Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-13a-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Jeudi 25 juin 1998

4 Le Procureur

5 C/

6 Slavko Dokmanovic

7 L'audience est ouverte à 9 heures

8 (L'accusé est introduit dans le prétoire.)

9 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Le Greffe peut-il appeler

10 l'affaire ?

11 M. le Greffier (interprétation) - Bonjour. Affaire IT-95-13a-T, le

12 Procureur contre Slavko Dokmanovic.

13 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Nous n'allons pas

14 procéder aux comparutions qui sont identiques. Monsieur Dokmanovic

15 m'entend bien dans sa langue, je pense. C'est parfait.

16 Je voudrais remercier les parties d'avoir fait preuve d'esprit de

17 coopération et d'avoir remis le texte écrit de leurs conclusions. Nous

18 avons beaucoup apprécié. Nous allons encore entendre deux témoins, l'un

19 pour la défense et l'autre pour l'accusation, mais il y a encore quelques

20 questions d'intendance.

21 Je pensais qu'il s'agissait des questions, des éléments de preuve, des

22 différentes pièces...

23 M. Niemann (interprétation). - En effet, tout à fait. Si c'est ce que vous

24 souhaitez discuter, très bien.

25 M. le Président (interprétation). - Je vais demander si nous pouvons

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1 répondre à toutes ces questions ? Oui ? Bon.

2 M. Niemann (interprétation). - Monsieur Williamson, s'en est occupé.

3 Pourrait-il vous parler de toutes ces questions ? Il pourra vous indiquer

4 quelle est notre position. C'est un effort collectif, comme vous le voyez.

5 M. Williamson (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges, nous

6 avons reçu hier de la défense la traduction de tous les documents qui sont

7 arrivés par M. Pavlovic. Je pourrais donc les passer en revue les uns

8 après les autres. Nous avons des objections sur certains et pas sur

9 d'autres. Peut-on passer en revue ces différentes pièces ? Je crois que

10 cela sera assez rapide.

11 En ce qui concerne la pièce 116 de la défense, nous posons une objection

12 car nous estimons qu'elle n'est pas pertinente. Dois-je faire toute la

13 liste ou dois-je prendre chaque point avec les décisions ?

14 M. le Président (interprétation). - Attendez. Prenons les décisions au fur

15 et à mesure. Vous disiez 116 ?

16 M. Williamson (interprétation). - En effet. Il s'agit d'un inventaire des

17 violations concernant l'importation d'armes.

18 M. le Président (interprétation). - Vous trouvez que ce n'est pas

19 pertinent ?

20 M. Williamson (interprétation). - Objection sur le point de la pertinence

21 et, si vous permettez, ce sera pareil pour la suivante. Ce sera le même

22 sujet et l'objection est la même : il s'agit de la 117. Nous pouvons donc

23 la traiter ensemble, si vous le voulez bien.

24 (Les Juges se consultent sur le siège.)

25 M. le Président (interprétation). - Nous avons décidé de recevoir ces

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1 deux documents sans tenir compte de leur pertinence.

2 M. Williamson (interprétation). - En ce qui concerne les pièces 118 et 119

3 de la défense, nous n'avons pas d'objection si l'on respecte certaines

4 conditions. Nous voulons veiller pour la 118, à ce que la date soit

5 précisée sur la traduction. Pour la 118, sur l'original qui est en serbe,

6 il y a la date du 1er janvier 1991 alors que sur la traduction ce n'est

7 pas tout à fait clair : on ne sait pas si c'est 1991 ou 1992. Nous voulons

8 le signaler, la date devrait donc être 1991. On dit : "1er janvier".

9 M. Fila (interprétation). - En fait, il y a deux catégories de documents.

10 Vous avez le document du 1er janvier 1991 et l'autre du 1er janvier 1992.

11 Nous voulions montrer la différence. C'était le but de ces documents.

12 M. le Président (interprétation). - Mais pour ces documents que vous venez

13 de citer, la date est 1991, n'est-ce pas ?

14 M. Williamson (interprétation). - Tout à fait. Pour la 118, on dit :

15 "situation au 1er janvier" et ce devrait être 1991 alors que ce n'est pas

16 tout à fait clair.

17 Ensuite, en ce qui concerne cette pièce-là et la 119, nous n'avons pas

18 d'objection. Comme d'ailleurs ce fut le cas pour un document similaire qui

19 a été reçu, la pièce 209 de l'accusation M. Fila avait remis une objection

20 en disant que ses pièces n'étaient pas reçues et nous avions dit d'accord

21 jusqu'à ce que l'on voit les traductions. Si les documents du Procureur

22 sur le même sujet sont reçus, nous n'avons aucune objection à ce que ces

23 deux pièces-ci soient reçues.

24 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, êtes-vous d'accord pour

25 ne pas remettre d'objection sur la pièce 209 de l'accusation ?

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1 M. Fila (interprétation). - Très bien.

2 M. le Président (interprétation). - Les deux-pièces sont reçues, la

3 pièce 209 de l'accusation, également.

4 M. Williamson (interprétation). - Ensuite, en ce qui concerne la 120 et

5 la 121 nous n'avons pas d'objection.

6 M. le Président (interprétation). - Très bien.

7 M. Williamson (interprétation). - En ce qui concerne les pièces 122

8 et 123, nous avons des objections sur ces pièces. Il semblerait qu'il

9 s'agisse de listes de violation de cessez-le-feu. A l'époque, le Procureur

10 avait déposé des objections car si des informations étaient remises, à cet

11 égard, nous pourrions revenir et puis la cour avait arrêté tous

12 témoignages en la matière. Nous n'avions pas eu l'occasion de revenir là-

13 dessus alors que nous avions des indications sur des violations de cessez-

14 le-feu, c'était en fait la base de notre objection.

15 M. le Président (interprétation). - Nous avons reçu ces documents, mais

16 sans tenir compte de leur pertinence.

17 M. Fila (interprétation). - Il ne s'agit pas du document sur les cessez-

18 le-feu. Ce document, le premier en fait, ne traite pas du cessez-le-feu.

19 C'est une lettre au Premier ministre de la Croatie concernant les pillages

20 de propriétés du 29 septembre 1991. Pas à l'époque du cessez-le-feu il

21 s'agissait plutôt d'une affaire de pillage alors que l'autre document…

22 M. le Président (interprétation). - De quel document parlez-vous, du 122 ?

23 M. Fila (interprétation). - Oui en effet, c'est un document qui ne date

24 pas du cessez-le-feu.

25 M. le Président (interprétation). - Nous avions admis les deux, bien que

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1 nous ayons émis des doutes quant à leur pertinence.

2 M. Williamson (interprétation). - Excusez-moi, c'est une erreur de ma

3 part. En ce qui concerne la 124 et la 125, nous avons des objections car

4 il semblerait qu'il s'agisse d'ordres provenant de la police croate,

5 demandant la mobilisation. Pour le deuxième, concernant la protection de

6 bâtiments des Etats-Unis et d'autres pays qui participaient au conflit de

7 la guerre du golfe, nous ne voyons pas la pertinence de ces documents.

8 M. le Président (interprétation). - Nous sommes d'accord. Il n'y a pas de

9 pertinence. Ils ne sont pas reçus.

10 M. Williamson (interprétation). - A partir du 126, je crois que tous ces

11 documents portent sur les uniformes et si c'est le cas nous n'avons pas

12 d'objection.

13 M. le Président (interprétation). - Parfait.

14 M. Fila (interprétation). - Si Maître Williamson me le permet, j'ai une

15 question : ces documents doivent-ils être remis en cinq copies ou pas ?

16 M. le Président (interprétation). - Je vais demander à M. Bos.

17 M. le Greffier (interprétation). - Oui, donnez-nous une copie et nous

18 fournirons les cinq copies à la cour. Si vous avez quatre copies, c'est

19 très bien. Les copies sont prêtes.

20 M. Fila (interprétation). - Tous les documents ont été reçus, ceci pour

21 accélérer la procédure.

22 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Y a-t-il encore

23 d'autres questions concernant les éléments de preuve ?

24 M. Niemann (interprétation). - Oui. En ce qui concerne les questions dont

25 on a parlé hier, Madame et MM. les Juges, les deux cassettes vidéo que

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1 l'on avait essayé de déposer hier, la D 156 et D 157, nous n'avons aucune

2 objection à ce qu'elles soient reçues. Nous les avons regardées.

3 M. le Président (interprétation). - Très bien.

4 M. Niemann (interprétation). - Les déclarations accompagnant ces

5 vidéos 155 et 154, pas d'objection. Ce sont des déclarations qui

6 accompagnent les cassettes vidéos donc, pas de problème.

7 M. le Président (interprétation). - Très bien merci.

8 M. Niemann (interprétation). - En ce qui concerne la déclaration de

9 M. Novakovic c'est-à-dire, la pièce 158, notre position est que les

10 informations concernant les questions d'alcoolisme au cours de l'interview

11 ont été contestées par l'enquêteur et j'ai obtenu une déclaration de

12 l'enquêteur précisant ce qu'il a dit. Nous pensons donc que si cette

13 déclaration doit être reçue, et vu qu'elle peut également être versée au

14 compte-rendu, il y a donc les deux points de vue, celui de cet homme-là et

15 celui de l'enquêteur.

16 Il n'y aurait pas quant à nous d'objections. Le problème qui se pose,

17 c'est que cette suggestion de problème de boisson au cours de l'interview

18 reflète un problème d'intégrité professionnelle de cet officier, de cette

19 personne qui n'est pas un employé de l'ONU mais qui était détaché par le

20 Tribunal et nous pensons que le gouvernement qui appuie son détachement

21 pourrait être concerné si cette question était versée. Si ces allégations

22 sont portées contre lui, nous ne voulons pas en faire un problème, mais ce

23 qui nous préoccupe, c'est que les déclarations seront enregistrées

24 concernant cet officier.

25 M. May (interprétation). – Excusez-moi de vous interrompre mais je crois

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1 qu'il y a des éléments de preuves déjà devant le Tribunal puisqu'il y a eu

2 contre-interrogatoire concernant cet épisode de boisson. Il a dit qu'il ne

3 buvait pas. On lui avait demandé, s'il y avait une bouteille de Whisky sur

4 la table, il a dit non. Mais ensuite, on les avait emmenés dans un

5 restaurant où M. Novakovic avait consommé une quantité importante d'alcool

6 et était en état d'ébriété. C'est ce que je me souviens avoir entendu dans

7 sa déposition. Je crois donc qu'il a eu l'occasion de régler cette

8 question.

9 M. Niemann (interprétation). - Madame Messieurs les Juges, si c'est le

10 cas, alors peut-être que ma démarche était erronée. J'aurais du faire

11 objection à ce que ce document ne passe pas du tout. Cela a été soulevé,

12 je crois, au moment du contre-interrogatoire C'était la base de mon

13 objection.

14 M. le Président (interprétation). - Maître Fila. ?

15 M. Fila (interprétation). - Tout d'abord, je voudrais éviter toute

16 suspicion de la part de M. Curtis ou de moi-même. Loin de moi l'idée de

17 vouloir salir le nom de M. Curtis. M. Novakovic a dit quelque chose au

18 témoin Vasic et celui-ci vous l'a dit. Le témoin Novakovic a-t-il dit la

19 vérité ou pas, nous n'en savons rien. Mais ni M Vasic, ni M Novakovic

20 n'ont dit que M Curtis avait bu. Ce qui, à ce moment-là, nuirait à sa

21 réputation. Ils ont dit tous les deux qu'il n'avait jamais pris une goutte

22 d'alcool mais si cela pose un problème, c'est à vous de voir en ce qui

23 concerne cette déclaration car M. Vasic a déjà utilisé sa déclaration dans

24 sa déposition d'hier.

25 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Je crois que M. Fila

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1 a raison. D'une certaine manière, le point essentiel soulevé par ce témoin

2 visait à montrer que c'était M. Novakovic qui avait bu ce Whisky pendant

3 qu'ils étaient en train de discuter. C'était bien ce qui avait été

4 indiqué. Je crois que personne n'avait jamais dit que M. Curtis avait bu

5 quoi que ce soit si ce n'est du café ou des limonades.

6 M. Niemann (interprétation). - Je crois que notre préoccupation Madame et

7 Messieurs les Juges, que la déposition de M. Novakovic a été, apparemment,

8 prise en des circonstances où il aurait été en état d'ébriété et où il y a

9 eu des suggestions disant que les deux personnes avaient bu. J'accepte

10 votre remarque, si c'est le cas.

11 M. le Président (interprétation). - Je me demande si vous pourriez retirer

12 votre objection ?

13 M. Niemann (interprétation). - Il n'y a plus de pertinence sur la

14 question, vu que c'était déjà traité au moment du contre-interrogatoire.

15 M. le Président (interprétation). - Donc, vous maintenez votre objection

16 concernant le dépôt de ces documents ?

17 M. Niemann (interprétation). - Oui, je maintiens cette objection.

18 M. le Président (interprétation). - Notre décision est que ce document ne

19 devrait pas être reçu comme élément de preuve car il n'est pas pertinent.

20 Je parle de la pièce D 158 et 158 A.

21 M. Niemann (interprétation). - En ce qui concerne les éléments de preuve

22 concernant le témoin Q, j'ai bien noté votre décision concernant les

23 documents, donc je ne reparlerai pas de cela. Nous avons pu, au cours de

24 la soirée, obtenir une déclaration du témoin Q concernant ses souvenirs

25 sur cet événement. Je la tiens à votre disposition. Je les ai remises à

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1 mes collègues. Je ne soumets pas ceci en duplique concernant ce que

2 M. Fila a dit sur la déclaration, mais cela revient sur des questions qui

3 ont été soulevées lors de l'interrogatoire du témoin. Je ne demande pas

4 que ce soit enregistré, mais je propose à M. Fila de le faire plutôt, de

5 sorte que le compte-rendu indique précisément quelle est la position.

6 M. le Président (interprétation). - Maître Fila. ?

7 M. Fila (interprétation). - Je suis très heureux de le faire, mais

8 permettez-moi de regarder de quoi il retourne. On pourra peut-être parler

9 de l'évaluation de la peine d'abord pendant que je regarde ceci de sorte

10 qu'on gagne du temps.

11 M. le Président (interprétation). - Nous reprendrons cela après la pause

12 café.

13 M. Niemann (interprétation). – Ensuite, il y a le jugement de la Cour à

14 Osijek, la 160. Là, nous n'avons pas encore reçu la traduction de ce

15 document.

16 M. Bos (interprétation). - Je dispose de cette traduction. Je vais vous la

17 remettre.

18 M. Niemann (interprétation). – Nous regarderons cette traduction pendant

19 que Monsieur Fila prend connaissance de l'autre document.

20 M. le Président (interprétation). - Nous reviendrons sur la pièce D 160,

21 ultérieurement.

22 M. Niemann (interprétation). - Voilà toutes les questions qui étaient

23 encore en suspens.

24 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Maître Fila, avez-

25 vous d'autres questions ?

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1 M. Fila (interprétation). – Oui, en effet. Je voudrais m'excuser auprès de

2 maître Niemann, nous avons encore une chose à discuter.

3 Dans l'entremise, nous avons reçu le rapport de la police néerlandaise

4 concernant la cassette et je voudrais remettre ce document. Car, je

5 voudrais rappeler à cette Chambre de première instance, que nous n'avons

6 pas encore entendu d'autres décisions pour savoir si nous avons besoin de

7 la personne qui écrit le rapport ici ou si pouvons nous recevoir ce

8 rapport sans entendre la déposition de la personne qui l'a rédigé. C'est

9 en tout cas, la position de la défense une fois que vous verrez ce

10 rapport, vous vous rendrez compte que ce serait sans doute mieux de

11 procéder ainsi. Je vais vous demander de distribuer ce document. Mes

12 collègues de l'accusation pourront prendre connaissance de ce document.

13 M. le Président (interprétation). – Maître Fila quand vous avez dit que

14 vous vous demandiez si vous voulez éventuellement demander à la personne

15 qui a rédigé ce rapport de venir se présenter ici, vous parler de

16 l'officier de police néerlandais qui a rédigé le rapport que vous venez de

17 déposer.

18 M. Fila (interprétation). – Oui, c'est bien cela. J'avais demandé au

19 Procureur de veiller à ce que ce document puisse être reçu sans demander

20 la présence de cette personne, mais maître Niemann voulait d'abord voir le

21 rapport avant de prendre position en la matière.

22 M. le Président (interprétation). - Oui. Nous aussi, il nous faut un petit

23 peu de temps parce que dès que nous recevrons ce rapport, nous verrons de

24 quoi il retourne. Je me demande si toutes ces questions pourraient être

25 remises après la pause café et que l'on commence tout de suite à entendre

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1 les deux témoins.

2 M. Niemann (interprétation). - J'appelle le professeur Gudjonsson à la

3 barre.

4 M. le Président (interprétation). - Pendant que l'on attend l'entrée du

5 témoin puis-je vous demander, si vous avez reçu les rapports des

6 responsables médicaux et le rapport confidentiel de l'officier responsable

7 de l'unité de détention ? Je crois que les deux parties ont reçu ces

8 rapports.

9 M. Kostic (interprétation) – Puis-je vous parler quelques secondes à

10 l'entrée du témoin. Nous disposons d'un document de deux pages de la main

11 du témoin qui va entrer maintenant, le docteur Gudjonsson, en date du

12 12 juin 98. Je suppose que Madame et MM. Les Juges disposent de ce

13 rapport. La question que je voudrais poser avant que le témoin n'apporte

14 son témoignage et qu'il nous soumette une opinion, à la page un, dans un

15 paragraphe qui a pour titre un n° 2. Il s'agit en fait du dernier

16 paragraphe du bas de la page un.

17 M. le Président (interprétation). - Oui.

18 M. Kostic (interprétation) - A la lecture de ce paragraphe, il me semble

19 que le médecin fait un commentaire sur une partie du rapport du

20 docteur Petrovic, lorsque j'ai regardé le compte-rendu de la déposition du

21 docteur Petrovic, j'ai pu remarquer qu'en page 33-08, le docteur Petrovic

22 a été empêché de déposer concernant la procédure d'identification.

23 En d'autres termes, on n'a pas pu discuter de la déposition des témoins.

24 Je suppose que je ne suis pas censé citer leur nom, mais enfin, vous savez

25 de qui je parle, je parle des deux témoins dont je parle.

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1 Son témoignage s'est limité à ces travaux avec M. Dokmanovic, à son état

2 mental, etc. Je demande à la Cour, peut-être aurais-je du le demander au

3 Procureur auparavant –je présente mes excuses- mais, je demande si ce

4 témoin particulier va pouvoir discuter du sujet du paragraphe 2. Je

5 suppose que ce témoin devrait être empêché de le faire.

6 M. Niemann (interprétation). - Nous sommes d'accord nous n'allons pas

7 soulever cette question. Cela a été soulevé dans le rapport. Je ne sais

8 pas… apparemment pas. Cela a été repris dans le rapport, ce n'est pas une

9 question sur laquelle j'interrogerai le témoin et je vous demanderais de

10 ne pas tenir compte du deuxième paragraphe, si vous m'entendez déposer ce

11 rapport.

12 M. Kostic (interprétation) - Dans le droit fil de ceci, en encore en

13 accord avec M. Niemann, -je me sens… Je vais essayer de vous expliquer...

14 Le rapport du docteur Najman a déjà lui aussi aborder une réponse à ce

15 paragraphe et a repris le témoignage de ces témoins, je suppose qu'il est

16 adéquat. Le problème est qu'elle cite ces témoins. Je ne sais pas très

17 bien comment nous pouvons régler cette question car son rapport est, déjà,

18 entre vos mains, en tout cas entre les mains de l'accusation. Je ne sais

19 pas si vous en disposer, Madame et Messieurs les Juges. On peut soit

20 bloquer cela ou l'on pourrait alors le faire en huis clos, concernant la

21 déposition de Mme Najman, de sorte que l'identification de ces

22 deux témoins ne soit pas publiée. Je demande à la Cour de m'éclairer.

23 M. Niemann (interprétation). - Je ne crois pas qu'il s'agisse de témoins

24 confidentiels.

25 M. Kostic (interprétation). - Alors très bien, ce n'est pas un problème et

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1 je vous prie de m'excuser.

2 M. Niemann (interprétation). - Etant donné que ces témoins sont cités dans

3 le rapport, je suppose que l'on peut ne pas en tenir compte, comme on l'a

4 fait précédemment.

5 M. Kostic (interprétation). - Oui, on en a peut-être parlé également dans

6 la déposition du docteur Wagenaar, mais c'est une autre question, tout

7 comme dans celle du docteur Najman

8 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

9 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Docteur Gudjonsson, pouvez-

10 vous lire la déclaration solennelle qui est tendue, je vous prie ?

11 M. Gudjonsson (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai

12 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

13 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

14 M. Niemann (interprétation). - Professeur Gudjonsson, avez-vous une

15 maîtrise en science, en psychologie clinique et un doctorat de

16 l'université du Surrey ?

17 M. Gudjonsson (interprétation). - Oui.

18 M. Niemann (interprétation). - Etes-vous professeur honoraire en

19 psychologie et, en ce moment, professeur de psychologie légale à

20 l'Institut de psychiatrie au King's College de Londres ?

21 M. Gudjonsson (interprétation). - C'est exact.

22 M. Niemann (interprétation). - Etes-vous également psychologue de grade

23 clinique supérieur à l'hôpital Maudsley et Bethlem ?

24 M. Gudjonsson (interprétation). - C'est exact. C'est un grade auquel il

25 est fait référence en général comme grade B, le grade le plus important.

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1 M. Niemann (interprétation). - Etes-vous membre de la Société des

2 psychologues britanniques et membre de l'association des magistrats ?

3 Etes-vous aussi psychologue clinique agréé ?

4 M. Gudjonsson (interprétation). - Oui, c'est exact.

5 M. Niemann (interprétation). - Dans votre carrière scientifique, vous

6 êtes-vous concentré presque exclusivement sur la psychologie légale et

7 criminelle ?

8 M. Gudjonsson (interprétation). - C'est exact.

9 M. Niemann (interprétation). - Au cours de votre carrière, avez-vous

10 également été le pionnier des mesures de suggestibilité et de

11 suggestivité ? Avez-vous développé une pratique légale très élaborée ainsi

12 que des recherches importantes dans ce domaine ?

13 M. Gudjonsson (interprétation). - C'est exact. J'ai également mis au point

14 un test d'harmonisation qui a été publié ainsi que deux autres tests.

15 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous récemment été impliqué dans la

16 construction d'un modèle théorique d'interrogatoire suggestif qui guide en

17 ce moment la recherche internationale ?

18 M. Gudjonsson (interprétation). - Oui, c'est exact.

19 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous été impliqué dans un projet de

20 recherche à long terme concernant les phénomènes de faux aveux au cours

21 d'interrogatoire de la part de suspects détenus dans des postes de police

22 pour interrogatoire ?

23 M. Gudjonsson (interprétation). - Oui, c'est exact.

24 M. Niemann (interprétation). - Cette recherche porte-t-elle également sur

25 la fiabilité des éléments de preuve des témoignages ? Avez-vous étudié la

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1 nature et la caractéristique de la suggestion de la mémoire chez des

2 patients en psychiatrie ?

3 M. Gudjonsson (interprétation). - Oui.

4 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous mené des recherches au sujet de

5 l'amnésie après délit ?

6 M. Gudjonsson (interprétation). - Oui, c'est exact.

7 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous publié environ 170 documents

8 impliquant ces éléments et notamment l'attitude des responsables des

9 auteurs de délits vis-à-vis de leur crime, de leurs délits et de leur faux

10 aveux ?

11 M. Gudjonsson (interprétation). - Oui c'est exact.

12 M. Niemann (interprétation). - Avez-vous fourni des dépositions dans 800

13 affaires criminelles, dont 140 portaient sur des auteurs relativement

14 connus notamment, dans le cas de l'affaire des quatre de Guilford et de

15 six de Birmingham ?

16 M. Gudjonsson (interprétation). - Oui c'est exact.

17 M. Niemann (interprétation). - Professeur, j'aimerais maintenant vous

18 montrer un document.

19 M. Gudjonsson (interprétation). - Pourrais-je régler un malentendu,

20 s'agissant des 140 affaires dans lesquelles j'ai témoigné ?

21 J'ai témoigné dans 140 affaires pénales, mais sept en sont arrivées à des

22 arrêts de la cour d'appel. Je n'ai pas témoigné en personne dans les six

23 de Birmingham et les quatre de Guilford. J'ai fourni des rapports qui ont

24 été utilisés au début de ces procès, mais je n'ai pas eu la nécessité de

25 témoigner en personne dans une cour d'appel à Londres, dans le cadre de

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1 ces affaires. C'était une correction que je tenais à apporter au cas où il

2 y aurait eu le moindre malentendu.

3 M. Niemann (interprétation). - Merci. Monsieur le professeur. Le document

4 qui vous est maintenant remis est-il bien un exemplaire de votre

5 curriculum vitae ?

6 M. Gudjonsson (interprétation). - C'est une version préalable de mon

7 curriculum vitae, une version abrégée, j'ai une version beaucoup plus

8 longue à votre disposition si vous le souhaitez car ici ne figure par la

9 liste nombreuse des publications qui me sont dues.

10 M. Niemann (interprétation). - Merci Monsieur le professeur. Ce document

11 peut-il être enregistré ?

12 M. le Greffier (interprétation). - Ce document est enregistré sous la

13 cote 261, pièce à conviction de l'accusation.

14 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le professeur Gudjonsson, est-ce

15 qu'en juin de cette année, vous avez été contacté par M. Milner du bureau

16 du Procureur qui vous a demandé d'évaluer le rapport d'un certain

17 M. Petrovic au sujet de Slavko Dokmanovic, ainsi que la précision et

18 l'exactitude du contenu de ce rapport ?

19 M. Gudjonsson (interprétation). - C'est exact.

20 M. Niemann (interprétation). - Après avoir étudié en détail le rapport du

21 Docteur Petrovic, en êtes-vous arrivé à un certain nombre de conclusions

22 que vous avez stipulées dans les points de vue préliminaires que vous avez

23 envoyés à M. Milner ?

24 M. Gudjonsson (interprétation). - C'est exact.

25 M. Niemann (interprétation). - En préparant ce premier document vous êtes-

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1 vous appuyé sur des informations autres que sur le rapport du

2 docteur Petrovic ?

3 M. Gudjonsson (interprétation). - Non je ne me suis appuyé que sur ce

4 rapport.

5 M. Niemann (interprétation). - J'aimerais vous montrer un autre document.

6 M. Bos (interprétation). - Ce document est enregistré sous la cote 262

7 M. Gudjonsson (interprétation). - J'ai un exemplaire télécopié de mon

8 rapport et je pourrais vous le montrer. J'ai également l'original si vous

9 en avez besoin.

10 M. Niemann (interprétation). - Je crois que cela conviendra.

11 Monsieur le Président, Madame et MM. les Juges, je demande le versement au

12 dossier de ce document, mais le paragraphe deux ne doit pas être pris en

13 compte comme cela a été discuté, il y a quelques instants.

14 Docteur Gudjonsson, dans son rapport, le docteur M. Petrovic maintient que

15 les traits de la personnalité de M. Dokmanovic, son état mental, son

16 comportement après son arrestation ainsi que l'absence d'agressivité au

17 cours de sa vie préalable ne correspondent pas au comportement qui lui est

18 imputé dans les allégations à son sujet concernant Ovcara. Etes-vous

19 d'accord avec cette conclusion ?

20 M. Gudjonsson (interprétation). - Non, car je ne pense pas que ces

21 caractéristiques concernent le comportement en temps de guerre. En temps

22 de guerre, les choses sont différentes, un certain nombre d'ouvrages ont

23 été écrits à ce sujet qui montrent clairement que ce que nous avons en

24 notre présence dans ce cas, est un comportement de groupe et pas seulement

25 un comportement pénal normal où il faut qu'il y ait eu des incidents de

Page 3630

1 violences précédents. Ici nous sommes en face d'une situation différente.

2 M. Niemann (interprétation). - Quelle est l'importance de la recherche de

3 Stanley Milgram à ce sujet ?

4 M. Gudjonsson (interprétation). - J'ai un exemplaire de son ouvrage sous

5 les yeux, puisque vous en parlez, c'est un ouvrage très important. Après

6 la guerre, des inquiétudes subsistaient quant à l'importance de

7 l'engagement des allemands dans les massacres commis contre les juifs,

8 engagement qui était particulièrement important de la part de membres de

9 la population normale n'ayant eu aucun passé de violence. Stanley Milgram

10 a publié ce livre en 1994 qui est intitulé : "Obéissance à l'autorité"

11 dans lequel il montre qu'il est relativement aisé d'engager des êtres

12 humains dans des actes inhumains ou horribles, lorsque l'encouragement,

13 l'incitation à ces actes vient de personnes détenant des postes

14 d'autorité.

15 M. Kostic (interprétation). - Monsieur le Président, excusez-moi mais je

16 demande que cette réponse ne figure pas au compte-rendu. En effet, elle ne

17 repose sur aucune recherche scientifique. Le témoin, en fait, nous a

18 rappelé le résultat du travail d'un tiers, effectué au cours d'une période

19 qui ne correspond pas à celle dont nous parlons. Ce qui vient d'être dit

20 n'est pas une évaluation de ce qui pourrait être déterminé dans le

21 jugement que vous prononcerez, je ne crois pas que nous sommes ici face à

22 un avis scientifique, or le témoin a été cité à la barre en tant

23 qu'expert, compte tenu du travail accompli par lui.

24 M. May (interprétation). – Mais, Monsieur Petrovic, le problème est que ce

25 témoin est, effectivement, un témoin-expert dans ce Tribunal et que

Page 3631

1 d'autres ouvrages ont été produits sur le même sujet. Il va donc nous

2 faire connaître, au cours de sa déposition, son champ de connaissances, de

3 spécialisation, et il peut parler de travaux dus à des tiers, pas

4 seulement de travaux dont il est l'auteur.

5 M. le Président (interprétation). - Nous aimerions ajouter un commentaire

6 puisque j'ai lu ce livre et je pense qu'il pourrait être utile pour le

7 Tribunal que des détails soient fournis au sujet du contenu de ce livre.

8 M. Gudjonsson (interprétation). - Oui, je fournirai certainement des

9 détails, un certain nombre d'expériences ont été effectuées.

10 M. le Président (interprétation). - De façon abrégée, bien entendu.

11 M. Niemann (interprétation). - Peut-être pourrais-je...

12 M. le Président (interprétation). - Un instant, je vous prie.

13 (Les Juges se consultent sur le siège.)

14 Nous nous prononcerons sur ce sujet : sur le principe, les témoins sont

15 habilités à faire référence à d'autres ouvrages rédigés par d'autres

16 scientifiques ou d'autres spécialistes mais, s'agissant de ce livre

17 particulier, nous nous demandons s'il a vraiment une pertinence par

18 rapport à nos débats.

19 M. Niemann (interprétation). - Je poursuis, Monsieur le Président.

20 Notamment eu égard aux réactions de M. Dokmanovic après son arrestation et

21 après la détention qui a suivi son arrestation, connaissez-vous quoi que

22 ce soit au sujet de sa propension à réagir selon le comportement qui est

23 allégué ?

24 M. Gudjonsson (interprétation). - Non, pas du tout, rien n'indique, sa

25 possible participation aux horreurs qui lui sont imputées.

Page 3632

1 M. Niemann (interprétation). - Dans son rapport, le Dr Petrovic attache

2 une grande importance aux remarques faites par M. Dokmanovic contenues

3 dans la cassette vidéo, pièce à conviction de la défense n° 2. Elle cite

4 un passage particulier des propos tenus par M. Dokmanovic selon lesquels

5 il aurait dit : "Le monde n'a jamais assisté à quelque chose de ce genre,

6 même à Dresde* ou à d'autres endroits". Je crois que vous vous rappelez

7 cette remarque. Quelle est l'importance de cette remarque à votre avis,

8 s'agissant d'évaluer M. Dokmanovic sur le pan psychologique ?

9 M. Gudjonsson (interprétation). - La difficulté est que cette remarque

10 peut avoir de nombreuses significations. Nous ne savons pas ce qu'elle

11 signifie et nous entrons ici, à mon avis, dans le champ des spéculations.

12 Je pense qu'il serait préférable de ne pas donner une quelconque lecture

13 de cette phrase parce que son interprétation peut être multiple.

14 L'une de ces interprétations, selon moi, consisterait à penser qu'il se

15 rend compte de l'énormité de ce qui a été fait, de ce qu'il aurait fait ;

16 cette phrase peut être aussi utilisée à titre d'excuse par rapport à ce

17 qu'il aurait fait.

18 Je ne porte pas de jugement sur son innocence ou sur sa culpabilité, je

19 dis simplement qu'elle est trop difficile à interpréter et qu'il serait

20 donc préférable de ne pas supputer quant à la signification de cette

21 phrase. Nous ne savons pas exactement sur le plan scientifique ce qu'elle

22 peut signifier.

23 M. Niemann (interprétation). - Dans la partie analyse de son rapport, le

24 Dr Petrovic identifie un certain nombre des traits de la personnalité de

25 M. Dokmanovic. Elle parle d'anxiété, de dépendance, de perfectionnisme, de

Page 3633

1 paranoïa et d'autres éléments également, d'autres caractéristiques qui

2 décrivent en fait une personne névrosée. Selon vous, M. Dokmanovic

3 présente-t-il bien ces traits de personnalité ?

4 M. Gudjonsson (interprétation). - Oui, pour autant que je puisse le

5 constater à partir du rapport. Une évaluation clinique très importante a

6 été réalisée. Des tests psychologiques ont été réalisés qui sont

7 typiquement décrits comme des tests psychologiques plutôt que

8 psychiatriques mais, sur la base de ce que j'ai vu dans le rapport et sur

9 la base des résultats de ces tests, je pense que les conclusions sont

10 justifiées quant à l'existence de ces traits de personnalité, sur la base

11 de l'évaluation réalisée donc.

12 M. Niemann (interprétation). - A votre avis, la présence de ces

13 caractéristiques personnelles permet-elle de conclure négativement ou

14 positivement quant à la propension de M. Dokmanovic à commettre les délits

15 qui lui sont imputés ?

16 M. Gudjonsson (interprétation). - Non, pas du tout. Il serait très

17 dangereux d'utiliser ces caractéristiques pour spéculer quant à que

18 M. Dokmanovic aurait pu ou n'aurait pas pu faire en temps de guerre. Il

19 n'y a aucun lien, aucune preuve scientifique qui puisse permettre de

20 penser que ces caractéristiques ont la moindre influence sur la question

21 dont nous discutons, dans un sens ou dans l'autre.

22 Mais, Monsieur le Président, une conversation très active sur ma gauche me

23 dérange. Cela me dérange.

24 M. le Président (interprétation). - Oui, Maître Fila, puis-je vous prier

25 d'avoir l'amabilité de vous abstenir de parler, merci.

Page 3634

1 M. Niemann (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions. Merci.

2 M. le Président (interprétation). - Merci. Y a-t-il un contre-

3 interrogatoire ?

4 M. Kostic (interprétation). - Vous êtes bien docteur en psychologie,

5 n'est-ce pas ?

6 M. Gudjonsson (interprétation). - Oui, en effet.

7 M. Kostic (interprétation). - Vous avez examiné les rapports du

8 Dr Petrovic ?

9 M. Gudjonsson (interprétation). - Oui.

10 M. Kostic (interprétation). - Vous avez également examiné les pièces

11 jointes à son rapport, n'est-ce pas ?

12 M. Gudjonsson (interprétation) - oui.

13 M. Kostic (interprétation) - Au nombre des pièces jointes, on trouve la

14 description d'un test, n'est-ce pas ?

15 M. Gudjonsson (interprétation) – Oui.

16 M. Kostic (interprétation) - Test connu communément sous le nom de

17 test MMPI.

18 M. Gudjonsson (interprétation) - Je vais vous expliquer de quoi il s'agit.

19 M. Kostic (interprétation) – Pourriez-vous d'écrire ce test MMPI ?

20 M. Gudjonsson (interprétation) – Ce n'est le test MMPI que l'on utilise

21 classiquement. Je n'ai jamais vu une version du test MMPI appliqué jusqu'à

22 présent qui corresponde à cette description. C'est une description abrégée

23 que l'on trouve. Le test MMPI a été utilisé dans les années 1940, et un

24 peu modifié, plus tardivement. Plus tard, il a été connu sous le nom de

25 test MMPI 2. Il contient 567 questions et atteint la cote 3 sur l'échelle

Page 3635

1 de valeur clinique. L'échelle de valeur indique dans quelles mesures les

2 réponses peuvent être prises en compte comme fiables et valables. Les

3 échelles cliniques permettent de tenir compte des conditions cliniques

4 dans lesquelles se trouve le patient.

5 Il y a donc deux échelles à utiliser, l'échelle de mesure clinique et

6 l'échelle de personnalité qui n'aboutissent pas au même résultat et qui

7 sont différentes.

8 M. Kostic (interprétation) – Mais, c'est un test qui est largement

9 utilisé, n'est-ce pas ?

10 M. Gudjonsson (interprétation) – Oui, très largement.

11 M. Kostic (interprétation) - Vous l'avez utilisé vous-même dans votre

12 pratique ?

13 M. Gudjonsson (interprétation) - Je l'ai utilisé très largement et j'ai

14 procédé à des recherches sur ce sujet.

15 M. Kostic (interprétation) – Outre l'utilisation de ces tests, une autre

16 façon pour des témoins-experts comme vous-même d'aboutir à une conclusion,

17 consiste à avoir des entretiens avec le sujet, n'est-ce pas ?

18 M. Gudjonsson (interprétation) - C'est exact.

19 M. Kostic (interprétation) - Et les rapports que vous avez examinés,

20 indiquent que le docteur Petrovic a passé pas mal de temps avec l'accusé,

21 n'est-ce pas ?

22 M. Gudjonsson (interprétation) – Oui, c'est exact.

23 M. Kostic (interprétation) – Est-ce quelque chose que vous feriez

24 également dans votre pratique, n'est-ce pas ?

25 M. Gudjonsson (interprétation) – Oui, c'est exact.

Page 3636

1 M. Kostic (interprétation) - La différence, je suppose entre votre

2 pratique et celle du docteur Petrovic est médecin, n'est-ce pas ?

3 M. Gudjonsson (interprétation) – Oui, c'est exact.

4 M. Kostic (interprétation) - Vous avez donc des points de vue et des

5 connaissances différentes, n'est-ce pas ?

6 M. Gudjonsson (interprétation) – Oui, c'est exact.

7 M. Kostic (interprétation) - Elle a l'autorisation de prescrire des

8 médicaments ?

9 M. Gudjonsson (interprétation) – Oui, c'est exact.

10 M. Kostic (interprétation) – Seriez-vous d'accord pour dire qu'un certain

11 nombre d'observations et de points de vue personnels sur un patient sont

12 nécessaires pour se former un avis sur ce patient ?

13 M. Gudjonsson (interprétation) - Oui c'est exact.

14 M. Kostic (interprétation) - En l'absence de ces éléments, vous ne pouvez

15 pas vous faire une opinion. Vous ne pouvez pas analyser les problèmes, -je

16 simplifie puisque je parle en fait de diagnostic complexe- mais, vous ne

17 pouvez pas vous faire un avis quant à la façon de juger des problèmes que

18 présente le patient, n'est-ce pas ?

19 M. Gudjonsson (interprétation) – Oui, c'est exact.

20 M. Kostic (interprétation) - En outre, si vous vous fondez sur les

21 conversations personnelles que vous avez eues et les observations que vous

22 avez faites et que vous les comparez au test, c'est utile, n'est-ce pas ?

23 M. Gudjonsson (interprétation) – Oui, c'est exact.

24 M. Kostic (interprétation) - Si vous pouvez examiner d'autres documents au

25 cours d'une affaire criminelle, bien entendu si vous avez les plaintes ou

Page 3637

1 les déclarations d'autres témoins, c'est également quelque chose qui peut

2 vous aider, n'est-ce pas ?

3 M. Gudjonsson (interprétation) – Oui, c'est exact.

4 M. Kostic (interprétation) – Enfin, si vous avez la possibilité dans cette

5 affaire, comme le docteur Petrovic l'a fait, de discuter avec d'autres

6 personnes qui ont observé M. Dokmanovic, tels les gardiens de la prison et

7 d'autres personnes, cela vous aide également ?

8 M. Gudjonsson (interprétation) – Faites-vous référence à M. McFadden.

9 M. Kostic (interprétation) - Par exemple.

10 M. Gudjonsson (interprétation) - Oui. Je suis d'accord en effet.

11 M. Kostic (interprétation) – Y a-t-il quoi que ce soit d'autre dont vous

12 estimiez la nécessité, comme l'examen de documents et des informations

13 pour aboutir à un diagnostic ?

14 M. Gudjonsson (interprétation) – Je ne critique pas le docteur Petrovic

15 quant à son évaluation, les seules observations que je formule, portent

16 sur les conclusions qu'elle a tirées.

17 M. Kostic (interprétation) - Bien, je suis parti du principe que vous avez

18 examiné le rapport du docteur Petrovic, puis les allégations, n'est-ce

19 pas ?

20 M. Gudjonsson (interprétation) - Je n'ai examiné les allégations que pour

21 autant qu'elles soient évoquées dans son rapport.

22 M. Kostic (interprétation) - Ensuite, vous avez estimer que si les

23 allégations étaient véridiques, son diagnostic est erroné, n'est-ce pas ?

24 M. Gudjonsson (interprétation) – Non, non, il faut que je corrige quelque

25 chose. Je ne parle pas du diagnostic. Le docteur Petrovic a formulé un

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1 diagnostic clinique, mais cet homme souffre de différents problèmes.

2 Il souffre y compris de dépression, d'anxiété et de tendances paranoïdes.

3 C'est le diagnostic. Les conséquences que l'on peut tirer de ce diagnostic

4 -c'est-à-dire ce que l'on peut penser de la façon dont il pourrait réagir

5 dans certaine situation- suite à ce diagnostic, c'est quelque chose de

6 différent. Ce sont des interprétations. J'insiste sur la différence entre

7 le diagnostic et les interprétations faites par le docteur Petrovic quant

8 au comportement de M. Dokmanovic dans des situations déterminées, sur la

9 base des conclusions cliniques.

10 M. Kostic (interprétation) – Mais, elle a établi ses interprétations sur

11 la base de ce qui figure dans le rapport, n'est-ce pas ?

12 M. Gudjonsson (interprétation) – Oui, je suis d'accord avec cela.

13 Effectivement, elle a tiré ses conclusions sur la base des documents

14 qu'elle a examinés et des gens qu'elle a rencontrés et interviewés.

15 M. Kostic (interprétation) – Si vous aviez à rendre votre propre opinion,

16 préféreriez-vous avoir eu les mêmes possibilités que celles dont a joui le

17 docteur Petrovic, c'est-à-dire, la possibilité de vous entretenir avec

18 M. Dokmanovic, avec M. McFadden, etc. Auriez-vous préféré cela, n'est-ce

19 pas ?

20 M. Gudjonsson (interprétation) - Tout dépend de l'objectif que j'aurais

21 poursuivi. Si on m'avait demandé une évaluation clinique de M. Dokmanovic,

22 j'aurais insisté pour le rencontrer. En effet, il est très peu sage de

23 faire une évaluation clinique au sujet de quelqu'un que l'on n'a pas

24 rencontré. Ce que l'on m'a demandé de faire, ici, est un examen de

25 rapport. Je dois commenter des rapports ce qui est assez courant. Mais, il

Page 3639

1 est relativement rare d'avoir à se prononcer et à faire une évaluation

2 clinique, sans avoir vu la personne, sur la simple base d'un rapport.

3 M. Kostic (interprétation) - Si je comprends bien ce que vous dites dans

4 votre déposition, vous estimez que le docteur Petrovic ne disposait pas

5 d'éléments suffisants pour aboutir à ces conclusions ?

6 M. Gudjonsson (interprétation). - Je ne dis pas ce que je crains, je dis

7 ce que je sais, il y a une différence entre les deux. Ce que je sais,

8 c'est que les conclusions tirées par le docteur Petrovic ne sont pas

9 justifiées. En effet, il n'y a pas de base scientifique lui permettant de

10 tirer les conclusions qu'elle a tirées sur la base des éléments cliniques

11 des conclusions cliniques ?

12 M. Kostic (interprétation). - C'est donc votre avis ?

13 M. Gudjonsson (interprétation). - Oui c'est mon avis.

14 M. Kostic (interprétation). - Bien entendu, votre opinion diffère de celle

15 du docteur Petrovic ?

16 M. Gudjonsson (interprétation). - Elle n'a présenté aucun élément qui

17 permette d'appuyer ses conclusions, comme je viens de le dire.

18 M. Kostic (interprétation). - Avez-vous vous parlé au sujet de votre avis

19 avec qui que ce soit d'impliqué dans ce procès ?

20 Pardon, avons-nous discuté de tous les avis qui sont les vôtres, dans

21 cette affaire ?

22 M. Gudjonsson (interprétation). - Oui.

23 M. Kostic (interprétation). - En avez-vous d'autres au sujet du

24 Docteur Petrovic ?

25 M. Gudjonsson (interprétation). - Non.

Page 3640

1 M. Kostic (interprétation). - Je n'ai pas d'autres questions

2 M. le Président (interprétation). - Merci.

3 M. Niemann (interprétation). - Pas de réplique Monsieur le Président.

4 M. le Président (interprétation). - Merci. Merci d'être venu, vous pouvez

5 vous retirer, M. le témoin.

6 M. Gudjonsson (interprétation). - Merci

7 (Le témoin est reconduit hors du prétoire).

8 M. le Président (interprétation). - Nous pensions pouvoir poursuivre avec

9 l'audition du deuxième témoin avant la pause café.

10 M. Kostic (interprétation). - Monsieur le Président, le deuxième témoin

11 est lié d'une certaine façon au témoin que nous venons d'entendre,

12 j'aimerais beaucoup avoir une petite pause pour consulter ce témoin. Je

13 crois que cela permettrait de raccourcir l'audition de ce deuxième témoin.

14 Je vous prie de m'excuser, mais je pense que ce serait utile.

15 M. le Président (interprétation). - Le Juge May se demandait si nous

16 devions attendre le rapport de votre deuxième témoin.

17 M. Kostic (interprétation). - Maître Petrovic l'a entre les mains. Si vous

18 voulez, nous pouvons vous le remettre s'il n'y a pas d'objections de la

19 part de l'accusation.

20 M. le Président (interprétation). - Oui.

21 M. Kostic (interprétation). - Très bien.

22 M. le Président (interprétation). - Une pause de quinze minutes cela vous

23 suffit-il ?

24 M. Kostic (interprétation). - Oui cela nous suffit Monsieur le Président,

25 et toujours s'il n'y a pas d'objection, j'aimerais ajouter que nous vous

Page 3641

1 remettrons le curriculum vitae du témoin avec le rapport. Ainsi vous aurez

2 l'ensemble des documents nécessaires.

3 M. le Président (interprétation). - Oui d'accord.

4 M. Niemann (interprétation). - Pourrions-nous en avoir un exemplaire

5 également ?

6 M. Kostic (interprétation). - Je vous prie de m'excuser, nous n'avions pas

7 l'intention de vous exclure de cette remarque.

8 M. le Président (interprétation). - Bien, assurez-vous que le document est

9 bien remis et ensuite nous prendrons une pause de quinze minutes.

10 M. le Greffier (interprétation). - Le curriculum vitae sera enregistré

11 sous la cote D 163 et le rapport sous la cote D 164.

12 Les documents sont remis aux différentes parties.

13 M. le Président (interprétation). - Très bien nous levons la séance et

14 nous nous retrouvons dans cette même salle dans vingt minutes

15 (La séance levée à 10 heures 05 est reprise à 10 heures 20).

16 M. le Président (interprétation). Maître Kostic, vous avez la parole ?

17 M. Kostic (interprétation). - Monsieur le Président, nous souhaitons citer

18 un témoin à comparaître. J'espère que le témoin est en chemin. Il s'agit

19 du Docteur Najman. Maître Fila, mon collègue a une question à vous poser.

20 Elle est relative aux documents dont vous avez parlé précédemment, les

21 documents qui traitent d'un témoin cité en réfutation. Je ne sais pas s'il

22 s'agit du témoin Q, peut-être devrais-je laisser la parole à M. Fila.

23 M. le Président (interprétation). - Oui, c'est l'une des questions que

24 nous avons décidées de repousser, nous l'aborderons un peu plus tard dans

25 l'espoir que les parties pourront se mettre d'accord entre elles.

Page 3642

1 M. Fila (interprétation). - C'est à vous de trancher la question. Je ne

2 comprends pas quelle est la nature de ce document Monsieur le Président.

3 Je ne sais pas pourquoi on me l'a fait parvenir, c'est la déclaration qui

4 a été faite par le témoin Q et qui m'a été soumise ce matin. Je suis un

5 peu déçu, je dois le dire. En effet, le bureau du Procureur n'a toujours

6 reconnu en moi qu'une seule qualité, ma rapidité, c'est toujours ce qu'il

7 salue chez moi, mais jamais je n'ai entendu M. Niemann me faire un

8 compliment sur le thème "ma capacité à faire valoir la vérité dans cette

9 affaire." Mais, tout de même, je ne comprends pas pourquoi ce document m'a

10 été soumis.

11 M. le Président (interprétation). - Donc pas d'objection ?

12 M. Niemann (interprétation). - Nous sommes ici dans le cadre du droit de

13 réplique. Je ne souhaitais pas verser ce document au dossier, je demandais

14 à M. Fila de le faire, s'il souhaitait le faire bien sûr. C'est une

15 déclaration qui a été recueillie, c'est à M. Fila de décider si oui ou non

16 il souhaite verser cette déclaration au dossier. C'est la raison pour

17 laquelle je lui ai fait parvenir ce document parce que, s'il souhaite le

18 verser au dossier, il doit prendre sa décision.

19 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, souhaitez-vous verser ce

20 document au dossier ou non ?

21 M. Fila (interprétation). - Je ne suis pas opposé au fait que ce document

22 soit versé au dossier mais je ne peux pas tout de même pas demander le

23 versement au dossier du document de quelqu'un d'autre. Mais je ne m'oppose

24 pas à ce que M. Niemann le fasse. Je suis tout à fait d'accord sur ce

25 point, je me suis déjà prononcé sur cette question. Un document de plus ou

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1 de moins dans le dossier ne fera pas vraiment de différence.

2 M. Niemann (interprétation). - S'il n'y a pas d'objection de la part de la

3 défense, j'en demande le versement au dossier effectivement.

4 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Qu'en est-il du

5 rapport rédigé par l'officier de police néerlandais ?

6 M. Niemann (interprétation). - Pas d'objection relative à ce document ou à

7 son versement au dossier.

8 M. Fila (interprétation). - Il y a également cet arrêt d'Osijek.

9 M. Niemann (interprétation). - Nous avons lu ce rapport

10 Monsieur le Président, et franchement nous n'en voyons pas la pertinence.

11 Nous avons lu l'exposé des motifs du Tribunal d'Osijek et d'après nous,

12 cet exposé n'a rien avec les questions qui sont entre vos mains

13 Monsieur le Président.

14 M. le Président (interprétation). - Maître Fila a déclaré hier que ce

15 document a été versé dans le cadre de la détermination de la sentence,

16 n'est-ce pas, cet arrêt d'Osijek ?

17 M. Fila (interprétation). - Effectivement. Oui, dans le cadre de la

18 détermination de la sentence. Monsieur le Président, dans mon système

19 juridique et dans celui de M. Niemann également je pense, quand il y a

20 condamnation puis nouveau procès, c'est une situation assez différente et

21 c'est la raison pour laquelle cet arrêt vous a été soumis. Il cherche

22 simplement à prouver que M. Dokmanovic n'a pas de casier judiciaire.

23 M. Niemann (interprétation). - Entendu, je n'avais pas compris l'objectif

24 de cette communication de pièce.

25 M. le Président (interprétation). - C'est pourtant ce qu'avait dit M. Fila

Page 3644

1 hier. Ce document est donc admis au dossier : je parle de l'arrêt

2 d'Osijek. Et le rapport de police néerlandais ? Il est versé par la

3 défense, c'est bien cela ?

4 M. Niemann (interprétation). - Oui, par la défense.

5 M. Bos (interprétation). - Bien, l'arrêt du Tribunal d'Osijek est la pièce

6 D 160, et l'autre document portera la cote D 162, il s'agit du rapport de

7 la police néerlandaise.

8 M. le Président (interprétation). - Parfait, pourrions-nous obtenir un

9 exemplaire de ce document ?

10 M. Fila (interprétation). - La situation est très simple, c'est un

11 document de plus, un document qui va rejoindre la liste des documents que

12 j'ai fournis, qui provenait de l'ex Yougoslavie. Un document qui établit

13 que M. Dokmanovic a été entendu à un certain moment, c'est tout.

14 M. Niemann (interprétation). - D'autre part, Monsieur le Président, il y a

15 un autre problème que je souhaite soulever, qui est lié au document que

16 nous avons reçu du service des archives du Conseil de sécurité hier. Il

17 s'agit de la lettre et de l'annexe à cette lettre par M. Mesic. Je crois

18 que M. Fila souhaitait lire cette lettre hier soir. Il s'agit de la

19 pièce P 108, quelle est la position de la défense à l'heure actuelle.

20 M. Fila (interprétation). - Cette lettre a été rédigée en serbe, si je ne

21 m'abuse. Moi, je lis beaucoup plus facilement le serbe que l'anglais.

22 M. Niemann (interprétation). - Non, pas en serbe, elle a été rédigée en

23 anglais. Pardon, veuillez m'excuser, la lettre a été rédigée dans les

24 deux langues.

25 M. Fila (interprétation). - Puisque vous avez accepté le document relatif

Page 3645

1 à l'attaque menée sur la caserne, je vais alors accepter ce document

2 puisqu'ils traitent d'une seule et même question. Tout va bien.

3 M. le Président (interprétation). - Entendu, la question est réglée.

4 Quelle est la cote ?

5 M. Bos (interprétation) - Le document 108A, non, 108/1 parce qu'il y avait

6 déjà une traduction du document 108.

7 M. le Président (interprétation). - Peut-on faire introduire le témoin,

8 s'il vous plaît ?

9 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

10 M. le Président (interprétation). - Bonjour, Madame. Veuillez lire la

11 déclaration solennelle que vous tend l'huissier, s'il vous plaît.

12 Mme Najman (interprétation). - Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 M. le Président (interprétation). - Monsieur Kostic, vous avez la parole.

15 M. Kostic (interprétation). - Je vous remercie. Bonjour, Madame.

16 Mme Najman (interprétation). - Bonjour.

17 M. Kostic (interprétation). - Pourriez-vous décliner votre identité, s'il

18 vous plaît ?

19 Mme Najman (interprétation). - Je m'appelle Ana Najman.

20 M. Kostic (interprétation). - Ayez l'obligeance de parler dans le micro,

21 devant vous.

22 Mme Najman (interprétation). - Entendu, je m'appelle Ana Najman.

23 M. Kostic (interprétation). - Madame Najman, les Juges disposent de votre

24 curriculum vitae et je vais donc simplement expliquer certains des aspects

25 de votre curriculum vitae, revenir sur certains points de votre carrière.

Page 3646

1 Je vais vous poser des questions, ce sera beaucoup plus simple de procéder

2 de la sorte.

3 Sur votre curriculum vitae, il est indiqué que vous avez suivi des cours

4 de spécialisation en psychologie médicale et clinique à la faculté de

5 médecine de Belgrade à partir de 1977. Pourriez-vous détailler un petit

6 peu les choses à l'intention des Juges, s'il vous plaît ?

7 Mme Najman (interprétation). - En Yougoslavie, on peut suivre des cours

8 préparatoires de psychologie, ce qui permet d'obtenir une maîtrise en

9 psychologie et, après une certaine période de pratique, un psychologue

10 peut commencer à traiter des patients. On peut également suivre des cours

11 dans la faculté de médecine, dans le domaine bien sûr de la psychologie

12 clinique.

13 Après une période de trois ans d'études, on obtient un diplôme de

14 spécialiste en psychologie clinique. En fait, c'était un diplôme d'études

15 supérieures qui indique que, après trois ans d'études, la personne est

16 habilitée à traiter des malades et peut par conséquent acquérir beaucoup

17 plus d'expérience.

18 M. Kostic (interprétation). - A la deuxième page de votre curriculum

19 vitae, il est indiqué que vous avez été enregistrée en 1988 en tant

20 qu'expert en médecine médico-légale auprès du ministère de la Justice de

21 la République de la Serbie. Etes-vous toujours attachée auprès de ce

22 ministère et pourriez-vous nous expliquer de quoi il s'agit exactement ?

23 Mme Najman (interprétation). - Je suis toujours attachée au ministère. Je

24 suis toujours expert médico-légal et je travaille activement dans ce

25 domaine. Je travaille depuis dix ans dans l'hôpital de la prison de

Page 3647

1 Belgrade et j'ai donc une expérience pratique, outre les cours que j'ai pu

2 suivre et la formation que j'ai pu recevoir. C'est la raison pour laquelle

3 je suis expert médico-légal auprès du ministère de la Justice.

4 En fait, il est assez coutumier dans mon pays de réunir une commission

5 d'experts et de psychiatres, commission qui intervient pour toutes les

6 questions de droit pénal ou civil et commission qui mène à bien un certain

7 nombre d'examens psychologiques. Cet examen psychologique est obligatoire

8 en vertu de notre loi pour les personnes qui ont commis certains crimes.

9 Il est également obligatoire pour les délinquants juvéniles, pour les

10 auteurs de crime ou pour les victimes de crime qui sont en fait de jeunes

11 adultes, des personnes qui ont moins de 21 ans.

12 M. Kostic (interprétation). - Vous avez donc, n'est-ce pas, déposé dans le

13 cadre d'affaires entendues par les tribunaux de votre pays ?

14 Mme Najman (interprétation). - Absolument, bien sûr.

15 M. Kostic (interprétation). - Pourriez-vous nous dire dans combien

16 d'affaires vous avez déposé ? Pourriez-vous nous donner une estimation ?

17 Mme Najman (interprétation). - J'ai déposé trois ou quatre fois par

18 semaine. A chaque fois dans le cadre d'une affaire, un rapport est

19 communiqué au Tribunal puis il y a une déposition orale. Maintenant, je ne

20 sais pas exactement dans combien d'affaires j'ai comparu, mais je dirai

21 quatre cents ou cinq cents affaires durant ces dernières années.

22 M. Kostic (interprétation). - Traitez-vous régulièrement certains

23 malades ? Avez-vous un groupe de malades dont vous vous occupez ?

24 Mme Najman (interprétation). - Absolument. Je travaille depuis deux ans au

25 service de psychologie de l'hôpital de Belgrade ainsi qu'à l'hôpital de la

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1 prison dans le service qui s'occupe des auteurs de crime violent ou grave

2 et qui, du fait de leurs troubles psychiatriques, sont traités dans

3 l'hôpital de la prison. C'est un service psychiatrique qui traite

4 notamment des psychoses.

5 M. Kostic (interprétation). - Je ne sais pas si cela apparaît sur votre

6 curriculum vitae, mais je souhaiterais que vous expliquiez quelque chose

7 dont vous m'avez fait part tout à l'heure. Vous avez une certaine

8 expérience dans le domaine du processus d'identification, la psychologie

9 de l'identification. Pourriez-vous nous expliquer quelle est votre

10 expérience dans ce domaine ?

11 Mme Najman (interprétation). - A la faculté de philosophie de l'université

12 de Belgrade, il y a un laboratoire de psychologie expérimentale. J'ai

13 suivi des cours de post-doctorat dans cette faculté ; j'ai travaillé en

14 étroite collaboration avec eux et je continue d'ailleurs à travailler main

15 dans la main avec ce laboratoire. Nous avons procédé à un certain nombre

16 d'examens et d'expériences relatives aux processus d'identification, aux

17 troubles de certaines fonctions cognitives, aux processus de raisonnement,

18 etc. Donc, oui, j'ai une certaine expérience dans ce domaine.

19 M. Kostic (interprétation). - Vous avez travaillé, n'est-ce pas, sur cette

20 question du processus d'identification dans des tribunaux de Yougoslavie ?

21 Mme Najman (interprétation). - Oui.

22 M. Kostic (interprétation). - Cela vous est-il arrivé souvent ?

23 Mme Najman (interprétation). - Non, pas si souvent que cela, mais enfin,

24 régulièrement et c'était toujours dans le cadre d'affaires pénales. Dans

25 la majorité des cas, il s'agissait d'affaires pénales.

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1 M. Kostic (interprétation). - C'est donc dans ce type d'affaires qu'il y a

2 généralement un processus d'identification, n'est-ce pas ?

3 Mme Najman (interprétation). - Absolument.

4 M. Kostic (interprétation). - Je vais maintenant vous poser une question

5 très précise relative au rapport rédigé par le Dr Petrovic. Avez-vous lu

6 ce rapport tout d'abord ?

7 Mme Najman (interprétation). - Oui, je l'ai lu dans sa totalité.

8 M. Kostic (interprétation). - Vous avez lu les annexes de ce rapport ?

9 Mme Najman (interprétation). - Oui.

10 M. Kostic (interprétation). - Avez-vous lu l'annexe de ce rapport qui

11 traite des résultats du test MMPI, un test psychologique bien connu ?

12 Mme Najman (interprétation). – Oui, je me suis penchée sur cette partie du

13 rapport et je me suis également penchée sur les résultats des autres

14 tests.

15 M. Kostic (interprétation). - Ce test MMPI auquel M. Dokmanovic à été

16 soumis par M. Petrovic, est le type de test MMPI qui est régulièrement

17 pratiqué ?

18 Mme Najman (interprétation). - Pour ce qui est de M. Dokmanovic le

19 test MMPI a été effectué dans sa version 201, c'est la version qui est

20 utilisée en Yougoslavie et qui a été standardisée dans les années 1980.

21 C'est un test qui est utilisé dans le cadre d'études cliniques et qui est

22 considéré comme parfaitement valable en Yougoslavie. Pour ce qui est des

23 instruments de mesures psychologiques, je souhaite préciser qu'ils doivent

24 avoir fait l'objet d'expériences préalables au sein de la population à

25 laquelle ils sont destinés. Il y a un certain nombre de caractéristiques

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1 qui différencient la population des Etats-Unis de celle de Yougoslavie.

2 C'est à titre d'exemple que je dis cela. C'est pour cela qu'il y a

3 standardisation de ces tests et c'est à raison pour laquelle il faut

4 d'abord faire des expériences au sein de la population a laquelle ces

5 tests sont destinés.

6 M. Kostic (interprétation). - Utilisez-vous ces types de tests dans le

7 cadre de votre pratique ?

8 Mme Najman (interprétation). - Oui.

9 M. Kostic (interprétation). - Donc c'est un des instruments dont vous vous

10 servez pour pratiquer certaines analyses, certaines expériences qui vous

11 permettent ensuite de venir déposer devant les Tribunaux ?

12 Mme Najman (interprétation). - Oui.

13 M. Kostic (interprétation). - Nous allons passer à un autre sujet si vous

14 le voulez bien.

15 Avez-vous eu le rapport qui a été remis par le bureau du Procureur, le

16 rapport du témoin expert Willem Wagenaar ?

17 Mme Najman (interprétation). - Oui je l'ai lu

18 M. Kostic (interprétation). - Avez-vous ce rapport entre les mains ?

19 Mme Najman (interprétation). - Effectivement.

20 M. Kostic (interprétation). - Vous nous avez fait parvenir vos propres

21 conclusions et vos propres analyses portant sur les conclusions de

22 M. Wagenaar dans son rapport et nous avons fait parvenir ces conclusions

23 au Tribunal, c'est bien exact ?

24 Mme Najman (interprétation). - C'est exact.

25 M. Kostic (interprétation). - Et vous avez également votre rapport sous

Page 3651

1 les yeux ?

2 Mme Najman (interprétation). - Oui.

3 M. Kostic (interprétation). - Je l'ai dit, les Juges disposent du rapport

4 de l'un des témoins experts, le rapport de M. Wagenaar, et les Juges

5 disposent également de votre rapport et par conséquent je vais vous

6 demander de consulter la page quatre de celui-ci, peut-être cela nous

7 permettrait-il d'avancer plus vite ce matin. Je ne sais pas s'il y a

8 objection à ce que vous consultiez votre rapport ?

9 Avez-vous ce rapport sous les yeux Madame ?

10 Mme Najman (interprétation). - Oui

11 M. Kostic (interprétation). - A la page quatre du rapport, il y a un

12 paragraphe intitulé : "vos connaissances". Est-ce exact ? Bien.

13 Ce qui apparaît dans ces deux paragraphes, est en fait votre analyse des

14 conclusions du rapport du docteur Wagenaar, n'est-ce-pas ?

15 Mme Najman (interprétation). - Effectivement.

16 M. Kostic (interprétation). - Outre ce que vous avez écrit, souhaiteriez

17 vous ajouter des commentaires sur ces conclusions du professeur Wagenaar,

18 si vous souhaitez faire des commentaires, c'est le moment de le faire.

19 Mme Najman (interprétation). - Je souhaiterais apporter un éclaircissement

20 sur un aspect de ce qui a été dit, cela apparaît d'ailleurs dans mon

21 rapport. Je partage entièrement les conclusions avancées par le témoin

22 expert, par M. Wagenaar. Ses conclusions se fondent sur tous les postulats

23 scientifiques de la psychologie, notamment pour ce qui est de la

24 perception. Je souhaite cependant souligner une chose, M. Wagenaar a

25 utilisé comme prémices de base dans son rapport, un principe général,

Page 3652

1 principe général de la perception. Il n'a pas pris en compte la situation

2 individuelle des différents témoins qui ont déposé, qui ont fait des

3 déclarations, et il n'a pas pris en compte les situations dans lesquelles

4 il y a eu perception. Lui, a analysé la perception telle qu'elle peut

5 avoir lieu dans des conditions idoines, dans des conditions très

6 générales, ces postulats sont irréprochables, il n'y a rien à rectifier,

7 mais si on applique ce principe général à une situation très particulière,

8 alors son point de vue doit être revu, parce qu'il faut prendre absolument

9 en compte les détails d'une situation donnée, et prendre en compte

10 l'impact des différents facteurs sur la perception de l'être humain.

11 M. Kostic (interprétation). - Souhaitez-vous faire référence à d'autres

12 passages, notamment celui qui traite de la reconnaissance ?

13 Mme Najman (interprétation). - Non pas pour l'instant

14 M. Kostic (interprétation). - Bien, venons-en maintenant à la deuxième

15 partie du rapport Professeur Wagenaar qui s'intitule : "Souvenirs de

16 l'uniforme.". Si je ne m'abuse en fait, vous avez axé vos commentaires sur

17 ce qui est avancé dans le rapport de M. Wagenaar, est-ce bien exact ?

18 Assentiment du témoin.

19 M. Kostic (interprétation). - Pourriez-vous nous faire tout d'abord une

20 déclaration de nature générale, déclaration relative à votre opinion

21 d'expert sur les affirmations générales du professeur Wagenaar et ensuite

22 nous entrerons un peu plus dans le détail.

23 Mme Najman (interprétation). - Ce que j'ai dit précédemment à propos de

24 ces principes généraux s'applique également à ce passage sur le souvenir

25 de l'uniforme. M. Wagenaar dans le premier paragraphe aborde d'une façon

Page 3653

1 générale la question du souvenir des uniformes. Ensuite, dans les

2 paragraphes A à H, il décrit les situations particulières qui se sont

3 présentées. J'ai également analysé ces situations dans mon rapport, pas en

4 terme général, j'ai essayé d'établir un lien entre ces situations et les

5 deux témoins que j'ai eu l'occasion de rencontrer. C'est ainsi que j'en

6 suis arrivé à certaines conclusions.

7 M. Kostic (interprétation). - Une partie de vos conclusions se fonde sur

8 la lecture que vous avez faite des deux déclarations des témoins dont vous

9 parlez, n'est-ce pas ?

10 Mme Najman (interprétation). - Effectivement.

11 M. Kostic (interprétation). - Je vous ai interrompu, veuillez m'excuser.

12 Vous voulez en venir maintenant au paragraphe A et entrer un peu dans le

13 détail de ce qui est dit ?

14 Mme Najman (interprétation). - Si les Juges me le permettent, je vais

15 effectivement discuter de ce paragraphe A.

16 M. Kostic (interprétation). - Je crois que c'est la meilleure façon de

17 procéder. Je vous en vous en prie, Madame.

18 Mme Najman (interprétation). - Je voudrais souligner tout d'abord que les

19 deux témoins ont mentionné les uniformes dans leur première déclaration.

20 Il n'y a donc pas de questions sur ce sujet, c'est bien le résultat de

21 leur perception de ce qu'ils ont vu.

22 M. Niemann (interprétation). - Monsieur le Président, nous n'allons pas

23 rentrer dans l'analyse de ce qu'ont pu dire les témoins. Le Pr Wagenaar ne

24 s'est pas du tout livré à ce type d'exercice, il s'est contenté de

25 remarques générales et nous dépassons ici largement le cadre d'un droit de

Page 3654

1 duplique, selon moi. Le Pr Wagenaar ne s'est pas du tout livré à ce type

2 d'analyse et il n'est donc pas convenable que ce témoin-ci le fasse.

3 Comme vous l'avez déclaré vous-même, Monsieur le Président, alors que vous

4 parliez du rapport du Dr Petrovic, tous ce qui a trait à des observations

5 relatives aux témoins eux-mêmes doit être tranché par vous,

6 Monsieur le Président. Madame et Messieurs les Juges, je refuse que ce

7 type de question soit posé au témoin.

8 M. le Président (interprétation). - Cette objection est retenue.

9 M. Kostic (interprétation). - Bien sûr, je ne fais pas objection à votre

10 décision, Monsieur le Président, mais j'ai lu le rapport du Pr Wagenaar et

11 il me semble bien normal que ce témoin-ci puisse se prononcer sur tout ce

12 qui peut apparaître dans le compte rendu.

13 M. le Président* (interprétation). - Elle doit s'en tenir à ce qui est dit

14 dans le rapport du Pr Wagenaar.

15 M. Kostic (interprétation). - Mais le témoin ne peut pas faire de

16 commentaires sur la teneur du rapport du Pr Wagenaar sans entrer dans des

17 questions très concrètes.

18 M. le Président (interprétation). - Un instant, s'il vous plaît.

19 (Les Juges se consultent sur le siège.)

20 Je vous confirme effectivement qu'il n'est pas approprié d'entrer dans les

21 détails et de discuter plus particulièrement des dépositions de ces

22 deux témoins.

23 M. Kostic (interprétation). - Je dois bien comprendre votre décision. Je

24 ne veux pas faire de difficultés. Mais dites-vous que vous empêchez toute

25 discussion sur ces deux témoins, étant donné qu'il n'y a pas eu d'autres

Page 3655

1 dépositions de la part de ces témoins ? Franchement, je ne comprends pas

2 votre décision.

3 M. le Président (interprétation). - Il s'agit ici d'un témoin en duplique.

4 Vous avez appelé ce témoin en duplique, duplique au rapport du

5 Pr Wagenaar. Dès lors, ce témoin doit se limiter aux différentes questions

6 qui ont été soulevées par le Pr Wagenaar dans son rapport écrit et qui a

7 été reçu comme élément de preuve. Dès lors, ce témoin ne doit pas revenir

8 sur des questions qui n'ont pas été abordées par le Pr Wagenaar.

9 M. Kostic (interprétation). - Très bien. Donc votre décision... Vous

10 parlez de duplique... Entre réplique et duplique, je n'avais pas très bien

11 compris. Vous me dites que, étant donné que le Pr Wagenaar n'a pas parlé

12 des témoins de manière spécifique, vous m'empêchez de revenir sur ces

13 questions. C'est juste pour comprendre votre décision car je ne suis pas

14 tout à fait au clair là-dessus. Bon, très bien.

15 Il faudrait donc que, Docteur Najman, sans revenir sur les dépositions des

16 autres témoins, vous fassiez un commentaire d'ordre général pour me dire

17 si vous êtes d'accord avec les opinions du Pr Wagenaar concernant le

18 souvenir des uniformes ; ou, si vous n'êtes pas d'accord, si vous pensez

19 que le Pr Wagenaar pourrait avoir omis quoi que ce soit, d'après vous, ou

20 bien s'il a formulé une opinion avec laquelle vous n'êtes pas d'accord.

21 Si vous pouviez m'expliquer cela en termes généraux, je crois que la Cour

22 pourra ainsi accepter cela.

23 Mme Najman (interprétation). - Très bien. Je suis tout à fait d'accord

24 avec les explications fournies par le Pr Wagenaar. En termes généraux, il

25 me semble que c'est tout à fait fondé sur les lois de la perception. Je

Page 3656

1 voudrais ajouter, encore une fois en termes généraux, que la perception

2 des couleurs, des formes est un des principes primordiaux dans tout acte

3 de perception chez l'être humain. Je souligne également que cela peut être

4 modifié sous l'influence de certains facteurs qu'ils soient internes ou

5 externes.

6 En outre, si les Juges me le permettent, je voudrais souligner les effets

7 de facteurs internes qui, en l'occurrence, paraissent importants. Il

8 s'agit de faits psychologiques, d'aspects dus aux motivations ou de

9 facteurs affectifs, émotionnels dus aux circonstances ou à la situation

10 dans laquelle la personne se trouve. Les facteurs psychologiques sont très

11 importants dans la manière dont nous percevons les choses. Sans

12 l'influence de ces facteurs psychologiques, nous avons une perception qui,

13 si vous le voulez, est considérée comme normale ; par contre, si vous avez

14 des effets de facteurs émotionnels ou psychologiques qui prévalent, notre

15 perception en est modifiée. Pour être tout à fait brève, cela dépend de

16 facteurs sociaux, émotionnels et physiologiques également.

17 Je voulais également citer cela. Nous parlons ici de certains aspects ou

18 circonstances physiologiques dans lesquelles les êtres humains peuvent se

19 trouver : si on connaît la faim, par exemple, ou bien si au contraire on

20 est bien nourri ; l'effet du stress peut également être considéré comme un

21 effet physiologique, mais aussi psychologique. Comme nous le savons tous,

22 la biologie et la physiologie de l'être humain peuvent réagir dans des

23 situations pareilles.

24 M. Kostic (interprétation). - Monsieur Wagenaar parlait de couleurs, de la

25 couleur bleue. Vous parlez dans votre rapport de cette même couleur.

Page 3657

1 Pouvez-vous vous expliquer devant la Cour ?

2 Mme Najman (interprétation). - Oui. Il s'agit en effet là aussi d'un

3 principe bien reconnu et qui existe dans le cadre de la perception. Les

4 couleurs primaires sont très importantes dans la perception. C'est ce que

5 l'on voit dès le premier instant. On voit tout de suite la couleur, la

6 forme et vous avez chez l'être humain des facteurs biologiques qui

7 régulent la constance de nos perceptions, par exemple, nous ne voyons pas

8 la couleur de manières différentes si les facteurs externes qui nous

9 influencent sont au minimum. Il y a une certaine constance de la

10 perception. C'est très important car, de ce fait, nos vies ont été

11 facilitées puisque la perception des couleurs ou des formes ne change pas

12 aussi rapidement que la mutation des stimuli externes, de ce côté-là, il y

13 a une sorte de régulateur biologique chez l'être humain, facteur

14 régulateur portant sur les couleurs et les formes.

15 M. Kostic (interprétation) - Dernière question : le docteur Wagenaar

16 parle, dans son rapport, du fait que certaines de ces personnes portaient

17 des insignes, vous en avez également parler pouvez-vous revenir là-dessus

18 devant la Cour ?

19 Mme Najman (interprétation) – Très bien. La perception des détails

20 appartient au processus secondaire de l'expérience perceptive. Les

21 fonctions primaires, c'est la perception de la couleur et de la forme ou

22 des formes. Puis, sur le plan secondaire vous avez la perception des

23 détails. Ce processus secondaire est, lui, beaucoup plus influençable par

24 les facteurs internes et externes. Nous ne pouvons pas négliger cet aspect

25 des choses. Car en effet, dans une grande mesure la perception des détails

Page 3658

1 peut différer d'une personne à l'autre. Ce qui ne veut pas dire que le

2 stimulus perçu ou l'objet perçu est différent. En fait, c'est l'expérience

3 interne qui peut varier et être différente d'une personne à l'autre. Bien

4 entendu, il y a les facteurs de personnalité qu'il faut prendre en compte

5 également.

6 M. Kostic (interprétation) - J'ai terminé. Je vous remercie.

7 M. le Président (interprétation). – Maître Niemann ?

8 M. Niemann (interprétation). – Madame Najman, connaissez-vous le

9 professeur Wagenaar ?

10 Mme Najman (interprétation) – Non.

11 M. Niemann (interprétation). – Connaissez-vous ses travaux ?

12 Mme Najman (interprétation) - Excusez-moi, je n'ai pas pu comprendre votre

13 question.

14 M. Niemann (interprétation). – Entendez-vous maintenant ?

15 Mme Najman (interprétation) - Oui.

16 M. Niemann (interprétation). – Connaissez-vous les travaux du

17 docteur Wagenaar, avez-vous pu lire ses publications ?

18 Mme Najman (interprétation) – Non, pas directement.

19 M. Niemann (interprétation). – Saviez-vous qu'il était réputé pour être

20 l'un des meilleurs experts du monde, en matière d'identification, le

21 saviez-vous ?

22 Mme Najman (interprétation) - Oui.

23 M. Niemann (interprétation). - En fait, je crois d'ailleurs qu'il est bien

24 connu dans les cercles internationaux, ; qu'il n'y a peut-être qu'une ou

25 deux autres personnes qui ont le même niveau de compétence que le

Page 3659

1 docteur Wagenaar, dans ce domaine-là, êtes-vous d'accord avec cela ?

2 Mme Najman (interprétation) - Oui.

3 M. Niemann (interprétation). - Vous nous disiez que vous avez pu

4 intervenir dans des tribunaux de votre pays, êtes-vous intervenue dans

5 d'autres tribunaux que ceux d'ex-Yougoslavie ? Avez-vous déposé dans

6 d'autres tribunaux ?

7 Mme Najman (interprétation) – Vous voulez dire en dehors de la

8 Yougoslavie ?

9 M. Niemann (interprétation). - Oui.

10 Mme Najman (interprétation) – Non.

11 M. Niemann (interprétation). - Lorsque vous êtes intervenue dans ces

12 tribunaux, pouvez-vous nous dire quel est l'essentiel de vos activités, de

13 quoi vous occupez-vous lors de ces dépôts dépositions devant les tribunaux

14 de votre pays ?

15 Mme Najman (interprétation) – Mes interventions devant la Cour sont les

16 résultats de mes travaux entrepris avec les personnes que j'ai examinées.

17 J'ai accès a des évaluations psychologiques, aux documents déposés devant

18 la Cour. C'est seulement ensuite que je dépose devant la Cour où je

19 réponds à des questions, comme je le fais ici.

20 D'une part, il y a la défense qui me pose des questions, puis l'accusation

21 me pose aussi des questions, et bien souvent les Juges également me posent

22 des questions.

23 M. Niemann (interprétation). – Puis-je dire que l'essentiel de vos travaux

24 devant vos instances consiste à faire une évaluation psychologique - je

25 suppose dans la plupart des cas- de la personne accusée d'un crime et vous

Page 3660

1 faites rapport devant le Tribunal, de votre opinion sur l'état

2 psychologique de l'accusé, est-ce bien cela ?

3 Mme Najman (interprétation) – Oui, en effet.

4 M. Niemann (interprétation). - Je pense que vous avez dit que vous avez pu

5 déposer également concernant des questions portant sur l'identification,

6 est-ce vrai ?

7 Mme Najman (interprétation) - Oui. Avec votre permission, je souhaiterais

8 faire remarquer qu'en ce qui concerne l'identification en Yougoslavie ; le

9 problème bien particulier de l'identification est beaucoup moins

10 important, c'est, disons quelque chose, qui s'inscrit dans un contexte

11 plus large, dans le contexte du dossier dans sa totalité. Ce n'est pas un

12 point séparé, si vous voulez.

13 M. Niemann (interprétation). – Donc, la question sûre laquelle le

14 docteur Wagenaar s'est prononcé dans son rapport, vous frappe comme étant

15 quelque chose d'un peu inhabituel par rapport à ce que vous faites, en

16 général, devant les tribunaux de votre propre pays, est-ce cela ?

17 Mme Najman (interprétation) - Oui, on pourrait dire cela, puisque par

18 rapport à la partie plus générale que le docteur Wagenaar discute – ce que

19 nous faisons d'ailleurs également- nous faisons toujours un lien au

20 dossier en question, là, il y a peut-être une différence, et c'est ce que

21 j'ai d'ailleurs indiqué dans mon rapport écrit. J'applique, évidemment,

22 mon analyse aux cas particuliers. C'est bien le sens de votre question ?

23 M. Niemann (interprétation). - Vous avez dit que le test MMPI, en

24 Yougoslavie, n° 201, si je ne me trompe…

25 Mme Najman (interprétation) - En effet.

Page 3661

1 M. Niemann (interprétation). - Est un test adopté particulièrement dans

2 l'ex-Yougoslavie, est-il reconnu sur le plan international à l'extérieur

3 de la Yougoslavie ?

4 Mme Najman (interprétation) - Bien entendu, c'est le même test que celui

5 dont a parlé le docteur Gudjonsson, dans sa version originale. C'est un

6 test qui a 567 questions, puis il y a une version abrégée avec

7 201 questions et chez nous, nous appliquons parfois la version complète du

8 test. En revanche, la version 201 qui a été appliquée en l'occurrence est

9 le test tout à fait normalisé par rapport à la population yougoslave.

10 Cette normalisation du test veut dire que ce test s'applique à une large

11 portion de la population de diverses régions. En utilisant des méthodes

12 statistiques bien particulières, on tire des conclusions et en fonction de

13 ces conclusions, on peut dire que le test est valable et que les résultats

14 obtenus correspondent donc à l'objectif pour lequel le test a été

15 effectué.

16 M. Niemann (interprétation). - Je vous remercie. Avant que vous ne vous

17 soyez prononcée sur le rapport du Docteur Wagenaar avez-vous pris contact

18 avec lui ?

19 Mme Najman (interprétation) - Non, je n'ai pas pris contact avec lui.

20 M. Niemann (interprétation). - Y a-t-il des raisons pour lesquelles vous

21 ne l'avez pas contacté ?

22 Mme Najman (interprétation) - Non. Pas de raison particulière.

23 M. Niemann (interprétation). - Je n'ai plus de question.

24 M. le Président (interprétation). - Maître Kostic ?

25 M. Kostic (interprétation). - Quelqu'un vous a-t-il dit que vous deviez

Page 3662

1 contacter le Docteur Wagenaar, que ce serait nécessaire ou même

2 souhaitable ?

3 Mme Najman (interprétation) - Non, c'est la première fois que j'entends

4 parler de cela.

5 M. Kostic (interprétation). - Je n'ai plus d'autres questions pour ce

6 témoin, la seule chose que je souhaite faire, c'est de prendre les

7 pièces 163, 164 et 165, et de les présenter comme éléments de preuve.

8 M. Niemann (interprétation). - Nous n'avons pas d'objection, à condition

9 que les références au témoin ne soient pas considérées comme faisant

10 partie de ces éléments de preuve.

11 M. Kostic (interprétation). - Non, je suis tout à fait d'accord avec cela.

12 M. le Président (interprétation). - Très bien, ces pièces sont donc

13 reçues. Pas de question de la part des Juges, il n'y a donc pas

14 d'objection à ce que nous prions le témoin de disposer ? Madame Najman, je

15 vous remercie d'être venu déposer devant ce Tribunal, vous pouvez

16 disposer ?

17 Mme Najman (interprétation) - Merci.

18 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.

19 M. le Président (interprétation). - Bien, nous en sommes maintenant au

20 stade où nous devrions arriver aux conclusions plaidoiries. Je ne sais pas

21 si M. Niemann est près à donner sa plaidoirie au nom de l'accusation.

22 M. Niemann (interprétation). - Oui, excusez-moi quelques instants

23 Monsieur le Président. Madame et Messieurs les Juges, je vous ai remis un

24 exemplaire de notre plaidoirie, réquisition. Les questions d'ordres

25 juridiques sont des questions sur lesquelles je vais revenir maintenant,

Page 3663

1 mais dès lors qu'il s'agira des faits concernant ce dossier, c'est mon

2 collègue M Williamson qui reviendra sur ces éléments de fait.

3 Madame et Messieurs les Juges, les réquisitions écrites que je vous ai

4 remises reprennent bon nombre des points que je souhaite soulever ici. Mon

5 intention n'était pas de vous lire ce document. En effet, dès lors qu'il

6 s'agit de questions juridiques, c'est parfois assez ennuyeux de vous en

7 donner lecture, dès lors que vous-même, avez déjà eu l'occasion d'en

8 prendre connaissance. Je ne vais donc pas vous infliger cela.

9 Cependant, il y a des questions périphériques sur lesquelles j'aimerais

10 revenir, il y a aussi des questions tout à fait centrales dont je vous

11 parlerai qui constitueront certaines explications, certaines répétitions

12 et s'il y a des questions sur lesquelles je puis vous éclairer, suite à

13 mes conclusions et plus particulièrement les questions juridiques, et

14 bien, j'espère tout à fait sincèrement pouvoir vous aider.

15 Madame et Messieurs les Juges, l'accusation et la défense en sont arrivés

16 maintenant à la conclusion de leur partie de ce dossier et nous nous en

17 remettons à vous pour examiner les faits et le droit qui s'applique.

18 Le rôle des juges n'est pas un rôle facile, non seulement vous devrez

19 traiter de questions juridiques complexes, mais vous devrez également vous

20 acquitter d'une des tâches les plus difficiles dans une Cour ayant à

21 traiter d'affaires pénales, c'est-à-dire, de devoir traiter les points de

22 fait. Quand parfois on siège devant un jury de douze personnes qui doivent

23 trancher les éléments de fait, le juge, à ce moment-là, est soulagé de

24 cette charge. Cependant, l'un des aspects d'un procès devant un jury,

25 c'est que le juge doit donner des instructions au jury pour que celui-ci

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1 fasse preuve de bon sens lorsque celui-ci doit prendre sa décision sur les

2 éléments de fait et sur la détermination de la culpabilité ou de

3 l'innocence d'un accusé. Madame et Messieurs les juges, vous savez que le

4 fait de devoir déterminer la culpabilité ou l'innocence, en appliquant son

5 bon sens, est quelque chose qui s'applique également ici, qu'il s'agisse

6 d'un Tribunal qui plaide devant un jury ou d'un Tribunal qui travaille

7 avec des avocats et des juristes.

8 Comme vous le savez, dans des procès devant un jury, l'accusation explique

9 souvent au jury le rôle joué par les différents intervenants dans un

10 Tribunal. En effet, on le fait car on pense que des personnes ne

11 comprennent pas toujours les règles qui s'appliquent, car ils sont

12 profanes. Mais il me semble ici peu justifié devant ce Tribunal de revenir

13 sur les rôles joués par les différentes parties et de nous rappeler aussi

14 d'ailleurs, à l'occasion, des fonctions qui doivent être effectuées ici.

15 Dans le cadre d'un procès devant un jury, les Procureurs ont souvent

16 beaucoup de mal à souligner le fait que le juge de première instance est

17 en fait l'arbitre du droit. Bien sûr, il revient au jury de trancher sur

18 les éléments de fait, mais il reste aux Juges de trancher sur les

19 questions de droit. L'accusation se tourne souvent vers le jury et dit que

20 si le jury entend deux versions du droit, l'une de la bouche de

21 l'accusation et l'autre de la bouche des Juges, ceux-ci, les membres du

22 jury, doivent accepter l'interprétation du droit qui leur est présentée

23 par le Juge. Pourquoi vous dis-je ceci ? Je le dis, car pour vous-même, il

24 est important de bien comprendre les raisons qui sous-tendent mon

25 intervention, ces raisons étant qu'il est important dans une procédure qui

Page 3665

1 se fait devant un jury, de souligner le fait que l'accusation joue un rôle

2 dans le dossier qui est quelque peu différent du rôle joué par la défense

3 et qui vient soutenir tout le système de la justice elle-même, de sorte de

4 sorte que lorsque l'on en arrive à des questions contentieuses, qui

5 parfois sont difficiles à comprendre pour le jury ou bien quand on parle

6 de questions de droit, le Procureur dit, très clairement qu'il n'y a aucun

7 doute et que c'est le Juge de l'instance qui tranche ce type de question,

8 et à ce moment-là, le jury et ses membres n'ont pas à trancher ces

9 questions-là.

10 C'est pourquoi le Juge et le Procureur interviennent ensemble et le

11 Procureur appuie la cour et le système de la justice. Madame et

12 MM. les Juges, si vous me le permettez, je voudrais revenir à quelque

13 chose qui est devenu une définition assez classique du rôle de

14 l'accusation telle que formulée par le comité du Royaume-Uni qui s'est

15 appelé le comité Ferguson en 1986. Je voudrais faire référence à ce

16 comité, je crois que c'est important que lorsque l'on discutera des rôles

17 joués tant par l'accusation que par la défense, il faut bien comprendre

18 quel est le rôle du Procureur. Je vais citer ce texte dans ce

19 rapport Ferguson on dit : "Il ne fait aucun doute que les obligations du

20 conseil de l'accusation, différentes de ceux qui s'occupent de la défense

21 dans des dossiers d'affaires pénales, ni des conseils qui ont à s'occuper

22 d'affaires civiles, son rôle est beaucoup plus large tant vis-à-vis de la

23 cour que du public dans son ensemble. En outre, en ce qui concerne ses

24 obligations de présenter le dossier du côté de l'accusation devant le

25 jury, il a beaucoup plus d'indépendance que celles dont jouissent les

Page 3666

1 autres conseils. On sait très bien, et tous les praticiens le savent

2 également que le conseil de l'accusation doit mener son dossier avec

3 modération, mais fermement également. Il ne doit pas essayer d'obtenir de

4 manière inéquitable une accusation, il ne doit pas pousser son dossier au-

5 delà des limites que les éléments de preuve lui permettent, il ne doit pas

6 demander au jury d'accuser au-delà de ce qui se trouve dans les chefs

7 d'accusation. Si l'on nuit aux valeurs probatives des éléments de preuve,

8 le conseil de l'accusation ne doit pas les présenter dans le jury comme

9 étant dignes de cette crédibilité dont il ne jouirait plus lui-même. Le

10 conseil de l'accusation à donc une énorme responsabilité et sa description

11 en tant que responsable de la justice à parfois l'air pompeux dans des

12 oreilles modernes, mais ceci décrit de manière fidèle la manière dont il

13 doit s'acquitter de ses fonctions."

14 Madame et MM. les Juges, je ne pense pas qu'il y ait de grandes

15 différences, qu'il s'agisse d'une déclaration, ici concernant le rôle des

16 conseils de l'accusation dans une instance interne d'un Etat membre des

17 Nations Unies, par rapport au rôle de conseil de l'accusation devant cette

18 cour. A mon avis ces obligations sont les mêmes que celles qui incombent à

19 tous les Procureurs.

20 Dans notre juridiction, Madame et MM. les Juges, nous représenterons ici

21 toute une série de traditions nationales au sein de ce Tribunal tant du

22 côté d'ailleurs de la défense que de l'accusation.

23 Les questions qui dans certaines juridictions sont considérées comme étant

24 liées à certaines éthiques du barreau sont parfois tout à fait différentes

25 ou acceptables ou inacceptables d'un côté, ceci couvre toute une série de

Page 3667

1 questions. Vous pouvez avoir la manière de traiter des témoins, la

2 présentation des éléments de preuve devant ce Tribunal. Il y a beaucoup de

3 différence, parfois elles peuvent apparaître comme étant une offense aux

4 habitudes auxquelles certains ont coutume de travailler dans leur

5 juridiction.

6 Il y a tout de même une question qui reste commune à tous les Procureurs

7 qui s'acquittent de leur tâche, il s'agit du fait que dans aucune

8 circonstance une condamnation ne devrait être faite en justice, et je

9 pense qu'ici nous traitons plus particulièrement de l'affaire de

10 M. Dokmanovic. Si vous pensez que l'accusation n'a pas suffisamment

11 prouvé ces éléments au-delà de tous doutes raisonnables, c'est

12 l'obligation de tous Tribunaux d'acquitter. Par contre, si vous êtes

13 assurés que les éléments de preuve ont été portés devant vous, ce sera

14 également votre devoir de condamner.

15 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je souhaiterais

16 maintenant aborder un certain nombre d'autres questions qui apparaissent

17 dans ma réquisition écrite et qui touchent sur un certain nombre de points

18 de droit.

19 Il y a tout d'abord la disposition d'infractions graves qui apparaissent

20 dans les Conventions de Genève. D'après nous, dans cette affaire qui vous

21 est maintenant soumise et sur laquelle vous devez vous prononcer, il est

22 évident que l'accusation a prouvé au-delà de tout doute raisonnable que,

23 pendant la période concernée, il y avait bien un conflit armé qui opposait

24 deux Etats indépendants et souverains. Par-là même, ce conflit est devenu

25 international et mon collègue, M. Williamson, reviendra sur ces points

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1 dans le cadre de sa présentation de la réquisition de l'accusation.

2 Monsieur le Président, l'accusation doit-elle prouver cela au-delà de tout

3 doute raisonnable ou doit-elle le prouver tout court ? Vous savez bien que

4 cette question a été au coeur de nombre de discussions qui se sont tenues

5 dans d'autres forums. Il est évident que l'application de la disposition

6 relative aux infractions graves à ce Tribunal et que l'application

7 pratique de sa disposition dans le cadre d'un Tribunal pénal est un

8 précédent et quelque chose qui est assez nouveau. Je crois que personne ne

9 pourrait dire qu'il y a une opinion tranchée qui doit prévaloir sur toutes

10 les autres, dans cette question.

11 Nous sommes d'avis qu'il est parfaitement pertinent de se poser cette

12 question. Il est particulièrement pertinent de se la poser dans une

13 affaire où les éléments de preuve étayent certains faits au-delà de tout

14 doute raisonnable et prouvent l'existence d'une telle infraction au-delà

15 de tout doute raisonnable.

16 Pour ce qui est, maintenant, de la question de savoir si l'on peut dire

17 que ce point doit être prouvé au-delà de tout doute raisonnable -qu'il y

18 avait bien conflit armé international- je ne peux pas vraiment vous aider,

19 je ne peux pas vous renvoyer à telle ou telle doctrine ou à tel ou tel

20 système juridique dans le cadre desquels cette question aurait été

21 analysée et tranchée.

22 Si ce point ne doit pas être prouvé au-delà de tout doute raisonnable,

23 alors la question suivante se pose : cela devient-il une question d'ordre

24 juridictionnel ? Si c'est le cas, ce point doit-il être prouvé au-delà de

25 tout doute raisonnable ? Certains affirment que dès lors qu'il s'agit

Page 3669

1 d'une simple question juridictionnelle qui doit être prouvée par

2 l'accusation alors, dans ces circonstances très spécifiques, peut-être

3 alors cela doit-il être prouvé sur l'étude et l'analyse des probabilités

4 qui existent.

5 C'est une possibilité mais l'autre possibilité, Monsieur le Président,

6 c'est qu'il est nécessaire pour l'accusation de prouver qu'il y a eu

7 conflit international armé au-delà de tout doute raisonnable il s'agit de

8 savoir s'il est nécessaire pour l'accusation d'essayer de prouver ce

9 point. La question se pose-t-elle ? D'une façon générale, les tribunaux

10 n'ont pas compétence pour les crimes commis en dehors de leurs frontières.

11 Il est vrai cependant que certains tribunaux internes peuvent se voir

12 revêtus de compétence externe. Mais, sauf dans les cas où ces dispositions

13 sont explicitement énoncées dans la loi, les tribunaux internes ne peuvent

14 pas être compétents pour des crimes commis hors de leur territoire.

15 On trouve la raison de cela dans l'affirmation suivante : les tribunaux ne

16 veulent pas offenser les tribunaux appartenant à d'autres pays en se

17 chargeant d'affaires qui se sont produites sur les territoires desdits

18 tribunaux étrangers.

19 Lorsque les rédacteurs de la Convention de 1949 ont souhaité créer ce

20 concept juridique de compétence universelle, ils ont dû mettre au point un

21 mécanisme qui devait être inclus dans les conventions afin de pouvoir

22 contourner le fonctionnement de certaines cours internes, pour ce qui est

23 notamment de leurs compétences. Ce principe de l'infraction grave, qui a

24 vu le jour en 1949 dans les Conventions de Genève, vient condamner les

25 infractions graves. Ce principe ne se base pas tant sur les tribunaux

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1 internationaux que sur ce qui peut être fait au niveau national.

2 Lorsqu'un Tribunal international se penche sur des affaires qui tournent

3 autour d'infractions graves, il ne traite pas en fait de l'article 2

4 commun aux Conventions de Genève. Il doit en fait se pencher sur son

5 propre Statut et non pas tant sur l'article 2 des Conventions de Genève.

6 Comme je l'ai dit, il doit se pencher sur son propre Statut et, dans ce

7 Tribunal-ci, il s'agit de l'article 2 du Statut. Dans ce Statut, il n'est

8 pas fait référence à l'article 2 commun de la Convention de Genève.

9 D'après moi, cela ne devrait pas être le cas de toute façon, parce que cet

10 article est expressément conçu pour contourner la réticence qu'ont

11 certains tribunaux internes à trancher des questions ou des affaires qui

12 portent sur des infractions graves qui se sont produits sur le territoire

13 d'un autre Etat.

14 Ce n'est que lorsque certains critères très spécifiques de l'article 2

15 commun de la Convention de Genève ont été respectés, qu'un Tribunal

16 interne peut s'aventurer dans le domaine de la juridiction et de la

17 compétence universelle. De fait, les tribunaux internes répugnent

18 tellement à entrer dans ce domaine de la juridiction et de la compétence

19 universelle, en dépit d'article 2 commun, que dans ces pays-là, il y a des

20 lois spéciales qui sont votées, par le gouvernement et le parlement, afin

21 que ces tribunaux puissent expressément appliquer cette compétence

22 universelle, dans les circonstances qui l'exigent.

23 Dans l'article 2 du Statut, il n'est pas fait état du concept de conflit

24 armé international, il n'est pas fait état du concept d'Etat indépendant

25 et souverain.

Page 3671

1 D'après moi, la raison pour laquelle un Tribunal international, tel que

2 celui-ci, n'a pas à se poser ce type de question -notamment cette question

3 de la compétence- est qu'il est précisément le produit de la communauté

4 des nations. Le Tribunal n'a pas à se poser la question, lorsque la

5 communauté des nations donne jour à un organe tel que ce Tribunal. Il faut

6 comprendre que, par ce geste, il n'est plus besoin de satisfaire certains

7 critères juridictionnels, tels que l'article 2 commun. Il n'est pas

8 nécessaire de satisfaire ce type de critères, afin de pouvoir avoir

9 compétence dans telle ou telle affaire.

10 M. le Président, cela ne veut pas dire que le caractère international du

11 conflit, n'est pas pertinent ici. Jusqu'à ce que nous puissions affirmer,

12 en toute confiance, que le droit coutumier international, a modifié le

13 champ d'application de la disposition relative aux infractions graves à

14 tel point que ce critère de l'existence du conflit armé international,

15 n'est plus pertinente, jusqu'à ce que cela devienne une réalité, on doit

16 se dire que la caractérisation du conflit, à la fois pour les tribunaux

17 internes et les tribunaux internationaux, est une question d'importance.

18 Mais, il se peut fort bien, M. le Président, que l'importance du caractère

19 international du conflit soit quelque chose qui soit, en fait, de

20 l'intérêt plutôt de la défense, dès lors qu'elle remet en question une

21 compétence qui se base sur l'absence d'un caractère international du

22 conflit.

23 Lorsque l'on est en face d'un acte d'accusation qui accuse tel ou tel

24 individu d'avoir commis des infractions graves, le Tribunal pourrait

25 déclarer, tout simplement, qu'il est compétent en vertu d'article 2 de son

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1 propre Statut. Il y a, dans le Statut et dans le Règlement de procédure et

2 de preuve, un mécanisme qui précise que, c'est la défense qui doit traiter

3 de cette question de la compétence et ce, dès le début de l'affaire. Elle

4 doit prouver qu'il n'y a pas eu conflit armé international et en affirmant

5 qu'il y a pas eu infraction à la disposition relative aux infractions

6 graves, du fait de l'absence du caractère international du conflit. C'est

7 une question qui est traitée lors des premières phases du procès. C'est

8 une question qui est soulevée par la défense et peut-être que c'est, là,

9 la meilleure façon de procéder dans de telles circonstances.

10 Si c'était la conduite communément acceptée et adoptée, les éléments de

11 preuve considérables qui sont apportés, dans le cadre de la preuve de

12 l'existence d'un caractère conflit international, deviendraient inutiles,

13 ils ne seraient plus nécessaires. Il est assez rare que l'accusation

14 commence la présentation de son affaire en déclarant qu'effectivement le

15 Tribunal est compétent pour entendre telle ou telle affaire, parce qu'on

16 part du principe, normalement, que le Tribunal est compétent pour entendre

17 l'affaire. C'est à la défense, si elle le souhaite, de remettre cette

18 compétence en question. En procédant de la sorte, nous nous éloignerions

19 beaucoup de ce qui a été fait jusqu'à présent. Mais après tout, pourquoi

20 ne pas choisir cette nouvelle voie ?

21 Je soulève cette question, car d'après nous, de toute façon, les éléments

22 de preuve que nous avons apportés démontrent qu'il y a eu existence de

23 conflit international armé à Vukovar, le 20 novembre 1991. Cela est

24 prouvé au-delà de tout doute raisonnable. Ce conflit opposait l'Etat de

25 Croatie, reconnut internationalement et l'Etat souverain de Serbie. Ce

Page 3673

1 conflit entre ces deux Etats a été mené par les forces en présence. C'est

2 dans ce cadre que j'avance ce que je viens de dire.

3 L'autre question que je souhaite soulever, M. le Président, sauf si je

4 peux, bien sûr, vous apporter mon aide sur d'autres points de droit, la

5 dernière question, est celle de la détermination de la sentence. Dans le

6 cadre de ma réquisition, tout à l'heure, j'ai soulevé la question des

7 différences de point de vue des différentes approches qui sont favorisées

8 dans tel ou tel système juridique national, dès lors que l'on traite de

9 telle ou telle question. Il pourrait y avoir divergence de vue et

10 d'approche pour ce qui est la détermination de la sentence, également.

11 Généralement, pour ce qui est de la détermination de la sentence,

12 l'accusation ne dit rien, c'est à la Chambre de se prononcer.

13 L'accusation présente son affaire, tous éléments de preuve sont

14 communiqués et généralement l'accusation déclare : "Notre phase de

15 l'affaire est terminée, nous remettons la question de la détermination

16 entre les mains des Juges qui sont les Juges ultimes en la matière".

17 C'est ce qui prévalait dans certaines juridictions mais, récemment, dans

18 telle ou telle juridiction, il y a eu une modification de l'approche

19 adoptée. Il y a très souvent eu acceptation d'une remise en question de la

20 détermination de la sentence qui a pu être faite au niveau du Tribunal qui

21 a entendu l'affaire. Il y appel qui est interjeté pour ce qui est de la

22 détermination de la sentence. Et la loi accepte cela.

23 Les Cours d'appel déclarent, généralement, qu'il ne revient pas à

24 l'accusation de se plaindre d'une sentence qui est manifestement non

25 appropriée vis-à-vis de tel ou tel accusé. La Cour d'appel déclare que

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1 puisque l'accusation n'a rien dit au cours de la procédure de

2 détermination de la sentence et qu'elle n'a pas exprimé ses vues à ce

3 moment-là, elle n'a rien à ajouter au stade ultérieur de la procédure.

4 Monsieur le Président, ce Tribunal se trouve dans une situation où il y a

5 possibilité de faire appel de la sentence. On assume donc, on part de

6 l'idée que l'accusation doit adopter peut-être une approche plus moderne.

7 L'accusation a peut-être le droit de faire des commentaires sur la

8 détermination de la sentence, notamment si l'on prend en compte la lettre

9 de l'article 100 du Règlement de preuve et de procédure qui existe dans ce

10 Tribunal. Cet article prévoit expressément que les deux parties aux procès

11 peuvent faire des commentaires sur la détermination de la sentence.

12 Monsieur le Président, j'ose espérer que les écritures que je vous ai

13 remises vous seront de quelque utilité lors de la détermination de la

14 sentence. Je me tourne maintenant vers mon collègue, M. Williamson, qui va

15 aborder les points de droit.

16 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, Maître Niemann.

17 Maître Williamson, vous avez la parole.

18 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, Madame et

19 Messieurs les Juges, depuis le mois de janvier de cette année, vous avez

20 entendu parler de nombre de conflits. On vous a décrit le conflit qui a vu

21 le jour à Vukovar, vous avez entendu s'exprimer des personnes qui ont eu à

22 vivre les conflits et les combats, qui en ont été les témoins oculaires.

23 Ces personnes ont beaucoup souffert, mais nous avons également entendu

24 parler de personnes qui ont souffert encore plus que ces témoins, qui ont

25 fini par être abattues dans des circonstances tragiques.

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1 Nous n'allons pas nous remettre à discuter de la question du conflit et de

2 qui a commencé à attaquer l'autre. C'est à l'histoire désormais de se

3 prononcer, ce n'est pas à nous de trancher cette question. Je crois qu'il

4 est juste de dire que nombre d'erreurs ont été commises par les deux

5 parties au conflit et que nombre de personnes sont responsables de ce qui

6 s'est passé.

7 Personne ne remettra en question le fait que, en novembre 1991, les Serbes

8 en Croatie n'avaient aucune doléance légitime. Un nouveau gouvernement est

9 arrivé au pouvoir et les Serbes ont vu certains de leurs privilèges leur

10 échapper. Plutôt que le dialogue, ils ont choisi les armes pour régler

11 cette divergence de vues. Dès lors que le conflit a éclaté, il est devenu

12 très facile pour les Serbes d'épouser les vues du gouvernement de

13 Slobodan Milosevic, un gouvernement aussi nationalisme, si ce n'est plus

14 nationaliste que celui qui était en place à Zagreb.

15 Le gouvernement de Milosevic a promis une plus grande Serbie aux Serbes.

16 Cette plus grande Serbie a paru bien plus intéressante aux Serbes que tout

17 accord qui aurait pu être proposé entre la Croatie et la Serbie. Les

18 Serbes se sont dit qu'ils allaient obliger les Croates à se ranger à leurs

19 vues. Les Croates ont fait des erreurs, c'est ce qu'à dit Stipe Mesic, ils

20 n'ont pas essayé de trouver un compromis avec les Serbes.

21 Mais, en fin de compte, ce n'est pas cela qui a abouti à la guerre. En

22 fait, cela a servi de prétexte, cela a servi d'excuse, une excuse qui a

23 permis aux responsables de Knin, de Belgrade, de Vukovar à utiliser la

24 force armée pour atteindre cet objectif d'une plus grande Serbie, ce rêve.

25 Les Serbes n'ont pas essayé d'entrer dans un dialogue avec les Croates

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1 en 1991. Ils se savaient supérieurs en nombre. Alors, pourquoi essayer

2 d'avoir des compromis sur quoi que ce soit, alors qu'ils pouvaient imposer

3 leur volonté et obtenir tout ce qu'ils voulaient ? Ils ont choisi la

4 guerre, non pas parce qu'ils y étaient obligés, mais parce qu'ils étaient

5 sûrs de pouvoir gagner. La population de Vukovar a été la première à

6 essuyer les conséquences de cet acte et a été la première à souffrir.

7 La Croatie et la Slovénie ont déclaré leur indépendance le 5 juin 1991. La

8 JNA est intervenue rapidement contre la Slovénie et, en dix jours, la JNA

9 a déclaré son intention de ramener la Slovénie dans son giron.

10 A cette époque, la troïka de la communauté européenne s'était lancée dans

11 un certain nombre d'initiatives qui visaient à empêcher cette scission de

12 la Yougoslavie. La communauté internationale, la communauté européenne

13 était persuadée que la Yougoslavie avait vécu, que cela en était terminé

14 de la Yougoslavie mais elle voulait tout de même essayé de trouver une

15 solution à ce qui se passait. L'une des composantes de cette stratégie a

16 été de retarder la mise en oeuvre des déclarations d'indépendance de la

17 Croatie et de la Slovénie. Il y a eu un accord sur un moratoire qui devait

18 être introduit sur la mise en oeuvre de cette indépendance. Cette

19 indépendance ne devait être déclarée que cent jours plus tard, vers

20 le 8 octobre.

21 M. Fila (interprétation). - Je n'entends pas l'interprétation serbe. Je ne

22 l'entends pas du tout. Veuillez m'excuser, Maître Williamson de vous

23 interrompre, mais vos propos ne sont pas interprétés vers le serbe. C'est

24 la raison pour laquelle je vous interromps. Excusez-moi, je vous prie.

25 Peut-être pouvez-vous poursuivre maintenant.

Page 3677

1 M. Williamson (interprétation). - Si je suis allé trop vite, je m'en

2 excuse. C'est peut-être le problème mais peut-être y a-t-il eu un problème

3 technique et que l'on peut y remédier.

4 Vous avez entendu Stipe Mesic qui a déposé devant vous. Il a dit que les

5 pays de l'Union européenne ont pris conscience du fait que l'indépendance

6 de la Slovénie et de la Croatie était un fait. Il fallait simplement

7 essayer de faire correspondre la mise en oeuvre de cette indépendance dans

8 le cadre d'une solution générale pour la Yougoslavie.

9 On a donc demandé à ce que cette indépendance et que la concrétisation de

10 celle-ci soient retardées pour des raisons politiques et non pas parce

11 qu'il y avait des obstacles juridiques qui s'y opposaient. Il y a eu donc

12 eu un moratoire de cent jours, la Croatie le 8 octobre 1991 a pris les

13 mesures qui lui permettaient de mettre en oeuvre sa totale indépendance.

14 Au cours de ces cent jours, la garde nationale est devenue l'armée croate.

15 La Croatie a donné une structure à son gouvernement et celui-ci a commencé

16 à travailler de façon totalement indépendante, totalement différente, qui

17 n'avait plus rien à voir avec les organes de l'ex-Yougoslavie fédérale, et

18 qui n'avait plus rien à voir avec ce qui était mis en oeuvre à Belgrade.

19 La Croatie a établi des postes frontières tout le long de ces

20 délimitations territoriales, vis-à-vis de la Slovénie, de la Hongrie et

21 sur les côtes. En tant qu'entité fiable, la Slovénie a cessé d'exister

22 bien avant le 8 octobre 1991, et ce qui l'indique le mieux, c'est qu'il y

23 a eu diminution de la présidence fédérale dans le cadre du règlement des

24 affaires internationales. A l'automne la communauté internationale avait

25 pour interlocuteurs Slobodan Milosevic, Franjo Tudjman et les autres

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1 présidents des républiques.

2 Ce sont eux qui avaient le pouvoir, les membres de la présidence fédérale

3 ont été relégués en marge de toutes les discussions et à l'époque de la

4 dernière conférence de La Haye, ces derniers membres de la présidence

5 fédérale ne prenaient même plus part aux négociations. Beaucoup de choses

6 ont conduit à la destruction de la Yougoslavie. Il y avait d'abord le

7 désir de Slobodan Milosevic de dominer toute la Yougoslavie, et les

8 mesures qu'il a prises à cette fin. Il y a eu le mécontentement de la

9 Croatie et de la Slovénie pour ce qui était de l'organisation financière

10 de la Yougoslavie. Il y avait le désir de toutes ces républiques, désir

11 d'une réelle autonomie. Tous ces facteurs ont conduit à la scission de la

12 Yougoslavie, il était difficile de savoir où était la poule et où était

13 l'œuf.

14 Moi, je suis d'avis que Slobodan Milosevic et la Serbie ont joué un rôle

15 considérable dans le sort réservé à la Yougoslavie. Il y a eu là un rôle

16 bien plus important que celui qui a pu intervenir autrefois entre

17 l'Allemagne et le Vatican. Cela est dû au fait que la Yougoslavie que

18 souhaitait M. Milosevic était une grande Serbie et c'est la Yougoslavie

19 que souhaitait M. Dokmanovic lui aussi. Ce n'était pas une Yougoslavie

20 construite sur les vieilles fondations de la fraternité et de l'unité.

21 C'était une Yougoslavie construite sur la domination serbe, c'était une

22 Yougoslavie que personne ne pouvait accepter. Mais les dirigeants serbes

23 voulaient absolument obtenir ce type de Yougoslavie : la grande Serbie et

24 la JNA a été l'instrument qu'ils ont eu entre leurs mains pour atteindre

25 leur objectif.

Page 3679

1 Si vous essayez de savoir quel était le rôle réel de la JNA, alors

2 regardez ce qui s'est passé au mois de juillet 1991. Après dix jours de

3 combats, il y a eu arrêt des combats par la JNA. En Slovénie, les casernes

4 de la JNA qui s'y trouvaient ont été encerclées. En tous points, la

5 cessation de la Slovénie et la cessation de la Croatie ont été similaires.

6 La Slovénie faisait autant partie de la RSFY que la Croatie. Elles étaient

7 exactement de même nature. Et le départ de la Slovénie par rapport à la

8 Yougoslavie a touché cette dernière exactement de la même façon que le

9 départ de la Croatie. Si la JNA était vraiment en train de se battre pour

10 garder la Yougoslavie en état, alors pourquoi s'est-elle retirée de la

11 Slovénie et pourquoi a-t-elle laissé la Slovénie se débrouiller seule.

12 Les motifs de la JNA sont devenus évidents dès lors qu'ils ont commencé à

13 se retirer de la Slovénie. Ils se sont aperçus à ce moment-là qu'il était

14 impossible pour eux de dire qu'il s'agissait là d'un combat qui visait à

15 maintenir l'unité de la Yougoslavie. C'était un combat pour la Serbie et

16 pour les Serbes. A l'été de 1991, le conflit a progressé, il y a eu des

17 transformations au sein de la JNA et au sein de l'armée qui est devenue de

18 plus en plus dominée par les Serbes. Un corps d'officiers constitué de

19 Serbes et de Monténégrins a été réuni avec des forces armées qui étaient à

20 majorité serbe et monténégrine. Les vieilles idées selon lesquelles

21 l'armée devait refléter la constitution de la population de la Yougoslavie

22 ont été abandonnées. Les Slovènes sont partis, les Croates sont partis,

23 les Bosniens et les Macédoniens ne se rendaient plus à leur poste.

24 Il y avait de terribles manques en hommes et on n'a pu y remédier que par

25 la mobilisation d'unités de défense territoriale serbes et par

Page 3680

1 l'enregistrement forcé de certains groupes paramilitaires serbes, tels que

2 ceux d'Arkan et Tchétchènes. Il y avait des... (inaudible) remplacer par

3 un Serbe. La JNA est devenue l'armée de la Serbie, le pouvoir de l'armée

4 étant passé des organes fédéraux yougoslaves au président, entre les mains

5 du président serbe Slobodan Milosevic. L'ultimatum du 1er octobre 1991

6 lancé par le quartier général de la JNA au gouvernement de la Croatie et

7 au quartier général de l'armée croate, établie clairement qui est en

8 guerre. D'un côté il y a la Croatie et son armée, d'un autre côté, il y a

9 la JNA qui combat aux côtés de ses alliés les Serbes.

10 La guerre est devenue un combat entre la Serbie et la Croatie. Au fur et à

11 mesure des événements, la communauté croate de Slavonie orientale s'est

12 trouvée de plus en plus isolée, le rôle de la JNA a changé dans cette

13 région également. Cela n'a plus été un rôle d'intermédiaire destiné à

14 séparer les combattants, mais le rôle de celui qui choisit de se joindre à

15 l'un des combattants, à savoir les Serbes. Ce faisant, la JNA est devenue

16 l'outil de la création dans la grande Serbie. Elle a d'abord cherché à

17 libérer les villages croates de la municipalité de Vukovar. Il n'est pas

18 tout à fait aisé de déterminer qui libérait qui, mais la JNA s'est

19 efforcée de remplir cette tâche avec beaucoup d'énergie. Ce qui est

20 intéressant, c'est que la JNA parle de libération alors que ce terme doit

21 se traduire par la mort, la destruction et l'expulsion pour les Croates.

22 Les actes de la JNA étaient bien orchestrés, ils ont été exécutés avec un

23 objectif unique qui consistait à expulser les Croates de leurs domiciles

24 dans lesquels ils vivaient depuis des siècles, pour garantir l'accès à ces

25 territoires aux Serbes. Les dirigeants serbes locaux avaient déjà décidé

Page 3681

1 que cette région ferait partie de la Serbie. Dès le 31 mars 1991, une

2 déclaration a concerné la Slavonie Baranja et la Srem occidentale qui

3 étaient annexées à la Serbie par cette déclaration. Une autre déclaration

4 promulguée le 30 août 1991, établissait une constitution de lois et

5 d'autres dispositions légales et stipulait que celles de la Croatie

6 n'étaient plus valables ou en vigueur dans la région. Un gouvernement

7 était établi, dont M. Dokmanovic faisait partie, destiné à établir le

8 gouvernement serbe sur l'ensemble du territoire.

9 Les Serbes s'étaient donc séparés de la Croatie et avaient établi une

10 région qui faisait partie de la Serbie. Les villages croates de Tovarnik

11 et d'autres ont été attaqués, les citoyens ont été tués, torturés et ont

12 dû quitter leur domicile. Un nettoyage ethnique à grande échelle a

13 commencé dans le cadre de cette guerre. La JNA a encerclé des personnes

14 impuissantes, isolé la population de Barska Palanka de ses voisins de

15 l'autre côté de la rivière et supprimé l'accès à l'électricité et aux

16 autres éléments nécessaires à Ilok. Lorsqu'il est devenu évident que la

17 population allait subir la même situation dans les autres villages

18 croates, la JNA a fourni des autobus pour emmener les habitants hors de

19 chez eux et elle l'a fait avec plaisir. Si vous avez le moindre doute

20 quant aux intentions de la JNA dans tous ces évènements, lisez encore

21 l'ultimatum adressé au peuple de Barska dans lequel il est stipulé que si

22 la population n'obéit pas aux exigences de l'armée, ces villages cesseront

23 d'exister sur la carte géographique. Ecoutez également les propos du

24 général Andrija Bjosevic, commandant opérationnel de la JNA pour le

25 théâtre militaire de Vukovar. Ecoutez les propos tenus par les alliés

Page 3682

1 paramilitaires serbes : "nous entourons un village, ils y pénètrent, ils

2 tuent tous ceux qui refusent de se rendre et nous continuons notre

3 chemin".

4 La JNA et ses alliés paramilitaires serbes s'étaient engagés dans une

5 attaque à grande échelle et systématique de la population civile. Ceci est

6 prouvé par les survivants, par les 21 hommes qui ont marché jusqu'à la

7 mort dans une mine à Lovas, par l'occupation de Baranja, par

8 les 1300 corps qui ont été sortis du charnier de Vukovar et par l'ensemble

9 des commandants de la JNA dans la région qui ne cessent de se vanter de

10 cela.

11 Après Ilok, le seul poste isolé pour les Croates était la Slavonie

12 orientale, et donc Vukovar. C'était une région isolée par des centaines de

13 pièces d'artillerie, des chars et des canonnières sur le Danube, ainsi que

14 par 30.000 hommes en armes. A l'intérieur de cette région assiégée, près

15 de 10.000 civils vivaient et 2000 ont tenté de se défendre. Ils ont vécu

16 dans des caves pendant trois mois alors que des milliers d'obus étaient

17 déversés sur leur ville agonisante, mais ils ont continué à tenir. Parmi

18 ceux qui se trouvaient dans la ville, il y avait un certain nombre de

19 Serbes et même des Serbes qui ont combattu, des médecins serbes ont

20 continué à travailler à l'hôpital, à traiter des croates, des médecins

21 croates ont continué à traiter des Serbes, des Croates ont accueilli des

22 Serbes dans leurs abris, ils ont partagé leur nourriture avec eux et comme

23 le professeur Licina, un Serbe, l'a dit dans sa déposition, un soldat

24 croate l'a reconduit lui est sa femme en voiture jusqu'à l'hôpital

25 lorsqu'il a découvert qu'il fallait qu'il y aille.

Page 3683

1 Si vous cherchez ce que la Yougoslavie était censée vouloir dire, quel

2 était le sens du terme "Yougoslavie", vous trouverez tolérance et

3 coexistence, mais j'affirme que l'on y trouve également les lignes de

4 siège à l'intérieur de Vukovar et tout ce que l'armée dite yougoslave à

5 fait dans ses actions lors de cette campagne déterminée de nettoyage

6 ethnique et de meurtres.

7 Vous avez entendu ce que la population de Vukovar a pensé de

8 l'encerclement de la ville. Mi-novembre, les combats étaient pratiquement

9 perdus. Il aurait été possible d'attendre pour cette soi-disant

10 libération. La population de Vukovar a grimpé sur les ruines pour faire

11 face aux conquérants et les conquérants ont rasé la ville afin de la

12 libérer, les conquérants qui savaient qu'il y avait des personnes en face

13 d'eux qui étaient sans défense et totalement à leur merci. La population

14 de Vukovar était terrifiée, elle a cherché à se sauver, à se préserver du

15 meurtre qu'elle était sûre de subir sans la moindre possibilité de se

16 protéger. Les autorités serbes de Vukovar ainsi que de la République serbe

17 de Krajina ne souhaitaient pas que le monde sache ce qui s'est passé. Ils

18 ne souhaitaient pas que le monde sache quelles étaient les bases

19 criminelles de leur acte. Ils n'ont pas souhaité que le monde sache que de

20 jeunes athlètes ont été réduits à l'état de cadavre. Ils ont envoyé

21 200 personnes qui vivaient avec leur famille et leurs amis dans un lieu où

22 ces personnes ont fait face à une tombe isolée et ont trouvé la mort. Il

23 ne peut être contesté que c'est ce qui est finalement arrivé aux victimes

24 dont il a été question dans ce procès dans les circonstances qui ont été

25 décrites.

Page 3684

1 La contestation concerne le fait de savoir qui était responsable de ces

2 crimes et la façon dont ils se sont produits. Quel rôle a joué la JNA,

3 quels rôles ont joué Merksic, Radic et d'autres qui se cachent Serbie et

4 il convient également d'examiner le rôle de Slavko Dokmanovic.

5 Qu'a-t-il fait M. le Président, Madame et MM. les Juges, peut-on prévoir

6 quelle est sa responsabilité ?

7 M. le Président (interprétation). - Je ne veux pas vous interrompre, mais

8 je voudrais savoir combien il vous reste à dire, car nous devons penser

9 aux interprètes il faudrait peut-être lever l'audience quelques instants

10 M. Williamson (interprétation). - J'en aurais encore pour 25 minutes, donc

11 peut-être pourrions nous lever la séance maintenant.

12 M. le Président (interprétation). - Maître Fila, de combien de temps

13 auriez-vous besoin pour votre plaidoirie ?

14 M. Fila (interprétation). - Si je ne traite que des événements qui ont

15 fait l'objet du procès, mais si je dois parler de la personnalité de

16 Milosevic de Tudjman et des autres éléments que nous venons d'entendre

17 dans le réquisitoire, alors il me faudra plus de temps, parce que -je vous

18 en prie- ne me forcez pas à vous dire pourquoi le Tribunal du Rwanda a été

19 créé, l'action jouée par les Etats-Unis d'Amérique, pourquoi ces tribunaux

20 existent, je ne m'intéresse absolument pas ni à Milosevic ni à Tudjman. Ne

21 me contraignez pas à en parler dans mon plaidoyer.

22 M. le Président (interprétation). - Oui, oui tout à fait.

23 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, vous avez l'arrêt d'un

24 Tribunal des Etats-Unis qui a jugé les Rwandais sans remettre un seul

25 Rwandais au Tribunal du Rwanda.

Page 3685

1 Est-ce que maintenant il va falloir que je parle de la personnalité de

2 M. Williamson, de ce Tribunal et de son rôle et des raisons pour

3 lesquelles M. Williamson n'a pas remis l'accusé à d'autres tribunaux ?

4 M. le Président (interprétation). - Oui absolument, je suis d'accord avec

5 vous. Il faut que nous nous tenions au fait de ce procès. Je suis sûr que

6 nous n'allons pas traiter de ces autres éléments, Milosevic et les autres

7 qui n'ont absolument aucune importance et aucune tangibilité par rapport à

8 la nature et à la teneur de nos débats. Je suis persuadé également que

9 M. Williamson va essayer de s'en tenir aux faits qui font l'objet de ce

10 procès.

11 M. Williamson, vous venez de prononcer le nom de M. Dokmanovic. Ce qui

12 nous intéresse c'est de savoir si les charges qui lui sont imputées sont

13 fondées en droit

14 M. Williamson (interprétation). - Monsieur le Président, nous n'avons

15 aucune intention de nous perdre dans des éléments qui n'ont pas de

16 pertinence pour ce Tribunal. Nous n'avons aucune intention d'insulter ni

17 la Serbie ni M. Fila. Mais, le fait est qu'il nous faut traiter le

18 problème du conflit international armé, il nous faut étudier la nature de

19 ce conflit, déterminer s'il y a eu ou non attaque généralisée à grande

20 échelle et systématique contre la population de Vukovar et d'autres. Ce

21 sont des éléments tout à fait pertinents dans ce procès. Et dans cette

22 mesure, il nous faut bien établir ces éléments. Je dis que nous sommes

23 prêts à agir de la sorte et je tiens à assurer M. Fila que nous n'avons

24 absolument fait aucune tentative pour noircir la Serbie ou les Serbes ou

25 M. Fila.

Page 3686

1 M. le Président (interprétation). - Bien sûr, bien sûr.

2 M. Fila (interprétation). - Le Tribunal ne s'intéresse pas aux éléments

3 historiques, mais seulement aux éléments factuels relatifs à ce procès, et

4 nous n'allons pas entrer dans les détails de l'environnement du contexte

5 historique, qui à son intérêt, mais qui n'en a pas dans l'environnement

6 juridique dans lequel nous agissons.

7 M. Fila (interprétation). - Vous avez lu mon document écrit,

8 Monsieur le Président, avez-vous vu le mot Franjo Tudjman ou quoique ce

9 soit concernant la Croatie décrit dans ce document, je n'ai pas dit un mot

10 à ce sujet dans mon document de plaidoirie écrite.

11 M. le Président (interprétation). - Bien sûr, Maître Fila. ce que je

12 voulais savoir c'est si vous pouvez-nous dire de combien de temps vous

13 aurez besoin environ ?

14 M. Fila (interprétation). - Moins d'une heure, c'est certain.

15 M. le Président (interprétation). - Bien.

16 (Les Juges se consultent sur le siège.)

17 Etant donné les engagements déjà acceptés par certains Juges, nous allons

18 lever l'audience pour vingt minutes, puis nous reprendrons jusqu'à

19 12 heures 45, 13 heures. Après quoi, nous reprendrons à 14 heures 30 après

20 une interruption.

21 Maître Fila, je pense donc que vous allez commencer votre plaidoyer à

22 14 heures 30.

23 Pour l'instant, nous levons l'audience.

24 (L'audience, suspendue à 12 heures, est reprise à 12 heures 20.).

25 M. le Président (interprétation). - Maître Williamson ?

Page 3687

1 M. Williamson (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges, observons

2 la transformation de M. Dokmanovic. C'est une personne qui, d'après les

3 récits de beaucoup de gens, était considérée comme un homme digne avant la

4 guerre. Il avait une famille qui l'aimait, il avait également pas mal

5 d'amis. Il était très fier du fait que beaucoup de Croates avaient voté

6 pour lui en 1990 et que, sans eux, il n'aurait pas été élu.

7 C'est, en fait, ce qui rend ses actions ultérieures encore plus sinistres.

8 Ses amis disaient qu'il était un modéré, un homme paisible, mais à quel

9 point Slavko Dokmanovic était-il vraiment modéré ? S'il était vraiment un

10 homme de paix et de réconciliation, pourquoi n'est-il pas perçu ainsi par

11 les Croates ? Il semble que, s'il voulait vraiment leur tendre la main et

12 leur faire passer un message de tolérance et de réconciliation, eux

13 l'auraient su très certainement.

14 Y a-t-il eu un seul témoin cependant qui ne fut pas serbe et qui dit qu'il

15 était modéré ? Non. Les non-Serbes et les membres de la communauté

16 internationale l'ont tous perçu comme un extrémiste. S'agissait-il

17 vraiment d'un grand malentendu ou Slavko Dokmanovic, au moment où l'époque

18 a changé, a-t-il fait et dit des choses qui ont permis aux gens de penser

19 qu'il était devenu un extrémiste, un Serbe radical qui détestait les

20 Croates et qui poursuivait les objectifs de la grande Serbie ?

21 Beaucoup de personnes des deux côtés à Vukovar ont également fait preuve

22 de points de vue extrémistes mais très peu occupaient des postes où leur

23 point de vue pouvait avoir un effet sur les autres. Monsieur Dokmanovic

24 faisait partie de ces quelques personnes car il n'y a aucun doute quant à

25 son rôle sur le plan politique. Il a été le Président de l'assemblée

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1 municipale à partir de 1990.

2 Nous avons vu la législation du district de la Slavonie, de la Baranja et

3 de la Srem occidentale. Nous avons entendu les propos du conseil national

4 serbe. Ils ont écrit que le droit croate ne s'appliquait plus et que le

5 gouvernement croate n'avait plus d'autorité. Ces personnes étaient en

6 lutte armée contre les autorités croates et ils ne reconnaissaient rien de

7 ce que le gouvernement croate leur disait de faire.

8 Cependant, la décision du gouvernement croate visant à retirer

9 M. Dokmanovic de ses fonctions est considérée comme la preuve qu'il

10 n'était plus au pouvoir. Il est vrai que, dans la zone contrôlée de moins

11 en moins par M. Dokmanovic, ce dernier n'était plus le même. Mais, parmi

12 les Serbes qui essayaient de retirer cette zone du contrôle croate, il

13 était toujours véritablement le maire. En effet, la reine Willemina a été

14 forcée de partir en exil pendant l'occupation allemande mais pour les

15 Néerlandais, elle était toujours leur reine. Pour les Serbes dans la

16 municipalité de Vukovar, le contrôle croate de la ville de Vukovar était

17 également perçu comme une occupation illégale, d'où le besoin de la

18 libérer.

19 On ne peut évidemment que spéculer sur les pouvoirs que M. Dokmanovic

20 exerçait parmi les Serbes comme étant leur maire de plein droit pendant

21 cette période, car nous n'en savons rien. Un Etat de guerre se

22 développait, les choses ne fonctionnaient plus comme elles auraient

23 fonctionné en temps de paix. La législation, les réglementations qui

24 gouvernaient le fonctionnement du gouvernement municipal de Vukovar

25 avaient cependant prévu que le maire continue à exercer son pouvoir en

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1 temps de guerre ou dans un état d'urgence. Dans quelle mesure cela s'est-

2 il produit ainsi ? Nous ne pouvons pas le dire, mais nous ne pouvons pas

3 dire non plus d'après les éléments de preuve que M. Dokmanovic a poursuivi

4 son rôle politique au mieux de ses capacités.

5 En août 1991, lorsque le gouvernement du district serbe de la Slavonie, de

6 la Baranja et de la Srem occidentale a été formé, M. Dokmanovic est devenu

7 ministre. Là aussi, c'est un terme qu'il n'a pas voulu utiliser lorsque

8 M. Milner lui a demandé à brûle-pourpoint si c'était son travail. C'est

9 également un terme ses homologues ont utilisé pour le décrire, un terme

10 utilisé également dans la législation du district serbe.

11 Dans son gouvernement, M. Dokmanovic avait le portefeuille de

12 l'agriculture et beaucoup d'efforts ont été faits pour le décrire comme un

13 agronome. Son gouvernement était l'autorité qui avait le pouvoir exécutif

14 sur la région sous contrôle serbe et avait des liens avec les forces

15 serbes, la Défense territoriale et les paramilitaires, ce qu'ils essaient

16 maintenant de nuancer ; ce gouvernement qui n'avait prétendument aucun

17 rôle militaire, qui avait des ministres qui portaient cependant un

18 uniforme militaire, qui recevait des rapports des commandants militaires,

19 qui réglait les problèmes entre la Défense territoriale et la JNA, qui

20 fournissait également les militaires et dont les décisions concernaient

21 les relations entre celui-ci et l'armée.

22 D'après Milan Knezevic, il y avait un accord avec la JNA selon lequel les

23 membres du gouvernement ne seraient pas dans l'armée. Quelle plus grande

24 reconnaissance pouvait-on obtenir de la JNA concernant la primauté de ce

25 gouvernement ? En exemptant ces personnes du service militaire alors que

Page 3690

1 tous les autres étaient obligés de combattre, cela nous montre que la JNA

2 pensait que le gouvernement avait un rôle qu'il devait continuer à

3 effectuer et que même le service militaire en temps de guerre devait être

4 subordonné à ce rôle.

5 Qu'en est-il également de tous les éléments que la défense a présentés

6 selon lesquels M. Dokmanovic n'avait ni pouvoirs ni influence car il était

7 considéré comme un mauvais Serbe, un homme mal perçu dans sa communauté ?

8 Je suis sûr qu'il n'était pas vraiment aimé de certains Serbes. C'est là

9 la nature d'un mandat politique : ceux qui ont un mandat politique ne font

10 pas plaisir à tout le monde à tout moment. Je dirais tout de même devant

11 cette Cour que ces récits ont été exagérés, encore une fois pour essayer

12 de s'adapter à ce qui est acceptable maintenant que les temps ont changé.

13 Parlons encore du gouvernement dont M. Dokmanovic faisait partie, celui du

14 district serbe de Slavonie, Baranja et de Srem occidentale, le

15 gouvernement de Goran Hadzic. Que représentait ce gouvernement ? Il

16 s'agissait d'un gouvernement construit sur la misère et les souffrances de

17 ceux qui n'étaient pas serbes. Un gouvernement qui utilisait la

18 purification ethnique pour s'assurer le territoire sur lequel ils

19 pouvaient gouverner. Un gouvernement qui a affamé les gens pour avoir des

20 territoires supplémentaires après avoir détruit complètement Vukovar.

21 Après le coût horrible de la guerre, les milliers de personnes tuées, la

22 ville en ruines, Goran Hadzic a dit qu'il devait continuer à avancer, les

23 frontières serbes devaient s'élargir encore.

24 Je vous dirai que l'une des choses les plus vraies concernant ce qu'a dit

25 Goran Hadzic devant cette Cour est que les choses n'étaient pas normales à

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1 l'époque. Là, il a complètement raison. Au moins en tout cas aux yeux des

2 Serbes de Vukovar, les choses étaient fort différentes en 1991. En 1991,

3 ils avaient gagné. La Serbie avait prouvé qu'elle avait raison puisqu'elle

4 avait écrasé les Croates. Toute cette rhétorique de la haine et du crime

5 était parfaitement acceptable, c'était le fondement de leur pouvoir qui se

6 trouvait en sécurité au-delà des fils de barbelés et des champs de mines

7 de la mère Serbie.

8 Personne ne pouvait les toucher, ils pouvaient faire tout ce qu'ils

9 voulaient aux Croates. Ils pouvaient franchement tout faire en toute

10 impunité. Ils ne pouvaient imaginer que le pays dont ils avaient rejeté

11 tous les Croates redeviendrait partie de la Croatie. Ils ne pouvaient pas

12 imaginer non plus qu'un jour quelqu'un exhumerait les charniers et qu'un

13 jour une Cour serait créée pour qu'ils se rendent compte. Mais toutes ces

14 choses-là se sont déroulées : les temps ont changé... Les explications

15 fort compliquées et incohérentes que vous avez entendues devant cette Cour

16 concernant ce qu'ils avaient dit et fait, à ce moment-là, sont la

17 confirmation que les temps ont changé. Les paroles et les actes pour

18 lesquels ils ne ressentaient aucune honte en 1991, doivent être expliqués,

19 car cette pensée ne fait que les hanter.

20 Quel fut le rôle de ce gouvernement de M. Goran Hadzic et

21 Slavko Dokmanovic en date du 20 novembre 1991 ? Nous savons qu'il y a eu

22 une réunion à Erdut le 19. Nous avons le rapport de cette réunion et nous

23 savons dans quelle mesure ce qui y fut discuté. Beaucoup de mystères

24 planent encore sur la réunion du 20 à Vukovar. Nous avons entendu diverses

25 raisons pour lesquelles cette réunion a eu lieu, beaucoup sont

Page 3692

1 incohérentes.

2 Je dirai devant vous, Madame et Messieurs les Juges que depuis le matin du

3 20 novembre la JNA a dit que les hommes emmenés de l'hôpital devaient

4 mourir. Le comportement des officiers de la JNA et les déclarations qu'ils

5 ont faites, notamment celle du major Sljivan Canin, corroborent tout cela.

6 Mais lorsque les prisonniers ont été emmenés vers les casernes de la JNA,

7 je suggère que la JNA ne souhaitait pas, en fait, entreprendre seule ces

8 agissements, elle voulait une autorité civile pour donner sa bénédiction

9 aux massacres, comme le font la plupart des armées dans le monde. La JNA

10 souhaitait une sanction officielle de la part d'autorités civiles

11 concernant ses actions.

12 Reprenons la déposition de Stipe Mesic concernant ce qui s'est passé dans

13 la Présidence générale de janvier à octobre 1991, lorsque la JNA a essayé

14 à plusieurs reprises d'obtenir la bénédiction de la Présidence pour ses

15 opérations. Alors que les autobus attendaient aux casernes de la JNA, le

16 major Sljivan Canin a traversé la route vers Velepromet pour obtenir la

17 bénédiction du gouvernement du district serbe concernant la légitimité de

18 leurs crimes. Nous ne savons pas exactement ce qui a été dit à Velepromet

19 ni comment il fut décidé que ces hommes et ces femmes allaient être tués à

20 Ovcara. Nous ne le savons pas, si ce n'est que les participants sont venus

21 dans cette Cour et y ont dit qu'une décision avait été prise de tuer

22 200 personnes.

23 Je vous dis que ce genre d'événement est fort peu probable. Tous ceux qui

24 ont participé à cette décision sont donc acteurs principaux à ce crime et

25 peu de personnes veulent reconnaître leur participation à ces agissements.

Page 3693

1 Les éléments de preuve nous forcent à montrer qu'une décision a été prise

2 à Velepromet. Reprenons toutes les circonstances qui ont entouré cette

3 réunion, et voyons ce qui a suivi.

4 J'aimerais, si vous le voulez bien, me reporter sur certaines pages de

5 l'histoire et établir un parallèle. Ce faisant, je n'essaie pas du tout de

6 faire une équivalence entre les crimes qui ont été commis, mais j'essaie

7 plutôt d'établir un parallèle dans la façon dont les crimes sont

8 planifiés. Regardons la conférence de Vance Oven qui a eu à l'extérieur de

9 Berlin, en janvier 1942. On dit généralement que c'est au cours de cette

10 réunion qu'une décision a été prise, visant à exterminer la population

11 juive de l'Europe. C'est ce que l'on a appelé la "solution finale".

12 Les éléments de preuve dont nous disposons pour cette réunion est un

13 mémorandum qui évoque le transport des juifs et qui déclare que

14 l'utilisation du travail forcé des juifs est un élément crucial est que

15 tous les juifs qui ne pourraient pas travailler seraient traités en

16 conséquence. En lui-même, ce document ne signifie pas grand-chose, mais

17 lorsqu'on le lit à la lumière de ce que nous savons être advenu aux Juifs

18 en Europe, on comprend très bien l'importance de cette réunion. Lorsque ce

19 genre de réunion est tenue, ces réunions qui visent à planifier des

20 crimes, il est très inhabituel que des personnes à l'extérieur du groupe

21 qui prend part cette réunion sachent exactement ce qui s'est passé.

22 Tout groupe de conspirateurs criminels va essayer de maintenir la

23 conspiration secrète. C'est là la nature même des actes de conspiration.

24 Il est très rarement vrai de dire qu'une conspiration est révélée par l'un

25 des conspirateurs qui viole la loi du silence et qui déclare à quelqu'un

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1 d'extérieur au groupe ce qui s'est passé. Le plus souvent, les éléments de

2 preuve qui démontrent qu'il y a eu conspiration deviennent évidents par

3 des actes qui ont eu lieu ultérieurement et qui se produisent par la

4 suite, qui montrent quel a été le champ d'action sur lequel il y a eu

5 accord par les conspirateurs.

6 Regardons maintenant ce qui s'est passé le 19 novembre lors de la réunion

7 d'Erdut. La réunion déclare que la JNA sera placée sous le contrôle du

8 gouvernement. Une réunion prend effet le 20 et nous n'en avons pas le

9 compte rendu de cette réunion. Regardez la présence d'Arkan et de

10 Sljivan Canin à cette réunion. Regardez ce qui s'est passé lorsque les bus

11 ont été réunis à la caserne de la JNA pendant au moins deux heures. Il est

12 évident que la rumeur a circulé et que l'on a commencé à comprendre ce qui

13 se passait. Tout le monde a compris que le gouvernement de l'autre côté de

14 la route était une réunion qui impliquait certains actes. Certainement le

15 major Sljivan Canin a pris un certain nombre de mesures pour cacher ces

16 crimes des observateurs internationaux. Il n'allait pas tout simplement

17 avouer qu'il avait fait certains prisonniers et qu'il les avait détenus

18 dans une certaine installation de la JNA.

19 Sljivan Canin va à Velepromet pour une raison évidente. Le gouvernement se

20 réunit là pour une raison évidente. Subitement, les bus sont rassemblés et

21 sont envoyés à une certaine destination. Pourquoi ces bus attendent-ils ?

22 Pourquoi sont-ils maintenus dans la cour de Velepromet pendant une ou

23 deux heures ? Pourquoi Goran Hadzic quitte-t-il la réunion et y revient à

24 plusieurs reprises ? Nous ne pouvons pas apporter de réponses précises à

25 ces questions parce que nous n'étions pas là et que personne ne peut nous

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1 dire exactement ce qui s'est passé.

2 Nous devons donc nous pencher sur les actes qui se sont produits par la

3 suite, qui sont contemporains par rapport à cette réunion du gouvernement

4 et qui sont également une conséquence de cette réunion. Nous dont nous

5 pencher sur les mots de Goran Hadzic qui déclare, je cite : "La résolution

6 principale a été que les Oustachi détenus que nous avions capturés ne

7 devaient pas quitter le territoire du district serbe de la Slavonie, de la

8 Baranja et de la Srem occidentale". Il déclare qu'il y a eu accord avec

9 les autorités militaires sur ce point.

10 Parlons-nous ici de simples coïncidences ? Ne serait-il pas plus logique

11 de croire Goran Hadzic, de croire ce qu'il dit et de prendre de ce qu'il

12 dit pour ce qui s'est exactement passé ? Au vu de tout ce qui s'est passé,

13 ne convient-il pas de dire que ce qu'il a dit en 1991 constituait bien la

14 vérité et que la version donnée en 1998 était une construction de toutes

15 pièces aux fins de déposition devant ce Tribunal, après que le crime est

16 révélé et que l'un de ses commissionnaires est en prison ?

17 S'il s'agit de coïncidences, alors pourquoi Slavko Dokmanovic refuse-t-il

18 de parler de la réunion du gouvernement à Velepromet ? Regardez son

19 entretien dans l'avion, l'entretien qu'il a donné alors qu'il se trouvait

20 en détention, regardez toutes les possibilités qui lui ont été offertes de

21 dire quelque chose à propos de cette réunion, regardez les questions

22 posées par M. Milner portant sur cette même réunion et sur sa présence à

23 cette réunion. Pourquoi refuse-t-il de répondre ? Même après avoir

24 mentionné le fait qu'il s'est rendu à Velepromet, il refuse de parler des

25 discussions qui se sont tenues lors de cette réunion.

Page 3696

1 Que s'est-il passé à cette réunion qui le pousse à montrer tant de

2 répugnance à se dire membre de ce qui a été dit dans le cadre de cette

3 réunion. Moi, je dis que s'il n'avait pas été nécessaire d'expliquer son

4 absence de la cassette vidéo pendant une heure, alors, rien n'aurait

5 jamais été dit à propos de cette réunion. Une fois que nous avons pu mette

6 à jour que cette réunion avait bien eu lieu cependant, il a été impossible

7 pour la défense de garder sa ligne de conduite, et nous avons réussi à

8 obtenir un certain nombre d'informations.

9 La défense a fait nombre d'efforts pour essayer de caractériser cette

10 réunion et de la faire passer pour quelque chose d'autre. Après cette

11 réunion fatale de Velepromet, que fait Slavko Dokmanovic ? Il se rend au

12 centre de Vukovar, ses compagnons et lui-même se déplacent en centre-

13 ville. Tout ce qu'ils voient, ils le mettent sur le dos des Croates.

14 Lorsqu'ils voient un bâtiment détruit, ils partent du principe qu'il a été

15 détruit par les Croates, lorsqu'ils voient les cadavres, ils se disent

16 automatiquement que ce sont là des victimes serbes tuées par des Croates.

17 Aujourd'hui les témoins déclarent qu'ils n'étaient pas en colère et qu'il

18 ne faisait pas porter la responsabilité par des Croates, mais si vous avez

19 quelques doutes à ce sujet, écoutez, la cassette, écoutez-les injurier les

20 Croates et leur mères Oustachis, écoutez-les sur cette cassette.

21 Je dirai moi, qu'après avoir quitté le centre de Vukovar,

22 Slavko Dokmanovic a décidé de se rendre lui-même à Ovcara. Il se trouvait

23 à Velepromet, il sait ce qui est en train de se passer, le sort qui est

24 réservé à ces hommes. Il sait qu'ils vont tous être tués, il ne peut

25 résister à l'envie de se rendre sur place et de tout voir de ses propres

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1 yeux. On peut comprendre la raison pour laquelle il s'est rendu là-bas, ce

2 maire de Vukovar autrefois orgueilleux et chassé de son poste par les

3 Croates. On peut imaginer l'amertume de ces mois d'exil à Trpjna. Il est

4 toujours reconnu en tant que maire par les Serbes, mais il n'a pas accès à

5 son siège officiel, il n'a pas accès à un mandat au sein du gouvernement

6 parce que celui-ci est occupé par les Oustachis. Vous pouvez imaginer sa

7 haine, sa frustration et sa colère et puis imaginer la colère accumulée au

8 cours de tous ces mois, colère aggravée par ce qu'il peut voir à Vukovar,

9 les cadavres, l'église serbe détruite et tout cela par les Croates. Vous

10 avez entendu son entretien au cours duquel il dit que Vukovar sera à

11 jamais serbe, et qu'il n'y a pas de place pour les Croates.

12 Si vous essayez de comprendre pourquoi Slavko Dokmanovic avait besoin de

13 se rendre à Ovcara, alors regardez plutôt la raison pour laquelle tous les

14 autres Serbes se trouvaient là. Essayez de savoir pourquoi tous ces hommes

15 et ces femmes ont été détenus dans ce hangar pendant plusieurs heures. Il

16 leur aurait été très facile de les tuer en l'espace de quelques heures,

17 mais cela ne suffisait pas, il ne suffisait pas d'abattre des prisonniers

18 sans défense sans arme et de les abattre de sang-froid. En fait Ovcara

19 c'est l'histoire d'une punition, les Serbes avaient gagné, les Croates

20 étaient vaincus, il fallait les battre, les terroriser et les torturer

21 afin qu'ils sachent au moment de leur mort que les Serbes avaient eu

22 raison et qu'eux avait eu tort. Les Serbes voulaient bien leur faire

23 comprendre qu'ils avaient perdu, voulaient les mettre face à cette

24 réalité. Il y avait victoire des lâches sur les plus forts et ils n'ont

25 pas pu résister à l'envie d'enfoncer le couteau dans la plaie de leurs

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1 victimes sans défense.

2 Nous avons entendu deux hommes qui ont survécu à ce jour et qui sont venus

3 dans cette Chambre d'audience et qui ont désigné du doigt

4 Slavko Dokmanovic, et qui lui ont dit : tu y étais... Vous les avez

5 entendu dire comment l'accusé, lorsqu'il a reconnu Emil Cakalic a

6 déclaré : "alors toi aussi tu es là, inspecteur". Il n'a pas pu résister à

7 l'envie de faire partie de tout cela. Il avait besoin lui aussi d'avoir

8 des victimes, il avait besoin de se venger de l'humiliation qu'il avait

9 subie aux mains de la police. Lui, le maire de Vukovar, il fallait qu'ils

10 montrent aux Serbes qui se trouvaient là, qu'il était aussi radical qu'eux

11 l'étaient. Il n'était plus nécessaire d'attendre. La victoire des Serbes

12 était évidente et très claire, cette victoire se basait sur la haine

13 inter-ethnique et sur l'intolérance. Le gouvernement au sein duquel

14 Slavko Dokmanovic avait un poste fonctionnait sur cette base là. Il a

15 voulu montrer qu'il faisait partie de ce gouvernement, qu'il faisait

16 partie d'un gouvernement qui embrassait les idées de haine inter-ethnique

17 et de violence. Il voulait mettre un terme à ces critiques serbes qui

18 disaient qu'il n'était pas suffisamment extrémiste. Après tout, c'était

19 bien facile, il savait que ces hommes allaient être abattus. Comment

20 Slavko Dokmanovic savait-il que ces hommes allaient être abattus ? Il le

21 savait parce qu'il avait été présent à Velepromet lors de la prise de la

22 décision. Même en dehors de cette réunion du gouvernement, tout le monde

23 savait bien à Velepromet ce qui allait se passer, les bus étaient garés en

24 bas de la rue, chacun parle de ce fait. Le témoin D B le sait en tout cas,

25 c'est un fait, c'est un homme qui est en compagnie de M. Dokmanovic ce

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1 jour-là, à Velepromet. On le voit partout sur les images de la séquence

2 vidéo, il va à la caserne pour voir ce qui s'y passe, il y a Cakalic qui

3 se trouve sur le mauvais bus, puis déclare que tous les bus en fait sont

4 de même type, il sait quel est le sort qui sera réservé à ces hommes et

5 tout le monde le sait également, la rumeur s'est diffusée très rapidement.

6 Le témoin Q se trouve dans un autre quartier, et pourtant il en a entendu

7 parler, tout le monde sait que les Oustachis vont être tués. L'un des

8 hommes qui va être battu à mort à Ovcara, Damjan Samardzic apprend à la

9 caserne qu'il va être tué. Tout le monde sait ce qui va se passer, et

10 c'est évident parce qu'avant même, que les bus quittent la caserne de la

11 JNA, il y a des tentatives qui sont faites pour sauver certaines personnes

12 Les bus arrivent à Ovcara, et là encore, il y a des tentatives de sauver

13 quelques miraculés. C'est à ce moment-là que Slavko Dokmanovic se rend à

14 Ovcara et il sait parfaitement ce qui va s'y passer.

15 Que se passe-t-il à Ovcara lorsque Slavko Dokmanovic y arrive ? Il y

16 arrive alors que l'on est en train de faire descendre les prisonniers des

17 bus. Processus assez long. Imaginez six bus remplis d'hommes qui ont dû se

18 garer devant le hangar tout à tour, imaginez ces prisonniers qui ont dû en

19 descendre un par un. On force les prisonniers à courir entre cette haie

20 constituée de soldats de la JNA et de Serbes locaux qui les battent avec

21 leurs poings, avec des matraques, avec des manches de haches et avec leurs

22 bottes. Puis un autre prisonnier descend du bus et est soumis au même

23 traitement et ce processus se répète tout au long de l'après-midi. A

24 l'intérieur du hangar, les prisonniers ne reçoivent aucun secours et n'ont

25 aucun soulagement a leur souffrance puisque les passages à tabac sont

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1 poursuivis dans le hangar. Certains sont battus brutalement, certains à

2 mort. Tout ceci constitue des prémices au massacre qui va avoir lieu ce

3 même soir.

4 Qu'est-ce qui fait du rôle joué par Slavko Dokmanovic à Ovcara quelque

5 chose d'aussi important ? La meilleure réponse à cette question, c'est ce

6 que dit Emil Cakalic lors de sa déposition et rappelez-vous son émotion.

7 Il dit : " j'aurais bien-aimé, aujourd'hui je peux dire que j'aurais bien

8 aimé ne pas le voir sur place, parce que je croyais que c'était un

9 intellectuel, une personne avec qui je m'étais souvent entretenu dans son

10 bureau, je croyais qu'il connaissait toutes ces personnes, et je me

11 demandais, comment peut-il faire tout cela ?

12 La Défense a tenté de faire de Slavko Dokmanovic un homme d'influence, un

13 homme de pouvoir ou plutôt à refusé d'accepter que c'était le cas. Il a

14 été Maire de Vukovar, et aux yeux des Serbes, il a toujours ce poste, il

15 faisait partie du gouvernement régional, il était ministre, il allait

16 redevenir Maire.

17 En vertu de ces mandats politiques, il était au plus haut échelon des

18 autorités civiles de la région. Du fait de son appartenance au district

19 serbe, il faisait partie de l'organe qui coordonnait la défense

20 territoriale au niveau local et qui fait désormais partie des forces qui

21 contrôlent les forces de la JNA dans la région. C'est ce même organe qui,

22 huit jours plus tard va remettre une récompense à Miroljub Vukovic, un

23 commandant d'Ovcara, en le nommant au sein du conseil exécutif qui dirige

24 la ville de Vukovar. En étant présent à Ovcara, en participant aux actes

25 qui ont été perpétrés, M. Dokmanovic a donné sa bénédiction à un

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1 déferlement sadique de violence.

2 Madame et Messieurs les Juges, lorsqu'il faudra prendre une décision dans

3 cette affaire, il faudra regarder ce que vous avez entre les mains. Vous

4 avez d'une part, Emil Cakalic et d'autre part Dragutin Berghoffer. Et puis

5 vous avez de l'autre côté M. Dokmanovic et ses comparses qui l'ont

6 accompagné le 20 novembre 1991. Regardons d'abord M. Dokmanovic et ses

7 comparses. Nous comprenons fort bien quelles sont les motivations de

8 M Dokmanovic, ces motivations qui le poussent à mentir, il veut éviter une

9 condamnation, une sentence de prison et qu'en est-il de ses collègues ?

10 Nous avons entendu parler de beaucoup de personnes qui, apparemment,

11 étaient avec M Dokmanovic le 20 mai. Entre toutes ces personnes, peu

12 étaient avec lui au moment crucial où il est parti vers Ovcara.

13 La majorité des témoins, le témoin DB et le témoin DC, Vojin Susa,

14 Boris Ivaskovic, Viselav Maletic, Ilia Konjarevic, Miloj Vojnovic,

15 Goran Hadzic, Radoslav Zlatic, Miroljub Vujovic et Dusan Nicolovic se sont

16 séparés de Dokmanovic, l'ont quitté après la réunion qui s'est tenue à

17 Velepromet où peut-être un peu plutôt encore, même si certaines personnes

18 disent avoir vu M Dokmanovic un peu plus tard à Orolij Ces témoins ne

19 constituent pas des témoignages d'alibi. Il nous reste Zoran Jevtovic,

20 Jovan Cvetkovic, Vukosav Tomasevic, Neboja Lazarevic et Mirko Drakizic,

21 cinq hommes. Il y a toute une série de raisons pour lesquelles ils ne

22 disent pas nécessairement la vérité. Certains ont peut-être accompagné

23 M Dokmanovic à Ovcara. Lui et Rade Leskovac qui n'ont pas déposé étaient

24 les autochtones.

25 Il est naturel que M Dokmanovic et M. Leskovac souhaitaient se rendre là-

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1 bas et que, dès lors, les autres les suivraient. Après tout, c'était

2 justement quelque chose à voir à Vukovar ce jour-là. Qui aurait voulu

3 manquer cette occasion de voir ces terroristes Oustachi capturés, enfin.

4 De voir les gens dont voir les gens dont ils pensaient qu'ils étaient

5 responsables de toutes les morts et de la destruction ? Qui n'aurait pas

6 voulu voir les monstres capables de tels crimes sous captivité serbe ? Ce

7 n'était pas très loin alors pourquoi ne pas faire le détour pour aller

8 voir ? S'ils s'y sont rendus, pourquoi eux aussi voudraient-ils cacher

9 cette vérité concernant ce qui s'est véritablement passé. Peut-être qu'ils

10 ont menti parce qu'ils voulaient protéger un ami ou peut-être, ils ont

11 menti tout simplement parce qu'ils croient, à tort, que cela peut aider la

12 cause serbe.

13 Peut-être est-ce pour toutes ces raisons combinées, nous n'en savons rien.

14 Il n'en reste pas moins que pour quelque raison que ce soit, nous savons

15 que ces personnes ont menti. Zoran Jevtovic, Jovan Cvetkovic,

16 Vukosav Tomasevic, Nebojsa Lazarevic, Milko Drazilic, et l'accusé lui-

17 même, M Dokmanovic, chacun et tous ont menti concernant le lieu où ils se

18 sont rendus. Tous ont dit qu'à partir du moment où ils ont quitté le

19 centre de Vukovar, ils ne se sont pas arrêtés, ils n'ont pas tourné, ils

20 ont pas changé de direction jusqu'à ce qu'ils se soient arrêtés pour les

21 bus. Nous savons aujourd'hui que c'est impossible, sauf si la cassette

22 vidéo a été faussée. Nous savons qu'ils se sont arrêtés pour les bus à

23 Negoslavski et nous savons aussi que c'est faux. Même Radoslav Zlatic, le

24 chauffeur de Vojin Susa, a été amené dans cette couverture.

25 Car quand on lui a montré cette petite partie de la vidéo, à 15 heures 42,

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1 on lui a dit avec une grande assurance que c'était Negoslavski. Regardez

2 la cassette et regardez si vous voyez quelque chose qui vous permet

3 d'identifier ou cela se trouve. Vous avez entendu la déposition de M. Zuro

4 et les efforts de M. Zlatic concernant les efforts nécessaires pour

5 identifier l'endroit précis où cette séquence avait été filmée. La

6 déposition de M. Zlatic n'est pas crédible, elle n'est pas crédible car

7 c'était faux. Encore une fois. Quel est le sens de leur présence à

8 15 heures 42 là-bas plutôt qu'à Negoslavski ? Le lieu n'a pas tellement

9 d'importance, car nous savons qu'aucun crime n'a été commis là-bas. Ils se

10 sont arrêtés, ils ont filmé quelques bus, des bus qu'ils ont suivis. Et

11 puis, tout d'un coup, ils se sont trouvés devant pour les filmer.

12 C'est un acte soi-disant innocent alors pourquoi mentir à ce sujet ? La

13 nécessité de mentir n'avait rien à voir avec le fait qu'ils cachaient la

14 réalité, qu'ils se trouvent à cet endroit. Cet endroit n'avait pas

15 d'importance. Donc manifestement, il y avait une autre raison pour leur

16 mensonge, quelque chose qu'ils devaient cacher. Il était nécessaire que

17 cet endroit soit transformé en quelque chose qu'il n'était pas et pour y

18 arriver, tous ont dit qu'ils étaient à Negoslavski. En effet, car si

19 c'était le cas, cela les aurait mis au-delà du tournant vers Ovcara et

20 M. Dokmanovic se serait trouvé là avec eux puisqu'ils ont déposé que

21 c'était de sa voix qu'il s'agissait. Ceci était fait pour créer un alibi

22 au moment où M. Dokmanovic en avait véritablement besoin, au moment où lui

23 et ses comparses quittaient Vukovar et se rapprochaient d'Ovcara.

24 Cela n'aurait pas été concluant, en aucune manière, mais cela aurait en

25 fait soutenu son histoire. Cependant, ils se sont fait prendre, ils ont

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1 menti sur le lieu où ils se sont rendus. Un alibi est un moyen de défense

2 qui précise que quelqu'un n'aurait pu commettre un crime, car cette

3 personne se trouvait ailleurs. En l'absence d'éléments de preuve

4 indépendants, un alibi est basé uniquement sur la crédibilité des témoins.

5 En l'occurrence, chacun de ces témoins qui avait fourni un alibi à

6 M. Dokmanovic et celui-ci même s'est avéré avoir menti. Je prétends donc

7 que, s'ils ont menti sur ce point crucial ils l'ont fait pour une bonne

8 raison et qu'il est donc utile que vous ne teniez pas compte de tout ce

9 qu'ils ont dit dans leur témoignage qui ne pourrait être prouvé de manière

10 indépendante.

11 Reprenons par exemple Berghoffer et Cakalic. Quelles raisons avaient-ils

12 de mentir ? Ils avaient échappé à la mort de justesse. Chacun autour

13 d'eux, avait été assassiné de manière brutale, eux aussi avaient été

14 passés à tabac. Pourquoi auraient-ils voulu accuser de ce crime quelqu'un

15 qui n'était pas là, si ce n'est les auteurs véritables ? S'ils voulaient

16 accuser des serbes, pourquoi Dokmanovic ? Pourquoi prendre ce pauvre

17 Slavko, pourquoi lui ? S'il s'agissait de tenir pour responsable les

18 mauvais serbes, pourquoi ne pas identifier Goran Hadzic, pourquoi pas

19 Susa, pourquoi pas Arkan ? Berghoffer et Cakalic venaient de Vukovar. Bien

20 sûr, ils connaissaient qui ces serbes extrémistes étaient. Pourquoi n'ont-

21 ils pas cité toutes ces personnes comme étant présentes là-bas ? Pourquoi

22 choisir Dokmanovic ?

23 D'après le récit de tout le monde, ils s'entendaient bien, il n'y avait

24 pas de désaccord, ni de combat entre eux. Il est clair que les témoins de

25 la défense avaient des raisons de mentir et il est clair qu'ils l'ont

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1 fait. Emil Cakalic et Dragutin Berghoffer n'avaient rien à gagner en

2 identifiant quelqu'un qui se trouvait à Ovcara, mais qui n'y était pas.

3 Ils ont identifié Dokmanovic pour une raison, une seule raison, car en

4 fait, il y était. Ils l'ont fait de leur propre chef dans des interviews

5 séparées. Il y a des années. Ils ont authentifié Dokmanovic à une époque

6 où le Procureur n'avait même jamais entendu parler de lui.

7 S'il s'agissait d'une conspiration pour attraper Dokmanovic, pourquoi ne

8 pas faire les choses correctement ? Et le faire pour toutes les personnes

9 qui ont du sang sur les mains. En fait, il n'y avait pas de grande

10 conspiration. Il n'y a pas eu d'histoire fabriquée. Il n'y a que la

11 vérité, une vérité triste qui est que Dokmanovic, un homme ayant une

12 famille, de bons amis, un homme ayant une belle éducation, un homme qui a

13 été élu maire a choisi de suivre la voix de la haine et de la violence

14 plutôt que celle de la tolérance et de la conspiration.

15 C'est étonnant quand vous entendez la défense, on n'a parfois l'impression

16 que les deux cents personnes abattues à Ovcara étaient des Serbes, que les

17 treize personnes exhumées à Vukovar étaient des Serbes et que toutes les

18 maisons détruites à Vukovar étaient celles des Serbes, que les hommes qui

19 ont marché dans le champ de fils à Lova, c'étaient des Serbes, que ceux

20 qui étaient emmenés d'Ilok à Vukovar étaient des Serbes.

21 On a cette impression car, tout ce que l'on entend de la part des témoins

22 à décharge, combien les Serbes étaient les victimes et les Croates étaient

23 responsables. Mais, quelqu'un a tué toutes ces personnes, quelqu'un a

24 détruit toutes ces maisons, quelqu'un a forcé ces milliers de personnes à

25 quitter leur maison. Il ne s'agissait pas d'une force mystérieuse qui

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1 provenait d'une autre planète. Il s'agissait de leurs voisins, de l'armée,

2 du gouvernement de Goran Hadzic et de Slavko Dokmanovic. Toutes ces choses

3 horribles se sont produites pour les Croates de Vukovar. Et peu importe si

4 Dokmanovic essaie de rationaliser les choses, c'était quelque chose pour

5 lequel ils ont eu tort.

6 La défense nous a montré tout une histoire révisionniste qui a essayé

7 d'effacer l'aspect négatif de Dokmanovic ; un aspect qui n'est pas

8 acceptable en dehors du monde rempli de haine de Vukovar La Serbe.

9 Tout le monde a dit que cela avait été fait en 1991, mais qui devait être

10 nettoyé parce que la haine et la violence étaient exposées à la lumière du

11 jour, aujourd'hui, pour ceux qui n'acceptent pas que c'est acceptable

12 parce que les choses étaient différentes à l'époque. Aujourd'hui, nous

13 sommes en 1998, ils vous disent que ce qu'ils ont dit lors d'interview

14 télévisées, dans les P.V. des réunions de gouvernements et dans les lois

15 qu'ils ont votées, n'est pas ce que cela semble être. Ils vous disent ce

16 que le sens véritable de ces paroles n'était pas le vrai. Mais, que pour

17 une raison assez tirée par les cheveux, il était nécessaire de dire cela

18 ou d'exprimer les choses de la sorte.

19 Cependant, nous savons ce qui s'est passé. Nous savons que les choses

20 qu'ils ont dites sont venues aux grands jours, les documents, les

21 interviews vidéos et les lois correspondent à ce que nous savons qui s'est

22 produit, non pas la version expurgée qui nous a été présentée en disant

23 que les choses étaient différentes. Ce qui ne correspond pas au récit

24 présenté par la défense. Il ne faut pas appeler M. Dokmanovic, le maire,

25 il était le Président, ne l'appelez pas ministre, il était un expert en

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1 agriculture. Il n'y a pas eu de réunions au Velepromet seulement une

2 petite assemblée informelle. Il n'était pas fâché contre les Croates. Il

3 était simplement perturbé. Il était un homme paisible et un modéré. Il ne

4 s'est jamais rendu dans les camps de prisonniers de Serbie en uniforme, il

5 était un simple civil.

6 Mais, les faits sont là. Les cadavres sont là. Les familles en deuil sont

7 là. Toute cette histoire révisionniste que la défense présente ne pourra

8 rien y changer. Les fils barbelés et les champs de mine ne protègent plus

9 M. Dokmanovic du monde extérieur. L'heure est venue pour lui de rendre

10 compte de ce qu'il a fait.

11 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie. Nous allons lever

12 l'audience et nous reprendrons à 14 heures 30 précises

13 (L'audience suspendue à 12 heures 51 est reprise à 14 heures 30.)

14 M. le Président (interprétation). - Maître Fila ?

15 M. Fila (interprétation). - Excusez-moi...

16 M. Niemann (interprétation). - Excusez-moi Monsieur le Président.

17 M. le Président (interprétation). - Excusez-moi, je ne vous avais pas vu.

18 M. Niemann (interprétation). - Je voudrais simplement remettre aux Juges,

19 M. Fila en a déjà un exemplaire, un document qui établit la liste des

20 références par rapport aux chefs d'accusation. Cela peut peut-être vous

21 aider Monsieur le Président, Madame et MM. les Juges.

22 M. le Président (interprétation). - Avez-vous une cote pour ce document

23 M. le Greffier ?

24 M. le Bos (interprétation). - Ce sera la cote 267.

25 M. le Président (interprétation). - Maître M. Fila ?

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1 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, avant que je ne

2 commence à prononcer ma plaidoirie, j'ai un devoir à remplir à votre

3 égard. Je tiens à vous rappeler que vous m'avez reproché,

4 Monsieur le Président, d'avoir à un certain moment reproché au Tribunal

5 des jugements trop lents. C'était sous la présidence de Mme Mc Donald et

6 j'avais promis à l'époque que j'allais présenter mes excuses au Tribunal,

7 ce que je fais aujourd'hui.

8 Maintenant, permettez-moi de m'adresser aux membres de la Chambre de

9 première instance, et à mes collègues de l'accusation. Je voudrais d'abord

10 rappeler la remarque faite par M. Niemann s'agissant du fait qu'il était

11 confirmé qu'il existait un conflit armé international. Je ne dirai pas que

12 la proposition de M. Niemann n'est pas intéressante, qu'il n'est pas

13 intéressant de débattre préalablement, à la suite de nos travaux, de cette

14 question et je pense qu'à l'avenir il pourrait être intéressant d'établir

15 une règle selon laquelle dans les mémoires préalables aux procès à venir,

16 cette question sera discutée, à savoir l'existence ou non d'un conflit

17 armé international. Mais il est bien entendu que la charge de la preuve

18 repose sur la défense puisque dans tous les procès, la charge de la preuve

19 incombe à la défense. Mais le problème pourrait être résolu beaucoup plus

20 rapidement et beaucoup plus efficacement selon la procédure proposée par

21 M. Niemann qui a mon avis a donc raison.

22 Avant d'entrer dans le vif du sujet j'ai en une autre remarque à formuler.

23 Je ne vais pas utiliser de mots complexes, de mots pénibles tel que le mot

24 mensonge, je ne dirai pas que les témoins ont menti, je ne pense pas que

25 ce sont des mots qui sont dignes de ce Tribunal. De même, la défense n'a

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1 jamais affirmé que des Serbes avaient été tués à Ovcara, que des maisons

2 serbes avaient été détruites à Vukovar, que les 1200 cadavres qui ont été

3 découverts récemment sont des cadavres serbes. Je n'ai pas affirmé qu'à

4 Pakracka Poljana, les victimes étaient serbes, bien qu'elles le soient et

5 non Croates, je n'ai jamais affirmé que les crimes poursuivis par ce

6 Tribunal ont été commis par des Serbes, des Croates ou des Musulmans.

7 Les Conventions de Genève qui ont permis la création de ce Tribunal où

8 nous nous trouvons aujourd'hui, indiquent selon moi, et je pense qu'elles

9 l'indiquent selon toute personne honnête, qu'il s'agit ici de crimes

10 commis par des êtres non humains contre des êtres humains. Il s'agit

11 d'atrocités subies par des êtres humains, il ne s'agit pas d'atrocités

12 commises pas des Serbes contre des Croates ou par des Croates contre des

13 Serbes. Il n'existe pas de peuple condamnable, il n'existe que des

14 individus condamnables. Je n'ai pas non plus affirmé qu'à Milaï ce sont

15 des Américains qui ont tué des Vietnamiens, nous n'avons jamais utilisé

16 cet élément de base pour prouver que ce Tribunal doit enfermer à domicile

17 une personne pendant trois ans si elle a tué 300 personnes. Je n'ai jamais

18 dit que des crimes de guerre ont été commis par les Américains au Vietnam.

19 Ce sont des individus qui ont commis des crimes de guerre contre une

20 nation, il est donc impossible de m'imputer un esprit révisionniste par

21 rapport à l'histoire. Simplement, je ne souhaite pas faire de distinction

22 entre un peuple et un autre. Souvenez-vous que j'ai exprimé, présenté des

23 condoléances à toutes les victimes de Vukovar. Je n'ai pas eu un mot pour

24 justifier les actes commis par ceux qui les ont commis, quelle que soit

25 leur identité. Je n'ai pas parlé d'Oustachis, je n'ai pas parlé de

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1 combattants, j'ai parlé d'êtres humains et les êtres humains ont droit à

2 être jugés au cours d'un procès. Voilà ce que je voulais dire au sujet des

3 termes, des mots utilisés ici ce matin. Si vous me le permettez, je

4 voudrais maintenant passer à des arguments juridiques.

5 La défense a fourni sa plaidoirie par écrit à la Chambre de première

6 instance, et ce que je vais me contenter de faire en ce moment, c'est

7 simplement fournir quelques explications à l'appui de ce que je pense.

8 L'article 1 du Statut du Tribunal est un élément de base. Il est question

9 ici de violation grave du droit humanitaire international, je répète

10 violation grave et puisque c'est la responsabilité individuelle qui est

11 recherchée, puisque le Tribunal poursuit des individus après avoir chargé

12 de cette responsabilité le Procureur, il s'agit de prouver que des

13 individus ont commis des violations graves du droit humanitaire

14 international. La défense estime que cela ne peut pas être reproché à

15 Slavko Dokmanovic.

16 Les deux membres du Bureau du Procureur qui ont parlé ce matin n'ont pas

17 déterminé avec précision le moment où M. Dokmanovic se serait trouvé à

18 Ovcara, ni pendant combien de temps il s'y serait trouvé, ni quel uniforme

19 il portait à ce moment, ni ce qu'il y aurait fait exactement. Compte tenu

20 de tout cela, la seule conclusion que je peux tirer c'est que les membres

21 du Bureau du Procureur ont accepté la déposition de M. Cakalic quant au

22 fait que Slavko Dokmanovic se serait trouvé sur les lieux pendant deux à

23 cinq minutes. Autrement dit, ce sur quoi cette Chambre de première

24 instance est appelée à juger dure deux minutes, je dis bien deux minutes.

25 Si je me souviens bien, la bombe d'Hiroshima qui a été lancée au nom de la

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1 démocratie et de la restauration de la démocratie au Japon a également

2 duré une à deux minutes.

3 Quatre lieux ont pertinence dans le procès qui nous intéresse : l'hôpital,

4 la caserne, le hangar d'Ovcara et le lieux où les victimes, les personnes

5 ont été exécutées. Dans trois de ces quatre lieux, à savoir l'hôpital, la

6 caserne de la JNA et le lieu de l'exécution, l'accusation admet que

7 M. Dokmanovic ne s'y trouvait pas. Eu égard au quatrième lieu, à savoir le

8 hangar d'Ovcara, le Procureur affirme que Slavko Dokmanovic s'y serait

9 trouvé mais pendant un temps très court, plus précisément deux à

10 cinq minutes. Des mots très lourds ont été utilisés : les mots "mensonge"

11 et "absence de vérité".

12 Je n'utiliserai pas des termes de ce genre mais je vais m'appuyer sur des

13 éléments historiques qui permettront de prouver ce qu'a fait M. Dokmanovic

14 depuis le premier acte d'accusation pour lequel le Juge de confirmation a

15 obtenu la possibilité de confirmer cet acte d'accusation. Je ne dirais pas

16 que cela a été fait par un abus du droit du Procureur, mais je vous

17 montrerai qu'il y a une différence entre l'acte d'accusation à raison

18 duquel M. Dokmanovic a été arrêté et ce que le Procureur a affirmé

19 aujourd'hui.

20 Or, ce ne sont pas des amis des témoins qui mentent, ce ne sont pas des

21 membres de la population de Krajina ou d'ailleurs, ce sont donc des

22 personnes qui ont pour obligation de dire la vérité, M. Niemann l'a

23 déclaré ce matin. Il a déclaré que c'était le devoir du Procureur de dire

24 la vérité. Qu'a dit le Procureur au moment où, conformément à

25 l'article 61, l'acte d'accusation a été rédigé à l'encontre de

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1 trois officiers ? Comparez ses propos avec ceux qui ont été prononcés ce

2 matin. Quand le Procureur a-t-il déclaré que la décision d'assassinat

3 avait été prise ? Il a été dit que cette décision avait été prise à

4 l'hôpital. Sljivan Canin aurait déclaré : "Ce soir, ils ne seront plus

5 vivants". Cela aurait été dit le matin, or la séance du gouvernement a

6 lieu à 14 heures. Or M. Williamson déclare que c'est à ce moment-là que la

7 décision de tuer a été prise.

8 Si un jour vous jugez ces officiers, allons-nous entendre encore une

9 nouvelle version ? Car, en vertu de l'article 61, lisez-le attentivement,

10 vous y trouverez trois choses importantes : d'abord ce qu'a dit

11 Sljivan Canin, ensuite que le général Murcic était présent dans le hangar

12 d'Ovcara et, troisièmement, qu'une unité de la JNA a utilisé des

13 bulldozers et a été présente quelques jours auparavant sur les lieux avec

14 ces bulldozers et que ce sont ces bulldozers qui ont enterré ces victimes.

15 C'est ce qui est dit au point 61 de l'acte d'accusation.

16 Et nous, qu'avons-nous entendu contre Slavko Dokmanovic ? Je vais vous

17 donner lecture d'un passage très court, si vous me le permettez. Le

18 premier acte d'accusation en vertu duquel le mandat d'arrêt a été obtenu

19 de force, dirais-je, le nom de Dokmanovic n'est jamais cité dans les

20 trois lieux où il est question des trois officiers. Si cela est justifié

21 ou pas, il vous appartient de le déterminer. Mais après l'arrestation de

22 Dokmanovic qui encore une fois, je le répète, était attendue longtemps, de

23 nombreuses années, après son arrestation on a une modification de l'acte

24 d'accusation et ce, sans addition d'un seul élément de preuve

25 supplémentaire.

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1 Pourquoi ? Sinon parce que le premier acte d'accusation était nécessaire,

2 simplement pour rédiger le mandat d'arrêt bien que, déjà à l'époque, le

3 Procureur savait que Dokmanovic ne s'était trouvé ni à l'hôpital ni à la

4 caserne de la JNA ni au lieu d'exécution. Car, immédiatement, on a une

5 modification de l'acte d'accusation. Vous avez un nouvel acte d'accusation

6 aujourd'hui sous les yeux et, du rang d'auteur qui a le même statut que

7 les trois autres accusés -Sljivan Canin, Murcic et Radic- et qui aurait

8 été considéré comme un auteur sur un pied d'égalité avec eux, il devient

9 quelqu'un qui a aidé et encouragé. Il y a donc changement. Maître Niemann

10 a bien affirmé ce matin que le Procureur avait pour devoir de dire la

11 vérité et M. Williamson a déclaré ne rien avoir de personnel contre

12 M. Dokmanovic. Mais tout cela est contredit par l'acte d'accusation.

13 Le 26 mars 1996, l'acte d'accusation affirme donc : "La JNA et les soldats

14 serbes paramilitaires, sous le commandement ou la supervision de Mucic,

15 Radic, Sljivan Canin et Dokmanovic" et dans l'acte d'accusation amendé du

16 2 décembre 1997, nous lisons : "La JNA et les soldats paramilitaires

17 serbes aidés et encouragés par Slavko Dokmanovic et sous le commandement

18 ou la supervision de Murcic, Sljivan Canin et Radic". Il est, donc,

19 question, là, de commandement ou de supervision.

20 Dans le mémoire préalable au procès le 15 novembre 1997, nous lisons dans

21 la traduction serbe en page 8 : "Les moniteurs internationaux ont dû être

22 trompés... Les autobus ont dû être organisées... Des soldats appropriés et

23 volontaires ont dû être trouvés... Les bulldozers ont dû être mis à

24 disposition pour creuser le charnier et le refermer ensuite... Un site

25 d'exécution a dû être trouvé, c'était vital, il était vital qu'il y ait

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1 pleine coopération entre les militaires et les paramilitaires et les

2 autorités civiles serbes..."

3 En page 9 de la traduction serbe nous lisons : "C'est l'accusé,

4 Slavko Dokmanovic, qui a aidé à la dernière partie de l'opération

5 commencée à l'hôpital qui s'est achevée à Ovcara. Il n'a pas seulement

6 réussi à fournir des renseignements au sujet du site mais il a également

7 exercé un rôle de dirigeant dans la commission des crimes qui ont été

8 perpétrés dans la ferme d'Ovcara."

9 Dans la version écrite de la déclaration liminaire, nous lisons page 16 du

10 texte anglais : "Les témoins placent Dokmanovic en des lieux clés et

11 l'identifient comme ayant joué un rôle clés dans les passages à tabac

12 d'Ovcara, dans les événements qui ont conduit aux massacres, démontrant sa

13 participation à ces crimes, tant directe qu'indirecte."

14 En page 18 du texte anglais nous lisons : "L'accusé est pénalement

15 responsable de n'avoir pas empêché ou arrêté les passages à tabac et les

16 massacres d'Ovcara alors qu'il était en mesure de le faire parce qu'il

17 exerçait le pouvoir sur des gens qui ont participé à la commission de ces

18 passages à tabac et de ces homicides."

19 Page 18 du texte anglais, nous lisons : "Ce qui est essentiel, c'est que

20 quelqu'un qui avait un poste d'autorité sur d'autres qui étaient sur le

21 point de commettre certains actes, les empêche de commettre ces actes ou

22 les punit pour les avoir commis une fois que ces actes ont été commis. Le

23 Procureur prouvera que l'accusé n'a pas rempli cette obligation."

24 En page 19 du texte anglais nous lisons : "Premièrement, le Procureur doit

25 prouver que l'accusé avait une position de supérieur hiérarchique,

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1 deuxièmement qu'il connaissait les crimes qui devaient se dérouler ou

2 s'étaient déroulés, troisièmement qu'il n'a pas pris les mesures

3 nécessaires pour empêcher ces crimes ou punir les auteurs de ces crimes."

4 Dans la déclaration liminaire réellement prononcée le 19 janvier 1998 nous

5 lisons, page 44, ligne 14 du compte rendu : "Il avait travaillé à Ovcara,

6 il connaissait très bien la ferme". Page 45, ligne 5 du compte rendu : "Au

7 cours de la guerre, de nombreux Serbes le considéraient comme leur

8 président". L'accusé aurait donc été présent pendant ces passages à tabac

9 qui ont duré une période longue, j'insiste une période longue.

10 Ensuite, page 57, ligne 12 du compte rendu nous lisons : "L'accusé était

11 présent pendant que ces hommes étaient sauvés, l'accusé était présent lors

12 des derniers préparatifs de l'exécution" et, devant la Chambre de première

13 instance, le Procureur a déclaré page 121, ligne 4 du compte rendu : "La

14 preuve apportée par les témoins d'Ilok qui ont vu l'accusé agir dans ses

15 fonctions officielles avec les membres de la JNA est pertinente et

16 admissible à notre avis par rapport à la question de savoir quel acte a

17 été accompli par la suite, pendant une brève période à Ovcara."

18 Nous lisons également : "Dokmanovic n'était membre ni de la JNA ni d'une

19 formation paramilitaire, il était ailleurs tout simplement."

20 Si le Procureur défendait l'acte d'accusation que nous avons devant nous

21 en ce moment, qui porte donc sur deux minutes, l'acte d'accusation soumis

22 au Juge Riad, la signature aurait-elle été apportée sur le mandat

23 d'arrêt ? C'est un problème juridique et moral qui se pose ici, qui est

24 posé aux membres de la Chambre de première instance.

25 La défense estime que cela n'aurait pas été le cas. Nous estimons que le

Page 3716

1 Tribunal ne doit pas avoir compétence pour juger M. Dokmanovic parce qu'il

2 est impossible d'estimer sérieusement qu'il y a eu violation grave du

3 droit humanitaire international de sa part.

4 Je devrais peut-être consacrer un instant à expliquer ce que je pense à ce

5 sujet. Les événements d'Ovcara -et je le répète alors que je l'ai déjà dit

6 à plusieurs reprises- constituent un massacre. C'est quelque chose

7 d'injustifiable, c'est un événement sur lequel le Tribunal a compétence

8 car il a compétence sur des événements de cette nature. Mais, vous savez

9 très bien que dans notre système juridique et dans votre système

10 juridique, il existe un rapport mental entre un homme et l'acte accompli

11 par cet homme. Je lis dans l'affaire Tadic des références au droit

12 coutumier australien. Je sais que mon système juridique ne s'applique pas,

13 ici. Mais mon système juridique a établi un code au XIV ème siècle qui est

14 probablement tout aussi valable que le droit coutumier australien, que la

15 jurisprudence australienne quant à la nécessité de déterminer la

16 participation d'une personne à la commission d'un acte.

17 Nous parlons de deux minutes, c'est là, la deuxième partie de mon

18 argumentation et j'y arrive, à savoir la nécessité de prouver que la

19 conduite d'une personne correspond à une violation grave du droit

20 humanitaire international. Ce qui qu'est important comme cela l'a été dans

21 les procès de Nuremberg qui sont cités ici depuis le début de nos travaux,

22 c'est l'existence de cette règle sacro-sainte du nullum timen sine lege.

23 Cette règle ne peut pas être appliquée uniquement de temps en temps, mais

24 certains états ne sont pas prêts à mon avis à l'appliquer et ce n'est pas

25 simplement mon avis. Ils ne sont pas prêts à autoriser ce Tribunal à créer

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1 de nouveaux délits pénaux. Ce Tribunal ne peut qu'appliquer les règles du

2 droit international existant, qui, sans aucun doute, sont une des parties

3 du droit pénal coutumier. Si le Statut des Nations Unies a souhaité créer

4 ce Tribunal, ce n'est pas pour créer de nouveaux délits criminels, de

5 nouveaux délits pénaux ni pour appliquer la jurisprudence australienne.

6 C'est donc la décision prise dans l'affaire Tadic qui nous le prouve à

7 l'envi, et je tenais à le souligner.

8 Maintenant nous avons un autre point à discuter, à savoir la notion de

9 responsabilité individuelle. L'article 7-3 et 7-1 du Statut du Tribunal

10 s'appliquent à cet égard. Dans le paragraphe 26 de l'acte d'accusation, le

11 Procureur accuse M. Dokmanovic de responsabilité individuelle en vertu de

12 ses responsabilités de commandement et conformément aux deux sous-

13 paragraphes de cet article. La défense elle, distingue entre les deux

14 dispositions de l'article en question du statut du Tribunal. L'article 7-1

15 concerne la responsabilité individuelle et l'article 73, la responsabilité

16 hiérarchique. Du point de vue de la défense, l'article 7-1, pénalise les

17 actions entreprises directement par l'accusé ou commises par l'accusé.

18 C'est-à-dire qu'il s'agit là de quelque chose d'actif, de quelque chose

19 qui a été fait, et l'article 7- 3 établit une responsabilité pour une

20 omission, pour le fait de ne pas avoir agi, ne pas avoir empêché les actes

21 ou les auteurs de ces actes.

22 Concernant la responsabilité individuelle de M. Dokmanovic, nous avons

23 deux déclarations de témoins de l'accusation et c'est là que nous arrivons

24 à l'article 7-1 du statut. Dans le paragraphe 25 de l'acte d'accusation

25 amendé, et dans le paragraphe 28 de cet acte d'accusation, nous entendons

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1 parler de quelqu'un qui aurait aidé et encouragé. La défense prétend qu'il

2 est prouvé que le 20 novembre 1991, M. Dokmanovic n'était pas présent dans

3 l'un quelconque des lieux mentionnés dans l'acte d'accusation amendé, et

4 vous constaterez qu'il ne pouvait pas s'y trouver. Il n'y a pas

5 responsabilité individuelle dans le sens de l'article 7-.1 Ce qui est

6 important c'est le principe déclaré dans votre déclaration liminaire et

7 donc nous affirmons qu'il y a eu quelques variations à ce sujet, quant aux

8 déclarations fournies par Berghoffer et Cakalic. Je n'ai jamais utilisé le

9 mot de mensonge pour parler de leur déposition, je n'ai jamais dit que

10 Berghoffer et Cakalic étaient des menteurs, j'ai simplement essayé de

11 prouver de quelle façon on en était arrivé à des versions un peu

12 différentes de leur déposition.

13 Tout d'abord la question est de savoir si la personne... D'abord, il

14 s'agirait de savoir s'ils ont vu cette personne, il faudrait savoir

15 également quel était le comportement de cette personne et d'autre part ce

16 comportement remplit-il certains critères qui permettent à ce Tribunal

17 d'exercer sa compétence.

18 Je répéterai encore et toujours que les Nations Unies n'ont pas mis sur

19 pied ce Tribunal pour lui permettre de traiter de délits mineurs. Si nous

20 citons Mathausen, et le procès de Nuremberg, nous parlons de tribunaux de

21 très haute instance, nous parlons d'affaires retentissantes, nous parlons

22 d'un Tribunal de très haut degré de juridiction, qui traite d'infractions

23 particulièrement graves et de violations particulièrement graves, et nous

24 parlons d'un Tribunal qui juge des auteurs de crimes graves. Par

25 conséquent le comportement de cette personne quelle qu'elle soit, cette

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1 personne dont il a été dit par Berghoffer et Cakalic, qu'il l'avait vu

2 perpétrer certains actes, ce comportement ne constitue pas des infractions

3 graves du droit coutumier international, le comportement qualifié par ces

4 deux témoins. Je répète : je parle de l'affirmation du bureau du Procureur

5 selon laquelle, le fait d'être présent sur un lieu constituant soi-même un

6 acte ou une perpétration d'un acte, je ne sais plus si ce sont les

7 aborigènes ou les colonisateurs qui ont établi le droit en Australie, le

8 droit coutumier, mais, c'est à celui-ci que je fais référence.

9 Si nous regardons maintenant le chapitre 7 de la Charte des Nations Unies

10 -et c'est sur cette Charte qu'a été établie la pierre fondatrice de ce

11 Tribunal- le Tribunal n'est compétent que pour les infractions graves et

12 les violations graves. J'invoque ici les procès de Nuremberg, les procès

13 de Tokyo parce que, dans ce cadre, des auteurs de crimes graves ont été

14 traduits en justice. D'autre part, dans le cadre de ces procès les auteurs

15 de crimes mineurs ont été laissés entre les mains des juridictions

16 internes.

17 Ce sont les commandants militaires, les officiers de haut rang et les

18 civils, des responsables civils de plus haut niveau qui peuvent être

19 considérés comme responsables des actes d'Ovcara et je crois que

20 Dokmanovic n'appartient à aucune de ces trois catégories.

21 La défense souhaite donc souligner que l'accusation n'a pas réussi à

22 prouver la personnalité individuelle de Dokmanovic dans le cadre des

23 trois chefs d'accusation retenus contre lui. Il n'a pas aidé ou encouragé

24 à la perpétration d'un massacre. Si nous regardons ces deux minutes, il

25 est impossible qu'il ait perpétré ce type d'acte dans un tel laps de

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1 temps.

2 Comment établir un lien maintenant entre ces trois officiers et

3 Dokmanovic ? Jamais ils ne se sont vus. Dokmanovic ne connaît pas ces

4 trois officiers, or ils sont la clef des événements qui se sont déroulés à

5 Ovcara. Tout est fondé sur l'interview de Sljivan Canin dans laquelle il

6 dit : "Tout est maintenant entre les mains de la JNA. Les personnes qui

7 ont été saisies à l'hôpital sont entre les mains de la JNA. Ce qui a pu se

8 produire par la suite, peu importe." C'est l'accusation qui a l'obligation

9 de prouver que Dokmanovic était responsable ou la JNA.

10 C'est ce qui est déclaré dans l'acte d'accusation qui a permis de procéder

11 à l'arrestation de Dokmanovic. Le Juge Ryad était en droit de signer cet

12 acte d'accusation tel qu'il était formulé. Moi, à sa place, je l'aurais

13 également signé.

14 Pour ce qui est maintenant de l'article 7-3 du Statut, la défense est

15 d'avis que seul un militaire de haut grade ou un fonctionnaire civil de

16 rang élevé peut être impliqué. Or, je répète que, à l'époque concernée,

17 Dokmanovic n'était pas Président de l'assemblée municipale de Vukovar et

18 il n'occupait aucun poste de supériorité hiérarchique vis-à-vis des

19 individus qui ont perpétré ce crime.

20 Dans les déclarations de Cakalic et de Berghoffer auxquelles l'accusation

21 fait très souvent fait référence, aux vues de ces deux déclarations donc,

22 on s'aperçoit que ces deux témoins affirment : premièrement qu'il n'a

23 jamais été un Tchetnik ou un extrémiste et deuxièmement qu'il n'est

24 certainement pas responsable pour ces événements. En réponse à une

25 question du Juge Cassese, Cakalic déclare qu'il s'était déplacé par simple

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1 curiosité. Alors je pose la question suivante : ce Tribunal vient-il juger

2 des personnes qui se montrent coupables du crime de curiosité ou juge-t-il

3 des personnes qui se sont rendues coupables de violations graves ?

4 Pour ce qui est maintenant de la responsabilité individuelle, article 7-3,

5 si l'accusé savait que des subordonnés allaient commettre certains types

6 d'acte et s'il n'a pas pris de mesures pour empêcher que ces actes soient

7 commis, la personne est responsable.

8 Mais voyons ce que nous avons ici dans cette affaire. Le 20 novembre 1991,

9 l'accusé Sljivan Canin a fait sortir certaines personnes de l'hôpital de

10 Vukovar et a dit : "Ces personnes sont entre mes mains". Pour que

11 Slavko Dokmanovic soit considéré comme prenant part à ces actes, il

12 faudrait qu'il ait un poste de responsabilités supérieures au sein de la

13 JNA, qu'il soit donc supérieur hiérarchique de Sljivan Canin. Il faudrait

14 qu'il soit responsable des actes commis dans la zone de responsabilités de

15 la JNA.

16 Or, M. Dokmanovic n'est pas membre des corps militaires ou paramilitaires

17 ainsi que l'a pu dire M. Niemann. Il ne pouvait donc pas prendre de

18 sanctions contre l'une quelconque ces trois personnes Sljivan Canin a dit

19 lui-même qu'il n'avait aucune influence sur la JNA. Alors, Dokmanovic,

20 ancien Président de la municipalité de Vukovar, aurait pu avoir une

21 influence sur l'armée ? Depuis quand un ancien Président de municipalité

22 peut-il se voir revêtu de plus d'autorité que les Présidents d'un Etat

23 eux-mêmes. Le Procureur n'a pas prouvé que Dokmanovic avait une

24 responsabilité quelconque vis-à-vis des auteurs de ces massacres.

25 Notre Etat était un Etat qui fait bien partie de cette planète. Ce n'est

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1 pas un Etat extraterrestre. C'était un Etat où les maires étaient des

2 personnes qui occupaient un certain poste et qui n'étaient pas celles qui

3 avaient la réputation la plus mauvaise dans la région. Nous ne

4 choisissions pas des voyous pour les placer au poste de maire. Il

5 s'agissait de postes élus. Or l'accusation n'a pas traité cette question.

6 Vis-à-vis de qui sont responsables ces maires ? Qui sont placés sous les

7 ordres des maires ? Personne n'a répondu à cette question. Etait-il

8 compétent, par exemple, pour ce qui est de Vujovic ? Personne n'a répondu

9 à cela, personne n'a prouvé quoi que ce soit.

10 L'accusation devait prouver également que le statut civil de Dokmanovic

11 était tel qu'il aurait pu demander aux auteurs de ces crimes de ne pas le

12 commettre ou qu'il aurait dû prendre des mesures de sanctions si le crime

13 avait été commis. Mais, il apparaît également que l'accusation devait

14 prouver que Slavko Dokmanovic avait connaissance du fait que ce crime

15 allait être commis. J'ai dit tout à l'heure que Slavko Dokmanovic n'avait

16 pas de responsabilité hiérarchique militaire, qu'il n'était revêtu

17 d'aucune autorité de ce type.

18 D'autre part, l'accusation a déclaré que tout le monde savait ce qui

19 allait se passer à Velepromet, que toutes les personnes réunies devant la

20 caserne étaient au courant de ceci ou de cela. On m’a dit que, en fonction

21 du système juridique à l'anglo-saxonne, on ne peut pas amener de simples

22 présomptions devant un jury. Il faut des éléments de preuve irréfutables

23 mais ici, ce n'est pas du tout le cas.

24 Pour ce qui est, maintenant, de l'affirmation concernant le fait qu'il

25 était supposé prendre des sanctions contre les personnes qui ont commis

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1 ces crimes, je vois difficilement comment il aurait pu prendre des

2 sanctions vis-à-vis de membres de la JNA ou de troupes paramilitaires.

3 Je vais tâcher de résumer. Pour que l'on puisse invoquer l'article 7-3,

4 l’accusation doit réussir à prouver que Slavko Dokmanovic avait été revêtu

5 d'une autorité similaire revêtue par un responsable militaire de haut

6 rang. Il faut qu'il prouve qu'il avait donc compétence pour agir et qu'il

7 n'a pas pris de mesures qui auraient empêcher la perpétration d'un crime.

8 L'accusation n'a même pas essayé de prouver ce dernier point.

9 Enfin, revenons à ce qu'a dit Cakalic, je le répète : "Il était là par

10 simple curiosité".

11 Enfin, dans notre propre système juridique, et dans d'autres systèmes

12 juridiques également je crois, il y a un autre point qu'il faut essayer de

13 prouver, c'est le lien de causalité. Il y a la cause et la conséquence et

14 si vous ne pouvez pas établir un lien entre ces deux éléments, alors il

15 n'y a pas de responsabilité. Ce lien de causalité, où l'avons-nous ? Nulle

16 part. Quelqu'un l'a-t-il évoqué ? Non. Nous tournons en rond. Quelqu'un

17 dit ceci, quelqu'un affirme cela. On dit que Sljivan Canin a été tué le

18 matin et puis, les médecins disent : "Non, non, il n'a pas été tué le

19 matin. Il attendait, il était à la réunion du matin".

20 Sur quoi nous basons-nous pour fonder de telles choses ? Comment

21 l'accusation peut-elle traiter certains ministres de gouvernement de

22 conspirateurs ? Parmi les membres du gouvernement cités, il y avait le

23 ministre Susa qui était présent à cette réunion et c'est lui, et lui seul,

24 qui a vu Sljivan Canin. Personne d'autre n'a affirmé avoir vu

25 Sljivan Canin. Alors, disons que lui aussi c'est un conspirateur qui a

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1 voté une décision, qui a massacré certaines personnes.

2 Ce Tribunal va-t-il se soucier de discussions, va-t-il se soucier de

3 petites histoires qui circulent ou bien va-t-il se soucier de prises de

4 décision sérieuses ? Je crois que ce Tribunal doit se pencher sur des

5 décisions sérieuses et non, sur le fait de savoir s'il fait beau, s'il y a

6 eu terrorisme ou non. Il faut traiter des faits.

7 Il a été déclaré qu'il ne pouvait pas y avoir cumul des charges et je ne

8 vais pas revenir là-dessus. Il existe une littérature juridique très

9 considérable à cet égard. Pourquoi les articles 2, 3 et 5 du Statut du

10 Tribunal ne s'appliquent-ils pas ? Cela a déjà été déclaré et affirmé dans

11 l'affaire Tadic, je ne vais pas y revenir, si vous me le permettez. Je

12 pense que ce n'est pas nécessaire.

13 La Chambre d'appel dans l'affaire Tadic a déclaré que des violations des

14 Conventions de Genève ne sont acceptables et ne peuvent être poursuivies

15 que lorsqu'il y a conflit international armé. Pour que cette règle

16 s'applique, il faut qu'il y ait donc conflit armé international et il faut

17 que ces actes aient été commis contre des personnes ou des biens

18 considérés comme protégés, notamment si ces personnes ne sont pas

19 ressortissantes de l'Etat en question. C'est un élément capital que le

20 Procureur a tout simplement oublié.

21 Je me demande, vraiment, si lui et moi avons participé au même procès,

22 parce que des experts sont venus parler ici et de très nombreux témoins

23 ont été entendus. Le Procureur les a répartis entre Serbes et non-Serbes

24 au nom de l'équité, toujours. Un non-Serbe ou un Croate, dit la vérité. Un

25 Serbe, lui, ment puisque tous les Serbes mentent. Je mens, les experts

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1 mentent, nous mentons tous. Les Croates sont les seuls à dire la vérité et

2 lorsqu'on en arrive à la persécution de personnes de nationalité croate.

3 Qu'allons-nous entendre lorsqu'on en viendra à un procès contre une

4 personne croate ? Entendrons-nous l'inverse ? Entendrons-nous que tous les

5 Croates mentent et que tous les non-Croates disent la vérité ? Ou

6 entendrons-nous qu'en tant qu'êtres humains, certains peuvent dire la

7 vérité et certains mentir ?

8 Nous avons prouvé pourquoi cet aspect de conflit armé international

9 n'était pas applicable, je n'ai pas besoin d’y revenir en détail. Mais,

10 j'aimerais simplement vous rappeler que le texte de la décision de

11 Badinter, a été cité de façon erronée par le Procureur. Je n’ai pas

12 proposé cette situation, mais je dis que le Procureur l’a citée de façon

13 erronée et intentionnellement. Parce qu'il y est dit que la Croatie,

14 le 8 octobre, a interrompu toute relation avec la Yougoslavie. Quand

15 Badinter a confirmé que cela n'était pas exact, que Stipe Mesic était

16 toujours membre de la Présidence de la RSFY jusqu'au 5 décembre, que

17 Ante Markovic, le Président du gouvernement, a continué à l'être même

18 après le 5 décembre, que Kadijevic était toujours là-bas, que

19 Stipe Brojevic était croate, et je ne vous donnerai pas la longue liste

20 des responsables croates en RSFY, Bude Mansar aussi.

21 Où avez-vous jamais vu que dans un territoire il puisse y avoir

22 deux nationalités reconnues légalement ? Où avez-vous pu voir qu'un Etat

23 puisse avoir des ressortissants de cet Etat vivants sur le territoire d'un

24 autre Etat ? Je suis d'accord pour dire que c'est là que réside le

25 fondement même de l'éclatement de la Yougoslavie, mais finalement, les

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1 combats n'ont pas commencé le 8 octobre. A partir du 9 octobre, les

2 combats seraient internationaux alors que jusqu'au 8 octobre, c'était des

3 obus internes qui tombaient sur les victimes. Alors qu'à partir du

4 9 octobre, ces obus sont devenus internationaux, les combats ont continué.

5 Le Procureur dit qu'à cette date, la Croatie était reconnue à l'échelle

6 internationale. C'est tout simplement faux parce que le 8 octobre 1991, la

7 Croatie n'était pas reconnue. En 1990, ni la Croatie, ni la Serbie

8 n'étaient reconnues officiellement.

9 Je parle de reconnaissance officielle internationale par les

10 Nations Unies. Je vous ai montré toutes sortes de documents du Conseil de

11 Sécurité où il est sans arrêt question de la Yougoslavie. A La Haye aussi,

12 on a souvent évoqué la Yougoslavie en 1992. La Croatie a été

13 rétroactivement reconnue dans certains éléments des textes. Mais, ce dont

14 nous parlons, c'est de ce qui s'est passé sur le territoire de la RSFY de

15 l'époque, d'événements connus par les gens et nous ne parlons pas

16 rétroactivement de ce qui a eu lieu. Le droit peut être rétroactif, mais

17 c'est, en tout état de cause, assez dangereux.

18 Puis, il reste l'autre question. Toutes les fonctions que je viens

19 d'évoquer, des fonctions relevant de la République de Croatie et dans

20 l'ensemble relevant de la RSFY, existaient constitutionnellement. Nous

21 avions tous à l'époque, en RSFY, deux nationalités, la nationalité de la

22 République et la nationalité de l'Etat.

23 Cette dernière était valable vers l'extérieur pour l'étranger et la

24 nationalité de la République était intérieure, mais cela n'a rien à voir

25 avec l'ethnicité. Le Pr. Economides a dit qu'il ne fallait pas confondre

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1 entre ethnicité et dépendance d'une République. Tous les Serbes n'étaient

2 pas citoyens, n'habitaient pas la Serbie. Cette question de la citoyenneté

3 est très importante, car elle intervient dans l'application des

4 Conventions de Genève eu égard à des civils protégés. Elle est évoquée

5 dans ces Conventions. Par conséquent, aussi longtemps qu'existe la RSFY,

6 tous les habitants sont ressortissants de la RSFY, et dès qu'il y a

7 indépendance, la RSFY n'existe plus. Il n'y a pas de parallélisme entre

8 l'appartenance à la RSFY indépendante et à la Croatie, la Slovénie et la

9 Macédoine, etc.

10 Aussi longtemps qu’a duré la RSFY, nous étions tous des ressortissants de

11 la RSFY et après, nous ne l'étions plus. Or, dans la période concernée par

12 l'acte d'accusation, la monnaie était le dinar, les frontières étaient

13 gardées par l'armée de la RSFY, les communications et les déplacements

14 étaient toujours possibles. Quand M. Mesic a demandé un avion, il ne l'a

15 pas demandé à l'armée croate, il l'a demandé à Belgrade, à l'armée de la

16 RSFY, pour se rendre à telle ou telle réunion. Jusqu'au dernier moment,

17 les généraux sont ceux de la RSFY. Je vous ai prouvé tout cela. Alors

18 comment peut-on parler d'une Croatie indépendante à cette époque-là ?

19 Donc, de ce point de vue, la défense estime qu'il est question d'un

20 conflit armé interne et que toutes les victimes étaient des personnes

21 protégées par l'article 3 commun des conventions de Genève.

22 Mais, quel est le confit armé qu'il y avait en Yougoslavie ? Il y en avait

23 deux en fait : il y en avait un entre les forces de la RSFY et la Croatie,

24 et un deuxième entre les croates et les serbes de Croatie. C'est-à-dire

25 que c'était une guerre civile. Voilà quel était le conflit armé qui

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1 existait à l'époque et ces forces armées contrôlaient une grande partie de

2 la Croatie, du territoire de la Croatie, jusqu’en 1995 inclus. Nous avons

3 entendu des déclarations très longues sur la révolte des serbes qui

4 n'auraient eu aucune raison, mais regardez la Constitution. Il y avait

5 deux peuples qui étaient égaux, qui étaient des éléments constitutifs de

6 l'Etat à cette époque-là, les serbes et les croates. Et puisque

7 constitutionnellement, il était établi que le droit à l'autodétermination

8 existait, le peuple serbe bénéficiait également de ce droit.

9 Il y avait deux peuples. Le peuple croate ne respecte pas non plus les

10 droits du peuple serbe. C'est ainsi qu'à commencée l'expulsion des

11 habitants, c'est un argument que j'avance, si tant est qu'il puisse avoir

12 la moindre importance dans notre procès. Pendant toute la durée de notre

13 procès, pendant toute la période concernée par notre procès, la conférence

14 de paix continuait et le Conseil de Sécurité des Nations Unies traite la

15 Yougoslavie de RSFY pendant toute cette période également. La JNA

16 représentait donc les forces armées de la RSFY, ce sont des documents des

17 Nations Unies et pas des documents du Procureur qui le prouvent. En ce qui

18 concerne l'article 3 commun n'est pas équivalent aux articles 2, 3 et 5

19 du Statut. Mais quand est-ce que s'applique l'article 3 commun ? Ce qui

20 n'est pas le cas dans ce procès, et puis il était question à l'époque des

21 Etats qui existaient en 1910. C'était les Etats qui étaient punis, non les

22 individus et les procès étaient des procès civils et non des procès

23 pénaux. Il a été affirmé ici que l'article 3 commun des Conventions de

24 Genève était contenu dans l'article 3 du Statut du Tribunal. La première

25 chose que je tiens à expliquer c'est que l'article 3 du Statut, traite à

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1 mon avis des événements qui se déroulaient dans le cadre d'opérations

2 armées. Il faut donc protéger des personnes contre ceux qui utilisent des

3 armes interdites ou qui détruisent des villes, ce qui est censé être le

4 cas ici dans l’affaire Dokmanovic en rapport avec Vukovar. Les victimes

5 d'Ovcara n’ont aucune relation avec des opérations de combats, ce sont des

6 personnes qui se trouvaient dans un hôpital et ce n'étaient pas des

7 combattants. Ce qui est intéressant ici, c’est qu'il est important de

8 discuter de cette question de l'article 3 commun des conventions de

9 Genève. Si j’étais sous serment je ne dirai pas que cet article s'applique

10 ou pas. Je serais incapable d’affirmer l’un ou l’autre, mais je pense

11 qu'il y a un troisième argument qui peut faire l'objet d'une réflexion

12 sérieuse. Pourquoi le doute naît-il dans mon esprit ? D'abord je me pose

13 la question de savoir quelle est la nature de cet article 3 commun,

14 pourquoi est-ce que tout n'a pas été mis dans les conventions de Genève,

15 dans les autres articles ? Pourquoi tout d'un coup, on a crée cet

16 article 3 commun, simplement parce que les Etats-Unis ont voulu garder

17 leur souveraineté et ne pas permettre qu'un autre Etat s'ingère dans ses

18 affaires intérieures. Je ne dis pas que c'est une bonne chose je ne le

19 pense pas d'ailleurs. Si je voulais être plus précis, j'affirmerais que ce

20 n'est pas une bonne chose, mais c'était bien l'idée défendue par les

21 auteurs des conventions de Genève lorsqu'ils ont séparé l'article 3

22 commun, qui est relié au problème du caractère international d'un conflit

23 armé.

24 Maintenant, ce qui est très important à déterminer c'est : cet article 3

25 commun est-il devenu, depuis sa rédaction, lié au droit ou aux coutumes de

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1 la guerre, auquel cas il serait éventuellement applicable ? Eh bien pour

2 le moment, je me contenterai de dire que je n'en suis pas sûr. Pourquoi ?

3 Parce que je n'ai vu dans aucune pratique notamment dans la pratique d'une

4 grande puissance, qu'elle ait jamais modifié sa façon d'agir. Je n'ai

5 jamais vu que l'article 3 commun soit devenu une obligation dans le cadre

6 de combats menés par des Etats, par quelque Etat que ce soit, notamment

7 par les petits Etats. Je n'ai pas vu que cet article 3 commun a été

8 accepté comme base du droit international humanitaire et qu'il soit

9 possible de poursuivre quelqu'un sur le plan individuel en raison de cet

10 article 3 commun.

11 Puis, il y a un autre aspect tout à fait important, l'aspect du Tribunal

12 du Rwanda. Regardez attentivement l'importance de l'article 3 commun par

13 rapport au Rwanda. Le Statut du Tribunal international du Rwanda stipule

14 que ce Tribunal est crée, je crois que cela s'est passé un an après la

15 création du TPIY, et c'est la première fois que dans ce Statut du Tribunal

16 international du Rwanda, que l'article 3 commun des Conventions de Genève

17 est mentionné. Si cet article 3 commun des Conventions de Genève doit être

18 appliqué chez nous, je veux dire dans ce Tribunal, pourquoi est-il évoqué

19 de façon spécifique eu égard au Tribunal du Rwanda ? Il faut tout de même

20 trouver une réponse à cette question tout à fait compréhensible, parce que

21 s'il y a sous-entendu dans un cas, pourquoi est-il spécifié dans l'autre

22 cas ? Et s'il faut qu'il soit spécifié, alors vous, vous ne pouvez pas

23 l’appliquer, car il n'est pas spécifié.

24 De façon à éviter que vous ne me compreniez mal, je tiens à dire que je ne

25 parle pas avec une énergie exagérée, je tenais simplement à vous présenter

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1 des doutes qui me perturbent, qui me gênent. Je pense que c'est

2 véritablement un point qui méritait de faire l'objet d'une réflexion

3 sérieuse.

4 Dans l'article 3 du Statut, il faut que les violations commises soient des

5 violations graves et elles sont énumérées, mais l'assassinat, l'homicide

6 ne peut pas être comparé aux autres infractions, parce que si vous

7 regardez attentivement ce qui figure dans l'article 3, pensez-vous que

8 l'homicide peut être moins important que les éléments qui sont énumérés

9 dans cet article ? Pensez-vous que l'auteur de cet article, s'il jugeait

10 l'homicide comme applicable ne l'aurait pas inscrit ? Se serait-il

11 contenté de parler d'autres infractions ? Tout de même, l'homicide c'est

12 l'infraction la plus grave, la violation la plus pénible, la plus

13 insupportable pour l'être humain. Je dis cela parce que dans

14 l'affaire Dokmanovic, le Procureur ne l'accuse d'aucun des éléments

15 énumérés dans l'article 3, mais l'accuse d'homicide qui de toute façon

16 figure déjà dans l'article 2 et dans l'article 5.

17 S'agissant de l'article 5 et j'en arrive à la fin de mon exposé sur les

18 aspects juridiques, il faut donc que soit prouvé l'existence d'un conflit

19 armé et qu'il y ait crime contre l'humanité, interdite par le droit

20 humanitaire international. Il faut également un troisième élément, à

21 savoir que ces crimes soient commis contre une population civile sans

22 défense.

23 C'est là que réside l'élément important. Il faudrait, dans l'affaire qui

24 nous intéresse, que l'auteur ait exécuté l'un des éléments qui figure à

25 l'article 5 et plus concrètement l'homicide, et il faut en sus qu'il ait

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1 su que de cette façon, en agissant de la sorte par l'assassinat, il

2 participe à une action systématique et généralisée. Nous ne revenons pas

3 sur le fait qu’il existait un conflit armé qui durait depuis longtemps et

4 c'est dans ce cadre que se situe l'atrocité commise à Ovcara, mais pour le

5 reste, la défense le rejette. Pourquoi ?

6 Dans l'affaire Tadic, la question a été évoquée et dans l'article 61 de la

7 mise en accusation de M. Dokmanovic, cet élément est également évoqué.

8 Tout meurtre de plus d'une personne constitue la base de la compétence du

9 Tribunal. Je pense que nous ne devrions pas nous exprimer ainsi. Il faut

10 qu'un lien soit établi entre la personne et l'acte, et que ce lien soit

11 établi de façon très ferme. Nous entendons le Procureur nous dire qu'ici

12 nous sommes en présence d'un acte criminel commis par un groupe de la

13 Défense Territoriale qui s'est séparé de la JNA et qui a emmené les

14 futures victimes jusqu'à Ovcara. J'ai admis d'ailleurs qu'à partir du

15 moment où les personnes se sont trouvées devant la caserne elles étaient

16 condamnées. J'ai admis cela, en réponse aux propos du Procureur, mais ce

17 qui doit exister pour que l'article 5 s’applique dans l'accusation, il

18 faut que l'accusé ait participé à l'une des actions énumérées dans

19 l'article 5 ou bien encore il faut qu'il sache qu'il va y avoir une

20 attaque contre la population civile et pourquoi cette attaque va avoir

21 lieu. Il est très important de savoir qu'à l'époque, nous pensions tous

22 que la RSFY existait dans toutes les parties du territoire y compris à

23 Vukovar, que la JNA était l'armée légale de la RSFY partout, y compris en

24 République de Croatie, que la Croatie ne pouvait pas être attaquée par la

25 JNA, ne pouvait pas avoir été agressée par celle-ci pour reprendre les

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1 termes du Procureur, et dans ces conditions l'accusé ne pouvait pas avoir

2 connaissance du fait qu'il y aurait une quelconque agression de la part de

3 la JNA et il pouvait encore moins y participer parce qu'à l'époque cette

4 connaissance, personne en RSFY ne la possédait.

5 Il a été en de multiples occasions question du fait qu'un individu qui

6 commet un acte contre un individu, ne peut pas être accusé de crime contre

7 l’humanité, mais que s'il commet un acte contre plusieurs individus, il

8 peut être considéré comme responsable d'un crime contre l'humanité. Or, la

9 défense vous dit que les événements dont il est question dans ce procès

10 sont des événements particuliers auxquels M. Dokmanovic n'a pas participé.

11 Ce n'est pas le fait qu'il n'ait pas commis un crime et qu'il ne soit pas

12 criminel que j'avance ici, je ne dis pas, et je tiens à ne pas être cité

13 de façon erronée, qu'il n'y a que des victimes non-Serbes à Ovcara. J'ai

14 dit qu'il y avait aussi des victimes à Ovcara, j'ai dit que des Serbes ont

15 été découverts parmi les cadavres, j'ai prouvé que le Procureur,

16 intentionnellement ou par hasard n’a pas inscrit le nom d'une des victimes

17 serbes d'Ovcara dans la liste des victimes.

18 Pourquoi cette personne ne voit-elle pas son nom sur la liste des victimes

19 d'Ovcara, alors que son corps a été sorti du charnier ? C'est une question

20 qu'il importera de poser, mais nous n'y reviendrons pas tout de suite.

21 Un autre aspect très important dans ce procès est le fait de déterminer si

22 M. Dokmanovic était oui ou non Président de l'assemblée municipale pendant

23 la période des faits. Il a été dit que les Serbes ne reconnaissaient pas

24 le gouvernement croate, le Procureur vous a déclaré qu'il a été expulsé

25 par des actes juridiques croates, mais que ces actes n'étaient pas

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1 reconnus par les Serbes. J'ai prouvé pour ma part que la constitution

2 interdisait de porter deux casquettes, le cumul des mandats était interdit

3 constitutionnellement, donc pour M. Dokmanovic également.

4 Autre question : par quels Serbes M. Dokmanovic était-il considéré comme

5 le Président de l'assemblée municipale ? Par ceux qui sont responsables du

6 massacre d'Ovcara ? Or le Procureur ajoute, ensuite, que ce sont ces

7 Serbes d'Ovcara qui auraient tué M. Dokmanovic s'il s'était présenté sur

8 les lieux. Personne ne peut se considérer soi-même comme investi de telles

9 ou telles fonctions. Vous savez bien qu'en psychiatrie, si quelqu'un se

10 prend pour Napoléon, il est considéré comme mentalement dérangé, et cela

11 ne suffit pas, je suppose, à le traîner en justice pour le juger pour

12 Waterloo. Or, M. Dokmanovic ne peut être considéré réellement comme

13 président de la municipalité de Vukovar, que pendant la durée de son

14 mandat d’élu, et il est Président de l’assemblée municipale, je n'ai pas

15 dit "maire". Je ne comprends pas pourquoi on s'oppose à ce que je fasse la

16 différence : moi, le terme "maire" ne me dérange pas, l'utilisation de ce

17 terme non plus, mais vous savez bien qu'il y avait en RSFY un système

18 d'autogestion. Or on parlait à l'époque d'assemblée municipale et il y

19 avait un Président de l'assemblée municipale. Il n'y aurait pas eu de

20 présidence s'il n'y avait pas eu d'assemblée municipale dans le cadre de

21 ce système. Ce n'était pas un maire, parce qu'un maire n'est pas

22 nécessaire à l'existence d'une assemblée. Voilà où se situe la différence.

23 Je n'ai rien contre l'emploi du terme en tant que tel. Le Procureur, au

24 lieu d'admettre qu'il n'était plus Président de l’assemblée municipale

25 pendant un moment, a multiplié par deux ses responsabilités. Si j'avais pu

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1 prouver qu'il avait été Président du club de football, je pense que le

2 Procureur aurait multiplié ses responsabilités par trois, vous savez bien

3 qu'il l'était. C'est ainsi qu'il était considéré par les habitants de sa

4 ville. Si l'un des citoyens de sa ville s'était trouvé à Ovcara, cela

5 aurait fait une multiplication par trois de ses responsabilités, eu égard

6 aux habitants. Nous avons prouvé, grâce à de nombreux témoins, que c'était

7 un gouvernement militaire qui existait à l'époque et que personne ne

8 pouvait se déplacer d'un millimètre sans une autorisation de l'armée.

9 Lorsqu’il y a administration militaire, lorsqu'il n'y a pas le moindre

10 pouvoir civil, comment peut-on imaginer que M. Dokmanovic qui se serait

11 décrété lui-même Président de l'assemblée municipale aurait pu avoir un

12 quelconque pouvoir en tant que civil, selon ce que dit le Procureur ?

13 D'autre part, si M. Dokmanovic est aussi horrible que le Procureur le dit,

14 vous ne comprenez pas, Monsieur le Président, qu'il n'a jamais été membre

15 du gouvernement de la région Serbe de Krajina ? Au moment où la région

16 serbe de Krajina a été créée, ses responsabilités s'arrêtent. Pourquoi ?

17 Parce qu'il n'est pas un bon Serbe ? Ou parce qu'il n'est pas approprié

18 pour remplir ces fonctions ? A l'époque, les créateurs de cette région

19 pensaient que ce serait un Etat indépendant.

20 Le Procureur a négocié avec des témoins qui sont incapables de distinguer

21 un maire d'un membre du gouvernement, notamment le témoin S. Ce

22 gouvernement de la région serbe dont M. Dokmanovic faisait partie et dont

23 il était l'un des ministres, a été accusé, ici, d'avoir des représentants

24 qui n'étaient pas payés, qui n’avaient pas de voiture officielle, qui

25 n'avaient pas tous les éléments liés au fait d'appartenir à un

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1 gouvernement, de représenter un gouvernement. M. Dokmanovic faisait la

2 récolte, c'est sûrement un poste tout à fait clé dans un gouvernement, de

3 s'occuper de la récolte et des semis.

4 La défense a prouvé que M. Dokmanovic ne faisait partie d'aucune

5 formation, ni militaire, ni paramilitaire, qu'il n'avait pas la

6 possibilité de donner des ordres, qu'il n'était pas membre de l'assemblée

7 municipale, qu'il n'avait aucun poste de commandement au sein de la

8 Défense Territoriale ou de la JNA, et qu'il n'avait pas de compétence

9 hiérarchique supérieure dans quelque cadre que ce soit. La défense estime

10 qu'il éprouvait que les auteurs de ce qui a été commis, n'obéissaient pas

11 aux ordres de M. Dokmanovic. Donc, le fait que M. Dokmanovic ait accepté

12 ou refusé les choses n'a aucun rapport avec l'exécution de l'acte.

13 L'exécution de l'acte, Monsieur le Président, a un rapport avec la JNA, et

14 se serait produit en l'absence ou en la présence de M. Dokmanovic.

15 Et le rôle clé qui aurait été joué pendant deux minutes, va entrer dans

16 les annales de la jurisprudence, sans aucun doute, car je ne sais vraiment

17 pas ce qui peut arriver en deux minutes, hormis un accident de

18 circulation. Il faut qu'un lien soit établi entre les actes de la personne

19 accusée et les conséquences de cet acte. Il faut que l'acte commis ait une

20 influence sur ces conséquences, sinon, nous sommes en présence simplement

21 d'un acte délictueux : si quelqu'un casse la jambe d'un joueur de football

22 au cours d'un match, alors tous les spectateurs pourraient être

23 responsables et coupables de cette jambe cassée, si les arguments utilisés

24 par le Procureur étaient appliqués.

25 Il faut donc qu'il y ait un lien de cause à effet. C'est quelque chose qui

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1 a été mis en exergue dans l’arrêt Tadic et qui découle des procès de

2 Nuremberg, de Tokyo, etc. Donc, le crime se serait produit avec ou sans la

3 contribution de M. Dokmanovic et on ne peut pas parler de quelqu'un qui

4 aurait aidé ou encouragé parce qu'il n'y a pas eu contribution cruciale

5 aux conséquences pénales de cet acte. Je vais en arriver à la fin de mes

6 propos, excusez-moi d'être un peu long. J'en arrive à présent au problème

7 de l'alibi. Pourquoi les modifications dans l'acte d’accusation ? Parce

8 qu'il y avait des éléments de preuve qui étaient des éléments de preuve

9 faux. Il y a un certain nombre de témoins qui étaient de faux témoins.

10 En 1991, un groupe arrive pour la première fois de sa vie à Vukovar,

11 certains vous ont même dit que c'est la dernière fois qu'ils s'étaient

12 rendus à Vukovar. Ces témoins vous ont dit très honnêtement qu'ils ne se

13 souviendraient pas de cela, si mon enquêteur ne leur avait pas montré la

14 cassette de ce voyage, et il est normal qu'ils ne se souviennent pas

15 d'avoir rencontré une fois dans leur vie une personne aussi peu importante

16 pour eux que M. Dokmanovic. Regardez cet élément. Barska Palanka, depuis

17 le matin jusqu'à midi, un homme sans importance, se trouvait là, il est

18 présent sur la cassette. Il est présent jusqu’à midi et est parti par la

19 suite. Parmi les autres qui étaient présents, il y en a deux qui venaient

20 de Vukovar : M. Dokmanovic et Leskovac.

21 Les autres ne sont pas de Vukovar. Le Procureur déclare qu'ils commencent

22 leur voyage, qu'ils vont en ville, et c'est là que les choses commencent.

23 En 1991, Zoran Svetovic prend des photographies et filme son Président de

24 Kladovo et c'est tout à fait par hasard qu'il filme de temps en temps

25 M. Dokmanovic sur sa pellicule. Si vous acceptez le fait qu'aucun d'entre

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1 nous n'avait de pouvoir de double vue en 1991, parce que si nous l'avions

2 eu, nous aurions filmé la vie de M. Dokmanovic, ce fameux jour de 1991,

3 depuis le moment où il s'est levé jusqu'au moment où il s'est couché. Or,

4 la personne qui a filmé, a filmé quelqu'un d'autre : Lazarevic. Il ne sait

5 même pas où il l’a filmé. A la réponse du Procureur, il déclare ne jamais

6 s'être rendu dans cette ville. Alors cet homme qui est venu apporter de

7 l'aide humanitaire est-il un menteur ? Selon le Procureur, c'est un

8 menteur, un homme qui est docteur ès sciences, qui est citoyen. On a aussi

9 quelqu'un d'autre, Zoran Jevtovic, président de l’assemblée municipale de

10 Jagodina, qui lui aussi serait un menteur. C'est quelqu'un dont le visage

11 figure sur la cassette vidéo. Il a osé dire à Milosevic ce qu'il pense de

12 la guerre et de tout cela, de Vukovar notamment. Il a eu ce courage. C'est

13 quelqu'un qui était président d'une assemblée municipale, un juriste en

14 retraite aujourd'hui. Lui aussi c'est un menteur. Dragesic, un homme qui

15 élève des enfants, directeur d'école, lui aussi est un menteur. Et, bien

16 entendu, M. Dokmanovic est un menteur également.

17 Vous savez, ce sont des qualificatifs qui sont distribués très facilement,

18 comme au jeu de ping-pong ou quand on sert au tennis à plus de 200 à

19 l'heure. Tout le monde est menteur. Mais quand il faut confirmer ce qu'ont

20 dit Cakalic et Berghoffer, il est alors question des propos tenus par des

21 victimes. Alors, quand une victime ne dit pas la vérité, elle reste une

22 victime. Mais, quand un témoin va dans une ville pour la première fois

23 dans sa vie et voit quelqu'un pour la première fois dans sa vie et essaie

24 à l'aide d'une cassette de se souvenir de ce qui s'est passé, il ment. Et

25 où se situe ce mensonge, ils le portent sur le fait que les témoins ne se

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1 souviennent pas avoir rebroussé chemin sur une distance de 375 mètres.

2 Je répète que lorsque j'ai reçu cette cassette des mains de M. Lazarevic,

3 je l'ai reçue pour montrer, grâce à la cassette, pour montrer où

4 M. Dokmanovic ne s'était pas rendu et pas pour prouver où il s'était

5 rendu. M. Dokmanovic à 15 heures 42 -et cela ne fait pas l'objet de la

6 moindre contestation- ne se trouvait pas à Ovcara. Voilà ce que je voulais

7 prouver aux Juges de cette Chambre de première instance. Je ne

8 m'intéressais absolument pas au fait de savoir où avait été filmée telle

9 ou telle image. Avait-elle été filmée à 15 heures 36 ou 15 heures 42.

10 Mais, allons-y, examinons l'importance de cette séquence. A la réunion du

11 gouvernement arrive Sljivan Canin qui, au point 61, aurait dit dès le

12 matin qu'il allait tuer tout le monde. Mais maintenant, nous n'en sommes

13 plus là, c'est l'après-midi et il n’arrive pas là pour prendre une

14 décision, la décision de tuer quelqu'un. Et pourquoi ce changement parce

15 que maintenant ce n'est plus Sljivan Canin qui est important, ce qui est

16 important maintenant c'est de forcer la responsabilité de tout cela sur la

17 tête de M. Dokmanovic.

18 Et quelle est cette décision prise par le gouvernement l'après-midi ? La

19 décision consiste à tuer 200 personnes. Pourquoi ? Parce que les Serbes

20 sont un peuple sanguinaire, un peuple qui veut tuer le plus grand nombre

21 possible de Croates. M. Dokmanovic est un homme horrible, atroce, un homme

22 qui tient absolument à ce que ces personnes soient tuées, un monstre comme

23 on l'a appelé. Il va d'abord rendre une petite visite à la ville et quand

24 il a fini son tour de ville, il se dirige dans la direction d'Ovcara et

25 quand il arrive là-bas -je ne sais pas exactement où- il y arrive et

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1 ensuite retourne à Vukovar. A partir de 15 heures 46, sachant pertinemment

2 qu’il doit se rendre à un endroit déterminé pour assassiner 200 personnes

3 comme un monstre, il rentre à 15 heures 52 à Vukovar.

4 Mais, si c'était un alibi, moi je me donnerais tout de même cinq minutes

5 de plus parce qu'il doit y aller et doit y revenir et je crois que pour la

6 défense le retour est plus important que la poursuite de son chemin dans

7 le même sens.

8 Je vous prie, Monsieur le Président, de regarder les choses avec

9 attention. A 15 heures 42, il y a 1 000 mètres simplement de différence,

10 c'est pratiquement la même distance qu'il y a à couvrir pour aller vers un

11 endroit ou vers Negoslavski, cela n'a donc absolument aucune importance du

12 point de vue de la distance de savoir si l'on va dans un sens ou dans

13 l'autre. Mais la question c'est, pourquoi va-t-on aller ici ou là. Et là,

14 la réponse n’a jamais été apportée dans ce prétoire.

15 Nous avons entendu toutes sortes d'histoires racontées par le Procureur.

16 Nous n'avons pas d'éléments de preuve écrits. Vous n'avez en fait aucun

17 élément de preuve. Vous n'avez que des supputations, des suppositions, des

18 histoires dépourvues de fondement.

19 Vous savez, cet homme n'est plus qu'un semblant d’homme depuis un an. Il a

20 perdu tous ses ressorts. Ce matin, il n'a même pas pris la peine de

21 s'habiller comme il avait l'intention de le faire. Vous avez en face de

22 vous un homme tué, un homme détruit. Lisez le rapport de M. McFadden. Je

23 me souviens de... -qui est donc cet acrobate qui a créé des illusions, qui

24 traverse la muraille de Chine, je crois ? Imaginez cette autre version :

25 une voiture avance, elle ne voit pas la voiture qui est derrière elle,

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1 elle rebrousse chemin pour essayer de retrouver la voiture qui la

2 précédait, c'est sans doute ce qui s'est passé.

3 Comment un homme assoiffé de sang pourrait-il aller tuer 200 Croates ou

4 plus et se promènerait en ville, avancerait dans un sens, il retournerait

5 en arrière, mais cela n'a aucun sens. Avez-vous déjà vu cela ? Moi, cela

6 fait trente-cinq ans que j'essaie d'établir une logique dans les propos

7 que j'entends dans les prétoires. Il faut huit minutes au témoin Zuro pour

8 arriver de cet endroit à Ovcara, mais à condition de conduire à 50 km/h

9 sur une route dégagée et à condition de savoir dans quelle direction il

10 va. Sur la cassette, on voit que les autobus viennent de face. Si

11 M. Dokmanovic à ce moment précis avait pris la route, était monté dans

12 l'autobus, il aurait fallu quand même qu'il fasse le tour de l'autobus,

13 qu'il rentre dans la colonne des autobus et les autobus ne roulaient pas à

14 50 km/h, il lui faut donc plus que huit minutes pour arriver.

15 Et à ce moment-là, que fait-il ? Il ferme brutalement la porte de sa

16 voiture, il tue rapidement 200 personnes, et revient vite dans sa voiture

17 pour que cela dure deux minutes, qu'il retourne à l'extérieur et que Susa

18 et Kerolik le voient à l'extérieur, comme ils vous l'ont dit. C'est de

19 l’abracadabra, ce sont des preuves à la Mickey Mouse. Il est impossible de

20 parler en utilisant ces termes et ces expressions.

21 Maintenant voyons ce que le Procureur a réussi à faire avec ses témoins.

22 Que dit Berghoffer ? 14 heures-15 heures ; la police a confirmé ces

23 horaires. La cassette a été faite et elle avait le même aspect que celui

24 qu'on lui voit aujourd'hui en 1991. Donc, ceci est confirmé.

25 15 heures 42-16 heures 15, il fait nuit, il a donc 25 minutes pour

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1 conduire de jour. Tout cela c’est "abracadabra". Mais que disent les

2 autres ? Un lieutenant-colonel en uniforme bleu, tout le monde porte un

3 uniforme SMB, il n'y en a qu'un seul qui porte un uniforme bleu, c'est

4 M. Dokmanovic et ils sont deux seulement à l’avoir vu. Aucun autre des

5 témoins de l'accusation n'a jamais vu un quelconque homme portant un

6 uniforme bleu. Notre enquêteur vous a montré quel était l'aspect de

7 l'uniforme des forces aériennes bleues ? Ce n'est pas du tout ce qui a été

8 décrit par les témoins. Il y en a un qui a vu une fermeture Eclair, il y

9 en a un autre qui a vu un couvre-chef, c'est la raison pour laquelle le

10 Procureur affirme que M. Dokmanovic est officier.

11 Et puis, il est affirmé que M. Dokmanovic était à Zrenanin en tant

12 qu'officier de la JNA, officier de réserve je répète bien. Or, le témoin S

13 a déclaré que M. Dokmanovic n'était pas un officier et alors aujourd'hui

14 M. Williamson réduit son rang. Non, vous étiez là-bas en qualité de

15 témoin, et quand il lui est demandé : "Vous trouviez-vous sur les lieux en

16 tant qu’officier de réserve ?", il est question d'officier de réserve de

17 nouveau, et pas de soldat.

18 Puis enfin, il y a la question qui nous anime, les personnes que j'ai

19 amenées ici sont des personnes qui ont essayé d'empêcher quelque chose,

20 qui ont été arrêtées deux fois. Rappelez-vous, c'est la première fois

21 qu'ils s'y rendaient, comment peut-on les traiter de menteurs aujourd'hui,

22 parce qu'ils ne se souviennent pas des détails ? Peut-être se sont-ils

23 reculé de quelques mètres, je parle du premier véhicule, pas du deuxième,

24 car si la première voiture a reculé, la deuxième ne l'a pas fait. Enfin,

25 je ne sais pas comment la défense peut tirer la conclusion que les deux

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1 voitures ont reculé, et que ceux de la deuxième voiture étaient avec

2 M. Dokmanovic pendant toute cette époque. Il le voit à Negoslavski puis

3 s'arrête pendant une période de temps.

4 Quand on écoute la suite, le comportement de M. Dokmanovic est celui d'un

5 homme normal qui a tué 200 personnes ? Je crois tout de même que l'on a

6 connu des expériences dans des instances comme celles-ci. C'est un homme

7 qui n'a pas de passé. C'est un père de famille, un grand-père, c'est un

8 homme qui n'a pas de passé juridique et vous avez d'ailleurs entendu ce

9 que disaient ses concitoyens. Ce genre de personne peut-il vraiment

10 participer à l'assassinat de 200 personnes et puis poursuivre sa

11 conversation ? Alors, on dit oui, il peut le faire parce que lui, il est

12 Serbe, c’est ce que j'ai entendu : "Ah oui, c'était les Serbes qui ont tué

13 à Ovcara." Je vous dis que ce sont des criminels qui assassinaient à

14 Ovcara et non pas des Serbes.

15 Je vais vous parler de sentence. M. Niemann en a parlé, je crois que c'est

16 quelque chose d'horrible que de parler de cela. Vous avez une personne ici

17 disposant d'un passé impeccable, même Cakalic et Berghoffer, rappelez-vous

18 de ce qu'ils ont dit sur sa personnalité. Pourquoi aucun n'a-t-il dit

19 qu'il avait joué un rôle clé ? Entendez bien la différence que le

20 Procureur et ses enquêteurs obtiennent quand ils parlent aux témoins et

21 quand les témoins parlent directement. Lorsque les enquêteurs de

22 l’accusation parlent aux témoins, les témoins parlent du rôle clé de

23 Dokmanovic et devant vous, ils disent que c'est par hasard qu'il était

24 venu, par curiosité. Alors que lorsque l'enquêteur de l’accusation parle

25 au témoin S, il dit : "Il a signé une déclaration disant qu'il était là en

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1 tant qu'officier" et puis il vous a dit qu'il était un soldat portant un

2 certain uniforme. Puis il s’est avéré que ce n'était même pas un certain

3 uniforme militaire quand je vous ai montré sur la cassette les vêtements

4 portés par M. Dokmanovic. Le Dr Wagenaar est venu aussi pour prouver que

5 les témoins de l'accusation ne disaient pas la vérité.

6 Pour finir, tous les témoins ne disent pas la vérité. Mais si ces témoins

7 disent quelle était l’heure, l'heure est un élément important.

8 Monsieur Mazovietski a dit que tout s'est passé dans un délai de

9 quatre heures, entre 14 heures et 18 heures. Les témoins de l'accusation

10 raccourcissent ce délai, à savoir entre 14 heures 15, 14 heures 30 au plus

11 tard jusqu’à 16 heures. Ils étaient déjà sortis à 16 heures.

12 Que disent-ils encore ? Que M. Dokmanovic était présent au moment où les

13 bus se vidaient, le deuxième bus, pas le dernier. Il s'agit de

14 14 heures 30, 15 heures, c'est à ce moment-là que M. Dokmanovic est en

15 ville, il est interviewé par Tomasevic. Au moment où ils sortent, le

16 soleil brille encore. Je parle de Cakalic et Berghoffer. Si vous regardez

17 le soleil sur la cassette, 15 heures 40, on voit que le soleil est déjà en

18 train de se coucher. Le Procureur a déjà entendu tout cela de la police à

19 La Haye. On parle de 15 heures 36. Ils ont voulu dire autre chose mais ils

20 n'ont trouvé personne pour le dire.

21 A 16 heures 15, il fait déjà nuit. Cakalic et Berghoffer disent que tout

22 s'était déjà passé avant la tombée du jour. Il faut maintenant insérer la

23 conduite de Dokmanovic dans cette période, entre 15 heures 42 et la tombée

24 de la nuit pour que tout cela corresponde aux déclarations faites par deux

25 hommes tout à fait honorables, M. Berghoffer et M. Cakalic. Je dis même

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1 maintenant qu'ils ont sans doute eu une mauvaise impression car, en effet,

2 il y avait un officier portant une moustache, un officier avec un uniforme

3 olive, gris, celui portant un sifflet, enfin on en a parlé dans diverses

4 dépositions. C'est peut-être Mancic, peu importe. Il est donc possible que

5 ces personnes aient été remplacées. Comment peut-il se souvenir que

6 c'était véritablement lui et qu'ils se sont trompés au niveau de l'heure,

7 au niveau de l'uniforme. Ils ne l'ont même pas vu au même endroit.

8 Enfin, dernier élément de preuve que j'ai accepté de l'accusation

9 aujourd'hui même, ceci pour aider à accélérer le procès et bien plus

10 encore je veux aider à la révélation de la vérité : le témoin Q a dit que

11 c'était devant le hangar. Ce qui veut dire que MM. Berghoffer et Cakalic

12 n'étaient même pas dans le hangar, d'après ce témoin Q, ce qui veut dire

13 que M. Dokmanovic ne pouvait pas se trouver tant dedans qu'en dehors, dans

14 la déclaration et ensuite on a parlé d'autres choses ici.

15 Les témoins que l'accusation appelle des menteurs ont oubliés qu'ils ont

16 reculé de 375 mètres et que tout le reste correspondait : la distance

17 -Monsieur Zuro l'a dit- correspond à ce que l'on voit sur le film. C'est

18 pourquoi nous pouvons arriver maintenant à cette espèce de jeu de la

19 chance. Comment M. Dokmanovic peut-il faire comme cela ce coup de baguette

20 magique, quand on entend sa voix à 15 heures 42, et puis il y a les

21 deux minutes pendant lesquelles il arrive à commettre ces graves

22 infractions au droit humanitaire, puis il arrive à revenir et vit ainsi

23 paisiblement et continue sa petite route.

24 C'est vraiment la tâche qui vous revient, Madame et Messieurs les Juges,

25 de trancher cette affaire et j'ai plus rien à ajouter, je vous remercie.

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1 M. le Président (interprétation). - Merci, Monsieur Fila. Je suppose que

2 les deux parties ont maintenant terminé la présentation de leur

3 plaidoirie.

4 M. Niemann (interprétation). - Oui.

5 M. Fila (interprétation). - Oui.

6 M. le Président (interprétation). - Conformément à l'article 87, nous

7 déclarons la fin de cette audience et nous allons délibérer.

8 Maître Fila, je suis ravi que vous ayez apprécié que nous aussi nous

9 voulions accélérer la procédure et nous essaierons de faire preuve de

10 logique. Non, rassurez-vous, même cet après-midi je trouve que nous avons

11 été assez vite. Comme vous aimez le droit romain et le latin tout autant

12 que moi, je vais citer un proverbe latin. Les Romains disaient bis dat

13 quid cito dat, "celui qui donne deux fois donne rapidement".

14 Nous vous promettons donc de délibérer aussi rapidement que possible et

15 nous pourrons ainsi conclure cette affaire dans les meilleurs délais. Nous

16 pensons qu’en toute probabilité nous pourrons rendre notre jugement sous

17 quinzaine. Nous vous tiendrons au courant en temps voulu.

18 En l'absence d'autres questions, nous levons la séance.

19 La séance est levée à 15 heures 50.

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