, mais puis-je vous demander un éclaircissement ? En effet,

 24   j'ai parlé de la désintégration de l'Etat fédéral qui est quelque chose

 25   d’un peu différent. Nous parlons d'un Etat qui existe, qui ne s'est pas


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  1   désintégré, et de la situation que connaît son citoyen qui vit dans une

  2   unité de la fédération.

  3   En ce sens, ce citoyen mérite protection et devrait garder son lien avec

  4   l'unité de la fédération.

  5   Néanmoins, ce citoyen reste citoyen de l'Etat fédéral. Je pense

  6   qu'il faut préciser les choses. Je ne parle pas d'une situation où il y a

  7   désintégration de l'Etat, ceci ne relève pas de mes compétences. Je suis

  8   experte en matière constitutionnelle lorsque l'Etat est un Etat

  9   authentique.

 10   M. Niemann (interprétation). - Je vais préciser des choses.

 11   Vous avez dit que votre déposition portait sur la poursuite de

 12   l'existence de la RSFY. Mais dans le même temps, vous parlez de la

 13   question de la citoyenneté et de l'incidence de la perte de la citoyenneté

 14   fédérale sur la citoyenneté républicaine. Ce que j'essaie de dire, c'est

 15   que la fédération n'est pas un chemin à sens unique, cela marche dans les

 16   deux sens, cela va de l'Etat à la République et aussi de la République à

 17   l'Etat fédéral. Ce que je veux dire, c'est qu'il n'y a pas de différence

 18   si l'on perd la citoyenneté fédérale ou si l'on perd la citoyenneté

 19   républicaine puisque ces deux sont indissociables si l'on veut que l'Etat

 20   fonctionne correctement.

 21   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Pour que l'ensemble

 22   fonctionne comme il se doit, il faut que la citoyenneté républicaine de la

 23   fédération existe, la citoyenneté fédérale également, et les droits et

 24   responsabilités sont à l'avenant.

 25   M. Niemann (interprétation). - Par conséquent, la loi


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  1   d'application de la loi constitutionnelle pour le district autonome de la

  2   Slovénie, de la Slavonie, de la Baranja et de la Srem occidentale en date

  3   du 13 août 1991, nous intéresse surtout au regard de la loi d'application

  4   en date du 30 août. L'article 4 de cette loi nous dit que les habitants

  5   des districts serbes sont tous en Croatie mais ce n’est pas dit

  6   explicitement, cette déduction est logique, et bien que ces habitants

  7   cesseront d'être citoyens de la République de Croatie tout en retenant

  8   leur citoyenneté fédérale.

  9   Se fondant sur votre théorie, une telle chose n'est pas

 10   admissible en droit, n’est-ce pas ?

 11   M. Fila (interprétation). - Pourrais-je remettre ce document à

 12   l'accusation ? Ceci

 13   apportera peut-être des précisions. Il s'agit de la pièce de la

 14   défense D 16 et Me Niemann cite des extraits du document D 16. Est-ce que

 15   l'expert peut aussi jeter un coup d'oeil à ce document ?

 16   M. Niemann (interprétation). - Si elle le veut, bien sûr qu'elle

 17   peut l’avoir, mais je pense que si le témoin voulait avoir ce document,

 18   elle aurait pu le demander elle-même. N'hésitez pas, effectivement, à

 19   demander quelque document que ce soit, s'il vous est nécessaire.

 20   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - C'est l'article 4 ?

 21   M. Niemann (interprétation). - Article 4.

 22   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - La loi sur l'application

 23   de la loi constitutionnelle, c'est bien cela ?

 24   M. Niemann (interprétation). - D 16(a), article 4. Voyez-vous

 25   cet article ?


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  1   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je pense, si je peux le

  2   dire, que ceci n'est pas en contradiction avec ce dont j'ai parlé hier.

  3   Hier, nous avons dit que la citoyenneté républicaine ne peut pas exister

  4   sans la citoyenneté fédéralee. Ici, il s'agit d'un cadre juridique

  5   provisoire et c'est ceci la raison principale de ce qui a été créé comme

  6   situation.

  7   Mais l'accent, dans cet article, est mis sur le fait que la

  8   citoyenneté de Yougoslavie est maintenue. Ceci est conforme à la thèse

  9   selon laquelle dans le fait de perdre la citoyenneté républicaine, c'est

 10   en fait la citoyenneté fédérale qui prévaut, la citoyenneté républicaine

 11   ne pouvant pas exister sans la citoyenneté fédérale. Donc à mon avis, il

 12   n'y a aucune contradiction dans cela par rapport à ce que j'ai dit hier

 13   dans ce sens.

 14   M. Niemann (interprétation). - Donc vous diriez que la

 15   disposition selon laquelle un citoyen perd la citoyenneté de la République

 16   de Croatie, selon l'article 4, est une disposition valable du point de vue

 17   constitutionnel selon la constitution de la RSFY ? Est-ce cela, votre

 18   opinion ?

 19   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui, je pense que cette

 20   disposition est

 21   valable et je souhaite aussi attirer votre attention sur le fait qu'il ne

 22   faut pas oublier un élément très important, c'est que la Constitution de

 23   la République de Croatie de 1990 a proclamé que les Serbes ont arrêté

 24   d'être le peuple constitutif de la République de Croatie. Ceci était la

 25   conséquence de ces décisions et il faut prendre ce fait en considération


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  1   du point de vue de cette grande erreur historique qui a été commise.

  2   M. Niemann (interprétation). - Professeur, je ne vous demande

  3   pas de me donner des justifications, mais tout simplement de me donner le

  4   commentaire quant à la validité de cette disposition. Je me disais que

  5   vous n'êtiez certainement pas sérieuse lorsque vous avez dit que

  6   l'article 4 est conforme à la Constitution de 1974.

  7   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je m'excuse, Monsieur,

  8   mais permettez-moi quand même de vous dire que je considère le fait que le

  9   peuple serbe, en vertu de la Constitution de 1990, soit devenu minorité

 10   nationale comme un fait pertinent.

 11   Je veux attirer votre attention sur une injustice commise par la

 12   communauté internationale selon laquelle a été cette décision prise

 13   en 1990, et dont la conséquence a été cet article que je considère

 14   valable. L'injustice se trouvait dans le fait que la communauté

 15   internationale n'a pas soutenu cette décision, cette nouvelle solution. Au

 16   contraire, plusieurs fois elle a insisté pour dire qu'il s'agissait d'une

 17   solution non valable, qui n'était pas constitutionnelle. C'est pour cette

 18   raison que j'ai insisté et que j'ai souhaité vous donner des explications

 19   et, surtout, car ceci n'était pas du tout en contradiction avec la

 20   constitution, à l'époque valable, de la Yougoslavie.

 21   M. Niemann (interprétation). - Est ce que la Cour

 22   Constitutionnelle a pris en considération cette disposition, cette loi ?

 23   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Non.

 24   M. Niemann (interprétation). - Pourquoi pas ? Cela ne concernait

 25   pas du tout la Cour Constitutionnelle, la Constitution fédérale ?


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  1   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Vous parlez de cette

  2   disposition ! Tout simplement la Cour Constitutionnelle ne s'est pas vue

  3   saisie par qui que ce soit qui considérerait que cette disposition était

  4   contraire à la Constitution et à aux dispositions que l'on a citées hier,

  5   qui concernent la citoyenneté fédérale et républicaine. Donc il n'y a pas

  6   eu de telle initiative et la Cour Constitutionnelle n'a pas pris de son

  7   côté une telle initiative non plus. Par conséquent, cette disposition a

  8   continué à être considérée comme valable.

  9   M. Niemann (interprétation). - Cette disposition a en partie un

 10   effet sur les frontières de Croatie, n'est-ce pas ?

 11   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je n'ai pas compris. Vous

 12   parlez de frontières territoriales avec la Croatie. En quoi cette

 13   disposition aurait un lien avec cela ? Etant donné qu'il est impossible

 14   d'établir un lien du point de vue de la loi constitutionnelle, il n'y a

 15   aucun lien entre ces deux éléments.

 16   M. Niemann (interprétation). - Je vais voir si je peux mieux

 17   vous expliquer mon attitude. Ici, nous avons une loi qui concerne, qui

 18   proclame concerner la citoyenneté croate dans le territoire de la Croatie.

 19   D'autre part, nous avons une loi qui affirme concerner la loi croate sur

 20   ce même territoire, n'est-ce pas ?

 21   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Vous parlez de la même

 22   loi ? Mais, le tout se passe...

 23   M. Niemann (interprétation). - Ceci figure dans la pièce à

 24   conviction D16.

 25   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui, mais le tout se


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  1   passe dans le cadre de la constitution valable à l'époque de la RSFY et

  2   c'est pour cette raison que je considère qu'il n'y a pas de lien entre ces

  3   deux éléments. Nous parlons ici de la Constitution de la RSFY qui est

  4   valable et des lois fédérales, valables à l'époque des lois républicaines,

  5   qui sont valables aussi, et c'est dans ce contexte là qu'il faut que l'on

  6   se place lorsqu'on en parle.

  7   M. Niemann (interprétation). – Oui, je vois. Donc, à votre avis,

  8   la loi fédérale a

  9   une priorité par rapport aux lois de la République ou aux lois du district

 10   serbe. Vous êtes d'accord avec cela ?

 11   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). – Absolument, ceci

 12   constitue la base de chaque Etat fédéral. Cela dit, c'est un fait qu'ici,

 13   à mon avis, il n'y a pas eu de conflit dans ce sens-là. La Constitution de

 14   la RSFY est valable, les constitutions des républiques sont toujours

 15   valables, la législation fédérale qui prime sur la législation

 16   républicaine est toujours valable, et c'est sur la base de ces faits-là

 17   que nous déterminons si ces lois ont été harmonisées ou pas.

 18   Etant donné tout ce dont j'ai parlé hier, je considère qu'il n'y

 19   a pas eu de manque d'harmonie dans ce cas-là et cela a également été

 20   confirmé par la Cour Constitutionnelle en ce qui concerne la hiérarchie du

 21   système juridique en Yougoslavie à l'époque.

 22   M. Niemann (interprétation). – Donc, vous êtes sérieuse lorsque

 23   vous dites aux Juges qu'il serait tout à fait conforme à la loi fédérale

 24   et à la loi yougoslave que la loi de la République de Serbie soit

 25   appliquée dans la République de Croatie, est-ce bien ce que vous dites ?


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  1   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Il s'agit ici des

  2   conditions tout à fait spécifiques mais ce que j'essaie de dire c’est qu’à

  3   l'époque la Constitution de la RSFY est valable, les lois fédérales sont

  4   valables et c'est dans ce contexte-là que nous nous prononçons sur toutes

  5   les lois adoptées par la suite.

  6   M. Niemann (interprétation). - Je vois. Dans l'article 2 de la

  7   pièce à conviction D16 que voyons-nous ? Nous voyons que la loi fédérale

  8   sera appliquée tant qu'elle n'est pas en contradiction avec les lois du

  9   district. Il est dit que la législation de la République de Serbie

 10   commencera à être appliquée sur le territoire concerné par cette

 11   disposition, ce qui implique également le territoire de la Croatie. En

 12   même temps, vous affirmez que ceci est une disposition valable du point de

 13   vue du droit constitutionnel.

 14   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Si vous le pouvez,

 15   j’aimerais bien que vous

 16   me reposiez la question de manière plus concise. Quelle suggestion

 17   essayez-vous de faire ? Pourriez-vous être un peu plus précise ?

 18   M. Niemann (interprétation). – Oui, tout à fait. Tout à l'heure,

 19   vous avez dit que vous considériez que cette disposition de la pièce à

 20   conviction D16 est valable du point de vue du droit constitutionnel par

 21   rapport à la Constitution de la RSFY de 1974. En même temps, vous avez dit

 22   que le la loi fédérale primait sur la loi des républiques étant donné que

 23   ceci fait partie de la nature d'un Etat fédéral.

 24   Ce que vous n'avez pas dit, mais à mon avis c'est votre avis,

 25   c'est que dans la Constitution de la RSFY de 1974 il n'y a pas de


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  1   dispositions permettant que la loi d'une république prime sur la loi d'une

  2   autre république et s'applique sur le territoire d'une autre république.

  3   C'est bien votre position ?

  4   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Il faut être clair. Il ne

  5   s'agit pas ici d'une loi qui concerne une nouvelle république étant donné

  6   que le district serbe n'est pas une nouvelle république. Il faut tenir

  7   compte de tout le contexte d'une situation particulière au sein de

  8   laquelle le district serbe s'est constitué. Lorsqu'on prend en

  9   considération cette question, il ne faut pas perdre de vue la situation en

 10   général et le sens juridique de cette nouvelle situation. Il ne s’agit pas

 11   là de la création d’une nouvelle république au sein du territoire d'une

 12   autre république, mais la situation est telle que la fédération existe,

 13   une nouvelle situation s'est créée. Sur une partie du territoire de la

 14   fédération qui se trouve sous contrôle Serbe, un district est constitué et

 15   a proclamé son organisation.

 16   Il faut que j'ajoute que le tout se passe au vu de la communauté

 17   internationale, qui participe à ce processus dans le but de trouver une

 18   solution à la crise qui s'est créée. C'est pourquoi je pense qu'il ne faut

 19   pas que l'on perde énormément de temps pour débattre de cette question du

 20   point de vue juridique et constitutionnelle.

 21   Ce qui est important c'est que la disposition constitutionnelle

 22   concernant la

 23   citoyenneté fédérale de la RSFY est restée intacte. Et ce qui est beaucoup

 24   plus important, c'est que les Serbes ont perdu leur statut de peuple

 25   constitutif par le biais de l'adoption des dispositions contraires à la


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  1   constitution, et que la communauté internationale s'est opposée à cela.

  2   M. Niemann (interprétation). - Je ne vous demande pas de me

  3   donner de justification. Peut-être que la justification est tout à fait

  4   valide, mais je vous pose des questions concernant le fonctionnement de la

  5   RSFY et l'effet de ces nouvelles lois sur ce fonctionnement.

  6   Parlons d'autre chose maintenant. Au sein de l’article 16,

  7   l'Assemblée nationale est mentionnée. De quoi s'agit-il très précisément ?

  8   Je parle de l'article 2 de la pièce à conviction D16. Est-ce que cela veut

  9   dire : la grande assemblée nationale ?

 10   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - -Je souhaite apporter une

 11   précision. Je ne suis pas venu ici pour justifier ou accuser certaines

 12   solutions, je suis ici en tant qu'expert professeur de droit

 13   constitutionnel, pour essayer d'apporter mon aide et, à mon avis, nous

 14   avons tous intérêt à comprendre ce qui s'est passé dans cette région..

 15   Mais, j'insiste encore une fois, je respecte surtout les normes

 16   constitutionnelles, je suis expert en droit constitutionnel et je pense

 17   qu'il ne faut pas quitter ce cadre juridique théorique. Je le répète, nous

 18   parlons des tentatives de trouver des solutions à une situation

 19   spécifique.

 20   M. Niemann (interprétation). - Connaissez-vous la réponse à ma

 21   question ?

 22   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Vous parlez de

 23   l'article 2 et de l'Assemblée nationale ? J'ai déjà dit qu'il s'agissait

 24   d'un organe de nature provisoire, je l'ai déjà dit hier. Pouvez-vous

 25   répéter votre question ?


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  1   M. Niemann (interprétation). - Je vous ai posé une question très

  2   simple. Qu'est-ce que la « grande assemblée nationale » ? Si vous ne

  3   connaissez pas la réponse dite le simplement.

  4   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - La grande assemblée

  5   nationale est l'instance qui devait être une des instances fonctionnant

  6   sur ce territoire.

  7   M. Niemann (interprétation). - Très bien. Et le mot national,

  8   que veut-il dire dans ce contexte de l’expression « grande assemblée

  9   nationale » ?

 10   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - C'était un terme que l'on

 11   utilisait tous et qui signifiait qu'il s'agissait d'une institution

 12   démocratique qui représente le peuple.

 13   M. Niemann (interprétation). - Quel peuple ?

 14   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - La grande assemblée

 15   nationale, du peuple avait été renié auparavant, le peuple habitant ce

 16   territoire.

 17   M. Niemann (interprétation). - Il s'agit des Serbes, n'est-ce

 18   pas ?

 19   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Ici, on parle d'un

 20   territoire qui se trouvait sous le contrôle des Serbes. Ce sont eux qui

 21   ont constitué les instances de pouvoir provisoires, étant donné qu'ils se

 22   sont retrouvés dans une situation où ils constituaient un peuple qui avait

 23   été effacé de la Constitution en tant que peuple.

 24   M. Niemann (interprétation). - Donc, lorsqu'on dit "national",

 25   dans ce contexte il s'agit des Serbes. Donc, on pourrait parler de "grand


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  1   Serbe" aussi ?

  2   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Non, pas dans ce sens-là

  3   car, dans ce cas-là on aurait parlé de l'assemblée "grand Serbe". Il ne

  4   s'agit pas de cela, mais de quelque chose qui désigne tout simplement le

  5   peuple vivant sur ce territoire. Il ne s'agit pas du tout d'une sorte de

  6   nettoyage, du point de vue constitutionnel et juridique.

  7   M. Niemann (interprétation). - Je ne vous ai pas posé cette

  8   question-là. Tout simplement, les Serbes, en parlant d'eux-mêmes,

  9   utilisent souvent le mot "nation", n'est-ce pas ? Donc, il n'y a rien de

 10   mal à affirmer cela.

 11   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, les Serbes ne

 12   peuvent pas se considérer comme un peuple, étant donné qu'ils sont un

 13   peuple. Je ne sais pas comment vous

 14   vous considérez vous-même, mais nous sommes un peuple et nous sommes un

 15   peuple depuis très longtemps. Je trouve que cette remarque est tout à fait

 16   outrageuse.

 17   M. Niemann (interprétation). - Il ne revient pas à M. Fila de

 18   témoigner.

 19   M. le Président (interprétation). - Je comprends le point de vue

 20   du Procureur et je souhaite attirer votre attention sur l'article 1 de la

 21   pièce à conviction où l'on mentionne effectivement les membres de la

 22   nation serbe. Ceci figure dans l'article 1. Vous pouvez continuer,

 23   Maître Niemann.

 24   M. Niemann (interprétation). - Merci.

 25   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Excusez-moi. Puis-je


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  1   ajouter quelque chose ? Je considère que ceci est très important. Les

  2   Serbes sont un peuple et, justement, je souhaitais le dire.

  3   Ici, il faut faire la différence et il s'agit encore une fois de

  4   notre spécificité. Les Serbes sont un peuple et pas depuis récemment mais,

  5   encore aujourd'hui, nous disons "l'assemblée nationale", même dans le

  6   cadre de la constitution de la RSFY. Nous ne considérons pas qu'il s'agit

  7   d'un organe qui représente les Serbes, étant donné que les représentants

  8   d'autres peuples vivant actuellement en Serbie, des représentants des

  9   minorités nationales, sont aussi représentés au sein de l'Assemblée

 10   nationale. Donc, je pense qu'il s'agit ici, tout simplement, d'un

 11   malentendu.

 12   M. Niemann (interprétation). - En février 1991, le

 13   21 février 1991, la Croatie a adopté une loi dont le titre était : "l'acte

 14   constitutionnel qui se substitue à l'acte constitutionnel de la République

 15   de Croatie". Dans la disposition 9, il est dit : "Dans la République de

 16   Croatie, les dispositions de la Constitution de la RSFY qui ne sont pas en

 17   accord avec la Constitution de la République de Croatie sont rejetées".

 18   Ensuite, il est dit que : "Dans la République de Croatie, les dispositions

 19   de la loi fédérale et d'autres dispositions et actes juridiques adoptés

 20   par les instances fédérales qui ne sont pas conformes à la Constitution de

 21   la République de

 22   Croatie et les lois de Croatie sont proclamées nulles et non valables ».

 23   S'agit-il là d'une disposition constitutionnelle valable ? Est-

 24   elle conforme à la constitution de la RSFY de 1974 ?

 25   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Ecoutez, tout à l'heure


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  1   je n'ai pas bien entendu le début de votre intervention. Vous parlez de

  2   quelle loi ?

  3   M. Niemann (interprétation). - Oui, je vais vous apporter la

  4   précision. Le 21 février 1991, la Croatie a adopté une loi qui s'appelait

  5   l'acte constitutionnel, qui se substitue à l'acte constitutionnel

  6   concernant l'application de la Constitution de la République de Croatie.

  7   Et il est dit dans l'article 9 que, dans la République de Croatie, les

  8   dispositions de la Constitution de la RSFY qui ne sont pas conformes à la

  9   Constitution de la République de Croatie sont abrogées. Ensuite, il est

 10   dit également que les lois et règlements adoptés par les instances

 11   fédérales qui ne sont pas conformes à la Constitution de la République de

 12   Croatie sont abrogés également.

 13   Ma question est la suivante : ceci est-il conforme à la

 14   Constitution de la RSFY de 1974 ?

 15   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Ces dispositions sont

 16   contraires à la Constitution de la RSFY de 1974 et aussi à la Constitution

 17   de la République socialiste de Croatie qui était toujours valable à

 18   l'époque.

 19   M. Niemann (interprétation). - La Cour Constitutionnelle a-t-

 20   elle pris en considération, a-t-elle délibéré, sur cette loi ?

 21   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - La Cour Constitutionnelle

 22   fédérale ne s'est pas penchée sur cette loi.

 23   M. Niemann (interprétation). - Est-ce que la raison en était le

 24   fait qu'il s'agissait des dispositions qui étaient valables et en accord

 25   avec la Constitution de 1974 ?


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  1   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Non, ce n'était pas pour

  2   cette raison-là.

  3   Un moment, s'il vous plaît. J'aurais voulu vous rappeler que la

  4   Cour

  5   Constitutionnelle fédérale, le 16 octobre 1991 (c'est cela la décision qui

  6   est importante) a décidé, et c’est une décision à laquelle les juges de

  7   toutes les Républiques, de toutes les provinces autonomes, ont participé,

  8   de mettre fin aux décisions préalables qui régissaient la République

  9   souveraine et indépendante de Croatie. Et cette abrogation est une réponse

 10   à la question. Tout ce qui a suivi était inconstitutionnel.

 11   M. Niemann (interprétation). - Donc la décision du

 12   16 octobre 1991 stipule que cette loi de Croatie du 21 février 199...

 13   C'est cela que vous dites ?

 14   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Non, pas qu'elle y a fait

 15   référence, mais qu'elle était contraignante. Car toutes les décisions de

 16   la Cour Constitutionnelle sont contraignantes et tout ce qui a été déclaré

 17   dans cette ligne d’idées est considéré comme étant inconstitutionnel.

 18   M. Niemann (interprétation). - Qu’est-ce qui en découle ?

 19   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Le 25 juin 1991, l'arrêt

 20   qui a été pris ce jour-là l’a été par la Cour Constitutionnelle qui a

 21   abrogé l'arrêt et cela ne servait à rien de s'engager dans des décisions

 22   subordonnées à cette loi car il n'y avait aucune base. En effet, la

 23   Constitution de la RSFY a été révisée. Donc la Constitution de la

 24   République socialiste de Croatie a été annulée par l'arrêt de la Cour

 25   Constitutionnelle fédérale.


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  1   M. Niemann (interprétation). - (Hors micro.)

  2   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation) - C'est une question

  3   totalement différente.

  4   Je ne dis pas si elle a été appliquée ou non mais je puis vous

  5   dire que je n'ai aucune connaissance en la matière et il y a un certain

  6   nombre d'événements qui en ont découlé. La communauté internationale joue

  7   un rôle le terrain mais il y avait encore des organes internes qui

  8   continuaient à fonctionner. Un certain nombre d'instances de la RSFY

  9   fonctionnaient ('Assemblée, la Présidence de la RSFY, la Cour

 10   Constitutionnelle fédérale). Il y a suffisamment de preuves à l’appui et

 11   c'est cela qui est important.

 12   M. Niemann (interprétation). - Donc soit la Croatie a retiré sa

 13   déclaration d'indépendance et s'est retransformée en République de la RSFY

 14   et ce de façon constitutionnelle au titre de l'arrêt, soit elle s'est

 15   engagée dans un mouvement d'indépendance et de souveraineté. Tout le monde

 16   le sait, la Croatie est devenu un Etat indépendant.

 17   M. Fila (interprétation). - Objection. L'accusation sait que la

 18   Croatie est devenu un Etat indépendant. Moi je ne le sais pas, donc je

 19   crois qu'il ne faut pas pousser le témoin à dire quelque chose qu'elle

 20   n'avait pas l'intention de dire. Pour moi, la Croatie n'est pas devenu un

 21   Etat indépendant.

 22   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation) - J'adhère à la

 23   Constitution, je respecte les lois constitutionnelles. C'est pour moi,

 24   expert en droit consitutionnel, le texte suprême constitutionnel. Savoir

 25   comment les personnes vont réagir, si elles vont s'opposer à la


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  1   Constitution, est autre chose pour moi.

  2   M. Niemann (interprétation). - La question est de savoir si la

  3   Croatie est devenu un Etat indépendant ou non. Vous nous avez dit que la

  4   Cour Constitutionnelle a abrogé cette Cour constitutionnelle croate. En

  5   fait, cet arrêt a été ignoré en fin de compte, c'est quand même cela !

  6   Sauf par vous-même peut-être.

  7   M. Fila (interprétation). - Objection. Maître Niemann ne pose

  8   pas une question, il présente son point de vue. J'ai déjà entendu son

  9   point de vue dans ses remarques liminaires, je l'entendrai dans son

 10   plaidoyer, mais le témoin est expert en droit constitutionnel et n'est pas

 11   là pour reprendre les déclarations de Maître Niemann. L'expert nous a

 12   expliqué son point de vue quant à la Constitution de 1974. Si les faits se

 13   sont déroulés comme Maître Niemann l'a dit, cette question ne devrait pas

 14   entrer dans la spécialité de notre expert.

 15   M. le Président (interprétation) - Pourriez-vous reposer votre

 16   question, Maître Niemann ? Posez la question au niveau des détails de

 17   droit sans pour cela faire état de votre conviction et de votre point de

 18   vue.

 19   M. Niemann (interprétation). - Je retire ma question mais j'ai

 20   fait une déclaration et j'aurais voulu que l'expert réponde par oui ou

 21   non.

 22   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation) - J'aimerais ajouter quelque

 23   chose si vous le permettez, ce sera peut-être plus facile pour nous et

 24   pour poursuivre nos discussions.

 25   J'ai bien compris que Me Niemann avait certaines questions


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  1   auxquelles il avait déjà des réponses toutes faites. La raison pour

  2   laquelle je témoigne ici est d’essayer d'expliquer de la meilleure façon

  3   possible la situation. La faculté de droit de Belgrade m'a envoyée en tant

  4   qu'expert de droit constitutionnel afin d'aider à expliquer la situation,

  5   afin que tout soit clair et c'est la raison pour laquelle je ne suis pas

  6   offensée par les questions qui ont été posées et qui demandent en fait des

  7   réponses toutes faites, mais je puis vous dire que toutes ces questions

  8   sont déjà contenues dans mon rapport d'expert.

  9   J'estime que toute action réalisée par la République de Croatie

 10   au cours de cette période donnée est anticonstitutionnelle. C'est la

 11   raison pour laquelle je vous dis que ce n'est pas simplement une attitude

 12   non fondée de notre part de déclarer que la République de Croatie n'était

 13   pas un état indépendant et souverain à l'époque. Je crois que je ne me

 14   trompe pas en disant qu'un des faits importants dans le cadre de toute une

 15   série de faits importants est qu'il y a des aspects internationaux.

 16   Mais j'aimerais vous rappeler, même si ce n'est pas directement

 17   ma fonction, que le 29 novembre 1991, la commission Badinter a considéré

 18   la déclaration de la Croatie de mai 1991 qui proclamait ses désirs

 19   d’indépendance. C'est la raison pour laquelle je n'estime pas, je le

 20   répète, qu'à l'époque la Croatie était un Etat indépendant et souverain.

 21   C'est pourquoi, bien que cela ne soit pas ma fonction, je me suis permise

 22   d'aller au-delà des tâches qui m'incombaient ici.

 23   J'estime qu'il est important que nous nous cantonnions aux faits

 24   et que nous posions uniquement des questions qui entrent dans mon domaine

 25   de compétence.


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  1   M. le Président (interprétation). - Oui, traitons uniquement des

  2   questions

  3   juridiques mais j'aimerais que vous répondiez à la question d'ordre

  4   juridique qui vous a été posée par l'accusation. Il est clair que

  5   l'accusation ne pose pas des questions avec des réponses toutes faites,

  6   comme vous l'avez déclaré.

  7   Je crois que nous sommes tous à la recherche de la vérité, nous

  8   essayons de comprendre ce qui s'est produit, et dans cette affaire qui

  9   nous préoccupe directement, nous traitons de questions d'ordre juridique.

 10   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - L'interprétation n'a pas

 11   fonctionné. Je vous entends, maintenant, pourriez-vous répéter s’il vous

 12   plaît.

 13   M. le Président (interprétation). - Nous sommes d'accord pour

 14   dire qu'il faudrait que nous restions dans le cadre des questions

 15   juridiques et j'aimerais vous prier de répondre aux questions de droit qui

 16   vous ont été posées et que M. Niemann va répéter.

 17   M. Niemann (interprétation). - Vous nous avez dit que la

 18   commission Badinter est une autorité de renom et importante dans le cadre

 19   de ces questions.

 20   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). – Oui, je suis d'accord.

 21   M. Niemann (interprétation). – Pourrait-on présenter au témoin

 22   la pièce P192, s'il vous plaît.

 23   (L'huissier s'exécute)

 24   M. Niemann (interprétation). - Le document est en anglais,

 25   comprenez-vous cette langue ?


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  1   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - J'aurais voulu que vous

  2   le fassiez traduire afin que tout soit bien précis.

  3   M. Niemann (interprétation). – Il est vrai que ce n'est pas très

  4   correct de vous montrer un document en anglais. Si vous ne comprenez pas

  5   tout ce que je vous dis, arrêtez-moi et demandez une explication.

  6   Il s'agit de la commission Badinter, l’avis numéro 11.

  7   J'aimerais passer au

  8   paragraphe 4. Je vais lire le texte en anglais afin qu'il puisse être

  9   traduit.

 10   Au paragraphe 4, on peut lire : “La question est identique pour

 11   les Républiques de Croatie et de Slovénie. Ces deux  Républiques ont

 12   déclaré leur indépendance le 25 juin 1991 et ont suspendu leur déclaration

 13   d’indépendance pendant trois mois, le 7 juillet 1991, tel que cela leur

 14   avait été requis au titre de la déclaration Brioni.

 15   Conformément à la déclaration, la suspension n'a plus eu effet à

 16   partir du 8 octobre 1991. A cette date, les deux Républiques ont coupé

 17   définitivement tous liens avec les instances de la République fédérale de

 18   Yougoslavie, et sont devenues des Etats souverains, au titre du droit

 19   international". A compter de la date du 8 octobre 1991, on peut dire que

 20   cette date est la date de la sécession de ces Etats. Etes-vous d'accord ?

 21   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui. Les faits que vous

 22   venez de nous présenter sont corrects. Néanmoins, à cette date, aucune des

 23   Républiques n'est devenue un état souverain et indépendant. Ces deux états

 24   restaient membres de la Fédération de Yougoslavie. Ces états n'ont pas été

 25   considérés comme étant ou comme formant des états indépendants. Je crois


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  1   qu'il nous sera possible d'expliquer ces faits graves au prochain avis

  2   d'expert. Néanmoins je n'estime pas que ces états sont devenus

  3   indépendants à cette date là, en dépit de leur aspiration ou de leur

  4   déclaration.

  5   M. Niemann (interprétation). - Vous dites que la

  6   commission Badinter a tort, au moins pour cette question ?

  7   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - J'ai cité la décision de

  8   la Commission Badinter en date du 29 novembre 1991, décision dans laquelle

  9   -je parle ici au conditionnel, la décision du mois de juin doit entrer en

 10   vigueur le 8 octobre, la date que vous avez mentionnée- la commission a

 11   estimé qu'il s'agissait d'une aspiration à l'indépendance et à la

 12   souveraineté de l'état. Donc il n'y a pas contradiction.

 13   M. Niemann (interprétation). - Donc sauf lorsque Me Badinter est

 14   d'accord avec

 15   vous, là vous dites qu'il a raison, mais lorsque son avis est différent du

 16   vôtre, vous dites qu'il a tort. Ai-je bien compris les choses ?

 17   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je ne crois pas que ce

 18   soit correct.

 19   M. le Président (interprétation). - Maitre Niemann, pourrez vous

 20   poser votre question de façon différente ?

 21   Je ne crois pas que cela soit correct.

 22   M. Niemann (interprétation). - Je vais retirer ma question.

 23   Qu'en est-il du Secrétaire général des Nations Unies ? Pensez-

 24   vous qu'il ait raison ou tort lorsqu'il s'agit d'accepter la souveraineté

 25   d'un état ?


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  1   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je ne désire pas répondre

  2   à cette question. En effet, j'estime que cette question ne relève pas de

  3   mon domaine de compétence. Surtout étant donné que je me rappelle qu'il

  4   existe un autre rapport d'expert, et c'est lors de la discussion de ce

  5   rapport là qu'il faudra discuter de cette question-là. Je vous ai répondu,

  6   je vous ai donné l'élément qui à mon avis reprend donc l'aspect

  7   constitutionnel et juridique, et je ne suis pas expert en droit public

  8   international. Ma réponse a été formulée en reprenant les aspects

  9   constitutionnels et de droit.

 10   M. Niemann (interprétation). - Je vous remercie, Professeur et

 11   je ne vais pas continuer dans ce sens.

 12   Pour revenir à la constitution de la République fédérale de

 13   Yougoslavie, la République socialiste fédérative de Yougoslavie, pardon,

 14   le 2 juillet, la décision de la Serbie du 2 juillet 1990 d'organiser un

 15   référendum sur la question du Kosovo, cette décision était-elle entrée

 16   elle dans le cadre de la constitution de la RSFY, constitution de 1974 ?

 17   M. Fila (interprétation). - Objection. J'aurais d'abord voulu

 18   savoir à quelle décision et à  quel référendum M. Niemann fait référence ?

 19   Et je souhaiterais savoir ce que cela vient faire dans l’affaire de

 20   Vukovar et l'affaire qui nous préoccupe aujourd'hui ?

 21   M. le Président (interprétation). - Excusez-moi, Maître Fila,

 22   cette question est importante étant donné que nous parlons ici de droit

 23   constitutionnel, mais si le témoin le désire, elle a le droit d'étudier le

 24   document en question. Je ne sais pas si Maître Niemann dispose du document

 25   afin que le témoin puisse l'étudier.


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  1   M. Niemann (interprétation). - Professeur, connaissez-vous cette

  2   décision ayant trait au référendum ? Connaissez-vous la décision ou

  3   voulez-vous étudier au préalable ce document ?

  4   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - J'aurais d'abord voulu

  5   dire que je ne pense pas que cela soit utile de s'étendre sur la question.

  6   La question est très épineuse et très importante.

  7   M. le Président (interprétation). - C'est à nous de décider si

  8   la question est importante ou non. Poursuivez, mais dites-moi d'abord si

  9   vous voulez consulter le document ou non, car si c'est possible, nous

 10   pouvons vous fournir le document afin que vous puissiez l'étudier et nous

 11   répondre. Maître Niemann, avez-vous le document en question ?

 12   M. Niemann (interprétation). - Mesdames, Messieurs, je ne sais

 13   pas à quel document vous faites référence. C’est une décision...

 14   M. le Président (interprétation). - Savez-vous que l'on a

 15   organisé un référendum en Serbie quant à la question du Kosovo ?

 16   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Non, ce référendum n'a

 17   pas eu lieu.

 18   M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, pourriez-

 19   vous reposer votre question ? Je ne m'en souviens pas.

 20   M. Niemann (interprétation). -  Oui, je vais voir s'il est

 21   possible d'obtenir un document sur la question.

 22   M. le Président (interprétation). - Allez-y. Vous voulez

 23   répondre à la question ?

 24   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je pense qu'il ne faut

 25   pas discuter de cette


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  1   question aujourd'hui. Nous ne disposons pas des informations nécessaires.

  2   M. le Président (interprétation). - Très bien, passons à une

  3   autre question, Maître Niemann.

  4   M. Niemann (interprétation). - Entre la fin 1990 et la fin 1991,

  5   il y a eu toute une série d'actions, et si nous prenions les choses

  6   vraiment de façon technique, savoir si elles étaient constitutionnelles ou

  7   non, dans certaines Républiques. Pourriez-vous être d'accord sur ce point-

  8   là ? Il n'est pas sûr que tout se soit vraiment déroulé de façon

  9   constitutionnelle.

 10   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui nous parlons d'une

 11   République en question et entre cette période quelque chose de très

 12   important s’est produit lorsque nous considérons les aspects juridiques.

 13   En effet, certaines choses se sont produites et il existe des

 14   preuves en ce sens. Un certain nombre d'actions ont été réalisées qui ont

 15   violé le système unifié constitutionnel tel qu'il avait été établi par les

 16   Constitutions fédérales des Républiques en vigueur à l'époque, et la Cour

 17   Constitutionnelle fédérale a  non seulement réagi face aux agissements

 18   d'une ou deux Républiques mais elle a réagi face à toute action entraînant

 19   une violation de la Constitution. On n'a  parlé d'agissements ou d'actions

 20   et d'amendements en 1999, tous ces amendements ont fait l'objet d'une

 21   étude de la part de la Cour Constitutionnelle fédérale.

 22   M. Niemann (interprétation). - Mais malgré tous les efforts

 23   engagés par la Cour Constitutionnelle fédérale, le processus de

 24   désintégration s'est poursuivi assez rapidement, surtout entre 1998

 25   et 1991 ?


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  1   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui, vous avez raison,

  2   c'est correct. La question est complexe. Dans le sens constitutionnel et

  3   juridique, les causes font l'objet d'une étude et il faudra bien entendu

  4   encore longtemps jusqu'à ce que l'on ait compris les questions dans leur

  5   totalité et qu'on les ait évaluées.

  6   M. Niemann (interprétation). - Le processus de désintégration

  7   existait non

  8   seulement en Croatie, mais également dans les autres républiques et ce, à

  9   des niveaux différents. Ne pensez-vous pas ?

 10   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Le processus de

 11   désintégration a caractérisé quatre républiques à l'époque, des

 12   républiques que l'on qualifiait de sécessionnistes et cette sécession a

 13   été confirmée par un certain nombre d'agissements. Ces régions sont la

 14   Slovénie, la Croatie, la Macédoine et la Bosnie. Pour ce qui s'est passé

 15   en Serbie et au Monténégro, tout le monde le sait. C'est de notoriété

 16   publique.

 17   M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas parlé, je ne pense

 18   pas que ce qui s'est produit en Serbie visait la destruction de la

 19   fédération. Pensez-vous cela ?

 20   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je ne pourrais pas vous

 21   donner une réponse simple. Personnellement, je pense que la Serbie et le

 22   Monténégro ont tenté de rester au sein de la Yougoslavie et je déclare

 23   ceci, tant en ma qualité de témoin personnel qu'en ma qualité de témoin,

 24   expert en matière juridique. Donc ceci reflète non seulement l'aspect

 25   juridique, mais également la réalité. Cette question est liée à l'histoire


Page 1786

  1   et je crois qu'il serait en effet intéressant - et d'ailleurs, je vous

  2   recommande de vous pencher sur l'histoire, c'est une recommandation que je

  3   vous fais.

  4   M. Niemann (interprétation). - Professeur, parmi les pièces

  5   citées se trouve la décision prise, je crois, le 23 juillet, dans laquelle

  6   le Parlement de Croatie a décidé de dissoudre l'assemblée de Vukovar. Je

  7   vais essayer de chercher la cote afin que vous puissiez, vous aussi, la

  8   retrouver, je crois que c'est le D5. Estimez-vous qu'il s'agit là d'une

  9   décision valable et légalement contraignante ?

 10   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui, j'ai fait référence

 11   à cette décision dans mon rapport d'expert et pour cette affaire concrète,

 12   il s'agit d'un ordre afin que certaines mesures spéciales soient réalisées

 13   au sein de la municipalité de Vukovar. Cette décision a été mise en oeuvre

 14   en 1991. L'assemblée municipale a été dissoute, le conseil exécutif et ses

 15   membres ont été relevés de leur fonction et le mandat du Président de

 16   l'assemblée municipale a pris fin. C'est cela qui est important pour nous.

 17   A ce moment, l'adjoint du gouvernement de l'assemblée des représentants du

 18   gouvernement de Croatie a été nommé. Il s'agit là de toute une série

 19   d'aspects qui n'entrent pas dans le cadre constitutionnel de la RSFY.

 20   M. Niemann (interprétation). - Vous dites que ce n'est pas

 21   constitutionnel mais, pour ce qui a trait à la RSFY, vous parlez d'une

 22   validité juridique.

 23   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je n'ai pas dit qu'il y

 24   avait validité juridique, c'est simplement la situation telle qu'elle

 25   s'est présentée. Donc, il y a eu des agissements en dehors des normes


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  1   constitutionnelles.

  2   M. Niemann (interprétation). - Vous dites qu'en conséquence, la

  3   loi était sans valeur juridique. A ce moment-là, cela veut-il dire que

  4   ceci serait sans effet ?

  5   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je n'ai pas dit que ceci

  6   resterait sans effet. J'examine uniquement la dimension juridique de la

  7   question. Il est certain que ceci a eu son effet et s'est appliqué, c'est

  8   un fait. Toutefois, nous parlons d'un comportement qui n'est pas

  9   constitutionnel et de circonstances tout à fait particulières. La

 10   communauté internationale en est bien consciente, puisqu'elle a participé

 11   à cette situation. Ce ne sont pas des événements qui se sont produits en

 12   dehors de tout contexte, puisqu'il y avait le contrôle de la communauté

 13   internationale. Et puis tout ceci a débouché, pour l'essentiel, sur un

 14   accord.

 15   M. Niemann (interprétation). - Donc, si ceci n'avait pas de

 16   valeur juridique, M. Dokmanovic a continué à faire fonction de maire de

 17   Vukovar, ou de président de l'Assemblée municipale de Vukovar, n'est-ce

 18   pas ?

 19   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Non. Sa fonction ne s'est

 20   pas poursuivie. Il ne pouvait pas rester maire. La situation était telle

 21   que le décret a trouvé application et que Marin Vidic, surnommé Bili, a

 22   été désigné au poste de représentant du gouvernement croate. Par cet acte,

 23   les fonctions exercées par la personne précédente ont cessé d'exister. A

 24   deux titres,

 25   M. Dokmanovic n'a plus occupé cette fonction. Il lui était impossible


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  1   d'agir en tant que Président.

  2   M. Niemann (interprétation). - Connaissez-vous des situations,

  3   au cours de l'histoire par exemple, où vous avez la famille royale de ce

  4   pays-ci, précisément, qui a dû partir en exil, au moment de la Deuxième

  5   Guerre mondiale, précisément aux Pays-Bas ? Mais ils sont quand même

  6   restés membres de la famille royale aux Pays-Bas. Ce n'est qu'un exemple

  7   parmi tant d'autres que nous donne l'histoire, pour dire que

  8   l'impossibilité physique d'assurer la fonction n'est pas synonyme de

  9   cessation de fonction.

 10   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Ceci n'est pas de mon

 11   ressort. Je ne suis pas en mesure de répondre de façon compétente à cette

 12   question, parce que l'aspect normatif est une chose et la réalité des

 13   faits en est une autre. Il se peut qu'il n'y ait pas toujours coïncidence

 14   entre les deux éléments, c'est bien connu. Moi, je parle des aspects

 15   juridiques.

 16   M. Niemann (interprétation). - Vous dites que cette loi était

 17   dénuée de valeur juridique. Ce que je vous suggère comme hypothèse, c'est

 18   que s'il n'y a pas de valeur juridique, il n'y a pas d'effet et s'il n'y a

 19   pas d'effet, M. Dokmanovic devait conserver sa fonction de président de

 20   Vukovar.

 21   Autre hypothèse, je vous dis que ce n'est pas là quelque chose

 22   qui ne s'est jamais produit auparavant. Et, sans aucun doute, vous n'allez

 23   pas nous dire que vous êtes ignorante de situations telles que celle que

 24   je viens d'esquisser.

 25   M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, pourriez-


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  1   vous poser votre question de façon plus précise, s'agissant des événements

  2   relatifs à Vukovar ?

  3   M. Niemann (interprétation). - Vous ne suggérez pas,

  4   professeur...

  5   Que se passe-t-il ? Vous avez besoin d'avoir une communication

  6   gestuelle avec Me Fila ? Je vois que vous le regardez, vous faites des

  7   signes de tête, il vous fait des signes de tête... Je suppose que vous ne

  8   vous communiquez pas de signaux de cette façon !

  9   M. le Président (interprétation). - Je ne pense pas que ce soit

 10   le cas. Essayez de répondre à cette question.

 11   M. Niemann (interprétation). - Je tiens à préciser que c'est la

 12   deuxième fois que j'observe ce jeu.

 13   M. le Président (interprétation). - Mettons un terme à cet

 14   aspect-ci. Il s'agit d'un acte juridique qui ne serait pas reconnu comme

 15   constitutionnel, en vertu de la constitution de la RSFY. Dans un tel cas,

 16   un tel acte demeure-t-il porteur d'effet ? Produit-il des effets

 17   juridiques ? A-t-il été appliqué ?

 18   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - En tout premier lieu, je

 19   dois indiquer que je suis désolée si vous avez eu l'impression que je fais

 20   des signes à Me Fila ou qu'il m'en fait. Je dois vous rappeler que je

 21   représente ici la faculté de droit. Si j'ai rencontré Me Fila, c'est

 22   uniquement dans le cadre de mon témoignage. Nous avons des domaines

 23   d'activité tout à fait différents. Et c'est spontané. Je vous regarde, ou

 24   je le regarde. Je suis professeur, j'ai l'habitude de m'adresser à un

 25   large public. Rassurez-vous sur ce point.


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  1   Je reconnais que la situation sur laquelle nous nous penchons

  2   n'est pas constitutionnelle. Mais ce n'est pas une question de droit qui

  3   se pose ici. Nous avons affaire à un ordre et ce n'est pas une loi

  4   particulière.

  5   La situation est particulière, elle. Nous assistons au processus

  6   de la séparation de la Croatie par rapport à la RSFY. Et il y a toute une

  7   chronologie d'événements et de lois adoptées, je le souligne, avec la

  8   communauté internationale, soucieuse comme nous de sortir de la crise.

  9   Mais sous l'angle normatif, juridique, même pas stricto sensu,

 10   toutes ces lois ne sont pas conformes à la constitution, mais ce qui se

 11   passait se passait. C'est ainsi.

 12   Un autre titulaire a été désigné à ce poste et c'est lui qui a

 13   donné ces ordres. C'est un fait indéniable. On peut bien sûr se demander

 14   ce qu’il serait advenu si tout avait été fait conformément à la

 15   Constitution et au droit. Tout ce qui s'est passé avant et après aurait

 16   été

 17   traité de façon constitutionnelle, dans le respect de la Constitution de

 18   la RSFY. Effectivement ce n'est pas une processus facile.

 19   M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, pouvons-nous

 20   faire une interruption de vingt minutes ? Nous allons suspendre.

 21   M. Fila (interprétation). - (Hors micro)

 22   L’audience, suspendue à 10 heures 10, est reprise à

 23   10 heures 30.

 24   M. le Président (interprétation). - Maître Fila, nous étions

 25   déjà en train de nous lever lorsque vous êtes intervenu, vous ne vouliez


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  1   rien dire de précis ?

  2   M. Fila (interprétation). - Non, Monsieur le Président.

  3   M. le Président. -  Maitre Niemann, poursuivez.

  4   M. Niemann (interprétation). - Avant la pause, professeur, nous

  5   parlions de la loi ou plutôt de l'ordre, comme vous l'avez nommé, émis par

  6   la Croatie en juillet, le 23 juillet 1991, dans le cadre de la

  7   municipalité de Vukovar, de son Président, et de son vice-Président. Cette

  8   loi était-elle généralement acceptée par les personnes de nationalité

  9   serbe vivant à l'époque dans la municipalité de Vukovar, ou bien des

 10   personnes qui auraient déjà quitté cette municipalité ? Ces personnes

 11   acceptaient-elles la loi ? Le savez-vous ?

 12   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Nous parlons donc d'un

 13   ordre et non d'une loi, c'est une différence d'ordre qualitatif qu'il faut

 14   établir et qui est importante.

 15   Qui permet la promulgation d'une loi ? Qui émet un ordre ? Ce

 16   sont là des questions importantes. Pourrais-je avoir ce document ?

 17   M. Niemann (interprétation). - Si vous pensez qu'il y a une

 18   distinction à établir entre ordre et loi, est-ce que vous pourriez nous en

 19   parler ?

 20   Apparemment il y a un problème technique de sténotypie.

 21   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - C'est la raison pour

 22   laquelle j'ai demandé le document, pour que je sois plus précise. Je n'ai

 23   pas ce document, je l'ai déja rendu.

 24   Je vous remercie, j'ai le document.

 25   M. Niemann (interprétation). - Un instant, professeur, nous


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  1   avons un petit problème de compte-rendu qui n'apparaît pas à l'écran.

  2   Vous vouliez nous parler de la différence qu'il y aurait entre

  3   des ordres et des lois, avant d'aller plus loin.

  4   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je peux faire une

  5   distinction. Une loi est plus importante, est supérieure à un ordre. C’est

  6   décidé par une assemblée parlementaire, législative, alors qu'un ordre

  7   émane d'un organe exécutif.

  8   Vous le voyez dans le préambule, il s'agit ici d'un ordre qui

  9   émane du Ministre de la Justice, un fonctionnaire qui est à la tête d'un

 10   organe de gestion et qui fait référence à la loi croate en matière

 11   d'administration et de gouvernement de la Croatie. C'est un acte qui

 12   assure la transition et la continuation et qui se réfère à l'article 130

 13   de la Constitution croate. Un ordre est une loi d'application d'une loi

 14   proprement dite, et les lois sont supérieures aux ordres. Un ordre fait

 15   partie de la catégorie des lois individuelles et fait partie des lois qui

 16   interviennent avant l'organisation et l'exercice du pouvoir. Ici, cette

 17   loi a été mise en oeuvre par un ministre et je ne sais pas, au sens

 18   constitutionnel et juridique, si les Serbes soutenaient cette loi. Nous ne

 19   pouvons pas vraiment le dire parce que la situation était tout à fait

 20   particulière, sans pareille, et dans une telle situation, il y a beaucoup

 21   de lois qui dépassent de loin un ordre donné dans un système juridique.

 22   Cette loi a été appliquée et a été suivie par d'autres lois concrètes

 23   d'application, lesquelles ont assuré le relèvement de fonction de tel ou

 24   tel fonctionnaire.

 25   C'est ainsi que M. Dokmanovic été relevé de ses fonctions de


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  1   Président de l'assemblée municipale par les autorités serbes. Je pense que

  2   c'est la question principale qui nous occupe ici.

  3   Dès lors, les fonctions de M. Dokmanovic ont cessé d'exister à

  4   deux titres, en vertu de la décision des autorités croates, mais aussi des

  5   autorités serbes, en d'autres termes, des autorités se trouvant sur le

  6   territoire contrôlé par les autorités serbes. Je répète une fois de plus

  7   que nous avons affaire à une organisation transitoire du pouvoir, des

  8   compétences, dans le cadre de circonstances tout à fait particulières,

  9   puisque nous avons un processus de désintégration d'un côté, alors que

 10   d'un autre côté en Croatie, comme dans d'autres républiques, on essaie de

 11   trouver le moyen de parvenir à cette résolution du problème de la façon la

 12   moins pénible et la plus pacifique possible.

 13   M. Niemann (interprétation). - Vous avez dit ne pas savoir si

 14   cette loi avait été acceptée ou pas, mais c'est une décision en date du

 15   24 juillet 1991, alors que la loi que je vous ai montrée, qui avait trait

 16   au district serbe -il s'agit de la pièce P16 (a)- date, elle, du

 17   25 septembre 1991. Dans cette loi, il y a un article 3, selon lequel

 18   toutes les autorités d'Etat et locales autres organisant la République de

 19   Croatie cesseront de fonctionner sur le territoire du district serbe. Est-

 20   ce que vous voyez cet article 3 ?

 21   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - L'article 3 ?

 22   M. Niemann (interprétation). - Oui. Si la loi est valable, même

 23   si l'ordre et pas la loi du 24 juillet avait une validité, l'effet de

 24   cette loi est que, quoi qu'il se soit passé à la suite de l'ordre du

 25   24 juillet, ceci est dépassé. Si ce n'est pas clair, reposez-moi la


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  1   question, j'essaierai de l'expliciter.

  2   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Nous avons ici un ordre

  3   dont nous avons parlé à l'instant, et nous avons aussi une loi, loi

  4   constitutionnelle, qui régit le territoire contrôlé par les Serbes. Ces

  5   actes législatifs ont trouvé leur application dans le même processus et

  6   leur statut juridique est quasi similaire.

  7   L'article 3 de la loi, que vous avez mentionné, Maître Niemann,

  8   loi constitutionnelle pour le district serbe en date du 25 septembre 1991,

  9   dit que tous les organes étatiques cesseront

 10   de fonctionner de même que les organes d'autogestion locale.

 11   Je tiens à souligner le fait que sont constitués des organes

 12   provisoires...

 13   M. Niemann (interprétation). - Ce que j'essaie de dire

 14   Professeur...

 15   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - ... Hors micro.

 16   M. Niemann (interprétation). - Répondez par oui ou non à mes

 17   questions, ce sera plus facile, faute de quoi nous allons nous éterniser

 18   ici. Je vous demande de répondre de la façon la plus concise possible par

 19   un oui ou un non. Voici ce que je tiens à vous faire comprendre. Vous avez

 20   dit que la loi croate avait pour effet de démettre M. Dokmanovic de ses

 21   fonctions et d'installer un nouveau régime, et vous dites que cette loi

 22   était sans valeur juridique. Je crois que c'est ce que vous avez dit. Je

 23   vous ai demandé si cette loi était acceptée, oui ou non, par les Serbes,

 24   vous avez dit que vous n'étiez pas sûre, et je vous ai indiqué l'article 3

 25   en vous demandant si cela signifiait que les Serbes de la région de


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  1   Vukovar n'acceptaient pas la loi croate, avaient en lieu et place

  2   introduit leur propre loi.

  3   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je crois que cette loi

  4   n'a pas été acceptée. A mon avis, la situation est claire.

  5   Nous parlons de deux territoires, l'un se trouvant sous le

  6   contrôle de la Croatie, l'autre sous le contrôle d'une autre entité. Je ne

  7   peux pas vous dire oui ou non parce que je pourrais me tromper. Les deux

  8   parties en tout cas ont établi des autorités, des pouvoirs transitoires

  9   entraînant l'exercice des fonctions par d'autres organes tant que la

 10   situation n'était pas précisée, et la loi le dit bien. Elle dit, je

 11   cite, : "Tant que la situation n'est pas réglée".

 12   M. Niemann (interprétation). - Mais vous qui êtes spécialiste de

 13   la Constitution, vous êtes d'accord avec moi pour dire que ces deux lois

 14   ne sont pas conformes à la Constitution de la RSFY de 1974 ?

 15   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). -  Non, ces deux lois ne

 16   sont pas conformes, c'était vrai de toutes les autres actions législatives

 17   qui ont abouti à la sécession et de toutes les

 18   actions législatives qui ont suivi cette sécession, mais ces lois ont été

 19   acceptées, sont entrées en vigueur, ont été respectées et mises en œuvre.

 20   Je le répète, la situation était tout à fait particulière.

 21   L'organisation territoriale provisoire du pouvoir, si vous

 22   voulez une interprétation plus large de ces documents, ce sont des lois

 23   qu'il faut considérer comme ayant valeur juridique étant donné le

 24   contexte.

 25   M. Niemann (interprétation). - Au titre de la Constitution


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  1   de 1974, chacune des Républiques, chacune des provinces autonomes se

  2   voyait dotée d'un rôle de premier plan au sein du gouvernement fédéral

  3   puisque chacune de ces républiques et provinces disposait d'un siège au

  4   sein de la présidence fédérale, c'est exact ?

  5   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Non seulement au niveau

  6   de la présidence fédérale, mais aussi dans tous les organes clés de la

  7   fédération,.

  8   M. Niemann (interprétation). - Ceci pour éviter que le pouvoir

  9   ne soit concentré entre les mains d'une seule personne ou d'un seul

 10   groupe, n'est-ce pas ?

 11   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui. Avec participation

 12   sur un même pied d'égalité de tous les éléments contribuant à la

 13   fédération.

 14   M. Niemann (interprétation). - Et l'objectif de tout ceci était

 15   de répartir le pouvoir pour qu'il y ait gouvernement par consensus avec

 16   chacune des Républiques exprimant ses intérêts et il était entendu qu'en

 17   fin de compte la décision serait prise par une majorité de voix, n'est-ce

 18   pas ?

 19   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). – Oui, c'est une

 20   disposition de la Constitution. Tous les organes de la fédération établis

 21   sur un plan paritaire représentaient les Républiques et les provinces.

 22   M. Niemann (interprétation). - Pour fonctionner, ce système

 23   était tributaire du fait que chacune des Républiques soit représentée au

 24   sein de la présidence et représente ainsi son

 25   propre peuple ?


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  1   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). -  Oui.

  2   M. Niemann (interprétation). – Etait-il envisagé qu'un homme

  3   arrive au contrôle des votes avec les représentants des quatre

  4   Républiques ?.

  5   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je ne sais pas à quel

  6   homme vous pensez, au Président ou pendant la présidence de Tito ?

  7   M. Niemann (interprétation). – Non, je parle de la Constitution

  8   en termes généraux. Je vous pose une question d'ordre juridique général

  9   qui n'a pas trait à une personne en particulier. Je disais que l'objectif

 10   tout entier de la Constitution était d'éviter une situation où une

 11   personne aurait la majorité des voix, que ce soit les voix des Républiques

 12   ou des provinces autonomes.

 13   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Si on parle de façon

 14   générale, vous avez raison. Mais pour être plus précis, dans un organe

 15   collégial, tout le monde a la même voix, le même poids, il y a un

 16   roulement de la présidence collégiale et personne n'a de droits

 17   supplémentaires aux autres à l'intérieur de cette instance.

 18   M. Niemann (interprétation). - Je suppose que vous conviendrez

 19   avec moi du fait qu'il serait contraire à la Constitution que l'autonomie

 20   de provinces comme le Kosovo ou la Voïvodine soit abolie ?

 21   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Abolie, que voulez- vous

 22   dire par là ?

 23   M. Niemann (interprétation). - Je veux dire que ces provinces

 24   disposaient d'une autonomie et d'une voix propre au titre de la

 25   Constitution de 1974. Si on retire cette autonomie, cette voix, ceci n'est


Page 1798

  1   pas conforme à la Constitution, n’est-ce pas ?

  2   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - L'autonomie que nous

  3   avions en 1984, je suis prête à dire cela, n'était pas une véritable

  4   autonomie. Les provinces autonomes de par la Constitution ont obtenu un

  5   statut d'État, ce qui n'existe nulle part et ceci était dans le cadre

  6   d'une seule république, la République de Serbie.

  7   M. Niemann (interprétation). - Ce que j'essaie d'établir ici,

  8   c'est qu'au titre de la constitution, il était prévu que chaque république

  9   et chaque province ait son autonomie et sa voix, puisque chaque république

 10   et province autonome avait sa voix au sein de la présidence.

 11   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Quant à savoir si, par la

 12   Constitution, il était autorisé à avoir cette autonomie et cette voix,

 13   en 1989, le statut de ces provinces autonomes aurait pu être modifié par

 14   rapport au statut qu'elles avaient en vertu de la Constitution précédente.

 15   Est-ce là-dessus que porte votre question ? Était-il constitutionnel de

 16   modifier ces éléments ? Est-ce que vous me demandez ?

 17   M. Niemann (interprétation). - Je parle de la Constitution

 18   de 1974.

 19   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - La Constitution de la

 20   République de Serbie en vertu de 1974, cela existait, mais c'est en 1989

 21   que le statut a été modifié. Les provinces autonomes ont récupéré le

 22   statut qui correspondait au statut théorique de leur autonomie et au sens

 23   du modèle international en 1989, mais ceci a été établi sur la base de la

 24   constitutionnalité par un amendement à la Constitution. Ceci s'est fait

 25   dans le respect de la Constitution et en présence de représentants des


Page 1799

  1   provinces autonomes et de leurs organes légitimes qui avait mis en oeuvre

  2   ces amendements.

  3   M. Niemann (interprétation). - Alors qu'en est-il de ne pas

  4   permettre le roulement de la présidence, de telle sorte que lorsque ce

  5   serait le représentant d'une république qui devrait devenir Président de

  6   la présidence, ceci serait conforme à l'esprit et à la lettre de la

  7   Constitution de 1974 ?

  8   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - C'est conforme au

  9   roulement de présidences qui devaient chacune durer un an.

 10   M. Niemann (interprétation). - Mais si on ne permettait pas

 11   cette passation de la présidence collégiale après un an, ceci serait

 12   conforme à l'esprit et à la lettre de la constitution

 13   de 1974 ?

 14   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Pour autant que ce soit

 15   fait de façon démocratique part des organes élus démocratiquement et dans

 16   le respect de la procédure constitutionnelle.

 17   M. Niemann (interprétation). - Alors il y a eu un amendement à

 18   la constitution ?

 19   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

 20   M. Niemann (interprétation). - Quelle est la date de cet

 21   amendement ?

 22   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - 1989.

 23   M. Niemann (interprétation). - Pourriez-vous nous aider,

 24   Professeur ? Pourriez-vous nous parler de cet amendement à la

 25   Constitution, amendement opéré en 1989 qui permettait le roulement de la


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  1   présidence, par exemple, d'empêcher ces roulements par des moyens

  2   politiques ?

  3   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Il n'y a pas eu

  4   empêchement. C'est simplement que le changement fut différent, plus large.

  5   Ce n'est pas l'organisation qui a été modifiée, c'est le statut de la

  6   province dans le cas de la République de Serbie qui a été modifié.

  7   Me Fila (interprétation). - Monsieur le Président, nous parlons

  8   de deux constitutions ici et manifestement, il y a maldonne. L'amendement

  9   de 1989 porte sur la Constitution de la Serbie. Lorsque Me Niemann parle

 10   d'une Constitution, pourrait-il préciser à laquelle il pense ? Parce que,

 11   maintenant, nous parlons de la Constitution de la Serbie qui modifie la

 12   situation, le statut du Kosovo. Nous ne parlons pas de la Constitution

 13   fédérale qui prévoyait ce roulement de la présidence, où il y a eu

 14   M. Mesic au poste de président. Monsieur Niemann pourrait-il préciser de

 15   quelle Constitution il parle ?

 16   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - J'ai compris que le

 17   roulement à la présidence était effectué tant qu'il y avait validité

 18   juridique de la Constitution. C'est la raison pour laquelle nous avons

 19   parlé de modification au sein de la République de Serbie.

 20   M. Niemann (interprétation). - Excusez-moi, je parlais, sans nul

 21   doute, du Kosovo et de la Voïvodine.

 22   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Manifestement, il y a un

 23   malentendu.

 24   M. Niemann (interprétation). - Je suis d'accord avec vous. C'est

 25   ce dont je parlais au départ. Mais après, je suis passé à la question du


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  1   roulement des présidents au sein de la présidence collégiale fédérale, au

  2   moment où Stipe Mesic a été empêché d'occuper ses fonctions le

  3   15 mai 1991.

  4   Ce que je suggère, c'est que ce ne fût pas une décision conforme

  5   ni à l'esprit, ni à la lettre de la Constitution de 1974.

  6   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Il y a d'un côté l'esprit

  7   de la Constitution et, effectivement, le roulement au niveau de la

  8   présidence n'a pas été modifié, M. Mesic était le président légitime et

  9   légal de la présidence, jusqu'au 5 décembre 1991. Pour cette présidence,

 10   le même principe du roulement s'est maintenu tel qu'il avait été déterminé

 11   par la Constitution fédérale.

 12   Notre seul malentendu est que l'on parlait de deux niveaux , le

 13   niveau fédéral et celui de la République de Serbie. Je pensais aux

 14   modifications qui avaient été réalisées mais je crois que, désormais, nous

 15   nous comprenons.

 16   M. Niemann (interprétation). - Mais vous ne suggérez pas que,

 17   lorsque M. Mesic devait occuper son poste de président de la présidence le

 18   15 mai 1991, cette désignation ait été bloquée et que ce soit uniquement

 19   grâce à l'intervention de la communauté internationale qu'il y ait eu une

 20   détente, un déblocage de la situation, lui permettant de prendre ses

 21   fonctions de président ? Ce n'est pas ce que vous suggérez, n'est-ce pas ?

 22   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Ce que je dis, c'est que

 23   son tour était venu de devenir président. Les modalités de prise de

 24   fonctions ne doivent pas être évoquées par moi ici. Ce qui compte, c'est

 25   qu'il ait effectivement occupé ces fonctions et les ait remplies jusqu'à


Page 1802

  1   la

  2   date que je viens de citer.

  3   M. Niemann (interprétation). - Mais vous conviendrez avec moi,

  4   suite à ce qu'a dit Slobodan Milosevic, le 16 mars 1991, lorsqu'il a

  5   déclaré que la Yougoslavie était entrée dans sa dernière phase d'agonie et

  6   que la République de Serbie n'était plus prête à reconnaître la moindre

  7   décision prise par la présidence fédérale dans les circonstances qui

  8   prévalaient, car ce serait là quelque chose d'illégitime, que l'on ne peut

  9   pas estimer qu'une telle déclaration est conforme à l'esprit ou à la

 10   lettre de la Constitution de 1974 ?

 11   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, lorsque

 12   Me Niemann parle d'un document, pourrait-il nous le montrer ? Parlons-nous

 13   ici d'éléments de preuve déposés par l'accusation, parce que moi je n'ai

 14   pas pris connaissance de cette pièce ? Pourrait-il nous donner lecture du

 15   texte authentique et je marquerai mon accord ?

 16   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Autre chose...

 17   M. le Président (interprétation). - Où se trouve cette pièce ?

 18   M. Niemann (interprétation). - Ceci relève de la déposition de

 19   M. Mesic. Je ne sais pas si je peux trouver l'endroit pertinent. De toute

 20   façon, c'est simple, si le témoin ne sait pas répondre à la question, nous

 21   passerons à autre chose.

 22   M. le Président (interprétation). - Etes-vous au courant de la

 23   déclaration faite par M. Milosevic le 16 mars 1991 ?

 24   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je ne suis pas au

 25   courant. Il faudrait que j'examine le document lui-même. Ce que je


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  1   souhaite dire, c'est que nombre de déclarations ont été faites par des

  2   personnalités à des postes de responsabilité, il n'y a pas que Milosevic

  3   qui ait fait des déclarations, mais je ne veux pas citer les autres. Je ne

  4   pense pas qu'il faille en discuter ici, c'est sans pertinence. Il y a eu

  5   diverses déclarations faites à l'époque et moi, je ne marque mon accord

  6   avec aucune d'entre elles. Je le dis simplement en passant, je ne veux pas

  7   ici entrer dans des déclarations politiques parce que s'il y a des

  8   déclarations politiques qui ont été

  9   déposées au dossier, il faudrait les voir et les comparer à d'autres

 10   déclarations.

 11   M. Niemann (interprétation). - Tout ce que je vous demande,

 12   c'est de dire si vous êtes d'accord ou pas. Si vous dites : "Je ne sais

 13   pas", parfait. Et si vous décidez que, effectivement, de telles actions

 14   étaient conformes à l'esprit et à la lettre de la Constitution, vous

 15   pouvez répondre, vous êtes censée être expert après tout.

 16   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je ne sais pas, il

 17   faudrait que j'examine les documents... le texte de loi pour pouvoir vous

 18   faire part de mon avis.

 19   M. Niemann (interprétation). - Le même jour, les Serbes de Knin

 20   proclamaient leur indépendance par rapport à la Croatie, le jour où

 21   Slobodan Milosevic a fait cette déclaration. Pensez-vous que les Serbes de

 22   Knin ont déclaré leur indépendance ?

 23   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, je vous en

 24   conjure, nous n'avons jamais dit que Milosevic ait fait des déclarations

 25   de ce genre, et qui est ce Milosevic en 1991 ?


Page 1804

  1   Autre chose : nous n'avons pas non plus établi quel fut le

  2   moment de la proclamation des Serbes de Knin. D'abord, ils n'ont pas fait

  3   cette déclaration, mais enfin, si Me Niemann dit que quelqu'un a proclamé

  4   quelque chose, il faut voir la proclamation. Comment voulez-vous que nous

  5   fassions des allégations de ce genre ? Et comment réagir par rapport à un

  6   document qui se trouve peut-être dans le bureau du Procureur ?

  7   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je ne peux pas vous

  8   donner mon avis sur quelque chose que je ne connais pas ou que je ne

  9   connais pas de façon fiable.

 10   M. le Président (interprétation). - Vous n'êtes pas au courant

 11   de la proclamation d'indépendance faite par la République des Serbes de

 12   Krajina ?

 13   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Non.

 14   M. Niemann (interprétation). - Pouvons-nous passer à autre

 15   chose ?

 16   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je ne pense même pas que

 17   ce soit vrai, mais il m'est impossible de le dire avec précision parce que

 18   j'aurais besoin de voir le texte. Voilà

 19   ce que je dis.

 20   M. le Président (interprétation). - Fort bien. Maître Niemann,

 21   pouvons-nous passer à des questions pour lesquelles vous avez des

 22   documents ?

 23   M. Niemann (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Je

 24   dois répondre à ce que disait Me Fila. Il n'est pas nécessaire d'apporter

 25   des documents pour étayer tous mes propos, le témoin peut dire : "Voilà,


Page 1805

  1   je ne sais pas". Il ne faut pas que je demande le versement de trop de

  2   pièces au dossier, après tout, ce témoin est expert et on pourrait croire

  3   que toutes les questions de détail relatives à la Constitution de 1974 lui

  4   sont connues, mais si ce n'est pas le cas, fort bien.

  5   M. Fila (interprétation). - Excusez-moi, je dois intervenir

  6   encore une fois. Le témoin est l'expert pour le droit constitutionnel et

  7   pour les choses qui existent et non pas pour les choses qui n'existent pas

  8   ou bien pour les inexactitudes, parce qu'il n'est pas du tout vrai, par

  9   exemple, qu'en 1991, Knin a proclamé l'indépendance. Cela existe peut-être

 10   dans l'esprit du Procureur. Donc personne ne peut être expert pour quelque

 11   chose qui n'existe pas, tout simplement. Il est outrageant de dire que

 12   l'expert doit connaître quelque chose qui n'existe pas.

 13   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je veux protester.

 14   M. le Président (interprétation). – L'expert est un expert sur

 15   le droit constitutionnel et je suppose qu'elle connaît tout ce qui

 16   concerne le droit constitutionnel en ex-Yougoslavie et peut-être connaît-

 17   elle aussi certains événements historiques qui sont pertinents du point de

 18   vue du droit constitutionnel.

 19   Au cas où elle ne connaîtrait pas les détails concernant

 20   certains événements, elle peut le dire très simplement et d'autres

 21   questions seront posées.

 22   M. Fila (interprétation). – Effectivement, si l'on pose les

 23   questions de la manière dont elles sont toujours posées partout dans le

 24   monde : est-ce que Knin a proclamé l'indépendance un tel jour ?

 25   Maître Niemann ne pose pas la question, il donne une


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  1   affirmation. Knin a proclamé l'indépendance etc., et il ne s'agit même pas

  2   d'une affirmation exacte. Il s'agit d'une inexactitude.

  3   M. Niemann (interprétation). – Bon, nous parlerons de cela lors

  4   de notre réplique.

  5   Professeur, nous avons parlé des provinces autonomes, je ne veux

  6   pas parler nécessairement de tous les événements qui se sont déroulés,

  7   mais du changement de statut des provinces autonomes.

  8   Est-ce que vous témoignez que cette question concernait

  9   uniquement la République de Serbie en ce qui concerne le Kosovo et la

 10   Voïvodine et que cela n'avait aucun lien avec le gouvernement fédéral ou

 11   bien la Constitution fédérale ?

 12   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Si, il y a un lien, étant

 13   donné que les provinces autonomes font partie de la République de Serbie

 14   et depuis la Constitution de 1974, elles sont une entité constitutive de

 15   la fédération également, mais vu la position des provinces autonomes, leur

 16   position était notamment réglée par le biais de la Constitution de Serbie

 17   et lorsqu'il fallait opérer certains changements, cela se faisait par voie

 18   de modification de la Constitution de Serbie et ceci a été fait par les

 19   autorités qui incluaient les représentants des provinces autonomes.

 20   M. Niemann (interprétation). -  Parmi les documents que vous

 21   citez sur la liste annexée à votre rapport, et je suppose que vous vous

 22   êtes basée sur ces documents en créant votre opinion, il existe un

 23   exemplaire de la gazette officielle de la municipalité de Vukovar du

 24   28 mars 1990 concernant les modifications du statut de la municipalité.

 25   Est-ce que vous vous souvenez de ce document ? Si vous en avez besoin,


Page 1807

  1   nous pouvons vous le remettre.

  2   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). -  Effectivement,

  3   j'aimerais l’avoir. J'ai le statut.

  4   M. Niemann (interprétation). - Il s'agissait d'une modification

  5   du statut.

  6   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui, je souhaite l’avoir.

  7   M. Niemann (interprétation). - C'est un de vos documents. Je

  8   pense qu’il n'a peut-être pas encore été admis.

  9   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je ne l'ai pas sur moi en

 10   ce moment.

 11   M. Niemann (interprétation). - Peut-être que Me Fila l’a.

 12   M. Fila (interprétation). - Non, nous n'avons pas annexé cela au

 13   rapport en tant qu'élément de preuve, nous n'avons pas du tout annexé ni

 14   versé au dossier le statut.

 15   M. Niemann (interprétation). - Je parle de la modification du

 16   statut du 28 mars. Nous n'avons pas versé cela au dossier.

 17   M. le Président (interprétation). - Il s'agit de la pièce D 7 ?

 18   D'accord, merci.

 19   Le document est présenté au témoin.

 20   M. Niemann (interprétation). - Il s'agit de la modification du

 21   statut de la municipalité de Vukovar, et je souhaite simplement savoir les

 22   détails concernant l'article 2 02 (a).

 23   Tout d'abord est-ce que c'est l'un des documents sur lesquels

 24   vous vous êtes basée en préparant votre rapport, et je ne pose pas la

 25   question à Maître Fila ?


Page 1808

  1   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Non,

  2   Monsieur le Président. -

  3   M. le Président (interprétation). - Maitre Niemann, avez-vous

  4   une copie de ce document en serbe ?

  5   M. Niemann (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. En

  6   serbe oui effectivement, je l'ai.

  7   (Le document est présenté au témoin.)

  8   J'ai une version serbe de ce document. Peut-être pourrions-nous

  9   montrer cela à Me Fila et au témoin ?

 10   M. Fila (interprétation). - J'ai tous ces documents, mais j'ai

 11   tout cela à l'hôtel, dans ma chambre. Ma chambre est pleine de documents,

 12   mais je ne peux pas anticiper chaque

 13   question de M Niemann, non plus.

 14   (Le document est présenté à Me Fila).

 15   M. le Président (interprétation). - C'est un document qui a été

 16   remis par la Défense.

 17   M. Fila (interprétation). - Oui effectivement, en tant que pièce

 18   jointe et si Me Niemann souhaite le verser au dossier, je n'ai pas

 19   d'objection, tout simplement, je souhaite dire que la défense n'a pas

 20   souhaité verser au dossier ce document, mais je n'ai aucune objection

 21   quant à l'intention de Me Niemann de poser la question se basant sur un

 22   document.

 23   M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas posé de question, à

 24   moins que... C'est à dire, ma seule question était de savoir si le témoin

 25   s'est basée sur ce document.


Page 1809

  1   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Dans la préparation de

  2   mon rapport d'expert, effectivement, je me suis servie de ce document,

  3   j'ai eu ce document, je l'ai chez moi à l'hôtel, comme tous les autres

  4   documents. Ici, il s'agit de l'article 202(a).

  5   M. le Président (interprétation). - Excusez-moi de vous

  6   interrompre, j'ai l'impression qu'il y a un problème avec le compte-rendu.

  7   Professeur, juste un moment s'il vous plaît. Il faudrait nous interrompre,

  8   étant donné qu'il y a un problème de compte rendu.

  9   M. Niemann (interprétation). - Professeur, est-ce un des

 10   documents dont vous vous êtes servie lors de la préparation de votre

 11   rapport ?

 12   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - J'ai utilisé le Statut,

 13   j'ai eu ce document là également, mais je ne sais pas dans quel contexte

 14   j'aurais pu l'intégrer dans mon rapport d'expert et je ne vois pas en

 15   termes concrets de quoi vous parlez.

 16   En ce qui concerne la modification du Statut, il s'agit là de

 17   l'article 202.

 18   M. Niemann (interprétation). - J'ai voulu simplement savoir ce

 19   que vous vouliez dire par les termes nations et groupes ethniques.

 20   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Cela, c'est notre

 21   caractère spécifique. Il y a

 22   le terme de nation et de nationalité, c'est-à-dire groupe ethnique qui

 23   pour nous, remplace le terme de minorité nationale dans l'ex-Yougoslavie,

 24   donc ce qu'ailleurs on appelle minorité nationale, les auteurs de la

 25   Constitution chez nous souhaitent lui donner le nom de nationalité ou de


Page 1810

  1   groupe ethnique.

  2   M. Niemann (interprétation). - Je n'ai plus de questions.

  3   M. Fila (interprétation). - Je n'ai plus de questions.

  4   En ce qui me concerne, le témoin peut se retirer et en attendant

  5   l'autre témoin, je souhaite que l'on montre la bande vidéo de l'accusation

  6   que j'ai réussi à obtenir.

  7   M. May (interprétation). - Peut-être par rapport à ce document,

  8   il pourrait être versé au dossier sous la cote suivante, c'est-à-dire D...

  9   je ne sais pas, il s'agit de la gazette officielle du 28 mars 1990.

 10   M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas d'objection.

 11   M. May (interprétation). - Et vous, Maître Fila ?

 12   J'ai quelques questions à notre témoin. Tout d'abord, seriez-

 13   vous d'accord avec le conseil de la défense qui a dit dans sa déclaration

 14   liminaire que l'accusé Slavko Dokmanovic était le citoyen de la RSFY et de

 15   la République de Croatie, tout comme les victimes qui ont péri de manière

 16   tragique, donc seriez-vous d'accord qu'en novembre 1991, il avait une

 17   double nationalité, il était à la fois citoyen de l'Etat fédéral et

 18   citoyen de la République de Croatie ?

 19   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

 20   M. le Président (interprétation). - Mais dans ce cas-là, comment

 21   pourriez-vous expliquer du point de vue juridique le contenu de

 22   l'article 4 de la loi dont nous avons parlé aujourd'hui, concernant

 23   l'application de la loi constitutionnelle, qui consacre la création le

 24   25 novembre 1991 de la grande assemblée nationale du district serbe de

 25   Slavonie Baranja extrême occidentale ? Et dans l'article 4 que vous avez,


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  1   je suppose, sous les yeux, il est dit : "Le jour où la loi

  2   constitutionnelle entre en vigueur, tous les citoyens du district serbe

  3   cesseront

  4   d'être citoyens de la République de Croatie et maintiendront leur

  5   citoyenneté yougoslave".

  6   Donc si j'ai bien compris cette disposition, selon cette loi qui

  7   a été adoptée par la grande assemblée nationale du district serbe etc.,

  8   les gens qui étaient les citoyens de Croatie et qui vivaient dans la

  9   région de la Slavonie, la Baranja et la Srem occidentale cessaient d'être

 10   considérés comme citoyens de la République de Croatie. Donc je

 11   souhaiterais que vous que clarifiiez cela du point de vue juridique.

 12   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Pour moi, je considère

 13   que la Constitution fédérale de la RSFY et la loi fédérale sur la

 14   citoyenneté sont toujours valables à ce moment-là.

 15   Quant à ce que vous venez de citer, et nous en avons déjà parlé

 16   tout à l'heure, il s'agit des éléments spécifiques que j'ai essayé

 17   d'expliquer.

 18   M. le Président (interprétation). - Si je vous ai bien compris,

 19   à votre avis cette disposition contenue dans l'article 4 de la loi que je

 20   viens de lire n'est pas conforme aux lois pertinentes fédérales, les lois

 21   de la RSFY, tout simplement, étant donné qu'il est dit ici que les

 22   citoyens de Croatie qui vivent dans une certaine région cessaient d'avoir

 23   la citoyenneté de la République de Croatie et continuaient simplement à

 24   avoir la citoyenneté de Yougoslavie. Ceci était donc contraire à la loi

 25   fédérale ?


Page 1812

  1   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Tout comme un tas

  2   d'autres lois qui ont été passées à l'époque et avant cela, si nous

  3   parlions du point de vue strictement normatif, mais je pense que ceci

  4   n'est pas pertinent en ce qui concerne ce qui nous intéresse et je pense

  5   que ce qui a été dit dans la déclaration liminaire suffit.

  6   M. le Président (interprétation). - Je vous pose une question

  7   juridique, il ne vous revient pas de décider s'il s'agit d’une question

  8   pertinente ou pas, c'est aux juges de décider de cela. Veuillez me

  9   répondre du point de vue purement juridique. Je vous ai dit, peut-être que

 10   je me trompe, que cette disposition n'était pas conforme à la loi fédérale

 11   de la RSFY ; si j'ai tort, dites-le moi. Dites-moi si je vous ai mal

 12   comprise.

 13   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Par rapport à la

 14   Constitution et la loi fédérale de la Yougoslavie.

 15   M. le Président (interprétation). - Il y a peut-être eu un

 16   malentendu.

 17   Il faudrait qu’on s'arrête pendant quelques minutes parce que

 18   nous avons de nouveau des problèmes avec le compte rendu.

 19   En ce qui concerne les gens qui vivaient à Vukovar entre

 20   septembre et novembre 1991, je souhaiterais savoir quelle était leur

 21   citoyenneté, ces gens qui sont nés là-bas, qui ont été pendant toute leur

 22   vie citoyens de la République de Croatie et en même temps citoyens de

 23   l'Etat fédéral.

 24   Durant cette période, donc entre septembre et novembre ou

 25   décembre 1991, est-ce que ces personnes avaient toujours cette citoyenneté


Page 1813

  1   double, à la fois la citoyenneté de la République de Croatie et de l'Etat

  2   fédéral ? C'est une question très simple du point de vue juridique et sans

  3   égard à la position de l'accusé. Les gens d'origine serbe qui vivaient à

  4   Vukovar, qui vivaient depuis des années à Vukovar, qui y sont nés, durant

  5   cette période, étaient-ils toujours citoyens à la fois de la République de

  6   Croatie et de la RSFY, donc l'Etat fédéral ?

  7   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

  8   M. le Président (interprétation). - Merci. Maintenant je

  9   souhaite vous poser une autre question. Nous avons reçu ici un document

 10   qui est la loi sur la citoyenneté croate adoptée en Croatie, le

 11   26 juin 1991. Il s'agit de la pièce à conviction de l'accusation P190(a).

 12   Je demande à l'huissier de remettre au témoin un exemplaire avec la

 13   traduction serbo-croate.

 14   (L'huissier s'exécute)

 15   Je ne sais pas si vous connaissez les dispositions de cette loi.

 16   Il s'agit de la loi sur la citoyenneté croate adoptée le 26 juin 1991.

 17   Vous n'avez qu'une copie en anglais, vous êtes sure. Professeur, je

 18   m'excuse, j'ai compris parce que le greffe vient de m'informer que nous

 19   n'avons pas reçu le texte original en serbo-croate, donc nous pouvons

 20   ignorer cette question.

 21   Me Fila (interprétation). - Si, je pense que nous disposons

 22   aussi de la version serbe et croate. Je pense que M. Niemann nous l'a

 23   communiquée. C'est l'impression que j'ai effectivement. De toute façon, je

 24   me rappelle que le Procureur nous avait fait cette promesse, mais je ne

 25   suis pas sûr qu'on l'ait obtenu ou non.


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  1   M. le Président (interprétation). - Il s'agit de la loi sur la

  2   citoyenneté croate du 26 juin 1991. Il s'agit de la pièce à conviction de

  3   l'accusation 190 (a).

  4   M. Niemann (interprétation). - Nous avons donné cela à Maître

  5   Lopicic, hier si j'ai bien compris.

  6   Me Fila (interprétation). - C'est la Constitution que vous nous

  7   avez communiquée, et pas la loi sur la citoyenneté.

  8   M. le Président (interprétation). - Ecoutez, si vous n'avez rien

  9   contre cela, je vais lire quelques dispositions. Cette loi apporte des

 10   modifications aux lois préalables concernant la citoyenneté croate. Est-ce

 11   que vous pouvez me suivre ?

 12   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui.

 13   M. le Président (interprétation). - En temps que juriste,

 14   lorsque j'ai lu cette loi, l'impression que j'ai eu était que cette loi

 15   n'a pas été rédigée en tant que disposition qui concerne un état fédéral,

 16   mais en tant que loi typique pour un état souverain comme la France,

 17   l'Allemagne, etc. Par exemple, dans l'article 28, il est stipulé que la

 18   citoyenneté, le document de la citoyenneté est un document public qui

 19   prouve la citoyenneté croate, qui était délivré par l'administration

 20   publique ou bien par une représentation consulaire. Donc il s'agit d'une

 21   citoyenneté, non pas qui doit se substituer à la citoyenneté fédérale,

 22   mais il s'agit de la citoyenneté d'un état souverain.

 23   Ensuite, dans l'article 29, il est dit que cette citoyenneté est

 24   corroborée par un certificat, plus un passeport ou bien un livret

 25   militaire. Moi je ne se puis pas expert pour ces questions là, mais s'il


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  1   s'agissait d'une telle loi, d'une loi, d'un Etat donc souverain, est-ce

  2   que cela

  3   voudrait dire que ceci est contraire à la loi fédérale et à la

  4   constitution fédérale ?

  5   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Absolument, étant donné

  6   que la base de départ est que la République de Croatie est un état

  7   souverain et indépendant, et qu'en tant que tel, il pouvait régler les

  8   questions concernant la citoyenneté de l'état croate. Mais étant donné

  9   qu'à l'époque la Croatie n'était pas encore un état souverain et

 10   indépendant, cela signifie que cette loi n'était pas conforme à la loi

 11   fédérale, ni à la constitution fédérale, ni donc à la loi fédérale qui

 12   règle la question de la citoyenneté, ni avec la loi qui concerne la

 13   citoyenneté de la République de Croatie, ni de la fédération.

 14   M. le Président (interprétation). - Je déduis de votre réponse

 15   mutatis mutandis que cela s'appliquera également à la loi que nous avons

 16   discutée, qui a été adoptée le 26 juin 1991 par la grande assemblée du

 17   district de Slavonie, disant que cette loi, elle aussi, portait sur des

 18   questions réglementant la citoyenneté et ce faisant, ne peut pas être

 19   considérée comme conforme à la loi fédérale en matière de citoyenneté. Ai-

 20   je été suffisamment clair pour vous ? Ma question était suffisamment

 21   claire ? Si tel n'est pas le cas, je peux la reformuler.

 22   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui. Pourriez-vous s'il

 23   vous plaît reformuler votre question ? Je crois suivre le fil de votre

 24   pensée néanmoins.

 25   M. le Président (interprétation). - Non, je croyais voir un


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  1   parallèle entre la loi adoptée en matière de citoyenneté par la République

  2   de Croatie et l'adoption par la grande assemblée nationale du district

  3   serbe de Slavonie, d'une loi comportant une provision en matière de

  4   citoyenneté. Pouvons-nous dire que l'article 4 de cette loi sur la

  5   Slavonie n'est pas conforme à la Constitution fédérale ou aux lois

  6   fédérales en matière de citoyenneté ?

  7   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je ne ferai pas de

  8   comparaison dans le cadre de ce qui a été dit.

  9   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

 10   Ma question porte maintenant sur le caractère juridique de

 11   l'entité à laquelle nous

 12   avons fait référence à plusieurs reprises, mais les choses ne sont pas

 13   très claires.

 14   Donc, à propos de ce district serbe de Slavonie, de la Baranja

 15   et de la Srem occidentale qui s'est doté d'une grande assemblée nationale,

 16   pourriez-vous nous donner une explication quant au caractère juridique,

 17   quant à la base juridique de ce district ? Il y avait un gouvernement, un

 18   président ? Etait-ce un vrai gouvernement, une entité régionale ? Bien

 19   entendu, vous me donnez le point de vue de la Constitution fédérale.

 20   Quelle est donc la base juridique de cette entité ?

 21   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Très particulier, c'est

 22   le moins que je puisse dire. En fait, je ne pourrais pas le placer dans le

 23   cadre de la Constitution fédérale. On pourrait l'expliquer en disant que

 24   la Croatie, la Yougoslavie et ce district bien particulier, dans les

 25   conditions dans lesquelles il se trouvait... C'était bien entendu une


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  1   situation provisoire, temporaire, qualifiée de provisoire jusqu'à ce qu'on

  2   trouve une décision finale au problème.

  3   M. le Président (interprétation). - Vous me dites que la

  4   création du gouvernement de la région autonome de Slavonie, Baranja, etc,

  5   n'était pas dans la lettre de la Constitution fédérale ?

  6   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Il s'agit d'instances

  7   provisoires. Au sens strict du terme, cette création n'était pas conforme

  8   à la Constitution fédérale.

  9   M. le Président (interprétation). - Oui, mais on parle de

 10   gouvernement du district. Etait-ce un organe régional, local ? Je me fonde

 11   ici sur votre expérience en matière de droit constitutionnel

 12   international. Comment caractérisez-vous la nature-même de cette

 13   instance ?

 14   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - En prenant l'angle

 15   constitutionnel et juridique, je ne peux pas le reprendre dans un modèle

 16   classique quel qu'il soit. Je dois vous dire qu'il existe des modèles

 17   d'Etat -qu'il s'agisse maintenant d'un Etat unitaire ou fédéral, cela

 18   importe peu-, donc chacun a sa propre organisation interne. Nous parlons

 19   de la création de la constitution temporaire d'une unité au sein d'un

 20   district contrôlé par les Serbes, donc une

 21   organisation provisoire, afin d'assurer le fonctionnement de tous les

 22   éléments quotidiens, afin que l'on puisse régler la vie des citoyens au

 23   quotidien.

 24   M. le Président (interprétation). - Nous avons une expression

 25   que l'on utilise : c'est un gouvernement de facto, de fait. Il y a cette


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  1   classification de gouvernement de facto, mais laissons-la tomber. Pouvez-

  2   vous nous expliquer -et je vous demande un point de vue strictement

  3   juridique- quelle était la relation entre le gouvernement du district

  4   autonome de Slavonie, Baranja et Srem occidentale et les autorités

  5   fédérales à Belgrade ? Quelles étaient leurs relations ? Quelles étaient

  6   les relations avec l'autorité centrale de la République de Serbie,

  7   puisque, si j'ai bien compris, cela se passe sur le territoire de la

  8   Serbie ? Je me trompe peut-être. Pourriez-vous nous donner le rapport

  9   juridique ?

 10   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Il n'y a pas de rapport,

 11   de relation juridique. La République de Croatie comporte une région dans

 12   laquelle il y a une certaine population serbe, on ne peut pas parler de

 13   relation juridique avec l'Etat-mère, si vous voulez.

 14   M. le Président (interprétation). - Je m'excuse d'avoir dit

 15   cela, mais j'avais cru comprendre que la Slavonie, le Baranja et le Srem

 16   occidentale faisait partie également du territoire de la République de la

 17   Slavonie, non seulement en Slavonie occidentale.

 18   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Oui, je crois que c'est

 19   la raison pour laquelle il y a justement ce malentendu. C'est la

 20   République de Croatie et le territoire de Croatie sur lesquels la majorité

 21   de la population est serbe et cela ne date pas d'hier.

 22   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. J'aimerais

 23   savoir s'il y a d'autres questions qui portent sur la présentation du

 24   témoin ? Donc nous pouvons libérer le témoin. Madame, je vous remercie

 25   d'avoir témoigné ici, vous êtes libérée.


Page 1819

  1   Mme Djukic-Veljkovic (interprétation). - Je vous remercie.

  2   M. le Président (interprétation). - Je propose que nous

  3   regardions maintenant la vidéo que vous avez mentionnée et ensuite que

  4   nous fassions une pause entre 11 heures 45 et

  5   midi. Je vous remercie.

  6   Me Fila (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges, avant

  7   de vous montrer la bande vidéo, j'aimerais vous donner certaines

  8   explications. C'est une cassette qui nous a été remise par l'accusation.

  9   C'est M. Dokmanovic en 1993, donc deux ans après les événements en

 10   question sur lesquels porte l'affaire. J'aimerais attirer votre attention

 11   sur les faits suivants.

 12   (Le témoin est reconduit hors de la salle d'audience)

 13   J'aimerais attirer votre attention sur le chef 19 de l'acte

 14   d'accusation qui dit que Slavko Dokmanovic, en novembre 1991, après la

 15   chute de Vukovar, a repris les fonctions de Président de l'assemblée

 16   municipale et qu'il est resté en ces fonctions jusqu'à la mi-1996.

 17   L'accusation a donc déclaré que M. Dokmanovic, si j'ai bien compris,

 18   jusqu'à son arrestation, était Président et restait Président. C'est la

 19   raison pour laquelle je mets en exergue cette date de 1993.

 20   Veuillez regarder les sous-titres et je demanderai qu'on les

 21   traduise, s’il vous plaît.

 22   Projection de la vidéo :

 23   "Une vie de dignité, d'existence, la population de Vukovar

 24   explique pourquoi on n'a pratiquement rien fait pour reconstruire la

 25   ville. Cela est dû au fait que la plupart des hommes sont sur les lignes,


Page 1820

  1   Vukovar est la plus grande ville de la région de Krajina serbe. C'est un

  2   symbole de ce que l'on n'avait jamais vu dans la région. Elle vient

  3   probablement d'un mélange de la population qui habite dans cette région.

  4   Vukovar a beaucoup souffert. La population a vraiment beaucoup donné pour

  5   la République de la Krajina serbe. Nous espérons qu'avec la renaissance et

  6   la reconstruction de Vukovar, nous allons pouvoir symboliser la

  7   renaissance de la Krajina serbe et c'est la raison pour laquelle je ne

  8   pense pas..."

  9   Me Fila (interprétation). - Il faut traduire le sous-titre sous

 10   les visages. J'aimerais que l'on traduise ce qui se trouvait sous... là.

 11   On peut y lire : "Slavko Dokmanovic, ancien maire de Vukovar". C'est ce

 12   qui était écrit en dessous. Et on peut lire dans le texte "deux ans plus

 13   tard". (Fin de la projection).

 14   J'aimerais que ce fait soit admis comme preuve de l'accusation,

 15   puisque c'est la bande de l'accusation. Je crois que le moment est venu de

 16   proposer à la Chambre, puisque tous ces documents nous viennent de la

 17   radio-télévision serbe, que les documents soient admis comme preuve de la

 18   fiabilité et qu'ils ne soient en faveur, ni de l'accusation, ni de la

 19   défense.

 20   M. le Greffier (interprétation). - D23, et la traduction

 21   anglaise dit D23(a) mais il n'y a pas encore de traduction anglaise.

 22   M. le Président (interprétation). - Pages 6-6-3-8 du greffe.

 23   M. le Greffier (interprétation). - Je ne suis pas sûr pour la

 24   bande vidéo, voulez-vous qu'elle soit admise comme pièce de la défense ou

 25   pièce de l'accusation ?


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  1   M. Fila (interprétation). - J'aurais voulu que cette pièce soit

  2   admise comme pièce de l'accusation puisqu'il s'agit de la cassette de

  3   l'accusation. C'est exactement la même cassette sur laquelle nous avons vu

  4   deux parties qui nous ont été présentées par l'accusation. C'est la même

  5   cassette.

  6   M. Niemann (interprétation). - Aucune objection.

  7   M. le Greffier (interprétation). - Donc la pièce de l'accusation

  8   1-9-3.

  9   M. Fila (interprétation). - Plus ce que je viens de vous

 10   remettre.

 11   M. Niemann (interprétation). - Avons-nous vu ce document ?

 12   Je ne sais pas. Nous a-t-il été remis ?

 13   (le document est remis à Me Niemann.)

 14   M. Fila (interprétation). - Permettez-moi de vous expliquer.

 15   C'est une confirmation qui nous a été donnée par la radio-télévision pour

 16   confirmer que ce sous-titre a bien été réalisé et appliqué sur la cassette

 17   à la radio-télévision et non pas ultérieurement.

 18   M. le Président (interprétation). - Vous nous avez dit que la

 19   date était 1993 alors qu'ici on semble faire référence à un programme

 20   d'information de 1991.

 21   M. Fila (interprétation). - Ce document-ci fait référence à la

 22   première cassette de l'accusation où l'on parle du maire, mais ce qui

 23   concerne 1993, et qui répond à mes besoins, a également été réalisé par la

 24   télévision et les sous-titres ont été également apportés par la

 25   télévision. Donc, ce que l'accusation dit est correct et j'accepte ce


Page 1822

  1   document à mon encontre.

  2   M. Williamson (interprétation). - Ce document est daté du 21/11.

  3   Le reporter dit : « je suis ici avec Slavko, le maire de Vukovar », et

  4   ensuite il se tourne vers le maire et ce qui a été mis en dessous peut

  5   avoir été ajouté par quelqu'un à Belgrade qui ne s'y connaît pas. Donc en

  6   fait, nous nous opposons à la date de 1993 puisque rien ne peut indiquer

  7   et confirmer cette date.

  8   M. Fila (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges, je ne

  9   fais jamais de coups dans le dos. Lorsque Me Williamson indique que le

 10   reporter dit : “Voilà le maître de Vukovar” c'est correct, je l'accepte,

 11   mais le document que j'ai remis se réfère uniquement aux sous-titres, donc

 12   aux inscriptions. En fait, il ne s’agit pas de la même chose. Je ne remets

 13   pas en question la véracité de ce que Me Williamson nous dit ici. C'est

 14   bien entendu quelque chose que le journaliste en question a déclaré mais

 15   ces inscriptions pour le segment qui nous intéresse ainsi que pour le

 16   segment de 1991, ont été réalisées à la radio-télévision à Belgrade.

 17   M. Williamson (interprétation). - Si c'est ce que veut dire

 18   M. Fila, à ce moment-là il n'y a pas d'objection. Mais je sais qu'au

 19   début, lorsque la pièce a été présentée Me Fila s’y est opposé et la Cour

 20   est passée outre. Je voulais simplement que les choses soient claires.

 21   M. le Président (interprétation). - Cette lettre est donc admise

 22   sous la cote D24 et sa traduction sous la cote D24a.

 23   Nous allons lever la séance pour quinze minutes et reprendre à

 24   12 heures 05.

 25   La séance, suspendue à 11 heures 30, est reprise à 12 heures.


Page 1823

  1   M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Juge, avant

  2   d'interroger le témoin, cette vidéo qui a été déposée sous la cote 193, il

  3   faudrait que nous en fassions une copie supplémentaire, que je soumettrai

  4   plus tard au Greffe. J'aurais voulu réagir à la déclaration de Me Fila,

  5   quand il parlait de cette cassette vidéo. Nous nous étions déjà mis

  6   d'accord avec la défense pour dire que Slavko Dokmanovic n'était pas maire

  7   en 1993, et qu'il a été réélu le 10 juin 1994. Cette déclaration a été

  8   remise à la défense le 21 mars, donc nous ne contestons nullement cette

  9   assertion.

 10   M. le Président (interprétation). - Le témoin peut-il faire la

 11   déclaration solennelle ?

 12   M. Cukalovic (interprétation). -  Je déclare solennellement dire

 13   la vérité et rien que la vérité.

 14   M. le Président (interprétation). - Veuillez vous asseoir.

 15   M. Fila (interprétation). - Etes-vous bien installé,

 16   Monsieur Cukalovic, et m'entendez-vous correctement ?

 17   M. Cukalovic (interprétation). – Oui, mais je peux vous dire que

 18   ce n'est pas toujours très agréable d'être devant un Tribunal.

 19   M. Fila (interprétation). - Avez-vous un diplôme de juriste ?

 20   M. Cukalovic (interprétation). - Oui.

 21   M. Fila (interprétation). - Vous avez obtenu un M.A. en 1982 à

 22   la Faculté de droit de Belgrade ?

 23   M. Cukalovic (interprétation). - Oui.

 24   M. Fila (interprétation). - Etes-vous professeur de plein droit

 25   de droit international public ?


Page 1824

  1   M. Cukalovic (interprétation). - Je suis professeur-adjoint.

  2   M. Fila (interprétation). - Au cours de votre carrière, avez-

  3   vous suivi des cours de droit international public à Moscou, à Londres, à

  4   La Haye et autre part également ?

  5   M. Cukalovic (interprétation). - Oui.

  6   M. Fila (interprétation). - Pourriez-vous consulter ce document

  7   (il s'agit de votre curriculum-vitae) et nous dire s'il est correct ?

  8   Avez-vous également écrit tous ces articles et livres qui sont

  9   mentionnés ici ?

 10   M. le Greffier (interprétation). - Document sous la cote D 25.

 11   C'est le curriculum-vitae.

 12   M. Fila (interprétation). - Peut-on montrer à l'expert le

 13   document suivant : cinq copies en serbe et cinq copies en langue anglaise.

 14   (L'huissier s'exécute)

 15   M. le Greffier (interprétation). - D26, traduction anglaise,

 16   D26(a).

 17   Me Fila (interprétation). - S'il vous plaît.

 18   M. le Greffier (interprétation). - D27 et D27(a).

 19   Me Fila (interprétation). - J'ai l'impression que M. Niemann

 20   aimerait dire quelque chose.

 21   M. Niemann (interprétation). - Merci. Madame et Messieurs les

 22   Juges, je ne veux pas m'opposer à l'admission de ces documents, mais

 23   j'aurais voulut faire la remarque suivante. Ceci est un Tribunal

 24   international et je pars du principe que ce témoin est expert en droit

 25   international et bien entendu Madame et Messieurs les Juges, c'est à vous


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  1   décider, de conclure, mais je veux néanmoins vous prévenir que, quel que

  2   soit le témoignage que nous obtenons de ce témoin, il ne faut pas lui

  3   accorder un poids plus important que celui qui pourrait être obtenu par

  4   les déclarations de témoins présentés par l'accusation. Il faudra surtout

  5   se référer et faire la distinction avec les déclarations présentées par le

  6   dernier témoin.

  7   M. le Président (interprétation). - Je me demande si nous

  8   pourrions nous limiter aux questions juridiques pertinentes dans cette

  9   affaire en termes généraux, donc les questions juridiques pertinentes pour

 10   notre affaire.

 11   Me Fila (interprétation). - Monsieur le Président, je vous ai

 12   déjà dit le temps dont j'avais besoin pour interroger mes témoins et je

 13   peux réduire ce temps de moitié, mais vous voyez bien que pour la partie

 14   adverse cela prend beaucoup plus de temps. Etes-vous bien l'auteur des

 15   articles et livres énumérés sur cette liste ?

 16   M. Cukalovic (interprétation) - Oui.

 17   Me Fila (interprétation). - Votre rapport d'expert constitue un

 18   supplément à ces publications ?

 19   M. Cukalovic (interprétation) - Oui.

 20   Me Fila (interprétation). - Je demande que cela soit versé au

 21   dossier comme pièce à conviction de la défense et si j'ai bien compris, il

 22   n'y a pas d'objection de la part du Procureur. Etant donné que je suis

 23   tout à fait d'accord avec votre suggestion, Monsieur le Président, la

 24   défense va poser une seule question à ce témoin. Ce sera vraiment le

 25   minimum.


Page 1826

  1   Quelle est la nature du conflit armé qui a eu lieu sur le

  2   territoire de Croatie au sein de la RSFY durant la période concernée par

  3   l'acte d'accusation, au cours de 1991 ?

  4   M. Cukalovic (interprétation). - Afin de répondre à cette

  5   question, il faut prendre en considération la nature de la guerre qui a eu

  6   lieu sur le territoire de la RSFY.

  7   Il s'agit d'une guerre spécifique, c’est la deuxième fois en

  8   cinquante ans qu'une même guerre a lieu avec les mêmes protagonistes et

  9   des conséquences tragiques semblables. Le premier conflit a eu lieu

 10   parallèlement à l'occupation allemande, ce qui a provoqué le démembrement

 11   de la Yougoslavie de l'époque et la création de l'Etat indépendant croate

 12   de la grande Albanie et Bulgarie sur le territoire du royaume de

 13   Yougoslavie qui s'est démembré.

 14   Le deuxième conflit s’est produit cinquante ans plus tard avec

 15   le but de changer la souveraineté territoriale et créer des Etats

 16   indépendants.

 17   Afin d'arriver à une conclusion par rapport à la guerre sur le

 18   territoire de l'ex-RSFY, il faut commencer avec une analyse comparative,

 19   étant donné que c'est la seule méthode

 20   juridique et historique qui peut permettre à ce Tribunal d'avoir les

 21   documents pertinents et d'arriver à une conclusion quant à la nature du

 22   conflit, pour savoir s'il s'agissait d'un conflit interne ou

 23   international.

 24   La période suivant la première désintégration de la Yougoslavie,

 25   après 1941... Il y a eu de nombreux problèmes durant la première


Page 1827

  1   Yougoslavie qui a été créée en 1918. Il existait trois peuples

  2   consécutifs, les Serbes, les Croates et les Slovènes. Les Serbes avaient

  3   amené en Yougoslavie leur propre souveraineté, avec les Monténégrins.

  4   Dans la deuxième Yougoslavie, après 1945, les problèmes se sont

  5   accentués. Les divisions se sont accrues, entre autres par le biais des

  6   mécanismes constitutionnels. Le nombre de peuples constitutifs s'est

  7   accru, il y en a eu six, six Républiques, et en 1968 le Maspok, le

  8   mouvement massif du peuple croate s'est créé.

  9   Ceci a eu pour conséquence des attaques contre les personnes

 10   militaires, les voitures ayant des plaques d'immatriculation serbes ont

 11   été incendiées, de même que la presse de Belgrade.

 12   Ce mouvement a été réprimé et Franjo Tudjman, le Président

 13   actuel de la Croatie, a été emprisonné à cause de ses activités dirigées

 14   contre l'Etat.

 15   Dans les années 70, des groupes terroristes se sont insérés en

 16   Yougoslavie. Il s'agissait des terroristes croates.

 17   En 1980, Tito est mort. C'était la personne qui symbolisait

 18   l'unité yougoslave et la crise s'est réveillée de nouveau.

 19   Le problème était causé par le fait que des partis d'orientation

 20   nationale sont arrivés au pouvoir dans toutes les Républiques, sauf en

 21   Serbie et au Monténégro, où les dirigeants élus par le peuple ont opté

 22   pour la sauvegarde de la Yougoslavie.

 23   Afin de trouver une issue à cette difficile situation, les

 24   membres de la présidence se sont rendus dans différentes capitales des

 25   Républiques pour essayer de trouver une solution


Page 1828

  1   pacifique.

  2   Cependant, la Croatie a commencé à importer les armes de manière

  3   illégale et l'ancien ministre de la Défense de Croatie, Martin Spegelj, a

  4   affirmé que la Croatie importait les armes de Suisse avec l'assistance de

  5   la Hongrie pour satisfaire aux besoins de l'armée croate, qui s'armait de

  6   manière secrète. Donc déjà, à l'époque, les unités paramilitaires croates

  7   existaient.

  8   Le 17 octobre 1990, dans le communiqué de la Présidence de la

  9   RSFY, il est dit que les relations entre les unités fédérales se sont

 10   dégradées de telle manière que les contacts n'existent presque pas et se

 11   traduisent par des conflits. Il a été ajouté que le danger de la guerre

 12   existait également.

 13   En 1990, le ministère de la Défense de la Yougoslavie a publié

 14   un document concernant l'importation des armes illégales en Slovénie et en

 15   Croatie et le 9 janvier 1991, une décision a été prise pour démembrer

 16   toutes les unités paramilitaires. Il a été répondu ainsi en disant : "La

 17   République de Croatie, pour défendre sa souveraineté économique et

 18   politique, utilisera tous les moyens et mobilisera tout le peuple serbe à

 19   l'intérieur et à l'étranger." Stipe Mesic qui, à l'époque, était le

 20   Président de la Yougoslavie, a dit : "La Croatie a opté pour la défense et

 21   s'est armée".

 22   Bientôt, après, il y a eu l'escalade du conflit entre les unités

 23   paramilitaires croates et les Serbes en Croatie, qui se sont organisés

 24   eux-mêmes, n'ayant pas oublié la leçon qu'ils ont tirée de leurs

 25   souffrances pendant la Deuxième Guerre mondiale.


Page 1829

  1   L'état-major de l'armée populaire yougoslave a siégé et a

  2   considéré que le tout constituait tout simplement le début de la guerre

  3   civile.

  4   Lors de la réunion tenue par la présidence de la Yougoslavie et

  5   le commandant suprême de la JNA, il a été proposé d'introduire un état

  6   d'urgence afin d'éviter la guerre civile. Cette proposition a été rejetée

  7   par la majorité des voix.

  8   Peu de temps après, la Croatie a entamé une offensive

  9   diplomatique ; les

 10   représentants croates se sont rendus dans les capitales de

 11   l'Union européenne, à Moscou, etc. En 1991, Stipe Mesic a été élu au poste

 12   de président de la Yougoslavie. Seulement deux jours plus tard, il s'est

 13   adressé à l'Allemagne pour demander la reconnaissance de la Slovénie et de

 14   la Croatie. Je cite Gros Galbert, l'ancien ambassadeur allemand à

 15   Belgrade : "La plupart d'entre eux sont malhonnêtes, ils ne disent pas la

 16   vérité, ils essaient d'abuser de la confiance de la communauté

 17   internationale et de la tromper".

 18   En 1991, la Slovénie, se basant sur un référendum au sein duquel

 19   son peuple s'est exprimée, a pris la décision, le 25 juin 1991, de son

 20   indépendance et la Croatie a adopté le même jour une décision

 21   constitutionnelle sur la souveraineté et l'indépendance de la République

 22   de Croatie.

 23   Quelle était la réaction des instances fédérales à cela ? En ce

 24   qui concerne la sortie de ces entités de la Yougoslavie, la Cour

 25   constitutionnelle a réagi en abrogeant les articles 2, 3 et 4 de la


Page 1830

  1   déclaration d'indépendance et l'acte juridique concernant l'indépendance

  2   et la souveraineté en disant que le droit des peuples à

  3   l'autodétermination, qui va jusqu'au droit à la sécession, ne peut pas se

  4   réaliser, selon l'opinion de la Cour constitutionnelle, de manière

  5   unilatérale par les Républiques.

  6   Ce droit peut être réalisé seulement d'une manière qui serait

  7   conforme à la Constitution yougoslave et qui recevrait l'aval de chaque

  8   peuple et de chaque citoyen d’une République.

  9   La proclamation unilatérale de l'indépendance croate constitue

 10   la violation des dispositions de la Constitution de la RSFY dans sa nature

 11   d'Etat commun des peuples de Yougoslavie dans les frontières yougoslaves

 12   en tant qu'Etat fédéral.

 13   Le ministère de la Défense a envoyé un communiqué à la

 14   présidence de la Yougoslavie. Celle-ci a pris en considération les

 15   problèmes apparus dans le territoire de la Yougoslavie et a estimé que, de

 16   manière secrète, les armes étaient apportées et distribuées au

 17   peuple, que les lois étaient violées et qu'un danger de rebellion et de

 18   conflit était réel -et ce conflit pouvait avoir des conséquences négatives

 19   et tragiques immenses. La présidence a décidé...

 20   M. le Président (interprétation). - Veuillez ralentir.

 21   M. Cukalovic (interprétation). - Pas de problème.

 22   La présidence a donné l'ordre selon lequel, sur tout le

 23   territoire de la Yougoslavie, toutes les unités armées qui ne font pas

 24   partie des forces armées de la Yougoslavie doivent être dissoutes dans un

 25   délai de dix jours. Dans le paragraphe 5 de l'ordre, il était prévu que


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  1   l'armée yougoslave assure la protection de tous les citoyens sur tout le

  2   territoire de la RSFY.

  3   Les premiers grands incidents éclatent tout de suite après.

  4   Rappelons-nous certains d'entre eux.

  5   Les unités paramilitaires croates, dans la ville de Pakrac, à

  6   majorité serbe, ont attaqué la municipalité et, afin d'éviter l'escalade

  7   du conflit, les unités de la JNA y ont été envoyées. Elles ont été

  8   accueillies par des tirs de feu. Durant la réunion de la présidence de la

  9   présidence, le chef du commandement suprême, Veljko Kadijevic, a informé

 10   la présidence que les mesures proposées n'étaient pas mises en oeuvre. Il

 11   a proposé l'instauration de l'état d'urgence. Ceci a été refusé.

 12   Après ces incidents, il y a eu des incidents à Puijisko Jezero

 13   et à Korenica. Suite à cela, la présidence a donné l'ordre à la JNA

 14   d'intervenir pour arriver au cessez-le-feu et d'augmenter le niveau de

 15   préparation pour ses opérations de combat.

 16   Martin Spegellj a été poursuivi en justice. Au début de son

 17   procès, il y a eu une attaque contre la cour militaire à Zagreb. De

 18   nouveaux incidents ont eu lieu à Borovo Selo, en Slavonie orientale, à

 19   Knin et, quelques temps après, ailleurs en Croatie. C'était à Trogir, et

 20   cela a eu pour résultat d'augmenter l'état de préparation des forces

 21   armées. Vous avez pu voir sur la bande vidéo, hier, l'incident qui a eu

 22   lieu à Trogir*.

 23   Tout cela a eu pour conséquence de perturber l'ordre public et,

 24   selon la loi internationale et interne, la JNA à ce moment-là a eu le

 25   droit de réagir de manière conforme, tout comme l'armée l'a fait en


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  1   Turquie, en Algérie, ou en Irlande du Nord.

  2   Donc, si l'on se base sur la Constitution yougoslave de 1974 et

  3   sur la pratique d'autres Etats dans les situations semblables, on peut

  4   dire que la JNA avait le droit d'empêcher la sécession, conformément au

  5   droit international et à la Constitution yougoslave.

  6   En se fondant sur ces opinions théoriques et sur l'analyse des

  7   documents internationaux de même que sur la jurisprudence et la pratique

  8   dans d'autres Etats, et conformément à la loi, il est possible d'arriver à

  9   la conclusion concernant la question de savoir si la population yougoslave

 10   agissait en tant qu'agresseur dans son propre territoire ou bien si elle

 11   respectait le droit international et ses propres dispositions

 12   constitutionnelles.

 13   Il est plus judicieux de dire que l'action de la JNA était

 14   légitime. Peut de temps après, il est devenu visible qu'en Yougoslavie, un

 15   conflit interne avec des conséquences inimaginables avait lieu entre les

 16   Républiques et les peuples qui souhaitaient faire sécession et les

 17   Républiques, les peuples et la JNA de l'autre côté qui souhaitaient

 18   sauvegarder l'unité de l'Etat fédéral unitaire.

 19   L'armée populaire yougoslave agissait en conformité avec tous

 20   les arguments que nous avons exposés ici, en conformité avec la

 21   Constitution et la charte des Nations Unies et cette année, l'année 1991,

 22   a été marquée par un grand nombre de victimes des deux côtés.

 23   Durant cette année 1991, tous les arguments que nous venons

 24   d'exposer démontrent qu'il s'agissait d'un conflit qui se déroulait au

 25   sein d'un même pays de la République socialiste fédérale de Yougoslavie


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  1   et, ce, entre les peuples qui souhaitaient faire sécession et les peuples

  2   et la JNA qui souhaitaient sauvegarder l'Etat fédéral.

  3   L'armée yougoslave, agissant conformément à la constitution et

  4   la charte des Nations Unies, n'avait aucun autre choix que d'opter pour le

  5   maintien du pays. Si l'on essaie de

  6   trouver des arguments qui corroboreraient une affirmation contraire, il

  7   serait très difficile de se baser sur un document juridique, que ce soit

  8   un document international interne, donc tout nous mène à conclure que

  9   durant l'année 1991, sur le territoire de la Yougoslavie, un conflit armé

 10   interne et non pas international a eu lieu.

 11   La guerre a eu lieu au sein des frontières de la Yougoslavie,

 12   entre ces citoyens qui avaient des buts politiques différents. Il faudrait

 13   maintenant que l'on se penche sur les arguments juridiques.

 14   Le conflit international, par définition, se déroule entre des

 15   Etats et un conflit interne se déroule entre les citoyens d'un pays ou

 16   bien entre une partie des citoyens et le pouvoir central.

 17   Afin de mieux comprendre ce qu'est un conflit interne et ce

 18   qu'est un conflit international, je vais citer une opinion assez ancienne

 19   par rapport au caractère de la guerre et une autre opinion moderne.

 20   Déjà Rivière, dans son livre "les bases du droit international"

 21   de 1899 a souligné : "Il y a une différence entre une vraie guerre, qui

 22   est une guerre entre les Etats, et une guerre civile. La guerre qui

 23   concerne le droit international est seulement la guerre entre les Etats,

 24   la guerre civile n'est pas une guerre qui concerne le droit international.

 25   Les autorités se trouvent face aux rebelles et peut les traiter comme des


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  1   adversaires. A la différence d'un conflit international dans lequel les

  2   belligérants sont les Etats, les conflits armés internes se déroulent au

  3   sein d'un même territoire, du territoire d'un Etat entre les groupes

  4   opposés des citoyens de ce même Etat."

  5   Les causes de cela peuvent être différentes, les hostilités

  6   raciales, nationales, de tribu, religieuses etc.

  7   L'étendue de ce genre de conflit peut aussi être différente. Une

  8   définition moderne du Président de "International law association" est la

  9   suivante :

 10   Dans un conflit armé international, les belligérants sont égaux,

 11   ce qui reflète l'égalité des Etats souverains. Quant aux conflits armés

 12   internes, étant donné qu'ils se passent sur un territoire sur lequel les

 13   autorités légales ont la suprématie territoriale, il est logique de dire

 14   que les conflits internes relèvent de la compétence des autorités de

 15   l'Etat.

 16   Le recours à la force pour changer l'Etat existant est

 17   caractérisé par tous les systèmes mondiaux comme un comportement négatif

 18   quelles que soient les raisons. Le gouvernement légal utilise ses forces

 19   armées pour s'opposer aux insurgés et les punit sur la base de la loi

 20   pénale.

 21   Donc si ce Tribunal doit arriver à la conclusion concernant le

 22   caractère de la guerre en 1991, et notamment par rapport à la date

 23   critique du 20 novembre, il est nécessaire d'abord de prouver qui était

 24   l'objet de la guerre dans l'ex-Yougoslavie à l'époque, c'est-à-dire qu'il

 25   est nécessaire de savoir si, à cette époque-là, la Croatie était un Etat


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  1   indépendant du point de vue juridique et du point de vue du droit

  2   international.

  3   Si la Croatie était un Etat indépendant à l'époque, il

  4   s'agissait d'une guerre internationale. Dans le cas contraire, il ne

  5   s'agissait pas d'une guerre internationale mais interne. Nous disposons

  6   déjà de suffisamment d'éléments qui démontrent que durant l'année 1991, un

  7   conflit a eu lieu sur le territoire de la Yougoslavie entre les peuples

  8   qui souhaitaient faire sécession et les peuples qui souhaitaient

  9   sauvegarder l'unité du pays, et la JNA qui garantissait, selon la

 10   Constitution, la souveraineté de l'Etat et devait agir conformément à la

 11   Constitution. Donc aucune action illégale ne peut entraîner des

 12   conséquences légales.

 13   Si la Croatie s'est constituée en tant qu'Etat d'une manière

 14   illégale, il est certain qu'elle ne peut pas être reconnue en tant qu'Etat

 15   au cours de l'année 1991. C'est pourquoi nous souhaitons maintenant

 16   attirer votre attention sur les arguments juridiques.

 17   De quelle manière peut-on traiter la sortie de la Croatie de la

 18   Fédération yougoslave en 1991 et par la suite ? S'agissait-il d'une action

 19   qui s'est effectuée conformément au droit

 20   international et interne ou non ? Si tel n'était pas le cas, en ce qui

 21   concerne la reconnaissance de la Croatie, cela veut dire que d'autres

 22   éléments ont été pris en compte, et non pas les éléments juridiques. Donc

 23   il s'agissait des éléments politiques qui ne devraient pas intéresser ce

 24   Tribunal. Nous allons donc maintenant nous pencher uniquement sur l'aspect

 25   juridique.


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  1   La sécession de certaines Républiques qui se sont retirées de la

  2   mère-patrie, l'Etat fédéral les a qualifiées de "sécessionnistes". Les

  3   représentants des Républiques qui se sont retirées ont décrit leur acte

  4   comme un acte d'autodétermination. Lorsque vous vous retirez d'un Etat,

  5   cela fait éclater un Etat, mais lorsque l'on parle du principe

  6   d'autodétermination, on peut s'expliquer de façon différente et c'est la

  7   raison pour laquelle nous allons essayer et démontrer en se fondant sur la

  8   théorie du droit international et sur la jurisprudence des cours

  9   internationales et des tribunaux internationaux, nous allons essayer de

 10   trouver une réponse à la question suivante : le fait que la Croatie se

 11   soit retirée de la Yougoslavie est-il un acte de sécession ou un acte

 12   d'autodétermination ?

 13   En théorie et niveau du droit international, le principe

 14   d'autodétermination peut être expliqué par le fait que des peuples, pour

 15   des raisons historiques, n'ont pas été en mesure de créer leur propre

 16   Etat.

 17   La charte des Nations Unies dans son article 1 paragraphe 2 met

 18   en exergue ce qui suit : "La création de relations amicales entre nations

 19   se fondant sur le respect des principes d'égalité et d'autodétermination

 20   de la nation, ainsi que l'adoption de mesures allant dans ce sens et ce,

 21   dans le but de renforcer la paix en général".

 22   En son article 55, on peut lire : "Dans le but de créer une

 23   situation de stabilité et de bien-être indispensable pour assurer des

 24   relations paisibles et amicales entre nations, et en se fondant sur les

 25   principes d'égalité et d'autodétermination des peuples, les Nations


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  1   Unies..." etc.

  2   Pendant de longues années, dans le cadre de la théorie du droit,

  3   un débat a été mené

  4   pour savoir quelle était la notion même d'autodétermination.

  5   Certains scientifiques estimaient qu'il s'agissait d'une notion

  6   politique alors que d'autres étaient d'avis que la question était d'ordre

  7   juridique. Ainsi, par exemple, Wright et Duncan sont d'avis qu'il s'agit

  8   d'une question d'ordre politique alors que Brighton estime qu'il s'agit

  9   d'une question politique.

 10   Si l'on estime qu'il s'agit d'un principe politique,

 11   l'autodétermination en tant que principe politique est apparue lors de la

 12   révolution américaine et française, et la doctrine et la pratique du droit

 13   international tel que nous le connaissons à l'heure actuelle, dans les

 14   temps modernes, considère que l'autodétermination est une partie

 15   composante des modifications et des changements démocratiques de lutte

 16   contre les pressions exercées et ne reprend pas l'idée de séparatisme.

 17   M. le Président (interprétation). - Parlez de

 18   l'autodétermination en Croatie sans faire référence à tout le reste car

 19   nous disposons de vos deux documents écrits.

 20   M. Fila (interprétation). - Avec votre permission, Mesdames et

 21   Messieurs les Juges, vous n'avez pas besoin de répéter tout ce qui a été

 22   écrit mais passez à la question qui vous a été posée. Pourquoi estimez-

 23   vous qu'il s'agit d'un conflit interne et non pas d'un conflit

 24   international ? En effet, les deux parties ont lu le document, donc dites-

 25   nous simplement quel est votre avis et expliquez-nous pourquoi vous avez


Page 1838

  1   cet avis en question.

  2   M. Cukalovic (interprétation). - Parlons maintenant du problème

  3   de la Croatie. La Croatie en 1991, le 20 novembre 1991, existait-elle en

  4   tant qu'état et ceci, du point de vue de droit international, ou non ? La

  5   Croatie était-elle un état indépendant ou non le 20 novembre 1991 ?

  6   M. Cukalovic (interprétation). - Dans la communauté

  7   internationale et dans le cadre du droit international, des relations

  8   internationales, pour qu'une entité puisse être qualifiée d'état, elle

  9   doit répondre à trois éléments, à trois caractéristiques fondamentales.

 10   Premièrement,

 11   le territoire, deuxièmement, la population et troisièmement, un

 12   gouvernement souverain.

 13   Prenons ces trois éléments et essayons de les voir à la lumière

 14   de la Croatie.

 15   Le territoire... La Croatie disposait d'un territoire dont les

 16   frontières avaient été définies de façon administrative et non pas

 17   internationale Pour ce qui est de la population de ce territoire, en

 18   Croatie, vous avez des Croates et des Serbes qui vivaient dans cette

 19   République.

 20   Plus de 12 % de Serbes vivaient en Croatie. C'est la raison pour

 21   laquelle la population à l'époque était divisée. D'une part, vous aviez

 22   les Croates qui sont prononcés en faveur du retrait de la République

 23   fédérale socialiste, alors que le peuple serbe s'est prononcé en faveur...

 24   voulait rester au sein de l'état fédéral.

 25   C'est la raison pour laquelle vous avez eu deux parties de la


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  1   Croatie <= qui se sont prononcées de façon différente.

  2   Nous arrivons maintenant au gouvernement souverain. Le troisième

  3   volet, la troisième condition.

  4   Pour qu'un état donné puisse se déclarer comme tel, il doit

  5   disposer d'un territoire clairement défini avec des frontières

  6   internationales. Sa population doit être permanente et non pas nomade et

  7   troisièmement, cet état doit disposer d'une autorité, d'un pouvoir, d'un

  8   gouvernement souverain.

  9   Qu'est-ce que c'est que ce gouvernement souverain ? C'est une

 10   autorité souveraine et suprême sur un territoire donné et une population

 11   donnée.

 12   Qu'entendons nous par une autorité suprême ?Il s'agit en fait

 13   d'une autorité qui exerce un pouvoir administratif et effectif sur un

 14   territoire et une population donnés.

 15   Examinons ce point.

 16   La Croatie pouvait-elle exercer de façon effective un contrôle

 17   administratif sur la totalité de son territoire ?

 18   M. Fila (interprétation). - Pourriez-vous vous en tenir à 1991 ?

 19   M. Cukalovic (interprétation). - Oui je parle justement de 1991.

 20   La législation croate était-elle appliquée par exemple à Knin en

 21   Slavonie orientale et occidentale ? Non. La police militaire de Zagreb de

 22   Croatie pouvait .... Est-ce que ces forces de police de Zagreb pouvaient

 23   se rendre à Knin pour arrêter quelqu'un ? Non. La cour, les tribunaux

 24   deZagreb étaient-ils en mesure d'exercer leur pouvoir et leur autorité à

 25   Knin ? Non. Pourquoi ? Parce-que la Croatie n'avait pas de pouvoir


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  1   souverain ni d'autorité souveraine sur l'ensemble de son territoire.

  2   Prenons maintenant la théorie de droit international et de

  3   jurisprudence. Essayons de voir comment elle prend, ou comment elle décrit

  4   des Etats qui n'ont pas de pouvoir ni d'autorité souveraine.

  5   Je vais citer ... on à parlé de la Finlande, et suivez de près

  6   ce que je vais vous dire.

  7   La commission s'est référée pour savoir comment définir

  8   l'autorité souveraine qui est une nécessité sine qua non pour la

  9   Constitution de la Finlande en tant qu'Etat souverain.

 10   Certains éléments essentiels pour assurer l'existence d'un état

 11   n'existaient pas. Il y avait une vie sociale qui n'était pas organisée.

 12   Les autorités n'étaient pas suffisamment puissantes et ne pouvait pas

 13   renforcer ou affirmer leur autorité, ce qui était plus important encore,

 14   il y avait un état de guerre civile. Le gouvernement avait été chassé, ne

 15   pouvait pas s'acquitter de ses devoirs

 16   Maintenant, nous arrivons au point le plus important. Il est

 17   difficile de dire à quelle date l'état finlandais a été constitué au sens

 18   juridique du terme. Ceci n'a pas pu se faire avant la création d'une

 19   organisation politique stable, cela n'a pas non plus été le cas avant que

 20   les organisations politiques soient suffisamment fortes pour pouvoir se

 21   défendre sur l'ensemble du territoire contre l'attaque de troupes

 22   étrangères.

 23   C'est la raison pour laquelle une commission internationale en

 24   la matière a conclu en disant que si une entité se déclarant être un état

 25   n'est pas en mesure d'assurer un contrôle sur


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  1   l'ensemble de son territoire, on ne peut pas considérer que cette entité

  2   soit un état dans l'acception du droit international.

  3   Nous allons poursuivre.

  4   La proclamation d'indépendance de la Croatie et de Slovénie et

  5   les décrets en la matière ont été déclarées anti-constitutionnelles par

  6   décret de la Cour Constitutionnelle de Yougoslavie. La Cour

  7   Constitutionnelle a décrété que ces actes d'indépendance ne respectaient

  8   pas la Constitution telle qu'elle prévalait à l'époque.

  9   Le 29 novembre 1991, c'est-à-dire après la date en question, la

 10   Commission Badinter, je suis sûr que nous allons en parler ultérieurement,

 11   déclare dans son avis n°1 "Jusqu'à présent, la RSFY a maintenu son

 12   caractère international. Ceci signifie que dans son avis, la Commission

 13   Badinter a déclaré que la Yougoslavie entre toujours dans le cadre du

 14   droit international, donc elle existe. Donc si la Yougoslavie existe, à ce

 15   moment-là, sur le même territoire, nous ne pouvons pas avoir deux états

 16   différents.

 17   Une autre conclusion : le recours à la force a entraîné un

 18   conflit armé -j'attire votre attention tout particulièrement sur ce point-

 19   conflit armé entre les différents éléments de la Fédération. Donc on le

 20   dit très clairement ici. On dit qu'en 1991, le 29 novembre 1991, et ce,

 21   sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, il y avait un conflit interne entre

 22   les membres de la Fédération.

 23   D'autre part, si nous essayons de voir comment fonctionnaient

 24   les agences fédérales et les autorités de Yougoslavie, on peut voir que

 25   jusqu'à fin novembre ou plus précisément jusqu'au 5 décembre, l'état


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  1   fédéral, en l'occurrence la RSFY été présidé par un Croate. Alors dites-

  2   moi, existe-t-il un état qui puisse être en guerre contre un autre état et

  3   en même temps, un citoyen de cet autre état fait fonction de Président du

  4   premier état ? Le ministre de la Défense était Croate, lui aussi. Le

  5   premier ministre de la Fédération était un Croate, le ministre des

  6   affaires étrangères, lui aussi, étaient croate.

  7   C'est la raison pour laquelle les représentants de la Croatie

  8   ont participé aux travaux des autorités fédérales. Stipe Mesic a été démis

  9   de ses fonctions le 5 décembre, mais tous les autres sont restés. Donc les

 10   représentants de la Croatie ont participé aux travaux des autorités

 11   fédérales, mais comment peut-on interpréter les choses si on part du

 12   principe que la Yougoslavie est un état, comment peut-elle être en guerre

 13   contre la Croatie si nous partons du principe qu'il s'agit d'un état ?

 14   Comment, si les citoyens du pays contre lesquels elle serait en guerre

 15   occupent les fonctions de direction de ce pays ? La situation était la

 16   suivante : en Yougoslavie, en 1991, on se trouvait en présence d'un

 17   conflit qui visait à maintenir la souveraineté et l'intégrité territoriale

 18   de Yougoslavie.

 19   Permettez-moi de vous rappeler une déclaration faite par le

 20   Président des Etats-Unis en 1945. Il a déclaré qu’il fallait que la

 21   souveraineté de ces pays constitutifs des Nations Unies soit respectée

 22   tout particulièrement.

 23   C'est la raison pour laquelle, en 1991, la Yougoslavie tentait

 24   de maintenir son intégrité territoriale.

 25   M. le Président (interprétation). - Je crains que nous soyons


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  1   obligés de nous arrêter à 13 heures 05. Combien de temps vous faut-il

  2   encore ?

  3   M. Cukalovic (interprétation). - Il me faut encore quinze

  4   minutes.

  5   M. le Président (interprétation). - Vous pouvez donc poursuivre

  6   jusqu'à 13 heures 15.

  7   M. Cukalovic (interprétation). - Je serai aussi bref que

  8   possible. Il est très intéressant de voir quelle était la position

  9   officielle du Président des Etats-Unis d’Amérique. Monsieur Baker a mis en

 10   exergue le fait que la Slovénie et la Croatie ont proclamé leur

 11   indépendance de façon unilatérale et ceci sans tenir compte des mises en

 12   garde, Ils ont donc eu recours à la force pour définir eux-mêmes leurs

 13   frontières. Cet acte a eu pour conséquence un conflit civil. Nous avions

 14   prédit que cela allait se produire.

 15   D'autre part, ce qui est intéressant également, c'est de

 16   répondre à la question suivante : qui qualifie le conflit sur le

 17   territoire d'un Etat donné ? Quelle est l'instance qui s'en charge ? C'est

 18   le Conseil de sécurité. Alors essayons de voir ce qu’a fait le Conseil de

 19   sécurité.

 20   Dans sa résolution 713, le Conseil de sécurité, en date du

 21   25 septembre 1991, a souligné ce qui suit : “fortement préoccupé par les

 22   conflits en Yougoslavie”, donc le Conseil de sécurité parle de conflit sur

 23   le territoire de la Yougoslavie.

 24   Dans sa résolution 721, le Conseil de sécurité est fortement

 25   préoccupé par le conflit en Yougoslavie, le 27 novembre.


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  1   Le Conseil de sécurité, dans toutes ses déclarations, suit la

  2   notion suivante : il déclare qu'il y a un conflit sur le territoire de la

  3   Yougoslavie.

  4   Par conséquent, si le Conseil de sécurité déclare que le conflit

  5   a lieu sur le territoire de la Yougoslavie, et c'est là l'organe chargé du

  6   maintien de la paix et de la sécurité au niveau international, et c'est la

  7   seule instance qui puisse qualifier un conflit donné, si telle est sa

  8   position, il n'y a aucune argumentation permettant de dire qu'en 1991 la

  9   guerre en Yougoslavie, et tout particulièrement le 20 novembre 1991, ne

 10   puisse qualifier ce conflit comme étant international, ce n'est pas le

 11   cas.

 12   Pour conclure, le projet de Statut du Tribunal pénal

 13   international pour l'ex-Yougoslavie, dans le projet de Statut, déclare

 14   qu'un acte ne peut pas être considéré comme étant un acte d'agression aux

 15   fins du présent Statut si le Conseil de sécurité n'a pas déclaré au

 16   préalable qu'un Etat a commis un acte d'agression.

 17   Le Conseil de sécurité, dans sa résolution, parle de

 18   Yougoslavie, donc d'un conflit sur le territoire de la Yougoslavie.

 19   C'est la raison pour laquelle, si un conflit a lieu sur le

 20   territoire d'un Etat donné et ce, entre les citoyens de cet Etat, et si le

 21   Conseil de sécurité ne qualifie pas ce conflit comme étant de nature

 22   internationale, et si la Croatie ne dispose pas d'un seul élément

 23   nécessaire à la

 24   reconnaissance de son territoire, à ce moment-là, on peut conclure en

 25   disant que la guerre sur le territoire de l'ex-Yougoslavie en 1991, la


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  1   date critique du 20 novembre 1991, c'est bien un conflit interne. Je

  2   voulais être aussi bref que possible.

  3   M. Fila (interprétation). - Juste un instant encore. Vous avez

  4   oublié de parler de l’avis Badinter. Pourriez-vous dire un ou deux mots

  5   là-dessus.

  6   M. Cukalovic (interprétation). – Oui, j'ai essayé d'être aussi

  7   bref que possible puisque c’est ce qu’on m'avait demandé.

  8   M. le Président (interprétation). - Vous avez fait référence à

  9   l’avis n°1 ?

 10   M. Cukalovic (interprétation). - Oui. J'en ai parlé jusqu'au

 11   29 novembre mais je n'ai peut-être pas fait référence à l’avis de la

 12   commission qui vous intéresse. Je ne sais pas si je vais pouvoir le

 13   trouver.

 14   M. le Président (interprétation). - C'est le n°11, je crois.

 15   M. Cukalovic (interprétation). - Il s'agit du traitement de la

 16   proclamation ou de la déclaration d'indépendance des Etats de Slovénie et

 17   de Croatie. Je l'ai ici, le n°11, le n°16.

 18   La situation est identique pour les Républiques de Croatie et de

 19   Slovénie. Ces deux Républiques ont proclamé leur indépendance le

 20   25 juin 1991. Cette indépendance a été suspendue le 7 juillet 1991 pour

 21   trois mois et ceci au titre de la déclaration Brioni. Au titre de cette

 22   déclaration, la suspension était valable jusqu'au 8 octobre 1991, après

 23   cela les deux Républiques deviendraient souveraines au titre du droit

 24   international.

 25   Permettez-moi d'analyser ce fait. Il s'agissait du 16 juillet.


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  1   Le 29 novembre, c'est-à-dire quelques mois après que la

  2   commission Badinter ait souligné ce qui suit et les

  3   recommandations Badinter n'ont pas de force obligatoire, ces Républiques

  4   sont devenues États souverains.

  5   L'explication a été présentée le 29 novembre 1991, explication

  6   que je cite : "Des actes indépendants peuvent être traités" et, je cite :

  7   "être traités uniquement dans le sens où

  8   une République exprime sa volonté d'accéder à l'indépendance".

  9   Cette déclaration d'indépendance unilatérale par un Etat ne joue

 10   aucun rôle ou n'entre pas dans le cadre du droit international. C'est un

 11   acte unilatéral par lequel un État ou un pays fait une déclaration,

 12   renonce à un droit donné, qualifie un conflit donné, un jour donné, une

 13   heure donnée. On peut donc imposer un blocus mais pas déclarer

 14   unilatéralement son indépendance. Donc du point de vue du droit

 15   international, cela n'est pas possible.

 16   Si une telle position est acceptée, les arrêts de cette Cour

 17   auront des conséquences... l'arrêt de ce Tribunal aura des conséquences

 18   très importantes. Si un État peut déposer un acte unilatéral, que se

 19   passera-t-il dans le cadre des intérêts politiques ? Ceci signifie

 20   désintégration d'un Etat et par conséquent, chaos politique. Cela

 21   constitue d'autre part une violation des objectifs fondamentaux de la

 22   charte, c'est-à-dire la création d'un monde dans lequel les générations à

 23   venir seront protégées contre les horreurs de la guerre.

 24   M. Fila (interprétation). - Il faudra revoir si l'on croit aux

 25   droits fondamentaux de l'homme et à la prospérité sociale. Pour ce qui est


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  1   du Kosovo, quelle est la déclaration ?

  2   M. Cukalovic (interprétation). - Je serai très bref. Sur le

  3   territoire du Kosovo, la situation est similaire. La communauté

  4   internationale s'est prononcée en faveur de l'unité de la République

  5   fédérale de Yougoslavie. Je fais référence ici à l'année 1998. Il y a

  6   8 ans, une partie de la République fédérale de Yougoslavie, ou plus

  7   précisément une partie de la République de Serbie dans laquelle vit la

  8   minorité albanaise de la région a déclaré de façon unilatérale son

  9   indépendance.

 10   Cette indépendance n'a pas été entérinée par qui que ce soit.

 11   Elle a été rejetée par tout le monde, alors que se passerait-il si,

 12   demain, il était possible d'appliquer une reconnaissance rétrospective de

 13   la République du Kosovo ? A ce moment-là, les actes commis par l'armée se

 14   transformeraient en conflit international. Mais ce n'est pas le seul

 15   exemple. La Tchétchénie a également déclaré son indépendance, mais

 16   personne n'a qualifié ces événements

 17   de conflit international entre la Tchéchénie et la Russie.

 18   Qu'en est-il si demain l'Irlande du Nord, la Corse, le pays

 19   basque et d'autres régions font de même ? Si ce Tribunal arrête le fait

 20   qu'au travers d'un acte unilatéral, on est en mesure de proclamer son

 21   indépendance nationale, je crois que l'arrêt de ce Tribunal aurait des

 22   conséquences très importantes sur le vingt-et-unième siècle.

 23   M. le Président (interprétation). -  Si vous faites référence à

 24   notre Tribunal, c'est à nous de décider. Nous fondons nos décisions sur le

 25   droit.


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  1   Très bien. Si vous avez terminé, je lève la séance. Nous nous

  2   revoyons demain.

  3   La séance est levée à 13 heures 15.

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