Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 25 janvier 2007

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

6 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Docherty.

7 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Hier, je ne vous ai pas permis de

9 poser la question de savoir si une riposte particulière était proportionnée

10 ou non. Pourquoi ? Parce qu'en fait, il revient à la Chambre de première

11 instance de trancher cette question. C'est par ailleurs une question très

12 pertinente pour ce qui est de la légitime défense des Serbes de Bosnie.

13 Mais il faut distinguer entre l'opinion que pourrait donner le témoin à ce

14 sujet et de simples informations données par le témoin permettant à la

15 Chambre ou aidant la Chambre à statuer. Je vais vous permettre de revenir

16 sur cette question et de demander au témoin de donner son opinion quant à

17 l'ampleur de l'offensive, l'ampleur de la riposte, le type d'armes

18 utilisées de part et d'autre et, en fin de compte, même de donner son

19 opinion quant au caractère proportionnel ou non. Cela paraît conforme à ce

20 que je viens de dire sur le fait que le témoin peut donner des informations

21 qui servent de base factuelle pour notre appréciation des éléments de

22 preuve.

23 Bien entendu, j'autoriserai la Défense, si elle le souhaite, à

24 contre-interroger le témoin sur les questions qui pourraient découler des

25 vôtres.

26 Continuons tout d'abord le contre-interrogatoire et essayons d'être aussi

27 rapides que possible. Monsieur Tapuskovic, vous avez la parole.

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai revu à

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1 plusieurs reprises les questions que j'avais l'intention de poser au témoin

2 et j'en ai conservé un certain nombre en en éliminant d'autres de façon à

3 me concentrer absolument sur l'essentiel. Je vais essayer donc d'en

4 terminer le plus rapidement possible.

5 LE TÉMOIN: CORNELIS HENDRIK NICOLAI [Reprise]

6 [Le témoin répond par l'interprète]

7 Contre-interrogatoire par M. Tapuskovic : [Suite]

8 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, Monsieur Nicolai, vous vous

9 souviendrez qu'hier, nous avons évoqué un certain nombre de problèmes, et

10 j'avais commencé à vous interroger à la fin de l'audience sur un sujet

11 particulier que je n'avais pas épuisé. Ce thème, d'ailleurs, est en rapport

12 avec ce que vient de dire le Président de la Chambre. J'aimerais vous

13 soumettre un document, le document DD00-0319, qui est la déclaration que

14 vous avez faite 10 ans après votre retour de Sarajevo, et l'événement qui

15 m'intéresse s'est produit quatre jours après votre arrivée. Il est décrit

16 dans le paragraphe 7 de ce document.

17 M. TAPUSKOVIC : [aucune interprétation]

18 Q. Je vous demanderais de trouver le paragraphe qui m'intéresse dans le

19 texte, après quoi je le citerai. Paragraphe 7.

20 R. Oui.

21 Q. Dans ce paragraphe, vous dites, je cite : "Faisant référence à une

22 période d'accalmie en février et mars 1995, je me dois de souligner que

23 tout est relatif. Je me rappelle que le 27 février 1995, plus de 900

24 incidents de tirs se sont produits à Sarajevo."

25 Puis, vous ajoutez, je cite : "Ce chiffre comprend les obus entrant et

26 sortant ainsi que les tirs d'armes d'infanterie."

27 Je ne vais pas m'intéresser au fait de savoir qui a été à l'initiative de

28 l'incident dont je parle, car ceci a déjà été évoqué hier et des éléments

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1 de preuve existent pour documenter cet événement, mais ce que je vous

2 demande, c'est : est-ce que tout cela ne signifie pas que la réponse a été

3 proportionnée ? Neuf cents obus tirés de part et d'autre, c'est ainsi que

4 j'interprète ce paragraphe, donc je vous demande de me dire si mon avis ne

5 correspond pas à la réalité.

6 R. J'aimerais corriger un tout petit peu ce qui a été dit. En fait, il ne

7 s'agissait pas pour l'essentiel d'obus, mais de salves d'armes légères. Je

8 n'exclus pas qu'il y ait eu des salves d'obus également, mais pour

9 l'essentiel le tir consistait en des tirs d'armes de petit calibre.

10 Q. Je comprends bien ce que vous venez de dire, mais s'il est question de

11 l'emploi d'armes tirant des obus, je vous demande si le recours à ces armes

12 a été proportionné. Bien sûr, vous avez parlé d'armes de petit calibre dont

13 il sera encore longuement question dans le présent procès, mais même s'il y

14 a eu des obus tirés, est-ce que le tir de ces obus n'implique pas une

15 riposte proportionnée ? Bien sûr, vous ne pouvez pas compter de part de

16 d'autre chacun des obus qui a été tiré, mais tout de même.

17 R. Oui, c'est exact. Il est en effet très difficile d'opérer cette

18 distinction, en particulier lorsqu'il y a des tirs d'armes légères.

19 Q. Merci.

20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il est rare que je

21 fasse le choix de demander la diffusion de séquences vidéo susceptibles de

22 provoquer un sentiment désagréable chez ceux qui regardent ces images, mais

23 je me sens contraint en ce moment de le faire pour poser ensuite une

24 question au témoin. La séquence est très courte, j'en demande la diffusion

25 non pas intégrale, mais simplement d'un passage de 30 à 40 secondes.

26 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Allez-y, Maître Tapuskovic, le plus

27 court possible.

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'ai reçu cette vidéo du MUP de la

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1 Republika Srpska et j'en demande la diffusion.

2 Mais je demande au préalable la chose qui suit au témoin.

3 Q. Est-ce que vous vous souvenez qu'au mois de mars, un incident a créé

4 une grande émotion suite à la mort, au cours de cet incident, de deux

5 petites filles à Grbavica ? Vous vous souvenez de cet incident ?

6 R. Je me souviens vaguement de la mort de deux jeunes filles. A cela

7 j'ajouterais que pendant toute la période que j'y ai passée, il y a eu de

8 très nombreux cas de décès civils, ce qui explique dans une certaine mesure

9 pourquoi un événement si tragique n'est pas tout à fait clair dans ma

10 mémoire.

11 Q. Mais quoi qu'il en soit, le mois de mars était un mois où un cessez-le-

12 feu était en vigueur, n'est-ce pas ?

13 R. Oui, c'est exact.

14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] L'Accusation va certainement m'aider sur

15 le plan technique, car elle a donné son accord pour la diffusion de cette

16 séquence vidéo. Je crois que les images sont sur le point d'arriver sur les

17 écrans.

18 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Docherty.

19 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, avant de visionner

20 cette séquence, nous aurions quelques objections pour le compte rendu.

21 J'estime que les éléments de preuve qui vont être présentés n'ont

22 aucune pertinence, ne sont pas en rapport avec des crimes qui auraient pu

23 être commis par l'accusé, en tout cas ne constituent pas de défense par

24 rapport à ces crimes reprochés.

25 Par ailleurs, je demanderais à M. Tapuskovic de nous dire si cet

26 élément de preuve a été communiqué à l'Accusation avant ce matin. C'est

27 peut-être le cas, mais je ne me souviens pas de l'avoir vu. On me l'a

28 montré ce matin, et je n'ai pas eu l'occasion de vérifier dans notre

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1 dossier.

2 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Tapuskovic, en ce qui

3 concerne ces deux points, tout d'abord le point le plus important, la

4 pertinence, et le deuxième point, la question de la communication ou de la

5 divulgation. J'aimerais que vous nous répondiez sur ces deux points.

6 Veuillez garder à l'esprit la réponse donnée par le témoin lorsque vous

7 étiez en train de tenter de lui expliquer la raison pour laquelle vous

8 allez lui montrer la séquence. Il ne pourra peut-être pas beaucoup vous

9 aider.

10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je comprends bien les raisons pour

11 lesquelles vous insistez sur ce point. Le témoin vient de dire qu'il a un

12 souvenir assez flou de ces événements, donc j'ai l'intention de lui montrer

13 ces images pour lui permettre de se prononcer plus clairement quant au fait

14 qu'il se souvient ou pas. La réalité, c'est ce qui explique la pertinence,

15 c'est que cet événement s'est produit pendant un épisode de cessez-le-feu

16 et suite à une montée des tensions en raison d'un certain nombre

17 d'affrontements entre les deux parties belligérantes. Par la suite, un

18 grand nombre d'événements se sont produits qui sont pertinents par rapport

19 à la thèse de la Défense en l'espèce, s'agissant des rapports entre les

20 deux parties belligérantes.

21 Quant à l'authenticité des documents, je dispose d'un document que

22 j'ai obtenu du ministère de l'Intérieur de la Republika Srpska, et bien

23 entendu il faut que son authenticité puisse être vérifiée par le bureau du

24 Procureur en cas de contestation. Mais c'est à la Chambre qu'il appartient

25 de se prononcer en dernier ressort.

26 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Mais ce qu'il vous faut démontrer,

27 c'est la pertinence par rapport à la question de la responsabilité de votre

28 client, de l'accusé.

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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne voudrais pas

2 me lancer dans de très longues explications qui me prendraient trop de

3 temps, mais très peu de choses ont été dites quant aux sentiments qu'avait

4 l'armée de Republika Srpska à l'époque et à ceux qui ont provoqué sa

5 réaction. La Chambre doit se concentrer sur les éléments de preuve qui lui

6 sont soumis, et j'interrogerai tous les témoins de l'Accusation au sujet

7 des circonstances qui avaient cours à l'époque. A moins que la Chambre ne

8 le fasse elle-même, je pense que cela permettra aux Juges de se faire une

9 idée plus précise des événements et de l'ensemble du contexte.

10 Il est vrai que M. Milosevic n'est pas accusé de cet incident particulier,

11 mais cela fournit des éléments d'information très utiles par rapport au

12 contexte, qui peuvent permettre d'expliquer un grand nombre d'événements

13 qui se sont produits à la suite du conflit. Nous devons nous concentrer sur

14 les deux parties au conflit et savoir ce qui s'est passé dans l'ensemble de

15 la période.

16 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Est-ce qu'il y a dans l'acte

17 d'accusation quelque allégation que ce soit qui concerne cet incident ? Y

18 a-t-il des incidents cités dans l'acte d'accusation qui se rapprochent dans

19 le temps du meurtre de ces deux jeunes filles ?

20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, lors de la

21 présentation des éléments de preuve de la Défense, nous vous montrerons de

22 nombreux éléments. Je ne souhaite pas divulguer totalement la thèse de la

23 Défense en ce moment, mais au moment de la présentation de nos moyens, nous

24 montrerons en quoi ceci est pertinent et nous montrerons exactement ce qui

25 s'est passé dans cette période.

26 Car la question qui se pose précisément, c'est que le film en

27 question sur lequel je n'ai pas insisté montre bien qu'à l'époque, de

28 nombreuses et importantes difficultés existaient dans la région et que

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1 l'opinion mondiale n'a pas été informée, n'a pas pu voir d'images de toutes

2 ces difficultés. Dans la phase de la présentation des moyens de la Défense,

3 je vous montrerai un grand nombre d'exemples de tels éléments de preuve.

4 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Est-ce que vous dites que l'une des

5 raisons pour lesquelles vous voulez montrer cette séquence, c'est afin que

6 le monde entier puisse la voir ?

7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Non, non, absolument pas, absolument pas.

8 Mais voilà mon intention. Parce que je vous dis que le monde n'a pas été

9 informé. D'ailleurs, si vous le souhaitez, nous pouvons diffuser le film à

10 huis clos partiel. Monsieur le Juge, je ne vois absolument pas d'obstacle

11 pour éviter que quiconque puisse se sentir mal. Je n'ai rien contre qu'on

12 le diffuse à huis clos partiel.

13 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] En ce qui concerne le deuxième point,

14 la communication, puis nous allons statuer.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Cela fait quatre jours déjà que je discute

16 avec la régie pour voir dans quelles conditions ces images peuvent être

17 montrées aux Juges de la Chambre, et je le fais sans succès. Cela fait une

18 minute à peine que le bureau du Procureur nous a proposé son aide, et je

19 suis sûr que dans ces conditions la séquence pourrait être diffusée. Cela

20 fait quatre jours que nous essayons d'obtenir cela de la régie sans le

21 moindre succès.

22 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] La Chambre va délibérer.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] La Chambre de première instance va

25 permettre que l'on visionne cette séquence vidéo en estimant qu'elle est

26 pertinente pour le contexte général, mais en fin de compte le poids que

27 l'on peut y donner dépendra évidemment de tous les autres éléments de

28 preuve présentés. Veuillez garder cela à l'esprit, Maître Tapuskovic.

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1 Que l'on montre la vidéo.

2 [Diffusion de la cassette vidéo]

3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Nous ne voyons rien.

4 [Diffusion de la cassette vidéo]

5 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

6 "Utsho [phon] Natasha [phon], née en 1985, a été grièvement blessée à

7 Korbavica, et à son arrivée à l'hôpital, ses blessures très graves ont été

8 examinées, et la fille est décédée. Une autre petite fille - [dont

9 l'interprète n'a pas entendu le nom] - née en 1984, a également été blessée

10 et amenée à l'hôpital, est décédée pendant le transport à l'hôpital."

11 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

13 Q. Monsieur Nicolai, suite à la diffusion de ces images, est-ce que vous

14 vous rappelez mieux l'événement en question ? Je vous demande également

15 quelles sont les tensions que cet événement a provoquées dans le cadre des

16 relations entre les parties belligérantes. Que s'est-il passé pendant cette

17 période ? Y a-t-il eu réaction ou pas ? Ma première question, en tout cas,

18 c'est : est-ce que vous avez souvenir de cet événement ?

19 R. Je regrette d'avoir à vous avouer que cette vidéo ne m'a pas rafraîchi

20 la mémoire. Encore une fois, je me souviens vaguement du fait qu'il y a eu

21 un incident qui compte deux fillettes qui ont été tuées, mais c'est un

22 souvenir tellement vague que je ne peux rien vous dire de plus précis.

23 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Passons à une autre question.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je n'avais bien sûr

25 pas l'intention d'insister sur ce point.

26 Je passerais à un nouveau document, DD00-0287. Il s'agit de la déclaration

27 faite par M. Nicolai au bureau du Procureur en 1996. Ce qui m'intéresse,

28 c'est le paragraphe qui se trouve en page 6, dernier paragraphe de ce

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1 document, page 6 de la version B/C/S, en tout cas. Q. Comme vous le

2 constaterez, la date du 15 mai est mentionnée dans ce paragraphe, n'est-ce

3 pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Je cite ce paragraphe. Vous dites, je cite :

6 "A partir du 15 mai, il y a eu escalade avec augmentation du nombre

7 d'incidents de tirs. Pendant plusieurs jours à Sarajevo, les pilonnages se

8 sont poursuivis toute la journée de part et d'autre, avec cessation des

9 pilonnages uniquement dans la soirée. Ces pilonnages visaient la plupart du

10 temps des positions militaires. Ils visaient la caserne de l'ABiH près de

11 la patinoire, la caserne de Tito, le bâtiment des PTT et la ligne de front

12 du pic aigu Spicaste Stijene, de Debelo Brdo et de Skenderija."

13 Est-ce que ceci est exact ?

14 R. Oui, c'est exact.

15 Q. Merci.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'aimerais maintenant que nous évoquions

17 les problèmes liés aux événements du 28 août, à savoir ce que l'on appelle

18 l'incident Markale 2.

19 Q. Monsieur le Témoin, vous vous rappelez cet événement survenu le 28 août

20 avec un obus qui est tombé là où il est tombé ? Vous rappelez-vous ce qui

21 s'est passé ce jour-là ?

22 R. Il ne s'agissait pas d'un seul obus, mais de cinq obus et qui ont tous

23 atterri près du marché de Markale.

24 Q. Oui, oui, mais je vous parle de ce pilonnage qui a provoqué la mort

25 d'un grand nombre de personnes. Bien sûr, je vais vous interroger au sujet

26 de chacun de ces cinq obus, mais pour l'instant je vous pose des questions

27 de nature assez générale, et nous en viendrons au particulier au fur et à

28 mesure.

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1 M. Dragomir Milosevic, vous souvenez-vous qu'il avait été blessé au cours

2 de l'offensive de juin et juillet et que pendant cette période, il était

3 absent, car il était en train de subir une intervention chirurgicale à

4 Belgrade, après quoi il a été soigné pendant quelque temps ? Il n'était

5 tout simplement pas là au début de ce pilonnage. Est-ce que vous connaissez

6 ce fait ?

7 R. Non, je ne le connaissais pas.

8 Q. Merci. L'Accusation ne vous a posé aucune question au sujet de cet

9 événement, mais pour ma part je dois y consacrer un certain temps même si

10 je dois avouer que je ne vais pas en traiter de façon détaillée.

11 Quand j'ai lu votre deuxième déclaration la plus récente, je me suis

12 arrêté au paragraphe 25. Je parle du paragraphe DD00-0319, paragraphe 25,

13 par conséquent. Vous avez trouvé ce paragraphe ? Vous l'avez sous les yeux,

14 le paragraphe 25 de votre deuxième déclaration préalable ?

15 R. Oui, j'ai le texte sous les yeux.

16 Q. Je vais devoir vous lire l'intégralité de ce paragraphe. Je cite :

17 "Je crois que le général Smith a appelé à Pale par téléphone et s'est

18 entretenu avec Mladic, mais cet appel a eu lieu depuis mon bureau, car

19 j'avais une ligne téléphonique directe et, étant présent, j'ai entendu ce

20 qui se disait là où se trouvait le général Smith à mes côtés.

21 "Quand Mladic a rappelé le lendemain, il n'a pas précisé quelles

22 étaient les mesures qu'il avait prises pour enquêter. Il s'est contenté de

23 dire que ce n'était pas ses forces qui étaient responsables du pilonnage.

24 Je crois que c'est moi, avec l'aide de mon interprète, qui ai reçu cet

25 appel de Mladic."

26 C'est bien le 29 que vous avez eu cette conversation téléphonique,

27 n'est-ce pas, le lendemain de l'événement ?

28 R. Oui, c'est tout à fait exact.

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1 Q. Je ne voudrais pas insister trop longtemps sur ce document, mais vous

2 rappelez-vous que lors de cette conversation téléphonique, Mladic a demandé

3 que des efforts maximums soient entrepris pour éviter que cet événement ne

4 perturbe les efforts de paix qui étaient déployés à ce moment-là dans un

5 grand nombre de directions ? Vous rappelez-vous qu'il a dit qu'il attendait

6 une réponse des Musulmans pour mettre en place une commission mixte dirigée

7 par le général Smith, qui devait examiner l'incident dans son ensemble et

8 faire la vérité à ce sujet ? Vous rappelez-vous qu'il a dit cela ?

9 R. Non, je ne m'en souviens pas.

10 Q. Vous vous rappelez sans doute qu'il a dit quelque chose de très

11 caractéristique, à savoir qu'il souhaitait que l'on demande au général

12 Smith de ne pas perdre de vue que pour le même incident à Pale, un obus de

13 calibre 20 millimètres a été considéré comme la cause de l'incident. Il a

14 terminé en disant qu'un tel obus n'aurait pas provoqué des dommages aussi

15 importants. Est-ce que vous vous rappelez l'avoir entendu dire cela ?

16 R. Non, je ne me souviens d'aucun détail de cette conversation

17 téléphonique.

18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

19 Juges, je dois avouer que j'ai eu de gros problèmes par rapport à un

20 document dont je suis en possession et que l'Accusation détient également,

21 mais pour lequel je n'ai pas de traduction. Il s'agit de la transcription

22 d'une conversation téléphonique enregistrée à 18 heures 27, entre le

23 général Mladic et une personne non identifiée du bureau du général Smith,

24 conversation qui a été facilitée par l'interprète de Mladic. Cette

25 conversation a eu lieu à 18 heures 27, le 28 août, et il y est question de

26 l'incident dont nous parlons.

27 J'aimerais demander le versement au dossier de l'intégralité de ce

28 document, mais ce qui m'inquiète un peu, c'est qu'il n'est pas assorti

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1 d'une traduction anglaise. Je ne comprends pas très bien pourquoi ce

2 document n'a pas été traduit à l'intention du bureau du Procureur et de la

3 Chambre. Ce document est le document DD00-0286. Il possède également une

4 cote en tant que document de l'Accusation, numéro ERN 03402152.

5 Si vous m'y autorisez, j'aurais deux questions seulement liées à ce

6 document à poser au général Nicolai.

7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Avant de poser ces questions, Maître,

8 auriez-vous l'obligeance de nous confirmer qu'il s'agit d'une autre

9 conversation que celle mentionnée il y a quelques instants ? Il me semble

10 que vous avez dit que la conversation à laquelle le témoin a participé a eu

11 lieu le 29 août, et maintenant vous mentionnez une conversation qui a eu

12 lieu la veille, donc une autre conversation; est-ce bien exact ?

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] En effet, le général n'a eu qu'une seule

14 conversation téléphonique avec le témoin. Mais le témoin, dans sa

15 déclaration préalable, affirme que cette conversation a eu lieu le 29. Or,

16 elle a en réalité eu lieu le 28 août, à 18 heures 27, à moins que le

17 général ne soit en mesure de confirmer que c'est quelqu'un d'autre qui se

18 trouvait dans le bureau du général Smith qui a eu cette conversation

19 téléphonique, auquel cas je demanderais au général de nous dire le nom de

20 cette autre personne qui aurait pu avoir cette conversation téléphonique à

21 partir du bureau du général Smith.

22 Voilà ce qui m'intéresse, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

23 parce que le document parle de lui-même. C'est un document officiel,

24 transcription d'une conversation téléphonique enregistrée qui a été

25 utilisée dans une autre affaire de ce Tribunal. Je ne vous ai pas donné les

26 détails à ce sujet parce que ce n'était pas mon rôle et que ce n'est pas

27 moi qui ai enquêté sur cette affaire.

28 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Un instant, je vous prie,

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1 Maître Tapuskovic.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic, si vous souhaitez

4 avancer un argument ou poser une question au témoin concernant ce document,

5 vous pouvez lui poser la question, et nous écouterons sa réponse.

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Ce qui m'inquiète avant tout, c'est

7 l'absence de traduction de ce document. J'ai entre les mains une version

8 serbe de ce document qui est d'une telle importance que cela m'ennuierait

9 que les Juges ne puissent en prendre une connaissance approfondie.

10 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Est-ce que vous auriez une copie de

11 ce document qui pourrait être mise sur le rétroprojecteur ? Puis, nous

12 pourrons obtenir une traduction par le biais des interprètes.

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui, oui. Oui, il est là, le document.

14 Puisque je vais en demander le versement au dossier, oui, il serait bien

15 que les interprètes l'interprètent. Il est là, ce document. Il a son

16 numéro.

17 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Docherty.

18 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, mon commis aux

19 affaires est en train de me dire qu'il existe très certainement une

20 traduction en anglais. Si vous pouviez peut-être nous laisser une minute,

21 cela pourrait nous éviter de perdre cinq minutes.

22 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Allez-y.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ne sais pas depuis combien de jours je

24 demande cette traduction en anglais, déjà.

25 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui, nous avons trouvé la version anglaise

26 de ce document. Nous pourrions sans doute l'envoyer par courriel au

27 greffier, et ainsi on pourrait l'afficher. On ne peut pas directement le

28 charger dans le système du prétoire électronique. Il faut que cela transite

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1 par le greffier.

2 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Ecoutez, les problèmes

3 technologiques, c'est à vous de les résoudre. De toute façon, ce que nous

4 voulons, c'est avoir le document sur l'écran.

5 M. DOCHERTY : [interprétation] Voilà, le courriel est parti.

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Puis-je donner lecture du document ?

7 Je demande une cote pour la séquence vidéo de tout à l'heure pour

8 identification.

9 M. DOCHERTY : [interprétation] Je soulève à nouveau une objection à propos

10 de l'admissibilité de ce clip vidéo. Bien entendu, quand on attribue une

11 cote provisoire, c'est la première mesure vers le versement au dossier,

12 c'est la première étape. Or, je soulève une objection sur la base de la

13 pertinence, de la motivation, le fondement, donc je soulève surtout une

14 objection pour une communication de ce document tardive.

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Enregistrement pour identification de

17 ce document.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

19 Juges, il s'agira du document MFI D26.

20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Puis-je poursuivre ?

21 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Quelle est la question ?

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

23 Q. Vous avez lu ce document, Monsieur le Témoin ? Est-ce que la

24 transcription que vous venez de lire correspond bien à la conversation que

25 vous avez entendue, la conversation avec Mladic ?

26 R. Non, ce n'est pas la conversation que j'ai eue avec Mladic. En

27 revanche, je ne peux pas exclure qu'il s'agisse du compte rendu d'une

28 conversation qui aurait pu avoir lieu entre le général Smith et le général

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1 Mladic.

2 Q. C'est encore mieux, mais en tout cas, elle a eu lieu le 28, le 28,

3 n'est-ce pas ? Ici, il est même dit que c'est une personne non identifiée

4 qui se trouvait dans le bureau du général Smith qui a eu cette conversation

5 téléphonique. Alors, je vous ai rappelé votre déclaration préalable

6 d'octobre 1996 dans laquelle vous dites que vous vous rappelez une

7 conversation à laquelle vous avez assisté. Si vous ne l'aviez pas dit, je

8 ne aurais pas posé la question.

9 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] M. Docherty voudrait prendre la

10 parole.

11 M. DOCHERTY : [interprétation] Le conseil vient juste de dire ce que le

12 témoin a dit dans sa déclaration d'octobre, que c'était lui qui avait eu

13 cette conversation avec le général Mladic. Or, il s'agit d'une présentation

14 déformée des choses. Mais le témoin a témoigné selon que la conversation

15 qu'il avait eue avec Ratko Mladic était le 29 août. Or, le document est en

16 date du 28 août, à 6 heures 27 de l'après-midi, donc ce témoin ne peut pas

17 authentifier cette conversation puisqu'à présent il n'a pas pu le faire.

18 Je n'exclus pas la possibilité qu'il y aura peut-être d'autres

19 preuves qui seront présentées et qui pourront donner un fondement correct à

20 ce document et que nous pourrons ainsi l'admettre, mais jusqu'à présent je

21 soulève une objection à propos des questions qui sont posées à ce témoin à

22 propos de ce document. Il faut absolument qu'un fondement soit trouvé et il

23 faut un peu que l'on sache que le témoin connaît le document et qu'il est

24 bien la personne qui a pris part à la conversation.

25 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je pense qu'il a raison à

26 propos de la date. Le conseil a raison à propos de la conversation, mais

27 quant à savoir si le témoin peut en parler, c'est autre chose puisqu'il ne

28 sait pas grand-chose à propos de cette conversation. Il n'exclut pas la

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1 possibilité qu'il se pourrait que ce soit le général Smith qui soit en

2 conversation avec le général Mladic, mais cela ne me semble pas être une

3 hypothèse très probable. Il y a de nombreuses références dans cette

4 conversation au général Smith, de toute façon, donc je pense que c'est

5 peut-être une conversation avec quelqu'un d'autre qu'avec le général Smith.

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je le dis parce que le témoin lui-

7 même a dit il y a quelques instants, je cite : "Il me semble que j'ai pris

8 cet appel et que j'ai été aidé par un interprète." Dans ce document, il est

9 dit de façon très claire que la conversation a eu lieu avec l'aide d'un

10 interprète et que le général Smith n'avait rien à voir avec cette

11 conversation. C'est le témoin lui-même qui le dit.

12 Je n'y peux rien si le témoin continue à déclarer que cette

13 conversation a impliqué l'intervention du général Smith, je n'insisterai

14 pas, mais pour l'instant je tiens à lui soumettre ma thèse selon laquelle

15 il a peut-être fait une erreur, car la conversation a eu lieu le 28, ce qui

16 est beaucoup plus logique. Mais ma logique, bien sûr, n'a guère d'utilité

17 en l'espèce.

18 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je vais donc poser la question

19 au témoin à nouveau.

20 Que savez-vous, Monsieur le Témoin, de cette conversation

21 téléphonique ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce dont je me souviens, c'est d'ailleurs

23 consigné dans ma déclaration puisque je me souviens d'une conversation

24 téléphonique du 28 août au cours de laquelle le général Smith a demandé au

25 général Mladic de faire une enquête auprès de ses troupes pour savoir si

26 c'étaient eux qui avaient tiré sur le marché à Sarajevo. Je me souviens

27 aussi d'une conversation qui a eu lieu le 29 août au cours de laquelle le

28 général Mladic a dit qu'il avait enquêté à propos de cet incident et que

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1 ses troupes n'étaient pas responsables de cet incident.

2 Ce que je ne peux exclure en revanche, c'est qu'une autre

3 conversation téléphonique ait eu lieu le 28 août, conversation dont le

4 texte apparaît maintenant sur le rétroprojecteur et conversation au cours

5 de laquelle le général Smith a posé toutes ces questions. Je suis

6 absolument désolé, mais je ne peux pas dire avec certitude si j'ai assisté

7 véritablement à cette conversation.

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Puis-je poser encore une dernière

9 question au témoin, Monsieur le Président ?

10 Q. Monsieur le Témoin, à part vous, qui d'autre aurait pu se trouver à un

11 endroit aussi important que le bureau du général Smith dans une période

12 aussi difficile ?

13 R. Par exemple, cela aurait pu être le colonel Baxter, qui était

14 l'assistant militaire.

15 Q. Merci. Je n'aurai plus de questions sur ce point, mais je vous demande

16 tout de même si le soir de ce jour-là, c'est-à-dire le soir du 28, tout

17 l'appareil de l'OTAN avait déjà pris la décision d'intervenir par des

18 frappes aériennes dans l'objectif que l'on connaît. Est-ce que vous savez

19 si cette décision avait déjà été prise à ce moment-là ?

20 R. Oui, je peux vous en parler. Cette décision n'a été prise que le

21 lendemain, c'est-à-dire le 29 août, quand toutes les informations et toutes

22 les conclusions des enquêtes à propos de l'incident du marché ont été à la

23 disposition des personnes compétentes.

24 Q. Dans ces conditions, je vous demande si dès le 28, il avait été décidé

25 de pratiquer des frappes aériennes. En effet, pour que l'appareil de l'OTAN

26 se mette en marche, il faut plus que quelques minutes de préparation. Un

27 grand nombre de conditions et de critères doivent être remplis pour lancer

28 le lourd appareil de l'OTAN, donc cela n'a pas pu se faire le même soir.

Page 1023

1 Tout était en attente, et les ordres de bombarder ont été donnés dans la

2 soirée du 28. Est-ce que vous êtes au courant de cela ?

3 R. Je ne peux pas exclure le fait que des dispositions avaient déjà été

4 prises pour déployer les forces aériennes. En revanche, la décision de

5 déploiement n'a absolument pas été prise le 28.

6 Q. Bien. N'insistons pas plus longtemps. Maintenant, j'aimerais vous

7 parler des radars. Nous commencerons par un document dont je vous

8 soumettrai la version anglaise, le document DD00-0287, page 4, paragraphe

9 3.

10 C'est votre déclaration préalable de 1996 dans laquelle vous dites --

11 est-ce que vous avez le texte sous les yeux ?

12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, il est vraiment

13 impossible d'aller plus vite vu les conditions techniques.

14 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez le texte sous les yeux, page

15 4, paragraphe 3 ? Vous voyez le texte ? Je cite : "Notre équipement de

16 détection radar", ce sont les premiers mots du paragraphe.

17 R. Oui, j'ai le texte sous les yeux.

18 Q. Je cite : "Notre équipement de détection radar n'était pas totalement

19 précis dans les premiers jours de cette période. Nous n'étions pas toujours

20 en mesure de déterminer qui était responsable d'un incident. C'est

21 seulement lorsque l'équipement néerlandais est arrivé plus tard dans

22 l'année 1995 que nous avons disposé d'un système précis."

23 Ceci est-il exact ?

24 R. Oui, tout à fait.

25 Q. Dans un paragraphe du document DD00-0319, c'est-à-dire la déclaration

26 préalable du témoin du 20 octobre 2006, paragraphe 20. Je suis désolé de

27 devoir faire ces allers-retours entre les deux textes, mais je ne peux

28 faire autrement. Je ne vais pas lire l'intégralité de ce paragraphe. Vous

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1 avez le texte sous les yeux, Monsieur le Témoin ?

2 R. Tout à fait, je l'ai.

3 Q. Dans la dernière phrase, nous lisons :

4 "Une unité britannique est arrivée en même temps, qui couvrait également la

5 ville de ces radars. Ces radars avaient principalement pour but de

6 localiser les positions de mortier et l'artillerie qui tiraient sur la

7 ville."

8 Est-ce que ceci est exact ?

9 R. Oui, c'est correct.

10 Q. Pouvez-vous me confirmer que les radars, qu'ils soient britanniques ou

11 néerlandais, n'ont pas localisé l'obus qui a provoqué tant de victimes

12 humaines ? Ceci est-il vrai ?

13 R. Oui, malheureusement, c'est vrai.

14 Q. Est-il exact que ces radars n'ont pas non plus localisé les quatre

15 autres obus tirés durant cet incident et dont vous avez parlé tout à

16 l'heure ? Ceci est-il également exact ?

17 R. En effet.

18 Q. Est-il exact que même le son des obus n'a pas été enregistré ? Ceci

19 aussi est-il exact ?

20 R. Le son, en effet, des tirs n'a pas été enregistré.

21 Q. Nous allons revenir sur votre déclaration de 1996, le document

22 DD00-0285, page 4, c'est-à-dire la page que nous avions sous les yeux tout

23 à l'heure déjà, mais cette fois-ci c'est le dernier paragraphe de cette

24 page qui m'intéresse. Je vais devoir lire l'intégralité du paragraphe dès

25 que vous aurez le texte sous les yeux.

26 C'est un paragraphe assez long qui commence par les mots : "Le

27 pilonnage le plus important de Sarajevo".

28 R. Oui, j'ai le texte sous les yeux.

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1 Q. Est-ce que vous avez bien dit ce dont je vais maintenant donner

2 lecture, je cite :

3 "Le pilonnage le plus important de Sarajevo a eu lieu le 28 août entre 11

4 heures 10 et 11 heures 20, moment où le marché a été pilonné. Cinq obus ont

5 été tirés ce jour-là, dont l'un a frappé le toit d'un bâtiment tout près du

6 marché de Markale. Une pluie d'obus est tombée sur le marché.

7 "Le premier rapport a affirmé que plus de 30 personnes avaient été

8 tuées et plus de 40 personnes blessées. Il a été confirmé plus tard que 33

9 personnes avaient été tuées et que plus de 80 personnes avaient été

10 blessées. Le chef des observateurs militaires des Nations Unies et son

11 personnel se sont rendus sur les lieux accompagnés d'un expert en analyse

12 de cratères de mortier. Une enquête complète a été ordonnée. Nous avons

13 fait preuve d'une grande prudence en raison des conséquences de la

14 Conférence de Londres, qui risquaient d'entraîner des frappes aériennes.

15 Ces frappes aériennes avaient une grande importance puisqu'elles

16 impliquaient non seulement le recours à un soutien aérien rapproché, le

17 C.A.S, mais également des bombardements aériens visant des cibles précises.

18 "Vingt-quatre heures plus tard, le mardi 29 août, nous avons reçu le

19 rapport définitif. L'enquête a confirmé que l'obus était un obus de calibre

20 120 millimètres, et la direction a également été confirmée. Notre enquête

21 menée par nos hommes sur nos terrains dispersés dans toute la ville a

22 permis aux observateurs militaires des Nations Unies de confirmer que le

23 tir n'avait pas été entendu dans la ville et que, par conséquent, il était

24 fort probable que ce tir provenait d'un lieu situé en dehors des lignes de

25 front.

26 "Sur la base de mon expérience, je considère que si quelqu'un se

27 trouvait à l'intérieur des lignes de front, il aurait nécessairement dû

28 entendre le tir des obus. On peut entendre la différence entre un obus

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1 entrant et un obus sortant. Même si l'obus avait été tiré depuis les

2 collines, il aurait été entendu, car l'explosion est très forte. Le

3 Cymbelline n'avait rien enregistré. Tout ceci indique que l'obus a été tiré

4 depuis une distance importante."

5 Est-ce que ceci est exact, Monsieur, ce que je viens de lire ?

6 R. Tout à fait.

7 Q. Bien. Maintenant, je voudrais vous citer un paragraphe du document

8 DD00-0319, c'est-à-dire votre autre déclaration préalable.

9 R. Je ne l'ai pas encore. Oui, il est là.

10 Q. Le paragraphe 24, nous avons déjà évoqué ce paragraphe hier lorsqu'il a

11 été question de ce que Van Baal vous avait dit. Aujourd'hui, ce qui

12 m'intéresse, c'est l'autre moitié du paragraphe où vous dites, je cite :

13 "Les éléments à prendre en considération étaient le fait que si aucun son

14 n'a été entendu, l'obus a dû être tiré depuis une longue distance."

15 Alors, vous dites que si l'obus avait été tiré depuis les collines, le

16 bruit de cet obus aurait été entendu. Si c'est bien le sens de ce que vous

17 affirmez, cela ne signifie-t-il pas que l'obus a dû être tiré depuis une

18 distance supérieure à la distance des collines, depuis plus loin que les

19 collines ? Est-ce bien ce que vous voulez dire ?

20 R. De toute façon, les obus n'étaient jamais tirés depuis les alentours

21 proches de la ville.

22 Q. Même pas depuis les collines ? Même pas depuis les collines ?

23 R. Les collines débutent juste à la périphérie de la ville, mais après

24 elles s'étendent un peu sur une distance assez importante. Si c'était

25 arrivé depuis un endroit que l'on voyait directement de la ville, j'imagine

26 que l'on aurait entendu les obus arriver, mais si la distance en revanche

27 était plus grande, dans ce cas-là on aurait pu ne pas les entendre.

28 Q. Tout à l'heure, vous avez dit qu'on ne les avait pas entendus du tout,

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1 qu'ils n'avaient pas produit le moindre son audible, pas plus dans la zone

2 de responsabilité de l'ABiH qu'ailleurs. En tout cas, c'est ce que vous

3 avez dit il y a quelques instants. Si vous souhaitez apporter des

4 explications complémentaires à ce que vous avez dit tout à l'heure, faites-

5 le, pas de problème.

6 R. Non, je n'ai rien à ajouter à ceci.

7 Q. Très bien. Un peu plus loin, vous dites, et c'est sans doute ce qui

8 m'intéresse personnellement le plus, vous dites que les radars n'ont rien

9 enregistré. Parlant de cela, vous poursuivez en déclarant : "Ce qui

10 signifie que la trajectoire des obus était relativement basse."

11 Comment est-ce que cela est possible ? Est-ce que vous pouvez vous

12 expliquer sur ce point ? Les radars n'ont pas enregistré l'obus; vous dites

13 que la trajectoire devait être exceptionnellement basse ?

14 Nous sommes en présence d'un obus de calibre 120. Est-ce que la

15 trajectoire d'un tel obus peut être linéaire plus ou moins, c'est-à-dire

16 que l'obus vole en permanence en ligne droite en dehors de la zone couverte

17 par le radar ? Est-ce que, par conséquent, l'obus a volé en permanence en

18 dessous de cette zone, en ligne droite ? Est-ce que vous pourriez vous

19 expliquer sur ce point ?

20 R. Non, c'est tout à fait impossible puisqu'un mortier a une trajectoire

21 inclinée, donc un tir tendu est absolument impossible.

22 Q. Mais si les radars n'ont pas pu enregistrer cette trajectoire, cela

23 implique que l'obus a été tiré à partir d'un endroit situé à l'intérieur de

24 la ville. Ne parlons plus du bruit de l'obus, mais parlons de la

25 trajectoire. La trajectoire de l'obus n'a pas été enregistrée par les

26 radars, des radars de haute technologie britannique et néerlandaise. C'est

27 la seule conclusion qu'on peut en tirer, n'est-ce pas ?

28 R. Même si les obus avaient été tirés depuis l'intérieur de la ville, le

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1 radar, de toute façon, les aurait détectés. La couverture du radar n'était

2 peut-être pas à 100 %. Là, je n'ai pas suffisamment d'information à ce

3 propos pour vous répondre.

4 Q. Je vais être très direct à présent en vous disant qu'à mon avis,

5 l'explosion de cet obus a eu lieu à cet endroit-là. Est-ce que vous pouvez

6 répondre à cela ?

7 R. Tout ce que je peux vous répondre, c'est que le radar n'a pas détecté

8 ces obus. Je n'ai pas d'information supplémentaire à ce propos. Ce que

9 j'essaie de vous dire, c'est qu'on a dû ensuite analyser le cratère, et

10 c'est par le biais d'analyse du cratère qu'on est arrivé à certaines

11 déductions, mais uniquement par le biais de ces analyses de cratère.

12 Q. Concernant tout ceci, Monsieur le Témoin, j'aurais quelques questions

13 supplémentaires à vous poser. Il y a un instant, nous vous avons entendu

14 confirmer qu'un obus de calibre 120 avait frappé le toit d'un bâtiment et

15 qu'une pluie d'éclats était tombée sur le marché. Est-ce que vous avez

16 entendu parler de cela ou est-ce que vous étiez sur place ? Est-ce que vous

17 avez, de vos yeux, vu l'obus tomber ?

18 R. Non. A ce moment-là, j'étais au QG. Il s'agit du rapport d'analyse qui

19 a été effectué par la suite. Quatre obus sont tombés sur le sol, selon le

20 rapport en tout cas, et ont fait un peu de victimes. En revanche, un obus a

21 atteint un bâtiment, et de ce fait l'obus a explosé en l'air. Suite aux

22 éclats qui ont été projetés, il y a eu énormément de victimes en ce qui

23 concerne cet obus-là. Mais je ne sais pas, je n'ai pas obtenu ces

24 informations de visu. Cela vient du rapport que j'ai lu.

25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Une question de clarification, s'il

26 vous plaît. Général, vous dites que quatre obus ont frappé le sol. Pouvez-

27 vous nous dire s'ils sont tombés exactement sur le marché, donc le sol du

28 marché ou aux alentours du marché ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils sont tombés aux alentours du marché.

2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Le cinquième obus, lui, en revanche,

3 a atteint le toit d'un bâtiment qui était juste mitoyen du marché; c'est

4 cela ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, enfin, aux alentours extrêmement proches

6 du marché.

7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Les victimes, il y a eu beaucoup de

8 victimes suite à ce cinquième obus, et ces personnes ont été atteintes

9 principalement par les éclats d'obus et par les débris du toit aussi qui

10 sont tombés. C'est bien ce qui s'est passé ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Surtout les éclats d'obus, de l'obus lui-

12 même, puisque quand un obus éclate dans l'air, les débats sont bien plus

13 importants que quand l'obus frappe le sol et explose au sol.

14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci beaucoup.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'était précisément un point sur lequel je

16 souhaitais demander des explications complémentaires au témoin. Evidemment,

17 je m'intéresse surtout à l'un de ces cinq obus, mais quand je pose toutes

18 les questions que je pose au témoin au sujet du bruit qui n'a pas été

19 entendu, au sujet de l'absence d'enregistrement radar, ces questions

20 concernent les cinq obus.

21 Q. Pas un seul des cinq obus n'a été entendu, donc ma thèse consiste à

22 dire que non seulement l'obus qui a fait des victimes, mais également les

23 quatre autres obus. Ce que je dis, c'est que ces cinq obus ont été tirés

24 sur place, parce que sinon il est impossible d'expliquer. Puisque cinq obus

25 ont été tirés, et je crois que c'est bien le nombre exact mentionné dans

26 l'acte d'accusation, il est impossible d'expliquer pourquoi aucun de ces

27 obus n'aurait été enregistré par des radars aussi évolués techniquement.

28 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Cette question me brûlait les lèvres,

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1 et maintenant la voilà. Comment se fait-il qu'aucun de ces obus n'ait été

2 détecté par le radar ? Pouvez-vous nous répondre, nous donner une réponse ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne peux pas vous donner une réponse

4 vraiment définitive. Cela reste encore un mystère pour moi aussi. Il se

5 peut que le radar tout simplement n'était pas pointé dans la bonne

6 direction, mais ce n'est qu'une hypothèse. Je ne peux pas vraiment vous

7 répondre de façon précise.

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi. Vous

9 avez terminé ?

10 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je ne posais même pas de question au

11 témoin, en fait. Je voulais que vous lui posiez la question. S'il vous

12 plaît, maintenant, essayez d'aller directement à la question et de ne pas

13 perdre du temps en exposant vos questions de façon fort compliquée.

14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Le témoin a répondu à votre question,

15 Monsieur le Président. Il a dit que c'était un mystère pour lui. S'agissant

16 de la thèse de la Défense, sa réponse est tout à fait suffisante. Je ne

17 vais pas lui en demander plus. Vous avez posé la question que vous avez

18 posée. Le témoin a dit que c'était pour lui un mystère. Pour moi, c'est

19 très certainement un mystère également, comme c'est également un mystère

20 pour toute personne qui défend les intérêts de M. Milosevic. Mais

21 maintenant, j'aimerais poser une autre question au témoin.

22 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez vu les images télévisées qui

23 ont été vues par le monde entier au sujet de cette explosion, des gens qui

24 ont été tués au marché et des nombreux blessés ? Est-ce que vous avez vu

25 ces images, Monsieur ?

26 R. J'imagine que oui.

27 Q. Mais si vous avez vu ces images, que peut-on dire d'un obus qui frappe

28 le toit d'un bâtiment ? Est-il possible pour un obus frappant le toit d'un

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1 bâtiment de provoquer autant de dégâts que celui dont nous parlons ? Enfin,

2 je ne vais pas entrer dans les détails, je suis en train de perdre pas mal

3 de temps. Est-ce qu'un obus touchant un toit peut provoquer le genre de

4 blessures et de dégâts que l'on voit sur les images diffusées dans le monde

5 entier ? Si vous pouvez répondre, Monsieur, je vous le prie de le faire.

6 R. Oui, je pense qu'il est tout à fait possible que de tels dégâts soient

7 infligés par un obus de ce type.

8 Q. Merci. Je vous posais la question parce que vous êtes artilleur. Vous

9 savez donc, n'est-ce pas, qu'il est relativement difficile pour des obus de

10 mortier de ce genre de calibre, il est assez difficile de déterminer le

11 lieu d'origine des tirs et qu'il est également assez difficile de

12 déterminer la charge qui a été utilisée, donc le type exact d'obus ou de

13 missile qui a été tiré. En tant qu'un spécialiste de l'artillerie, est-ce

14 que vous êtes au courant de cela, Monsieur ?

15 R. Je sais qu'il n'est pas très simple de procéder à des analyses de

16 cratères. J'en suis parfaitement incapable, d'ailleurs, moi-même. Mais des

17 experts peuvent recueillir énormément d'informations à propos d'analyse de

18 cratères.

19 Q. Est-ce que vous connaissez au moins ce fait ? En tant qu'élément

20 factuel, est-ce que vous pouvez dire s'il est possible ou pas de déterminer

21 la provenance d'un tir ?

22 R. Oui, absolument. On peut déterminer la direction d'où provient le tir

23 et, avec une certaine marge de certitude, on peut aussi estimer la distance

24 depuis laquelle l'obus a été tiré.

25 Q. Si vous aviez répondu autrement, je ne vous poserais pas la question

26 que je m'apprête à vous poser. Mais je vous demande si vous avez eu

27 connaissance de l'existence d'un document très confidentiel rédigé par le

28 général Janvier et destiné au secrétaire général des Nations Unies, M. Kofi

Page 1032

1 Annan, document qui date du 28, déjà, 28 août.

2 Je vous demanderais de vous pencher sur l'intégralité du paragraphe

3 que je vais porter à votre attention. Il s'agit du document 481 dans les

4 documents 65 ter. Pour la version anglaise, le paragraphe qui m'intéresse

5 se trouve à la page 3. Je ne vais pas le lire à haute voix. Je vais me

6 concentrer sur la partie la plus importante. Mais vous pouvez, pour votre

7 part, lire tout ce paragraphe à voix basse.

8 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Il suffit de lui montrer le passage

9 pertinent, et si nécessaire il pourra compulser la totalité du document.

10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

11 Q. Vous avez le texte sous les yeux, Monsieur ? Bien. J'ai déjà lu à votre

12 intention ce paragraphe, et vous avez déjà répondu à une question sur ce

13 texte, mais je vais le relire. C'est un rapport hautement confidentiel qui

14 date du 28 août.

15 D'abord, je vous demande si vous avez eu connaissance de ce rapport,

16 Monsieur, écrit ce jour-là. Je cite :

17 "Eu égard aux obus de mortier", il est question des obus de calibre 120,

18 "il est particulièrement difficile de déterminer le lieu d'origine du tir,

19 car il est impossible de déterminer la quantité de poudre utilisée pour

20 tirer le projectile cet après-midi du 28 août."

21 Comment est-ce que vous répondriez à cette question suite aux réponses que

22 vous avez déjà faites ?

23 R. J'aimerais avoir un petit peu de temps pour lire le texte en entier,

24 s'il vous plaît.

25 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Nous avons aussi besoin de quelques

26 minutes pour lire le document.

27 Avez-vous terminé de lire le document ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

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1 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître

2 Tapuskovic.

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Ce qui m'intéresse, c'est de savoir ce que

4 le témoin dit aujourd'hui au sujet de cette phrase.

5 Q. Est-ce que ce qui est dit lui semble impossible ou a-t-il un avis

6 différent ?

7 R. Ce que j'ai sous les yeux me semble être un rapport de situation en

8 date du 28 août. Dans ce rapport, il est décrit l'incident qui a eu lieu.

9 Il est écrit que des enquêtes sont en cours pour déterminer l'origine des

10 tirs.

11 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Vous pouvez reposer votre question,

12 s'il vous plaît, Maître Tapuskovic ?

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Il faut que je revienne sur la question

14 que j'ai déjà posée. Je ne pensais pas que cela prendrait tant de temps. Ce

15 qui est écrit dans ce document est totalement contraire à ce que le témoin

16 a dit jusqu'à présent.

17 Q. Je cite le texte : "S'agissant des obus de mortier, il est très

18 difficile de déterminer l'origine du tir, car il est impossible de

19 déterminer la quantité de poudre ou la charge utilisée pour tirer les

20 projectiles."

21 Est-ce que ce qui est exact, c'est ce que vous avez dit tout à l'heure ou

22 est-ce que ce qui est exact, c'est ce qui est écrit dans ce document ?

23 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Docherty.

24 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, je soulève une

25 objection, car je trouve que le conseil est en train de ne pas poser la

26 question correctement. Il n'est pas dit qu'il est impossible dans le

27 document de déterminer, mais que c'est "très difficile" uniquement, donc il

28 déforme les propos qui sont écrits dans le document.

Page 1034

1 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Il est écrit : "C'est difficile parce

2 qu'il est impossible de déterminer le niveau, la quantité de poudre

3 utilisée pour" -- enfin, je vais vous le relire en entier. "Il est très

4 difficile de déterminer l'origine d'un tir de mortier, car il est

5 impossible de savoir quelle était la quantité de poudre utilisée pour

6 lancer le projectile."

7 C'est là-dessus que nous demandons à notre témoin de nous donner son avis.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je confirme tout à fait ce qui est écrit. Il

9 est en effet extrêmement difficile de déterminer à la fois le calibre et

10 l'origine du tir. Je ne peux pas dire en revanche que c'est impossible.

11 Pendant la totalité de mon mandat sur place, il y a eu plusieurs analyses

12 de cratères, parfois qui ont réussi à déterminer l'origine des tirs et

13 parfois moins, parfois qui n'ont pas été aussi couronnées de succès.

14 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Est-ce que cela signifie que vous

15 n'êtes pas entièrement d'accord avec cette déclaration écrite que nous

16 avons sous les yeux où il est écrit qu'il est impossible de déterminer

17 quelle est la quantité de propulsion utilisée pour lancer le projectile ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Parfois, il est possible de savoir quelle

19 est la quantité de poudre qui a été utilisée pour propulser le projectile.

20 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Mais j'ai l'impression qu'il y a une

21 contradiction, ici. Bien sûr, je ne suis absolument pas un expert. Il ne me

22 semble pas qu'une difficulté mène à une impossibilité. Une difficulté mène

23 à une autre difficulté, rien de plus. Une difficulté entraîne une

24 difficulté, et non pas une impossibilité. Le fait que l'on en conclut que

25 c'est impossible de déterminer la quantité de poudre utilisée ne semble pas

26 être parfaitement cohérent avec la proposition précédente qui dit qu'il est

27 difficile de déterminer l'origine d'un tir. J'ai l'impression qu'il y a

28 quand même une contradiction entre ces deux phrases. On a d'un côté une

Page 1035

1 "difficulté" qui entraînerait une "impossibilité". Cela me paraît quand

2 même aller un peu loin.

3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vais, s'il vous plaît, Maître

4 Tapuskovic, essayer d'envisager le problème sous un autre angle. J'ai

5 l'impression - Général, corrigez-moi si je me trompe, bien sûr - j'ai

6 l'impression que la détermination de l'origine du tir et de la quantité de

7 poudre utilisée pour lancer un mortier est possible quand on a bel et bien

8 un cratère, puisque là on peut procéder à une analyse de cratère. Mais ici,

9 il n'y a pas de cratère, étant donné que l'obus a atteint le toit du

10 bâtiment adjacent au marché. L'essentiel des dégâts ont été infligés par

11 les éclats d'obus et par les débris du toit, alors il n'y a pas de cratère.

12 Alors ce qui m'intéresse, ce sont plutôt les mots qui sont dans le

13 rapport juste avant le passage que nous venons d'entendre. On a évalué que

14 "l'obus de mortier a été tiré à 170 degrés magnétiques". Je pense que c'est

15 surtout ce paramètre qui permet de savoir et d'établir au moins d'où venait

16 l'obus, la direction d'où venait l'obus. Pourriez-vous un petit peu nous

17 expliquer comment on a déterminé ces fameux 170 degrés ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, vous avez parfaitement

19 raison. L'obus qui a atteint le bâtiment n'a pas pu faire l'objet d'une

20 enquête, donc l'analyse a été faite sur les cratères des quatre autres

21 obus. Le 29 août, quand l'enquête a été terminée, les experts étaient

22 absolument certains et ont donc conclu de façon certaine que l'obus avait

23 été lancé depuis une direction sud, sud-ouest, et ils ont pu déterminer

24 aussi que la distance de tir avait été comprise entre 3 kilomètres et demi

25 et 4 kilomètres et demi. Cela, je m'en souviens. C'est ce qui a été dit

26 lors du briefing, bien sûr sur la base des conclusions de l'enquête.

27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.

28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge Harhoff, le thème que

Page 1036

1 vous venez d'aborder est un thème absolument capital et il fera l'objet de

2 questions ultérieures. L'obus a touché un toit. Je ne vais pas entrer dans

3 les détails maintenant.

4 Q. Monsieur le Témoin, je vous demande si vous savez que les pilonnages

5 ont cessé pendant un jour. C'est l'officier russe M. Demurenko qui était

6 responsable et il a dit qu'il y avait une chance sur un million que l'obus

7 soit venu de positions serbes. Il a dit que le cratère ne pouvait présenter

8 la forme qu'il présentait que parce que l'obus était tombé en ligne droite

9 du ciel. Selon son estimation, il y avait une chance sur un million pour

10 que l'obus ait été tiré depuis les positions serbes.

11 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Docherty.

12 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui. Je soulève encore une objection parce

13 que le conseil est en train d'exposer pratiquement ses thèses avant de

14 poser sa question au témoin. M. Demurenko n'est pas ici, et c'est M.

15 Nicolai qui est le témoin en l'espèce, donc il faudrait lui poser des

16 questions sans avoir ces propos liminaires extrêmement fastidieux.

17 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] En effet, j'en ai déjà averti Me

18 Tapuskovic. Maître Tapuskovic, posez la question simplement et évitez les

19 propos liminaires dans vos questions. Je ne vois pas pourquoi vous devez

20 absolument faire part au témoin de ce qu'a pensé M. Demurenko à propos de

21 cet incident.

22 Nous sommes ici pour obtenir l'avis technique du témoin, et rien de plus.

23 Cela dit, je pense qu'il est vraiment l'heure de faire la pause,

24 maintenant. Nous allons donc lever la séance pour la pause.

25 Nous reviendrons exactement à ce même sujet dans 20 minutes.

26 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.

27 --- L'audience est reprise à 11 heures 57.

28 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Tapuskovic, pourriez-vous

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1 nous dire, s'il vous plaît, de combien de temps vous estimez avoir encore

2 besoin ?

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vais écourter un petit peu, notamment

4 en ce qui concerne Markale. Il y a certains points que je ne vais pas

5 aborder. Il y a une autre question que j'aimerais aborder. J'espère en

6 finir rapidement.

7 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] N'oubliez pas d'être rapide, de poser

8 votre question rapidement et de laisser tomber tous ces propos liminaires

9 dont vous vous encombrez au début de vos questions.

10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

11 Juges, je n'aurais pas mentionné M. Demurenko s'il n'avait pas été question

12 du cratère.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous revoilà à nouveau. Vous êtes

14 encore en train de tomber dans votre travers préféré, Maître Tapuskovic.

15 S'il vous plaît, posez la question.

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je suis d'accord.

17 Q. Est-ce que le témoin sait que les bombardements de l'OTAN ont été

18 suspendus pendant une journée parce que le commandant du secteur où a eu

19 lieu l'incident dont nous parlons a affirmé publiquement qu'il était

20 impossible de frapper les positions serbes ? Un cratère avait été trouvé,

21 et il a parlé du fait qu'il y avait une chance parmi un million. En

22 d'autres termes, les obus étaient forcément arrivés en tirs tendus, que

23 l'obus aurait pu atterrir - et j'essaie de m'exprimer en termes simples -

24 comme s'il était tombé du ciel.

25 R. Je ne me souviens pas de quoi que ce soit à ce propos. Si je me

26 souviens bien, les frappes aériennes se sont poursuivies toute la semaine.

27 Je ne me souviens d'aucun rapport de M. Demurenko à propos de cette

28 possibilité selon laquelle il n'y avait qu'une chance sur un million pour

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1 que les mortiers aient été tirés depuis une zone serbe.

2 Q. Toutefois, le rapport envoyé par le général Janvier le 28 a été envoyé

3 directement à Kofi Annan, compte tenu de l'importance de cet incident. Les

4 mots étaient choisis avec beaucoup de soin pour décrire les

5 caractéristiques des obus de 120 millimètres. Des vérifications avaient été

6 faites. Or, si un rapport a été envoyé directement aux Nations Unies,

7 compte tenu de l'importance de l'incident, ce rapport a été rédigé avec

8 beaucoup de soin.

9 R. Je ne sais pas sur quel fondement le général Janvier a envoyé ce

10 rapport à M. Kofi Annan. Les conclusions du rapport n'ont été communiquées

11 à l'ensemble des équipes que le 29 août, donc je ne sais absolument pas sur

12 quoi le général Janvier avait pu baser son rapport.

13 Q. En d'autres termes, vous ne connaissiez rien à ce rapport ?

14 R. Tout à fait.

15 Q. Pourrions-nous, s'il vous plaît, consulter le document DD00-0287, à la

16 cinquième page, au paragraphe 3 ?

17 L'avez-vous sous les yeux ?

18 R. Non, je ne le pense pas.

19 Q. Ce paragraphe commence par : "Nous étions étonnés".

20 Avant de vous donner lecture de ce paragraphe, des négociations étaient en

21 cours à l'époque pour trouver une solution paisible, et ces négociations

22 ont progressé bien au lendemain des événements à Srebrenica; est-ce bien

23 exact ?

24 R. Oui, tout à fait.

25 Q. Je vais maintenant vous donner lecture de ce paragraphe :

26 "Nous étions étonnés que cet incident ait lieu à ce moment-là après la

27 chute de Srebrenica et de Zepa et pendant le mois d'août, qui était un mois

28 tranquille, alors que nous négociions avec les Serbes de Bosnie. Nous

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1 avions le sentiment de réaliser des progrès dans le cadre de ces

2 négociations. C'est la raison pour laquelle je pense que peut-être Mladic

3 n'a pas donné l'ordre de tirer ces obus."

4 Je pourrais continuer la lecture si besoin est, mais vous pouvez aussi lire

5 vous-même le paragraphe. Mais j'aimerais que vous nous disiez si ce que

6 vous avez décrit là est exact.

7 R. Oui, c'est tout à fait correct.

8 Q. Serait-il exact de dire qu'il n'était pas du tout nécessaire, que cela

9 n'était pas du tout nécessaire pour le côté serbe, à la lumière de tout ce

10 qui s'était passé à l'époque; est-ce exact ?

11 R. Il est difficile de trouver une réponse à cela. En tout cas, c'est

12 difficile pour moi de trouver une réponse. C'est vrai que de ce fait il

13 fallait que l'enquête soit extrêmement précise et il fallait prendre en

14 compte la possibilité que les tirs pouvaient venir de n'importe où. Ce

15 n'est que quand le rapport a été terminé le 29 et que les enquêteurs ont

16 déclaré qu'ils étaient sûrs à 99 % que les obus avaient été tirés depuis le

17 camp des Serbes de Bosnie que nous avons décidé de prendre des mesures

18 supplémentaires.

19 Q. Ma dernière question concernant l'incident de Markale est la suivante.

20 L'ABiH avait des raisons tant politiques que militaires pour souhaiter

21 l'échec des négociations et pour souhaiter que l'armée de la Republika

22 Srpska se rende et essuie une défaite. Serait-il exact de dire cela ?

23 R. Il s'agit de conjectures. Je ne peux vous donner mon opinion qu'à

24 propos de faits.

25 Q. Est-ce que c'est cohérent par rapport à ce que Van Baal vous avait dit,

26 c'est-à-dire que si c'est dans l'intérêt supérieur de l'Etat, son propre

27 peuple peut être utilisé en tant qu'instrument, peut servir de victime ?

28 R. Il s'agit d'une option que nous n'avons pas exclue.

Page 1040

1 M. DOCHERTY : [interprétation] Le témoin vient de répondre à la question,

2 mais je tiens à noter, pour le compte rendu, que dans la question les

3 propos du général Van Baal ont été déformés.

4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

5 Juges, le témoin vient de le confirmer, que c'est une possibilité qu'ils

6 n'ont pas exclue.

7 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Nous n'avons qu'à poursuivre.

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

9 Q. Le dernier sujet que je vais aborder, c'est le fait que par la suite il

10 y a eu des bombardements de l'OTAN, mais je ne vais pas m'appesantir sur

11 cette question. J'aimerais de nouveau passer au document que vous avez sous

12 les yeux, mais à la page 7, au troisième paragraphe.

13 Est-ce que vous l'avez sous les yeux, Témoin ? Ce paragraphe commence

14 par les mots : "Le 23 mai". Est-ce que vous voyez ces mots ?

15 R. Oui, tout à fait.

16 Q. On peut y lire : "Le 23 mai, les Serbes de Bosnie ont emmené quelques

17 armes lourdes à partir d'un point de rassemblement d'armes."

18 Je ne pense pas que c'est nécessaire de continuer la lecture de ce

19 paragraphe, à moins que le témoin le souhaite. Est-il vrai que c'est bien

20 cela qui s'est passé ?

21 R. Oui, tout à fait, c'est ce qui s'est passé.

22 Q. Est-il vrai également qu'à cette époque, déjà l'OTAN avait

23 bombardé le dépôt de munitions à Pale, comme vous le dites plus loin, qui

24 se trouvait dans une zone résidentielle; est-ce vrai ?

25 R. Non, ce n'est absolument pas vrai.

26 Q. Très bien. Savez-vous que ces bombes de l'OTAN -- et j'en ai

27 beaucoup entendu parler, j'ai beaucoup lu à ce sujet. Je ne suis pas un

28 expert militaire, mais d'autres m'ont appris que ces bombes de l'OTAN ne

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1 causent pas uniquement des dégâts au point d'impact, mais qu'il y a

2 également des blessés dans une zone très étendue en raison du souffle de

3 l'impact; est-ce exact ? Même si la cible avait été identifiée directement,

4 des civils ont été tués.

5 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic, en quoi ceci

6 est-il pertinent ? Pouvez-vous nous dire à quelle accusation vous vous

7 référez ?

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

9 Juges, le résultat visé était de provoquer une réaction de la partie

10 adverse et de provoquer un certain nombre de mesures qui pourraient être

11 prises afin d'aggraver la situation.

12 Q. Encore une fois, le 25 mai, deux jours plus tard, un autre

13 bombardement a eu lieu. Il est dit : "Mladic nous a accusés d'avoir tiré

14 sur un hôpital et une école. Nous avons répondu qu'un dépôt de munitions --

15 enfin, c'est assez bizarre qu'il y ait un hôpital à côté d'un dépôt de

16 munitions."

17 Est-ce bien exact ?

18 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je vais vous permettre de poser

19 cette question, mais souvenez-vous quand même que nous ne sommes pas en

20 train de juger l'OTAN ici, et je ne pense pas que cela apporte quoi que ce

21 soit à votre thèse d'aborder le sujet des bombardements de l'OTAN, à moins

22 que ceci soit vraiment pertinent et que cela ait un lien avec les

23 allégations comprises dans l'acte d'accusation.

24 Ecoutons la réponse.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ce que je peux dire à ce propos, c'est

26 que ce n'est que le 25 et le 26 mai qu'il y a eu des frappes aériennes de

27 l'OTAN, que ces frappes étaient dirigées sur un entrepôt de munitions en

28 dehors de Pale. Les cibles ont été atteintes. En revanche, pour ce qui est

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1 des victimes éventuelles, quant à savoir si ces victimes auraient été

2 militaires ou civiles, là je ne peux pas vous répondre, car je ne détiens

3 pas cette information.

4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vais tenter d'expliquer à la Chambre,

5 de répondre à votre question concernant la pertinence. L'acte d'accusation

6 --

7 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] J'ai autorisé cette question, mais il

8 faut quand même que vous accélériez un petit peu le pas. Nous devons en

9 finir avec ce contre-interrogatoire.

10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]

11 Q. Les bombes lâchées au-dessus des positions serbes, ce n'était pas

12 uniquement le côté serbe, pendant la période que vous avez passée sur

13 place. Les positions serbes ont aussi été touchées par des bombes aériennes

14 lâchées par l'OTAN dans les trois mois précédents, et ces bombes ont causé

15 autant de dégâts que ceux allégués dans l'acte d'accusation, dégâts causés

16 par les bombes aériennes larguées par l'armée de la Republika Srpska.

17 R. Je ne comprends absolument pas votre question.

18 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Dans ce cas-là, passez à autre chose,

19 s'il vous plaît, Maître Tapuskovic. Souvenez-vous quand même que vous

20 n'avez plus beaucoup de temps.

21 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui. Je touche à la fin.

22 Q. Est-ce qu'il est arrivé que l'OTAN donne des ordres écrits, en cas de

23 riposte ou de représailles ou pour des raisons militaires importantes,

24 l'ordre d'entreprendre de telles actions ?

25 R. Oui. Les résolutions des Nations Unies, y compris la Résolution #824

26 des Nations Unies, stipulent que des forces aériennes peuvent être

27 employées pour défendre ces zones, y compris les zones protégées.

28 Q. Deux questions pour finir. Suite à tous ces bombardements qui étaient

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1 le fait de l'OTAN les 23 et 25 mai et après l'intervention, enfin après

2 tous ces bombardements - je ne sais pas si vous m'avez bien entendu; le

3 micro était un petit peu couvert par un document - mais tout ce qui a été

4 fait suite aux bombardements ou tout ce qui concernait les bombardements a

5 été confié aux Nations Unies, parce qu'avant ce n'est que l'OTAN qui

6 agissait seule. Ensuite, tout a été transféré à New York.

7 R. Tout d'abord, je tiens à vous répéter que les frappes aériennes n'ont

8 eu lieu que les 25 et 26 mai, jamais le 23 mai. Les frappes aériennes, en

9 effet, étaient effectuées par des aéronefs de l'OTAN, mais sous la

10 responsabilité des Nations Unies.

11 Q. Une fois que votre mission en Bosnie s'est achevée le 2 septembre,

12 savez-vous qu'en septembre, octobre et novembre, l'armée de la Republika

13 Srpska s'est vue obligée de se défendre par rapport aux bombes de l'OTAN et

14 les offensives de l'armée de Bosnie-Herzégovine et que tout ce que cette

15 armée a fait pendant ces trois mois ne constituait que de la défense, des

16 actions de défense ?

17 R. J'ai un petit peu de difficulté avec votre question.

18 M. DOCHERTY : [interprétation] De toute façon, nous allons procéder aux

19 question supplémentaires.

20 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic, je viens de mettre

21 un terme à votre contre-interrogatoire.

22 Monsieur Docherty, vous avez la parole.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'était ma dernière question.

24 Nouvel interrogatoire par M. Docherty :

25 Q. [interprétation] Général, au cours de son contre-interrogatoire, Me

26 Tapuskovic vous a posé certaines questions à propos de votre déclaration du

27 13 novembre 1995, la phrase où vous avez dit : "Chaque homme et chaque

28 garçon avait une arme."

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1 Tout d'abord, vous souvenez-vous de cette question qui vous a été posée par

2 Me Tapuskovic ? Je crois d'ailleurs qu'il vous a posé plusieurs questions à

3 ce propos.

4 R. Oui, je m'en souviens.

5 Q. Pour être exhaustif, je tiens à vous poser quelques questions à ce

6 propos, questions d'ailleurs que ne vous a pas posées M. Tapuskovic à

7 propos de précisions apportées à cette phrase que vous avez consignée dans

8 votre déclaration.

9 M. DOCHERTY : [interprétation] Pourrions-nous, s'il vous plaît, afficher le

10 document 06046776 ainsi que la page suivante de ce document, la 06046777 ?

11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur Docherty, pouvez-vous avoir un

12 autre numéro pour ce document ?

13 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Il existe des difficultés à détecter

14 la présence de ce document.

15 M. DOCHERTY : [interprétation] Si vous voulez, je pourrais juste le montrer

16 au greffier afin qu'il voie un peu de quoi il s'agit.

17 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Ecoutez, faites ce que vous voulez,

18 du moment que cela avance.

19 M. DOCHERTY : [interprétation] Très bien. Si nous pouvions voir le

20 paragraphe 30 à l'écran.

21 Q. Général, est-ce que vous voyez ce paragraphe à l'écran ?

22 R. Oui, je le vois.

23 Q. Voulez-vous le lire à voix basse, s'il vous plaît ? C'est un document

24 qui se poursuit sur la page suivante, donc il faudra aussi afficher la page

25 suivante.

26 R. Oui, vous pouvez déjà passer à la page suivante.

27 Q. Avez-vous fini de le lire ?

28 R. Oui, j'ai fini de le lire.

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1 Q. Maintenant que vous l'avez lu, pourriez-vous nous dire exactement dans

2 quel but vous avez écrit cette phrase, et je cite : "Chaque homme et chaque

3 garçon avait une arme" ?

4 R. Oui, je peux le faire. Afin d'en finir avec les tirs embusqués, de

5 faire en sorte que ces tirs cessent, nous avons traité avec les parties

6 concernées en présumant que ces parties pouvaient contrôler les militaires

7 qui leur étaient subordonnés. Il n'y avait pas de garantie à 100 % que les

8 incidents de tirs isolés cessent, car de nombreux civils possédaient

9 également des armes et il était bien plus difficile de contrôler les

10 civils. Néanmoins, je crois que si toutes les autorités avaient collaboré,

11 coopéré, le nombre d'incidents de tirs isolés aurait beaucoup diminué.

12 Q. Je passe à autre chose. On vous a aussi posé des questions à propos

13 d'allégations selon lesquelles les Musulmans bosniens auraient tiré sur

14 leur propre peuple. Vous souvenez-vous d'en avoir parlé avec Me

15 Tapuskovic ?

16 R. Oui, je m'en souviens.

17 Q. Quand le général Van Baal et vous avez eu cette conversation, le

18 général Van Baal vous a-t-il parlé d'une ou plusieurs occasions où il

19 pensait que ce se serait passé ?

20 R. Il m'a parlé d'une occasion.

21 Q. Est-ce qu'il étayait cette assertion ? Est-ce qu'il rapportait des

22 rumeurs ou est-ce qu'il parlait de quelque chose auquel il avait assisté de

23 visu ?

24 R. Il m'a aussi parlé de tirs embusqués au centre de Sarajevo pendant

25 qu'il était en fonction, pendant son mandat. Il avait des doutes, de

26 sérieux doutes quant à la partie responsable de cet incident, et il avait

27 de graves soupçons qui pesaient sur les Musulmans de Bosnie, la BiH.

28 Q. Oui, mais pour répondre à la question, se fondait-il pour ainsi dire

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1 sur des informations qu'il avait obtenues de quelqu'un d'autre ?

2 R. Sa réponse se fondait sur l'issue d'enquêtes menées sur cet incident

3 pendant la période où il était chef d'état-major.

4 Q. Passons encore à autre chose. Non, j'ai encore une question à ce

5 propos. Pouvez-vous nous dire exactement à quelle date que le général Van

6 Baal a quitté la Bosnie ?

7 R. Au milieu de l'année 1994. Il était chef d'état-major de la FORPRONU

8 pendant la première moitié de cette année.

9 Q. On vous a posé plusieurs questions à propos du pilonnage du marché de

10 Markale qui a eu lieu le 28 août 1995. Personnellement, avez-vous pris part

11 aux enquêtes qui ont eu lieu suite à ce pilonnage ?

12 R. Non.

13 Q. Combien de temps après ce pilonnage vous êtes-vous rendu vous-même sur

14 place, sur ce marché, si tant est que vous y soyez allé ?

15 R. Autant que je m'en souvienne, c'était deux ou trois jours après

16 l'incident, l'incident de pilonnage.

17 Q. Dans l'intervalle, où étiez-vous ?

18 R. Je me trouvais au quartier général.

19 Q. M. Tapuskovic vous a posé aussi des questions à propos des irréguliers,

20 et là encore il a cité un passage de vos déclarations. Est-ce que vous vous

21 en souvenez ?

22 R. Oui, je m'en souviens.

23 Q. Pour être exhaustif, tout d'abord --

24 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourrions-nous passer

25 à la page précédente, le ERN 06046776, afin de pouvoir afficher le

26 paragraphe 26 ?

27 Q. Général, ce passage est-il sous vos yeux ?

28 R. Oui, je l'ai sous les yeux.

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1 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, le lire à voix basse ?

2 R. Voilà, je l'ai lu.

3 Q. Maintenez-vous votre déclaration selon laquelle l'armée des Serbes de

4 Bosnie était une armée extrêmement disciplinée ?

5 R. Oui.

6 Q. Maintenez-vous vos propos selon lesquels quelqu'un au sein de cette

7 armée a donné l'ordre d'effectuer ces tirs d'obus ?

8 R. [aucune interprétation]

9 Q. Dernier point que j'aimerais aborder, c'est ce dont on a parlé hier à

10 propos des provocations et des réponses aux provocations.

11 Vous êtes officier militaire. Vous avez 39 ans de métier. Le terme "tir de

12 contrebatterie", est-ce que cela signifie quelque chose ? Est-ce que vous

13 savez ce que cela veut dire ?

14 R. Oui.

15 Q. Pourriez-vous nous dire exactement ce que signifie ce terme, en tout

16 cas dans la bouche d'un officier de carrière ?

17 R. Ce terme, "counter-battery fire", "tir contrebatterie", c'est un tir

18 qui résulte de tirs sur une cible inconnue.

19 Q. J'aimerais exactement que vous nous disiez aussi à quoi correspond le

20 mot "batterie". C'est quoi exactement, cette batterie dont on parle ?

21 R. Une batterie est une unité de tir qui comprend de nombreuses pièces

22 d'artillerie qui est comparable à une compagnie au sein de l'infanterie.

23 Q. Quel est le but de ces tirs de contrebatterie ? Quel est le but

24 qu'espère atteindre un commandant, un militaire, quand il donne ordre que

25 l'on tire en contrebatterie sur une position bien spécifique ?

26 R. L'objectif de ces tirs de contrebatterie, c'est de neutraliser l'unité

27 de tir qui a tiré sur soi.

28 Q. Très bien. Gardons ces principes à l'esprit et essayons de les

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1 appliquer à ce qui se passait à Sarajevo à l'époque. Vous nous avez dit que

2 certains des tirs qui étaient dirigés sur la ville de Sarajevo semblaient

3 avoir été provoqués par les Musulmans de Bosnie. Vous l'avez bien dit,

4 n'est-ce pas ? C'est fidèle ?

5 R. Oui, tout à fait.

6 Q. Quelles étaient les armes que vous avez observées ? Les Musulmans de

7 Bosnie tiraient quel type d'armes pour provoquer l'ennemi ?

8 R. Il faudrait que je sois un petit peu plus précis. Ce n'est arrivé

9 qu'une seule fois que j'ai vu de mes propres yeux les tirs. La plupart de

10 mes informations viennent de militaires qui faisaient partie de la FORPRONU

11 et d'observateurs militaires. Personnellement, j'ai fait l'expérience de

12 pilonnage ayant l'origine dans la caserne de l'ABiH, à la patinoire, et

13 j'ai aussi fait l'expérience près de notre quartier général qu'il y avait

14 du pilonnage venant de véhicules à toit ouvert en direction du territoire

15 serbe.

16 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Pouvez-vous vous souvenir du nombre

17 de fois où vos collègues de la FORPRONU vous ont informé de ce type de

18 pilonnage venant de l'ABiH ? Vous dites que vous n'avez observé cela de vos

19 propres yeux qu'une seule fois, mais vous nous dites aussi que vous avez

20 obtenu ces informations à plusieurs reprises de la part de la FORPRONU.

21 Pourriez-vous être plus précis ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Le nombre exact d'incidents de pilonnage de ce

23 type, je ne peux pas vous le dire, je ne m'en souviens plus, mais en tout

24 cas, sans aucun doute, il y en a eu plus de 10.

25 M. DOCHERTY : [interprétation]

26 Q. Pouvez-vous nous dire combien de munitions étaient lancées par les

27 Musulmans de Bosnie quand ils se lançaient dans une provocation ?

28 Typiquement, donnez-nous le nombre de salves.

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1 R. Parfois, un seul tir; à d'autres reprises, deux ou trois.

2 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Docherty, d'où le témoin

3 tire-t-il ces informations ? Est-ce que cela porte sur l'incident qu'il a

4 observé de visu ou est-ce que cela porte sur les incidents dont il a été

5 informé par les autres ?

6 M. DOCHERTY : [interprétation] Je lui ai posé une question sur ce type

7 d'opération en règle générale. Je pensais l'avoir bien clarifié. Puisqu'il

8 m'a déjà dit qu'il avait reçu des rapports à ce propos, je pensais qu'il

9 pouvait répondre à la question.

10 M. LE JUGE ROBINSON: [aucune interprétation]

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans certains cas, un seul tir a eu lieu. De

12 toute façon, l'incident près du quartier général de la FORPRONU n'a

13 impliqué qu'un seul tir, et l'incident à la caserne de l'ABiH a résulté de

14 plusieurs tirs.

15 M. DOCHERTY : [interprétation]

16 Q. Avec quel type d'armes ? Quel type d'armes ont été utilisées par les

17 Musulmans de Bosnie ?

18 R. Des obus. En tout cas, à partir du véhicule, une arme légère, parce

19 qu'on ne pouvait pas mettre dans un véhicule une arme lourde sans causer

20 des dégâts. Pour ce qui est de la caserne de l'ABiH, il n'y avait que des

21 mortiers, mais je ne saurais vous dire quel était leur calibre.

22 Q. Maintenant, j'aimerais que vous nous parliez de la réponse à ces

23 provocations, que l'on parle de la proportion de la réponse.

24 Avez-vous observé ou avez-vous lu dans un des rapports qui vous a été

25 soumis des informations qui, selon vous, correspondraient à ce fameux tir

26 de contrebatterie ? Vous venez de nous dire qu'en termes militaires, il

27 s'agit d'une riposte qui vise à neutraliser les tirs ennemis.

28 R. Dans certains cas, la riposte était dans la direction de l'origine des

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1 tirs. Dans d'autres cas, cela s'est passé autrement, et la riposte a pris

2 la forme de tirs arbitraires sur la ville.

3 Q. Essayons maintenant d'être précis au niveau encore des chiffres. Vous

4 nous avez dit que vous avez assisté de visu à un incident de ce type et que

5 vous avez lu dans les rapports des informations à propos d'une dizaine de

6 ce type.

7 R. Pour autant que je m'en souvienne, oui, ces chiffres sont exacts.

8 Q. En tout, de ces 11 incidents, dans combien de cas la réponse

9 correspondait-elle à un tir de contrebatterie ? Dans combien de cas la

10 réponse était-elle arbitraire, pour reprendre vos mots ?

11 R. [aucune interprétation]

12 M. LE JUGE ROBINSON: [aucune interprétation]

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je regrette de ne pouvoir vous donner une

14 réponse précise.

15 M. DOCHERTY : [interprétation]

16 Q. Pour ce qui est des réponses arbitraires, et nous allons laisser de

17 côté le nombre de ces réponses arbitraires, pouvez-vous nous dire, dans le

18 cas de réponses arbitraires, les types d'armes qui étaient utilisées par

19 l'armée des Serbes de Bosnie, dans ces ripostes ?

20 R. C'étaient des mortiers, des tirs d'artillerie.

21 Q. Qu'en est-il de ces bombes aériennes modifiées dont vous nous avez

22 parlé hier ? Ont-elles été utilisées ?

23 M. Tapuskovic a quelque chose à nous dire, avant.

24 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Tapuskovic.

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je demanderais à mon éminent confrère, le

26 représentant de l'Accusation, de nous indiquer où il est dit que les Serbes

27 ont tiré de façon arbitraire. Il a parlé du fait que l'ABiH aurait tiré de

28 façon arbitraire afin que les forces serbes ripostent par quelques obus

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1 afin de pouvoir neutraliser l'origine des tirs. Je ne me souviens pas, mais

2 est-ce que mon éminent confrère pourrait me montrer si le témoin a dit cela

3 dans sa déposition ? Peut-être que je me trompe.

4 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Docherty.

5 M. DOCHERTY : [interprétation] Je crois qu'il a témoigné de ce fait. Je ne

6 peux pas vous citer une page du compte rendu, mais je me ferais un plaisir

7 de préciser cela en posant quelques questions.

8 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Très bien.

9 M. DOCHERTY : [interprétation]

10 Q. Général, vous parlez de riposte aux provocations des Musulmans de

11 Bosnie. Pouvez-vous nous dire, dans ce cas-là, quelle était la partie

12 belligérante qui était en charge de cette riposte ?

13 R. Si je comprends bien la question, lorsque depuis la ville de Sarajevo

14 les forces de l'ABiH tiraient sur les positions serbes, la riposte était le

15 fait de l'armée serbe de Bosnie.

16 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui, certes, mais ce que j'aimerais

17 savoir, c'est la chose suivante : comment obteniez-vous ces informations ?

18 Vous êtes en train de donner énormément d'informations à l'Accusation à

19 propos de tout cela, mais pourriez-vous nous dire comment vous aviez obtenu

20 ces informations ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces informations nous parvenaient dans des

22 rapports rédigés par les observateurs militaires des Nations Unies qui se

23 trouvaient dispersés dans la ville et des rapports aussi qui nous

24 parvenaient des soldats positionnés dans différents bataillons à Sarajevo.

25 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Dans ces rapports, était-il écrit que

26 c'était l'ABiH qui avait commencé, si je puis dire, l'attaque ?

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque c'était le cas, lorsqu'il avait été

28 établi que c'était le cas, de telles informations figuraient dans le

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1 rapport.

2 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Continuez, Monsieur Docherty.

3 M. DOCHERTY : [interprétation]

4 Q. Il y avait une question que je vous avais posée juste avant que Me

5 Tapuskovic ne soulève une objection, et je vous avais demandé si vous

6 n'avez jamais observé ou lu que des bombes aériennes modifiées avaient été

7 utilisées pour riposter à ces tirs de mortier des Musulmans de Bosnie.

8 R. Il y a eu plusieurs cas de projectiles improvisés tirés sur la ville.

9 Je ne me souviens pas s'il s'agissait de riposte à des provocations.

10 Q. Général, vous avez 39 ans de métier, 39 ans de carrière derrière vous;

11 n'avez-vous jamais été formé au concept de la proportionnalité de la

12 réaction ? Quand on répond à une attaque de l'ennemi, est-ce que vous

13 connaissez le concept de proportionnalité ?

14 R. Oui.

15 Q. Vous comprenez bien ce concept de "proportionnalité de la réaction" ?

16 R. Oui, absolument. Bien sûr.

17 Q. En tant que militaire de carrière, avez-vous un avis à propos de la

18 réaction de l'armée des Serbes de Bosnie aux provocations de l'ABiH ?

19 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic, vous avez quelque

20 chose à dire ?

21 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

22 Juges, je pense que c'est à la Chambre qu'il incombe de trancher cette

23 question. Il s'agit de formuler une opinion, et c'est à la Chambre qu'il

24 appartient d'évaluer cette question à la fin du procès. Voilà en quoi

25 consiste mon objection. Ce n'est pas au témoin de se prononcer à ce sujet.

26 [La Chambre de première instance se concerte]

27 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Bien sûr que c'est à nous de

28 décider si la réaction et la riposte étaient proportionnelles. Ce n'est pas

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1 le monsieur qui doit nous donner son avis. En revanche, il peut quand même

2 nous dire ce qui est une réaction proportionnée, à son avis, parce que

3 c'est une information qui nous serait extrêmement utile.

4 M. DOCHERTY : [interprétation] Je vous comprends.

5 Q. Général, je vais vous donner une hypothèse, et nous allons l'analyser.

6 Si l'armée, si les armées des Musulmans de Bosnie avaient tiré --

7 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Monsieur Docherty, il nous a dit

8 qu'il était parfaitement compétent en matière de proportionnalité, donc

9 j'aimerais un petit peu avoir des informations à ce propos. J'aimerais

10 savoir quels sont les critères utilisés pour déterminer la

11 proportionnalité. Ce serait très utile pour que nous puissions trancher

12 éventuellement.

13 Maître Tapuskovic, vous avez quelque chose à ajouter ?

14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

15 Juges, je crois qu'aucun témoin ne devrait être obligé de répondre à des

16 questions fournies sur des hypothèses.

17 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] De toute façon, j'ai demandé au

18 conseil, au représentant de l'Accusation de ne pas aller dans cette

19 direction et plutôt de poser une question qui se fonde sur ma dernière

20 remarque et qui concerne les critères que connaît bien le général et qui

21 servent à déterminer le caractère proportionnel ou non. Vous avez dit qu'il

22 était formé en la matière.

23 M. DOCHERTY : [interprétation] J'allais lui demander justement de nous

24 résumer cette formation.

25 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui.

26 M. DOCHERTY : [interprétation]

27 Q. Général, vous avez témoigné que vous avez reçu une formation concernant

28 la notion de proportionnalité d'une riposte. Pourriez-vous résumer pour la

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1 Chambre la forme qu'a prise cette formation sur cette notion et à quel

2 stade de votre carrière militaire ?

3 R. Je tiens à vous dire qu'il n'y a pas déjà de cours spécifiques sur la

4 proportionnalité d'une riposte. Cela dit, à l'école d'officiers, on parle

5 souvent du concept de proportionnalité. Je pense l'expliquer simplement

6 avec un exemple.

7 Les soldats ont droit à la légitime défense. Quand ils essuient des

8 tirs depuis une certaine position, la proportionnalité exige qu'ils

9 ripostent avec un tir suffisant pour neutraliser l'unité dont proviennent

10 les tirs qu'ils essuient. Cela devient disproportionné quand on se met tout

11 d'un coup, par exemple, à tirer sur les civils de l'autre côté en espérant

12 que c'est cela qui va mettre un terme aux tirs que l'on essuie.

13 J'espère que cela vous permet de mieux comprendre ce concept.

14 M. DOCHERTY : [aucune interprétation]

15 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Vous pouvez poursuivre, car il ne

16 s'agit pas ici de parler de théorie, mais de questions bien concrètes. Je

17 crois qu'il est admissible que l'on pose des questions qui se fondent sur

18 la situation dont nous parlons.

19 M. DOCHERTY : [interprétation]

20 Q. Général, je vais vous demander d'appliquer les critères de

21 proportionnalité que vous venez de nous décrire. Je vais vous demander,

22 dans les situations que vous nous avez décrites, vous avez parlé du fait

23 que la riposte des Serbes de Bosnie était arbitraire; ces ripostes étaient-

24 elles proportionnelles dans l'acception que vous venez de nous donner du

25 terme "proportionnel" ?

26 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Ce n'est pas cela que j'avais à

27 l'esprit. Ce que j'avais à l'esprit, c'était ce qui suit. Si une partie

28 tire quelques salves, des salves ou des rafales de mortier, et que l'autre

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1 utilise des bombes aériennes, que dirait le général concernant la

2 proportionnalité dans un tel contexte ? Voilà le genre de question que vous

3 devriez poser.

4 M. DOCHERTY : [interprétation]

5 Q. Tout d'abord, Général, pourrait-on utiliser une bombe aérienne modifiée

6 pour les tirs de contrebatterie ?

7 R. Oui, bien sûr, mais moi, jamais, jamais je n'ai employé ce type

8 d'armes. Bien sûr, mais je crois que votre question était de savoir si ces

9 bombes n'ont jamais été utilisées en riposte à des pilonnages ? Il y a

10 quelques moments, je vous ai dit que je ne me souvenais pas si ce type de

11 bombes improvisées avaient été utilisées pour riposter à des pilonnages.

12 J'espère que cela suffit.

13 Q. Non, je regrette, mais pas tout à fait. Je crois que la question était

14 un petit peu différente.

15 Vous nous avez décrit il y a quelques instants la notion de tir de

16 contrebatterie. Vous avez expliqué la notion à la Chambre. Est-ce que vous

17 vous en souvenez ?

18 R. Oui, je m'en souviens.

19 Q. Vous vous souvenez également qu'hier, dans le cadre de votre

20 déposition, vous avez parlé des bombes aériennes modifiées. Vous nous avez

21 expliqué ce dont il s'agit et comment ces bombes fonctionnent. Est-ce que

22 vous vous en souvenez ?

23 R. Oui.

24 Q. Maintenant, nous allons évoquer ces deux idées simultanément. Peut-on

25 utiliser une bombe aérienne modifiée à des fins de tir de contrebatterie ?

26 R. Ma réponse ne peut être que négative, car ce type de bombe improvisée

27 est beaucoup trop imprécis pour correspondre à un tir de contrebatterie

28 précis.

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1 Q. Pour répondre à la question du Président, voici ma question suivante.

2 Si les Musulmans de Bosnie lancent un, deux ou trois obus de mortier sur

3 une position des Serbes de Bosnie, la riposte proportionnée des Serbes de

4 Bosnie peut-elle être éventuellement de lancer des bombes aériennes

5 modifiées sur la ville de Sarajevo, en général ?

6 R. La réponse est non. Je ne peux pas me souvenir de cas dans lesquels

7 cela s'est passé, en fait.

8 Q. Parlons d'exemples concrets de ce qui s'est réellement passé. Encore

9 une fois, je vais limiter mes questions aux ripostes que vous avez

10 qualifiées d'"arbitraires".

11 Quand vous dites arbitraires, combien de salves s'agit-il, de quel type

12 d'armes, qui ont été tirées en riposte aux Musulmans de Bosnie ?

13 R. La question est difficile, car ici on parle de différents événements.

14 Je ne me souviens pas, bien sûr, de chaque cas précis. Je ne peux pas vous

15 dire à chaque fois combien de salves ont été lancées. A plusieurs reprises,

16 cela dit, il y a eu un grand nombre de salves.

17 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président --

18 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je vous remercie.

19 Maître Tapuskovic, je vous avais autorisé à poser des questions, bien sûr,

20 questions qui ne portent que sur les sujets qui ont été abordés lors de la

21 dernière partie des questions supplémentaires à propos de cette fameuse

22 proportionnalité. Si vous avez des questions à poser là-dessus maintenant,

23 vous pouvez y aller.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'étais en train de

25 me détendre, parce qu'autant que je m'en souvienne, il est rare que l'on

26 ait une telle occasion comme celle que vous m'accordez. Il me faut quelques

27 secondes pour réfléchir, mais cela concerne ce qui a été dit hier par le

28 témoin, un incident précis qu'il a mentionné.

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1 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Non, que les choses soient très

2 claires. Il ne s'agit pas d'une situation inédite. J'ai permis à

3 l'Accusation de soulever cette question dans le cadre de l'interrogatoire

4 supplémentaire, ce qui n'avait pas été le cas dans le cadre de

5 l'interrogatoire principal. Il a soulevé cette question. C'est une nouvelle

6 question. Cela veut dire que vous n'avez pas eu l'occasion de poser des

7 questions à ce sujet dans votre contre-interrogatoire, raison pour laquelle

8 je vous accorde cette possibilité. C'est la raison pour laquelle je vous

9 permets de le faire maintenant, si vous le souhaitez. Mais j'insiste sur le

10 fait que cette autorisation se limite à la question bien précise de la

11 proportionnalité, et vos questions ne devraient pas être très longues.

12 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Tapuskovic :

13 Q. [interprétation] Ce dont vous avez parlé hier était proportionnel, mais

14 qu'il faut tirer au moins trois obus afin de paralyser des positions de tir

15 telles que les véhicules qui circulaient et à partir desquels venaient des

16 tirs. Pouvait-il s'agir d'une réaction proportionnelle, c'est-à-dire qu'il

17 fallait tirer plusieurs salves ? Lorsqu'une partie tirait de façon

18 aléatoire, il était nécessaire pour l'autre partie, afin d'être efficace,

19 d'utiliser de nombreux obus afin de cesser l'opération de l'ennemi. Est-ce

20 qu'on peut qualifier cela de réponse adéquate ou de riposte adéquate ?

21 R. A mon avis, le critère déterminant n'est pas le nombre d'obus tirés. Ce

22 qui est déterminant, c'est la cible des tirs. Tant que la cible est la

23 position à partir de laquelle les obus ont été tirés, la riposte est

24 adéquate.

25 Q. Mais, hier, vous avez dit, n'est-ce pas, qu'il aurait été nécessaire de

26 tirer plusieurs salves afin de toucher une cible. On ne peut pas se

27 contenter d'une seule salve et être certain de toucher la cible, à moins

28 qu'il y ait des tirs aléatoires. Pour être tout à fait certain, vous avez

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1 dit oui, n'est-ce pas ?

2 R. Oui. Vous m'avez bien compris. Cela a un caractère proportionnel à

3 condition que de nombreux obus soient tirés sur la position à partir de

4 laquelle les tirs sont arrivés.

5 Q. Merci beaucoup.

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci infiniment, Monsieur le Président.

7 Questions de la Cour :

8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Général, encore une dernière question

9 pour en revenir à certains points évoqués dans le cadre de

10 l'interrogatoire, notamment en ce qui concerne le pilonnage du marché de

11 Markale. Je veux profiter du fait que vous êtes expert sur la question des

12 mortiers. Vous allez peut-être pouvoir nous aider à mieux comprendre

13 comment cela se passe en pratique.

14 Ma question est la suivante : aurait-il été possible de tirer des

15 obus de mortier à partir des collines environnantes, à l'intérieur des

16 lignes de confrontation, sans que cela puisse être détecté ou repéré par le

17 radar si le radar avait été opérationnel ou fonctionnait correctement ?

18 Est-ce que vous comprenez bien ma question ? Serait-il possible de tirer

19 des obus de mortier à partir de positions à l'intérieur des lignes de

20 confrontation sans que cela soit repéré par le radar ?

21 R. Non, c'est extrêmement improbable, bien sûr si les radars sont dirigés

22 dans la bonne direction et s'ils étaient disposés afin de couvrir toute la

23 ville. Dans ce cas-là, les radars détectant les mortiers ne peuvent que

24 détecter les obus entrant.

25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Pourrais-je encore vous poser une

26 question à des fins de précision ? Je suppose que le radar est dirigé vers

27 le ciel, pour ainsi dire, mais quelle est la hauteur minimale qui

28 permettrait au radar de détecter un missile ou un obus entrant ? Est-ce que

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1 vous comprenez ma question ? En dessous de quelle altitude est-ce qu'un

2 radar ne pourrait normalement pas repérer un missile ?

3 R. Je comprends bien votre question, mais malheureusement je n'ai pas en

4 tête les caractéristiques techniques du radar en question, donc je ne peux

5 pas répondre à votre question, malheureusement.

6 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Merci beaucoup.

7 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Général, cela met un terme à votre

8 déposition. Merci d'être venu, d'avoir témoigné. Vous pouvez maintenant

9 nous quitter.

10 [Le témoin se retire]

11 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Le témoin suivant, Madame Marcus.

12 En attendant le témoin suivant, je vais en profiter pour lire une décision

13 de la Chambre.

14 Le 11 janvier, l'Accusation a déposé une requête concernant la recevabilité

15 de déclarations écrites conformément aux articles 92 bis et ter.

16 L'Accusation demande le versement au dossier entre autres de 22

17 déclarations préalables de témoin, conformément à l'article 92 ter.

18 Dans sa réponse du 24 janvier, la Défense s'en remet à la Chambre en ce qui

19 concerne la recevabilité de ces déclarations et leur versement au dossier,

20 toujours conformément à l'article 92 ter.

21 La Chambre note qu'elle a déjà statué en ce qui concerne les déclarations

22 des Témoins 0035 et 0083. La Chambre a accepté que ces déclarations soient

23 versées au dossier et fait droit partiellement à la requête de l'Accusation

24 et admet le versement au dossier des déclarations des Témoins 1, 13, 21,

25 26, 32, 36, 45, 47, 50, 69, 82, 84, 95, 96, 103, 113, 118, 119, 122 et 144.

26 Ces déclarations seront versées au dossier conformément aux conditions

27 stipulées par l'article 92 ter.

28 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

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1 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maintenant, que le témoin prononce la

2 déclaration.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

4 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

5 LE TÉMOIN : BAKIR NAKAS [Assermenté]

6 [Le témoin répond par l'interprète]

7 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Veuillez vous asseoir.

8 Vous pouvez commencer, Madame Marcus.

9 Mme MARCUS : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président.

10 Interrogatoire principal par Mme Marcus :

11 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin.

12 R. Bonjour.

13 Q. Pouvez-vous décliner vos nom et prénom à l'intention des Juges ?

14 R. Nakas Bakir.

15 Q. Quelle est votre date de naissance, je vous prie ?

16 R. Le 26 avril 1949.

17 Q. Où êtes-vous né, Monsieur ?

18 R. Je suis né à Sarajevo.

19 Q. Avez-vous vécu toute votre vie à Sarajevo ?

20 R. Depuis ma naissance et jusqu'au jour d'aujourd'hui.

21 Q. Quelle est votre profession, je vous prie ?

22 R. Je suis médecin spécialiste des maladies infectieuses. En ce moment,

23 j'occupe le poste de directeur de l'Hôpital général.

24 Q. Pourriez-vous, je vous prie, décrire à l'intention des Juges votre

25 parcours universitaire et scolaire ?

26 R. A la fin de mes études primaires et secondaires, j'ai obtenu en 1973 le

27 diplôme de médecin à l'issue de mes études de médecine. En 1979, j'ai

28 obtenu le diplôme de spécialiste en maladies infectieuses. J'ai ensuite

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1 passé les 10 années suivantes en tant que médecin spécialiste des maladies

2 infectieuses à l'hôpital de Sarajevo.

3 J'avais le grade de capitaine de première classe jusqu'en 1992, où je suis

4 devenu lieutenant-colonel de la JNA et j'ai demandé à cesser mon activité

5 professionnelle. A partir du mois de mai 1992, j'ai travaillé en tant que

6 directeur de l'Hôpital général de Sarajevo, l'Hôpital d'Etat.

7 Q. Docteur, quelle est votre profession, votre poste actuel ?

8 R. Je suis toujours à l'hôpital. Je suis directeur de l'hôpital.

9 Q. Est-ce que vous jouez un autre rôle également au sein de la communauté

10 professionnelle médicale ?

11 R. En dehors de mes responsabilités en tant que directeur de l'hôpital, je

12 travaille également avec les autorités cantonales et fédérales du ministère

13 de la Santé sur l'établissement d'un certain nombre de projets de réforme.

14 Je suis membre de l'Association des médecins du canton de Sarajevo. Je suis

15 membre de plusieurs conseils et commissions et je siège également au

16 syndicat des travailleurs médicaux.

17 Q. Vous avez parlé de l'Hôpital général. Pouvez-vous nous dire, à

18 l'intention des Juges, si l'hôpital en 1994 et 1995 avait un autre nom ?

19 R. L'hôpital dans lequel je travaille actuellement et dans lequel je

20 travaille d'ailleurs depuis 1979 a changé de nom plusieurs fois au cours

21 des années. De 1945 à 1992, il portait le nom d'Hôpital militaire de

22 Sarajevo; de mai 1992 à octobre 2000, il s'est appelé Hôpital d'Etat de

23 Sarajevo; d'octobre 2000 à mai 2006, il s'est appelé Hôpital général de

24 Sarajevo; et depuis le mois de mai 2006, son nom officiel est Hôpital du

25 Dr Abdulah Nakas, d'après le nom d'un chirurgien qui a travaillé de longues

26 années dans cet hôpital et est décédé récemment.

27 Q. Dr Nakas, pourriez-vous décrire à l'intention de la Chambre la vie

28 quotidienne à Sarajevo dans la période allant d'août 1994 à novembre 1995 ?

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1 R. La vie quotidienne à Sarajevo, la vie quotidienne de ceux qui

2 habitaient dans cette ville à ce moment-là ne se distinguait guère de la

3 vie quotidienne en 1992 et 1993 à Sarajevo, à savoir que la ville était

4 assiégée, il n'y avait pas d'alimentation régulière en électricité ou en

5 eau, il n'y avait pas d'alimentation en énergie de façon générale. Les

6 pilonnages et les tirs des tireurs embusqués étaient constants, donc vivre

7 normalement à Sarajevo était impossible, tout simplement. Quant aux

8 installations médicales, aux installations de santé, elles souffraient

9 également de pénurie d'électricité et en énergie de façon générale, et nous

10 souffrions d'une réduction de toutes les fournitures nécessaires sur le

11 plan médical, mais également en vivres et en tout article de première

12 nécessité.

13 Q. Avant de passer aux détails de votre travail à l'hôpital dans cette

14 période, pouvez-vous dire de façon générale aux Juges de la Chambre, en

15 tant qu'habitant de Sarajevo, comment, en 1994 et 1995, vous vous étiez

16 adapté aux nouvelles difficultés par rapport à la période antérieure ?

17 R. Si l'on parle de la période 1992, 1994, nos vies ont considérablement

18 changé dans cette période. Nous avons dû complètement changer de mode de

19 vie, si vous préférez. Nous avons dû parvenir à vivre avec très peu d'eau

20 potable par jour et nous avons fini par nous y habituer. Nous nous sommes

21 habitués à vivre sans électricité, sans eau potable. De nombreuses choses

22 n'étaient plus disponibles, comme par exemple les ascenseurs dans les

23 bâtiments de Sarajevo, parce qu'il n'y avait pas assez d'électricité pour

24 les faire fonctionner.

25 Tous les jours, au travail comme à la maison, on risquait d'être tué

26 ou blessé. Si on allait au travail tous les jours, on s'exposait bien

27 entendu au danger de voir son nom s'ajouter à la longue liste des habitants

28 de Sarajevo qui avaient déjà été tués ou blessés.

Page 1063

1 Les conditions étaient les mêmes à l'hôpital que dans nos

2 appartements où nous vivions une vie qui n'avait rien de normal, dirais-je.

3 Mme MARCUS : [interprétation] Je demanderais que l'on soumette au témoin le

4 document 2872 des documents 65 ter et qu'on affiche ce document à l'écran.

5 J'indique d'emblée que je demanderai au témoin d'apposer un certain nombre

6 d'annotations sur ce document.

7 Q. Docteur, croyez-vous pouvoir, sur ce plan, situer l'emplacement de

8 l'Hôpital d'Etat et inscrire une annotation à côté de l'image de cet

9 hôpital sur le plan ? Je vous demanderais d'inscrire la lettre S à cet

10 endroit.

11 R. Ce plan est très petit. Je n'ai pas l'habitude de travailler sur des

12 dessins aussi petits. Est-ce qu'on pourrait peut-être l'agrandir un petit

13 peu ?

14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ne vois absolument pas ce que montre le

15 témoin sur mon écran à moi, Monsieur le Président.

16 Mme MARCUS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, Messieurs

17 les Juges. J'avais l'intention de voir sur les écrans le plan que nous

18 avons utilisé l'autre jour. Je viens de demander à ma commis aux audiences

19 de me donner le numéro 65 ter de ce document. J'ai sans doute fait une

20 erreur de numéro. Si vous m'accordez un instant, le plan que je souhaite

21 voir à l'écran est beaucoup plus facile à lire.

22 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Attendons la meilleure version de ce

23 plan.

24 Mme MARCUS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, et toutes mes

25 excuses encore une fois.

26 Je ne comprends pas très bien, car le numéro que me donne ma commis aux

27 audiences correspond exactement à celui que j'ai cité tout à l'heure, à

28 savoir numéro 2872 dans la liasse des documents 65 ter. Bien. On m'informe

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1 que nous n'avons pas de plan de meilleure qualité. Je suis désolée.

2 Q. Docteur, je vous demanderais donc de faire de votre mieux pour tenter

3 de situer l'Hôpital général sur le plan que vous avez devant vous.

4 R. [Le témoin s'exécute]

5 Q. Merci. Pourriez-vous maintenant, si vous le jugez possible, situer sur

6 ce plan l'Hôpital Kosovo également ?

7 R. [Le témoin s'exécute]

8 Q. Merci.

9 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Est-ce qu'il ne faudrait pas demander

10 au témoin d'inscrire une lettre à côté de cette deuxième annotation ?

11 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, oui, oui. Excusez-moi.

12 Q. Docteur, est-ce que vous pourriez inscrire la lettre K à côté du point

13 rouge que vous avez placé sur le plan pour l'Hôpital Kosovo ?

14 R. [Le témoin s'exécute]

15 Q. [aucune interprétation]

16 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Et un S pour l'emplacement précédent.

17 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, oui, absolument.

18 Q. Pourriez-vous maintenant situer le Centre universitaire médical et

19 inscrire la lettre U à côté, éventuellement ?

20 R. L'Hôpital de Kosovo est synonyme de Centre universitaire médical. C'est

21 en fait son nom officiel, Centre médical universitaire. Mais dans la

22 population, il est plus connu sous le nom d'Hôpital de Kosovo, qui est un

23 peu un raccourci.

24 Q. Merci. Peut-être pourriez-vous à côté du K ajouter la lettre U ?

25 R. [Le témoin s'exécute]

26 Q. Docteur, l'hôpital de Dobrinja, est-ce que pourriez le situer sur le

27 plan également et inscrire, lorsque vous l'aurez trouvé, la lettre D à côté

28 du point permettant de le situer ?

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1 R. Il faudrait qu'on déplace le plan.

2 Mme MARCUS : [interprétation] Je demanderais à Mme l'Huissière de déplacer

3 le plan sur la gauche.

4 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] On m'informe à l'instant que si l'on

5 déplace le plan à l'écran, cela fera disparaître les annotations déjà

6 inscrites.

7 Mme MARCUS : [interprétation] Bien.

8 Q. Avant de demander le déplacement du plan, dans ces conditions, je vous

9 demande, Docteur, si sur la partie du plan que vous avez actuellement sous

10 les yeux, vous voyez le dispensaire d'urgence. Si tel est le cas, je vous

11 demanderais de le situer sur le plan, d'inscrire un point rouge à l'endroit

12 où se trouve ce dispensaire et d'inscrire la lettre F à côté du point

13 rouge.

14 R. [Le témoin s'exécute]

15 Q. Merci beaucoup.

16 Mme MARCUS : [interprétation] Je demande le versement de cette partie du

17 plan, après quoi je demanderais que l'on affiche la partie du plan qui se

18 trouve plus à gauche pour y situer l'hôpital de Dobrinja.

19 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Bien. Nous admettons cette partie du

20 plan.

21 Mme MARCUS : [interprétation] Merci.

22 M. LE JUGE ROBINSON: [hors micro]

23 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

24 pièce P104.

25 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Vingt minutes de suspension

26 d'audience.

27 --- L'audience est suspendue à 12 heures 20.

28 --- L'audience est reprise à 12 heures 44.

Page 1066

1 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Madame Marcus, vous pouvez reprendre.

2 Mme MARCUS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vous

3 présente mes excuses pour le petit malentendu au sujet des plans. Nous

4 avons remédié au problème, et je demanderais, si vous l'acceptez, Monsieur

5 le Président, que nous reprenions le processus de localisation des hôpitaux

6 sur le plan à partir de ce nouveau plan beaucoup plus lisible que nous

7 avons fait afficher sur les écrans.

8 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui, que cela soit fait.

9 Mme MARCUS : [interprétation] Je demande donc l'affichage du document 2872

10 dans la liasse 65 ter.

11 Madame l'Huissière, est-ce que vous pourriez agrandir un peu l'image à

12 l'écran, un tout petit peu ? Très bien, cela ira.

13 Je demande d'abord le versement au dossier du plan dans son

14 intégralité.

15 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui.

16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P104.

17 Mme MARCUS : [interprétation] Merci.

18 Q. Docteur Nakas, je vous prie de m'excuser, nous allons devoir reprendre

19 tout ce que vous avez fait avant la pause. Je vous demanderais de situer

20 sur le plan en inscrivant un point rouge à l'endroit en question l'Hôpital

21 d'Etat et d'inscrire la lettre S à côté du point en question.

22 R. [Le témoin s'exécute]

23 Q. Pouvez-vous faire la même chose pour l'Hôpital de Kosovo dont vous avez

24 dit qu'il était également le Centre médical universitaire ? Veuillez, je

25 vous prie, apposer la lettre K et la lettre U à côté de cet emplacement.

26 R. [Le témoin s'exécute]

27 Q. Pourriez-vous maintenant faire de même pour l'emplacement de l'hôpital

28 de Dobrinja à côté duquel je vous demanderais d'inscrire la lettre D ?

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1 R. [Le témoin s'exécute]

2 Q. Même chose, je vous prie, pour le dispensaire de soins d'urgence à côté

3 duquel je vous demanderais d'inscrire la lettre F.

4 R. [Le témoin s'exécute]

5 Q. Merci beaucoup.

6 Mme MARCUS : [interprétation] Je demande le versement de ce plan avec ces

7 annotations en tant que pièce à conviction.

8 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui.

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agira de la

10 pièce de l'Accusation P105.

11 Mme MARCUS : [interprétation]

12 Q. Docteur Nakas, entre le mois d'août 1994 et le mois de novembre 1995,

13 l'Hôpital d'Etat était-il un hôpital civil ou un hôpital militaire ?

14 R. Dans cette période, l'Hôpital d'Etat était un hôpital civil, comme il

15 l'était depuis sa création et jusqu'en 1992.

16 Q. Mais y a-t-il eu un moment où il a été transformé en hôpital

17 militaire ?

18 R. Non.

19 Q. Quelle a été l'incidence sur votre travail pendant la guerre de votre

20 expérience et de vos connaissances en tant que médecin ayant travaillé dans

21 un hôpital militaire ?

22 R. Cela a certainement eu une grande incidence. Nous avons reçu une

23 formation qui était obligatoire. Tous les ans, on nous a appris à

24 travailler sur le terrain. La plupart d'entre nous étaient membres d'unités

25 de réserve qui ont été activées dans les hôpitaux durant la guerre et la

26 majorité d'entre nous connaissaient très bien la médecine de guerre et les

27 principes de la médecine sur le terrain, ce qui nous a beaucoup aidés à

28 bien organiser le travail dans cette période difficile où nous travaillions

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1 dans des conditions qui n'étaient pas normales.

2 Q. Pourriez-vous peut-être nous donner un exemple d'un domaine particulier

3 où votre expérience a été importante, les connaissances militaires que vous

4 aviez ayant pu être appliquées plus tard pendant la guerre ?

5 R. Un des stages de formation que nous avions suivi en tant que membres

6 d'unités de réserve portait sur la survie dans des conditions de travail

7 impossibles ou grandement diminuées. On nous apprenait donc à travailler

8 dans des conditions moins que normales, à trouver des conditions de

9 rechange lorsque les moyens manquaient pour pouvoir répondre aux

10 situations.

11 La deuxième chose qui nous a aidés, c'est le principe du tri des patients

12 qui étaient traités dans un ordre de priorité correspondant à un certain

13 nombre de principes qui leur donnaient accès aux premiers soins ou soins

14 médicaux en général dans un ordre de priorité, selon un ordre de nécessité.

15 On les triait dans cet ordre. Cela nous a beaucoup aidés au quotidien

16 pendant les années 1992, 1995.

17 Q. Docteur, lorsque l'hôpital est devenu un hôpital civil, est-ce que vous

18 ne vous occupiez que de patients civils ?

19 R. Non. Même dans la période antérieure, d'ailleurs, lorsque c'était un

20 hôpital militaire, près de 65 % de nos capacités étaient proposées et mises

21 au service des citoyens de Sarajevo et des citoyens de Bosnie-Herzégovine,

22 de façon plus générale. Depuis 1992, nos services étaient également

23 dispensés à la population civile de la ville de Sarajevo et aussi aux

24 personnes mobilisées dans l'ABiH, aux personnes que nous pouvions connaître

25 comme faisant partie des forces armées.

26 Q. Est-ce qu'il y avait des installations militaires non loin de l'hôpital

27 dans la période de 1994, 1995 ?

28 R. Non. Il n'y avait pas une seule installation militaire au voisinage de

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1 l'hôpital.

2 Q. Y avait-il des installations militaires à l'intérieur de l'hôpital ?

3 R. Dans l'enceinte de l'hôpital, en 1992, une partie des installations a

4 été réquisitionnée pour proposer des soins médicaux aux membres du 1er Corps

5 de l'ABiH, et notamment pour leur permettre une convalescence suite à des

6 interventions chirurgicales. Mais c'était une unité médicale qui assurait

7 simplement le postopératoire à l'intérieur de l'hôpital.

8 Q. Est-ce que ce centre de convalescence existait dans la période allant

9 d'août 1994 à novembre 1995 ?

10 R. Oui, jusqu'à la fin, et d'ailleurs même par la suite encore ce lieu a

11 continué à fonctionner en tant que centre de convalescence.

12 Q. Est-ce qu'il y avait des soldats de l'ABiH dans ce centre de

13 convalescence, des soldats en armes ?

14 R. Le principe fondamental qui s'appliquait à toutes les installations

15 militaires, c'était qu'aucune personne portant des armes ne pouvait être

16 autorisée à pénétrer dans un hôpital. Les officiers chargés de la sécurité,

17 qui étaient affectés à la sécurité de l'hôpital par la police, ne portaient

18 pas d'armes. L'hôpital était gardé, la sécurité de l'hôpital était assurée

19 par des hommes sans armes.

20 Q. Pour que tout soit clair, Docteur, lorsque vous dites l'hôpital, cela

21 recouvre également le centre de convalescence ?

22 R. Oui, tout à fait.

23 Q. Docteur Nakas, pourriez-vous décrire aux Juges l'intérieur de l'Hôpital

24 d'Etat ?

25 R. L'Hôpital d'Etat est une installation qui a été construite dans le but

26 tout à fait spécifique de servir d'hôpital, donc c'est un complexe de

27 bâtiments très compact qui se compose de quatre immeubles joints les uns

28 aux autres.

Page 1070

1 Le bâtiment principal compte 12 étages. Il est destiné aux patients

2 hospitalisés, et on y trouve des salles d'opération. Il y a ensuite une

3 annexe de quatre étages qui est également utilisée pour des patients

4 hospitalisés et il y avait d'autres bâtiments où se faisaient les

5 diagnostics et où on traitait les patients de jour, patients venant de

6 l'extérieur. Chacun de ces bâtiments avait trois étages, et il y avait

7 d'autres installations secondaires comme une cafétéria, et cetera, au rez-

8 de-chaussée du bâtiment principal.

9 Q. Est-ce que ces quatre bâtiments étaient tous opérationnels et

10 proposaient tous des soins médicaux dans la période d'août 1994 et novembre

11 1995 ?

12 R. Les salles du sous-sol, du rez-de-chaussée, du premier étage et,

13 éventuellement, du deuxième étage abritaient des salles de consultation.

14 Dans toutes ces salles de consultation, on proposait des soins médicaux.

15 Dans les autres étages plus hauts, dans la période dont vous parlez, il

16 arrivait souvent que les tirs d'armes à feu atteignent ces étages

17 supérieurs, notamment dans le bâtiment principal qui comptait 12 étages,

18 donc les étages supérieurs ont été temporairement abandonnés et n'étaient

19 pas utilisés par le personnel de l'hôpital ou par les patients; tout ceci

20 pour éviter que quelqu'un soit accidentellement blessé ou tué.

21 Q. A partir d'où provenaient les tirs qui ont atteint ces étages

22 supérieurs ?

23 R. C'est la façade sud qui fait face à Trebevic et à la colline de Vraca

24 et Grbavica qui a été la plus touchée.

25 Q. Savez-vous qui contrôlait la zone en question ?

26 R. De 1992 à 1995, cette zone était sous le contrôle de l'armée de la

27 Republika Srpska.

28 Q. Est-ce que l'un des étages détruits est redevenu opérationnel dans la

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1 période d'août 1994, novembre 1995 ?

2 R. La façade sud, les pièces qui se trouvaient le long de cette façade ne

3 sont pas redevenues opérationnelles avant 1995. Mais, dans l'aile opposée

4 du bâtiment principal, nous sommes parvenus à récupérer quelques salles à

5 quelques-uns des étages, et nous les avons rendues de nouveau

6 opérationnelles au moment où un très grand nombre de patients ont afflué

7 vers l'hôpital. Nous avons réoccupé les salles qui se trouvaient de l'autre

8 côté, qui n'étaient pas touchées par les tirs.

9 Q. Est-ce que l'hôpital a été touché par des obus dans la période d'août

10 1994, novembre 1995 ?

11 R. Dans la période de 1994, 1995, l'hôpital a essuyé plusieurs dizaines de

12 tirs, soit au niveau des bâtiments, soit au niveau de la cour.

13 Q. Est-ce que l'hôpital a été touché par des tirs de tireurs embusqués

14 dans cette même période ?

15 R. L'hôpital a essuyé des tirs de tireurs embusqués à plusieurs reprises.

16 Les conséquences de ces tirs étaient diverses, comme par exemple un jour où

17 une femme enceinte a été blessée dans sa chambre juste avant la naissance

18 de son bébé, et il y a eu aussi une infirmière qui a été blessée dans

19 l'annexe comptant quatre étages.

20 Q. De quelle direction venaient les tirs des tireurs embusqués qui ont

21 touché l'hôpital ainsi que les obus qui ont touché l'hôpital ?

22 R. Ces tirs venaient de Trebevic, Vraca et Grbavica.

23 Q. Qui contrôlait ce secteur ?

24 R. D'après ce que je sais et d'après ce que savent d'autres personnes

25 autour de moi, ces secteurs étaient sous le contrôle de l'armée de la

26 Republika Srpska.

27 Q. Docteur, vous avez dit que des patients avaient été transférés du

28 bâtiment principal, partiellement endommagé, jusqu'aux étages inférieurs de

Page 1072

1 ce bâtiment ainsi que dans les trois autres bâtiments. Est-ce que cette

2 mesure a contribué à assurer une meilleure sécurité des patients et du

3 personnel ?

4 R. Absolument, car dans toute cette période de 1994 et 1995, l'hôpital a

5 été touché par plus de 200 projectiles et était exposé en permanence au

6 feu. J'ai déjà parlé de deux exemples de personnes blessées. Nous en avons

7 eu quatre ou cinq parmi les patients et le personnel au total. Je considère

8 que, dans le contexte des événements de l'époque, ceci était un grand

9 succès, car cela montre, je crois, sans ambiguïté, que nous sommes parvenus

10 à assurer une assez bonne qualité de sécurité aussi bien pour les patients

11 que pour le personnel.

12 Q. S'agissant des endroits dans l'hôpital qui fonctionnaient pendant cette

13 période, est-ce que ces endroits étaient totalement protégés contre des

14 obus ?

15 R. Nous avons toujours pensé que c'était le cas, mais théoriquement, ce

16 n'était pas possible, car n'importe quel endroit de Sarajevo, n'importe qui

17 habitant Sarajevo pouvait être touché par des tirs. Mais je dis que ces

18 lieux étaient sûrs dans la mesure où les murs du sous-sol étaient plus

19 épais que les murs des étages supérieurs. Il y avait d'autres bâtiments

20 autour de l'hôpital, mais la possibilité que le bâtiment soit touché

21 existait toujours, en théorie.

22 Q. Docteur Nakas, entre le mois d'août 1994 et le mois de novembre 1995,

23 quelles sont les périodes exactes où vous avez travaillé à l'Hôpital

24 d'Etat ?

25 R. J'étais également directeur de l'hôpital dans cette période, donc mes

26 heures de travail couvraient toute la semaine. Parfois, je passais

27 également la nuit à l'hôpital. Je rentrais à la maison le week-end ou

28 parfois pendant la semaine lorsque c'était possible, mais tout cela

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1 signifie que je passais plus de temps à l'hôpital qu'à la maison et que

2 j'ai consacré davantage de temps au travail qu'à ma famille dans cette

3 période.

4 Q. En tant que directeur de l'hôpital, est-ce que vous pourriez dire

5 quelles étaient vos tâches les plus importantes ?

6 R. Ma mission principale consistait à assurer le fonctionnement de

7 l'hôpital, à organiser le travail des différents départements, à veiller à

8 ce que ces départements reçoivent les fournitures nécessaires ainsi que le

9 carburant, les médicaments, les vivres et les équipements indispensables au

10 personnel de santé qui y travaillait.

11 J'avais également la responsabilité du fait que je relevais

12 directement du ministère de la Santé, donc je devais assurer la bonne

13 application des décrets émanant du ministère ainsi que d'autres

14 institutions responsables des approvisionnements, à savoir le HCR des

15 Nations Unies, l'OMS et d'autres organisations internationales.

16 Q. Pour ce qui est de votre travail au sein de cet Hôpital d'Etat,

17 pourriez-vous nous dire quels étaient vos devoirs en ce qui concerne la

18 documentation et les dossiers médicaux et l'administration même de

19 l'hôpital ?

20 R. Nous avons continué à tenir les comptes, à tenir les registres selon

21 exactement le même système qui avait déjà été mis en œuvre auparavant. Nous

22 utilisions les mêmes protocoles, nous devions créer un dossier pour chaque

23 patient qui rentrait, qui était traité. Nous devions aussi donner des

24 informations statistiques au ministère de la Santé, à l'institut public de

25 la santé, parfois aussi aux observateurs militaires ainsi qu'aux

26 représentants de la FORPRONU, de l'OMS et aux représentants de la Croix-

27 Rouge.

28 Notre travail administratif était organisé de façon à ce que nous

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1 puissions le faire au mieux au vu des circonstances qui prévalaient à

2 l'époque, puisque nous n'avions pas grand-chose avec quoi travailler. On

3 était vraiment équipé uniquement de papier, crayons et de machines à

4 écrire, et rien de plus.

5 Q. Vous avez parlé de votre rôle général joué sur la scène médicale de

6 Sarajevo. Pourriez-vous nous dire exactement quel rôle vous avez joué et

7 préciser à nouveau cela ?

8 R. Dès que j'ai été nommé en tant que directeur de l'Hôpital d'Etat de

9 Sarajevo, c'est-à-dire le 26 mai 1992, on m'a aussi nommé conseiller du

10 ministre de la Santé qui était en charge de l'organisation des soins de

11 santé. Ensuite, en 1992, un peu plus tard, j'ai été nommé coordinateur de

12 l'aide humanitaire, pour ce qui concerne sa réception et sa distribution.

13 C'est un poste qui m'avait été donné par le ministère de la Santé. Je l'ai

14 conservé jusqu'à la fin de 1995.

15 J'étais aussi membre de l'équipe qui coopérait avec le Haut-

16 commissariat aux réfugiés, avec l'OMS, pour ce qui est de la planification

17 et de l'organisation de l'aide humanitaire, pour ce qui est, bien sûr, de

18 l'apport des médicaments.

19 Parfois aussi, j'ai fait partie de la délégation du ministère de la

20 Santé dans le cadre des négociations qui se tenaient à Sarajevo et à

21 Genève. Nous essayions de trouver avec les représentants de la Republika

22 Srpska une façon, quelle qu'elle soit, d'assurer la protection des

23 patients.

24 Q. Vous nous avez parlé des problèmes que l'on encourait à Sarajevo pour

25 ce qui est des services publics : la fourniture en électricité, en eau et

26 en chauffage. Pourriez-vous nous dire quelles conséquences cela a eues sur

27 le fonctionnement de l'hôpital, surtout pour ce qui est de la période

28 allant du mois d'août 1994 au mois de novembre 1995 ?

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1 R. C'était très négatif. L'effet était très négatif sur notre travail. On

2 ne pouvait pas réagir correctement à la situation. La plupart du temps, il

3 n'y avait pas assez de courant pour que les toutes les machines puissent

4 fonctionner; par exemple, la radiographie n'a jamais pu fonctionner un

5 seule fois entre 1992 et 1995. Même chose pour les ascenseurs.

6 La cuisine, aussi. Pendant toute la période de guerre, on a préparé les

7 repas à l'aide de bois de chauffage, parfois avec du carburant, avec de

8 l'essence. Pour ce qui est des services de blanchisserie et de

9 stérilisation, là aussi il fallait utiliser soit du carburant, soit du bois

10 de chauffage quand on en avait, bien sûr.

11 Pour ce qui est de l'eau aussi, il y avait pénurie, parce qu'il y avait une

12 pénurie complète d'eau dans la ville entière. Parfois, le service des eaux,

13 la société qui s'appelait Rad nous envoyait des citernes avec de l'eau

14 potable. Nous avons aussi construit quelques petites citernes où l'on

15 pouvait conserver l'eau pendant deux ou trois jours juste pour pouvoir

16 fonctionner. Il n'y avait que les parties les plus essentielles de

17 l'hôpital qui bénéficiaient de courant électrique et d'un tout petit peu

18 d'eau.

19 De plus, il n'y avait pas de chauffage dans l'hôpital à part le

20 système de chauffage que nous avons essayé de mettre en place en utilisant

21 de gaz comme source d'énergie. C'était vraiment risqué. D'ailleurs, je me

22 demande comment cela se fait que cela n'ait pas explosé, puisque parfois,

23 très souvent le gaz était coupé. Il y avait des fuites. Si quelqu'un était

24 arrivé avec une allumette, tout aurait explosé; fort heureusement, cela

25 n'est jamais arrivé.

26 Q. Qu'en est-il de la fourniture de médicaments ?

27 R. Comme je vous l'ai dit, j'étais coordonnateur à l'époque de

28 l'approvisionnement et des aides humanitaires. Nous avions fait certains

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1 calculs mathématiques pour ce qui est du nombre d'opérations prévues et de

2 patients traités. Sur la base de cela, bien sûr, nous avons distribué les

3 médicaments et les produits médicaux entre les deux grands établissements

4 de santé de Sarajevo, c'est-à-dire le centre clinique et l'Hôpital d'Etat,

5 pour ce qui est des hôpitaux, et aussi l'hôpital ambulatoire et les

6 services d'urgence. Ils recevaient 100 % des médicaments envoyés par l'OMS,

7 car à partir de 1992, l'OMS s'est engagée à fournir des produits médicaux,

8 ces produits médicaux étant transportés par pont aérien et arrivant à

9 l'aéroport de Sarajevo.

10 Q. Entre août 1994 et novembre 1995, diriez-vous qu'on a été plus en

11 sécurité à l'hôpital ou plus en sécurité chez soi ?

12 R. De toute façon, c'était pareil; qu'on soit à l'hôpital ou qu'on soit

13 chez soi, la situation était identique. Les endroits où vraiment on n'était

14 pas du tout en sécurité, c'était quand on était à découvert, quand on était

15 en train de se rendre à son travail, par exemple. On essayait de résoudre

16 ce problème en appliquant un emploi du temps où les gens restaient à

17 l'hôpital trois à sept jours de suite, comme cela ils n'avaient pas trop de

18 déplacements à effectuer en dehors de l'hôpital. Qu'on soit chez soi ou

19 qu'on soit à l'hôpital, les conditions étaient à peu près identiques. Le

20 danger était à peu près le même.

21 Q. Y avait-il un lien entre la situation politique et les victimes

22 traitées dans vos services pour ce qui est de la période courant du mois

23 d'août 1994 jusqu'en novembre 1995 ?

24 R. Parfois, entre nous, on en parlait et on se disait : les négociations

25 ont repris, donc on va voir plus de victimes. C'est vrai, parfois quand les

26 négociations étaient en train de capoter, les pilonnages augmentaient ou

27 les tireurs embusqués aussi augmentaient. Si des territoires avaient été

28 perdus en dehors de Sarajevo, mais ailleurs en Bosnie-Herzégovine, on

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1 pouvait s'attendre aussi à des pilonnages plus importants, activités de

2 tireurs embusqués plus importantes, donc à plus de victimes.

3 Q. Comment est-ce que vous vous prépariez à un afflux éventuel des

4 victimes ?

5 R. De toute manière, on n'était pas prévenu à l'avance. On avait plutôt

6 les informations après coup. On était prévenu par téléphone ou par le biais

7 des médias, par la radio, par la télévision. On était prévenu, pour ceux

8 qui avaient la chance d'avoir des appareils pour pouvoir regarder la

9 télévision. En plus, les premiers à arriver à l'hôpital étaient les

10 messagers. A chaque fois, ils nous disaient qu'il y avait un grand nombre

11 de blessés qui allaient bientôt démarquer, si je puis dire.

12 Il n'y avait pas de système qui nous aurait prévenu de l'afflux éventuel de

13 victimes.

14 Q. Docteur Nakas, connaissez-vous les dossiers médicaux rédigés par

15 l'Hôpital d'Etat ?

16 R. Oui.

17 Q. Connaissez-vous aussi les dossiers médicaux provenant des autres

18 établissements de santé à Sarajevo ?

19 R. Etant donné que j'étais directeur de l'hôpital, dans le cadre aussi de

20 mes responsabilités envers le ministère de la Santé, j'ai eu l'occasion de

21 me familiariser avec tous ces dossiers médicaux. Je peux les reconnaître et

22 je peux les identifier.

23 Q. Avant de venir ici dans le prétoire, vous avez passé en revue deux

24 liasses de dossiers médicaux, n'est-ce pas ?

25 R. Oui.

26 Q. Pour chacune de ces liasses, on vous a donné un tableau correspondant ?

27 R. Oui.

28 Q. Nous vous avons demandé d'étudier en détail chaque document contenu

Page 1078

1 dans chaque liasse. Avez-vous effectué cela ?

2 R. Oui, bien sûr.

3 Q. On vous a demandé pour chacun de ces dossiers médicaux de remplir une

4 colonne dans le tableur où vous deviez renseigner une colonne appelée

5 "Description rapide des blessures". C'est bien le cas ?

6 R. Oui.

7 Q. Avez-vous effectué ce travail pour chaque dossier médical étudié ?

8 R. Oui, quand en tout cas on pouvait le déduire après avoir lu le dossier

9 médical.

10 Q. Ensuite, après avoir étudié tout cela, on vous a demandé de signer ce

11 tableur rempli avec un certificat selon lequel les contenus de toutes les

12 liasses étaient en effet bel et bien des dossiers médicaux précis. Est-ce

13 le cas ?

14 R. Oui, tout à fait, et j'ai bel et bien signé aussi ce certificat.

15 Mme MARCUS : [interprétation] J'aimerais maintenant, si possible, que l'on

16 affiche le tableur renseigné, mais je préférerais que ce ne soit pas à

17 l'écran, ou en tout cas pas diffusé publiquement.

18 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Pas de problème.

19 Mme MARCUS : [interprétation] Je demande à la personne compétente

20 d'afficher le premier tableur, le premier fichier tableur. C'est un fichier

21 qui figure à la liste 65 ter sur la cote 2868, mais il faudrait ne pas le

22 diffuser publiquement. Pourriez-vous, s'il vous plaît, maintenant passer à

23 la dernière page de ce tableur ?

24 Q. Docteur Nakas, s'il vous plaît, voyez-vous votre signature en bas de ce

25 tableur renseigné ?

26 R. Oui.

27 Q. Pouvez-vous confirmer qu'en signant ce document, vous avez bel et bien

28 dit que tous les documents qui sont énumérés dans le tableau sont bel et

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1 bien des dossiers médicaux authentiques ?

2 R. Oui.

3 Mme MARCUS : [interprétation] Pourrions-nous maintenant verser ce tableur

4 renseigné au dossier ?

5 [La Chambre de première instance se concerte]

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, vous pouvez le verser au

7 dossier. Il y a une question, je crois, en revanche, à propos de

8 l'éventualité d'une mise sous pli scellé de ce dossier.

9 Maître Tapuskovic, vous avez une question ?

10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, la Défense aimerait

11 savoir, dans la liasse, combien des documents ont été rédigés par le

12 docteur témoin lui-même et combien ne sont que des dossiers qu'il a vus,

13 mais dont il n'est pas l'auteur. J'aimerais avoir un ordre d'idées, un

14 pourcentage pour savoir à peu près combien de ces rapports il a lui-même

15 écrits et combien de ces dossiers proviennent d'un autre médecin.

16 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Votre question, c'est de savoir

17 combien de dossiers portent sur des examens qu'il a effectués lui-même et

18 combien porte sur des dossiers qu'il n'a fait qu'étudier ?

19 Monsieur le Témoin, pourriez-vous nous aider à ce propos ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Près de 100 % des documents sont des

21 dossiers que j'ai étudiés, des dossiers qui n'ont pas été rédigés de ma

22 main. Ce ne sont pas des examens que j'ai effectués moi-même. Vous ne

23 trouverez pratiquement aucune conclusion qui soit la mienne. Ce sont des

24 documents que j'ai identifiés comme étant des documents venant soit de

25 l'Hôpital d'Etat, soit de la clinique, soit d'un autre centre de soins qui

26 fonctionnait à l'époque à Sarajevo. Pour être simple, je n'ai pas fait le

27 moindre examen médical contenu dans ces liasses. Je n'ai pas effectué le

28 moindre diagnostic non plus.

Page 1080

1 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Je comprends. Merci.

2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Dans ce cas, voici ce que la Défense fait

3 valoir. Chaque fois qu'un document médical est montré à la Chambre, il

4 faudrait que la personne qui a rédigé le document soit là pour

5 l'authentifier. C'est un point de principe, ici. Le médecin qui a fait

6 l'examen médical, qui a fait son diagnostic et qui a écrit le dossier est

7 tout à fait capable d'en parler. Mais ce témoin n'a fait que mettre un

8 cachet sur ces documents, il n'a fait qu'identifier le fait qu'ils

9 provenaient bel et bien d'un centre de santé de Sarajevo, d'un hôpital de

10 Sarajevo. Dans ce cas-là, il me semble que ces documents devraient être

11 présentés sous pli scellé.

12 [La Chambre de première instance se concerte]

13 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Le point que vous avez soulevé,

14 Monsieur Tapuskovic, ne porte pas sur la recevabilité du document. Nous

15 l'avons admis. La question porte en revanche sur le poids qu'il devra y

16 être accordé, mais cela, c'est un autre point.

17 En revanche, Madame Marcus, nous voudrions savoir si vous tenez à verser

18 ces dossiers sous pli scellé.

19 Mme MARCUS : [interprétation] Oui. Oui, j'aurais aimé que les documents

20 soient sous pli scellé.

21 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Pourquoi ?

22 Mme MARCUS : [interprétation] C'est parce que dans ces documents, il y a le

23 nom de certaines personnes qui ont bénéficié de mesures de protection et la

24 description même des blessures dans des documents -- nous comptons utiliser

25 ces documents pour notre cause à propos des tirs embusqués et des incidents

26 de pilonnage; on pourrait faire le lien entre les blessures et ce qui s'est

27 passé.

28 M. LE JUGE ROBINSON: [aucune interprétation]

Page 1081

1 Mme MARCUS : [interprétation] Merci.

2 M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]

3 M. LE JUGE MINDUA : Docteur, le problème de la Chambre, évidemment, c'est

4 d'établir par rapport à l'acte d'accusation la réalité des faits et la

5 responsabilité par rapport aux auteurs.

6 Vous avez parlé de votre hôpital qui a été touché, qui a été l'objet de

7 pilonnage et de plusieurs tirs embusqués, et si je vous ai bien compris,

8 vous avez dit que les étages qui ont été détruits faisaient face à Grbavic

9 et à la colline ou à la montagne appelée Vraca et Grbavica, qui étaient

10 sous le contrôle de l'armée de la Republika Srpska. Voulez-vous dire par là

11 que l'origine de ces tirs réside dans le fait de cette armée ? Est-ce que

12 vous avez, en tant que responsable de l'hôpital, fait entreprendre des

13 investigations par vos propres moyens ou par la police ou par une

14 organisation internationale pour connaître l'origine des tirs et des

15 pilonnages ? Parce que jusque-là, vous n'avez pas dit -- je n'ai pas suivi

16 cela.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] En 1992, quand la FORPRONU était beaucoup plus

18 active, les représentants de la FORPRONU venaient chaque fois qu'on les

19 appelait pour essayer de déterminer d'où venaient les tirs qui avaient

20 atteint l'hôpital. Ils le faisaient dans la mesure de leurs moyens. On n'a

21 jamais reçu de rapport parce que ces rapports étaient des rapports qu'ils

22 conservaient. Nous n'avons jamais obtenu de confirmation officielle ou de

23 conclusions officielles montrant qui avait atteint l'hôpital et d'où venait

24 l'origine des tirs exacts qui avaient atteint l'hôpital.

25 Ce que je vous dis est basé sur mon expérience, mon vécu. J'ai passé quatre

26 ans dans cet hôpital. Mon bureau est en face de la colline de Vraca. Ma

27 secrétaire a été atteinte par un tireur embusqué en 1992, et en 1993 j'ai

28 échappé de justesse à une balle.

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1 M. LE JUGE MINDUA : Merci.

2 Mme MARCUS : [interprétation] Je demanderais au Greffier de montrer

3 maintenant le deuxième tableur, 65 ter 2869, s'il vous plaît.

4 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine française demande que l'on note

5 que le document présenté auparavant, c'est la cote P106, et qu'elle est

6 versée sous pli scellé.

7 Mme MARCUS : [interprétation] Je suis désolée, je ne vois pas le document.

8 Voilà, très bien. Merci. Puis-je de nouveau demander que l'on passe à la

9 dernière page, que l'on montre la dernière page ?

10 Q. Docteur Nakas, est-ce que vous voyez votre signature au bas de ce

11 tableur ?

12 R. Oui.

13 Q. Pouvez-vous confirmer que grâce à cette signature, vous attestez que

14 les documents qui y figurent sont des dossiers d'hôpitaux qui sont

15 véridiques et exacts ?

16 R. Oui.

17 Q. Je vais en extraire deux documents en tant qu'exemples pour montrer à

18 la Chambre le type de documents que vous avez passés en revue.

19 Mme MARCUS : [interprétation] Il s'agirait du document 65 ter 1484. Je

20 crois que ce document a déjà été versé en tant que pièce de la Défense D19.

21 Je demanderais qu'on nous montre la dernière page de ce document, s'il vous

22 plaît.

23 Puis-je demander aussi le versement du deuxième tableau ?

24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P107 sous pli

25 scellé.

26 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, sous pli scellé. Merci.

27 Il s'agit du numéro ERN 251213 [comme interprété]. J'ai la version

28 anglaise. Peut-être pourrions-nous mettre cette version anglaise sur le

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1 rétroprojecteur afin que ce soit plus facile pour les anglophones.

2 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Maître Tapuskovic.

3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ne vois pas le document.

4 Mme MARCUS : [interprétation] En fait, ce n'est pas le document auquel je

5 voulais me référer.

6 Je suis désolée. Il me semblait que c'était le numéro qui figurait sur le

7 document. En fait, il s'agit d'un certificat d'un médecin légiste.

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Cela concernait qui ?

9 Mme MARCUS : [interprétation] Il s'agit de Nermin Divovic.

10 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Malheureusement, je crains que

11 l'on va perdre du temps en raison de la technique.

12 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, je suis désolée. J'ai une version en

13 B/C/S et en anglais. Est-ce qu'on pourrait voir les deux sur le

14 rétroprojecteur ? Non, apparemment pas. La version en B/C/S sera montrée au

15 rétroprojecteur, puis je vais distribuer les versions en anglais. Est-ce

16 que cela peut convenir ?

17 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui.

18 Monsieur Tapuskovic.

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

20 Juges, s'agit-il d'une pièce dont le versement a déjà été demandé par la

21 Défense ? Vous avez mentionné D19. Je ne m'en souviens pas. Je ne suis pas

22 sûr d'avoir bien compris.

23 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Peut-être que Mme Marcus pourrait

24 nous expliquer.

25 Mme MARCUS : [interprétation] On m'a dit qu'il s'agit d'un document extrait

26 d'une série de dossiers médicaux concernant Dzenana Sokolovic et Nermin

27 Divovic, donc des dossiers qui ont déjà été versés en tant que pièce D19.

28 J'ai aussi le numéro 65 ter 1484. Il s'agit d'un page extraite d'un

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1 document de plusieurs pages.

2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Il faut que je vous présente mon opinion à

3 ce sujet. C'est ma collègue qui a mené le contre-interrogatoire en

4 l'occurrence et elle a dû nous quitter pour se rendre à Paris. J'aimerais

5 demander à la Chambre la permission de revenir sur cette question plus

6 tard. J'espère qu'il ne sera pas trop tard lundi pour vous faire valoir

7 notre position.

8 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] De quelle position s'agit-il ?

9 Formulez-vous une objection ?

10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Non, non. Je me demande simplement si

11 c'est la Défense qui a demandé le versement de ce document. Je ne vois pas

12 ce document sur notre liste.

13 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Est-ce que le greffier peut nous

14 aider ?

15 M. LE GREFFIER : [interprétation] J'ai sur la liste, dans le dossier, un

16 rapport de police en date de l'année 1994 qui comprend 17 pages.

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Ici, la date est le 16 mars. Je ne

18 comprends pas.

19 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Peut-être est-ce votre erreur, Madame

20 Marcus.

21 Mme MARCUS : [interprétation] Si j'ai bien compris, les rapports

22 d'enquêtes, les rapports de police contiennent également des dossiers

23 médicaux et des dossiers de l'hôpital. Dans le cadre de la déposition de ce

24 docteur, nous avons extrait les dossiers venant de l'hôpital.

25 Malheureusement, je n'ai pas les 17 pages sous les yeux, mais il est tout à

26 fait possible effectivement que ce dossier hospitalier ait été extrait d'un

27 rapport d'enquête criminelle de 17 pages. Mais il faudrait que je vérifie.

28 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Combien de temps allez-vous passer

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1 sur cette question ? Nous pourrions peut-être y revenir.

2 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, en tout cas jusqu'à la fin de la séance.

3 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Passez à autre chose et nous y

4 reviendrons afin de clarifier la situation. Vous pourriez peut-être en

5 discuter avec les représentants de la Défense.

6 Mme MARCUS : [interprétation] Oui, tout à fait. Pour préciser les choses,

7 ce document est un dossier médical examiné par le Dr Nakas, dont il est

8 fait état dans le tableau. Est-ce que je pourrais poser des questions au

9 médecin concernant ce document puisque ce document est un exemple des

10 dossiers hospitaliers qu'il a lui-même authentifiés ?

11 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Très bien.

12 Mme MARCUS : [interprétation] Merci.

13 Puis-je savoir, enfin, confirmer que les anglophones ont bien un

14 exemplaire en anglais ?

15 Q. Docteur Nakas, pourriez-vous nous dire ce qu'est ce document ?

16 R. Il s'agit d'un extrait d'un protocole et d'autopsie de Nermin Divovic

17 en date du 18 novembre 1994, signé par le directeur de l'institut médico-

18 légal, médecin assistant, Dr Ilijas Dobrac.

19 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre quel a été le diagnostic en ce qui

20 concerne la blessure ?

21 R. Le diagnostic qui figure ici concerne une blessure, une blessure

22 d'entrée et une blessure de sortie, infligée par une arme à feu, donc une

23 blessure à la tête.

24 Q. Est-ce que le document indique où se situent le point d'entrée et le

25 point de sortie ?

26 R. Oui. Le diagnostic est suivi des détails suivants : l'entrée, le point

27 d'entrée de la balle se trouve à la joue droite, et le point de sortie à

28 gauche, sur la nuque gauche du patient.

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1 Q. Je vous remercie.

2 Mme MARCUS : [interprétation] Je demanderais maintenant au greffier

3 d'afficher une autre page du même document 65 ter. J'ai le numéro ERN

4 2215208 [comme interprété]. J'ai donc un exemplaire papier que l'on peut

5 mettre sur le rétroprojecteur et je pourrais même le faire distribuer en

6 anglais. Puis-je demander que l'on mette la version en anglais sur le

7 rétroprojecteur ? A noter que la page correspondante est la deuxième page

8 de la version anglaise.

9 Q. Docteur, pouvez-vous nous dire ce qu'est ce document ?

10 R. Il s'agit d'un dossier médical du Centre médical universitaire à

11 Sarajevo, rédigé par l'équipe de chirurgie abdominale, le service de

12 chirurgie abdominale concernant la patiente Dzenana Sokolovic.

13 Q. Pouvez-vous voir sur ce document quelle était la date à laquelle le

14 patient est entré à l'hôpital ?

15 R. Cette patiente est entrée à l'hôpital le 18 novembre 1994, donc elle a

16 été admise au Centre médical universitaire.

17 Q. Pourriez-vous nous dire quelques mots concernant les blessures subies

18 par cette patiente ?

19 R. On voit ici un diagnostic qui indique qu'il s'agissait d'une blessure

20 par balle à la partie antérieure de l'abdomen, la paroi de l'abdomen, donc

21 une blessure infligée par une arme à feu.

22 Mme MARCUS : [interprétation] Si on peut passer à la page suivante

23 tant en B/C/S qu'en anglais, s'il vous plaît.

24 Q. Pouvez-vous nous dire à quoi cette page se réfère ?

25 R. C'est l'autre page du dossier de la patiente. Il s'agit d'un entretien

26 avec la patiente, une anamnèse, puis les résultats concernant la santé de

27 la patiente lorsqu'elle est entrée à l'hôpital.

28 Q. Pourriez-vous nous lire la première ligne qui figure sous anamnèse ?

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1 R. "La patiente a été admise à la clinique après avoir souffert d'une

2 blessure de tir isolé", puis il y a un mot illisible, puis "dans la zone",

3 puis "une balle tirée par un tireur embusqué aux alentours du musée vers 15

4 heures."

5 Mais ce passage est difficile à lire, car la photocopie est très

6 mauvaise.

7 Mme MARCUS : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander au

8 greffier de faire dérouler la page afin que l'on voie le bas de la page ?

9 Merci.

10 Q. Docteur, vous voyez une ligne qui concerne les blessures ou les points

11 d'entrée et de sortie. Voulez-vous nous donner lecture de cette ligne, s'il

12 vous plaît ?

13 R. Cette ligne se trouve juste en dessous d'une phrase où il est dit :

14 "Sur l'abdomen, la poitrine, c'est assez mou lorsqu'on le touche. Il y a de

15 la douleur vers le bas. Le foie et la rate n'ont pas été examinés, n'ont

16 pas été palpés. Puis, à la gauche, une blessure qui saigne; à la droite, un

17 point de sortie, trois fois 2 centimètres", je crois que c'est ce qui est

18 dit, que "cela saigne."

19 Puis, de façon "paramédiane", à partir de l'axe central, vers la

20 gauche et vers la droite.

21 Mme MARCUS : [interprétation] Puis-je demander au greffier de passer

22 à la page suivante en B/C/S ? Le début est sur la même page en anglais.

23 Malheureusement, la version en B/C/S est très peu claire. J'ai un

24 exemplaire en papier qui permettrait peut-être au médecin de mieux lire.

25 Q. Docteur, qu'est-ce que ce document que vous avez sous les yeux ?

26 R. Il s'agit d'un rapport de chirurgie, le résultat de la chirurgie, la

27 patiente étant Dzenana Sokolovic.

28 Il est dit qu'on l'a opérée le 18 novembre 1994 en raison d'une

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1 blessure. "Laparotomie a été faite. La paroi abdominale a été ouverte au

2 milieu afin de pouvoir examiner la cavité abdominale, et la paroi a été

3 drainée, la paroi abdominale."

4 Les noms des médecins et des assistants y figurent.

5 Q. Pardonnez-moi de vous interrompre.

6 Mme MARCUS : [interprétation] J'aimerais bien qu'on passe à la page

7 suivante en anglais parce que le docteur va donner lecture de ce passage-

8 là.

9 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Puis, nous allons devoir suspendre

10 l'audience.

11 Mme MARCUS : [interprétation] Oui. Puis-je simplement conclure sur ce

12 document ?

13 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Oui.

14 Mme MARCUS : [interprétation] Je crois que la version en anglais est sur le

15 rétroprojecteur. Est-ce que vous voudriez bien passer à la page suivante en

16 anglais ? Bon, peut-être que cela a déjà été fait. Pardon.

17 Q. Docteur, est-ce que vous voudriez bien continuer à nous donner lecture

18 de passage concernant les résultats médicaux généraux ?

19 R. Il s'agit de la chirurgie.

20 "Les couches abdominales ont été incisées par une laparotomie

21 médiane", cela donne accès à la paroi de l'abdomen, "et toutes les couches

22 sous-cutanées ont été écartées afin de pouvoir examiner le foie. Puis, on a

23 vu des contusions qui étaient le résultat d'un impact, explosion. On n'a

24 pas vu d'autres dégâts ou de blessures à d'autres organes. Puis, ensuite la

25 blessure a été drainée et pansée."

26 Puis, il est encore question de la façon dont la maladie a évolué, l'état

27 de la blessure et l'état général de la patiente au moment de sa sortie;

28 tout cela est décrit.

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1 Q. Docteur, de quel côté du corps humain se trouve le foie ?

2 R. Du côté droit.

3 Q. Que signifie le terme "blast injury", une blessure par souffle ?

4 R. Ce qu'on appelle "blast syndrome" est un syndrome qui résulte d'un

5 impact, d'une explosion mineure, le fait que le corps ait été pénétré.

6 C'est le résultat d'une pression exercée sur les tissus aux alentours.

7 M. LE JUGE ROBINSON: [interprétation] Nous devons lever l'audience, car si

8 nous siégeons plus longtemps, cela empiète sur le temps imparti à l'autre

9 Chambre, mais aussi sur le délai très court dont bénéficie le Juge Mindua

10 avant le procès suivant, parce que le Juge Mindua doit encore siéger à 14

11 heures 15. Nous n'allons pas poursuivre.

12 Nous reprendrons nos délibérations lundi, à 9 heures du matin.

13 --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le lundi 29 janvier

14 2007, à 9 heures 00.

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