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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-13a-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3 Jeudi 28 Mai 1998
4 LE PROCUREUR
5 c/
6 SLAVKO ALEKSOVSKI
7 L'audience est ouverte à 9 heures 50.
8 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
9 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Le greffier
10 pourrait-il introduire l'affaire, s'il vous plaît ?
11 M. Bos. - Il s'agit de l'affaire IT-95-13a-PT, le Procureur
12 contre Slavko Dokmanovic.
13 M. le Président (interprétation). - Merci. Monsieur Dokmanovic,
14 comment vous sentez-vous ce matin ?
15 M. Dokmanovic (interprétation). - Ca va, merci.
16 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, vous avez la
17 parole.
18 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, si vous m'en
19 donner la permission, je vais reprendre l'interrogatoire principal.
20 Monsieur Dokmanovic, hier nous nous sommes arrêtés aux
21 événements de Vodicka. Pouvez-vous nous dire qui étaient Zlatko et
22 Jovanka Vodicka, comment vous les avez rencontrés et comment vous êtes
23 devenu ami de ce couple ?
24 M. Dokmanovic (interprétation). - Je tiens à m'excuser pour
25 l'incident d'hier ; c'est la première chose que je souhaite dire. Je me
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1 sentais très proche de cet homme et j'étais vraiment triste d'évoquer son
2 souvenir. Zlatko Vodicka était mon meilleur ami, je le connais depuis 1971
3 et j'ai rencontré Jovanka en 1972. Nous nous voyions tous les jours ou
4 presque. Il est mort le 15 septembre de l'année dernière, c'est la raison
5 pour laquelle j'étais si triste hier.
6 M. Fila (interprétation). - A l'époque, vous étiez en prison,
7 n'est-ce pas ?
8 M. Dokmanovic (interprétation). - Effectivement.
9 M. Fila (interprétation). - Quelle était la nationalité de
10 Zlatko Vodicka ? Quelle était sa religion ?
11 M. Dokmanovic (interprétation). - Il se considérait comme
12 Croate, il était de religion catholique.
13 M. Fila (interprétation). - Il était catholique en dépit du fait
14 que son père soit tchèque et sa mère autrichienne ?
15 M. Dokmanovic (interprétation). - Pour autant que je le sache,
16 ses parents étaient également nés sur le territoire de la Croatie et ils
17 se sont toujours reconnus comme Croates.
18 M. Fila (interprétation). - Je voudrais vous demander à nouveau
19 de nous expliquer quelque chose : ce jour-là, le 20 novembre à Velepromet,
20 avez-vous appris quelque chose quant au sort qui avait été réservé à
21 Zlatko et Jovanka ? Qu'avez-vous appris d'une façon générale sur la
22 situation qui leur était réservée dans le cadre de la guerre ?
23 M. Dokmanovic (interprétation). - Zlatko était chez moi et
24 Jovanka était dans la cave de sa maison à Vukovar. Ils possédaient une
25 maison là-bas. Lui, est parti la chercher le 18, c'est-à-dire lorsqu'il
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1 était encore possible de rentrer dans Vukovar. Je ne savais pas ce qui se
2 passait, mais le 18 il ne l'a pas trouvée. Il est donc reparti à sa
3 recherche le 19 et il l'a enfin trouvée.
4 M. Fila (interprétation). - Comment l'avez-vous appris et
5 quand ?
6 M. Dokmanovic (interprétation). - Je l'ai appris à Velepromet
7 par Korsic.
8 M. Fila (interprétation). - Le 20 donc ?
9 M. Dokmanovic (interprétation). - Effectivement.
10 Lorsque Zlatko a trouvé Jovanka près de Sid, près de
11 l'autoroute, ils ont passé la nuit à Sid et la famille de Korsic y était
12 aussi. D'une façon ou d'une autre, ils se sont entrevus et Korsic m'a dit
13 que Zlatko avait trouvé Jovanka.
14 M. Fila (interprétation). - Nous allons regarder une cassette
15 vidéo, notamment le passage au cours duquel vous prononcez une certaine
16 phrase. C'est la pièce D2. J'aimerais que vous nous disiez exactement les
17 mots que vous prononcez. Peut-on diffuser cette cassette, s'il vous
18 plaît ?
19 (Diffusion de la cassette.)
20 M. Fila (interprétation). - Qu'avez-vous dit à cet endroit
21 précis ?
22 M. Dokmanovic (interprétation). - J'ai dit : "Zlatko a trouvé
23 Jovanka".
24 M. Fila (interprétation). - Vous parlez des Vodicka, n'est-ce
25 pas ?
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1 M. Dokmanovic (interprétation). - Effectivement. C'était une
2 excellente nouvelle pour moi d'apprendre qu'ils s'étaient retrouvés, parce
3 que nous-mêmes et Zlatko avions perdu tout espoir. Nous pensions que
4 Jovanka avait trouvé la mort dans les combats, dans le secteur de Vukovar.
5 Zlatko n'avait rien appris à son sujet depuis plusieurs mois.
6 M. Fila (interprétation). - Avant que Zlatko Vodicka ne vienne
7 vivre chez vous, où vivait-il ? Dans quelle ville résidait-il ?
8 M. Dokmanovic (interprétation). - Il était vétérinaire et il
9 vivait à Vukovar. Il y avait une maison familiale. Il a passé quelque
10 quinze années à Trpinja, au poste vétérinaire de la ville et il avait un
11 appartement de fonction juste au-dessus. Peu après, ils ont construit une
12 maison à Vukovar, ils s'y sont installés peu de temps après 1980, je
13 crois, vers 1983 ou 1984. Mais Zlatko a continué à travailler à Trpinja en
14 tant que vétérinaire. Jovanka, elle, travaillait au poste vétérinaire de
15 Vukovar.
16 Lorsque la ville de Vukovar a été encerclée, lorsque plus
17 personne n'était autorisé à quitter la ville, lorsque les villages
18 alentours étaient également encerclés, Zlatko ne pouvait plus se rendre à
19 Trpinja. On l'a transféré, il a dû travailler à Jako Povac. C'est une
20 ferme d'élevage de bétails près de Vukovar. Il y a travaillé pendant
21 quelques temps. Il a dû travailler jusqu'au 15 ou 16 octobre, époque à
22 laquelle Vukovar a été entièrement encerclée. L'armée a fait le siège de
23 Vukovar et, lui, il était coincé dans cette ferme à Jako Povac. Il n'a pas
24 pu retourner à Vukovar. La seule route qu'il pouvait empruntée était celle
25 qui menait à Ilok, donc c'est là qu'il s'est rendu. Quant à Jovanka, elle
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1 est restée à Vukovar et, à partir de ce jour-là, ils n'ont plus pu entrer
2 en contact. Ils ne se sont ni vus ni parlé. Ce n'est que le 19 novembre
3 qu'ils se sont retrouvés.
4 M. Fila (interprétation). - Lorsqu'ils ont quitté Ilok, est-ce
5 que Ilija Markovic, le président de l'assemblée municipale, vous a
6 invité ?
7 M. Dokmanovic (interprétation). - J'ai eu un message, la veille,
8 qui précisait que Zlatko m'avait demandé d'attendre. Je ne savais pas
9 qu'il était à Ilok, car nous n'avions pas pu entrer en contact tous les
10 deux. Ce jour-là, je me suis rendu sur place pour voir ce qu'il en était.
11 M. Fila (interprétation). - Vous êtes donc allé à Ilok à deux
12 reprises, n'est-ce pas ?
13 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.
14 M. Fila (interprétation). - Vous trouviez-vous sur le pont, le
15 premier jour ?
16 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui. Ljubo Vacic se trouvait
17 là et je suis allé le voir dans le bâtiment de l'assemblée municipale,
18 pour voir ce qu'il se passait. Il m'a dit que Zlatko était sur le pont.
19 J'y suis donc allé et j'ai demandé ce qu'il se passait. Ils ont dit que,
20 le lendemain, Ilok serait évacuée. Je suis resté encore cinq ou dix
21 minutes sur le pont, puis je suis rentré.
22 M. Fila (interprétation). – Puis vous y êtes retourné le lendemain et vous
23 avez rencontré Vodicka. C’est ainsi qu’il est venu chez vous, n’est-ce que
24 pas
25 M. Dokmanovic (interprétation). – Oui.
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1 M. Fila (interprétation). – Je vais vous diffuser un autre segment de la
2 cassette. C’est la dernière minute de film à 15 heures 42. Pourriez-vous
3 nous dire si c’est bien votre voix qu’on entend ? Pourriez-vous nous dire
4 exactement quels sont les mots que vous prononcés ?
5 (Diffusion de la cassette.)
6 M. Dokmanovic, est-ce que bien votre voix que nous avons entendue ?
7 M. Dokmanovic (interprétation). – Oui ?
8 M. Fila (interprétation). – Nous allons rembobiner la cassette et quand
9 vous vous entendez préciser bien qu’il s’agit de vous. Et dites-nous
10 exactement ce que vous dites.
11 (Diffusion de la cassette.)
12 M. Dokmanovic (interprétation). – Ici, on est Negoslavci.
13 M. Fila (interprétation). – Qu’avez-vous dit ?
14 M. Dokmanovic (interprétation). – Je dis « Comment me connaissent-ils ? »
15 M. Fila (interprétation). – C’était à Negoslavci ?
16 On voit aussi la route au niveau du tournant, n’est-ce pas ?
17 Je vois que M. Bos est à nouveau parmi nous. Pouvons-nous faire passer à
18 l’accusé, la pièce de D48, s’il vous plaît ?
19 (L’huissier s’exécute.)
20 M. Dokmanovic (interprétation). – Il s’agit de mes vêtements. Je portais
21 ces vêtements le 20 novembre 1991. Mais j’avais ces vêtements bien
22 auparavant déjà.
23 M. Fila (interprétation). – Monsieur Dokmanovic, à un moment donné en
24 juin, vous avez quitté Vukovar. Pouvez-vous nous dire ce que vous portiez,
25 à partir de cette date, au mois de juin jusqu’au 20 novembre 1991 et
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1 au-delà de cette date ? Pourquoi portiez-vous ce type de vêtement ?
2 M. Dokmanovic (interprétation). – Pendant les mois d’été, je portais un
3 jean et un tee shirt. Parfois je changeais de vêtement tout dépendait du
4 temps. A l’automne, j’ai commencé à porter ces vêtements-ci, quand il a
5 commencé à faire plus froid. Je portais une veste de couleur verte, veste
6 de l’entreprise Vupik à Vukovar. C’était la veste que portaient tous les
7 employés. Donc lorsqu’il faisait froid cette veste que je portais.
8 M. Fila (interprétation). – Pourquoi portiez -vous ces vêtements pendant
9 les mois d’hiver ?
10 M. Dokmanovic (interprétation). – Non, c’était pendant l’automne.
11 M. Fila (interprétation). – Excusez-moi ; effectivement.
12 M. Dokmanovic (interprétation). – Il y a deux raisons au moins à cela.
13 Tout d’abord une raison pratique : ce sont des vêtements très faciles
14 d’entretien. C’est beaucoup plus facile à entretenir qu’un costume ou
15 d’autres types de vêtements. Notamment au vu de la situation qui
16 prévalait. Il n’y avait pas d’électricité. Il y avait pénurie d’eau. Il
17 fallait tout laver à la main. Et puis la deuxième raison, c’est que les
18 circonstances étaient telles que la population n’aimait pas tellement voir
19 des personnes vêtues en civil. Il était beaucoup plus facile de passer les
20 postes de contrôle, si on portait ce type de vêtements. Les civils étaient
21 dans une position plus difficile, que ceux qui les portaient.
22 M. Fila (interprétation). – M. Dokmanovic vous avez déclaré que vous aviez
23 bien reconnu la dernière séquence filmée de la casquette : sur la portion
24 de route de Vukovar à Negoslavci, il n’y a pas de maison.
25 Je vais maintenant vous faire passer une séquence vidéo, pièce D28 de la
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1 défense. C’est en fait une pièce de l’accusation. C’est une photo qui a
2 été prise par hélicoptère. L’accusation semble disposer de moyens
3 techniques dont nous ne disposons pas. Il vaut parfois mieux se pencher
4 sur les pièces de l’accusation.
5 Peut-on voir des maisons sur cette photo ? Pouvez-vous affirmer qu’il n’y
6 a pas de maison sur la route qui va de Vukovar à Negoslavci ? C’est le
7 segment de route emprunté par les bus. Pouvons-nous voir cette cassette,
8 s’il vous plaît ?
9 (Diffusion de la cassette.)
10 C’est bien Vukovar que nous voyons, n’est-ce pas ?
11 M. Dokmanovic (interprétation). – Oui.
12 M. Fila (interprétation). – Faites bien, attention maintenant, s’il
13 vous plaît
14 (Diffusion de la cassette.)
15 Ce n’est pas le point 3 qui m’intéresse. Peut-on commencer au
16 point 13 et aller jusqu’au point 14.
17 Pendant que nous retrouvons cette séquence, je vais vous poser
18 une dernière question. Etes-vous marier ? Avez-vous une famille ? Quand et
19 avec qui vous êtes-vous marié ? Pouvez-vous nous préciser tous ces
20 détails ? S’il vous plaît.
21 M. Dokmanovic (interprétation). – Je suis marié à une femme
22 extraordinaire. Je suis marié depuis 1969. Nous avons deux enfants d'âge
23 adulte : une fille qui est mariée et un fils qui est marié, lui aussi.
24 M. Fila (interprétation). - Vous avez des petits-enfants ?
25 M. Dokmanovic (interprétation). - J'ai deux petits-enfants : une
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1 petite fille de 8 ans que vous a vue d'ailleurs...
2 M. Fila (interprétation). - Effectivement.
3 M. Dokmanovic (interprétation). - ...et un petit garçon de
4 8 mois
5 M. Fila (interprétation). - Et vous n'avez jamais vu votre
6 petit-fils, n'est-ce pas ? Et votre fille attend un autre enfant, n'est-ce
7 pas ?
8 M. Dokmanovic (interprétation). - Effectivement. Elle attend un
9 troisième enfant.
10 M. Fila (interprétation). - N'avez-vous jamais été traduit en
11 justice pour un crime quelconque au cours de votre vie ?
12 M. Dokmanovic (interprétation). - Non jamais. J'étais expert
13 rattaché à un tribunal pendant de nombreuses années, je n'ai jamais eu de
14 problèmes vis-à-vis de la justice.
15 M. Fila (interprétation). - Vous aimez votre famille. Que
16 pouvez-vous nous dire d'autre ?
17 M. Dokmanovic (interprétation). - Je viens d'une famille de
18 paysans, de la campagne et, dès mon plus jeune âge, j'ai appris à aimer
19 l'agriculture et la vie de la ferme. J'ai donc fait des études en
20 agriculture. L'agriculture est vraiment mon deuxième grand amour après ma
21 famille.
22 M. Fila (interprétation). - Pourquoi vous être mêlé à la
23 politique ?
24 M. Dokmanovic (interprétation). - En fait, c'est une erreur que
25 j'ai commise en 1990.
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1 J'ai pensé qu'en appliquant un système multipartite, nous
2 allions enfin nous pouvoir nous débarrasser de l'ancien système, et mes
3 amis, au vu de la position que j'occupais, m'ont persuadé de rentrer dans
4 la politique.
5 Au début, ma femme a essayé de m'en dissuader. Elle m'a dit :
6 "Mais pourquoi tu veux faire de la politique, Slavko ? Nous avons une vie
7 très agréable. Ne te mêle pas de cela." Malheureusement, je ne l'ai pas
8 écouté et voici pourquoi je me trouve à La Haye aujourd'hui.
9 M. Fila (interprétation). - Pouvons-nous voir la cassette
10 maintenant et notamment la séquence qui va du point 13 au point 14 ? Nous
11 voyons la sortie de Vukovar et la route qui mène à Ovcara.
12 Monsieur Dokmanovic, de quelle partie de Vukovar s'agit-t-il ?
13 M. Dokmanovic (interprétation). - On voit là le cimetière juif,
14 une partie des casernes... Le cimetière juif était entouré d'un mur à
15 l'époque où j'étais président de l'assemblée municipale.
16 M. Fila (interprétation). - Concentrez-vous bien sur les images
17 qui vont suivre, s'il vous plaît.
18 (Diffusion de la cassette.)
19 Quelle est la route que nous apercevons ?
20 M. Dokmanovic (interprétation). - C'est la route qui part de
21 Vukovar.
22 M. Fila (interprétation). - C'est la route que vous avez
23 empruntée ce jour-là ?
24 M. Dokmanovic (interprétation). - C'est la route qui mène vers
25 Negoslavci.
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1 M. Fila (interprétation). - C'est donc la route que vous avez
2 empruntée le 20 novembre lorsque vous avez quitté Vukovar, n'est-ce pas ?
3 Peut-on voir des maisons le long de cette route ?
4 M. Dokmanovic (interprétation). - Non, on ne voit que des
5 champs, qui appartiennent à des agriculteurs privés.
6 M. Fila (interprétation). - Arrêtez-vous un instant. C'est le
7 tournant qui va à Ovcara. Entre Ovcara et Vukovar, y a-t-il des maisons le
8 long de cette route ?
9 M. Dokmanovic (interprétation). - En 1991, il n'y avait aucune
10 maison le long de cette route.
11 M. Fila (interprétation). - Je vous remercie.
12 Nous n'avons plus besoin de la cassette.
13 Monsieur le Président, je voulais vous demander quelque chose :
14 M. Dokmanovic souhaiterait faire une courte allocution. Cela est-il
15 possible ? Je vous remercie, Monsieur le Président, nous n'avons plus de
16 questions.
17 M. Dokmanovic (interprétation). - Monsieur le Président, Madame
18 et Messieurs les Juges, après quelques mois -hier, cela faisait exactement
19 11 mois que je suis en prison-, j'ai pour la première fois la possibilité
20 de parler. C'est la première occasion qui m'est donnée de vous faire
21 entendre le son de ma voix, ce dont je vous remercie.
22 Je suis sous serment. Tout ce que je vais dire sera donc la
23 vérité et je vous adresse ces quelques phrases, Monsieur le Président,
24 Madame et Messieurs les Juges, pour vous remercier sincèrement d'avoir
25 mené ce regrettable procès dont je suis l'objet.
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1 Je voudrais saisir l'occasion également pour souligner le
2 rapport très humain qu'ont à mon égard tous les employés de la prison et
3 en particulier le directeur Mark Veden, qui a montré la plus grande
4 compréhension pour toutes les crises dont j'ai souffert.
5 Monsieur le Président, vous allez prononcer votre verdict selon
6 votre conscience. Quel que soit ce verdict, sachez que vous avez en face
7 de vous un homme totalement brisé, dont la vie ne sera plus jamais la
8 même. Il est tout à fait certain que ce procès a eu une telle influence
9 sur mon psychisme qu'il me sera difficile de me sentir autrement
10 qu'aujourd'hui.
11 Permettez-moi, je vous prie, de dire ce que je dis maintenant
12 avant de continuer à répondre à d'autres questions.
13 Rendez-vous compte que vous avez devant vous un homme qui
14 déclare sous serment n'avoir jamais tué quelqu'un, n'avoir jamais violenté
15 quiconque.
16 Merci de m'avoir écouté.
17 M. le Président (interprétation). - Merci, M. Dokmanovic.
18 Maître Niemann, Maître Williamson, peut-être ?
19 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, une
20 questions d'intendance à régler avant que je ne commence à poser des
21 questions à M. Dokmanovic.
22 Alors que nous nous préparions pour le contre-interrogatoire,
23 nous nous sommes aperçus que le compte-rendu, la transcription de
24 l'entretien qui a eu lieu avec M. Dokmanovic au quartier pénitencier est
25 incomplète : il manque deux pages. Une vidéo a été communiquée à la
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1 défense. Des représentants de la défense étaient présents lors de
2 l'entretien et nous venons de nous apercevoir qu'il manquait un bref
3 passage à cette retranscription de l'entretien. En fait, dans ce passage,
4 on dit que l'entretien va être conclu et qu'il reprendra à une date
5 ultérieure. Ce passage apparaît sur la cassette, mais non pas dans la
6 retranscription de celle-ci.
7 J'ai obtenu un nouveau compte-rendu ce matin et il y a un début
8 de traduction de ce compte-rendu. Je ne sais pas si vous souhaitez vous
9 baser sur l'ancienne retranscription ou si vous souhaitez que je vous
10 fasse parvenir ce nouvel exemplaire complet avec les deux pages
11 manquantes.
12 M. le Président (interprétation). - Pouvez-vous simplement nous
13 faire passer ce qui manque à la retranscription que nous avons entre les
14 mains à présent.
15 M. Williamson (interprétation). - Très bien, ce ne sont que deux
16 pages de toute façon. Ce sont les pièces de l'accusation 128a -c'est la
17 pièce originale-..., et nous allons ajouter la pièce 128b et 128c, qui est
18 la version en serbe de ce document.
19 M. Fila (interprétation). - Voyons si je vous ai bien compris,
20 il s'agit de l'entretien auquel j'ai assisté dans le cadre du quartier
21 pénitentiaire ?
22 M. Williamson (interprétation). - Tout à fait, la défense était
23 présente et vous avez également reçu, Maître Fila, une séquence vidéo de
24 cet entretien ; le passage qui manque est simplement celui dans le cadre
25 duquel il est dit que l'entretien va être conclu et reprendra à une date
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1 ultérieure.
2 Monsieur le Président, puis-je commencer le
3 contre-interrogatoire ?
4 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.
5 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Dokmanovic, lorsqu'en
6 juin dernier vous avez rencontré M. Curtis à Sombor, vous l'avez rencontré
7 pour lui parler des crimes commis par des Croates contre des Serbes,
8 n'est-ce pas ?
9 M. Dokmanovic (interprétation). - Non.
10 Lorsque je l'ai rencontré, mon intention était de parler de tous
11 les crimes qui avaient été commis ; nous n'avons pas spécifié que nous
12 allions parler des crimes commis par les Croates.
13 M. Williamson (interprétation). - Au cours de cet entretien,
14 vous n'avez communiqué aucune information relative à des crimes commis par
15 des Serbes, n'est-ce pas ?
16 M. Dokmanovic (interprétation). - Nous n'avions même pas atteint
17 ce stade de la conversation. L'entretien a duré 2 jours et le deuxième
18 jour, notre rencontre a été très brève. En effet, M. Curtis avait accompli
19 sa mission, il m'avait fait venir à Vukovar, c'est pour cela qu'il est
20 venu me voir. Il n'est pas venu me voir pour obtenir des informations. Le
21 second jour, nous avons eu un entretien très bref et jusqu'au 2 mai 1991,
22 nous ne nous sommes plus revus.
23 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous avez parlé de
24 cette journée du 2 mai 1991, le jour de l'incident à Borovo Selo, la
25 version que vous lui avez fournie est très différente de ce que vous avez
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1 déclaré au Tribunal, à savoir qu'il était impossible de définir qui était
2 responsable. En fait, vous avez dit à M. Curtis que seuls les Croates
3 avaient été responsables de ce qui s'était passé à Borovo Selo, n'est-ce
4 pas ?
5 M. Dokmanovic (interprétation). - Hier, j'ai dit que j'avais
6 demandé à M. Ante Markovic et M. Manolic, Présidents du gouvernement
7 fédéral et du gouvernement de la République de la Croatie, de déterminer
8 qui était coupable de ce qui s'était passé à Borovo Selo.
9 M. Williamson (interprétation). - Je crois que vous avez
10 également déclaré aux Juges qu'il était impossible de déterminer qui était
11 responsable.
12 M. Dokmanovic (interprétation). - Je n'ai pas dit qu'il était
13 impossible de le déterminer, j'ai affirmé qu'il était possible de le
14 déterminer, mais que je n'avais pas la possibilité de le faire par la voie
15 des institutions municipales. Seul quelqu'un ayant des compétences
16 beaucoup plus importantes que les miennes pouvait le déterminer.
17 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous avez parlé à
18 M. Curtis, vous aviez un point de vue tout à fait clair quant à l'identité
19 des responsables, et vous le lui avez dit, ce qui semble différent de ce
20 que vous avez déclaré hier aux Juges.
21 M. Dokmanovic (interprétation). - Monsieur Curtis a, depuis le
22 début, l'intention de me jeter en prison, je ne sais pas ce qu'il a écrit,
23 en tout cas, je ne dis que ce qui s'est passé. Le conflit a été initié par
24 la police croate, mais les coupables ne sont certainement pas que d'un
25 côté, les choses sont sûrement plus complexes ; c'est d'ailleurs ce que
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1 j'ai dit.
2 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous parliez hier
3 d'avoir proposé de venir à La Haye volontairement, cela portait sur l'idée
4 de venir ici en tant que témoin, pour témoigner contre des auteurs croates
5 et non pour subir un procès, n'est-ce pas ?
6 M. Dokmanovic (interprétation). - Il n'a pas été question des
7 conditions dans lesquelles je serais venu à La Haye. Monsieur Curtis m'a
8 simplement demandé si j'étais prêt à fournir une déclaration et à la
9 signer, ou à venir éventuellement à La Haye. Je lui ai répondu que j'étais
10 prêt à faire l'un ou l'autre. Il n'a pas été question que les conditions
11 soient uniquement la déclaration, ou uniquement le procès.
12 M. Williamson (interprétation). - Hier, vous avez parlé de votre
13 de famille qui est à Trpinja depuis 250 ans et du fait que vous avez été
14 chassé de votre maison. En 1991, selon les estimations des Nations Unies,
15 97 % de la population croate de Vukovar ont été expulsés et la plupart de
16 ces familles résidaient dans la région depuis plus de 200 ans. Vous qui
17 êtes dans des fonctions politiques depuis 1996, qu'avez-vous fait pour
18 ramener ces gens dans leur foyer ?
19 M. Dokmanovic (interprétation). - J'ai occupé des fonctions
20 politiques jusqu'au 6 juin 1991. Ce que j'ai fait par la suite, n'a rien à
21 voir avec des fonctions politiques. C'est une activité professionnelle
22 accès sur l'agriculture. J'ai travaillé en tant que Ministre de
23 l'Agriculture au sein du gouvernement du district serbe de Slavonie,
24 Baranja et Srem occidentale et ensuite, dans une entreprise vinicole.
25 Lorsque je suis devenu Président de l'assemblée municipale en 1994, une
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1 nouvelle fois, j'ai préconisé le retour de chacun dans sa maison et signé
2 un accord à cette fin.
3 M. Williamson (interprétation). - L'accord d'Erdut n'a pas été
4 appliqué jusqu'en 1995, n'est-ce pas ?
5 M. Dokmanovic (interprétation). - Je parle de la date de la
6 signature de l'accord d'Erdut.
7 M. Williamson (interprétation). - En fait, les négociations
8 visant à conclure l'accord d'Erdut n'ont pas commencé non plus avant tard
9 dans l'année 1995, n'est-ce pas ?
10 M. Dokmanovic (interprétation). - Effectivement.
11 M. Williamson (interprétation). - A ce moment-là, la Croatie
12 venait de reprendre tous les territoires serbes inclus à l'intérieur de
13 ses frontières. Il y avait donc menace d'invasion militaire de la Croatie,
14 et Belgrade avait dit clairement que les Serbes de Slavonie orientale,
15 donc vous, devaient conclure un accord avec les Croates, n'est-ce pas ?
16 M. Dokmanovic (interprétation). - Les instructions que j'ai
17 reçues, les informations que j'ai obtenues, n'ont rien à voir avec ce que
18 vous dites. Je ne sais pas ce que vous dites, en tout cas, il y avait sur
19 place un groupe de personnes qui a décidé d'entamer des pourparlers en vue
20 d'un accord. Personne ne m'a jamais contraint à rechercher un accord.
21 M. Williamson (interprétation). - Ce que je vous dis,
22 Monsieur Dokmanovic, c'est qu'à la fin de 1995, la population de Slavonie
23 orientale n'avait guère le choix, la seule possibilité qui leur était
24 offerte consistait à entamer les négociations pour un accord, et le seul
25 point en discussion était la durée de la transition et son objectif.
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1 Est-il permis de s'exprimer ainsi ?
2 M. Dokmanovic (interprétation). - Avec le temps qui s'est écoulé
3 depuis, et compte tenu de la position que vous occupez, il est possible de
4 défendre les positions que vous défendez. Mais, à l'époque, et compte tenu
5 du poste que j'occupais et de la situation de la population, ceux qui
6 étaient favorables aux pourparlers étaient une minorité.
7 M. Williamson (interprétation). - Vous rappelez-vous avoir dit à
8 M. Curtis, le 24 juin de l'année dernière, qu'en 1991, objectivement, il
9 n'y avait aucun moyen pour les Croates de revenir à Vukovar ?
10 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne comprends pas... En
11 1991 ? Mais les Croates étaient à Vukovar, en 1991 !
12 M. Williamson (interprétation). -A la fin de la bataille, en
13 novembre 1991... Vous parliez de cette période avec M. Curtis. Vous
14 rappelez-vous lui avoir dit qu'objectivement, la conclusion que vous aviez
15 tirée avec les autres membres du gouvernement, c'est qu'il n'y avait plus
16 aucun moyen, pour les Croates, de revenir à quelque moment que ce soit à
17 Vukovar.
18 M. Dokmanovic (interprétation). - Ce n'est pas ce que j'ai dit à
19 M. Curtis. En 1991, à la fin des combats de Vukovar, il n'avait pas les
20 conditions de vie nécessaires pour la population serbe ou la population
21 croate. Il y avait plusieurs milliers d'habitants -2.000 à 3.000
22 habitants- dans les bâtiments plus au moins préservés et le reste de la
23 population de la ville se trouvait soit en Serbie, soit en Croatie.
24 M. Williamson (interprétation). - Ce qui vous a poussé à vous
25 rendre à la réunion avec M. Klein, c'était que, puisque vous deviez quitté
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1 la Croatie, vous cherchiez à obtenir une compensation financière pour
2 votre maison. Mais avez-vous fait des efforts pour en fournir une aux
3 Croates qui ont dû abandonner leur maison ?
4 M. Dokmanovic (interprétation). - Il n'était pas uniquement
5 question de ma maison, il était également question de la maison d'autres
6 Serbes qui avaient quitté cette région. C'était le thème qui devait être
7 discuté. C'est la raison pour laquelle M. Knejevic est venu avec moi. Il
8 est de Baranja et, lui aussi, a dû abandonner sa maison. Nous sommes allés
9 à cette réunion pour voir s'il était possible de faire quelque chose,
10 parce que nous avions quitté la région et nous n'avions pas résolu le
11 problème de notre logement. Mais, indépendamment de la raison pour
12 laquelle je suis allé à cette réunion, j'avais obtenu des garanties de
13 M. Curtis et de M. Klein quant au fait que j'allais pouvoir rentrer à
14 Sombor en toute sécurité. Ils m'ont menti tous les deux. Tout cela était
15 une action coercitive destinée à m'amener ici, et ce par le truchement
16 d'un mensonge.
17 M. Williamson (interprétation). - Je vais vous reposer la
18 question que je viens de vous poser. Lorsque vous faisiez partie du
19 gouvernement, ou de l'administration municipale, avez-vous fait le moindre
20 effort pour accorder une compensation financière aux Croates, pour les
21 maisons qu'ils ont dû quitter ? Des efforts ont-ils été faits dans ce sens
22 par le gouvernement, pour indemniser les Croates ?
23 M. Dokmanovic (interprétation). - A l'époque où j'étais
24 président de l'assemblée municipale, en 1994 et 1995, nous avons travaillé
25 sur la rénovation de tous les bâtiments, dans la mesure du possible.
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1 Vukovar était détruite dans une telle mesure que la municipalité n'avait
2 pas la possibilité de restaurer tout ce qui avait été détruit. Nous en
3 avons discuté avec les membres de la communauté européenne et avec
4 l'ATNUSO car nous avions besoin de ressources pour effectuer toutes ces
5 restaurations dans des délais raisonnables.
6 Quand un bâtiment était restauré, aucune différence n'était
7 faite entre un bâtiment croate ou serbe. Je ne sais pas ce que vous voulez
8 dire lorsque vous parlez de la municipalité en tant qu'institution et que
9 vous pensez qu'elle doit intervenir dans la restauration de bâtiments
10 ayant appartenus à des Croates et ayant été détruits. Il n'y avait pas de
11 ressource pour agir dans ce sens.
12 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Dokmanovic, si vous
13 êtes un homme favorable à la paix et à la réconciliation, pourquoi les
14 Croates vous perçoivent-ils d'une façon aussi différente ? Vous êtes
15 accusé d'insurrection et, très manifestement, vous n'êtes pas bienvenu en
16 Croatie. Pourquoi êtes-vous perçu de cette façon si vous êtes favorable à
17 la réconciliation ?
18 M. Dokmanovic (interprétation). - Hier, des éléments de preuve
19 ont été montrés ici quant à ce qu'a réalisé le président de l'assemblée
20 municipale de Vukovar pour maintenir la paix dans la ville. Si cela n'a
21 pas été compris, il y est possible de montrer une nouvelle fois ces
22 éléments de preuve. Mais la situation était telle que les possibilités
23 dont disposait le président de l'assemblée municipale n'ont pas suffi pour
24 assurer le maintien de la paix.
25 Les Croates m'accusent, me condamnent, parce qu'ils estiment
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1 que, d'une certaine façon, j'ai davantage soutenu le camp serbe que la
2 Croatie en tant que président. Les Serbes me condamnent pour la chose
3 inverse : ils m'accusent d'avoir été favorable aux Croates et d'avoir mené
4 une politique trop laxiste -si tant est que je pouvais mener une
5 politique- alors que mon but était de maintenir la Yougoslavie, pour
6 autant que la chose ait été possible. Je voulais que les problèmes qui
7 surgissaient soient résolus d'une façon pacifique. Dans les conditions de
8 l'époque, cela concernait tous les problèmes et toutes les localités.
9 Je considérais que nous étions trop peu nombreux pour pouvoir
10 décider à nous seuls de la solution définitive de la crise yougoslave. Je
11 considère encore aujourd'hui que cette solution aurait dû être recherchée
12 à un niveau supérieur et qu'il n'aurait pas fallu permettre à chaque
13 municipalité ou à chaque village de se débrouiller comme il pouvait.
14 Vukovar, malheureusement, a subi le sort le plus difficile.
15 Après les années qui se sont écoulées depuis, il est possible de tirer les
16 leçons de cette expérience. Mais, à l'époque, j'étais pour la paix et je
17 crois l'avoir montré de la façon la plus claire.
18 M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit hier avoir
19 participé à la réunion de Srb le 25 juillet 1990, date de la création du
20 conseil national serbe, n'est-ce pas ?
21 M. Dokmanovic (interprétation). - J'y étais présent.
22 M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit avoir été
23 surpris par ce que vous avez entendu à cette réunion et que, en fait, vous
24 n'étiez pas d'accord avec les points de vue qui y ont été exprimés, c'est
25 cela ?
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1 M. Dokmanovic (interprétation). - Ce n'est pas ce que j'ai dit.
2 J'ai dit que j'étais surpris par l'atmosphère que j'ai constatée à cette
3 réunion.
4 M. Williamson (interprétation). - De quelle façon avez-vous été
5 surpris ?
6 M. Dokmanovic (interprétation). - A Vukovar, la situation était
7 encore relativement calme, bien que les membres du HDZ manifestaient de
8 temps en temps dans la ville, en voiture ou autrement, en exposant le
9 drapeau croate, en chantant des chants provocateurs et par d'autres
10 moyens. Les Serbes, à l'époque, n'agissaient pas de cette façon-là.
11 Quand je suis allé à Srb, j'ai vu que c'était un regroupement
12 très important, avec toute sorte d'insignes et de symboles nationaux, ce
13 qui se distinguait de ce qui se faisait à Vukovar.
14 M. Williamson (interprétation). - Et vous avez perçu cette
15 atmosphère comme étant négative ?
16 M. Dokmanovic (interprétation). - Ce n'est pas ce que j'ai dit.
17 J'ai dit que j'ai été surpris par ce que j'ai vu.
18 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous été satisfait de
19 vous voir offrir la possibilité d'être membre de cette nouvelle
20 organisation du conseil national serbe ?
21 M. Dokmanovic (interprétation). - J'ai surtout été surpris de
22 voir que l'on me proposait comme candidat. Mais, aujourd'hui, il m'est
23 difficile de vous dire quel était mon état d'esprit personnel. Je crois
24 que mes actes, par la suite, montrent bien quelles étaient mes intentions.
25 M. Williamson (interprétation). - Mais je vous interroge au
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1 sujet de votre état d'esprit personnel de l'époque. Etiez-vous favorable à
2 l'adhésion à cette organisation ou pas ?
3 M. Dokmanovic (interprétation). - Mes convictions politiques
4 étaient favorables à la Yougoslavie, je l'ai dit à plusieurs reprises. Par
5 conséquent, il est possible de juger de mes sentiments personnels en les
6 confrontant à tout ce qui pouvait servir la Yougoslavie. Vous me posez
7 aujourd'hui des questions au sujet des sentiments qui étaient les miens il
8 y a plus de sept ans. Je ne peux pas me souvenir. Tout ce que je peux vous
9 dire, tout ce dont je me souviens, c'est que j'ai été surpris.
10 M. Williamson (interprétation). - Si vous étiez pro-yougoslave,
11 pourquoi n'avez-vous pas tout simplement refusé d'adhérer à cette
12 organisation qui, à l'évidence, proposait un chemin séparé pour les
13 Serbes ?
14 M. Dokmanovic (interprétation). - Je dirai d'abord que ce que
15 vous affirmez là est inexact. La Croatie s'était prononcée en faveur du
16 séparatisme par rapport à la Yougoslavie. Les Serbes souhaitaient, eux,
17 demeurer au sein de la Yougoslavie. Ce problème doit donc être perçu et
18 considéré selon la réalité authentique et pas comme vous le dites. Mais,
19 dans une réunion regroupant plus de mille personnes et à une distance de
20 100 à 150 mètres de la tribune, il était impossible d'exprimer ses
21 positions personnelles.
22 M. Williamson (interprétation). - Mais vous n'étiez pas dans
23 l'obligation d'adhérer à l'organisation. Ils étaient en train de créer un
24 conseil national serbe, un parlement serbe. Ces deux organismes n'étaient
25 pas yougoslaves mais serbes.
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1 M. Dokmanovic (interprétation). - J'ai dit qu'à Knin et dans
2 d'autres localités, les Serbes s'étaient, dans leur grande majorité,
3 prononcés en faveur de la Yougoslavie à ce moment-là.
4 M. Williamson (interprétation). - Donc, la façon dont vous
5 considériez la question, à l'époque, consistait à considérer les Serbes
6 comme équivalents à la Yougoslavie, pratiquement ?
7 M. Dokmanovic (interprétation). - C'est ce que vous dites. Ce
8 que je dis, c'est que le peuple serbe s'était prononcé, dans sa majorité,
9 en faveur de la Yougoslavie.
10 M. Williamson (interprétation). - Pouvez-vous comprendre que le
11 fait que vous considériez la Yougoslavie comme une entité destinée à
12 réaliser les objectifs des Serbes pouvait susciter une opposition de la
13 part des Croates et des Slovènes ?
14 M. Dokmanovic (interprétation). - Ce que vous dites n'est pas
15 exact. La Yougoslavie existait à l'époque en tant qu'Etat souverain. Le
16 séparatisme, par rapport à la Yougoslavie, a d'abord été le fait de la
17 Slovénie et de la Croatie. Ensuite, il y a d'autres entités séparatistes.
18 Il s'agit donc du séparatisme exprimé par deux Républiques qui
19 souhaitaient quitter la Yougoslavie. Voilà quel est le fond de la
20 question. Maintenant, le fait que quelqu'un ait pu souffrir en
21 Yougoslavie, si celle-ci avait été maintenue, est une autre question.
22 Jusqu'en 1990, j'affirme qu'aucun peuple, aucune nationalité n'était
23 persécutée en Yougoslavie.
24 M. Williamson (interprétation). - Cependant, cette réunion du
25 conseil national serbe, qui a créé le parlement serbe qui, à son tour, a
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1 publié une déclaration sur l'autonomie et la souveraineté des Serbes,
2 s'est produite onze mois avant la déclaration d'indépendance de la
3 Croatie, n'est-ce pas ? Onze mois avant, exactement.
4 M. Dokmanovic (interprétation). - Il faut tenir compte de ce
5 qu'il s'est passé, à moment-là, au sein du parlement croate. Si vous le
6 faites, nous pourrons discuter ensemble. Si vous avez des documents, il
7 faudrait également que vous en ayez de l'autre partie. C'est la première
8 chose que je voulais dire. La deuxième chose, c'est que le peuple serbe,
9 en Croatie, était un peuple souverain, l'égal du peuple croate. La Croatie
10 était l'Etat des peuples serbe et croate. Donc, l'égalité de ces peuples
11 était scellée, garantie par la Constitution de la Croatie.
12 M. Williamson (interprétation). - Après être devenu membre du
13 conseil national serbe, vous avez attendu que le camp croate exprime des
14 critiques avant de démissionner, au cours d'une réunion de l'assemblée,
15 n'est-ce pas ?
16 M. Dokmanovic (interprétation). - C'est faux.
17 M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit, hier, que la
18 presse rendait abondamment compte de ce que vous faisiez, que les médias
19 croates vous avaient critiqué pour avoir rejoint le conseil national
20 serbe, que la Croatie avait demandé la réunion d'une assemblée pour exiger
21 votre démission et que c'est à ce moment-là que vous êtes sorti du conseil
22 national serbe. Pourquoi avez-vous attendu jusqu'à ce que le camp adverse
23 exprime des critiques pour agir dans ce sens ?
24 M. Dokmanovic (interprétation). - Le président informait la
25 population au sujet de son travail et de ses positions dans le cadre des
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1 réunions de la l’assemblée municipale. Ce qui passait le matin était
2 publié le lendemain et au bout de deux ou trois jours donnait lieu à
3 diverses critiques. J'ai convoqué l'assemblée dans les délais qui étaient
4 praticables, je ne pouvais pas appeler la municipalité par téléphone
5 c'était très compliqué. Il fallait aussi que certains documents avant la
6 convocation d’une réunion de l’assemblée dans le cadre de l’organisation
7 des assemblées régulières de la municipalité. Certains délais étaient donc
8 nécessaires.
9 M. Fila (interprétation). – Deviez-vous faire cela devant
10 l’assemblée ? Vous ne pouviez pas vous rendre au siège d’un journal ou à
11 une station de radio de Vukovar le lendemain pour dire que vous deviez
12 prendre telle ou telle décision ? Pourquoi avez-vous du la prendre devant
13 l’assemblée ?
14 M. Dokmanovic (interprétation).– Mon départ à Srb a été rendu
15 public. Mais j’étais membre de l’assemblée municipale et je souhaitais
16 informer les autres membres de l’assemblée pour qu’ils sachent exactement
17 quelle solution j’avais trouvé. Maintenant, pourquoi ne suis-je pas allé à
18 la radio ou au siège d’un journal ? Je ne peux pas vous le dire. J’ai
19 estimé à l’époque que c’était la bonne la solution.
20 M. Williamson (interprétation). – Avez-vous effectivement
21 démissionné du conseil national serbe ou était-ce fait pour donner une
22 impression déterminée à l’opinion publique, comme M. Petrovic, vous en
23 accuse dans son ouvrage ?
24 M. Dokmanovic (interprétation). – Ma démission du conseil
25 national serbe a été publiée par tous les médias. J’ai dit hier que je
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1 n’avais jamais contribué ou participé aux travaux d’une seule séance de
2 cette organisation, si tant est qu’une séance ait été tenue. Et je n’étais
3 non plus informé de ce qu’a fait le conseil national serbe.
4 M. Williamson (interprétation). – Que pensez-vous de votre
5 participation à cette réunion Belgrade dont parle M. Petrovic, dans son
6 ouvrage ? Il déclare que vous avez dit qu’il fallait qu’il existe un
7 conseil national serbe séparé pour la Slavonie, la Baranja et le Srem.
8 Est-ce exact ?
9 M. Dokmanovic (interprétation). – Non. Je ne sais même pas que
10 cela est écrit dans le livre de M. Petrovic. Vous pouvez me lire ce qu’il
11 écrit et je vous répondrais. Mais, je n’ai fait que survoler cet ouvrage.
12 M. Williamson (interprétation). – Très bien. Je reprends donc la
13 pièce à conviction dont nous venons de parler. Je crois que c’est la pièce
14 à conviction 196
15 M. Fila (interprétation). – Monsieur le Président, je
16 demanderais une chose. Monsieur le Procureur vient d'affirmer que
17 M. Petrovic a dit dans son livre que M. Dokmanovic n'avait proposé sa
18 démission que symboliquement. Je voudrais que soient lues les deux
19 citations. Celle qui a fait objet de la question précédente et celle qui
20 vient de faire l’objet de la dernière question.
21 M. Williamson (interprétation). – J’avais l’intention de
22 reprendre les deux citations. Pour aider le greffe, je dirais qu’elles
23 devraient se trouver dans les pièces qui se trouvent entre les côtes 196
24 et 202.
25 M. Bos (interprétation). – Nous avons un exemplaire ici, je peux
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1 peut-être le rechercher moi-même.
2 M. Williamson (interprétation). – La citation relative à votre
3 départ du conseil national apparaît dans la pièce à conviction 196a. Je
4 demande que cette pièce soit montrée à M. Dokmanovic. Page 40, de
5 l’ouvrage de M. Petrovic.
6 (L’huissier s’exécute.)
7 Au milieu, du premier paragraphe, M. Dokmanovic, juste avant la
8 référence à M. Pakrac.
9 M. Dokmanovic (interprétation). – Excusez-moi, quelle est la
10 page ?
11 M. Williamson (interprétation). – Page 4O, à peu près au milieu,
12 nous lisons « les deux hommes ne sont pas membre du conseil national
13 serbe ». Il est question de vous d’un autre homme. « Mais M. Dokmanovic se
14 considère encore membre du conseil national de Knin, bien qu’il l’ait
15 quitté pour faire plaisir au public. » Fin de citation.
16 Etes-vous d’accord avec cette déclaration ?
17 M. Dokmanovic (interprétation). – Je dis, et c’est la troisième
18 ou quatrième fois que je le répète, je n’ai pas participé aux travaux du
19 conseil national serbe.
20 M. Williamson (interprétation). – Quelques pages plus loin dans
21 le même ouvrage, il est question des discussions en cours en vue de créer
22 un autre conseil national serbe. Nous lisons, je cite : « après de longues
23 discussions au conseil en comité après de longues poses, Banovci a insisté
24 sur les différences à Vukovar et à Knin. Babic a finalement accepté que le
25 conseil national serbe de Slavonie, Baranja et Srem soient rebaptisé
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1 conseil régional du conseil national serbe. » Fin de citation.
2 Dans votre déposition vous dites n’avoir pas assisté à cette
3 réunion, n’est-ce pas ?
4 M. Fila (interprétation). – Objection, M. le Président. Le
5 Procureur a déclaré, il y a quelques instants que Dokmanovic était
6 favorable à la création du conseil national serbe. La citation qui vient
7 d’être lue concerne Babic, je ne sais pas qui est cet homme, tant qu’il
8 n’est pas assis ici, dans ce prétoire. Le Procureur a pour obligation de
9 lire ce qui est écrit dans l’ouvrage de M. Petrovic, s’il peut prouver que
10 M. Dokmanovic a défendu la création du conseil national serbe, puisque
11 c’est ce que le Procureur a dit. S’il y a une citation de ce genre lisez
12 la je vous prie, sinon vous ne pouvez pas la créer.
13 M. Williamson (interprétation). - Je croyais que c'était une
14 paraphrase à peu près équitable, je l'ai soumise à M. Dokmanovic, il a dit
15 ne pas avoir assisté à cette réunion, donc j'accepterai sa réponse.
16 M. Fila (interprétation). - Nouvelle objection. Il n'a pas
17 paraphrasé, il a affirmé. Paraphraser c'est redire quelque chose en
18 d'autres termes. Mais le Procureur a affirmé que M. Dokmanovic a défendu,
19 a été favorable à la création du conseil national serbe de la Slavonie, du
20 Baranja et de la Srem occidentale. Ce n'est pas une paraphrase, c'est une
21 affirmation.
22 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, puis-je
23 prendre la parole ?
24 La question a été posée à M. Dokmanovic. Il a déclaré que ce que
25 je disais n'était pas exact et a nié avoir assisté à la réunion. Tout ce
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1 que je peux faire, c'est lui demander, lui poser des questions. Je pense
2 que c'est un contre-interrogatoire équitable de lui demander certaines
3 choses, il peut répondre.
4 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, mais dans un
5 contre-interrogatoire il n'est pas permis de poser des questions
6 inexactes, en faisant des affirmations inexactes, pour obtenir une réponse
7 qui fournit la possibilité de déboucher sur une nouvelle question. Donc le
8 Procureur a fait une affirmation incorrecte, inexacte.
9 M. le Président (interprétation). - Il n'a pas uniquement cité,
10 il y a eu une citation ensuite. Les deux citations ont été lues à votre
11 demande.
12 M. Fila (interprétation). - Mais il n'a pas cité les mots qui
13 correspondent à ce qu'il affirme.
14 M. le Président (interprétation). - Oui, ce n'était pas une
15 citation, il a dit avoir paraphrasé. Mais aujourd'hui la question n'a plus
16 d'utilité, car nous avons la réponse du témoin qui déclare ne pas avoir
17 assisté à la réunion. Donc arrêtons-nous ici, je vous prie. Maître
18 Williamson, vous pouvez procéder, mais chaque fois que vous attribuerez
19 une déclaration à un livre je vous prierai de lire exactement la citation
20 contenue dans cet ouvrage
21 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Dokmanovic, si vous
22 n'avez pas assisté à cette réunion, pourquoi...
23 M. Dokmanovic (interprétation). - Je n'ai je n'ai pas dit cela.
24 M. Williamson (interprétation). - Mais j'avais cru comprend que
25 vous n'étiez pas là-bas. Etiez-vous présent à cette réunion ?
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1 M. Dokmanovic (interprétation). - J'étais à la réunion.
2 M. Williamson (interprétation). - De quoi avez-vous parlé et
3 quelles ont été vos propositions ?
4 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne peux pas vous le dire
5 avec précision. Mais, en tout cas, ce n'est pas ce que Ilija Petrovic a
6 écrit dans son livre. Je ne partageais pas les opinions de Ilija Petrovic.
7 On m'a convoqué afin de me rendre à cette réunion par l'association des
8 Serbes de Croatie, parce que déjà à ce moment-là un grand nombre de Serbes
9 avait commencé à quitter la Croatie et ils se dirigeaient principalement
10 vers les villes importantes, vers Belgrade notamment, et ils devaient
11 contacter l'association des Serbes de Croatie pour obtenir un certain
12 nombre de solutions. Certain problèmes ont été abordés qui sont repris
13 maintenant dans le livre de Ilija Petrovic. Ilija Petrovic vivait à
14 Novi Sad et moi à Vukovar. C'est comme si j'avais proposé des solutions à
15 des problèmes qui se posait à Novi Sad alors que j'habitais à Vukovar.
16 M. Williamson (interprétation). - Oui, mais dans ce livre il est
17 clair que M. Petrovic est assez fier du conseil national serbe et de ses
18 accomplissements, il semble le considérer un peu comme son bébé. Il est
19 assez clair qu'il n'a pas une opinion effectivement très positive de vous,
20 alors pourquoi voudrait-il vous faire jouer un rôle plus important au sein
21 du conseil que ce qui était vote rôle véritablement ?
22 M. Dokmanovic (interprétation). - De quel conseil parlez
23 maintenant ? Si vous parlez du conseil qu'Ilija Petrovic considère comme
24 son bébé, à savoir le conseil de la Slavonie, Baranja et Srem occidentale,
25 je n'étais pas membre de ce conseil, je n'avais pas de rôle à y jouer,
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1 petit ou grand.
2 M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit qu'entre mai et
3 juin 1991 on vous a arrêté à plusieurs reprises, on vous a fait sortir de
4 votre véhicule et on vous a fouillé. Combien de fois cela s'est-il
5 produit ?
6 M. Dokmanovic (interprétation). - Soixante trois fois.
7 M. Williamson (interprétation). - Vous a-t-on fait sortir en
8 vous menaçant d'une arme ?
9 M. Dokmanovic (interprétation). - Les hommes qui m'ont arrêté
10 portaient très souvent des armes, ce qui était assez inhabituel, des
11 fusils, ce qui était donc très habituel pour la police, la police qui est
12 censée garantir la paix et l'ordre. Il est inhabituel de voir des
13 policiers équipés de fusils.
14 M. Williamson (interprétation). - Je suppose que vous étiez
15 extrêmement en colère, n'est-ce pas ?
16 M. Dokmanovic (interprétation). - Je n'étais pas en colère, mais
17 c'est ma dignité qui a été touchée, il était tout à fait humiliant que le
18 président de l'assemblée municipale soit arrêtée en plein centre ville,
19 qu'on le fasse sortir de la voiture, qu'on l'oblige à poser ses mains sur
20 le capot de la voiture et que des gens commencent à le fouiller, et ceci
21 d'ailleurs m'envoyait un message extrêmement clair, si ces gens pouvaient
22 se comporter ainsi face à un président de l'assemblée nationale ils
23 pouvaient faire des choses encore bien pire à la population.
24 M. Williamson (interprétation). - Vous n'étiez pas en colère ?
25 M. Dokmanovic (interprétation). - Eh bien, non, j'étais humilié.
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1 M. Williamson (interprétation). - Mais pas en colère ?
2 M. Dokmanovic (interprétation). - Pourquoi insistez-vous sur ce
3 point ? J'ai répondu à la question.
4 M. Williamson (interprétation). - Hier, vous avez dit que vous
5 vous étiez mis en colère lorsqu'un soldat a refusé de vous laisser passer
6 à Orolik, il vous menaçait de son arme à ce moment-là. Donc je vous
7 demande quelle est la différence entre ces deux incidents. Il serait tout
8 à fait logique et naturel que vous vous mettiez en colère si quelqu'un
9 vous faisait sortir de votre voiture en vous menaçant de son arme.
10 M. Dokmanovic (interprétation). - Ce que j'ai dit hier c'est que
11 j'avais été vexé et humilié par la façon dont ces soldats me traitaient.
12 Il a dit : "Je t'encule toi et ton gouvernement, ici c'est moi qui
13 commande". Par conséquent, évidemment ce type de conduite me vexait
14 beaucoup, mais je ne suis pas sûr d'avoir dit que cela m'a mis en colère.
15 M. Williamson (interprétation). - Est-il exact de dit qu'à un
16 moment donné vous vous êtes rendu au travail dans un véhicule blindé ?
17 M. Dokmanovic (interprétation). - Non, ce n'est pas exact, on
18 m'a ramené de mon travail dans un véhicule armé.
19 M. Williamson (interprétation). - Il y en avait trois autres qui
20 vous escortaient ?
21 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne me souviens plus du
22 chiffre exact, il y en avait deux au trois je crois.
23 M. Williamson (interprétation). - C'est la JNA qui vous les
24 fournissez ?
25 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui, à partir de la caserne de
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1 Vukovar.
2 M. Williamson (interprétation). - Entre juillet et septembre
3 1991, vous avez dit que vous aviez apporté votre aide dans le cadre de la
4 moisson de blé aux environs de Trpinja et que vous avez fait traverser la
5 cargaison sur le Danube par bateau parce qu'il y avait des postes de
6 contrôle de la police croate qui se trouvait sur les ponts ?
7 M. Dokmanovic (interprétation). - Les routes étaient bloquées et
8 la seule voie de communications qui était disponible et utilisable, qui
9 nous permettait de nous rendre dans d'autres régions du monde était de
10 traverser le Danube, d'aller en Voïvodine, en Serbie, etc. Vukovar était
11 en fait bloqué par les policiers et par les membres du HDZ qui étaient
12 armés. Nous ne pouvions pas transporter le blé jusqu'aux silos de Vukovar
13 et le seul moyen de sauver ce qui pouvait l'être était de traverser le
14 Danube. Nous n'avions accès à aucune autre ville.
15 M. Williamson (interprétation). - Mais il n'est pas nécessaire
16 de traverser Vukovar pour aller à Erdut et au pont d'Erdut, à partir de
17 Trpinja, n'est-ce pas ?
18 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.
19 M. Williamson (interprétation). - Ma question est la suivante.
20 Pourquoi avez-vous eu besoin d'utiliser un bateau et pourquoi n'avez-vous
21 pas traverser un pont pour vous rendre en Serbie ?
22 M. Dokmanovic (interprétation). - De quel pont parlez-vous ?
23 J'ai dit que tout était contrôle par le camp croate. Alors quel pont
24 aurais-je pu utiliser ? Peut-être connaissez-vous la région mieux que
25 moi !
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1 M. Williamson (interprétation). - Vous venez de dire que vous ne
2 pouviez pas aller à Vukovar, mais il n'y a pas de pont à Vukovar, en
3 revanche il y en a un à Erdut. Par conséquent, je vous suggérais la chose
4 suivante, c'est qu'il était possible d'aller de Trpinja à Erdut sans
5 traverser Vukovar. Mais ce n'est qu'une question, j'essaie d'apporter une
6 précision. Pourquoi n'était-il pas possible d'utiliser ce point à ce
7 moment-là et pourquoi avez-vous dû utiliser bateau ?
8 M. Dokmanovic (interprétation). - Le pont d'Erdut était contrôle
9 par les forces croates également et il était impossible de traverser.
10 M. Williamson (interprétation). - Par conséquent, à ce moment-là
11 il était impossible de sortir de la Croatie pour aller en Serbie sans
12 passer par un point de contrôle croate ?
13 M. Dokmanovic (interprétation). - Ce n'était pas un poste de
14 contrôle. C'était plus ou moins un barrage routier. Ce n'était pas un
15 poste de contrôle habituel où on montrait ses papiers et où on passait son
16 chemin.
17 M. Williamson (interprétation). - Mais les Croates avaient une
18 position du côté croate du pont qui vous empêchait, vous, de passer en
19 Serbie, que ce soit un poste de contrôle, un barrage ou toute autre
20 chose ?
21 M. Dokmanovic (interprétation). - Le pont était bloqué par la
22 police croate et par des membres armés du HDZ et il était impossible de le
23 traverser.
24 M. Williamson (interprétation). - Comment se fait-il que vous
25 ayez rejoint le gouvernement du district serbe ?
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1 M. Dokmanovic (interprétation). - J'ai dit hier qu'on avait
2 proposé ma candidature et que c'était le premier ministre désigné Hadzic
3 qui m'avait proposé en tant que ministre de l'Agriculture.
4 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous avez parlé avec
5 M. Milner, au cours de l'entretien qui a eu lieu à la prison, vous
6 sembliez quelque peu réticent pour dire que vous occupiez le poste de
7 ministre de l'Agriculture. Il vous a demandé quel poste vous occupiez,
8 vous avez répondu "ministre", ensuite vous avez dit : "Je suis chargé des
9 affaires agricoles", ceci figure à la page 77 de la retranscription.
10 Pourquoi avez-vous répondu cela, si vous le souhaitez je peux vous le
11 lire ?
12 Il est dit : "Ecoutez, il faut être sincère, vous étiez je crois
13 ministre de l'Agriculture pendant un certain temps dans la zone, n'est-ce
14 pas ?". Vous avez répondu : "J'étais chargé des affaires agricoles". La
15 question ensuite est : "Mais quel est le titre officiel : personne chargée
16 des affaires agricoles ?" Et puis il est passé à une autre question et
17 vous n'avez jamais répondu à sa question. Pourquoi ne teniez-vous pas à
18 répondre à cette question ?
19 M. Dokmanovic (interprétation). - Ma fonction n'avait pas les
20 caractéristiques d'une fonction de ministre. Ma tâche était plutôt une
21 tâche d'assistant. Par conséquent, aucun des ministres de ce gouvernement
22 n'avait les compétences correspondantes. C'est pourquoi j'ai répondu que
23 ma fonction n'avait rien à voir avec celle de ministre. Ma fonction était
24 d'aider la population et notamment les paysans parce que c'était les plus
25 nombreux. Il fallait dans la mesure du possible essayer sauver leur
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1 récolte et semer d'autres superficies, d'autres champs, c'était là
2 l'étendue de mes fonctions.
3 M. Williamson (interprétation). - Je crois que nous avons une
4 pièce de la défense où votre nom apparaît et où il est dit que vous
5 déteniez effectivement la position de ministre de l'Agriculture, et que
6 vous avez participer à toutes les réunions du gouvernement et qu'au cours
7 de ces réunions on utilisait le titre de ministre. Alors pourquoi n'avoir
8 pas voulu répondre à la question de M. Milner?
9 M. Fila (interprétation). - Objection. L'accusé n'a pas jamais
10 dit qui ne tenait pas à parler de cela avec M. Milner. S'il n'avait pas
11 voulu le faire, nous n'en aurions pas du tout parlé avec M. Milner.
12 Personne n'a maltraité M. Milner afin qu'il s'entretienne avec M. Milner.
13 Par conséquent, ne donnait pas de fausse citation et ne dites pas qu'il ne
14 souhaitait pas parler à M. Milner.
15 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, excusez-moi,
16 mais Monsieur Williamson n'a pas suggéré que l'accusé avait dit qu'il
17 était réticent pour répondre aux questions de M. Milner. Il lui demande
18 simplement pourquoi il était réticent à ce moment-là. C'est au témoin de
19 dire simplement, si oui ou non, il tenait ou ne tenait pas à dire cela à
20 M. Milner.
21 M. Fila (interprétation). - Ah, alors je crois qu'il y a eu un
22 changement dans l'interprétation. Selon l'interprétation, j'ai entendu
23 dire que Me Williamson lui demandait pourquoi il ne souhaitait pas parler
24 à M. Milner.
25 M. le Président (interprétation). - Eh bien, Maître Williamson,
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1 reformulez votre question, s'il vous plaît.
2 M. Williamson (interprétation). - Oui, effectivement, moi
3 j'essayais d'interpréter ce qui était dans l'entretien. Une question vous
4 a été posée M. Dokmanovic. On vous a demandé : "Etiez-vous ministre de
5 l'Agriculture ?" Vous avez répondu : "Non, j'étais chargé des affaires
6 agricoles". Ma question était donc la suivante : "Pourquoi ne teniez-vous
7 pas à dire que vous étiez ministre à moment-là ?" Quel était le problème ?
8 M. Dokmanovic (interprétation). - Si effectivement ce que vous
9 dites été exact, la défense, ma défense, n'aurait pas choisi de montrer
10 certains éléments de preuve dans lesquels on fait référence à moi en me
11 qualifiant de ministre.
12 M. Williamson (interprétation). - Quelle était la fréquence de
13 vos réunions avec les membres du gouvernement ?
14 M. Dokmanovic (interprétation). - Eh bien, parfois nous
15 rencontrions fréquemment, parfois moins. Les ministres n'habitaient pas au
16 même endroit, et quelquefois il n'y avait pas suffisamment d'espace pour
17 tous nous accueillir.
18 M. Williamson (interprétation). - Quelle était la fréquence de
19 la présence des autorités militaires dans les réunions du gouvernement ?
20 M. Dokmanovic (interprétation). - Je crois qu'ils n'ont jamais
21 assisté à aucune réunion.
22 M. Williamson (interprétation). - Alliez-vous à Erdut
23 régulièrement ?
24 M. Dokmanovic (interprétation). - J'allais à Erdut presque tous
25 les jours. Je ne peux pas vous répondre avec précision. Au cours de ces
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1 quatre mois, j'y suis allé tous les jours, mais je crois qu'on m'y a
2 empêché d'y aller à deux ou trois reprises.
3 M. Williamson (interprétation). - Etes-vous passé par des postes
4 de contrôle entre Trpinja et Erdut ?
5 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui, quelques-uns.
6 M. Williamson (interprétation). - D'après ce que vous avez dit
7 ce matin, il semble que grâce à cet uniforme de chasse, que vous portiez,
8 vous pouviez plus facilement traverser ces postes de contrôle ?
9 M. Dokmanovic (interprétation). - Les hommes qui se trouvaient
10 aux postes de contrôle avaient une aversion plus forte vis-à-vis des
11 civils que de personnes qui semblaient porter les mêmes vêtements qu'eux.
12 Mais j'ai expliqué la raison pour laquelle je les portais et je ne vois
13 pas pourquoi je répéterais cette réponse.
14 M. Williamson (interprétation). - Mais en fait des membres de la
15 Défense territoriale et d'unités paramilitaires portaient des uniformes
16 mixtes, n'est-ce pas, nous l'avons vu sur cette vidéo prise à Velepromet.
17 Il y avait différents types d'uniformes qui étaient portés. D'ailleurs
18 l'officier de la JNA qui est venu témoigner ici, hier, n'a pas reconnu un
19 certain nombre d'entre eux.
20 M. Dokmanovic (interprétation). - Les gens portaient ce qu'ils
21 trouvaient, je suppose. C'était la guerre. On ne pouvait pas changer sa
22 chemise et son costume tous les jours, ce n'était pas possible dans de
23 telles circonscriptions.
24 M. Williamson (interprétation). - Mais en fait il était assez
25 utile de porter l'uniforme ? Et je ne parle pas des conditions qui
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1 régnaient, du manque d'eau, d'électricité, etc. Il était très utile de
2 porter un uniforme lorsque vous passiez aux postes de contrôle, on vous
3 considérait plutôt comme un soldat que comme un civil.
4 M. Dokmanovic (interprétation). - Porter une cravate et une
5 chemise aurait semblait incongru. Il était très difficile, dans ces
6 circonstances, de trouver une chemise propre tous les matins, parce que
7 cette région était complètement isolée du reste du monde. Nous ne pouvions
8 pas compter sur une grande ville afin de recevoir certains
9 approvisionnements en nourriture, par exemple. En effet, la population
10 n'avait rien à manger, alors comment envisager de porter un costume
11 cravate dans de telles circonstances ? Ceux qui se trouvaient dans une
12 situation difficile n'auraient pas apprécié ce genre de comportement.
13 D'autre part, il y avait des milliers de réfugiés dans cette région qui
14 devaient partir de Vinkovci, d'Osijek et d'autres villes encore de
15 Croatie. Ils portaient les vêtements qui leur tombaient sous la main, à
16 savoir ce qu'ils trouvaient, ce qu'on leur donnait. Je ne pouvais donc pas
17 porter un costume et une cravate, alors qu'eux portaient un pull et un
18 simple pantalon. Je crois que vous abordez la question d'un mauvais point
19 de vue, qui ne correspond absolument pas aux circonstances de guerre qui
20 régnaient à ce moment-là, et qui se situe 7 ans après les événements.
21 Je ne portais pas ces vêtements, parce que je voulais montrer
22 que j'étais un grand soldat. Hier, vous avez vu un certain nombre de
23 pièces prouvant que je n'avais pas été mobilisé et aujourd'hui, je
24 souligne à nouveau que je portais ce qui était disponible et ce qu'on
25 trouvait à ce moment-là.
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1 M. Williamson (interprétation). - L'uniforme dont vous avez dit
2 qu'il était le vôtre, la pièce D48, quand l'avez-vous acheté et où ?
3 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne sais plus. Est-ce
4 vraiment important ? Il s'agit de vêtements qui m'appartiennent, je ne les
5 ai pas reçus de l'armée ou de groupes paramilitaires comme vous les
6 appelez.
7 M. Williamson (interprétation). - Etiez-vous membres de la
8 Défense territoriale pendant la guerre en 1991 ?
9 M. Dokmanovic (interprétation). - Non, je n'étais pas membre de
10 la Défense territoriale.
11 M. Williamson (interprétation). - Au cours du vol qui vous a
12 amené à La Haye après votre arrestation, il vous a été demandé si vous
13 étiez membre de la Défense territoriale et vous avez d'abord répondu
14 "non". Vous avez, ensuite, ajouté : "Tout le monde faisait partie de la
15 Défense territoriale au cours des combats, mais ceci, juste dans le
16 village dans lequel j'habitais". Je vous ai après demandé quel était votre
17 grade dans le cadre de la Défense territoriale et vous avez répondu que
18 vous n'en aviez pas. Cela figure aux pages 21 et 22 de la retranscription
19 de l'entretien qui a eu lieu dans l'avion, qui constitue la pièce de
20 l'accusation 127. Je suppose, donc, M. Dokmanovic, que ce que vous avez
21 dit dans l'avion n'était pas exact ? Il s'agit de la pièce 127A plus
22 précisément.
23 M. Fila (interprétation). - S'il vous plaît, veuillez lire la
24 citation que vous venez d'utiliser. Monsieur le Président, vous avez
25 demandé à l'accusation de lire les citations chaque fois qu'il en
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1 utilisait, alors s'il vous plaît, veuillez nous lire le texte.
2 M. le Président (interprétation). - Mais c'est ce que vient de
3 faire le Procureur, il vient de lire un passage qui se trouve dans le
4 compte rendu !
5 M. Fila (interprétation). - Alors qu'il soit donné un exemplaire
6 de ce qui vient d'être lu à M. Dokmanovic ! Est-ce trop demandé ?
7 M. le Président (interprétation). - Non.
8 M. Fila (interprétation). - Afin que les choses soient exactes
9 et que nous sachions où nous en sommes.
10 M. le Président (interprétation). - Monsieur Williamson,
11 pourriez-vous indiquer la page où trouve la citation que vous venez
12 d'utiliser ?
13 M. Williamson (interprétation). - Oui, il s'agit de la page 21,
14 à peu près à la moitié.
15 Je vais donc reposer la question, ou plutôt j'ai posé la
16 question, à ce moment-là, à M. Dokmanovic, qui était : "Faisiez-vous
17 partie de la Défense territoriale dans le cadre des forces réservistes
18 yougoslaves ? La réponse a été "non". "J'ai répondu "jamais", il a dit
19 "non, jamais". Ensuite, M. Dokmanovic a ajouté : "Tout le monde faisait
20 partie de la Défense territoriale au cours des combats, mais juste dans
21 mon village, là où j'habitais". Ensuite, j'ai posé la question : "Quel
22 était votre grade dans la Défense territoriale", et il a répondu "aucun".
23 M. Fila (interprétation). - Objection, Monsieur le Président. Je
24 n'ai pas d'objection sur la validité de la question, mais je souhaiterais
25 que la version soit lue en serbe également, si possible, à savoir "au
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1 cours des combats des opérations de guerre,..." Là, c'est le texte serbe
2 que j'utilise. La traduction dit la chose suivante... ou plutôt, la
3 traduction est telle qu'elle est sur le papier et j'aimerais que les
4 choses soient claires.
5 M. Williamson (interprétation). - Chaque fois qu'un terme figure
6 en serbe, tout a été retraduit en anglais afin que la traduction soit bien
7 exacte.
8 M. le Président (interprétation). - Monsieur Dokmanovic,
9 avez-vous trouvé le passage qui nous intéresse, à savoir celui qui se
10 trouve dans le compte rendu ? Pourriez-vous nous le lire en serbe, s'il
11 vous plaît ?
12 M. Dokmanovic (interprétation). - "Au cours des combats de
13 guerre, tout le mode était avec la Défense territoriale, mais seulement
14 dans mon village, là où j'habitais."
15 M. le Président (interprétation). - Veuillez poursuivre, s'il
16 vous plaît. "Seulement dans mon village, là où je vivais, donc". Quel
17 était votre grade au sein de la Défense territoriale ?
18 M. Dokmanovic (interprétation). - Je n'en avais pas.
19 M. le Président (interprétation). - Merci. Veuillez maintenant
20 répondre à la question qui vous a été posée par le Procureur.
21 M. Dokmanovic (interprétation). - Veuillez répéter la question,
22 s'il vous plaît ?
23 M. Williamson (interprétation). - Vous avez d'abord répondu
24 "non", que vous n'étiez pas membre de la Défense territoriale et ensuite,
25 vous avez indiqué volontairement que tout le mode était dans la Défense
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1 territoriale, que tout le mode a été mobilisé et vous avez ajouté : "Juste
2 dans mon village". Pourquoi avez-vous ajouté ce commentaire ? Pourquoi
3 avez-vous dit que vous étiez dans la Défense territoriale, mais "juste
4 dans votre village" ?
5 M. Dokmanovic (interprétation). - Chaque village a organisé sa
6 propre défense et il est arrivé que les villages soient menacés par
7 d'éventuelles attaques croates. Or, mon village était très proche de
8 Vukovar. Le village a été isolé à ce moments-là et personne n'a plus pu en
9 sortir, à savoir aucun des hommes du village. A ce moment-là, et c'est à
10 cela que j'ai pensé lorsque j'ai répondu à la question, nous étions tous
11 membres de la défense du village, mais pas de la formation de la Défense
12 territoriale, simplement du groupe qui défendait le village, non en tant
13 que membre de la Défense territoriale.
14 M. Williamson (interprétation). - Je n'aurais plus que quelques
15 questions, Monsieur le Président. Après, peut-être pourrons-nous prendre
16 une pause. J'en aurais encore quelques unes après la pause. Au cours de
17 1991, avez-vous porté un autre uniforme militaire, par exemple, un
18 uniforme des troupes de réserve de la JNA ? Un uniforme d'officier de
19 réserve, par exemple ?
20 M. Dokmanovic (interprétation). - Quand ça ?
21 M. Williamson (interprétation). - Au cours de 1991.
22 M. Dokmanovic (interprétation). - Je portais les vêtements qui
23 ont été montrés ici.
24 M. Williamson (interprétation). - Vous n'avez jamais porté
25 d'uniforme d'officier de réserve de la JNA à Trpnija, en août 1991 ?
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1 M. Dokmanovic (interprétation). - En août 1991 ? Je ne me
2 rappelle pas, mais je n'exclus pas catégoriquement cette possibilité. S’il
3 s’agissait des ordres du commandement du groupe de défense du village et
4 s’il avait été dit que tout le monde devait porter ce type d’uniformes,
5 c’est peut-être le cas, je n’en ai pas le souvenir, maintenant, mais c’est
6 peut-être ce qui s’est produit une journée. Effectivement, des ordres ont
7 peut-être été donnés à cet effet.
8 M. Williamson (interprétation). – Par conséquent, vous
9 participiez à une organisation dans le cadre de laquelle vous receviez des
10 ordres. Lorsque vous les receviez vous vous portiez un uniforme militaire.
11 C’est cela ?
12 M. Dokmanovic (interprétation). – J’ai dit que chaque village on
13 trouvait un groupe de défense chargé de défendre le village. Les décisions
14 de cet Etat major devaient être appliquées. Je n’étais qu’un citoyen
15 ordinaire, dans ce cadre-là. Je n’avais pas de rôle particulier.
16 M. Williamson (interprétation). – Vous dites que vous n’en avez
17 aucun souvenir mais peut-être qu’au cours de cette période vous portiez un
18 uniforme d’officier de réserve ?
19 M. Dokmanovic (interprétation). – Non. Je n’ai jamais porté
20 d’uniforme d’officier de réserve. Je n’ai jamais dit cela. S’il vous plaît
21 ne me faites pas dire des choses que je n’ai pas dites
22 M. Williamson (interprétation). – Mais lorsque je vous ai posé
23 la question vous avez dit que c'était possible la question était : vous
24 n’avez pas le souvenir d’avoir porté un uniforme d’officier de réserve de
25 la JNA à Trpinja en août 1991. Vous avez répondu : en 1991, je n’en ai pas
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1 le souvenir. Mais je n’exclue pas catégoriquement cette possibilité, si
2 effectivement il s’agissait des ordres du commandant de la défense du
3 village.
4 Par conséquent, je ne vous fais pas dire des choses que vous
5 n’avez pas dites. Il s’agissait bien de la réponse que vous avez faite à
6 ma question.
7 M. Dokmanovic (interprétation). – Je n’ai jamais été officier de
8 réserve et je n’ai jamais porté l’uniforme d’un officier de réserve. S’il
9 vous plaît. Je crois que c’est tout à fait clair. Je l’ai déjà dit à
10 plusieurs reprises, alors pourquoi insistez-vous sur cette question ?
11 Pourquoi essayez-vous de me prendre par surprise lorsque je relâche mon
12 attention et que vous essayez de me faire dire ce que je n’ai jamais dit ?
13 Je n’ai jamais dit que j’avais été officier de réserve et que j’avais
14 porté un uniforme d’officier de réserve.
15 M. Williamson (interprétation). – Non, je n’essaie pas de faire
16 cela. Mais c’est ce que vous avez dit. Si vous n’avez pas compris ma
17 question je vous demande de me le faire savoir. Je reprends simplement les
18 mots que vous avez prononcés. Je n’essaie pas de mettre dans votre bouche
19 des mots que vous n’avez pas prononcés.
20 Je vous demande donc si vous portiez ou si vous avez porté un
21 autre uniforme que celui que nous avons vu ici ? Si oui, quel type
22 d’uniforme portiez-vous ?
23 M. Dokmanovic (interprétation). – Je n’en ai pas le souvenir.
24 Mais Je n’exclue pas la possibilité d’avoir reçu des ordres en cas de
25 menace ou d’alerte –c’était au groupe de défense d’en juger- de porter cet
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1 uniforme et nous rendre au village. Selon les règles précédentes de la
2 JNA, tous les réservistes détenaient chez un uniforme de la JNA. Ils
3 devaient le conserver chez eux. Mais pas en 1990, cependant. J'ai obtenu
4 mon uniforme de soldat de réserve à mon retour de mon service militaire.
5 Peut-être l'avais-je obtenu en 1976, 1977 ou 1978 ? Je l'ai conservé chez
6 moi comme tout le monde. Aujourd'hui, je ne sais plus très bien ce qui
7 s'est passé, je ne peux pas vous affirmer avec précision et avec une
8 totale certitude si c'est effectivement ce qui s'est passé à ce moment-là.
9 Le camp croate a essayé de lancer une attaque contre le village. En tous
10 cas, cette possibilité existait.
11 M. Williamson (interprétation). – Peut-on faire la pause,
12 maintenant.
13 M. le Président (interprétation). – Me Fila, oui ?
14 M. Fila (interprétation). – Je ne voudrais pas interrompre
15 Me Williamson, je ne veux pas du tout influencer les réponses du témoin.
16 Puisque vous dites que nous prenons notre pause, je voudrais vous dire
17 pourquoi il y a eu un malentendu. Lors que Me Williamson a demandé s'il
18 portait un uniforme d'officier de réserve, la traduction a dit
19 "Portiez-vous un uniforme de réserviste" et non pas d'officier de réserve.
20 Par conséquent c'est ce que nous avons entendu. C'est pourquoi il y a un
21 malentendu.
22 M. le Président (interprétation). – Merci beaucoup. Très bien.
23 Nous allons faire une pose de vingt minutes.
24 L'audience, suspendue à 10 heures 30, est reprise à
25 11 heures 35.
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1 M. le Président (interprétation). - Monsieur Williamson, vous
2 avez la parole.
3 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Dokmanovic, quand
4 vous êtes allé à Ilok, le 16 octobre 1991, vous êtes-vous rendu à une
5 réunion à laquelle assistait le professeur Magovac en tant que l'un des
6 négociateurs représentant la population d'Ilok ?
7 M. Dokmanovic (interprétation). - (hors micro).
8 M. Williamson (interprétation). - Excusez-moi,
9 monsieur Dokmanovic, mais vous devez répéter votre réponse.
10 M. Dokmanovic (interprétation). - Je n'étais pas l'un des
11 négociateurs. C'est par hasard que j'ai vu M. Magovac à la réunion.
12 M. Williamson (interprétation). - Mais vous vous êtes
13 effectivement rendu à cette réunion, n'est-ce pas, vous étiez présent ?
14 M. Dokmanovic (interprétation). - Ce n'était pas une réunion à
15 proprement parler. J'étais présent et je vous ai expliqué pourquoi je
16 m'étais rendu là-bas. C'est pour cela que j'ai vu M. Magovac.
17 M. Williamson (interprétation). - Vous souvenez-vous avoir dit à
18 M. Magovac qu'un Tribunal du peuple allait être mis sur pied à la fin du
19 mois d'août pour déterminer la culpabilité de certaines personnes ?
20 M. Dokmanovic (interprétation). - Je n'ai jamais dit cela. Il
21 n'était pas du tout de mon ressort de mettre sur pied quelque tribunal que
22 ce soit. J'ai demandé à M. Magovac pourquoi il faisait cela, ou quelque
23 chose de ce genre. Il a répondu que c'est ainsi que la décision avait été
24 prise.
25 M. Williamson (interprétation). - Vous dites : "Je lui ai
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1 demandé pourquoi il faisait cela", mais à quoi faites-vous référence
2 exactement ?
3 M. Dokmanovic (interprétation). - Je lui ai demandé pourquoi de
4 telles tensions étaient en train de se faire jour -des tensions telles
5 qu'on en arrivait à la situation que nous étions en train de vivre.
6 M. Williamson (interprétation). - Vous pensiez que c'était de la
7 faute des Croates, puisque vous demandiez à M. Magovac la raison pour
8 laquelle il faisait telle ou telle chose, n'est-ce pas ?
9 M. Dokmanovic (interprétation). - Je n'ai pas dit : "pourquoi
10 est-ce que toi, tu fais cela ?", mais "pourquoi faites-vous cela ?" Je ne
11 disais pas du tout que c'était la faute des Croates. Des deux côtés, il y
12 avait des responsables de la situation. Je lui ai adressé la parole parce
13 que c'était mon interlocuteur. Mais jamais je n'ai parlé d'un Tribunal du
14 peuple ou de quoi que ce soit d'autre. Je viens de vous dire que ce
15 n'était pas dans mes compétences, à l'époque. Moi, j'étais chargé de
16 l'organisation des questions agricoles. Je n'avais aucune raison d'aborder
17 ce sujet et jamais je ne l'ai abordé.
18 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous vous êtes adressé
19 au Pr Magovac et que vous lui avez dit "vous", parliez-vous de M. Magovac
20 ou était-ce un terme générique ? Etait-ce "vous" dans le sens pluriel,
21 s'adressant à un groupe de personnes et, le cas échéant, à quel groupe de
22 personnes faisiez-vous référence ?
23 M. Dokmanovic (interprétation). - Je me référais à la situation
24 générale. J'avais rencontré M. Magovac auparavant. Nous n'étions pas très
25 proches, mais enfin je pense que nous avions des rapports relativement
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1 cordiaux. Sans doute serait-ce encore le cas aujourd'hui si la situation
2 avait été différente. Je n'avais pas du tout de mauvaise intention à son
3 égard. Je me demandais pourquoi ces événements se produisaient. Je ne
4 faisais peser la responsabilité sur aucune personne en particulier.
5 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous lui avez posé
6 cette question, vous rappelez-vous de sa réponse ? Vous a-t-il dit :
7 "Slavko, mais qu'ai-je fait ?"
8 M. Dokmanovic (interprétation). - Non, cela ne s'est pas passé
9 ainsi. Vous savez, cet entretien remonte à un certain temps et il a duré
10 peut-être trois ou quatre minutes. Je crois qu'il a dit : "c'est dans ce
11 sens que la décision a été prise." Je n'ai rien ajouté de plus. Nous nous
12 sommes serrés la main, il est parti de son côté et moi du mien.
13 M. Williamson (interprétation). - Ne vous êtes-vous pas rendu à
14 Ilok parce que vous pensiez que cela faisait partie de votre champ de
15 compétence en tant que président ou qu'ancien président de la municipalité
16 de Vukovar ?
17 M. Dokmanovic (interprétation). - Mais non ! A cette époque, je
18 n'étais revêtu d'aucune sorte d'autorité. Je n'exerçais plus mes activités
19 de président. J'ai déjà dit qu'après le 6 juin, je n'étais plus président
20 et que je n'agissais plus en tant que tel.
21 M. Williamson (interprétation). - Vous êtes-vous entretenu
22 régulièrement avec Ljubo Novakovic quant à ce qu'il se passait à Ilok ?
23 M. Novakovic vous faisait un rapport de la situation, d'une certaine
24 façon, comme un président d'une municipalité s'adressant au président
25 d'une autre municipalité.
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1 M. Dokmanovic (interprétation). - J'ai dit que je n'étais pas
2 président. Avec Ljubo Novakovic, j'avais des rapport de nature plutôt
3 professionnelle. Nous traitions d'affaires agricoles. Il était dans la
4 municipalité voisine de la mienne et, comme je le connaissais un peu, il
5 pouvait m'aider, parfois, pour ce qui est notamment de la mise en place de
6 la mécanisation, de l'établissement de certains systèmes de culture et
7 l'approvisionnement de la population en aliments de base.
8 M. Williamson (interprétation). - Le 19 novembre, que s'est-il
9 passé, lors de la réunion du gouvernement à laquelle vous avez assisté à
10 Erdut ?
11 M. Dokmanovic (interprétation). - Il ne s'est rien passé.
12 C'était une réunion du gouvernement, tout ce qu'il y a de plus classique.
13 M. Williamson (interprétation). - Hier, vous avez eu l'occasion
14 de relire le procès-verbal de cette réunion. Celui-ci correspond-t-il bien
15 à vos souvenirs quant à ce qu'il s'est passé à Erdut et aux sujets qui ont
16 été abordés lors de la réunion ?
17 M. Dokmanovic (interprétation). - J'ai jeté un coup d'oeil à ce
18 procès verbal. Il me paraît fidèle et exact.
19 M. Williamson (interprétation). - Quels sont les plans qui ont
20 été dressés pour la réunion du lendemain à Vukovar ?
21 M. Dokmanovic (interprétation). - Pour autant que je m'en
22 souvienne, rien n'a été prévu, rien n'a été projeté pour le lendemain. Il
23 y a eu une déclaration, faite par le Premier ministre, selon laquelle nous
24 devions nous rendre à Vukovar le lendemain. Mais il n'y a pas eu de
25 détail, personne ne s'est vu attribuer certaines obligations.
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1 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous eu l'impression
2 qu'il était important que vous vous trouviez à Vukovar ? Etait-ce la
3 première réunion qui se tenait à Vukovar ?
4 M. Dokmanovic (interprétation). - J'étais membre du
5 gouvernement, M. Hadzic était Premier ministre. Alors, ce que le Premier
6 ministre demandait aux membres de son gouvernement était quelque chose
7 qu'il fallait faire. J'ai dit hier que l'élément décisif, là-dedans, était
8 le fait que les représentants de la délégation de Kladovo voulait voir la
9 ville.
10 M. Williamson (interprétation). - Pourquoi avoir tenu une
11 réunion le 20, à Vukovar ?
12 M. Dokmanovic (interprétation). - Il n'y avait plus de combat
13 autour de Vukovar. Nous avons déjà dit tout cela. Vous assumez un certain
14 nombre de choses sur la position du gouvernement, mais en fait, il y a
15 simplement eu une déclaration du Premier ministre selon laquelle il était
16 nécessaire que les membres du gouvernement se rendent à Vukovar.
17 M. Williamson (interprétation). - A quelle heure vous êtes-vous
18 levé, le matin du 20 novembre ?
19 M. Dokmanovic (interprétation). - Comme d'habitude, j'ai dû me
20 lever vers 7 heures, peut-être un peu plus tard.
21 M. Williamson (interprétation). - Qu'avez-vous fait, ce matin-
22 là, avant de quitter votre domicile à Trpinja ?
23 M. Dokmanovic (interprétation). - Rien d'exceptionnel. J'ai fait
24 ma toilette, j'ai pris mon petit déjeuner et ensuite, nous avons dû nous
25 diriger vers Palanka, vers 8 heures sans doute.
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1 M. Williamson (interprétation). - Vous avez pris une douche,
2 vous vous êtes rasé, tout comme M. Cvetkovic ?
3 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.
4 Jamais je ne me suis dit qu'un jour j'allais me retrouver à La Haye et que
5 l'on me demanderait de me rappeler ce que j'avais fait le matin du 20.
6 Sans doute me suis-je rasé, je le fais régulièrement.
7 M. Williamson (interprétation). - A quelle heure êtes-vous parti
8 pour aller à Backa Palanka ?
9 M. Dokmanovic (interprétation). - J'ai dû partir vers 8 heures.
10 M. Williamson (interprétation). - Qui vous a accompagné à
11 Backa Palanka ?
12 M. Dokmanovic (interprétation). - M. Cvetkovic.
13 M. Williamson (interprétation). - Vous souvenez-vous avoir dit à
14 M. Milner, lors de l'entretien qui s'est déroulé au quartier
15 pénitenciaire, que c'était M. Leskovac qui vous avait accompagné à
16 Backa Palanka ? Cela apparaît à la page 34 de la transcription en anglais,
17 je crois que c'est à la page 32 de la transcription en serbe.
18 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne me souviens pas avoir
19 dit cela. Leskovac était avec nous, nous sommes donc arrivés ensemble à
20 Backa Palanka, en même temps.
21 M. Williamson (interprétation). - Je vais vous lire exactement
22 ce qui a été dit lors de l'entretien au quartier pénitenciaire.
23 "Je suis allé à Trpnija en passant par Dalj, Erdut. Nous avons
24 traversé le pont et nous sommes arrivés à Backa Palanka. Ce sont de
25 petites localités qui se trouvent le long de la route." Ensuite, on vous
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1 pose une question, on vous demande : "Cela couvre une distance de combien
2 de kilomètres, 50 ?" Vous répondez : "Environ 100 km, entre 80 et 100 km."
3 Ensuite, on vous demande : "Quelqu'un a-t-il conduit le véhicule dans
4 lequel vous vous trouviez ?" Vous répondez : "Oui, Leskovac." Alors,
5 est-ce une déclaration inexacte ?
6 M. Dokmanovic (interprétation). - Monsieur Leskovac a passé la
7 nuit chez moi, donc, bien sûr que je suis allé avec lui dans sa voiture.
8 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Leskovac était le
9 président de Jagodina. Monsieur Lazarevic était le président de la
10 municipalité de Kladovo. Ensuite, vous êtes parti avec le président à la
11 réunion et vous êtes arrivé dans la municipalité de Backa Palanka.
12 Est-ce par coïncidence que vous vous êtes retrouvé dans ce
13 groupe avec tous les présidents des municipalités environnantes ?
14 Faisiez-vous partie de cette délégation du fait du poste que vous
15 occupiez ?
16 M. Dokmanovic (interprétation). - C'est simplement par hasard
17 que cela s'est trouvé ainsi, cela n'a pas du tout été planifié par les
18 trois présidents de la municipalité qui ont décidé de me retrouver à un
19 endroit précis. La délégation de Kladovo est arrivée, elle a apporté une
20 aide humanitaire, et c'est là que s'est tenue la réunion. Ce n'est pas moi
21 qui ai décidé du lieu où devait se tenir la réunion.
22 M. Williamson (interprétation). - Vous avez parlé du fait que
23 certaines personnes s'étaient fait adresser la parole en tant que maire,
24 c'est bien exact ? Vous avez déclaré qu'en fait, c'était le mauvais terme
25 à employer, c'est bien cela ?
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1 M. Dokmanovic (interprétation). - Ce poste de maire n'existait
2 pas, il n'y avait pas de maire à l'époque, en revanche, il y avait des
3 présidents de municipalité.
4 M. Williamson (interprétation). - Mais la plupart des témoins
5 qui ont été cités par la défense ont utilisé ce terme de "maire" par
6 opposition à celui de président de municipalité. Or, ils faisaient
7 référence à eux-mêmes. Messieurs Cvetkovic et Lazarevic ont employé ce
8 terme spécifiquement.
9 Alors, pourquoi ce terme vous pose-t-il problème alors que,
10 visiblement, il était tout simplement employé par de nombreuses personnes
11 à l'époque ?
12 M. Dokmanovic (interprétation). - Le terme est inexact, il ne me
13 pose pas problème, seulement il est inexact. A l'époque, il n'y avait pas
14 de maire. Il y avait des présidents de municipalité ou d'assemblée
15 municipale.
16 Maintenant, si quelqu'un a fait référence à ce poste en
17 employant un terme inexact, c'est son problème, je ne vais pas maintenant
18 essayer de savoir pourquoi certaines personnes utilisent des termes
19 inexacts.
20 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous étiez à
21 Backa Palanka, une décision a été prise, à savoir que la population de
22 Kladovo qui assurait le transport de l'aide humanitaire irait à Bogojevo.
23 Il a ensuite été décidé que vous-même, Cvetkovic, Lazarevic et Jevtovic
24 continueriez vers Vukovar, n'est-ce pas ?
25 M. Dokmanovic (interprétation). - Cette décision n'avait rien de
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1 particulier, nous nous sommes mis d'accord sur ce point parce que les
2 autres membres de la délégation sont allés voir leurs concitoyens qui
3 étaient réservistes à l'époque, ils sont simplement partis dans une autre
4 direction que la nôtre.
5 M. Williamson (interprétation). - En fait, ils sont allés là-bas
6 pour apporter une aide et approvisionner les réservistes, n'est-ce pas ?
7 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui, je le suppose.
8 M. Williamson (interprétation). - Le groupe de 4 personnes
9 auquel vous apparteniez a-t-il transporté de l'aide vers Vukovar ?
10 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui, je crois que nous avions
11 des colis avec nous. Je ne m'en souviens pas très bien, des colis ont été
12 déchargés d'un camion et placés dans le véhicule de l'assemblée municipale
13 de Kladovo.
14 M. Williamson (interprétation). - Quel chemin avez-vous emprunté
15 depuis Backa Palanka ?
16 M. Dokmanovic (interprétation). - Nous avons passé Ilok, Sid,
17 Tovarnik, Ilaca, Sidski Banovci, Orolik, puis nous avons tourné vers
18 Negoslavci et nous sommes entrés dans Vukovar.
19 M. Williamson (interprétation). - Qui était avec vous dans la
20 voiture ?
21 M. Dokmanovic (interprétation). - M. Cvetkovic conduisait
22 lorsque nous avons quitté Backa Palanka. Il y avait donc moi-même,
23 M. Lazarevic et M. Jevtovic.
24 M. Williamson (interprétation). - A un moment donné, la voiture
25 de M. Leskovac a eu un problème en cours de route, n'est-ce pas ? Il y a
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1 eu une panne.
2 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui, je crois que sa voiture a
3 crevé. De toute façon, il a fallu qu'il laisse la voiture à Sidski Banovci
4 parce que nous devions utiliser ce véhicule tous les deux pour rejoindre
5 notre domicile à Trpinja.
6 M. Williamson (interprétation). - Vous avez été très retardés
7 par cet accident ?
8 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne sais pas, cela nous a
9 pris à peu près 10 minutes, qui ont permis à Leskovac de monter dans notre
10 voiture et de repartir dans notre véhicule.
11 M. Williamson (interprétation). - Cela s'est passé à Sidski
12 Banovci, n'est-ce pas ?
13 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.
14 M. Williamson (interprétation). - Et à un moment donné, vous
15 avez bien essayé d'atteindre Vukovar, n'est-ce pas ?
16 M. Dokmanovic (interprétation). - Nous avons quitté Sidski
17 Banovci pour Vukovar et nous avons dû arriver à Vukovar un peu avant
18 14 heures.
19 M. Williamson (interprétation). - Vous vouliez atteindre la
20 ville vers 14 heures pour pouvoir assister à cette réunion du
21 gouvernement, n'est-ce pas ?
22 M. Dokmanovic (interprétation). - Nous avons pris la direction
23 de Vukovar et, comme je l'ai dit, nous sommes arrivés à Velepromet un peu
24 avant 14 heures.
25 Puisque nous allions vers Vukovar de toute façon, nous pouvions
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1 également assister à la réunion.
2 M. Williamson (interprétation). - Il y a quelques instants, vous
3 avez déclaré que le premier ministre vous avait dit que vous deviez vous
4 trouver à la réunion. En tant que ministre, vous vous êtes donc senti tenu
5 d'assister à cette réunion. C'est donc bien la raison principale de votre
6 déplacement vers Vukovar, n'est-ce pas ? Ce n'est par hasard que vous vous
7 êtes trouvé sur place ?
8 M. Dokmanovic (interprétation). - Ce n'est pas un ordre qui nous
9 a été donné par M. Hadzic, c'était plutôt une recommandation qu'il serait
10 bon que nous assistions à la réunion.
11 M. Williamson (interprétation). - Combien de Serbes sont restés
12 à Vukovar pendant les combats, approximativement ?
13 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne peux pas répondre avec
14 précision. Il est certain que plus de 15 000 Serbes ont quitté Vukovar
15 vers la fin d'août 1991. 1 000 ou 2 000 personnes sont donc peut-être
16 restées sur place. Je ne sais pas exactement, c'est difficile à dire.
17 M. Williamson (interprétation). - Le gouvernement avait-il
18 établi des contacts quelconques avec ces personnes pendant les combats ?
19 M. Dokmanovic (interprétation). - Non, pas vraiment.
20 M. Williamson (interprétation). - Vous ne saviez donc pas très
21 bien dans quelle situation ils se trouvaient à cette époque-là, n'est-ce
22 pas ?
23 M. Dokmanovic (interprétation). - Non, effectivement.
24 M. Williamson (interprétation). - Hier, vous avez déclaré :
25 "M. Hadzic a également déclaré cela, à savoir que le gouvernement n'était
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1 pas très populaire à Vukovar et c'est la raison pour laquelle il fallait
2 tenir une réunion sur place." Alors, je pense que vous dites que le
3 gouvernement n'était pas très populaire parce que des Croates ont été
4 évacués ce jour-là, mais comment savez-vous que le gouvernement était si
5 impopulaire étant donné que vous n'aviez pas de contact avec la population
6 serbe sur place ?
7 M. Dokmanovic (interprétation). - Si, des informations
8 circulaient selon lesquelles les gens de Vukovar ne voulaient pas du
9 gouvernement, et on m'a fait savoir que j'avais reçu des menaces directes.
10 M. Williamson (interprétation). - En fait, on avait pu obtenir
11 ces informations malgré le siège et on vous a communiqué ces
12 informations ? Vous étiez directement menacé parce que vous souhaitiez
13 vous rendre à Vukovar ?
14 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.
15 On m'a bien fait comprendre que ma vie était en danger dès lors
16 que je mettais le pied à Vukovar.
17 M. Williamson (interprétation). - Veuillez nous décrire
18 exactement ce qui s'est passé lors de votre arrivée à Velepromet.
19 M. Dokmanovic (interprétation). - La situation qui régnait était
20 assez chaotique. La cour de l'entreprise Velepromet était pleine de gens
21 qui pensaient quitter la ville. Nous avons rencontré des gens que nous
22 connaissions. J'ai dû passer un quart d'heure ou 20 minutes dans la cour
23 de l'entreprise.
24 M. Williamson (interprétation). - Ensuite, vous êtes entré à
25 l'intérieur du bâtiment pour assister à la réunion, n'est-ce pas ?
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1 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.
2 M. Williamson (interprétation). - Une fois que vous êtes entré
3 dans le bâtiment, vers quelle pièce vous êtes-vous dirigé, où se tenait
4 cette réunion ? Pouvez-vous nous donner un peu le plan de ce bâtiment. Où
5 cette réunion se tenait-elle ? Dans quelle pièce ?
6 M. Dokmanovic (interprétation). - C'est un bâtiment assez bas,
7 il y a un couloir que nous avons emprunté et je suis entré dans une pièce
8 relativement petite, il y avait déjà beaucoup de personnes à l'intérieur.
9 Nous n'étions pas les derniers à arriver, mais il y avait déjà beaucoup de
10 personnes présentes.
11 M. Williamson (interprétation). - Combien de personnes
12 assistaient à la réunion approximativement ?
13 M. Dokmanovic (interprétation). - Je dirais qu'il y avait là
14 plus de 20 personnes.
15 M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit hier que la
16 seule chose que vous pouviez vous rappeler avoir discuté, c'étaient les
17 méthodes d'alimentation de la population, et vous avez dit que les
18 participants ont discuté en petits groupes très souvent et que vous ne
19 pouviez donc pas vraiment vous rappeler ce qui s'était dit au cours de
20 cette réunion. Est-ce que je rapporte bien vos propos ?
21 M. Dokmanovic (interprétation). - Ce n'était pas une réunion
22 dans laquelle il était prévu qu'une personne parle et que les autres
23 écoutent. Il était très rare qu'une personne parle et que les autres
24 l'écoutent.
25 Je ne peux donc pas dire avec précision qui a dit quoi à quel
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1 moment.
2 Il y avait des conversations multiples, la plupart des
3 participants avaient été atterrés par ce qu'ils avaient vu. Nous étions
4 pour la plupart en état de choc si je puis m'exprimer ainsi.
5 M. Williamson (interprétation). - Combien de temps a duré la
6 réunion au total ?
7 M. Dokmanovic (interprétation). - Je crois qu'elle a duré une
8 heure à peu près.
9 M. Williamson (interprétation). - Avez-vous parlé au major
10 Sljivancanin à Velepromet ?
11 M. Dokmanovic (interprétation). - Non.
12 M. Williamson (interprétation). - Vous rappelez-vous qu'il a dit
13 quoi que ce soit à cette réunion ?
14 M. Dokmanovic (interprétation). - Pour autant que je le sache,
15 M. Sljivancanin n'a pas participé à cette réunion, pour autant que j'ai pu
16 l'observer.
17 M. Williamson (interprétation). - Et Arkan, était-il présent à
18 la réunion ?
19 M. Dokmanovic (interprétation). - Je crois qu'il l'était.
20 M. Williamson (interprétation). - Vous rappelez-vous ce qu'il a
21 pu dire s'il a dit quelque chose ?
22 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne me rappelle pas qu'Arkan
23 ait parlé. Je ne me rappelle pas qu'il ait pris la parole, mais j'étais
24 sur le côté de la salle et je crois que lui était devant moi. S'il a
25 parlé, je n'ai donc pas entendu ce qu'il a dit.
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1 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous êtes sorti de
2 cette réunion qu'avez-vous fait ?
3 M. Dokmanovic (interprétation). - Nous sommes sortis dans la
4 cour où nous attendaient les personnes qui étaient venues avec nous. Après
5 quelques minutes, étant donné que les voitures étaient garées devant cet
6 espace, devant l'entreprise Velepromet, dans la rue, nous sommes montés à
7 bord de ces véhicules et nous avons pris le chemin de la ville.
8 M. Williamson (interprétation). - Pendant que vous vous dirigiez
9 en voiture vers le centre de la ville, quelqu'un a dit -je cite- : "Je
10 n'ai frappé avec rien d'autre qu'avec mes points" (fin de citation). Vous
11 rappelez-vous qui a dit cela et avec quoi cette phrase avait un rapport ?
12 M. Dokmanovic (interprétation). - Qu'est-ce qu'il a dit ?
13 M. Williamson (interprétation). - "Je n'ai frappé avec rien
14 d'autre qu'avec mes points."
15 M. le Président (interprétation). - Peut-on rediffuser la
16 cassette ?
17 M. Williamson (interprétation). - Oui, peut-être peut-on montrer
18 les images sur la cassette. Je crois que c'est peu de temps après le
19 départ de Velepromet, et je lis cette phrase dans la transcription qui m'a
20 été fournie par la défense.
21 M. Fila (interprétation). - Alors, cela se situe après
22 15 heures, 15 heures et quelque.
23 M. le Président (interprétation). - Merci.
24 M. Williamson (interprétation). - C'est au bas de la page 6 de
25 la traduction anglaise. Je ne sais pas exactement à quel niveau cela se
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1 situe dans la transcription Serbe.
2 M. Williamson (interprétation). - Je crois que c'est aussi au
3 bas de la page 6, là où il est question de la maison de Bogo. La phrase
4 est inscrite juste au-dessus.
5 M. May (interprétation). - D'après ce que je crois comprendre,
6 cela se situe à 15 heures 19 selon mes notes.
7 (Projection de la cassette vidéo.)
8 M. Fila (interprétation). - Monsieur Williamson, il faut
9 rembobiner. C'est plus haut dans la cassette.
10 M. Williamson (interprétation). - Si c'est possible, très bien.
11 M. Fila (interprétation). - Avant même le début, avant les
12 premières images que vous venez de diffuser, avant le début de la séquence
13 que nous venons de voir, donc assez loin en arrière. Excusez-moi de vous
14 interrompre, mais je voulais vous aider.
15 M. le Président (interprétation). - 15 heures 13.
16 M. Williamson (interprétation). - Peut-être.
17 (Nouvelle projection de la cassette vidéo.)
18 M. Williamson (interprétation). - Vous avez entendu cette
19 déclaration, Monsieur Dokmanovic ?
20 M. Dokmanovic (interprétation). - C'est la première fois que je
21 l'entends. Peut-on rembobiner pour que j'essaie de reconnaître la voix ?
22 M. Williamson (interprétation). - Certainement.
23 M. Dokmanovic (interprétation). - S'il s'agit de l'un des
24 nôtres...
25 (Nouvelle projection de la cassette vidéo.)
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1 M. Williamson (interprétation). - Vous rappelez-vous qui a dit
2 cela ?
3 M. Dokmanovic (interprétation). - C'est la première fois que
4 j'entends ces mots sur la cassette. J'ai pourtant écouté la cassette
5 plusieurs fois. J'ai du mal à reconnaître, ce n'est pas ma voix en tout
6 cas, cela c'est certain.
7 M. Williamson (interprétation). - Vous ne vous rappelez donc pas
8 qui a dit cela. Je cite : "Je n'ai frappé avec rien d'autre qu'avec mes
9 points."
10 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne peux pas reconnaître la
11 voix. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que ce n'est pas ma voix.
12 M. Williamson (interprétation). - Pendant que vous circuliez en
13 voiture dans la ville et lorsque vous êtes arrivé dans le centre de la
14 ville, tout le monde avait l'air assez ému par ce qu'il voyait, n'est-ce
15 pas ?
16 M. Dokmanovic (interprétation). - Nous étions très surpris de
17 voir l'importance des destructions qu'il y avait dans la ville.
18 M. Williamson (interprétation). - Vous étiez furieux à cause de
19 cela ?
20 M. Dokmanovic (interprétation). - Je n'étais pas furieux, je
21 ressentais plutôt un sentiment d'impuissance atterrée par rapport à ce que
22 j'ai vu.
23 M. Williamson (interprétation). - Il ne fait à aucun doute que
24 certains parmi vous étaient furieux. M. Leskovac a insulté les mères
25 oustachies à plusieurs reprises et tout le monde avait l'air de dire que
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1 les corps qui jonchaient le sol étaient des corps de Serbes tués par des
2 Croates, donc il y avait tout de monde de la colère, n'est-ce pas ?
3 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne peux pas vous donner une
4 interprétation des sentiments personnels des uns et des autres, c'est leur
5 problème à eux. Ce que j'ai dit c'est que j'ai été extrêmement surpris par
6 ce que j'ai vu, je n'avais même pas imaginer que les choses puissent
7 ressembler à cela, c'est un sentiment terrible.
8 M. Williamson (interprétation). - A un certain moment, selon les
9 voix identifiées par M. Cvetkovic, vous dites, je cite : "Et ici c'est
10 l'église serbe, ils l'ont brûlée et ils l'ont détruite" (fin de citation).
11 Après quoi, M. Leskovac répond, je cite : "Encule leurs mères oustachies
12 mille fois, eux et Tudjman" (fin de citation).
13 Comment savez-vous que ce sont les Croates qui ont brûlé et
14 détruit l'église ? Cette citation se trouve à la page 8 de la
15 transcription anglaise.
16 M. Dokmanovic (interprétation). - L'église serbe de Vukovar a
17 été minée avant le début des opérations de guerre.
18 M. Williamson (interprétation). - A quel moment ?
19 M. Dokmanovic (interprétation). - Je crois que cela s'est passé
20 fin juillet, début août. Elle a été détruite par une explosion, selon les
21 informations qui m'ont été données en tout cas, parce qu'à l'époque je
22 n'étais pas à Vukovar.
23 M. Williamson (interprétation). - J'ai passé pas mal de temps à
24 Vukovar, vous vous connaissez très bien la ville. Quand vous remontez et
25 descendez cette rue, vous voyez que tous les bâtiments de la rue ont été
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1 détruits par des obus, tous les bâtiments. Qu'est-ce qui vous fait penser
2 que l'église serbe a subi un sort différent et n'a pas détruite par les
3 obus tirés par la JNA ?
4 M. Dokmanovic (interprétation). - Il est certain que l'église
5 orthodoxe a elle aussi subi les pilonnages? mais avant ces pilonnages elle
6 a été minée et incendiée, en tout cas selon les informations qui m'ont été
7 transmises.
8 M. Williamson (interprétation). - Mais il semble que vous-mêmes
9 et vos compagnons aient reproché les destructions et les morts aux
10 Croates, n'est-ce pas ?
11 M. Dokmanovic (interprétation). - A ce moment-là, je ne sais pas
12 qui je blâmais, quand on se trouve pour la première fois dans une telle
13 situation, une situation qui vous surprend terriblement, il est fréquent
14 que l'on blâme un tiers.
15 A partir de la situation de l'époque, c'est comme cela que les
16 choses apparaissaient. Maintenant avec d'autres connaissances plus tard,
17 avec les informations supplémentaires qu'on obtient, on peut corriger son
18 avis.
19 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé au
20 centre, vous avez donné une interview à M. Tomasevic dans laquelle vous
21 dites, je cite : "A partir d'aujourd'hui et jusqu'à l'éternité, Vukovar
22 sera serbe." (fin de citation). A votre avis, il n'y avait pu de place
23 pour les Croates à Vukovar ?
24 M. Dokmanovic (interprétation). - Non. La propagande croates a,
25 pendant très longtemps, tout qualifié de croate, tout devait être croate.
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1 Moi, j'avais le sentiment que j'avais droit à cette ville au moins autant
2 que n'importe qui d'autre. Ma déclaration peut être interprétée dans ce
3 contexte. Vous vous avez isolé une partie de l'interview qui était peut-
4 être prononcé sous l'effet de l'affectivité, mais je n'ai pas dit que
5 Vukovar ne devez être qu'une ville serbe ; c'est une ville où toutes les
6 nationalités avaient vécu et jamais il n'est venu à l'esprit d'un Croate,
7 d'un Serbe, d'un Hongrois ou d'un Rom que cette ville lui appartenait
8 exclusivement. A ce moment-là, tout était en train de changer. Lorsque
9 Vukovar a été décrétée ville croate, pas dans le sens de dire que la ville
10 se trouvait en Croatie, cela personne ne le niait, la majeure partie
11 d'entre nous a eu le sentiment de perdre la ville, d'avoir perdu sa ville,
12 c'est dans ce contexte qu'il est possible d'interpréter mes propos. Mais
13 ma phrase ne voulait pas dire que Vukovar se trouvait en Serbie. La ville
14 demeurerait ce qu'elle était. Mais ce que je voulais dire c'est que les
15 Serbes aussi avaient droit à cette ville.
16 M. Fila (interprétation). - Je vous prie de m'excusez Monsieur
17 le Président et je prie Me Williamson de m'excusez également, je n'ai rien
18 contre cette question, mais je demanderai à Maître Williamson, encore une
19 fois, de lire la totalité du texte et de ne pas isoler une phrase dans un
20 texte beaucoup plus long. Le texte et beaucoup plus long, donc je le
21 prierai de lire tout le texte, nous comprendrons mieux.
22 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, cela ne
23 pose pas de problème, nous pouvons repasser la vidéo, nous avons entendu
24 tout cela à plusieurs reprises, donc j'essayais d'accélérer en me
25 concentrant sûr des détails, mais nous pouvons repasser toute la séquence
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1 qui entoure cette phrase. Excusez-moi, pouvez-vous me donner la référence
2 horaire ?
3 M. May (interprétation). - 15 heures 25.
4 M. Williamson (interprétation). – Commençons la diffusion à
5 15 heures 25.
6 M. Fila (interprétation). – Je demandai à M. Dokmanovic de lire
7 la transcription, je ne demandai pas une nouvelle diffusion de la vidéo.
8 Je pensais que M. Dokmanovic pouvait lire les phrases de la transcription.
9 Cela irait plus vite. La transcription n'est contestée par personne.
10 M. le Président (interprétation). - Oui? pouvez-vous donner la
11 page à M. Dokmanovic ?
12 M. Fila (interprétation). – La troisième page avant la fin,
13 Page 8. Lisez le tout. Cela commence par "une grande tristesse, pas
14 seulement pour la ville"
15 Les Interprètes. - Les interprètes n'ont pas le texte.
16 M. Dokmanovic (interprétation). – C'est la dernière ligne de
17 cette page, ce qui a été enregistré par la caméra, je cite : "une grande
18 tristesse pas seulement pour la ville mais aussi pour les milliers de mort
19 innocents qui ont vécu un sort…"
20 M. Fila (interprétation). – Depuis le début, M. Dokmanovic.
21 M. Dokmanovic (interprétation). – "Une grande tristesse pas
22 seulement pour la ville mais pour les milliers de morts innocents qui ont
23 vécu un sort comparable à celui de 50 ans avant. Ils se sont fait tuer,
24 égorger sans raison et se sont transformés en cadavres. Tout cela n'a pas
25 le moindre motif. Le sort le plus dur a été vécu par ceux qui ont vu tuer
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1 leurs proches. Il ne restera que le souvenir. Les gens se remettent de
2 tout cela et j'espère que Vukovar et les habitants de Vukovar, 50 ans
3 après, ne permettront plus jamais une telle chose de se reproduire. A
4 Vukovar cela n'arrivera plus, car ce sera à partir d'aujourd'hui et pour
5 l'éternité serbe."
6 M. Williamson (interprétation). – Donc, M. Dokmanovic, la
7 lecture de la totalité du passage, change-t-elle la réponse que vous avez
8 apportée, il y a quelques instants, en quoi que ce soit ?
9 M. Dokmanovic (interprétation). – J'ai dit qu'il est question
10 dans ce passage des habitants de Vukovar. Ce à quoi je pensais
11 fondamentalement, à ce moment-là, ce que j'avais dans le cœur, c'était une
12 émotion par rapport aux horreurs que j'avais vu. Je compatissais avec les
13 gens qui avaient vu mourir leurs proches. Mais, je ne dis nulle part, ici,
14 que se sont les Croates ou les Serbes ou qui que ce soit d'autre qui est
15 coupable pour tous ces morts. A ce moment-là, je pense aux uns et aux
16 autres.
17 Quant au point sur lequel vous insistez, le fait que j'ai dit
18 que Vukovar serait serbe, je me suis déjà expliqué sur ce point. En tant
19 que serbe en tant qu'habitant de Vukovar qui a passé la moitié de sa vie
20 et davantage dans cette ville, je me sentais expulsé de ma ville. J'avais
21 le sentiment d'avoir le droit et je ne parlais pas que de moi, je parlais
22 aussi des autres 15 à 20 000 habitants expulsés de la ville, j'avais le
23 sentiment que nous avions le droit à cette ville au moins autant que les
24 autres. C'est dans ce contexte qu'il est possible d'interpréter mes
25 propos, pas dans le contexte, selon lequel j'aurais dit que Vukovar ne
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1 devrait être que serbe ou que Vukovar se trouverait dans un autre Etat –si
2 je puis m'exprimer ainsi. Voilà quel était le fond de mes propos.
3 M. Williamson (interprétation). – Quand était-il des Croates qui
4 étaient expulsés ce jour-là, de Vukovar ? Comment trouvent-ils leur place
5 dans ce que vous venez de dire ?
6 M. Dokmanovic (interprétation). – Avant cette date, des milliers
7 de Croates qui n'étaient pas d'accord avec la politique appliquée à
8 Vukovar avaient déjà quitté la ville, surtout au mois de juillet et août.
9 Les Croates qui sont restés dans Vukovar -je ne dirai pas qu'ils
10 ont été expulsés. Ces habitants n'avaient pas les conditions minimales de
11 vie, de la même façon que les autres qui sont partis en même temps qu'eux.
12 Dans les autobus, il n'y avait pas que des Croates, il y avait aussi des
13 Serbes qui quittaient la ville. L'hiver arrivait, à Vukovar il n'y avait
14 pas les conditions suffisantes pour le supporter. Il n'y avait pas de
15 bonnes conditions de logement, surtout du point de vue du chauffage et pas
16 de nourriture.
17 M. Williamson (interprétation). – Vous avez accordé une autre
18 interview, le 21 novembre. J'aimerais que nous l'examinions maintenant. Je
19 crois que c'est la pièce à conviction de l'accusation 75, c'est une
20 interview recueillie à Erdut, je crois que c'est ce que Me Fila a déclaré.
21 Pouvons -nous voir cette interview ?
22 (Projection de l'interview.)
23 M. Williamson (interprétation). – C'est tout. Quand vous dites
24 que Vukovar ne sera plus jamais une ville d'Oustachis, que ce sera une
25 vraie ville serbe dans laquelle tous les habitants vivront en liberté,
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1 vous utilisez le mot oustachi, faites-vous référence à tous les Croates ?
2 M. Dokmanovic (interprétation). – Non. Je n'ai jamais considéré
3 que tous les Croates étaient Oustachis. Mais ce qui a amené à la
4 destruction de Vukovar est lié à des gens qui devraient peut-être être
5 appelés des extrémistes d'un bord et de l'autre. C'est un terme peut-être
6 plus approprié que celui utilisé en 1941. Il n'y aurait pas de destruction
7 si les gens censés avaient emporté la partie.
8 M. Williamson (interprétation). – Vous rappelez-vous votre
9 entretien avec M. Milner à la prison, page 48 de la transcription serbe et
10 page 63 de la transcription anglaise ?
11 Vous rappelez-vous une question vous a été posée : que signifie
12 à vos yeux le terme "oustachi" ? Vous avez répondu : "C'est un terme qui
13 fait référence aux Croates. Les Croates appelaient tous les membres du
14 camp serbe des Chetniks et le camp serbe appelait tous les membres du camp
15 croate des Oustachis" (fin de citation). Vous rappelez-vous avoir dit
16 cela ?
17 M. Dokmanovic (interprétation). – Je ne me rappelle pas avoir
18 parlé de tous les Croates, je suis sûr que je n'ai pas dit ni pensé cela.
19 Mais c'était un terme usuel à ce moment-là, effectivement, c'était un
20 terme en pratique utilisé, par les moyens d'information et par les gens.
21 A cette époque nous nous considérions les uns les autres comme
22 des ennemis féroces. Il est probable que le terme Oustachi utilisé pour
23 qualifier les Croates, du côté serbe, était une réponse du fait que les
24 Croates utilisaient le terme Chetniks pour parler des Serbes. J'espérais
25 qu'il n'y aurait plus jamais d'extrémistes qui autorise la destruction de
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1 la ville.
2 Je souhaite dire que j'ai passé la moitié de ma vie dans cette
3 ville. C'était l'une des plus belles villes de l'ex-Yougoslavie, dans
4 laquelle coulaient deux rivières, c'était une ville où la sécurité était
5 très importante, il n'y avait aucun problème à laisser les clefs sur votre
6 voiture lorsque vous la gariez et vous la retrouviez.
7 Vous pouviez vous promener la nuit y compris jusqu'à 4 heures du
8 matin sans que personne ne vous fasse rien. Il n'y avait pas de jour, je
9 parle de très tôt le matin sans que des gens nettoient la ville. Cette
10 ville ressemblait aux villes les plus civilisées d'Europe. Il n'y avait
11 pas le moindre petit papier dans la rue. Et ensuite, vous voyez ce qu'il
12 en est des destructions que nous avons vues.
13 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, je
14 pense que nous pourrions nous séparer pour le déjeuner. Je crois que, dans
15 mes questions, c'est une bonne interruption car je vais aborder un nouveau
16 sujet.
17 M. le Président (interprétation). - Très bien.
18 Nous suspendons l'audience maintenant.
19 Nous reprendrons nos travaux à 14 heures précises.
20 La séance, suspendue à 12 h 30, est reprise à 14 h 05.
21 M. le Président (interprétation). - Maître Williamson, c'est à
22 vous.
23 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Dokmanovic, avant la
24 pause déjeuner, nous venions de parler des entrevues que vous aviez
25 accordées. L'une d'entre elles s'est déroulée dans le centre-ville.
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1 Lorsque vous êtes parti du centre de Vukovar, quel itinéraire avez-vous
2 suivi pour quitter la ville ?
3 M. Dokmanovic (interprétation). - Vous parlez de la journée du
4 20 novembre 1991 ?
5 M. Williamson (interprétation). - Oui, effectivement. C'est ce
6 qu'on voit sur la vidéo.
7 M. Dokmanovic (interprétation). - Dans la rue Ivo Andric, nous
8 avons bifurqué. Nous sommes retournés dans notre véhicule et nous avons
9 suivi le chemin que nous avions emprunté pour venir. Nous sommes allés
10 vers Velepromet. Nous ne nous sommes arrêtés nulle part.
11 M. Williamson (interprétation). - Vous ne vous êtes pas arrêtés
12 au niveau de l'église ?
13 M. Dokmanovic (interprétation). - Peut-être avons-nous ralenti
14 en passant devant l'église, mais nous ne nous sommes pas arrêtés. De toute
15 façon, il fallait rouler lentement.
16 M. Williamson (interprétation). - Vous ne vous êtes pas arrêtés
17 non plus à Velepromet ?
18 M. Dokmanovic (interprétation). - Non.
19 M. Williamson (interprétation). - Entre votre départ du centre
20 de Vukovar et votre arrêt au niveau des bus, est-ce que vous-même ou l'une
21 des personnes qui se trouvaient dans votre véhicule vous êtes arrêté, avez
22 bifurqué, changé de direction ?
23 M. Dokmanovic (interprétation). - Non.
24 M. Williamson (interprétation). - Vous avez donc suivi une ligne
25 droite et directe vers Negoslavci qui, je crois, est au plein sud de
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1 Vukovar ?
2 M. Dokmanovic (interprétation). - Nous allions en direction de
3 Negoslavci et nous sommes entrés dans le village de Negoslavci. Là, nous
4 avons rattrapé la colonne de bus.
5 M. Williamson (interprétation). - Etes-vous arrivés sur cette
6 colonne de bus par derrière ? Les bus étaient-ils devant vous ?
7 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.
8 M. Williamson (interprétation). - Comment avez-vous pu passer
9 devant les bus et les filmer alors qu'ils venaient vers vous ?
10 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne comprends pas, c'est
11 tout à fait impossible. Les bus ne venaient pas vers nous.
12 M. Williamson (interprétation). - Peut-être pouvons-nous voir la
13 cassette à 15 h 42.
14 M. Fila (interprétation). - Maître Williamson, il n'y a pas de
15 15 h 42 sur cette cassette.
16 M. Williamson (interprétation). - Mais je crois que c'est le
17 temps qui est indiqué...
18 M. le Président (interprétation). - Je me tourne vers le
19 Juge May, l'autorité suprême en la matière.
20 M. May (interprétation). - Oui, oui, cela existe. J'ai 15 h 42.
21 M. Williamson (interprétation). - Je demande donc que cette
22 séquence soit diffusée.
23 (Projection de la cassette vidéo.)
24 M. Williamson (interprétation). - Merci. M. Dokmanovic, ces bus
25 viennent bien dans votre direction, vous vous trouvez devant les autobus,
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1 n'est-ce pas ? Comment est-il possible, alors, que vous ayez pu prendre
2 ces images alors que vous arriviez derrière les autobus ?
3 M. Dokmanovic (interprétation). - C'est là que nous avons été
4 arrêtés. Nous avons tenté de dépasser les autobus, nous en avons dépassé
5 un certain nombre, mais l'armée nous a arrêtés à Negoslavci.
6 M. Williamson (interprétation). - A quel endroit, à Negoslavci,
7 si vous vous en souvenez ?
8 M. Dokmanovic (interprétation). - C'était à l'intérieur du
9 village. Je ne peux vous dire à quel endroit exactement, mais c'était à
10 l'intérieur du village de Negoslavci.
11 M. Williamson (interprétation). - M. Dokmanovic, je vais vous
12 affirmer la chose suivante : ceci ne s'est pas passé à Negoslavci. La
13 cassette a été modifiée afin d'y inclure cette séquence, à cet endroit
14 particulier.
15 M. Dokmanovic (interprétation). - Ce n'est pas exact.
16 M. Williamson (interprétation). - A 15 h 36, nous avons vu les
17 dernières maisons au sud de Vukovar, en direction de Negoslavci. Eh bien,
18 je vais vous affirmer la chose suivante : cette séquence de la cassette
19 que l'on voit à 15 h 42 représente des images d'un endroit qui se trouve à
20 370 mètres de ce lieu, au nord. Je vous demande donc la chose suivante :
21 comment se fait-il que cette séquence se trouve à la fin de la cassette si
22 vous et vos compagnons n'avez pas fait un virage à 180 degrés et n'êtes
23 pas revenus dans la direction d'où vous veniez ?
24 M. Dokmanovic (interprétation). - C’est inexact. Nous n'avons
25 pas fait demi-tour, nous ne sommes pas retournés sur nos pas.
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1 M. Williamson (interprétation). - Vous dites que lorsque vous
2 avez quitté le centre de la ville, vous avez directement emprunté cette
3 ligne droite menant à Negoslavci, n'est-ce pas ?
4 M. Dokmanovic (interprétation). - C'est exact.
5 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous vous êtes arrêtés
6 au niveau des autobus, êtes-vous sortis du véhicule ?
7 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne pense pas.
8 M. Williamson (interprétation). - Comment, alors, peut-on
9 entendre votre voix ?
10 M. Dokmanovic (interprétation). - Parce que les images étaient
11 prises de l'intérieur du véhicule, je suppose. Je ne pense pas que nous
12 soyons sortis.
13 M. Williamson (interprétation). - Je demanderai qu'on repasse
14 cette séquence de 15 h 42. Je vous suggère que ces images ont été prises
15 de l'extérieur du véhicule.
16 (La cassette est diffusée).
17 M. Williamson (interprétation). - Etes-vous d'accord avec moi
18 pour dire que ces images ont été filmées à l'extérieur du véhicule ?
19 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas avec
20 précision. L'armée nous a arrêtés à ce moment-là, à ce niveau-là, et nous
21 avons dû attendre. La personne qui prenait ces images était avec nous.
22 C'est Negoslavci, on reconnaît bien le village, c'est indubitable.
23 M. Williamson (interprétation). - Connaissez-vous Emil Cakalic ?
24 M. Dokmanovic (interprétation). - Vaguement.
25 M. Williamson (interprétation). - En quelle qualité ?
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1 M. Dokmanovic (interprétation). - J'ai dit que, entre 1984 et
2 1988, j'ai travaillé dans l'administration de la municipalité de Vukovar.
3 J'étais membre du Secrétariat de l'économie et plus particulièrement
4 conseiller pour les questions agricoles. Emil Cakalic, quant à lui, était
5 inspecteur pour les autorités municipales. Mais nous ne travaillions pas
6 dans le même secrétariat. Nous ne nous rencontrions que de façon
7 sporadique, lorsque nous arrivions ou que nous partions du travail.
8 M. Williamson (interprétation). - Et connaissez-vous
9 M. Berghofer ?
10 M. Dokmanovic (interprétation). - Non.
11 M. Williamson (interprétation). - Vous avez dit que, après vous
12 être arrêtés au niveau des autobus, vous êtes allés vers Orolik, n'est-ce
13 pas ?
14 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.
15 M. Williamson (interprétation). - Combien de temps avez-vous mis
16 pour parcourir la distance entre Negoslavci et Orolik ?
17 M. Dokmanovic (interprétation). - Cela fait quelque dix
18 kilomètres, tout au plus. Mais nous allions lentement, étant donné que
19 nous nous trouvions dans la colonne. Nous sommes donc arrivés vers
20 17 heures à Orolik.
21 M. Williamson (interprétation). - Pendant combien de temps avez-
22 vous été immobilisés, là-bas ?
23 M. Dokmanovic (interprétation). - En fait, nous avons dépassé la
24 colonne. Elle a été arrêtée à l'entrée d'Orolik. Elle était relativement
25 longue. Des gens ont donné aux personnes se trouvant dans les autobus
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1 quelque chose à boire, je crois, je n'ai pas bien vu, nous étions à une
2 certaine distance. Bref, nous avons dépassé cette colonne d'autobus et
3 nous sommes arrivés près d'une barrière. Je suis alors sorti du véhicule,
4 j'ai montré mon laissez-passer -j'en ai déjà parlé d'ailleurs. Le soldat
5 était très désobligeant à mon égard, il a commencé à m'insulter.
6 M. Williamson (interprétation). - Lorsque vous êtes partis,
7 êtes-vous allés directement à Sidski Banovci ?
8 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.
9 M. Williamson (interprétation). - Et qu'avez vous fait une fois
10 que vous y êtes arrivé ?
11 M. Dokmanovic (interprétation). - Nous nous sommes arrêtés à
12 côté de la maison où vivait M. Cvetkovic. Nous sommes arrivés dans la
13 maison et nous y sommes restés pendant un certain temps, nous avons
14 conversé. Nous avons parlé de nos impressions et de l'expérience que nous
15 venions de vivre.
16 M. Williamson (interprétation). - Pendant combien de temps êtes-
17 vous restés dans la maison ?
18 M. Dokmanovic (interprétation). - Jusqu'à 18 heures 30 environ.
19 M. Williamson (interprétation). - Les personnes qui ont voyagé
20 avec vous dans le véhicule sont restées pendant toute cette période avec
21 vous ?
22 M. Dokmanovic (interprétation). - Non, M. Jevtovic et
23 M. Tomasevic sont partis plus tôt, M. Lazarevic, M. (?) et M. (?) sont
24 restés plus longtemps, quant à Leskovac et moi-même nous sommes aussi
25 restés. Je ne sais pas pendant combien de temps tous ces gens sont restés
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1 mais ils sont restés pendant un certain temps.
2 M. Williamson (interprétation). - Donc M. Leskovac est demeuré
3 avec vous pendant tout le temps que vous êtes demeuré dans la maison ?
4 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.
5 M. Williamson (interprétation). - Pendant tout le temps ?
6 M. Dokmanovic (interprétation). - Il était avec nous dans le
7 véhicule, nous sommes allés à Vukovar ensemble et nous sommes revenus
8 aussi ensemble, si c'est de cela dont vous parlez. Il est resté tout le
9 temps avec moi. Je ne peux pas dire que nous avons été exactement au même
10 endroit tout le temps, peut-être que nous étions à quelques pas de
11 distance l'un de l'autre, mais en tout cas nous étions ensemble.
12 M. Williamson (interprétation). - Mais, moi je vous parle Sidski
13 Banovci, étiez-vous ensemble à Sidski Banovci ?
14 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui.
15 M. Williamson (interprétation). - Hier vous avez déclaré que
16 vous étiez retournés, avec M. Leskovac, à Trpinja, dans sa voiture.
17 Comment cela était-il possible si sa voiture avait subi une panne plus tôt
18 dans la journée ?
19 M. Dokmanovic (interprétation). - Je crois que M. Leskovac avait
20 eu un pneu creuvé, quelque part à Sidski Banovci, et qu'il avait laissé sa
21 voiture devant la maison où vivait M. Cvetkovic. Par conséquent, ce n'est
22 pas une panne fatale. Et donc M. Leskovac et moi-même sommes repartis vers
23 Palanka.
24 M. Williamson (interprétation). - Donc quelqu'un avait changé ce
25 pneu pendant que vous n'étiez pas là ?
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1 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne sais plus qui a changé
2 ce pneu, si c'était nous ou une autre personne. Je ne sais plus si c'est
3 nous qui avons changé la roue ou une autre personne, c'est un détail dont
4 je ne me souviens plus.
5 M. Williamson (interprétation). - Au cours de l'entretien qui a
6 eu lieu dans l'avion qui se rendait à La Haye et au cours de l'entretien
7 qui a eu lieu à la prison avec M. Milner, vous n'avez pas parlé
8 M. Leskovac quand vous avez cité les personnes qui étaient avec vous à
9 Vukovar. A chaque fois, vous avez parlé de Cvetkovic, Lazarevic et
10 Jevtovic, mais vous n'avez pas mentionné M. Leskovac. Et je vous renvoie
11 aux pages 45 et 59 de la retranscription anglaise, la page 45 correspond à
12 la page 33 de la retranscription en serbe, et la page 59 de la version en
13 anglais correspond à aux pages 44 et 45 de la version en serbe.
14 Monsieur Dokmanovic, souhaitez-vous que je lise vos propos ou
15 vous souvenez-vous de la raison pour laquelle vous n'avez pas parlé de
16 M. Leskovac ?
17 M. Dokmanovic (interprétation). - Monsieur le Procureur, je ne
18 suis pas un criminel, et je n'ai tué personne. Je suis détenu depuis un
19 certain temps. Vous pensez que tout est près, que j'ai préparé toutes les
20 informations pour vous, que je peux me rappeler de ce qui s'est passé il y
21 a sept ans. Vous m'accusez ici d'un crime grave. Je n'ai pas porté la main
22 sur un seul homme dans toute ma vie et vous voulez que je me souvienne de
23 chaque détail. Vous me demandez pourquoi je n'ai pas parlé de Leskovac. A
24 ce moment-là sans doute je ne m'en rappelait plus. Chaque jour , chaque
25 nuit, je pense à ce qui s'est passé, j'analyse ce qui s'est passé. Vous
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1 essayez de me coincer, si je puis dire, sur ces détails. Vous me demandez
2 si je me lave les dents, si je me rase, si je me lave, comme si tout cela
3 s'était passé hier.
4 M. Williamson (interprétation). - Monsieur Dokmanovic, je vais
5 passer à une autre question qui vous a été posée à plusieurs reprises. A
6 la fois au cours de l'entretien qui a eu lieu dans l'avion et à la prison
7 avec M. Milner, on vous a demandé ce que vous aviez fait à Vukovar. Dans
8 l'avion, vous n'avez pas mentionné, à aucun moment, Velepromet. Au cours
9 de l'entretien qui a eu lieu avec M. Milner, celui-ci vous a posé un
10 certain nombre de questions sur Velepromet. Et vous avez donné une
11 impression très nette que vous deviez livrer de l'aide humanitaire et que
12 vous avez juste parlé avec certains amis à l'extérieur de Velepromet,
13 d'ailleurs je reviendrai sur ces passages en détail.
14 M. le Président (interprétation). - Peut-on donner un exemplaire
15 de la retranscription en serbe à l'accusé, s'il vous plaît, afin qu'il
16 puisse lire les mots qui sont prononcés.
17 M. Bos (interprétation). - Il s'agit de la pièce 128 ou 127 de
18 l'accusation ?
19 M. Williamson (interprétation). - 128, excusez-moi. Il s'agit de
20 la page 46 de la retranscription en anglais et je renvoie
21 Monsieur Dokmanovic à la page 34 de la retranscription en serbe.
22 La première question qui vous a été posée est la suivante :
23 "Avez-vous traversé Vukovar, avez-vous étudié Vukovar, avez-vous traversé
24 la ville en voiture afin d'évaluer les dégâts ou bien vous êtes vous rendu
25 dans un endroit en particulier". Réponse : "Nous sommes venus de la
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1 direction de Negoslavci. C'était le seul moyen d'arriver à Vukovar".
2 M. le Président (interprétation). - Monsieur Dokmanovic, vous
3 voulez dire quelque chose ?
4 M. Dokmanovic (interprétation). - J'ai la version en anglais et
5 je ne comprends pas l'anglais.
6 M. le Président (interprétation). - Excusez-nous, Monsieur
7 Dokmanovic, c'est une erreur.
8 M. Williamson (interprétation). - C'est la page 34. La question
9 qui vous est posée est la suivante : "Avez-vous parcouru Vukovar en
10 voiture afin d'évaluer les dégâts ou vous êtes vous rendu à un endroit en
11 particulier ?" Vous avez répondu : "Nous sommes arrivés de la direction de
12 Negoslavci, c'était la seule façon de rentrer à Vukovar. Nous nous sommes
13 arrêtés à Velepromet parce qu'il y avait un certain nombre de personnes
14 qui s'y trouvaient, puis ensuite nous avons continué pendant environ
15 10 kilomètres vers la ville avant d'arriver à un carrefour." Je passe à la
16 question suivante, il est dit : "Sans contester ce que vous dites
17 actuellement, vers 14 heures vous êtes allé dans la cour de Velepromet".
18 Vous répondez : "Oui effectivement c'est le premier arrêt que nous avons
19 fait. C'est à l'entrée de Vukovar lorsqu'on vient de Negoslavci. C'est là
20 que se trouvaient un certain nombre de personnes". Puis la question qui
21 est posée est la suivante, vous avez dit que vous avez vu que des
22 centaines de personnes étaient détenues à cet endroit, et vous répondez:
23 "Oui, effectivement, elles étaient dans la cour, nous sommes arrivés à
24 l'entrée dans la cour, nous ne sommes pas rentrés, il y avait plusieurs
25 centaines de personne". Alors je vous demande la chose suivante : pourquoi
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1 n'avez-vous pas mentionné la réunion ? Et là je vous renvoie à la page 64
2 de la version en anglais qui correspond à aux pages 48 et 49 de la version
3 en serbe.
4 La question suivante vous a été posée : "Qu'allez-vous donc
5 faire avec ces médicaments ?", vous aviez sans doute une idée derrière la
6 tête, vous répondez : "Nous avons donné ces différents médicaments aux
7 personnes chargées de gérer les médicaments et les approvisionnements". La
8 question est ensuite : "Qui est-ce ?" La réponse est : "Nous avons fait
9 rapport à Velepromet, à la Défense territoriale locale et c'est eux qui
10 ont pris en charge les médicaments, quelqu'un qui était responsable".
11 Je vous renvoie ensuite à la page 66 qui correspond à la page 50
12 de la version serbe. La question qui vous est posée est la suivante :
13 "Negoslavci par là, Velepromet ?" Vous répondez : "Nous sommes restés à
14 Velepromet pendant environ une heure, je suppose que c'est Velepromet."
15 Donc à ce moment-là, Monsieur Dokmanovic, je crois que M. Milner vous
16 montrait une carte. Puis nous passons à la page 67 qui correspond aux
17 pages 50 et 51 de la version en Serbe.
18 M. le Président (interprétation). - Attendez que M. Dokmanovic
19 trouve la page.
20 M. Williamson (interprétation). - Oui effectivement, excusez-
21 moi.
22 M. le Président (interprétation). - Quelle est la page dans la
23 version serbe ?
24 M. Williamson (interprétation). - Les pages 50 et 51 dans la
25 version serbe qui correspondent à la page 67 dans la version en anglais.
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1 Il est donc dit : "Vers 14 heures, vous êtes arrivé dans la cour
2 de Velepromet". Réponse : "Oui, effectivement. Nous nous sommes arrêtés en
3 route et nous avons regardé ce qu'il se passait". La question qui vous est
4 posée ensuite est : "Que se passait-il à Velepromet ?" et vous répondez :
5 "Il y avait beaucoup de personnes, plusieurs centaines. J'ai vu beaucoup
6 de personnes, à ce moment-là, que je n'avais pas vues depuis le début de
7 la guerre. Je leur ai parlé. Un convoi était préparé, il allait se diriger
8 vers la Croatie et la Serbie. Des gens de la Croix-Rouge Internationale se
9 trouvaient là également. Ils ont participé à l'organisation du convoi.
10 Voilà à quoi cela ressemblait, parce que j'ai vu ces personnes qui se
11 baladaient et qui regardaient autour d'eux." La question est ensuite :
12 "Vous souvenez-vous ?" La réponse est : "Je n'ai pas établi de contact
13 avec eux, nous ne nous connaissions pas. Ils ne m'ont pas adressé la
14 parole, je ne l'ai pas fait non plus. L'évacuation se faisait sous la
15 responsabilité de l'armée."
16 Je vous renvoie ensuite à la page 68 de la version en anglais,
17 qui correspond aux pages 51 et 52 de la version en serbe. Question : "Je
18 ne parle pas du fait que vous ayez établi un contact avec eux, je vous
19 demande simplement ce que vous avez vu de vos yeux. Il y avait des
20 centaines de personnes sur place." Et vous avez répondu : "Les gens
21 attendaient". Question : "Ils n'étaient pas surveillés ?" Vous répondez :
22 "C'était dans les locaux, dans la cour de Velepromet".
23 Ensuite, on vous demande : "Vous avez passé une heure et demie
24 là-bas, selon vos déclarations." Vous répondez : "Oui, une heure, une
25 heure et demie". La question qui vous est posée ensuite est la suivante :
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1 "Vous étiez là, debout, vous regardiez ces gens ?" Vous répondez : "Oui,
2 j'ai parlé aux gens que je connaissais. Dans les locaux, il y avait
3 beaucoup de personnes que je connaissais et que je n'avais pas vues depuis
4 plusieurs mois".
5 Puis je vous renvoie à la page 69, qui correspond aux page 52 et
6 53 de la version en serbe.
7 M. le Président (interprétation). - (Hors micro.)
8 M. Dokmanovic (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le
9 Président, je n'ai pas compris ce que vous m'avez dit.
10 M. le Président (interprétation). - Je voulais savoir si vous
11 réussissiez à trouver les pages mentionnées par le bureau du Procureur.
12 Qu'était-ce, Monsieur Williamson, 51 et 52 ?
13 M. Williamson (interprétation). - 52 et 53.
14 M. le Président (interprétation). - Excusez-moi : 52 et 53, afin
15 que vous puissiez suivre la lecture dans la version serbe.
16 M. Williamson (interprétation). - C'est d'ailleurs le dernier
17 extrait que je vais lire.
18 M. le Président (interprétation). - Je vous demanderai de lire
19 ce passage lentement.
20 M. Williamson (interprétation). - La question : "Donc vous étiez
21 là-bas, pendant une heure et demie, et vous avez parlé à certaines
22 personnes. Au cours de cette période, l'aide humanitaire que vous aviez
23 apportée a été distribuée à quelqu'un." Vous répondez : "Vous revenez sans
24 arrêt à cette aide, mais, moi, je ne sais pas ce que les gens en ont fait.
25 Je suppose qu'ils l'ont donné à quelqu'un." Ensuite, la question qui vous
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1 est posée est : "Je suppose que c'était l'objectif de la visite, n'est-ce
2 pas ?" Vous répondez : "L'aide est arrivée de Backa Palanka et c'est à
3 partir de là qu'elle a été distribuée. Je ne sais pas quelles quantités
4 devaient être livrées à Vukovar, à Trpinja ou à d'autres endroits encore.
5 L'objectif de la visite était, pour les gens de Kladovo, de voir l'état de
6 Vukovar après la guerre. C'était l'objectif de la visite, ils voulaient
7 voir Vukovar. Nous nous sommes arrêtés à Velepromet parce que c'était là
8 que se trouvait le commandement de la défense territoriale, c'est
9 également là que se trouvait la Croix-Rouge et la personne chargée de
10 gérer l'aide qui arrivait. Je suppose que c'est là que l'aide est passée
11 d'une main à une autre. Mais il n'y en avait pas beaucoup, étant donné
12 qu'elle avait déjà été divisée en deux."
13 Monsieur Dokmanovic, j'aurai donc une question à vous poser : y
14 avait-il une raison pour laquelle vous n'avez pas mentionné le fait que
15 vous aviez rencontré d'autres membres du gouvernement à Velepromet et
16 qu'en fait, c'était l'objectif principal de votre présence sur les lieux ?
17 M. Dokmanovic (interprétation). - Je n'ai pas entendu la
18 question que vous avez posée.
19 M. Williamson (interprétation). - Au vu de tout ce que nous
20 avons lu il y a un instant, quelle était la raison pour laquelle vous
21 n'avez pas mentionné le fait que vous avez rencontré d'autres membres du
22 gouvernement à Velepromet et qu'en fait, c'était là l'objectif principal
23 de votre visite ?
24 M. Dokmanovic (interprétation). - Je ne comprends pas votre
25 question. Que voulez-vous savoir ? Que voulez-vous dire par "y a-t-il une
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1 raison pour laquelle je n'ai pas mentionné ceci où cela" ?
2 M. Williamson (interprétation). - Y a-t-il une raison pour
3 laquelle vous n'avez pas parlé de la réunion ? Vous avez mentionné
4 Velepromet sept ou huit fois, M. Milner vous a posé deux ou trois fois une
5 question très précise, à savoir quel était l'objectif de votre visite, et
6 pendant toute la durée de votre entretien, vous avez répondu que c'était
7 pour livrer de l'aide humanitaire. Alors je vous demande pourquoi vous
8 avez refusé de dire que l'objectif de votre visite était de rencontrer
9 d'autres membres du gouvernement. Pourquoi avez-vous dissimulé ce fait ?
10 M. Dokmanovic (interprétation). - J'ai dit que ce n'était pas
11 une réunion à proprement parler. A ce moment-là, certains détails
12 m'étaient même inconnus. J'ai dit que nous étions venus à Velepromet, j'ai
13 parlé des personnes qui m'accompagnaient, j'ai dit que j'avais besoin d'un
14 certain temps avant de me souvenir de tout ce qu'il s'était passé...
15 Pensez-vous que je suis en train de dissimuler certaines informations ?
16 C'est faux, je ne dissimule rien ! Le temps passe, certaines choses me
17 reviennent... En tout cas, je n'essaie pas de dissimuler quoi que ce soit.
18 Vous essayez de me dépeindre comme un criminel, comme quelqu'un
19 qui aurait tué 200 personnes et moi, je vous dis que je n'étais pas sur
20 place et que je ne savais même pas que cela s'était produit. J'ai coopéré
21 avec vous, d'emblée, et je crois que vous en abusez aujourd'hui. Si vous
22 ne me croyez pas, eh bien ne me croyez pas ! Mais je vous demande
23 d'entendre la chose suivante : je jure devant Dieu et sur la tête de mes
24 deux enfants que j'aime le plus au monde que je n'ai rien à voir avec le
25 crime qui s'est produit.
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1 Je ne me souviens même pas d'avoir dit tout ce que vous me
2 faites dire. Vous pouvez passer en revue toutes ces différentes pages,
3 mais moi je vous dis que je n'ai pas fait ce pourquoi on m'accuse.
4 M. Williamson (interprétation). - Au cours du vol qui nous a
5 ramené à La Haye, je vous ai posé un certain nombre de questions sur vos
6 allées et venues du 20 novembre. Vous avez dit que vous ne vous en
7 souveniez plus, mais que ces mouvements avaient été consignés dans un
8 calepin, un journal, et qu'en temps voulu, vous nous livreriez ce
9 document. Vous en souvenez-vous ?
10 M. Dokmanovic (interprétation). - Je me souviens vous avoir dit
11 que j'avais effectivement noté dans un journal ce qu'il se passait, quels
12 étaient mes différents engagements, rendez-vous, etc. Mais si je vous
13 montre une cassette -ou si quelqu'un vous montre une cassette- qui, sans
14 ambiguïté, montre ce qu'il s'est passé, vous ne le croiriez pas. Vous
15 allez me dire, comme vous venez de le faire, que cette cassette a été
16 montée, truquée et vous ferez sans doute la même chose avec d'autres
17 documents si je vous les montre.
18 M. Williamson (interprétation). - A la prison, M. Milner vous a
19 demandé à nouveau -et c'est un addendum qui a été ajouté à la déclaration
20 de ce matin. Peut-être pourrions-nous la communiquer à M. Dokmanovic ?
21 (L'huissier s'exécute.)
22 Dans la version anglaise, une question vous est posée par
23 M. Milner. Il vous demande encore une chose : lorsque vous avez été
24 arrêté, vous avez fait référence au journal qui couvre la période de temps
25 concernant les accusations portées contre vous. Vous répondez : "C'est
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1 exact, j'ai parlé de ce journal." La question suivante est : "Etes-vous
2 prêt à nous communiquer ces journaux ?" Vous répondez : "Vous savez, c'est
3 un calepin, ce n'est pas vraiment un journal. J'y ai décrit mes
4 déplacements, j'ai dit où je me rendais tous les jours et les obligations
5 que j'avais à remplir tous les jours. Tout apparaît dans les déclarations
6 qui vous ont été faites." Question suivante : "Etes-vous prêt à nous
7 communiquer ces journaux ?". Vous répondez : "Non."
8 Je vous pose la question suivante : êtes-vous, aujourd'hui, prêt
9 à soumettre ces journaux, ces calepins, au Tribunal ?
10 M. Fila (interprétation). - Ayez l'obligeance de citer
11 précisément ce qui a été dit. Il me semble qu'il y a des inexactitudes,
12 parce que, moi, j'ai écrit : "Est-ce que vous prêt à nous communiquer ces
13 carnets ?" Réponse : "Non, il n'y a rien dans ces carnets." C'est ce que
14 dit M. Dokmanovic dans ma version. Je suis en train de regarder les pages
15 qui m'ont été transmises par l'accusation ce matin. Alors, je me fonde sur
16 des documents qui m'ont été transmis ce matin, juste avant le début de mes
17 travaux, alors que, moi, je communique en temps et en heure.
18 M. le Président (interprétation). - Excusez-moi, Maître Fila,
19 mais quelle est la partie que vous citez ?
20 M. Williamson (interprétation). - Je crois que cela apparaît
21 sous l'appellation "TF" dans la version serbe.
22 M. Fila (interprétation). - Moi, je cite la version serbo-
23 croate. Il y est dit : "Etes-vous prêt à nous communiquer ces carnets ?"
24 Réponse de M. Dokmanovic : "Non, il n'y a rien dans ces carnets. Tout
25 apparaît déjà dans la déclaration, on sait déjà où je me suis rendu le 19
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1 et au cours des jours qui ont suivi. C'est un calepin et non pas un
2 journal. J'ai décrit tous mes déplacements, toutes mes obligations
3 journalières. Tout apparaît dans mes déclarations." Ensuite, M. Dokmanovic
4 est dans l'avion, tout un passage suit.
5 M. Williamson (interprétation). - Oui, en fait, dans la version
6 anglaise, on aperçoit l'indication : "M. Toma Fila donne des conseils à
7 M. Dokmanovic en serbo-croate." Je pensais que c'était la fin de la
8 réponse. Dieu sait si je n'essayais pas d'induire M. Dokmanovic en erreur.
9 Je veux bien, à nouveau, reciter le passage, mais de toute façon, ma
10 question reste la même : M. Dokmanovic, êtes-vous prêt aujourd'hui à nous
11 communiquer ces carnets ?
12 M. Dokmanovic (interprétation). - Ce n'est pas un point qui pose
13 problème mais, Monsieur le Procureur, vous refusez de croire ce que vous
14 voyez de vos propres yeux, vous refusez de croire en la véracité des faits
15 montrés dans la cassette. Comment allez-vous croire ce qui apparaîtra dans
16 ces documents ? La question n'est pas de savoir si je vais vous
17 communiquer quoi que ce soit. Bien sûr que si le carnet existe toujours,
18 je vous le communiquerai. Mais ce n'est pas cette question-là qui se pose
19 pour le moment.
20 Monsieur le Procureur, vous voulez obtenir ma tête. Eh bien, je
21 crois que rien de ce que je pourrais faire ne pourrait me permettre de la
22 sauver.
23 M. le Président (interprétation). - Monsieur Dokmanovic, tâchez
24 de comprendre dans quelle position se retrouve l'accusation. Nous, les
25 Juges, nous occupons une position différente de celle de l'accusation.
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1 Pour les Juges, il serait très utile de pouvoir consulter ces carnets, il
2 serait bon que vous puissiez communiquer ces carnets à la Chambre. Bien
3 sûr, l'accusation en tant que telle aurait le droit de consulter ces
4 carnets. Mais ce seront les Juges qui décideront de l'authenticité de ces
5 carnets. Ce sont les Juges qui attribueront une valeur quelconque à ces
6 carnets et qui diront s'ils sont fiables et s'ils présentent un degré de
7 pertinence ou non de les consulter mais ce sont les juges qui
8 détermineront de l'authenticité de ces carnets de leur valeur, ils diront
9 s'ils sont fiables et s'ils présentent un degré de pertinence ou non, ne
10 pensez pas que tout relève de l'accusation, c'est à la Chambre de
11 déterminé si vous êtes coupable ou non. Donc, si vous avez ces carnets si
12 vous êtes prêt à les présenter à la Chambre, je pense que cela pourrait
13 nous être très utile.
14 M. Dokmanovic (interprétation). – Je suis près à communiquer ces
15 carnets.
16 M. le Président (interprétation). - Merci.
17 M. Williamson (interprétation). – M. Dokmanovic, avez-vous
18 visité la prison de Sremska Mitrovica, dans les semaines qui ont suivi la
19 réunion de Vukovar ?
20 M. Dokmanovic (interprétation). – Non.
21 M. Williamson (interprétation). – Avez-vous visité la prison à
22 Stajacevo ?
23 M. Dokmanovic (interprétation). – Non.
24 M. Williamson (interprétation). – Donc, il est faux d'affirmer
25 que vous vous êtes rendu dans cette structure alors que vous portiez un
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1 uniforme de la JNA et que vous étiez accompagné par des soldats de la JNA
2 qui vous servaient d'escorte ?
3 M. Dokmanovic (interprétation). – Jamais, je ne me suis rendu à
4 Stajacevo. Je ne sais pas quel est le lieu que vous avez cité. Je ne sais
5 même pas ou ce trouve Stajacevo. Et jamais je me suis rendu à la prison de
6 jamais.
7 Jamais je n'ai porté un uniforme de soldat ou d'officier de la
8 JNA. Jamais je n'ai été escorté par des soldats de la JNA où que ce soit
9 et à quelque période que ce soit.
10 M. Williamson (interprétation). – Je n'ai plus de question,
11 merci.
12 M. May (interprétation). – M. Williamson, j'ai une question à
13 vous poser.
14 M. Williamson (interprétation). – Oui.
15 M. May (interprétation). – L'accusation affirme qu'à un moment
16 donné après avoir quitté le centre de Vukovar, l'accusé qui est devant
17 nous s'est rendu à Ovcara, n'est-ce pas exact ? C'est votre position ?
18 M. Williamson (interprétation). – C'est parfaitement exact.
19 M. May (interprétation). – L'accusation reconnaît-elle bien le
20 fait que l'accusé se trouvait dans le centre de Vukovar comme l'indique la
21 cassette ?
22 M. Williamson (interprétation). – Nous acceptons le fait qu'il
23 s'y est trouvé. Nous ne sommes pas sûr du moment exact où il s'y est
24 trouvé. Oui, il s'est trouvé dans le centre de Vukovar à cette date-là,
25 mais nous ne sommes pas sûr de l'heure.
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1 M. May (interprétation).– Vous déclarez que, par la suite, il ne
2 sait pas rendu directement à Negoslavci, n'est-ce pas ?
3 M. Williamson (interprétation). – Effectivement, M. le Juge, et
4 dans le cadre de notre droit de réplique, nous montrerons et démontrerons
5 que l'en placement qui apparaît à 15 heures 42, sur la cassette, se trouve
6 au nord du lieu qu'il est décrit à 15 heures 36 sur la cassette. En fait,
7 le point que nous voyons est bien plus loin de Negoslavci que celui que
8 nous voyons sur la cassette à 15 heures 36.
9 M. May (interprétation). – Oui, vous avez parlé de cela à
10 l'accusée en revanche, ce que vous ne lui avez pas demandé, c'est comment
11 d'après lui, il s'est rendu à Ovcara, si c'est cela votre affirmation.
12 Vous ne lui avez pas demandé s'il s'y était rendu, comment il l'a fait,
13 s'il avait emprunté un chemin particulier et à quelle heure, il s'y est
14 rendu. Si c'est que vous pensez, je crois qu'il faudrait que vous lui
15 posiez la question.
16 M. Williamson (interprétation). – Parfaitement, Monsieur
17 le Juge.
18 M. Dokmanovic, n'est-il pas exact qu'après avoir quitté le
19 centre ville, vous vous êtes rendu à bord de votre véhicule, sur la route
20 qui va de Vukovar à Negoslavci, vous avez quitté cette route à un moment
21 donné pour vous rendre sur Ovcara ?
22 M. Dokmanovic (interprétation). – C’est faux. C'est quelque
23 chose que vous avez imaginé. Vous essayez de m'attribuer des faits alors
24 que je ne suis même pas au courant de ce qui s'est passé. Si vous êtes
25 vraiment un homme honnête, essayez de vous mettre dans ma position. Si
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1 vous fait venir un homme qui affirme que je l'ai giflé, je suis prêt à
2 subir une sentence de prison à vie. Mais vous que faites-vous ? Vous
3 essayez de me faire croire que j'ai tué 200 personnes, êtes-vous normal ?
4 M. Williamson (interprétation). – M. Dokmanovic, la plupart des
5 personnes qui se sont rendues à Ovcara sont aujourd'hui décédées. Nous ne
6 sommes pas à même de faire venir des personnes aujourd'hui pour témoigner
7 de ces faits. Seules les personnes qui l'ont déjà fait sont venues. Nous
8 ne pouvons pas citer qui que ce soit d'autre. Moi je vous soumets les
9 éléments de preuve dont nous disposons et que nous croyons qu'ils
10 indiquent que vous avez commis ces crimes. Je n'ai rien à ajouter
11 Monsieur le Président.
12 M. Dokmanovic (interprétation). – Ce n'est pas vrai.
13 M. le Président (interprétation). - Je me demande si le conseil
14 de la défense à d'autres questions à poser à l'accusé.
15 M. Fila (interprétation). – Madame et Messieurs les Juges, peut-
16 être serait-il bon d'apporter des éclaircissements sur quelques détails
17 qui ne sont pas fondamentaux, mais tout de même.
18 N'y a-t-il jamais eu des tribunaux du peuple mis sur pied sur le
19 territoire de la Krajina serbe, à quelque moment que se soit ? Il me
20 semble qu'il faudrait apporter un éclaircissement sur ce point. Les
21 tribunaux du peuple dont on a dit qu'il se trouvait à Ilok, ont-ils été
22 effectivement mis sur pied à un moment quelconque, M. Dokmanovic ? Ayez
23 l'obligeance de répondre, s'il vous plaît.
24 M. Dokmanovic (interprétation). – Pardon, c'est à moi que vous
25 posez la question, excusez-moi. Non, jamais de tels tribunaux n'ont été
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1 créés. Au vu des circonstances qui prévalurent, nous avions réussi à
2 mettre sur place un ministère de la Justice qui a voulu créer des
3 tribunaux. Mais jamais cette décision n'a été mise en application.
4 M. Fila (interprétation).– Je souhaite vous poser une autre
5 question vous avez déclaré que les Vodicka avaient une maison à Vukovar,
6 pourquoi ne sont-ils pas revenus dans leur maison ?
7 M. Dokmanovic (interprétation). – La maison a été détruit comme
8 la plupart des maisons de Vukovar.
9 M. Fila (interprétation). – Auraient-ils pu vivre dans la maison
10 dans son état actuel ?
11 M. Dokmanovic (interprétation). – Non, il fallait pouvoir la
12 reconstruire. Il fallait les fonds nécessaires pour pouvoir reconstruit
13 leur maison.
14 M. Fila (interprétation). – Merci, je n'ai plus de questions à
15 poser. Je pense que c'est inutile.
16 M. le Président (interprétation). - M. Dokmanovic, j'ai quant à
17 moi quelques questions à vous poser parce que je suis sûr que vous pouvez
18 nous aider à établir la vérité et soyez bien convaincu que c'est là, notre
19 mission. Nous voulons donner toute la vérité sur cette affaire.
20 Je vais commencer par un détail, peut-être assez horrible, il
21 faut bien le dire. Et je commence par dire qu'il y à quelques années, j'ai
22 eu l'occasion de m'entretenir avec un colonel italien qui se trouvait en
23 Croatie pendant la seconde guerre mondiale. Alors, vous savez peut-être
24 que les Italiens se sont rangé du côté des alliés des Croates pour
25 combattre Tito et contre les partisans de Tito. Il m'a dit que les soldats
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1 italiens, lui-même notamment, avaient été absolument horrifiés par ce
2 qu'ils avaient vu et notamment un jour, des Croates lui on est amené un
3 saladier rempli d'yeux parce qu'ils avaient l'habitude d'arracher les yeux
4 de leurs ennemis.
5 Et bien, sûr nous avons, ensuite, continué à parler de ce qui se
6 passait en cas de guerre et il a parlé de cela au cours de son récit.
7 J'ai vu sur une cassette, les cadavres qui ont été retrouvés à
8 Vukovar, notamment les cadavres d'un homme et quelqu'un de l'équipe dont
9 vous faisiez partie -l'équipe qui s'est rendue à Vukovar pour voir quel
10 avait été l'état de la ville- à déclarer que ce cadavre s'était trouvé là
11 et qu'en fait les yeux de cet homme avaient été arrachés. Je suis peut-
12 être un peu naïf, mais j'ai, tout de suite, établi un lien entre ce qu'on
13 m'a dit et ce que m'a dit le colonel italien qui avait combattu en
14 Croatie. Je suis arrivé à la question suivante, je me suis demandé si l'on
15 pouvait imaginer que cet homme était un serbe qui avait été tué par les
16 Croates, et je me suis demandé, si vous-même, vous vous étiez posé cette
17 question. Vous êtes-vous demandez si les cadavres qui se trouvaient là
18 étaient des cadavres d'hommes tués dans des circonstances particulièrement
19 à atroces par des combattants ennemis ?
20 M. Dokmanovic (interprétation). – Il m'est difficile de répondre
21 précisément à votre question M. le Président. Moi aussi j'ai été horrifié
22 par ce que j'ai vu. Nous avons vu des choses atroces, des gens qui avaient
23 été massacrés dont les yeux avaient été arrachés. Mais quelle était la
24 nationalité de ces personnes ? Qui a perpétré ces crimes ? Je suis
25 incapable de répondre à ces questions. C'est un fait, c'était des civils,
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1 ils étaient revêtus de vêtements civils. Ont-ils été soldats à un moment
2 donné de leur vie ou bien précédemment étaient-ils soldats ? Avaient-ils
3 enlevé leur uniforme pour revêtir des vêtements civils, je ne le sais
4 pas ? Mais ils portaient des habits civils. Je suis désolé, je ne peux pas
5 vous dire s'il s'agissait de Serbes ou de Croates.
6 M. le Président (interprétation). - Je vous comprends très bien
7 mais ma question est la suivante : vous ne vous êtes pas demandé qui avait
8 tué les malheureux qui se trouvaient là par terre et qui portaient des
9 vêtements civils ? Un être humain se pose normalement et tout de suite la
10 question de savoir qui a commis de telles atrocités et, vous, vous ne vous
11 êtes pas posé cette question ?
12 M. Dokmanovic (interprétation). - Bien sûr que je me la suis
13 posée, je n'ai pas pu trouver de réponse.
14 M. le Président (interprétation). - Je vois.
15 Monsieur Dokmanovic, vous savez qu'à de nombreuses reprises dans ce
16 prétoire, nous avons vu les vêtements de chasse que vous portiez. Alors,
17 je me demande si vous auriez l'obligeance de bien vouloir revêtir la veste
18 qui nous a été si souvent montrée. J'espère ne pas abuser. C'est la pièce
19 D48. Pourriez-vous enfiler cette veste, s'il vous plaît ?
20 M. Dokmanovic (interprétation). - Non, cela ne me dérange pas du
21 tout. C'est ma veste. Je vais la passer.
22 (Le témoin passe la veste.)
23 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.
24 Maintenant, j'aimerais qu'on nous repasse cette fameuse séquence vidéo et,
25 notamment, le passage de 15 heures 22-15 heures 23, s'il vous plaît. Je
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1 voudrais voir si la veste que vous portiez alors est la même que celle que
2 vous portez en ce moment même.
3 (Projection de la séquence.)
4 (Les Juges se consultent sur le siège.)
5 M. Dokmanovic (interprétation). - Monsieur le Président, puis-je
6 intervenir, s'il vous plaît ?
7 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.
8 M. Dokmanovic (interprétation). - Si vous voulez que je passe la
9 chemise, cela ne me pose aucun problème. Je veux bien revêtir la chemise
10 si cela peut vous aider dans ce processus d'identification.
11 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, c'est très
12 gentil de votre part. Eh bien, oui, vous pourriez peut-être sortir
13 quelques instants : cela vous permettra de vous changer en privé. Je vous
14 remercie.
15 Puisque vous allez vous changer, pourquoi ne passez-vous pas
16 aussi votre pantalon ?
17 (Le témoin sort de la salle d'audience pour revêtir les
18 vêtements.)
19 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup,
20 Monsieur Dokmanovic. Nous allons maintenant diffuser la séquence vidéo en
21 commençant par le passage de 15 heures 24-25, je pense.
22 (Projection de la cassette vidéo.)
23 M. le Président (interprétation). - Peut-on arrêter l'image ici,
24 s'il vous plaît, et revenir un peu en arrière ?
25 Monsieur Dokmanovic, la veste que nous voyons sur ces images et
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1 la veste que vous portez aujourd'hui est la même veste ? S'agit-il de la
2 même veste ?
3 M. Dokmanovic (interprétation). - Outre ce que je porte
4 maintenant, j'avais une veste qui n'a pas été montrée ici, mais nous
5 pouvons vous la faire passer. Je crois qu'il vous suffisait de me voir
6 revêtu ainsi pour identifier ce que l'on voit sur ces images. On voit bien
7 sur ces images la chemise et une partie de la veste.
8 M. le Président (interprétation). - Mais le conseil de la
9 défense nous a dit que c'est dans ces vêtements que vous vous trouviez
10 pendant toute la période qui nous intéresse, cette chemise et la veste.
11 M. Fila (interprétation). - Oui.
12 M. le Président (interprétation). - Et une veste parce que sur
13 la cassette, on voit bien une veste.
14 M. Fila (interprétation). - Cette veste, je peux l'apporter
15 demain. Mais sur la cassette, on voit les vêtements dont M. Dokmanovic est
16 revêtu aujourd'hui. Demain, sa femme pourra amener la veste, si vous
17 voulez. Nous pourrons l'avoir demain après-midi, ce n'est pas un problème.
18 M. le Président (interprétation). - Oui, mais sur ce que nous
19 voyons ici, il y a une veste.
20 M. Fila (interprétation). - Oui, c'est une veste.
21 M. le Président (interprétation). - Mais ce n'est pas celle que
22 porte M. Dokmanovic, aujourd'hui. Il porte une chemise et cette espèce de
23 gilet.
24 M. Fila (interprétation). - Oui, mais tout va bien, Monsieur le
25 Président. Je ne pensais pas que vous auriez besoin de cette veste. Si
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1 vous en avez besoin, nous l'apporterons demain après-midi, ce n'est pas un
2 problème.
3 M. le Président (interprétation). - Peut-on continuer la
4 diffusion de la cassette, s'il vous plaît ?
5 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, nous avons
6 soumis ces photos en tant qu'éléments de preuve. Les voici, ces photos. Le
7 témoin Tomasevic a fait une déclaration portant sur ces photographies.
8 Vous les avez, ce sont celles de certaines images de la cassette. C'est la
9 pièce de la défense D81. Regardez-les, si vous voulez. Sur ces photos, on
10 le voit revêtu de la veste. Mais sur ces images, il est à l'extérieur. Et
11 moi je dis que M. Dokmanovic se trouvait à l'intérieur. Cela dit, si vous
12 voulez cette veste, vous l'aurez demain après-midi, ainsi que les carnets
13 dont nous avons parlé tout à l'heure.
14 M. le Président (interprétation). - Bien, poursuivons.
15 M. Dokmanovic (interprétation). - Pardon, Monsieur le Président,
16 sur cette même cassette, un tout petit peu avant le passage où nous sommes
17 à Backa Palanka, lorsque nous sommes assis autour de la table, on me voit
18 revêtu des habits dont je suis revêtu aujourd'hui même. Je ne pouvais pas
19 me changer, puisque ce lieu se trouve à quelque cent kilomètres de chez
20 moi.
21 M. le Président (interprétation). - Je ne dis pas que vous vous
22 êtes changé, je dis simplement que, sur la chemise et le gilet que vous
23 portez aujourd'hui, vous aviez une veste de couleur verte, il me semble,
24 n'est-ce pas ?
25 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui, absolument.
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1 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, c'est peut-
2 être de ma faute. Mais les témoins de l'accusation ont parlé d'une couleur
3 bleu-ciel, d'un uniforme bleu-ciel, un uniforme d'officier pilote
4 constitué d'une veste, d'une chemise et d'une cravate. Regardez, par
5 exemple, la déposition de Cakalic et de Berghofer. Moi, je prouve que les
6 choses n'étaient pas ainsi. Je soutiens que ce que portait M. Dokmanovic
7 ne correspond en rien à ces descriptions. J'apporterai cette veste demain,
8 je n'y manquerai pas.
9 M. le Président (interprétation). - Oui, je veux voir cette
10 veste pour savoir si, sur cette cassette, nous voyons M. Dokmanovic
11 portant un uniforme de camouflage ou portant une veste qui appartient à un
12 uniforme particulier, d'une couleur particulière -qu'elle soit verte,
13 bleue, ou d'une autre couleur. Nous voyons bien, ici, que la veste est de
14 couleur verte, nous pouvons donc poursuivre.
15 M. Fila (interprétation). - Cela ne pose aucun problème,
16 Monsieur le Président. J'apporterai la veste demain et M. Dokmanovic
17 pourra vous expliquer cela.
18 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Nous
19 allons rembobiner la cassette, s'il vous plaît, et la diffuser à partir de
20 10 heures 38.
21 (Les Juges se consultent sur le siège.)
22 (La cassette est diffusée).
23 M. le Président (interprétation). - C'est ce que vous portiez à
24 l'époque et ce sont les mêmes vêtements que vous portez aujourd'hui,
25 n'est-ce pas ? Nous parlons bien de la chemise et du gilet, n'est-ce pas ?
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1 M. Dokmanovic (interprétation). - Oui, c'est cela.
2 M. le Président (interprétation). - Merci.
3 M. Fila (interprétation). - Au niveau de la cote 10 heures 30,
4 l'image est encore plus nette, vous verrez mieux.
5 M. le Président (interprétation). - Très bien. Peut-on retourner
6 à 10 heures 30, 10 heures 40 ?
7 (La cassette vidéo est diffusée).
8 M. Fila (interprétation). - 10 heures 40, pas 10 heures 30. Dans
9 le compte rendu, il est écrit 10 heures 30, or c'est 10 heures 40 que nous
10 recherchons.
11 M. le Président (interprétation). - 10 heures 40, s'il vous
12 plaît
13 (La cassette vidéo est diffusée).
14 M. le Président (interprétation). - Très bien. Pouvons-nous
15 passer à la cote 3.23, 3.25 ?
16 (Projection de la cassette vidéo.)
17 M. le Président (interprétation). - Peut-on s'arrêter ici ?
18 Rembobinez un peu. Voilà, ici.
19 Monsieur Dokmanovic, qu'est-ce que vous portez ici, quels sont
20 les vêtements que vous portez ? Une chemise ?
21 M. Dokmanovic (interprétation). - J'avais la chemise que je
22 porte ici, le gilet que je porte ici et une veste dans les verts qui n'est
23 pas une veste de l'armée, c'est une veste que nous recevions
24 automatiquement lorsque nous étions employé de Vupik. Je l'ai reçue à ce
25 moment-là.
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1 M. le Président (interprétation). - Merci.
2 J'ai encore une question. Excusez-moi d'insister sur ce point.
3 C'est une question qui porte encore une fois sur les uniformes
4 militaires : vous avez dit à un certain moment de votre déposition que
5 vous aviez l'habitude à ce moment-là de porter les vêtements de chasse que
6 vous portez aujourd'hui parce que -et je vous cite- cela vous aidait à
7 franchir les barrages. Fin de citation. Il vous était donc plus facile de
8 franchir ces barrages si vous portiez ces vêtements de chasse et non des
9 vêtements civils.
10 Or, je crois comprendre que chacun en Yougoslavie reconnaît ces
11 vêtements comme des vêtements de chasse, habituellement portés par des
12 chasseurs. Je suppose que les barrages routiers étaient contrôlés par des
13 soldats. Comment expliquez-vous le fait qu'ils n'aient pas été surpris de
14 vous voir porter des vêtements qui n'étaient pas un uniforme militaire ?
15 Pourquoi ne vous arrêtaient-ils pas simplement parce que vous portiez des
16 vêtements de chasse ? Cela peut sembler un peu contradictoire, incohérent.
17 M. Dokmanovic (interprétation). - J'ai dit, Monsieur le
18 Président, que je portais les vêtements que je porte ici même aujourd'hui
19 pour deux raisons : premièrement, parce qu'ils sont plus faciles pour
20 l'entretien qu'une chemise civile et les autres vêtements civils et ils ne
21 nécessitent pas de repassage comme ce serait le cas pour des pantalons
22 civils ; deuxièmement, parce que dans la région, il existait effectivement
23 à l'époque de nombreux points de contrôle et de nombreux soldats. A ces
24 barrages, les vêtements civils étaient traités de façon différente. On
25 m'arrêtait. Or, moi, je n'allais pas à ces barrages pour être arrêté.
Page 3171
1 L'époque étant ce qu'elle était, je portais donc ce que vous voyez ici
2 pour essayer de me fondre dans la masse, d'être habillé comme les autres.
3 Excusez-moi, Monsieur le Président, mais je ne sais pas si
4 quelqu'un ici a fait la différence entre ce que je porte et un uniforme
5 militaire. Quelqu'un a-t-il déterminé que c'étaient des vêtements
6 militaires ou des vêtements de chasse. A l'époque, moi, je...
7 M. le Président (interprétation). - Les soldats qui se
8 trouvaient aux barrages ne distinguaient donc pas entre un uniforme
9 militaire, uniforme de la JNA ou uniforme d'un groupe paramilitaire et des
10 vêtements de chasse. D'une certaine façon, êtes-vous donc en train de dire
11 que vous auriez pu être confondu avec quelqu'un qui aurait fait partie
12 d'un groupe militaire, ? Parce que sinon, ils vous auraient arrêté, ils
13 vous auraient dit : "Ecoutez, que faites-vous ici ? Vous êtes un civil
14 habillé en chasseur, mais vous êtes tout de même un civil." S'ils ne vous
15 ont pas arrêté, vous ont-ils pris pour un soldat ? Est-ce que j'ai raison
16 de tirer cette conclusion ?
17 M. Dokmanovic (interprétation). - Monsieur le Président, ils
18 m'arrêtaient, je n'ai pas dit qu'ils ne m'arrêtaient pas, mais je ne peux
19 pas vous expliquer aujourd'hui autrement que ce que j'ai déjà dit pour
20 vous expliquer pourquoi j'étais habillé comme je l'étais. C'était une
21 époque, Monsieur le Président, qui était très difficile. Rendez-vous
22 compte que si vous vivez dans des conditions où vous n'avez pas
23 d'électricité pendant huit mois, vous ne pouvez pas repasser une chemise
24 ni un pantalon.
25 Je n'étais pas mobilisé, je ne pouvais pas porter un uniforme
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1 militaire parce que je n'étais pas mobilisé et je n'avais rien d'autre que
2 ce que j'ai là. C'est donc cela que je portais.
3 M. le Président (interprétation). - Merci.
4 M. Fila (interprétation). - Je voudrais simplement parler de
5 l'ouvrage dont l'auteur est Malapart.
6 M. le Président (interprétation). - Oui, je connais cet ouvrage.
7 Très bien. N'y a-t-il pas d'objection à ce que le témoin soit
8 libéré ? L'accusé mais, en la circonstance, il est témoin, c'est un
9 témoin.
10 M. Dokmanovic (interprétation). - Monsieur le Président, si vous
11 me permettez, j'aimerais prononcer deux ou trois mots.
12 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie, bien sûr.
13 M. Dokmanovic (interprétation). - Vous allez décider de mon sort
14 et du sort de ma famille. Une nouvelle fois, je fais serment devant vous
15 en disant que je n'ai absolument aucun rapport avec le crime qui a été
16 commis. Je savais même pas qu'il aurait lieu, qu'il a eu lieu et je n'y ai
17 pas participé. Si vous me faites confiance en tant qu'homme, en tant
18 qu'intellectuel, en tant que parent, je fais serment devant vous, sur la
19 tête de mes enfants, en vous disant que je n'ai aucun rapport avec ce qui
20 s'est passé. Cela est une grave erreur. Merci.
21 M. le Président (interprétation). - Merci, Monsieur Dokmanovic,
22 d'avoir témoigné.
23 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)
24 Nous allons faire une pause qui vous permettra de vous changer.
25 Après la pause, nous reprendrons nos travaux et entendrons la déposition
Page 3173
1 d'un témoin expert.
2 La séance, suspendue à 15 heures 15, est reprise à 15 heures 40.
3 (L'accusé est introduit dans la salle d'audience.)
4 M. le Président (interprétation). - J'aimerais évoquer deux
5 points. Je voudrais d'abord parler de ce moyen de preuve, cet agenda que
6 nous avons demandé ou plutôt que M. Dokmanovic a proposé de produire.
7 Me Fila vous avez dit que l'épouse est prête à apporter ce moyen de
8 preuve, demain.
9 M. Fila (interprétation). – Monsieur le Président, ce moyen de
10 preuve, cet agenda, se trouve dans mon cabinet. Le problème est que dans
11 cet agenda rien n'est écrit au sujet du 20 novembre. Mais, je vous
12 l'apporterai pour que vous constatiez que rien ne figure dans cet agenda,
13 à ce sujet. S'il y avait à une indiscrétion à la date du 20 novembre, je
14 vous aurais soumis cet événement de preuve. Concernant ce que je
15 demanderai à l'épouse de M. Dokmanovic d'apporter la veste. Mes
16 collaborateurs sont en train de l'appeler pour lui demander d'apporter
17 cette veste. Je vous demande de me laisser m'expliquer une nouvelle fois.
18 Je me suis opposé aux affirmations du Procureur selon lesquelles il
19 s'agissait d'une veste bleue et non d'une autre couleur, mais je n'ai
20 aucun problème à apporter cette veste. D'autre part, l'heure évoquée comme
21 étant pertinente est l'heure située entre 14 et 15 heures. C'est sur la
22 base de cette heure M. Dokmanovic a été arrêté alors qu'à cette heure il
23 ne portait pas la veste.
24 (Les Juges se consultent sur le siège.)
25 M. le Président (interprétation). - Merci. C'est en vertu de
Page 3174
1 l'article 98 du Règlement de procédure et de preuve que nous demandons
2 l'agenda. Je cite cet article : "La Chambre de première instance peut
3 ordonner la production de moyen de preuve supplémentaire par l'une ou
4 l'autre des parties, elle peut aussi citer des témoins à comparaître",
5 mais Me Fila si vous dites qu'il y a aucune inscription à la date du 20,
6 cela n'est pas nécessaire.
7 M. Fila (interprétation). – Je peux vous fournir cet agenda.
8 M. le Président (interprétation). - Si cela ne vous ennuie pas.
9 Mais en même temps, nous tenons beaucoup à préserver l'intimité de
10 M. Dokmanovic. Nous ne regarderons aucune autre date que celle du 20. Mais
11 si vous nous dites que rien n'est écrit à la date du 20, je ne vois pas la
12 nécessité d'obtenir cet élément de preuve.
13 M. Fila (interprétation). – La dernière inscription porte sur le
14 19 et la tenue de la réunion à Erdut. M. Milner, au moment de la
15 conversation, avec M. Dokmanovic, m'a demandé cet agenda, je suis allé le
16 chercher et je lui ai dit que rien n'était inscrit. Mais, je peux vous
17 l'apporter, si cela vous facilite la tâche.
18 M. le Président (interprétation). - Merci. Très bien.
19 Avant d'entendre le témoin suivant Me Fila, j'ai une autre
20 question à vous poser. Nous tenons à préserver l'intimité de
21 M. Dokmanovic.
22 Souhaitez-vous que la totalité de l'audition du nouveau témoin
23 se déroule à huis clos ? Il n'y a pas de diffusion ?
24 Je crois que nous pourrions aborder des points délicats, dans
25 cette déposition. Je ne voudrais pas que la vie privée M. Dokmanovic soit
Page 3175
1 exhibée au public.
2 M. Fila (interprétation). – C'est ce que je souhaitais proposer,
3 mais j'ai une autre requête à présenter à la Chambre de première
4 instance : lorsque nous avons parlé de la légitimité de l'arrestation de
5 M. Dokmanovic -c'était une autre Chambre de première instance- mais une
6 vidéo portant sur l'arrestation a été diffusée. J'aimerais que la séquence
7 de cette cassette vidéo -je parle de la séquence qui montre sa sortie de
8 l'automobile et le moment où on lui annonce qu'il est arrêté- j'aimerais
9 que cette séquence, soit présentée au témoin suivant, avant le début de sa
10 déposition. C'est une raison de plus pour que l'audience se déroule à huis
11 clos, car c'est un élément de preuve dont le Procureur a demandé qu'il ne
12 soit pas divulgué au public. Donc, j'aimerais qu'on diffuse cette cassette
13 vidéo à l'intention du témoin, la séquence dure une minute.
14 M. le Président (interprétation). – Maître Niemann ?
15 M. Niemann (interprétation). - Pas d'objection.
16 M. le Président (interprétation). - Merci.
17 M. Williamson (interprétation). – Il y a encore en point
18 d'intendance qui m'a été rappelé par M. Bos, après la fin de la déposition
19 de M. Dokmanovic : il s'agit de la traduction de la déclaration fournie
20 dans la prison, en serbe, j'ai oublié d'en demander le versement au
21 dossier. Je demande le versement au dossier de cette pièce en tant que
22 pièce à conviction 128b. C'est bien cela, M. Bos ?
23 M. Bos (interprétation). - Oui.
24 M. le Président (interprétation). - Pas d'objection très bien,
25 ce sera fait.
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1 L'Intrèprète. – 128d.
2 M. le Président (interprétation). – Nous poursuivons l'audience
3 à huis clos
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13 pages 3177-3204 expurgées – audience à huis clos
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21 Nous en sommes venus à la fin de cette audience. Me Fila, je
22 crois que demain vous commencerez par demander le versement au dossier
23 d'un certain nombre d'éléments de preuve ou bien allez-vous venir avec
24 cette veste et ces carnets.
25 M. Fila (interprétation). – Non, vous avez du mal à me croire.
Page 3206
1 Mais je vous jure que j'ai terminé. Demain, je vais amener cette veste
2 dont j'ai parlé et je me permettrai de garder le droit de verser certains
3 documents écrits qui n'ont pas de liens directs avec M. Dokmanovic. Il
4 s'agit plutôt du caractère international du conflit et de ce type de
5 chose. Mais vous savez, je vais répéter ce que je dis depuis le début du
6 procès, je viens encore d'être surpris par les agissements de
7 l'accusation. J'aimerais savoir, une fois pour toutes, qui est la personne
8 que nous allons entendre demain ou me réserve-t-on encore une surprise ?
9 M. le Président (interprétation). – Maître Williamson ?
10 M. Williamson (interprétation). – Monsieur le Président, nous
11 parlons de surprise. Tout de même, je voudrais tâcher de répondre à ce que
12 dit Me Fila. Hier, dans le cadre de l'interrogatoire de mes témoins,
13 M. Fila a soumis toute une série de documents qui ne nous avait jamais été
14 communiqués et dans le cadre de notre contre-interrogatoire, nous n'avons
15 jamais élevé une seule objection. Maintenant, il faut établir une
16 distinction très nette en ce que nous faisons dans le cadre d'un
17 interrogatoire principal et ce que nous faisons dans le cadre d'un contre-
18 interrogatoire et ce qui est fait dans le cadre du droit de réplique.
19 C'est une chose.
20 Demain, M. Curtis viendra témoigner dans le cadre de notre droit
21 de réplique, il répondra au témoignage de M. Novakovic et il répondra
22 également à ce qui a été dit par M. Dokmanovic, en réponse aux questions
23 de M. Curtis à Sombor. Tout cela a été communiqué à Me Fila avec les
24 cassettes correspondantes et nous avons également précisé à Me Fila que
25 s'il posait certaines questions qui n'étaient pas prévues à M. Dokmanovic,
Page 3207
1 dans le cadre de l'interrogatoire principal, nous nous réservions le droit
2 d'ajouter certaines questions supplémentaires, et peut-être les
3 poserons-nous par le biais de M. Curtis.
4 M. le Président (interprétation). - Cela se passera demain ?
5 M. Williamson (interprétation). - Oui, demain et, si Maître Fila
6 doit apporter la veste dans le courant de l'après-midi, pouvons-nous
7 demander à ce que la matinée nous soit accordée pour que nous puissions
8 préparer le contre-interrogatoire dans le cadre de cette nouvelle
9 présentation d'éléments de preuve. Je pense que ce sera assez bref et que
10 nous aurons terminé en une heure et demie à peu près.
11 M. Fila (interprétation). - La situation est celle-ci, Monsieur
12 le Président. L'avion de Belgrade arrive vers 14 heures, je ne peux donc
13 pas avoir la veste avant 15 heures. Concernant maintenant les notes dont
14 se servira M. Curtis, je n'ai jamais dit dans le cadre de mon
15 interrogatoire principal, quelle avait été la teneur des propos tenus
16 entre M. Curtis et M. Dokmanovic. Il faut que tout soit clair. Moi, je
17 n'ai utilisé ces éléments que dans le cadre de la procédure et des débats.
18 Au moment de la détermination de la sentence, il faudra bien que vous
19 voyez quel a été le degré de coopération de l'accusé avec le Tribunal,
20 c'est-à-dire l'accusation. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à
21 M. Dokmanovic s'il s'était entretenu avec les autorités du Tribunal. Je ne
22 lui ai posé aucune question sur la teneur de ses entretiens. Je n'ai pas
23 posé de questions dans ce sens, et d'ailleurs cela ne m'intéresse pas.
24 C'est la raison pour laquelle je refuse que des questions soient posées à
25 M. Curtis sur ces points précis.
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1 Il est inacceptable qu'il soit fait état dans le compte rendu,
2 que j'ai posé des questions allant dans ce sens à M. Dokmanovic, alors que
3 ce n'est pas le cas, je ne sais pas de quoi ont parlé M. Dokmanovic et
4 M. Curtis, je n'ai jamais posé de questions dans ce sens ; c'est
5 M. Williamson qui a posé ce type de questions et pas moi.
6 M. Williamson (interprétation). - Mon souvenir est tout
7 différent, je crois qu'effectivement, des questions ont été posées sur la
8 teneur des entretiens qui ont eu lieu.
9 M. Fila (interprétation). - Ce n'est pas vrai, je n'ai pas posé
10 ces questions.
11 M. Williamson (interprétation). - Je ne veux pas rentrer dans un
12 débat mais, en tout cas, les notes que j'ai prises au cours de la
13 déposition de M. Dokmanovic, font bien état du fait que des questions
14 relatives à la teneur des entretiens qui ont eu lieu entre M. Curtis et
15 l'accusé ont été posées. Nous n'allons pas rentrer dans un argument
16 stérile, peut-être vaut-il mieux considérer le compte-rendu ?
17 M. Fila (interprétation). - Je n'ai jamais posé ces questions.
18 Enfin, ce qui m'importe le plus, c'est de bien préciser que M. Dokmanovic
19 s'est effectivement entretenu avec M. Curtis, rien d'autre ne m'intéresse
20 que ce point-là.
21 M. le Président (interprétation). - Nous allons voir ce qu'il
22 convient de faire. Quoi qu'il en soit, demain à 15 heures 30, nous avons
23 une conférence de mise en état dans le cadre d'une autre affaire. Alors,
24 je ne sais pas si nous pourrons modifier cet horaire. Peut-être, en fait,
25 serait-il possible de tenir cette conférence de mise en état de 15 heures
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1 à 16 heures ? Serait-il possible de commencer nos travaux à 16 heures ?
2 M. Fila (interprétation). - Non, cela me paraît acceptable mais,
3 Monsieur le Président, je ne crois pas que vous ayez une conférence de
4 mise en état, je ne crois pas qu'elle soit prévue pour demain, en tout cas
5 c'est ce que l'on m'a dit. Peut-être que je me trompe !
6 M. Niemann (interprétation). - L'autre affaire, c'est l'affaire
7 Celebici, elle se tient dans une autre salle d'audience.
8 M. le Président (interprétation). - Nous savons bien qu'il y a
9 une conférence de mise en état dans cette salle d'audience.
10 (Les Juges se consultent sur le siège)
11 M. le Président (interprétation). - Nous proposons d'entamer les
12 débats demain à 11 heures. Cela vous convient-il ?
13 M. Williamson (interprétation). - 11 heures, c'est tout à fait
14 satisfaisant, Monsieur le Président. Nous demandons simplement à disposer
15 d'un certain délai pour nous préparer.
16 M. le Président (interprétation). - Nous reprendrons les débats
17 dans l'après-midi, après la conférence de mise en état.
18 M. Fila (interprétation). - Je dis "oui" à tout ce qui est
19 proposé, simplement demain il faut que je puisse voir M. Curtis. Je ne
20 veux pas voir quelqu'un d'autre qui est là par hasard et qui serait cité à
21 comparaître par hasard demain. Je veux voir M. Curtis.
22 M. le Président (interprétation). - Fort bien. Nous allons
23 maintenant lever l'audience et nous reprendrons demain matin à 11 heures.
24 L'audience est levée à17 heures.
25