Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 24 janvier 2007

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

6 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Madame Isailovic, vous allez conclure

7 votre contre-interrogatoire, je crois.

8 L'INTERPRÈTE : Micro, s'il vous plaît.

9 Mme ISAILOVIC : Bonjour tout le monde. Merci, Monsieur le Président.

10 LE TÉMOIN: WITNESS W-62 [Reprise]

11 [Le témoin répond par l'interprète]

12 Contre-interrogatoire par Mme Isailovic : [Suite]

13 Q. Bonjour, Monsieur le Témoin. Effectivement, j'ai quelque chose, très

14 brièvement.

15 On a parlé hier de votre déclaration que vous avez faite le 22 mai

16 2006 au Procureur. On a parlé hier du paragraphe 17 dans lequel on avait

17 constaté les différences entre les versions anglaise et B/C/S. J'ai cru

18 comprendre que la version anglaise est originale, fait foi.

19 Maintenant, il m'intéresse le paragraphe 18. Je vais encore aller avec la

20 version B/C/S.

21 [interprétation] "A l'entrée de l'immeuble où nous avions rencontré Natasa,

22 il y avait un commandement militaire ou un quartier général. Il s'agissait

23 d'une sorte de poste de commandement de l'ABiH et il était bien connu qu'il

24 s'agissait d'un poste de commandement. On pouvait parfois y voir des

25 soldats, tant en uniforme qu'en civil." [en français] Est-ce exact ?

26 R. Oui, il s'agit là du dortoir que j'ai déjà mentionné.

27 Q. Quand vous parlez d'un poste de commandement, vous avez pensé au même

28 dortoir qu'on a évoqué hier ?

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1 R. Oui.

2 Q. Ce qui m'intéresse maintenant, c'est de résoudre le problème des

3 uniformes, parce que si on parle dans les deux paragraphes de la même

4 chose, du même dortoir, dans le paragraphe 17 les gens n'ont pas

5 d'uniformes et dans le paragraphe 18 ils portent des uniformes. Est-ce

6 qu'on peut maintenant faire le point là-dessus et dire si les gens ont

7 porté l'uniforme ou pas, s'il vous plaît ?

8 R. Dans les deux paragraphes, il est dit qu'ils portaient pour certains

9 des uniformes, et d'autres n'en portaient pas.

10 Q. Au paragraphe 17, dans la version anglaise qui est la version qui fait

11 foi, on dit que personne n'a eu d'uniforme alors que dans ce paragraphe 18,

12 vous dites qu'il y avait des gens qui portaient, c'est-à-dire des soldats

13 qui portaient l'uniforme et qui ne portaient pas. Est-ce cela, la vérité ?

14 R. Oui, oui.

15 Q. Ma dernière question. Peut-être, pour économiser le temps, peut-être

16 qu'on peut se débrouiller sans image; si besoin est, on peut toujours

17 l'afficher.

18 Vous vous souvenez de la photo où vous avez montré le garage, les

19 bâtiments nouvellement bâtis et anciennement existants ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce que vous pouvez à peu près dire quelle était la distance entre

22 l'entrée à ce passage piétons au-dessous de votre bâtiment et l'endroit

23 d'où venaient d'après vous les tirs ?

24 R. Cent cinquante mètres à vol d'oiseau

25 Q. Merci beaucoup. J'en ai fini avec mon contre-interrogatoire, Monsieur

26 le Témoin.

27 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je vous remercie.

28 Y a-t-il des questions supplémentaires ?

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1 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, Messieurs les

2 Juges, très brièvement.

3 Nouvel interrogatoire par Mme Marcus :

4 Q. [interprétation] Témoin, à quelle distance du passage où Adnan a été

5 touché se trouvait l'emplacement où dormaient les soldats ?

6 R. Cinquante mètres environ.

7 Q. Est-ce que les soldats ont utilisé le passage où Adnan a essuyé des

8 tirs pour aller et venir depuis leur dortoir ?

9 R. Non.

10 Q. Est-ce que vous avez vu le moindre soldat de l'ABiH dans les environs

11 le jour où Adnan a été pris pour cible et touché, le 24 octobre 1994 ?

12 R. Avant cet accident qui est arrivé à Adnan, non, je n'en n'avais pas vu.

13 Q. Est-ce que l'endroit où Adnan a essuyé des tirs était connu comme étant

14 un endroit dangereux ?

15 R. Oui.

16 Q. Pourquoi ?

17 R. Parce qu'il y avait un tireur embusqué qui tirait sur ce passage.

18 Q. Est-ce qu'il y avait des endroits à Sarajevo qui étaient bien connus en

19 raison de la présence de tireurs embusqués ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce qu'il y avait de tels endroits dans votre quartier ?

22 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Madame Isailovic.

23 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, je ne pense pas que ces questions-là

24 que ma consœur maintenant commence à aborder ont été abordées lors du

25 contre-interrogatoire. Cela ne mérite pas d'être abordé dans le "re-

26 examination".

27 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je suis d'accord. Je ne pense pas que

28 la question concernant le caractère plus ou moins dangereux de tel ou tel

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1 quartier ait été posée, bien que moi-même je souhaiterais poser cette

2 question. Cela m'intéresse.

3 Mme MARCUS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

4 Q. Témoin, le 24 octobre 1994, est-ce qu'il y avait quoi que ce soit qui

5 faisait obstruction à la vue entre l'école pour les aveugles et l'endroit

6 où votre ami Adnan a été touché par balle ?

7 R. Non.

8 Mme MARCUS : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

9 Président, Messieurs les Juges.

10 Questions de la Cour :

11 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Permettez-moi alors de vous demander

12 s'il y avait des quartiers particuliers connus pour être dangereux et

13 connus pour la présence de tireurs embusqués.

14 R. On pourrait dire que tout mon quartier était dangereux. Il y avait de

15 nombreuses positions de tireurs embusqués à Nedzarici.

16 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Est-ce que votre quartier avait des

17 caractéristiques particulières ou est-ce que d'autres quartiers avaient de

18 telles caractéristiques qui les rendaient particulièrement propices aux

19 tirs embusqués ?

20 R. Il y avait une très grande partie de Sarajevo qui essuyait des tirs

21 isolés. Je le savais parce que je me rendais à l'école chaque jour. Je

22 devais faire un trajet de 8 ou 9 kilomètres, je passais à côté de

23 conteneurs, de couvertures et ainsi de suite. J'ai dû passer près de

24 Socijalno, Pofalici, et tout autre quartier de ce type.

25 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Merci. Témoin 62, cela met un terme à

26 votre déposition. Nous vous remercions d'être venu au Tribunal pour faire

27 cette déposition, et vous pouvez maintenant nous quitter.

28 R. Merci.

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1 [Le témoin se retire]

2 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Témoin suivant, Madame Marcus.

3 Ou plutôt, Monsieur Docherty.

4 M. DOCHERTY : [interprétation] L'Accusation appelle à la barre Hendrik

5 Nicolai. Puis-je demander un moment de patience à la Chambre afin que nous

6 puissions échanger nos places ?

7 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui, tout à fait.

8 M. DOCHERTY : [interprétation] Merci.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

10 Juges, je vous remercie de me donner la parole.

11 Avant la comparution du prochain témoin, j'aimerais attirer votre attention

12 sur une chose. J'ai accepté encore une fois la coopération de M. Nicolai

13 aujourd'hui. Je ne souhaite pas ralentir la procédure ou amener le Tribunal

14 à faire des dépenses inutiles, ce qui serait le cas si les témoins

15 comparaissent et que nous ne leur posons pas de questions. C'était déjà le

16 cas de M. Mandilovic, et nous sommes confrontés à la même situation avec M.

17 Nicolai.

18 Quant à la déclaration faite par le témoin du 16 au 20 octobre 2006, la

19 première fois que j'ai reçu cette déclaration, c'était le 18 janvier de

20 cette année, pas un jour plus tôt, et j'en ai reçu la traduction lundi le

21 21.

22 J'ai été confronté à une difficulté insurmontable. J'ai fait tout ce qui

23 était possible pour ne pas me retrouver dans la situation difficile où je

24 me suis trouvé dans l'affaire de M. Mandilovic.

25 J'ai donné la déclaration à l'accusé le jour même. Je n'ai presque

26 pas eu l'occasion d'en discuter avec lui. Je ne vais pas continuer à me

27 plaindre, mais je vous prie de me donner le temps qu'il faut afin de

28 pouvoir aborder dans mon contre-interrogatoire toutes les questions

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1 mentionnées dans ces deux déclarations et pouvoir aussi étudier tous les

2 parallèles éventuels entre les deux déclarations. Je vous remercie.

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Combien de temps est-il prévu

5 d'entendre ce témoin ?

6 M. DOCHERTY : [interprétation] Sur le résumé 65 ter, il a fallu que ce

7 témoin comparaisse pendant une heure. Je l'avais mentionné au Juge Harhoff

8 ce matin, mais je pense que cela prendra plus longtemps. Depuis que nous

9 avons soumis le résumé 65 ter, d'autres questions sont apparues que

10 j'aimerais aborder. Je ne pense pas que cela va prolonger la présentation

11 des moyens de preuve de l'Accusation parce que nous rattraperons ce temps

12 supplémentaire à un autre moment.

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

14 Juges.

15 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Si nous examinons la liste des témoins, le

17 temps prévu est de deux heures, et non d'une heure. Par ailleurs, je vous

18 demanderais, j'ai estimé que ce serait une chose peut-être que ce temps

19 imparti suffira, mais je vous prie de tenir compte du fait que je suis

20 confronté à d'énormes difficultés et qu'il est nécessaire que je puisse

21 vraiment étudier de façon approfondie ces déclarations afin que l'accusé

22 puisse bénéficier d'un procès équitable.

23 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Nous allons en tenir compte, Monsieur

24 Tapuskovic.

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie.

26 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Est-ce que le témoin pourrait

27 prononcer la déclaration solennelle ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

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1 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

2 LE TÉMOIN: CORNELIS HENDRIK NICOLAI [Assermenté]

3 [Le témoin répond par l'interprète]

4 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Veuillez vous asseoir.

5 Monsieur Docherty, veuillez commencer.

6 M. DOCHERTY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 Interrogatoire principal par M. Docherty :

8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.

9 R. Bonjour.

10 Q. Est-ce que vous voudriez bien vous présenter en nous donnant votre nom

11 et votre profession ?

12 R. Je m'appelle Cornelis Hendrik Nicolai --

13 L'INTERPRÈTE : Micro pour le Président, s'il vous plaît.

14 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation]

15 Q. Malheureusement, je dois vous interrompre, Monsieur, mais nous n'avons

16 pas l'interprétation. Auriez-vous l'obligeance de répéter ce que vous venez

17 de dire ?

18 R. [aucune interprétation]

19 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Malheureusement, rien n'a changé. Il

20 n'y a toujours pas d'interprétation vers l'anglais. Il semblerait en effet

21 qu'il y ait un petit problème technique, mais on me dit qu'il ne nous

22 faudra que quelques minutes pour le résoudre; enfin, une seconde, m'a-t-on

23 dit, mais je crois que là, on a sous-estimé quelque peu la chose.

24 L'INTERPRÈTE : Microphone, s'il vous plaît.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'appelle Cornelis Hendrik Nicolai, je suis

26 général de brigade retraité de l'armée néerlandaise et je comparais en tant

27 que témoin parce qu'en 1995, j'étais chef d'état-major de la FORPRONU.

28 M. DOCHERTY : [interprétation]

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1 Q. Lorsque vous avez pris votre retraite, Monsieur, quel était votre rang

2 dans l'armée néerlandaise ?

3 R. Général de brigade.

4 M. DOCHERTY : [interprétation] Je crois qu'il y a une erreur

5 d'interprétation. J'ai entendu le témoin dire "Major General" alors que

6 j'ai entendu "Brigadier General".

7 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Veuillez répéter la réponse.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Général de division

9 M. DOCHERTY : [interprétation]

10 Q. Vous avez dit que vous étiez membre de la FORPRONU, la Force de

11 protection des Nations Unies; où dans le monde avez-vous été en fonction

12 avec la FORPRONU ?

13 R. Le commandement de la FORPRONU était en poste en Bosnie-Herzégovine, et

14 le quartier général où j'étais en fonction, où j'étais cantonné était à

15 Sarajevo.

16 Q. A quelle date êtes-vous arrivé à Sarajevo et à quelle date êtes-vous

17 reparti ?

18 R. Le 28 février 1995, je suis entré en fonction en tant que chef d'état-

19 major et je suis reparti le 2 septembre 1995; j'ai été transféré. Puis, le

20 4 septembre, je suis retourné aux Pays-Bas.

21 Q. Lorsque vous étiez membre de la FORPRONU, quel était votre grade ?

22 R. Général de brigade.

23 Q. Qui était votre supérieur hiérarchique ?

24 R. Il s'agissait du lieutenant-général britannique ou général de Corps

25 d'armée britannique, le général Smith, Rupert Smith.

26 Q. Quelles étaient les fonctions du général Smith à Sarajevo ?

27 R. Il était commandant militaire de la FORPRONU pour la Bosnie-

28 Herzégovine.

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1 Q. Qui était le supérieur hiérarchique du général Smith ?

2 R. Le commandant de l'UNPF, donc le commandant pour toute l'ex-

3 Yougoslavie, le général Janvier.

4 Q. Où était cantonné le général Janvier ? Où était son quartier général ?

5 R. A Zagreb.

6 Q. Pour en revenir au général Smith, vous avez dit qu'il était commandant

7 du commandement pour la Bosnie-Herzégovine; y avait-il d'autres commandants

8 qui commandaient des territoires moins étendus ?

9 R. Outre le commandement pour la Bosnie-Herzégovine, il y avait aussi un

10 commandement pour la Croatie et, autant que je m'en souvienne, un

11 commandement pour la Macédoine également. En tout, il y avait trois

12 commandants subordonnés au général Janvier.

13 Q. Très bien. Est-ce que le général Smith qui commandait pour la Bosnie-

14 Herzégovine avait aussi des subordonnés, des sous-commandants ?

15 R. Oui. Il y avait trois secteurs principaux : nord-est, sud-ouest et le

16 secteur de Sarajevo. Par ailleurs, il y avait un petit commandement pour la

17 zone de Bihac.

18 Q. Pendant la période que vous avez passée en Bosnie, qui était le

19 commandant du secteur Sarajevo sous le commandement du général Smith ?

20 R. Il s'agissait du général de division français, Gobillard.

21 Q. Où à Sarajevo se trouvait le quartier général du général Smith ?

22 R. Cela se trouvait au centre de Sarajevo, dans un immeuble que l'on

23 appelait la résidence et qui se trouvait à proximité de l'ambassade des

24 Etats-Unis.

25 Q. Vous étiez membre de la FORPRONU, donc la Force de protection des

26 Nations Unies. Est-ce que vous connaissez également l'acronyme OMNU, et si

27 tel est le cas pourriez-vous nous expliquer ce que signifie cet acronyme ?

28 Q. OMNU représente "United Nations Military Observers", Observateurs

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1 militaires des Nations Unies. Il s'agissait d'observateurs des Nations

2 Unies qui n'étaient pas armés et qui tentaient de se faire une idée de ce

3 qui se passait dans leur zone de responsabilité.

4 Q. J'aimerais parler pendant quelques instants de ces deux groupes de

5 soldats, la FORPRONU et l'OMNU. Vous avez décrit la chaîne de commandement

6 au sein de la FORPRONU, donc le général Gobillard, le général Smith, le

7 général Janvier qui se trouvait à Zagreb. Est-ce que ces observateurs

8 militaires faisaient partie intégrante de la FORPRONU ? Est-ce qu'il

9 s'agissait d'une entité distincte ? Est-ce qu'il y avait une chaîne de

10 commandement ? Pourriez-vous répondre à ces questions, s'il vous plaît ?

11 R. Ils étaient intégrés à la structure de commandement de la FORPRONU en

12 dépit du fait qu'ils avaient leur propre chaîne de commandement. Les

13 observateurs militaires de la FORPRONU étaient également subordonnés au

14 commandant de l'OMNU à Zagreb.

15 Q. Est-ce que ces observateurs militaires avaient un quartier général à

16 Sarajevo également ? Etait-ce la résidence ou ailleurs ?

17 R. Non. Le commandant de l'OMNU avait également ses quartiers à la

18 résidence, mais les observateurs eux-mêmes étaient dispersés un peu partout

19 dans la région, tant à Sarajevo que dans le reste de la Bosnie-Herzégovine.

20 Q. Maintenant que nous en savons plus sur la structure de commandement,

21 j'aimerais parler un petit peu des missions des soldats des Nations Unies.

22 Quelle était la mission de la FORPRONU lorsque vous étiez membre de cette

23 FORPRONU à Sarajevo ?

24 R. Cette mission comportait de nombreux aspects. Tout d'abord, il

25 s'agissait de fournir une assistance militaire au HCR, Haut-Commissariat

26 pour les réfugiés, et d'autres ONG dans l'apport d'aide humanitaire. Il

27 s'agissait également d'aider en vue de restaurer des centrales électriques,

28 des services publics. Ensuite, comme nous le disions en anglais, il

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1 s'agissait de protéger les zones de sécurité, d'y garantir la sécurité,

2 dans ces zones protégées. Enfin, il s'agissait de créer des conditions

3 permettant d'évacuer les blessés, d'améliorer les conditions de vie de la

4 population, de la protéger, le cas échant de mettre fin aux hostilités.

5 Q. Vous nous avez dit qu'une des missions, un des mandats de la FORPRONU

6 était de protéger la population. Est-ce que vous pouvez nous expliquer

7 comment la FORPRONU pouvait le faire dans une zone de combat alors que la

8 FORPRONU comptait peu de soldats ? Quelles techniques étaient à votre

9 disposition ?

10 R. Tout d'abord, il faut tenter de parvenir à un accord entre toutes les

11 parties et d'obtenir d'elles qu'elles ne s'attaquent pas, qu'elles ne

12 lancent pas d'offensive. Par ailleurs, il incombe également à la FORPRONU

13 et aux unités des Nations Unies de surveiller et d'assurer le suivi de la

14 mise en œuvre et du respect de ces accords.

15 Une des premières obligations d'un observateur, c'est de veiller ou

16 de voir si les accords sont respectés. En cas de violations des accords, il

17 est nécessaire d'intervenir. Cela peut impliquer toute une série de mesures

18 dont la plus simple serait d'émettre un avertissement et d'écrire des

19 lettres de protestation. Puis, une mesure un petit peu plus ferme, ce

20 serait d'intervenir avec des moyens militaires.

21 Par exemple, s'il y a des tirs d'armes légères, vous pouvez essayer

22 d'y mettre fin en ripostant. Si jamais des armes lourdes étaient utilisées,

23 alors les forces des Nations Unies étaient confrontées à un problème, car

24 elles n'avaient pas d'artillerie lourde. Si l'autre côté utilisait de

25 l'artillerie, des mortiers, nous n'avions pas de moyens de riposte

26 équivalents, et tout ce que nous pouvions faire, c'était de menacer de

27 déployer des forces aériennes. Cela, c'était la mesure la plus ferme, la

28 plus sévère; c'était de déployer les forces aériennes.

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1 Q. Nous allons aborder ce sujet, le sujet de la réponse proportionnée.

2 Puisque vous nous avez dit qu'étant donné que la FORPRONU n'avait pas

3 d'artillerie, elle n'avait pas d'armes lourdes, elle ne pouvait pas

4 riposter à toute infraction éventuelle quand un camp ou l'autre avait

5 utilisé des armes lourdes; c'est bien ce que vous avez dit dans votre

6 déclaration, n'est-ce pas ?

7 R. Oui. Pendant extrêmement longtemps, c'était le problème principal

8 auquel ont été confrontées les Nations Unies. Ce n'est qu'en juin 1995,

9 quand il y a eu les renforts de la force de réaction rapide qui est venue

10 aider les troupes des Nations Unies, ce n'est qu'à ce moment-là que nous

11 avons pu disposer des armes lourdes qui nous ont permis de répondre de

12 façon adaptée, proportionnée.

13 Q. Pour en revenir à ces lettres de réclamation - je ne sais pas quel

14 terme vous avez utilisé, c'était peut-être lettres de protestation ou

15 lettres portant sur des violations, je ne sais pas très bien - à quoi ces

16 lettres peuvent bien servir, quand on parle d'une violation des règles de

17 la guerre, quand il y a infraction à une zone de cessez-le-feu, une zone

18 d'exclusion ? Quel est vraiment le but d'envoyer une lettre de protestation

19 à un autre commandant ?

20 R. Certes, c'est vrai que ce n'est pas très efficace, mais c'est quand

21 même une confirmation officielle. C'est quand même un peu plus ferme qu'un

22 simple coup de fil à la partie qui a commis l'infraction à l'accord.

23 Ensuite, quand même le deuxième but, c'est qu'il y ait une preuve

24 écrite. On peut donc de ce fait avoir une preuve écrite sachant qu'il y a

25 eu réclamation et on peut ainsi savoir combien de réclamations ont été

26 envoyées, combien de protestations ont été envoyées à une partie ou une

27 autre.

28 Q. Mais ces lettres de protestation ont-elles une fonction de préavis ?

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1 Est-ce qu'elles servent à prévenir que quelque chose va se passer ?

2 R. Oui, en tant que préavis, certes, mais dans les lettres de

3 protestation, normalement on n'énumère pas les sanctions éventuelles. Cela

4 n'arrive que très rarement. Je me souviens qu'une fois, nous avons envoyé

5 un avertissement comme quoi le commandant allait peut-être être envoyé

6 devant le tribunal, et aussi un cas isolé où il y a eu menace de frappes

7 aériennes.

8 Q. Dans ce cas dont vous nous avez parlé où un commandant a été averti

9 qu'il pourrait très bien encourir des poursuites devant le tribunal

10 international, est-ce que vous vous souvenez du nom de ce commandant à qui

11 cette lettre de réclamation très ferme a été envoyée ?

12 R. Oui. Il s'agissait du général Mladic.

13 Q. Maintenant, abordons la façon dont les décisions étaient prises au sein

14 de la FORPRONU quand il s'agissait d'envoyer une lettre de protestation.

15 Imaginons une situation où il y a eu infraction. On va décider s'il

16 convient ou non d'envoyer une lettre de protestation. Pourriez-vous nous

17 expliquer exactement quelle est la procédure suivie du côté de la FORPRONU

18 pour arriver à la décision éventuelle d'envoi d'une lettre ?

19 R. Oui, bien sûr.

20 Si un accord a été enfreint ou s'il y a eu un incident qui finalement va à

21 l'encontre des règlements internationaux, les officiers de l'état-major,

22 les officiers supérieurs au niveau de toutes les divisions de l'état-major

23 se rencontrent sous la direction du général Smith, en ma présence aussi et

24 en présence du chef des affaires civiles. On discute tout d'abord de

25 l'incident, à savoir peut-être qui peut bien être à l'origine de

26 l'incident. On évalue ensuite quelles mesures sont appropriées. Une fois

27 décision prise par le commandant de la FORPRONU, la mesure est soumise au

28 chef d'état-major pour qu'elle soit exécutée.

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1 Q. Le chef d'état-major, il s'agit de vous-même, en l'espèce ?

2 R. Tout à fait.

3 Q. En tant que chef d'état-major, quelles étaient vos fonctions ? Vous

4 nous dites que le général Smith finalement vous fait part de la décision et

5 vous demande de la mettre en œuvre. Est-ce le type de travail que doit

6 faire de façon quotidienne un chef d'état-major ?

7 R. Voici comment cela fonctionne. Pour effectuer sa mission, le commandant

8 a des équipes qui l'aident, environ 100 personnes ici et d'ailleurs. Cet

9 état-major établit une liste de ce qui s'est passé, évalue un petit peu les

10 événements au jour le jour, fait rapport au commandant et le conseille à

11 propos des décisions éventuelles qui sont considérées nécessaires.

12 Le chef d'état-major est là pour superviser le travail quotidien de

13 ses équipes. Il est là pour s'assurer que tout est fait correctement, que

14 les rapports sont présentés à temps et que les opérations peuvent se

15 poursuivre. C'est une équipe qui travaille 24 heures sur 24.

16 Q. Pour ce qui est de ces lettres de réclamation, revenons à ces lettres

17 de protestation. Comment est-ce qu'elles arrivaient entre les mains du

18 commandant qui était le destinataire ? Nous allons d'abord parler des

19 lettres envoyées au commandement des Serbes de Bosnie.

20 R. Les lettres envoyées au commandement des Serbes de Bosnie, tout dépend

21 bien sûr de leur niveau. Commençons par quelque chose de simple. Le secteur

22 Sarajevo va envoyer une lettre au commandant du Corps d'armée des Serbes de

23 Bosnie de la division Sarajevo. Dans ce cas-là, la lettre est donnée à un

24 officier de liaison de l'armée serbe de Bosnie. Normalement, on pouvait

25 toujours le trouver du côté de l'aéroport.

26 S'il s'agissait de lettres de la FORPRONU qui devaient être envoyées

27 au QG à Pale du général Mladic, dans ce cas-là elles étaient envoyées par

28 fax au poste des Nations Unies qui se trouvait à Pale, justement à côté du

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1 QG du général Mladic. Ensuite, les observateurs militaires donnaient

2 directement la lettre au QG, à Pale.

3 Q. Comment est-ce que l'on décidait si une lettre devait être envoyée

4 plutôt au commandant du Corps de Sarajevo-Romanija ou plutôt au général

5 Mladic ?

6 R. Cela dépendait d'abord de la gravité de l'incident. Pour ce qui est des

7 infractions mineures aux accords, dans ce cas, le général Gobillard; cela,

8 c'est une réclamation directe auprès du Corps d'armée. C'étaient des

9 incidents plus sérieux, donc à la demande du général Gobillard ou suite à

10 l'évaluation du général Smith de la situation, le rapport devait être

11 envoyé là à un niveau supérieur de l'armée des Serbes de Bosnie. La lettre

12 devait aller directement au général Mladic.

13 Q. Avez-vous écrit des lettres de protestation vous-même ou avez-vous

14 signé en tout cas des lettres de protestation lors de votre séjour à

15 Sarajevo ?

16 R. Oui, à de nombreuses reprises. Je pense que j'en ai écrit plus de 50 en

17 tout.

18 Q. Nous allons maintenant regarder un exemple de ces lettres de

19 réclamation.

20 M. DOCHERTY : [interprétation] Je voudrais demander au greffier, s'il vous

21 plaît, d'afficher la pièce 65 ter numéro 2851.

22 Q. A qui cette lettre est-elle adressée, Général ?

23 R. Elle était adressée au général de Corps d'armée Milovanovic, qui était

24 l'adjoint du général Mladic. C'était le point de contact le plus habituel

25 que nous avions au QG de Pale.

26 Q. Le protocole exige qu'un chef d'état-major corresponde avec un autre

27 chef d'état-major. Le commandant de division parle au commandant de

28 division; c'est bien cela ?

Page 937

1 R. Oui, c'était la règle et elle était observée strictement pour être sûr

2 que l'on prenne bien en compte les différents niveaux hiérarchiques et pour

3 éviter de contourner certains niveaux hiérarchiques pour immédiatement

4 s'adresser au niveau supérieur.

5 M. DOCHERTY : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, voir la

6 signature sur la lettre ?

7 Q. Pouvez-vous nous dire qui a signé cette lettre ?

8 R. Je ne vois pas de signature, mais je vois bien mon nom, je reconnais

9 cette lettre et je me souviens très bien avoir envoyé cette lettre.

10 Q. Quelle est la date de cette lettre ?

11 R. Le 17 avril 1995.

12 M. DOCHERTY : [interprétation] Si nous pouvions maintenant regarder le

13 texte même de la lettre à l'écran.

14 Q. Je pense que la lettre est assez frappante. Il suffit de la lire pour

15 comprendre de quoi elle parle. Nous n'allons pas la lire, mais j'aimerais

16 savoir ce qui a provoqué l'envoi de cette lettre.

17 R. De temps en temps, parfois les avions s'approchant de l'aéroport de

18 Sarajevo essuyaient des tirs. Bien sûr, là il y avait immédiatement des

19 réponses pour essayer d'y mettre un terme. Parfois même, quand certains

20 visiteurs importants et éminents étaient prévus, nous le faisions savoir

21 aux parties en présence, aux parties combattantes, nous leur faisions

22 savoir qu'il y avait un personnage éminent qui allait arriver à Sarajevo et

23 nous leur demandions d'assurer la sécurité de l'aéronef les transportant.

24 Q. Avez-vous reçu une réponse à cette lettre ? Est-ce que vous vous en

25 souvenez, en tout cas ?

26 R. Non, je ne m'en souviens plus. J'imagine que j'ai dû obtenir une

27 réponse satisfaisante puisque la visite de cette personne s'est passée

28 correctement, sans aucun incident.

Page 938

1 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais que l'on

2 verse ce document 65 ter numéro 2851 au dossier.

3 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui, oui. Nous allons le verser au

4 dossier.

5 M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est la pièce P101.

6 M. DOCHERTY : [interprétation]

7 Q. Général, j'aimerais aborder une autre lettre de protestation.

8 M. DOCHERTY : [interprétation] Pourrions-nous afficher à l'écran, s'il vous

9 plaît, Monsieur le Greffier, le document 65 ter portant le numéro 2322 ?

10 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] J'aimerais poser une question au

11 Général, s'il vous plaît.

12 Pour en revenir à cette dernière lettre que nous venons de voir, avez-vous

13 compris la réponse de l'officier de liaison selon laquelle il ne pouvait

14 pas garantir la sécurité de l'avion ? Est-ce que vous avez compris que cela

15 voulait dire qu'il y avait une éventualité selon laquelle les forces serbes

16 pourraient très bien tirer sur cet avion, finalement ? Est-ce que c'est

17 comme cela que vous avez compris la chose ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Pour en revenir à ma réponse précédente,

19 je ne me souviens pas exactement de la réponse que nous avons reçue. Je me

20 souviens en tout cas que l'ambassadeur des Etats-Unis a bel et bien rendu

21 visite à Sarajevo, et comme il y avait cette visite qui était prévue, nous

22 voulions nous assurer que la sécurité de l'avion serait aussi assurée.

23 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui, mais je vous demande : là,

24 l'officier de liaison serbe semble vous dire que la sécurité de l'avion ne

25 pouvait pas être garantie, donc qu'est-ce que cela signifie pour vous ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] On pourrait ainsi en faire part à

27 l'ambassadeur des Etats-Unis pour lui demander s'il comptait quand même

28 prendre le risque de se poser à Sarajevo sans être absolument certain que

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1 sa sécurité serait assurée.

2 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Très bien. J'ai compris. Merci.

3 Monsieur Docherty, vous pouvez reprendre.

4 M. DOCHERTY : [interprétation]

5 Q. Pour faire suite à la réponse du Président, avez-vous obtenu des

6 indications avant l'arrivée de cet ambassadeur qu'il existait une

7 possibilité que les forces serbes puissent abattre un avion au bord duquel

8 se trouvait un ambassadeur, si ce n'est de l'abattre, au moins essayer de

9 lui tirer dessus ?

10 R. Je ne me souviens plus très bien de la raison, mais il est vrai qu'au

11 début de 1995, les premiers mois ont été assez calmes, mais au début avril

12 1995, il y avait de plus en plus d'infractions à l'accord qui était en

13 place à propos de la cessation des hostilités. Il y avait de plus en plus

14 d'incidents de tirs et particulièrement des incidents de tirs dans la zone

15 de l'aéroport. J'imagine que c'est après l'un de ces incidents que nous

16 avons demandé qu'il y ait des garanties qui nous soient données comme quoi

17 l'avion en question se poserait en toute sécurité.

18 Q. Dans votre réponse, Général, vous nous avez dit que les premiers mois

19 de 1995 avaient été plutôt tranquilles. C'est ce qui nous est arrivé par le

20 biais de la traduction en anglais. Pourriez-vous être un peu plus précis ?

21 Quand vous dites "assez calmes", ici nous parlons de Sarajevo en 1995. Je

22 vais poser ma question autrement. Les observateurs militaires des Nations

23 Unies ont-ils enregistré quotidiennement des incidents de tirs ?

24 R. Oui. Oui, tout à fait. Quand je vous dis que c'était "assez calme", si

25 on était en condition de paix, on trouverait cela pas du tout calme puisque

26 là, il s'agissait d'une situation où on pouvait avoir quelques centaines

27 d'incidents de tirs. Cela paraît être assez remarquable, assez peu calme,

28 mais je vais vous donner un peu un ordre d'idée. En mai et en juin, on en

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1 était plutôt à quelques milliers d'incidents de tirs, et ce, en une seule

2 journée par rapport à quelques centaines dans les mois précédents.

3 Q. Passons maintenant à la lettre qui est affichée à l'écran. Pourriez-

4 vous nous dire à qui est envoyée cette lettre ?

5 R. Au général de Corps d'armée Milovanovic aussi.

6 M. DOCHERTY : [interprétation] Si on pouvait passer au bloc de signature.

7 Q. Qui a signé cette lettre ?

8 R. C'est moi qui ai signé cette lettre.

9 M. DOCHERTY : [interprétation] Si nous pouvions maintenant regarder le

10 texte.

11 Q. Général, est-ce que vous vous souvenez de cette lettre ?

12 R. Oui, je m'en souviens.

13 Q. Vous avez peut-être besoin de quelques minutes pour la lire, mais

14 n'hésitez pas, et ensuite je vous poserai quelques questions. Vous êtes

15 prêt ?

16 R. Oui, tout à fait. J'ai lu la lettre.

17 Q. Je lis la première phrase : "Depuis les deux derniers mois, un grand

18 nombre de violations des zones d'exclusion à l'aide d'armes lourdes ont été

19 notées par la FORPRONU", et cetera, et cetera. Quelle forme prenaient ces

20 infractions à l'aide d'armes lourdes ?

21 R. La plupart du temps, il s'agissait de pilonnages d'artillerie ou

22 pilonnages de mortiers.

23 Q. Quelles étaient les restrictions qui s'appliquaient aux armes lourdes ?

24 Pourriez-vous nous dire rapidement quelles étaient ces restrictions qui

25 étaient sur les armes lourdes et comment les tirs de mortiers auraient pu

26 enfreindre ces restrictions qui étaient imposées ?

27 R. Dans les zones protégées, il y avait ces zones d'exclusion. Dans les

28 zones d'exclusion, les parties belligérantes n'avaient pas le droit

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1 d'utiliser d'armes lourdes. Toutes les armes lourdes trouvées dans ces

2 zones d'exclusion devaient être rassemblées dans ce qui était appelé les

3 zones de collecte d'armes, WCP, et devaient être sous la supervision des

4 observateurs militaires des Nations Unies.

5 Cela dit, les factions belligérantes avaient accès à ces armes lourdes et,

6 le cas échéant, avaient le droit d'effectuer des opérations de maintenance

7 sur ces armes lourdes. Cela ne devait se faire que sous la supervision du

8 personnel des Nations Unies.

9 De temps en temps, cette autorisation qui leur avait été donnée était un

10 peu détournée, et les armes lourdes étaient utilisées pour tirer sur

11 l'adversaire. Parfois, il y avait des tentatives de reprendre les armes

12 depuis les points de collecte pour les transférer dans les zones détenues

13 par une faction en dehors de la zone d'exclusion.

14 M. DOCHERTY : [interprétation] Pourrions-nous maintenant regarder un peu la

15 date de la lettre ?

16 Q. Témoin, quelle est la date de la lettre ?

17 R. Le 26 avril 1995.

18 Q. Après l'envoi de cette lettre, cette lettre a-t-elle résolu les

19 problèmes rencontrés à propos de ces zones d'exclusion d'armes lourdes ?

20 Est-ce que cela s'est poursuivi ?

21 R. Malheureusement, après la lettre, d'autres événements de même type sont

22 intervenus, et de ce fait, à la fin mai, les Nations Unies ont envoyé un

23 ultimatum à l'armée des Serbes de Bosnie en exigeant que les armes lourdes

24 soient retirées sous la menace de frappes aériennes, et cette menace s'est

25 matérialisée finalement le 25 mai.

26 Q. Le 25 mai, pourriez-vous nous dire quelle a été la première cible

27 atteinte par les frappes aériennes ?

28 R. La cible des frappes aériennes était un dépôt de munitions qui se

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1 trouvait près de Pale et qui avait été choisi d'ailleurs bien précisément

2 dans les environs de Pale puisque c'était là que se trouvait le QG de

3 l'armée des Serbes de Bosnie. Nous avions choisi un dépôt de munitions

4 puisque c'est une cible qui est entièrement militaire.

5 Q. Y a-t-il eu riposte des autorités serbes de Bosnie ou de l'armée serbe

6 de Bosnie suite à cette frappe aérienne contre ce dépôt de munitions à

7 Pale ? Si la réponse est affirmative, pourriez-vous nous dire exactement

8 quelle a été la réaction des Serbes de Bosnie ?

9 R. Oui, oui. Le général Mladic était furieux. Il a réagi avec colère. Il a

10 déclaré que cette riposte était injustifiée. Il a accusé les Nations Unies

11 d'avoir atteint aussi une école et un hôpital lors de cette frappe, ce qui

12 était absolument faux étant donné que ce dépôt de munitions se trouvait en

13 dehors de toute zone habitée.

14 Q. Il était furieux, le général Mladic était furieux et a exprimé sa

15 colère à l'aide de mots. Mais a-t-il riposté autrement, aussi ?

16 R. Oui, malheureusement oui. Pour riposter à ces frappes, il y a eu un

17 certain nombre de mesures de représailles qui n'avaient certes pas été

18 annoncées en tant que telles, mais qui ont été vécues par les Nations Unies

19 comme telles. Il y a eu d'abord des incidents de tirs dans les enclaves de

20 Bihac et de Gorazde. Il y a eu un pilonnage épouvantable du centre-ville de

21 Tuzla avec plus de 80 victimes civiles. Là, le pilonnage ne visait aucune

22 cible militaire, il visait vraiment le centre-ville. Il y a eu un certain

23 nombre d'incidents de ce type aussi où un grand nombre de cibles non

24 militaires ont été directement atteintes, directement visées.

25 Q. Y a-t-il eu des représailles dirigées directement contre les Nations

26 Unies ?

27 R. Je n'en suis pas très sûr. Il me semble que l'aéroport de Tuzla avait

28 aussi été atteint. Mais cela, je n'en suis pas très sûr.

Page 943

1 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Mais qu'est-ce que ceci a à voir avec

2 les Nations Unies ? Je veux parler de questions précises. On vous avait

3 demandé si quelque chose avait été adressé aux Nations Unies, et la réponse

4 reçue a été que sans assurance totale, vous pensiez que l'aéroport de Tuzla

5 avait été touché. Est-ce qu'il y a un rapport entre l'aéroport de Tuzla et

6 les Nations Unies ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Excusez-moi, j'aurais dû m'expliquer

8 sur ce point.

9 A l'aéroport de Tuzla se trouvait le QG des observateurs militaires des

10 Nations Unies. Il y avait donc des hommes, des Casques bleus qui gardaient

11 l'aéroport.

12 M. DOCHERTY : [interprétation]

13 Q. Mon Général, je vais maintenant passer à un autre sujet, mais avant de

14 cesser de parler des lettres de protestation, je vous demande si des

15 lettres de protestation ont été également envoyées aux commandants des

16 Musulmans de Bosnie.

17 R. Oui, cela s'est produit également. Dans ce cas, les choses étaient un

18 peu plus faciles, car le QG de l'armée des Musulmans de Bosnie se trouvait

19 dans la ville même de Sarajevo. Il était donc beaucoup plus aisé de faire

20 parvenir les lettres de protestation à ce QG. Il arrivait fréquemment aussi

21 que des officiers de liaison de l'armée des Musulmans de Bosnie viennent au

22 QG des Nations Unies.

23 Q. Une autre question d'éclaircissement. Nous avons eu sous les yeux le

24 texte anglais de ces lettres. Est-ce qu'elles étaient envoyées dans

25 d'autres langues que l'anglais, parfois ?

26 R. Oui, elles étaient envoyées en serbe et en anglais.

27 M. DOCHERTY : [interprétation] Je n'ai plus de questions sur la lettre,

28 Monsieur le Président. Je demande donc que le document numéro 2322 dans la

Page 944

1 liasse des documents 65 ter soit versé au dossier.

2 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P102, Monsieur le

4 Président.

5 M. DOCHERTY : [interprétation] Je demanderais à M. le Greffier d'afficher

6 sur les écrans la lettre le concernant, numéro 2498 dans la liasse des

7 documents 65 ter.

8 Q. Est-ce que vous voyez cette lettre, Mon Général ?

9 R. Oui, et j'en ai pris connaissance, je l'ai lue.

10 Q. Je vous demande d'abord qui a signé cette lettre.

11 R. Cette lettre porte ma signature.

12 Q. Quelle est la date qu'on lit en en-tête de cette lettre ?

13 R. La date que l'on peut lire est celle du 1er juillet 1995.

14 Q. A qui est adressée cette lettre ?

15 R. Cette lettre est adressée au général Mladic. Elle appuie les lettres de

16 protestation déjà envoyées précédemment par le secteur Sarajevo compte tenu

17 de la gravité des violations des accords de cessez-le-feu, puisqu'il y a eu

18 des rafales tirées sur la ville de Sarajevo qui ont fait des victimes. La

19 lettre dont je parle a été envoyée à Pale.

20 Q. Nous parlerons du contenu de cette lettre dans quelques instants, Mon

21 Général, mais pour le moment j'indique que j'ai cru comprendre qu'en

22 général vous communiquiez avec le général Manojlo Milovanovic, qui était

23 votre équivalent du point de vue du grade, alors qu'ici, dans cette lettre,

24 nous voyons qu'elle a été envoyée au général Ratko Mladic. Est-ce que vous

25 pourriez expliquer pourquoi, dans le cas présent, le protocole habituel n'a

26 pas été respecté et pourquoi vous avez écrit au général Mladic plutôt que

27 de voir le général Smith écrire au général Mladic ?

28 R. Je ne sais pas pourquoi cette lettre n'a pas été signée par le général

Page 945

1 Smith. Il est possible qu'il n'ait pas été présent au QG à ce moment-là.

2 Mais compte tenu de la gravité de la violation de l'accord de cessez-le-feu

3 dans ce cas précis, la lettre a été envoyée au général Mladic.

4 Q. Pour rebondir sur votre dernière réponse, je vous demande, lorsque le

5 général Smith n'était pas présent à Sarajevo, si vous aviez l'autorisation

6 d'écrire une lettre comme celle-ci de votre propre initiative.

7 R. Oui, j'avais ce pouvoir. Mais ici, je lis la date que l'on voit dans

8 cette lettre, et s'il est exact que le général Smith était absent à cette

9 date, il était remplacé dans toutes ses absences par le général Gobillard.

10 Le général Gobillard aurait pu signer cette lettre, mais je suppose que

11 nous avons voulu insister sur le fait que cette lettre venait d'un autre

12 niveau hiérarchique dans la structure militaire et que c'est la raison pour

13 laquelle j'ai décidé de signer cette lettre.

14 Q. Au troisième paragraphe de cette lettre, nous voyons qu'il est fait

15 référence à la copie d'une lettre de protestation provenant du commandant

16 en exercice du secteur de Sarajevo. Nous allons examiner la copie de cette

17 lettre du commandant en exercice dans un instant, mais cette expression,

18 "commandant en exercice", vous permet-elle de conclure que le général

19 Gobillard était à Sarajevo lorsque la lettre a été écrite ?

20 R. Si le colonel Meille, chef d'état-major du secteur de Sarajevo, avait

21 signé cette lettre en tant que commandant en exercice, ceci impliquerait

22 qu'à ce moment-là le général Gobillard n'était pas présent au QG de

23 Sarajevo.

24 M. DOCHERTY : [interprétation] Je demanderais à M. le Greffier d'afficher

25 la deuxième page de cette lettre, car elle en comporte deux.

26 Q. Est-ce que vous avez cette page sous les yeux, Mon Général ?

27 R. Oui, je suis en train de la lire.

28 Q. Excusez-moi de vous avoir interrompu.

Page 946

1 Est-ce que vous voyez le bloc de signature ?

2 Qui a signé cette lettre, Mon Général ?

3 R. Le colonel Meille, en qualité de commandant en exercice du secteur de

4 Sarajevo.

5 Q. Quelle est la date à laquelle le général Meille a envoyé cette lettre ?

6 R. Le 30 juin 1995.

7 Q. A qui cette lettre est-elle destinée ?

8 R. Cette lettre est destinée au général de division Milosevic, commandant

9 du Corps de Sarajevo-Romanija.

10 Q. Est-ce que vous voyez le paragraphe qui commence par les mots : "La

11 gravité des événements survenus ces dernières 48 heures" ?

12 R. Oui, je vois ce paragraphe.

13 Q. Est-ce que vous voyez la dernière ligne de ce paragraphe ?

14 R. Oui.

15 Q. Cette dernière ligne fait-elle référence à un procès devant un tribunal

16 international dont vous avez déjà parlé au cours de votre déposition, quand

17 vous résumiez la situation du point de vue de l'envoi des lettres de

18 protestation ?

19 R. Oui. Ceci est un exemple très clair d'une telle référence exprimée par

20 nous.

21 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic.

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que

23 l'Accusation vient de poser une question directrice.

24 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je ne suis pas du tout d'accord, car

25 le témoin a déjà dit au début de sa déposition qu'il s'était exprimé à

26 l'époque des faits sur la possibilité d'un procès devant un tribunal

27 international, et l'Accusation ne fait qu'essayer d'obtenir une

28 confirmation de cela de sa bouche.

Page 947

1 Mais je voudrais m'enquérir auprès du témoin pour savoir si la lettre de

2 protestation qu'il a envoyée au général Mladic était due aux mêmes attaques

3 que celles qui ont provoqué l'envoi de la lettre au général Milosevic que

4 nous avons actuellement sous les yeux, à savoir les attaques des 28 et 29,

5 ou si elle était due à une autre infraction.

6 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, d'autres témoins ont

7 parlé du contenu de cette lettre, et je ne vais pas soumettre le contenu de

8 cette lettre au témoin maintenant. Je pense que le témoin qui a décrit

9 comment au cours des discussions qu'il avait avec le colonel Meille sur la

10 décision d'envoyer de telles lettres, je crois que c'est cela, l'élément

11 intéressant. Et sans témoigner moi-même, je pense que le témoin peut

12 répondre aux questions des Juges de la Chambre quant aux raisons qui ont

13 justifié l'envoi de la lettre que nous avons eue sous les yeux il y a

14 quelques minutes.

15 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Mais il doit être en mesure de

16 répondre à ma question.

17 M. DOCHERTY : [interprétation] Excusez-moi, oui, je ne voulais pas

18 interrompre.

19 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je crois qu'il devrait être en

20 position de répondre. Ce que je souhaite savoir, très simplement, c'est si

21 les violations qui étaient à l'origine de sa lettre de protestation au

22 général Mladic se limitaient aux infractions qui avaient déjà fait l'objet

23 de la lettre du général Meille ou s'il y avait des causes plus vastes, plus

24 nombreuses.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. La lettre était due aux mêmes infractions

26 que celles qui avaient justifié la lettre du colonel Meille, et c'est lui

27 qui m'a demandé d'envoyer également cette lettre de protestation.

28 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Merci.

Page 948

1 Monsieur Docherty.

2 M. DOCHERTY : [interprétation]

3 Q. Mon Général, cette lettre a déjà été versée au dossier par le biais

4 d'autres témoins, mais j'aimerais que vous parliez aux Juges de la Chambre

5 de quelque chose qu'ils n'ont pas encore entendu jusqu'à présent, à savoir

6 des discussions que vous avez eues avec le colonel Meille avant l'envoi de

7 ces deux lettres que nous venons de voir, destinées respectivement au

8 général Mladic et au général Milosevic.

9 R. Je ne me souviens pas d'avoir discuté de cela. En présence

10 d'infractions aussi graves, il était tout à fait normal que le secteur

11 Sarajevo demande l'envoi de la part du QG de la FORPRONU d'une lettre de

12 protestation également.

13 Q. Excusez-moi. Peut-être n'ai-je pas été clair dans ma question, mais je

14 crois que vous avez répondu à la question que j'aurais dû vous poser, à

15 savoir : est-ce que vous avez envoyé cette lettre à la demande du secteur

16 Sarajevo ? Est-ce que vous avez envoyé votre lettre à la demande du secteur

17 Sarajevo, je veux dire ?

18 R. La réponse est oui.

19 Q. Pour autant que vous le sachiez, ces lettres étaient envoyées selon les

20 procédures normales, c'est-à-dire soit par fax lorsqu'elles étaient

21 destinées à Pale ou au général Mladic, soit par livraison par estafette,

22 par l'officier de liaison lorsqu'elles étaient adressées au général

23 Milosevic ?

24 R. Oui, car il n'y avait pas d'autres moyens.

25 Q. Quand vous envoyiez ces lettres de protestation - et maintenant je

26 parle de façon générale, je ne parle plus uniquement de la lettre qui est

27 l'écran en ce moment - à quel moment est-ce que vous envoyiez de telles

28 lettres et à quel moment receviez-vous une réponse ?

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1 R. En général, lorsque ces lettres étaient envoyées, j'obtenais une

2 réponse, mais pas toujours par écrit. Quelquefois, les réponses étaient

3 faites par téléphone.

4 Q. Est-ce que vous avez reçu une réponse qui, en raison de sa fréquence ou

5 de son contenu, pourrait être qualifiée de réponse type ?

6 R. Oui. Dans la majorité des cas, la réponse consistait en une dénégation.

7 En effet, les auteurs de la réponse niaient en général que les actes

8 mentionnés dans la lettre de protestation étaient dus à eux. A d'autres

9 moments, il était dit que ces actes avaient bien eu lieu, mais qu'ils

10 étaient une réaction à une provocation de la partie adverse. Voilà quelles

11 étaient les deux réponses les plus courantes.

12 M. DOCHERTY : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous nous

13 penchions sur une autre lettre de protestation qui sera la dernière. Je

14 demanderais au greffier d'afficher à l'écran --

15 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] J'ai une question à poser au témoin.

16 M. DOCHERTY : [interprétation] Je vous en prie, Monsieur le Président.

17 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Vous venez de déclarer que la réponse

18 consistait souvent à dire qu'il s'agissait d'une provocation de la part de

19 la partie adverse. C'est quelque chose qui m'intéresse. Pouvez-vous nous

20 dire si cet argument portant sur le fait de dire qu'il s'agissait d'une

21 réaction et une provocation reposait sur un fait quelconque ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était effectivement le cas parfois. Chaque

23 fois qu'une infraction avait lieu, nous nous efforcions d'interroger les

24 observateurs militaires des Nations Unies pour déterminer quelle était la

25 partie qui était à l'origine de cette infraction. Dans certains cas, il

26 était vrai que ce n'était pas l'armée des Serbes de Bosnie qui était à

27 l'origine de l'infraction, mais bien l'armée des Musulmans de Bosnie.

28 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Dans certains cas, c'était une

Page 950

1 réalité. Dans certains cas, le fait est que les infractions que vous

2 imputiez à l'armée serbe étaient effectivement commises en tant que riposte

3 aux actes dus à l'armée des Musulmans de Bosnie, n'est-ce pas ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Il pouvait s'agir de violations

5 du cessez-le-feu par usage d'armes de petit calibre ou de ripostes

6 impliquant l'usage d'armes plus lourdes. Evidemment, nous prenions contact

7 avec les parties qui étaient à l'origine de tels actes.

8 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Pouvez-vous dire si en cas de riposte

9 de la part de l'armée serbe de Bosnie, il y avait des victimes, notamment

10 si des civils étaient tués ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Si nous parlons de l'incident qui est évoqué

12 dans cette lettre en particulier, oui, cet incident a fait des victimes.

13 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Docherty, j'aimerais vous

14 demander si l'incident spécifique qui est mentionné dans cette lettre est

15 lié à une quelconque accusation dans l'acte d'accusation.

16 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, il faudrait --

17 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Vous devez vérifier, bien sûr.

18 M. DOCHERTY : [interprétation] Je vais vérifier, mais je peux d'ores et

19 déjà vous apporter une réponse générale, à savoir que les incidents qui

20 sont évoqués ici sont évoqués à titre d'exemples. Même s'ils ne figurent

21 pas noir sur blanc dans l'acte d'accusation, le bureau du Procureur est

22 d'avis, puisqu'il y a eu de très nombreux incidents qui ne sont pas repris

23 en tant que tels dans l'acte d'accusation, le bureau du Procureur est

24 d'avis qu'ils sont illustratifs de la situation de façon plus générale et

25 que nous pouvons le prouver au-delà de tout doute raisonnable. Bien sûr, je

26 vérifierai pendant la pause pour vous répondre précisément.

27 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Mais je vois un certain nombre de

28 paragraphes dans l'acte d'accusation qui font référence à la déposition du

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1 témoin que nous avons devant nous aujourd'hui.

2 M. DOCHERTY : [interprétation] En effet, Monsieur le Président. Les

3 incidents relatifs à la journée du 28 juin figurent effectivement parmi les

4 incidents mentionnés à l'acte d'accusation. Il s'agit du pilonnage qui

5 constitue le numéro 15 dans le tableau, ainsi que le numéro 16. Puis, il y

6 a également l'incident lié à une roquette tirée le 29 juin 1995 qui

7 correspond au numéro suivant dans le tableau.

8 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je vous remercie.

9 Général, le Juge Harhoff a une question à vous poser.

10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mon Général, j'aimerais vous poser

11 une question au sujet des réponses que vous apportiez aux deux parties

12 belligérantes. Dans votre déposition ce matin, vous avez surtout parlé des

13 moments où les Nations Unies réagissaient par rapport à la partie serbe et

14 des modalités de ces réactions. Vous avez également dit dans votre

15 déposition que les tirs provenaient assez fréquemment de la partie

16 musulmane de Bosnie. Je vous demande si vous adressiez également des

17 lettres de protestation à l'armée musulmane de Bosnie lorsque vous aviez

18 connaissance d'infractions dues aux Musulmans de Bosnie ? Dans quelles

19 conditions vous transmettiez ces protestations ? Je vous remercie.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Des lettres de protestation étaient

21 effectivement envoyées à l'ABiH, qui était l'armée des Musulmans de Bosnie,

22 mais cela arrivait moins fréquemment que l'envoi de lettres de protestation

23 à l'armée serbe de Bosnie. Quant au texte de ces lettres adressées à

24 l'ABiH, il était équivalent à celui que vous avez pu voir dans les lettres

25 dont nous avons parlé il y a quelques instants. Je me souviens d'un cas à

26 la mi-mai où les violations des accords de cessez-le-feu étaient si

27 fréquentes qu'elles ont conduit à la convocation d'une réunion avec le

28 ministre Silajdzic et les dirigeants de l'armée des Musulmans de Bosnie.

Page 952

1 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, j'en ai terminé avec

2 le sujet des lettres de protestation et je vais passer à un autre sujet, à

3 savoir les pilonnages, les tirs de tireurs embusqués et les bombardements

4 aériens. J'aimerais faire consigner quelque chose au compte rendu

5 d'audience au préalable.

6 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui, Monsieur Docherty.

7 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, avant que ce témoin

8 ne commence à parler de cela, le conseil de la Défense a indiqué avoir reçu

9 seulement très récemment les déclarations préalables de ce témoin. Nous

10 avons effectué des vérifications, et je ne sais pas ce qui s'est passé. Il

11 va falloir que nous en discutions encore avec la Défense, car nos registres

12 de communication de pièces indiquent que la version anglaise de la

13 déclaration préalable liée à ce témoin a été communiquée à la Défense le 1er

14 novembre 2006 et que la version en B/C/S a été communiquée à la Défense le

15 22 novembre 2006.

16 J'aimerais qu'il soit consigné au compte rendu d'audience que la

17 communication des éléments de preuve que l'Accusation entend utiliser au

18 cours de l'audition du général Nicolai a été reçue par nous à 10 heures 08,

19 c'est-à-dire durant l'interrogatoire principal.

20 Durant la pause, le conseil de la Défense et moi-même allons sans

21 doute nous rencontrer pour vérifier les dates.

22 M. LE JUGE ROBINSON: [aucune interprétation]

23 M. LE JUGE MINDUA : Avant que vous passiez à un autre sujet, parce

24 que vous l'avez annoncé, je voudrais m'adresser au témoin.

25 En ce qui concerne les missions de la FORPRONU, Général, vous

26 connaissez les critiques qui ont été adressées à la FORPRONU lorsqu'on

27 disait que cette force se contentait seulement de la distribution de l'aide

28 humanitaire alors que les populations civiles faisaient face aux

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1 souffrances les plus atroces. Mais si je vous ai bien compris, évidemment,

2 avec vos explications, vous avez dit que parmi les missions de la FORPRONU,

3 il y avait la création des conditions pour mettre fin aux hostilités. Cela

4 m'intéresse, la fin des hostilités.

5 Que voulez-vous dire par la création des conditions pour mettre fin aux

6 hostilités ? S'agissait-il des conditions et pressions militaires sur les

7 belligérants ou s'agissait-il des discussions et négociations qui, à mon

8 sens, étaient menées par des hommes politiques ? Concrètement, que faisait

9 la FORPRONU par rapport, par exemple, par rapport aux tirs présumés des

10 snipers, sachant que ces tirs étaient généralement dus au siège de Sarajevo

11 que le Procureur impute évidemment aux Serbes de Bosnie ? Comment la

12 FORPRONU s'est-elle employée à hâter la fin des hostilités par rapport à

13 ces tirs embusqués ? Evidemment, les lettres de protestation sont très

14 utiles, mais n'est-ce pas des actions en aval, qu'est-ce qui était

15 entrepris comme actions en amont ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne saurais vous répondre en quelques mots,

17 mais je vais essayer de vous répondre le plus précisément possible.

18 Bien entendu, lorsqu'il y avait des infractions, nous nous efforcions

19 de négocier pour obtenir la fin des hostilités. Ces négociations étaient

20 menées aussi bien par des militaires de la FORPRONU que par des

21 responsables de la division des affaires civiles qui étaient au courant de

22 la situation.

23 Si ces négociations n'aboutissaient pas, pas plus que les lettres de

24 protestation, alors la FORPRONU disposait d'un moyen militaire pour

25 répliquer à de telles hostilités. Plus précisément, lorsqu'il y avait des

26 incidents de snipers et lorsque des tireurs embusqués avaient tiré, nous

27 pouvions riposter en tirant également avec des moyens militaires. Il y

28 avait des lieux qui étaient plus dangereux que d'autres. Dans ces lieux

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1 très dangereux, nous avions disposé des blindés armés de mitrailleuses ou

2 d'armes plus légères qui pouvaient tirer sur la partie à l'origine du tir

3 initial.

4 Il y avait aussi des patrouilles dans certains secteurs et, en cas de

5 nécessité, elles pouvaient répliquer en tirant sur l'endroit d'où le tir

6 initial provenait. Evidemment, les ripostes à l'emploi d'armes lourdes

7 étaient plus difficiles, d'abord parce que les distances de tirs étaient

8 plus importantes en cas de recours aux armes lourdes; deuxièmement parce

9 que la FORPRONU n'avait pas les moyens de répliquer avec un niveau de

10 violence égal. La FORPRONU n'avait pas de mortiers ou de pièces

11 d'artillerie lourdes. La seule riposte que nous avions à notre possibilité

12 dans ces cas-là, c'était éventuellement les frappes aériennes.

13 Tout cela, c'est un problème de proportionnalité. Si un mortier tire

14 à partir de la cour d'une maison, il est difficile d'abord de trouver la

15 cible, et ensuite si on pense au recours à des bombardements aériens,

16 évidemment il faut penser aux dommages collatéraux que ces bombardements

17 peuvent produire. On sait très bien quels sont les dégâts qu'un

18 bombardement peut produire dans les zones environnantes, dégâts qui sont

19 absolument énormes. Pour dire les choses simplement, on ne peut pas

20 détruire tout un quartier résidentiel pour neutraliser un seul mortier.

21 Voilà le problème qui se posait en général et qui s'est posé pendant tous

22 ces mois à la FORPRONU.

23 C'est seulement lorsque la force d'intervention rapide est arrivée

24 qu'elle a pu utiliser des pièces d'artillerie plus précise pour fournir une

25 riposte plus appropriée, après les mois de juillet et août 1995.

26 M. LE JUGE MINDUA : Merci.

27 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] L'heure de la pause est arrivée. Nous

28 allons suspendre pendant 20 minutes.

Page 955

1 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.

2 --- L'audience est reprise à 10 heures 55.

3 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Docherty, si j'ai bien

4 compris vous aimeriez aborder quelques questions ?

5 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui, deux questions, mais très brièvement.

6 Tout d'abord, comme la Chambre le sait, l'Accusation a demandé des mesures

7 de protection pour un certain nombre de témoins. Je ne mentionnerai pas le

8 témoin de nom, bien entendu, afin que nous puissions éviter le huis clos

9 partiel, mais un collègue peut-être plus diligent que moi a attiré mon

10 attention sur le fait que le Témoin 138 a déjà bénéficié de mesures de

11 protection auparavant lors d'une autre procédure devant ce même Tribunal.

12 Je mettrai tout cela par écrit cet après-midi, mais l'ordonnance orale en

13 question a été rendue le 6 décembre 2001, et on peut la trouver à la page

14 862 du compte rendu dans l'affaire le Procureur contre Galic.

15 Je ne voulais pas tarder à signaler cela pour le compte rendu, mais je vous

16 soumettrai également une requête écrite.

17 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Merci. Je saisis l'occasion pour

18 aborder d'autres points administratifs, d'autres questions administratives

19 concernant des requêtes concernant le versement ou la recevabilité de

20 déclarations écrites conformément aux Règles 92 bis et ter, requêtes

21 déposées par l'Accusation le 11 janvier. La réponse de la Défense est aussi

22 attendue d'ici le 25 janvier, c'est-à-dire d'ici demain.

23 L'un des témoins cité dans la requête doit témoigner jeudi le 25, donc

24 demain. Les trois autres témoins sont prévus pour le lundi 29. Il s'agit

25 des témoins concernés : Sanela Dedovic, qui doit témoigner jeudi le 25

26 janvier, ainsi nous souhaiterions connaître la réponse de la Défense d'ici

27 cet après-midi; Huso Palo, prévu pour lundi le 29, nous souhaiterions la

28 réponse de la Défense d'ici demain; Sabina Sabanic, dont le témoignage est

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1 aussi prévu pour le 29, nous aimerions donc la réponse de la Défense d'ici

2 demain; et enfin Kemal Buco, prévu également pour le lundi 29, et là encore

3 nous aimerions la réponse de la Défense d'ici demain.

4 Veuillez poursuivre, Monsieur Docherty.

5 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui, alors premier point : je demande le

6 versement au dossier du document 65 ter 2498, c'est-à-dire la série de

7 lettres de protestation envoyées par le témoin et le colonel Meille au

8 général Milosevic et au général Mladic, les lettres que nous avons

9 examinées avant la pause.

10 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui.

11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ces pièces seront versées en tant que

12 pièce P103, Messieurs les Juges.

13 M. DOCHERTY : [interprétation]

14 Q. Avant la pause, nous parlions d'incidents impliquant des armes lourdes,

15 de violations des zones de sécurité et des frappes aériennes de l'OTAN sur

16 un dépôt de munitions à Pale qui en ont résulté. Est-ce que vous vous

17 souvenez des questions que je vous ai posées et des réponses que vous

18 m'avez données à ce sujet ?

19 R. Oui, je me souviens de mes réponses.

20 Q. Puis, je vous ai posé des questions concernant les ripostes dirigées

21 contre les Nations Unies mêmes, et vous nous avez donné une réponse

22 concernant l'aéroport à Tuzla; est-ce bien exact ?

23 R. Oui, je m'en souviens également.

24 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, la question ici sera

25 tendancieuse, mais les règles m'obligent à présenter ainsi ma thèse au

26 témoin.

27 Q. Est-ce qu'il y a eu également un incident de prise d'otage ?

28 R. S'il s'agit des 28 et 29 juin, je ne me souviens pas d'un incident de

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1 prise d'otage.

2 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic.

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je formule une objection, Messieurs

4 les Juges, quant à la question ainsi formulée, et je m'attends à ce que

5 vous statuiez sur la question. Il a été démontré, la réponse a démontré,

6 enfin, il ne me semble pas que ce type de questions soient recevables ou

7 devraient être autorisées.

8 [La Chambre de première instance se concerte]

9 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] J'aimerais entendre M. Docherty.

10 M. DOCHERTY : [interprétation] Si cela peut vous simplifier les choses, je

11 ne vais pas aller plus loin. Je me suis conformé aux exigences du

12 Règlement.

13 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Est-ce que vous voudriez bien me

14 rappeler, est-ce qu'il s'agit de l'article 90 ou 80 ?

15 M. DOCHERTY : [interprétation] Il s'agit de l'article 98 du Règlement,

16 Monsieur le Président, ou plutôt 90(H), comme dans "hôtel", Monsieur le

17 Président.

18 M. LE JUGE ROBINSON: [aucune interprétation]

19 M. DOCHERTY : [interprétation] Si vous me le permettez un instant, Monsieur

20 le Président, je vais trouver un exemplaire du Règlement.

21 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui, parce que l'article 90(H) traite

22 du contre-interrogatoire.

23 M. DOCHERTY : [interprétation] Je pourrais simplement retirer ma question,

24 Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] En tout cas, l'article 90(H) ne nous

26 donne aucun fondement pour une question qui oriente le témoin, mais permet

27 à la partie qui mène le contre-interrogatoire de poser des questions au

28 témoin se rapportant à des questions qui sont pertinentes pour la

Page 958

1 présentation des moyens de la partie qui mène le contre-interrogatoire.

2 Ainsi, l'objection soulevée par M. Tapuskovic est retenue. La question

3 était en effet tendancieuse, mais je relève que vous l'avez retirée.

4 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui, en effet, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Peut-être que vous y viendrez par un

6 autre biais.

7 M. DOCHERTY : [interprétation] Puis-je demander si les lettres dont j'ai

8 demandé le versement au dossier ont bien été versées, numéro ter 2498 ?

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, elles ont été versées.

10 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui.

11 M. DOCHERTY : [interprétation] Merci.

12 Q. Général, je vais maintenant m'éloigner des lettres de protestation et

13 de la structure de la FORPRONU et aborder la question du pilonnage, des

14 tirs embusqués et des bombes aériennes.

15 Tout d'abord, combien d'années avez-vous passées au sein des forces

16 armées néerlandaises avant de prendre votre retraite ?

17 R. Trente-neuf ans.

18 Q. Pendant ces 39 ans au sein de l'armée néerlandaise, avez-vous eu de

19 l'expérience en matière de mortiers ?

20 R. Oui, pendant près de deux ans j'ai été commandant adjoint d'une

21 compagnie de mortiers.

22 Q. Pendant cette période ou en vous fondant sur votre expérience

23 professionnelle en matière de mortiers, est-ce que la phrase "to register a

24 target" a une explication professionnelle à votre esprit ? "Enregistrer une

25 cible", littéralement.

26 R. Oui, en effet, cela veut dire que l'on peut tirer sur une cible avec un

27 mortier et cela permet de tirer de façon très précise sur la cible.

28 Q. Pourriez-vous expliquer à la Chambre comment un mortier est ainsi

Page 959

1 dirigé sur une cible spécifique ?

2 R. Vous commencez par tirer avec une pièce d'artillerie, un seul tir

3 observé par un observateur, et cet observateur vous indique où l'obus a

4 atterri, et ce, par rapport à la cible, et indique la correction nécessaire

5 afin que le tir soit plus précis et plus proche de la cible. On répète

6 cette procédure autant de fois que nécessaire jusqu'à ce que la grenade

7 touche la cible exacte, et ensuite tous les autres membres de l'unité des

8 tirs reçoivent la même instruction, ce qui garantit que les tirs de toutes

9 ces unités atteignent la cible.

10 Q. Une fois que le mortier a repéré la cible, est-ce que l'équipe ou

11 l'unité des tirs de mortiers doit pouvoir voir la cible afin de

12 l'atteindre ?

13 R. Non, ce n'est pas nécessaire.

14 Q. Ils pourraient même atteindre la cible pendant la nuit ou dans le

15 brouillard, par exemple ?

16 R. Oui, si aucune correction n'a été apportée, ce serait possible. Les

17 seules corrections qui pourraient s'avérer nécessaires seraient la

18 conséquence de changements dans le vent, la vitesse du vent, mais on peut

19 apporter ces corrections en mesurant ces changements, en consultant des

20 tableaux. Il n'est pas nécessaire de voir la cible à cette fin.

21 Q. Sur la base du temps que vous avez passé au sein de la FORPRONU à

22 Sarajevo, est-ce que vous vous êtes fait une idée concernant la durée ou la

23 période de temps pendant laquelle certains mortiers de l'armée serbe de

24 Bosnie s'étaient trouvés dans une certaine position, une position unique

25 sur des collines surplombant Sarajevo ?

26 R. Pardonnez-moi, mais je n'ai pas tout à fait compris votre question.

27 Q. En effet, la question était très longue. Je vais essayer de la scinder

28 en plusieurs questions. Par hypothèse, si un mortier reste au même endroit

Page 960

1 pendant une longue période, est-ce que ce mortier peut être dirigé de façon

2 très précise sur une cible, donc repérer cette cible de façon très

3 précise ?

4 R. La réponse est oui.

5 Q. Est-ce que vous avez su pendant combien de temps certains de ces

6 mortiers de l'armée serbe de Bosnie étaient restés en position sans être

7 déplacés dans les collines surplombant Sarajevo ?

8 R. Je ne sais pas quand ces positions ont été prises, mais pendant toute

9 la période que j'ai passée à Sarajevo, ces positions étaient occupées ou

10 tenues.

11 Q. Maintenant, quand vous dites que ces positions étaient occupées,

12 pouvez-vous dire à la Chambre à quelle occasion vous avez pu observer ou

13 voir ces positions ?

14 R. J'ai pu observer certaines de ces positions même depuis le quartier

15 général. C'est possible parce que Sarajevo se trouve dans une vallée

16 entourée de collines, et la plupart des positions tenues par les Serbes de

17 Bosnie se trouvaient dans ces collines. Je n'ai pas pu observer de mes

18 propres yeux certaines autres positions, mais les observateurs militaires

19 des Nations Unies pouvaient les observer. J'ai pu ainsi voir un certain

20 nombre de positions. J'ai visité une fois le quartier général à Pale, et la

21 route qui mène à Pale passe tout près de certaines de ces positions.

22 Q. Pendant la période que vous avez passée au sein de l'armée néerlandaise

23 en tant que commandant adjoint d'une compagnie de mortiers, est-ce que vous

24 avez appris à distinguer entre une unité ou une équipe de mortiers qui est

25 une bonne équipe et une équipe qui n'est pas tellement bonne ?

26 R. Oui, absolument.

27 Q. Avez-vous une opinion concernant la qualité des unités de l'armée serbe

28 de Bosnie qui servaient les mortiers et se trouvaient dans les collines

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1 surplombant Sarajevo ?

2 R. L'impression que j'ai eue, et je dis cela sous certaines réserves, j'ai

3 eu l'impression qu'ils étaient très professionnels. La seule réserve que

4 j'aurais concerne l'aspect que je n'ai pas pu évaluer, c'est-à-dire la

5 qualité d'une compagnie de mortiers dépend en partie de la vitesse à

6 laquelle ils peuvent prendre position et tirer sur une cible déterminée.

7 En raison du fait que les positions avaient été occupées depuis un

8 certain temps et que le repérage avait eu lieu beaucoup plus tôt, je n'ai

9 pas pu évaluer cet aspect-là des choses.

10 Q. Quel aspect avez-vous pu observer si vous n'avez pas pu observer la

11 vitesse avec laquelle ils prenaient position et ouvraient le feu ? Qu'avez-

12 vous pu voir ?

13 R. La précision avec laquelle l'on tirait sur les cibles; cette précision

14 était en général très bonne.

15 Q. Certaines de ces cibles, de ces choses qui ont été touchées par les

16 mortiers, s'agissait-il de cibles civiles ?

17 R. Parfois, des civils ont été pris pour cibles, en effet. Il est

18 difficile de dire si c'était dans tous les cas intentionnel ou si c'était

19 un tir qui n'avait pas atteint sa cible. Mais compte tenu de la qualité des

20 forces serbes de Bosnie, on peut estimer que cela pouvait être

21 intentionnel.

22 Q. Je vais maintenant aborder un autre type d'armes. Est-ce que vous

23 connaissez l'expression "bombe aérienne modifiée" ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que vous pourriez me dire -- pardonnez-moi.

26 R. J'avais compris que vous souhaitiez que j'explique ce dont il s'agit.

27 Outre de l'artillerie conventionnelle et des mortiers conventionnels,

28 l'armée serbe de Bosnie avait aussi un dispositif improvisé qui pouvait

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1 être lancé, en fait une bombe modifiée propulsée par une fusée ou une

2 roquette attachée à cette bombe. Etant donné qu'il s'agissait d'un système

3 de tir improvisé, il semblerait que cette arme ait été peu précise.

4 Néanmoins, cette arme avait une force explosive extrêmement élevée.

5 Q. Pendant le temps que vous avez passé au sein de l'armée

6 néerlandaise, avez-vous appris quels sont les différents types d'armes les

7 mieux adaptées à différents types de situations sur le champ de bataille ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce qu'un commandant aurait recours à une bombe aérienne ainsi

10 modifiée dans une situation particulière sur le champ de bataille ?

11 R. Uniquement dans une situation où il voulait causer des dégâts très

12 importants et une situation dans laquelle la précision n'avait qu'une

13 importance secondaire.

14 Q. Avez-vous une opinion au sujet de la raison pour laquelle ces bombes

15 aériennes modifiées ont été utilisées par l'armée serbe de Bosnie à

16 Sarajevo ? Quel était leur objectif en lançant ces bombes ?

17 R. La seule chose que je puisse imaginer, c'est compte tenu de l'impact du

18 projectile, que cela avait une sorte d'effet dissuasif.

19 Q. Comment est-ce que cet effet dissuasif était produit ?

20 R. En raison du fait que cela cause des dégâts matériels considérables et

21 aussi un nombre très important de victimes.

22 Q. Avant la pause, les Juges vous ont demandé si certains des tirs dirigés

23 sur Sarajevo par l'armée serbe de Bosnie constituaient une riposte de la

24 provocation. Vous avez répondu que oui. Est-ce que vous vous souvenez de

25 cet échange avec les Juges de la Chambre ?

26 R. Oui, je m'en souviens. Je me souviens des réponses que j'ai données et

27 j'ai dit de façon tout à fait précise que dans certains cas, il y avait eu

28 de la provocation, mais pas dans tous les cas.

Page 963

1 Q. Dans les cas où il y avait eu de la provocation, pourriez-vous décrire

2 aux Juges de la Chambre ce que constituait une provocation typique ?

3 R. Une provocation pouvait, par exemple, être des tirs avec des armes

4 légères, des tirs sur les positions tenues par les Serbes de Bosnie. Une

5 autre forme de provocation pouvait être d'effectuer des tirs avec des armes

6 lourdes. L'on sait entre autres choses que des véhicules à toit ouvert ont

7 été utilisés, véhicules dans lesquels il y avait un mortier et qui tiraient

8 non pas de façon arbitraire, mais qui tiraient sur différents sites en

9 dehors de la ville du territoire serbe de Bosnie.

10 Q. Est-ce que la riposte de l'armée serbe de Bosnie était proportionnée à

11 ces provocations ?

12 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Non. Il doit nous décrire quelle

13 était la riposte, mais non pas ce qui était proportionné ou non. C'est à

14 nous d'en décider.

15 M. DOCHERTY : [interprétation]

16 Q. Général, prenons par exemple quelques exemples de ripostes aux tirs des

17 mortiers tirés par les Musulmans de Bosnie. Quel type de ripostes il y a

18 eu, s'il y a eu différents types de ripostes, de la part des forces serbes

19 de Bosnie ?

20 R. En général, de telle salves ont été suivies de tirs ciblant différents

21 endroits dans la ville. J'estime qu'une riposte est proportionnelle si elle

22 est dirigée sur une position à partir de laquelle l'autre partie a tiré.

23 Cela dit, bien souvent ce ne fut pas le cas.

24 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] J'ai dit déjà plus tôt qu'il ne vous

25 était pas permis de dire si telle ou telle chose était proportionnée ou

26 non. Décrivez-nous simplement la riposte.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi. Comme je l'ai dit, en général

28 la réaction était une riposte des tirs dirigés sur différentes cibles à

Page 964

1 Sarajevo.

2 M. DOCHERTY : [interprétation]

3 Q. Est-ce que cela comprenait des cibles civiles à Sarajevo ?

4 R. Oui, c'est exact.

5 Q. Enfin, pour revenir aux tirs embusqués, pendant la période que vous

6 avez passée à Sarajevo, est-ce qu'il y a eu des habitants de la ville de

7 Sarajevo qui ont été touchés par des tirs d'armes légères ?

8 R. Oui, c'est arrivé très fréquemment.

9 Q. J'ai parlé d'"habitants"; je devrais peut-être être plus précis. Ces

10 habitants étaient-ils des civils ?

11 R. Cela concernait tant des habitants civils que militaires.

12 Q. Y avait-il des quartiers de la ville de Sarajevo qui étaient bien

13 connus ou tristement célèbres comme étant des endroits où les civils

14 pouvaient essuyer des tirs ?

15 R. Oui, il y avait de tels quartiers. C'étaient les endroits qui étaient à

16 proximité des lignes de confrontation. Par exemple, une partie de la ville

17 de Sarajevo où la ligne de confrontation était toute proche du centre-

18 ville, ce quartier-là était un endroit où il était très facile de tirer sur

19 l'autre partie à courte portée. Pour vous donner un autre exemple, il y

20 avait aussi l'aéroport de Sarajevo où un quartier serbe se trouvait à

21 proximité.

22 Q. Ma dernière question est la suivante. Je reviens aux lettres de

23 protestation qui ont été envoyées. Nous avons vu que certaines lettres de

24 protestation ont été envoyées au général Mladic. Est-ce que vous vous en

25 souvenez ?

26 R. Pardon. Auriez-vous l'obligeance de répéter la question ?

27 Q. Oui, bien entendu. Nous avons vu plus tôt certaines lettres de

28 protestation qui ont été envoyées, dont certaines ont été adressées au

Page 965

1 général Ratko Mladic. Est-ce que vous vous souvenez d'avoir vu ces lettres

2 ce matin à l'écran ?

3 R. Oui, je m'en souviens.

4 Q. Les lettres qui furent envoyées au général Mladic, le général Mladic

5 est le commandant qui était le supérieur hiérarchique de l'accusé Dragomir

6 Milosevic à l'époque; est-ce bien exact ?

7 R. Oui, c'est exact.

8 Q. En envoyant des lettres au général Mladic, est-ce que cet envoi

9 indiquait d'une façon ou une autre que vous ne teniez pas le général

10 Milosevic pour responsable des actes des troupes qui se trouvaient sous son

11 commandement ?

12 R. Non. Un commandant est toujours responsable des actes des soldats qui

13 se trouvent sous ses ordres. Cela dit, en même temps, ses supérieurs

14 hiérarchiques sont également responsables. Lorsqu'il s'agit d'incidents

15 graves, nous estimons qu'il fallait également s'adresser aux supérieurs

16 hiérarchiques du général Milosevic.

17 M. DOCHERTY : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur le

18 Président.

19 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Très bien. Merci.

20 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Général, puis-je vous poser une

21 dernière question concernant les lettres de protestation que vous avez

22 adressées à différents commandants des deux parties au conflit ? Ma

23 question est la suivante : est-ce que les réponses que vous avez reçues

24 émanaient des personnes auxquelles vous aviez adressé les lettres de

25 protestation ? En d'autres termes, est-ce que les personnes qui étaient les

26 destinataires de vos lettres de protestation vous répondaient elles-mêmes

27 ou est-ce que les réponses venaient d'autrui ? Si tel est le cas, qui vous

28 a répondu ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est très difficile de vous donner une

2 réponse identique pour tous les cas. De façon générale, la réponse émanait

3 de la personne à qui la lettre avait été adressée. Toutefois, il arrivait

4 également que la personne en question n'était pas présente au QG, et dans

5 ces cas-là un officier en exercice répondait au nom de la personne à qui la

6 lettre avait été adressée. Cela arrivait également.

7 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui, Maître Tapuskovic.

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 La première chose que j'aimerais dire, c'est que j'ai l'intention

10 d'interroger ce témoin sur la base notamment des documents DD00-0287. Il

11 s'agit de la déclaration faite par le témoin le 16, le 13, le 25 octobre et

12 le 18 novembre 1996, c'est-à-dire une année seulement après les accords de

13 Dayton. Ce sera le premier document sur lequel je vais me fonder.

14 L'autre document avec lequel je vais faire des analogies, c'est le

15 document DD00-03-19. Ce document concerne la déclaration faite par le

16 témoin entre le 16 et le 20 octobre 2006.

17 Je ne vais pas aborder les problèmes que je vous ai indiqués plus

18 tôt. Croyez-moi, je souhaiterais ne pas avoir raison. Je souhaiterais ne

19 pas avoir reçu la traduction il y a deux jours seulement. L'accusé Dragomir

20 Milosevic a également reçu ce document il y a seulement deux jours. Je ne

21 vais plus en parler.

22 Je vais immédiatement aborder mon contre-interrogatoire en permettant

23 au témoin de lire le document. Je vais lui indiquer les pages exactes en

24 anglais avec beaucoup de précision.

25 Pourrions-nous voir ce document, DD00-0319, en date du 16 au 20 octobre

26 2006 ? J'aimerais passer à la première page de ce document. Je ne suis pas

27 certain que le témoin ait bel et bien le document sous les yeux.

28 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Le document a-t-il déjà été versé au

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1 dossier ou est-ce qu'on l'utilise pour la première fois ?

2 M. DOCHERTY : [interprétation] Le document aurait été versé au dossie0r si

3 le témoin avait témoigné en vertu de l'article 92 ter du Règlement, mais

4 étant donné que ce n'est pas un témoin 92 ter, cette déclaration n'a pas

5 encore été versée au dossier.

6 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Très bien.

7 Maître Tapuskovic, vous pouvez continuer.

8 Contre-interrogatoire par M. Tapuskovic :

9 Q. [interprétation] Général, je m'appelle Branislav Tapuskovic. Je suis

10 avocat au barreau de Belgrade. J'ai quelques questions à vous poser à

11 propos de vos différentes déclarations. Je veux aussi vous présenter

12 quelques documents, deux ou trois. Voici ma première question : souvenez-

13 vous que nous avons très peu de temps. Dans la mesure du possible, essayez

14 d'être très concis dans vos réponses, ou mieux, bien sûr, que ces réponses

15 soient oui ou non.

16 Commençons par la page 1. Je vais vous poser quelques questions générales.

17 Je pense que les réponses devraient être extrêmement courtes.

18 Au paragraphe 1, vous dites avoir déjà fourni une déclaration que

19 vous avez lue et avec laquelle vous êtes toujours d'accord. Il s'agit de la

20 déclaration que vous avez faite en 1996. Je vais vous poser des questions à

21 ce propos-ci. Maintenez-vous tout ce que vous avez affirmé dans cette

22 déclaration ?

23 R. Oui.

24 Q. Au paragraphe 2, maintenant page 1, là vous nous dites que vous avez

25 passé toute votre carrière militaire dans l'infanterie, que vous êtes

26 expérimenté en matière de mortiers. Est-ce que cela signifie que vous êtes

27 un expert en mortiers, de façon générale ?

28 R. Oui. Je vous ai déjà dit que j'étais commandant adjoint d'une compagnie

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1 de mortiers.

2 Q. Merci bien. Vous avez dit également que vous étiez le chef d'état-major

3 du général Smith. Dans le paragraphe 3 de cette déclaration émanant de

4 vous, vous dites que les réunions se déroulaient selon des modalités

5 déterminées et vous soulignez que "même en cas de discussions avec des

6 ministres, il était toujours avec moi." Je cite : "Bien que j'aie été chef

7 d'état-major du général Smith, le général Smith tenait parfois des réunions

8 privées auxquelles je n'assistais pas."

9 Ceci est-il exact ?

10 R. Tout à fait.

11 Q. Pouvez-vous me dire, si vous en avez le souvenir, s'il y a eu de telles

12 réunions privées dans la période où a eu lieu cet événement absolument

13 tragique au marché de Markale, en 1995 ? Est-ce que dans cette période, il

14 y a eu des réunions de ce genre où il a rencontré une personne en tête-à-

15 tête ?

16 R. Je ne sais pas vraiment à quel incident vous faites référence, mais

17 d'une façon régulière le général Smith, sans ma présence, se lançait dans

18 des négociations avec les ministres du gouvernement de Bosnie-Herzégovine.

19 Q. Non. Le représentant de l'Accusation ne vous a pas posé la moindre

20 question au sujet de ce qui s'est passé le 28 août, date à laquelle un obus

21 a explosé au marché de Markale, qui aurait, selon les accusations contenues

22 dans l'acte d'accusation, provoqué un grand nombre de victimes. Je vous

23 interrogeais pour ma part au sujet de cette période, les journées des 28 et

24 29 et plus particulièrement le 28. Est-ce qu'il y a eu à ce moment-là une

25 réunion entre le général Smith et quelqu'un d'autre en tête-à-tête ?

26 R. Non. En tout cas, je ne m'en souviens pas. J'ai assisté à toutes les

27 discussions qui ont eu lieu à ce propos avec l'état-major et qui étaient

28 présidées par le général Smith.

Page 969

1 Q. Merci. Nous allons reparler de Markale plus tard, car j'ai un certain

2 nombre de questions que je dois vous poser à ce sujet.

3 Pour le moment, parlons du paragraphe 4 de votre déclaration

4 préalable, où vous évoquez un certain Mohatarem. Vous accordez beaucoup de

5 crédit à sa crédibilité. Vous dites que c'était un homme d'honneur. Vous

6 considériez Mohatarem comme un officier d'honneur. En tout cas, c'est de

7 cette façon que vous le décrivez dans votre déclaration préalable.

8 R. Je n'ai connaissance d'aucun fait qui pourrait saper la crédibilité de

9 cet officier.

10 Q. Je vous remercie. C'était également mon impression, je voulais vérifier

11 auprès de vous si votre conviction était restée la même et confirmer mon

12 sentiment personnel.

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous nous

14 penchions sur l'autre déclaration émanant de vous, celle que le témoin a

15 faite, Monsieur le Président, en 1996, le 25 octobre en particulier, 1996.

16 Je demanderais que ce document, le document DD00-0287 soit affiché sur les

17 écrans. Je dis bien qu'il s'agit de la déclaration de 1996.

18 Q. Monsieur le Témoin, je vais vous poser quelques questions dès que ce

19 document apparaîtra sur les écrans, en commençant par la page 1.

20 Est-ce que vous avez maintenant, Mon Général, sous les yeux la page 1

21 de ce document ?

22 R. Oui.

23 Q. Je relis ce texte, et au paragraphe 2, en page 1, je lis ce qui est

24 écrit. Je vous pose la question suivante : est-il permis de dire que votre

25 première mission en tant que soldat de métier dans les rangs des hommes des

26 Nations Unies a été la mission qui vous a amené en ex-Yougoslavie ? Oui ou

27 non ?

28 R. Pourriez-vous répéter votre question, s'il vous plaît ?

Page 970

1 Q. En fait, cela n'était pas une question, car cela reprenait exactement

2 les mots que l'on trouve dans votre déclaration préalable, au paragraphe 2

3 de la page 1. Je cite : "Mon premier poste international a été un poste

4 auprès des Nations Unies au sein de la FORPRONU dans l'ex-Yougoslavie."

5 Est-ce que cette phrase rend bien compte de la réalité vous concernant ?

6 R. Oui, tout à fait.

7 Q. Est-il exact également, puisque nous le lisons un peu plus loin dans ce

8 même document, que vous vous êtes porté volontaire pour partir dans ce pays

9 où les combats faisaient rage ?

10 R. En effet, c'est correct.

11 Q. Merci, mais je ne voudrais pas vous interrompre au cas où vous auriez

12 davantage à dire.

13 R. Non, je n'ai rien à ajouter.

14 Q. Parce que la Yougoslavie de l'époque était un grand pays, j'aimerais

15 savoir ce que vous saviez au sujet de ce pays avant de vous y rendre. Est-

16 ce que vous aviez des connaissances approfondies au sujet de l'ex-

17 Yougoslavie ?

18 R. Professionnellement, bien sûr, j'étais intéressé dans les événements

19 dans les Balkans. Dès le départ, j'ai suivi les rapports, j'ai lu des

20 ouvrages à propos de ce pays. Avant d'être muté, on m'a fait quelques

21 briefings à propos de la situation qui avait lieu à l'époque.

22 Q. Ce stage que vous avez suivi a duré un mois, n'est-ce pas, d'après ce

23 que je lis dans votre déclaration préalable, un mois qui a commencé au

24 moment où vous avez été informé de votre départ en ex-Yougoslavie; c'est

25 bien cela ?

26 R. Non, pas tout à fait.

27 Q. C'est ce qui est écrit.

28 R. Il s'agissait d'un stage de deux semaines.

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1 Q. Merci. Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre quelles étaient

2 vos motivations qui vous ont poussé à vous porter volontaire pour partir

3 dans un lieu aussi dangereux, une zone de guerre ? Est-ce que votre

4 décision de vous rendre dans un lieu aussi dangereux n'a pas reposé peut-

5 être sur les images que vous aviez vues à la télévision de ce qui se

6 passait à Sarajevo ?

7 R. J'avais deux motivations principales. Tout d'abord, juste avant, on

8 m'avait proposé un poste que, pour des raisons personnelles, j'avais

9 refusé, donc j'avais demandé un autre poste. J'avais indiqué que j'étais

10 prêt à partir en mission et à être déployé à l'étranger, parce que cela

11 aurait été nouveau pour moi et c'était une expérience tout à fait

12 profitable, à mon avis. Deuxièmement, aussi de façon idéologique je voulais

13 contribuer à mettre un terme aux atrocités qui avaient lieu à l'époque dans

14 les Balkans.

15 Q. Ces atrocités qui avaient lieu dans les Balkans, vous estimiez, n'est-

16 ce pas, en tout cas c'était l'état de vos connaissances à cette époque-là,

17 que les seuls responsables de ces atrocités étaient les Serbes; oui ou

18 non ?

19 R. Non, non, je ne pensais absolument pas, et je ne pense absolument pas

20 qu'il n'y avait qu'un parti qui portait toute la responsabilité.

21 Q. Est-ce que vous dites ceci aujourd'hui sur la base de l'expérience que

22 vous avez acquise dans le cadre de votre mission, après avoir vu

23 personnellement tout ce que vous avez vu se passer là-bas ? Est-ce que

24 c'était une conviction que vous aviez dès le départ, cette idée que toutes

25 les parties étaient responsables ? Est-ce qu'à l'époque, vous n'estimiez

26 pas que seuls les Serbes étaient à l'origine de ces atrocités ?

27 R. Avant mon séjour tout comme après mon séjour, je croyais déjà, et je

28 continue toujours à le croire, qu'il y avait différentes parties en

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1 présence qui étaient toutes responsables du conflit.

2 Q. Bien. Dans ce cas, je renonce à certaines questions que j'avais

3 l'intention de vous poser.

4 Je vous pose une nouvelle question. Que saviez-vous des victimes des

5 événements avant votre arrivée sur place ? Que saviez-vous des personnes

6 qui étaient victimes de ces événements ? Est-ce que vous aviez une idée à

7 ce sujet ? Si vous pouvez me répondre, faites-le, sinon je passerai à autre

8 chose.

9 R. C'est une question très compliquée. Je vais essayer d'y répondre. Ce

10 que je savais à propos du conflit, c'est ce que j'avais lu et aussi ce que

11 j'avais vu dans un poste précédent, dans une mission où j'avais été en

12 Bosnie, parce que j'avais vu certaines choses.

13 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Pour notre information, s'il vous

14 plaît, nous aimerions savoir si la thèse de l'Accusation serait que seuls

15 les Serbes étaient responsables des violences infligées.

16 M. DOCHERTY : [interprétation] Non, absolument pas.

17 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Bien. Merci.

18 M. DOCHERTY : [interprétation] Certes, l'accusé était un général serbe.

19 Nous devons prendre cela en compte.

20 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Très bien, la Défense pourrait peut-

21 être prendre note de ce fait.

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ne vais pas insister sur ce point.

23 Q. Mon Général, s'agissant des éléments d'information que vous aviez pu

24 obtenir avant votre départ, est-ce que c'est surtout votre prédécesseur, le

25 général Van Baal, qui vous a fourni ces éléments d'information et qui vous

26 a appris un grand nombre de choses au sujet de la situation sur place,

27 comme nous pouvons le lire dans votre déclaration ?

28 Je vous rafraîchis la mémoire de façon à ne pas perdre de temps. Pour

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1 ce faire, je reviens au document DD00-10319, qui est vraiment un document

2 très important, paragraphe 24. Je suis désolé de devoir faire des allers et

3 retours entre les deux documents, mais je ne peux pas procéder autrement.

4 Est-ce que le document est sur les écrans ?

5 R. Pas encore. Oui, maintenant il y est.

6 Q. Est-ce que vous l'avez maintenant sous les yeux ? Je vais devoir vous

7 le dire intégralement et je le ferai à un rythme acceptable. Je cite:

8 "Je me souviens qu'il était très important de déterminer l'origine

9 des tirs, car nous n'excluions aucune possibilité, y compris la possibilité

10 que les Musulmans de Bosnie aient pilonné leur propre peuple. Je n'ai

11 jamais vu et je n'ai pas non plus la moindre preuve que les Musulmans de

12 Bosnie aient pilonné leur propre peuple, même si mon prédécesseur, le

13 général Van Baal, m'avait dit que cela s'était peut-être produit pendant la

14 durée de son mandat, les éléments à prendre en compte."

15 La suite n'a pas de pertinence par rapport à ce qui m'intéresse. Ici, il

16 est écrit que le général Van Baal vous avait dit qu'il y avait eu des cas -

17 je me contente de citer ses propos à lui - qu'il était arrivé que les

18 Musulmans de Bosnie aient pilonné leur propre peuple.

19 Est-ce que vous avez effectivement entendu parler de cela ?

20 R. Oui, tout à fait, c'est correct.

21 Q. Merci. Encore un point. Les Musulmans de Bosnie pilonnaient leur propre

22 peuple, après quoi le monde entier observait ces faits en estimant que

23 c'étaient les Serbes de Bosnie qui avaient bombardé. Est-ce qu'il est

24 permis de présenter les choses comme je viens de le faire ou est-ce que

25 vous avez peut-être un avis différent ?

26 R. Non, on avait une impression que peut-être qu'il y avait eu des tirs

27 sur son propre peuple pour donner l'impression que c'était l'autre camp qui

28 était responsable.

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1 Q. Merci, merci. Je lis votre déclaration préalable et je vois que vous

2 êtes arrivé à Sarajevo le 23 février 1995; c'est bien cela ?

3 R. C'est exact.

4 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Non, j'ai besoin d'une petite

5 clarification de la part du témoin. Je voudrais savoir exactement ce qu'il

6 voulait dire quand il a dit qu'il avait l'impression que c'était

7 l'intention que l'on avait voulu donner de tirer sur des troupes amies

8 uniquement pour donner l'impression que c'était l'autre partie qui était en

9 cause. Pouvez-vous expliquer cela, s'il vous plaît ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, bien sûr.

11 Le général Van Baal, qui était le prédécesseur de mon propre

12 prédécesseur, m'a dit avant que je parte et dans un cas bien précis qu'ils

13 avaient eu l'impression que les Musulmans de Bosnie avaient tiré sur leur

14 propre peuple dans l'intention de faire porter la responsabilité aux Serbes

15 de Bosnie. Je vous dis que c'était son impression. Il n'avait pas de preuve

16 à 100 % pour étayer ces dires, mais c'était une impression quand même assez

17 forte qu'il avait eue.

18 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Il s'agit d'informations que vous

19 avez obtenues de la part du prédécesseur de votre prédécesseur, n'est-ce

20 pas ? Quand se trouvait-il en Bosnie, s'il vous plaît ? Pouvez-vous nous

21 dire à quel moment il était en Bosnie ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était au cours du premier semestre 1994.

23 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Merci.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, les interprètes

25 B/C/S que j'écoutais ont dit qu'il s'agissait de pilonnage sur leurs

26 propres soldats, alors que dans la déclaration écrite, le paragraphe que

27 j'ai cité au général disait que les Musulmans de Bosnie avaient pilonné

28 leur propre peuple, donc peuple, et non soldats. Peuple, cela signifie des

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1 civils. C'est cela qui est au cœur de l'intérêt que j'ai par rapport à

2 cette phrase. C'est très précis. La citation de la déclaration écrite du

3 témoin se lit comme suit, "pilonner leur propre peuple".

4 Q. Est-ce que vous pourriez éclairer ce point à notre intention ? Est-ce

5 qu'ils pilonnaient la ligne de front où les soldats se trouvaient ou la

6 ville en tant que telle ?

7 R. Ils pilonnaient la population civile.

8 Q. Merci. Vous avez dit à quelle date vous êtes arrivé à Sarajevo, et vous

9 en êtes parti le 2 septembre 1995; c'est bien cela ?

10 R. Tout à fait.

11 Q. Quand vous êtes parti pour la Bosnie, étant donné les fonctions qui

12 étaient les vôtres, il vous avait été signalé, n'est-ce pas, que vous

13 alliez vous rendre à cet endroit et que vous y arriveriez juste après la

14 prise d'effet d'un accord de cessez-le-feu conclu en janvier et qui était

15 censé durer jusqu'au mois d'avril, n'est-ce pas ?

16 R. C'est exact.

17 Q. Est-il permis de dire que les services de Renseignement de l'OTAN ainsi

18 que les services de Sécurité vous avaient également appris que les

19 Musulmans, même avant la conclusion de cet accord de cessez-le-feu et bien

20 que des négociations avaient déjà lieu en vue de la conclusion d'un tel

21 accord de cessez-le-feu, que les Musulmans se préparaient à lancer une

22 offensive dans la période ultérieure ? Est-ce que vous étiez au courant de

23 cela ? Est-ce que quelqu'un vous l'avait dit ?

24 R. Je n'avais pas été informé qu'une offensive était en train de se

25 préparer. J'avais en revanche été informé d'infractions qui avaient eu lieu

26 par rapport à l'accord.

27 Q. Pouvez-vous me dire au moins si vous étiez au courant du fait que de

28 longs pourparlers avaient été menés en présence de représentants de l'ABiH

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1 ainsi que de représentants de l'armée de la Republika Srpska, pour obtenir

2 la prorogation de cet accord, pour obtenir que cet accord s'applique

3 pendant une longue période et que les Musulmans -- excusez-moi, excusez-

4 moi. Il est difficile de dire chaque fois Musulmans de Bosnie. Je vais sans

5 doute commettre encore l'erreur que je viens de commettre à plusieurs

6 reprises à l'avenir en parlant uniquement de Musulmans. Je ne vois pas ce

7 qu'il y a de négatif à utiliser les qualificatifs Musulmans, Serbes ou

8 autres. Je vous prie de m'excuser à l'avance.

9 Quoi qu'il en soit, est-ce que, Mon Général, vous saviez que les

10 représentants de l'ABiH avaient catégoriquement refusé toute discussion au

11 sujet d'une prorogation de l'accord de cessez-le-feu ? Est-ce que vous

12 aviez à l'époque la certitude que les Musulmans de Bosnie étaient sur le

13 point de lancer une offensive; autrement dit, est-ce que vous le saviez ?

14 R. Ce que je savais, c'est que l'accord qui existait n'était qu'un

15 compromis, un accord de quatre mois d'un résultat plutôt modeste. Mes

16 prédécesseurs et moi avons toujours essayé de négocier avec toutes les

17 parties concernées pour avoir un accord qui serait valide plus longtemps,

18 mais malheureusement je n'en suis pas arrivé. Je n'étais absolument pas

19 préparé à une offensive.

20 Q. J'aimerais maintenant vous poser quelques questions au sujet de faits

21 très concrets. A votre arrivée sur place, connaissiez-vous l'existence du

22 tunnel qui passait sous l'aérodrome, sous l'aéroport Butmir, un tunnel qui

23 était relatif long et qui était largement utilisé par les membres de

24 l'ABiH, à savoir que cette armée pouvait, grâce à ce tunnel, recevoir des

25 médicaments et des vivres puisque ce tunnel allait jusqu'à la ville ? Bien

26 sûr, il était tout à fait normal que ce tunnel soit utilisé à de telles

27 fins. Mais est-ce que vous savez aussi qu'il a été utilisé pour faire venir

28 des énormes quantités de munitions ? Est-ce que vous le saviez lorsque vous

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1 étiez à Sarajevo, Monsieur ?

2 R. Je ne l'ai pas su tout de suite quand je suis arrivé, mais très peu de

3 temps après ma prise de poste, on m'en a averti.

4 Q. Est-ce qu'en tant qu'officier et plus précisément en tant que

5 représentant des Nations Unies, vous étiez informé du fait que les

6 représentants de l'ABiH se déplaçaient sans cesse et dans les deux sens

7 dans ce tunnel en très grand nombre, et que cela permettait à l'ABiH, grâce

8 au tunnel, de quitter la zone de Sarajevo pour aller sur d'autres zones de

9 combat et ensuite de revenir à Sarajevo ? Est-ce que vous étiez au courant

10 de cela ?

11 R. De toute façon, on se doutait bien que c'était le cas. Mais le tunnel

12 était aussi très souvent utilisé pour approvisionner la population parce

13 que les convois d'approvisionnement étaient très souvent bloqués. Ils ne

14 pouvaient pas parvenir à la ville.

15 Q. Je l'ai déjà dit moi-même bien sûr que ce tunnel avait une énorme

16 importance pour les habitants de Sarajevo également. D'ailleurs, de ce

17 point de vue, je suis très heureux que ce tunnel ait existé et qu'il ait pu

18 approvisionner la population en médicaments, entre autres. Mais ce n'était

19 l'objet de ma question. Je vous demandais, compte tenu du grand nombre de

20 soldats qui passaient par ce tunnel, s'il était normal que la FORPRONU

21 n'ait rien entrepris pour l'empêcher. Je parle bien de soldats qui

22 utilisaient ce tunnel dans les deux sens. Je n'ai rien, bien entendu,

23 contre l'utilisation du tunnel pour organiser l'approvisionnement en

24 médicaments et en vivres qui était destiné à améliorer la vie quotidienne

25 de la population, mais ce que je me demande, c'est pourquoi la FORPRONU n'a

26 pas mis un terme à ces allers et retours incessants de la part de soldats

27 dans une zone qui était censée être démilitarisée. J'aimerais que vous

28 m'apportiez votre réponse sur ce point.

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1 R. Je ne peux pas vous donner de réponse très précise pour ce qui est de

2 l'utilisation par l'ABiH de ce tunnel et dans quelle mesure ils

3 l'utilisaient. Il y avait des bataillons français dans le secteur de

4 Sarajevo qui se trouvait à l'aéroport, et j'imagine qu'ils devaient voir le

5 tunnel, mais je ne sais pas dans quelle mesure ils ont surveillé

6 l'utilisation du tunnel par les soldats de l'ABiH. Il faudrait leur poser

7 la question à eux, plutôt. C'était dans le secteur Sarajevo. Je n'ai jamais

8 eu d'information à ce propos.

9 Q. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si au moins vous saviez que

10 l'entrée tout comme la sortie du tunnel se trouvaient dans des secteurs qui

11 étaient peuplés par un grand nombre d'habitants civils.

12 R. La sortie du tunnel se trouvait côté ville. Il est vrai que c'était une

13 zone où se trouvaient beaucoup de civils. Mais de l'autre côté, côté mont

14 Igman, là il n'y avait pas vraiment de zone très urbaine.

15 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Général, votre réponse à la question

16 précédente semble indiquer que vous saviez que le tunnel était emprunté par

17 l'ABiH. Vous avez plutôt des difficultés à quantifier l'utilisation de ce

18 tunnel par l'ABiH. Est-ce bien ce que vous avez dit ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas tout à fait. Je vais essayer d'être

20 plus précis. Je n'ai reçu aucun rapport selon lequel l'ABiH aurait utilisé

21 ce tunnel, mais je n'exclus pas cette possibilité. Nous n'avions pas de

22 poste d'observation permettant de voir qui utilisait ce tunnel, qui y

23 entrait et qui en sortait.

24 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Pourrais-je poser une question au

25 conseil de la Défense ? Je ne suis pas certain d'avoir compris la question

26 que vous avez posée au témoin au départ, parce que vous semblez suggérer

27 qu'il y avait une infraction, une violation d'un accord. Vous êtes en train

28 de nous dire que faire entrer des armes dans Sarajevo par le tunnel aurait

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1 été une violation de l'accord en cours ? C'est bien ce que vous étiez en

2 train d'affirmer ?

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, des armes pénétraient

4 dans Sarajevo, c'est une chose, mais des renforts en hommes arrivaient

5 aussi à Sarajevo. Il y avait même des moments où les soldats qui se

6 trouvaient au départ à Sarajevo partaient de la ville pour aller sur

7 d'autres fronts, à Igman et ailleurs, et ensuite revenaient à Sarajevo.

8 Mais en tout cas, puisque Sarajevo avait été déclaré zone

9 démilitarisée dès l'année 1993, cela constituait une violation grave des

10 résolutions des Nations Unies, étant donné que dans une zone démilitarisée,

11 il ne peut pas y avoir légitimement entrée de quelque arme que ce soit et

12 il ne peut pas y avoir d'action armée. Or, des quantités énormes d'armement

13 et des effectifs en hommes très importants ne cessaient d'arriver à

14 Sarajevo et de provoquer des incidents permanents. Si cela n'avait pas eu

15 lieu, rien ne se serait passé, comme à Kiseljak où la ligne de front

16 séparait les Croates et l'armée serbe et où il n'y avait pas de tirs.

17 Voilà mon argument. C'est une violation grave qui a eu lieu à

18 Sarajevo, violation des termes de la résolution des Nations Unies, car la

19 zone a été de plus en plus militarisée.

20 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie de ces

21 précisions.

22 [La Chambre de première instance se concerte]

23 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Veuillez poursuivre.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je demanderais que l'on remette sur les

25 écrans le document DD00-0287.

26 Q. Mon Général, je vous prierais de vous pencher plus particulièrement sur

27 le passage qui se trouve en première page, où vous parlez de votre arrivée

28 à Sarajevo.

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1 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic, avez-vous demandé

2 précédemment au témoin si les zones à la sortie et à l'entrée du tunnel

3 étaient assez densément peuplées ? Je ne me souviens plus très bien de

4 votre question et surtout je ne me souviens plus de la réponse.

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai posé

6 effectivement cette question.

7 Q. Si j'ai bien compris la situation, si les éléments d'information dont

8 je dispose sont exacts, Mon Général, n'est-ce pas, à l'entrée du tunnel se

9 trouvait un quartier très densément peuplé ? Je ne me trompe pas, n'est-ce

10 pas ? C'est bien ce que vous avez dit ?

11 R. Ce tunnel possède deux extrémités. Côté ville, il s'agissait d'une zone

12 urbaine résidentielle, alors que de l'autre côté qu'on appellera la sortie,

13 l'autre extrémité, côté mont Igman, là ce n'était pas une zone densément

14 peuplée.

15 Q. Mais, je vous en prie, le mont Igman est tout de même assez loin de ce

16 tunnel, n'est-ce pas ? Igman, c'est une montagne qui domine Sarajevo et qui

17 se trouve à une certaine distance de la ville. Entre la sortie du tunnel et

18 le mont Igman, il faut tout de même parcourir un chemin assez long. J'étais

19 là-bas en tant qu'enfant, j'y suis retourné en tant qu'adulte, j'y suis

20 allé notamment avant la guerre.

21 Vous parlez d'entrée et de sortie du tunnel, mais si l'on vient du

22 mont Igman, l'entrée c'est ce que vous avez appelé sortie. Si on arrive de

23 Sarajevo, l'entrée c'est l'extrémité qui se trouve près de la ville. Les

24 mots sont peu précis. Mais quoi qu'il en soit, les deux extrémités du

25 tunnel débouchaient sur des quartiers totalement civils, n'est-ce pas ?

26 D'un côté, c'était un quartier résidentiel de la ville, donc totalement

27 civil, et de l'autre côté c'était une zone absolument et totalement civile,

28 n'est-ce pas, parce que le tunnel faisait 700 mètres de long et débouchait

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1 dans les deux cas sur des zones civiles, n'est-ce pas ?

2 R. Oui, certes, mais le côté ville était quand même plus densément peuple

3 que l'autre côté.

4 Q. Je comprends bien, mais quelle que soit la dénomination que nous

5 donnions à l'une ou l'autre des extrémités, que nous l'appelions entrée ou

6 sortie, l'une et l'autre extrémité auraient pu être des cibles militaires

7 s'il y avait des soldats qui y circulaient, n'est-ce pas ?

8 R. Oui, oui.

9 Q. Merci. Maintenant, j'aimerais que vous vous penchiez sur la première

10 page de déclaration de 1996, qui est le deuxième feuillet, mais la deuxième

11 page. Vous avez le texte sous les yeux ?

12 R. Non, pas encore.

13 Q. Maintenant ? C'est le troisième paragraphe qui m'intéresse.

14 R. Non, non, pas encore.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Vraiment, Monsieur le Président, ce

16 processus est particulièrement lent.

17 Q. Est-ce que vous avez le texte sous les yeux maintenant, Mon Général ?

18 R. Non, toujours pas.

19 Q. Le document DD00-0287, s'il vous plaît. Quand je dis deuxième feuillet,

20 c'est la première page du document du texte, après la page couverture.

21 Voilà, c'est bien le texte que nous avons maintenant sur les écrans.

22 Vous l'avez sous les yeux, Mon Général ?

23 R. J'ai sous les yeux la première page de ma déclaration.

24 Q. Oui, oui, c'est bien cela. Ce qui m'intéresse, c'est le troisième

25 paragraphe.

26 R. Oui.

27 Q. Dans ce troisième paragraphe, vous dites qu'à votre arrivée à Sarajevo,

28 vous avez rendu visite à tous les commandants de toutes les armées

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1 présentes en commençant par le commandant de l'armée croate, donc du HVO,

2 après quoi vous avez rencontré les commandants de l'ABiH. C'est seulement

3 après - je ne veux pas entrer dans les détails - que vous avez rencontré

4 les commandants de l'armée des Serbes de Bosnie à Pale; ceci est bien

5 exact, n'est-ce pas ?

6 R. C'est exact.

7 Q. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre si vous avez eu, à quelque

8 moment que ce soit, un contact avec le général Dragomir Milosevic, que ce

9 soit à l'occasion de l'envoi par vous d'une lettre de protestation que vous

10 lui auriez communiquée en personne ou dont vous lui auriez parlé au

11 téléphone ou que ce soit lors d'une rencontre que vous auriez eue avec

12 lui ? Est-ce que vous avez eu le moindre contact avec lui ?

13 R. Non, puisque l'homologue du général Milosevic était le général

14 Gobillard.

15 Q. Merci. Dans le paragraphe suivant, paragraphe 4, au milieu de ce

16 paragraphe 4, vous dites : "J'avais pour mission de veiller à ce que les

17 fonctions du commandement de l'ABiH se mènent à bien."

18 Je ne vais pas entrer dans les détails, mais ce que j'aimerais savoir

19 de votre bouche, c'est comment vous entendez cette expression. Que voulez-

20 vous dire lorsque vous dites que votre mission consistait à veiller à ce

21 que les fonctions du commandement de l'ABiH se mènent à bien ? Si j'ai bien

22 compris, vous participiez à mission de maintien de la paix, et ce qui

23 aurait dû vous intéresser uniquement, c'était votre mandat, à savoir

24 empêcher que n'éclate un conflit. Mais que pouvez-vous dire de la phrase

25 que je viens de citer ?

26 R. Oui, c'était l'exécution de tous les devoirs du commandement en

27 Bosnie-Herzégovine, et il y avait énormément d'aspects à cela : organiser

28 le transport et l'évacuation des blessés, l'échange de prisonniers de

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1 guerre, organiser l'assistance humanitaire tout en essayant bien sûr de

2 mettre fin aux hostilités en employant les moyens militaires. Le commandant

3 de la BH devait le faire.

4 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic, je pense qu'il est

5 temps de faire la pause, maintenant, et nous allons donc faire une pause de

6 20 minutes.

7 --- L'audience est suspendue à 12 heures 21.

8 --- L'audience est reprise à 12 heures 46.

9 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître

10 Tapuskovic.

11 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je parlais tout à

12 l'heure d'une question particulière. J'ai compris d'où venait le problème

13 qui semblait se faire jour pendant la pause. Un terme a été utilisé dans la

14 traduction serbe qui peut vouloir dire quelque chose de tout à fait

15 différent en anglais. J'ai compris sans nécessité d'explication

16 supplémentaire que c'est une erreur de traduction.

17 Q. Général, je pense que vous avez toujours votre déclaration préalable

18 sous les yeux. Je me penche sur la version anglaise du texte, deuxième

19 feuillet, dernière phrase qui se poursuit à la page suivante. Au cours de

20 l'interrogatoire principal, vous avez évoqué votre rencontre avec M.

21 Silajdzic, premier ministre au mois de mai, n'est-ce pas ?

22 R. Oui, c'est exact.

23 Q. J'aimerais vous demander de vous pencher sur ce que vous dites dans ce

24 paragraphe 8 de la page 1 en version française. Vous y dites avoir

25 rencontré M. Silajdzic, n'est-ce pas ? Un peu plus loin, dernière phrase,

26 vous déclarez que durant cette rencontre avec M. Silajdzic, il s'est plaint

27 auprès de vous des pilonnages dus aux Serbes de Bosnie dans le quartier du

28 cimetière juif de Sarajevo; c'est bien vrai ?

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1 R. Oui, c'est une des choses qui a été mentionnée.

2 Q. Lui répondant, vous dites, en tout cas c'est ce qui est écrit dans

3 votre déclaration préalable, je cite : "Nous lui avons dit que ce jour-là,

4 ses hommes avaient provoqué le pilonnage."

5 Ceci est-il exact ?

6 R. Je vais essayer de vous répondre de façon plus approfondie. Des

7 discussions ont eu lieu visant à mettre fin aux hostilités qui s'étaient

8 intensifiées. Au milieu du mois de mai, nous avons parlé aux deux parties

9 par téléphone, avec l'armée serbe de Bosnie et dans une réunion avec

10 l'ABiH. Une des questions abordées était le pilonnage du cimetière juif à

11 Sarajevo. Cet incident avait été provoqué par l'ABiH. C'est ce que j'ai dit

12 aux personnes présentes.

13 Q. Merci. Si nous lisons la suite du texte, vous y déclarez que Silajdzic

14 était en colère et vous ajoutez, je cite : "Mais je lui ai dit que compte

15 tenu des circonstances, c'est-à-dire du fait que l'ABiH était à l'origine

16 des tirs ce matin-là, nous ne pouvions pas utiliser l'appui aérien

17 rapproché contre les Serbes de Bosnie en cette occasion. Je lui ai

18 également rappelé que nous pouvions avoir recours à l'appui aérien

19 rapproché contre les Musulmans de Bosnie également si ces derniers

20 utilisaient leurs armes en violation des termes des Résolutions du conseil

21 de Sécurité #824, #836 et #844."

22 R. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la question. J'ai tenté

23 d'exprimer le fait que l'usage de la violence par les Nations Unies, cette

24 violence n'était pas dirigée uniquement contre les Serbes de Bosnie, mais

25 également, en cas de violation de la part de l'ABiH, que l'on pouvait

26 également diriger de la violence à leur encontre.

27 Q. Oui, mais il est vrai, n'est-ce pas, que ce matin-là vous aviez dit que

28 vous ne pouviez pas recourir à l'appui aérien rapproché ou l'artillerie

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1 contre les Serbes de Bosnie ? C'était hors de question, vous lui avez dit :

2 "C'est vous qui avez provoqué." C'est bien le sens de toute cette phrase,

3 n'est-ce pas ?

4 R. Oui, en effet. Il serait tout à fait déraisonnable de punir la partie

5 qui n'avait pas initié les choses et de ne faire aucun mal à la partie qui

6 avait commencé les hostilités.

7 Q. Oui, je comprends bien. Vous n'avez jamais attaqué l'ABiH à l'aide des

8 armes destinées à la force de réaction rapide, n'est-ce pas ? Vous ne

9 l'avez même pas fait les 15 et 16 juin, alors qu'à ces dates-là, l'ABiH a

10 lancé une offensive en attaquant sur toutes les lignes de front.

11 L'offensive en question a débuté le 15. Le 16, l'ABiH avait déjà occupé

12 toutes les lignes, tous les fronts. Même en cette occasion-là, vous n'êtes

13 pas intervenu pour rétablir l'ordre.

14 R. Les Nations Unies ne sont pas intervenues dans le cadre de chaque

15 hostilité. Notre politique était d'intervenir si la population civile était

16 menacée.

17 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic, à mon avis il

18 s'agit d'un domaine important. Je pense que vous devriez vous intéresser

19 surtout pas tellement à la question de savoir si la FORPRONU a réagi aux

20 actes de l'ABiH, mais plutôt quelle était la nature des actes de l'ABiH, la

21 question de savoir si cela appelait des mesures défensives de la part des

22 forces serbes de Bosnie. Je ne dis pas que les actes de la FORPRONU sont

23 entièrement pertinents, mais vous devriez tenter de démontrer que les

24 Serbes de Bosnie ont agi pour se défendre.

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je peux poser une question au général que

26 j'avais d'ailleurs l'intention de lui poser.

27 Q. Mon Général, l'offensive ayant démarré dans les conditions où elle

28 démarré, est-ce que de par sa nature elle a contraint la partie serbe à

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1 riposter pour défendre le front tenu par la partie serbe ?

2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je peux tout à fait poser cette question

3 au témoin. Vous avez raison, Monsieur le Juge Robinson, absolument raison.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Encore une fois, je ne sais pas avec certitude

5 quelle réponse on attend de moi. De toute façon, à la mi-mai, il y a eu

6 toute une série d'hostilités, une fois du côté de l'armée serbe de Bosnie

7 et aux autres occasions du côté de l'ABiH. Lors de l'accident du cimetière

8 juif, c'était l'ABiH qui était à l'origine de cet accident. Nous en avons

9 discuté. Nous avons dit que pour cette raison, nous n'attaquerions pas

10 l'ABiH, mais que nous nous adresserions à l'ABiH.

11 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

12 Q. Vous semblez ne pas avoir compris l'objet de ma question, pas plus

13 d'ailleurs que l'objet de l'intervention de M. le Juge Robinson. Je ne vous

14 interrogeais pas au sujet de l'action menée dans les environs du cimetière

15 juif uniquement, je vous interrogeais au sujet de l'offensive tous azimuts

16 qui a été lancée les 15 et 16 et qui a attaqué tous les fronts. Je suis sûr

17 que vous en avez une connaissance tout à fait parfaite. Cette offensive a

18 duré plus de deux mois. Je vous demandais, à l'occasion de cette très

19 longue et durable offensive, ce que l'armée des Serbes de Bosnie avait été

20 contrainte de faire pour défendre ses hommes ainsi que les civils qui

21 vivaient dans des secteurs tenus par elle. Est-ce que l'armée de la

22 Republika Srpska était contrainte d'agir comme elle l'a fait pour riposter

23 à cette offensive en lançant elle-même certaines actions militaires ? Voilà

24 quel était l'objet de ma question.

25 R. Je ne comprends toujours pas complètement. Je veux insister sur le fait

26 que la FORPRONU n'est pas intervenue dans tous les cas où un conflit

27 s'était déclaré entre les parties. Parfois, il n'était pas possible

28 d'intervenir.

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1 Q. Je comprends bien cela également. Je comprends que parfois, la FORPRONU

2 était dans l'incapacité matérielle d'intervenir, mais ce n'est pas l'objet

3 de ma question. Ce que je vous demandais, c'était d'expliquer aux Juges de

4 la Chambre si tout ce qu'a entrepris l'armée des Serbes de Bosnie après que

5 cette offensive qui a duré deux mois ait commencé, est-ce que tout ce

6 qu'ont fait les Serbes de Bosnie après le début de cette offensive n'a été

7 fait que pour défendre leur position militaire. Voilà quelle était ma

8 question. Est-ce qu'ils y ont été contraints ? Si j'ai bien compris et si

9 je ne me trompe pas, c'était également la question posée par M. Le Juge

10 Robinson.

11 R. Je ne refuserais pas de répondre à une question. En raison de

12 l'interprétation, parfois, je ne comprends pas tout à fait les questions.

13 La FORPRONU, quand quelqu'un était attaqué, il fallait que cette

14 partie se défende. Nous souhaitions que les hostilités prennent fin, mais

15 nous ne sommes pas intervenus à chaque fois que des combats avaient lieu.

16 Que la défense soit justifiée ou non, c'est une question qui trouvait une

17 réponse différente selon les cas.

18 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Si nous pouvions revenir un instant à

19 la déclaration que la Défense a citée. Vous avez dit, je cite : "Nous lui

20 avons dit que ce jour-là, c'étaient ses troupes qui avaient provoqué le

21 pilonnage."

22 Pouvez-vous nous dire sous quelle forme cette provocation a eu lieu ?

23 Qu'avait fait l'ABiH pour provoquer le pilonnage ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ont commencé ce matin-là à pilonner les

25 positions tenues par l'armée serbe de Bosnie.

26 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Ils ont eux-mêmes commencé à pilonner

27 les Serbes de Bosnie. Très bien. Merci.

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

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1 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Les Serbes de Bosnie ont riposté par

2 un pilonnage ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

4 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Un échange de pilonnage ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Entre autres avec des mortiers, mais aussi

6 avec des armes légères.

7 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Très bien, poursuivez, Monsieur

8 Tapuskovic.

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

10 L'intervention, ou plutôt la suggestion qui m'est faite par le général

11 Dragomir Milosevic me paraît tout à fait pertinente.

12 Q. Il me suggère de rappeler au général qui est assis sur la chaise des

13 témoins un événement qui a eu lieu en juin 1995, au pic même de l'offensive

14 lancée par l'ABiH au moment où la force de réaction rapide, sous la forme

15 d'une brigade de la FORPRONU, essuyait des tirs sur le mont Igman qui

16 provenaient d'Ilidza et de l'hôpital Zica de Blazuj où les gens venaient

17 visiter les membres de leur famille à l'hôpital, et ces visiteurs se

18 faisaient tuer.

19 Est-ce que cela vous rappelle quelque chose, cet incident et la

20 protestation qui a été envoyée en rapport avec cet incident par la partie

21 serbe ?

22 Vous êtes intervenu en tirant sur l'hôpital suite à cet incident, si

23 je ne me trompe. C'est la FORPRONU qui l'a fait. Vous rappelez-vous cela ?

24 C'est peut-être une erreur de votre part.

25 R. Je me souviens d'un incident au cours duquel un hôpital a été touché à

26 Sarajevo dans le cadre de pilonnages.

27 Q. L'hôpital des Musulmans de Bosnie, un hôpital musulman. Je ne sais pas

28 comment l'appeler.

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1 R. Oui. Il s'agissait d'un hôpital qui se trouvait à environ un kilomètre

2 de la patinoire, et cet hôpital, autant que nous avions pu le savoir, avait

3 été touché par les Serbes de Bosnie.

4 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] J'aimerais encore aborder une

5 question. Si vous affirmez que les actes entrepris par les Serbes de Bosnie

6 avaient un caractère défensif, vous devriez tenter d'établir un lien entre

7 ces actes et les incidents dont il est fait état dans l'acte d'accusation

8 et ne pas vous en tenir à des questions si générales.

9 Par exemple, dans la déclaration du général, il dit : "Nous lui avons dit

10 que ce jour-là, ses troupes avaient provoqué le pilonnage." Il serait

11 important à mon sens de savoir si cet incident spécifique est reflété dans

12 l'acte d'accusation. Je ne sais pas si c'est le cas, ou peut-être est-ce

13 une question qui sera abordée de manière plus détaillée par la Défense au

14 moment de la plaidoirie.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je peux simplement

16 vous dire que dans l'acte d'accusation, il n'est fait état d'aucun incident

17 dont l'ABiH aurait été responsable. Je n'ai pas l'intention de me lancer

18 dans des comparaisons, parce que ce n'est pas le but. Mais j'ai un peu de

19 temps et il est très utile que vous m'ayez rappelé ce que vous venez de me

20 rappeler. A aucun endroit dans l'acte d'accusation des incidents de ce

21 genre ne sont évoqués, et j'en suis arrivé à un point où je vais sans doute

22 passer à l'aspect le plus important de la déclaration préalable du général,

23 je parle de celle de novembre 1996.

24 C'est la raison pour laquelle je vais, en abordant ce nouveau point,

25 Monsieur le Président, pouvoir englober ce que vous venez de dire en posant

26 des questions précises au témoin à ce sujet.

27 Q. Dernier paragraphe, est-ce que vous avez le texte sous les yeux,

28 Monsieur le Témoin ?

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1 R. Je ne sais pas si c'est le dernier paragraphe. En fait, j'ai deux

2 paragraphes sous les yeux, et le dernier paragraphe commence par : "J'ai

3 appris que la situation n'était pas toujours telle qu'elle semblait être."

4 Q. Dernier paragraphe de la page 2 de texte et page 3 de la déclaration

5 préalable en français, je cite : "J'ai appris que la situation n'était pas

6 toujours ce qu'elle semblait être. Le pilonnage pouvait être provoqué par

7 les Musulmans ou pouvait être un acte de représailles."

8 Est-ce que c'est bien ce que vous avez dit ?

9 R. Oui, c'est ce que j'ai dit.

10 Q. Un peu plus loin, vous dites, je cite : "Les pilonnages pouvaient être

11 provoqués par les Musulmans et pouvaient être des actes de représailles."

12 Vous confirmez cela également ?

13 R. Oui.

14 Q. Vous poursuivez en disant, je cite : "Il arrivait parfois que l'ABiH

15 tire des obus de mortier depuis sa propre caserne, non loin de la

16 patinoire."

17 C'est bien cela ?

18 R. Oui.

19 Q. La patinoire, c'est un bâtiment civil. Maintenant, j'aimerais vous

20 référer aux paragraphes 14 et 15 de votre première déclaration préalable.

21 Je suis désolé de devoir faire ces allées et retours incessants entre les

22 deux textes, mais je ne peux pas procéder autrement.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Paragraphes 14 et 15 de l'autre

24 déclaration. Non, non, c'est le paragraphe 16, document

25 DD00-0319, paragraphes 14 et 15, finalement.

26 Q. Je vous demande si le texte s'affiche sur l'écran que vous avez devant

27 vous.

28 R. Je n'ai pas de numéros dans mon texte, pas de numérotation de

Page 991

1 paragraphes.

2 Q. Si, si, j'ai la version anglaise entre les mains, et les paragraphes

3 sont numérotés. Est-ce que vous l'avez maintenant sous les yeux ?

4 R. Si vous vous référez à des numéros de paragraphes, ces numéros

5 n'apparaissent pas à l'écran.

6 Q. Le paragraphe où il est question de la patinoire.

7 R. Est-ce que vous voudriez bien peut-être lire une phrase de ce

8 paragraphe ?

9 Q. Dans ce paragraphe, il est question d'une protestation que vous

10 adressez au général Mladic. Est-ce que vous l'avez, ce paragraphe, devant

11 vous ?

12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je rappelle que je parle du document DD00-

13 0319, à savoir votre autre déclaration préalable.

14 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Soyons déjà sûrs que la déclaration

15 que vous citez se trouve bien à l'écran devant le témoin.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. J'ai le paragraphe 14 sous les

17 yeux.

18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

19 Q. Oui, le paragraphe 14, dites-vous ? Oui, bon, c'est bien, c'est bien,

20 au milieu de ce paragraphe 14. Je cite :

21 "Lorsque j'ai eu le général Mladic au téléphone, il n'a pas nié la

22 réalité de ce pilonnage, mais a déclaré que ses forces avaient été

23 provoquées et avaient riposté."

24 Puis, un peu plus loin, la phrase suivante, je cite : "Ce que vous dites à

25 la mi-mai, il y a eu généralement de nombreux pilonnages, et je me souviens

26 que le secteur proche de l'hôpital et de la patinoire était pilonné ce

27 jour-là."

28 Est-ce que ce qui est écrit là est exact ? Est-ce que cela correspond à ce

Page 992

1 que vous avez constaté vous-même ? Oui ou non ?

2 R. Oui.

3 Q. Maintenant, paragraphe 15.

4 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Un instant. Avez-vous dit le général

5 Mladic ou le général Milovanovic ?

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Dans le texte traduit que j'ai entre les

7 mains, traduction serbe, ce que je lis, c'est général Mladic, mais cela n'a

8 pas d'importance, cela aurait aussi bien pu être le général Milovanovic.

9 Pour moi, cela n'a pas d'importance.

10 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] En anglais, on voit "Milovanovic".

11 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Ce n'est pas cela qui importe, ce n'est

12 pas fondamental.

13 Q. Revenons au pilonnage de l'hôpital. Vous dites dans votre déclaration

14 au paragraphe 15, je cite :

15 "Pour revenir au pilonnage de l'hôpital, je me souviens qu'il y avait un QG

16 de l'armée des Musulmans de Bosnie non loin de la patinoire dans ce

17 secteur, mais je ne sais pas quelle était l'unité qui s'y trouvait. Je me

18 souviens que parfois, il y avait des tirs de mortiers qui partaient du QG.

19 Je pense qu'il était inévitable que des tirs en représailles risquent

20 de toucher l'hôpital qui était tout près."

21 Est-ce que ceci est vrai ?

22 R. Oui. Le texte de la déclaration correspond bien à ce que j'ai dit à

23 l'époque, mais je ne crois pas que le texte soit entièrement exact, parce

24 que l'hôpital se trouvait à 1 kilomètre de la caserne de l'ABiH, donc je

25 crois qu'ils auraient pu éviter de toucher l'hôpital. Le tir aurait dû être

26 extrêmement imprécis pour rater ainsi la cible de 1 kilomètre.

27 Q. Avec le respect que je vous dois, je me dois vraiment de vous demander

28 où se situe la vérité. Qu'est-ce qui est vrai ? Ce qui est écrit dans ce

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1 texte qui est très, très clair, très net, à savoir que finalement ils

2 tiraient sur l'hôpital, ou ce que vous dites maintenant dans ce prétoire, à

3 savoir que l'hôpital était à 1 kilomètre de distance ? Qu'est-ce qui est

4 vrai ? Comment pouvez-vous expliquer la contradiction ?

5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Si vous vous référez au même

6 paragraphe, mais un peu plus bas, où le témoin dit avec précision --

7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui, en effet.

8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je crois que vous devriez vous y

9 référer --

10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui, mais ce qui m'intéresse, c'est

11 l'appréciation qui a été faite par le témoin, parce que l'appréciation

12 qu'il a faite à l'époque, je n'ai pas le temps de citer le document

13 intégralement, parce que tout de même il s'exprime dans sa déclaration

14 écrite en termes très déterminés. Je comprends bien qu'il faut replacer les

15 choses dans leur contexte, mais regardez tout de même ce qu'il affirme à

16 l'époque. Je cite :

17 "Je pense que lors de ces tirs en riposte, l'hôpital a pu être touché."

18 Ceci repose sur des réalités. Le témoin avait l'air très catégorique dans

19 sa déclaration écrite, c'est la raison pour laquelle je l'interroge.

20 Pourquoi est-ce qu'il a fait une déclaration si catégorique à l'époque ? Je

21 pense que c'est intéressant.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux répondre ?

23 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Quelle est votre réponse ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Ma déclaration préalable correspondait à ce

25 que j'avais en mémoire en 1996. L'hôpital était dans ma mémoire plus proche

26 de la caserne de l'ABiH que cela ne s'est avéré plus tard. Dans mon

27 souvenir, elle se trouvait à 500 mètres à peu près de la caserne de l'ABiH,

28 auquel cas il aurait été possible qu'un tir imprécis ait touché l'hôpital.

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1 Au cours d'interrogatoires suivants, nous avons consulté le plan de

2 Sarajevo et il s'est avéré que l'hôpital était à 1 kilomètre de la

3 patinoire; dans ce cas, il devient beaucoup moins probable qu'un tir mal

4 réglé puisse toucher l'hôpital.

5 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Ce qui m'intéresse, c'est la

6 séquence des événements. Au paragraphe 15, je cite : "Je pense qu'il est

7 inévitable que des tirs de représailles aient risqué de toucher l'hôpital."

8 Un peu plus loin, vous dites : "On m'a montré le plan qui est enregistré

9 sous le numéro 0361-5780, c'est l'enquêteur, M. Hogan, qui me l'a montré,

10 et il s'est avéré que l'hôpital était sans doute à 500 mètres de distance,

11 et même peut-être à 1 kilomètre du QG de l'ABiH."

12 Quand on vous a montré cette carte, est-ce qu'on l'a fait immédiatement

13 après que vous ayez déclaré qu'il était inévitable que des tirs en

14 représailles aient risqué de frapper l'hôpital qui se trouvait tout près ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas exactement, parce que

16 l'enquêteur m'a interrogé à plusieurs reprises. Il est tout à fait possible

17 que la première fois, j'aie dit qu'il était inévitable que l'hôpital ait

18 risqué d'être touché et que lors d'un interrogatoire ultérieur, il m'ait

19 montré le plan et que j'aie ajusté mon propos.

20 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic, à vous.

21 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

22 Q. Quoi qu'il en soit, répondant à ma première question ici aujourd'hui,

23 vous avez dit que vous confirmiez intégralement la teneur des deux

24 déclarations préalables faites par vous, la première et la deuxième.

25 J'aimerais revenir, si vous me le permettez, à notre point de départ, à

26 savoir la patinoire. Est-ce que la patinoire était un lieu civil, puisque

27 la patinoire était utilisée entre autres par des enfants qui patinaient en

28 rond sur la piste ? Est-ce que vous avez des éléments d'information qui

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1 vous permettraient de déclarer que c'est une cible militaire éventuellement

2 ou uniquement un lieu civil ?

3 R. La patinoire était utilisée à l'époque comme base du QG de la

4 compagnie, des équipes de soutien de la FORPRONU. A côté il y avait les

5 casernes de l'ABiH.

6 Q. La FORPRONU ?

7 R. La patinoire était utilisée par une compagnie danoise qui offrait son

8 soutien au QG de la FORPRONU, et juste à côté de la patinoire il y avait

9 une caserne de l'ABiH.

10 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Quand vous dites "juste à côté",

11 pourriez-vous nous dire exactement la distance exacte, nous donner un ordre

12 d'idées ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas exactement. Il faudrait

14 regarder sur une carte, mais c'était 200 mètres au plus.

15 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Très bien.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je dois revenir au document DD00-0287. Je

17 demande que ce texte soit affiché à l'écran et plus particulièrement la

18 page 3, dernier paragraphe de la page 3, celle que le témoin a examinée

19 tout à l'heure.

20 Q. Vous avez le texte devant vous, Monsieur le Témoin ?

21 R. Je l'espère, en tout cas. Je vois le numéro 15, en tout cas.

22 Q. Non, non. Je ne parle plus de ce paragraphe-là. Je suis revenu au

23 document DD00-0287, qui est votre déclaration préalable recueillie en

24 octobre et novembre 1996, celle que je vous ai déjà montrée tout à l'heure,

25 après quoi je suis passé à autre chose. Page 3 de la version anglaise,

26 dernier paragraphe, celui dont nous avons parlé tout à l'heure qui commence

27 par les mots : "J'ai appris que la situation ne correspondait pas toujours

28 à ce qu'elle semblait être." Est-ce que vous avez ce texte sous les yeux,

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1 maintenant ?

2 R. Tout à fait, je le vois.

3 Q. Très bien. Nous venons à l'instant de déterminer que la patinoire était

4 un lieu utilisé par la FORPRONU. Dans ce paragraphe qui m'intéresse, vous

5 dites, je cite : "L'ABiH tirait des tirs de mortiers depuis sa propre

6 caserne, tout près de la patinoire."

7 Vous venez de confirmer que c'est bien ce que vous avez dit. Est-ce que

8 cela signifie que l'ABiH tirait à partir de cet endroit pour vous viser

9 vous et ensuite rejetait la responsabilité sur les Serbes en faisant croire

10 que c'étaient eux qui avaient tiré ? Pouvez-vous répondre à cette

11 question ?

12 R. La thèse que l'on prenait en compte à la FORPRONU était qu'il

13 s'agissait de tirs directs sur les installations des Nations Unies dans le

14 but que les Serbes répondraient et réagiraient et atteindraient des cibles

15 des Nations Unies. Cela, ce n'est pas basé sur un incident isolé. Il y

16 avait souvent des incidents de tirs dans les environs des positions des

17 Nations Unies, et c'étaient des tirs qui venaient des forces de l'ABiH.

18 Q. Merci beaucoup. Vous apportez un peu plus loin des explications

19 complémentaires. Vous dites, je cite :

20 "J'ai vu des Musulmans de Bosnie tirer des obus non loin de notre

21 état-major en utilisant un mortier mobile de faible calibre monté à bord

22 d'un véhicule dont le toit était découvert. Ceci lui permettait de se

23 déplacer un peu partout en ville et de tirer à partir de positions très

24 différentes."

25 C'est ce que vous avez dit dans votre déclaration écrite; est-ce que ceci

26 est vrai ?

27 R. Oui.

28 Q. Un peu plus loin vous poursuivez, je cite :

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1 "Ces lieux étaient très souvent proches des positions des Nations Unies, à

2 savoir le bâtiment des PTT (QG du secteur Sarajevo), le QG de la FORPRONU à

3 Sarajevo, la patinoire Zetra et la caserne Tito."

4 Ceci est-il exact ?

5 R. Oui, c'est exact.

6 Q. Nous en arrivons maintenant à ce qui fait l'objet du problème évoqué

7 par M. le Président de cette Chambre, le Juge Robinson, parce que vous

8 dites un peu plus loin dans le texte, je cite :

9 "Un mortier n'apporte pas de protection réelle. Par ailleurs, si on veut

10 effectuer un tir de mortier précis, cela prend du temps. Il faut ajuster le

11 tir à l'aide de certaines mesures, et cetera."

12 Un peu plus loin, vous dites : "Le mortier mobile était davantage utile

13 pour tirer à l'aveuglette sur le territoire tenu par les Serbes à

14 l'extérieur de la ville."

15 N'est-il pas vrai que les soldats de l'ABiH tiraient des obus à

16 l'aveuglette pour entraîner une réaction de l'armée de la Republika

17 Srpska ? Ceci n'est-il pas vrai, Monsieur ?

18 R. Oui, c'est à peu près ce que j'ai voulu dire, d'ailleurs, dans ma

19 déclaration à l'époque.

20 Q. Je ne vais pas insister. "Cela ne peut être interprété que comme une

21 provocation." Maintenant, je vous demande ici -- un peu plus loin, vous ne

22 dites pas ce qui suit parce que vous parlez dans ce paragraphe de

23 représailles. Vous dites qu'à titre de représailles :

24 "Les Serbes ripostent en tirant sur la ville un nombre d'obus

25 beaucoup plus important que les obus tirés par l'ABiH. Par exemple, si un

26 obus était tiré par un mortier mobile, cela entraînait le tir de plusieurs

27 obus à partir des positions d'artillerie serbes."

28 Est-ce que ceci est exact ?

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1 R. Oui, cela a eu lieu à plusieurs reprises.

2 Q. Mais il était indispensable, n'est-ce pas, vous le savez très bien en

3 tant qu'expert militaire, expert en artillerie, vous savez bien qu'il était

4 indispensable pour faire cesser l'attaque initiale, une attaque importante,

5 il était indispensable de tirer plusieurs obus ?

6 Veuillez me répondre, je vous prie. Vous avez dit que les

7 représentants de l'ABiH tiraient un seul obus puis partaient ailleurs, ce

8 qui signifie bien qu'ils pratiquaient des tirs à l'aveuglette, n'est-ce

9 pas ? C'est bien cela ?

10 R. Oui. C'est ce que j'ai dit à l'époque et d'ailleurs je le maintiens.

11 Q. Je suis d'accord avec ce que vous venez de dire, mais si les Serbes

12 avaient riposté à ce genre d'action en ne tirant qu'un seul obus sur

13 Sarajevo, s'ils n'avaient pas essayé de viser l'endroit précis d'où était

14 partie la provocation contre eux, est-ce qu'ils auraient pu réussir quelque

15 chose ou est-ce que cela n'aurait mené à rien ? Parce qu'il faut plusieurs

16 obus pour ajuster un tir d'artillerie, n'est-ce pas ? Je pense que ceci est

17 implicite dans votre déclaration, ou est-ce qu'il faut l'interpréter

18 autrement ?

19 R. La réponse est tout à fait correcte.

20 Q. Merci. Dans ce même paragraphe, quelques phrases plus loin, vous dites

21 qu'à partir de leurs positions de tir, les Serbes pouvaient voir très

22 clairement n'importe quel endroit dans la ville; ceci est-il exact ?

23 R. Oui, c'est exactement ce que j'ai dit.

24 Q. Est-ce que vous vous êtes rendu sur toutes les collines qui entourent

25 le cœur de Sarajevo, toutes ces collines où se trouvaient les positions de

26 l'ABiH ? Mojmilo, Debelo Brdo, Zuc, Hum, Skenderija [phon] ? Est-ce que

27 vous vous êtes rendu dans tous ces lieux, sur toutes ces collines

28 environnant Sarajevo ? Est-ce qu'elles n'étaient pas utilisées par l'ABiH

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1 pour contrôler également la ville ? Est-ce que vous pouvez confirmer cela ?

2 R. Je ne suis pas certain d'avoir parfaitement compris votre question et

3 d'avoir tout suivi. Je savais certaines des positions détenues par l'ABiH

4 puisque je les voyais. D'autres pouvaient être vues depuis les postes

5 d'observation de nos observateurs. Mais il y avait certaines autres

6 positions des Serbes de Bosnie que je n'ai jamais vues.

7 Q. Non, non. Je ne vous ai pas interrogé au sujet des positions des Serbes

8 de Bosnie. Je vous ai demandé si vous avez vu qu'il y avait des positions

9 de l'ABiH à Zuc, à Hum et sur d'autres collines, à Debelo Brdo, à Mojmilo.

10 R. Certaines des positions de l'ABiH, la plupart, d'ailleurs, des

11 positions de l'armée de l'ABIH étaient dans le champ de vision de nos

12 observateurs, donc si quelque chose se passait là-bas, il y avait rapport à

13 ce propos.

14 Q. Vous parlez des collines, vous parlez bien des collines ou pas ? Je

15 n'ai pas le temps de vous soumettre un plan de la ville. Est-ce que vous

16 parlez de positions de l'ABiH qui se trouvaient en hauteur, sur les

17 collines entourant la ville ?

18 R. Ecoutez, autour de Sarajevo, il y avait plusieurs positions détenues

19 par l'armée de l'ABiH. Certaines d'entres elles, donc celles qui étaient

20 proches du centre-ville étaient visibles depuis le QG de la FORPRONU.

21 D'autres positions ne pouvaient pas être vues depuis le QG. En revanche,

22 certains observateurs ou d'autres militaires de différents bataillons de la

23 FORPRONU cantonnés à Sarajevo avaient vision sur ces autres positions.

24 Q. Est-ce que ces positions étaient les positions de l'ABiH sur les

25 collines ?

26 R. En partie.

27 Q. Merci.

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

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1 Juges, je vais maintenant aborder le problème du marché de Markale. C'est

2 un thème très important, et pour le traiter il va me falloir pas mal de

3 temps, car je pense qu'il est très important que les Juges soient bien

4 informés de ce problème.

5 J'ai essayé de gagner du temps et pour consacrer un temps important à

6 ce sujet du marché de Markale, je pourrais avant la fin de l'audience

7 d'aujourd'hui aborder un autre sujet moins important.

8 M. LE JUGE ROBINSON: [aucune interprétation]

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Car Markale va nécessiter pas mal de

10 temps. Si je n'ai pas une prolongation de temps aujourd'hui pour traiter de

11 Markale en entier, je pense qu'il faudrait que je parle d'autre chose

12 jusqu'à la fin de l'audience d'aujourd'hui. Dans ce cas, je pourrais

13 continuer demain avec Markale.

14 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Allez-y, allez-y, je ne vous arrête

15 pas. Je vous ai déjà dit que vous pouviez y aller. Vous avez un quart

16 d'heure, c'est à vous de voir comment vous comptez l'utiliser. Je pense que

17 quand vous nous avez demandé deux heures, vous avez sous-estimé le temps

18 dont vous aviez besoin. Les deux parties, d'ailleurs, ont sous-estimé le

19 temps nécessaire puisque visiblement, le témoin était essentiel pour les

20 deux parties.

21 Vous pouvez continuer en abordant deux sujets brefs avant qu'on lève

22 la séance. Allez-y.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Dans ce cas, j'aimerais que nous nous

24 penchions sur la page 5 de la version anglaise de la déclaration préalable

25 du témoin, de la même déclaration que celle dont nous parlions jusqu'à

26 présent, quatrième paragraphe.

27 Q. Il s'agit du paragraphe 4. L'avez-vous sous les yeux, s'il vous plaît,

28 Monsieur le Témoin ? Voici ce que vous nous dites, et je cite. Enfin, il

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1 faudrait d'abord que je trouve le passage.

2 "Le cessez-le-feu a duré jusqu'à la fin avril, après quoi les Nations Unies

3 ont encore essayé d'arrêter le pilonnage et les tirs isolés. J'ai expliqué

4 aux Musulmans de Bosnie que nous ne pourrions les protéger des pilonnages

5 que si ces pilonnages n'étaient pas provoqués."

6 Avez-vous bien dit cela ?

7 R. Oui, tout à fait.

8 Q. Deux paragraphes plus loin, vous avez dit, et je cite à nouveau : "En

9 avril, les incidents de tirs embusqués ont commencé à augmenter."

10 Est-ce correct ?

11 R. Oui.

12 Q. Ensuite, vous dites quelque chose qui est assez intéressant, à mon

13 avis, et je vais tout lire :

14 "A mon avis, les tireurs embusqués étaient parfois des soldats et parfois

15 des irréguliers. Si les autorités militaires coopéraient, ils pouvaient

16 arrêter les tirs embusqués, mais parce que chaque homme et chaque garçon

17 avait une arme."

18 Ici, vous parlez d'hommes, et non pas de soldats. Vous dites qu'ils avaient

19 tous des armes. Etant donné que vous étiez à Sarajevo, je pense que vous ne

20 parlez pas du côté serbe, mais est-ce que vous dites que tout homme et tout

21 garçon, jeune garçon à Sarajevo possédait une arme; c'est bien cela ?

22 R. Oui, tout à fait, c'est ce que j'ai dit.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ne sais pas, Messieurs les Juges, s'il

24 me reste encore du temps, mais j'ai une question à poser quand même au

25 témoin.

26 Q. Est-ce que vous vous souvenez de l'incident de mars, quand deux jeunes

27 filles ont été tuées à Grbavica ?

28 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Avant que nous passions à cet

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1 incident, il y a quand même quelque chose d'étrange à propos du paragraphe

2 que vous nous avez lu. Vous avez dit que les snipers, donc les tireurs

3 embusqués, étaient parfois des soldats et parfois des irréguliers. Alors

4 c'est quoi, ces "irréguliers" ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce sont des personnes qui ne sont pas

6 militaires, des civils équipés d'une d'arme.

7 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Des irréguliers, pour vous, ce sont

8 des non-militaires, ce sont des civils avec une arme ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela.

10 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Mais vous dites : "Si les autorités

11 militaires coopéraient, elles pouvaient arrêter les tirs embusqués, cela

12 dit, pas toujours à 100 %, étant donné que chaque garçon et chaque homme

13 possédait une arme."

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

15 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Peut-on en conclure que, comme vous

16 l'avez dit, à votre avis finalement les autorités n'étaient pas en mesure

17 d'arrêter ou de mettre un terme à tous les tirs, les incidents de tirs

18 embusqués qui auraient eu lieu ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Voici ce que je voulais dire, enfin, ce que

20 j'essaie de vous dire, en tout cas. Les autorités militaires contrôlaient

21 leurs propres soldats et étaient capables d'empêcher que leurs soldats ne

22 se lancent dans des tirs embusqués, mais les autorités militaires ne

23 contrôlaient pas tous les civils qui avaient des armes, qui étaient en

24 possession d'armes. C'est cela que je voulais dire.

25 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Très bien. Oui, oui, je vous

26 comprends. J'ai posé cette question parce que nous avons la phrase

27 suivante, alors qu'il n'y avait pas eu cette explication et cette

28 précision, et c'est pour cela qu'on n'a pas compris du coup la phrase

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1 suivante qui était, et je cite : "Donc, la situation s'est dégradée parce

2 que les autorités n'avaient pas la volonté de les arrêter, ils n'ont pas

3 pris les mesures nécessaires pour l'arrêter. Pouvez-vous nous expliquer

4 cela ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà, je le confirme. C'est ce que je voulais

6 dire. Cela dit, il était pratiquement impossible d'arrêter 100 % des tirs

7 embusqués. Il aurait été possible de mettre un terme à la plupart des tirs

8 embusqués si tout le monde avait été d'accord pour coopérer dans ce but.

9 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Le Juge Harhoff a une question.

10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais votre thèse ici, c'est que

11 certains civils étaient des tireurs embusqués ? C'étaient donc des civils

12 avec des armes qui les utilisaient pour des tirs embusqués ? Mais est-ce

13 que ceci s'applique uniquement aux Musulmans, aux civils musulmans de

14 Bosnie ou aussi aux Serbes de Bosnie civils ? J'espère que vous me

15 comprenez. Je voulais savoir s'il y avait des snippers civils qui

16 agissaient sans aucun contrôle, ni d'un côté ni de l'autre.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait. Des deux côtés les civils

18 étaient armés.

19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Oui, ils étaient armés et en plus ils

20 utilisaient ces armes pour provoquer les incidents de tirs embusqués; c'est

21 bien cela ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est tout à fait ce que je voulais dire.

23 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

25 Juges, je tiens encore à insister sur quelque chose. Il est écrit que

26 "chaque homme", donc on sait déjà ce qui se passe en ce qui concerne les

27 soldats, les hommes, mais il est écrit aussi que tous les garçons avaient

28 des armes. Alors, j'aimerais savoir si c'est bien vrai puisqu'il était à

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1 Sarajevo à l'époque.

2 Q. Etait-ce vrai ?

3 R. Oui, j'étais à Sarajevo à l'époque, bien sûr.

4 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Ce n'était pas la question à savoir

5 si vous étiez à Sarajevo. Il vous demande de confirmer si même les jeunes

6 garçons avaient des armes.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, enfin, c'est une façon de parler, mais de

8 nombreux jeunes garçons avaient des armes.

9 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Vous n'avez plus qu'une question

10 avant que nous levions la séance pour la journée.

11 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Dans ce cas-là, je serai extrêmement

12 rapide.

13 Q. Passons au paragraphe qui suit, et vous allez confirmer oui ou non.

14 "L'un des exemple de l'attitude des Musulmans de Bosnie était la

15 suivante, par exemple quand le ministre Muratovic s'est plaint qu'il y

16 avait des tirs embusqués au point de distribution d'eau. Il a demandé la

17 protection des Nations Unies. Quand je lui ai demandé où se trouvait le

18 point de distribution d'eau, mon interprète m'a expliqué que c'était à la

19 Place des héros, à côté de la ligne de confrontation, dans le champ de

20 vision de l'armée de la Republika Srpska. J'ai dit à Muratovic que c'était

21 inciter au "snipping" et je lui ai suggéré de déplacer ce point de

22 distribution d'eau d'un endroit plus sûr."

23 Est-ce correct ?

24 R. Oui, tout à fait.

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie.

26 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Merci.

27 Nous allons donc lever la séance jusqu'à demain.

28 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le jeudi 25 janvier

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1 2007, à 9 heures 00.

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