Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                           Affaire IT-95-13a-T

  2   POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

  3   Lundi 27 avril 1998

  4   LE PROCUREUR

  5   c/

  6   SLAVKO DOKMANOVIC

  7   L’audience est ouverte à 8 heures 30.

  8   M. le Président (interprétation). - Mesdames et Messieurs,

  9   bonjour. Je demanderais d'abord au greffe d'introduire l'affaire.

 10   M. Bos (interprétation). - Il s'agit de l'affaire IT-95-13a-T,

 11   le Procureur contre Slavko Dokmanovic.

 12   M. le Président (interprétation). - Merci. Les parties peuvent-

 13   elles se présenter, s’il vous plaît.

 14   M. Niemann (interprétation). - Je m'appelle Grant Niemann. Je

 15   comparais avec M. Williamson, M. Waespi et M. Vos.

 16   M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Fila ?

 17   M. Fila (interprétation). - Bonjour, Madame et Messieurs les

 18   Juges. Je m'appelle Tomas Fila. Je comparais avec M. Petrovic et

 19   M. Lopicic pour défendre M. Dokmanovic.

 20   M. le Président (interprétation). - Monsieur Dokmanovic, vous

 21   m'entendez-vous ?

 22   M Dokmanovic (interprétation). - Oui.

 23   M. le Président (interprétation). - Merci. Avant de reprendre

 24   l'interrogatoire du

 25   témoin, je voudrais vous dire que vendredi nous avons eu une réunion avec


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  1   les Présidents de Chambres et le Président du Tribunal. Nous sommes

  2   arrivés à un accord quant à établir le calendrier définitif des salles

  3   d'audience pour les mois de mai, juin, juillet et août.

  4   A la suite de cet accord obtenu au cours de la réunion, il

  5   apparaît clairement désormais que nous pouvons siéger en cette affaire

  6   pendant deux semaines en mai, s'agissant de la semaine du 18 au 22 mai,

  7   mais hélas uniquement de 8 heures 30 à 12 heures 30 chaque matin. Nous

  8   aurons quatre heures d'audience y compris, hélas, les interruptions. Puis

  9   nous aurons la quatrième semaine de mai, soit du 25 au 29 mai plus

 10   exactement, et là nous aurons une audience le matin et l'après-midi.

 11   Ensuite; il faudra faire l'impasse sur deux semaines car il y a des

 12   affaires inscrites au rôle.

 13   Nous pourrons reprendre nos audiences le 15 juin et ceci

 14   jusqu'au 18. Nous aurons quatre journées ouvrables. Nous entretenons

 15   l'espoir qu'au cours de cette semaine de juin nous pourrons terminer la

 16   présentation des témoins. Il y aura peut-être des témoins de l'accusation,

 17   mais j'espère que nous pourrons avoir des plaidoiries des deux parties.

 18   Est-ce que ce sera possible en l'espace de quatre jours avec audience le

 19   matin et l'après-midi ? Je sais que c'est un calendrier assez serré mais

 20   il faut faire un effort sinon nous n'aurons pas terminé en juin, alors

 21   qu'en juillet d'autres affaires seront prévues pour cette Chambre de

 22   première instance. Essayons de faire un effort pour en terminer avant le

 23   18 juin. Nous comptons beaucoup sur la coopération des deux partis à ce

 24   procès. Y a-t-il des questions à ce sujet ? Maître Fila.

 25   M. Fila (interprétation). - Est-il coutumier que les résumés ou


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  1   la plaidoirie finale se fassent par écrit et ne fassent l'objet que d'une

  2   brève présentation orale pour ce qui est des derniers arguments présentés

  3   dans le cadre du procès ? C'était le système en Yougoslavie, mais ça ne

  4   veut pas dire que ce système s'applique ici.

  5   M. le Président (interprétation). - Cela pourrait être

  6   excellent, qu'en pense l'accusation ?

  7   M. Niemann (interprétation). - En effet, ceci nous permettrait

  8   de gagner du temps, si effectivement nous avions les arguments définitifs

  9   par écrit avec une brève présentation.

 10   M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, accepteriez-

 11   vous cette procédure ?

 12   M. Niemann (interprétation). - Nous allons coucher quelque chose

 13   par écrit ce sera un résumé qui nous renverra à l'administration de la

 14   preuve, pour dire : voilà, nous avons apporté la preuve de cet élément-ci

 15   ou de cet élément-là, nous avions pensé à quelque chose dans ce goût-là.

 16   Pourtant, nous voulons présenter nos réquisitions. Il faut une

 17   présentation orale pour qu'il y ait un échange d'arguments. Et puis, s'il

 18   y a des questions qui surgissent dans votre esprit, s'agissant de la

 19   présentation à charge ou à décharge, souvent s'il y a une présentation des

 20   derniers arguments, ceci suscite des questions, et vous pouvez les poser,

 21   faute de quoi, c'est un va-et-vient sur des questions pour lesquelles il

 22   n'y a pas vraiment d'arguments par écrit. Nous allons préparer quelque

 23   chose par écrit, un résumé, une synthèse, mais nous avons aussi le souhait

 24   de vous les présenter oralement.

 25   M. le Président (interprétation). - C'est bien ce que proposait


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  1   M Fila. Toutefois, il pensait que la présentation orale pourrait être

  2   assez succincte, suivie de questions certes, mais que l'essentiel des

  3   arguments serait répercuté dans une déclaration écrite. Nous pourrions

  4   ainsi avoir des plaidoiries avec des arguments déjà couchés par écrit.

  5   Tout cela dépend du temps dont vous aurez besoin pour vos témoins

  6   s'agissant de la preuve contraire à apporter. En effet, nous n'avons que

  7   quatre journées de travail en juin.

  8   M. Niemann (interprétation). - Impossible de vous le dire.

  9   M. le Président (interprétation). - Certes, mais s'il vous

 10   fallait simplement deux journées pour la présentation d'éventuels témoins

 11   à charge, vous auriez deux journées pour leur accusation ?

 12   M. Niemann (interprétation). - Je ne pense pas que cela prenne

 13   toute une journée

 14    Monsieur le Président, mais disons trois heures.

 15   M. May (interprétation) - Maître Niemann, quelle est la règle

 16   qui s’applique pour la preuve contraire ? S’agit-il d’éléments de preuve

 17   que vous ne pouviez pas citer lors de la présentation des témoins à

 18   charge ? Est-ce la règle qui s’applique ici, dans ce Tribunal ?

 19   M. Niemann (interprétation). - Si je me base sur l’expérience

 20   que j’ai acquise dans l’affaire Tadic, c’est tout ce que je peux faire. Le

 21   système auquel vous êtes accoutumé -moi aussi d’ailleurs-, diffère quelque

 22   peu de celui qui s’appliquait dans l’affaire Tadic. Si je comprends bien

 23   -ce qui s’applique par exemple dans un système, tel que le système

 24   américain, plus large que celui auquel je suis habitué pour ce qui est

 25   d’éléments supplémentaires-, mais nous nous inspirons de la démarche


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  1   traditionnelle. Seuls les éléments qui surgissent au cours de la

  2   présentation des éléments de preuve à décharge seront évoqués.

  3   A cette différence-ci près, tout du moins dans mon système :

  4   l’accusation a un devoir, une responsabilité, dans une large mesure, sait

  5   anticiper sur la présentation des éléments de preuve à décharge.

  6   Effectivement, il n’est pas possible de poser cette question-là lorsque

  7   nous effectuons en premier lieu la présentation des témoins à charge.

  8   Mais, ceci ne s’est pas passé dans l’affaire Tadic. Des questions qui ont

  9   surgi lors de la présentation des témoins à décharge ont fait l’objet

 10   d’une nouvelle réplique. Je sais que, chez nous, les choses se font

 11   différemment, un peu comme chez vous.

 12   Par conséquent, nous avons cette obligation du côté de

 13   l’accusation. Tout du moins, cela n’existait pas dans l’affaire Tadic,

 14   alors qu’elle existe dans mon système national. Mais je pense que c’est

 15   réglé assez rapidement. Ce n’est pas un processus qui s’éternise.

 16   M. May (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompre. La

 17   difficulté provient de cela : nous avons un calendrier très serré.

 18   Pourquoi est-il serré ? Parce qu’il y a beaucoup d’autres affaires dont le

 19   Tribunal veut se saisir. Il faut donc que notre procès, cette affaire-ci,

 20   soit réglé rapidement.

 21   A titre personnel, je trouve que cette procédure est d’une

 22   portée très restreinte, très réduite. Je suis sûr que cela sera aussi

 23   votre démarche. Vous allez vous occuper de questions pertinentes qui

 24   n’auraient pas été abordées dans la présentation principale des témoins à

 25   charge. Effectivement, vous avez un peu anticipé sur cela, mais je dirai


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  1   que, personnellement, je vais avoir une vision assez ciblée de ces

  2   questions.

  3   Niemann (interprétation). - J’en ai parlé à dessein, lors de la

  4   présentation des éléments à charge en disant que, si vous aviez des

  5   inquiétudes à ce propos, nous pouvions en parler. En effet, ce qui me

  6   préoccupait dans l’affaire Tadic lorsque la question s’est présentée,

  7   c’est bien cela. La démarche adoptée était plus large.

  8   M. May (interprétation). - Ne sera-t-il pas plus raisonnable

  9   d’en discuter à la fin des éléments de preuve à charge, à un moment où

 10   vous savez à peu près sur quoi portent vos arguments ? Il me semble que

 11   c’est à ce moment-là qu’il faudrait traiter les éléments pertinents et

 12   ceux qui ne le seraient pas.

 13   M. Niemann (interprétation). - Tout à fait. Il n’est pas facile

 14   de prévoir les arguments qui seront avancés à ce moment-là mais...

 15   Mme Mumba (interprétation). - Merci. J’espère qu’il ne s’agit

 16   pas de donner l’occasion à l’accusation de faire des choses qu’elle

 17   n’aurait pas encore faites.

 18   M. Niemann (interprétation). - Pas du tout.

 19   M. le Président (interprétation). - Fort bien. Maître Fila ?

 20   Fila (interprétation). - L’article 85 du Règlement se penche sur

 21   le droit qu’a la défense de répliquer aux éléments présentés par

 22   l’accusation. Il y est dit que les moyens de preuve seront présentés dans

 23   l’ordre suivant. Je ne sais pas si cela sera le cas pour moi mais, avant

 24   que je sache si je vais avoir besoin de présenter une duplique, il faut

 25   que l’accusation me dise quels éléments elle va avancer.


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  1   Cela signifie que, au cours de ces quatre jours que nous avons

  2   en mai, si je veux

  3   présenter une duplique, il faudra que je la prépare. Excusez-moi, j’ai

  4   parlé de mai, j’aurais dû parler de juin. J’aurai quatre jours pour la

  5   duplique de la défense. Pour accélérer la procédure -je l’ai dit d’entrée

  6   de jeu-, je n’ai pas d’objection à l’idée d’avoir, au cours du mois de

  7   mai, au moment où j’aurai le temps de présenter mes arguments, je

  8   demanderai que, si l’accusation a des propositions qu’elle juge utiles,

  9   elle les présente au cours de la réplique, ou au moment encore consacré à

 10   la défense. Cela n’est pas contraire aux règles convenues.

 11   le Président (interprétation). - Inspirons-nous alors de ce que

 12   suggérait, dans sa sagesse, le Juge May. Effectivement, en mai, lorsque

 13   vous aurez presque présenté tous vos témoins à décharge, nous pourrons

 14   discuter avec l’accusation du type de réplique qu’elle entend présenter

 15   par la suite.

 16   Passons au témoin suivant, si vous le voulez bien. Il s’agit du

 17   Docteur Bulajic.

 18   (Le témoin est introduit dans la salle d'audience.)

 19   Bonjour Monsieur, je vais vous demander de faire la déclaration

 20   solennelle.

 21   M. Petrovic (interprétation). -  Excusez-moi,

 22   Monsieur le Président. Il y a eu une permutation dans l’ordre des témoins.

 23   Le premier témoin est Dragutin Antic, il devait être second, mais nous

 24   avons permuté l’ordre. Ce sera donc M. Bulajic qui interviendra en second.

 25   Nous avons déjà informé, Vendredi, l’accusation de cette modification.


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  1   M. le Président (interprétation). - Veuillez faire la

  2   déclaration solennelle.

  3   M. Antic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

  4   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  5   M. le Président (interprétation). - Merci. Vous pouvez prendre

  6   place.

  7   Petrovic (interprétation). - Monsieur Antic, le 14 janvier 1998,

  8   avez-vous eu un entretien avec l’enquêteur chargé de la défense,

  9   M. Miroslav Vasic ? A cette occasion, avez-vous signé une déclaration que

 10   j’aimerai vous montrer maintenant ? Je demanderai à l’huissier de montrer

 11   cette déclaration au témoin, déclaration en serbe qui a fait l’objet d’une

 12   traduction

 13   en anglais.

 14   M. le greffier (interprétation). - Il s’agit de la pièce D34,

 15   avec la pièce 34A pour la traduction en anglais.

 16   M. Petrovic (interprétation). - S’agit-il bien de ce document ?

 17   L’avez-vous signé ?

 18   M. Antic (interprétation). - Oui, c’est bien mon document. C’est

 19   une déclaration que j’ai signée le 14 janvier 1998.

 20   M. Petrovic (interprétation). - En l’absence d’objection, je

 21   demanderai que ces documents D34 et D34A soit versés au dossier.

 22   M. Niemann (interprétation). - Pas d’objection.

 23   M. le Président (interprétation). - La pièce est admise.

 24   M. Petrovic (interprétation). - Etes-vous diplôme de la faculté

 25   de Génie agricole, en 1973, à Zagreb ?


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  1   M. Antic (interprétation). - Oui, plus exactement

  2   le 12 avril 1973 j’ai obtenu mon diplôme de Génie naval, notamment.

  3   M. Petrovic (interprétation). - Pouvez-vous répondre par oui ou

  4   par non à mes questions ?

  5   M. Antic (interprétation). - Oui.

  6   M. Petrovic (interprétation). - Où avez-vous travaillé ?

  7   M. Antic (interprétation). - Jusqu'en 1991, au moment où j'ai

  8   quitté Borovo Naselje, je travaillais à l'usine de Borovo. De 1973

  9   jusqu'au moment où la guerre a éclaté dans la région de Vukovar, je

 10   travaillais à la coopérative de Borovo.

 11   M. le Président (interprétation). - Où habitiez-vous ?

 12   M. Antic (interprétation). - J'habitais à Borovo.

 13   M. le Président (interprétation). - Que signifiait cette

 14   coopérative de Borovo pour la région ?

 15   M. Antic (interprétation). - C'est une usine de chaussures et

 16   pour la municipalité de Vukovar, c'était l'agent principal du

 17   développement économique de la municipalité. A cette époque, il y avait

 18   quelque 23.000 employés dont 17.000 ouvriers qui étaient de

 19   Borovo Naselje, de Vukovar et des environs immédiat. Je l'ai déjà dit,

 20   c'était l'agent principal du développement économique de la région, mais

 21   aussi de la municipalité de Vukovar.

 22   M. le Président (interprétation). - Combien y avait-il de

 23   personnes employées au sein de cette usine ?

 24   M. Antic (interprétation). - Ils étaient de Vukovar, de

 25   Borovo Naselje, et des villages se trouvant à 10 ou 15 kilomètres de


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  1   distance. Il y avait 17.000 employés de la région.

  2   M. le Président (interprétation). - Quelles étaient vos

  3   fonctions au sein de la coopérative de Burovo ?

  4   M. Antic (interprétation). - J'ai occupé pratiquement tous les

  5   postes depuis le service de développement de projets jusqu'à la gestion de

  6   la coopérative. En d'autres termes, j'ai franchi tous les échelons depuis

  7   celui d'ingénieur au poste de gestion de direction. J'ai également eu la

  8   chance d'occuper une autre fonction du fait des fonctions dont on m'avait

  9   investi dans la coopérative de Borovo.

 10   M. le Président (interprétation). - Pourquoi et quand avez-vous

 11   perdu ce poste de second de la société ?

 12   M. Antic (interprétation). - C'est à la fin du mois de juin 1991

 13   que j'ai été relevé de mes fonctions sur décision du Conseil Exécutif,

 14   désigné par l'agence de restructuration de la république de Croatie

 15   lorsque tous les organes de gestion de cette société de Borovo ont été

 16   remplacés, avec le Directeur M. Egic. J'ai également été remplacé. Je

 17   pense que ce fut pour des raisons nationales, des raisons ethniques parce

 18   que j'étais Serbe de souche.

 19   M. Petrovic (interprétation). - Qui vous a remplacé ?

 20   M. Antic (interprétation). - Le directeur général et le

 21   directeur adjoint étaient

 22   d'origine ethnique. Un nouveau conseil d'administration a été établi par

 23   cette agence chargée de la restructuration dont j'ai parlé il y a un

 24   instant.

 25   M. Petrovic (interprétation). - Y a-t-il eu d'autres


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  1   remplacements au sein des cadres de la société ?

  2   M. Antic (interprétation). - Pas à ce moment-là à Borovo. Mais

  3   la nouvelle direction voulait donner des instructions à tous les

  4   directeurs des organisations pour savoir quelle fonction ils devaient

  5   assumer. Lorsque j'ai quitté Borovo en août, je ne sais pas si toute la

  6   restructuration avait été réalisée.

  7   M. Petrovic (interprétation). - Quels étaient les critères de

  8   répartition des cadres supérieurs ? Etait-ce en fonction des capacités de

  9   travail, des connaissances de ces personnes ou à partir d'autres

 10   critères ?

 11   M. Antic (interprétation). - Lorsque j'ai été relevé de mes

 12   fonctions et lorsque le directeur général avait lui aussi été relevé de

 13   ces fonctions, ce n'était pas à cause de carence en matière de compétence

 14   mais du fait de notre appartenance nationale.

 15   M. Petrovic (interprétation). - Un quelconque employé de la

 16   société a-t-il été arrêté ?

 17   M. Antic (interprétation). - Oui, concrètement ils ont été

 18   arrêtés. Je parle ici du 31 mai. Le directeur de la production,

 19   M. Milan Miljevic fut arrêté. Il a fait l'objet de tortures physiques. Le

 20   1er juin, il a été libéré. Des barrages routiers avaient été érigés entre

 21   Borovo Selo et Borovo Naselje à l'époque. Cet homme a été l'objet de

 22   sévices ainsi que son chauffeur.

 23   Le 2 juillet, ils voulaient arrêtés le directeur de la société

 24   de chaussures, M. Lasovic qui, grâce à moi, a pu s'échapper de

 25   Borovo Naselje.


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  1   M. Petrovic (interprétation). - Y a-t-il eu des incidents ou des

  2   bâtiments importants appartenant à l'Etat Serbe qui ont été plastiqués ?

  3   M. Antic (interprétation). - Oui, cela s'est produit.

  4   M. Petrovic (interprétation). - Pouvez-vous donner des exemples

  5   concrets ?

  6   M. Antic (interprétation). - Je sais qu'un bar-restaurant a été

  7   plastiqué. Il se trouvait de l'autre côté de la station de bus à Vukovar.

  8   Un kiosque où l'on vendait le journal Politica a également été plastiqué.

  9   M. Petrovic (interprétation). - Qu'est-ce que ce journal

 10   Politica ?

 11   M. Antic (interprétation). - C'est un quotidien publié sur la

 12   maison d'édition Politica. Il vient de Belgrade. Je sais aussi qu'un

 13   restaurant a été plastiqué. C'est en fait un traiteur dont le propriétaire

 14   était d'origine Serbe. Il y a eu d'autres cas au cours desquels des Serbes

 15   ont été tués à Vukovar.

 16   M. Petrovic (interprétation). - Pourriez-vous donner un

 17   exemple ?

 18   M. Antic (interprétation). - Le 2 ou le 1er juillet, je ne me

 19   souviens plus, un travailleur a été tué. Il travaillait à Nama, une chaîne

 20   de grands magasins qui avait un établissement à Vukovar et travaillait au

 21   département des armes. Il a été tué sur le pas de sa porte le 1er ou le

 22   2 juillet. C'était Jakovljevic surnommé Zaltkica, je le sais parce que son

 23   fils fréquentait la même école que le mien. C'est pour cela que je suis au

 24   courant de ce cas.

 25   M. Petrovic (interprétation). - A-t-on parlé de l'auteur de ce


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  1   crime ?

  2   M. Antic (interprétation). - On a dit que ce meurtre a été

  3   commis par des membres du HDZ, mais je ne connais pas l'auteur individuel.

  4   M. Petrovic (interprétation). - Parlez-nous du climat qui

  5   régnait à Borovo Naselje à l'époque, à savoir en été 1991 ?

  6   M. Antic (interprétation). - Je peux vous dire que le climat

  7   depuis avril était assez frustrant, caractérisé par la tension. En effet,

  8   le soir, au crépuscule, les extrémistes du HDZ utilisaient les armes à

  9   feu. Il y a eu des échanges de coups de feu à Borovo Naselje. Cela a semé

 10   la peur, non seulement chez les Serbes, mais aussi chez les croates qui

 11   craignaient ce climat général. C'était le fait des extrémistes. De telles

 12   actions ne servaient à personne, si ce n'est à eux.

 13   M. Petrovic (interprétation). - A-t-on essayé de résoudre le

 14   conflit de façon pacifique ?

 15   M. Antic (interprétation). - Oui, il y a eu des tentatives de ce

 16   genre en février et en mars. Ainsi il y a eu une réunion conjointe à

 17   l'initiative du secrétaire de la Défense Nationale, M. Sekulic. Cette

 18   réunion visait à ce qu'une proclamation soit faite pour calmer cette

 19   question de relations internationales, pour éviter les effets délétères.

 20   J'ai participé à cette réunion. Nous étions environ 25 ou 30 à signer ce

 21   document à l'issue de la réunion et ce document a été publié dans les

 22   journaux locaux de Vukovar.

 23   M. Petrovic (interprétation). - Pourquoi avez-vous dû quitter

 24   Borovo Naselje ?

 25   M. Antic (interprétation). - J'ai dû quitter Borovo Naselje, car


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  1   j'avais peur. Il y a eu ce problème avec le directeur de la société de

  2   Borovo et j'avais peur. J'ai donc utilisé le prétexte d'un voyage

  3   d'affaires à Belgrade pour partir et je suis resté à Belgrade, je suis

  4   resté en Serbie. Je ne suis plus retourné à Borovo Naselje.

  5   M. Petrovic (interprétation). - Depuis quand connaissiez-vous

  6   Dokmanovic ?

  7   M. Antic (interprétation). - Depuis 1990, à la suite des

  8   élections multipartites qui se sont déroulées en Croatie, il a été nommé

  9   Président de l'Assemblée de la municipalité de Vukovar.

 10   M. Petrovic (interprétation). - Quand avez-vous commencé à

 11   coopérer avec lui ?

 12   M. Antic (interprétation). - En 1991, lorsque ces problèmes

 13   entre les différentes nationalités ont commencé à connaître un point

 14   culminant, il était difficile d'aller travailler car il y avait des

 15   barrages routiers.

 16   M. Petrovic (interprétation). - Qu'avez-vous fait ?

 17   M. Antic (interprétation). - Nous avons essayé de suggérer aux

 18   organes de la République de Croatie d'essayer de calmer la situation et

 19   d'établir des relations interpersonnelles et interethniques normales afin

 20   que la production fonctionne normalement à Borovo. Cela veut

 21   dire que j'ai eu uniquement des contacts d'ordre économique, commercial

 22   avec M. Dokmanovic pour ce qui concernait la production de la coopérative

 23   de Borovo. C'est tout ce que nous avons eu comme conversation.

 24   M. Petrovic (interprétation). - Pendant combien de temps avez-

 25   vous eu ces contacts avec M. Dokmanovic ?


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  1   M. Antic (interprétation). - J'ai eu ces rapports avec lui

  2   jusqu'au mois de mai après les ignobles événements qui se sont produits le

  3   2 mai à Borovo Selo. Après cela, je n'ai plus eu l'occasion de rencontrer

  4   M. Dokmanovic. Vers la mi-mai, je me suis rendu à l'Assemblée municipale

  5   et j'ai eu des contacts avec son vice-président, M. Vidic, surnommé

  6   "Bili". J'ai discuté de problèmes du même ordre que ceux que j'avais

  7   abordés avec M. Dokmanovic. A toutes fins utiles, je parlais avec Vidic

  8   jusqu'au moment où j'ai été relevé de mes fonctions fin juin 1991.

  9   M. Petrovic (interprétation). - Quand avez-vous été mobilisé ?

 10   Dans quelle unité ?

 11   M. Antic (interprétation). - J'ai été mobilisé le

 12   15 septembre 1991, on m'a emmené à la caserne de Vukovar à partir de là.

 13   On m'a emmené dans une unité, un détachement de Petrova Gora et je

 14   voudrais vous dire que lorsqu'on m'a inclus préalablement dans un

 15   détachement de la Défense territoriale de Vukovar les années précédentes,

 16   en tant que capitaine de réserve, selon cette initiative, on m'a

 17   probablement envoyé dans ce détachement.

 18   M. Petrovic (interprétation). - Où se trouvait le détachement ?

 19   Quelles étaient vos responsabilités ?

 20   M. Antic (interprétation). - Le détachement se trouvait à

 21   Petrova Gora, c'était le nom de la rue. C'est de là que le détachement

 22   tient son nom. Mes responsabilités logistiques : j'étais technicien

 23   responsable de l'approvisionnement des positions en denrées, en carburant,

 24   en lubrifiant et ainsi de suite. Par la suite, évidemment, j'ai été

 25   responsable de la distribution de l'aide humanitaire.


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  1   M. Petrovic (interprétation). - Qui était commandant de

  2   l'unité ?

  3   M. Antic (interprétation). - Lorsque je suis arrivé au début du

  4   mois d'octobre et jusqu'à cette date, je ne sais pas quel était le

  5   commandement. La brigade faisait partie de la JNA.

  6   M. Petrovic (interprétation). - Avez-vous vu Slavko Dokmanovic

  7   lors de votre séjour à Vukovar en tant que combattant dans cette unité ?

  8   M. Antic (interprétation). - Je ne l'ai pas vu à Vukovar, pas du

  9   tout. Je l'ai vu à une ou deux occasions à Erdut au mois d'août, où se

 10   trouvait le gouvernement de la Slavonie orientale d'alors et je l'ai

 11   rencontré au passage. Moi, je me rendais dans un ministère pour demander

 12   du carburant diesel pour l'unité.

 13   M. Petrovic (interprétation). - Lors de l'approvisionnement en

 14   matières, visitiez-vous les coopératives agricoles dans la région de

 15   Vukovar ?

 16   M. Antic (interprétation). - Oui, nous avons utilisé les

 17   approvisionnements de source locale et pour ce qui concerne les denrées,

 18   c'est ce qu'on a trouvé à Vukovar et dans les villages environnants et

 19   évidemment dans les exploitations agricoles à côté. C'était l'entreprise

 20   d'élevage de cochons, "Ovcara" et d'autres exploitations agricoles,

 21   coopératives. Je m'y suis rendu pour avoir les viandes nécessaires, que ce

 22   soit du boeuf ou du porc.

 23   M. Petrovic (interprétation). - Lors de ce visites, y avez-vous

 24   vu stationner des unités militaires ?

 25   M. Antic (interprétation). - Oui, il y avait des unités


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  1   militaires mais je ne connais pas le déploiement. Ils étaient stationnés

  2   dans les environs, parce que dans toute cette région derrière Vukovar se

  3   trouvaient des unités.

  4   M. Petrovic (interprétation). - Y avait-il de la mécanisation

  5   dans les installations agricoles que vous avez visitées ?

  6   M. Antic (interprétation). - Je n'ai pas fait attention à cela,

  7   mais il y avait évidemment les outils mécaniques normaux que l'on voyait

  8   en temps de paix, toutes sortes de machines agricoles que l'on utilise. Je

  9   n'ai rien vu de différent en plus ou moins que l'on n'ait vu en temps de

 10   paix.

 11   M. Petrovic (interprétation). - Y avait-il de l'eau, de

 12   l'électricité dans les villages des environs de Vukovar ?

 13   M. Antic (interprétation). - Faisons une distinction. Le réseau

 14   de distribution d'électricité et l'eau tel qu'on l'avait vu dans les zones

 15   urbaines, ce n'était pas possible à l'époque tout simplement parce que des

 16   centrales électriques normales avaient été coupées en raison des activités

 17   de la guerre. Il n'y avait donc pas d'électricité et comme il n'y avait

 18   pas d'électricité, les pompes des installations d'eau ne fonctionnaient

 19   pas non plus. L'électricité qu'on avait à Vukovar et l'eau qu'on avait

 20   provenait des puits. On pompait à la main de l'eau à partir des puits et

 21   pour ce qui concerne l'électricité, il y avait des groupes électrogènes

 22   qui utilisaient le pétrole, donc dans certains immeubles, on avait un peu

 23   d'électricité. Mais on n'avait pas d'eau, pas d'électricité. Je suis parti

 24   de Vukovar à la fin de janvier 1992 et je pense que jusqu'au mois d'avril,

 25   il n'y a pas eu d'eau ni d'électricité.


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  1   M. Petrovic (interprétation). - Merci. Parlez un peu plus

  2   lentement si vous le voulez bien. Qui était responsable après les

  3   opérations de guerre dans la ville ? Le savez-vous ?

  4   M. Antic (interprétation). - Pendant toute la guerre, pendant

  5   toutes les opérations de guerre il y avait le régime militaire et surtout

  6   par la suite, lorsque la guerre a pris fin et lorsque la brigade s'est

  7   retirée, alors les autorités militaires ont été remplacées par la brigade

  8   Kragojevac. Le commandant était le Colonel Vujnovic.

  9   M. Petrovic (interprétation). - Savez-vous quand il est venu ?

 10   M. Antic (interprétation). - Il est venu après les opérations de

 11   guerre, après le retrait de la brigade, entre le 24 et le 26 novembre. Je

 12   ne connais pas la date exacte.

 13   M. Petrovic (interprétation). - Y avait-il des organes civiles

 14   ou des autorités civiles dans la région de Vukovar après les opérations de

 15   guerre ?

 16   M. Antic (interprétation). - Après, c'est-à-dire pendant la

 17   guerre, il n'y avait pas de civils, pas d'autorité civile. L'autorité

 18   civile se voyait au début du mois de décembre 1991, et le gouvernement

 19   militaire avait comme responsabilité de rendre possible la vie normale

 20   dans la région et de mettre en place de nouveaux organes de gouvernement

 21   civil pour permettre à ceux qui avaient fui Vukovar, Borovo Naselje et les

 22   villages environnants de revenir. Tout ce que je sais, c'est que vers le

 23   début du mois de décembre...

 24   M. le Président (interprétation). - Ralentissez un tout petit

 25   peu, s'il vous plaît, sinon les interprètes ont du mal à vous suivre,


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  1   merci. Continuez, s'il vous plaît.

  2   M. Antic (interprétation). - Je m'excuse, Monsieur le Président,

  3   je me perds un peu quand je parle. Permettez-moi de terminer ce que je

  4   voulais vous dire. Les autorités civiles n'existaient pas, le régime

  5   militaire devait résoudre ce problème, et, au début du mois de décembre,

  6   le conseil exécutif de l'assemblée municipale a été créé, doté de cinq

  7   membres. Je me souviens que le président était M. Rade Bibic. Il a été

  8   nommé président. Je ne peux pas vous en dire plus. Je n'ai pas participé à

  9   cela et je ne sais pas ce qui s'y est passé.

 10   M. Petrovic (interprétation) - Qu'est devenue votre propriété

 11   ainsi que celle des deux autres personnes qui ont quitté Vukovar et sa

 12   région ?

 13   M. Antic (interprétation). - En ce qui concerne ma propriété, il

 14   s'est passé deux choses : d'un côté, au mois de juillet, lors de la

 15   première attaque, le corps de la garde nationale, le ZNG, est entré dans

 16   ma maison parce qu'on pensait que j'avais des armes, et ils ont détruit

 17   tout mon mobilier pour que je ne puisse plus m'en servir. C'est une des

 18   raisons pour lesquelles j'avais fui.

 19   Ensuite, au cours des opérations de combat, en raison du

 20   pilonnage et des bombardements, une partie de ma propriété a été détruite.

 21   Donc, j'ai perdu à peu près la moitié de ma propriété à cause des pillages

 22   et j'ai perdu l'autre moitié dans les bombardements. Les autres habitants

 23   de Borovo Naselje et Vukovar ont connu le même sort que moi, comme dans

 24   les autres villages. Ceux qui avaient été touchés par la guerre étaient là

 25   et d'autres n'ont pas connu ce sort.


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  1   M. Petrovic (interprétation) - Je n'ai plus de question à poser.

  2   M. Niemann (interprétation). - Vous dites que le gouvernement

  3   était à Erdut ; vous l'avez dit, n'est-ce pas ?

  4   M. Antic (interprétation). - Oui. Le gouvernement, je veux dire

  5   les ministres appropriés. Et puis, parfois, le gouvernement se réunissait

  6   à Erdut et, de temps à autre, je m'y rendais ; au mois d'octobre 1991,

  7   pour être plus précis. J'y suis allé une fois ou deux tout au plus. Je ne

  8   peux pas vous donner de chiffres exacts, mais je m'y suis rendu parce que

  9   je voulais demander de l'aide, pour qu'on me donne -je ne sais pas à

 10   partir de quelle source- du carburant diesel dont on avait besoin pour les

 11   véhicules, surtout pour les ambulances.

 12   M. Niemann (interprétation). - Les provisions que vous cherchiez

 13   vous ont été fournies par le gouvernement, n'est-ce pas ?

 14   M. Antic (interprétation) - Non, non. Le gouvernement ne nous a

 15   jamais fourni quoi que ce soit. Mais j'ai fait la demande auprès des

 16   ministres du gouvernement appropriés pour me mettre en contact avec

 17   quelqu'un ou avec une organisation humanitaire qui fournisse les

 18   ressources dont j'avais besoin quand j'en cherchais. Par exemple, quand on

 19   parle de l'éventualité d'une société relevant de leurs compétences ou

 20   d'une compagnie qui se trouvait dans la République de Serbie, alors j'ai

 21   essayé de résoudre le problème. Alors on m'a mis en contact avec ces gens-

 22   là, je leur ai parlé, je leur ai demandé de donner ces ressources à titre

 23   gratuit parce qu'on n'avait pas les fonds nécessaires pour les acheter.

 24   Voilà comment je m'y suis pris. Je ne m'y suis rendu que quelquefois. On

 25   ne devrait pas en parler parce qu'on ne parle pas de grandes quantités. Au


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  1   fond, j'ai essayé de résoudre ces problèmes à partir des ressources

  2   locales parce qu'il y avait tout de même des ressources locales qui

  3   restaient mais parfois, à la fin du mois d'octobre, lorsque les ressources

  4   locales ne suffisaient plus parce qu'on les avait épuisées.

  5   M. Niemann (interprétation). - Avez-vous vu M. Dokmanovic quand

  6   vous cherchiez ces approvisionnements, quand vous cherchiez à les

  7   obtenir ?

  8   M. Antic (interprétation). - C'est accessoirement que j'ai

  9   rencontré M. Dokmanovic. C'était lui le ministre de l'Agriculture. Je

 10   n'avais rien de commun avec lui. On s'est serré la main. En passant, il

 11   m'a dit bonjour, comme les gens qui se connaissent un peu. Je n'avais pas

 12   d'autres contacts avec M. Dokmanovic. C'est le seul contact que j'ai eu

 13   avec lui. J'ai passé une ou deux secondes avec lui pour lui demander

 14   "comment ça va".

 15   M. Niemann (interprétation). - Au ministre de l'Agriculture ?

 16   C'était l'un des ministres qui était en mesure de vous mettre en contact

 17   avec les gens responsables de l'approvisionnement en diesel, n'est-ce

 18   pas ?

 19   M. Antic (interprétation). - Oui, il aurait pu le faire, mais ce

 20   n'est pas ce que je lui ai demandé, ce n'était pas mon intention en y

 21   allant. Je n'en ai jamais parlé avec M. Dokmanovic, vraiment, je n'en ai

 22   jamais parlé avec lui.

 23   M. Niemann (interprétation). - Vous avez parlé avec le

 24   gouvernement. M. Dokmanovic était membre du gouvernement. Donc avec qui,

 25   avec quel ministre, avez-vous eu des contacts, des discussions ?


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  1   M. Antic (interprétation). - Bon, d'accord, ce n'était pas là la

  2   question, maintenant je vais répondre. A cette époque, j'ai parlé avec

  3   M. Devetak, Vitomir Devetak, de la possibilité d'obtenir une telle

  4   assistance de lui. C'était lui qui se trouvait au ministère de l'Industrie

  5   ou quelque chose d'analogue. J'en ai parlé avec lui. J'étais là où lui se

  6   trouvait et j'en ai parlé avec ses associés. Ce sont des chemins que j'ai

  7   explorés pour trouver un peu d'assistance. Comprenez-moi bien, à cette

  8   époque, je n'ai dit que bonjour à M. Dokmanovic, en tant qu'ami... Quand

  9   je dis "ami", je veux dire qu'on se connaissait à Vukovar. Je ne l'avais

 10   pas connu avant qu'il ne soit nommé président de la municipalité.

 11   M. Niemann (interprétation). - Vous avez dit, dans votre

 12   déclaration, que vers la fin de 1991, il y a eu une augmentation de la

 13   tension sur le plan international. Que vouliez-vous dire par là, s'il vous

 14   plaît ?

 15   M. Antic (interprétation) - Non, non. Pas vers la fin de 1991,

 16   ce qui a provoqué des hostilités armées, mais les tensions avaient déjà

 17   commencé en 1980. Elles ont commencé à se faire jour au moment des

 18   préparatifs des élections multipartites. Il y avait des partis avec un

 19   programme nationaliste, ce qui a provoqué des tensions interethniques

 20   accrues. Je ne sais pas ce que vous ont dit les témoins précédents, je ne

 21   sais pas dans quelle mesure vous connaissez cette situation, mais au mois

 22   de mai 1980, il y a eu des élections et, pour notre municipalité, il y

 23   avait deux partis principaux : l'Union démocrate croate et l'ancien parti,

 24   le parti de Rakan. Dans la municipalité de Vukovar, on avait deux

 25   possibilités : on pouvait voter pour le HDZ ou pour l'autre parti.


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  1   Je dois vous dire que la plupart de la population serbe a voté

  2   pour le parti de changement démocrate parce qu'elle n'avait pas d'autre

  3   choix. Et puis certaines personnes qui, dans cette période, étaient

  4   d'origine yougoslave, ont également voté pour ce parti, tout simplement

  5   parce que certaines personnes qui avaient participé à la création du parti

  6   de l'Union démocrate croate avaient trop insisté sur les mobiles

  7   nationalistes, ce qui voulait dire qu'elles avaient mis l'accent sur

  8   quelque chose d'autre. Ce qui a provoqué une contradiction par rapport à

  9   ceux qui avaient insisté sur quelque chose d'autre. Parce que nous, à

 10   Borovo Naselje, nous avons tous vécu les uns à côté des autres. On était

 11   voisins ; des gens de toutes les religions, de toutes les nations,

 12   jusqu'au moment où cela s'est produit. Jusqu'à ce moment, personne n'avait

 13   demandé à un autre de quelle origine ethnique il était. Voilà ce que je

 14   voulais dire.

 15   M. Niemann (interprétation). - L'important, est-ce vraiment de

 16   comprendre que le HDZ représentait les gens de nationalité croate ?

 17   M. Antic (interprétation. - Non, non. Ce n'est pas ce que j'ai

 18   dit. Je voulais tout simplement dire que, pour moi, ce n'était pas clair.

 19   Je n'avais pas très bien compris pourquoi, au sein du HDZ, il y avait

 20   quelques extrémistes qui avaient créé ces tensions parmi nous. Voilà

 21   pourquoi, au mois de février ou au mois de mars, on a eu cette réunion

 22   conjointe où des intellectuels ont tenté de calmer les passions

 23   nationalistes, si je peux m'exprimer de la sorte, parce qu'aussitôt qu'une

 24   partie se mettait à exprimer son sentiment nationaliste, l'autre partie

 25   répondait de la même façon.


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  1   M. Niemann (interprétation). - Il y avait donc des gens qui

  2   avaient adopté des positions extrémistes, nationalistes parmi d'autres,

  3   n'est-ce pas ?

  4   M. Antic (interprétation). - Oui, oui, évidemment. Du côté

  5   serbe, je dois dire cela. Pourtant, les êtres humains normaux ne pouvaient

  6   pas accepter de tels mobiles nationalistes.

  7   M. Niemann (interprétation). - La brigade qui se trouvait à

  8   Petro Volkov, était-ce la défense territoriale ou était-ce la JNA ?

  9   M. Antic (interprétation). - A cette époque, ce n'était pas une

 10   brigade, c'était un détachement. On l'appelait le détachement

 11   Petro Volkov. Au moment de la création, il y avait à peu près 400 membres

 12   sous le commandement de la JNA et je ne peux pas le considérer comme

 13   faisant partie de la défense territoriale. La défense faisait partie des

 14   forces armées normales. Donc la partie normale ainsi que la défense

 15   territoriale en cas d'agression devaient défendre le pays. Avant la

 16   guerre, j'étais le Chef des Services techniques de la brigade à Vukovar.

 17   Il s'agissait d'une unité territoriale. Cela veut dire que, selon certains

 18   aspects militaires, ils devaient être basés à Vukovar, ce qui ne veut pas

 19   dire que c'était une unité paramilitaire. Je ne sais pas si je me suis

 20   assez bien exprimé.

 21   M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas dit que c'était une

 22   unité paramilitaire. Pour ce qui concerne le détachement de Petro Gorila,

 23   il était sous le même commandement  que la brigade des gardes, n'est-ce

 24   pas ?

 25   M. Antic (interprétation). - Non. Le commandant de la brigade


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  1   des gardes se trouvait à Negovlavci C'est là que se trouvait le quartier

  2   général. Le commandement n'existait pas à Vukovar en termes pratiques. On

  3   savait qui était le commandant d'une compagnie. J'étais le responsable de

  4   l'approvisionnement en lubrifiants, en carburants, en denrées, en

  5   chaussures destinés aux soldats, et je devais préparer les endroits où les

  6   soldats pouvaient prendre un bain et manger, mais le commandant ne se

  7   trouvait pas là.

  8   M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas demandé où, je vous

  9   ai demandé qui était responsable du commandement définitif. Il y a une

 10   certaine confusion. J'ai dit tout simplement que le commandement ultime

 11   relevait de la compétence du commandement de la brigade des gardes. C'est

 12   bien ce que vous avez dit lors de votre déclaration ?

 13   M. Antic (interprétation). - Oui, vous avez raison. Le

 14   détachement de Petrova Gora avait un commandement. Notre commandement se

 15   trouvait à Vukovar, et nous étions sous le commandement de la brigade des

 16   gardes. Le commandant de mon détachement devait être basé quelque part. Il

 17   avait son quartier dans la rue Petrova Gora. Monsieur le Procureur, je ne

 18   comprends peut-être pas ce que vous dites ?

 19   M. Niemann (interprétation). - Vous comprenez ce que je veux

 20   dire...? Je ne parle pas de localité, je vous parle de commandement, et

 21   vous avez répondu à ma question.

 22   Nous pouvons passer à une autre question. Le commandant de la

 23   brigade des gardes était le colonel Mrksic et le commandant était

 24   Sljivancanin ?

 25   M. Antic (interprétation). - Ah, voilà où vous voulez en venir !


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  1   Alors il y a eu un malentendu. Le commandant de la brigade des gardes

  2   était le colonel Mrksic, et le lieutenant était Sljivancanin. Je ne sais

  3   pas quelle partie il occupait, parce que je n'étais pas en contact avec

  4   lui. Je pense qu'il était responsable de la sécurité. Nous n'étions pas en

  5   contact les uns avec les autres. Je sais qu'il était mon commandant en

  6   chef, mon officier supérieur, si c'est ce que vous voulez savoir. Voilà la

  7   vérité.

  8   M. Niemann (interprétation). - Connaissiez-vous d'autres

  9   commandants qui évoluaient à l'époque ? Un commandant qui s'appelait le

 10   capitaine Vujovic ?

 11   M. Antic (interprétation). - Miroljub Vujovic, oui, je l'ai

 12   connu.

 13   M. Niemann (interprétation). - Aviez-vous beaucoup de contacts

 14   avec lui ?

 15   M. Antic (interprétation). - J'ai eu quelques  contacts avec lui

 16   parce que j'étais responsable de l'approvisionnement en denrées de son

 17   unité ainsi que des chaussures et des vêtements.

 18   M. Niemann (interprétation). - Avait-il le même rang et le même

 19   grade que vous ?

 20   M. Antic (interprétation). - A cette époque, c'était le

 21   commandant d'une unité. Je ne sais pas s'il avait le même grade que moi.

 22   Probablement que oui parce que j'étais chargé de la logistique et il était

 23   lui-même chargé d'une unité de combat. Nous avions donc sans doute le même

 24   grade pour ainsi dire.

 25   M. Niemann (interprétation). - Il était donc, comme vous,


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  1   subordonné à la brigade des gardes ?

  2   M. Antic (interprétation). - Oui, toutes les unités qui étaient

  3   actives étaient subordonnées à ce même commandement, qu'il s'agisse du

  4   détachement de Petrova Gora ou des deuxième, troisième, quatrième

  5   détachements ; tous étaient subordonnés à cette même brigade.

  6   M. Niemann (interprétation). - Connaissiez-vous

  7   Stanko Vujanovic ?

  8   M. Antic (interprétation). - Oui, je l'ai bien connu, c'était le

  9   commandant d'une unité de combat.

 10   M. Niemann (interprétation). - De façon analogue à la situation

 11   que nous voyons chez Mirolav ?

 12   M. Antic (interprétation). - Oui, c'est exact.

 13   M. Niemann (interprétation). - Vujanovic était-il aussi

 14   subordonné à la brigade des gardes ?

 15   M. Antic (interprétation). -  Tous étaient subordonnés à cette

 16   brigade.

 17   M. Niemann (interprétation). - Avez-vous eu des discussions avec

 18   Stanko Vujanovic où Milorad Vujnovic après le 20 novembre 1991 ?

 19   M. Antic (interprétation). - Après la fin de la guerre à

 20   Vukovar, je n'étais plus en contact avec eux parce que, suite à cela,

 21   conformément à une décision de l'administration militaire, j'étais affecté

 22   à me rendre à nouveau dans la compagnie Borop pour prendre des

 23   responsabilités. Lorsqu'on a créé une commission pour nettoyer toute la

 24   région après la guerre, j'ai travaillé au sein de cette commission et j'ai

 25   préparé la compagnie aux tâches du nettoyage et du renouveau de la


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  1   production. Donc je n'étais plus à Vukovar après le 24 ou le 25 novembre,

  2   je n'étais que dans la compagnie de Borova, et c'est là que je suis resté

  3   jusqu'à la mi-janvier 1992 lorsque j'ai quitté la région, et je n'y suis

  4   plus revenu.

  5   M. Niemann (interprétation). - Vous avez dit que conformément à

  6   une décision de l'administration militaire, vous aviez réintégré la

  7   compagnie Borava. Pouvez-vous nous donner plus de précisions et nous dire

  8   qui vous a donné cet ordre ?

  9   M. Antic (interprétation). -  L'ordre a été émis par le

 10   commandant de la ville de Vukovar, M Milorad Vujnovic. Je crois qu'il

 11   était colonel. Il est venu comme faisant partie de la brigade Kragujevac

 12   et, d'après les renseignements militaires qu'il avait reçus, il était

 13   responsable de la ville et c'est lui qui m'avait donné cet ordre.

 14   M. Niemann (interprétation). - Vous avez dit que Rade Bibic

 15   avait été nommé président du  Conseil exécutif de la municipalité de

 16   Vukovar. Est-ce que Milorad Vujnovic, dont nous avons parlé il y a

 17   quelques instants, a été nommé au Conseil exécutif ?

 18   M. Antic (interprétation). - C'était le Conseil exécutif, oui.

 19   C'était une sorte de conseil initial qui devait mettre en place des

 20   autorités civiles. Je sais qu'il y avait cinq membres, mais je ne sais pas

 21   quels étaient les autres membres à part lui parce que je n'étais pas là à

 22   ce moment là et je n'ai pas participé à cela. Je ne sais pas si

 23   M. Vujnovic était membre ou non.

 24   M. Niemann (interprétation). - Je n'ai plus de questions à

 25   poser, Monsieur le Président.


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  1   M. le Président (interprétation). - Monsieur Petrovic, avez-vous

  2   des questions à poser ?

  3   M. Petrovic (interprétation). - Non, merci.

  4   M. le Président (interprétation). - J'ai quelques questions à

  5   poser. Tout d'abord, je voudrais indiquer que l'interprétation anglaise de

  6   votre déclaration qui été versée au dossier contient une erreur. Au lieu

  7   de janvier 1991, ce devrait être janvier 1992. Ma première question a

  8   trait à ce que vous venez de dire. Vous avez dit que vous aviez vu des

  9   unités militaires stationnées près de Vukovar après votre mobilisation

 10   dans la JNA. La question est la suivante : de quel type d'unités militaire

 11   s'agissait-il ? Parlez-vous d'unités de la JNA ou parlez-vous également

 12   d'unités paramilitaires ?

 13   M. Antic (interprétation). - C'était, à mon sens, les unités de

 14   la JNA, l'armée populaire yougoslave. Je n'ai pas pu l'examiner non plus.

 15   Je venais à Ovcara pour m'occuper de la sécurité de la logistique. Il y

 16   avait une importante ferme d'élevage de porcs. Je m'occupais des porcs

 17   pour ravitailler et donner à toutes ces différentes unités de quoi manger.

 18   Je sais qu'il y avait de la JNA également. Il y avait une période,

 19   lorsqu'il y a eu le déploiement de certaines unités d'artillerie. Par

 20   conséquent, il n’était pas possible qu’il y ait d’autres unités que celles

 21   de la JNA. Il suffit de considérer les armements. C’est mon hypothèse,

 22   mais la réalité était peut-être différente.

 23   M. le Président (interprétation). - Pendant ces trois mois où

 24   vous étiez là-bas, vous n’avez jamais pu rencontrer d’unités militaires

 25   formées autrement et portant d’autres uniformes, surtout pas ceux de la


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  1   JNA ? Je parle des milices paramilitaires, bien sûr, qui seraient

  2   différentes à en juger par les uniformes. Vous ne les avez jamais repérées

  3   vous-même ?

  4   M. Antic (interprétation). - Non. Pratiquement tous portaient

  5   l’uniforme connu comme celui de la JNA. Il n’y avait pas d’effectifs

  6   portant des uniformes qui ne leur étaient pas propres. Même si des gens

  7   étaient mobilisés sur place, sur engagement, ils prenaient simplement

  8   leurs uniformes à Vukovar, dans les dépôts mêmes dont j’étais responsable,

  9   moi qui m’occupais du ravitaillement.

 10   M. le Président (interprétation). - Lorsque vous parliez de

 11   mobilisation, vouliez-vous dire qu’il s’agissait de représentants membres

 12   de la Défense territoriale ?

 13   M. Antic (interprétation). - J’y vois tous ceux qui ont été

 14   mobilisés et qui ont été invités par des services, parmi lesquels se

 15   trouvaient d’autres personnes qui travaillaient pour le ravitaillement.

 16   Selon la doctrine de cette époque, l’armée régulière et la Défense

 17   territoriale étaient au même titre doctrinaires. Seule l’appellation, seul

 18   l’intitulé changeait : "Défense territoriale" signifiait que ces unités

 19   étaient censées rester sur leur territoire. Par exemple, si la guerre

 20   intervient, la brigade de Vukovar demeure sur le territoire de Vukovar, de

 21   la municipalité, sans s’engager sur d’autres territoires comme celui de

 22   Nasice, de Vinkovci, de Zupanja. Si on pouvait imaginer qu’il devait y

 23   avoir une autre brigade opérant sur ce territoire, le caractère était

 24   toujours le même : c’était toujours une question de date de mobilisation,

 25   les mandats -les invitations pratiquement- étant communiqués.


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  1   M. le Président (interprétation). - Vous disiez tout à l’heure

  2   que vous avez pu vous rendre, à plusieurs reprises depuis octobre 1991, à

  3   Erdut pour rencontrer, entre autres, les représentants du ministère de

  4   l’Industrie. Vous avez pu rencontrer M. Dokmanovic. Lorsque vous parlez de

  5   ministères, pouvez-vous être plus clair et élucider la question de savoir

  6   de quel ministère il s’est agi ? Tout ministère était-il censé avoir son

  7   bâtiment, son personnel, son siège ? Parle-t-on d’une organisation

  8   hiérarchique en chaîne pour que les subordonnés suivent évidemment les

  9   directives ?

 10   M. Antic (interprétation). - Voyez-vous, peut-être ne saurais-je

 11   pas très bien l’expliquer, non pas que je ne le veuille pas, mais parce

 12   que j’étais ignorant de ce sujet. A cette époque, il y avait le

 13   gouvernement de la Slavonie orientale, de Baranja et de la Srem

 14   occidental, censé posséder ses propres militaires. Quelles étaient les

 15   prérogatives de ces ministères ? Je n’en sais rien et je pense qu’il ne

 16   s’agit pas vraiment de prérogatives. En fait, même si les ministres qui

 17   détenaient leur sort voulaient entreprendre quelque action que ce soit

 18   auprès du gouvernement, cela restait lettre morte. Tout cela n’a jamais

 19   été respecté. Tout ce qui se passait était sous la prérogative directe de

 20   la brigade de garde. Cette dernière, pratiquement, commandait, menait les

 21   opérations de guerre. Les directives venaient sans doute d’un haut lieu

 22   dont, encore une fois, j’ignorais tout. En conséquence, je n’ai aucune

 23   connaissance sur ce sujet.

 24   Monsieur le Président, si je me rendais à ces ministères, il

 25   s’agissait tout d’abord de celui de l’Industrie, c'était pour demander


Page 2086

  1   assistance et avoir les moyens financiers nécessaires. Ce n’est qu’en

  2   passant que j’ai rencontré M. Dokmanovic. Je ne l’ai même pas abordé pour

  3   lui demander quelle était sa fonction. D’après ma propre fonction et ce

  4   que j’ai dû faire à Vukovar, je n’ai eu aucune réelle relation avec

  5   M. Dokmanovic. Nous nous sommes seulement serré la main et avons échangé

  6   quelques mots. Lorsque je me suis rendu, à deux ou trois reprises, à

  7   Erdut, j’ai rencontré une fois, ou deux peut-être, M. Dokmanovic. Voilà

  8   pourquoi il m’est difficile de répondre, Monsieur le Président.

  9   M. le Président (interprétation). - Merci. Une dernière

 10   question : lorsque vous avez rencontré M. Dokmanovic à Erdut, avait-il une

 11   tenue civile, un costume de ville, comme vous-même aujourd’hui ?

 12   M. Antic (interprétation). - Je ne peux pas vous répondre,

 13   Monsieur le Président. Je ne m’en souviens pas. Je crois qu’il était en

 14   tenue ordinaire mais était-ce un uniforme militaire ou une tenue civile ?

 15   Je ne sais pas répondre.

 16   M. le Président (interprétation). - Parlons d’uniforme. Pendant

 17   que vous étiez responsable du ravitaillement, quel était votre uniforme ?

 18   M. Antic (interprétation). - Je portais l’uniforme militaire de

 19   la JNA, donc de l’armée populaire yougoslave. J’avais le grade de

 20   capitaine. En temps de paix, c’est mon grade ; je suis un capitaine de

 21   réserve.

 22   M. le Président (interprétation). - Merci. D’après l’échelle

 23   militaire ?

 24   M. Antic (interprétation). -... complémentaire.

 25   M. le Président (interprétation). - Merci. Pour reprendre cette


Page 2087

  1   même question que j’ai posée tout à l’heure au sujet de l’uniforme que

  2   portait M. Dokmanovic, vous avez dû le remarquer en tant que citoyen, en

  3   tant que civil, s’il portait un uniforme militaire, lorsque vous veniez au

  4   ministère pour demander telle ou telle chose. Vous avez dit vous-même que

  5   vous ne vous souveniez pas très bien si l’on pouvait supposer qu’il

  6   portait un uniforme militaire. Peut-on supposer que vous avez remarqué le

  7   caractère inhabituel de ceci ?

  8   M. Antic (interprétation). - Je ne peux répondre à cette

  9   question mais, dans cette période des opérations de guerre, la majeure

 10   partie des gens portaient un uniforme militaire. Je me demande si

 11   M. Dokmanovic portait un uniforme militaire. Je ne saurais le dire. Il me

 12   semble qu'à ces moments-là, pour être sincère et franc, je ne m'attendais

 13   pas à une telle question. Ce qui m'échappe, ce sont même des noms et des

 14   dates, mais pour parler encore d'uniforme, d'habits que les gens

 15   portaient, je dois dire qu'on n'y prêtait pas attention. Je suis désolé de

 16   ne pas pouvoir répondre à cette question, Monsieur le Président.

 17   M. le Président (interprétation). - Merci. Y a-t-il des

 18   questions complémentaires ? Je suppose que non. Pas d'objections ? Merci,

 19   Monsieur, d'être venu faire une déposition.

 20   (Le témoin quitte la salle d'audience)

 21   M. le Président (interprétation). - Allez-vous faire entrer

 22   M. Bulajic ?

 23   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, pendant que

 24   nous attendons l'arrivée du témoin, je voudrais dire qu'il s'agit d'un

 25   témoin expert. Il ne s'agit pas d'un témoin pour l'évidence de faits. Nous


Page 2088

  1   avons déjà pu lire une déposition concernant les causes historiques et

  2   psychologiques concernant les événements de Vukovar. Je crois que nous ne

  3   devons pas perdre trop de temps à lire cette déposition, à lire cette

  4   expertise, car il s'agit de faits dont nous avons déjà été informés à

  5   plusieurs reprises. Voilà pourquoi je m'attends à des réponses précises.

  6   Pour ce qui me concerne, Monsieur le Président, je ne réponds que de mes

  7   propres réponses. Elles seront, comme elles l'ont toujours été, concises

  8   et précises. Merci.

  9   (Le témoin est introduit dans la salle d'audience)

 10   M. le Président (interprétation). - Docteur Bulajic, je vous

 11   prie de vous lever et de donner lecture de cette déclaration solennelle.

 12   M. Bulajic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 13   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 14   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Vous

 15   pouvez vous asseoir. Docteur Bulajic, êtes-vous muni de votre casque ?

 16   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

 17   M. le Président (interprétation). - Avant de commencer, je vous

 18   prierais de bien vouloir répondre brièvement à toutes les questions qui

 19   vous seront posées par la défense et par le procureur, ainsi qu'à moi-

 20   même. Nous pouvons commencer.

 21   M. Fila (interprétation). - Avez-vous fait vos études de droit

 22   et de l'école supérieure de jurisme ?

 23   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

 24   M. Fila (interprétation). - Avez-vous soutenu une thèse de

 25   doctorat, sous le titre "Droit des peuples à l'autodétermination" ?


Page 2089

  1   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

  2   M. Fila (interprétation). - Avez-vous servi dans les services

  3   diplomatiques de la République sociale fédérale de la Yougoslavie de

  4   1949 à 1987 ?

  5   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

  6   M. Fila (interprétation). - Avez-vous été un conseiller

  7   juridique du Ministère ?

  8   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

  9   M. Fila (interprétation). - Où avez-vous fait votre service ? A

 10   quel endroit ?

 11   M. Bulajic (interprétation). - Mon premier poste était à

 12   Washington. J'étais secrétaire de l'Ambassade et conseiller juridique.

 13   J'ai ensuite été nommé ministre conseiller en Indonésie. Mon troisième

 14   poste était celui de Consul Général de New-York.

 15   M. Fila (interprétation). - Etant juriste, avez-vous également

 16   été engagé par le Comité fédéral de la législature yougoslave ?

 17   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

 18   M. Fila (interprétation). - Vous avez été président de

 19   l'association yougoslave de protection de la propriété intellectuelle ?

 20   M. Bulajic (interprétation). - Je le suis toujours.

 21   M. Fila (interprétation). - Vous avez également été membre du

 22   conseil international de cette association sur la protection du patrimoine

 23   collectif ?

 24   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

 25   M. Fila (interprétation). - Etes-vous membre de l'ASETU


Page 2090

  1   internationale ? 

  2   M. Bulajic (interprétation). - Je l'ai été.

  3   M. Fila (interprétation). - Avez-vous été rapporteur portant sur

  4   les côtés juridiques du nouvel Ordre économique international ?

  5   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

  6   M. Fila (interprétation). - Avez-vous été le second vice-

  7   président d'un organisme

  8   de la paix mondiale à travers le droit ?

  9   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

 10   M. Fila (interprétation). - Avez-vous été remplaçant du

 11   président du Comité juridique de l'Académie des Sciences de Serbie pour la

 12   collecte des preuves en matière de génocide contre le peuple serbe au XXe

 13   siècle ?°

 14   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

 15   M. Fila (interprétation). - Avez-vous également été rapporteur

 16   de la Commission sur le génocide ?

 17   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

 18   M. Fila (interprétation). - Actuellement, êtes-vous directeur du

 19   Musée des victimes du génocide ?

 20   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

 21   M. Fila (interprétation). - Avez-vous été amicus curiae du

 22   gouvernement yougoslave au procès contre Eichman ?

 23   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

 24   M. Fila (interprétation). - Avez-vous été observateur du

 25   gouvernement yougoslave au procès contre les terroristes oustachis qui ont


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  1   perpétrés des attaques contre la mission yougoslave à Berlin, en 1995 ?

  2   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

  3   M. Fila (interprétation). - Avez-vous été au procès de 1971 à

  4   Stockholm contre les terroristes croates oustachis ?

  5   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

  6   M. Fila (interprétation). - Avez-vous également pris part au

  7   procès contre Artukovic en 1976 en tant qu'observateur du gouvernement

  8   yougoslave ?

  9   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

 10   M. Fila (interprétation). - Au non du gouvernement yougoslave,

 11   avez-vous pris part au procès concernant l'extradition de Artukovic aux

 12   Etats-Unis ?

 13   M. Bulajic (interprétation). - Oui. C'était en 1958.

 14   M. Fila (interprétation). - Avez-vous été l'auteur des livres et

 15   des études suivantes : "Les génocides d'Oustachis et les procès

 16   d'Artukovic" en 1976, "Le mythe de Jaceno de Franjo Tudjman" ?

 17   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

 18   M. Fila (interprétation). - "Jaceno, que s'est-il passé ?"

 19   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

 20   M. Fila (interprétation). - "Le génocide contre les Serbes

 21   orthodoxes et contre les autres peuples dans la Seconde Guerre mondiale",

 22   "Le système de non vérité dans le système de génocide", "La dislocation de

 23   l'Etat yougoslave", "Le génocide contre l'humanité et contre la paix

 24   internationale", "La mission du Vatican en Croatie indépendante", "Le

 25   crime contre l'humanité", "Le cas de l'ex-Yougoslavie", "Le droit à


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  1   l'autodétermination et l'ONU". S'agit-il de votre curriculum vitae ainsi

  2   que d'une liste d'oeuvres autobiographiques ?

  3   M. Bulajic (interprétation). - Oui, globalement parlant.

  4   M. Fila (interprétation). - S'agit-il, cette fois-ci, de votre

  5   expertise de témoin expert que vous avez soumis ici, en version anglaise

  6   et en serbe ?

  7   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

  8   M. le Président (interprétation). - Le document D 36 pour

  9   l'audience est en traduction pour la version anglaise D 36 A. S'il n'y a

 10   pas d'objections, je prie la Cour de bien vouloir admettre la décharge en

 11   tant que preuve. Y a-t-il des objections ? Non.

 12   Maître Fila, quant à votre expertise, le Procureur, la Haute

 13   Cour et moi-même avons étudié votre expertise. Voulez-vous, s'il vous

 14   plaît, dire par une brève définition ce que représente le système de camp

 15   exterminateur et le camp de morts oustachis en une phrase ?

 16   M. Fila (interprétation). - Le système de camps oustachis, camps

 17   de morts, est tel que Jacenovac ne représente qu'un seul des camps sur un

 18   territoire d'environ 210 à 240 km2, d'ossuaires et de fosses communes, ou

 19   de façon la plus brutale possible a été perpétré le triple génocide contre

 20   les mêmes criminels, ce qui revient à dire que c'est un phénomène rare. Il

 21   s'agit de génocides perpétrés contre les Serbes orthodoxes et contre les

 22   Juifs, contre les Juifs, les Roms et contre les antifascistes. Je vous

 23   prie, M. le Président, de bien vouloir permettre la diffusion d'un film

 24   car il est de notre intention de pouvoir illustrer tout ce qui aura été

 25   dit par le témoin, c'est-à-dire par la défense. Je vous prie de bien


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  1   vouloir nous permettre de projeter le film sur Jacenovac.

  2   (L'huissier s'exécute)

  3   Diffusion d'une cassette vidéo :

  4   "Jacenovac est une petite localité au bord de la Save. Jusqu'à

  5   la Seconde Guerre mondiale, c'était une bourgade qui n'avait qu'environ

  6   500 foyers. Depuis la Seconde Guerre mondiale, Jacenovac a toujours été

  7   mentionné comme un lieu de souffrances et de crimes. Ici, après la

  8   proclamation de l'indépendance de la Croatie, les Oustachis ont organisé

  9   un camp de concentration pour les Juifs, les Serbes, les Roms et les

 10   antifascistes. L'emplacement du camp s'étend sur 240 Km², entre la Save,

 11   l'Ouna et Struka. Il était bien choisi à cette fin. Outre évidemment

 12   Auschwitz et le camp de Matthausen, Jacenovac a été constitué à la même

 13   fin : exterminer les races serbes et autres races dites inférieures, de

 14   même que les représentants d'autres religions et les antagonistes de la

 15   Croatie oustachie. Avec l'assistance des Nazis d'Allemagne et la

 16   bénédiction du (Cler), les Oustachis ont pu prendre toute une série de

 17   mesures pour rendre légitimes les méthodes de terreur et de génocide.

 18   Immédiatement après la création de l'Etat indépendant de Croatie

 19   en 1941, d'après les plans préalablement concoctés avant que la révolution

 20   ne puisse se déclarer, les Oustachis ont déporté massivement des Serbes,

 21   des Juifs et des Roms, avec le slogan "Il n'y a pas de

 22   place pour Serbes, Juifs et Roms dans l'Etat indépendant croate". Dans les

 23   déclarations officielles, on disait "une partie des Serbes doit être

 24   exterminée, d'autres doivent être tués et puis également convertis". Avec

 25   cela, la cour martiale marche toujours dans Karlovac, Srebrenica,


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  1   Mitrovica, Varacnin, Tuzla, Vukovar, Gospic, Banja Luka, Sarajevo,

  2   Bielovar, Bihac, Bijeko, Dervat, Mostar et dans d'autres villes, et ont

  3   pour but d'accélérer la liquidation des Serbes, des Juifs et des Roms pour

  4   les présenter comme étant évidemment toujours des cas judiciaires. A peu

  5   près simultanément se fait l'action des camps de concentration, des camps

  6   de la mort, où de la façon la plus atroce ont été torturés Serbes et Juifs

  7   à Serbe Danica près de Koplin, Salep Glava, Glina, il s'agit de l'église

  8   de Glina, Rab, El Jakovo, Pag, Jadovno, Gospic, Stara Gradiska, Krusica

  9   près de Travnik Athenia, près d'Osijek et à Srebraska près de Jasenovac,

 10   etc.

 11   Outre ces camps de concentration sur le territoire de l'Etat

 12   indépendant de Croatie, d'autres camps de rassemblement étaient organisés

 13   pour la déportation des Serbes à Slavoska Poje,  Bielovac, Serpak etc. Le

 14   camp de concentration dans le complexe de Jacenovac a été formé en

 15   août 1941, sur le territoire du village de Jacenovac, dans les marécages

 16   de Lonja avec les lieux d'extermination de Jadovno. Par son système de

 17   brutalité, le système de Jacenovac est peut-être le plus haut rangé parmi

 18   les camps de concentration. C'est le lieu d'exécution le plus grand des

 19   Balkans, le camp de la mort le plus important parmi les camps

 20   d'extermination du Troisième Reich, troisième dans l'ordre de hiérarchie.

 21   Il est devenu un véritable syntagme, paradigme pour l'extermination de ces

 22   victimes qui ont été tuées en masse, torturées avec des clous qu'on leur a

 23   rentré dans les doigts. D'après les conclusions de la commission de 1946

 24   qui s'est occupée de ce génocide et de ces crimes, il a été conclu qu'on

 25   ne saurait probablement jamais le nombre exact de victimes mais, à en


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  1   juger par les traces encore fraîches et d'après les dépositions, environ

  2   500 000 à 600 000 hommes ou femmes ont perdu la vie, ce dont fut

  3   officiellement saisie la commission internationale".

  4   Monsieur le Président, j'aimerais que ce film soit classé comme

  5   une des preuves à décharge et qui sera présenté dans toute sa durée de

  6   40 minutes lors du grand procès du mois de mai.

  7   M. Williamson (interprétation). - Je ne sais pas s'il s'agit

  8   d'une preuve pertinente, M. Fila saurait peut-être le dire, mais nous

  9   avons une objection quant au commentaire qui suit ces prises de vues. Nous

 10   avons, de même, une autre objection qui concerne la pertinence de cette

 11   vidéo pour la seconde instance.

 12   M. le Président (interprétation). - Moi aussi, M. Fila, je

 13   voudrais savoir en quoi vous considérez cette preuve comme pertinente. Ce

 14   qui s'est passé à Jacenovac fait partie de l'histoire. Je ne sais pas dans

 15   quelle mesure cela peut-être pertinent pour nous.

 16   M. Fila (interprétation). - J'ai pu entendre l'expert,

 17   Marc Wheeler, qui parlait de la colonisation de ce territoire par les

 18   Serbes au XVIIème siècle. D'après nous, c'est fort important. Le Procureur

 19   vous a présenté des cartes ethniques de la Croatie du XVIIème siècle, de

 20   même que les évolutions ethniques pour connaître le rapport entre Serbes

 21   et Croates pendant les XVIIème et XVIIIème siècles et à l'époque moderne.

 22   Ceci a été retenu comme preuve. Dans la lettre que nous avons ici, qui est

 23   celle de notre témoin à décharge, il s'agit de dire qu'en tant que l'un

 24   des motifs de la peur ressentie par les Serbes en 1941 et ce que vous

 25   allez savoir tout à l'heure, à en juger d'après les questions que je


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  1   compte poser, vous saurez dans quelle mesure nous pouvons y voir également

  2   une raison de révolte contre les forces croates pour qu'il n'y ai pas de

  3   reprise de ce qui s'est passé en 1941.

  4   Une autre question, Monsieur le Président ; vous allez également

  5   voir quel était le nombre d'hommes et de femmes qui ont laissé leur peau à

  6   Vukovar et à Jacenovac. Voilà pourquoi je vois toute la pertinence de

  7   cette déposition. Le Dr Wheeler a dit également (je vous rappelle

  8   d'ailleurs l'expertise du Procureur) que le fait que le peuple croate

  9   n'ait jamais connu de catharsis, le fait que jamais personne n'ait été

 10   puni, se traduit par l'insécurité complémentaire au

 11   sein des Serbes. J'attire votre attention sur l'expertise du Dr Wheeler

 12   qui est pratiquement l'expertise de la partie de la charge, tout comme on

 13   mentionne également les statuts de 1990, etc. Nous devons savoir pour

 14   quelles raisons les Serbes se sont sentis dans l'insécurité en 1991.

 15   M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, si vous le

 16   permettez, seulement une seconde, d'abord, quant au Procureur, quant à la

 17   partie de la charge, nous n'avons jamais offert de cartes datant du

 18   XVIIème siècle, des cartes ethniques. J'ai pu jeter un coup d'œil sur le

 19   dossier. Nous avons tout simplement parlé des cartes, de la disposition

 20   des ethnies au XVIIème siècle, concernant également les cartes des

 21   Balkans. Pour ce qui est du Pr Wheeler, pour être concis, lui voulait

 22   parler de la Seconde Guerre mondiale, de la création de la Yougoslavie et,

 23   dans un interrogatoire contradictoire, on est même revenu au XIVème

 24   siècle. C'est dans cet ordre d'idée que je voyais la façon de parler de la

 25   formation de la Yougoslavie, de la dislocation de la Yougoslavie. Par


Page 2097

  1   conséquent, le procureur n'a jamais posé de questions, pas plus qu'il ne

  2   s'est proposé d'obtenir des informations concernant la suite de

  3   l'Histoire.

  4   M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup.

  5   Je vais m'enquérir auprès de mes confrères.

  6   Il est utile que la Chambre ait une idée générale du contexte

  7   historique mais il faut que cela reste général. Pourtant, la question qui

  8   se pose ici, c'est la quantité d'éléments de preuve que vous voulez

  9   apporter s'agissant du contexte historique et politique. Ceci a peu

 10   d'intérêt pour l'affaire dont nous sommes saisis. Ici, nous nous

 11   intéressons aux faits, aux points de droit. Soyez donc conscient de la

 12   mesure dans laquelle nous pourrons accepter tel ou tel élément de preuve

 13   que vous apporterez.

 14   (Les Juges se consultent sur le siège)

 15   Bien que nous doutions de l'intérêt qu'il y a à discuter de

 16   films portant sur des événements qui remontent à bien plus longtemps

 17   plutôt qu'à des événements qui nous intéressent, les événements qui nous

 18   intéressent étant du 19 et du 20 novembre 1991, nous

 19   acceptons que ce film soit versé au dossier. Mais essayez, nous vous en

 20   conjurons, de vous limiter à des points qui sont vraiment d'un intérêt

 21   matériel pour l'affaire.

 22   M. le Greffier (interprétation). - Il s'agira du document D37.

 23   M. Fila (interprétation). - Merci, Madame et Messieurs

 24   les Juges. Pour nous, ce film est une illustration de ce qui s'était passé

 25   dans le sens que vous aviez demandé.


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  1   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

  2   Monsieur le greffier, de quelle pièce s'agit-il ? Quelle cote porte-t-

  3   elle ?

  4   M. le Greffier (interprétation). - D37.

  5   M. Fila (interprétation). - Je vais vous montrer quelques

  6   ouvrages qui remontent à cette période, à titre d'illustration. Cela va

  7   avec le film. En tant que directeur du Musée, vous avez été l'auteur d'un

  8   ouvrage relatif aux pertes d'enfants. Vous avez repris leurs noms et leurs

  9   prénoms. Est-ce bien ce livre-ci ?

 10   M. Bulajic (interprétation) - Oui.

 11   M. Fila (interprétation). - Je demande le versement de ce livre

 12   au dossier. Il n'y a dans ce livre que les noms et prénoms des enfants qui

 13   ont été tués, des trois nations constitutives, des Serbes, des Juifs et

 14   des Roms. C'est une illustration supplémentaire qui vient étayer les

 15   images du film.

 16   M. Williamson (interprétation). - Même objection à l'encontre de

 17   ces documents, à moins, bien sûr, qu'ils ne soient versés à titre de

 18   justification des tueries de 1991. A ce moment-là, il n'y aurait pas

 19   d'objection, mais si on demande le versement uniquement dans le cadre

 20   historique, nous aimerions soulever la même objection.

 21   M. Fila (interprétation). - Je ne suis pas ici pour apporter la

 22   justification à des tueries. Je ne veux et je n'aime le meurtre de

 23   personne. Je ne voudrais pas justifier le meurtre ou l'assassinat des

 24   Indiens, pas plus que je ne pourrais justifier l'assassinat des Juifs ou

 25   des Serbes. Le meurtre n'est jamais une bonne chose. Je ne voudrais pas


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  1   verser au dossier tout ce qui peut

  2   justifier les meurtres. Je demande le versement de quelque chose qui est

  3   resté dans l'esprit des Serbes, qui a laissé des traces et des séquelles,

  4   afin que vous compreniez mieux les événements qui se sont produits

  5   en 1990, en 1991 et afin que vous compreniez mieux la peur qui régnait. Le

  6   dernier élément que je veux verser à titre d'appui est un rapport rédigé

  7   par l'Académie serbe des Arts et des Sciences qui reprend tout ce qui

  8   s'est passé dans ces endroits. Est-ce bien l'Académie serbe des Arts et

  9   des Sciences qui a publié cet ouvrage ?

 10   M. Williamson (interprétation). - Excusez-moi de revenir à la

 11   charge, Monsieur le Président, dans le cadre de notre objection. Elle

 12   porte sur le fait que s'il y a versement au dossier de ces éléments, ceci

 13   va élargir la portée du contre-interrogatoire. Nous allons nous sentir

 14   dans l'obligation de réfuter les arguments avancés par la Défense, dans

 15   une certaine mesure.

 16   M. Fila (interprétation). - Puis-je ajouter quelque chose,

 17   Monsieur le Président ?

 18   (Les Juges se consultent sur le siège)

 19   M. le Président (interprétation). - A la lumière de l'objection

 20   formulée par l'accusation et parce que nous pensons aussi, en tant

 21   que Juges, que ces éléments présentent peu d'intérêt, nous ne pouvons pas

 22   admettre au dossier des pièces qui ne reprennent que des noms. Nous vous

 23   déboutons de cette requête.

 24   Nous suspendons d'audience vingt minutes.

 25   L'audience, suspendue à 10 heures 10, est reprise à


Page 2100

  1   10 heures 35.

  2  

  3   M. le Président (interprétation). - Poursuivez, Maître Fila.

  4   M. Fila (interprétation). - Monsieur Bulajic, vous allez donner

  5   des réponses très brèves à mes questions. Y a-t-il eu des victimes de

  6   Vukovar à Jasenovac, puisque la région de Vukovar nous intéresse ? Combien

  7   y a-t-il eu de victimes ? Que s'est-il passé ?

  8   M. Bulajic (interprétation). - Je dirais que l'accusation a posé

  9   une question à propos des documents, il était demandé dans quelle mesure

 10   ces documents étaient justifiés au vu des victimes d'aujourd'hui.

 11   M. Fila (interprétation). - Oui, je crois que vous avez

 12   l'intention de nous donner une réponse assez longue. Je vous demande le

 13   rapport avec Vukovar. Y a-t-il eu des victimes de Vukovar et combien ?

 14   M. Bulajic (interprétation). - Oui, il y en a eu et c'est un

 15   facteur important. Il y a eu d'abord cinq wagons remplis de femmes et

 16   d'enfants et le 26 août 1941, il y a eu aussi des wagons avec des hommes,

 17   ces wagons sont partis pour Jasenovac le 27 août. Il y avait dans ce train

 18   20 wagons chargés de personnes. Le voyage vers Jasenovac a duré deux jours

 19   et deux nuits et il y a eu une liquidation à Gradina. J'ai vu un document

 20   où on parlait de 141 personnes dont 24 enfants. Il y a aussi des faits qui

 21   prouvent que des Tziganes et des Roms de la région de Vukovar ont été

 22   envoyés à Jasenovac, 1120 adultes et 100 enfants.

 23   Puis, il y a eu l'arrestation des Juifs dans la région de

 24   Vukovar le 7 novembre 1941. Des listes montrent qu'il y avait 61 Juifs à

 25   Jasenovac, le dernier groupe de Juifs a être envoyé de Vukovar a été


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  1   envoyé en 1942.

  2   M. Fila (interprétation). - Combien y a-t-il eu de personnes

  3   envoyées ?

  4   M. Bulajic (interprétation). - D'après les observations reçues,

  5   il y a eu 25 000 Juifs tués.

  6   M. Fila (interprétation). - Merci. Les criminels de Jasenovac

  7   ont-ils été punis après la Seconde Guerre mondiale dans la Yougoslavie

  8   communiste ?

  9   M. Bulajic (interprétation). - Le problème fondamental tel que

 10   je l'entrevois, c'est que les causes de la tragédie actuelle des peuples

 11   yougoslaves tiennent au fait que l'état indépendant de Croatie, l'Etat

 12   génocidaire oustachi n'avait pas dénazifié, alors que l'Allemagne l'a

 13   fait. Les organisations terroristes oustachies n'ont pas été déclarées

 14   criminelles, comme ce fut

 15   le cas en Allemagne, pour l'organisation équivalente. C'est là le drame.

 16   Les dirigeants de l'Etat indépendant de Croatie ont fui et n'ont jamais

 17   été traduits en justice.

 18   J'ai été l'observateur officiel de l'Académie serbe des Sciences

 19   et des Arts pour l'affaire Yougovac qui semblait être un rappel des procès

 20   de Nuremberg et j'ai écris quatre livres faisant en tout 3500 pages qui

 21   allaient prouver que l'affaire avait été montée dans la Yougoslavie

 22   d'avant la guerre. Je suis directeur du musée du génocide.

 23   Il y a aussi M. Simon Wiesenthal du centre Wiesenthal qui ont

 24   découvert Dinko Sakic, qui avait été un commandant de Jasenovac. Il vit en

 25   Argentine depuis 1947. Il y a de nombreuses preuves portées contre lui.


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  1   J'aimerais souligner de fait qu'heureusement il y a encore des témoins

  2   vivants, des gens qui ont vu ce commandant de Jasenovac qui a tué des

  3   personnes et qui vit en Argentine aujourd'hui.

  4   M. Williamson (interprétation). - Maintenant, nous discutons de

  5   cas particuliers d'auteurs de crime à Jasenovac. Ceci n'a aucun intérêt

  6   pour nos débats.

  7   M. le Président (interprétation). - Je retiens l'objection.

  8   M. Fila (interprétation). - Ce seront mes mots de conclusion sur

  9   ce point.

 10   M. le Président (interprétation). - Le témoin pourrait-il s'en

 11   tenir à des affaires ou des questions précises pour notre procès et ne pas

 12   parler de procès anciens ?

 13   M. Fila (interprétation). - Fort bien. Après la guerre en

 14   Yougoslavie, quelqu'un a-t-il présenté ses excuses auprès des victimes

 15   serbes ? Y a-t-il eu une espèce de Willy Brandt pour les Serbes ?

 16   M. Bulajic (interprétation). - Hélas, non. Il me faut d'abord

 17   dire que ni Tito, Président de la Yougoslavie, ni personne d'autre ne

 18   s'est jamais rendu à Jasenovac. Le Président actuel de la République de

 19   Croatie, l'historien Franjo Tudjman a présenté plusieurs fois ses excuses

 20   aux Juifs, mais jamais il n'a présenté ses excuses à l'ensemble des Serbes

 21   pour les victimes et il n'a jamais fait état des Tziganes et des Roms qui

 22   ont été tués de la façon la plus

 23   brutale possible dans les camps de Jasenovac.

 24   M. Fila (interprétation). - Cette destruction des Serbes qui est

 25   restée impunie à Jasenovac a-t-il eu une incidence sur le comportement des


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  1   Serbes en 1991 ?

  2   M. Bulajic (interprétation). - Oui, c'est le mal qui est à la

  3   racine, il n'y a pas eu de dénazification, mais ce qui a commencé à se

  4   passer avant le démantèlement de l'Etat de Yougoslavie, c'est que des

  5   maisons serbes ont commencé à être incendiées sur le territoire croate. Ce

  6   qui compte ici, c'est que ces maisons ont été incendiées là où il n'y

  7   avait pas de conflit armé. On était donc déterminé à faire un nettoyage, à

  8   poursuivre ce qui avait été commencé au cours de la Seconde Guerre

  9   mondiale où on voulait que la Croatie devienne un état ethniquement pur.

 10   Il y avait des appels à la participation à des milices, la police a été

 11   relocalisée, des gens ont été recolonisés, des villes de Croatie et de

 12   Sava Parieca ont été nettoyées de la population serbe.

 13   M. Fila (interprétation). - Nous en arrivons à 1990, 1991, les

 14   années dont vous parlez. Il y a aussi dans notre histoire le mouvement

 15   "Maspok ou le printemps croate de 1971, est-ce que cette période, ce

 16   mouvement ont eu un effet sur les Serbes ?

 17   M. Bulajic (interprétation). - Excellente question. A l'époque,

 18   je participais ou j'étais observateur au procès de ceux qui ont tué

 19   l'ambassadeur yougoslave à Stockholm, j'ai compris qu'à l'époque on avait

 20   établi des liens entre les organisations terroristes oustachies et ces

 21   nouveaux mouvements qui se développaient en Croatie, parce qu'il y avait

 22   là l'établissement d'une certaine continuité, du fait qu'il fallait

 23   établir un état croate ethniquement pur.

 24   M. Fila (interprétation). - En 1990, 1991, quelle était la

 25   politique de la Croatie à l'égard de la Serbie, des Serbes ? Je vais vous


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  1   montrer plusieurs extraits que j'ai utilisés dans mes déclarations

  2   liminaires, à propos desquels le Président m'a demandé comment j'avais

  3   obtenu ces différents films. Vous pourrez donner cette explication. Il

  4   s'agit de films ou d'extraits que nous avons utilisés dans le cadre des

  5   déclarations liminaires, qui portent sur 1990 et 1991. J'espère

  6   que ceci a effectivement trait à notre affaire.

  7   Diffusion d'extraits  du film :

  8   "Souvenez-vous de Vukovar", "Mort aux Serbes".

  9   M. Fila (interprétation). - Voici une partie du film, sur quoi

 10   porte-t-elle ?

 11   M. Bulajic (interprétation). - Il s'agit des crimes qui avaient

 12   été établis en 1990 et 1991. En tant que secrétaire de la commission

 13   d'état pour les crimes de guerre et le génocide, et en tant que

 14   conservateur du musée du génocide, j'ai contribué à la création d'un

 15   centre de films vidéo pour reprendre les documents relatifs au génocide et

 16   aux crimes de guerre au cas où les générations à venir auraient besoin de

 17   documents. Ils sont là, ils sont aussi à la disposition de ce Tribunal.

 18   M. Fila (interprétation). - Vous nous avez remis cette

 19   cassette ?

 20   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

 21   M. Fila (interprétation). - Je demande le versement de cette

 22   cassette au dossier.

 23   M. le Président (interprétation). - Objection de la part de

 24   l'accusation ?

 25   M. Williamson (interprétation). - Pas d'objection.


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  1   M. Fila (interprétation). - Peut-on voir la cassette suivante ?

  2   M. le Greffier (interprétation). - Il s'agira pour la pièce D40

  3   récemment abordée.

  4   M. Fila (interprétation). - Il s'agit d'une cassette avec

  5   plusieurs segments qui portent tous sur la même période 1990-1991.

  6   Il s'agit de séquences assez courtes.

  7   Diffusion d'un extrait de la cassette :

  8   "Mettez-vous en rang,... Chipa est-ce que tu es là ?... Alignez-

  9   vous, mettez-vous en rang, vous tous. Où se trouve Maric ? il est au bout

 10   là. J'ai déjà remis tous les miens, un peu de calme, s'il vous plaît, un

 11   peu de silence. Sur ordre du Président de la République de Croatie, un peu

 12   de silence, s'il vous plaît, alignez-vous, sur ordre du Président de la

 13   République de Croatie, il nous faut constituer des détachements non armés.

 14   De quoi s'agit-il ?

 15   Nous avons reçu des ordres, afin de rassembler les hommes les

 16   meilleurs pour le ministère des Affaires Intérieures. Vous connaissez la

 17   procédure. Ceux qui se trouvent sur la liste nous accompagneront, mais il

 18   nous faut constituer des détachements plus grands. Puis nous allons

 19   constituer le corps médical qui sera affecté à notre détachement. 30 % des

 20   personnes sont des personnes à retenir éventuellement sur la liste, il

 21   faut donc qu'ils soient informés du fait que le commandement se trouvera à

 22   Graz et à  Bogdanovci. Nous allons leur expliquer pourquoi nous sommes ici

 23   réunis et quiconque serait suspect, de caractère douteux, devra être

 24   signalé.

 25   Attendons cinq minutes pour vérifier tout ceci, mais attendez,


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  1   écoutez bien. Contentez-vous de prendre leur nom, leur nom de famille. Ils

  2   nous accompagneront, il n'y a plus de secret, rien n'est secret, nous

  3   établissons des détachements non armés, nous nous organisons. En d'autres

  4   termes, il n'est plus nécessaire de garder le secret, mais toute personne

  5   suspecte, de caractère douteux, doit être signalée dans une liste. On nous

  6   a dit qu'il y avait des personnes suspectes dans les environs. Je vais

  7   vous dire une chose, pour ce qui est des armes, nous en avons assez, aucun

  8   problème de ce côté-là. Maintenant il faut se former, afin que les

  9   personnes qui viennent ici soient vraiment aguerries. Comment poursuivre

 10   les activités, qu'allons-nous faire ? Comment allons-nous constituer ce

 11   détachement, et ce corps médical ? Il nous faut renforcer de cette façon

 12   nos détachements et il nous faut faire des cours de formation, avec la

 13   coopération du MUP, bien sûr. Maintenant, vous allez examiner les

 14   personnes de votre groupe et celles qui semblent ne pas en faire partie

 15   doivent être notées. C'est simple, notez-le, je dirai ce que le Président

 16   a dit mais ne parlez pas d'armes aux gens. Nous constituons des

 17   détachements non armés pour telle et telle région, c'est ce qu'il faut

 18   dire, nous allons nous aligner et voir ceux qui sont au commandement de

 19   Bogdanovci jusqu'à Lustar et à Banka également.

 20   En d'autres termes, la partie serbe jusqu'à Osijek nous est

 21   réservée et puis l'autre partie sera réglée par Osijek, personne ne peut

 22   passer par ici, nous couvrons toute cette région, il faut établir un lien

 23   avec les routes de Bogdanovci et Lustar, pas de problème.

 24   Question : Faut-il que tout le monde y aille ou simplement le

 25   commandement ?


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  1   Réponse : Non, tout le monde".

  2   (Fin de la cassette)

  3   M. Fila (interprétation). - A ce moment-là, la Croatie faisait-

  4   elle partie de la RSFY ? Je vous demanderai de diffuser la séquence

  5   suivante et la question était de savoir si la Croatie faisait partie de la

  6   RSFY à l'époque, parce qu'on entend parler de la constitution de

  7   détachements non armés et aussi de détachements armés, si j'ai bien vu ces

  8   images.

  9   M. le Président (interprétation). - Que répondez-vous, témoin,

 10   parce que M. Fila vous a posé une question ?

 11   M. Bulajic (interprétation). - J'ai répondu par l'affirmative.

 12   M. Williamson (interprétation). - Objection, Monsieur le

 13   Président, face aux commentaires faits par Maître Fila, il y a un instant.

 14   Je viens de le voir sur l'écran. Il dit qu'on entend parler de la

 15   formation de détachements non armés et, si je vois bien ces images, je

 16   trouve ce commentaire hors de propos. Il incombe aux juges de déterminer

 17   la nature des éléments de preuve, et il n'incombe pas à Maître Fila de

 18   nous donner son interprétation des images. Il peut réserver cela à sa

 19   plaidoirie.

 20   M. le Président (interprétation). - Je crois, Maître Fila, que

 21   l'accusation a raison.

 22   M. Fila (interprétation). - Je voulais simplement dire qu'on

 23   entendait aussi, par le son de la cassette, que des armes avaient été

 24   fournies mais j'accepte votre objection.

 25   (Passage de la cassette)


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  1   "Si vous avez besoin de ceci, au moment décisif, il faut

  2   organiser deux ou trois hommes pour assurer la liquidation... Oui la

  3   liquidation physique. Oui... Notre police n'ose pas... Oui on va chez

  4   quelqu'un et chez quelqu'un d'autre en même temps... Ceux qui sont les

  5   plus dangereux peuvent être tués sur le pas de leur porte... Pas de

  6   questions à poser. Il ne faut pas demander si ce sont des femmes ou des

  7   enfants"

  8   Qui est cette personne que nous avons vue figurer sur ces

  9   images ?

 10   M. Bulajic (interprétation). - Spegelj, colonel de l'autre

 11   armée.

 12   M. Fila (interprétation). - Et qui devait-il tuer sur le pas de

 13   leur porte ?

 14   M. Bulajic (interprétation). - Ceux qui étaient opposés au

 15   démantèlement des officiers du gouvernement légal.

 16   M. Fila (interprétation). - Pour créer quel Etat ?

 17   M. Bulajic (interprétation). - L'Etat indépendant de Croatie.

 18   M. Fila (interprétation). - A cette époque, la Croatie, sans

 19   aucune contestation possible, faisait-elle partie de la RSFY ?

 20   M. Bulajic (interprétation). - Oui, en vertu du droit

 21   international, la Croatie faisait indéniablement partie de la République

 22   socialiste fédérative de Yougoslavie.

 23   (Passage de l'extrait de la cassette suivant)

 24   M. Fila (interprétation). - Quand ceci a-t-il eu lieu ?

 25   M. Bulajic (interprétation). - En mai 1991.


Page 2109

  1   M. Fila (interprétation). - La Croatie faisait-elle

  2   indéniablement partie de la RSFY ?

  3   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

  4   M. Fila (interprétation). - Dans votre carrière diplomatique,

  5   avez-vous constaté qu'une population pouvait attaquer son armée officielle

  6   pour s'emparer des armes, pour étrangler les soldats ?

  7   M. Bulajic (interprétation). - Jamais. Je me suis trouvé aux

  8   Etats-Unis et, si ceci s'était passé, si on avait attaqué un char

  9   d'assaut, tout le monde aurait été arrêté.

 10   M. Fila (interprétation). - Il s'agissait de l'armée régulière

 11   de la RSFY ?

 12   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

 13   M. Fila (interprétation). - Et par qui a-t-elle été attaquée ?

 14   M. Bulajic (interprétation). - Par des Croates.

 15   M. Fila (interprétation). - Peut-on voir la séquence suivante ?

 16   (Passage de l'extrait de la cassette suivant)

 17   "Il s'agit de Bjelovar et du massacre des membres de la JNA.

 18   Caserne de la JNA à Bjelovar".

 19   Qui sont ces morts ? Quelle était cette caserne et qui étaient

 20   les hommes vivants ?

 21   M. Bulajic (interprétation). - C'était la caserne de la JNA, la

 22   caserne régulière. Et les soldats tués sont des officiers de l'armée

 23   légitime de la Yougoslavie, de la JNA. Les auteurs sont les rebelles, les

 24   formations paramédicales.

 25   M. Fila (interprétation). - A cette époque, en septembre 1991,


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  1   la Croatie faisait-elle partie de la RSFY ?

  2   M. Bulajic (interprétation). - Tout à fait. Elle faisait partie

  3   de la formation de l'ex-Yougoslavie.

  4   M. le Président (interprétation). - Désolé, Maître Fila, mais

  5   nous avons déjà vu ces séquences. Le témoin n'a pas été témoin de ces

  6   faits, il n'en a pas été le témoin oculaire. A quoi sert-il donc de

  7   montrer des films que nous avons déjà vus ? A quoi sert-il de poser des

  8   questions au témoin à propos de faits auxquels il n'a pas assisté ?

  9   Pourriez-vous accélérer l'interrogatoire ?

 10   M. Fila (interprétation). - Oui, nous allons nous comprendre

 11   dans un instant, Monsieur le président. Vous m'avez demandé où j'avais

 12   obtenu ces cassettes lorsque j'avais présenté mes déclarations liminaires.

 13   Eh bien je les ai obtenues de ce témoin. Ces cassettes font partie des

 14   archives du Musée du génocide. Je lui demande donc ce qu'il y a dans ce

 15   film pour vous expliquer d'où j'ai obtenu ces films. Rappelez-vous, ce

 16   témoin était directeur du Musée du génocide et il peut attester de

 17   l'authenticité de ces pièces. Ce n'est pas moi qui ai concocté ces pièces,

 18   et c'est la raison de la question que je pose au témoin.

 19   M. le Président (interprétation). -  Je vois.

 20   M. Fila (interprétation). - Pouvons-nous voir la séquence

 21   suivante de la cassette ? Nous en aurons ainsi terminé. Le moment est

 22   peut-être opportun de vous demander si, à l'époque, d'autres casernes de

 23   la JNA ont été attaquées. Il s'agit de la période précédant le 8 octobre

 24   1991.

 25   M. Bulajic (interprétation). - Oui, dans toute la Yougoslavie,


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  1   des casernes de la JNA ont été attaquées, notamment en Croatie.

  2   M. Fila (interprétation). - Y a-t-il eu plusieurs cas de ce

  3   genre ?

  4   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

  5   M. Fila (interprétation). - Y a-t-il eu des tués ?

  6   M. Bulajic (interprétation). - Oui.

  7   M. Fila (interprétation). - Y a-t-il eu des plasticages ?

  8   M. Bulajic (interprétation). - Oui, il y a eu un cas connu de

  9   plasticage d'un dépôt d'arme, d'un arsenal tout entier.

 10   M. Fila (interprétation). - Merci. Pouvons-nous maintenons voir

 11   la séquence suivante qui date de 1991 ? C'est un film qui porte sur

 12   Vukovar, sur ce que la JNA a trouvé à son entrée à Vukovar. Est-ce bien

 13   cela, Monsieur le témoin ?

 14   M. Bulajic (interprétation). - Oui, tout à fait.

 15   (passage de la cassette)

 16   "Ici nous avons décompté plusieurs dizaines de civils massacrés.

 17   Est-ce la chance qui a sauvé Petar et Toka Loncar ou ils ont passé

 18   pratiquement cinq mois dans leur cave ?... Il n'est pas possible de

 19   continuer à vivre ensemble, il faut que nous nous divisions. Il n'est pu

 20   possible de vivre avec eux. Comment voulez-vous que cela se passe ? Les

 21   gardes serbes les ont massacrés lorsqu'ils ont vu qu'ils perdaient la

 22   guerre. Voyez comment ils se sont vengés. Ils sont tellement furieux

 23   qu'ils ne savent pas quoi faire. Ils tirent sur tout ce qui bouge, ils

 24   n'épargnent personne. Vous le voyez, ils ont enlevé les yeux des gens ;

 25   ils ont fait les choses les plus atroces. Voyez, cet homme a été massacré


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  1   à la baïonnette ; cela s'est passé il y a peut-être trois jours. Cet homme

  2   qui est sur le ventre, c'est Vukovic, et cet autre homme qui est aussi au

  3   sol, sur le ventre, est le propriétaire de cette autre maison. C'est aussi

  4   un Serbe. Cette femme que vous voyez, dont le corps se trouve sur le corps

  5   de cette vieille femme, est la femme de Ilija Vukovic"

  6   M. Fila (interprétation). - Merci. Voilà la fin de la

  7   présentation des films vidéo. Je demande que soient versées au dossier ces

  8   pièces, leur source est le Musée du génocide. C'est la fin de ce qu'a à

  9   dire la défense concernant Vukovar en 1991.

 10   M. Williamson (interprétation). - Concernant le versement au

 11   dossier, je comprends que la source de Me Fila était le Musée du génocide

 12   mais je voudrais savoir quelle était la source pour le musée. Si ce point

 13   peut être éclairci, il n'y aura pas d'objection.

 14   M. Fila (interprétation). - Nous allons justement poser cette

 15   question. Vous voulez poser la question, c'est ce que vous voulez dire ?

 16   M. Williamson (interprétation) - Comme je vous l'ai déjà dit,

 17   nous avons dans notre centre de vidéo, pour préserver les documents,

 18   recueilli les documents de plusieurs sources, de plusieurs correspondants

 19   qui étaient sur place. Nous avons également reçu les documents de certains

 20   services spécialisés de l'armée yougoslave qui a filmé sur place, et de

 21   toutes les sources qui nous ont été disponibles. Je me suis rendu à

 22   Vukovar une fois moi-même pour voir cela de mes propres yeux parce que

 23   tout ce que j'ai vu sur les films et que vous avez vu ici est incroyable,

 24   il n'est pas possible de concevoir de tels crimes. Nous avons compris

 25   qu'il y avait des choses qui ont été bien faites, d'autres mal faites.


Page 2113

  1   C'était le cas avec les enfants. C'est quelque chose qui était fascinant.

  2   Un journaliste italien avait offert des éléments de preuve mais sans qu'il

  3   y ait d'images. Et on a trouvé une quarantaine d'enfants enveloppés. J'ai

  4   vérifié cela et j'ai appris que ce n'était pas vrai. La crédibilité de ces

  5   documents, a été mise en question et la BBC a refusé de recevoir les

  6   documents de cette région à partir de ce moment-là. Une pléthore de

  7   documents existent, qu'on ne peut pas vraiment vérifier, et il faut faire

  8   attention.

  9   M. Fila (interprétation). - La défense a certains témoignages

 10   inexacts. Si vous voulez voir cela, vous pouvez voir cela aussi.

 11   M. le Président (interprétation). - Je demande au Procureur s'il

 12   veut bien accepter le film.

 13   M. Williamson (interprétation). - Nous n'avons pas d'objection.

 14   Nous soulevons une objection vis-à-vis de quelque chose qui a été qualifié

 15   d'inexact.

 16   M. le Président (interprétation). - La pièce est donc admise.

 17   M. Fila (interprétation). - Nous allons bientôt terminer notre

 18   contre-interrogatoire. La cassette porte le n° D140. Lorsque j'ai soumis

 19   votre rapport d'expert, le Tribunal vous a demandé, à Belgrade, de

 20   soumettre un certain nombre de vos livres. Je ne sais pas si c'était le

 21   Tribunal ou le bureau du Procureur qui avait fait cette demande, mais, en

 22   tout cas, vous avez soumis ce livre. Voulez-vous bien le regarder ? Je

 23   n'ai qu'un exemplaire, je ne peux donc pas le verser au dossier.

 24   M. le Président (interprétation). - Voulez-vous parler de ce

 25   livre, Maître Fila ?


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  1   M. Fila (interprétation). - Je voulais tout simplement demander

  2   au témoin expert de lire le titre parce qu'il s'agit ici d'un des titres

  3   qui figurent dans la bibliographie.

  4   M. Bulajic (interprétation). - C'est le bureau des observateurs

  5   du bureau du Procureur du Tribunal international qui m'a demandé de

  6   soumettre un certain nombre de livres et d'articles. J'ai fait ce qu'on

  7   m'avait demandé pour qu'on puisse voir ce que j'avais étudié.

  8   Le livre s'intitule : "Démantèlement de l'Etat yougoslave, 1991-

  9   1992, Crimes contre la paix - La responsabilité du Vatican et de

 10   l'Allemagne".

 11   M. Fila (interprétation). - Malheureusement je ne peux pas

 12   verser ce livre au dossier parce que je n'ai que cet exemplaire, mais le

 13   témoin expert nous a donné une disquette où l'on trouve la traduction en

 14   anglais de ce livre. S'il le faut, nous pouvons vous fournir cette

 15   disquette parce que je n'en ai pas besoin. Je vais maintenant demander à

 16   notre témoin expert de bien vouloir regarder ces documents et de nous

 17   indiquer où il se trouve dans le livre.

 18   M. le Greffier (interprétation). - C'est la pièce D41.

 19   (L'huissier remet la pièce au témoin)

 20   M. Fila (interprétation). - Voulez-vous bien nous dire où, dans

 21   ce livre, on peut trouver ces extraits et de quoi il s'agit.

 22   M. Bulajic (interprétation). - Il s'agit d'un chapitre tiré du

 23   livre en langue serbe, à la page 286. Il s'agissait de la traduction de ce

 24   chapitre intitulé "Genscher et la mise en garde contre Lord Carrington et

 25   le Secrétaire général", Genscher qui rejette la mise en garde.


Page 2115

  1   M. Fila (interprétation). - De quoi s'agit-il ici, en quelques

  2   phrases ?

  3   M. Bulajic (interprétation) - Au début de décembre 1991, quand

  4   j'effectuais des recherches aux Nations Unies sur la tragédie de mon

  5   peuple, étant donné que j'ai également servi à New-York comme consul

  6   général de la Yougoslavie, j'ai trouvé un certain nombre de documents où

  7   Lord Carrington, à l'époque le président de la conférence sur la

  8   Yougoslavie et le Secrétaire général des Nations Unies, Perez de Cuellar,

  9   avait rédigé une lettre au Ministre des Affaires Etrangères de la

 10   République Fédérale d'Allemagne où il met en garde en disant qu'une

 11   reconnaissance précoce de l'éclatement de l'Etat yougoslave pourrait avoir

 12   comme conséquence une tragédie affreuse pour tous les peuples de la

 13   Yougoslavie.

 14   Genscher qui était l'un des premiers architectes de ce qui

 15   allait se produire avait rejeté la mise en garde de Lord Carrington et du

 16   secrétaire général des Nations Unies. A mon sens, cette mise en garde et

 17   également, vu la perspective historique dont nous jouissons maintenant,

 18   était importante parce que tous les hommes d'Etat ont reconnu que,

 19   malheureusement, c'était trop tard pour les peuples yougoslaves mais que

 20   cette reconnaissance précoce du démantèlement de la Yougoslavie, avant que

 21   toutes les conditions soient satisfaites permettant à tous les peuples de

 22   se voir reconnaître leurs droits, ce qui a eu lieu au début décembre par

 23   Genscher... après tous les événements de Vukovar, il a rejeté cette mise

 24   en garde.

 25   M. Fila (interprétation). - La reconnaissance précoce de quoi ?


Page 2116

  1   M. Bulajic (interprétation). - La reconnaissance de la Croatie

  2   et de la Slovénie.

  3   M. Fila (interprétation). - Alors je verse cette pièce au

  4   dossier comme pièce à conviction.

  5   M. Williamson (interprétation). - Pas d'objection.

  6   M. Fila (interprétation). - Je voudrais que le témoin voit le

  7   document suivant. Je m'excuse auprès de vous, Messieurs et Madame les

  8   juges, et Monsieur le Procureur, notre témoin est expert en droit

  9   international. C'était le premier Conseiller au Ministère des Affaires

 10   Etrangères. Voilà pourquoi je me sers de lui dans cet objectif, c'est-à-

 11   dire comme source d'information.

 12   M. le Greffier (interprétation). - C'est la pièce D 42.

 13   (L'huissier remet la pièce au témoin)

 14   M. Fila (interprétation). - Voulez-vous nous dire de quoi il

 15   s'agit et où peut-on trouver cela dans votre livre ?

 16   M. Bulajic (interprétation). - Il s'agit de la page 188 dans mon

 17   livre. Il s'agit du rôle joué par la communauté européenne, la troïka de

 18   la communauté européenne, en intervenant dans les affaires internes de

 19   l'Etat yougoslave, en exerçant des pressions et insistant pour que les

 20   représentants de la Croatie ... Stepan Mrksic, qui à un moment, avait dit

 21   ouvertement qu'il était prêt à démanteler l'Etat yougoslave et que c'était

 22   son premier objectif.

 23   C'était la raison pour laquelle on ne peut pas mettre à la tête

 24   d'un Etat, celui qui a cherché à le détruire. Mais la troïka de la

 25   Communauté Européenne à l'époque, d'après les procès-verbaux que j'ai eu


Page 2117

  1   la possibilité de voir, ont garanti, y compris le représentant d'Italie,

  2   qu'ils allaient préserver l'intégrité de la Yougoslavie qu'ils

  3   obligeraient les Etats qui voulaient faire sécession, c'est-à-dire la

  4   Croatie et la Slovénie, à ne pas aller de l'avant en utilisant la force.

  5   Si certaines procédures constitutionnelles selon lesquelles ils pouvaient

  6   faire sécession, prévues par la constitution -ce qu'ils étaient prêts à

  7   accepter -, tout recours à la violence produirait des conséquences

  8   néfastes pour le peuple yougoslave.

  9   Voilà l'essentiel de ce chapitre, il est clair aujourd'hui que

 10   toutes les garanties de l'Union Européenne n'ont pas été respectées.

 11   M. Fila (interprétation). - Regardez si vous voulez bien

 12   l'extrait suivant de votre livre et je voudrais que soit versée au

 13   dossier, la pièce D 43

 14   M. le Greffier (interprétation). - Ce sera la pièce D 43.

 15   (L'Huissier remet la pièce au témoin.)

 16   M. Bulajic (interprétation). - Voilà un chapitre de mon livre.

 17   Je dois noter ici, attendez un petit moment...

 18   M. le Président (interprétation). - Objection de la part du

 19   Procureur ?

 20   M. Williamson (interprétation). - Nous n'avons pas d'objection

 21   Monsieur le Président, merci.

 22   M. Fila (interprétation). - Continuez, de quoi s'agit-il ?

 23   M. Bulajic (interprétation). - Il s'agit de la responsabilité de

 24   l'Allemagne et de l'Autriche vis-à-vis de la responsabilité du

 25   démantèlement de l'Etat yougoslave. Cela se trouve page 134 de mon livre


Page 2118

  1   mais dans ma version préparée pour les pays de langue anglaise, il s'en

  2   écarte légèrement, mais l'essentiel de l'affaire est ceci : j'aimerais que

  3   vous compreniez bien cela parce que c'est le résultat d'une étude menée

  4   sur la genèse historique de tout cela, de tout ce qui s'est passé en

  5   Yougoslavie. Vous verrez que cela se passe dans tous les pays du monde en

  6   Italie, on voit cela en France et également dans beaucoup d'autres Etats.

  7   La tragédie du peuple yougoslave n'aurait pas eu lieu s'il n'y avait pas

  8   eu cette intervention extérieure. Comme vous le savez., la charte des

  9   Nations Unies interdit cela, il s'agit ici d'un crime contre la paix. A

 10   l'évidence, il y a certaines tentatives de "revanchisme", j'en ai des

 11   preuves. Dans mes recherches, étant qu'expert en droit et en histoire,

 12   j'ai toujours essayé de montrer qu'il y avait des points, des endroits en

 13   Allemagne où les forces paramilitaires croates ont été formées. On sait

 14   que des dizaines de milliers de fusils kalachnikov ont été importés de

 15   façon illégale de la Hongrie en contravention des règlements est ceci aux

 16   fins des forces paramilitaires, pour contourner aussi la JNA.

 17   L'édition anglaise aurait été plus approfondie que la version

 18   Serbe si l'on n'avait pas eu l'intervention des forces étrangères. Il y

 19   aurait eu des négociations mais on n'aurait pas vu la stratégie telle que

 20   nous l'avons vue .Voilà l'objectif, qui est de montrer l'historique de ce

 21   qui s'est passé entre 1991 et  1992. Où se trouvent les racines du

 22   problème ? Parce que tous les crimes dont nous parlons, sont des

 23   conséquences, et le fait est qu'en 1941, l'Etat yougoslave a été

 24   démantelé, les crimes de génocide ont eu lieu en 1991, c'était le

 25   démantèlement du deuxième Etat yougoslave, et tout s'est reproduit. Pour


Page 2119

  1   le deuxième Etat yougoslave, il y avait la grande Serbie la grande

  2   Croatie, il y avait des Musulmans, tout le monde vivait ensemble, mais

  3   personne n'aimait cela. Il fallait le démanteler.

  4   M. Fila (interprétation). - Lors de vos recherches, avez-vous vu

  5   s'il y avait des mercenaires dans les forces armées croates ou dans

  6   d'autres forces ?

  7   M. Bulajic (interprétation). - Merci de votre question. En 1995,

  8   j'ai eu l'honneur de visiter cet auguste Tribunal. J'ai eu une discussion

  9   avec le Procureur adjoint, je lui ai donné une liste de treize mercenaires

 10   en provenance des Pays-Bas, j'ai fait référence à la convention sur les

 11   mercenaires et je lui ai dit que, d'après ma compréhension du droit

 12   international, il s'agissait des criminels les plus néfastes qui soient,

 13   qui ne bénéficient d'aucune protection internationale, et je propose

 14   qu'ils fassent l'objet de poursuites, et qu'ils soient punis. Voilà où

 15   j'ai vu le vrai objectif de ce Tribunal.

 16   Cette liste de treize mercenaires néerlandais a été soumise

 17   également au ministère des Affaires Etrangères des Pays-Bas, en indiquant

 18   la convention que ce pays avait signée c'est-à-dire le Royaume de la

 19   Serbie et le Royaume des Pays-Bas en 1985 et j'avais proposé qu'on prenne

 20   un certain nombre de mesures contre ces mercenaires. Il y a aussi les

 21   mercenaires de l'Autriche, des Etats-Unis, de l'Allemagne, mais à ma

 22   connaissance on n'a rien fait, on ne les a pas poursuivis et en tant

 23   qu'expert en droit international, et au titre d'une personne qui voit les

 24   choses sur le plan international, je ne comprends pas que les pays

 25   civilisés, y compris les Etats-Unis et les Pays-Bas, une fois les


Page 2120

  1   criminels identifiés, une fois qu'on sait de qui il s'agit, ne fassent

  2   rien.

  3   M. Fila (interprétation). - Dernière question qui pourrait

  4   intéresser le Tribunal, c'est la version anglaise de ce texte que j'ai ici

  5   sur la disquette.

  6   M. Bulajic (interprétation). - C'est la dernière version, la

  7   plus récente datée de 1996. J'ai récolté de nouveaux documents, et j'ai

  8   trouvé des documents très importants. J'ai mené des recherches au niveau

  9   du ministère des affaires étrangères Italien, et au quartier général de

 10   l'armée italienne, à Kew Gardens à Londres, aux Etats-Unis, en France et

 11   dans toutes les archives de l'ex-Yougoslavie auxquelles j'ai accès.

 12   M. Fila (interprétation). - Je voudrais que soit versée au

 13   dossier la version en anglais des 400 pages de ce livre. Si quelqu'un veut

 14   le regarder, ce sera possible. Evidemment si le Procureur n'a pas

 15   d'objection.

 16   M. Williamson (interprétation). - Pas d'objection.

 17   M. Fila (interprétation). - Je voudrais que les deux derniers

 18   documents soient admis. Ont-ils été admis ?

 19   M. Williamson (interprétation). - Cela soulève tout de même une

 20   question, M. Fila a évoqué certaines pièces justificatives, et si cela

 21   n'est pas versé au dossier, il faudrait que ce soit conservé comme étant

 22   des pièces justificatives. nous n'avons pas d'objection que ce soit versé

 23   au dossier, mais nous voudrions être sûrs que tout ce qui a été versé au

 24   dossier comme pièce justificative n'est pas utilisé comme élément de

 25   preuve pour la décision du Tribunal, c'est pour être sûr qu'il n'y ait pas


Page 2121

  1   de malentendu.

  2   M. Fila (interprétation). - Oui c'est simplement en cas

  3   d'objection, mais comme vous n'avez pas d'objection il n'y a pas de

  4   problème. La défense a demandé et obtenu de Belgrade un jeu de documents

  5   signé par le RSFY, comme des documents internationaux couvrant la période

  6   mai 1990 jusqu'à la fin de 1991. Comme notre témoin est expert, conseiller

  7   juridique auprès du ministère des affaires étrangères je voudrais qu'on

  8   lui montre ces documents dont certains sont rédigés en Serbe, d'autres en

  9   Anglais d'autres en Français et je voudrais lui demander s'il peut les

 10   identifier pour nous. Je pense que ce serait utile par rapport aux autres.

 11   M. le Greffier (interprétation). - Il s'agit du document D 45.

 12   M. Fila (interprétation). - Je voudrais que vous regardiez ces

 13   documents un par un et que vous nous expliquiez de quoi il s'agit, de quel

 14   type de document il s'agit.

 15   M. Bulajic (interprétation). - Le premier témoin... le troisième

 16   protocole sur la coopération financière entre la République Socialiste

 17   Fédérative et la Communauté Européenne, portant la date... Bruxelles 24 

 18   juin 1991...

 19   M. Fila (interprétation). - Continuez s'il vous plaît

 20   M. Bulajic (interprétation). - Le deuxième document, la page de

 21   garde de la banque mondiale sur les dons japonais datée de 1991 entre la

 22   République Socialiste Fédérative de Yougoslavie et la banque

 23   internationale pour le développement et les restructurations, daté

 24   de 1991.

 25   M. Fila (interprétation). - N'y a-t-il pas de date plus exacte ?


Page 2122

  1   M. le Président (interprétation). - C'est le 24 octobre 1991 ?

  2   M. Fila (interprétation). - Octobre, oui, c'est cela.

  3   Continuons.

  4   M. Bulajic (interprétation) - Le protocole entre le conseil

  5   exécutif socialiste de la RSFY et le gouvernement de la Roumanie sur

  6   l'échange de services et de biens daté de 1991 est signé du

  7   27 novembre 1991, le suivant est une lettre. Elle a été envoyée à

  8   l'ambassadeur et au chef de (inaudible) à Bruxelles daté du

  9   18 septembre 1991.

 10   Après, il y a un titre en français, la lettre a été envoyée à

 11   l'ambassadeur yougoslave et le dernier document est une note verbale de

 12   l'ambassade des États-Unis envoyée au secrétariat fédéral des affaires

 13   étrangères de la RSFY datée du 25 juin 1991, ce qui veut dire

 14   immédiatement à la suite de la visite du secrétaire d'État en Yougoslavie,

 15   James Baker.

 16   M. Fila (interprétation). - Peut-on dire, étant donné que vous

 17   êtes témoin expert dans ce domaine, que ces documents faisaient référence

 18   à l'État souverain de la RSFY ?

 19   M. Bulajic (interprétation) - Il s'agit ici des documents les

 20   plus officiels parce qu'il s'agit des documents signés par des États, donc

 21   il s'agit de la communication la plus officielle entre des organes

 22   internationaux et des États.

 23   M. Fila (interprétation). - Cela veut-il dire que la RSFY était

 24   considérée comme un État ?

 25   M. Bulajic (interprétation) - Oui.


Page 2123

  1   M. Fila (interprétation). - Je voudrais que ces pièces soient

  2   versées au dossier.

  3   M. Williamson (interprétation). - Objection, cela exige une

  4   conclusion juridique du témoin.

  5   M. Fila (interprétation). - Le témoin est le conseiller

  6   juridique principal du ministère des Affaires étrangères et il arrive a

  7   des conclusions juridiques. Je voudrais que soit versée au dossier cette

  8   pièce. La défense n'a plus de question.

  9   M. Williamson (interprétation). - Nous n'avons pas d'objection.

 10   M. le Président (interprétation). - Merci, nous pouvons

 11   maintenant passer au contre-interrogatoire.

 12   M. Williamson (interprétation). - Docteur Bulajic, il y a

 13   d'autres livres que vous avez lus que nous n'avons pas évoqués au cours de

 14   l'interrogatoire principal. L'un d'entre eux est un livre qui soulève des

 15   critiques assez sévères vis-à-vis de ce Tribunal, qui s'appelle d'ailleurs

 16   L'autre possibilité pour le Tribunal. Sur la couverture, on voit une image

 17   avec une épée dans les mains de la dame de la Justice et on voit "Pour les

 18   Serbes" écrit sur l'épée. Dans ce livre, vous avez dit que le conseil de

 19   sécurité n'avait pas créé une cour permanente et qu'ici, ce n'était pas

 20   vraiment un Tribunal valable. Est-ce toujours votre opinion ?

 21   M. Bulajic (interprétation) - Oui, c'est mon opinion. Je peux

 22   m'expliquer, si vous voulez. Pendant toute ma vie, j'ai travaillé dans le

 23   domaine du droit international, surtout le droit des Nations Unies. J'ai

 24   collaboré avec la Cour internationale de Justice mais, d'après mon

 25   analyse, pour ce qui concerne l'établissement du TPI, ce n'était pas la


Page 2124

  1   même que le fait que j'avais soutenu la création d'une Cour internationale

  2   ayant une compétence générale. Pour moi, l'humanité, à l'heure actuelle,

  3   en a besoin.

  4   L'établissement de tribunaux individuels pour des États

  5   individuels, pour moi, n'a pas de fondement et je dois vous rappeler que

  6   ce n'est pas mon opinion à moi, mais c'est l'opinion également de mon

  7   collègue érudit que j'ai bien connu avant qu'il ne soit Secrétaire général

  8   des Nations Unies, le docteur Butros-Butros Ghalli. Son explication, dès

  9   le début, lors de l'établissement de ce Tribunal, mais je ne vais pas trop

 10   m'étendre là-dessus... vous avez la possibilité de voir mon livre, je veux

 11   simplement vous donner mon opinion.

 12   Chaque homme est censé avoir son droit et avec le plein respect

 13   que j'ai pour le Tribunal que vous représentez, c'est pour cette raison

 14   que je suis là aujourd'hui pour comparaître en tant que témoin, parce que

 15   je vous respecte et vous approuve. Si le Conseil de sécurité doit créer

 16   une instance d'un Tribunal international uniquement pour créer un organe

 17   subsidiaire, à mon sens et d'après mes critères, cela ne devrait pas être

 18   un corps tel que je le vois. Vous permettez que je puisse avoir un avis

 19   là-dessus.

 20   J'ai pu étudier pour savoir pour quelle raison l'initiative des

 21   États-Unis d'Amérique pour créer un Tribunal ad hoc pour l'Irak, pour

 22   juger Saddam Hussein a été rompue. Pourquoi a-t-on créé uniquement le

 23   Tribunal pour juger les crimes et les violations concernant les

 24   territoires de l'ex-Yougoslavie ?

 25   C'est un avis franc mais en toute liberté que je donne ici, en


Page 2125

  1   tant que juriste que je suis, je plaide pour une Cour internationale de

  2   compétence générale. J'exprime, une fois de plus, mes pleins respects pour

  3   le Tribunal que vous êtes. Mais, j'ai voulu me présenter en ami curieux

  4   devant ce Tribunal, j'ai voulu et j'ai toujours coopéré avec M. Mihov,

  5   votre correspondant à Belgrade si vous me permettez de vous faire une

  6   assertion qui est la mienne, pour vous faire connaître l'avis du juriste

  7   que je suis, mais aussi pour faire tout ce que nous devons faire pour

  8   permettre l'établissement de la vérité.

  9   M. Williamson (interprétation). - Dans votre livre, vous posez

 10   la question de savoir où se trouve l'idée d'une responsabilité

 11   individuelle comme étant la base de toute accusation mais également de

 12   poursuite criminelle. Par conséquent, ceux qui sont déjà en Yougoslavie,

 13   vous les considérez comme étant à la racine de génocide à titre

 14   d'individus ?

 15   Si j'ai bien lu là-dessus, vous avez écrit deux livres sur la

 16   dislocation de la Yougoslavie et, là, vous avez parlé d'Allemagne, du

 17   Vatican, de Hongrie, de Slovénie. Je n'ai jamais pu trouver dans vos

 18   livres que la Serbie avait quelque chose à voir avec le démantèlement de

 19   la Yougoslavie. Est-ce exact ?

 20   M. Fila (interprétation). - Cela est intéressant au même titre

 21   que Jasenovac. Je ne vois pas très bien quel lien on veut voir entre

 22   Jasenovac et l'Allemagne. Tout à l'heure, quand j'ai voulu dire qu'à

 23   Jasenovac 500.000 Serbes ont été exterminés alors vous n'y voyiez pas de

 24   bien-fondé. Je vous prie, bien entendu, de suivre ce que l'expert veut

 25   apporter ici en tant qu'expert témoin, pas dans son livre.


Page 2126

  1   M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, cet

  2   homme est un expert et la pratique est que les experts nous apportent les

  3   documents suivants lesquels nous pouvons parler de crédibilité mais aussi

  4   des motifs pour témoigner. Je veux dire par là que notre témoin expert a

  5   apporté pas mal de documents concernant les crimes de guerre. Par

  6   conséquent, c'est ainsi que je le vois pertinent.

  7   M. le Président (interprétation). - Je me demande à quel point

  8   votre question serait pertinente. Peut-être pourriez-vous passer à une

  9   autre question.

 10   M. Williamson (interprétation). - Bien Monsieur le Président. Je

 11   n'ai pas d'objection. Dans votre livre, vous avez fait entrer d'autres

 12   articles signés par d'autres auteurs également, moyennant quoi, vous

 13   voulez corroborer l'attitude qui est la vôtre, est-ce vrai ?

 14   M. Bulajic (interprétation) - Premièrement...

 15   M. Fila (interprétation). - Objection. De quel livre parlons-

 16   nous ?

 17   M. Williamson (interprétation). - Toujours La Justice

 18   alternative. Un Tribunal contre la Yougoslavie.

 19   M. Fila (interprétation). - Objection. Je ne comprend toujours

 20   pas de quel livre il s'agit.

 21   M. Williamson (interprétation). - Mais justement, le livre que

 22   vous venez de mentionner. Il y a d'autres articles, disais-je, dans ce

 23   livre que je considère comme pertinents parce que le présent témoin expert

 24   veut dire qu'on ne parle pas dans ce livre-ci de crimes de guerre. Or, si

 25   le témoin expert veut faire valoir son assertion selon laquelle le


Page 2127

  1   Tribunal n'existe pas comme une instance légale, conformément à la loi,

  2   alors nous sommes tous saisis pour savoir dans quelle mesure nous pouvons

  3   voir le bien-fondé des assertions de témoin.

  4   M. le Président (interprétation). - Je crois que pour ce qui est

  5   de la légalité, de la crédibilité du Tribunal et au sujet de ce que le

  6   témoin expert vient de dire, nous croyons que le témoin ne peut le faire

  7   qu'en homme de sciences. Je ne sais pas dans quelle mesure ceci peut être

  8   pertinent pour nous, ici, au Tribunal. Mais si nous voulons le laisser

  9   parler pour voir si lui croit ou non que des crimes de guerre ont été

 10   commis, alors là, vous pouvez poursuivre.

 11   M. Williamson (interprétation). - Concrètement, il y a un

 12   article signé par John Philips, inclus dans le livre, concernant également

 13   les crimes de guerre, le mythe et les réalités. Êtes-vous d'accord avec

 14   les conclusions auxquelles aboutit l'auteur ? Pouvez-vous nous dire de

 15   quelles conclusions il s'agit ? Je ne saurais pas les présenter en

 16   citation.

 17   M. le Président (interprétation). - Bien, nous devons permettre

 18   à l'Accusation de faire son travail. Voulez-vous répondre à cette

 19   question : êtes-vous d'accord en ce qui concerne les conclusions issues de

 20   cet article ?

 21   M. Bulajic (interprétation) - Non, je ne se suis pas d'accord.

 22   Pour ce qui est de mon attitude, je suis clair et de principe : tous les

 23   crimes de guerre, quels qu'en soient les auteurs, doivent être punis et

 24   traduits devant la Justice. Peu importe s'il s'agit de Slovènes, de

 25   Serbes, de Croates etc. Mais s'il s'agit de pluralité de points de vue, si


Page 2128

  1   vous me permettez, l'on souhaite faire valoir son avis mais l'on souhaite

  2   entendre d'autres avis également.

  3   Le 13 avril 1993, j'ai moi-même pu initier à la faculté où je

  4   travaille en dehors de toutes les fonctions qui sont les miennes, une

  5   table ronde où nous avons voulu débattre sur la création d'un Tribunal ad

  6   hoc pour juger les crimes de guerre de l'ex-Yougoslavie...

  7   M. le Président (interprétation). - Non, arrêtez-vous là pour ne

  8   pas entrer dans les détails. Ceci ne fait pas l'objet de notre débat.

  9   M. Williamson (interprétation). - Docteur Bulajic, nous avons

 10   entendu quelques-uns de vos commentaires liés au film présenté sur la

 11   cassette vidéo concernant les milices, les formations paramilitaires et

 12   lorsque M. Mercep a parlé de formations non armées, pour ce qui est du

 13   général Spegelj et de la livraison d'armes, vous avez dit que ceci ne

 14   devrait pas être en accord avec la pratique de la RSFY. Est-ce exact ?

 15   M. Bulajic (interprétation) - Exact.

 16   M. Williamson (interprétation). - La formation de la région

 17   autonome serbe est-elle conforme à la loi de la RSFY ou de la Croatie ?

 18   M. Bulajic (interprétation) - Probablement, vous avez pu voir

 19   dans mon curriculum que ma thèse de doctorat portait sur le droit des

 20   peuples à l'autodétermination. Plus tard, il a été avéré aux Nations Unies

 21   que c'est l'un des principes de base sur lesquels repose le droit

 22   international moderne. Si, à cette époque-là, la Croatie voulait faire une

 23   sécession de force pour se détacher de la RSFY et de son droit

 24   constitutionnel, le même droit constitutionnel a dû être réservé au peuple

 25   serbe parce que le peuple serbe ne faisait que témoigner de sa résistance


Page 2129

  1   au droit hongrois.

  2   Permettez-moi de vous rappelez l'exemple de la Virginie

  3   occidentale du temps de la guerre de Sécession aux États-Unis d'Amérique

  4   lorsque l'État de Virginie s'est rattachée à la Confédération. La Virginie

  5   occidentale étant rattachée à l'Union encore de nos jours, vous avez deux

  6   États, d'après les statuts des États-Unis d'Amérique, vous avez deux

  7   Virginie.

  8   Lorsqu'on ne respecte plus la Constitution de la RSFY et,

  9   lorsqu’un peuple veut se référer à son droit constitutionnel, alors

 10   l’autre peuple -le peuple serbe étant le peuple constitutif ayant combattu

 11   pour ses droits pendant la Seconde Guerre mondiale, lesquels droits lui

 12   ont été reconnus au temps de l’Autriche-Hongrie, etc.- devrait avoir

 13   autant de droits.

 14   M. Williamson (interprétation). - Vous n'avez pas bien répondu à

 15   ma question. Vous avez dit que c'était une action effectuée par la Croatie

 16   et vous dites maintenant que les Serbes devraient en faire autant. Ma

 17   question était très simple. S'agit-il d'une violation ou non de la part de

 18   la Croatie ?

 19   M. Bulajic (interprétation). - Oui, il n'y a pas eu de

 20   violation.

 21   M. Williamson (interprétation). - Le film qui nous a été diffusé

 22   concernant les attaques contre les casernes de la JNA de Bjelovar

 23   caractérisait les massacres perpétrés contre les soldats de l’armée

 24   yougoslave. Cela eut-il lieu le 29 septembre 1991 ?

 25   M. Bulajic (interprétation). - Je ne peux pas vous dire très


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  1   exactement, mais je pense que c’est à peu près dans ces dates-là

  2   M. Williamson (interprétation). - Donc, cela s’est produit après

  3   qu’une partie des forces était incluse dans les forces croates, lorsque

  4   les combats de Vukovar ont éclaté ?

  5   M. Bulajic (interprétation). - Je ne vois pas très bien incluse

  6   dans quoi. Il s'agit de l'armée yougoslave légitime présente pour remplir

  7   sa fonction constitutionnelle.

  8   M. Williamson (interprétation). - La question est simple. Donc,

  9   après que la JNA se soit engagée dans les combats contre les forces

 10   croates dans la ville de Vukovar, est-ce vrai ?

 11   M. Bulajic (interprétation). - Je ne sais pas très bien situer

 12   dans les dates les engagements de l'armée yougoslave, mais je peux dire

 13   que tout cela s’est produit dans le cadre de la fonction légitime remplie

 14   par la JNA.

 15   M. Williamson (interprétation). - Cela s'est donc produit

 16   pendant le conflit entre les forces de la JNA et les forces des autorités

 17   militaires croates ?

 18   M. Bulajic (interprétation). - Ce n'étaient pas des autorités

 19   militaires croates, mais plutôt les effectifs des rebelles.

 20   M. Williamson (interprétation). - Etes-vous d'accord pour dire

 21   qu'il y a eu un conflit armé entre la JNA et d'autres du parti croate ?

 22   M. Bulajic (interprétation). - Malheureusement, il y a eu un

 23   conflit.

 24   M. Williamson (interprétation). - Est-ce un fait qu'il y a eu

 25   beaucoup de casernes de la JNA tout le long de la Croatie ?


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  1   M. Bulajic (interprétation). - Bien sûr, nombreuses étaient les

  2   casernes ainsi que le prévoit le déploiement des effectifs de la JNA. Il

  3   ne s'agit pas de casernes nouvellement créées mais qui existaient depuis

  4   plusieurs dizaines d’années.

  5   M. Williamson (interprétation). - Les soldats JNA qui se

  6   trouvaient dans ces casernes quittaient-ils en paix et dans le calme en

  7   convois organisés, sans attaque à subir vers la Bosnie ?

  8   M. Bulajic (interprétation). - Je sais pas si cela est vrai, si

  9   les conditions ont été réunies. Le fait est que des plans spéciaux ont été

 10   mis en place : coupures de courant, d’eau, etc., manque

 11   d'approvisionnement en vivres et en eau également.

 12   M. Williamson (interprétation). - En fait, à Bjelovar, le

 13   commandant des forces a refusé de se plier aux exigences, de quitter,

 14   d’évacuer les casernes. S'est-il mis à bombarder et à pilonner la ville de

 15   Bjelovar ?

 16   M. Bulajic (interprétation). - Que ferait tout officier

 17   d'honneur de quelque armée que ce soit dans le monde, sinon d'adopter un

 18   tel comportement ?

 19   M. Fila (interprétation). - Objection. De quelles exigences

 20   s’agissait-il ? A quelles exigences devait prétendument se plier le

 21   commandant des forces de la JNA ? Exigences faites par quel Etat ? Par

 22   quel parti ? De quoi parle l’accusation ?

 23   M. Williamson (interprétation). - Je crois que c'est très clair.

 24   Les Croates ont demandé à ce que les soldats et les officiers évacuent les

 25   garnisons, les casernes. Evidemment, il y a eu ensuite les bagarres.


Page 2132

  1   M. Fila (interprétation). - Quels Croates ? Vous dites croates ?

  2   Qui dit croate dit peuple, dit enfant, femme, homme, avocat, médecin,

  3   ingénieur. Les Croates, en tant que peuple, ne peuvent pas faire de

  4   réclamations ni avoir d’exigences. Quels sont les Croates qui ont exigé

  5   que la JNA quitte le territoire croate, puisque les territoires...

  6   M. Williamson (interprétation). - ... Je crois que l’on a déjà

  7   reçu réponse à cette question. Vous avez mentionné le fait qu’une

  8   journaliste italienne a parlé de 40 enfants et que cela n'était pas vrai.

  9   Cette information venait-elle de la JNA ? S'agit-il de la source que

 10   Reuters a utilisée pour communiquer au monde entier pour, finalement, se

 11   révéler être un rapport fallacieux ?

 12   M. Bulajic (interprétation). - Personnellement, dans toutes mes

 13   recherches, nous parlons de génocide et, lorsque nous parlons de crime

 14   contre l'humanité pour dire que c'est le crime le plus grave, le crime

 15   contre les enfants serait le plus grave des graves. Lorsque j'ai entendu

 16   parler de 41 enfants massacrés, empilés sur un tas, emballés telles les

 17   ordures dans des petits sacs en plastique, je n'ai pas pu le croire, ni en

 18   tant qu’homme, ni en tant que chercheur, ni en tant que père de famille.

 19   J'ai voulu vérifier, pour l'entendre confirmer par qui que ce

 20   soit, auprès des JNA, auprès de personnes compétentes, d’un chef de

 21   section juridique qui est un de mes collègues. Ensuite, je me suis rendu à

 22   Vukovar. On a même fait comparaître devant moi un témoin qui,

 23   prétendument, aurait vu tout cela. Je l'ai entendu, j'ai demandé des

 24   preuves. On n'a jamais reçu aucune preuve encore, à moins que cela figure

 25   en tant qu'une source de la JNA en faveur des Serbes. J'ai répondu


Page 2133

  1   carrément : "Non, ceci n'est pas vrai. Sans fait, tout est à rejeter". Il

  2   n'y a donc pas eu d’opinion légitime.

  3   M. Williamson (interprétation). - Il n'y a eu aucune ambiguïté

  4   pour savoir s'il s'agissait d'un rapport fallacieux. Cette journaliste

  5   italienne a-t-elle tout inventé de toutes pièces, ou s'agit-il d'une

  6   source de la JNA qu'elle a exploitée ? Première question, ensuite vous

  7   pourrez peut-être élaborer la réponse.

  8   M. Bulajic (interprétation). - Non, parce que cette journaliste

  9   ne l’a pas reçue de la part de la JNA. Dans ce sens, je réponds

 10   négativement. Comment a-t-elle eu l'idée de s'en servir ? C'est à elle

 11   qu'il faut poser la question.

 12   M. Fila (interprétation). - Votre Honneur, je détiens une

 13   cassette vidéo. Vous n'avez qu’à jeter un coup d'oeil et le Procureur

 14   pourra être satisfait.

 15   M. le Président (interprétation). - Je ne vois vraiment pas le

 16   bien-fondé pour les parties de voir cette cassette vidéo.

 17   M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait

 18   des mercenaires dans les rangs armés croates. D'après vous, y a-t-il eu

 19   des mercenaires parmi les rangs serbes ?

 20   M. Bulajic (interprétation). - Non, il ne s'agit pas de ma

 21   position, je n'ai aucun avis là-dessus. Je soutiens que les mercenaires

 22   sont les criminels à punir aux termes et à la lettre du droit

 23   international.

 24   M. Williamson (interprétation). - Vous avez parlé également de

 25   ces maisons de Serbes incendiées en Croatie, des Serbes expulsés de force.


Page 2134

  1   Est-il vrai que les Croates ont pu connaître le même destin ? Les Croates

  2   ont-ils pu être expulsés des régions serbes ?

  3   M. Bulajic (interprétation). - Je ne peux pas le dire avec

  4   exactitude. Probablement de tels cas se sont produits. Malheureusement,

  5   une action a toujours une riposte, du genre je n'admets ni l'un ni

  6   l'autre. Ce qui m'a surtout offusqué, c'est que là où il y a un théâtre de

  7   guerre, on peut comprendre tout ou presque, on peut s’attendre à tout

  8   mais, par exemple, des régions telles que Gorski Kotar en Croatie, où il

  9   n'y a eu aucune opération de guerre, où il s’agit de maisons, de citoyens

 10   loyaux, ont eu les maisons incendiées sans raison apparente.

 11   M. Williamson (interprétation). - Dans un autre livre, vous

 12   parlez du rôle joué par le Vatican concernant le démantèlement de la

 13   Yougoslavie, la RSFY. Il me semble que vous incriminez quelque peu le pape

 14   pour ce qui s’est passé en Yougoslavie.

 15   M. Bulajic (interprétation). - Avec le plein respect que j’ai

 16   pour Sa Sainteté le pape, oui, je l’accuse.

 17   M. Williamson (interprétation). - Vous avez parlé également de

 18   gouvernement croate. Votre référence est toujours de dire un gouvernement

 19   oustachi. Est-ce vrai ?

 20   M. Bulajic (interprétation). - Je ne suis pas certain d'avoir

 21   écrit "oustachi". J'ai pu dire "gouvernement pro oustachi". Etant donné

 22   que lui-même est historien, l'actuel président de la République de

 23   Croatie, le Dr Franjo Tudjman a dit expressément que l’Etat indépendant

 24   nazi de Croatie a toujours été l'expression des revendications historiques

 25   du peuple croate. Lorsque nous avons parlé du directeur et administrateur


Page 2135

  1   du grand camp de Jasenovac qui vit toujours en Amérique, il l'a visité

  2   lui-même pour ne pas parler d'autres faits en continuité, lui-même a dénié

  3   aux Serbes ce droit d'être le peuple constitutif ; il a été lui-même le

  4   chef suprême de l'action Eclair qui a eu pour résultat des centaines de

  5   milliers d’hommes et de femmes expulsés. On doit même conclure en disant

  6   que le peuple serbe n’est non seulement plus un peuple constitutif en

  7   Croatie mais qu’il n'est même plus le lieu pour en parler en tant que

  8   minorité. Vous n’avez qu'à lire L'impasse du sérieux historique,

  9   L'antisémitisme, Le Mythe de Jasenovac comme la revendication première, et

 10   vous comprendrez tout.

 11   M. Williamson (interprétation). - Dans votre livre, Le Tribunal

 12   alternatif pour la Yougoslavie, vous avez dit que le droit d'un peuple ne

 13   doit pas être dépassé par le droit d'un autre peuple. Je suppose que les

 14   Serbes ont adopté ce principe ?

 15   M. Bulajic (interprétation). - Tout d’abord, c’est une question

 16   de principe que vous posez et vous avez bien fait. Mais je ne le dis pas

 17   au nom du peuple serbe, je le dis en homme de type international, pour le

 18   bien de tous les peuples du monde et pour chaque peuple.

 19   M. Williamson (interprétation). - Encore une fois, je pose la

 20   question de savoir si les Serbes ont suivi une telle politique de la

 21   Yougoslavie et s’ils ont respecté les droits des autres.

 22   M. Bulajic (interprétation). - Je ne sais pas à qui vous pensez

 23   très exactement quand vous parlez de Serbes, serbe comme je le suis.

 24   Disons que le gouvernement yougoslave a suivi ce principe, l’a observé.

 25   M. Williamson (interprétation). - Plus de question.


Page 2136

  1   M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Fila, avez-

  2   vous des questions ?

  3   M. Fila (interprétation). - Je tâcherai de lire in extenso le

  4   livre de Franjo Tudjman. Je n’ai plus de question.

  5   M. le Président (interprétation). - Très bien, je suppose qu'il

  6   n'y a plus d'objection. Nous allons donc terminer avec la déposition de

  7   notre témoin expert et je donne une suspension de séance d'un quart

  8   d'heure.

  9   L'audience, suspendue à 11 heures 55, est reprise à

 10   12 heures 10.

 11   M. le Président (interprétation). - Avant de reprendre nos

 12   travaux, j'aimerais évoquer une question avec les deux parties. Question

 13   d'intendance : comment allons-nous organiser nos travaux à l'avenir ? Je

 14   semble comprendre du greffe qu'il serait plus techniquement faisable

 15   d'établir la visioconférence. Le 15, n'est-ce pas Monsieur le greffier ?

 16   C'est le 25 mai plutôt que le 18. Cela serait de loin préférable. Maître

 17   Fila, aurez-vous suffisamment de témoins pour la semaine qui précède, à

 18   savoir du 18 au 22 ?

 19   M. Fila (interprétation). - Puisque c'est une demi-journée..

 20   M. le Président (interprétation). - Oui, quand nous aurons une

 21   demi-journée de débat. Avez-vous déjà une idée approximative du nombre de

 22   témoins que vous allez appeler à la barre en mai ? Douze seront entendus

 23   par visioconférence, mais je crois avoir compris que vous avez réduit ce

 24   nombre.

 25   M. Fila (interprétation). - Effectivement, nous aurons moins de


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  1   témoins. Je vais essayer d'en obtenir de nouveaux qui apporteront des

  2   éclaircissements sur la question militaire. Ce seront des témoins qui

  3   interviendront rapidement. Ce sont des personnes qui seront enregistrées.

  4   Nous aurons d'abord les témoins experts, la situation générale qui

  5   prévalait à Vukovar en 1990,  1991 et nous aurons le reste des témoins,

  6   mais je commence par ce témoin-ci.

  7   M. le Président (interprétation). - Bien.

  8   M. Fila (interprétation). - Je crois que ce sera assez rapide et

  9   j'espère que vous n'aurez pas de critiques quant à mon débit.

 10   M. le Président (interprétation). - Combien de témoins

 11   prévoyez -vous par visioconférence ?

 12   M. Fila (interprétation). - Environ une vingtaine. Huit par

 13   liaison vidéo, vingt en tout. Il semble qu'il soit nécessaire de tenir

 14   compte des informations que nous recevons au jour le jour, mais nous avons

 15   réduit le nombre de témoins. Je le répète, j'en aurais terminé en mai;

 16   c'est certain.

 17   M. le Président (interprétation). - Merci

 18   (Le témoin est reconduit hors du prétoire).

 19   M. le Président (interprétation). - Votre prochain témoin est

 20   (expurgé), c'est bien cela ?

 21   M. Fila (interprétation). - Il s'agit de M. Novakovic.

 22   (Le témoin est introduit dans la salle d'audience)

 23   M. le Président (interprétation). - Monsieur Novakovic, je vous

 24   demanderai de vous lever et de faire la déclaration solennelle.

 25   M. Novakovic (interprétation). - Je déclare solennellement que


Page 2138

  1   je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  2   M. le Président (interprétation). - Merci, vous pouvez vous

  3   asseoir.

  4   M. Fila (interprétation). - Monsieur Novakovic, avez-vous eu un

  5   entretien avec l'inspecteur Vasic ?

  6   M. Novakovic (interprétation). - Oui, à deux reprises. Il a

  7   recueilli une déclaration et une déclaration supplémentaire.

  8   M. Fila (interprétation). - Veuillez examiner la déclaration

  9   pour confirmer s'il s'agit bien de la vôtre.

 10   M. le Greffier (interprétation) - Il s'agit du document D 46. La

 11   traduction étant le D 46 A.

 12   M. Fila (interprétation). - Je vous demanderai,

 13   Monsieur Novakovic, d'examiner ce document et de nous dire s'il s'agit

 14   bien de votre déclaration supplémentaire.

 15   M. Novakovic (interprétation). - C'est bien la déclaration que

 16   j'ai faite à l'attention de M. Vasic.

 17   M. Fila (interprétation). - Veuillez examiner également la

 18   déclaration supplémentaire.

 19   M. Novakovic (interprétation). - Je ne l'ai pas encore reçue.

 20   (L'huissier s'exécute.)

 21   M. le Greffier (interprétation) - Il s'agit du document D 47.

 22   M. Fila (interprétation). - Voilà la traduction du document en

 23   serbe ainsi que la déclaration supplémentaire en serbe.

 24   M. le Greffier (interprétation) - Je rappelle qu'il s'agira de

 25   la pièce D 47, la pièce D 47 A étant la déclaration supplémentaire en


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  1   anglais.

  2   M. Novakovic (interprétation). - C'est bien ma déclaration faite

  3   en serbe.

  4   M. Fila (interprétation). - En l'absence d'objections, je

  5   demanderai le versement de ce document en tant que pièce D 47 et D 46.

  6   M. Williamson (interprétation). - Pas d'objection,

  7   Monsieur le Président.

  8   M. Fila (interprétation). - Monsieur Novakovic, avez-vous été

  9   Président de l'assemblée municipale de Backa Palanka de 1989 à 1997 ?

 10   M. Novakovic (interprétation). - Oui, depuis la fin 1989 jusqu'à

 11   fin 1997.

 12   M. Fila (interprétation). - Où se trouve Backa Palanka par

 13   rapport à Ilok ?

 14   M. Novakovic (interprétation). - Sur la rive gauche du Danube

 15   alors qu'Ilok est sur la rive droite du Danube.

 16   M. Fila (interprétation). - Quels sont les liens entre

 17   Backa Palanka et Ilok ?

 18   M. Novakovic (interprétation). - Les communications entre Ilok

 19   et Backa Palanka étaient des rapports, des relations culturelles,

 20   sportives.

 21   M. Fila (interprétation). - Physiquement, y avait-il un pont ?

 22   M. Novakovic (interprétation). - Oui, un pont construit en 1974,

 23   pendant l'ère Titiste.

 24   M. Fila (interprétation). - Au moment où il y a la guerre au

 25   cours du second semestre 1991, au cours de ces événements, comment


Page 2140

  1   franchissiez-vous le pont ? En toute liberté ou fallait-il un permis ?

  2   M. Novakovic (interprétation). - Des deux côtés, les autorités

  3   militaires délivraient

  4   des permis, des sauf-conduits, autant la République de Serbie que la

  5   République croate.

  6   M. Fila (interprétation). - De quelles autorités militaires

  7   parle-t-on ?

  8   M. Novakovic (interprétation). - Des autorités militaires

  9   existant en Yougoslavie, alors que de l'autre côté, ils avaient leur

 10   propre autorité qui leur donnait l'autorité, ce qui permettait aux gens de

 11   la communauté d'Ilok travaillant à Backa Palanka de se rendre au travail.

 12   M. Fila (interprétation). - A cette époque-là, des personnes ont

 13   quitté Ilok pour s'installer à Backa Palanka, pourquoi ?

 14   M. Novakovic (interprétation). - Oui, il y a eu plusieurs

 15   mariages mixtes. Il y avait des slovaques, des croates qui voulaient se

 16   rendre en Yougoslavie, et nous avons permis une telle réinstallation.

 17   M. Fila (interprétation). - La population d'Ilok est-elle passée

 18   de l'autre côté le 17 octobre 1991 ?

 19   M. Novakovic (interprétation). - Oui.

 20   M. Fila (interprétation). - A l'issue des référendums tenus à

 21   Ilok, ceux qui voulaient rester à Ilok y sont restés, d'autres ont voulu

 22   partir.

 23   M. Novakovic (interprétation). - Conformément aux autorités

 24   militaires et aux autorités civiles ayant participé aux négociations,

 25   c'est par référendum que la majorité des personnes se sont prononcées pour


Page 2141

  1   aller à l'intérieur de la Croatie.

  2   M. Fila (interprétation). - Est-il possible de montrer au témoin

  3   la pièce de l'accusation n 5. Il s'agit de l'accord relatif à Ilok.

  4   Pendant que le greffe retrouve cette pièce, vous savez qu'il y

  5   avait des médiations ?

  6   M. Novakovic (interprétation). - Oui, la communauté européenne,

  7   les U.S.A., les gens d'Ilok et de l'autre côté le colonel Grahovac et

  8   l'armée.

  9   M. Fila (interprétation). - Quand vous parlez de l'armée, est-ce

 10   que vous parlez de l'armée populaire yougoslave ou d'une autre armée, car

 11   il y en avait plusieurs ?

 12   M. Novakovic (interprétation). - Je parle de la JNA qui existait

 13   à cette époque.

 14   M. Fila (interprétation). - Je vous demande d'examiner la partie

 15   liminaire de cet accord. Quels furent les signataires de cet accord ?

 16   Pourriez-vous nous en donner lecture à haute voix ?

 17   M. Novakovic (interprétation). - "Sur demande des habitants

 18   d'Ilok, et par référendum, tous les habitants venant de ces localités en

 19   tant que réfugiés sont autorisés à quitter cette localité en présence ou

 20   avec les membres de leur famille."

 21   M. Fila (interprétation). - Qui était le signataire de ce

 22   document ?

 23   M. Novakovic (interprétation). - Mate Brletic d'un côté et le

 24   colonel Petar Grahovac, de la JNA pour l'autre partie.

 25   M. Fila (interprétation). - Veuillez examiner la page n°1 et


Page 2142

  1   l'introduction qui figure au sommet de la page. Pourriez-vous en donner

  2   une lecture claire pour que tous vous comprennent ?

  3   M. Novakovic (interprétation). - "Le commandement militaire des

  4   unités de la JNA, représenté par Aran Jelovic, je ne vois pas très bien,

  5   et les représentants de Ilak Mesic, le maire est Mate en tant que chef de

  6   la police. Stipan Kraljevic, Président du comité de négociation, et les

  7   représentants de la mission européenne -puis il y a une partie en anglais-

  8   le 14 octobre, à Sid."

  9   M. Fila (interprétation). - Que représente cet accord ? Qu'était

 10   ce référendum ? Qui a demandé l'autorisation de partir ?

 11   M. Novakovic (interprétation). - Personne n'était obligé de

 12   partir mais les autorités locales d'Ilok voulaient "prendre la

 13   température" de la population.

 14   M. Fila (interprétation). - Sur quelle question ?

 15   M. Novakovic (interprétation). - Sur la réinstallation pacifique

 16   vers l'intérieur des terres de Croatie.

 17   M. Fila (interprétation). - Ont-ils été forcé de le faire ?

 18   M. Novakovic (interprétation). - Non.

 19   M. Fila (interprétation). - Avez-vous, d'une quelconque façon,

 20   participé à ces négociations ? Y étiez-vous présent ?

 21   M. Novakovic (interprétation). - Tous mes amis d'Ilok qui sont

 22   restés d'ailleurs mes amis, ils croyaient en moi, puisque j'étais un

 23   pacifiste. Je voulais le développement d'Ilok. Ces personnes m'ont donc

 24   demandé de participer à ces médiations qui ont débouché sur un accord.

 25   M. Fila (interprétation). - Au cours de ces pourparlers, est-ce


Page 2143

  1   que quelqu'un a insisté pour que la population d'Ilok quitte Ilok ?

  2   M. Novakovic (interprétation). - Non.

  3   M. Fila (interprétation). - Sur quoi portait le référendum ?

  4   Quelles étaient les questions posées ?

  5   M. Novakovic (interprétation). - Qui veut rester à Ilok ? Qui

  6   veut s'installer en Croatie ?

  7   M. Fila (interprétation). - Et ceux qui voulaient rester, que

  8   devaient-ils faire ?

  9   M. Novakovic (interprétation). - Rien, vivre normalement comme

 10   tout autre citoyen de la République fédérale de Yougoslavie.

 11   M. Fila (interprétation). - Et bien sûr aussi restituer leurs

 12   armes ?

 13   M. Novakovic (interprétation). - Bien sûr, pour éviter un

 14   conflit.

 15   M. Fila (interprétation). - Est-ce que Slavko Dokmanovic a

 16   participé à ces négociations ?

 17   M. Novakovic (interprétation). - Non. On parle de la R.S.F.Y.

 18   M. Fila (interprétation). - Vous savez que M. Mesic et d'autres

 19   ont quitté la R.S.F.Y. en août ? Je tiens à préciser ici, pour le procès-

 20   verbal, que l'on ne parle pas de la République fédérative mais de la

 21   République fédérale de Yougoslavie. Depuis quand connaissez-vous

 22   M. Dokmanovic ?

 23   M. Novakovic (interprétation). - Depuis 1990 car il était

 24   Président de l'assemblée municipale de Vukovar, j'étais le maire de

 25   Backa Palanka, ce sont deux villes voisines. Nous avons toujours eu une


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  1   coopération économique, culturelle et sportif, nous nous connaissons dès

  2   lors.

  3   M. Fila (interprétation). - Jusqu'à quel moment cette

  4   coopération avec lui, Président de l'Assemblée municipale a-t-elle duré ?

  5   M. Novakovic (interprétation). - Jusqu'en mai.

  6   M. Fila (interprétation). - En quelle année ?

  7   M. Novakovic (interprétation). - 1990, après que les extrémistes

  8   croates aient interdit l'accès à Vukovar. Le gouvernement a pris pour

  9   décision la dissolution de l'Assemblée et Marin Vidic, Bili, fut désigné à

 10   un poste de président exécutif.

 11   M. Fila (interprétation). - Etes-vous sûr que c'est en 1990 et

 12   non en 1991 ?

 13   M. Novakovic (interprétation). - Ce fut en 1991.

 14   M. Fila (interprétation). - Etes-vous au courant de tentatives

 15   de développées par Dokmanovic en vue d'une résolution pacifique du

 16   conflit ? Etait-il favorable à ce qu'il y ait une résolution pacifique

 17   entre les Croates et les Serbes à Vukovar ?

 18   M. Novakovic (interprétation). - Oui, je peux le dire et ceci a

 19   été confirmé par les caméras de Belgrade et Zagreb, Slavko était un

 20   pacifiste, un humaniste toujours prêt à trouver une solution pacifique à

 21   un problème, pour conserver la Yougoslavie, Backa Palanka et Vukovar.

 22   M. Fila (interprétation). - A-t-il rencontré des difficultés

 23   face à l'attitude de certain Serbes extrémistes ?

 24   M. Novakovic (interprétation). - Mais il a été condamné par les

 25   extrémistes serbes car il était toujours favorable à une solution


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  1   pacifique, il voulait que chacun reste dans sa région, vive dans un état

  2   unitaire. Il a rencontré les mêmes problèmes avec les Serbes qui ont même

  3   demandé sa liquidation physique.

  4   M. Fila (interprétation). - En automne 1991, quelles étaient les

  5   fonctions de M. Dokmanovic ?

  6   M. Novakovic (interprétation). - Il était ministre de

  7   l'agriculture, expert éminent en agronomie, c'était un homme de grand

  8   renom, très apprécié pour les récoltes, il était sensé organiser la

  9   production, améliorer la production en général et le rendement des

 10   récoltes.

 11   M. Fila (interprétation). - Avez-vous coopéré avec lui au cours

 12   de cette période ?

 13   M. Novakovic (interprétation). - Oui, il venait chercher des

 14   moissonneuses-batteuses pour mener la récolte, cette année-là était très

 15   pluvieuse, il a fallu agir vite, avec efficacité.

 16   M. Fila (interprétation). - L'avez-vous vu à Ilok le 17 octobre

 17   et le 16 octobre, ainsi qu'à Backa Palancka ?

 18   M. Novakovic (interprétation). - Vodicka -qui est venu me voir

 19   le 16 au matin- m'a demandé d'appeler Slavko en effet le 17. Il avait

 20   refusé cette relocalisation en Croatie. Je l'en ai informé, il est venu me

 21   voir le 16. Il pensait que c'était le 16 qu'il était sensé aider. Il

 22   s'était trompé, c'était le lendemain. Le 17, il est venu avec Leskovac et

 23   l'après-midi nous sommes allés sur le pont du côté d'Ilok et

 24   Zlatko Vodicka a traversé le pont en voiture, nous sommes arrivés à

 25   Backa Palanka, eux ont poursuivi la route jusqu'à Trpinja et sa femme est


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  1   restée à Vukovar.

  2   M. Fila (interprétation). - Est-ce la seule raison pour laquelle

  3   Slavko Dokmanovic est venu à Ilok pour aider Zlatko ?

  4   M. Novakovic (interprétation). - Oui, parce que c'était des amis

  5   intimes, il le sont resté.

  6   M. Fila (interprétation). - Le 20 novembre 1991, est-ce que des

  7   personnes sont venues vous voir à votre bureau ? Qui étaient-elles ?

  8   M. Novakovic (interprétation). - Le 20 novembre, le Président de

  9   l'Assemblée municipale de Kladovo est venu me voir pour des raisons

 10   économiques et d'accord entre certaines entreprises. Après que Cvetkovic,

 11   le Président de la municipalité de Jagomin et Aleksic est venu aussi,

 12   Slavko est venu me voir lui aussi. Bien sûr, les journalistes de Kladovo

 13   qui ont filmé cette réunion.

 14   M. Fila (interprétation). - S'agissait-il d'une réunion

 15   officielle ou d'une réunion officieuse, amicale ?

 16   M. Novakovic (interprétation). - Une réunion amicale entre nous,

 17   dans mon bureau. Puis ils sont partis pour Vukovar et ils ont reçu un

 18   sauf-conduit pour franchir le pont.

 19   M. Fila (interprétation). - Pouvaient-ils franchir le pont sans

 20   permis ?

 21   M. Novakovic (interprétation). - Non.

 22   M. Fila (interprétation). - Dokmanovic avait-il une fonction

 23   officielle, un poste officiel ?

 24   M. Novakovic (interprétation). - Non, il était simplement

 25   ministre de l'agriculture.


Page 2147

  1   M. Fila (interprétation). - Vous vous souvenez parfaitement de

  2   la date du 20 novembre, pourquoi ?

  3   M. Novakovic (interprétation). - Parce que d'après mon agenda,

  4   j'avais pris note de toutes mes réunions et lorsque Slavko a été arrêté,

  5   j'ai voulu jeter un coup d'oeil sur ce qui s'était passé à l'époque, et

  6   aussi je voulais écrire quelque chose après ma retraite. Je me suis rendu

  7   compte qu'il était venu précisément le 20 novembre 1991.

  8   M. Fila (interprétation). - J'aimerais vous montrer un extrait

  9   vidéo. Madame et Messieurs les juges, je vais maintenant déterminer ce que

 10   portait Dokmanovic en vertu du système civiliste qui est le nôtre et peut-

 11   être que le témoin pourra nous donner quelques informations. Vous vous

 12   souvenez du 20 novembre 1991. Que portait Dokmanovic ce jour-là ? Je sais

 13   qu'il y a beaucoup d'eau qui a coulé sous les ponts depuis.

 14   M. Novakovic (interprétation). - Effectivement, il n'y avait pas

 15   d'eau, pas d'électricité, il portait un uniforme, une tenue de chasse,

 16   qu'il ne fallait pas laver aussi souvent que d'autres vêtements.

 17   M. Fila (interprétation). - Aviez-vous de l'eau et de

 18   l'électricité à Backa Palanka ?

 19   M. Novakovic (interprétation). - Oui.

 20   M. Fila (interprétation). - La situation était-elle la même à

 21   Vukovar ? A ce moment-là, c'étaient deux Etats séparés.

 22   M. Novakovic (interprétation). - Non, ce sont deux Etats séparés

 23   maintenant, mais pas alors.

 24   M. Fila (interprétation). - S'il y avait de l'eau et de

 25   l'électricité à Backa Palanka, il n'y en avait pas à Trpinja et Vukovar ?


Page 2148

  1   M. Novakovic (interprétation). - Non il n'aurait pas pu y en

  2   avoir, parce qu'il n'y avait pas d'alimentation électrique à l'époque.

  3   M. Fila (interprétation). - Pourrions-nous examiner la cassette,

  4   mais auparavant, j'aimerais montrer au témoin ce que portait Slavko

  5   Dokmanovic. J'aimerais lui demander si c'étaient les vêtements qu'il a vu

  6   Dokmanovic porter le 20 novembre. Il s'agit d'une pièce de la défense. Il

  7   y a trois pièces : il y a une chemise, une veste parmi ces pièces. Peut-on

  8   les montrer au témoin après les avoir sorties du sac ?

  9   (L'huissier s'exécute)

 10   Mme Mumba (interprétation). - Avant que le témoin ne réponde, je

 11   veux m'assurer d'une chose. Est-ce que vous, défense, vous dites que

 12   c'étaient les vêtements qu'il portait ou bien que les vêtements qu'on va

 13   montrer au témoin ressemblent à ceux que portait Dokmanovic le

 14   20 novembre 1991 ?

 15   M. Fila (interprétation). - Nous affirmons que ce sont là

 16   précisément les vêtements qu'il portait ce jour-là.

 17   M. Novakovic (interprétation). - Les vêtements que voyez sont

 18   des vêtements de chasse, c'est là que les chasseurs gardent leurs

 19   munitions et c'était une bonne protection pour des raisons de santé. Vous

 20   avez la chemise, la veste, le pantalon, c'est un pantalon de chasse

 21   manifestement.

 22   M. Fila (interprétation). - Vous avez été sur place pendant

 23   longtemps, vous aviez des contacts avec l'armée, y avait-il un tel

 24   uniforme dans la JNA ?

 25   M. Novakovic (interprétation). - Non.


Page 2149

  1   M. Fila (interprétation). - Que peut-on conclure ?

  2   M. Novakovic (interprétation). - Que c'est une tenue de chasse.

  3   M. Fila (interprétation). - Je demande le versement de ces

  4   vêtements comme étant la pièce de l'accusation 48.

  5   M. Williamson (interprétation). - Pas d'objection.

  6   M. Fila (interprétation). - Peut-on nous diffuser l'extrait

  7   vidéo à l'intention du témoin au début de la cassette, parce qu'il n'est

  8   pas allé à Vukovar plus tard. C'est donc un extrait très court, je ne veux

  9   pas vous importuner avec trop d'extraits vidéo aujourd'hui. Le témoin

 10   peut-il dire s'il se reconnaît sur ces images ?

 11   Passage de la cassette.

 12   M. Fila (interprétation). - C'était le 20 novembre à

 13   8 heures 37. Où est-ce ?

 14   M. Novakovic (interprétation). - A Backa Palanka, à l'Assemblée

 15   municipale.

 16   Commentaire de la cassette : "Ceci coûte 50 kilos de bureks,

 17   2000 marks, je dispose de deux certificats pour les quatre premières

 18   années des corps primaires".

 19   M. Fila (interprétation). - Voici Backa Palanka.

 20   M. Novakovic (interprétation). - Je ne suis pas encore apparu.

 21   M. Fila (interprétation). - Vous nous direz quand vous figurez

 22   sur ces images ?

 23   Commentaire de la casquette : "Date de naissance, lieu de

 24   naissance. "J'aime la liberté", c'est ce qui est écrit sur la première

 25   plaquette, sur la deuxième "J'aime Maria" ou "Je t'aime Maria", de l'autre


Page 2150

  1   côté de la plaquette : "Zelko Pezerovic", l'adresse : "Ceralevo", le

  2   téléphone de cette personne.

  3   M. Novakovic (interprétation). - Me voici, je fume une

  4   cigarette.

  5   M. Fila (interprétation). - J'aimerais montrer quelques

  6   photographies au témoin. C'est la photo du témoin prise à partir de la

  7   cassette et nous pouvons poursuivre la diffusion de la séquence. Vous

  8   verrez ainsi à quel moment apparaît cette prise de vue dont on a fait une

  9   photographie.

 10   M. le Greffier (interprétation). - La photographie est la

 11   pièce D49.

 12   Voilà une image arrêtée prise du film. Lorsque nous verrons

 13   apparaître cette prise de vue, dites le nous, je vous en prie Monsieur

 14   Novakovic.

 15   M. Novakovic (interprétation). - Le témoin, la voici.

 16   M. Fila (interprétation). - A-t-on entendu votre voix ou a-t-on

 17   entendu votre voix sur la bande son ?

 18   M. Novakovic (interprétation). - Oui.

 19   M. Fila (interprétation). - Qui avez-vous vu ?

 20   M. Novakovic (interprétation). - Lazarevic, Cvetkovic, et la

 21   personne qui a filmé tout ceci.

 22   M. Fila (interprétation). - Une autre question. Avez-vous vu

 23   Dokmanovic portant cette tenue précédemment, à d'autres occasions, ces

 24   mois passés ou est-ce qu'il a porté quelque chose d'autre ?

 25   M. Novakovic (interprétation). - Je l'ai vu qui portait cette


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  1   tenue ou cet uniforme, cette tenue de chasse au cours de le la récolte,

  2   parfois il était en jean quand il faisait plus chaud.

  3   M. Fila (interprétation). - Madame et Messieurs les juges, j'en

  4   ai ainsi terminé de mon interrogatoire.

  5   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

  6   M. Williamson (interprétation). - Monsieur Novakovic, que

  7   portait M. Lazarevic le 20 novembre 1991 ?

  8   M. Novakovic (interprétation). - Il y a longtemps que tout cela

  9   s'est passé. M. Lazarevic s'habillait parfois en tenue sportive, il était

 10   assez élégant, alors il lui arrivait de porter la cravate.

 11   M. Williamson (interprétation). - Que portait-il

 12   le 20 novembre ?

 13   M. Novakovic (interprétation). - Il était député comme moi, il

 14   était toujours bien habillé.

 15   M. Williamson (interprétation). - Pourriez-vous être plus

 16   précis ?

 17   De quelle couleur étaient les vêtements qu'il portait ce jour-

 18   là ? Pourriez-vous apporter dans sa description vestimentaire le même

 19   détail que vous avez fourni pour M. Dokmanovic ?

 20   M. Novakovic (interprétation). - Il faut que vous compreniez,

 21   sept ou huit ans sont passés depuis. Slavko avait toujours une manière

 22   particulière de s'habiller, en l'absence d'eau, d'électricité, il avait

 23   coutume de porter cette tenue de chasse que nous avons vue.

 24   Mais, mes souvenirs... Je ne sais pas si j'ai vu tout cela sur

 25   la cassette parce beaucoup de temps s'est passé depuis.


Page 2152

  1   M. Williamson (interprétation). - Ce bruit ne vous dérange pas,

  2   ne dérange personne dans le prétoire ?

  3   M. le Président (interprétation). - Continuons. Nous espérons

  4   qu'ils vont arrêter de faire ce bruit.

  5   M. Williamson (interprétation). - Monsieur Novakovic, combien de

  6   fois avez-vous vu M. Dokmanovic en automne 1991 ?

  7   M. Novakovic (interprétation). - Je ne veux pas parler de la

  8   bataille, je voudrais parler des questions dont je me suis occupé avec

  9   Zlatko, la récolte, les tracteurs, le carburant, les moissonneuses

 10   batteuses.

 11   M. Williamson (interprétation). - J'évoque la bataille comme

 12   (inaudible) à l'automne 1991. Vous l'avez vu avec quelle fréquence ?

 13   M. Novakovic (interprétation). - Chaque fois qu'il avait besoin

 14   de venir, il venait.

 15   M. Williamson (interprétation). - C'était quelle fréquence ?

 16   M. Novakovic (interprétation). - Il faudrait que je revois mes

 17   documents personnels. Il faudrait que je regarde dans mon agenda.

 18   M. Williamson (interprétation). - Est-ce que vous voulez dire

 19   que c'était une fois, deux fois, quinze fois ? Vous devriez avoir une idée

 20   concernant le nombre de fois où vous l'avez vu ?

 21   M. Novakovic (interprétation). - Assez souvent.

 22   M. Williamson (interprétation). - Vous souvenez-vous d'avoir

 23   rencontré un enquêteur du bureau du Procureur, M. Kevin Curtis,

 24   le 20 février de cette année ?

 25   M. Novakovic (interprétation). - Je me souviens qu'il me rendait


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  1   visite mais il ne s'était pas annoncé. Il était très juste et je voudrais

  2   que ce Tribunal reste aussi juste et aussi impartial avec moi qu'eux et

  3   cela jusqu'au bout.

  4   M. Williamson (interprétation). - Vous souvenez-vous de leur

  5   avoir dit que vous avez vu régulièrement Slavko Dokmanovic, c'est-à-dire

  6   tous les deux jours ?

  7   M. Novakovic (interprétation). -  J'avais dit qu'il m'a vu quand

  8   il avait besoin de moi, et c'était assez souvent. Il faudrait que je

  9   consulte mon agenda pour compter le nombre de fois.

 10   M. Williamson (interprétation). - Avez-vous ici, avec vous votre

 11   agenda ?

 12   M. Novakovic (interprétation). - Non, je ne l'ai pas avec moi

 13   parce que personne ne m'avait dit qu'il me le faudrait, mais je peux

 14   revenir avec si vous le voulez.

 15   M. Williamson (interprétation). - Pourquoi y avait-il des

 16   contacts aussi fréquents entre vous et M. Dokmanovic ?

 17   M. Novakovic (interprétation). - Tout d'abord, vous devez savoir

 18   que nous étions devenus bons amis. C'était le Président de la

 19   municipalité,  il avait toujours besoin d'assistance en matière agricole

 20   parce qu'après la récolte de l'été, des travaux devaient se faire dans les

 21   champs et cela en automne, et pour cela on avait besoin aussi de toutes

 22   les machines.

 23   M. Williamson (interprétation). - En tant que Président de la

 24   municipalité, vous appelait-on souvent "le Maire" de Palanka ?

 25   M. Novakovic (interprétation). - Tout d'abord, je ne suis pas le


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  1   Maire je suis Président de l'assemblée municipale.

  2   M. Williamson (interprétation). - Vous appelait-on parfois le

  3   Maire ?

  4   M. Novakovic (interprétation). - Non, parce que d'après notre

  5   statut sur l'autre gouvernement, on dit que le Président de l'assemblée

  6   municipale et le député de l'assemblée bénéficient des droits égaux comme

  7   les autres, et il les autorise le conseil exécutif. C'est le seul rôle

  8   qu'il joue.

  9   M. Williamson (interprétation). - Je pense que cela s'applique

 10   aussi à M. Dokmanovic ?

 11   M. Novakovic (interprétation). - A ce moment, il n'était pas

 12   Président de l'assemblée municipale, mais il était le Ministre de

 13   l'agriculture.

 14   M. Williamson (interprétation). - Auparavant, cela serait vrai ?

 15   M. Novakovic (interprétation). - Je suppose que, en Croatie, ils

 16   avaient la même loi concernant l'autogouvernement. Chaque république avait

 17   ses propres règles concernant l'autogouvernement.

 18   M. Williamson (interprétation). - Pendant les discussions que

 19   vous avez eues avec M. Curtis, vous ne vous souvenez pas avoir fait

 20   référence à M. Dokmanovic comme étant le maire. Pendant cet entretien, en

 21   vous appelant vous-même le maire, vous ne vous en souvenez pas ?

 22   M. Novakovic (interprétation). - Non. Je n'ai pas été maire.

 23   Vous pouvez vérifier. Vous verrez notre loi sur l'administration locale et

 24   notre gouvernement en Yougoslavie et en Serbie.

 25   M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit que vous aviez


Page 2155

  1   de l'eau et de l'électricité, à Backa Palanka. Parliez-vous de

  2   l'automne 1991 ?

  3   M. Novakovic (interprétation). - A Backa Palanka, il y avait

  4   toujours de l'électricité et de l’eau.

  5   M. Williamson (interprétation). - Vous dites que vous avez vu

  6   régulièrement M. Dokmanovic. Avez-vous remarqué une odeur émanant de lui

  7   ou à côté de lui ?

  8   M. Novakovic (interprétation). - On sentait la transpiration

  9   évidemment. L'uniforme de chasse dégageait une odeur mais c'était de la

 10   sueur.

 11   M. Williamson (interprétation). - Vous étiez bons amis, vous et

 12   M. Dokmanovic, n'est-ce pas ?

 13   M. Novakovic (interprétation). - Je suis toujours son ami.

 14   M. Williamson (interprétation). - Pendant cette période de deux

 15   ou trois mois, lors de ces visites à Backa Palanka, il ne vous a jamais

 16   demandé s'il pouvait prendre un bain ou laver des vêtements, ou quelque

 17   chose d'analogue ?

 18   M. Novakovic (interprétation). - Je lui ai proposé mais il a

 19   refusé.

 20   M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit que vous aviez

 21   de l'électricité et de l'eau à Backa Palanka. N’est-il pas vrai que

 22   Backa Palanka fournissait aussi de l'eau à Ilok ?

 23   M. Novakovic (interprétation). - Ilok et quelques autres

 24   villages aux environs recevaient leur électricité à partir de nous.

 25   M. Williamson (interprétation). - Etiez-vous responsable de la


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  1   coupure d'électricité à Ilok pendant cinq jours, au mois de septembre,

  2   pour faire pression sur les gens pour qu'ils déménagent ?

  3   M. Novakovic (interprétation). - Non, parce que cela ne relevait

  4   pas de ma compétence. Il ne s'agissait pas de l’approvisionnement en

  5   électricité.

  6   M. Williamson (interprétation). - Pourquoi y avait-il toujours

  7   de l'électricité à Backa Palanka, et non à Ilok ? Qui a pris cette

  8   décision ?

  9   M. Novakovic (interprétation). - Ce n'était pas une décision

 10   prise par qui que ce soit. Il faut comprendre que l'électricité peut être

 11   coupée quand il y a un orage.

 12   M. Williamson (interprétation). - Mais si vous aviez de

 13   l'électricité à Backa Palanka et non à Ilok et, cependant, cinq jours avec

 14   la même source d'électricité, quelle était la source du problème ?

 15   M. Novakovic (interprétation). - Je ne savais pas que

 16   l'électricité à la localité était coupée. Je ne peux pas accepter cela

 17   comme un fait.

 18   M. Williamson (interprétation). - Saviez-vous que l’on n'avait

 19   plus de levure à Ilok et qu’ils ne pouvaient plus faire du pain ?

 20   M. Novakovic (interprétation). - Non, je ne savais qu'ils

 21   n’avaient pas d'électricité.

 22   M. Williamson (interprétation). - Pouvez-vous expliquer pourquoi

 23   quelques milliers de gens décideraient comme cela d’abandonner leur foyer

 24   et d'aller ailleurs, si on ne faisait pas pression sur eux ?

 25   M. Novakovic (interprétation). - Il n’y avait pas de pression et


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  1   le référendum en est la preuve.

  2   M. Williamson (interprétation). - Vous croyez qu'il s'agissait

  3   d'un vote libre, que quelques milliers de gens tout d'un coup décidaient

  4   de partir de leur maison qu’ils avaient construite, de partir comme cela,

  5   avec toutes leurs possessions dans une voiture ?

  6   M. Novakovic (interprétation). - Vous pouvez vérifier cela avec

  7   la Communauté européenne.

  8   M. Williamson (interprétation). - C’est à vous que je pose la

  9   question : pourquoi quelques milliers de personnes, tout d'un coup,

 10   feraient cela si l’on ne faisait pas pression sur eux ?

 11   M. Novakovic (interprétation). - C’est moi qui vous pose la

 12   question : pourquoi un grand nombre de Slovaques et de Serbes, et

 13   d'autres, aussi bien des Croates honnêtes, pourquoi sont-ils partis de

 14   leur propre gré ?

 15   M. Williamson (interprétation). - Voulez-vous répondre à ma

 16   question. Pourquoi plusieurs millions de personnes ont-elles quitté Ilok

 17   si l’on n'avait pas fait pression sur eux ? La question est très simple.

 18   Je comprends qu'il y a eu un référendum mais, pourquoi ont-ils choisi de

 19   partir ?

 20   M. Novakovic (interprétation). - Parce qu'ils voulaient être

 21   plus près de leur pays matrice.

 22   M. Williamson (interprétation). - Mais c'était leur pays

 23   matrice.

 24   M. Novakovic (interprétation). - Le référendum vous dit tout.

 25   Ils avaient peur de la guerre, comme nous à Backa Palanka., On était tous


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  1   dans les mêmes draps.

  2   M. Williamson (interprétation). - Quel était le sort des

  3   personnes à Tovan, à Babska, à Sarengrad, à Movo, Sortin, tous ces

  4   villages croates ? Tous ces gens qui devaient venir à Ilok, ne pensez-vous

  5   pas que cela avait une incidence sur leur décision de déménager ?

  6   M. Novakovic (interprétation). - Je ne sais pas quoi répondre.

  7   Il va falloir que vous posiez cette question aux gens d'Ilok.

  8   M. Williamson (interprétation). - Concernant l’ultimatum qui a

  9   été formulé, où la JNA avait menacé d'aplatir la ville ?

 10   M. Novakovic (interprétation). - Tout d'abord, je ne sais rien

 11   sur cela. C’est en dehors de mon champ d'expérience.

 12   M. Williamson (interprétation). - Pour conclure, vous prétendez

 13   que les habitants d'Ilok ont quitté la ville absolument de leur propre

 14   gré, simplement parce qu'ils voulaient être ailleurs. Il n'y avait pas de

 15   pression eux, ni de la JNA ni de quelqu’un d’autre ?

 16   M. Novakovic (interprétation). - Quand ils sont partis, un grand

 17   nombre allait toujours travailler à Backa Palanka et beaucoup le font

 18   toujours jusqu'à maintenant.

 19   M. Williamson (interprétation). - Vous nous avez dit que

 20   M. Dokmanovic se trouvait sur le pont le 17 octobre parce qu'il était venu

 21   à cause de son ami Zlatko Agocic. Est-ce exact ?

 22   M. Novakovic (interprétation). - Il s'appelle Vodicka.

 23   M. Williamson (interprétation). - Cela contredit donc ce que

 24   vous avez dit à M. Curtis, n'est-ce pas ?

 25   M. Novakovic (interprétation). - Non, ce que je dis maintenant


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  1   est la vérité et vous pouvez le vérifier.

  2   M. Fila (interprétation). -  Monsieur le Président, je ne

  3   comprends ce qu'a dit ce témoin à M. Curtis. Ce qu’il a dit a-t-il été

  4   versé au dossier ou, de nouveau, s'agit-il d'une histoire où l’on affirme

  5   des absurdités ?

  6   J'ai insisté plusieurs fois. J'ai demandé à M. Pafonaz pourquoi

  7   les Serbes ont quitté Vukovar et elle m'a dit qu’il fallait demander aux

  8   Serbes. J’ai alors demandé aux Serbes et vous avez entendu la réponse

  9   mais, moi, je ne parlais pas de ce que l’on avait dit à quelqu'un d'autre.

 10   Quel est cet homme, Curtis , de quoi parlait-il ? Quelle est la

 11   base de l'information du Procureur selon laquelle quelque chose d’autre

 12   avait été dit auparavant. Je n’ai pas vu cette déclaration.

 13   M. Williamson (interprétation). - Cela rentre dans le cadre du

 14   contre-interrogatoire. C'est tout à fait normal. Je pose des questions et

 15   il peut confirmer ou nier ce que je dis. Lors de la réplique, s'il avait

 16   nié cela, on veut bien citer M. Curtis pour qu'il témoigne sous serment

 17   sur ce qui a été dit.

 18   M. le Président (interprétation). - Qu'avez-vous de M. Curtis ?

 19   Est-ce une déclaration, des notes portant la signature du témoin ?

 20   M. Williamson (interprétation). - J'ai des note, je n’ai pas une

 21   déclaration signée.

 22   M. le Président (interprétation). - Des notes donc, et pas de

 23   déclaration signée.

 24   (Les Juges se concertent sur le siège.)

 25   Monsieur Williamson, je crois que vous pouvez continuer et poser


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  1   des questions au témoin concernant ce qu’il a dit à M. Curtis, à condition

  2   que, par la suite, vous puissiez le faire venir comme témoin

  3   supplémentaire.

  4   M. Williamson (interprétation). - Absolument, et M. Fila aura

  5   toutes possibilités pour lui poser autant de questions qu'il voudra.

  6   Vous souvenez-nous d'avoir dit à M. Curtis que la raison pour

  7   laquelle Slavko Dokmanovic était sur le pont à Ilok le 17 octobre, était

  8   que vous et lui étiez là pour vous assurer que tout se passait sans accroc

  9   et que vous avez été autorisé à y être par votre assemblée, que Slavko y

 10   avait été autorisé parce qu’il était ministre de l'Agriculture et qu'il

 11   avait toujours le sentiment d’être le maire de sa municipalité ?

 12   M. Novakovic (interprétation). - Concernant cette enquête dont

 13   vous parlez, je ne parle que ma langue maternelle. Je ne sais pas ce qui a

 14   été écrit parce que je n'ai rien signé. Il serait juste que vous me

 15   permettiez de le lire et de le signer. Je vous ai dit que Slavko y était

 16   pour faire libérer M. Vodicka. M. Vodicka voulait aller à Trpinja parce

 17   que son épouse était restée à Vukovar. Je pense avoir été bien clair.

 18   M. Williamson (interprétation). - Y avait-il un interprète avec

 19   vous lorsque M. Curtis vous parlait ?

 20   M. Novakovic (interprétation). - Il y avait une jeune femme.

 21   M. Williamson (interprétation). - Y avait-il un bureau de

 22   recrutement pour la Défense territoriale à Backa Palanka ?

 23   M. Novakovic (interprétation). - Non, cela relevait de la

 24   compétence de la Défense territoriale serbe et non de la municipalité.

 25   M. Williamson (interprétation). - Mais je vous demande s'il y


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  1   avait un recrutement pour la Défense territoriale à Backa Palanka même ?

  2   Physiquement, y avait-il un bureau ?

  3   M. Novakovic (interprétation). - Il y avait un centre de

  4   recrutement de notre district qui était à Novi Sad. Il n'y avait qu'un

  5   bureau avec deux responsables dans notre ville.

  6   M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit que

  7   M. Dokmanovic était très modéré, pacifique, grand humanitaire, et qu'il

  8   voulait garder intacte la Yougoslavie. Étiez-vous au courant de ses

  9   activités au sein du conseil national serbe et ce déjà en 1991 ?

 10   M. Novakovic (interprétation). - Je ne le savais pas et je

 11   continue de dire que Slavko pense toujours que cela aurait mieux valu que

 12   la Yougoslavie ne se soit pas désintégrée. Il est toujours pacifique et la

 13   preuve, c'est que son propre peuple voulait le liquider parce que c'était

 14   un si grand Yougoslave.

 15   M. Williamson (interprétation). - Est-ce que vous connaissiez ce

 16   conseil ?

 17   M. Novakovic (interprétation). - Non, je ne savais pas très bien

 18   ce qu'il disait là, seulement ce que j'avais appris dans les journaux.

 19   M. Williamson (interprétation). - Vous souvenez-vous d'avoir dit

 20   à M. Curtis que vous pensiez que, comme vous pensiez toujours que

 21   Slavko Dokmanovic était le Président de la municipalité, qu'il était

 22   important qu'il reste informé de ce qu'il se passait à Ilok ?

 23   M. Novakovic (interprétation). - Non, au mois de mai, on l'a

 24   fait partir mais comme c'était la région où il était né, il aimait savoir

 25   ce qui se passait. Donc un grand nombre des dirigeants d'Ilok se


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  1   réunissait avec Slavko parce qu'on croyait que c'était un grand homme.

  2   C'était l'homme le plus populaire de la région à l'époque de la

  3   Yougoslavie.

  4   M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit à M. Curtis que

  5   M. Dokmanovic était très mécontent de la destruction de Vukovar, qu'il

  6   s'est même effondré en larmes.

  7   M. Novakovic (interprétation). - C'est exact. Lorsque nous

  8   parlions en privé, il a souvent pleuré parce qu'il ne pouvait pas croire

  9   que Vukovar pourrait se présenter tel qu'on le voit aujourd’hui, parce que

 10   la première provocation venait des Oustachis et vous savez où cela a mené.

 11   M. Williamson (interprétation). - Vous avez également dit qu'il

 12   avait ressenti une grande rage à l'encontre de ceux qui étaient

 13   responsables de cette destruction, de ce qui s'était passé à Vukovar. Est-

 14   ce exact ?

 15   M. Novakovic (interprétation). - Je suppose que ce Tribunal

 16   possède ces informations et on peut vérifier cela par le biais de la

 17   communauté européenne.

 18   M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous répondre à la

 19   question pour savoir si vous vous souvenez avoir dit cela ? C'est-à-dire

 20   que vous éprouviez une énorme rage contre Mercep ?

 21   M. Williamson (interprétation). - Ce n'était pas lui qui

 22   ressentait cette rage mais M. Dokmanovic.

 23   M. le Président (interprétation). - Oui, c'est cela, je m'en

 24   excuse. Vous en souvenez vous ?

 25   M. Novakovic (interprétation). - Je me souviens que nous avons


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  1   évoqué ces trois noms parce que tout le monde connaissait leurs opinions

  2   nationalistes.

  3   M. Williamson (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

  4   s'il a exprimé une rage dirigée contre ceux qui étaient responsables de ce

  5   qui s'était passé à Vukovar ?

  6   M. Novakovic (interprétation). - Le peuple serbe le sait mieux

  7   que tous les autres, ainsi que les Slovaques et les Croates locaux.

  8   M. Williamson (interprétation). - Vous n'avez toujours pas

  9   répondu à ma question, que je vous pose pour la troisième fois. Est-ce que

 10   vous vous souvenez si M. Dokmanovic a exprimé de la rage contre ces

 11   personnes qui étaient responsables de la destruction de Vukovar, oui ou

 12   non ? Et après, expliquez ,s'il vous plaît.

 13   M. Novakovic (interprétation). - Évidemment, bien sûr, il

 14   ressentait cette rage et moi je pense toujours que ce que sont eux les

 15   plus responsables d'avoir fait ce qu'ils ont fait au mois de mai. Ces

 16   trois personnes-là étaient à l'avant de tout ce qui se passait pendant la

 17   guerre.

 18   M. Williamson (interprétation). - Si eux étaient les

 19   responsables et si ce n'était qu'une riposte des Serbes, pourquoi fallait-

 20   il que tout le peuple croate quitte la région ?

 21   M. Novakovic (interprétation). - Tout d'abord, ce n'est pas

 22   vrai. Tous les Croates ne sont pas partis et vous pouvez le vérifier par

 23   la communauté européenne qui a le décompte de toutes les personnes qui

 24   sont parties.

 25   M. Williamson (interprétation). - Voulez-vous dire devant cette


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  1   Chambre que la forte majorité des Croates n'a pas quitté la région en

  2   question en 1991 ?

  3   M. Novakovic (interprétation). - Une partie est partie, oui.

  4   M. Williamson (interprétation). - Une partie ?

  5   M. Novakovic (interprétation) - Tout comme une partie des

  6   Serbes, comme certains Serbes sont partis pour s'installer ailleurs.

  7   M. Fila (interprétation). - Objection. Monsieur le Président, il

  8   incite le témoin à répondre comme il veut : il a dit "une partie des

  9   Croates" et cela devrait suffire. Le Procureur est en train de disputer

 10   avec le témoin.

 11   M. Williamson (interprétation). - Je n'ai plus de question.

 12   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, je voudrais

 13   avoir ces notes. Si vous voyez que quelqu'un utilise quelque chose dans ce

 14   Tribunal et, d'après ce que je sais, dans la tradition anglo-saxonne ces

 15   notes doivent être montrées et traduites pour qu'on puisse s'en servir,

 16   parce qu'on s'en sert justement devant ce Tribunal et ces notes n'existent

 17   pas.

 18   Si M. Curtis ne témoigne pas demain et si, tout ce que je sais,

 19   ce serait peut-être le même M. Curtis qui a menti quand il a dit à

 20   M. Dokmanovic qu'il pourrait rentrer chez lui en toute sécurité, il a déjà

 21   menti, il a déjà garanti la sécurité de M. Dokmanovic pour l'attirer en

 22   Croatie et il a déclaré devant ce Tribunal qu'il a fait preuve de ruses

 23   pour s'approcher de M. Dokmanovic et le faire arrêter. S'il s'agit du même

 24   monsieur, il faudrait que je vois ces notes afin de pouvoir vérifier leur

 25   existence et voir si, effectivement, on s'en sert devant ce Tribunal.


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  1   C'est une question juridique que je pose, rien que cela. Si M. Curtis ne

  2   témoignait pas, quelle serait alors la base de ces questions posées au

  3   témoin ? Je veux voir ces notes.

  4   M. Niemann (interprétation). - Nous traiterons de cette

  5   question, de ce témoignage en temps voulu. Les notes dont nous parlons

  6   sont des notes qui ont été remises à l'accusation aux fins de

  7   l'interrogatoire des témoins qui seraient cités par la Défense. En temps

  8   voulu, on peut faire venir le témoin pour parler de cela mais on n'a pas

  9   besoin de soumettre les notes, elles sont personnelles et ne doivent pas

 10   faire l'objet de communication. Et puis, en fin de compte, Madame et

 11   Messieurs, il y a eu des notes prises par le témoin, les notes qu'il

 12   utilise pour son témoignage en temps voulu, il serait opportun que M. Fila

 13   les demande en disant que je voudrais les voir. On peut les mettre à sa

 14   disposition à ce moment, en temps voulu.

 15   M. le Président (interprétation). - Maître Fila, avez-vous

 16   d'autres questions à poser maintenant ?

 17   M. Fila (interprétation). - Non, je voudrais tout simplement que

 18   le témoin puisse voir les notes et puisse nous dire de quoi il s'agit. Je

 19   ne cesse de répéter : ces notes n'existent pas, je ne sais pas à qui elles

 20   appartiennent, je ne peux pas le dire avant de les avoir vues. Moi, je

 21   porte le nom de Saint Thomas et lui ne croyait pas avant d'avoir vu.

 22   M. le Président (interprétation). - Oui, le Procureur vient de

 23   nous dire que les notes existent bel et bien mais qu'il n'est pas dans

 24   l'obligation de les produire devant le Tribunal donc vous n'avez plus de

 25   question à poser.


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  1   M. May (interprétation). - Pouvez-vous nous aider à comprendre

  2   quelque chose. Pour ce qui concerne l'arrêt du 20 novembre, nous en avons

  3   vu la vidéo. De quoi s'agissait-il lors de cette réunion ?

  4   M. Novakovic (interprétation). - Comme les invités étaient

  5   arrivés et comme ils avaient arrangé tout cela avec Slavko, ils avaient

  6   leur propre programme pour savoir où ils allaient. Ils traversaient en

  7   utilisant le permis des autorités militaires. Ils ont pris un café chez

  8   moi, on a parlé de la situation, on a parlé de ce qui allait se produire

  9   par la suite et pour savoir si on avait besoin d'une assistance quelconque

 10   afin de réparer les choses parce qu'il y avait beaucoup de destructions

 11   dans le domaine agricole.

 12   M. le Président (interprétation). - Est-il vrai que Ilok se

 13   trouvait dans la compétence et relevait de la prérogative du gouvernement

 14   régional de Slavonie, de Baranja et de Srem occidentale ?

 15   M. Novakovic (interprétation). - Je ne pourrais pas me rappeler

 16   très exactement s'il en était ainsi mais je peux supposer qu'à ce moment-

 17   là une partie de cette région a été administrée par les autorités croates.

 18   M. le Président (interprétation). - Quand vous avez rencontré

 19   M. Dokmanovic le 17 octobre 1991, était-il en tenue de chasse ce jour-là

 20   où était-il en tenue normale, civile ?

 21   M. Novakovic (interprétation). - En tenue de chasse.

 22   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je suppose

 23   qu'il n'y a plus d'objection pour qu'on mène à bien cette déposition et le

 24   témoin peut disposer.

 25   (Le témoin est reconduit hors du prétoire)


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  1   M. le Président (interprétation). - Nous reprendrons le travail

  2   en séance.

  3   L'audience est levée à 13 heures 15.

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