Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                      Affaire IT-95-13a-T

  2   POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

  3   Mardi 26 Mai 1998

  4   LE PROCUREUR

  5   c/

  6   SLAVKO DOKMANOVIC

  7   L'audience est ouverte à 9 heures 30.

  8   (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)

  9   M. le Président (interprétation). - Bonjour. Je voudrais

 10   demander à M. le greffier d'introduire le numéro de l'affaire, s'il vous

 11   plaît.

 12   M. Dubuisson. - Il s'agit du dossier IT-95-13a-T, le Procureur

 13   contre Slavko Dokmanovic.

 14   M. le Président (interprétation). - Merci.

 15   Monsieur Dokmanovic, m'entendez-vous ?

 16   M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.

 17   M. le Président (interprétation). - Merci. Nous allons passer

 18   des comparutions, nous allons pouvoir commencer dès maintenant. Mais,

 19   avant de commencer, puis-je me tourner vers Me Fila... Pourriez-vous me

 20   rendre un service, à moi et à l'ensemble de cette chambre ? Veuillez

 21   demander aux témoins d'essayer d'éviter de citer des noms de témoins

 22   protégés. Hier, vous nous avez fait remarquer -et nous vous en remercions-

 23   que l'un des témoins avait mentionné, au cours de sa déposition, le nom

 24   d'un témoin protégé. Nous avons donc dû expurger le compte-rendu.

 25   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, voyons quel


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  1   est le problème. Je n'ai pas dit à ces personnes, à ces nouveaux témoins,

  2   quel était le nom du Témoin Q. Alors, si je leur dis de ne pas mentionner

  3   son nom, en fait, je découvre son identité. Vous voyez quel est mon

  4   problème. Alors, si vous avez une solution à me proposer, je serais très

  5   heureux de l'adopter. Mais je ne peux pas dire aux témoins le nom de

  6   témoins protégés. Il est plus facile pour les témoins de prononcer ce nom

  7   s'ils le souhaitent, nous l'expurgerons par la suite.

  8   M. le Président (interprétation). - Oui, bien sûr. Nous pouvons

  9   expurger les noms dans le compte-rendu. Cependant, comme nous travaillons

 10   dans une petite salle d'audience et qu'il n'est pas nécessaire de retarder

 11   la diffusion des images prises au cours de l'audience, le public, en bas

 12   ou dans la galerie du public, entendra le nom de ce témoin. Par

 13   conséquent, nous devons faire de notre mieux pour essayer de protéger

 14   l'identité des témoins protégés.

 15   Maître Niemann, peut-être avez-vous une meilleure idée, une

 16   meilleure suggestion, pour régler ce problème ?

 17   M. Niemann (interprétation). - Au lieu de dire que ce nom a été

 18   mentionné en audience publique, peut-être pourrions-nous passer en

 19   audience à huis clos partiel et débattre de ce point. Lorsque quelque

 20   chose de ce type arrive, ce n'est pas tant le problème que le nom soit

 21   mentionné, ce qui fait empirer la chose, c'est qu'on mentionne le fait que

 22   cette erreur se soit produite en audience publique. Peut-être serait-il

 23   utile de passer en audience à huis clos partiel pour résoudre la question,

 24   puis repasser en audience publique. Je crois que ce serait une solution

 25   plus appropriée.


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  1   M. le Président (interprétation). - Effectivement, c'est une

  2   bonne suggestion. Merci.

  3   Nous allons pouvoir commencer par le premier témoin.

  4   (Le témoin, M. Nedic, est introduit dans la salle de

  5   visioconférence).

  6   M. Petrovic (interprétation). - Notre premier témoin est

  7   Paja Nedic.

  8   Monsieur Nedic, m'entendez-vous ?

  9   M. Nedic (interprétation). - Oui.

 10   M. le Président (interprétation). - Veuillez vous lever et

 11   prononcer la déclaration solennelle, s'il vous plaît.

 12   M. Nedic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 13   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 14   M. le Président (interprétation). - Merci, veuillez vous

 15   asseoir.

 16   Monsieur Nedic, le 16 septembre 1996, avez-vous fait une

 17   déclaration à l'enquêteur de l'équipe de la défense ? S'agit-il bien de la

 18   déclaration que vous consultez dès maintenant ? Je demanderai que cette

 19   déclaration soit également distribuée dans la salle d'audience, au bureau

 20   du Procureur et aux Juges.

 21   M. Nedic (interprétation). - Oui, c'est bien ma déclaration.

 22   M. Petrovic (interprétation). - Est-ce bien votre signature sur

 23   la déclaration ?

 24   M. Nedic (interprétation). - Oui.

 25   M. Petrovic (interprétation). - S'il n'y a pas d'objection, je


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  1   demanderais le versement de ce document. Il s'agira de la pièce D108.

  2   M. le Président (interprétation). - Merci. Il n'y a pas

  3   d'objection de la part de l'accusation, par conséquent, il s'agira de la

  4   pièce D108.

  5   M. Dubuisson. - Il s'agit plutôt de la pièce D109 et D109a.

  6   M. Petrovic (interprétation). - Monsieur Nedic, quelles études

  7   avez-vous suivies ?

  8   M. Nedic (interprétation). - J'ai obtenu un diplôme à Belgrade,

  9   un diplôme de technicien, en 1980.

 10   M. Petrovic (interprétation). - Où avez-vous travaillé ?

 11   M. Nedic (interprétation). - J'ai travaillé la plupart de ma vie

 12   à Borovo, du début de ma carrière professionnelle jusqu'au moment où je

 13   suis arrivé directeur de lignes de production, dans l'usine de Borovo.

 14   M. Petrovic (interprétation). - Que faisait cette usine de

 15   Borovo ?

 16   M. Nedic (interprétation). - Elle se trouvait dans la zone de

 17   Vukovar. Elle employait 75 % de la population active de la zone, c'était

 18   par conséquent une grande source de revenus. A l'époque, les revenus

 19   étaient plus importants, Borovo était connu au niveau européen et au

 20   niveau mondial pour sa production de chaussures, de caoutchouc, de

 21   pneumatiques, etc.

 22   M. Petrovic (interprétation). - Jusqu'à quand êtes-vous resté

 23   dans cette usine de Borovo ?

 24   M. Nedic (interprétation). - Je suis parti le 29 avril 1991, j'y

 25   ai travaillé jusqu'à ce jour.


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  1   M. Petrovic (interprétation). - Pourquoi était-ce votre dernier

  2   jour ?

  3   M. Nedic (interprétation). - La veille des événements qui se

  4   sont produits, le 2 mai, à Borovo Selo, des informations m'ont été données

  5   par la suite, selon lesquelles je ne pourrais plus me rendre à Borovo et

  6   que je ne devais pas m'y rendre de toute façon, parce qu'à ce moment-là

  7   des individus inconnus auraient pu m'emmener loin de Borovo.

  8   M. Petrovic (interprétation). - Etiez-vous membre du

  9   gouvernement du district serbe de la Slavonie, de la Baranja et de la Srem

 10   occidentale ?

 11   M. Nedic (interprétation). - Effectivement.

 12   M. Petrovic (interprétation). - Quand avez-vous été élu à ce

 13   poste ?

 14   M. Nedic (interprétation). - Le 25 septembre 1991 à

 15   Beli Manastir. L'assemblée de ce conseil s'est tenue ce jour-là.

 16   M. Petrovic (interprétation). - Slavko Dokmanovic était-il

 17   membre de ce gouvernement ?

 18   M. Nedic (interprétation). - Effectivement. Au cours de cette

 19   assemblée, le gouvernement a été élu sur proposition d'un mandataire et le

 20   nom de Slavko Dokmanovic a été avancé. A ce moment-là, à l'issue de ces

 21   élections, il a été élu ministre de l'Agriculture.

 22   M. Petrovic (interprétation). - L'élection de Slavko Dokmanovic

 23   a-t-elle rencontré un certain nombre de difficultés ? Des problèmes ont-

 24   ils été issus de ces élections ?

 25   M. Nedic (interprétation). - Certains délégués, membres de


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  1   l'assemblée, en raison de l'ancienne fonction de Dokmanovic dans le cadre

  2   de l'assemblée municipale de Vukovar, n'étaient pas sûr de la façon dont

  3   il travaillait. Ils pensaient que c'était une des personnes responsables

  4   du contrôle serbe sur ce territoire et des positions occupées par les

  5   Serbes.

  6   M. Petrovic (interprétation). - Quelles étaient les critiques

  7   qui étaient proférées à son égard ?

  8   M. Nedic (interprétation). - On le critiquait, parce qu'il était

  9   accusé de faire des compromis, tout d'abord avec le HDZ qui était l'un des

 10   partis constituant l'assemblée municipale à Vukovar. On le critiquait

 11   aussi pour sa coopération avec certains organes de l'Etat croate.

 12   M. Petrovic (interprétation). - Depuis combien de temps

 13   connaissez-vous Slavko Dokmanovic personnellement ?

 14   M. Nedic (interprétation). - Je l'ai connu à l'école primaire,

 15   nous avons le même âge. Nous sommes allés à la même école primaire ainsi

 16   qu'à la même école secondaire, pendant un certain temps. Nous avons

 17   participé à des fêtes dans les villages, des mariages, des événements

 18   sportifs et par la suite, nous nous sommes rencontrés fréquemment, nous

 19   nous voyions souvent.

 20   M. Petrovic (interprétation). - Pouvez-vous nous parler

 21   maintenant du fonctionnement de ce que l'on a appelé le gouvernement du

 22   district serbe de la Baranja et de la Srem occidentale ?

 23   M. Nedic (interprétation). - Ce gouvernement, après les

 24   élections, s'est trouvé dans une situation complexe. Il n'avait pas les

 25   moyens d'utiliser certaines ressources ou certains instruments qui,


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  1   pourtant, lui auraient été nécessaires pour fonctionner. Par conséquent,

  2   ce gouvernement a dû faire avec ce qu'il avait à sa disposition, il

  3   n'avait pas d'électricité, ni d'eau, ni de communication téléphonique, ni

  4   de siège. Il fallait à chaque fois essayer de trouver des sièges pour

  5   s'asseoir.

  6   Nous avons fini par trouver une pièce vide à Erdut, nous avons

  7   donc dû ramener nos sièges et nos tables, et nous sommes restés à cet

  8   endroit, cependant, c'était temporaire. En outre, nous avons tenté

  9   d'organiser tout ce qui était possible, étant donné les circonstances

 10   d'alors.

 11   M. Petrovic (interprétation). - Peut-on dire que le

 12   gouvernement, en partie, voulait établir sa domination sur le terrain dans

 13   la partie nord du district serbe, notamment aux alentours d'Erdut, mais

 14   que ce gouvernement n'avait aucune compétence pour imposer son autorité au

 15   sud de Vukovar ?

 16   M. Nedic (interprétation). - C'est exact, parce qu'entre Osijek

 17   et Vukovar, le territoire pouvait être traversé, des villages serbes se

 18   trouvaient à cet endroit ; en revanche, nous ne pouvions pas nous rendre

 19   dans la partie sud et la partie est qui se trouvaient donc au sud et à

 20   l'est de Vukovar ; cela faisait une distance d'environ 150 kilomètres.

 21   M. Petrovic (interprétation). - Cela veut dire qu'il n'y avait

 22   pas de liens entre la partie nord du district serbe qui se trouvait aux

 23   environs d'Erdut et la partie sud de la ville de Vukovar, n'est-ce pas ?

 24   M. Nedic (interprétation). - Effectivement, c'était une route

 25   impraticable, nous n'avons pas pu prendre cette route le 25 novembre 1991.


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  1   M. Petrovic (interprétation). - En tant que membre du

  2   gouvernement, combien de fois avez-vous rencontré M. Slavko Dokmanovic ?

  3   M. Nedic (interprétation). - Nous avons pu nous voir après le

  4   25 septembre, à plusieurs reprises, à Erdut, dans les pièces que nous

  5   utilisions. Nous avons essayé de les rénover un peu, de trouver des

  6   tables, des chaises, donc tout ce qui nous était nécessaire pour que nous

  7   puissions fonctionner. Nous avons essayé de brancher un téléphone, donc de

  8   rassembler les éléments de base qui allaient nous permettre de

  9   fonctionner. Mais cela, c'était généralement le matin. Nous faisions des

 10   commentaires sur les événements de la veille et nous essayions de faire

 11   quelque chose pour arranger la situation, mais c'était très difficile, en

 12   raison des circonstances existantes à ce moment-là.

 13   M. Petrovic (interprétation). - Avez-vous remarqué ce que

 14   Slavko Dokmanovic portait généralement ?

 15   M. Nedic (interprétation). - Oui, il portait très souvent une

 16   espèce d'uniforme vert, une sorte de tenue de chasse. C'était le genre de

 17   vêtement que portaient des chasseurs, lorsqu'ils partaient à la chasse.

 18   M. Petrovic (interprétation). - Si nous devions vous montrer cet

 19   uniforme, pourriez-vous le reconnaître ?

 20   M. Nedic (interprétation). - Oui, je crois.

 21   M. Petrovic (interprétation). - Peut-on montrer au témoin la

 22   pièce D48, s'il vous plaît ?

 23   M. Nedic (interprétation). - Oui, je pense que c'est

 24   effectivement le vêtement.

 25   M. Petrovic (interprétation). - Dépliez-le, regardez-le et


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  1   dites-nous s'il s'agit bien du vêtement que portait Slavko Dokmanovic.

  2   M. Nedic (interprétation). - Oui, c'est bien cela, en tout cas

  3   il était similaire à celui-là si ce n'était pas vraiment celui-là.

  4   M. Petrovic (interprétation). - S'agit-il d'une tenue de chasse

  5   ou d'une tenue militaire  ?

  6   M. Nedic (interprétation). - Non, vous voyez, c'est une tenue de

  7   chasse, il y a la place pour mettre des cartouches.

  8   M. Petrovic (interprétation). - Pourriez-vous montrer ceci à la

  9   caméra, afin que tout le monde puisse le voir ?

 10   M. Nedic (interprétation). -  Vous voyez, on met les cartouches

 11   à cet endroit de la veste, et là, on y met le fusil de chasse.

 12   M. Petrovic (interprétation). - Merci.

 13   Le 19 novembre, avez-vous assisté à la réunion du gouvernement

 14   qui s'est tenue à Erdut ?

 15   M. Nedic (interprétation). - Oui, j'étais présent.

 16   M. Petrovic (interprétation). - Slavko Dokmanovic l'était-il

 17   aussi ?

 18   M. Nedic (interprétation). - Oui.

 19   M. Petrovic (interprétation). - Pourriez-vous répéter la réponse

 20   à la question : M. Dokmanovic était-il présent ?

 21   M. Nedic (interprétation). - Oui, il était là. Il y a eu un

 22   événement assez particulier qui m'aide à me souvenir de sa présence. et

 23   dont nous avons parlé avant et pendant la réunion.

 24   M. Petrovic (interprétation). - De quoi parlez-vous ?

 25   M. Nedic (interprétation). - L'un de nos collègues avait perdu


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  1   ses grands-parents.

  2   M. Petrovic (interprétation). - Pouvez-vous répéter, s'il vous

  3   plaît ?

  4   M. Nedic (interprétation). - Je me rappelle de cet événement,

  5   parce que l'un de nos collègues venait de perdre ses grands-parents...

  6   Enfin, il s'agissait des parents de sa femme, donc ses beaux-parents.

  7   C'étaient des personnes âgées. Nous lui avons parlé de cet événement. La

  8   situation était difficile pour lui, car il venait de perdre deux personnes

  9   qu'il appréciait. Je me souviens donc très bien de cette réunion.

 10   M. Petrovic (interprétation). - Très bien. J'aimerais montrer au

 11   témoin la pièce D53. Je demanderai au témoin de l'identifier.

 12   M. Bos (interprétation). - Je n'ai pas la pièce, pour le témoin.

 13   M. Petrovic (interprétation). - Pièce D53.

 14   De quoi s'agit-il ?

 15   M. Nedic (interprétation). - Il s'agit du procès-verbal de la

 16   réunion du gouvernement du district serbe.

 17   M. Petrovic (interprétation). - Il s'agit de la réunion du

 18   19 novembre, c'est cela ?

 19   M. Nedic (interprétation). - Oui, c'est cela.

 20   M. Petrovic (interprétation). - Je vous renvoie à la page 2 de

 21   ce procès-verbal, au point 5 précisément. Je vous demanderai de le lire et

 22   de nous dire de quoi il s'agit.

 23   M. Nedic (interprétation). - "Le district serbe doit être placé

 24   au-dessus des unités de la JNA sur son territoire." Je pense que cette

 25   formulation, qui est utilisée dans le point 5, n'est pas appropriée. Les


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  1   choses ont été mal formulées, me semble-t-il.

  2   M. Petrovic (interprétation). - Pourriez-vous répéter ce que

  3   vous venez de dire, votre remarque sur le point 5 ?

  4   M. Nedic (interprétation). - J'ai dit que c'est une mauvaise

  5   formulation. Le sens y est mal exprimé. Ici, nous voyons, d'après le

  6   texte, que nous demandons à être au-dessus des unités de la JNA.

  7   M. Petrovic (interprétation). - S'agissait-il de quelque chose

  8   que vous n'aviez pas à moment-là ?

  9   M. Nedic (interprétation). - Oui, mais je ne crois pas que nous

 10   essayions de court-circuiter les unités de la JNA. A ce moment-là, ce que

 11   nous voulions, c'était établir un régime civil et je ne pense pas que le

 12   texte reflète exactement les idées que nous avancions. Je crois que

 13   M. Jovan Pejakovic, cette personne qui a pris des notes au cours de cette

 14   réunion, a mal réexprimé les choses.

 15   M. Petrovic (interprétation). - Cela veut-il dire que, dans les

 16   endroits qui ont été libérés, il n'y avait pas de régime civil et que ces

 17   zones étaient contrôlées par le gouvernement du district serbe ?

 18   M. Nedic (interprétation). – Non, ce n'était pas sous le

 19   contrôle du gouvernement du district serbe. C'était une zone de guerre,

 20   une localité qui était en guerre. Par conséquent, la JNA détenait le

 21   pouvoir dans cette région.

 22   M. Petrovic (interprétation). - Quand les premiers organes du

 23   pouvoir civil ont-ils été établis sur les territoires libérés ?

 24   M. Nedic (interprétation). - Ce n'est qu'après la libération de

 25   Vukovar, lorsque le conseil de Vukovar a pu...


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  1   M. Petrovic (interprétation). - Veuillez répéter, s'il vous

  2   plaît, nous n'avons pas bien entendu.

  3   M. Nedic (interprétation). - Ce n'est qu'après la libération de

  4   Vukovar, lorsque le conseil exécutif a été établi pour la ville de

  5   Vukovar. Ce n'est qu'à ce moment-là, donc, que ce régime civil a été

  6   établi dans d'autres régions.

  7   M. Petrovic (interprétation) – Il a fallu attendre, par

  8   conséquent, la libération de Vukovar et l'établissement du conseil

  9   exécutif. Mais avant cela, comment la municipalité de Vukovar a-t-elle été

 10   administrée ?

 11   M. Nedic (interprétation). – Avant cela c'était l'armée

 12   populaire yougoslave qui contrôlait Vukovar. Le gouvernement n'avait aucun

 13   pouvoir ni aucune autorité sur la ville et l'organe administratif de la

 14   ville.

 15   M. Petrovic (interprétation) - Quand le conseil exécutif de la

 16   municipalité de Vukovar a-t-il été formé ? Le savez-vous ? Et quand a-t-il

 17   véritablement commencé à fonctionner ?

 18   M. Nedic (interprétation). – Et il a été proposé et élu lors

 19   d'une réunion du gouvernement, je crois que c'était le 28 novembre 1991.

 20   Mais quant à son fonctionnement véritable, peut-être cela a-t-il commencé,

 21   15 jours, un mois plus tard. Mais les dix personnes dont la candidature a

 22   été proposée pour le conseil exécutif ont du faire face à de nombreuses

 23   difficultés. Elles n'ont pas pu établir un régime civil immédiatement. Il

 24   a fallu un certain temps avant que cela ne se produise.

 25   M. Petrovic (interprétation). - Revenons maintenant au procès


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  1   verbal que vous avez sous les yeux. A la page 2, nous voyons le dernier

  2   paragraphe, dans lequel il est dit que les membres du gouvernement, le

  3   lendemain, doivent se rencontrer dans le cadre d'une réunion. Pouvez-vous

  4   nous lire ce paragraphe et nous expliquer ce qui y est dit.

  5   M. Nedic (interprétation). - "Goran Hadzic, le Premier ministre,

  6   informe les membres du gouvernement que, étant donné la situation régnant

  7   à Vukovar, il est nécessaire que les membres du gouvernement se retrouvent

  8   le 20 novembre 1991, mercredi, et vendredi, c'est-à-dire le

  9   22 novembre 1991, une réunion du gouvernement a été convoquée à

 10   Beli Manastir, à 9 heures".

 11   M. Petrovic (interprétation). - Pouvez-vous nous expliquer la

 12   différence entre la réunion qui devait se tenir le 20 novembre à Vukovar,

 13   et le 22 novembre ? Quelle était la différence entre les deux réunions ? Y

 14   en avait-il une ?

 15   M. Nedic (interprétation). - Oui, bien sûr. Lors de la réunion

 16   du gouvernement dont parle le texte que j'ai sous les yeux, il est dit

 17   qu'une partie de Vukovar a été libérée. La proposition est la suivante, à

 18   savoir que les membres du gouvernement qui peuvent se rendre à Vukovar,

 19   qui en ont les moyens, doivent s'y rendre et doivent participer à la

 20   réunion, parce que le gouvernement n'avait aucun moyen d'agir à Vukovar.

 21   Par conséquent, c'est la première réunion, la première action du

 22   gouvernement à Vukovar. Peut-être que si les gens pouvaient se rencontrer,

 23   se retrouver à Vukovar, alors une réunion pourrait s'engager. Mais aucune

 24   réunion officielle n'était prévue à ce moment-là.

 25   M. Petrovic (interprétation). - Cela veut-il dire que le


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  1   gouvernement avait l'intention de prouver son existence en se trouvant à

  2   Vukovar le 20  et que l'intention n'était pas véritablement d'organiser

  3   une réunion, une réunion officielle ?

  4   M. Nedic (interprétation). – C'est exact, l'objectif du

  5   gouvernement était de démontrer sa présence, parce que la plus grande

  6   partie des membres qui constituaient le gouvernement ne se trouvaient pas

  7   à Vukovar le 20 novembre.

  8   M. Petrovic (interprétation). - Et ensuite donc une réunion du

  9   gouvernement est convoquée le vendredi, le vendredi n'est-ce pas ? Il en

 10   est bien question dans le procès-verbal ?

 11   M. Nedic (interprétation). – Oui c'est exact, cette réunion

 12   était prévue pour le 22 novembre et elle s'est effectivement tenue le

 13   22 novembre à Beli Manastir.

 14   M. Petrovic (interprétation). - Par conséquent, la prochaine

 15   réunion du gouvernement, liée à l'événement du 17, s'est tenue le vendredi

 16   et il s'agissait de la dix-huitième session du gouvernement, c'est bien

 17   exact ?

 18   M. Nedic (interprétation). – Oui, absolument.

 19   M. Petrovic (interprétation). - Avez-vous assisté à cette

 20   session ou à cette réunion qui s'est tenue à Vukovar le 20 novembre ?

 21   M. Nedic (interprétation). – Non, parce que cette réunion

 22   n'était pas obligatoire, c'était une simple visite à Vukovar, les gens

 23   devaient simplement se rendre à Vukovar;

 24   M. Petrovic (interprétation). - Monsieur Nedic, pouvez-vous

 25   répéter votre dernière phrase ?


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  1   M. Nedic (interprétation). – Ce n'était pas une réunion, la

  2   majeure partie des membres n'avaient pas de voiture et n'avaient pas de

  3   voiture, ils n'avaient donc pas pu venir ce jour-là. Ce n'était pas une

  4   réunion qui correspondait à une convocation, simplement nous étions censés

  5   nous y trouver si nous en avions la possibilité. Moi, j'ai estimé que je

  6   n'avais pas une nécessité absolue de couvrir cent cinquante kilomètres

  7   pour me rendre là-bas puisque rien de précis n'était à discuter, donc je

  8   n'y suis pas allé.

  9   M. Petrovic (interprétation). - Donc je suppose que pour cette

 10   rencontre il n'y avait ni quorum ni ordre du jour ni compte rendu, pour

 11   autant que vous le sachiez ?

 12   M. Nedic (interprétation). – Pour autant que je le sache, non.

 13   M. Petrovic (interprétation). - Vous connaissiez M. Slavko

 14   Dokmanovic depuis très longtemps. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez

 15   de cet homme ?

 16   M. Nedic (interprétation). – C'est un ami à moi. Il vient d'un

 17   village situé à deux kilomètres du mien. Nous nous connaissons bien. Nous

 18   nous connaissons depuis notre adolescence. Ensuite, nous avons collaboré

 19   quand il était expert en agriculture de 1980 à 1990 à la municipalité.

 20   Dans toutes ces années de collaboration, il n'a jamais montré où manifesté

 21   la moindre attitude radicale. Il n'a jamais eu de conflit avec qui que ce

 22   soit, il ne s'est jamais battu avec qui que ce soit, il a toujours été

 23   tranquille, modéré. Il avait un grand prestige dans tous les villages

 24   avoisinants, il s'occupait beaucoup de sport. Je pense que ce prestige a

 25   servi à ce que des malentendus entre les villages soient surmontés.


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  1   M. Petrovic (interprétation). - Connaissez-vous la famille de

  2   Slavko Dokmanovic ?

  3   M. Nedic (interprétation). – Aujourd'hui, je connais Danilka, sa

  4   femme, qui a à peu près le même page que nous. Je la connais autant que

  5   faire se peut, car j'ai tout de même moins fréquenté son épouse que

  6   Slavko.

  7   M. Petrovic (interprétation). - Vous avez sans doute entendu que

  8   M. Slavko Dokmanovic est accusé d'avoir participé à l'assassinat de

  9   200 personnes, qu'en dites-vous ?

 10   M. Nedic (interprétation). – C'est absolument impossible. C'est

 11   un homme qui serait incapable de commettre des actes d'une gravité bien

 12   moindre, donc à plus forte raison incapable d'exécuter et de commettre un

 13   crime de cette nature. C'est une erreur de lui imputer ce crime.

 14   M. Petrovic (interprétation). - Merci, Monsieur Nedic. La

 15   défense n'a plus de questions à vous adresser.

 16   M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Niemann ?

 17   M. Niemann (interprétation). - Monsieur Nedic, concernant le

 18   procès-verbal de la réunion dont vous venez de parler, la pièce à

 19   conviction de la défense 53, l'avez-vous déjà vu avant d'entrer

 20   aujourd'hui dans la salle des témoins ?

 21   M. Nedic (interprétation). – Non.

 22   M. Niemann (interprétation). - Comment cela se fait-il ?

 23   Pourquoi n'avez-vous pas vu ce texte auparavant ?

 24   M. Nedic (interprétation). – Personne ne m'a proposé de le

 25   regarder.


Page 2775

  1   M. Niemann (interprétation). - Peut-être y a-t-il quelques

  2   confusions. Ce que je suis entrain de vous demander c'est si vous l'avez

  3   vu au moment de sa rédaction, c'est-à-dire en 1991 ?

  4   M. Nedic (interprétation). – J'ai essayé de retrouver les

  5   procès-verbaux que je gardais chez moi, bien entendu, et je n'ai pas

  6   trouvé celui-ci.

  7   M. Niemann (interprétation). -  Vous avez exprimé quelques

  8   doutes quant à la possibilité pour le gouvernement d'exercer un contrôle

  9   sur la JNA. Il ne fait aucun doute, n'est-ce pas, que le gouvernement

 10   avait un pouvoir sur la Défense territoriale contrairement à la situation

 11   vis-à-vis de la JNA.

 12   M. Petrovic (interprétation). - Excusez-moi, mais quelle est la

 13   question ?

 14   M. le Président (interprétation). - La question est tout à fait

 15   claire. Pouvez-vous la reformuler ? Mais, pour moi, elle est claire.

 16   M. Niemann (interprétation). - Vous avez exprimé des doutes

 17   quant à la possibilité du gouvernement d'exercer un contrôle sur la JNA.

 18   Mais il ne fait aucun doute que vous aviez la possibilité d'exercer un

 19   contrôle sur la Défense territoriale, n'est-ce pas ?

 20   M. Nedic (interprétation). – Le gouvernement n'était pas

 21   compétent pour contrôler la Défense territoriale puisque la municipalité

 22   avait pris une décision selon laquelle la Défense territoriale devait

 23   intégrer aux forces armées yougoslaves et ce dès le  mois d'octobre.

 24   M. Niemann (interprétation). - Mais alors quelle est l'intention

 25   sous-jacente au point 2 du compte rendu, dont nous parlons, où il est


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  1   question du commandant de la Défense territoriale ?

  2   M. Nedic (interprétation). – Il est dit que le contact existe

  3   entre la Défense territoriale et l'armée populaire yougoslave, la JNA, et

  4   que l'officier de liaison devrait être responsable devant le gouvernement,

  5   si je lis bien ce point 2 c'est ce qui est écrit.

  6   M. Niemann (interprétation). - Connaissez-vous Miroljub

  7   Vujovic ?

  8   M. Nedic (interprétation). – Je sais qui c'est, mais je ne le

  9   connais pas personnellement.

 10   M. Niemann (interprétation). - Savez-vous qu'il faisait partie

 11   de la Défense territoriale ?

 12   M. Nedic (interprétation). – Je ne l'ai appris qu'après la

 13   libération de Vukovar.

 14   M. Niemann (interprétation). - Quand l'avez-vous appris ?

 15   M. Nedic (interprétation). – Je l'ai appris le 28 ou le

 16   29 novembre à une réunion du gouvernement où nous devions décider qui

 17   ferait partie du conseil exécutif.

 18   M. Niemann (interprétation). - Miroljub Vujovic a été nommé au

 19   conseil exécutif de Vukovar par le gouvernement, n'est-ce pas ?

 20   M. Nedic (interprétation). – Je crois que oui. Je n'ai aucun

 21   document sous la main qui le prouve, mais je crois que son nom figurait

 22   sur la liste.

 23   M. Niemann (interprétation). - A la réunion du 19 novembre 1991,

 24   a-t-il été discuté des thèmes qui feraient l'objet de la discussion de la

 25   réunion de Vukovar le lendemain ?


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  1   M. Nedic (interprétation). - J'ai déjà dit que ce qui était

  2   prévu à Vukovar n'était pas du tout une réunion, mais que les membres du

  3   gouvernement qui en avaient la possibilité étaient invités à se rendre à

  4   Vukovar pour voir la situation, afin de simplement se présenter à la

  5   population ; il n'y avait pas absolument pas de réunion, ni d'ordre du

  6   jour, ou quoi que ce soit de ce genre, étant donné que ce n'était pas une

  7   réunion du gouvernement. C'est le 22 novembre à Beli Manastir que s'est

  8   tenue la prochaine réunion du gouvernement.

  9   M. Niemann (interprétation). - Mais les membres du gouvernement

 10   avaient la possibilité de choisir, n'est-ce pas, d'aller ou pas à

 11   Vukovar ?

 12   M. Nedic (interprétation). - Oui, de façon tout à fait

 13   indépendante, chacun décidait s'il y allait ou pas. Il fallait avoir un

 14   véhicule, je vous l'ai dit, pour se rendre entre la partie occidentale de

 15   la région et Vukovar, il fallait couvrir entre 130 et 150 kilomètres et

 16   c'était loin d'être facile à l'époque.

 17   M. Niemann (interprétation). - Cette liberté de choix quant à la

 18   participation à cette rencontre n'avait rien à voir avec la teneur de la

 19   discussion qu'il était prévu d'avoir ce jour-là, vous en êtes sûr ?

 20   M. Nedic (interprétation). - Je vais le répéter une nouvelle

 21   fois, il n'était pas obligatoire de se rendre à Vukovar, car il n'y avait

 22   aucune réunion du gouvernement ou aucune réunion assortie d'un ordre du

 23   jour prévue à cet endroit.

 24   Je me souviens bien que le président a dit : "Ceux qui le

 25   peuvent, doivent aller à Vukovar pour voir ce qu'il s'y passe et se


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  1   présenter à la population qui va sûrement se trouver sur les lieux." En

  2   fait, nous n'avions pas la moindre idée de ce qu'il s'y passait, ni de la

  3   situation qui y prévalait.

  4   M. Niemann (interprétation). - Pendant la période qui va

  5   jusqu'au 20 novembre, pendant laquelle vous étiez membre du gouvernement,

  6   portiez-vous un uniforme militaire ?

  7   M. Nedic (interprétation). - Pour ce qui me concerne, je peux

  8   dire sans l'ombre d'un doute que je n'ai jamais porté un uniforme complet.

  9   Il m'arrivait de porter uniquement la veste, et ce, pour des raisons

 10   pratiques.

 11   M. Niemann (interprétation). - Quelles étaient les raisons

 12   pratiques qui vous incitaient à porter la veste de l'uniforme militaire ?

 13   M. Nedic (interprétation). - Ces raisons pratiques étaient que,

 14   entre Erdut et le village dans lequel j'habitais à l'époque, je me

 15   heurtais au moins à cinq ou six barrages routiers, et tous les civils de

 16   mon âge à ce moment-là, étaient pour le moins suspects. Je devais franchir

 17   ces barrages tous les jours, il m'arrivait même d'avoir à les franchir

 18   deux fois dans la même journée et à chaque fois, je devais m'expliquer à

 19   chacun des barrages routiers où l'on me demandait pourquoi j'étais habillé

 20   en civil. Si j'avais à ce moment-là porté un costume et une cravate comme

 21   aujourd'hui, cela aurait provoqué la colère et la rancoeur de ceux qui se

 22   trouvaient à ces barrages routiers.

 23   M. Niemann (interprétation). - La même observation se serait

 24   appliquée, n'est-ce pas, à d'autres personnes qui auraient voyagé entre

 25   Trpinja et Erdut, et notamment à M. Dokmanovic ?


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  1   M. Nedic (interprétation). - Oui, sa situation était la même que

  2   la mienne, si lui aussi se heurtait à des barrages routiers.

  3   M. Niemann (interprétation). - J'ai besoin de répéter la

  4   question, car nous n'avons pas entendu toute la réponse. La nécessité de

  5   porter au moins une partie de l'uniforme militaire se serait appliquée

  6   également à d'autres personnes telles que M. Dokmanovic qui, à l'époque,

  7   voyageait entre Trpinja et Erdut ?

  8   M. Nedic (interprétation). - Apparemment, vous ne m'avez pas

  9   entendu ; oui, il avait les mêmes problèmes que moi et vice-versa.

 10   M. Niemann (interprétation). - Avez-vous bien déclaré dans votre

 11   déposition qu'il n'y avait pas du tout de téléphone à Erdut à l'époque ?

 12   M. Nedic (interprétation). - A cette époque, il n'y avait qu'une

 13   seule ligne qui était occupée, d'ailleurs fréquemment ; et un seul

 14   appareil téléphonique, bien sûr.

 15   M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas d'autre question.

 16   M. le Président (interprétation). - Monsieur Petrovic ?

 17   M. Petrovic (interprétation). - Non, merci.

 18   M. le Président (interprétation). - Merci.

 19   Monsieur Nedic, j'ai une ou deux questions à vous poser. Vous

 20   avez déclaré, en réponse à la question posée par le conseil de la défense,

 21   qu'il n'y avait pas de quorum à la réunion de Vukovar le 20 novembre,

 22   comment savez-vous qu'il n'y avait pas eu le quorum ? Vous n'étiez pas

 23   présent, quelqu'un vous l'a-t-il dit par la suite ?

 24   M. Nedic (interprétation). - Deux jours après, le 22 novembre à

 25   Beli Manastir, ceux qui étaient allés à Vukovar étaient présents


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  1   également, et nous savions qui y était allé et qui ne s'y était pas rendu.

  2   J'ai répondu que je pensais qu'il n'y avait pas le quorum, car j'ai eu

  3   l'impression qu'une majorité des membres du gouvernement n'y est pas

  4   allée, mais je ne l'affirme pas de façon absolue.

  5   M. le Président (interprétation). - Je crois comprendre sur la

  6   base de votre réponse, que le 22 novembre, lors de la réunion suivante du

  7   gouvernement, on vous a dit qu'il n'y avait pas eu le quorum à Vukovar le

  8   20, ce qui signifie que les participants de la réunion du 20 vous ont fait

  9   savoir, à vous et aux autres membres du gouvernement absents le 20, ce qui

 10   avait été discuté ce jour-là. Que vous a-t-on dit au sujet des thèmes

 11   discutés le 20 novembre ?

 12   M. Nedic (interprétation). - Après sept ans, je pense que

 13   personne ne serait capable de se rappeler ce genre de choses...

 14   (inaudible)... Comment vivaient ceux qui étaient à Vukovar, ça, je peux en

 15   parler. Mais ce que vous me demandez, s'il y a eu une réunion, etc., je ne

 16   peux pas me rappeler. Beaucoup de temps s'est passé depuis et je sais que

 17   rien d'urgent ou de très important n'a été décidé. Les gens qui sont allés

 18   à Vukovar l'ont fait pour voir la ville.

 19   M. le Président (interprétation). - Mais ils vous ont dit...

 20   C'était un fait de détails, à savoir qu'il n'y avait pas eu de quorum à

 21   cette réunion. Ils se sont donc arrêtés sur un petit détail, ils ne vous

 22   auraient pas rendu compte des grands problèmes discutés et des éventuelles

 23   décisions prises le 20 ? Vous ne trouvez pas cela un peu étrange, cette

 24   contradiction entre un détail d'un côté et des questions importantes de

 25   l'autre ?


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  1   M. Nedic (interprétation). - (...)

  2   M. le Président (interprétation). - Excusez-moi, je n'ai pas

  3   entendu ce que vous avez dit, Monsieur.

  4   M. Nedic (interprétation). - D'abord, personne n'a discuté de

  5   l'existence ou non d'un quorum. Ce que j'ai dit, c'est ma conclusion

  6   personnelle, celle que j'ai tirée de mes observations. Mais on ne m'a pas

  7   dit qu'il n'y avait pas de quorum.

  8   Deuxièmement, quand nous nous sommes trouvés, le 22 novembre à

  9   Beli Manastir, ce qu'ils ont dit, ce sont leurs impressions au sujet de la

 10   situation dans la ville de Vukovar.

 11   M. Niemann (interprétation). - Merci.

 12   Quelle était la pratique de votre gouvernement, s'agissant de la

 13   prise du procès-verbal ? Celui-ci était-il dressé par une personne

 14   présente au cours de la réunion ? J'imagine que c'était le cas. Mais est-

 15   ce que ces procès-verbaux étaient adoptés officiellement au moment de la

 16   réunion à laquelle ils se rapportaient ou bien au moment de la réunion

 17   suivante ?

 18   M. Nedic (interprétation). - C'est Jovan Pejakovic qui était, le

 19   plus souvent, le procès-verbaliste des réunions. La pratique voulait que

 20   ce soit lui qui rédige le procès-verbal. Il prenait le procès-verbal écrit

 21   à la main, il l'emportait à Dalj, où se trouvait la machine à écrire, puis

 22   il faisait une photocopie de ces procès-verbaux.

 23   A la réunion suivante, s'il avait été possible d'en obtenir un

 24   nombre suffisant, il distribuait ces procès-verbaux à tous les membres du

 25   gouvernement. Nous, nous étions censés vérifier que ce qui était écrit


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  1   correspondait à ce qui avait été dit à la réunion précédente. Nous étions

  2   ensuite censés adopter le procès-verbal.

  3   M. le Président (interprétation). - Est-ce que cela veut dire

  4   que, le 22 novembre, le procès-verbal de la réunion du 20 novembre a été

  5   lu par tous les membres du gouvernement, puis adopté par eux ?

  6   M. Nedic (interprétation). - Vous me posez cette question au

  7   sujet du 20 novembre ?

  8   M. le Président (interprétation). - Je vous prie de m'excuser,

  9   j'ai fait une erreur. Je voulais parler du procès-verbal de la réunion du

 10   19 novembre. A-t-il été diffusé le 22 novembre à tous les membres du

 11   gouvernement, puis adopté à cette réunion du 22 novembre ?

 12   M. Nedic (interprétation). - Non. Il n'a pas été distribué le

 13   22 novembre. Peut-être l'a-t-il été plus tard. Mais pas le 22 novembre,

 14   parce que la réunion du gouvernement qui s'est tenue à Beli Manastir

 15   précédait une réunion de l'assemblée municipale. Il y avait donc de très

 16   nombreuses questions à discuter et je suis certain qu'aucun procès-verbal

 17   n'a été dressé au cours de cette réunion de Beli Manastir.

 18   M. le Président (interprétation). - Je vois. Et ce en dépit du

 19   fait qu'un procès-verbal a été tapé à la machine à Dalj le 20 novembre,

 20   comme nous pouvons le voir dans la pièce à conviction du conseil de la

 21   défense D53, pièce que vous avez entre les mains. Vous voyez que ce

 22   document porte la date du 20 novembre, ce qui signifie que le texte a été

 23   rédigé à Dalj, le 20 novembre. Je pensais donc que ce document avait été

 24   discuté le 22. Mais cela n'a probablement pas été le cas, d'après ce que

 25   vous dites... Ce texte n'a pas été discuté et adopté le 22 ?


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  1   M. Nedic (interprétation). - C'est ce que je pense... J'en suis

  2   presque sûr.

  3   M. le Président (interprétation). - Merci. Y a-t-il des

  4   questions ? Non ? Bien. S'il n'y a pas d'objection à ce que M. Nedic soit

  5   libéré... Je vous remercie, monsieur Nedic, d'avoir témoigné. Vous pouvez

  6   maintenant vous retirer.

  7   (Le témoin, M. Nedic, est reconduit hors de la salle de vidéo-

  8   conférence)

  9   (Le témoin, M. Bogdan Vojnovic est introduit dans la salle de

 10   visioconférence)

 11   M. le Président (interprétation). - Monsieur Vojnovic, bonjour,

 12   pouvez-vous vous lever et prononcer la déclaration solennelle ?

 13   M. Vojnovic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 14   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 15   M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Petrovic ?

 16   M. Petrovic (interprétation). - Merci.

 17   Monsieur Vojnovic, le 26 novembre 1990, vous avez fait une

 18   déclaration, pouvez-vous me dire si le texte que vous avez entre les mains

 19   est bien celui de votre déclaration et s'il est bien signé par vous ?

 20   M. Vojnovic (interprétation). - Oui, j'ai fait une déclaration,

 21   je maintiens tout ce que j'ai dit, tout ce qui est écrit dans cette

 22   déclaration, et c'est bien ma signature.

 23   M. le Président (interprétation). - Pas d'objection ?

 24   M. Petrovic (interprétation). - S'il n'y a pas d'objection, je

 25   propose le versement au dossier comme pièce à conviction de la défense....


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  1   Pouvez-vous me donner la cote suivante ? Je pense que c'est 110 ?

  2   M. le Greffier. - Il s'agit bien du document D110 et D110 A pour

  3   la traduction.

  4   M. Petrovic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelques

  5   mots de votre instruction, quelles études avez-vous terminées, où et

  6   quand ?

  7   M. Vojnovic (interprétation). - En 1970, j'ai terminé mes études

  8   d'économie à Zagreb.

  9   M. Petrovic (interprétation). - Où avez-vous travaillé pendant

 10   toute votre carrière ?

 11   M. Vojnovic (interprétation). - De 1970 à la fin de 1989, je

 12   travaillais à Vukovar et les dix dernières années, j'occupais le poste de

 13   directeur financier. Depuis le début des années 90, j'ai créé une

 14   entreprise privée.

 15   M. Petrovic (interprétation). - Etiez-vous membre du

 16   gouvernement autonome serbe de Slavonie, Baranja et Srem occidentale ?

 17   M. Vojnovic (interprétation). - Oui.

 18   M. Vojnovic (interprétation). - Quelles étaient vos fonctions ?

 19   M. Vojnovic (interprétation). - J'en étais membre depuis le

 20   25 septembre et mes fonctions étaient celles de ministre des Finances.

 21   M. Petrovic (interprétation). - Slavko Dokmanovic était-il

 22   également membre de ce gouvernement ?

 23   M. Vojnovic (interprétation). - Il était membre de ce

 24   gouvernement, responsable de l'agriculture.

 25   M. Petrovic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelques


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  1   mots du fonctionnement quotidien de ce gouvernement ? Ce gouvernement

  2   avait-il tout ce qu'on entend par instance normale d'un gouvernement ? Des

  3   salaires étaient-ils versés régulièrement ? Le gouvernement avait-il des

  4   secrétariats, des bureaux administratifs ?

  5   M. Vojnovic (interprétation). - En tant que gouvernement, celui-

  6   ci était dans l'incapacité d'exécuter la majeure partie des tâches

  7   classiques d'un gouvernement par manque de ressources financières, et

  8   également en raison de la situation régnant sur le territoire. Ce

  9   gouvernement était plutôt un gouvernement théorique dont l'existence a été

 10   déclarée pour être connu de la population, mais pas grand-chose d'autres ;

 11   aucune des fonctions ne pouvait être exécutée.

 12   M. Petrovic (interprétation). - Quelle était la situation dans

 13   la région ?

 14   M. Vojnovic (interprétation). - Au moment de la création du

 15   gouvernement, la guerre faisait encore rage sur une grande partie du

 16   territoire et du point de vue de la population, il y avait de gros

 17   problèmes. La plupart des membres du gouvernement ont quitté le territoire

 18   avec leur famille au cours des mois de mai et juin, ce qui est un élément

 19   tout à fait important. En outre, ce gouvernement ne pouvait pas exercer

 20   son contrôle sur des zones comme Baranja, Dalj, Erdut, etc.

 21   M. Petrovic (interprétation). - Quelles parties du territoire

 22   étaient contrôlées par le gouvernement, si l'on peut parler ainsi ?

 23   M. Vojnovic (interprétation). - Un contrôle conditionnel était

 24   exercé sur Baranja, Erdut, Dalj et Borovo Selo, mais tout le Srem

 25   occidental, c'est-à-dire tout ce qui s'étend de Vukovar jusqu'à la


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  1   frontière, jusqu'à Sid par exemple, le gouvernement n'avait aucune

  2   compétence.

  3   M. Petrovic (interprétation). - Vous avez déclaré que

  4   Slavko Dokmanovic était également membre de ce gouvernement, pouvez-vous

  5   nous dire depuis quand vous connaissez M. Slavko Dokmanovic ?

  6   M. Vojnovic (interprétation). - Je le connais depuis le milieu

  7   des années 70, car nous travaillions dans la même entreprise, Vupik.

  8   M. Petrovic (interprétation). - Vous avez affirmé avoir

  9   travaillé dans la même entreprise, quel était le comportement de

 10   Slavko Dokmanovic d'un point de vue professionnel ?

 11   M. Vojnovic (interprétation). - J'avais un poste très important

 12   dans l'entreprise et nous parlions souvent entre nous du personnel de

 13   l'entreprise. Nous avions quelque 120 personnes qui sortaient de

 14   l'université et Slavko Dokmanovic était très estimé dans le cadre de sa

 15   carrière professionnelle et dans son domaine. En outre, il était respecté

 16   en tant que personne, parce que c'était une entreprise mixte, à savoir que

 17   des Serbes et des Croates y travaillaient. Cependant, cela ne nous

 18   intéressait pas à l'époque, les nationalités ne nous intéressaient pas.

 19   Toutefois, si à un moment donné une situation de conflit

 20   naissait entre différentes personnes, il essayait toujours d'apaiser les

 21   tensions ; je ne parle pas seulement de conflits d'ordre politique, mais

 22   de conflits en général. C'était un homme très raisonnable qui essayait de

 23   régler les choses par conciliation et dont l'un des objectifs principaux

 24   était d'aider les personnes.

 25   M. Petrovic (interprétation). - Connaissez-vous certaines


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  1   informations liées à l'élection de M. Dokmanovic dans le cadre du poste de

  2   ministre au sein de ce gouvernement ?

  3   M. Vojnovic (interprétation). - Oui, comme je l'ai dit,

  4   l'assemblée était constituée d'hommes provenant principalement des

  5   villages, la plupart des membres du gouvernement s'étaient enfuis de la

  6   région et l'élection de certaines personnes a posé un certain nombre de

  7   problèmes, notamment la mienne.

  8   Cependant, dans le cas de Slavko Dokmanovic, il était évident

  9   qu'il ne jouissait pas d'une image très positive, étant donné son

 10   attitude, ou plutôt étant donné que son attitude, en 1991, semblait être

 11   une trahison des intérêts serbes. Il a été critiqué en tant que Président

 12   de l'assemblée municipale, parce qu'il aurait permis au poste de police

 13   d'être transféré de Vukovar à Vinkovci. Il a également fait l'objet de

 14   critiques, parce qu'il avait quitté le conseil national créé à Sereb. Par

 15   conséquent, certains Serbes le considéraient comme un traître et son

 16   élection a représenté un certain nombre de difficultés dans le cadre du

 17   gouvernement. Cependant, sur intervention de M. Hadzic, à deux reprises,

 18   il a dû prendre la parole et parler de ses qualifications

 19   professionnelles, parce qu'il devait devenir membre du gouvernement, et ce

 20   gouvernement ne devait pas véritablement être constitué d'hommes

 21   politiques, mais de personnes capables, dans leurs domaines respectifs et

 22   qui devaient être respectées en tant que personnes pouvant faire leur

 23   travail correctement.

 24   M. Petrovic (interprétation). - Vous avez dit que vous-même,

 25   vous avez eu des problèmes lorsque vous avez été élu membre du


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  1   gouvernement. Pourquoi ?

  2   M. Vojnovic (interprétation). - Le 26 août, j'ai quitté Vukovar

  3   avec ma famille et je me suis installé à Novi Sad. Ce n'est qu'à la

  4   demande de Goran Hadzic, qui formait à ce moment-là le gouvernement, que

  5   je suis revenu. Bien entendu, on m'a dit que je n'avais pas protégé

  6   suffisamment les intérêts serbes.

  7   M. Petrovic (interprétation). - Pourquoi le 26 août 1991

  8   avez-vous quitté Vukovar ?

  9   M. Vojnovic (interprétation). - Ce n'était pas en août, mais en

 10   juin.

 11   M. Petrovic (interprétation). - A quel moment avez-vous quitté

 12   Vukovar ?

 13   M. Vojnovic (interprétation). - Le 28 juin.

 14   M. Petrovic (interprétation). - Pourquoi ?

 15   M. Vojnovic (interprétation). - La situation qui régnait était

 16   connue de tous avec la victoire du HDZ, qui allait s'installer au pouvoir.

 17   Des pressions étaient exercées, puis les médias de la République de

 18   Croatie ont commencé également à exercer une certaine pression, soit par

 19   le biais des représentants du gouvernement... Ils ont remis en question la

 20   position des Serbes, le statut des Serbes et les périodes difficiles

 21   qu'ils allaient traverser à l'avenir.. D'autre part, il y a eu des

 22   conversations téléphoniques, des menaces téléphoniques qui ont été

 23   proférées également.

 24   (Les interprètes signalent que le son est mauvais)

 25   Il y a eu des obstructions par la police.


Page 2789

  1   (Les interprètes ne suivent plus, car le son est très mauvais.)

  2   Les membres de la garde nationale venaient sur le terrain, les

  3   échanges de coups de feu se produisaient au cours de la nuit.

  4   (Les interprètes n'entendent plus le témoin.)

  5   Des maisons serbes étaient incendiées, des entreprises

  6   également.

  7   M. Petrovic (interprétation). - Monsieur Vojnovic,

  8   m'entendez-vous maintenant ?

  9   M. Vojnovic (interprétation). - Oui, je vous entends très bien.

 10   M. Petrovic (interprétation). - Revenons à votre départ de

 11   Vukovar. Pourquoi en êtes-vous parti et quand ?

 12   M. Vojnovic (interprétation). - Je dois répéter ma réponse ?

 13   M. Petrovic (interprétation). - Oui, s'il vous plaît.

 14   M. Vojnovic (interprétation). - J'ai quitté Vukovar le 28 juin.

 15   J'étais accompagné de ma famille.

 16   Les raisons pour lesquelles je suis parti de Vukovar étaient

 17   multiples. Au cours de 1990, certaines pressions verbales ont été exercées

 18   sur la population serbes. Ces pressions étaient exercées, soit par les

 19   autorités officielles, soit par les médias. J'ai alors estimé que la

 20   situation n'était pas encore critique s'il ne s'agissait que de pressions

 21   verbales.

 22   Cependant, au début 1991, ces pressions se sont amplifiées,

 23   pressions exercées sur la population serbe. Certaines personnes étaient

 24   licenciées de leur travail et remplacées par d'autres. Je parle notamment

 25   des postes à haute responsabilité. Il y avait des échanges de coups de feu


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  1   de jour et de nuit. Après le 2 mai, les structures, les entreprises

  2   serbes, les institutions serbes également, étaient pilonnées.

  3   M. Petrovic (interprétation). - M'entendez-vous ?

  4   M. Vojnovic (interprétation). - Oui.

  5   M. Petrovic (interprétation). - Veuillez poursuivre.

  6   M. Vojnovic (interprétation). - Des entreprises, des maisons

  7   serbes étaient incendiées, il y a eu des meurtres à Vukovar, à Sotin

  8   également, et à ce moment-là, les civils ont pris les armes. Il y avait

  9   des membres du HDZ qui sont sortis dans les rues de Vukovar. A ce

 10   moment-là, il y avait un grand nombre de membres de la garde nationale,

 11   les Zengas.

 12   Outre les raisons historiques, émotionnelles, etc., il

 13   s'agissait là des raisons principales pour lesquelles nous sommes partis

 14   de Vukovar.

 15   M. Petrovic (interprétation). - Savez-vous combien de personnes

 16   sont parties de Vukovar ? Je parle des Serbes.

 17   M. Vojnovic (interprétation). - Eh bien, c'est difficile à dire

 18   parce que ces mouvements de population ont commencé en mars 1991 et se

 19   sont poursuivis jusqu'à la mi-juillet ou fin juillet.

 20   M. Petrovic (interprétation). - Vous n'avez pas de chiffres

 21   précis, mais peut-on dire néanmoins que la majeure partie de la population

 22   -je parle encore de la population serbe- a quitté Vukovar ou qu'elle y

 23   demeurait ?

 24   M. Vojnovic (interprétation). - Il faut regarder la composition

 25   de la population et il faut garder à l'esprit le fait que des pressions


Page 2791

  1   étaient exercées sur les personnalités serbes de la région : les

  2   dirigeants d'entreprise ou ce genre de choses. Je dirais que la majeure

  3   partie de ces personnes -disons 80 % de ces personnalités locales- avaient

  4   quitté Vukovar. On ne peut pas véritablement attendre des retraités, des

  5   personnes âgées qu'ils partent de la ville. Sans doute que ces personnes

  6   réagissaient à ce qu'il se passait mais, physiquement, elles ne pouvaient

  7   pas véritablement quitter la ville. Il s'agissait donc des personnalités

  8   serbes importantes de Vukovar qui ressentaient principalement cette

  9   pression.

 10   M. Petrovic (interprétation). - Le 19 novembre, avez-vous

 11   assisté à la réunion du gouvernement qui s'est tenue à Erdut ?

 12   M. Vojnovic (interprétation). - Effectivement.

 13   M. Petrovic (interprétation). - Peut-on montrer au témoin la

 14   pièce D 53. Je demanderai au témoin de consulter ce document et de nous

 15   dire de quoi il s'agit.

 16   M. Vojnovic (interprétation). - Il s'agit du procès-verbal de la

 17   réunion de la 17ème session, tenue le 19 novembre 1991 à Erdut.

 18   M. Petrovic (interprétation). - Pouvez-vous nous parler de ce

 19   document ? A partir de ce document, peut-on effectivement voir qu'il

 20   s'agit d'une réunion du gouvernement ? Ce document reflète-t-il un ordre

 21   du jour préétabli ? Dit-il que cet ordre du jour a effectivement été suivi

 22   et adopté ? Montre-t-il qui étaient les participants de la réunion ?

 23   Pouvez-vous nous apporter plus de précisons ?

 24   M. Vojnovic (interprétation). - Oui, effectivement. Il y a les

 25   réponses à toutes les questions que vous venez de poser dans ce document :


Page 2792

  1   il y avait un ordre du jour établi.

  2   M. Petrovic (interprétation). - Comment a-t-il été déterminé ?

  3   M. Vojnovic (interprétation). - Généralement, l'ordre du jour

  4   était basé sur une invitation afin de participer à la réunion, une

  5   convocation plus précisément. Si cet ordre n'était pas transmis avec la

  6   convocation, à ce moment-là, il était lu au début de la réunion.

  7   M. Petrovic (interprétation). - Pouvez-vous vous concentrer plus

  8   particulièrement sur la page 2 de ce procès-verbal et sur les conclusions

  9   qui y figurent et, ce qui m'intéresse plus particulièrement, c'est le

 10   point 5 des conclusions. Pouvez-vous nous lire ce point et nous dire de

 11   quoi il s'agit, s'il vous plaît ?

 12   M. Vojnovic (interprétation). - (inaudible)

 13   (Les interprètes n'ont pas entendu le début de la réponse.)

 14   Pour être sincère, je ne me rappelle pas que cette conclusion

 15   ait effectivement été tirée, mais s'il s'agit bien du PV officiel, je

 16   suppose que ce PV fait foi. Mais je sais que cette conclusion particulière

 17   n'aurait pas pu être appliquée sur le terrain, étant donné les

 18   circonstances.

 19   M. Petrovic (interprétation). - Y a-t-il eu des contacts entre

 20   le gouvernement du district et le commandement des unités militaires ? Y

 21   avait-il un échange de données, d'informations entre ces entités ? Y

 22   avait-il un lien de subordination entre le gouvernement et la JNA ou la

 23   JNA et le gouvernement ? Quelles étaient les relations entre les deux ?

 24   M. Vojnovic (interprétation). - D'après les informations dont je

 25   disposais, recueillies au cours de la réunion à laquelle j'ai assisté, il


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  1   n'y avait pas de contact de ce type. Alors, je ne sais pas si certains

  2   membres du gouvernement, en leur qualité de personne, se sont mis en

  3   contact avec des membres de la JNA, mais il n'y avait pas de lien officiel

  4   entre les deux entités.

  5   M. Petrovic (interprétation). - Les unités de la JNA qui se

  6   trouvaient dans la localité du district serbe recevaient-elles leurs

  7   ordres du gouvernement du district serbe ?

  8   M. Vojnovic (interprétation). - Non.

  9   M. Petrovic (interprétation). - Les unités de la JNA

 10   devaient-elles informer le gouvernement de leurs projets ou de leurs

 11   actions sur le terrain ?

 12   M. Vojnovic (interprétation). - Non.

 13   M. Petrovic (interprétation). - Dans les zones libérées, après

 14   la fin des combats, un régime militaire a-t-il été établi ou s'agissait-il

 15   d'autorités civiles ?

 16   M. Vojnovic (interprétation). - Pendant une certaine période,

 17   c'est effectivement un régime militaire qui a prévalu mais, par la suite,

 18   nous avons réussi à mettre en place un conseil exécutif dans la région de

 19   Vukovar vers la fin du mois de novembre, début du mois de décembre.

 20   Cependant, certaines difficultés, certains problèmes graves sont

 21   nés à ce moment-là et l'administration civile a été difficile à établir.

 22   M. Petrovic (interprétation). - Quand a-t-elle été établie dans

 23   la municipalité de Vukovar ?

 24   M. Vojnovic (interprétation). - Je crois que c'était vers la fin

 25   du mois de décembre, mais dans certaines zones données, pas partout.


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  1   M. Petrovic (interprétation). - Dans certaines zones données,

  2   c'est cela ? Mais vous parlez d'un point de vue géographique ou du niveau

  3   de direction ?

  4   M. Vojnovic (interprétation). - Je parle des différentes

  5   sections, des différentes activités de la municipalité.

  6   M. Petrovic (interprétation). - Lesquelles ?

  7   M. Vojnovic (interprétation). - Eh bien, le service chargé de la

  8   production, l'organisation d'approvisionnement pour la population, parce

  9   que, vous savez, c'était en hiver, il n'y avait pas de chauffage, il n'y

 10   avait pas suffisamment de nourriture pour tout le monde et, étant donné

 11   les ressources dont nous disposions, nous n'arrivions pas à subvenir aux

 12   besoins de tous.

 13   M. Petrovic (interprétation). - Je vous demanderai de consulter

 14   le point 3 du document que vous avez sous les yeux et de nous dire de quoi

 15   il s'agit.

 16   M. Vojnovic (interprétation). - Dans le point 3, nous nous

 17   sommes mis d'accord pour que le lendemain, à savoir le 20 novembre, nous

 18   tenions une réunion regroupant les membres du gouvernement qui

 19   souhaitaient et qui pouvaient se rendre à Vukovar. Pourquoi avoir pris

 20   cette décision ? Parce que nous voulions améliorer, redorer l'image du

 21   gouvernement aux yeux du public. En effet, l'image que donnait le

 22   gouvernement à ce moment-là était très mauvaise, notamment pour la

 23   population de Vukovar. Nous voulions également envisager une possibilité

 24   d'organiser de façon plus efficace la production et l'approvisionnement

 25   destinés aux civils et d'évaluer la situation générale à Vukovar.


Page 2795

  1   Cependant, ce n'était pas une réunion obligatoire et pas non

  2   plus une réunion de gouvernement officielle, parce qu'un grand nombre de

  3   membres n'ont pas pu se rendre à Vukovar et n'ont donc pas assisté à ce

  4   rassemblement.

  5   M. Petrovic (interprétation). - Pouvez-vous répéter la dernière

  6   phrase, s'il vous plaît ? Vous avez dit qu'un certain nombre des membres

  7   du gouvernement n'avaient pas pu assister à ce rassemblement ?

  8   M. Vojnovic (interprétation). - Oui, tous les membres du

  9   gouvernement ne sont pas venus, soit parce qu'ils n'ont pas pu venir, soit

 10   parce qu'ils considéraient que cette discussion n'était pas nécessaire. En

 11   effet, ce n'est qu'à la réunion suivante que nous devions parler de la

 12   situation qui prévalait à Vukovar.

 13   M. Petrovic (interprétation). - Quels critères doivent être

 14   remplis pour qu'une réunion officielle soit convoquée ?

 15   M. Vojnovic (interprétation). - Eh bien, des convocations

 16   doivent être envoyées, il doit y avoir un ordre du jour parce que chaque

 17   membre du gouvernement a un certain nombre de tâches à remplir dans le

 18   cadre de l'ordre du jour. Certains devaient dresser le PV de la réunion,

 19   déterminer les points qui devaient être abordés. Les membres devaient

 20   également adopter le PV ou le rejeter.

 21   M. Petrovic (interprétation). - Adopter, c'est-à-dire entériner

 22   l'ordre du jour de la séance précédente ?

 23   M. Vojnovic (interprétation). - Oui, c'est cela.

 24   M. Petrovic (interprétation). - Quels critères devaient être

 25   remplis pour que des décisions du gouvernement soient valides ?


Page 2796

  1   M. Vojnovic (interprétation). - Il faut que les membres du

  2   gouvernement soient présents et que les conclusions qui sont proposées,

  3   les décisions proposées soient adoptées par la majorité.

  4   M. Petrovic (interprétation). - Le 20 novembre, avez-vous

  5   assisté à la réunion des membres du gouvernement à Vukovar ?

  6   M. Vojnovic (interprétation). - Oui.

  7   M. Petrovic (interprétation). - Combien de membres du

  8   gouvernement étaient présents ?

  9   M. Vojnovic (interprétation). - Je ne peux pas vous répondre

 10   avec précision parce que cela s'est produit il y a sept ans, cela fait

 11   longtemps. Je me rappelle certains noms : Goran Hadzic, Vitomir Devetak,

 12   Vojin Susa, Bogdan Vorkapic... Moi-même, j'étais présent. Il y avait aussi

 13   un certain (expurgé), et M. Koncarevic était également présent, je crois.

 14   M. Petrovic (interprétation). - M. Dokmanovic était-il à cette

 15   réunion ?

 16   M. Vojnovic (interprétation). - Oui.

 17   M. Petrovic (interprétation). - Le 20, à quelle heure êtes-vous

 18   arrivé à Vukovar ?

 19   M. Vojnovic (interprétation). - Un peu avant 13 heures.

 20   M. Petrovic (interprétation). - Où êtes-vous allé ?

 21   M. Vojnovic (interprétation). - Au bâtiment administratif de

 22   l'entreprise Velepromet à Vukovar, qui se trouve à l'entrée de Vukovar

 23   lorsque l'on vient de Negoslavci.

 24   M. Petrovic (interprétation). - Y avez-vous vu

 25   Slavko Dokmanovic ?


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  1   M. Vojnovic (interprétation). - Oui.

  2   M. Petrovic (interprétation). - Vous avez dit, il y a un

  3   instant, que M. Dokmanovic avait assisté à cette réunion qui s'est tenue à

  4   Velepromet. Où cela s'est-il passé très exactement ? Velepromet est un

  5   complexe assez important.

  6   M. Vojnovic (interprétation). - Cette réunion a eu lieu dans la

  7   pièce qui se trouve au sein de l'entreprise Velepromet à Vukovar.

  8   M. Petrovic (interprétation). - Mais dans quel bâtiment, cette

  9   réunion s'est-elle tenue ?

 10   M. Vojnovic (interprétation). - Dans le bâtiment à gauche. Il y

 11   a le petit bâtiment réservé aux gardes, qui gardent l'entrée de

 12   l'entreprise, puis sur la droite, il y avait ce bâtiment où s'est tenue la

 13   réunion.

 14   M. Petrovic (interprétation). - Slavko Dokmanovic a-t-il assisté

 15   à toute la réunion ?

 16   M. Vojnovic (interprétation). - Eh bien, à ma connaissance,

 17   personne n'a quitté la pièce au cours de la réunion. Slavko Dokmanovic

 18   était là puisqu'il a même pris la parole. Il a parlé de la saison des

 19   semences, puis il a parlé des produits fabriqués par l'entreprise Vupik à

 20   Vukovar, etc.

 21   M. Petrovic (interprétation). - Savez-vous si le Premier

 22   ministre Goran Hadzic a quitté la réunion à un moment donné ?

 23   M. Vojnovic (interprétation). - Oui, c'est possible parce qu'il

 24   était habituel qu'il sorte pour aller donner des interviews à la presse.

 25   M. Petrovic (interprétation). - Combien de temps a duré la


Page 2798

  1   réunion ?

  2   M. Vojnovic (interprétation). - Une heure environ.

  3   M. Petrovic (interprétation). - A quelle heure s'est terminée la

  4   réunion ?

  5   M. Vojnovic (interprétation). - Je crois que c'était un peu

  6   après 15 heures.

  7   M. Petrovic (interprétation). - Et par la suite, où êtes-vous

  8   allé ?

  9   M. Vojnovic (interprétation). - Eh bien, je venais de Sid et j'y

 10   suis retourné.

 11   M. Petrovic (interprétation). - Quand avez-vous vu

 12   Slavko Dokmanovic pour la dernière fois, ce jour-là ?

 13   M. Vojnovic (interprétation). - Je l'ai revu à la fin de la

 14   réunion. Nous nous sommes salués, nous nous sommes dit "au revoir" et nous

 15   nous sommes mis d'accord sur le lieu et la date de la réunion suivante.

 16   M. Petrovic (interprétation). - Vous souvenez-vous des vêtements

 17   que portait Slavko Dokmanovic ce jour-là ?

 18   M. Vojnovic (interprétation). - La plupart des membres du

 19   gouvernement à cette époque ne portait pas de vêtements civils parce

 20   qu'ils vivaient dans cette région. La période était difficile. Il n'y

 21   avait pas d'électricité, pas d'eau. Par conséquent, M. Slavko Dokmanovic

 22   portait également un espèce d'uniforme vert, mais c'était une tenue de

 23   chasse ou quelque chose comme cela. Quoi qu'il en soit, il ne portait pas

 24   de vêtements civils, il portait un espèce d'uniforme bigarré, verdâtre.

 25   M. Petrovic (interprétation). - Puisque vous connaissez


Page 2799

  1   M. Dokmanovic depuis longtemps, pouvez-vous nous parler de lui ?

  2   M. Vojnovic (interprétation). - J'ai déjà dit que c'était un

  3   homme très respecté dans l'entreprise, c'était un expert en agriculture et

  4   il était respecté également dans les villages parce qu'il jouait au

  5   football, il organisait des événements, des réunions, à Trpinja par

  6   exemple. C'était un homme très raisonnable, très réaliste. Il essayait

  7   toujours de régler les choses par la conciliation dans l'entreprise, puis

  8   c'était un homme politique qui réalisait un certain nombre de tâches

  9   notamment à cette époque.

 10   Il faut garder à l'esprit que Slavko Dokmanovic a été accepté en

 11   tant que président de l'assemblée municipale. Il y a été élu même si 50 %

 12   des membres étaient des Croates. Il y avait 50 % de Croates et 50 % de

 13   Serbes, et il était accepté par les deux factions. Si ce n'avait pas été

 14   le cas, il n'aurait pas été élu président de l'assemblée municipale.

 15   M. Petrovic (interprétation). - Revenons un peu en arrière, si

 16   vous le voulez bien. Je voudrais que la pièce de la défense 48 soit

 17   soumise au témoin, et je demanderai au témoin de quoi il s'agit. Je

 18   voudrais que le témoin nous dise également s'il s'agissait bien des

 19   vêtements portés par Slavko Dokmanovic le 20 novembre, auparavant et par

 20   la suite.

 21   M. Vojnovic (interprétation). - Effectivement, cela ressemble à

 22   l'uniforme qu'il portait. Je ne peux pas vous dire avec une totale

 23   certitude s'il s'agissait bien de l'uniforme porté, si les couleurs et les

 24   dessins sont les mêmes, mais c'est bien le type d'uniforme qu'il portait.

 25   M. Petrovic (interprétation). - Vous savez que Slavko Dokmanovic


Page 2800

  1   est accusé d'avoir participé à l'assassinat de 200 personnes à Ovcara ?

  2   Qu'en pensez-vous ?

  3   M. Vojnovic (interprétation). - Je ne pense pas qu'il ait pu

  4   faire cela et ceci pour deux raisons : tout d'abord, c'était une personne

  5   qui ne pouvait pas se rendre à Ovcara parce que je pense que la plupart

  6   des Serbes qui se trouvaient là-bas l'auraient tué  ; d'autre part, il a

  7   une certaine constitution psychologique qui ne lui permettrait pas d'agir

  8   de la sorte et, là, je prends pour exemple sa personnalité, la

  9   personnalité qu'il avait, qu'il approuvait à différentes occasions et au

 10   cours de différents événements qui ont eu lieu à Vukovar.

 11   M. Petrovic (interprétation). - Merci, je n'ai plus de question.

 12   M. le Président (interprétation). - Merci, nous allons faire une

 13   pause de  vingt minutes.

 14   L'audience, suspendue à 11 heures 05, est reprise à 11 h35.

 15   M. le Président (interprétation). - Maître Niemann, vous avez la

 16   parole.

 17   M. Niemann (interprétation). - Monsieur Vojnovic, m'entendez-

 18   vous ?

 19   M. Vojnovic (interprétation). - Oui, absolument.

 20   M. Niemann (interprétation). - A quelle époque avez-vous été

 21   nommé ministre des Finances du gouvernement du district serbe de la

 22   Slavonie orientale, de la Baranja et de la Srem occidentale ?

 23   M. Vojnovic (interprétation). - Le 25 septembre 1991.

 24   M. Niemann (interprétation). - Qui vous a nommé à ce poste ?

 25   M. Vojnovic (interprétation). - C'est l'assemblée du


Page 2801

  1   gouvernement du district serbe de Baranja, Slavonie orientale et Srem

  2   occidentale.

  3   M. Niemann (interprétation). - Etiez-vous membre de ce

  4   gouvernement avant le mois de septembre ?

  5   M. Vojnovic (interprétation). -  Non.

  6   M. Niemann (interprétation). - Avant le mois de septembre, le

  7   gouvernement fonctionnait-il en tant que tel ?

  8   M. Vojnovic (interprétation). - A l'époque, je vivais à Novi Sad

  9   et jusqu'à l'invitation de M. Hadzic, qui m'a demandé de me joindre à ce

 10   gouvernement, je n'étais pas au courant de la création de celui-ci.

 11   M. Niemann (interprétation). - Puisque vous êtes, par la suite,

 12   devenu membre du gouvernement, pouvez-vous nous dire quelle était la

 13   fréquence des réunions de celui-ci ?

 14   M. Vojnovic (interprétation). - Le gouvernement se rassemblait

 15   tous les 10 à 15 jours.

 16   M. Niemann (interprétation). - Lors de ces réunions, tous les

 17   ministres étaient-ils présents, ou arrivait-il que certaines réunions

 18   n'exigent pas la présence de tous les ministres du gouvernement ?

 19   M. Vojnovic (interprétation). - La plupart du temps, tous les

 20   ministres n'étaient pas présents.

 21   M. Niemann (interprétation). - Lorsque des réunions étaient

 22   prévues, y avait-il, parmi les participants, des personnes qui n'étaient

 23   pas membres du gouvernement mais qui étaient présentes pour vous faire

 24   part de la situation militaire qui prévalait dans le district, par

 25   exemple, ou d'autres choses ?


Page 2802

  1   M. Vojnovic (interprétation). - Les responsables des questions

  2   militaires n'assistaient pas aux réunions. Les personnes qui s'occupaient

  3   de la coordination entre le gouvernement et la JNA n'étaient pas

  4   présentes. Mais des ministres adjoints assistaient aux réunions, ainsi que

  5   des présidents de communes locales.

  6   M. Niemann (interprétation). - Il y avait un ministre chargé des

  7   affaires militaires, de la défense, n'est-ce pas ? N'était-ce pas le cas ?

  8   M. Vojnovic (interprétation). - Effectivement. Pour autant que

  9   je m'en souvienne, il y avait une personne chargée de ce type de

 10   questions.

 11   M. Niemann (interprétation). - Est-ce que le ministre de la

 12   défense était chargé de faire des rapports au gouvernement sur la

 13   situation militaire ? Je parle en terme général, je parle de la situation

 14   au cours de l'automne 91.

 15   M. Vojnovic (interprétation). - Parfois, il nous faisait part de

 16   la situation qui prévalait mais, le plus souvent, nous avions déjà pris

 17   connaissance de la situation à travers les médias.

 18   M. Niemann (interprétation). - Vous avez déclaré avoir participé

 19   à la réunion d'Erdut, le 19 novembre 1991. A quelle heure la réunion a-t-

 20   elle commencé ? Vous en souvenez-vous ?

 21   M. Vojnovic (interprétation). - Il me semble qu'elle a eu lieu

 22   le matin.

 23   M. Niemann (interprétation). - Savez-vous où la réunion s'est

 24   tenue, à Erdut ? Dans quel quartier de la ville ?

 25   M. Vojnovic (interprétation). - La réunion s'est tenue dans un


Page 2803

  1   ensemble immobilier d'Erdut, qui appartient à l'entreprise IPK d'Osijek.

  2   M. Niemann (interprétation). - Ayez l'obligeance de regarder la

  3   pièce D53, qui est le procès-verbal de cette réunion. J'aimerais notamment

  4   que vous étudiez la dernière page de ma version. En fait, c'est la fin du

  5   point 2 qui m'intéresse. Je ne sais pas à quelle page de votre version

  6   cela correspond. Une série de cinq paragraphes suit le point 2. Cela

  7   commence par les mots : "par la suite, un certain nombre de conclusions

  8   ont été adoptées à l'unanimité". Vous retrouvez ce point ?

  9   M. Vojnovic (interprétation). - Tout à fait.

 10   M. Niemann (interprétation). - Observez le paragraphe n° 1.

 11   Quelle était la nature de la proclamation qui allait être faite aux

 12   citoyens de Vukovar ?

 13   M. Vojnovic (interprétation). - Pour autant que je m'en

 14   souvienne -je vous rappelle une fois encore que ces événements se sont

 15   passés il y a sept ans-, cette proclamation stipulait que les citoyens

 16   devaient rester calmes, ils ne devaient pas se livrer à des actes de

 17   destruction, puisque dans toute situation de guerre, il y a des pillages,

 18   des vols, etc.

 19   Nous voulions absolument prendre des mesures de prévention.

 20   L'hiver arrivait, il fallait nous assurer de notre survie pendant les mois

 21   d'hiver. La proclamation a été rédigée dans ce cadre.

 22   M. Niemann (interprétation). - Quel jour cette proclamation

 23   devait être lue ou faite ?

 24   M. Vojnovic (interprétation). - Je suis incapable de vous le

 25   dire. Je ne m'en souviens pas du tout.


Page 2804

  1   M. Niemann (interprétation). - Pensez-vous que c'est la date du

  2   20 novembre qui avait été choisie pour la lecture de la proclamation ?

  3   Cela serait-il possible ?

  4   M. Vojnovic (interprétation). - Non.

  5   M. Niemann (interprétation). - Vous semblez être très

  6   catégorique. Comment pouvez-vous en êtes certain ?

  7   M. Vojnovic (interprétation). - Tout simplement parce que cette

  8   proclamation devait être publiée dans les médias. Or, à cette époque-là, à

  9   Vukovar, il était impossible de faire publier quelque document que ce soit

 10   dans les médias, puisqu'il n'y en avait pas à l'époque.

 11   M. Niemann (interprétation). - Vous voulez dire qu'il n'y avait

 12   aucun représentant des médias à cette époque-là à Vukovar, et notamment le

 13   20 novembre 1991?

 14   M. Vojnovic (interprétation). - Bien sûr que si, il y avait des

 15   représentants des médias, ce jour-là, à Vukovar. Mais ça, c'est une chose,

 16   tout le problème n'est pas là.

 17   M. Niemann (interprétation). - Le gouvernement, sans doute,

 18   souhaitait ardemment que la proclamation soit diffusée de façon très

 19   rapide n'est-ce pas exact ? Il ne souhaitait pas en retarder la diffusion.

 20   M. Vojnovic (interprétation). – Certes, mais M. Ilija Petrovic

 21   et une autre personne n'assistait pas à cette réunion. Ils n'ont pas pu

 22   participer à sa rédaction. Même si nous souhaitions de faire une

 23   proclamation publique, nous ne l'avions pas entre nos mains. C'étaient eux

 24   qui étaient censés la rédiger. D'autre part, il fallait que le

 25   gouvernement, dans son ensemble, adopte la proclamation. Ce n'est qu'après


Page 2805

  1   toutes ces procédures que la proclamation devait être diffusée au public.

  2   M. Niemann (interprétation). - Passons au point 2, si vous le

  3   voulez bien. Il est fait référence aux casques bleus, donc aux forces des

  4   Nations Unies, vous voyez ce passage ? Le retrouvez-vous dans votre

  5   version, Monsieur ?

  6   M. Vojnovic (interprétation). – (Inaudible.)

  7   M. Niemann (interprétation). – Y a-t-il quelques problèmes de

  8   son, monsieur, votre voix ne nous parvient pas ? Soyez patient, cela ne

  9   prend que quelques instants.

 10   Le problème a-t-il été résolu ? M'entendez-vous, monsieur ?

 11   M. Vojnovic (interprétation). – (Inaudible.)

 12   M. Niemann (interprétation). – Monsieur Vojnovic, m'entendez-

 13   vous à présent ?

 14   M. Vojnovic (interprétation). – Oui, tout à fait.

 15   M. Niemann (interprétation). - Pardon de tous ces problèmes

 16   techniques. Monsieur Vojnovic, le second paragraphe traite du point de vue

 17   du gouvernement quant à une proposition d'envoi de casques bleus dans la

 18   région. Quelles étaient précisément les vues de ce gouvernement sur ce

 19   point précis ?

 20   M. Vojnovic (interprétation). – Là encore, pour autant que je

 21   puisse m'en souvenir, le gouvernement a accepté que des casques bleus

 22   soient déployés sur le terrain.

 23   M. Niemann (interprétation). -  La proposition était que des

 24   forces des Nations Unies soient déployées dans la région de Vukovar,

 25   n'est-ce pas ?


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  1   M. Vojnovic (interprétation). – Exactement, c'était là la teneur

  2   de la proposition qui avait été faite.

  3   M. Niemann (interprétation). – N'est-il pas exact qu'une

  4   distinction devait être établie, à cette époque précise, entre la JNA qui

  5   opérait dans la République de Serbie par opposition à ce qu'elle faisait

  6   en République de Croatie ?

  7   M. Vojnovic (interprétation). – Je ne comprends pas votre

  8   question.

  9   M. Niemann (interprétation). -  Veuillez lire le paragraphe 3 de

 10   ce document, il parle de la tenue de réunions conjointes avec des

 11   représentants de la République de Serbie et de la JNA. Vous voyez la

 12   référence qui y est faite ?

 13   M. Vojnovic (interprétation). – Oui.

 14   M. Niemann (interprétation). - Puis dans le paragraphe 5, on

 15   parle d'unités de la JNA qui sont placées sous le contrôle du gouvernement

 16   du district serbe, à savoir votre gouvernement. Vous voyez ce passage ?

 17   M. Vojnovic (interprétation). – Oui tout à fait.

 18   M. Petrovic (interprétation) - Le Procureur cite le paragraphe 5

 19   et précise que les unités de la JNA ont été placées "sous le contrôle de",

 20   mais il est précisé que les unités seront placées "sous le contrôle de".

 21   Il faut bien utiliser le temps du verbe utilisé dans le texte.

 22   Ayez l'obligeance d'avoir ceci à l'esprit, Me Niemann, lorsque vous posez

 23   vos questions. Il faut être précis.

 24   M. Niemann (interprétation). - Je ne comprends pas la nature de

 25   l'objection. Je comprends les mots, mais pas ce qui est visé, dans cette


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  1   objection.

  2   M. le Président (interprétation). - Le conseil de la défense et

  3   les interprètes nous signalent que ce document, notamment le paragraphe 5

  4   au point 2, a été mal traduit. Il devrait être écrit : "les unités de la

  5   JNA seront placées sous le contrôle du gouvernement du district serbe, sur

  6   son territoire" et non pas "sont placées" c'est le futur qui est utilisé.

  7   M. Niemann (interprétation). - Pardon, Monsieur le Président, je

  8   ne pensais pas avoir déformé les propos précisés dans ce paragraphe. Je

  9   pensais avoir parler au futur. C'est une erreur involontaire de ma part.

 10   Veuillez m'en excuser. De toute façon, ça n'est pas très important.

 11   Est-il exact que les unités de la JNA devaient être placées sous

 12   le contrôle du gouvernement du district serbe ? N'est-il pas vrai que,

 13   pour atteindre cet objectif, vous souhaitiez avoir des entretiens avec des

 14   représentants de la Serbie et de la JNA ? Il y a donc un lien direct entre

 15   ces deux points, n'est-ce pas ?

 16   M. Vojnovic (interprétation). – Même si le gouvernement, au vu

 17   de ses fonctions, avait souhaité avoir de tels entretiens, il n'aurait pas

 18   pu les organiser. Ils n'ont jamais eu lieu. C'était un souhait formulé par

 19   le gouvernement. Il souhaitait avoir les unités de la JNA sous son

 20   contrôle.

 21   M. Niemann (interprétation). – Il y avait bien un ministre de la

 22   défense, il devait avoir sous son contrôle certaines formations militaires

 23   a priori, n'est-ce pas exact ?

 24   M. Vojnovic (interprétation). – Pour autant que je sache, ce

 25   n'était pas le cas. Les formations qui étaient à notre disposition


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  1   étaient, en fait, inexistantes. Nous disposions d'une garde de village qui

  2   avait été formée sur l'initiative individuelle, le gouvernement n'avait

  3   aucune compétence ni autorité sur eux.

  4   M. Niemann (interprétation). - Les forces de M. Arkan étaient-

  5   elles à votre disposition, à cette époque-là ?

  6   M. Vojnovic (interprétation). – Non.

  7   M. Niemann (interprétation). – Lorsque vous vous êtes rendu à

  8   Vukovar, le 20 novembre 1991, d'où êtes-vous parti ?

  9   M. Vojnovic (interprétation). – Je suis parti de Sid, je suis

 10   passé par Orolik et j'ai pris la direction de Vukovar.

 11   M. Niemann (interprétation). - Quand avez-vous vu M. Dokmanovic

 12   pour la première fois, lorsque vous êtes arrivé à Vukovar ?

 13   M. Vojnovic (interprétation). – J'ai dû le voir vers13 heure,

 14   peut-être un peu après 13 heures.

 15   M. Niemann (interprétation). – De qui était-il accompagné ?

 16   M. Vojnovic (interprétation). – C'est Rade Leskovac, qui était

 17   avec lui. Il y avait également les représentants de la Kladovo et de

 18   Jagodina. En effet, avant la guerre, Vukovar et Svetozarevo étaient

 19   jumelés.

 20   M. Niemann (interprétation). - A ce moment-là, étiez-vous revêtu

 21   d'un uniforme militaire ou étiez-vous habillé en civil ?

 22   M. Vojnovic (interprétation). - Je portais des vêtements civils.

 23   M. Niemann (interprétation). - Vous portiez un costume et une

 24   cravate ? Que portiez-vous exactement ? Pouvez-vous nous le dire ?

 25   M. Vojnovic (interprétation). - Je n'étais pas en costume


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  1   cravate, j'avais simplement une chemise, un pull-over et une veste. Etant

  2   donné que je ne vivais pas dans la région, mais à Novi Sad et que les

  3   conditions y étaient bien meilleures qu'à Vukovar, je portais ces

  4   vêtements-là ce jour-là.

  5   M. Niemann (interprétation). - A tout moment, alors que vous

  6   vous trouviez avec les autres membres du gouvernement, vous avez porté des

  7   vêtements civils, n'est-ce pas ?

  8   M. Vojnovic (interprétation). - Effectivement.

  9   M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous avez participé à la

 10   réunion du gouvernement du 20 novembre à Velepromet, hormis les membres du

 11   gouvernement qui se trouvaient là, quels étaient les représentants des

 12   formations militaires qui étaient présents ?

 13   M. Vojnovic (interprétation). - Pour autant que je m'en

 14   souvienne, il y avait un colonel de la JNA qui assistait à la réunion, en

 15   fait, il présidait la réunion.

 16   M. Niemann (interprétation). - Vous connaissez son nom ?

 17   M. Vojnovic (interprétation). - Je crois que son nom de famille

 18   est Vojnovic.

 19   M. Niemann (interprétation). - Aucun lien de famille avec vous,

 20   n'est-ce pas ?

 21   M. Vojnovic (interprétation). - Effectivement, non. Nous sommes

 22   originaires de régions très différentes.

 23   M. Niemann (interprétation). - Hormis le colonel Vojnovic, y

 24   avait-il d'autres représentants des formations militaires à cette réunion,

 25   des représentants de la JNA ou d'autres formations armées ?


Page 2810

  1   M. Vojnovic (interprétation). - Pour autant que je m'en

  2   souvienne, non, il n'y avait pas d'autres représentants de formations

  3   militaires.

  4   M. Niemann (interprétation). -  Arkan était-il là ?

  5   M. Vojnovic (interprétation). - Pas à la réunion.

  6   M. Niemann (interprétation). - Vous avez déclaré que l'image du

  7   gouvernement, à l'époque, était assez mauvaise, surtout parmi les

  8   habitants de Vukovar, est-ce exact ?

  9   M. Vojnovic (interprétation). - Elle n'était pas mauvaise, mais

 10   elle n'était pas bonne.

 11   M. Niemann (interprétation). - Cela était dû au fait que des

 12   gens comme M. Dokmanovic ou d'autres membres du gouvernement n'avaient pas

 13   adopté une ligne dure, c'est bien cela ?

 14   M. Vojnovic (interprétation). - Il est probable que ce soit

 15   l'une des raisons.

 16   M. Niemann (interprétation). - L'un des objectifs de la réunion

 17   que vous vous étiez fixés, consistait à montrer aux habitants de Vukovar

 18   que le gouvernement était sur le point de durcir sa ligne ?

 19   M. Vojnovic (interprétation). - Non.

 20   M. Niemann (interprétation). - Ce que je vous dis, c'est que

 21   c'est bien cela que vous essayiez d'obtenir, et que c'est la raison pour

 22   laquelle vous avez pris, au cours de cette réunion, une décision destinée

 23   à garantir que tous les extrémistes de la partie croate comme vous les

 24   appeliez, soient traités de façon sommaire.

 25   M. Vojnovic (interprétation). - Je ne sais pas. Quand j'ai


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  1   utilisé l'expression "extrémistes croates"... Vous faites référence à moi,

  2   n'est-ce pas ? Or, ce n'était pas du tout dans notre esprit.

  3   M. Niemann (interprétation). - Ce que je vous dis, c'est que la

  4   discussion avait pour thème la nécessité de durcir la ligne, ainsi que le

  5   traitement réservé aux membres de la partie croate que vous considériez

  6   comme les auteurs d'actions militaires.

  7   M. Vojnovic (interprétation). - Mais nous n'avions aucune

  8   compétence, aucune possibilité dans ces domaines, tout cela était de la

  9   compétence de l'armée populaire yougoslave. Nous, nous ne pouvions que

 10   nous occuper de questions civiles, et nous avions déjà des difficultés à

 11   réaliser nos missions civiles, alors ne parlons pas de missions

 12   militaires.

 13   M. Niemann (interprétation). - Les membres du gouvernement,

 14   pendant le temps que vous avez passé à Velepromet, ont-ils inspecté ou

 15   rendu visite aux personnes croates qui étaient détenues dans cette partie

 16   du complexe de Velepromet ?

 17   M. Vojnovic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas. Pendant

 18   la réunion, personne n'est sorti ; maintenant, cela s'est-il passé après

 19   la fin de la réunion... Je ne sais pas.

 20   M. Niemann (interprétation). -  Saviez-vous, à ce moment-là, que

 21   des personnes étaient dans ce même lieu et étaient détenues, soit par la

 22   JNA, soit par la défense territoriale à Velepromet ?

 23   M. Vojnovic (interprétation). - Je ne le savais pas et nous ne

 24   pouvions pas nous déplacer, la seule chose que nous pouvions faire,

 25   c'était passer par la porte d'entrée et nous rendre directement dans la


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  1   salle, car à notre arrivée, il nous a fallu montrer des documents à un

  2   barrage routier, afin de prouver de quelle façon nous étions venus jusqu'à

  3   Vukovar.

  4   M. Niemann (interprétation). - Dès que vous étiez à Vukovar,

  5   vous aviez la possibilité de circuler et de constater l'état des

  6   destructions ?

  7   M. Vojnovic (interprétation). - Cela, c'est ce que vous

  8   affirmez, moi je n'ai pas pu le faire, et je ne sais pas.

  9   M. Niemann (interprétation). - Pourquoi n'avez-vous pas pu le

 10   faire ?

 11   M. Vojnovic (interprétation). - Je n'ai pas essayé, parce qu'il

 12   était entendu que nous devions venir jusqu'à Velepromet et repartir. Un

 13   autre membre du gouvernement a-t-il pu faire ce que vous dites ?

 14   Sincèrement, je ne sais pas.

 15   M. Niemann (interprétation). - Vous dites qu'après la réunion du

 16   20 novembre à Velepromet, vous avez rencontré quelques instants les

 17   membres du gouvernement pour vous entendre sur la date et le lieu de votre

 18   prochaine réunion, c'est la teneur de votre déposition ?

 19   M. Vojnovic (interprétation). - Non, j'ai affirmé que nous nous

 20   étions salués, parce qu'il était déjà entendu que, le 22 novembre, une

 21   réunion aurait lieu à Erdut ; elle était déjà fixée.

 22   M. Niemann (interprétation). - Pourquoi n'y a-t-il pas eu de

 23   procès-verbal de cette réunion du gouvernement ?

 24   M. Vojnovic (interprétation). - Parce que ce n'était pas du tout

 25   une réunion de travail du gouvernement.


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  1   M. Niemann (interprétation). - Mais sans aucun doute, lorsque

  2   des ministres d'un gouvernement se réunissent en présence de représentants

  3   de l'armée populaire yougoslave, il s'agit bien d'une réunion du

  4   gouvernement, n'est-ce pas ?

  5   M. Vojnovic (interprétation). - Non, nous ne savions même pas

  6   que nous allions rencontrer des représentants de la JNA. Lorsque nous

  7   sommes arrivés dans la salle, il s'y trouvait déjà un colonel de la JNA,

  8   mais le gouvernement n'était pas censé se promener comme il voulait dans

  9   Vukovar. J'ai dit qu'il y avait un barrage, un contrôle à l'entrée même de

 10   Velepromet que nous avons dû franchir pour nous rendre dans la salle où se

 11   tenait la rencontre.

 12   M. Niemann (interprétation). - Comment pouviez-vous imaginer

 13   impressionner les habitants de la ville de Vukovar en tant que

 14   gouvernement si vous vous réunissiez à huis clos et que vous ne rédigiez

 15   aucun procès-verbal de cette réunion sur ce qui a été discuté ?

 16   M. Vojnovic (interprétation). - Nous ne savions même pas quelle

 17   était la situation à Vukovar, nous pensions qu'il était déjà possible de

 18   fonctionner et de se déplacer normalement dans Vukovar. Lorsque nous

 19   sommes arrivés à Vukovar, nous nous sommes heurtés à une situation

 20   différente.

 21   M. Niemann (interprétation). - Vous avez déclaré que vous ne

 22   croyiez pas que M. Dokmanovic soit allé dans la ferme d'Ovcara, parce que

 23   s'il l'avait fait, les Serbes l'auraient tué. Comment le saviez-vous ?

 24   M. Vojnovic (interprétation). - J'ai dit qu'il n'aurait même pas

 25   osé y aller, ni même pensé y aller, parce qu'il avait une très mauvaise


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  1   image, en raison de tous ces événements qui s'étaient déroulés auparavant,

  2   entre 1980 et la prise du pouvoir par le gouvernement croate qui lui a

  3   retiré son poste de président, donc c'est pour ces raisons que j'ai pensé

  4   qu'il n'aurait jamais osé se rende à Ovcara et encore moins y décider quoi

  5   que ce soit

  6   M. Niemann (interprétation). - Mais s'il souhaitait transformer

  7   son image de conciliateur, la meilleure façon de le faire, n'est-ce pas,

  8   eu consisté à se rendre à la ferme d'Ovcara ce jour-là ?

  9   M. Vojnovic (interprétation). - Non, parce que pour lui cela

 10   aurait été un moment particulièrement épouvantable, à cause des passions

 11   déchaînées.

 12   M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas d'autre question,

 13   Monsieur le Président.

 14   M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Petrovic ?

 15   M. Petrovic (interprétation). - Je reprendrai simplement une des

 16   réponses faite à une dernière question de Me Niemann. Il est question

 17   d'une période qui se situe entre 1980 et la prise du pouvoir par le

 18   gouvernement croate, je suppose que vous pensez à 1990.

 19   M. Vojnovic (interprétation). - Oui, à 1990.

 20   M. Petrovic (interprétation). - Vous dites aussi que la réunion

 21   était prévue le 22 novembre à Erdut. Je vous prierai de revoir au point 3

 22   du procès-verbal la mention qui est faite du lieu où est prévue la réunion

 23   suivante. Je suppose que c'est une erreur, vous avez parlé d'Erdut au lieu

 24   de Beli Manastir ?

 25   M. Vojnovic (interprétation). - Dans le procès-verbal du


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  1   19 novembre, à cette réunion il a été décidé que la réunion suivante du

  2   gouvernement se tiendrait le 22 novembre 1991, à Erdut, à 9 heures.

  3   M. Petrovic (interprétation). - Je vous prie de lire le point 3.

  4   M. Vojnovic (interprétation). - "Goran Hadzic, président du

  5   gouvernement, informe les membres du gouvernement qu'en raison de la

  6   situation à Vukovar il est nécessaire que les membres du gouvernement se

  7   réunissent le mercredi 20 novembre à Vukovar et que le vendredi

  8   22 novembre une réunion du gouvernement se tienne à Beli Manastir".

  9   M. Petrovic (interprétation). - Donc c'est Beli Manastir, pas

 10   Erdut ?

 11   M. Vojnovic (interprétation). - Oui, Beli Manastir.

 12   M. Petrovic (interprétation). - Pendant toute la durée

 13   d'existence du gouvernement du district serbe, avez-vous résidé à

 14   Novi Sad ?

 15   M. Vojnovic (interprétation). - Oui.

 16   M. Petrovic (interprétation). - Je n'ai plus d'autre question,

 17   Monsieur le Président.  

 18   M. le Président (interprétation). - Merci. Je pense qu'il n'a

 19   pas d'objection à ce que le témoin soit libéré. Merci beaucoup, monsieur,

 20   d'être venu témoigner, vous pouvez maintenant vous retirer.

 21   M. Vojnovic (interprétation). - Je vous en prie.

 22   (Le témoin est reconduit hors de la salle de vidéoconférence.

 23   M. le Président (interprétation). - Je propose que nous

 24   poursuivions et que nous entendions le témoin suivant, nous avons encore

 25   un peu de temps devant nous.


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  1   (Le témoin, M. Milos Vojnovic, est introduit dans la salle de

  2   vidéoconférence).

  3   M. Fila (interprétation). - Ce témoin s'appelle Milos Vojnovic,

  4   c'est celui pour lequel j'ai demandé une autorisation hier.

  5   M. le Président (interprétation). - Bonjour, Monsieur Vojnovic.

  6   M. Vojnovic (interprétation). - Bonjour.

  7   M. le Président (interprétation). - Pourriez-vous vous lever et

  8   lire la déclaration solennelle qui vient de vous être remise ?

  9   M. Vojnovic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 10   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 11   M. le Président (interprétation). - Merci.

 12   M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous nous donner votre nom et

 13   votre prénom, nous dire quand vous avez terminé vos études et où vous les

 14   avez achevées ?

 15   M. Vojnovic (interprétation). - Je m'appelle Milos Vojnovic.

 16   J'ai terminé mes études de droit à Belgrade en 1971.

 17   M. Fila (interprétation). - Habitiez-vous à Vukovar dans la

 18   période qui nous intéresse, c'est-à-dire 1990/1991 ?

 19   M. Vojnovic (interprétation). - Oui, je vis à Vukovar depuis.

 20   M. Fila (interprétation). - Vous y habitez toujours

 21   aujourd'hui ?

 22   M. Vojnovic (interprétation). - Oui, j'y habite encore

 23   aujourd'hui.  

 24   M. Fila (interprétation). - Quelle était votre profession en

 25   1990 et 1991 ?


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  1   M. Vojnovic (interprétation). - J'étais juge au Tribunal

  2   d'instance de Vukovar.

  3   M. Fila (interprétation). - Avez-vous quitté Vukovar en 1990 et,

  4   si oui, pourquoi ?

  5   M. Vojnovic (interprétation). - Oui, j'ai quitté Vukovar le

  6   24 mai 1991 en raison des persécutions.

  7   M. Fila (interprétation). - Y a-t-il eu des tentatives

  8   d'arrestation contre vous ?

  9   M. Vojnovic (interprétation). - Oui, il y a eu des tentatives

 10   d'arrestation contre moi. Ce jour-là, à 9 heures et demi environ, mon

 11   collègue et ami le juge Sremac Slavoljub a été arrêté au tribunal.

 12   L'après-midi des membres de la police croate sont venus pour m'arrêter.

 13   Mais il y a eu quelques problèmes d'identité et cela n'a pas été fait. De

 14   sorte que dans le courant de l'après-midi, j'ai été informé qu'une

 15   nouvelle arrestation aurait lieu plus tard. Avec l'aide d'amis et de

 16   connaissances, je suis parvenu à sortir de Vukovar. Aux alentours de

 17   18 heures ce même jour, ils sont effectivement venus dans mon appartement.

 18   M. Fila (interprétation). - Est-ce que vous-même et le juge

 19   Sremac, dont vous parlez, vous bénéficiez de l'immunité comme tous les

 20   juges ?

 21   M. Vojnovic (interprétation). - Nous bénéficions de l'immunité

 22   selon les règlements de la république de Croatie. Si je me rappelle bien,

 23   et pas mal de temps s'est écoulé depuis, nous bénéficions de l'immunité eu

 24   égard à des actes criminels liés à nos fonctions professionnelles. Je ne

 25   sais pas si elle était strictement limitée à cela, mais c'est une


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  1   possibilité.

  2   M. Fila (interprétation). - Les forces politiques vous ont-elles

  3   envoyé un document ou quoi que ce soit d'autre pour vous informer de la

  4   suppression de votre immunité ?

  5   M. Vojnovic (interprétation). - Non absolument pas, rien

  6   d'écrit. Ils se sont simplement présentés oralement.

  7   M. Fila (interprétation). - Y avait-il un président du tribunal

  8   à Vukovar ?

  9   M. Vojnovic (interprétation). - Oui.

 10   M. Fila (interprétation). - De quelle nationalité était-il ?

 11   M. Vojnovic (interprétation). - Il s'appelait Petar Mrksic et il

 12   était serbe.

 13   M. Fila (interprétation). - Que lui est-il arrivé ?

 14   M. Vojnovic (interprétation). - Il a été remplacé.

 15   M. Fila (interprétation). - Pourquoi ?

 16   M. Vojnovic (interprétation). - Il a été remplacé trois jours

 17   après notre départ de Vukovar. Je ne connais pas la date exacte, mais je

 18   crois que c'était à la fin du mois de mai. C'était un président du

 19   tribunal qui remportait le plus grand succès, cela faisait plus de dix ans

 20   qu'il exerçait cette fonction.

 21   M. Fila (interprétation). - Pourriez-vous redonner le nom du

 22   président du tribunal, sa nationalité et la raison de son remplacement ?

 23   M. Vojnovic (interprétation). - Il s'appelle Petar Mrksic. Il

 24   est de nationalité serbe et il a été remplacé officiellement pour trois

 25   raisons. Si je me rappelle bien, il a été dit qu'il menait une politique


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  1   d'encadrement qui n'était pas satisfaisante et qu'il ne travaillait pas

  2   suffisamment à la résolution des problèmes concrets. Il a été ajouté que

  3   les rapports humains au sein du tribunal étaient mauvais. Tout cela

  4   n'était pas exact, car le tribunal de Vukovar, sous sa direction, était

  5   l'un des tribunaux qui remplissaient le mieux ses fonctions dans la

  6   République de Croatie. Ce qui était en cause, c'était son appartenance

  7   nationale.

  8   M. Fila (interprétation). – Au moment où vous êtes parti de

  9   Vukovar, avez-vous occupé une fonction juridique dans le gouvernement

 10   constitué peu après ?

 11   M. Vojnovic (interprétation). – Au cours de la deuxième

 12   quinzaine du mois d'août, je ne me rappelle pas la date exacte, mais je

 13   crois que c'était plutôt vers la fin du mois, des personnes m'ont appelé

 14   et m'ont proposé de m'inclure à des processus en cours à ce moment-là.

 15   Suite, à la création de ce que j'accepte d'appeler un gouvernement, j'ai

 16   obtenu le poste d'auxiliaire juridique dans le gouvernement. Si je me

 17   rappelle bien, or je le pense, cela s'est passé le 25 septembre 1991 à

 18   Beli Manastir.

 19   M. Fila (interprétation). – De qui étiez-vous le suppléant ?

 20   M. Vojnovic (interprétation). – Je n'étais pas suppléant,

 21   j'étais assistant.

 22   M. Fila (interprétation). – De qui ?

 23   M. Vojnovic (interprétation). – De Susa Vojnic.

 24   M. Fila (interprétation). – Qui était ministre de la Justice ?

 25   M. Vojnovic (interprétation). – Oui.


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  1   M. Fila (interprétation). – Par la suite, que s'est-il passé ?

  2   M. Vojnovic (interprétation). – Le 9 octobre 1991, je crois, peu

  3   de temps après, les Juges ont été nommés dans ce territoire. J'ai été

  4   nommé au poste de Président de ce qu'on appelait à l'époque le tribunal de

  5   district. C'était en fait l'instance judiciaire suprême dans ce territoire

  6   où il n'y avait pas de combat, bien sûr.

  7   M. Fila (interprétation). – Je suis en droit de dire qu'il y

  8   avait des tribunaux de district et des tribunaux régionaux ?

  9   M. Vojnovic (interprétation). – Oui, ils ne s'appelaient pas

 10   comme cela. Mais il y avait un tribunal élémentaire, un tribunal supérieur

 11   et ce tribunal de district. Mais, ce jour-là, le 9 octobre, ce sont

 12   les Juges qui ont été nommés.

 13   M. Fila (interprétation). – Combien de temps a duré ce ministère

 14   de justice ?

 15   M. Vojnovic (interprétation). – Nous nous occupions aussi bien

 16   de problèmes techniques que de problèmes judiciaires. Il a fallu pas mal

 17   de temps pour lui donner vie et je pense être forcé de dire que c'est

 18   seulement aux alentours de 1994 que nous avons véritablement commencé à

 19   exécuter des dates judiciaires. Mais nous étions présents car il était

 20   considéré que sur un territoire où il n'y avait pas de combat, une

 21   institution de ce genre devait exister, institution qui avait un caractère

 22   strictement civil. Pour éventuellement participer au rétablissement de

 23   l'ordre public et mettre en œuvre ce que j'appellerais le pouvoir

 24   judiciaire. Mais, il faut bien partir principe de base que tout cela a été

 25   difficile et lent.


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  1   M. Fila (interprétation). – Pendant combien de temps avez-vous

  2   exercé vos fonctions judiciaires dans le district serbe ?

  3   M. Vojnovic (interprétation). – J'ai occupé ces fonctions

  4   jusqu'en avril ou mai, quand je sui parti en raisons des circonstances.

  5   M. Fila (interprétation). – Où êtes-vous parti ?

  6   M. Vojnovic (interprétation). – Dans la politique.

  7   M. Fila (interprétation). – En 1996 ?

  8   M. Vojnovic (interprétation). – Oui.

  9   M. Fila (interprétation). – Qu'étiez-vous jusqu'à cette date ?

 10   M. Vojnovic (interprétation). – D'abord Président du tribunal de

 11   district et ensuite de la cour suprême quand les deux tribunaux ont été

 12   confondus.

 13   M. Fila (interprétation). – Et quelles sont vos fonctions,

 14   actuellement ?

 15   M. Vojnovic (interprétation). – Président du conseil mixte ou

 16   conjoint de la Slavonie.

 17   M. Fila (interprétation). – Qui fait partie de la République de

 18   Croatie donc, n'est-ce pas ?

 19   M. Vojnovic (interprétation). – Oui. C'est une composante de la

 20   République de Croatie et le conseil mixte est une institution établie par

 21   la réunion d'Erdut, qui doit permettre aux Serbes d'articuler certains de

 22   leurs droits et de leurs intérêts. Donc, c'est un organe qui n'est pas un

 23   organe du pouvoir mais politique consultatif : une institution

 24   administrative et nous avons des contacts constants avec les institutions

 25   croates.


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  1   M. Fila (interprétation). – Qui vous a élu à ce poste et

  2   comment ?

  3   M. Vojnovic (interprétation). – Le conseil mixte, organe qui se

  4   compose de 50 représentants de toutes les municipalités habitées par les

  5   Serbes.

  6   M. Fila (interprétation). – Je vous interroge pour une raison

  7   précise. Savez-vous, grâce à toute votre carrière juridique si quelqu'un a

  8   été condamné de crime de guerre dans la région de Krajina serbe et de

  9   Beli Manastir et de quoi a-t-il été accusé ?

 10   M. Vojnovic (interprétation). – Oui, il y a eu mise en

 11   accusation et jugement.

 12   M. Fila (interprétation). – De qui s'agit-il ?

 13   M. Vojnovic (interprétation). – De quelqu'un qui a subi cette

 14   sentence. Cela fait deux ans que j'ai quitté le ministère de la justice,

 15   je ne sais pas exactement ce qui lui est arrivé. Je ne me rappelle pas son

 16   nom ni son surnom, mais je sais qu'il a été condamné à 20 ans

 17   d'emprisonnement et cette peine a été confirmée de façon exécutoire pour

 18   des actes criminels commis aux dépends de représentants Hongrois et

 19   Croates.

 20   M. Fila (interprétation). – Y a-t-il eu des cas de Serbes

 21   condamnés pour actes criminels du même genre contre des Croates et des

 22   Hongrois ?

 23   M. Vojnovic (interprétation). – En ce moment même, je ne peux

 24   pas parler de particuliers. Je ne me rappelle pas suffisamment les

 25   détails. Mais, je crois qu'il y a eu des cas de ce genre. En tous cas,


Page 2823

  1   notre orientation fondamentale consistait à viser des délinquants

  2   traditionnels ainsi que des membres de la population civile.

  3   M. Fila (interprétation). – Connaissez-vous M. Berghofer ? Un

  4   habitant de Vukovar.

  5   M. Vojnovic (interprétation). – Oui, depuis plusieurs années. Et

  6   ce dans trois domaines.

  7   M. Fila (interprétation). – Voulez vous être plus explicite.

  8   M. Vojnovic (interprétation). – Quand il travaillait dans une

  9   entreprise à Vukovar ou j'ai été nommé chef du service juridique, je crois

 10   que c'était en 1970. Puis, je l'ai connu plus tard (quelques mots

 11   inaudibles.) parce qu'il a eu pas mal de conflits.

 12   M. Fila (interprétation). – Nous n'avons pas tout entendu. Nous

 13   vous avons entendu expliquer la première circonstance mais pas la

 14   deuxième, en raison de défauts de transmission. Pouvez-vous répéter ?

 15   M. Vojnovic (interprétation). – Je l'ai connu sur le plan

 16   judiciaire. J'étais juge à ce moment-là et il y a eu pas mal d'affaires

 17   auxquelles il a participé. Nous y étions dans des parties opposées. Les

 18   affaires dans lesquelles il comparaissait étaient liées à la famille ;

 19   paiement de pension alimentaire et ce genre de chose.

 20   M. Niemann (interprétation). – Objection à ce qu'un juge dans

 21   une déposition parle d'un procès dans lequel il a agi en tant que juge à

 22   l'encontre d'un homme qui a comparu ici comme témoin. Je dis Monsieur le

 23   Président qu'il est tout à fait inapproprié qu'un juge dévoile des

 24   éléments liés à un procès qu'il a jugé et dans lequel la personne jugée

 25   est un témoin. Avec tout le respect que je dois à ce tribunal, je dis que


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  1   cet élément de preuve n'est pas recevable. Notamment en raison du fait que

  2   c'est un élément de preuve qui porte sur la personnalité d'un témoin.

  3   M. Vojnovic (interprétation). – L'objection est retenue.

  4   M. Fila (interprétation). – Puis-je dans ce cas, demander au

  5   témoin ce qu'il savait au sujet de la personnalité de M. Berghofer, en

  6   dehors du tribunal. Cela n'aura plus rien à voir avec Monsieur Berghofer

  7   en tant que témoin. Monsieur ne parlez pas de procès où vous avez été

  8   juge, mais comment vous le connaissiez et ne donnez pas de détails

  9   personnels.

 10   M. Vojnovic (interprétation). – Je n'avais pas l'intention de

 11   donner de détails personnels, j'ai dit simplement que je le rencontrai

 12   dans des circonstances juridiques

 13   M. Fila (interprétation). – Vous êtes d'accord pour ne pas en

 14   donner ?

 15   M. Vojnovic (interprétation). – Je ne le ferais pas.

 16   M. Fila (interprétation). – Merci beaucoup. C'est ce qu'aurait

 17   du savoir l'auteur de l'objection.

 18   M. Vojnovic (interprétation). – En tous cas, j'ai connu

 19   Monsieur Berghofer en tant qu'amateur de handball, j'y jouais aussi et

 20   nous nous rencontrions souvent sur le terrain.

 21   M. Fila (interprétation). – Quel genre de personnalité a-t-il ?

 22   Quelle était sa réputation ?

 23   M. Vojnovic (interprétation). – Je ne suis pas psychiatre, donc

 24   il m'est difficile de parler. Je sais seulement que parmi nous, il était

 25   considéré comme quelqu'un qui a avait une certaine liberté. Il prenait


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  1   quelques libertés par rapport à ses responsabilités. Je ne voudrais pas

  2   rentrer dans d'autres qualificatifs qui me feraient sortir du cadre des

  3   communications courantes…

  4   M. Fila (interprétation). – Nous n'avons pas entendu…

  5   Communications courantes…

  6   M. Vojnovic (interprétation). – ...entre des gens qui se

  7   connaissent dans la société.

  8   M. Fila (interprétation). – Je vous en pris. S'agissant de

  9   savoir si c'était un homme connu comme disant la vérité ou comme quelqu'un

 10   qui invente sans exagération.

 11   M. Vojnovic (interprétation). – Je ne vois pas très bien comment

 12   nous pouvons parler de cela. Je ne veux pas aller plus loin. J'ai déjà dit

 13   qu'il était considéré comme un homme qui prenait quelques libertés, disons

 14   comme un homme qui n'était pas vraiment toujours très sérieux. Voilà ce

 15   qu'on peut dire de son comportement.

 16   M. Fila (interprétation). – Que voulez vous dire parlant de

 17   prendre des libertés ?

 18   M. Vojnovic (interprétation). – J'ai dit que je n'avais à

 19   l'esprit un comportement criminel, mais simplement que c'était quelqu'un

 20   qui circulait dans toute la ville à gauche à droite, qui racontait des

 21   choses sans sentiment de responsabilité. Ce genre de chose. Je connais

 22   d'autres détails, quand je suis arrivé dans cette entreprise, je sais

 23   qu'il a quitté son travail tout simplement parce qu'il ne voulait pas

 24   accepter une discipline technologique et de travail qui était imposée.

 25   Nous insistions pour qu'elle soit appliquée.


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  1   M. Fila (interprétation). – Vous voulez dire que ce n'était pas

  2   un bon travailleur ?

  3   M. Vojnovic (interprétation). – Quand je suis arrivé dans cette

  4   entreprise, il était considéré comme un piètre travailleur, en raison du

  5   fait que nous avons insisté pour intensifier la discipline de travail,

  6   technologique, cela ne lui a pas convenu, il a quitté l'entreprise.

  7   M. Fila (interprétation). – Vous avez dit qu'il racontait des

  8   histoires et qu'il n'était pas toujours sérieux. Que voulez vous dire par-

  9   là ? Disait-il des mensonges ? Qu'entendez-vous exactement par-là ?

 10   M. Vojnovic (interprétation). – Non, c'était plutôt des

 11   plaisanteries, des blagues. Il parlait beaucoup de sport, de ce genre de

 12   chose.

 13   M. Fila (interprétation). – Et en tant que père de famille

 14   comment se comportait-il ? Etait-il responsable vis-à-vis de sa famille ?

 15   M. Vojnovic (interprétation). – Je ne vais pas dire quoique ce

 16   soit de confidentiel. Mais il est bien connu qu'il battait sa de femme.

 17   M. Fila (interprétation). – Ne nous dites rien qui soit

 18   confidentiel. Faites-nous part de vos impressions personnelles.

 19   M. le Président (interprétation). – En quoi cela a-t-il de

 20   pertinent dans cette affaire Me Fila ? La vie de cet homme n'a en rien à

 21   voir avec cette affaire, il me semble.

 22   M. Fila (interprétation). – Fort bien, fort bien, je retire la

 23   question. Résumons. Vous venez de nous apporter un certain nombre

 24   d'information sur cet homme.

 25   M. Vojnovic (interprétation). – Effectivement.


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  1   M. Fila (interprétation). – Est-ce quelqu'un qui est digne de

  2   foi ? Est-ce quelqu'un auquel on peut se fier ? Que diriez-vous sur ce

  3   point ?

  4   M. Vojnovic (interprétation). – Nous le considérions comme et

  5   raconter des histoires, un peu comme un bavard. Un charlatan, si vous

  6   voulez.

  7   M. Fila (interprétation). – Merci.

  8   M. le Président (interprétation). – Me Niemann avez-vous

  9   beaucoup de questions à poser parce que nous pourrions poursuivre.

 10   M. Niemann (interprétation). -  Je ne souhaite poser aucune

 11   question.

 12   M. le Président (interprétation). - M. Vojnovic je vous remercie

 13   infiniment d'être venu déposer ici. Vous pouvez vous retirer.

 14   M. Vojnovic (interprétation). – Je vous remercie.

 15   (Le témoin, M. Vojnovic, est reconduit hors de la salle de

 16   vidéoconférence).

 17   M. le Président (interprétation). - Nous allons suspendre et

 18   nous reprendrons nos travaux…

 19   M. Fila (interprétation). – M. le Président nous n'avons que

 20   deux témoins prévus pour cet après-midi. Donc, vous pouvez faire toute

 21   sorte de projet pour cet après-midi.

 22   M. le Président (interprétation). - "Deux témoins par

 23   vidéoconférence" : qu'entendez-vous exactement par là ?

 24   M. Fila (interprétation). - Non, plus de témoignage par

 25   vidéoconférence. Deux témoins viendront ici même.


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  1   M. le Président (interprétation). - Gradina et Leskovac ne

  2   viendront pas ?

  3   M. Fila (interprétation). - Ils ne sont pas arrivés sur place, à

  4   Belgrade.

  5   M. le Président (interprétation). - Qu'en est-il des autres ?

  6   M. Fila (interprétation). - Ce sont des témoignages qui se

  7   feront ici, en audience. Pour ce qui est du colonel, il ne pourra être

  8   cité à comparaître que demain.

  9   M. le Président (interprétation). - Qu'en est-il du témoin

 10   expert ?

 11   M. Fila (interprétation). - Le témoin expert porte un certain

 12   nombre de documents que je souhaiterais consulter. Nous les remettrons

 13   entre les mains du témoin expert demain. Pour lui, nous avons également

 14   une traduction des documents qu'il a rédigés. Vous la recevrez dans le

 15   courant de la journée. Il sera entendu après la déclaration de

 16   M. Dokmanovic.

 17   Voici le plan que je vous soumets : deux témoins pour

 18   aujourd'hui, si vous êtes d'accord ; demain nous commencerons avec le

 19   témoignage du colonel, parce qu'il a apporté avec lui un certain nombre de

 20   documents et j'ai demandé à les consulter. Ensuite, j'aimerais interroger

 21   M. Dokmanovic. Le jour suivant, nous interrogerons le témoin expert. Je

 22   devrais alors en avoir terminé de la présentation de mes témoins, comme je

 23   vous l'avais dit.

 24   Simplement, j'ai encore besoin d'un jour -peut-être un jour et

 25   demi- pour mettre un terme à tous mes travaux. J'en aurai sans doute


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  1   terminé vers la mi-juillet.

  2   M. le Président (interprétation). - A priori, nous aurons

  3   terminé les travaux de cette semaine vers midi, vendredi.

  4   M. Fila (interprétation). - Je suis sûr, Monsieur le Président,

  5   que nous en aurons terminé jeudi. Et, vendredi, si Me Niemann souhaite

  6   présenter des arguments en réponse, nous pourrons commencer l'audition de

  7   ces arguments.

  8   M. Niemann (interprétation). - Absolument. Nous aimerions

  9   profiter de la journée de vendredi pour appeler un témoin supplémentaire à

 10   témoigner. La seule chose qui me préoccupe, c'est de voir ce qu'en pense

 11   M. Fila. Il nous dit qu'il allait mettre un terme à la présentation de ces

 12   témoins et des éléments de preuve. Bien évidemment, nous souhaitons en

 13   être absolument certains. Nous ne voulons pas commencer à présenter des

 14   arguments en réponse à sa présentation sans qu'il ait tout à fait terminé.

 15   Il semble demander un jour et demi de plus pour accomplir

 16   quelques travaux. Nous pouvons nous mettre d'accord, il n'y a pas de

 17   problème, nous ne commencerons qu'une fois qu'il aura terminé toute la

 18   phase de présentation de l'affaire.

 19   Mais nous aimerions profiter de la journée de vendredi pour

 20   présenter ce dernier témoin.

 21   M. Fila (interprétation). - Que tout soit clair. Cette semaine,

 22   j'en termine avec les témoins à décharge. Cela nous permettra de

 23   déterminer si M. Dokmanovic est coupable ou non. Ensuite, je n'ai plus de

 24   témoin que je souhaite appeler.

 25   Les travaux dont je parle pour le mois de juin traitent de la


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  1   famille et des amis de M. Dokmanovic. Ils viennent se prononcer en tant

  2   que témoins de personnalité. Un expert se viendra également.

  3   Donc je peux affirmer en toute certitude, Maître Niemann, que

  4   jeudi, j'en aurai terminé de la présentation de mes éléments de preuve.

  5   Suis-je clair, cette fois ci !

  6   M. Niemann (interprétation). - Cela ne pose pas de problème, dès

  7   lors qu'il s'agit bien de témoins de personnalité, dès lors qu'ils ne s'en

  8   tiennent qu'à la personnalité de M. Dokmanovic.

  9   Mais je maintiens notre position, celle que j'ai précisée à

 10   l'instant, nous ne voulons pas commencer la présentation d'arguments en

 11   réponse à ceux de la défense si celle-ci n'a pas totalement terminé ses

 12   travaux.

 13   M. le Président (interprétation). - Maître Fila a promis que ce

 14   serait fini jeudi, n'est-ce pas ?

 15   M. Fila (interprétation). - Je peux signer un document déclarant

 16   sur l'honneur que j'en aurai fini jeudi, si vous voulez !

 17   M. le Président (interprétation). - Bien. Nous allons suspendre.

 18   Nous reprendrons à 14 heures 15. Je vous remercie.

 19   La séance est suspendue à 12 heures 30.

 20   L'audience est reprise à 14 heures 15.

 21   M. le Président (interprétation). - Nous allons reprendre nos

 22   travaux. Maître Petrovic qui est notre prochain témoin ?

 23   M. Petrovic (interprétation). - Notre témoin suivant, Monsieur

 24   le Président, est M. Radoslav Zlatic.

 25   M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, avant


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  1   que le témoin n'arrive, j'ai une bonne nouvelle à vous communiquer à

  2   propos de ces fameux clichés.

  3   M. le Président (interprétation). - Excellent.

  4   M. Williamson (interprétation). - Je devrais pouvoir vous les

  5   donner demain matin.

  6   M. le Président (interprétation). - Demain matin, c'est parfait.

  7   Nous ne disposons pas de la déclaration préalable de ce témoin, c'est bien

  8   cela ?

  9   M. Petrovic (interprétation). - Nous avons une déclaration a été

 10   recueillie et a été communiquée. Vous allez également recevoir un

 11   exemplaire de cette déclaration dans les minutes qui suivent, elle est

 12   assez courte.

 13   M. Fila (interprétation). - Le témoignage ne va pas durer très

 14   longtemps Monsieur le Président.

 15   (Le témoin, M. Zlatic, est introduit dans la salle d'audience.)

 16   M. le Président (interprétation). - Bonjour Monsieur, je vais

 17   vous demander de lire la déclaration solennelle.

 18   M. Zlatic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

 19   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 20   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, vous

 21   pouvez vous asseoir.

 22   M. Zlatic (interprétation). - Merci.

 23   M. Petrovic (interprétation). -Monsieur Zlatic, vous souvenez-

 24   vous que le 28 janvier 1998 vous avez fait une déposition devant un

 25   représentant du cabinet d'avocats Fila. J'aimerais que cette déclaration


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  1   soit remise au témoin et que vous nous disiez, Monsieur, s'il s'agit bien

  2   de celle que vous avez faite, à la date que j'ai citée ?

  3   (Le témoin consulte la déclaration.)

  4   M. Zlatic (interprétation). - Oui, il s'agit bien de ma

  5   déclaration.

  6   M. Petrovic (interprétation). - S'il n'y a pas d'objection,

  7   j'aimerais demander le versement au dossier de cette déclaration. En tant

  8   que pièce de la défense, je souhaite qu'une cote lui soit attribuée, s'il

  9   vous plaît.

 10   M. Dubuisson (interprétation). - Pièce 111.

 11   M. le Président (interprétation). - Merci, il n'y a pas

 12   d'objection, cette déclaration est donc admise.

 13   M. Petrovic (interprétation). - Monsieur Zlatic, avez-vous bien

 14   été diplômé de l'école de la circulation à Osijek ?

 15   M. Zlatic (interprétation). - Effectivement.

 16   M. Petrovic (interprétation). - Quel a été votre emploi par la

 17   suite ?

 18   M. Zlatic (interprétation). - J'étais chauffeur.

 19   M. Petrovic (interprétation). - Où travailliez-vous ?

 20   M. Zlatic (interprétation). - Je travaillais pour l'entreprise

 21   Panonija Osijek. J'y ai travaillé pendant 21 ans jusqu'au début de la

 22   crise en Yougoslavie. A cette époque-là, on m'a licencié. En fait, j'ai dû

 23   m'enfuir d'Osijek avec ma famille et je suis allé à Belgrade. On m'a

 24   accueilli dans l'hôtel Casino. Voilà ce qui m'est arrivé.

 25   M. Petrovic (interprétation). - Depuis combien de temps êtes-


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  1   vous chauffeur pour le ministère de la Justice à Belgrade ?

  2   M. Zlatic (interprétation). - Lorsque je suis arrivé à Belgrade,

  3   j'ai rencontré M. Susa. A cette époque-là, il était ministre du

  4   gouvernement serbe pour la Baranja, la Slavonie orientale et la Srem

  5   occidentale. J'avais une nouvelle voiture. Par conséquent j'ai pris

  6   l'habitude de l'amener aux réunions du gouvernement, aux réunions à Erdut

  7   notamment. J'ai utilise ce véhicule pendant six ou sept mois, jusqu'à ce

  8   qu'il soit détruit, mais je suis resté avec M. Susa pendant toute la durée

  9   de la guerre et je travaillais pour le ministère de l'Administration et de

 10   la Justice.

 11   M. Petrovic (interprétation). - Je vous remercie. Donc vous

 12   accompagniez M. Susa, dans votre déplacement, avec votre propre voiture,

 13   c'est bien cela ?

 14   M. Zlatic (interprétation). - C'est exact.

 15   M. Petrovic (interprétation). - Connaissez-vous M. Slavko

 16   Dokmanovic et depuis combien de temps le connaissez-vous ?

 17   M. Zlatic (interprétation). - Je le connais, nous avons un

 18   intérêt commun, nous aimons beaucoup de sport tous les deux. Mon village

 19   est tout près de Trpinja. Autrefois nous jouions au football avec

 20   M. Dokmanovic dans le district d'Osijek. Je le connaissais lui et

 21   M. Trosic. Lorsque tous ces événements ont commencé et quand je suis

 22   devenu un réfugié, je l'ai retrouvé dans les réunions du gouvernement. Je

 23   ne le connaissais pas très bien, mais je le connaissais de vue, je l'ai

 24   souvent vu.

 25   M. Petrovic (interprétation). - Le 20 novembre 1991 étiez-vous à


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  1   Vukovar ?

  2   M. Zlatic (interprétation). - Oui.

  3   M. Petrovic (interprétation). - Quand vous a-t-on dit que vous

  4   alliez vous rendre à Vukovar le 20 novembre ?

  5   M. Zlatic (interprétation). - Nous nous retrouvions tous les

  6   soirs, moi-même et M. Susa, à l'hôtel Casino à Belgrade. Il m'a dit que

  7   nous allions aller à Vukovar pour pendre de l'essence. A l'époque il y

  8   avait une pénurie d'essence. J'avais pu en obtenir près du stade Zvezda.

  9   Vers 19 heures, nous sommes partis pour Vukovar.

 10   M. Petrovic (interprétation). - Donc vous êtes partis de

 11   Belgrade en direction de Vukovar ?

 12   M. Zlatic (interprétation). - C'est exact.

 13   M. Petrovic (interprétation). - Quand êtes-vous arrivés à

 14   Vukovar ?

 15   M. Zlatic (interprétation). - Peu de temps après 21 heures, je

 16   n'y ai pas fait attention à ce moment-là. Les routes étaient assez

 17   mauvaises et la circulation difficile.

 18   M. Petrovic (interprétation). - Ou êtes-vous arrivé à Vukovar ?

 19   M. Zlatic (interprétation). - Nous sommes arrivés à Vukovar en

 20   traversant Sid, Negosvlaci, entre autres, c'est le chemin que nous avons

 21   emprunté pour arriver à Vukovar.

 22   M. Petrovic (interprétation). - Où vous êtes-vous arrêtés

 23   exactement ?

 24   M. Zlatic (interprétation). - Nous nous sommes arrêtés parce

 25   qu'il y avait des soldats à l'entrée.


Page 2835

  1   M. Petrovic (interprétation). - Mais où vous êtes vous arrêtés

  2   exactement ?

  3   M. Zlatic (interprétation). - Nous nous sommes arrêtés à

  4   Velepromet qui se trouve juste à l'entrée de Vukovar lorsqu'on arrive de

  5   Negoslavci, sur le côté gauche. Nous nous sommes présentés aux personnes

  6   qui gardaient l'entrée et elles nous ont laissé passer.

  7   M. Petrovic (interprétation). - Donc vous vous trouviez dans

  8   l'enceinte de l'entreprise Velepromet ?

  9   M. Zlatic (interprétation). - Oui, j'avais déjà vu ces locaux

 10   parce qu'autrefois j'étais donc chômeur et souvent j'assurais le transport

 11   de matériels vers cette entreprise.

 12   M. Petrovic (interprétation). - Qui avez-vous dans la cour de

 13   Velepromet ?

 14   M. Zlatic (interprétation). - Il y avait beaucoup de personnes

 15   étaient présentes, la plupart étaient des membres du gouvernement,

 16   M. Susa, M. Vojnovic, j'y ai également vu M. Arkan, M. Kosic et ce

 17   M. Knesevic je crois, il vient du secteur d'Osijek, autrement il allait à

 18   l'école avec ma sœur, il était ministre de l'Education de ce gouvernement.

 19   Tous les membres du gouvernement se trouvaient là.

 20   M. Petrovic (interprétation). - Est-ce que quelqu'un filmait les

 21   événements ?

 22   M. Zlatic (interprétation). - Oui, effectivement, l'équipe est

 23   arrivée peu de temps après-midi, peut-être vers 13 heures, une espèce de

 24   délégation est arrivée qui comptait parmi ses membres Slavko. Ils

 25   filmaient ce qui se passait avec une caméra.


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  1   M. Petrovic (interprétation). - Est-ce qu'à à un moment donné

  2   des membres de la réunion sont partis de l'endroit où ils se trouvaient

  3   pour se rassembler en un autre point ?

  4   M. Zlatic (interprétation). - J'ai rencontré des chauffeurs, des

  5   collègues qui étaient de Vukovar et qui travaillaient autrefois dans

  6   l'entreprise où j'étais employé. A un moment donné ils m'ont dit qu'ils

  7   partaient parce qu'une réunion allait être organisée et Susa m'a dit de ne

  8   pas partir, de rester où j'étais.

  9   M. Petrovic (interprétation). - Vous souvenez-vous combien de

 10   temps les membres du gouvernement sont restés dans cette pièce ?

 11   M. Zlatic (interprétation). - Une heure à une heure et demie

 12   environ. M. Susa m'a déclaré que c'était une réunion du gouvernement qui

 13   n'allait pas durer longtemps, qu'au départ la réunion n'était pas prévue

 14   pour se tenir sur place, mais qu'en fait ils avaient été obligés de le

 15   faire parce qu'il n'y avait pas d'autre endroit.

 16   M. Petrovic (interprétation). - Pour que tout soit clair, vous

 17   dites avoir vu quelqu'un filmer la scène et notamment la cour de

 18   l'entreprise Velepromet, vous ne parliez pas de M. Dokmanovic, n'est-ce

 19   pas ?

 20   M. Zlatic (interprétation). - Non, non du tout, je parlais de

 21   quelqu'un d'autre, c'était un homme assez corpulent, à peu près de ma

 22   taille, il portait une veste verte.

 23   M. Petrovic (interprétation). - Après la réunion, ou êtes-vous

 24   allés ?

 25   M. Zlatic (interprétation). - A la fin de la réunion et lorsque


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  1   les personnes sont sortis de la pièce, la cour de l'entreprise était

  2   remplie de monde. Voja a passé vingt minutes à une demi-heure à parler à

  3   quelqu'un. Pendant ce temps toute une colonne de véhicules s'était formée

  4   comprenant notamment des camions militaires. Et il y avait beaucoup de

  5   civils, personne ne portait d'uniforme. La colonne est partie en direction

  6   de la Croatie.

  7   M. Petrovic (interprétation). - Vous où êtes-vous allés ?

  8   M. Zlatic (interprétation). - Nous avons pris le même chemin que

  9   nous avions pris pour arriver, nous sommes passés par Negoslavci.

 10   M. Petrovic (interprétation). - Je voudrais que la pièce de la

 11   défense D2 soit diffusée, c'est une cassette vidéo. L'heure qui

 12   m'intéresse sur cette séquence est 15 heures 36, je souhaite que la

 13   séquence soit diffusée et ensuite je demanderai au témoin de décrire la

 14   scène s'il vous plaît.

 15   (Projection de la cassette.)

 16   Où sommes-nous, ici ? Reconnaissez-vous l'endroit ?

 17   M. Zlatic (interprétation). - Oui, c'est la sortie de Vukovar.

 18   M. Petrovic (interprétation). - Peut-on arrêter la diffusion ?

 19   M. Zlatic (interprétation). - La sortie de Vukovar vers

 20   Negoslavci.

 21   M. Petrovic (interprétation). - Mais ce sont les dernières

 22   maisons ?

 23   M. Zlatic (interprétation). - Oui, après il n'y a plus de

 24   maison.

 25   M. Petrovic (interprétation). - Où se trouvent les premières


Page 2838

  1   maisons suivantes ?

  2   M. Zlatic (interprétation). - A Negoslavci.

  3   M. Petrovic (interprétation). - Peut-on poursuivre la

  4   diffusion ?

  5   M. Zlatic (interprétation). - Là, il y avait un gros trou.

  6   M. Petrovic (interprétation). - Peut-on arrêter la diffusion ?

  7   Reconnaissez-vous où l'on se trouve ici ?

  8   M. Zlatic (interprétation). - Il est difficile de reconnaître

  9   l'endroit.

 10   M. Petrovic (interprétation). - Peut-on poursuive la diffusion

 11   mais à un rythme un peu ralenti ? Si vous ne reconnaissez pas l'endroit ce

 12   n'est pas grave.

 13   M. Zlatic (interprétation). - C'est de vraiment difficile, on

 14   voit l'autobus, des branches.

 15   M. Petrovic (interprétation). - Mais regardez sur la droite,

 16   quand la caméra arrivera à cet endroit.

 17   M. Zlatic (interprétation). - Vraiment on ne voit rien.

 18   M. Petrovic (interprétation). - Attendez un instant. Il y a des

 19   images que vous pourrez reconnaître et qui viendront bientôt. Arrêtons la

 20   diffusion.

 21   M. Zlatic (interprétation). - Ici, c'est Negoslavci, c'est

 22   l'entrée du village après le virage, parce que la route de Vukovar à

 23   Negoslavci est toute droite, ensuite il y a un virage et là nous sommes

 24   déjà près du centre du village.

 25   M. Petrovic (interprétation). - Merci. Vous êtes-vous arrêtés


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  1   quelque part, en route, après Negoslavci ?

  2   M. Zlatic (interprétation). - La colonne avançait lentement

  3   parce qu'il y avait beaucoup de véhicules. A l'entrée d'Orolik on s'est

  4   arrêté, j'ai demandé ce qu'on attendait et nous avons vu que des

  5   représentants de la Croix-Rouge internationale distribuaient de la

  6   nourriture aux gens qui se trouvaient dans les autobus, des boissons, des

  7   biscuits, ce genre de choses. Je sais qu'à l'aller il y avait un barrage

  8   routier, il y avait une barrière temporaire où se trouvait toujours un

  9   soldat. Et j'ai vu qu'il y avait un peu de désordre, alors je suis allé

 10   voir ce qui se passait, pourquoi on était arrêté et au moins pourquoi on

 11   ne nous laissait pas passer nous qui étions dans une voiture privée. Quand

 12   je suis arrivé à cet endroit, j'ai vu M. Dokmanovic qui se querellait avec

 13   le soldat.

 14   M. Petrovic (interprétation). - A quel moment de la journée,

 15   cela se passait-il ?

 16   M. Zlatic (interprétation). - La nuit commençait à tomber, ce

 17   jour-là avait été un jour assez beau, avec du soleil, mais vers le soir

 18   une légère brume est tombée. Puis tout d'un coup j'ai vu cette querelle

 19   assez vive et j'ai d'abord été un peu surpris de voir Slavko se quereller

 20   comme cela avec un soldat, mais à partir d'une maison qui se trouvait sur

 21   la gauche, quand en vient de Vukovar et qu'on regarde vers Orolik, on a vu

 22   sortir des soldats avec des fusils qui actionnaient leur fusil.

 23   M. Petrovic (interprétation). - A quelle moment avez-vous vu

 24   Slavko Dokmanovic ?

 25   M. Zlatic (interprétation). - Aux alentours de 5 heures.


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  1   M. Petrovic (interprétation). - Merci, je n'ai pas d'autres

  2   questions.

  3   M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Niemann ?

  4   M. Niemann (interprétation). - Monsieur Zlatic, je ne sais pas

  5   si c'était une erreur d'interprétation ou pas, mais avez-vous vraiment dit

  6   que M. Susa travaillait pour le ministère de la Justice de Belgrade, c'est

  7   bien ce que vous avez dit ?

  8   M. Zlatic (interprétation). - Non, M. Susa était ministre de la

  9   Justice et de la Collecte des impôts, c'est comme cela qu'on appelait ce

 10   ministère à l'époque, pour la Slavonie, la Baranja et la Srem, mais il

 11   n'est pas question de ministère de la Justice de Serbie, ce n'est pas ce

 12   qui figure dans ma déclaration et ce n'est pas la vérité. J'ai toujours

 13   accompagné cet homme et depuis le premier jour, je le connais bien.

 14   M. Niemann (interprétation). - Je sais que cela ne figure pas

 15   dans votre déclaration mais je l'ai lu dans le procès-verbal. Enfin, cela

 16   n'a pas d'importance.

 17   Le jour où vous êtes partie pour Velepromet comment saviez-vous

 18   que à cet endroit particulier à Vukovar que vous deviez aller, autrement

 19   dit à Velepromet ?

 20   M. Zlatic (interprétation). - Susa m'a dit le soir qu'il y

 21   aurait une réunion du gouvernement à Vukovar, je n'avais pas besoin de

 22   demander où il fallait, ni de quoi il s'agissait. Quand nous sommes

 23   arrivés, entre les premières maisons et Velepromet il y a huit cents

 24   mètres environ, nous nous sommes arrêtés à cet endroit, et il a dit c'est

 25   là que se tiendra la session du gouvernement. Je connais Vukovar depuis


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  1   avant la guerre, je suis d'Osijek et Osijek est tout près de Vukovar, donc

  2   j'ai souvent travaillé là-bas, donc je connaissais l'endroit et je savais

  3   que c'était Velepromet.

  4   M. Niemann (interprétation). - Quand vous êtes arrivés à

  5   Velepromet où avez-vous garé votre voiture ?

  6   M. Zlatic (interprétation). - A l'intérieur, nous sommes entrés

  7   dans la cour.

  8   M. Niemann (interprétation). - Avez-vous laissé la voiture garée

  9   à l'intérieur de la cour de l'entreprise ?

 10   M. Zlatic (interprétation). - Oui, à l'intérieur.

 11   M. Niemann (interprétation). - Vous êtes restés à cet endroit

 12   assez longtemps, de 8/9 heures jusqu'à la fin de la réunion ?

 13   M. Zlatic (interprétation). - Oui.

 14   M. Niemann (interprétation). - Etes-vous sorti de Velepromet ce

 15   jour-là ?

 16   M. Zlatic (interprétation). - Non, il y avait une cuisine à cet

 17   endroit où on distribuait de la nourriture, il y avait une homme qui

 18   portait de l'eau, des femmes, des enfants. Je me souviens qu'il y avait

 19   des haricots pour le déjeuner. Un homme était debout et chaque fois qu'on

 20   se présentait il disait : "Vous pouvez manger", j'ai donc mangé tout seul.

 21   M. Niemann (interprétation). - Vous n'avez pas vu de véhicules

 22   ou d'autobus arriver dans la caserne de la JNA, qui se trouvait tout près,

 23   au cours de cette matinée-là ?

 24   M. Zlatic (interprétation). - Non.

 25   M. Niemann (interprétation). - Avez vous vu des autobus arriver


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  1   dans la cour de Velepromet ?

  2   M. Zlatic (interprétation). - Oui.

  3   M. Niemann (interprétation). - A quelle heure sont-ils arrivés à

  4   Velepromet ?

  5   M. Zlatic (interprétation). - Ils sont arrivés un part un ou par

  6   deux, ils rentraient à l'intérieur de la cour et ils chargeaient des

  7   civils. Il y avait aussi des militaires, j'ai cru comprendre qu'il y avait

  8   un problème, qu'on ne les recevait pas en Croatie, qu'il y avait des

  9   mines. C'est par la suite que j'ai appris que ces autobus sont passés par

 10   Bozanski Samac pour transporter ces femmes et ces enfants, qu'ils leur a

 11   fallu plusieurs jours de voyage parce que les Croates ne les ont pas

 12   acceptés.

 13   M. Niemann (interprétation). - A part les femmes et les enfants,

 14   avez-vous vu des hommes croates qui avaient été capturés et faits

 15   prisonniers des hommes ?

 16   M. Zlatic (interprétation). - Oui, personne n'était arrêté à ma

 17   connaissance, il était là et tous ceux qui voulaient partir partaient. Il

 18   y avait aussi des hommes jeunes, des hommes âgés, mais en tout cas la

 19   majorité était composée de femmes et d'enfants.

 20   M. Niemann (interprétation). - Quand avez-vous vu M. Dokmanovic

 21   pour la première fois, à peu près à quelle heure ?

 22   M. Zlatic (interprétation). - Je ne sais pas exactement, mais je

 23   pense à peu près avant une heure, évidemment je n'ai pas regarder ma

 24   montre je ne pensais pas que j'allais un jour devoir témoigner. Ce que

 25   nous avons vécu était déjà suffisant.


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  1   M. Niemann (interprétation). - Oui bien sûr, vous ne pouvez nous

  2   dire que le produit de votre mémoire, mais avec qui M. Dokmanovic est-il

  3   arrivé ?

  4   M. Zlatic (interprétation). - Pour autant que je l'ai su, il

  5   était prévu qu'il vienne avec une délégation de la Serbie, des

  6   spécialistes de l'agriculture, mais qui ils étaient, je ne sais pas

  7   exactement, je ne les connaissais pas, il y en avait quatre ou cinq.

  8   M. Niemann (interprétation). - Vous l'avez vu arriver ?

  9   M. Zlatic (interprétation). - Oui.

 10   M. Niemann (interprétation). - Mais vous n'avez pas reconnu les

 11   personnes avec qui il était ?

 12   M. Zlatic (interprétation). - Je ne connaissais pas ces

 13   personnes. Je ne les avais pas vu avant.

 14   M. Niemann (interprétation). - Peu de temps après l'arrivée de

 15   M. Dokmanovic est-ce que la réunion a commencé ?

 16   M. Zlatic (interprétation). - Oui, à un certain moment ils se

 17   sont retirés à l'intérieur. Quand on rentre dans Velepromet c'est un

 18   bâtiment qui se trouve sur la droite où il y avait par le passé des

 19   bureaux administratifs, c'est là que je me faisais connaître avant, donc

 20   c'est là qu'ils sont rentrés eux et mon ministre Susa.

 21   M. Niemann (interprétation). - Avez vous vu des membres de la

 22   délégation gouvernementale partir faire un tour de Vukovar, après où avant

 23   la réunion ?

 24   M. Zlatic (interprétation). - Ils n'ont pas pu partir après la

 25   réunion, parce que nous sommes restés très peu de temps, dès que


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  1   l'occasion était fournie de rentrer dans la colonne nous le faisions. J'ai

  2   vu Slavko à ce barrage, où il y avait eu cet incident, et j'en ai déduit

  3   qu'il était sorti avant nous. D'après moi il n'avait aucune possibilité

  4   d'aller à Vukovar en si peu de temps, puisqu'il était devant moi au

  5   barrage.

  6   M. Niemann (interprétation). - Oui, mais il aurait pu simplement

  7   quitter Velepromet et partir avec le convoi, les autobus ?

  8   M. Zlatic (interprétation). - Oui.

  9   M. Niemann (interprétation). - Quand vous avez vu M. Dokmanovic

 10   à Orolik, l'avez-vous entendu parler ? Avez-vous entendu ce qu'il disait ?

 11   M. Zlatic (interprétation). - Oui : "Pourquoi vous nous arrêtez

 12   pourquoi vous ne nous laissez pas passer, nous sommes pressés, nous avons

 13   des invités de Serbie (enfin je ne connaissais pas vraiment leur qualité,

 14   mais disons invités),  nous devons passer" ; ils ont répondu qu'on ne

 15   pouvait pas passer tant qu'ils n'avaient pas reçu l'autorisation. Comme je

 16   l'ai déjà raconté, je vous ai dit ce qui s'était passé après cela. Ce qui

 17   m'a surpris c'est la nature même de cette querelle.

 18   M. Niemann (interprétation). - Qui était violent, M. Dokmanovic,

 19   le soldat ou les deux ?

 20   M. Zlatic (interprétation). - Ils étaient assez brutaux, surtout

 21   M. Dokmanovic. Il avait envie d'aller quelque part rapidement, on ne le

 22   laissait pas passer, il était membre du gouvernement de Slavonie, de

 23   Baranja et de Srem et donc il pensait sans doute qu'il devait pouvoir

 24   passer, mais le soldat lui a répondu : "Nous n'autorisons personne à

 25   passer" ou quelque chose dans ce genre-là.


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  1   M. Niemann (interprétation). - Monsieur Dokmanovic leur a dit

  2   qu'il était membre du gouvernement ?

  3   M. Zlatic (interprétation). - Oui.

  4   M. Niemann (interprétation). - Quand il l'a dit que s'est-il

  5   passé ?

  6   M. Zlatic (interprétation). - Cela n'a servi à rien. C'est à ce

  7   moment là que les soldats sont sortis avec leurs fusils armés, j'ai pensé

  8   que si cela continuait il pouvait même se faire tuer. J'ai trouvé que cela

  9   était tout de même très grave. Quand on voit quelqu'un pointer un fusil

 10   armée, on sait ce que cela signifie.

 11   M. Niemann (interprétation). - Combien de véhicules y avait-il

 12   avec des membres de la délégation à leur bord et qui étaient arrêtés ?

 13   M. Zlatic (interprétation). - Je n'ai pas compté, cela ne

 14   m'intéressait pas particulièrement, nous étions tous pressés. Il était

 15   toujours très dangereux de circuler sur cette route, surtout la nuit,

 16   parce que la route d'Orolik, qui va vers Sid, était encore à deux cents

 17   mètres des positions oustachies qui tiraient ; et il y avait les nôtres

 18   qui rentraient chez eux, des civils qui se faisaient tirer dessus par eux,

 19   surtout la nuit. C'est pourquoi nous étions tous très pressés d'aller là

 20   où nous allions. Après nous avons passé la nuit à Sid, nous avons dîné et

 21   nous sommes rentrés à Belgrade le lendemain.

 22   Où est allé Slavko, je ne le sais pas. Mais sur cette route il

 23   n'y avait absolument aucune possibilité de dépasser qui que ce soit, tout

 24   était défoncé. Il y avait de la boue jusqu'au genoux à certains endroits.

 25   M. Niemann (interprétation). - Avez-vous réussi à atteindre Sid


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  1   avant la nuit ?

  2   M. Zlatic (interprétation). - Non. Il faisait déjà nuit à Orolik

  3   parce que nous avons été arrêtés plus d'une demi-heure.

  4   M. Niemann (interprétation). - Quand vous avez quitté

  5   Velepromet, êtes-vous parti en même temps que tous les autobus a bord

  6   desquels se trouvaient les personnes ?

  7   M. Zlatic (interprétation). - Tout le monde ne peut pas partir

  8   en même temps. Dès qu'il y avait une possibilité de s'intégrer à la

  9   colonne, on partait. Le premier qui y parvenait, partait le premier. Il y

 10   avait un très grand désordre, beaucoup de monde, et dès que l'occasion

 11   s'est présentée je suis rentré dans la colonne. Il est probable que Slavko

 12   se trouvait devant nous, que son chauffeur a réussi à s'intégrer à la

 13   colonne avant nous.

 14   M. Niemann (interprétation). - Pouvez-vous vous rappeler si les

 15   autobus du convoi était devant ou derrière vous quand vous êtes partis de

 16   Velepromet ?

 17   M. Zlatic (interprétation). - Certains étaient devant moi et

 18   d'autres derrière moi.

 19   M. Niemann (interprétation). - Donc vous étiez au milieu du

 20   convoi ?

 21   M. Zlatic (interprétation). - A peu près, mais je ne sais pas

 22   combien il y avait de véhicules derrière et devant moi. J'étais à une

 23   centaine de mètres du barrage. Si on pense qu'un autobus fait dix à douze

 24   mètres, il y avait sans doute cinq à dix autobus devant moi et quelques

 25   voitures privées.


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  1   M. Niemann (interprétation). – Arrivait-il que vous-même et

  2   M. Susa passiez la nuit à Erdut lorsque vous y alliez pour des raisons

  3   gouvernementales officielles ?

  4   M. Zlatic (interprétation). – Par la suite, oui.

  5   M. Niemann (interprétation). - Où passiez-vous la nuit lorsque

  6   vous deviez passer la nuit à Erdut s'en rentrer directement à Belgrade ?

  7   Où étiez-vous logé ?

  8   M. Zlatic (interprétation). – A l'endroit où se trouvait le

  9   gouvernement, la salle de réunion à l'étage. Il y avait 5 ou 6 lits. Il

 10   arrivait d'ailleurs qu'il n'y ait pas de place.

 11   Auquel cas nous passions la nuit dans ce qui, avant la guerre,

 12   était un centre d'entraînement pour les soldats. Il y avait aussi de

 13   nombreux lits et c'est là que nous dormions.

 14   M. Niemann (interprétation). - Ce centre d'entraînement

 15   militaire était le centre d'entraînement destiné aux hommes d'Arkan,

 16   n'est-ce pas ?

 17   M. Zlatic (interprétation). – C'était un centre d'entraînement

 18   avant la guerre, c'est ce que j'ai dit, avant la guerre.

 19   Maintenant ce à quoi était utilisé ce centre dans les derniers

 20   temps, je ne sais pas. Mais j'y allais avant.

 21   M. Niemann (interprétation). - Quand vous parlez d'avant la

 22   guerre ?

 23   M. Zlatic (interprétation). – Avant la guerre oui. Quand

 24   j'allais encore suivre un entraînement militaire.

 25   M. Niemann (interprétation). - Quand vous passiez la nuit dans


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  1   les dortoirs avec M. Susa dans ce centre, c'était un centre d'entraînement

  2   pour les hommes de M. Arkan ?

  3   M. Zlatic (interprétation). –  Oui, c'est là qu'ils dormaient et

  4   qu'ils habitaient et travaillaient.

  5   M. Niemann (interprétation). - Y a–t-il le moindre rapport que

  6   vous seriez capable d'établir entre le gouvernement du district serbe et

  7   les hommes de M. Arkan ? Vous passiez la nuit dans leur dortoir, mais y

  8   avait-il d'autres rapports que vous ayez pu constater ?

  9   M. Zlatic (interprétation). – Pourriez-vous me répétez la

 10   question. Je ne l'ai pas bien comprise.

 11   M. Niemann (interprétation). - Je vous demande si vous avez vu

 12   la moindre relation entre le gouvernement au sein du quel M. Susa occupait

 13   le poste de ministre de la justice et le groupe armé de M. Arkan qui était

 14   stationné dans ces dortoirs où il vous arrivait de passer la nuit ?

 15   M. Zlatic (interprétation). – Non.

 16   M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions,

 17   Monsieur le Président.

 18   M. le Président (interprétation). - Merci. Me Petrovic ?

 19   M. Petrovic (interprétation) - Deux questions seulement. Après

 20   que M. Susa est sorti de la salle dans laquelle s'est tenue la réunion,

 21   êtes-vous resté encore quelques temps dans la cour de Velepromet ?

 22   M. Zlatic (interprétation). – Oui, nous avons discuté, il a

 23   discuté avec des hommes qui se trouvaient là, le temps que je nettoie la

 24   voiture. Nous sommes restés quelques instants.

 25   M. Petrovic (interprétation) - Avez-vous vu Slavko Dokmanovic


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  1   partir ?

  2   M. Zlatic (interprétation). – Oui, c'est moi et Vojin qui sommes

  3   arrivés les premiers, donc j'étais garé près du portail et je voyais donc

  4   tous ceux qui entraient et sortaient.

  5   M. Petrovic (interprétation) - Comment l'avez-vous vu, quand il

  6   est sorti ?

  7   M. Zlatic (interprétation). – Il était assis à droite du

  8   chauffeur.

  9   M. Petrovic (interprétation) - Merci, je n'ai pas d'autres

 10   questions.

 11   M. le Président (interprétation). - Je suppose qu'il n'y a pas

 12   d'objection à ce que le témoin soit libéré M. Zlatic. Merci d'être venu

 13   témoigner devant ce Tribunal.

 14   M. Zlatic (interprétation). – Je vous en prie.

 15   (Le témoin, M. Zlatic, quitte la salle de visioconférence.

 16   M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, pouvez-

 17   vous accepter mon absence pour le reste de l'après-midi, j'ai des

 18   engagements dans l'autre salle d'audience ?

 19   (Maître Niemann quitte la salle d'audience.)

 20   (Le témoin, M. Susa, est introduit dans la salle.)

 21   M. le Président (interprétation). - Bonjour. Pourriez vous lire

 22   la déclaration solennelle ?

 23   M. Susa (interprétation). – Je déclare solennellement que je

 24   dirai la vérité toute la vérité et rien que la vérité.

 25   M. le Président (interprétation). - Merci, vous pouvez-vous


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  1   asseoir.

  2   M. Susa (interprétation). – Merci.

  3   M. Fila (interprétation). – (hors micro.)

  4   Excusez-moi Monsieur Susa, avez-vous fait une déclaration devant

  5   M. Vasic, le 30 septembre 1997 ? Je vous demande également de confirmer

  6   que ce document est bien votre déclaration.

  7   M. Dubuisson. – Il s'agit du document D112 et D112a, pour la

  8   traduction.

  9   M. Susa (interprétation). – Oui, c'est ma déclaration et c'est

 10   bien ma signature sur de cette déclaration.

 11   M. Fila (interprétation). – S'il n'y a pas d'objection, je

 12   propose que ce document soit versé au dossier en tant que pièce à

 13   conviction de la défense D112 et D112a, pour la traduction.

 14   Avez-vous terminé vos études de droit et à quel moment ?

 15   M. Susa (interprétation). – A la faculté de droit d'Osijek et

 16   j'ai reçu mon diplôme en 1983.

 17   M. Fila (interprétation). – Par la suite avez-vous été

 18   procureur-général à Vinkovci et depuis quelle date ?

 19   M. Susa (interprétation). – Oui, de 1983 à 1990, j'ai été le

 20   suppléant du procureur-général, après quoi pendant six mois j'ai rempli

 21   les fonctions de procureur-général municipal.

 22   M. Fila (interprétation). – Pourriez-vous parler un peu plus

 23   lentement ? Jusqu'à quelle date avez-vous occupé ce poste ?

 24   M. Susa (interprétation). – Jusqu'au mois de février 1991, dans

 25   de façon effective et officiellement, formellement, jusqu'au mois de


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  1   septembre de la même année, quand ai j'ai été relevé de mes fonctions.

  2   M. Fila (interprétation). – Pourquoi avez-vous été relevé de vos

  3   fonctions ?

  4   M. Susa (interprétation). – J'ai été relevé de mes fonctions

  5   parce que j'ai été contraint de quitter la République de Croatie.

  6   M. Fila (interprétation). – Aviez-vous une raison de quitter la

  7   République de Croatie ? Avez-vous était arrêté ou quelque chose de ce

  8   genre ?

  9   M. Susa (interprétation). – Comme je l'ai dit, en février 1991,

 10   j'ai subi une opération de la vésicule biliaire après quoi j'ai passé

 11   quelque temps à la maison et le 9 juillet 1991, j'ai été arrêté par une

 12   unité spéciale des Zengas, au milieu de famille et j'ai été emmené dans un

 13   centre de transit improvisé sur le stade de football, Cibalia. A cet

 14   endroit, j'ai subi de forts désagréments et des sévices avec séquelles. Le

 15   lendemain ils m'ont laissé quitter la ville pour me rendre dans la

 16   direction de Belgrade.

 17   M. Fila (interprétation). – Vous parlez de sévices. Ce qui

 18   signifie que vous avez subi des blessures de quel genre ?

 19   M. Susa (interprétation). – J'ai eu des blessures aux lèvres

 20   parce qu'un revolver a été introduit dans ma bouche, m'a fracturé le

 21   palais jusqu'au sinus droit, j'ai perdu deux dents, ce jour-là et j'ai eu

 22   deux côtes cassées sur le côté droit. J'ai également eu une épaule démise.

 23   J'ai été traité pour ces blessures au centre d'urgence de Belgrade.

 24   M. Fila (interprétation). – Quelle était la raison de tout

 25   cela ?


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  1   M. Susa (interprétation). – La raison a été qu'au moment de mon

  2   arrestation -je dois dire que mon père a été arrêté- nous avons été

  3   accusés de soutenir les gens de Vinkovci, un village proche, et ils

  4   disaient que de notre maison des coups de feu avaient été tirés sur une

  5   unité des Zengas.

  6   M. Fila (interprétation). – Mais tout cela n'est pas vrai,

  7   n'est-ce pas ?

  8   M. Susa (interprétation). – Non.

  9   M. Fila (interprétation). – Depuis quand connaissez-vous

 10   Slavko Dokmanovic ?

 11   M. Susa (interprétation). – Je l'ai vu la première fois, le 18

 12   août 1991, lors d'une réunion qui s'est tenue à Dal. Et où il a été

 13   question de la nécessité de créer un organe qui représenterait le

 14   gouvernement.

 15   A cette réunion il a été également annoncé que M. Dokmanovic

 16   prétendait au poste de ministre de l'agriculture.

 17   M. Fila (interprétation). – Avez-vous était nommé ministre de la

 18   justice et de l'administration au sein de ce gouvernement et comment en

 19   est-on venu à cette nomination ?

 20   M. Susa (interprétation). – C'est Goran Hadzic qui a proposé ma

 21   candidature au poste que vous venez d'évoquer au conseil à l'assemblée

 22   générale exécutive du gouvernement de Slavonie orientale, Baranja et Srem.

 23   M. Fila (interprétation). – Quelle était cette assemblée et

 24   comment avez-vous était élu ?

 25   M. Susa (interprétation). – Elle l'a été par les députés qui


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  1   représentaient physiquement le peuple des localités concernées et relavant

  2   de cette grande assemblée nationale : tous ceux qui participaient  et qui

  3   avaient auparavant participé aux élections en Croatie et les représentants

  4   des villages dont les habitants n'avaient pas été élus officiellement lors

  5   de ces élections.

  6   M. Fila (interprétation). – Cela fait-il référence aux élections

  7   de 1990, les premières élections mulitpartites ?

  8   M. Susa (interprétation). – Oui, ces élections s'étaient tenues

  9   en Croatie.

 10   M. Fila (interprétation). – J'aimerais que l'on montre au témoin

 11   un certain nombre de documents qui ont déjà été reçus comme pièces à

 12   conviction. La pièce D59.

 13   (Le greffier remet la pièce au témoin.)

 14   M. Fila (interprétation). – C'est une décision qui concerne la

 15   nomination du Président et du gouvernement du district serbe de Slavonie.

 16   Qui a rédigé cette décision ?

 17   M. Susa (interprétation). - Le service de l'assemblée générale

 18   qui a rédigé ce texte. J'ai participé à la détermination de ce que cette

 19   décision devait comporter officiellement. C'est une décision qui a été

 20   adoptée par le vote de l'assemblée générale et la date est le

 21   25 septembre 1991, qui est la date exacte de cette réunion.

 22   M. Fila (interprétation). - Lors de cette réunion, tous les

 23   ministres, vous, ainsi que Slavko Dokmanovic, avez été nommés à vos postes

 24   respectifs ?

 25   M. Susa (interprétation). - C'est exact.


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  1   M. Fila (interprétation). - J'aimerais maintenant que le témoin

  2   consulte la pièce à conviction D60.

  3   (L'huissier remet le document au témoin.)

  4   M. Susa (interprétation). - Il s'agit de la loi régissant les

  5   ministères et leur fonctionnement.

  6   M. Fila (interprétation). - Ayez l'obligeance de nous dire qui a

  7   rédigé cette loi ?

  8   M. Susa (interprétation). - Elle l'a été par les fonctionnaires

  9   de mon ministère, notamment par mon associé, M. Milos Vojnovic, et par

 10   M. Nenad Stankovic. Moi-même, j'ai participé à la rédaction de cette loi.

 11   M. Fila (interprétation). - Regardez l'article 10, s'il vous

 12   plaît ?

 13   M. Susa (interprétation). - Il s'agit de l'article qui porte sur

 14   le ministère de l'Agriculture.

 15   M. Fila (interprétation). - C'était bien Slavko Dokmanovic ?

 16   M. Susa (interprétation). - Oui.

 17   M. Fila (interprétation). - Quelles étaient ses compétences ?

 18   M. Susa (interprétation). - Pour expliquer exactement quelles

 19   étaient ces fonctions, il faudra que je vous dise ce qui signifie

 20   "administration", "système administratif", et comment un Etat peut devenir

 21   une région. Je dois préciser que M. Dokmanovic a rempli ses fonctions de

 22   façon tout à fait satisfaisante. Tout d'abord, il a travaillé dans les

 23   collectifs agricoles de la région, dans laquelle nous habitions et que

 24   nous contrôlions. Il a accompli toutes les fonctions qui portaient sur la

 25   coopération avec des organisations que nous ne pouvions pas créer chez


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  1   nous à cette époque-là. Ils s'occupaient notamment du conditionnement de

  2   biens agricoles, il s'assurait de l'approvisionnement en alimentation pour

  3   la population de la région;. Je voudrais souligner que la région dans

  4   laquelle nous habitions était une région agricole très importante et très

  5   prospère. C'était une des régions agricoles les plus importantes de

  6   l'ex-Yougoslavie et, par conséquent, le poste occupé par M. Dokmanovic

  7   était un poste de très haut niveau, c'étaient des tâches très difficiles à

  8   accomplir.

  9   M. Fila (interprétation). - J'aimerais que l'on communique au

 10   témoin la pièce D19, s'il vous plaît.

 11   (Le document est remis au témoin qui l'examine.)

 12   M. Fila (interprétation). - C'est bien la loi qui régit la

 13   Défense territoriale, l'organisation territoriale ? Cette loi a-t-elle été

 14   rédigée dans votre ministère ?

 15   M. Susa (interprétation). - Oui.

 16   M. Fila (interprétation). - Avez-vous participé à sa rédaction ?

 17   M. Susa (interprétation). - Oui.

 18   M. Fila (interprétation). - Pour ce qui est de l'organisation

 19   territoriale, une question s'est posée, celle de savoir pourquoi certaines

 20   municipalités n'étaient pas sous votre contrôle, par exemple, la

 21   municipalité d'Osijek. Pouvez-vous nous expliquer cela ?

 22   M. Susa (interprétation). - Beaucoup de personnes travaillant

 23   dans nos instances venaient de régions urbaines, de villes voisines : par

 24   exemple, Vinkovci. Ces personnes insistaient pour que ces deux villes

 25   tombent sous nos compétences et sous le coup de la loi sur l'organisation


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  1   territoriale, afin que, si la nécessité s'en faisait sortir, nous puissiez

  2   assurer notre contrôle sur ces deux villes, et nous avons débattu de ce

  3   point. Je voudrais souligner que, par exemple, Osijek avait dans un de ses

  4   quartiers une population à majorité serbe, qui a été chassée de ce

  5   quartier. Un recensement a été mené à bien en 1991 par des instances

  6   croates, et cette expulsion figure dans ce recensement. Cela apparaît

  7   clairement.

  8   Ce qui est écrit, c'est donc quelque chose de purement

  9   symbolique et théorique.

 10   M. Fila (interprétation). - Comment l'organisation territoriale

 11   était-elle établie ?

 12   M. Susa (interprétation). - L'organisation avait une forme

 13   pyramidale. Au niveau le plus bas il y avait les communautés locales ; au-

 14   dessus les municipalités ; puis les communes ; puis le gouvernement qui

 15   était le bras et le pouvoir exécutif, et, ensuite, il y avait les

 16   autorités législatives représentées par l'assemblée générale nationale et

 17   par un tribunal indépendant

 18   M. Fila (interprétation). - Cette organisation territoriale,

 19   comment fonctionnait-elle à ce niveau-là depuis l'adoption de la loi

 20   constitutionnelle ?

 21   M. Susa (interprétation). - Auparavant, des élections ont eu

 22   lieu et après le vote de la loi constitutionnelle, il faut préciser que

 23   cette loi n'a été votée qu'à titre provisoire jusqu'à la tenue

 24   d'élections, elles n'étaient pas possibles en raison des conflits qui

 25   avaient cours.


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  1   Nous avons organisé la chose de telle sorte que tous les

  2   villages individuels bénéficient d'un représentant. En fait, le nombre de

  3   représentants dépendait de la taille du village concerné et du nombre

  4   d'habitants. Ces représentants, en outre, par le biais de réunions et de

  5   décisions conjointes, décidaient en coopération avec le gouvernement

  6   quelle serait leur représentation au sein de la municipalité. A partir des

  7   municipalités, un certain nombre de représentants étaient délégués au

  8   niveau de l'assemblée générale nationale et représentaient là encore le

  9   nombre d'habitants de la région qu'ils représentaient.

 10   M. Fila (interprétation). - C'est la raison pour laquelle cette

 11   loi est appelée "loi provisoire" ?

 12   M. Susa (interprétation). - Effectivement. C'est vraiment une

 13   loi provisoire, parce que c'était une époque de transition jusqu'à ce que

 14   nous puissions établir un régime administratif valable. Il fallait de

 15   toute façon attendre que des élections libres et démocratiques puissent

 16   être tenues.

 17   M. Fila (interprétation). - Enfin, pour conclure, comment ce

 18   système d'autorité fonctionnait-il ?

 19   M. Susa (interprétation). - Malheureusement du fait des

 20   conditions qui prévalaient dans ce conflit armé qui existait toujours des

 21   deux côtés, il était très difficile pour nous d'établir la discipline

 22   nécessaire dont nous avions besoin pour fonctionner, et il faut bien

 23   avouer que les choses fonctionnaient assez mal, je le reconnais.

 24   M. Fila (interprétation). - Au sein de votre gouvernement, y

 25   avait-il un ministère délégué à la police, un ministère de l'armée, et


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  1   aviez-vous une force armée ou une force de police sous vos ordres,

  2   notamment en novembre 1991 ? Parce que c'est cela qui nous intéresse plus

  3   particulièrement.

  4   M. Susa (interprétation). - Je dois dire que lorsque nous avons

  5   voté ces dispositions, nous espérions pouvoir regarder vers un avenir

  6   meilleur et qu'il ne serait plus nécessaire de disposer de telle force ;

  7   c'est la raison pour laquelle nous avions officiellement un ministère des

  8   Affaires intérieures et également un ministère de la Défense, mais

  9   malheureusement ces ministres n'avaient pas grand chose à faire, parce que

 10   ni eux ni les forces de police n'étaient en mesure de fonctionner

 11   normalement. En outre, le ministre de la Défense ne pouvait prendre aucune

 12   décision, parce qu'il n'avait personne au-dessous ou en dessus de lui pour

 13   lui faciliter le travail et il ne disposait pas de formation armée.

 14   M. Fila (interprétation). - Je vais vous faire passer un autre

 15   document et j'aimerais que vous le consultiez. Peut-on obtenir la cote de

 16   ces pièces, s'il vous plaît ?

 17   M. Dubuisson. - C'est la cote D113.

 18   M. Susa (interprétation). - C'est une décision qui vise à

 19   procéder à l'annexion d'un territoire ; en fait, il y a trois décisions.

 20   Je me souviens d'une réunion en particulier, réunion à laquelle j'ai

 21   assisté et, au cours de celle-ci, nous avons parlé du fait que beaucoup de

 22   problèmes se posaient pour ce qui est des formations armées qui étaient

 23   établies au niveau de chaque région. Il n'y avait pas de commandement

 24   unifié pour toutes ces formations armées, nous ne disposions pas d'une

 25   instance qui soit à même de contrôler toutes les formations armées ; or,


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  1   c'était nécessaire, tout d'abord pour mettre un terme aux pillages et aux

  2   vols qui se multipliaient, et je crois que M. Ilija Koncarevic a pris une

  3   décision allant dans ce sens avec les autorités militaires. Cette décision

  4   stipulait que toute personne portant une arme et ne tombant pas sous le

  5   contrôle d'un commandant unifié, devait passer sous le contrôle de l'armée

  6   yougoslave de la JNA.

  7   M. Fila (interprétation). - Aviez-vous également à l'esprit le

  8   problème des tours de garde dans les villages ?

  9   M. Susa (interprétation). - Oui, absolument nous avions ce point

 10   à l'esprit ; c'était la seule façon organisée de mener à bien un tour de

 11   garde armé dans les villages.

 12   M. Fila (interprétation). - Quelle est la date de cette

 13   décision, s'il vous plaît, c'est bien le 9 octobre 1990 ?

 14   M. Susa (interprétation). – Non, c'est une décision qui a été

 15   prise le 10 octobre.

 16   M. Fila (interprétation). –  Peut-être y a-t-il eu une erreur.

 17   Cela veut-il dire qu'après le 10 octobre, les tours de garde n'avaient

 18   plus rien à voir avec vous ? Que s'est-il passé ensuite ?

 19   M. Susa (interprétation). –  Ce n'est pas tout à fait exact,

 20   parce que les tours de gardes armés ont toujours trouvé le moyen de rester

 21   autonomes. Ils se sont débrouillés avec les commandants locaux. Ce n'était

 22   pas un problème de notre ressort, désormais c'était celui de la JNA. Mais

 23   jusqu'à ce moment-là, les commandants locaux avaient toujours trouvé le

 24   moyen de coopérer avec les officiers responsables de tel ou tel secteur.

 25   Et ensemble, aux vues du fait qu'ils disposaient d'un certain nombre de


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  1   haltes, ils se lançaient dans des activités de pillage et de vol.

  2   M. Fila (interprétation). – Tâchons d'éclaircir la nature des

  3   liens entre la JNA et votre gouvernement.

  4   M. Susa (interprétation). – Les rapports n'étaient pas très bons

  5   parce que la JNA ne nous considérait pas comme un interlocuteur sérieux.

  6   Je ne parle pas seulement en termes militaires, mais de façon générale.

  7   Il n'était pas du tout d'accord avec la façon dont nous voulions

  8   mettre en place un système d'administration civile.

  9   M. Fila (interprétation). – Aviez-vous la possibilité de

 10   demander à la JNA de faire quoi que ce soit ?

 11   M. Susa (interprétation). – Absolument, il nous fallait trouver

 12   les façons de faire intervenir nos amis et nos relations, dès lors qu'on

 13   voulait obtenir quelque chose et Dieu sait si nous avions besoin de

 14   demander des choses pour faire en sorte que la vie retrouve son cours

 15   normal !

 16   Mais jamais nous n'avons eu la possibilité de demander quoi que

 17   ce soit aux commandants les plus haut placés.

 18   M. Fila (interprétation). – Puis-je en conclure qu'aux yeux des

 19   autorités militaires vous n'étiez revêtus d'aucune autorité ?

 20   M. Susa (interprétation). – J'ai bien peur que ce ne soit le

 21   cas.

 22   M. Fila (interprétation). – Le 20 novembre 1991, vous êtes-vous

 23   rendu à Vukovar ?

 24   M. Susa (interprétation). – Oui.

 25   M. Fila (interprétation). – Où êtes-vous arrivé à Vukovar et


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  1   pourquoi vous y êtes-vous rendu ?

  2   M. Susa (interprétation). – Comme je l'ai déclaré pendant un

  3   certain temps, j'ai vécu à Belgrade et en fait, je me déplaçais depuis

  4   Belgrade vers Erdut et c'est bien ce que j'ai fait, ce jour-là. Je suis

  5   parti de Belgrade, mais je n'ai pas emprunté la direction d'Erdut, mais de

  6   Vukovar. La veille, c'est-à-dire le 19 novembre, je me trouvais à Erdut et

  7   c'est là que se trouvait le gouvernement M. Goran Hadzic nous a informés

  8   qu'ils s'étaient entretenu avec ses partenaires revenus de leur mission

  9   sur le terrain. Ces personnes lui avaient dit que, le jour suivant,

 10   certaines opérations seraient mener à bien, qui visaient à la libération

 11   de Vukovar. Il a dit qu'au vu de notre importance relativement faible,

 12   mais étant donné que nous venions de mettre en place un certain système

 13   d'organisation très différent de celui mis en place par l'armée croate, il

 14   fallait que nous nous retrouvions à Vukovar pour nous mettre d'accord sur

 15   la façon dont nous voulions mettre en place les structures civiles et que

 16   cela nous permettrait de voir à quoi ressemblait la ville, après les

 17   pilonnages intensifs et dramatiques subis.

 18   M. Fila (interprétation). – J'aimerais qu'on fasse passer au

 19   témoin le procès-verbal de la réunion. Mais celui-ci se trouve à Belgrade,

 20   je vais donc lui faire passer mon exemplaire, les représentants du bureau

 21   pourront s'assurer qu'il s'agit d'un seul et même document : il s'agit de

 22   la pièce D53, l'original de cette pièce se trouve à Belgrade. J'espère

 23   qu'il n'y a pas d'objection.

 24   (Le document est remis au témoin.)

 25   M. Fila (interprétation). – S'agit-il bien là du procès-verbal


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  1   de la réunion d'Erdut qui a eu lieu le 19 novembre ?

  2   M. Susa (interprétation). – Tout à fait.

  3   M. Fila (interprétation). – Vouliez-vous faire des commentaires

  4   sur ce document ? Vous êtes un juriste, vous avez une formation de

  5   juriste. Alors que pouvez-vous nous dire sur ces réunions ?

  6   M. Susa (interprétation). – Elles se sont tenues de façon tout à

  7   fait légales pour ce qui est du gouvernement.

  8   M. Fila (interprétation). – Excusez-moi, je vois que nous avons

  9   trouvé un exemplaire qui vous est destiné, mais c'est le même document,

 10   monsieur.

 11   M. Susa (interprétation). – Les membres du gouvernement

 12   s'étaient mis d'accord pour qu'il n'y ait pas trop d'improvisation et pour

 13   ne pas gâcher le temps des uns et des autres donc nous avions écrit nos

 14   propositions et les conclusions que nous souhaitions adoptées.

 15   M. Fila (interprétation). – Les réunions se passaient-elles

 16   bien ?

 17   M. Susa (interprétation). – Oui. Le secrétaire du gouvernement

 18   devait établir un ordre du jour et parfois cela posait problème, certains

 19   ministres souhaitaient que certains points apparaissent à l'ordre du jour,

 20   hors ceux-ci n'avaient pas fait l'objet d'un papier écrit et nous

 21   n'acceptions que ces points figurent à l'ordre du jour que s'ils

 22   s'agissaient de quelque chose d'important et urgent.

 23   M. Fila (interprétation). – Lors de ces réunions du

 24   gouvernement, fallait-il un quorum ?

 25   M. Susa (interprétation). – Absolument. Aucune décision ne


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  1   pouvait être adoptée sans quorum.

  2   M. Fila (interprétation). – Quel était ce quorum, 50 plus 1 ?

  3   M. Susa (interprétation). –  Absolument. C'est ce qui prévaut

  4   dans la plupart des systèmes que nous connaissons. Le gouvernement prend

  5   une décision -en l'occurrence, c'était un vote sur une proposition faite à

  6   l'assemblée générale nationale- et le quorum était bien 50 plus 1.

  7   M. Fila (interprétation). – Le procès-verbal dont vous disposez

  8   a-t-il été rédigé de façon tout à fait légale ?

  9   M. Susa (interprétation). – Oui ;

 10   M. Fila (interprétation). – Les décisions du gouvernement

 11   étaient-elles toujours vérifiées par l'assemblée générale nationale ?

 12   M. Susa (interprétation). – Absolument. C'était obligatoire.

 13   M. Fila (interprétation). – J'aimerais maintenant que nous nous

 14   penchions plus en détail, sur les points qui apparaissent sur ce document.

 15   Regardez la page 2, notamment. Reprenez, point par point, ce qui apparaît

 16   sur ce document. Que veut dire le premier point, par exemple ?

 17   M. Susa (interprétation). – Si la ville est libérée, et nous

 18   savions que dans la ville il y avait beaucoup de civils et de soldats

 19   serbes ou croates. Il y avait Zaca Vozic et également M. Petrovic. Ces

 20   personnes voulaient absolument rédiger une proclamation destinée aux

 21   citoyens demandant à ces personnes de se conformer à la loi et de

 22   maintenir la loi et l'ordre. Ils pensaient que c'était quelque chose qui

 23   allait aider la population.

 24   Puis au point 2, on voit qu'un des membres du gouvernement doit

 25   préparer un document portant sur l'opinion du gouvernement quant au fait


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  1   de recevoir une délégation de casques bleus.

  2   M. Fila (interprétation). – Attendez, nous n'avons pas fini avec

  3   le point 1. A-t-il été décidé que la proclamation serait faite et celle-ci

  4   devait-elle faire l'objet d'une vérification par le gouvernement ? Que

  5   veut dire le mot préparation qui apparaît dans ce point 1 ?

  6   M. Susa (interprétation). - Un délai était fixé pour toutes ces

  7   propositions. En conséquence, MM. Vozic et  Petrovic devaient absolument

  8   préparer la proclamation et proposer un projet de proclamation qui devrait

  9   être communiqué aux citoyens.

 10   M. Fila (interprétation). – Deviez-vous vérifier cette

 11   proclamation ? Je parle du gouvernement, devait-il vérifier la teneur de

 12   cette proclamation ?

 13   M. Susa (interprétation). – Oui.

 14   M. Fila (interprétation). – L'ont-ils fait le jour suivant ?

 15   M. Susa (interprétation). – Je ne m'en souviens pas.

 16   M. Fila (interprétation). – Nous en venons maintenant au

 17   point 2. Est-ce M. Zaca Vozic qui a préparé ce point-là ?

 18   M. Susa (interprétation). – A cette époque-là, nous avons

 19   discuté du besoin d'envoyer des forces neutres dans le secteur et je crois

 20   que c'est Goran Hadzic qui a tenu des entretiens préliminaires pour la

 21   mise en place d'une mission des Nations Unies dans le secteur.

 22   M. Fila (interprétation). – Quel était son objectif ?

 23   M. Susa (interprétation). – De stabiliser la situation dans la

 24   région et d'empêcher l'émergence de nouveaux conflits.

 25   M. Fila (interprétation). – Que signifie le point 3 ?


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  1   M. Susa (interprétation). – J'ai déjà précisé que, jusqu'alors,

  2   notre coopération avec la JNA avait été vraiment très difficile. La

  3   plupart du temps, nous discutions, nous nous mettions d'accord sur un

  4   certain nombre de choses. Mais rien n'était jamais mis en place sur le

  5   terrain au sein du gouvernement. Il y avait des personnes qui étaient très

  6   proches de certains représentants de la République de Serbie et elles

  7   pensaient pouvoir intervenir, afin d'améliorer les rapports avec la JNA.

  8   Elles espéraient, par le biais de cette intervention, que les personnes

  9   vivant dans le secteur recevraient l'autorisation de s'organiser de façon

 10   autonome et indépendante.

 11   M. Fila (interprétation). – Voulez-vous dire que ce n'est pas la

 12   situation qui prévalait, en tous cas jusqu'au 19 ?

 13   M. Susa (interprétation). – Ni avant, ni après le 19.

 14   M. Fila (interprétation). – Quand avez-vous, pour la première

 15   fois, mis en place une autorité civile ?

 16   M. Susa (interprétation). – Après la libération de Vukovar,

 17   peut-être un mois et demi après, un gouvernement exécutif a été mis en

 18   place par le biais d'un conseil exécutif qui, à l'époque, était présidé

 19   par M. Bibic. Jusqu'alors, nous avions été dans le cadre d'une structure

 20   militaire, mise en place par les représentants de la JNA. Avant cela, nous

 21   avions un projet assez peu précis, un projet pour la ville d'Ilok qui, à

 22   l'époque, était tout à fait sous le contrôle de la JNA.

 23   M. Fila (interprétation). – Pouvez-vous répéter cela ? Vous

 24   dites que ni avant ni après le 19, il n'y avait de coopération avec les

 25   représentants de la Serbie ?


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  1   M. Susa (interprétation). – Oui, je vais me répéter, ni avant ni

  2   après le 19, il n'y a eu coopération avec les représentants de la

  3   République de Serbie et cela n'a jamais été le cas.

  4   M. Fila (interprétation). – Ralentissez, s'il vous plaît. Nous

  5   ne pouvons pas tout saisir. Je vais maintenant vous demander de nous

  6   apporter des explications sur le point 5 , parce qu'il n'est pas très

  7   clair.

  8   M. Susa (interprétation). – C'est la formulation d'un vœu, de

  9   certains besoins. En fait, rien n'a été fait, pour satisfaire ces besoins

 10   ou ce désir de…

 11   M. Fila (interprétation). – Fort bien. Regardez le point 3,

 12   celui-ci précise que Goran Hadzic demande certaines choses aux membres du

 13   gouvernement.

 14   M. Susa (interprétation). – C'était en fait une invitation à

 15   nous rendre à Vukovar le lendemain. C'était adressé à la plupart des

 16   membres du gouvernement, lesquels, pour la plupart, venaient de Vukovar,

 17   et ils étaient très impatients de pouvoir s'y rendre à nouveau, depuis

 18   bien longtemps. Ils voulaient absolument revoir leur maison et leurs amis.

 19   Cela m'intéressait aussi beaucoup, je voulais absolument assister à cet

 20   événement. Je ne suis pas de Vukovar, mais je voulais y assister. Un

 21   événement sans doute à caractère assez solennel.

 22   M. Fila (interprétation). – Comme vous pouvez le voir, on

 23   établit une distinction entre la nécessité pour les membres du

 24   gouvernement de se trouver à Vukovar, le mercredi, et la réunion du

 25   gouvernement qui est prévue pour le 22, à Beli Manastir. S'agit-il de deux


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  1   choses différentes ?

  2   M. Susa (interprétation). – Absolument. C'est très clair dans le

  3   texte. Le 22 novembre, il y a eu une réunion tout à fait officielle et

  4   régulière du gouvernement, conforme aux procédures décrites tout à

  5   l'heure. Tout le monde avait établi un rapport écrit sur les activités qui

  6   lui incombaient, et cette réunion n'avait rien à voir avec celles de

  7   Vukovar. Il me semble qu'à l'époque, nous nous étions tous faits une idée

  8   sur la situation que nous avions trouvée à Vukovar, et chacun savait que

  9   nous ne pourrions rien faire de concret, dans les circonstances qui

 10   prévalaient.

 11   M. Fila (interprétation). – Monsieur, seriez-vous d'accord pour

 12   dire que quelque soit la nature de la réunion qui s'est tenue à Vukovar,

 13   le 20 novembre n'était pas vraiment une réunion du gouvernement ?

 14   M. Susa (interprétation). – Ce n'était pas une réunion du

 15   gouvernement. Mais c'était un rassemblement des membres.

 16   M. Fila (interprétation). – Savez-vous si la majorité des ces

 17   membres était présente ?

 18   M. Susa (interprétation). – Ils n'étaient pas tous présents,

 19   mais la majorité était là.

 20   M. Fila (interprétation). – Quand êtes-vous arrivé à Vukovar

 21   exactement ?

 22   M. Susa (interprétation). – Je crois que nous sommes arrivés

 23   depuis Belgrade vers 10 heures et demi.

 24   M. Fila (interprétation). – Pourquoi vous êtes-vous rendu à

 25   Vukovar ?


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  1   M. Susa (interprétation). - Nous pouvions nous trouver sur place

  2   tous ensemble. Nous nous sommes retrouvés à Velepromet, nous nous y sommes

  3   retrouvés vers midi, et c'est ce que Goran Hadzic nous avait demandé de

  4   faire. Goran Hadzic savait que nous arrivions de lieux différents, mais

  5   nous étions supposés nous retrouver tous à midi à l'entreprise Velepromet.

  6   M. Fila (interprétation). - A quelle heure êtes-vous entré dans

  7   l'enceinte de l'entreprise Velepromet ?

  8   M. Susa (interprétation). - Je suis arrivé à Vukovar vers

  9   10 heures et demie et je ne n'ai pas pu résister à la tentation. Un de mes

 10   collègues qui nous avait accompagnés sur le trajet, nous a proposé d'aller

 11   voir ce qui restait de sa maison. En fait, il n'en restait rien. Il

 12   fallait que nous fassions très attention lors de nos déplacements dans la

 13   ville, parce qu'elle était dans un état absolument lamentable. A un moment

 14   donné, je me souviens même, que nous avons dû faire un détour en raison

 15   des cadavres qui gisaient sur le sol.

 16   Nous avons vu beaucoup de bâtiments détruits, il y avait des

 17   débris partout et nous avons dû aussi traverser un secteur qui devait être

 18   miné. Nous savions tout cela, mais nous voulions absolument accompagner ce

 19   collègue et nous avons atteint l'emplacement de sa maison, nous y avons

 20   passé un moment et lui, bien sûr, était désespéré. Il s'appelle

 21   Nikola Verpa. Ensuite, nous sommes retournés vers Velepromet en passant

 22   par le chemin que nous avions emprunté à l'aller et nous avons dû y

 23   arriver vers midi moins le quart, moins dix.

 24   M. Fila (interprétation). - A quelle heure avez-vous vu

 25   M. Dokmanovic, si vous l'avez vu ce jour-là ?


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  1   M. Susa (interprétation). - J'ai vu Slavko Dokmanovic lorsque je

  2   suis arrivé dans la cour de l'entreprise Velepromet, il était accompagné

  3   par des personnes que je n'avais jamais vues auparavant. Il ne s'agissait

  4   pas de membres du gouvernement. Je ne sais pas si elles venaient de

  5   Vukovar. Je le répète, je ne vivais pas à Vukovar.

  6   M. Fila (interprétation). - Slavko Dokmanovic était-il présent à

  7   cette réunion ?

  8   M. Susa (interprétation). - Oui.

  9   M. Fila (interprétation). - Il était présent pendant toute la

 10   durée de la réunion pour autant que vous vous en souveniez ?

 11   M. Susa (interprétation). - Je crois que c'était le cas, oui.

 12   M. Fila (interprétation).- Y avait-il un ordre du jour pour

 13   cette réunion ou y a-t-il eu un procès-verbal de cette réunion ?

 14   M. Susa (interprétation). - Nous pensions que l'atmosphère de la

 15   réunion serait bien meilleure que cela n'a été le cas, et nous espérions

 16   pouvoir en tirer des conclusions satisfaisantes. La ville et la population

 17   étaient dans un tel état, que nous étions très déprimés et catastrophés

 18   par ce que nous avions vu. L'état de la ville et de la population étaient

 19   vraiment désespérants.

 20   Aucun des membres du gouvernement n'a ouvert la réunion, en

 21   fait, c'est un officier peut-être un lieutenant-colonel, je crois qu'il

 22   s'appelait Vojnovic, qui a ouvert la réunion et officiellement, c'est lui

 23   qui a présidé la réunion. Il était assis à la table ou peut-être était-il

 24   debout devant nous et nous, nous étions assis comme je suis assis ici,

 25   aujourd'hui, devant vous, en rang.


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  1   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, peut-être le

  2   moment est-il venu de faire une pause ? Souhaitez-vous que je poursuive ?

  3   M. le Président (interprétation). - Nous allons prendre une

  4   pause de 20 minutes.

  5   (La séance est levée à 15 heures 30 et reprend à 16 heures 55)

  6   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, je demanderai

  7   qu'on montre au témoin la pièce à conviction de la défense 92 qui est une

  8   cassette vidéo, et qu'on lui montre les images relatives au lieu de

  9   Velepromet. Nous lui demanderons s'il reconnaît les personnes. Ce sera une

 10   séquence très brève.

 11   (Projection de la cassette vidéo)

 12   M. Fila (interprétation).- Si vous voyez Slavko Dokmanovic,

 13   faites-le nous savoir.

 14   M. Susa (interprétation). - Je le vois.

 15   M. Fila (interprétation). - Qui vous voyez-vous encore ?

 16   Vlado Leskovac, Vlado Kosic.

 17   M. Fila (interprétation). - Est-ce le moment qui précède la

 18   réunion ?

 19   M. Susa (interprétation). - Oui. Goran Hadzic,

 20   Zeljko Raznjatovic Arkan, Ljubo Mudrinic, Slavko Dokmanovic, Ducan Hadzic,

 21   Vlado Kocic...

 22   M. Fila (interprétation). -  Cela suffira.

 23   M. Susa, reconnaissez-vous que c'est bien la journée du 20, le

 24   jour où vous êtes allé à Vukovar ?

 25   M. Susa (interprétation). - Oui, par les images que j'ai vues


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  1   sur cette cassette vidéo, on peut dire que c'est bien cette journée-là.

  2   M. Fila (interprétation). - Etes-vous sur qu'il s'agit bien du

  3   20 ? Vous n'avez pas besoin de voir le reste de la vidéo ?

  4   M. Susa (interprétation). - Je suis sûr, je vois bien quelle est

  5   l'apparence des hommes en question ce jour-là et c'est ce que j'ai dit

  6   tout à l'heure.

  7   M. Fila (interprétation). - Vous avez dit tout à l'heure que la

  8   réunion avait été prévue à 12 heures, or sur la cassette vous voyez qu'il

  9   est 13 heures 57 et que la réunion n'a pas encore commencé. A quelle heure

 10   a-t-elle commencé ?

 11   M. Susa (interprétation). - Le regroupement était prévu à

 12   l'heure que j'ai indiquée, mais la réunion a débuté avec un assez grand

 13   retard, parce qu'au départ nous avons attendu M. Hadzic, et lorsqu'il est

 14   arrivé, la réunion n'a pas commencé tout de suite, parce que nous

 15   cherchions à savoir qui pouvait nous permettre d'entrer dans le bâtiment

 16   de Velepromet, donc tout cela a duré jusqu'à environ 14 heures, heure à

 17   laquelle un homme s'est présenté dont je crois, et j'espère ne pas me

 18   tromper, qu'il s'agit du lieutenant-colonel Vojnovic.

 19   M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous nous dire de quoi il a

 20   été question à cette réunion ?

 21   M. Susa (interprétation). - Excusez-moi, j'aimerais qu'on

 22   éteigne le monitor devant moi, cela me déconcentre.

 23   Pourriez-vous répéter la question ?

 24   M. Fila (interprétation). - Quand vous êtes entré dans la salle

 25   de réunion, vous avez déclaré avant la pause que le colonel vous a dit où


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  1   vous pouviez vous asseoir. Pouvez-vous expliquer qui était assis, à quel

  2   endroit ?

  3   M. Susa (interprétation). - Ce n'est pas lui qui nous a donné

  4   nos places au sens strict du terme, nous sommes entrés dans la salle et

  5   lui s'est immédiatement assis à une table qui se trouvait dans cette

  6   salle. Ensuite, nous nous sommes assis sur des bancs et des chaises qui

  7   étaient rangés un peu comme dans une école. Au premier rang, il y avait

  8   M. Hadzic, ainsi que Zeljko Raznjatovic Arkan, moi aussi j'étais assis

  9   quelque part dans le premier rang, mais sur leur droite, et chacun a pris

 10   une place sans ordre particulier, chacun a choisi librement sa place.

 11   M. Fila (interprétation). - Est-il permis de dire que le colonel

 12   s'est assis comme l'aurait fait un professeur ? Autrement dit, êtes-vous

 13   d'accord pour admettre qu'il a conduit cette réunion ?

 14   M. Susa (interprétation). - En fin de compte, c'est bien lui qui

 15   a mené cette réunion, nous ne pouvions pas pénétrer dans le bâtiment sans

 16   son autorisation. C'est ce qu'il a dit, il a affirmé qu'il avait un peu de

 17   temps à sa disposition, qu'il pouvait discuter avec nous et que si nous

 18   avions une suggestion, une proposition il pouvait nous entendre.

 19   M. Fila (interprétation). - De quoi a-t-il été question à cette

 20   réunion ?

 21   M. Susa (interprétation). - Certains des participants qui

 22   estimaient avoir quelques connaissances au sujet de la doctrine militaire

 23   et qui, il est vrai, avaient déjà parlé précédemment de la façon dont

 24   Vukovar se libérait, en disant que c'était une façon insatisfaisante, ont

 25   eu l'occasion de prendre la parole pour le dire.


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  1   Je ne suis pas sûr, mais je crois que M. Pavo Nedic a violemment

  2   protesté contre la situation dans la ville de Vukovar et je dois vous dire

  3   que je ne pouvais que le soutenir, car j'ai été très choqué également. Il

  4   y avait aussi un homme qui avait été très ému, très impressionné par tout

  5   ce qu'il avait vu dans les rues, dans la ville. C'était un humaniste,

  6   Hadzic, qui a parlé de la nécessité urgente d'assainir la situation de

  7   façon à permettre aux personnes qui habitaient dans la ville d'y vivre

  8   dans des conditions satisfaisantes.

  9   Ensuite, M. Dokmanovic a pris la parole pour parler de la

 10   nécessité d'organiser au plus vite les approvisionnements en divers

 11   articles nécessaires à la population, et d'organiser les moissons pour

 12   l'année suivante. J'ai déjà dit, lorsque j'ai parlé avec l'enquêteur du

 13   tribunal, et c'est une impression qui me restera toujours, que cette

 14   intervention de M. Dokmanovic à ce moment-là m'a paru assez irréaliste,

 15   assez en dehors du cadre de la situation que nous vivions tous à ce moment

 16   là. Cependant, je peux comprendre qu'il agissait de façon très

 17   professionnelle ce jour-là et tenait à dire que sans intervention de

 18   l'agriculture, nous ne parviendrions jamais à rétablir les conditions

 19   minimales nécessaires pour cette région et pour la ville en particulier ;

 20   et nous ne pourrions pas permettre aux personnes de vivre mieux.

 21   M. Fila (interprétation).- Etes-vous sûr que Paja Nedic était

 22   présent à cette réunion ou avez-vous fait une confusion ?

 23   M. Susa (interprétation).- J'ai déjà dit que je n'étais pas sûr

 24   qu'il s'agissait de Paja Nedic. En tout cas, un participant, d'ailleurs il

 25   y a plusieurs participants qui ont parlé de ce sujet, mais un l'a dit avec


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  1   beaucoup plus d'expression que les autres ; il a dit que l'armée dans

  2   cette opération qui avait duré plusieurs mois avait fait de la merde.

  3   Monsieur Vojnovic n'a rien trouvé à répondre, il a déclaré que

  4   cette doctrine était celle qui avait été choisie par l'armée et qui avait

  5   provoqué un nombre minimum de victimes, je suppose qu'en parlant de

  6   victime il pensait à l'armée populaire yougoslave. Il a également dit

  7   qu'un grand nombre de personnes se voyait dans l'obligation de trouver un

  8   logement le plus rapidement possible, parce que les civils étaient tous

  9   sortis de leur cave dans la ville. Il s'agissait de serbes et de civils

 10   qui avaient tout simplement survécu à tout ce qui était arrivés dans la

 11   ville les derniers mois. Tout cela n'était pas uniquement le fait de

 12   l'action de l'armée populaire yougoslave. Il y avait aussi des comptes

 13   personnels qui s'étaient réglés. Des personnes s'étaient séparées des

 14   unités de l'armée croate et, dans la ville, avaient provoqué des

 15   atrocités. Les cadavres que j'ai vus dans la ville n'étaient pas serbes ou

 16   croates, c'étaient des cadavres de personnes qui étaient mélangées.

 17   C'était des cadavres d'êtres humains. Tous mêlés les uns aux autres.

 18   M. Fila (interprétation). – Vous avez parlé de la réunion qui a

 19   duré une heure environ. Où vous êtes-vous rendu quelque temps après la

 20   réunion ?

 21   M. Susa (interprétation). – Dans la cour de Velepromet comme les

 22   autres participants de la réunion, nous attendions tous que le désordre

 23   que l'on pouvait voir dans la cour de Velepromet et dans la rue se dissipe

 24   un peu, parce qu'il y avait un très grand nombre de voitures et plusieurs

 25   autobus Qui transportaient des gens. Dans la rue, il n'y avait aucun ordre


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  1   et après une demi-heure, nous avons réussi à nous infiltrer parmi ces

  2   voitures et nous avons pris la direction de Negoslavci.

  3   M. Fila (interprétation). – Monsieur Susa savez-vous quand

  4   M. Dokmanovic est parti ?

  5   M. Susa (interprétation). – Je n'ai pas fait particulièrement

  6   attention à lui, je ne sais pas s'il est parti avant moi. Mais

  7   aujourd'hui, s'il est nécessaire que je le dise, je l'ai vu plus tard

  8   devant moi.

  9   M. Fila (interprétation). – Quand l'avez-vous vu par la suite ?

 10   La réunion s'est achevée aux alentours de 15 heures ?

 11   M. Susa (interprétation). – Oui. Elle s'est achevé aux alentours

 12   de 15 heures. Je ne peux pas vous donner l'heure à la minute près. Je ne

 13   tiens pas à prendre ce genre de responsabilité. Mais après la fin de la

 14   réunion, je l'ai vu pour la première fois, près du village d'Orolik et je

 15   crois l'y avoir même revue plusieurs jours plus tard.

 16   M. Fila (interprétation). – Que s’est-il passé à Orolik pour que

 17   vous l'y revoyiez ?

 18   M. Susa (interprétation). – Devant Orolik, la colonne des

 19   automobiles dans laquelle se trouvait également ma voiture s'est arrêtée.

 20   A ce moment-là, je ne voyais rien de particulier. Mais mon chauffeur a vu

 21   que devant nous un incident était en train de commencé ou était en cours.

 22   Cet incident risquait de provoquer des conséquences néfastes et peut-être

 23   même des victimes. Mon chauffeur m'a dit cela et il a mentionné

 24   M. Dokmanovic. Il m'a dit qu'entre lui et un patrouilleur de l'armée qui

 25   se trouvait sur la route, une querelle avait éclaté et qu'en fait, ils en


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  1   étaient arrivés aux mains. Mon chauffeur est sorti de la voiture le

  2   premier, je suis sorti derrière lui, pour essayer de voir de quoi il

  3   s'agissait et faire en sorte que cet incident se règle. A ce moment-là,

  4   j'ai vu sur un espace assez restreint, Rade Leskovac, M. Dokmanovic et

  5   d'autres personnes que je ne connaissais pas et un grand nombre de

  6   policiers qui étaient assez agressifs. Je suppose qu'ils l'étaient, parce

  7   qu'ils étaient ivres et ils tenaient leur fusil pointé sur M. Dokmanovic

  8   et sur les autres hommes. Je pense que M. Leskovac ne s'est pas bien

  9   comporté en cette occasion. Il se tenait debout derrière M. Dokmanovic et

 10   le poussait pratiquement dans la direction de ces hommes qui,

 11   malheureusement, étaient imperméables à quelque influence orale ou encore

 12   plus physique. Ce qu'il fallait, c'était se retirer. C'est ce que j'ai dit

 13   à M. Dokmanovic et c'est un officier qui est arrivé sur les lieux et à

 14   ordonner que la route, soit ouverte qui a réglé le problème.

 15   M. Fila (interprétation). – Pouvez-vous nous dire quelle heure

 16   il était, à ce moment là ?

 17   M. Susa (interprétation). – Ce jour-là avait été très ensoleillé

 18   et il s'est terminé par un crépuscule avec un peu de brume, sans doute

 19   qu'il y avait eu pas mal d'évaporation. Quand j'ai vu M. Dokmanovic le

 20   soleil avait déjà disparu et on peut parler déjà de crépuscule. Après

 21   notre passage par Orolik, lorsque nous sommes arrivés à Banovac, le

 22   village suivant, à 4 ou 5 kilomètres de distance, nous étions déjà en

 23   phares.

 24   M. Fila (interprétation). – Mais vous ne vous rappelez pas de

 25   l'heure qu'il était ?


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  1   M. Susa (interprétation).– Disons qu'il était aux alentours de

  2   17 heures. Mais permettez-moi une erreur de quelques minutes en plus ou en

  3   moins.

  4   M. Fila (interprétation). – Ma dernière question est la

  5   suivante : vous rappelez-vous comment était vêtu Slavko Dokmanovic ?

  6   M. Susa (interprétation). – Il portait un uniforme qui se

  7   distinguait de mon uniforme et des autres uniformes similaires que nous

  8   portions. Le sien ressemblait à celui que je possédais avant la guerre et

  9   que j'utilisais pour la chasse. Il était en deux parties, et je crois

 10   qu'il avait un gilet avec les mêmes motifs.

 11   M. Fila (interprétation). – C'est le gilet avec espaces réservés

 12   aux balles ?

 13   M. Susa (interprétation). – Oui, c'est cela.

 14   M. Fila (interprétation). – Merci M. Susa. Je n'ai plus de

 15   question à vous poser.

 16   M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Williamson ?

 17   M. Williamson (interprétation). – M. Susa. Vous rappelez-vous

 18   avoir fait une déclaration devant M. Waespi à Belgrade ? Les 10 et

 19   11 janvier 1998 ?

 20   M. Susa (interprétation). – Oui. J'ai fait une déclaration.

 21   M. Williamson (interprétation). – Cette déclaration a-t-elle

 22   était annotée en anglais et vous a-t-elle été lue par la suite, en Serbe ?

 23   M. Susa (interprétation). – Oui.

 24   M. Williamson (interprétation). – Avez-vous ensuite signée cette

 25   déclaration attestant sa véracité et son exactitude ?


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  1   M. Susa (interprétation). – Oui.

  2   M. Williamson (interprétation). – J'aimerais vous présenter un

  3   document qui sera enregistré comme pièce à conviction de l'accusation 206.

  4   Cette déclaration a bien été recueillie dans le cabinet de

  5   maître Fila ?

  6   M. Susa (interprétation). - D'une certaine façon, oui. Le

  7   premier jour, nous étions dans le bâtiment du Conseil exécutif fédéral où

  8   se trouve, je crois, vos bureaux et, le lendemain, dans le cabinet de

  9   M. Fila.

 10   M. Williamson (interprétation). – Reconnaissez-vous votre

 11   signature sur ce document ?

 12   M. Fila (interprétation). – Monsieur le Président, ce n'est pas

 13   la même chose que la dernière fois. M. Waespi nous a remis cette

 14   déclaration cette fois-ci.

 15   M. le Président (interprétation). - Merci.

 16   M. Susa (interprétation). - Sur toutes les pages de ce document

 17   que vous m’avez remis, je reconnais ma signature.

 18   M. Williamson (interprétation). - Très bien. Je demande le

 19   versement de ce document en tant que pièce à conviction de l’accusation

 20   N° 206.

 21   Monsieur Susa, quand le gouvernement du district serbe de

 22   Slavonie, de Baranja et du SREM occidental a-t-il été créé ?

 23   M. Susa (interprétation). - Les premiers pourparlers au sujet de

 24   ce gouvernement ont commencé au début du mois d’août 1991. J'étais à

 25   Belgrade où je subissais encore des soins. Puis, il y a eu des discussions


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  1   un peu plus intenses sur le même sujet le 18 août de la même année, et le

  2   gouvernement a été créé effectivement en septembre de cette même année

  3   devant l'assemblée populaire suprême.

  4   M. Williamson (interprétation). - Le gouvernement a donc été

  5   créé en septembre, et le document qui mettait en place les ministres de ce

  6   gouvernement était donc le premier document officiel de ce gouvernement,

  7   n'est-ce pas ?

  8   M. Susa (interprétation). - Oui.

  9   M. Williamson (interprétation). - Pendant la période qui va de

 10   septembre à décembre, les personnes qui détenaient ces postes ministériels

 11   ont-elles changé ou sont-elles restées les mêmes ?

 12   M. Susa (interprétation). - Je crois que dans cette période,

 13   nous n'avons vécu qu'une seule situation marquée par un changement. C'est

 14   après la démission de M. Ilija Koic, qui était ministre de la Défense et

 15   qui a été remplacé par son adjoint, M. Gradlovic.

 16   M. Williamson (interprétation). - Comment M. Koic, le ministère

 17   de la défense, a-t-il été blessé ? Dans quelles circonstances ?

 18   M. Susa (interprétation). - Pour autant que je le sache, il

 19   circulait en voiture dans la direction de Vukovar et traversait un des

 20   villages majoritairement serbes. Il y a eu une attaque, son véhicule tout

 21   terrain a été frappé par un lance-missiles qu'on appelait Zolja et, à

 22   cette occasion, il a été blessé, assez grièvement d’ailleurs.

 23   M. Williamson (interprétation). - Aviez-vous, en tant que

 24   ministre de la justice, un adjoint ?

 25   M. Susa (interprétation). - Oui, j’avais un adjoint et plusieurs


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  1   assistants.

  2   M. Williamson (interprétation). - Combien d'assistants

  3   aviez-vous au total, si vous vous en souvenez ?

  4   M. Susa (interprétation). - Bien sûr, je m'en souviens. J'avais

  5   trois assistants sans compter l'adjoint. Il est bien connu que la fonction

  6   de l’adjoint consiste à m’aider au plus près et à me remplacer quand je

  7   suis absent. Il y avait en outre un secrétaire du ministère qui réglait

  8   tous les problèmes de personnel et organisait le travail d'une certaine

  9   façon à l’intérieur de ministère, et il y avait des assistants pour la

 10   justice, l'administration et la sanction des actes criminels.

 11   M. Williamson (interprétation). - C'était la même chose pour les

 12   autres ministères ? Y avait-il aussi des adjoints, des assistants et des

 13   secrétaires dans les autres ministères ?

 14   M. Susa (interprétation). - Malheureusement, je dois dire qu'un

 15   certain nombre de ministres n'avaient pas de conditions leur permettant de

 16   nommer des adjoints. Ils avaient donc plutôt des assistants. Certains

 17   avaient des adjoints, mais la majorité des ministres avaient des

 18   assistants sans avoir d'adjoint.

 19    M. Williamson (interprétation). - Vous rappelez-vous quelle

 20   était la situation de M. Dokmanovic au ministère de l’agriculture ?

 21   Avait-il un adjoint, des assistants ? Combien de personnes avait-il dans

 22   son entourage, s'il en avait ?

 23   M. Susa (interprétation). - Je ne me rappelle pas exactement

 24   comment était organisé le ministère de M. Dokmanovic sur le plan du

 25   personnel, mais il avait un certain nombre de spécialistes qui


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  1   l'entouraient.

  2   M. Williamson (interprétation). - Savez-vous ce qu'était le

  3   Conseil national serbe ? Quelle était cette organisation ?

  4   M. Susa (interprétation). - C'était l'organisation au sujet de

  5   laquelle je sais ce que j'ai déjà dit, à savoir qu'elle a été créée par

  6   des Serbes influents qui venaient du territoire de la Croatie avec

  7   également des Serbes qui venaient de Serbie, de Bosnie-Herzégovine, du

  8   Monténégro et même d'Allemagne, de Suisse, des Pays-Bas, etc. Je crois

  9   qu'il y avait une soixantaine de personnes représentées dans ce conseil.

 10   M. Williamson (interprétation). -  Ce conseil a-t-il été créé à

 11   Serba, à Knin en juillet 1990, n'est-ce pas ?

 12   M. Susa (interprétation). - Je dois vous dire qu'à cette époque,

 13   je n'étais pas très engagé du point de vue de la question serbe sur le

 14   plan politique parce que je remplissais mes fonctions de Procureur très

 15   sérieusement en Croatie. Il y a donc un certain nombre de détails

 16   controversés quant à la date exacte de la création de ce Conseil national

 17   serbe et également quant à l’identité de ceux qui l'ont créé parce que pas

 18   mal de gens ont prétendu ensuite avoir joué un rôle influent dans cette

 19   création.

 20   Mais je crois que s'agissant de la date que vous venez

 21   d'évoquer, c'est celle qui est le plus généralement reconnue comme date de

 22   création du Conseil.

 23   M. Williamson (interprétation). - Je parlais du Conseil national

 24   serbe créé à Serba-Knin mais, plus tard, un conseil a été créé pour la

 25   Slavonie orientale, la Baranja et le SREM occidental, n’est-ce pas ?


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  1   Pouvez-vous nous répondre, si vous le savez ?

  2    M. Susa (interprétation). - C'est ce que j'ai entendu dire,

  3   mais je n’ai participé aux travaux ni de l'un ni de l'autre de ces

  4   conseils.

  5   M. Williamson (interprétation). - Le Conseil national serbe

  6   a-t-il joué un rôle dans la création des organes gouvernementaux du

  7   district serbe de Slavonie, Baranja et SREM occidental ? A-t-il joué un

  8   rôle dans la création de l'assemblée nationale et du gouvernement de

  9   district ?

 10   M. Susa (interprétation). - D'une certaine façon, oui, parce que

 11   le conseil a donné l'idée de la façon dont les choses devraient être

 12   organisées ou, pour être plus précis, j’ajouterai que le Conseil national

 13   serbe ne fonctionnait pas à ce moment-là comme un organe organisé en tant

 14   que tel, mais se composait d'un certain nombre d'individus qui se

 15   présentaient comme membres du conseil national serbe et comme promoteurs

 16   d'une idée faisant ressortir la nécessité de créer un organe susceptible

 17   d’organiser et de gérer la vie des citoyens sur un territoire déterminé.

 18   M. Williamson (interprétation). - Serait-il donc permis de dire

 19   que c'était plutôt un organe consultatif qui servait à produire les idées

 20   reprises ensuite par le gouvernement ?

 21   M. Susa (interprétation). - C'est cela.

 22   M. Williamson (interprétation). - Vous avez joué un rôle

 23   important dans la rédaction des lois et règlements que nous avons vus et

 24   qui permettaient à ce gouvernement d'agir, n'est-ce pas ?

 25   M. Susa (interprétation). - Dans un certain sens, oui. C'est de


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  1   moi que partaient les initiatives et les propositions concrètes qui

  2   étaient ensuite adoptées à l'assemblée générale et ensuite mises en

  3   oeuvre, mais je dois vous dire que j’avais pas mal de critiques.

  4   M. Williamson (interprétation). - De façon générale, le

  5   gouvernement était organisé de façon très précise. Il y avait un rôle bien

  6   précis qui était dévolu à chacun des postes, n'est-ce pas ?

  7   M. Susa (interprétation). - Sur le papier, oui.

  8   M. Williamson (interprétation). - Pouvez-vous me dire quel était

  9   le rapport existant entre le gouvernement du district serbe et celui de la

 10   république de Croatie, s’il y avait un rapport ? Y avait-il des contacts

 11   entre ces deux instances ?

 12   M. Susa (interprétation). - Dans cette période, il n'y avait

 13   aucun contact, je ne parle même pas de contact satisfaisant. A la mi1992,

 14   lorsque nous avons exprimé le désir d'établir des rapports très

 15   satisfaisants avec le gouvernement croate, un certain nombre de personnes

 16   et moi en particulier l'avons payé politiquement.

 17   M. Williamson (interprétation). - Mais cela s'est passé beaucoup

 18   plus tard. Vous avez parlé de 1992, n’est-ce pas ?

 19   M. Susa (interprétation). - Oui, c’était au moment de

 20   l'unification des trois régions serbes en une seule région unifiée, qui

 21   s'appelle la Krajina.

 22   M. Williamson (interprétation). - Dans cette période en 1991, au

 23   moment du conflit, votre gouvernement a-t-il accepté des décisions prises

 24   par le gouvernement croate eu égard à la région relevant de votre

 25   contrôle ?


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  1   M. Susa (interprétation). – Non, nous ne respections pas ses

  2   décisions.

  3   M. Williamson (interprétation). - Je suppose donc qu'il n'y

  4   avait aucun moyen pour le gouvernement croate de vous forcer à mettre en

  5   oeuvre ses décisions sur le territoire relevant de votre contrôle ?

  6   M. Susa (interprétation). – Dans la période dont vous parlez, il

  7   n'y avait aucune possibilité de mettre en oeuvre ces décisions.

  8   M. Williamson (interprétation). - Alors que la bataille faisait

  9   rage aux alentours de Vukovar, le gouvernement se réunissait régulièrement

 10   à Erdut, c'est bien cela ?

 11   M. Susa (interprétation). – Oui.

 12   M. Williamson (interprétation). - Des réunions se tenaient-elles

 13   dans d'autres endroits ?

 14   M. Susa (interprétation). – Les réunions se tenaient

 15   principalement en deux  lieux, Erdut ou Beli Manastir. Je ne me rappelle

 16   pas exactement, mais il est possible qu'il y en ait eu une qui se soit

 17   tenue à Ilok, mais je n’en suis pas sûr.

 18   M. Williamson (interprétation). - Les réunions se

 19   déroulaient-elles une fois à Erdut, la fois d'après à Beli Manastir et la

 20   fois d’après à Erdut ou y avait-il un ordre particulier ?

 21   M. Susa (interprétation). – Non, nous ne sommes pas parvenus à

 22   cela bien que certains souhaitaient mettre sur un pied d'égalité les

 23   droits de la Baranja d’un côté, de la Slavonia et de la Srem de l'autre,

 24   grâce à ces deux lieux. Cela aurait été symbolique mais, malheureusement,

 25   il y avait une grande distance entre les deux et ouvrir la route qui


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  1   séparait un endroit de l’autre était trop difficile pour que nous

  2   puissions nous réunir une fois dans un endroit et la fois suivante dans

  3   l’autre.

  4   M. Williamson (interprétation). – Quelle était la fréquence des

  5   réunions ?

  6   M. Susa (interprétation). – Pour l'essentiel, elles se tenaient

  7   une fois par semaine, quelquefois plus souvent, quelquefois moins souvent.

  8   Mais eu égard à la problématique dont nous avons discuté, donc en fonction

  9   de la problématique dont nous avions à discuter et en fonction des

 10   événements, il pouvait nous arriver de nous réunir même deux fois par

 11   semaine, mais ce qui était régulier, c’était une réunion par semaine.

 12   M. Williamson (interprétation). – Vous avez indiqué à M. Waespi

 13   dans la déclaration qu’il a recueillie de vous qu’il était normal pour des

 14   commandants de l’armée de se présenter devant le gouvernement pour y faire

 15   rapport, n'est-ce pas ?

 16   M. Susa (interprétation). – Oui, mais pas pour tout. Il y avait

 17   des commandants militaires qui organisaient de façon très disciplinée la

 18   discipline de leur secteur et ces commandants venaient régulièrement à

 19   Erdut pour nous informer de la situation dans leur village. Or, la

 20   situation était très négative, au moins sur le plan sanitaire.

 21   Nous organisions l'aide médicale et nous mettions en oeuvre les

 22   moyens pour empêcher la propagation de certaines maladies en particulier

 23   la paralysie triralice (?).

 24   M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous dites qu'ils

 25   venaient à Erdut, assistaient-ils aux réunions gouvernementales ?


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  1   Informaient-ils les membres du gouvernement de la situation dans leur

  2   région ?

  3   M. Susa (interprétation). - Le principe était que, ces hommes

  4   informaient les ministres de la situation. S'ils estimaient que la

  5   situation était tout à fait urgente et qu'il y avait nécessité d'en

  6   informer directement les membres du gouvernement, ils le faisaient. Le

  7   plus souvent, ils étaient assis au cours des réunions et écoutaient ce qui

  8   se passait au sein du gouvernement.

  9   Nous pensions que c'était utile pour l'opinion publique, parce

 10   que quand ils retournaient dans leurs villages, ils informaient les

 11   habitants de ce qui se passait, de ce dont nous avions discuté et de ce

 12   qui se préparait.

 13   M. Williamson (interprétation). - Si j'ai bien compris, ces

 14   dirigeants militaires venaient vous voir parce qu'ils leur manquaient

 15   parfois des hommes. Ils vous demandaient de déplacer des hommes qui

 16   travaillaient dans l'agriculture ou l'industrie pour les verser à des

 17   tâches militaires, est-ce exact ?

 18   M. Susa (interprétation). - Oui. Dans certains villages, ce

 19   danger d'affrontement avec la partie adverse était un danger intense et

 20   quotidien. Dans certains villages tels de Mirkovci, Karadzicevo et Tenja,

 21   des habitants mourraient tous les jours. Leur nombre se réduisait et il

 22   fallait toujours assurer la défense des personnes qui étaient restées dans

 23   leur maison. Il fallait les défendre et les protéger à tout prix.

 24   M. Williamson (interprétation). - Vous avez également indiqué à

 25   M. Waespi que les commandants locaux avaient deux supérieurs : la JNA, qui


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  1   les approvisionnait en nourriture et leur donnait leur solde, et les

  2   autorités locales. S'ils n'arrivaient pas à s'entendre avec leurs

  3   supérieurs militaires, ils se tournaient vers nous pour régler leur

  4   problème. C'est ce que vous avez dit.

  5   Monsieur le Président, cela se trouve en page 4, paragraphe

  6   central.

  7   Est-ce ce que vous avez dit ?

  8   M. Susa (interprétation). - Je me rappelle bien ce que j'ai dit

  9   à M. Waespi. Ce que j'ai déclaré est effectivement exact, mais je vous

 10   prie d'interpréter correctement le moment et ce qui nous était demandé.

 11   Ils ne nous demandaient jamais de décisions concrètes parce

 12   qu'ils savaient que, malheureusement, nous ne pouvions pas en prendre. Ils

 13   nous demandaient simplement de continuer à arbitrer leurs relations avec

 14   les représentants de l'armée.

 15   M. Williamson (interprétation). - La Défense territoriale vous

 16   concevait donc comme quelqu'un qui était apte à assurer la médiation entre

 17   elle et la JNA pour tenter de résoudre certains des problèmes qui se

 18   posaient ?

 19   M. Susa (interprétation). - J'ai parlé d'un certain nombre de

 20   commandants locaux qui avaient cette impression. Il y en a d'autres qui ne

 21   nous ont jamais rien demandé et à qui nous n'étions pas nécessaires.

 22   M. Williamson (interprétation). - Vous avez examiné un document

 23   qui, je crois, a été versé au dossier en tant que pièce à conviction 113

 24   de la défense. C'est la décision d'intégrer la Défense territoriale du

 25   district serbe de Slavonie, Baranja et Srem occidentale aux forces armées


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  1   de la République fédérale socialiste de la Yougoslavie.

  2   Lorsqu'il s'agit de la Défense territoriale du district serbe,

  3   que cela signifie-t-il ? Y avait-il un commandement unifié ou parlons-nous

  4   simplement des différentes unités de la Défense territoriale dans les

  5   différents villages ? Pourriez-vous expliciter ce fait ?

  6   M. Susa (interprétation). - Je crois que je peux vous décrire

  7   cela de façon assez simple. Malheureusement, rien n'était suffisamment

  8   bien organisé pour constituer un commandement conjoint unifié. Il y avait

  9   ces tours de gardes dans les villages qui avaient été établis précédemment

 10   et qui s'étaient armés au cours de cette période. Cela dépendait de la

 11   taille du village, de la personnalité des personnes qui s'imposaient en

 12   tant que commandants. C'est de cela que dépendait le fonctionnement de la

 13   Défense territoriale, mais il arrivait souvent que les membres de la

 14   Défense territoriale maltraitent les villageois qui habitaient dans tel ou

 15   tel village.

 16   M. Williamson (interprétation). - Quel était le rôle du Ministre

 17   de la Défense, M. Kolic ? Avait-il un rôle quelconque pour la coordination

 18   de ces diverses unités de la Défense territoriale ?

 19   M. Susa (interprétation). - J'apporte une correction, c'est

 20   M. Ilija Koic dont vous voulez parler. Son rôle était particulièrement

 21   difficile et il n'a pas réussi à faire ce qu'il voulait et ce jusqu'à la

 22   fin.

 23   M. Williamson (interprétation). - Lorsque la décision a été

 24   prise de déléguer la compétence de la gestion de la Défense territoriale à

 25   la JNA, comment cette décision a-t-elle été communiquée aux diverses


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  1   unités de la Défense territoriale ?

  2   M. Susa (interprétation). - Peut-être par le biais des médias.

  3   Je ne sais pas si au Ministère de la Défense des notes ont été rédigées et

  4   envoyées aux différents villages. Je crois que ce sont les chaînes locales

  5   de radio et de télévision qui ont diffusé la nouvelle que cette décision

  6   avait été votée. J'ai appris que par la suite, des personnes de la JNA ont

  7   commencé à confisquer les armes de ces unités et les ont placées de force

  8   sous leurs ordres, les unités qui, autrefois, disposaient de leur propre

  9   commandant.

 10   M. Williamson (interprétation). - Dans le cadre de

 11   l'interrogatoire principal, vous avez déclaré que M. Ilija Koncarevic

 12   avait décidé, en coopération avec les autorités militaires, que toute

 13   personne portant une arme serait placée sous le contrôle de la JNA.

 14   Pourquoi M. Koncarevic a-t-il été désigné pour mener à bien ces

 15   entretiens avec la JNA ?

 16   M. Susa (interprétation). - C'étaient des entretiens assez

 17   difficiles à mener et ce pour deux raisons : tout d'abord, il y avait la

 18   question de savoir si l'armée allait être d'accord pour prendre en charge

 19   l'organisation de ce qui n'était que quelque chose de complètement

 20   informel ; d'autre part, il fallait expliquer à la population pourquoi ils

 21   seraient placés sous le commandement de la JNA à l'avenir.

 22   Auparavant, M. Koncarevic était un officier très actif au sein

 23   de la JNA. Il avait un certain nombre de liens dans la JNA et de très bons

 24   amis. Du fait de son poste, il était Président de l'Assemblée nationale

 25   générale et, par conséquent, une décision politique de l'espèce dont nous


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  1   parlons était une décision particulièrement importante, et de par son

  2   poste, c'était la personne là mieux à même de réaliser cette tâche.

  3   M. Williamson (interprétation). - Au cours de la réunion du

  4   19 novembre d'Erdut, vous rappelez-vous si on a abordé d'autres choses que

  5   les points qui apparaissent dans le procès-verbal de cette réunion ?

  6   M. Susa (interprétation). - Pour être très franc, je ne me

  7   souviens pas de tous les points qui ont été abordés, je sais que la

  8   plupart des discussions portaient sur Vukovar et sur tout ce que nous

  9   avions pu apprendre quant à la situation à Vukovar. Nous avions appris

 10   qu'une véritable tragédie s'y était déroulée.

 11   M. Williamson (interprétation). - Vous avez déclaré que

 12   M. Goran Hadzic avait appris que les opérations militaires allaient être

 13   achevées le lendemain, savez-vous qui lui a dit cela ?

 14   M. Susa (interprétation). - Je ne sais pas qui le lui a dit.

 15   M. Williamson (interprétation). - Je sais que vous n'avez pas le

 16   procès-verbal sous les yeux, mais dans celui-ci, il est indiqué qu'il

 17   était nécessaire que les membres du gouvernement se trouvent à Vukovar,

 18   cela ne ressemble pas tellement à une invitation à participer à une

 19   réunion, c'est plus une indication que M. Goran Hadzic attend à ce que

 20   tout le monde soit là.

 21   M. Fila (interprétation). - Objection, Monsieur le Président.

 22   Maître Williamson, vous ne lisez pas précisément le procès-verbal, ce que

 23   vous dites n'y est pas stipulé, nulle part.

 24   M. Williamson (interprétation). - Je suis désolé, mais c'est ce

 25   qui apparaît dans la traduction et dans le compte-rendu, à savoir qu'il


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  1   est nécessaire que les membres du gouvernement soient présents.

  2   M. le Président (interprétation). - Vous avez dit "nécessaire",

  3   effectivement.

  4   M. Fila (interprétation). - Nécessaire et indispensable, mais

  5   dans le procès-verbal il est indiqué "nécessaire" ; maintenant, ajouter

  6   indispensable, c'est ajouter une nuance.

  7   M. Williamson (interprétation). - Je vais reformuler ma

  8   question, Monsieur le Président, si vous voulez ?

  9   M. le Président (interprétation). - Oui.

 10   M. Williamson (interprétation). - Il est indiqué qu'il est

 11   nécessaire que les membres du gouvernement soient présents à Vukovar, cela

 12   ne ressemble pas tellement à une invitation ?

 13   M. Fila (interprétation). - Qu'une chose soit bien claire, il y

 14   a un original, alors il n'y a qu'à lire l'original et le faire traduire

 15   très précisément.

 16   M. le Président (interprétation). - Maître Fila, je crois que

 17   M. Williamson lit le compte rendu des débats de cet après-midi ; c'est de

 18   cela qu'il s'inspire. C'est le témoin qui a dit précédemment qu'il était

 19   nécessaire que les membres du gouvernements soient là, je crois donc que

 20   M. Williamson est tout à fait en droit de poser cette question.

 21   M. le Président (interprétation). - Objection rejetée.

 22   Maître Williamson poursuivez.

 23   M. Williamson (interprétation). - Monsieur Susa, je vous demande

 24   la chose suivante, il est indiqué qu'il est nécessaire que les membres du

 25   gouvernement se trouvent à Vukovar. Selon moi, cela ne ressemble pas


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  1   tellement à une invitation, cela semble impliquer que les membres du

  2   gouvernement sont obligés de se trouver à cette réunion, on s'attend à ce

  3   que les ministres soient présents, ce n'est pas ce que vous pensez ?

  4   M. Susa (interprétation). - Oui, on s'attend à ce qu'ils soient

  5   présents. Nous voulions tous voir la ville, mais je dois préciser que

  6   lorsque Goran Hadzic disait à quelque qu'un que quelque chose était

  7   nécessaire, cela n'avait pas vraiment de forces contraignantes à l'égard

  8   de cette personne.

  9   M. Williamson (interprétation). - Vous avez indiqué que vous

 10   étiez arrivé à Vukovar vers 10 heures 30 du  matin et que vous étiez tout

 11   de suite allé voir la maison de cet ami avant de revenir vers Velepromet.

 12   Quelle était la situation qui y prévalait lorsque vous y êtes arrivé ?

 13   Qu'avez-vous pu observer ?

 14   M. Susa (interprétation). - La situation était assez confuse.

 15   C'était une journée très particulière pour tout le monde. On voyait encore

 16   des maisons flambées, il y avait une foule de gens là-bas. Les gens

 17   allaient et venaient, cela m'a donné cette impression, cette impression de

 18   confusion totale. Tout de suite après la fin de la réunion, j'ai eu une

 19   migraine terrible, des personnes allaient et venaient, elles portaient des

 20   uniformes militaires, il y avait également des femmes, des enfants, des

 21   hommes en civil, des personnes pleuraient, d'autres riaient. C'était comme

 22   un grand tableau de Jeronu Musdoc, si vous voyez ce que je veux dire,

 23   c'est d'ailleurs ce que j'ai déclaré à l'époque.

 24   M. Williamson (interprétation). - Vous avez vraiment été marqué

 25   par ces événements et cet incident, n'est-ce pas ?


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  1   M. Susa (interprétation). - Absolument, j'ai vraiment été

  2   marqué.

  3   M. Williamson (interprétation). - Lorsque la réunion a commencé

  4   à Velepromet, où s'est-elle tenue exactement ?

  5   M. Susa (interprétation). - Je ne connaissais pas assez bien les

  6   locaux de Velepromet, même aujourd'hui, je ne me souviens pas très bien

  7   des locaux. J'ai dû visiter l'entreprise une fois ou deux. On entre par

  8   cette porte, ensuite il y a un long couloir avec une autre porte et il y a

  9   une pièce qui n'a qu'une voie d'accès, une porte qui sert à la fois de

 10   porte d'entrée et de sorti, c'est là que ça s'est tenu.

 11   M. Williamson (interprétation). - Combien de personnes

 12   assistaient-elles à cette réunion au total ?

 13   M. Susa (interprétation). - Entre 25 et 30 personnes, je pense.

 14   M. Williamson (interprétation). - Quels étaient les ministres

 15   présents ?

 16   M. Susa (interprétation). - Ils étaient tous présents, voulez-

 17   vous que je les énumère ?

 18   M. Williamson (interprétation). - Donnez-nous le nom et les

 19   postes des ministres qui étaient présents.

 20   M. Susa (interprétation). - Il y avait Goran Hadzic, le Premier

 21   Ministre, Dr. Vladen Hadzic qui n'a rien avoir avec Goran Hadzic, lui

 22   était vice-premier ministre, puis M. Dokmanovic, Ministre de

 23   l'Agriculture, Bogdan Orkapic, Ministre du Bâtiment et de la Planification

 24   urbaine, M. Bodgan Vojnovic, Ministre des Finances, M. Bora Bogunovic, en

 25   tant que Ministre des Affaires Intérieures, j'étais présent, et il me


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  1   semble que d'autres personnes étaient également présentes, des assistants,

  2   des vice-ministres, je n'ai plus un souvenir très précis de cela.

  3   M. Williamson (interprétation). - M. Raske Leskovac* était-il

  4   membre de ce gouvernement ? Je sais qu'il occupait un poste.

  5   M. Susa (interprétation). - D'une certaine façon, oui, c'était

  6   un assistant, il travaillait pour un ministère. Dans son ministère, il n'y

  7   avait pas de ministre adjoint et lorsque M. Petrovic, le Ministre de

  8   l'Information était absent, c'est M. Leskovac qui occupait ses fonctions,

  9   et le plus souvent M. Petrovic n'était pas là, parce qu'il habitait à

 10   Novi Sad et il était souvent malade, donc, je le répète, il était souvent

 11   absent.

 12   M. Williamson (interprétation). - Vous avez précisé précédemment

 13   qu'Arkan était présent à la réunion, quel rôle y jouait-il ?

 14   M. Susa (interprétation). - Le rôle de Zeljko Raznjatovic Arkan

 15   était assez bien défini. Après le début du conflit dans la région, ses

 16   unités étaient d'abord basées à Kenja, puis, après des affrontements avec

 17   la population de Kenja, les unités ont été transférées à Erdut. Il

 18   espérait pouvoir créer un camp de formations pour les personnes qui

 19   souhaitaient recevoir une formation militaire et qui ne savaient pas rien

 20   de la guerre et des combats.

 21   Il avait de bons rapports avec M. Hadzic et souvent, il donnait

 22   une escorte à M. Hadzic lorsque celui-ci se déplaçait dans le secteur et

 23   avait des rencontres quotidiennes avec les forces hostiles, ennemies.

 24   M. Williamson (interprétation). - Je crois que dans la

 25   déclaration que vous avez donnée à M. Waespi, vous avez déclaré que


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  1   M. Slivan Sanic avait été présent à la réunion, en tout cas pendant un

  2   certain temps, pourquoi est-il venu à la réunion ?

  3   M. Susa (interprétation). - Il n'était pas présent. Si je m'en

  4   souviens bien, il est venu, mais en fait il n'a fait qu'une apparition, il

  5   est reparti tout de suite. J'ai rencontré deux fois M. Sanic, mais je l'ai

  6   vu plusieurs fois à la télévision après la réunion. Sincèrement, il n'a

  7   fait qu'une apparition, il est entré et il est parti. Il n'a pas pris part

  8   au débat, il ne nous a pas adressé la parole.

  9   M. Williamson (interprétation). - Dans cette déclaration qui est

 10   rédigée en anglais -je ne sais pas quelle est votre connaissance de cette

 11   langue-, à la page 10, il est écrit, je vais lire le passage et vous me

 12   direz si cela est vrai ou non : "Je crois qu'à cette époque, Slivan Sanic

 13   était présent à la réunion, il m'a d'ailleurs répondu en disant que

 14   l'armée allait s'occuper des prisonniers de guerre, que c'était un rôle

 15   qui lui revenait exclusivement."

 16   M. Susa (interprétation). - Non, c'est M. Vojnovic qui a déclaré

 17   cela. Si j'ai dit cela à l'époque de la déclaration, j'ai dû me tromper,

 18   c'est M. Vojnovic qui a abordé ce sujet ; cela, c'est une totale

 19   certitude. Peut-être qu'à force, j'ai mélangé les déclarations faites par

 20   Slivan Sanic avant ou après cette réunion, déclarations dans lesquelles il

 21   parlait des prisonniers de guerre.

 22   M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous dites que le

 23   Major Slivan Sanic a fait une apparition, vous voulez dire qu'il est entré

 24   dans la salle de la réunion sans prendre part aux discussions, ou se

 25   trouvait-il à l'extérieur de l'entreprise Velepromet ?


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  1   M. Susa (interprétation). - Je crois qu'il est juste entré dans

  2   la salle de la réunion pour voir qui était présent et il est tout de suite

  3   ressorti.

  4   M. Williamson (interprétation). - Donc ce débat sur les

  5   prisonniers de guerre s'est déroulé en la seule présence du lieutenant-

  6   colonel Vojnovic, n'est-ce pas ?

  7   M. Susa (interprétation). - Je répète, je crois qu'il s'appelait

  8   Vojnovic, et si c'est bien son nom, alors oui c'était la personne

  9   présente.

 10   M. Williamson (interprétation). - Savez-vous exactement ce qui a

 11   été dit ? Savez-vous qui a pris part à ce débat ?

 12   M. Susa (interprétation). - Je ne me le rappelle pas très

 13   précisément, mais j'en ai eu l'idée générale. Goran Hadzic a pris part aux

 14   débats, Naden Hadzic, Slavko Dokmanovic, moi-même, deux ou trois autres

 15   personnes ont également pris la parole.

 16   M. Williamson (interprétation). - Vous ne vous souvenez pas

 17   exactement de la teneur des propos ?

 18   M. Susa (interprétation). - Non, pas exactement.

 19   M. Williamson (interprétation). - Les commandants de la Défense

 20   territoriale ont-ils également pris par à cette réunion du 20 novembre ?

 21   M. Susa (interprétation). - Je ne connaissais pas tous les

 22   commandants de la Défense territoriale, ni du tout ceux de Vukovar, je les

 23   ai rencontrés après la libération de la ville. Peut-être que certains des

 24   commandants étaient-ils présents ? Des personnes étaient revêtues d'un

 25   uniforme dans la salle et je ne les connaissais pas.


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  1   M. Williamson (interprétation). - Connaissez-vous Milord Bujovic

  2   ou Stanko Miranovic ?

  3   M. Susa (interprétation). - -  J'ai rencontré ces deux hommes

  4   après les opérations visant à libérer Vukovar.

  5   M. Williamson (interprétation). - Vous ne savez pas si l'un

  6   quelconque de ces deux hommes étaient présents lors de cette réunion ?

  7   M. Susa (interprétation). - Je ne crois pas qu'ils étaient

  8   présents, ils n'ont pas pris part à cette réunion. Je les ai rencontrés

  9   plus tard, lorsqu'ils ont fait l'objet de poursuites judiciaires et que

 10   j'étais le juge du tribunal chargé de les juger.

 11   M. Williamson (interprétation). - Mais M. Vujanovic, n'est-ce

 12   pas, avait été nommé par le conseil exécutif qui gouvernait la ville de

 13   Vukovar ?

 14   M. Susa (interprétation). - Je ne sais pas s'il faisait partie

 15   de la première équipe en place, il est bien possible que c'était le cas,

 16   parce qu'il jouissait d'une autorité assez importante dans le secteur.

 17   Nous, nous ne nous mêlions pas de ces affaires, la seule chose qui nous

 18   intéressait, c'est que M. Bibic soit le Président du conseil exécutif.

 19   Monsieur Bibic est un homme très calme, d'un certain âge et nous pensions

 20   que ce serait un excellent administrateur, nous avions vraiment

 21   l'impression que c'était un homme très précieux et qui allait nous aider à

 22   atteindre nos objectifs.

 23   M. Williamson (interprétation). - D'après ce que j'ai compris,

 24   lorsque vous avez quitté la réunion, vous avez vu M. Dokmanovic assez

 25   brièvement, alors qu'il se trouvait à l'extérieur, c'est bien cela ?


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  1   M. Susa (interprétation). - Non, je n'ai pas dit que je l'avais

  2   brièvement aperçu dehors, il est possible que nous nous soyons croisés.

  3   C'était une entrevue tellement rapide que je ne peux même pas vous dire

  4   quand il a quitté la cour de l'entreprise ou s'il y est resté pendant un

  5   certain temps, je ne sais pas exactement où il se trouvait, je ne peux pas

  6   vous dire quand il est parti. Chacun est parti à un moment donné, donc

  7   plusieurs personnes ont traversé mon champ de vision.

  8   M. Williamson (interprétation). - Vous ne savez donc pas à quel

  9   moment il a quitté Velepromet ni de qui il était accompagné lorsqu'il est

 10   parti ?

 11   M. Susa (interprétation). - Je ne sais pas de qui il était

 12   accompagné lorsqu'il est parti. Peut-être est-il parti peu de temps avant

 13   moi, parce que les gens commençaient à partir, l'horizon commençait à se

 14   dégager et mon chauffeur en a profité pour glisser sa voiture dans la

 15   colonne de véhicules qui partait, et je crois que le chauffeur de

 16   M. Dokmanovic a fait la même chose.

 17   M. Williamson (interprétation). - Vous ne l'avez pas revu,

 18   n'est-ce pas, avant d'atteindre Orolik ?

 19   M. Susa (interprétation). - Effectivement.

 20   M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous l'avez vu, vous

 21   avez déclaré que M. Leskovac était à ses côtés. Y avait-il quelqu'un

 22   d'autre qui se tenait à ses côtés au moment où vous l'avez revu ?

 23   M. Susa (interprétation). - Oui, il y avait d'autres personnes

 24   que je ne connaissais pas. Je connais bien Leskovac. Je l'ai vu et j'ai

 25   tout de suite remarqué qu'il était là. Dokmanovic, lui, était au premier


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  1   (inaudible).

  2   A la fin de cet incident, nous avons repris notre place dans la

  3   colonne de véhicules. Dokmanovic était devant nous. Il est donc parti

  4   avant nous, puis il a pris la direction de Sid et de Belgrade. Nous aussi,

  5   nous sommes allés dans cette direction, mais nous ne les avons plus

  6   croisés.

  7   M. Williamson (interprétation). – Vous dites qu'il était devant

  8   vous, mais il n'était pas immédiatement devant. Il était un peu en avant

  9   de votre véhicule ? Il était suffisamment loin pour que vous puissiez

 10   savoir dans quel type de véhicule il était et de qui il était accompagné ?

 11   M. Susa (interprétation). – Non. Je ne peux pas dire dans quel

 12   véhicule il se trouvait.

 13   M. Williamson (interprétation). – Je n'ai plus de questions,

 14   Monsieur le Président.

 15   M. Susa (interprétation).– Monsieur le Président, pouvez-vous

 16   m'accorder la parole ? Je voudrais simplement vous dire ce que nous avons

 17   fait au cours de cette période. Je dois vous dire ici aujourd'hui que le

 18   premier procès concernant des criminels de guerre a eu lieu dans notre

 19   tribunal, et Vujovic a reçu une condamnation de 20 ans de prison.

 20   Je dois également dire que dans la plupart des affaires, nous

 21   savons exactement quel a été le comportement des personnes impliquées sur

 22   le terrain. Les rapports que j'ai eus avec la partie croate ont été très

 23   réguliers et, d'ailleurs la semaine prochaine, je me rends en Croatie pour

 24   m'acquitter de mes fonctions.

 25   M. le Président (interprétation). - Une question justement : ce


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  1   sont des affaires qui ont été traitées par le tribunal de Beli Manastir,

  2   ce sont des affaires qui concernent ce qui s'est passé à Vukovar pendant

  3   cette période, la période de 1990-1991 ? Ce sont des cas de crime de

  4   guerre ?

  5   M. Susa (interprétation). – Le procès dont je viens de parler

  6   était contre un criminel de guerre et il s'est tenu à Beli Manastir.

  7   L'affaire a commencé en 1991-1992 et le procès a eu lieu en 1993-1994.

  8   M. Williamson (interprétation). – Sur la base de ce que vient de

  9   dire le témoin, j'aurais quelques questions complémentaires à poser.

 10   Monsieur Susa, le procès auquel vous faites référence concerne

 11   un homme et sa femme qui vivaient à Beli Manastir. N'est-il pas exact que

 12   cet homme et son épouse ont été poursuivis dans le cadre de cette

 13   affaire ?

 14   M. Susa (interprétation). – Oui. C'est exact.

 15   M. Williamson (interprétation). – Combien d'autres poursuites

 16   ont été engagées contre des individus pour crime de guerre ?

 17   M. Susa (interprétation). – Je ne sais pas s'il y a eu beaucoup

 18   de cas de crime de guerre, mais je dois préciser qu'il y a eu plus de

 19   30 procès pour d'autres types d'infraction, des procès engagés contre des

 20   Serbes pour des actes commis contre des Croates, mais aussi des affaires

 21   engagées contre des Croates.

 22   M. Williamson (interprétation). – Quel était le nom de l'accusé

 23   dans ce procès de Beli Manastir dont vous avez parlé ?

 24   M. Susa (interprétation). – Vous savez, je n'ai pas été

 25   directement impliqué dans ce procès. Je ne me suis jamais mêlé aux


Page 2901

  1   affaires du Tribunal.

  2   Mais il s'appelle Boljevic. C'est son nom de famille. Je ne me

  3   souviens pas de son prénom et, d'ailleurs, je ne tiens pas du tout à m'en

  4   rappeler.

  5   Quoi qu'il en soit, nous avons informé la communauté

  6   internationale de ce fait, nous en avons informé M. Klein et son équipe

  7   juridique. Ils savent tout de cette affaire.

  8   M. Williamson (interprétation). - Merci.

  9   M. le Président (interprétation). - Avant de me tourner vers

 10   Me Fila, je me demande si le témoin pourrait fournir à la Chambre le

 11   jugement délivré dans ce procès, dans la mesure où celui-ci traite bien de

 12   crimes de guerre. Je crois que ce que vient de dire le témoin est

 13   particulièrement intéressant. Est-ce possible ? Serait-il possible

 14   d'obtenir un exemplaire de ce jugement ?

 15   M. Fila (interprétation). – Je crois qu'il serait beaucoup plus

 16   facile pour l'accusation de se charger elle-même de l'obtention de ce

 17   jugement. Je crois que cet homme est toujours en train de subir sa

 18   sentence à Beli Manastir, il est toujours en prison.

 19   M. Susa (interprétation). – La plupart des personnes concernées

 20   par cette affaire sont toujours à Beli Manastir, et les personnes qui ont

 21   jugé cette affaire travaillent toujours pour les organes judiciaires en

 22   Croatie. Je crois qu'il me serait très facile d'obtenir ce jugement. Peut-

 23   être que le juge Jelovac pourrait me le fournir. Il est membre d'une

 24   Chambre de première instance, qui justement a traité de cette affaire.

 25   C'est une affaire bien connue, un procès bien connu.


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  1   M. Williamson (interprétation). – Bien sûr que si nous pouvons

  2   apporter notre aide, nous le ferons. Mais la personne qui a été jugée n'a

  3   rien à voir avec les incidents dont nous nous occupons, et le nom de cette

  4   personne n'a jamais surgi dans le cadre de nos enquêtes.

  5   M. le Président (interprétation). - Je vois. Merci.

  6   M. Fila (interprétation). – Non. Si vous pensez aux événements

  7   du 20 novembre, cet homme n'a effectivement rien à voir avec cet incident.

  8   Mais d'autres poursuites ont-elles été engagées contre des

  9   individus accusés de crimes de guerre ?

 10   M. Susa (interprétation). – Oui ;

 11   M. Fila (interprétation). – Par exemple ?

 12   M. Susa (interprétation). – Je ne crois pas être impliqué

 13   directement dans l'une de ces affaires, mais je crois que nous avons

 14   engagé des poursuites contre un certain Jurisic.

 15   Plusieurs affaires ont été engagées, mais seul un petit nombre

 16   est arrivé au stade du procès. Nous avons rassemblé des faits qui semblent

 17   indiquer que certains individus ont commis des meurtres. Certains ont dit

 18   que ces meurtres étaient en fait des actes de vengeance ou des actes qui

 19   visaient à obtenir des documents de façon illégale.

 20   Mais il nous est parfois très difficile de rassembler tous les

 21   faits nécessaires, les faits qui nous permettraient de dire qu'il s'agit

 22   d'un crime de guerre. Mais nous avons fait tout ce qui était en notre

 23   pouvoir, et je peux affirmer ici en mon nom et au nom de mes collègues que

 24   nous avons accompli nos fonctions de façon très professionnelle.

 25   M. Fila (interprétation). – Vous êtes maintenant avocat à


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  1   Belgrade. Pouvez-vous circuler librement en Croatie ou des poursuites

  2   sont-elles engagées contre vous en Croatie ?

  3   M. Susa (interprétation). – Pas que je le sache, je me suis

  4   rendu plusieurs fois en Croatie. J'y ai d'excellents contacts,

  5   j'entretiens des rapports excellents avec un certain nombre de personnes

  6   dans ce pays et je n'ai pas peur de m'y rendre.

  7   M. Fila (interprétation). – Merci.

  8   M. le Président (interprétation). - Monsieur Susa, en tant

  9   qu'ancien Procureur et ministre de la justice, vous pouvez apporter une

 10   aide particulièrement précieuse à cette Chambre. Je suis sûr que vous êtes

 11   très sensible aux problèmes juridiques et institutionnels. Vous pourrez

 12   peut-être nous apporter des éclaircissements sur un certain nombre de

 13   points.

 14   Je voulais tout d'abord vous poser la question suivante : quelle

 15   était la nature des rapports existant entre votre gouvernement et la

 16   République de Serbie, d'un côté, et entre votre gouvernement et les

 17   autorités centrales de Belgrade entre septembre 1991 et janvier 1992 ?

 18   M. Susa (interprétation). – Je crois qu'il y a eu

 19   mésinterprétation de vos propos. Vous avez parlé de la Serbie. Or, on m'a

 20   dit "République de la Serbie". Quoi qu'il en soit, je dois vous dire que

 21   nous nous sommes trouvés dans une situation très difficile. En fait,

 22   personne n'a compris ce qui se passait jusqu'à ce que la tragédie qui a eu

 23   lieu nous tombe dessus d'une certaine façon.

 24   Au début, la République de Croatie souhaitait créer un état

 25   souverain et indépendant. D'autre part, la Serbie voulait absolument


Page 2904

  1   préserver la Yougoslavie et, nous, nous sommes ceux qui avons le plus

  2   souffert de la situation. Nous ne voulions pas entrer dans une guerre avec

  3   la République de la Croatie ou contre notre peuple en Serbie.

  4   Il y a des personnes qui, aujourd'hui, voudraient bien revenir

  5   en Croatie. Mais ce n'est pas le moment de rentrer dans ce type de détail

  6   et de vous parler des traumatismes que nous avons vécus. Il est tout à

  7   fait clair que dans cette guerre, des crimes ont été commis à l'initiative

  8   des uns, des seconds et des troisièmes. Je ne vais pas vous dire qui sont

  9   les premiers, les seconds et les troisièmes. Mais il est certain qu'ils

 10   sont nombreux.

 11   Lorsque vous m'interrogez sur les rapports avec le gouvernement

 12   de Belgrade, je vous dirais qu'aussi longtemps que nous avons eu le

 13   sentiment que Belgrade souhaitait véritablement nous soutenir et aussi

 14   longtemps que nous avions estimé que nous avions une chance réelle de

 15   rester en Yougoslavie, même si elle était réduite du point de vue de son

 16   territoire, notre combat semblait avoir un sens et nous voulions démontrer

 17   notre droit à la constitutionnalité, droit dont nous avions bénéficié en

 18   Croatie.

 19   Mais après que la Yougoslavie a été formée sans nous par la

 20   Serbie au moment d'un accord qui a été conclu, tout nous est apparu de

 21   façon très claire. En tout cas, ceux qui ont commencé à voir les choses

 22   clairement étaient nombreux et j'en faisais partie.

 23   A ce moment-là, nous avons subi un certain nombre de

 24   désagréments, à savoir qu'il était interdit de parler d'un grand nombre de

 25   choses qui se passaient. Moi, je ne voulais pas autoriser cela.


Page 2905

  1   La situation est aujourd'hui claire : de façon définitive, il

  2   n'y a plus de Serbes et, en Yougoslavie, ces Serbes n'ont pas trouvé de

  3   place sous le soleil.

  4   M. le Président (interprétation). – Excusez-moi de vous

  5   interrompre, mais j'aimerais vous expliquer pourquoi je vous ai posé cette

  6   question.

  7   Dans le procès-verbal de la réunion tenue par votre gouvernement

  8   le 19 novembre, il est stipulé à un certain moment que l'une de vos

  9   décisions a consisté à établir une réunion entre la République de Serbie

 10   et la JNA ou, en tout cas, à parvenir à des négociations entre la

 11   République de Serbie et la JNA.

 12   Ce qui m'intéresse est de savoir quel genre de rapport

 13   institutionnel avait votre gouvernement à l'époque avec les autorités

 14   centrales de la République de Serbie, d'une part, et avec les autorités de

 15   Belgrade, les autorités de la Yougoslavie, d'autre part, parce qu'après

 16   tout, vous avez créé un gouvernement. Vous étiez ministre de la justice

 17   d'un gouvernement, et celui-ci était une entité. Je ne sais pas si c'était

 18   une entité internationale, mais c'était une entité qui possédait des

 19   ministres, du personnel, etc. Il y avait des fonctions officielles dans ce

 20   gouvernement. Vous étiez, par exemple, ministre de la justice.

 21   J'aimerais donc savoir quelles étaient les relations

 22   institutionnelles entre votre gouvernement et deux gouvernements tiers, à

 23   savoir le gouvernement de Serbie et le gouvernement de l'Etat intégral,

 24   c'est-à-dire la République fédérale socialiste de Yougoslavie.

 25   M. Susa (interprétation). – Au début de 1991, nous voulions que


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  1   les compétences du gouvernement fédéral aient toujours cours sur le

  2   territoire où nous résidions, où nous vivions. Mais lorsque nous avons vu

  3   que ces fonctions ne suffisaient pas à assurer notre protection, nous

  4   avons fait ce qui a été raconté par certains ici, ce qui d'ailleurs aux

  5   yeux de la plupart des gens dans le monde constituait un acte

  6   d'autodéfense élémentaire.

  7   Par la suite, lorsque nous n'avons plus fait partie de la

  8   Yougoslavie, nous avons voulu  que chacun soit traité de façon correcte et

  9   que s'établissent des relations institutionnelles, c'est-à-dire que les

 10   ministères parlent avec les ministères et le gouvernement avec les

 11   gouvernements mais, malheureusement, cela non plus n'a pas eu lieu.

 12   Je vais vous donner mon exemple personnel. J'ai fonctionné d'une

 13   manière telle que dans le ministère de la République de Serbie, je

 14   connaissais pas mal de gens, et ceux-ci m'ont aidé en me donnant des

 15   moyens matériels, en m'accueillant très fréquemment pour discuter de

 16   sujets techniques. Mais ces réunions avec moi n'ont jamais été érigées au

 17   rang officiel de réunions entre le représentant d'un ministère et celui

 18   d'un autre ministère, d'un gouvernement et d'un autre gouvernement.

 19   M. le Président (interprétation). - Merci.

 20   J'essaie toujours de faire appel à votre expérience et à votre

 21   passé juridiques. Je me demandais si des objectons ont été élevées lorsque

 22   vous vous êtes réunis à Vukovar le 20, objections par rapport au fait que

 23   la réunion a été présidée par quelqu'un qui ne faisait pas partie de votre

 24   gouvernement. Je parle d'un colonel de la JNA.

 25   Je me demandais si vous-même, en tant que ministre de la justice


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  1   et juriste, aviez estimé que c'était là un élément assez inapproprié pour

  2   la réunion du gouvernement de Slavonie, etc. Avez-vous estimé que c'était

  3   inconvenant que cette réunion de Slavonie-Baranja-Srem occidentale soit

  4   présidée par un militaire, par un membre de l'armée populaire yougoslave ?

  5   Y a-t-il eu des objections qui ont été exprimées par qui que ce soit ?

  6   Vous-même avez-vous trouvé qu'il y avait là quelque chose d'un peu

  7   contradictoire, d'un peu étonnant, qu'une réunion de cette nature n'était

  8   pas présidée par un ministre parce que bien entendu, institutionnellement,

  9   c'est un membre du gouvernement qui devrait normalement présider une telle

 10   réunion ?

 11   M. Susa (interprétation). – J'ai pu comprendre qu'en fait... On

 12   en était arrivé à la fin du conflit à Vukovar, dans lequel l'armée

 13   populaire yougoslave avait joué un rôle très actif.

 14   Comme c'était encore une espèce de zone de guerre, je pouvais

 15   donc comprendre que l'armée ait un rôle prépondérant. Mais ce qui était

 16   moins clair à mes yeux, c'était pourquoi nous discutions avec un homme qui

 17   ne savait rien de la situation prévalant à cette époque et qui, dans la

 18   hiérarchie militaire, occupait un rang assez bas.

 19   J'ai eu le sentiment que de cette façon, il souhaitait nous

 20   faire savoir, à nous, quelle était désormais notre position effective.

 21   Je n'ai pas voulu attaquer personnellement ce monsieur parce que

 22   dans son comportement, on pouvait voir qu'il se sentait particulièrement

 23   mal, qu'il était très mal à l'aise. J'ai donc voulu tenir compte de cela.

 24   Mais j'ai eu le sentiment pas seulement par rapport à lui, mais

 25   aussi par rapport à la situation que Hadzic avait quelque chose à dire. Il


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  1   a dit qu'effectivement, il avait conçu cette réunion d'une façon un peu

  2   différente et qu'il pensait que nous allions discuter de thèmes et de

  3   sujets sérieux alors que nous n'avons parlé que de l'avancée et de la mise

  4   en œuvre, à l'instant en question, de ces opérations de nettoyage de la

  5   ville.

  6   M. le Président (interprétation). - Merci.

  7   Vous venez de dire : "Nous avons eu l'impression qu'on nous a

  8   dit qu'ils étaient là pour nous dire quelle était désormais notre

  9   position". Voulez-vous dire par là qu'à partir de ce jour-là, vous avez eu

 10   le sentiment que vous et votre gouvernement étiez sous le contrôle des

 11   militaires, plus précisément de la JNA, et que cela a été symboliquement

 12   exprimé par le fait que c'est un colonel de la JNA qui est venu à cette

 13   réunion et qui l'a présidée. Autrement dit, on vous montrait que c'était

 14   lui qui était responsable de la réunion et que c'était lui qui la

 15   dirigeait ?

 16   M. Susa (interprétation). – Même si nous étions d'accord sur le

 17   fait que cette symbolique soit appliquée du début à la fin de cette

 18   journée, je peux vous dire qu'au cours de cette journée, quelque chose est

 19   apparu très clair et très visible parce que j'ai été obligé de montrer une

 20   autorisation écrite pour avoir le droit de circuler dans une région

 21   contrôlée par l'armée.

 22   Il est vrai que l'armée et les militaires n'ont pas exigé de moi

 23   que je montre cette autorisation tous les jours. Ils me demandaient de la

 24   leur montrer une seule fois pour circuler pendant 5, 6 ou 7 jours.

 25   M. le Président (interprétation). - Merci. Dites-moi : au mieux


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  1   de votre souvenir, dans cette réunion du 20 novembre, y a-t-il eu la

  2   moindre discussion au sujet du sort subi par les civils à Vukovar en

  3   particulier, et une référence particulière a-t-elle été faite à tous ces

  4   civils qui avaient été arrêtés par l'armée ? Ce sujet a-t-il été discuté ?

  5   Quoi faire de ces civils ? Faut-il les emmener quelque part, les mettre

  6   dans des camps ? La question a-t-elle été discutée par le gouvernement ?

  7   M. Susa (interprétation). – Ce thème a été discuté, mais je dois

  8   dire qu'il n'a pas été discuté dans les termes que vous venez d'utiliser à

  9   l'instant. Je ne sais pas et je ne savais pas non plus à l'époque que

 10   l'armée arrêtait des civils. Ce qui était dit, c'est que l'armée avait

 11   sous son contrôle des membres de la garde nationale qui n'étaient pas

 12   armés et que l'armée avait l'intention de les transférer sur le territoire

 13   de la Yougoslavie. Tout cela était tout à fait acceptable sur le principe,

 14   car nous n'avions pas où loger tous ces hommes.

 15   Mais ce que nous avons entendu dire, qui était moins acceptable

 16   et qui, malheureusement, s'est avéré vrai par la suite, c'est que ces

 17   hommes, sans qu'il y ait eu la moindre enquête pour savoir si, oui ou non,

 18   ils avaient été responsables de ces crimes commis, ont été relâchés, se

 19   sont retrouvés du côté croate.

 20   Je crois que là-bas, la plupart d'entre eux ne sont pas

 21   poursuivis. En tout cas, il est prouvé qu'il y a eu au moins 10 cas de

 22   crimes de guerre parmi ces hommes.

 23   Maintenant s'agissant des civils, je répète que Hadzic était un

 24   médecin et un humaniste très responsable. Lui et moi avons discuté de la

 25   nécessité d'évacuer au plus vite les femmes, les enfants, les personnes


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  1   âgées et les civils pour que la ville soit libérée et que l'on puisse

  2   continuer la vie de la nation.

  3   Ce jour-là, nous nous approchions de la nuit et je ne pouvais

  4   pas concevoir que des gens puissent attendre la nuit dans la ville à ciel

  5   ouvert parce qu'il faisait déjà très froid. Nous n'en étions qu'au

  6   crépuscule et il faisait déjà très froid. M. Vojnovic a confirmé que ce

  7   genre de problème était pris en compte, que c'était la raison pour

  8   laquelle des autobus arrivaient, que les habitants seraient placés à bord

  9   de ces autobus et seraient transférés soit dans des bâtiments de grande

 10   superficie, dans lesquels il pourrait avoir un toit sous la tête, soit

 11   qu'il continuerait leur voyage vers la Croatie.

 12   M. le Président (interprétation). - Merci. Dites-moi, y a-t-il

 13   une raison juridique ou psychologique particulière qui explique que vous-

 14   même en tant que ministre de la Justice vous portiez un uniforme

 15   militaire ? C'est ce que vous avez dit précédemment, vous avez dit que

 16   le 20 vous portiez un uniforme militaire ?

 17   M. Susa (interprétation). - Oui, en effet je portais un

 18   uniforme. En fait je n'avais pas la possibilité de porter des vêtements de

 19   meilleure qualité parce que tous mes vêtements étaient restés en Croatie.

 20   Je n'avais pas envie de porter ce que nos femmes recevaient de la Croix-

 21   Rouge. Après tout, un grand nombre de mes amis et des membres de ma

 22   famille se battaient, donc c'était moi un moyen de me solidariser avec

 23   eux. Sur le terrain où je travaillais, dans les conditions qui vraiment

 24   étaient assez anormales, cet uniforme était la forme la plus pratique.

 25   Quand on va pécher, on peut porter également un uniforme. Notre vie


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  1   ressemblait davantage à une grande aventure qu'à une vie normale et il

  2   nous arrivait souvent de passer la nuit dehors.

  3   M. le Président (interprétation). - J'en arrive à ma dernière

  4   question qui est plus générale. Je voudrais savoir si au cours de cette

  5   réunion du 20 novembre ou par la suite vous n'avez jamais eu le sentiment

  6   qu'il y avait des dissensions entre des extrémistes et des modérés, et si

  7   les extrémistes en particulier exerçaient des pressions sur les modérés en

  8   exigeant d'eux qu'ils soient plus durs à cause de l'opinion publique,

  9   parce que vous étiez tous en état de choc, vous étiez tous scandalisés par

 10   ce que vous aviez vu à Vukovar, les destructions, les cadavres un peu

 11   partout dans les rues. Cela vous a causé un choc terrible.

 12   Donc je me demandais si en raison de ce choc les extrémistes

 13   n'ont pas fait pression sur les modérés pour exiger d'eux qu'ils

 14   deviennent plus durs et agissent de façon différente à celle qui se

 15   pratiquait jusque-là ?

 16   M. Susa (interprétation). - Savoir si certains, avant ou après

 17   la réunion, ont discuté de ce genre de sujet entre eux, sur un plan

 18   individuel je ne peux pas le dire. Personnellement je n'ai pas abordé ce

 19   sujet. Je n'ai pas abordé la nécessité de prendre des mesures radicales

 20   pour éliminer physiquement qui que ce soit. Ce n'est pas de cette façon en

 21   tout cas que ce sujet a été discuté. Personne n'a pris la parole pour dire

 22   comment allaient s'achever les poursuites engagées, pour trouver la vérité

 23   et les responsables des événements qui se déroulaient depuis plus d'un an.

 24   Mais, moi, j'ai fait partie de ceux qui ont demandé à ce que les faits

 25   soient confirmés, à ce que des enquêtes soient menées pour savoir quel


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  1   crime avait été commis et par qui. A l'époque je ne faisais pas de

  2   différence entre les Serbes et les Croates, et je n'en fais pas encore

  3   aujourd'hui. Nous avions des informations, nous entendions des bruits qui

  4   couraient selon lesquels en Croatie des crimes avaient été commis contre

  5   des Serbes par des Croates.

  6   M. le Président (interprétation). - Mais vous n'avez pas répondu

  7   à ma question. Ma question était, avez-vous eu le sentiment que des

  8   pressions étaient exercées par les extrémistes sur les modérés du

  9   gouvernement ? Je suppose qu'il y avait des modérés.

 10   M. Susa (interprétation). - Vous parlez des extrémistes au sein

 11   du gouvernement ou d'extrémistes de façon générale ?

 12   M. le Président (interprétation). - D'extrémistes au sein du

 13   gouvernement.

 14   M. Susa (interprétation). - Ce jour-là, à la réunion du

 15   gouvernement, vous n'auriez pas pu trouver un seul extrémiste, qui serait

 16   allé jusque-là. Si vous partez de la question de savoir s'il y avait à

 17   l'époque un Serbe qui estimait que ce genre de question était important,

 18   j'en faisais partie, je suis l'un de ces Serbes, mais il n'y avait pas

 19   d'extrémistes.

 20   M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Fila, d'autres

 21   questions ?

 22   M. Fila (interprétation). - Non, pas de questions.

 23   M. le Président (interprétation). - Je suppose donc qu'il n'y a

 24   pas d'objection à ce que le témoin soit libéré. M. Susa, merci beaucoup

 25   d'être venu ici témoigner devant ce Tribunal. Vous pouvez maintenant vous


Page 2913

  1   retirer.

  2   Nous allons suspendre l'audience. Oui, Maître Fila ?

  3   M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, le rapport

  4   d'expert que je vous avais promis est prêt maintenant, un peu en retard,

  5   je vous prie de m'excuser, ce n'est pas de mon fait.

  6   M. le Président (interprétation). - Vous voulez parler de

  7   l'évaluation de l'expert le Dr Petrovic ? Oui, nous l'avons entre les

  8   mains.

  9   M. Fila (interprétation). - J'ai aussi les déclarations des

 10   témoins de demain, mais pas en nombre d'exemplaires suffisant, je ne sais

 11   pas si cela est utile que je vous en distribue un exemplaire ?

 12   M. le Président (interprétation). - Très bien.

 13   M. Fila (interprétation). - Le Procureur l'a déjà reçu.

 14   M. le Président (interprétation). - Très bien. Maître Fila,

 15   puis-je vous demander qui sera le premier témoin demain ?

 16   M. le Président (interprétation). - Monsieur Miodrag d'abord ?

 17   M. Fila (interprétation). - Oui, Pavlovic. Ensuite, Slavko

 18   Dokmanovic. Je vous demanderai que le psychiatre soit présent au moment de

 19   l'audition de Slavko Dokmanovic, étant donné son état de santé. Ensuite le

 20   psychiatre sera entendu et j'en aurais terminé, comme j'en ai l'habitude,

 21   très rapidement.

 22   M. le Président (interprétation). - Permettez-moi de poursuivre

 23   quelques minutes seulement pour jeter un coup d'oeil rapide à la

 24   traduction anglaise de l'évaluation de l'expert, le Dr Petrovic. Je me

 25   rends compte que ce document comporte plusieurs pages qui traitent


Page 2914

  1   d'autres témoins. Donc je suppose que demain le Dr Petrovic ne témoignera

  2   qu'au sujet de l'accusé et pas au sujet des autres témoins ?

  3   M. Fila (interprétation). - Je lui ai demandé d'examiner

  4   certains éléments qu'il a examiné. Maintenant nous pouvons nous mettre

  5   d'accord, vous et moi, pour déterminer les limites de sa déposition. Dans

  6   notre pratique continentale, lorsqu'on demande l'avis d'un expert, je ne

  7   sais vraiment pas comment les choses se passent dans un autre système,

  8   nous devons donner tout le dossier à l'expert, donc j'ai donné au

  9   Dr Petrovic tout ce qui n'était pas secrets (les cassettes vidéo au moment

 10   de son arrestation, dans l'avion les déclarations préalables de tous les

 11   témoins qui ont été entendues jusqu'à présent et qui ne sont pas

 12   secrètes), mais pour se faire il me faut l'autorisation du Tribunal. C'est

 13   sur la base de tous ces documents que l'expert donne son avis sur l'accusé

 14   uniquement et sur personne d'autre.

 15   M. le Président (interprétation). - Bien entendu, nous n'allons

 16   pas appliquer le droit zambien, britannique ou italien. Nous appliquons le

 17   droit pénal international. Nous avons discuté de ce point avant d'entrer.

 18   M. Fila (interprétation). - Oui, mais je n'ai pas pu obtenir de

 19   documents d'une autre manière, vous comprenez.

 20   M. le Président (interprétation). - Oui, mais nous voulons dire

 21   de la façon la plus claire au Dr Petrovic qu'une évaluation d'expert doit

 22   se limiter à une évaluation psychologique ou psychiatrique de

 23   M. Dokmanovic, rien à voir avec les autres témoins. Cela s'arrête là, car

 24   l'expert n'est pas autorisé à dire un mot au sujet des témoins entendus

 25   par le Tribunal. Donc c'est seulement dans ces conditions que nous


Page 2915

  1   accepteront sa déclaration, pour autant qu'elle se limite à traiter de

  2   M. Dokmanovic.

  3   M. Fila (interprétation). - Oui, c'est la raison pour laquelle,

  4   Monsieur le Président, je vous donne les documents à l'avance, parce que

  5   vous êtes en train de créer un nouveau système et si je vous donnais ce

  6   document une minute avant le début de l'audience nous ne pourrions rien

  7   réussir. Voilà la raison pour laquelle je considère qu'il convient de vous

  8   donner tout document à temps, malheureusement je suis le seul, semble-t-

  9   il, à avoir cet avis.

 10   M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Pas d'autre

 11   commentaire ?

 12   M. Niemann (interprétation). - Non.

 13   M. le Président (interprétation). - Nous reprendrons nos travaux

 14   demain à 9 heures 30.

 15   L'audience est levée à 17 heures 20.

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