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1 Le mercredi 21 février 2007
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Docherty, je pense que
7 c'est à vous. Pouvez-vous, s'il vous plaît, poursuivre votre contre-
8 interrogatoire [comme interprété].
9 LE TÉMOIN: SEAD BESIC [Reprise]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 M. DOCHERTY : [interprétation] Merci.
12 Interrogatoire principal par M. Docherty : [Suite]
13 Q. [interprétation] Bonjour.
14 M. DOCHERTY : [interprétation] Avant de poursuivre, je tiens à dire que
15 j'avais oublié de demander le versement au dossier de la pièce 141.
16 J'aimerais le faire maintenant.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P264.
19 M. DOCHERTY : [interprétation] Si nous pouvions maintenant avoir à l'écran
20 le tableau 145B. Il s'agit de la cote de ce document sur la liste 65 ter.
21 Q. Voyez-vous, Monsieur le Témoin, voyez-vous ce dessin, ce plan ?
22 R. Oui.
23 Q. Hier, nous avons remarqué qu'il y avait des dimensions qui étaient
24 notées sur ce plan. Pourriez-vous nous dire exactement comment cela a été
25 fait et par qui, donc quels instruments ont été employés; comment on s'est
26 assuré que les mesures étaient correctes et fiables, et cetera.
27 R. C'est un de mes collègues, Salko Cerimagic qui a préparé ce plan. Il
28 est impossible pour une seule personne de faire la totalité du travail.
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1 Donc nous nous sommes mis à deux et nous avons pris les mesures tous les
2 deux.
3 Q. Y a-t-il une mesure ici qui nous montre la distance entre le cratère où
4 il y a eu impact et le trottoir, le côté du trottoir ?
5 R. Oui.
6 Q. Quelle est cette distance entre le centre de l'impact, je crois que
7 c'est le cercle 1 sur le plan, jusqu'au bord du trottoir ?
8 R. Je pense que c'est environ 1,90 mètre ou 1,85 mètre, à peu près.
9 Q. Est-ce qu'on voit aussi la distance entre le bord du trottoir et le
10 mur, le mur où les deux bicyclettes étaient adossées ?
11 R. On ne les voit pas sur le plan, mais la distance est soit 2,90, soit
12 2,60.
13 Q. Quand on ajoute ces deux distances, cela nous donne la distance exacte
14 du centre du cratère jusqu'au pied du mur du bâtiment; c'est bien cela ?
15 R. Oui. Quand on ajoute tout cela, on arrive soit à 4,60 mètres, soit à
16 4,50 mètres.
17 M. DOCHERTY : [interprétation] J'aimerais aussi demander le versement au
18 dossier de ce photomontage en longueur qui se trouve juste derrière le
19 témoin. Si vous avez l'intention de le consulter ultérieurement, il
20 faudrait qu'il soit versé au dossier.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En effet, il sera versé au dossier.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P265.
23 M. DOCHERTY : [interprétation]
24 Q. Avez-vous écrit un rapport à propos du travail que vous avez effectué
25 sur le marché de Markale le 28 août 1995 ? Ceci a-t-il fait l'objet d'un
26 rapport ?
27 R. Oui. Nous avons repéré d'abord les marques, les traces. Nous avons
28 préparé un très rapide rapport médico-légal en donnant une description très
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1 brève de l'incident, le nombre de victimes, ou même carrément de tués qui
2 avaient été emmenés à la morgue.
3 M. DOCHERTY : [interprétation] Pourrions-nous voir la pièce 145B sur la
4 liste 65 ter et il conviendrait d'afficher la page 2 de ce document.
5 Q. En attendant que cela s'affiche, s'il vous plaît, Monsieur le Témoin,
6 pourriez-vous nous dire si quoi que ce soit a été fait pour essayer
7 d'identifier les personnes qui avaient trouvé la mort lors de cet
8 incident ?
9 R. Vous voulez dire les morts ? C'est complètement impossible de faire
10 cela sur le moment, mais on a trouvé énormément de papiers que l'on a
11 trouvés sur place. On les a photographiés et on les a utilisés plus tard
12 pour identification à l'hôpital de Kosovo.
13 Q. Parmi les photographies qui ont été versées, il y a des photographies
14 de pièces d'identité, de sacs à main, de portefeuilles, et cetera, qui ont
15 été trouvés au marché de Markale, n'est-ce pas ?
16 R. Oui, tout à fait. On a retrouvé un grand nombre d'effets personnels et
17 de papiers d'identité.
18 Q. Sur la page qui se trouve sur l'écran devant vous, on voit s'afficher
19 la liste de 35 noms. Est-ce que vous les voyez ?
20 R. Oui.
21 Q. De qui s'agit-il exactement ? A quoi correspondent ces noms ?
22 R. Il s'agit du nom des citoyens qui ont trouvé la mort suite à
23 l'explosion de ce projectile, ceux que l'on a retrouvés à l'hôpital, qui
24 ont été identifiés du moins à l'hôpital.
25 Q. Est-ce que c'est une liste complète de toutes les victimes de cet
26 incident ?
27 R. Non. Environ 30 blessés graves ont succombé à leurs blessures aussi.
28 Q. Donc il y a 35 morts que l'on voit sur cette liste et on doit y
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1 rajouter un certain nombre de noms, n'est-ce pas ?
2 R. Oui.
3 M. DOCHERTY : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser pour
4 l'interrogatoire principal, Messieurs les Juges.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
6 Maître Tapuskovic, c'est à vous.
7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Merci de me
8 donner la parole.
9 Contre-interrogatoire par M. Tapuskovic :
10 Q. [interprétation] Témoin, s'il vous plaît, je suis conseil de la Défense
11 de l'accusé, général Milosevic, et je vais vous demander de répondre à un
12 certain nombre de questions, questions qui vous ont déjà été posées par
13 l'Accusation. Si possible, j'aimerais que vous soyez extrêmement concis
14 dans vos réponses afin que le contre-interrogatoire ne dure pas trop
15 longtemps.
16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Pourrions-nous tout d'abord montrer au
17 témoin le document de la liste 65 ter portant le numéro 1484 et versé par
18 la Défense sous la cote D19.
19 Q. En attendant que -- maintenant que la pièce est affichée, pouvez-vous
20 voir la page 1, et c'est écrit :
21 "Sarajevo, 18 novembre 1994. Un seul tir d'un tireur embusqué tirait vers
22 13 heures depuis l'évolution de l'agresseur au bâtiment Metalka de Grbavica
23 à un carrefour de Zmaja od Bosne et Rackog, la rue Franje Rackog. Un petit
24 garçon, Nermin Divovic, né en 1987, a été blessé grièvement à la tête, et
25 sa mère a été blessée très gravement à l'estomac, au ventre."
26 Voici ma question : avez-vous aussi enquêté sur cet incident ?
27 R. Oui. J'ai aidé mon collègue qui dirigeait les opérations, étant donné
28 que l'endroit où cela se passait, nous avons été envoyés tous les deux sur
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1 site pour faire l'enquête.
2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Regardons maintenant la page 3 de ce
3 document. La page 3, la description de ce qui s'est passé.
4 Q. Je vais vous le lire, mais je ne vais pas tout lire et je vais
5 commencer ma lecture là où il est écrit :
6 "Nermin Divovic, garçon né en 1987, a été blessé mortellement, après sa
7 mère, Mme Dzenana Sokolic, a été grièvement blessée." La balle a traversé
8 la tête de ce garçon et a blessé grièvement sa mère au ventre."
9 C'est ce que vous avez établi sur scène ?
10 R. C'était totalement impossible, puisque les victimes n'étaient plus là.
11 Nous sommes arrivés après coup pour faire l'enquête sur site.
12 L'INTERPRÈTE : Maître Tapuskovic, les interprètes ont demandé que vous
13 éteigniez votre micro pendant que le témoin parle, sinon il y a
14 chevauchement des voix et c'est très difficile d'interpréter.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Surtout que le témoin est protégé.
16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui.
17 Q. Ce rapport n'est pas correct dans ce cas-là, n'est-ce pas ?
18 R. Ce rapport a été rédigé par un fonctionnaire sur la scène, qui était
19 sur la scène du crime, sur site, et qui a recueilli des informations auprès
20 des personnes qui se trouvaient là. Ce n'est pas moi qui ai rédigé ce
21 rapport ni mon collègue qui était le responsable de l'enquête.
22 Q. Donc vous avez rassemblé et collecté toutes les preuves physiques
23 portant sur cet incident. Le rapport qui a été rédigé est basé et fondé
24 exactement sur toutes les informations qui avaient été recueillies, y
25 compris les dossiers médicaux ?
26 R. Oui, ce n'est pas nous qui l'avons fait. Nous, nous étions là pour
27 prendre des photos du site, ensuite faire un dessin, un plan, et sur la
28 base des indices et des traces que nous avions trouvés, faire ce plan. Nous
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1 n'étions pas là pour recueillir les déclarations des témoins. Ceci, en
2 fait, c'est le rapport du technicien médico-légal qui a analysé le site du
3 crime. Ceci s'applique aussi aux dossiers médicaux. C'est un expert médico-
4 légal qui a préparé les rapports officiels.
5 Q. Les dossiers médicaux vous ont servi de fondement pour établir la
6 vérité, les faits ?
7 R. Oui, oui, certes. C'est toujours comme cela. Mais ce document ne fait
8 que partie du dossier, il fait partie de la procédure, ensuite ce document
9 est envoyé au tribunal.
10 Q. Puis-je attirer votre attention, s'il vous plaît, sur la page 15 de ce
11 document 65 ter. Pouvons-nous avoir à l'écran la
12 page 15.
13 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président, je soulève une
14 objection. Puisque le témoin nous a dit qu'il n'avait pas connaissance de
15 ce rapport, il a dit qu'il ne l'avait pas rédigé lui-même ni son collègue.
16 Alors je n'ai aucune objection à propos des questions posées à ce témoin à
17 propos de cet incident, mais j'en ai à propos du fait que l'on pose des
18 questions au témoin sur ce rapport dont il ne sait rien finalement. Il l'a
19 dit plusieurs fois d'ailleurs au conseil.
20 Je pense qu'il n'y a aucune base, et c'est pour cela que je soulève une
21 objection, il n'y a pas de fondement à la question.
22 [La Chambre de première instance se concerte]
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons qu'en même admettre
24 cette question.
25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Pourrions-nous passer, s'il vous plaît, à
26 huis clos partiel juste pour un bref instant.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] S'il vous plaît, passons à huis clos
28 partiel.
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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Afin de clarifier la question qui a été
2 soulevée par l'Accusation --
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes qu'en même à huis clos
4 partiel.
5 [Audience à huis clos partiel]
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8 [Audience publique]
9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
10 Q. Si je vous ai bien compris, Témoin, vous étiez là pour recueillir les
11 éléments physiques ayant trait à cet incident ?
12 R. Oui.
13 Q. Ensuite, le bureau du procureur responsable du traitement de cette
14 affaire a obtenu toutes les pièces que vous aviez recueillies, n'est-ce pas
15 ?
16 R. Oui.
17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Passons à la page 15 de ce document, s'il
18 vous plaît. Il s'agit du rapport d'enquête criminel.
19 Q. On voit qu'il a été envoyé au bureau du procureur. Il a été rédigé le
20 14 décembre, donc deux mois finalement après tout. En vertu des lois en
21 vigueur en Bosnie-Herzégovine, vous avez envoyé ce rapport d'enquête; c'est
22 bien cela ?
23 R. Oui, oui, mais je n'ai pas participé à la rédaction de ce rapport, donc
24 je ne sais absolument rien à propos des dates qui nous concerne. J'étais là
25 pour préparer le dossier photo, pour faire le plan de la scène du crime et
26 c'est tout.
27 Q. Oui, certes. C'est assez logique étant donné les compétences existantes
28 au sein du bureau du procureur. Vous voyez ce qui est écrit ici. C'est un
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1 rapport contre un auteur inconnu. Au milieu de la page il y a un passage
2 expliquant les motivations. Je voudrais que vous lisiez le passage qui
3 commence par "Sarajevo" -- non, plutôt qui commence par "A cette occasion…"
4 "A ce moment-là…" Le voyez-vous, s'il vous plaît ?
5 "A ce moment-là, un enfant, Nermin Divovic, né en 1987 à Sarajevo, a été
6 mortellement blessé dans la tête, et sa mère Dzenana Sokolovic né en 1966 a
7 été blessée très grièvement."
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Docherty.
9 M. DOCHERTY : [interprétation] Je ne parle pas le B/C/S, mais en tout cas
10 en anglais ce n'est pas ce qui est écrit, il n'est pas écrit que la balle a
11 traversé la tête de l'enfant. Il est écrit uniquement en anglais : "Un
12 enfant, Nermin Divovic, a été mortellement blessé à la tête, et que sa mère
13 était blessée grièvement."
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En effet, c'est ce qu'on lit en
15 anglais.
16 M. DOCHERTY : [interprétation] Je ne lis pas le B/C/S, mais en tout cas,
17 c'est très certainement ce qui est écrit en anglais.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons demander aux interprètes
19 de nous interpréter la phrase à partir du B/C/S en anglais.
20 L'INTERPRÈTE : Malheureusement, on n'arrive pas à lire toute la ligne en
21 entier. Elle n'est pas entièrement affichée à l'écran.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez le voir maintenant.
23 L'INTERPRÈTE : En effet. "Un sniper tirait sur la rue. A cette occasion-là,
24 un enfant, Nermin Divovic, a été blessé mortellement à la tête - il était
25 né en 1987 à Sarajevo - et a grièvement blessé Dzenana Sokolovic, née en
26 1966 à Sarajevo."
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En tout cas, nous voyons que la
28 traduction écrite anglaise était identique à ce que l'interprète vient de
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1 nous dire.
2 Maître Tapuskovic, vous pouvez poursuivre.
3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
4 Q. Témoin, nous parlons tous les deux la même langue, la façon dont je lis
5 les choses étaient-elles correctes ?
6 R. Oui.
7 Q. Est-ce que ce qui est écrit là reflète bel et bien la vérité ? Y a-t-il
8 le mot "traverse" en B/C/S ?
9 R. Oui. " … traverse la tête de l'enfant." Enfin, il n'y a que la première
10 syllabe de ce mot qui est écrite, le reste n'est pas écrit. Voulez-vous que
11 je le lise ?
12 "A cette occasion la balle tirée a traversé …"
13 [La Chambre de première instance se concerte
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vu les circonstances, je pense que
15 je vais demander à un CLSS de nous traduire exactement ces mots, de
16 certifier cette traduction.
17 Tout d'abord, j'aimerais savoir exactement quel est le but de votre
18 question ? Quelle est la question que vous voulez poser au témoin à propos
19 de tout cela ? Je vous ai autorisé à poser des questions à propos de ce
20 rapport, mais il faudrait d'abord que vous nous convainquiez que votre
21 question est bel et bien pertinente.
22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est pour établir la vérité, pour savoir
23 ce qui s'est vraiment passé, savoir quelle est la trajectoire exacte de la
24 balle, si c'est ce qu'a dit le Procureur ou c'est ce qui a été trouvé et
25 déduit sur le site. Je ne pense pas qu'on ait besoin d'aide du CLSS ou de
26 qui que ce soit. Il suffit que le témoin lise et confirme ce qui est écrit
27 dans la version en B/C/S. L'interprète ne peut pas le traduire aussi
28 précisément que le témoin quand il le lit. Ensuite, il n'y a qu'à laisser
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1 les interprètes le traduire, l'interpréter du moins.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je ne peux pas le faire. Nous
3 avons des interprètes qui sont déjà certifiés, certes pour ce Tribunal. Si
4 nécessaire, nous pouvons demander de toute façon au CLSS de certifier une
5 traduction et de nous donner une interprétation d'une traduction bien
6 précise.
7 L'objection soulevée par le Procureur portait sur le rapport qui,
8 uniquement, selon lui, n'était pas fondé à poser cette question. Est-ce que
9 vous nous dites que c'est la question du Procureur qui a provoqué le type
10 de questions que vous posez en ce moment ?
11 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Ce que j'essaie de dire, c'est qu'on
12 a d'abord touché l'enfant, ensuite la mère et pas l'inverse. C'est le but
13 de l'exercice.
14 [La Chambre de première instance se concerte]
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons demander au greffier
16 d'audience de demander au CLSS de fournir une traduction officielle du
17 passage pertinent.
18 Vous pouvez continuer, Maître Tapuskovic.
19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais attirer
20 l'attention du témoin, justement parce qu'il était là pour relever les
21 indices, de revenir sur la quatrième page pour que l'on voie bien qu'il a
22 participé au travail de l'équipe puisque ceci n'est pas montré sur l'écran.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Montrez-nous la quatrième
24 page, s'il vous plaît.
25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
26 Q. Monsieur le Témoin, veuillez examiner la fin de ce paragraphe, le
27 paragraphe le plus long sur cette page. Je vais vous lire ce qui est écrit.
28 "Peu de temps après l'incident, deux blindés transport de troupes du
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1 Bataillon français de la FORPRONU avec les plaques d'immatriculation UMPF
2 15225 et UMPF 841 sont venus sur place assez rapidement dans la rue de
3 Franje Rackog."
4 Est-ce bien cela qui est écrit ?
5 R. Oui.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Attendez quelques instants.
7 Apparemment, les interprètes n'ont pas vu le texte.
8 Vous pouvez continuer.
9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
10 Q. Est-ce que c'est comme cela que les choses se sont produites ?
11 R. Oui.
12 Q. Nous allons faire l'impasse même si l'on peut lire cela aussi. Donc on
13 va passer sur le paragraphe suivant.
14 "A l'endroit où la femme et l'enfant ont été blessés, il y avait une mare
15 de sang et les membres de la FORPRONU, qui sont venus par la suite sur
16 place, l'on lavée d'abord et on versé de la terre là-dessus avant l'arrivée
17 de la commission d'enquête."
18 Est-ce bien cela qui est écrit ici ? Est-ce que les choses se sont
19 produites comme cela ?
20 R. Je ne me souviens pas de ces détails. C'est vrai qu'il y avait une
21 tache de sang. Ce n'était pas vraiment une mare, c'était une petite flaque.
22 Je ne me souviens pas s'ils l'ont lavée ou non.
23 Q. Monsieur le Témoin, je suis sûr que la FORPRONU n'a pas fait cela. Je
24 pense que ce sont les membres de votre équipe qui ont fait cela, ensuite
25 ils ont jeté le blâme sur la FORPRONU; est-ce exact ?
26 R. Non, ce n'est pas possible.
27 Q. Pourquoi ?
28 R. Parce qu'il y avait beaucoup d'activités là-bas. C'était très difficile
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1 de rester sur place, c'était très difficile de procéder à une enquête
2 quelconque, y compris de laver ou de verser de la terre, puisqu'on tirait
3 très fort de Metalka et d'autres bâtiments au-dessus de Metalka. C'étaient
4 des activités de tireurs embusqués qui tiraient sans trêve.
5 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur Tapuskovic. Si
6 je vous ai bien compris, vous soutenez que ce témoin a participé à la
7 falsification d'un rapport public. Je pense que vous devez avoir une très
8 bonne base pour dire cela et je vous le demande, je vous demande de fournir
9 ces éléments à la Chambre.
10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Soit c'est la FORPRONU qui a falsifié les
11 rapports en effaçant les traces, soit c'est quelqu'un de l'équipe qui a
12 fait l'enquête au sein de laquelle travaillait le témoin qui a falsifié les
13 documents. L'un des deux est exact. Mais je considère que la FORPRONU
14 n'aurait jamais fait une chose pareille, et c'est pour cela que je pense
15 que ce sont les gens qui ont fait l'enquête qui ont fait cela, donc cette
16 équipe a fait cela, ensuite ils ont jeté le blâme sur la FORPRONU. Cela
17 étant dit, quelle que soit la partie ou quelle que soit l'équipe qui a fait
18 cela, ce n'est pas bien puisque ceci nous empêche de connaître la vérité.
19 On a effacé les traces.
20 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Monsieur Tapuskovic, c'est ce que
21 j'essaie de vous dire, c'est que vous n'avez pas le droit de faire entendre
22 que le témoin a participé à une activité illégale. Vous n'avez pas le droit
23 de faire cela au cours de votre contre-interrogatoire. Il me semble qu'en
24 prétendant que le témoin a participé à la falsification d'un rapport public
25 ou en dissimulant la vérité, vous impliquez de façon assez directe que le
26 témoin a fait une infraction à la justice. A moins que vous n'ayez une
27 preuve solide de cela, je propose que vous abandonniez ce cours, cette
28 allégation.
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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge Harhoff, j'essaie de dire
2 que ce qu'on a fait, c'est qu'on s'est joué de la vérité. C'est ce que
3 j'essaie de dire, et je le dis en toute responsabilité. On ne peut pas
4 interpréter cela différemment. C'est exactement ce que vous avez dit. On ne
5 peut pas expliquer cela différemment. Il serait encore plus dur de
6 constater que c'est la FORPRONU qui a effacé les traces. Je n'y crois pas
7 un instant.
8 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous pouvez continuer.
9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ne veux pas présenter à ce témoin un
10 document qui nous a été présenté par la suite. C'est un certificat médical,
11 mais nous allons avoir le temps de nous en occuper. Le Procureur a réussi à
12 trouver ce document après avoir interrogé un certain nombre de témoins par
13 rapport à cet incident, mais je ne veux pas le présenter immédiatement.
14 C'est le Procureur qui, par le biais de ses enquêteurs, a réussi à trouver
15 ce document et nous l'a procuré. Mais je ne veux pas le présenter
16 maintenant par le biais de ce témoin. Je le présenterai par la suite.
17 Q. Monsieur le Témoin, avez-vous des connaissances au sujet de l'incident
18 qui s'est produit le 21 novembre 1994, puisque vous vous occupiez des
19 tireurs embusqués quand devant un tram -- un obus est tombé ou quelque
20 chose d'autre ? Est-ce que vous vous souvenez de cela ? A cette occasion-
21 là, il n'y avait que le chauffeur qui a été blessé.
22 R. Non. Je n'arrive pas à me rappeler de cela.
23 Q. Est-ce que vous savez quelle est la portée d'un fusil lance-grenades ?
24 R. Non.
25 Q. Puisque vous ne savez rien à ce sujet, je ne veux pas vous poser
26 d'autres questions à ce sujet. Mais je pense que vous connaissez le livre
27 écrit par Sefer Halilovic. Il était le chef d'état-major principal. J'ai
28 demandé la traduction de ce livre. Est-ce que vous l'avez lu ? Il a été
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1 publié en 1998.
2 R. Non, je ne l'ai pas lu.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Témoin, pourriez-vous
4 vous rapprocher du micro, s'il vous plaît, puisque les interprètes ont
5 vraiment du mal à vous entendre.
6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
7 Q. Nous avons parlé d'une enquête, Monsieur le Témoin, à laquelle vous
8 avez pris part. Hier, vous avez répondu à une question posée par le
9 Procureur et vous lui avez confirmé que vous avez participé à un grand
10 nombre d'enquêtes.
11 R. Oui, c'est exact.
12 Q. N'est-il jamais arrivé, quel que soit l'incident, l'incident que nous
13 avons évoqué tout à l'heure, l'incident de Markale 1 ou 2 ou n'importe quel
14 autre incident grave, par exemple, l'incident à l'école élémentaire de
15 Simone Bolivar - vous en avez entendu parler à la télé - il y a aussi eu
16 cet incident où le bâtiment de la télé a été touché, est-il jamais arrivé
17 que les représentants de l'armée de la Republika Srpska participent aux
18 enquêtes ? Est-ce que ceci a jamais été permis ?
19 R. Ce n'est pas une question d'autorisation. Ils n'ont jamais demandé à
20 participer à cela. Ils n'étaient pas intéressés. C'était complètement
21 illusoire, vu les circonstances, que de les avoir là à participer aux
22 enquêtes. Vous savez, vous pilonnez une ville pendant trois années, ensuite
23 vous leur demandez de venir faire des enquêtes, puis en bout de compte, il
24 y avait les membres de l'ONU qui étaient là et qui procédaient à ce genre
25 d'enquête.
26 Que je sache, une telle demande n'a jamais été formulée par les Serbes. Ils
27 n'ont jamais demandé à participer à ces enquêtes. La même question a été
28 posée pendant que je déposais au sujet de Markale 1, mais que je sache,
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1 jamais une telle demande n'a été formulée par les Serbes. Ils n'ont jamais
2 demandé à participer à une quelconque enquête.
3 Q. Sinon, est-ce que vous auriez permis aux Serbes de participer à
4 l'enquête par rapport à un quelconque de ces incidents ?
5 R. Oui.
6 Q. Dans ce cas, ils auraient pu prendre les mesures adéquates contre les
7 gens responsables de ces incidents ?
8 R. Exact.
9 Q. Savez-vous quoi que ce soit à ce sujet, à savoir que pour les besoins
10 de sécurité on demandait aux passants dans la rue de présenter leurs pièces
11 d'identité, quel que soit le côté où ils se trouvaient ?
12 R. Oui. Il y avait les couvre-feux. Je pense que c'était à
13 8 heures ou 10 heures du soir. Justement, c'est pour cela qu'on procédait à
14 une vérification d'identité de tous les gens qui s'y trouvaient.
15 Q. Vous avez dit entre 6 heures du matin, 6 ou 5 heures du matin ? Ce
16 n'est pas la nuit.
17 R. J'ai dit entre 10 heures du soir et 5 ou 6 heures du matin.
18 Q. Est-ce que vous savez si on a procédé à la vérification de l'identité
19 des Serbes qui, après avoir montré leurs pièces d'identité, une
20 cinquantaine de mètres plus, avaient été tués ou touchés par les balles du
21 tireur embusqué ?
22 R. Non, je ne suis absolument pas au courant de tels incidents.
23 Q. Hier, vous avez parlé de Markale 2.
24 R. Oui.
25 Q. Je voudrais tout d'abord vous montrer votre déposition en date du 21
26 décembre 2001.
27 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est le document D00-0861. Pour gagner du
28 temps, je vais vous présenter un seul passage de ce document.
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1 Q. Est-ce bien votre déclaration préalable ?
2 R. Oui. Je l'ai signée.
3 Q. Bien. Il s'agit de la deuxième page de ce document qui se lit comme
4 suit. Il s'agit du troisième paragraphe : "Les constats concernant les cas
5 de pilonnage qui ont eu lieu pendant la guerre, souvent comprenaient le
6 rassemblement des éclats d'obus et d'autres restes de munitions, les photos
7 prises sur place, les dessins faits de la scène du lieu du pilonnage, et
8 cela comprenait d'autres techniques qui consistaient à réunir des preuves."
9 R. Oui.
10 Q. Ensuite, au niveau du paragraphe suivant, vous dites : "Je n'ai pas eu
11 de formation professionnelle quant à la façon de mener les enquêtes dans le
12 cas de pilonnage d'artillerie et de lance-roquettes."
13 Est-ce que ce qui figure dans ces deux paragraphes est exact ?
14 R. Oui.
15 Q. Comment se fait-il alors que vous avez été en mesure de réunir des
16 preuves par rapport à ces incidents alors que vous n'avez suivi aucune
17 formation que ce soit ?
18 R. Quand vous arrivez sur place, vous y trouvez soit l'obus, soit les
19 ailerons, soit une balle destinée à percer le gilet pare-balles. On
20 réunissait toutes les preuves trouvées. Si vous trouvez sur place un
21 morceau de fer aigu de forme irrégulière, vous n'avez pas besoin de suivre
22 une formation extraordinaire pour comprendre que ce sont les éléments
23 importants pour le lieu du crime. C'est ce que nous faisions.
24 Nous n'avions pas à faire des enquêtes dans le cadre des incidents
25 importants. Nous ne faisions des enquêtes qu'au niveau des incidents qui
26 comprenaient des dégâts matériels. Il n'y a pas eu de pertes de vie lors de
27 telles enquêtes auxquelles j'ai participé, et quand il s'agissait de gros
28 incidents tels que Markale 1, 2, Dobrinja, et cetera, ce sont de vrais
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1 experts qui ont participé à ces enquêtes.
2 Q. Est-ce qu'on peut en arriver à la conclusion que vous n'aviez aucune
3 connaissance en armes ?
4 R. Effectivement, nous n'étions pas vraiment formés pour cela.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez cité quelques phrases du
6 rapport, donc vous avez cité la phrase suivante : "Puisque c'était
7 difficile d'organiser une formation proprement dite pendant la guerre, je
8 n'ai pas suivi de formation professionnelle quand il s'agit d'enquêter dans
9 les incidents de pilonnage et d'artillerie." Il y a peut-être une petite
10 différence entre la traduction en anglais et en B/C/S puisqu'on parle
11 d'enseignement ou formation.
12 Je voudrais savoir s'il s'agit vraiment "d'enseignement" ou de "formation",
13 de quoi il s'agit vraiment.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.
15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
16 Q. Vous expliquez de quelle façon vous avez été formé. Vous dites :
17 "Cependant, j'ai eu l'occasion de me présenter à de nombreux endroits où
18 j'ai pu observer les officiers pour suivre l'enquête. J'ai observé les
19 techniques utilisées, et c'est comme cela que j'ai appris à participer et
20 mener à bien de telles enquêtes."
21 Est-ce que c'est comme cela que vous avez été formé à faire votre travail,
22 que vous avez appris à faire votre travail ?
23 R. Oui, nous étudiions la façon dont l'armée faisait son travail pour
24 arriver à déterminer l'axe, la direction des tirs. Ensuite, nous avons pu
25 voir qu'il y avait des différences par rapport aux traces laissées par
26 différents types d'obus, et cetera. C'est comme cela que nous avons été
27 formés sur les champs. Nous avons appris à faire la différence entre les
28 obus tirés par les lance-roquettes, par les chars, et cetera.
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1 Q. Après une telle formation, vous avez pu participer aux enquêtes telles
2 que l'enquête menée au niveau de Markale 1 le 5 février 1994. Vous
3 l'évoquez dans le paragraphe suivant.
4 R. Oui.
5 Q. Je vois que dans ce même paragraphe, vous dites, à cette occasion-là :
6 "Quand je suis arrivé sur place, tous les blessés avaient déjà été
7 évacués."
8 Voici ma question : telle était la situation le 5 février 1994, mais telle
9 était aussi la situation le 28 août 1995; est-ce exact ?
10 R. Oui.
11 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vais demander que l'on verse au dossier
12 ce document, à savoir D00-0861.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, ce document a été versé au
14 dossier.
15 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D77, Monsieur le
16 Président.
17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Le document suivant, c'est le document
18 DD00-0851. C'est votre déclaration préalable fournie le
19 25 avril 2006.
20 Q. Je ne vais pas vous montrer la première page pour ne pas devoir passer
21 à huis clos partiel, à moins que ceci ne soit absolument indispensable.
22 Est-ce que vous vous souvenez si vous avez fait votre déclaration ce jour-
23 là, à savoir le 25 avril 2006 ?
24 R. Oui, je pense que oui.
25 Q. Nous allons passer immédiatement à la deuxième page. C'est une
26 déclaration qui est très brève.
27 Vous le voyez, n'est-ce pas ?
28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Le deuxième paragraphe.
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1 Q. "Je considère que le 28 août 1995, le matin ou la veille, il n'y a pas
2 eu d'autres obus qui sont tombés sur le marché de Markale."
3 Est-ce bien cela qui est écrit dans le texte ?
4 R. Oui.
5 Q. Est-ce que cela veut dire qu'un seul obus est tombé ?
6 R. Oui, il n'y a qu'un seul obus qui est tombé sur Markale.
7 Q. Est-ce qu'il y a eu d'autres obus qui ont été tirés ailleurs, qui sont
8 tombés ailleurs ?
9 R. Non, je ne suis pas au courant de cela. Je ne pense pas.
10 Q. Ce matin-là vous n'avez pas entendu, vous n'avez pas vu d'autres obus
11 tombés mis à part le seul et unique obus qui est tombé sur Markale ?
12 R. Vu qu'il y avait des obus qui tombaient pratiquement tous les jours,
13 peut-être qu'il y en a eu, c'est possible, mais je ne les ai pas
14 répertoriés. Quand on a demandé que l'équipe se réunisse pour se rendre à
15 Markale 1, c'est là que j'ai appris.
16 Q. Qu'est-ce que vous avez appris au sujet de cet unique obus qui est
17 tombé ?
18 R. Nous étions dans nos bureaux. Vous entendez des explosions mais vous ne
19 pouvez pas savoir où cela tombe, dans quelle partie de la ville. Comme
20 c'était assez près, nous avons entendu l'explosion. Vous avez un, deux,
21 trois, quatre explosions mais vous ne sortez pas, vous ne quittez pas votre
22 bureau.
23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vais demander que l'on place sur
24 l'écran la photo numéro 1 qui fait partie du document
25 65 ter 00129.
26 Q. Est-ce que vous voyez cette photo ? Quand vous êtes arrivé sur place,
27 vous avez pris cette photo parmi d'autres photos.
28 R. Oui. C'est en direction de Titova -- enfin, c'est pris depuis Titova en
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1 direction de Bascarsija.
2 Q. A quelle distance par rapport à ce véhicule l'obus est tombé ?
3 Pourriez-vous nous montrer où il est tombé ?
4 R. [Le témoin s'exécute]
5 Q. Ici on voit une moto tombée. Pouvez-vous nous expliquer comment il est
6 possible que de ce côté-ci sur la droite, il n'y ait pas la moindre trace
7 d'impact ?
8 R. C'est un véhicule officiel, un véhicule de notre unité qui est venu
9 avec tout le matériel.
10 Q. Je comprends.
11 Dans la question précédente, la question était de savoir comment il était
12 possible que sur cette voiture à droite il n'y ait pas de trace.
13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on regarde maintenant la
14 photo qui se trouve derrière vous. Je n'en connais pas exactement le
15 numéro.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est votre question ?
17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on voie la photo à
18 l'écran.
19 Q. Quoi qu'il en soit, hier, Monsieur, vous nous avez dit qu'il y avait
20 des éclats d'obus dans le mur sur la droite.
21 R. Oui, effectivement, on les aperçoit ici.
22 Q. Regardez à gauche il n'y a rien, il n'y a pas le moindre éclat. A
23 l'extrême gauche rien, pas la moindre trace.
24 R. Cela aurait été impossible. Voilà. Ici la sortie, et c'est là que les
25 corps se trouvaient. Ils étaient ici. La détonation a causé des dommages.
26 En fait, ils ont un peu fait obstruction, ce qui a empêché les éclats
27 d'aller vers la gauche. Si vous regardez ce qui est à l'écran, vous verrez
28 que sur la gauche vers le haut, il y a des dommages très importants, comme
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1 je l'ai expliqué hier d'ailleurs. La partie supérieure du bâtiment vous le
2 voyez. Je vous ai expliqué la dynamique en quelque sorte du phénomène qui a
3 provoqué tous ces dommages. S'agissant de cette partie ici, il y a très peu
4 de dommages, effectivement.
5 Le bâtiment de l'autre côté du marché a été endommagé dans sa partie
6 supérieure. Vous voyez la dynamique. Voici ici des dégâts tous provoqués
7 par les éclats des projectiles, et c'est ce que j'ai expliqué hier. Si le
8 projectile était tombé ici, et bien, les éclats partiraient dans cette
9 direction provoquant des blessures, des lésions aux personnes qui s'y
10 trouvaient. Vous voyez ensuite où finissent les éclats sur ce bâtiment, on
11 le voit bien sur cette photo.
12 Q. J'aimerais vous poser une autre question. Regardez sur la droite, il
13 n'y a que quelques éclats à peine. Je n'en ai pas vu d'autres de l'autre
14 côté; peut-être que vous oui.
15 R. La concentration est identique à l'autre.
16 Q. Savez-vous que ce type de projectile peut produire entre 3 000 et 4 000
17 éclats ?
18 R. Oui.
19 Q. Comment est-il possible que sur ce mur-là, particulièrement sur la
20 gauche où l'on voit des taches de sang, parmi les 4 000 éclats il n'y en a
21 que quelques-uns ? Comment expliquez-vous cela ?
22 R. La raison à cela était qu'il y a eu 35 personnes qui ont été tuées sur
23 le coup et 30 personnes ont ensuite succombé à leurs blessures, puis 40
24 personnes en plus ont subi des lésions.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi, je n'ai pas compris.
26 Comment ceci explique-t-il le fait qu'il n'y ait pas d'éclats de projectile
27 sur la gauche ? Le fait que 35 personnes aient été tuées, que 30 personnes
28 aient ensuite succombé à leurs blessures, et cetera.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai essayé de l'expliquer. Là c'est l'entrée
2 où il y avait un groupe très important de piétons. Il est donc logique que
3 les gens qui se trouvaient dans ce coin-là - c'est là d'ailleurs que les
4 corps étaient - c'est pour cela qu'on ne voit pas de sang. Il est tout à
5 fait logique qu'il y ait très peu de dommages et de dégâts sur le mur.
6 Toutefois, sur la droite, ici et ici, il y en a un peu plus, ce qui veut
7 dire que la majorité des éclats est venue s'incruster dans les corps des
8 gens.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois. Pourriez-vous, s'il vous
10 plaît, nous indiquer un éclat de projectile sur ce dessin, ce croquis qui
11 est derrière vous ? Parce que de l'endroit où je me trouve, je ne les vois
12 pas.
13 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, d'accord. C'est un éclat qui se
15 trouve dans le mur, en fait.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est dans le mur. Il y a l'impact, et
17 cet éclat d'obus, on voit bien que ce sont des marques récentes d'un
18 morceau de métal de mortier.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Alors l'explication des raisons pour
20 lesquelles il y a moins d'éclats sur la gauche, c'est qu'en réalité les
21 éclats sont venus se loger dans le corps des victimes; c'est cela ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, un nombre considérable.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Hm-hm.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons rassemblé beaucoup d'éclats de cet
25 obus.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Docherty, allons-nous
27 entendre des dépositions de nature médicale sur cette situation-là ?
28 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui, oui. Il y a les rapports d'autopsie des
Page 2613
1 victimes. Même si nous n'avions pas nécessairement l'intention de les
2 présenter, nous le ferons tout de même.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic.
4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
5 Q. Monsieur le Témoin, le témoin précédent ainsi que tous les autres et
6 vous-même d'ailleurs avez dit qu'il y avait par projectile 3 à 4 000
7 éclats. Mais il n'y avait pas 3 à 4 000 personnes. Nous avons déjà établi
8 le nombre de personnes qui se trouvaient là. Alors où sont passés ces 20
9 000 éclats approximativement ?
10 R. Cela ne veut pas dire que chaque éclat de projectile s'est logé dans un
11 corps, dans un individu. Cela ne veut pas dire que les corps ont absorbés
12 tous les éclats d'obus. Le fait est que nous avons trouvé de nombreux
13 éclats sur les lieux, on le voit dans la photo. Où est passé le reste, je
14 n'en sais rien, croyez-moi.
15 Q. En réponse à une question du Président, vous avez expliqué pourquoi ces
16 deux bicyclettes étaient encore debout et vous avez dit que des gens se
17 tenaient debout devant elles, n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. C'est exact ?
20 R. Oui.
21 Q. Vous avez dit également qu'il y avait les stands qui étaient là et
22 qu'il y avait des vendeurs de cigarettes de ce côté-là ?
23 R. Non, non, il n'y avait pas de stands. Les gens étaient là debout et ils
24 vendaient un certain nombre de biens, de produits, du beurre, du sucre, et
25 cetera.
26 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'aimerais que vous montriez les photos 2,
27 3, 4 et 5, vous verrez à ce moment-là des morceaux de membres qui vous
28 montreront que des gens se trouvaient là, qu'il y a eu déchirement de
Page 2614
1 tissus et que c'est ce qui explique la quantité inférieure de dégâts de ce
2 côté. Toutefois, évidemment, les membres des personnes qui se trouvaient là
3 ont été plus endommagés. Donc j'aimerais que vous montriez les photos 2, 3,
4 4 et 5. Si le Procureur en décide ainsi, vous pourrez le faire tout à
5 l'heure.
6 Q. Expliquez-moi : s'il y avait tant de gens qui vendaient des cigarettes
7 et d'autres produits à ce moment-là, est-ce que cela veut dire que ces
8 produits qui étaient vendus par les gens qui se trouvaient sur les lieux
9 ont été retirés par la suite ?
10 R. Non. Vous voyez ici un certain nombre de cigarettes.
11 Q. Très bien. Mais où sont ces morceaux de dépouilles ? Où sont-ils sur
12 cette photo ? Pouvez-vous au moins m'en indiquer un ?
13 R. Je crois que c'est une jambe ici, un pied; voici un autre pied. Je
14 crois qu'il y a ici un autre bout de membre, mais je n'en suis pas tout à
15 fait sûr. Si je me souviens bien, c'étaient les numéros 2, 3, 4, 5 et peut-
16 être 6 qui indiquaient l'emplacement de morceaux de corps humains et de
17 tissus.
18 Q. Ma question est la suivante : pourquoi les gens qui étaient morts déjà
19 à ce moment-là ont-ils été emmenés des lieux où ils ont été tués avant
20 votre arrivée ?
21 R. Les morts ont été emmenés à la morgue. On ne pouvait pas les laisser
22 gisant dans la rue pendant deux ou trois heures tandis que les blessés
23 étaient pris en charge. C'était tout à fait logique. Je pense que c'était
24 la chose normale à faire.
25 M. DOCHERTY : [interprétation] Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Docherty.
27 M. DOCHERTY : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre, mais avant que le
28 conseil poursuive, je demanderais à ce que l'on conserve la photo sur
Page 2615
1 l'écran. J'aimerais demander le versement au dossier de cette pièce dans le
2 cadre du contre-interrogatoire ou dans le cadre des questions
3 supplémentaires, si c'est nécessaire, et j'aimerais que l'on conserve cette
4 photo avec les annotations telles que vient de les faire le témoin.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Le greffier d'audience va s'en
6 charger.
7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'aimerais accélérer mon contre-
8 interrogatoire pour en terminer avant la pause.
9 J'aimerais que l'on regarde la photo numéro 8.
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] N'oubliez pas de conserver un
11 instantané de cette photo avant de passer à l'autre.
12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Cela pourrait également être versé au
13 dossier en tant que pièce de la Défense; il n'y a pas d'objection.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
15 M. DOCHERTY : [interprétation] Peu importe du moment que ceci figure au
16 dossier.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Merci de faire preuve de cet
18 esprit de coopération. Nous allons verser ce document en tant que pièce
19 dont la cote sera --
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Dont la cote sera D78, Monsieur le
21 Président.
22 M. DOCHERTY : [interprétation] et merci à Me Tapuskovic d'avoir fait cette
23 proposition.
24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
25 Q. Monsieur le Témoin, d'après la photo et ce que vous nous avez montré
26 sur cette photo, serait-il correct d'affirmer que les caractéristiques de
27 ce projectile sont une répartition selon une forme d'entonnoir ?
28 R. Oui. On voit une concentration plus forte ici.
Page 2616
1 Q. Je vous demande maintenant quelque chose qui n'a rien à voir. Je vous
2 dirais que la manière dont se dispersent les éclats se fait selon une forme
3 d'entonnoir, donc en quelque sorte ces éclats montent dans les airs en
4 s'écartant. Peut-être que je me trompe.
5 R. Oui, vous vous trompez.
6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Maître Docherty. J'aurais oublié de
7 demander le versement au dossier de cette photo.
8 J'aimerais maintenant que l'on passe à la photo numéro 8. La voici.
9 Q. Connaissez-vous les principes fondamentaux et l'obligation de n'altérer
10 aucun site ou aucun lieu où une explosion ou un événement de ce genre s'est
11 produit ?
12 R. Oui, ceci était au cours de l'enquête. Nous avons photographié les
13 lieux tels que nous les avons trouvés en y arrivant. Il y avait beaucoup
14 d'éléments matériels sur place. Il était impossible de déterminer de façon
15 tout à fait définitive la direction d'où était venu le projectile. Puis,
16 conformément à la procédure type, nous avons poursuivi notre activité en
17 dégageant les gravats de manière à ce que nous puissions déterminer de
18 manière claire de quelle direction était provenu le projectile.
19 Q. C'est bien là l'objet de ma question. Pourquoi avez-vous fait quoi que
20 ce soit ? Pourquoi avoir dégagé les lieux avant l'arrivée du juge chargé de
21 l'instruction ?
22 R. Non, non, pas du tout. On ne peut pas entamer une enquête sur les lieux
23 en l'absence du juge, en l'occurrence du juge d'instruction. Ils nous ont
24 donné le feu vert nous permettant de poursuivre l'enquête. Personne ne
25 pouvait procéder à ce genre d'enquête sans obtenir d'abord un signal de la
26 part du juge.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Témoin, la question qui
28 vous a été posée par le conseil était la suivante : pourquoi avoir dégagé
Page 2617
1 les lieux avant l'arrivée du juge d'instruction ? La question n'était pas
2 de savoir si oui ou non vous avez entamez l'enquête sans l'autorisation du
3 juge d'instruction, mais la question, je le répète, était de savoir
4 pourquoi vous avez dégagé les lieux avant l'arrivée du juge ? Qu'avez-vous
5 à répondre ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, ce n'est pas vrai. Nous n'avons pas
7 dégagé les lieux en l'absence du juge. Le juge était là.
8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
9 Q. Je ne trouve pas la déclaration que vous avez faite hier, mais je
10 comprends votre réponse. Le témoin qui a déposé juste avant vous, à la page
11 2 415, lignes 12 à 15, a dit que la première chose consistait à localiser
12 l'aileron de stabilisation du projectile afin d'en déterminer la nature.
13 Dans la plupart des cas, nous avons trouvé l'indication de l'origine, du
14 fabricant de Serbie, telle que KV qui est "Kraljevo" en serbe.
15 Ma première question est la suivante : l'ABiH avait-elle en sa possession
16 ce type de projectile ?
17 R. Je n'ai pas eu connaissance de la nature des armes dont disposait
18 l'ABiH. J'étais policier et je me contentais de procéder à des activités
19 policières. Je n'étais pas membre de l'ABiH.
20 Q. J'aimerais vous demander autre chose s'agissant de cet aileron de
21 stabilisation. Il a été récupéré à la distance que vous avez déjà précisée.
22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on examine la photo 28 --
23 non, sur la 26 on verra mieux.
24 Q. Hier, vous avez dit que cette pièce de stabilisation indiquait assez
25 bien de quelle direction provenait le projectile. Vous avez dit qu'elle
26 avait été aplatie.
27 R. Oui.
28 Q. Vous avez présumé que certaines personnes l'avaient peut-être changé de
Page 2618
1 place, peut-être pour essayer de l'emmener et de le garder comme un
2 souvenir en quelque sorte.
3 R. Oui, cela aurait tout à fait pu se produire parce qu'il y a eu un
4 mouvement de foule. Il y avait tellement de blessés et de gens dont il
5 fallait s'occuper. C'était un objet qui pouvait être déplacé, qui se
6 trouvait à 25 ou à 30 mètres de la scène. C'est là qu'on l'a trouvé mais
7 nous ne l'avons pas déplacé nous-même.
8 Q. Vous savez qu'à Markale 1, cet aileron se trouvait dans le cratère
9 même.
10 R. Oui, il était logé dans l'asphalte. Disons qu'il avait pénétré la fine
11 couche d'asphalte et qu'il s'était incrusté dans le sol qui se trouvait en
12 dessous.
13 Q. Oui, mais c'est la même surface; ce n'est pas très loin.
14 R. Non. Ici, vous avez deux ou trois couches. C'est une rue très
15 fréquentée avec beaucoup de circulation. Il y a des camions lourds qui
16 passent par là. Le projectile aurait eu du mal à pénétrer la couche
17 importante d'asphalte.
18 Q. Avant l'explosion, il n'y avait pas de trams, n'est-ce pas, qui
19 empruntaient cette avenue. Il y avait des voitures, des bus et des piétons
20 qui empruntaient cet axe en général, n'est-ce pas ?
21 R. Oui, il me semble qu'il y avait des trams, mais de temps en temps
22 seulement et selon la situation.
23 Q. Cela veut dire que les gens ne se tenaient pas debout sur la chaussée ?
24 R. Oui.
25 Q. Alors, comment est-il possible qu'il n'y ait pas eu le moindre
26 véhicule, une voiture, un autobus ? Vous l'avez dit, c'est un axe
27 fréquenté. Comment se fait-il qu'aucun n'ait été touché ? Comment
28 l'expliquez-vous ?
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1 R. Il y a eu un motard qui a été touché qui empruntait en ce moment même
2 la rue. Ce n'était pas aussi fréquenté que vous ayez des véhicules à la
3 queue leu leu. Je dirais qu'il y avait quelques véhicules qui passaient à
4 un moment donné dans cette rue.
5 Q. Tous les gens se trouvaient sur le trottoir qui fait à peu près 1 à 1
6 mètre et demi de large.
7 R. Deux mètres et demi.
8 Q. Serait-il exact de dire que du fait de la qualité du matériau utilisé
9 pour fabriquer cet aileron, il serait difficile d'envisager que celui-ci
10 soit déformé par une voiture ? Pour l'aplatir de la sorte, il faudrait un
11 tracteur au moins, n'est-ce pas ?
12 R. Je ne crois pas que ces ailerons soient aussi robustes que cela. Je
13 pense qu'ils font 0,6 à 1 millimètre d'épaisseur. Je pense oui, un véhicule
14 pourrait facilement l'aplatir.
15 Q. Pour ne pas m'attarder davantage sur ce point pour l'instant, je vais
16 faire part de mon opinion. Je pense que ce projectile a été placé à dessein
17 sur place et que d'une manière ou d'une autre, il a explosé ou dont on a
18 déclenché l'explosion.
19 R. Non, c'est absolument impossible.
20 Q. Je dirais également qu'il est possible que seules quelques personnes
21 qui se trouvaient là aient été victimes de l'explosion de ce projectile
22 alors que les autres ont été amenées sur place, après l'explosion.
23 R. Non, ce n'est pas vrai.
24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] D'où les auraient-on amenés, Maître
26 Tapuskovic ? J'essaie de comprendre votre argument.
27 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Il s'agissait des gens qui avaient été
28 tués au combat et que l'on a par la suite emmenés à l'endroit où l'on garde
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1 habituellement les cadavres avant de les enterrer. Il est tout à fait
2 certain qu'il aurait été impossible qu'autant de personnes soient victimes
3 d'une telle explosion. On nous a parlé de 30 victimes sur place, 60, 30
4 morts sur le coup et
5 30 succombant par la suite. L'acte d'accusation parle de 30 ou de
6 43 cadavres résultant de cet incident.
7 S'agissant de cet incident en particulier, je vous ai fait part de cet
8 argument, de ce qui s'est véritablement passé. Je ne parlerai pas d'autres
9 incidents que ceux dont nous avons parlé jusqu'à présent, incidents au
10 cours desquels la même pratique aurait été suivie.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Lorsque vous parlez de l'endroit où
12 les cadavres sont conservés avant leur enterrement, vous parlez de morgue ?
13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Effectivement.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous dites qu'ils ont été emmenés de
15 la morgue et qu'ils ont été placés sur la scène de cet incident; c'est
16 cela ?
17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui, avant d'être retirés de ce même lieu
18 rapidement pour éviter que l'on tente d'établir l'heure de la mort et pour
19 d'autres raisons que vont évoquer les témoins experts. Je crois que
20 l'Accusation n'a pas réussi à nous montrer les corps sur les lieux. Or, un
21 incident tel que celui-ci, normalement, n'aurait pas pu tuer plus de dix
22 personnes, à moins que tous ces gens se soient trouvés dans un même
23 périmètre extrêmement restreint, dans un même groupe.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bien. Merci.
25 Monsieur Docherty, vous avez la parole.
26 M. DOCHERTY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
27 Ce que je me propose de faire simplement, c'est de dire à la Chambre sur
28 quelles photos on voit différentes parties de corps humains plutôt que de
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1 montrer ces différentes photos au témoin les unes après les autres. Si vous
2 êtes d'accord, je vous communiquerai simplement le numéro e-court plutôt
3 que de procéder à un échange question et réponse avec le témoin. Je
4 voudrais simplement que l'on évite de montrer à l'écran des photos qui,
5 pour certaines, sont terribles.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, je ne tiens pas nécessairement
7 à voir ces photos atroces, mais si vous souhaitez apporter un certain
8 nombre d'éléments de preuve, c'est à vous de voir si vous devez les montrer
9 ou pas.
10 M. DOCHERTY : [interprétation] Je comprends. J'aimerais attirer votre
11 attention sur les pages e-court suivantes. Elles font partie de cet
12 ensemble de photographies.
13 Page 10 d'e-court, on y voit différents pieds humains. L'on voit le signe
14 "2" de la police juste à côté. Ceci vous permet de localiser les choses.
15 Nous avons également la page 11 e-court, on voit un pied humain et on y
16 voit le numéro 3 de la police. A la page 12 d'e-court, on y voit la
17 plaquette numéro 5. A la page 14 du système e-court, on y voit la plaquette
18 numéro 4. A la page 15 du système e-court, la plaquette de la police porte
19 le numéro 5.
20 Je n'aurai plus que quelques questions à poser au témoin.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
22 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Docherty, je regrette, mais
25 je tiens à vous dire que cette procédure officieuse ne satisfait pas aux
26 exigences de la procédure. Si vous allez nous demander de regarder ces
27 photographies et d'en tirer des conclusions qui iront dans le sens de votre
28 argument, il faut absolument les verser au dossier.
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1 M. DOCHERTY : [aucune interprétation]
2 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
3 M. DOCHERTY : [interprétation] Si, elles sont versées au dossier. Je ne
4 suis pas très clair sans doute. Il y a un dossier avec 44 photographies qui
5 faisaient partie de la pièce 129 de la liste 65 ter. J'ai demandé qu'elles
6 soient versées au dossier. Il y a, bien sûr, une sélection de ces photos,
7 il y a le montage, par exemple, où nous voyons le témoin. Il y a la
8 photographie du bâtiment avec les bicyclettes qui y sont adossées. Je n'ai
9 pas montré les 44 photographies. Ce sont 44 photos que le témoin a bel et
10 bien prises ce jour-là à Markale. Je ne veux pas les montrer. Je le ferai,
11 s'il le faut.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, si elles sont versées au
13 dossier, tout va bien dans ce cas-là.
14 C'est cela qui est essentiel.
15 Quelles sont les questions à poser ?
16 Nouvel interrogatoire par M. Docherty :
17 Q. [interprétation] Témoin, lors de votre contre-interrogatoire, Me
18 Tapuskovic vous a posé une question à propos des cigarettes et les autres
19 biens que les vendeurs étaient en train de vendre. Tous ces biens avaient
20 disparu, les cigarettes, et tout le reste. Vous souvenez-vous de votre
21 réponse, du moins de cette question et de votre réponse ?
22 R. Tous les effets qui ont été trouvés, c'est-à-dire les documents
23 officiels, et cetera, ont été emmenés par la police et ont été ensuite
24 rendus tout d'abord aux blessés ou alors aux familles des décédés.
25 M. DOCHERTY : [interprétation] Si nous pouvions regarder la photographie 13
26 du dossier photographique, j'ai une question à poser à ce propos, ensuite
27 la photographie 33 du dossier photographique qui se trouve dans le prétoire
28 électronique.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, vous avez une
2 question.
3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ne me demande combien de temps ces
4 questions supplémentaires vont prendre. Je sais que je ne pourrai pas
5 reprendre la parole. Je vous demande l'autorisation de m'absenter pour le
6 reste de l'audience, étant donné que ce sera ma consoeur qui va s'occuper
7 du témoin suivant.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui mais j'ai quelque chose à dire
9 avant de vous laisser partir.
10 [La Chambre de première instance se concerte]
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant que vous ne quittiez le
12 prétoire, Maître Tapuskovic, je tiens à faire savoir aux deux parties
13 quelle sera la procédure à suivre une fois la traduction obtenue du CLSS à
14 partir de ce passage qui posait problème. Quand nous aurons la traduction
15 officielle, je permettrai aux parties de présenter très rapidement leurs
16 arguments à ce propos.
17 Maintenant, vous pouvez partir, Maître Tapuskovic. Vous pouvez nous
18 quitter.
19 Monsieur Docherty, souvenez-vous que c'est l'heure de faire la pause.
20 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui, je n'ai plus qu'une question à poser à
21 propos de cette photo et une question à propos de la photo suivante et
22 c'est tout.
23 Q. Monsieur le Témoin, voyez-vous la photo à l'écran ?
24 R. Oui.
25 Q. Que voit-on à ce niveau à part du sang?
26 R. On voit des paquets de cigarettes qui sont éparpillés partout,
27 éparpillés sur la chaussée, sur le trottoir.
28 M. DOCHERTY : [interprétation] Si l'on pouvait maintenant voir la page 33
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1 du même document.
2 Q. Voyez-vous cette photo sur l'écran, Monsieur le Témoin ?
3 R. Oui. Il s'agit d'un portefeuille avec une carte d'identité, puis des
4 briquets. C'était très certainement les effets d'une personne qui vendait
5 des briquets.
6 Q. C'est bien vous qui avez pris cette photographie ?
7 R. Oui.
8 Q. Vous avez pris cette photo le 28 août 1995 au marché de Markale; c'est
9 cela ?
10 R. Oui, j'ai pris cela et j'en ai pris une douzaine d'autres identiques,
11 enfin de la même eau, si je puis dire.
12 M. DOCHERTY : [interprétation] C'est toutes les questions que j'avais à
13 poser. J'aimerais demander le versement au dossier du rapport de ce témoin
14 avec la liste des victimes. Il s'agit de la pièce 65 ter numéro 145B.
15 J'avais oublié d'en demander le versement lors de mon interrogatoire
16 principal.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons le verser au dossier.
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le pièce P266.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais la photo que nous avions
20 sous les yeux est-elle déjà versée au dossier ?
21 M. DOCHERTY : [interprétation] Oui, elles ont toutes été versées au
22 dossier. Il y en a plusieurs, il y en a quatre qui ont été versées au
23 dossier après qu'il ait dit qu'il les avait vues. Il a quand même regardé
24 les 44 photos. Ce sont toutes des photos qui ont été prises au marché de
25 Markale le 28 août 1995. Elles ont toutes été versées au dossier.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui mais il y en a une qui montre
27 les marques de shrapnel, on n'a pas pu la regarder. C'était avec le plan.
28 M. DOCHERTY : [interprétation] Ensuite, pour les Juges, j'ai aussi proposé
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1 que les dossiers médicaux soient versés au dossier, qui prouvent que les
2 victimes ont reçu des éclats d'obus dans le corps. Il y a deux médecins qui
3 ont déposé à ce propos et qui ont bel et bien montré qu'il y avait
4 énormément de dossiers médicaux qui montrent que c'est bien ce qui s'est
5 passé. Si vous le voulez, je peux vous dire exactement de quelles pièces il
6 s'agit. Tout cela a été versé au dossier.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. De toute façon cela nous
8 suffit.
9 Monsieur le Témoin, vous en avez terminé avec votre déposition. Nous vous
10 remercions et vous pouvez maintenant quitter le prétoire.
11 Nous levons la séance pour 20 minutes.
12 [Le témoin se retire]
13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 39.
14 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
15 --- L'audience est reprise à 11 heures 03.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le prochain témoin, Monsieur
17 Whiting, est là. On va lui faire faire sa déclaration solennelle pour
18 commencer.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
20 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
21 LE TÉMOIN: JOHN JORDAN [Assermenté]
22 [Le témoin répond par l'interprète]
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez vous asseoir.
24 Monsieur Whiting, vous pouvez commencer.
25 M. WHITING : [interprétation] Merci.
26 Interrogatoire principal par M. Whiting :
27 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur. Pourriez-vous vous présenter.
28 R. Je m'appelle John Jordan.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Faites une pause entre les questions
2 et les réponses pour les besoins de l'interprétation.
3 M. WHITING : [interprétation]
4 Q. Je pense qu'il serait aussi utile aussi bien pour les interprètes que
5 pour les Juges de ne pas parler trop rapidement, et aussi je vais vous
6 demander de répondre de façon la plus brève possible et la plus complète
7 possible. Est-ce que vous m'avez compris ?
8 R. Oui.
9 M. WHITING : [interprétation] Avec l'aide de l'huissier, je vais montrer au
10 témoin la déclaration. J'ai aussi des exemplaires pour les Juges de la
11 Chambre. Si vous ne l'avez pas, le conseil de la Défense l'a, bien sûr, il
12 l'a aussi en anglais qu'en B/C/S.
13 Q. Monsieur Jordan, est-ce bien votre déclaration préalable ?
14 R. Oui, c'est bien cela.
15 Q. Est-ce que vous avez eu la possibilité de relire cette déclaration
16 avant de venir déposer ici aujourd'hui ?
17 R. Oui, en effet.
18 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, examiner le paragraphe 45 de votre
19 déclaration préalable. Dans ce paragraphe, vous avez décrit un incident au
20 cours duquel vous avez vu deux tireurs embusqués dans un bâtiment à
21 Grbavica. Après avoir revu ce paragraphe, souhaitez-vous apporter une
22 correction à cette phrase ?
23 R. Oui, ils étaient au nombre de trois en tout. Il y en avait deux en
24 étage et un seul à un autre étage.
25 Q. Mis à part cette correction, est-ce que la déclaration préalable que
26 vous avez donnée est véridique et exacte d'après ce que vous savez ?
27 R. Oui.
28 Q. Si vous deviez déposer ici et si l'on vous posait des questions à ce
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1 sujet, est-ce que vous diriez la même chose ?
2 R. Oui, Monsieur, oui.
3 M. WHITING : [interprétation] C'est la pièce en vertu de l'article 65 ter
4 2835. Je ne pense pas qu'on ait besoin de la présenter par le e-court. Je
5 vais demander qu'on la verse au dossier.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Elle est versée.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce P267.
8 M. WHITING : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
9 Q. Monsieur Jordan, pourriez-vous nous dire rapidement quel est votre
10 parcours militaire ? Qu'est-ce que vous avez fait avant 1992 ?
11 R. J'étais un militaire d'active dans les marines des Etats-Unis entre
12 1973 jusqu'à 1978. Je suis parti avec un grade de sergent. J'ai été aussi
13 le chef du peloton des tireurs embusqués du 1er Bataillon, du 4e Corps des
14 marines. J'ai aussi suivi une formation de tireur d'élite dans des pays
15 amis des Etats-Unis. Je n'ai jamais eu un autre grade ailleurs que dans
16 l'armée.
17 Q. Vous avez quitté les marines en 1978 ?
18 R. Oui.
19 Q. Monsieur Jordan, à quel moment êtes-vous allé à Sarajevo pour la
20 première fois ?
21 R. Au mois de novembre 1992.
22 Q. A quel moment avez-vous quitté Sarajevo la dernière fois ?
23 R. Je pense que ma dernière visite à Sarajevo était au mois d'octobre ou
24 au mois de septembre 1995. Je ne me souviens pas exactement de ces dates.
25 Q. Entre ces deux dates-là, quelle est la période la plus longue pendant
26 laquelle vous avez été absent de Sarajevo ?
27 R. L'absence la plus longue était au printemps 1995. J'ai été absent
28 pendant quatre à cinq semaines. C'était au début du printemps. Je suis
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1 revenu à Sarajevo au début du mois de mai.
2 Q. Mis à part cette période, est-ce que vous avez été continuellement à
3 Sarajevo, mis à part quelques exclusions brèves en dehors de Sarajevo ?
4 R. J'ai été soit à Sarajevo, soit en train de quitter Sarajevo pour aller
5 chercher de l'équipement ou bien aller le ramener à Sarajevo.
6 M. WHITING : [interprétation] Je voudrais montrer un petit extrait des
7 actualités vous concernant. On dit ce que vous y faites, je vais les
8 montrer sur le logiciel Sanction. Il faudrait que l'on se place sur le
9 logiciel Sanction. C'est en anglais, c'est une vidéo. Il y a un texte qui
10 apparaît en B/C/S qui va être présenté au-dessous.
11 La cabine française a dit être prête à traduire, cela vers le
12 français, dans la mesure du possible.
13 [Diffusion de la cassette vidéo]
14 L'INTERPRÉTE : [voix sur voix]
15 Le journaliste : "Ce soir, ici notre personne de la semaine. Si vous
16 regardez l'image de la destruction de Sarajevo, parfois vous voyez des
17 héros complètement inattendus. Chaque nuit, ils s'opposent aux mines et aux
18 balles qui provoquent des incendies quotidiens dans les rues de la
19 Sarajevo. La personne de la semaine que vous allez voir va vous laisser
20 comprendre ce qui se passe.
21 Réponse : Quand je suis arrivé la première fois à Sarajevo, comme
22 quelqu'un qui était intéressé de voir ce qui se passe, je n'étais pas sûr
23 de pouvoir croire mes oreilles et mes yeux. Dès que je suis arrivé là-bas,
24 j'ai vu ce qui s'est passé. Ils ont tué des gens devant l'immeuble alors
25 que les sapeurs-pompiers partaient. Ils ont tué les journalistes. Jordan
26 savait qu'il devait les aider. Jordan : C'était comme quand vous voyez un
27 accident de route, vous vous arrêtez, vous essayez d'aider."
28 "Les Serbes ont confisqué la plupart des équipements. Joran a pris les
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1 choses en main. Il a lui même approvisionné Sarajevo en équipements de
2 lutte contre les incendies. Jordan est arrivé à la caserne de pompiers avec
3 tout un camion d'équipements de pompier. Il est difficile de risquer sa vie
4 en luttant contre les armées. Pour ce qui est se Sarajevo, les Serbes nous
5 tiraient dessus de façon indirecte. Le principal problème, c'est d'aider
6 les gens qui s'occupent des victimes et de travailler quel que soit ce qui
7 se passe dans les collines aux alentours. Les pompiers disent souvent qu'il
8 est trop dangereux et Sarajevo ne peux pas être sauvé.
9 Jordan : Mais ce n'est pas vrai. Le Sarajevo qu'il a vu n'est pas
10 mort. Tant que les gens de Sarajevo voudront vivre, il trouvera la façon de
11 les aider. Il y a énormément de gens qui vivent dans Sarajevo qui essaient
12 de se débrouiller. Les pompiers vont lutter contre les incendies et la vie
13 continue. Je pense que personne ne peut changer cela. Je suis sûr que cette
14 ville va revivre.
15 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
16 M. WHITING : [interprétation]
17 Q. Est-ce bien la vidéo en question ?
18 R. Oui, j'ai l'impression que cela fait très longtemps.
19 Q. Justement, c'était la prochaine question que j'ai voulu vous poser.
20 J'ai voulu vous demander si vous vous souvenez de la date de cette vidéo ?
21 R. Je pense que c'était au mois de mars ou bien au mois d'avril 1993. Cela
22 coïncidait avec le feu au niveau du congrès. Dîner spécial pour le service
23 des urgences.
24 Q. Au cours de cette vidéo, vous parlez des gens dans les collines. A qui
25 faites-vous référence quand vous parlez des gens dans les collines ?
26 R. C'est les forces des Serbes de Bosnie qui étaient autour de la ville.
27 Q. Quand on dit des "BSA," cela veut dire quoi exactement ?
28 R. C'est les forces autres que les forces du gouvernement bosniaque qui
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1 tenaient la ville. On les appelait l'armée des Serbes de Bosnie.
2 Q. Très bien. J'avais juste besoin de votre définition plus précise, pour
3 que l'on sache à quoi correspond ce sigle.
4 Q. Pourquoi vous parlez "des gens des collines" et pas de l'armée des
5 Serbes de Bosnie dans la vidéo ?
6 R. A l'époque au mois de mars en 1993, j'avais été suffisamment longtemps
7 là-bas pour ne plus voir les choses en noir et en blanc. Je n'ai pas voulu
8 étiqueter tout un groupe ethnique ou qui que ce soit. Il y avait beaucoup
9 de colère dans la ville. On avait l'impression que justement cette colère
10 était concentrée contre la périphérie de la ville. C'est pour cela que je
11 me suis exprimé comme cela.
12 Q. Pendant que vous travailliez, est-ce que vous avez essayé de coopérer
13 avec les Serbes à l'époque ?
14 R. J'ai eu un certain nombre de réunions informelles avec les officiers de
15 liaison serbes, le capitaine Branic ou le commandant Indic. Ils étaient
16 encore dans le bâtiment du PTT dans la ville de Sarajevo à l'époque. Ils
17 ont mis un petit peu de temps pour accepter l'idée d'aider à éteindre les
18 incendies de deux côtés de la ligne. Cela ne s'est pas produit avant l'été
19 1993, quand nous avons sorti un véhicule. Je n'avais pas besoin de compter
20 sur les Nations Unies pour aller jusqu'à Lukavica.
21 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que cette vidéo pourrait être versée
22 au dossier ?
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce P268.
25 M. WHITING : [interprétation]
26 Q. Monsieur Jordan, pendant que vous étiez à Sarajevo, est-ce que vous
27 n'avez rien fait d'autre que de vous battre contre les incendies ou bien
28 est-ce que vous avez fait autre chose ?
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1 R. Nous nous sommes battus contre les incendies. Parfois nous essayions
2 d'aider dans les urgences médicales dans la mesure du possible. Nous avions
3 des véhicules. Nous avions du carburant. Nous essayions de nous rendre
4 utiles auprès de la population de toutes les façons possibles et
5 imaginables. Parfois nous avons aussi participé aux échanges des corps des
6 prisonniers. Nous avons assisté d'autres associations non gouvernementales
7 avec les transports, l'approvisionnement, et cetera.
8 Ce n'est pas vraiment la tradition européenne. En général, aux Etats-Unis,
9 un sapeur-pompier ne dit non à rien, il ne refuse rien. Nous essayions de
10 justifier notre existence en faisant du bien à la communauté qui en a
11 besoin. Nous ne nous sommes pas, en revanche, occupés des affaires
12 médicales même si nous avons essayé de fournir de l'aide médicale.
13 Q. Est-ce que vous êtes intervenus suite aux incidents de tireurs
14 embusqués ou de pilonnages ?
15 R. Nous le faisions autant que possible pendant l'incident ou juste après.
16 Autrement dit, dès que nous entendions un pilonnage, nous répondions
17 immédiatement. Nous avions aussi des équipements et des personnes qui
18 étaient positionnés certains jours quand les snipers étaient
19 particulièrement actifs. Ils étaient souvent très actifs quand il faisait
20 beau. Les gens sortaient et il y avait beaucoup de cibles potentielles.
21 C'est à ce moment-là qu'ils travaillaient dans des localités que l'on
22 connaissait d'avance.
23 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire où se trouvait votre station de
24 sapeurs-pompiers en 1994 et 1995 ?
25 R. Nous étions au centre de la Sarajevo municipale à Cengic Vila. Nous
26 étions juste à côté d'une route principale. Cette brigade était logée dans
27 un supermarché qui est devenu la première caserne de sapeurs-pompiers des
28 Nations Unies.
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1 Q. Est-ce que cette zone était sous le contrôle de l'armée bosniaque, du
2 gouvernement bosniaque ou bien de l'armée des Serbes de Bosnie ?
3 R. C'était contrôlé par le gouvernement bosniaque.
4 Q. Où à Sarajevo avez-vous fait votre travail ? Dans quel voisinage, dans
5 quel quartier ?
6 R. Nous avons répondu aux tirs, aux urgences médicales partout entre
7 Vogosca, l'usine automobile et partout jusqu'à Lukavica. En général, nous
8 devions intervenir le plus souvent dans les zones qui étaient à l'est par
9 rapport à la caserne des sapeurs-pompiers et qui étaient contrôlées par le
10 gouvernement bosniaque. A l'est de l'endroit où l'on était. C'est là que
11 nous sommes intervenus le plus souvent.
12 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, examiner le paragraphe 11 de votre
13 déclaration préalable.
14 Dans ce paragraphe, vous dites que vous avez commencé à recevoir des
15 volontaires du monde entier. Est-ce qu'au sein de votre organisation, y
16 avait-il des volontaires venant d'autres pays que les Etats-Unis, et le cas
17 échéant, quels étaient ces pays ?
18 R. A cause de la présence des médias, on en parlait dans les journaux
19 médicaux ou d'urgences, et cetera. Nous avons commencé à être très bien
20 connus auprès du personnel médical et des sapeurs-pompiers des différents
21 pays. Je ne saurais vous donner le chiffre exact de pays parce qu'il y en
22 avait énormément. Il y avait beaucoup CV que nous recevions. Il y avait des
23 Américains, des Canadiens, des Britanniques, des Français, des Allemands,
24 des Tchèques, des Libanais. Puis, il y avait un jeune homme qui était
25 Espagnol.
26 Q. Pourriez-vous s'il vous plaît, regarder le paragraphe 15 de votre
27 déclaration préalable. Dans ce paragraphe, ceci figure aussi au niveau du
28 trente-deuxième paragraphe de votre déclaration préalable. Vous expliquez
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1 ce que vous faisiez à partir du moment où vous vous rendiez sur place lors
2 d'un incendie ou bien d'un incident et quand on vous tirait dessus.
3 Pourriez-vous décrire quelle était la procédure que vous suiviez si
4 vous vous rendiez à un endroit pour éteindre un feu et si on commençait à
5 vous tirer dessus. Qu'est-ce que vous faisiez ?
6 R. C'est important tout d'abord de décrire la genèse de cette
7 procédure.
8 Q. Faites-le.
9 R. Les Nations Unies avaient des troupes à Sarajevo. Il n'y avait pas de
10 sapeurs-pompiers à part qu'à l'aéroport. Les Nations Unies ne protégeaient
11 pas les sapeurs-pompiers des deux côtés de la ligne de confrontation. Les
12 sapeurs-pompiers des deux côtés étaient tués ou blessés. Nous avons décidé
13 tout d'abord de nous occuper de leur sécurité. Nous avons convaincu les
14 Nations Unies de protéger les sapeurs-pompiers du cru de façon efficace. A
15 partir du moment où les Nations Unies ont accepté de protéger les sapeurs-
16 pompiers, les sapeurs-pompiers vont aussi accepter d'éteindre les incendies
17 dans les structures des Nations Unies. Au lieu de s'ignorer, on coopérait.
18 La procédure consistait en une procédure suivante. Nous connaissions la
19 ville mieux que les Nations Unies. Les Nations Unies étaient déployées
20 pendant 90 jours. Ils opéraient en convoi, les routes, et cetera. Ils
21 connaissaient la meilleure façon d'aller du point A au point B.
22 La meilleure façon d'y aller, c'est d'y aller avec les sapeurs-
23 pompiers locaux quels que soient leurs côtés. Si on déterminait qu'un
24 bâtiment qui était en feu et qu'on lui tirait dessus, et bien, le premier
25 ordre était de déterminer si c'est pour cela que l'on a tiré sur ce
26 bâtiment. Autrement dit, de voir s'il y avait des gens qui habitaient là-
27 dedans, si c'est un immeuble habité ou si c'était une cible militaire.
28 Ensuite, quand on arrivait là-bas, on voyait que le bâtiment était en feu.
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1 On vérifiait qu'il n'y avait pas d'activités militaires dans le bâtiment.
2 Ensuite -- donc là où il n'y avait pas --
3 Mme ISAILOVIC : Vraiment on a du mal à suivre. Le client m'a aussi envoyé
4 un mot pour que je voie à cela. J'essaie de suivre des deux côtés. Cela ne
5 suit pas la traduction. Si justement on parlait un petit peu moins vite,
6 s'il vous plaît.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui en effet, nous avons tous
8 entendu cette demande venant de la part des interprètes et de Mme
9 Isailovic.
10 Monsieur le Témoin, pourriez-vous parler plus lentement, s'il vous plaît.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous devriez aussi essayer de
13 terminer votre réponse. Je préfère les réponses plus brèves.
14 M. WHITING : [interprétation] C'est moi qui prend la responsabilité de
15 cette réponse. Je lui ai demandé une réponse longue. Si vous voulez, je
16 vais couper la question.
17 Q. A partir du moment où vous appeliez les Nations Unies pour leur donner
18 les coordonnées du bâtiment d'où l'on tirait et quand vous donniez la
19 description des armes, que faisaient-ils, d'après ce que vous savez ?
20 R. Ce qu'ils faisaient, c'était d'essayer de rentrer en contact avec le
21 commandant local et de lui demander d'arrêter de tirer sur la base de notre
22 rapport, puisqu'il s'agissait d'un incendie au niveau d'un bâtiment civil
23 qui n'a aucune signification militaire.
24 Q. Bien. Que se passait-il par la suite ? Quelle était la suite de cet
25 appel, s'il y a eu suite ?
26 R. Dans la plupart des cas, le feu s'arrêtait, les tirs s'interrompaient.
27 Q. D'après votre meilleur souvenir, quand cette procédure a été appliquée,
28 est-ce que les côtes depuis lesquelles on tirait, est-ce qu'elles se
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1 trouvent dans le territoire contrôlé par les Serbes de Bosnie ou par les
2 territoires contrôlés par le gouvernement bosniaque ?
3 R. Elles se trouvaient dans le territoire contrôlé par les Serbes de
4 Bosnie.
5 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre à combien de reprises vous
6 vous êtes rendu à un endroit pour déterminer qu'il s'agissait d'une cible
7 militaire ?
8 R. Moins que 5 % des cas. C'était très rare.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quels étaient les critères à
10 appliquer ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Des militaires armés portant des uniformes,
12 ensuite des dépôts, des régions d'où l'on tire et le bâtiment en feu.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Monsieur Whiting.
14 M. WHITING : [interprétation] Merci.
15 Je vais vous demander de passer au paragraphe 19.
16 Q. Dans ce paragraphe, vous avez décrit l'incident au cours duquel vous
17 avez été blessé au niveau de la poitrine par balle. Je vais vous poser
18 quelques questions très brèves au sujet de cet incident.
19 Est-ce que cet incident s'est produit pendant la journée ou pendant la
20 nuit ?
21 R. Pendant la journée.
22 Q. Comment vous pouvez dire que la balle est arrivée des positions
23 serbes ? Comment vous avez pu déterminer cela ?
24 R. J'ai pu le faire parce que je savais où se trouvaient les positions
25 serbes par rapport à l'endroit où j'étais. Je sais où j'ai été blessé. Je
26 sais où je suis allé. La balle est arrivée depuis des positions où se
27 trouvaient les forces des Serbes de Bosnie.
28 Q. Au moment où vous avez été touché par balle, est-ce que vous étiez dans
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1 un endroit non abrité ou est-ce que vous n'avez pas été visible ? Est-ce
2 que vous étiez dans un endroit dégagé ou non ?
3 R. Je me suis exposé pour un instant puisque j'allais du point A ou point
4 B. A un moment donné, je me suis retrouvé pris dans les tirs.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce qu'il y avait d'autres
6 soldats là-bas, mis à part les soldats serbes ? Est-ce qu'il y avait des
7 troupes du gouvernement de Bosnie-Herzégovine ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y en avait à une cinquantaine de mères par
9 rapport à l'endroit où j'étais. Il y avait des tranchées pas loin de là. Je
10 portais l'uniforme du sapeur-pompier, j'étais en train d'éteindre
11 l'incendie dans un bâtiment en feu habité par des civils. Ce bâtiment se
12 trouvait d'un côté. De l'autre côté se trouvaient les troupes militaires.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Comment pouvez-vous exclure la
14 possibilité que les tirs soient venus du côté où se trouvaient les forces
15 du gouvernement ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout le monde se cachait, essayait de
17 s'abriter. Ces tirs sont arrivés d'une position qui était bien plus élevée
18 par rapport à moi et dirigée vers le bas. J'ai entendu ce coup. Ce coup
19 était venu de très près et était venu de toute apparence d'une position qui
20 était surélevée par rapport à l'endroit où j'étais.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Whiting.
22 M. WHITING : [interprétation]
23 Q. Monsieur, pourriez-vous nous décrire votre uniforme ?
24 R. Je portais une tenue de sapeur-pompier caractéristique de couleur
25 bleue, très similaire aux couleurs des Nations Unies, avec des insignes en
26 blanc phosphorescents, avec un casque comportant le nom des Nations Unies.
27 Je n'avais absolument pas d'uniforme de camouflage. Même mon gilet était de
28 couleur bleue.
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1 M. LE JUGE MINDUA : [chevauchement] -- des Etats-Unis ? Est-ce qu'il n'y
2 avait pas lieu de le confondre avec la tenue militaire ou de policiers ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, c'était impossible, on ne pouvait pas
4 faire la confusion. On ne pouvait pas mélanger ou faire une confusion entre
5 mon uniforme et celui que portaient les militaires ou les policiers. Toute
6 personne sensée ne pouvait pas faire la confusion.
7 M. WHITING : [interprétation]
8 Q. Pourquoi nous dites-vous cela, Monsieur Jordan ? Pourriez-vous
9 exactement nous expliquer la raison ?
10 R. Ce n'est pas du tout une tenue de camouflage. C'était bleu comme les
11 Nations Unies, un bleu assez vif avec des bandes phosphorescentes blanches
12 qui se voyaient bien pour qu'on voie bien le partenaire quand il est dans
13 la fumée, avec un casque de pompier bleu qui brillait, qui était métallisé.
14 Il n'y avait absolument aucun camouflage là-dessus. Les pompiers de la BSA
15 étaient en uniforme vert, les autres étaient en noir. On ne pouvait
16 absolument pas me confondre avec autre chose. On voyait bien que j'étais
17 pompier.
18 Q. Pouvez-vous maintenant passer au paragraphe 22 de votre déclaration,
19 s'il vous plaît ? Dans ce paragraphe, vous dites : "La plupart des tirs
20 dirigés contre nous venaient des Serbes de Bosnie."
21 Au paragraphe suivant, vous décrivez un incident qui a lieu en juillet 1995
22 où vous avez soupçonné que les obus de mortier qui tombaient autour de vous
23 venaient en revanche du côté des Musulmans de Bosnie.
24 Voici ma question : mis à part cet incident que vous nous avez relaté au
25 paragraphe 23, y a-t-il eu d'autres occasions où vous avez eu l'impression
26 que les tirs qui étaient dirigés contre vous venaient du côté des Musulmans
27 de Bosnie ?
28 R. Non, pas quand j'étais sur leur territoire.
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1 Q. Qu'en était-il quand vous n'étiez pas sur leur territoire, et le cas
2 échéant, où vous trouviez-vous ?
3 R. Une fois, on s'est trouvé sur une colline au-dessus de la partie sud-
4 est de Sarajevo. On luttait là contre un incendie qui était dans une
5 résidence sur le territoire serbe. Il y a eu quelques tirs de fusil
6 aléatoires qui étaient vaguement dirigés sur nous. On n'a pas eu les
7 coordonnées. On n'a pas obtenu ou demandé, d'ailleurs, que ces tirs cessent
8 parce que cela s'est arrêté assez vite tout seul.
9 Q. Est-ce que c'est arrivé à d'autres occasions ?
10 R. Non, je ne m'en souviens pas, en tout cas.
11 Q. Avez-vous jamais vu ou assisté, n'avez-vous jamais entendu dire quoi
12 que ce soit que le gouvernement musulman de Bosnie avait pilonné son propre
13 peuple ou avait tiré sur son propre peuple à l'aide de fusils embusqués ?
14 R. Oui, c'est une rumeur qui circulait partout parmi les Nations Unies,
15 parmi les journalistes, mais surtout aussi parmi les personnes qui étaient
16 au côté des Serbes.
17 Q. Pendant que vous étiez là, avez-vous accordé le moindre crédit à ces
18 rumeurs à un moment ou un autre ? Est-ce que vous y croyiez ?
19 R. Non.
20 Q. Pourquoi donc ?
21 R. Je ne pensais pas que les forces de l'ABiH auraient réussi à le faire
22 de façon clandestine sans que tout le monde s'en rende compte, d'abord.
23 Cela me paraissait impossible. En plus, s'ils le faisaient, peut-être pour
24 attirer la sympathie ou je ne sais quoi, cela ne marchait pas, parce que la
25 sympathie qu'ils recherchaient n'est jamais arrivée. C'est bien la preuve
26 que ces rumeurs n'étaient pas fondées.
27 Q. Au paragraphe 22, quand vous nous dites "la plupart des tirs dirigés
28 contre nous venaient des Serbes de Bosnie, souvent d'une élévation ou d'un
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1 bâtiment que l'on savait être entre leurs mains", pourriez-vous nous dire
2 comment vous le saviez ? Comment vous avez tiré cette conclusion ? Comment
3 saviez-vous que ces tirs qui étaient dirigés contre vous venaient du côté
4 des Serbes de Bosnie ? Quels étaient les critères que vous employiez pour
5 en déduire tout cela ?
6 R. Pour aider les gens, il fallait qu'on reste en vie, donc il fallait que
7 l'on surveille sans cesse les bâtiments pour qu'on sache exactement qui
8 contrôlait quoi, pour qu'on sache ainsi ce qui pouvait éventuellement nous
9 menacer dans notre lutte quotidienne contre les incendies. Je n'aime pas
10 utiliser le terme "notoriété publique", mais c'est vrai qu'au bout d'un
11 moment on connaît son quartier, quand même, quand on habite quelque part.
12 On connaît la distribution démographique du quartier. On devait savoir quel
13 était le potentiel de violence qui pouvait émaner d'un quartier ou d'un
14 autre. Cela faisait partie de notre métier.
15 Q. Pourriez-vous expliquer aux Juges, s'il vous plaît, comment vous
16 saviez, dans ce cas-là, qui contrôlait quoi ? Parce que quand des tirs
17 étaient dirigés contre vous, soit pilonnage, soit tirs embusqués, comment
18 pouviez-vous déterminer que ces tirs venaient d'un endroit détenu par les
19 Serbes ? Quels étaient les facteurs ou les paramètres que vous utilisiez
20 pour arriver à en conclure avec certitude que c'était de là que venaient
21 les tirs ?
22 R. On utilisait les mêmes tactiques et techniques que les observateurs
23 avancés militaires, ceux qui sont en poste avancé, sauf qu'on n'essayait
24 non pas de viser une cible, mais d'empêcher que l'on nous tire dessus. On
25 utilisait les mêmes compétences, ce qu'on apprend quand on est observateur
26 militaire pour déterminer les cibles. Mais nous, on les utilisait pour
27 déterminer la menace et on relayait ensuite l'information aux Nations
28 Unies. C'étaient les mêmes outils, les mêmes compétences, mais bien sûr la
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1 fin était différente.
2 Q. Soyez plus précis, quand même. Imaginons que nous sommes à nouveau dans
3 une situation où vous êtes pilonné, par exemple, ou on vous tire dessus
4 avec un fusil. Alors, qu'est-ce que vous allez rechercher comme paramètres
5 pour essayer de déterminer l'origine du tir ? Peut-être, pour vous, cela
6 vous paraît évident, mais cela nous aiderait beaucoup de savoir comment
7 vous procédiez. Comment est-ce que vous déterminez d'où peuvent bien venir,
8 soit des obus de mortier, soit des tirs de fusil ?
9 R. Quand vous voyez trois hommes sur un canon antiaérien à environ 2
10 kilomètres qui sont en train de pointer leurs canons et qui tirent, vous
11 savez exactement où ils sont. On les voit, d'ailleurs, on les voit en train
12 de charger leurs canons. La nuit, on voit par exemple les éclairs qui
13 sortent de la gueule du canon, mais souvent c'est par observation directe.
14 Quand on ne le savait pas, on ne disait rien.
15 Q. L'incident dont vous nous avez parlé au paragraphe 23, pourriez-vous
16 nous dire exactement où il est intervenu ?
17 R. Nous étions là pour lutter contre un incendie dans une résidence d'une
18 famille du côté du gouvernement de Bosnie, près du cimetière juif, dans une
19 zone appelée "zone de danger", enfin, "d'incident", à cause de la proximité
20 des deux parties en conflit.
21 Q. Quelle était la distance entre cette résidence en feu et la ligne de
22 front ?
23 R. A 100 mètres, à 100 mètres, à mon avis. A 100 mètres du "no-man's land"
24 entre les deux forces. Ce "no-man's land", bien sûr, c'était assez mouvant
25 comme "no-man's land". Cela dépendait un petit peu des combats.
26 Q. Paragraphe 29, vous nous dites avoir vu des canons de mortier bien
27 enfichés dans le sol, côté serbe. Pourriez-vous nous dire exactement où
28 cela se trouvait, côté serbe ?
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1 R. La route de montagne, quand on va sur le haut de Lukavica, là où on se
2 trouve sur les hauteurs, on surplombe le sud de Sarajevo. Sur cette route,
3 il y avait partout des positions, des bunkers. C'était juste à l'arrière de
4 la ligne de front. Il y avait des hommes qui habitaient là, il y avait des
5 armes de soutien qui se trouvaient en position. On avait un panorama
6 magnifique de Sarajevo depuis là.
7 Q. Pouvez-vous nous dire à quoi ressemble ce canon qui est enfiché dans le
8 sol, ce mortier enfiché dans le sol ?
9 R. On peut mettre un mortier portable partout, mais quand on veut être
10 vraiment précis dans son tir, on l'enfiche. On le met en position, puis
11 après on étale un petit peu tout ce qu'un arpenteur utiliserait, donc les
12 systèmes de triangulation, les piquets de pointage, les niveaux, et cetera,
13 tout ce qui permet ensuite d'être bien précis dans son tir. On voyait tous
14 ces équipements autour du mortier.
15 Q. Vous l'avez vu côté serbe; c'est cela ? Vous l'avez identifié ?
16 R. Oui, à plusieurs reprises.
17 Q. Au paragraphe 35, vous dites, je cite : "J'ai vu des Musulmans de
18 Bosnie employer un mortier portable depuis l'hôpital à la fin 1994."
19 Tout d'abord, de quel hôpital s'agit-il ?
20 R. Je les mélange toujours. C'est celui qui était dans l'enceinte, pas
21 celui où les médias s'attardaient tout le temps. Mais je suis désolé, je
22 mélange toujours les deux. C'est celui qui était plutôt composé de
23 plusieurs bâtiments.
24 Q. Enfin, vous avez l'hôpital d'Etat, qui est un grand bâtiment blanc, en
25 plein milieu de la ville, puis l'hôpital Kosevo qui, en effet, avait
26 plusieurs bâtiments.
27 R. [aucune interprétation]
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Isailovic.
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1 Mme ISAILOVIC : Excusez-moi, Monsieur le Président, mais j'ai l'impression
2 là que M. Whiting commence à déposer devant la Chambre, donc si juste le
3 témoin pouvait répondre. Merci.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Whiting, en effet
5 c'était un tout petit peu directif.
6 M. WHITING : [interprétation] Oui, j'ai essayé quand même uniquement
7 d'expliquer au témoin quels sont les deux hôpitaux de la ville, mais enfin.
8 Q. Pouvez-vous, s'il vous plaît, nous décrire l'hôpital dans vos propres
9 mots et où il se trouvait ?
10 R. Il y avait deux hôpitaux à Sarajevo. L'un était une espèce de cube, un
11 grand cube isolé, alors il était mitraillé par les photographes parce qu'il
12 était extrêmement abîmé, alors que l'autre hôpital, c'était un ensemble de
13 bâtiments entouré de différents bâtiments. Cela ressemblait plutôt à une
14 faculté, à une université.
15 Je suis vraiment désolé, je les mélange sans cesse. Je sais très
16 bien, en tout cas, de quel je parle, celui d'où j'ai vu les forces des
17 Musulmans de Bosnie tirer un mortier. Cela, c'était celui qui était composé
18 de plusieurs bâtiments.
19 Q. Pourriez-vous nous dire vraiment où ils se trouvent l'un par rapport à
20 l'autre, s'il y en a un qui est à l'est, à l'ouest. Enfin, peut-être que
21 cela vous permettrait de vous y retrouver.
22 R. Oui, cela, je m'en souviens bien. Celui qui était photographié, qui
23 était tout le temps photographié, était à l'est de la caserne du maréchal
24 Tito, donc l'autre était près du stade olympique. Si vous me montriez une
25 carte, j'arriverais à les repérer.
26 Q. Je pense que vous avez été bien clair. Combien de fois avez-vous vu les
27 Musulmans de Bosnie utiliser un mortier depuis cet hôpital ? Combien de
28 fois les avez-vous vus ?
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1 R. Je les ai vus une fois. Je crois que j'ai entendu aussi à plusieurs
2 occasions, à d'autres occasions ce mortier en action.
3 Q. Passons maintenant au paragraphe 38, où vous nous parlez des bombes
4 aériennes modifiées. Vous dites : "Il est impossible que les Musulmans de
5 Bosnie aient quelque chose d'aussi gros sans qu'on n'en ait eu
6 connaissance."
7 Pourriez-vous nous dire exactement ce que vous voulez dire par cela ?
8 R. Quand je dis "nous", je dis tout le monde, "nous" c'est tout le monde.
9 Une arme aussi grosse, enfin, c'est presque aussi gros qu'une petite
10 foreuse, on ne peut pas l'utiliser sans que tout le monde, tout le quartier
11 en soit averti. Ce n'est pas moi et mon personnel qui auraient dû être au
12 courant. C'est comme s'il y avait plein de gens avec une espèce d'énorme
13 perforeuse, enfin, une grue, un engin de chantier, qui arrivaient dans un
14 quartier. C'est totalement impossible parce que les gens auraient vu cela,
15 de toute façon.
16 Q. S'il vous plaît, regardez au paragraphe 41. Là, vous nous parlez du QG
17 du corps à Lukavica. Pouvez-vous nous dire à combien de reprises vous vous
18 êtes rendu dans cet endroit ?
19 R. Au moins une demi-douzaine de fois. Soit nous allions d'abord à
20 Lukavica avant d'aller rencontrer des pompiers locaux ou avant d'aller voir
21 quelqu'un à Pale. On s'arrêtait souvent à Lukavica au moins pour dire
22 bonjour avant d'aller faire autre chose.
23 Q. Paragraphe 44, vous nous décrivez un incident où des soldats de la
24 FORPRONU ont été attaqués, et vous étiez présent à cette occasion. A cette
25 occasion, avez-vous pu déterminer l'origine des tirs ?
26 R. Oui, oui. On allait vers l'ambassade américaine pour une réunion avec
27 les équipes de notre pays puisque le président Carter devait arriver en
28 ville, et il y a eu tout à coup des rafales juste devant le Holiday Inn.
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1 C'étaient des rafales d'armes légères, d'armes automatiques, quelques tirs
2 de mortiers, quelques tirs de lance-roquettes, une rafale pendant 10, 15
3 minutes, une violence, beaucoup de violence pendant 10, 15 minutes, comme
4 cela.
5 Q. Oui, mais j'aurais voulu savoir si vous avez réussi à déterminer d'où
6 venaient les tirs.
7 R. Oui. Oui, cela venait des bâtiments occupés par la BSA qui étaient au
8 sud du musée.
9 Q. Une question maintenant qui ne porte pas sur un paragraphe précis de
10 votre déclaration. Avez-vous eu connaissance d'un tunnel qui aurait existé
11 près de l'aéroport ?
12 R. Oui.
13 Q. Pourriez-vous nous le décrire brièvement ? D'abord, vous y êtes-vous
14 rendu vous-même ?
15 R. Oui, cinq fois en tout.
16 Q. Pourriez-vous nous le décrire brièvement ?
17 R. Le tunnel aurait pu quand même profiter des services de bons
18 ingénieurs, les Vietnamiens, par exemple, parce qu'il était très étroit. La
19 plupart du temps il était plein d'eau. On ne pouvait circuler que dans un
20 sens. Il y avait des petits rails pour y faire circuler des wagonnets. Cela
21 ne marchait jamais, tout cela était en panne. L'électricité ne marchait pas
22 bien. Les lumières s'éteignaient sans cesse. Le système de ventilation
23 n'était pas du tout au point. Enfin, c'était un petit tunnel vraiment
24 plutôt moche, un trou à rats, si je puis dire.
25 Q. Avez-vous jamais entendu parler de positions de snipers, d'hommes du
26 gouvernement de Bosnie qui se seraient trouvés du côté du musée ?
27 R. Le gouvernement de Bosnie maintenait en place des positions de tireurs
28 embusqués, la plupart du temps en face de là où il y avait leurs
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1 protagonistes, partout à Sarajevo. Je n'ai jamais entendu dire qu'ils
2 étaient dans le musée en tant que tel, mais à l'arrière du musée.
3 Q. Avez-vous jamais entendu parler de ces snipers qui se trouvaient à
4 l'arrière du musée, donc derrière le musée ? Avec-vous jamais entendu dire
5 que ces snipers auraient tiré sur leur propre peuple, donc sur les gens qui
6 se trouvaient sur le côté des Musulmans de Bosnie ?
7 R. Oui, j'en entendais parler tout le temps, mais je ne l'ai jamais vu de
8 mes propres yeux, et je ne pense pas que cela a été le cas, d'ailleurs,
9 puisqu'il s'agissait d'un des endroits où nous étions prépositionnés assez
10 souvent. Si j'avais vu, si j'avais cru que c'était possible, sachez que je
11 n'aurais pas laissé mes hommes dans ces endroits-là et j'aurais informé les
12 autorités de ce qui se passait, tout comme je l'ai fait pour le mortier,
13 d'ailleurs.
14 Q. Je vais maintenant vous montrer quelques clips vidéo très rapides et un
15 document.
16 M. WHITING : [interprétation] Si on peut à nouveau passer sur Sanction pour
17 voir le deuxième clip vidéo.
18 Q. Monsieur, tout d'abord je tiens à vous demander quand ceci est arrivé,
19 ensuite je vous poserai peut-être deux ou trois questions à ce propos.
20 [Diffusion de la cassette vidéo]
21 L'INTERPRÉTE : [voix sur voix]
22 "La nuit où la moitié de la ville a l'air d'être en feu, vous voyez à
23 quoi ressemble la lutte contre l'incendie quand on est sous les tirs.
24 Alors, les tirs viennent d'en haut. On essaie de se cacher."
25 Inaudible.
26 "Ne regardez pas en l'air. Par ici, par ici. Baissez-vous, baissez-vous.
27 Leur lutte courageuse va maintenant bénéficier de protection militaire, car
28 les Nations Unies ont décidé qu'il s'agissait d'un travail humanitaire.
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1 Même avec le soutien des Nations Unies, il est difficile pour les pompiers
2 de travailler. Les pires choses à Sarajevo, c'étaient les enfants. Cela
3 vous brise le cœur de voir des enfants comme cela, qui ont vu des morts, et
4 il est très inquiet à propos des enfants qui jouent dans les bâtiments en
5 ruine alors qu'il y a des attaques de roquettes tous les jours. Quand l'un
6 de ces édifices s'effondre, il va vers le nord de la ville, apprend que
7 deux enfants sont coincés en dessous des débris. Quand on est arrivé sur le
8 site, d'abord j'ai supervisé les choses, parce qu'il y avait beaucoup de
9 monde qui faisait plus de mal que de bien. John demande un brancard et
10 creuse à mains nues pour essayer d'arriver à sortir l'enfant à temps, mais
11 malheureusement, pour cette petite fille, il est trop tard. Le père
12 s'effondre, mais John veut sauver l'autre enfant, et on le trouve. Il est
13 encore en vie bien qu'il soit enfoui jusqu'à la taille dans les décombres.
14 L'enfant tombe dans le coma, mais les sauveteurs essaient de le
15 désensevelir à mains nues. Il est enfin sorti, mais il a la jambe cassée,
16 il saigne. Il est dans un état critique. Les pompiers l'amène à l'hôpital
17 où il a finalement été sauvé."
18 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
19 M. WHITING : [interprétation]
20 Q. Monsieur Jordan, vous souvenez-vous de la date de cet incident ?
21 R. C'était en décembre 1993.
22 Q. Où à peu près à Sarajevo ceci s'est-il produit ?
23 R. C'était un quartier résidentiel situé au nord du bâtiment des PTT.
24 Q. A cette occasion, après l'effondrement du bâtiment et au cours de
25 l'opération de sauvetage, les sauveteurs ont-ils été visés par des tirs ou
26 des obus ?
27 R. Ils n'ont pas fait l'objet de tirs de tireurs isolés, mais il y a eu un
28 épisode de tirs d'artillerie, en l'occurrence des roquettes, d'assez longue
Page 2648
1 durée, mais sporadiques. Nous n'aurions pas pu sauver l'enfant si nous
2 n'avions pas été en contact avec la caserne de Lukavica par le biais des
3 PTT. Lorsque nous leur avons dit que c'était un quartier résidentiel, qu'un
4 enfant était coincé, est-ce qu'ils pouvaient faire cesser les tirs, ils
5 l'ont fait. C'est à ce moment-là que les soldats des Nations Unies ont été
6 envoyés pour nous aider avec leur matériel lourd.
7 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais que l'on verse au dossier cet
8 extrait vidéo.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est la pièce P269, Monsieur le
11 Président.
12 M. LE JUGE MINDUA : C'est vous qui avez tourné le clip ou les services des
13 Nations Unies ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que la vidéo nous a été donnée par un
15 journaliste international, en tout cas, celui qui l'a tournée. Mais je ne
16 peux pas vous dire qui c'était, je ne m'en souviens pas.
17 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
18 J'aimerais que l'on voie --
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Me Isailovic s'est levée.
20 Mme ISAILOVIC : Excusez-moi, Monsieur le Président, juste peut-être
21 éclaircir un petit peu, parce que sur ma liste j'ai une seule vidéo, et il
22 me semble que cela se rapporte à celle qu'on vient de voir. Juste après
23 pouvoir consulter les preuves, est-ce que c'est une même vidéo qui porte un
24 numéro 65 ter, et après qui va porter plusieurs numéros de moyens de
25 preuve, plusieurs cotes, justement après, pour l'avenir, pour pouvoir les
26 voir ?
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Whiting.
28 M. WHITING : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, ce sont des
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1 extraits d'une seule vidéo et nous en avons isolé certains. Au fur et à
2 mesure évidemment que je vais en demander le versement au dossier, ils
3 auront des cotes distinctes en tant que pièces à conviction.
4 J'aimerais maintenant que l'on voie le troisième extrait.
5 [Diffusion de la cassette vidéo]
6 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
7 "Oui, nous avons reçu un appel à 4 heures 30 du Holiday Inn disant
8 qu'il y a eu un certain nombre de tirs de roquettes ou de mortier. Le
9 Holiday Inn tremble, puis il y a eu un incendie qui a été annoncé. Nous
10 envoyons deux camions et une ambulance. Ils sont arrivés, et nous avons
11 fait l'objet de tirs soutenus de tireurs isolés. Nous avons suspendu
12 l'opération, et la brigade locale est arrivée, et entre nous deux nous
13 avons réussi à éteindre le feu à peu près, mais à ce moment-là nous avons
14 subi des tirs soutenus."
15 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
16 M. WHITING : [interprétation]
17 Q. Monsieur Jordan, savez-vous quand cet événement s'est produit,
18 l'événement que l'on voit ici sur cette vidéo ?
19 R. Cela s'est produit à l'automne 1994. Je crois que Trevor Gibson, l'un
20 de nos hommes, a pris une balle dans le derrière ce soir-là.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qui parlait ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est Mark Anderson. Il était le directeur
23 adjoint de GOFRS à ce moment-là.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le GOFRS, c'est votre ONG, n'est-ce
25 pas ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
27 M. WHITING : [interprétation]
28 Q. Monsieur Jordan, dans l'extrait vidéo, on dit que ceci a eu lieu à 4
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1 heures 30. Savez-vous si c'est 4 heures 30 du matin ou de l'après-midi ?
2 R. L'après-midi.
3 M. WHITING : [interprétation] Je demanderais à ce que l'on verse au dossier
4 cette pièce.
5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P270, Monsieur le
7 Président.
8 M. WHITING : [interprétation]
9 Q. Enfin, le dernier extrait vidéo est l'extrait numéro 4.
10 [Diffusion de la cassette vidéo]
11 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
12 "Vous avez un sac ou quelque chose ? Elle est blessée, elle est
13 blessée. Restez baissés, restez baissés."
14 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
15 M. WHITING : [interprétation]
16 Q. Monsieur Jordan, étiez-vous présent vous-même au moment de cet
17 incident, incident que l'on voit dans cette vidéo ?
18 R. Non.
19 Q. Des hommes qui travaillaient au sein de votre organisation étaient-ils
20 présents ?
21 R. Oui.
22 Q. Vous ont-il dit à l'époque ce qui s'était passé sur place ?
23 R. Oui. Ils étaient devant le musée. Il faisait beau ce jour-là. Les
24 tireurs isolés étaient actifs. Avant cet incident, un certain nombre de
25 gens avaient reçu des tirs et avaient été blessés. Nous avions décidé de
26 prendre en charge toutes les victimes. Le petit garçon qui avait été tué,
27 que l'on voit, venait de parler à Todd Bayly, l'un de mes pompiers. Il lui
28 avait demandé des bonbons. Todd lui avait dit : "Non, pas de bonbons." Il
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1 s'est éloigné avec sa mère, et quelques mètres plus loin, une seule balle a
2 tué l'enfant et a blessé la mère. C'est à ce moment-là que l'ambulance
3 s'est interposée entre la source du tir et l'enfant pour qu'on puisse
4 récupérer son corps. Ensuite, la mère a été évacuée et la petite fille.
5 Q. Les gens qui se trouvaient sur place vous ont-ils dit quoi que ce soit
6 quant à l'origine du tir, si en tout cas ils avaient des informations sur
7 ce point ?
8 R. Oui. Là encore, il faisait beau, et cela semblait être propice aux tirs
9 isolés, le bâtiment derrière le musée, de l'autre côté de la rivière.
10 C'était une journée active pour eux. Je ne veux pas me répéter, mais je le
11 répète : lorsqu'il faisait beau, les snipers étaient très actifs. C'était
12 la réalité des choses.
13 Q. Avez-vous parlé avec Todd Bayly, ces derniers jours pour confirmer
14 votre souvenir de ce qu'il vous avait raconté s'agissant de cet incident ?
15 R. Oui. C'est la première fois que je lui parlais à Todd depuis dix ans.
16 Mes souvenirs étaient bons. Pourquoi ai-je appelé Todd, simplement pour
17 qu'il me dise où se trouvait le petit garçon, s'il était à gauche ou à
18 droite de la mère. Je ne me souvenais plus. C'est pour cela je me suis dit
19 que j'allais passer un coup de fil à Todd.
20 Q. Todd a-t-il pu répondre à la question ?
21 R. Je ne sais plus. Oui ou non, je ne sais plus. J'ai oublié.
22 Q. Très bien.
23 M. WHITING : [interprétation] Je demande le versement au dossier de cet
24 extrait vidéo.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P271, Monsieur le
27 Président.
28 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on voie la pièce
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1 2960. C'est un document 65 ter. J'aimerais que l'on agrandisse cette photo,
2 c'est la même des deux côtés.
3 Q. Cette photo décrit-elle ou représente-t-elle l'incident également
4 décrit dans l'extrait vidéo que l'on vient de voir ?
5 R. Oui. Cette photo a été prise par un journaliste, un photographe de
6 "Associated Press" qui se trouvait sur place. On y voit Todd Bayly du
7 Canada juste à côté de notre véhicule. L'autre homme c'est Trevor Gibson
8 d'Ecosse. Il venait de s'éloigner du musée. Et il y a notre ambulance
9 blindée entre l'enfant et les tirs. Vous voyez le passage piéton.
10 Q. Le bâtiment que l'on voit à droite au fond, qu'est-ce que c'est ?
11 R. Le musée.
12 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais que l'on verse au dossier cette
13 photo.
14 Non, pardon, excusez-moi, j'ai une dernière question.
15 Q. Je crois que vous en avez déjà parlé, mais pour que toutes les
16 choses soient parfaitement claires, quelle est l'importance de l'endroit où
17 se trouve le véhicule ?
18 R. Le véhicule se situe entre l'enfant et l'homme qui l'a tué au fond de
19 cette rue vers le bâtiment contrôlé par l'armée des Serbes de Bosnie.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez terminé, vous voulez
21 verser la pièce au dossier ?
22 M. WHITING : [interprétation] Oui, effectivement.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A-t-il dit ce que c'est que GOFRS ?
24 M. WHITING : [interprétation] Je crois que c'est dans la déclaration, mais
25 il peut le dire.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela veut dire Service mondial de lutte anti-
27 incendie ou en anglais "Global Operation Fire Rescue Services".
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.
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1 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera la pièce
2 P272.
3 M. WHITING : [interprétation] J'ai un peu dépassé le temps qui m'était
4 imparti, mais avec autre autorisation, Monsieur le Président, j'ai un
5 dernier document à présenter. C'est le document 2961, un document 65 ter
6 également.
7 Q. Reconnaissez-vous cela ?
8 R. Oui, Monsieur.
9 Q. Qu'est-ce que c'est ?
10 R. C'est une lettre qui émane du lieutenant général Rose.
11 Q. Oui, effectivement. Merci.
12 M. WHITING : [interprétation] Je voudrais que ceci soit versé au dossier.
13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P273.
15 M. WHITING : [interprétation] Merci.
16 Q. Merci, Monsieur Jordan. Je n'ai plus de questions.
17 [La Chambre de première instance se concerte]
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Madame Isailovic.
19 Mme ISAILOVIC : Merci, Monsieur le Président.
20 Contre-interrogatoire par Mme Isailovic :
21 Q. Bonjour, Monsieur Jordan. Je suis Me Branislava Isailovic, avocate au
22 barreau de Paris. Je défends devant cette Chambre
23 M. le général Milosevic qui est accusé devant cette Chambre. Je vais voir
24 avec vous - et je suppose que mon confrère vous a déjà expliqué la
25 procédure ici - donc c'est un contre-interrogatoire qui va concerner
26 principalement votre déclaration que vous avez donnée au service du
27 Procureur les 22, 23 et 24 août 2006. On vient d'aborder certaines
28 questions, et après, certains documents qui ont des rapports avec votre
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1 déclaration.
2 Tout d'abord, Monsieur Jordan, je voudrais commencer par justement votre
3 organisation. C'est une ONG, n'est-ce pas ?
4 R. Oui, Madame.
5 Q. Si j'ai bien compris, cette ONG dépend de la loi américaine; est-ce
6 vrai ?
7 R. Oui, effectivement, du point de vue fiscal, oui.
8 Q. Du point de vue d'autorisation de faire des missions sur le territoire
9 bosniaque, elle dépendait du gouvernement bosniaque aussi.
10 R. Oui, effectivement. Il nous fallait leur autorisation pour opérer dans
11 leur zone et il fallait aussi l'autorisation de l'armée des Serbes de
12 Bosnie pour opérer dans leur zone à eux.
13 Q. Justement, ma question porte sur les démarches administratives. Vous
14 avez dû, conformément à la loi bosniaque, faire enregistrer votre
15 organisation auprès d'un organisme administratif. Est-ce que c'était le
16 cas ?
17 R. Oui. J'avais déposé tous les papiers auprès du gouvernement bosniaque à
18 plusieurs reprises. Les procédures administratives sont -comment - enfin ?
19 Je ne peux pas être positif. Disons que ce sont simplement des procédures
20 administratives.
21 Q. De cette procédure administrative, est-ce qu'un acte administratif
22 concernant votre ONG s'est produit ?
23 R. Oui, effectivement. A un moment donné ou à un autre c'était obligé.
24 Mais puisque nous étions finalement dans le cadre du HCR et parce que nous
25 avions des papiers qui nous avaient été remis par le HCR, c'était une sorte
26 de protection même si, effectivement, le gouvernement bosnien nous a donné
27 quelques documents au départ avant que nous ne tombions dans le giron des
28 Nations Unies, disons, beaucoup de choses qui se faisaient dans le cadre du
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1 HCR et de la FORPRONU dans ce lieu-là était ad hoc, disons. Ils faisaient
2 des choses qu'ils n'avaient fait par le passé et qu'ils n'ont pas refait
3 depuis, si j'ai bien compris.
4 Q. Justement, pour peut-être nous aider de poursuivre après, avec d'autres
5 moyens de preuve, à quel moment vous tombiez dans le giron, comme mon
6 interprète a traduit des UNHCR ? A quelle date précise ?
7 R. Le HCR avait deux niveaux, si vous voulez. Ils délivraient des
8 documents d'identité HCR à des centaines d'organisations à partir de 1992,
9 et ce, jusqu'en 1995. C'était une manière pour le HCR de dire aux parties
10 belligérantes que ces organisations étaient légitimes. Il y avait un autre
11 niveau, c'est ce que l'on appelait les
12 partenaires opérationnels, disons. Cela veut dire quoi. Cela veut dire
13 qu'une organisation était reconnue en tant que telle par le HCR lorsqu'elle
14 acceptait un financement de cette organisation.
15 Depuis novembre 1992, nous intervenions, disons, seuls, jusqu'à, je
16 crois, mars 1993. C'est la première fois que les Nations Unies nous ont
17 offert un financement. Je crois que ce financement, nous ne l'avons pas
18 reçu avant mai ou juin, une fois que tous les papiers ont été finis. A ce
19 stade-là, GORFS, cette organisation a assuré, disons, certains services de
20 lutte contre l'incendie et services d'urgence pour les Nations Unies. Je ne
21 sais pas si on nous a dit à ce moment-là que c'était exactement cela, mais
22 c'est ce qu'on faisait sur le terrain.
23 Q. Monsieur Jordan, la dernière question concernant tout cela, j'ai
24 aperçu sur la vidéo que vous continuiez à porter les insignes de votre ONG;
25 est-ce que c'est vrai ?
26 R. Nos uniformes, nos uniformes d'intervention, si vous voulez,
27 étaient des uniformes bleu foncé avec sur la poche "EMS", puis "GOFRS" sur
28 l'épaule, même chose lorsque l'"EMS" met son logo sur un avion alors que
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1 cela fait partie des Nations Unies, même chose pour le HCR, même si cela
2 fait partie des Nations Unies, ils font porter leurs sigles ou leurs logos.
3 Alors, même chose pour nous à peu près.
4 Q. Sur le plan financier, est-ce que vous continuiez à avoir des
5 donations, votre ONG ?
6 R. Oui, nous avons reçu des dons, effectivement, de la communauté des
7 pompiers internationale, principalement des Etats-Unis, pour ce qui est des
8 dollars. Puis, il y a eu d'autres organisations de pompiers européennes qui
9 ont donné de nombreux véhicules, du matériel, qui était compatible avec ce
10 qui était utilisé par les locaux à Sarajevo des deux côtés. Je crois que
11 nous avons donné trois camions en une seule journée; rouge pour le
12 gouvernement bosniaque, un vert pour les Serbes de Bosnie, puis un autre,
13 je crois, vert -- non, blanc pour le HCR.
14 Q. Ces donations faites au profit des deux côtés belligérants et l'UNHCR,
15 l'organisation pour les réfugiés, est-ce que c'était donné à votre
16 organisation et après vous aviez cédé votre don ou cela s'est passé
17 autrement ?
18 R. Nous, nous n'avons rien donné au HCR. Nous avons tout donné aux locaux,
19 des deux côtés, en fonction des besoins. Par exemple, à un moment donné,
20 nous avions 400 paires de bottes qui nous sont arrivées. Nous les avons
21 divisées, réparties par taille, au sein de la station de pompiers du
22 gouvernement de Bosnie à Sarajevo, et on nous a aidés à les trier. Je crois
23 que 100 paires de bottes sont allées à Grbavica parce qu'il y avait ici
24 moins de pompiers. Il fallait répartir l'équipement, c'est tout.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire une pause; 20
26 minutes.
27 --- L'audience est suspendue à 12 heures 21.
28 --- L'audience est reprise à 12 heures 44.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Isailovic, vous pouvez
2 poursuivre.
3 Mme ISAILOVIC :
4 Q. Monsieur Jordan, on va continuer. Justement pour continuer ce dont on a
5 parlé tout à l'heure, est-ce que je peux comprendre que vous n'avez pas
6 montré les statuts de votre ONG ni les bilans au Procureur ?
7 R. Oui, tout à fait.
8 Q. Est-ce que vous les possédez chez vous ?
9 R. Je ne pense pas. Tout ce qui a plus de 10 ans, enfin, je n'ai pas été
10 beaucoup aux Etats-Unis. Je ne sais pas vraiment, je ne sais pas du tout où
11 il peut bien être.
12 Q. Merci. Maintenant, on va passer sur quelque chose dont vous avez parlé
13 dans votre déclaration, mais aussi aujourd'hui, donc sur votre carrière
14 militaire. Vous êtes rentré à l'armée des Etats-Unis à l'âge de 17 ans;
15 est-ce vrai ?
16 R. Non, pas tout à fait. C'étaient les marines que j'ai rejointes, quand
17 j'avais 17 ans, le Corps des marines, pas l'armée.
18 Q. Est-ce que -- je ne sais beaucoup, mais cela ne fait partie de l'armée
19 des Etats-Unis ?
20 R. Non, pas tout à fait, désolé. C'est plutôt au sein de la marine qu'il y
21 a les "marines", si je puis dire ?
22 Q. Est-ce que c'est --
23 L'INTERPRÈTE : Le camp des commandos.
24 Mme ISAILOVIC : Oui, j'ai eu l'explication de mon interprète français.
25 Q. Mais quand même, vous étiez chef de peloton des tireurs embusqués, si
26 j'ai bien compris ?
27 R. Oui, en effet. Mon dernier poste était d'être chef des snipers d'un
28 bataillon d'infanterie. C'était dans une section STANO, surveillance,
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1 acquisition de cibles et opérations de nuit; c'est l'acronyme, STANO.
2 Q. Est-ce que j'ai raison de dire qu'à partir de 1993, de 1980, pardon,
3 oui, 1973, à l'âge de 17 ans, vous avez commencé votre, disons, carrière
4 militaire de "marines" ou n'importe quel soldat ?
5 R. Tout à fait.
6 Q. Est-ce que j'ai bien compris de votre déclaration, vous étiez un
7 spécialiste de "sniping" ?
8 R. Oui.
9 Q. D'ailleurs, votre fonction à Sarajevo était -- là, on peut jouer sur
10 les mots parce que "fire", "firefighter", cela peut aussi démontrer le
11 lutteur contre le feu et contre les tirs; est-ce que c'est bien cela ?
12 R. Oui, oui, c'est vrai. C'est vrai.
13 Q. Justement, dans le paragraphe 15 que vous avez abordé avec M. Whiting
14 tout à l'heure, dans votre déclaration, vous avez parlé justement de cette
15 autre sorte de "fire", des tirs; est-ce vrai ?
16 R. Oui.
17 Q. En quelque sorte, votre fonction à Sarajevo consistait aussi dans la
18 lutte "antisniping", si j'ai bien compris ?
19 R. Oui, cela a plus ou moins évolué dans ce sens.
20 Q. Monsieur Jordan, est-ce que vous êtes au courant avec un "antisniping
21 agreement" qui a été signé par les parties belligérantes ?
22 R. J'en ai entendu parler, en effet.
23 Q. Est-ce que vous savez, il me semble, que le Bataillon français était
24 chargé de cette lutte antisniper ?
25 R. Je sais qu'il l'était à un moment, mais je crois qu'il y avait une
26 rotation entre forces des Nations Unies pour prendre ce type de missions.
27 C'était le corps qui avait les équipements. La plupart des forces des
28 Nations Unies étaient assez réticentes à effectuer ce type de missions,
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1 qu'ils étaient censés faire sur papier, quand même, c'est vrai.
2 Q. En quelque sorte, ce dont ils étaient censés faire sur papier, vous le
3 faisiez, en pratique ?
4 R. Notre mission était d'aider les pompiers des deux côtés dans la mesure
5 du possible, de la façon possible. On s'est rendu compte que des deux
6 côtés, il s'agissait de sapeurs-pompiers extrêmement compétents qui avaient
7 des équipements similaires. Ils avaient besoin d'équipement de protection,
8 ils avaient besoin de carburant, ils avaient besoin de ces deux choses.
9 C'était à nous, en tant que mission, de leur donner cela. Cela tombait sur
10 nos épaules.
11 Q. Si j'ai bien compris, en pratique, quand vous êtes venu à Sarajevo, en
12 quelque sorte, votre fonction est virée plutôt dans le sens de la
13 protection des sapeurs-pompiers ?
14 R. Non, non. Quand je suis arrivé à Sarajevo, au départ, c'était pour
15 faire le bilan, voir de quoi ils avaient besoin. J'étais assez surpris de
16 me rendre compte que ce qu'ils avaient vraiment besoin, et ce, des deux
17 côtés, c'était de l'équipement de protection. Je ne connaissais rien aux
18 opérations des Nations Unies, je n'avais jamais participé à aucune, et je
19 croyais que les Nations Unies assuraient la protection des sapeurs-
20 pompiers. Quand je me suis rendu compte, là-bas, quand je suis arrivé là-
21 bas, je me suis rendu compte que ce n'était pas le cas.
22 Q. C'était justement le sens de ma question. Vous vous êtes rendu compte
23 que la FORPRONU n'assure pas la sécurité des gens; est-ce vrai ?
24 R. Pas de façon continue, en tout cas.
25 Q. Notamment des sapeurs-pompiers qui faisaient leur job ?
26 R. Oui. Oui, dans le cadre de leurs travaux, dans le cadre de leur métier,
27 les pompiers des deux côtés étaient des cibles, et on leur tirait dessus
28 des deux côtés.
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1 Q. A cet instant-là, votre, disons, mission a viré un petit plus vers la
2 lutte "antisniping" et de protection des snipers ? Ai-je raison de dire
3 cela ?
4 R. Oui, cela faisait partie de la mission. On luttait beaucoup contre les
5 incendies aussi. On faisait aussi du service d'urgence médical,
6 l'approvisionnement. On faisait aussi beaucoup de pourparlers avec les deux
7 côtés pour qu'il y ait toujours communication, ce qui a permis un peu de
8 réduire le niveau de violence entre les deux côtés. L'ordre des Nations
9 Unies de
10 septembre 1993 a vraiment permis de réduire la violence infligée pour nos
11 pompiers. Quand on devait réagir, on le faisait, mais avec résistance. On
12 n'avait pas envie de le faire, les médias avaient à se concentrer là-
13 dessus. A notre avis, ce n'était pas du tout l'essentiel de notre mission.
14 Nous, on essayait d'apaiser les tensions, c'est tout.
15 Q. Justement, dans le paragraphe 15 de votre déclaration, et tout à
16 l'heure vous avez parlé de cette procédure, et je vais l'appeler "Repérage
17 des tireurs embusqués"; est-ce que c'était cela ?
18 R. Tout à fait.
19 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé, et très souvent, de repérer les tireurs
20 embusqués et après d'en informer la FORPRONU ?
21 R. Oui. C'est ce qu'on essayait de faire.
22 Q. Après, parce que nous, voyez-vous, devant cette Chambre, on a eu
23 beaucoup de "sitreps", des rapports de situation de la FORPRONU. Moi-même
24 je ne me suis pas rendu compte que, si vous voulez, votre mission était
25 inscrite sur ces rapports de situation. Est-ce que peut-être vous en savez
26 plus ?
27 R. Cela ne me surprend pas, qu'il y ait pratiquement peu de documents
28 expliquant exactement en quoi notre mission a évolué et comment elle a
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1 évolué, même pour ce qui est des papiers de
2 septembre 1993 au nom de la FORPRONU, parce que les forces de la FORPRONU à
3 Sarajevo n'y passaient que 90 jours normalement. Il y avait une rotation de
4 personnel constante. Dans l'armée, chez les militaires, on essaie toujours
5 de transmettre l'information à la personne qui vient prendre la relève.
6 Cela manquait dans les opérations des Nations Unies. On devait toujours se
7 représenter chaque fois qu'il y avait une nouvelle unité des Nations Unies
8 qui arrivait. Il fallait dire qui on était, et certains nous disaient, de
9 but en blanc, d'ailleurs : "Non, c'est les Français qui l'ont écrit, donc
10 nous on va le faire." On faisait ce qu'on pouvait.
11 Q. Quand même, vous l'avez fait de votre propre chef, alors ?
12 R. Non, pas tant que cela, pas de notre propre chef, quand même. Mais
13 comme le système s'était plus ou moins effondré à cause de la réticence des
14 Nations Unies de mettre en pratique ces paroles, de faire ce qu'ils avaient
15 dit qu'ils feraient, dans ce cas-là on a plutôt utilisé notre droit à la
16 légitime défense. On ne s'est jamais impliqué dans ce que j'appellerais le
17 combat, le vrai combat, quoi, quand on essaie d'arriver à contrôler un
18 morceau de terrain et que du coup on sacrifie ses hommes pour obtenir du
19 terrain. On ne s'est pas impliqué là-dedans. On essayait de ne jamais
20 permettre à aucun côté de nous manipuler pour qu'on leur serve, en fait. On
21 a fait très attention à ne pas se faire manipuler. Donc vous avez fait
22 aussi des permanences - c'est votre déposition aujourd'hui - les
23 permanences sur certains lieux quand il faisait beau.
24 R. [aucune interprétation]
25 M. WHITING : [aucune interprétation]
26 Mme ISAILOVIC :
27 Q. Là c'étaient les gens qui appartenaient à votre ONG, c'est cela, qui
28 faisait ces permanences, disons.
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1 R. Oui. Quand nous avons vu que les niveaux de violence étaient accrus
2 dans une région quelle que soit la raison pour cela, nous envoyions les
3 gens là-bas pour répondre aux éventuelles victimes.
4 Q. -- décision sur le niveau de combat ? Qui faisait cette estimation,
5 disons, qui vous permettait après de vous rendre sur ces lieux ?
6 R. Les victimes en décidaient. Quand nous entendions que quelqu'un avait
7 été blessé, qu'il avait besoin de l'aide, et bien, nous répondions. Puis,
8 au cours du transport de ladite personne vers l'hôpital, nous apprenions
9 qu'une autre personne avait été blessée ou tuée au même endroit. C'étaient
10 des indices, si vous voulez. C'est comme si vous levez vos yeux vers le
11 ciel pour voir s'il y a des nuages, pour voir s'il va pleuvoir.
12 Q. Si j'ai bien compris, la source d'information c'était principalement
13 les victimes que vous rencontriez lors de vos visites aux hôpitaux; est-ce
14 que c'est cela ?
15 R. Non. Nous n'allions pas à l'hôpital pour voir qu'il y a eu des victimes
16 là-bas. Si, par exemple, vous aviez plusieurs victimes dans un endroit, et
17 bien, ceci nous disait que les tireurs embusqués étaient en activité. Au
18 lieu de revenir dans notre caserne, nous allions à l'endroit où il y avait
19 des victimes.
20 Q. Ces victimes, elles sont venues vous voir, elles, ou c'est plutôt vous
21 qui êtes allés vers les victimes. C'était cela ma question ?
22 R. Dans la plupart des cas, c'est nous qui répondions, qui allions voir
23 les victimes. Nous avons eu quelques patients qui pouvaient marcher, qui
24 sont venus à la caserne des pompiers. Mais la plupart des gens sur lesquels
25 ont a tiré n'étaient pas en mesure de marcher, donc on allait les voir, les
26 aider, d'autant s'ils avaient été blessés à découvert, parce que notre
27 ambulance, notre voiture était blindée alors que les locaux n'avaient pas
28 de véhicules blindés.
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1 Q. Monsieur Jordan, est-ce qu'on peut se mettre d'accord que l'endroit où
2 se trouve le musée dont on a parlé tout à l'heure faisait partie de ces
3 lieux, disons, chauds ?
4 R. Oui, parfaitement.
5 Mme ISAILOVIC : Maintenant, je demande à mon assistant d'afficher la photo
6 qui est 65 ter 2819. C'est déjà accepté comme le moyen de preuve sous cote
7 P88.
8 Maintenant, je vais demander à M. l'Huissier de s'approcher si c'est
9 possible de M. Jordan pour lui montrer l'utilisation du stylet.
10 Q. Monsieur Jordan, vous voyez sur l'écran une partie de Sarajevo; est-ce
11 vrai ?
12 R. Oui, Madame.
13 Q. Est-ce que vous vous repérez sur cette photo ?
14 R. Oui, j'ai l'impression de connaître l'endroit, oui.
15 Q. Monsieur Jordan, on va commencer tout d'abord par Miljacka, est-ce que
16 vous voyez sur cette photo ?
17 R. On ne peut pas vraiment la voir, mais elle suit la ligne des arbres
18 entre le musée, puis ces bâtiments résidentiels se trouvent par ici, donc
19 elle passe par là.
20 Q. Vous mettez un M, s'il vous plaît, comme Miljacka.
21 R. [Le témoin s'exécute]
22 Q. Maintenant, la partie basse de la photo, c'est bien Grbavica, n'est-ce
23 pas ?
24 R. Oui, on voit une partie, oui.
25 Q. Est-ce que vous pouvez nous montrer une sorte de frontière de Grbavica.
26 Parce que vous dites une partie. Est-ce que vous pouvez la montrer où se
27 situe par rapport à cette ligne Grbavica ?
28 R. Oui. Je pense que Grbavica correspond à cette partie tout en bas ici,
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1 je pense, et ce bâtiment est partagé parce qu'il était partagé entre les
2 forces. Donc je pense que cette partie plus élevée porte un autre nom,
3 cette partie porte un autre nom. Ici, c'est à peu près Grbavica et elle a
4 une forme de rein. Elle ressort un peu.
5 Q. Juste. Quand vous dites ce bâtiment qui est partagé, est-ce que vous
6 pouvez le marquer et vous expliquez un petit peu, s'il vous plaît.
7 R. Je crois que c'était ce bâtiment-ci, là où j'ai fait d'autres lignes,
8 qui a été partagé entre les deux forces à un moment donné. Ce n'était pas
9 vraiment un endroit où nous serions allés, parce qu'il n'y avait pas
10 d'activités concernant les civils là-bas. Nous travaillions jusqu'aux
11 lignes de front, à plusieurs occasions, quand des civils se trouvaient près
12 des lignes de front et quand il y avait des zones résidentielles à
13 proximité. Toute cette région, c'était une région où on ne se rendait pas,
14 parce qu'il y avait que des troupes qui étaient là-bas et ce n'était pas
15 notre objectif que d'aller là-bas.
16 Q. Est-ce que vous pouvez être plus précis là ? Les troupes, elles étaient
17 où ? Justement, est-ce que vous pouvez nous montrer ?
18 R. A nouveau, cela ne nous regardait pas vraiment. Nous savions où ils
19 étaient, par exemple, devant le musée, à peu près à ce niveau-là, nous
20 pouvions nous positionner là-bas pour protéger les gens qui passaient par
21 cette allée principale parce qu'on tirait sur des gens. C'était une zone où
22 l'on circulait beaucoup. Et ici il y avait des troupes, il y avait des
23 soldats. Donc on n'allait pas là-bas parce qu'on avait rien à faire là-bas.
24 Qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse en face des troupes, qu'on se mette
25 juste en face. Nous venions assez près et --
26 Q. -- montrer cet endroit, parce qu'on ne voit pas sur - de quelle partie
27 là de la photo vous parlez quand vous dites il y avait des troupes. Je n'ai
28 pas compris cela. D'ailleurs, je pense, personne n'a compris.
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1 R. D'après ce que je savais, le gouvernement bosniaque avait ses troupes à
2 peu près ici, et l'armée de Serbes de Bosnie était ici au niveau de ces
3 bâtiments plus élevés puisque c'est de là qu'ils tiraient. Ensuite, les
4 Bosniaques répondaient d'ici mais on ne pouvait pas le voir.
5 Q. Merci, Monsieur Jordan. Est-ce que vous pouvez marquer juste là
6 plusieurs lignes, donc mettre "ABiH" ?
7 R. [Le témoin s'exécute]
8 Q. Quand vous avez parlé tout à l'heure des tireurs embusqués qui se
9 situaient derrière le musée, c'était quel endroit précisément, si vous
10 pouvez l'indiquer, parce que déjà vous voyez plusieurs bâtiments de musée ?
11 R. Non, parce que je ne suis jamais allé. Nous n'avions aucune raison d'y
12 aller. Il n'y avait pas de civils qui y habitaient. S'il y avait des
13 victimes parmi les militaires ils les évacuaient eux-mêmes. Nous nous
14 occupions des civils. Nous étions là où se trouvaient des civils. Parfois
15 sur la ligne de front il y avait parfois des maisons résidentielles, des
16 bâtiments résidentiels le long de ligne de front où habitaient des civils.
17 Nous, on n'allait pas là-bas, à moins que vous vouliez qu'on vous tire
18 dessus. Je n'aurais envoyé personne là-bas.
19 Q. Là, justement, j'aimerais que vous mettiez une lettre sur le bâtiment
20 qui était divisé par les deux armées et mettre un D.
21 R. Un cercle vous suffit ? Oui, je pense que c'est bien cela le bâtiment
22 pour lequel je pensais qu'il avait été partagé.
23 Q. Est-ce que sur cette photo vous voyez d'autres bâtiments qui se situent
24 au dessous de la ligne qui marque Miljacka, mais qui étaient sur le
25 territoire contrôlé par l'ABiH ?
26 R. A nouveau, ce n'est pas là que nous allions. Mais on peut imaginer, que
27 puisque la rivière était la frontière à partir d'un endroit à peu près à ce
28 niveau-là - et je ne sais pas exactement où - il y avait des troupes de
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1 l'ABiH, mais je ne suis pas vraiment sûr de cela.
2 Q. On va revenir. Pour l'instant, avant qu'on regarde cette photo, si vous
3 pouvez m'indiquer sur cette photo l'endroit où s'est produit l'incident
4 dont on a parlé, où le pauvre garçon a été touché ensemble avec sa mère.
5 R. C'était à ce carrefour.
6 Q. Est-ce que vous pouvez mettre numéro 5, parce que c'est l'incident
7 numéro 5 ici.
8 R. [Le témoin s'exécute]
9 Q. Tirer peut-être un trait vers ce cercle pour qu'on voie bien que c'est
10 5 qui se rapporte au cercle.
11 R. [Le témoin s'exécute]
12 Q. Maintenant, la rue qui est parallèle par rapport à la rivière qui passe
13 devant de bâtiment jaune, est-ce que vous connaissez cette rue aussi, cette
14 avenue plutôt ? Parce que --
15 R. Je ne connais pas son nom, Madame.
16 Q. Est-ce que ce n'est pas l'avenue qu'on appelait à l'époque "Sniper
17 Alley" ?
18 R. D'après mon expérience, il y avait plusieurs allées qu'on appelait les
19 "allées des snipers". Il y a à peu près beaucoup de cohérence avec les noms
20 des endroits dans la ville.
21 Q. Maintenant, j'aurais aimer avoir -- non, juste un instant avant de la
22 garder, est-ce que vous voyez deux tours qui se situent sur la photo en
23 haut et à droite ?
24 R. Oui. C'est la tour Unis, je pense.
25 Q. Est-ce que d'après vous souvenirs à l'époque, les snipers de l'ABiH
26 étaient situés dans cette tour ?
27 R. Oui, je pense que l'on peut dire cela. Je ne peux pas dire que j'en ai
28 vu.
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1 Q. Vous pouvez alors poser un U sur les tours "Unis."
2 R. [Le témoin s'exécute]
3 Q. Est-ce que vous voyez le bâtiment du gouvernement ?
4 R. Oui, l'ancien parlement.
5 Q. Est-ce que vous pouvez mettre un G sur ce bâtiment ?
6 R. G.
7 Q. Oui.
8 R. [Le témoin s'exécute]
9 Q. Est-ce que l'autre bâtiment qui est un petit moins élevé faisait partie
10 aussi de ce bâtiment du gouvernement et de l'assemblée, d'après vos
11 souvenirs ?
12 R. Je ne me souviens pas que ceci faisait partie du gouvernement, peut-
13 être que c'était autre chose. Je ne m'en souviens pas.
14 Q. Est-ce que vous vous souvenez que les snipers de l'ABiH se trouvaient
15 dans le bâtiment du gouvernement ?
16 R. Je ne sais pas. Je n'ai jamais vu de tirs de là. Nos rapports avec les
17 tireurs embusqués des deux côtés étaient restreints, à savoir s'ils nous
18 tiraient dessus oui ou non. Nous ne cherchions pas à avoir de rapports avec
19 eux.
20 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, je demande maintenant une cote pour
21 cette photo marquée, s'il vous plaît.
22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est versé au dossier.
23 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce D79, Monsieur le
24 Président.
25 Mme ISAILOVIC :
26 Q. Monsieur Jordan, on va passer --
27 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Pendant que nous regardons encore
28 cette photo, pourriez-vous demander au témoin de nous expliquer pourquoi
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1 pense-t-il que le bâtiment d'Unis ne serait pas un bon emplacement pour les
2 tireurs embusqués.
3 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Juge, d'après ma traduction - parce que je n'ai
4 pas entendu parler le témoin à cause du casque - donc il a dit justement le
5 contraire. Je peux reposer la question.
6 Q. Monsieur Jordan, on a parlé tout à l'heure du bâtiment d'Unis. Vous
7 avez posé un U sur ce bâtiment. M. le Juge Harhoff a voulu que je vous pose
8 cette question. Est-ce que c'était un endroit qui était propice aux tirs
9 embusqués ?
10 R. Personnellement, je ne l'aurais pas utilisé, parce que c'est un
11 bâtiment très haut et isolé, froid, et si vous tirez de là, n'importe qui
12 qui se trouve à 200 mètres saurait que vous êtes là, que vous vous déplacez
13 sur ce bâtiment. Pour moi, c'est beaucoup trop élevé, c'est un bâtiment
14 beaucoup trop haut. S'il avait été un petit peu plus bas, aussi ce bâtiment
15 est complètement isolé; il est en verre partout autour. Je ne l'aurais pas
16 choisi, non, pas moi.
17 Q. Il est maintenant en verre, donc ce n'est pas en verre, mais on pouvait
18 utiliser les étages moins élevés ?
19 R. L'idée d'avoir un tireur embusqué tout en haut d'un bâtiment ou tout en
20 haut dans un arbre, c'est une propagande hollywoodienne puisque les tireurs
21 embusqués préfèrent rester plus près de la terre si vous avez cette
22 possibilité-là. Si vous devez tirer sur un bâtiment avec l'équipement que
23 vous avez, vous êtes capable de le faire, même d'un endroit plus bas.
24 Q. C'est un préjugé de nous, les profanes qui ne sont pas spécialistes en
25 tirs embusqués, de croire qu'il faut s'élever sur des endroits très élevés
26 pour pourvoir réussir le coup ?
27 R. Vous pouvez bien tirer d'un endroit très haut, mais vous risquez de
28 vous retrouver isolé. Il y a eu beaucoup de malheureux incidents dans mon
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1 pays quand les hommes ont tiré des bâtiments. Très souvent, ils sont morts
2 parce que la police ne peut pas arriver jusqu'à eux, ne peut pas les avoir.
3 Si vous tirez d'un bâtiment très, très élevé, à un moment donné vous devez
4 quand même partir de ce bâtiment. A un moment donné, quand vous avez fini,
5 si vous êtes encerclé, vous devez descendre tous ces étages abandonnés, ou
6 quelqu'un peut vous attraper.
7 Q. Si j'ai bien compris, si les amis vous attendent en bas, il n'y a pas
8 de danger ?
9 R. Vous devez pouvoir arriver jusqu'à ces amis. Mais à nouveau, c'est mon
10 point de vue, c'est mon opinion. Je me dis que quelqu'un qui n'a pas une
11 formation à 100 % le ferait, mais je ne vous donne ici que mon opinion, mon
12 point de vue.
13 Q. Merci.
14 Mme ISAILOVIC : On va garder cette photo, en bout de compte. Si on peut
15 avoir une cote.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D80.
18 Mme ISAILOVIC : Merci.
19 Q. Vous vous souvenez, tout à l'heure, vous avez parlé avec M. le
20 Procureur d'un incident précis qui s'est passé. On vient de montrer
21 l'endroit, donc le 18 novembre 1994.
22 R. Oui.
23 Q. Maintenant, j'aimerais voir sur l'écran tout d'abord un rapport que
24 nous avons examiné ce matin aussi.
25 Mme ISAILOVIC : C'est le 65 ter 1484. C'est admis comme D19.
26 Q. En attendant, Monsieur Jordan, est-ce que vous vous souvenez ? Vous
27 avez dit que plusieurs de vos collègues étaient sur place ce jour-là.
28 R. Oui.
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1 Q. Je vais lire votre déclaration. C'est le paragraphe 12.
2 [interprétation] "Todd Bayly de Montréal, Trevor Gibson d'Ecosse, Randy
3 Henderson et Mark Anderson des Etats-Unis, ces personnes-là qui étaient sur
4 place."
5 R. Je pense que Todd Bayly y était aussi, et je ne vois pas son nom ici.
6 Q. Si, si. Il était le premier cité : "Todd Bayly from Montreal", si c'est
7 bien lui.
8 R. Le document que je regarde --
9 Q. Regardez votre déclaration. C'est le paragraphe 12, excusez-moi.
10 R. Excusez-moi, Madame. J'ai regardé le document sur l'écran.
11 Le paragraphe 12. J'y suis, Madame.
12 Q. Vous pouvez lire, au milieu : "Todd Bayly, Trevor Gibson, Randy
13 Henderson and Mark Anderson."
14 R. Oui.
15 Q. Ce sont les seules personnes de votre ONG, d'après vos souvenirs, qui
16 étaient sur place ?
17 R. Oui, Madame, ces quatre hommes étaient de service.
18 Q. Est-ce que vous tirez aussi vos enseignements sur ce qui s'est passé de
19 ces personnes-là ?
20 R. Oui, j'ai parlé avec toutes ces personnes au sujet de ce qui s'est
21 passé. Ils m'ont tous donné leur version de l'histoire avec de toutes
22 petites différences. J'ai parlé avec toutes ces personnes, oui.
23 Q. Est-ce qu'avec toutes ces personnes, elles se sont plutôt mises
24 d'accord sur l'endroit précis où l'incident s'est passé ?
25 R. L'endroit de l'incident, oui, il a été confirmé par toutes ces
26 personnes.
27 Q. Est-ce que c'est bien l'endroit que vous venez d'encercler sur la photo
28 qu'on a vue tout à l'heure ?
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1 R. Oui, celui que j'ai identifié avec le chiffre 5.
2 Q. Est-ce que c'est bien l'endroit que vous avez vu sur la photo qui vous
3 a été montrée par M. le Procureur, où l'on voit le pauvre garçon sur le
4 sol ?
5 R. Oui.
6 Q. On peut se mettre d'accord que c'est sur un passage piéton, appelé
7 zèbre, aussi ?
8 R. Oui, je pense que c'est bien cela. C'est un passage piéton; c'est là
9 que l'on voit l'enfant.
10 Q. Monsieur Jordan, est-ce que d'après vos souvenirs qui concernent cet
11 incident, mais bien d'autres, vous vous souvenez de vos rapports avec la
12 police locale ?
13 R. De quelle police locale parlez-vous ? C'est la question qui me vient à
14 l'esprit. C'était un petit peu une blague entre nous. On ne savait jamais
15 avec quelle police locale on allait traiter. Les forces de l'ABiH n'avaient
16 pas un commandement et un contrôle bien permanent en place. Je pouvais
17 avoir un laissez-passer me disant que je pouvais travailler partout dans la
18 nuit. Une personne pouvait m'autoriser, puis l'autre personne après pouvait
19 m'arrêter, m'empêcher d'y aller pour aller éteindre un feu quelque part.
20 Vraiment, la police, il n'y avait pas vraiment de ligne directrice bien
21 appliquée. On ne savait jamais vraiment à quoi s'attendre avec eux.
22 Q. Monsieur Jordan, d'habitude, quand les incidents se produisaient --
23 ici, on a eu beaucoup de policiers qui sont venus témoigner et ils ont
24 emmené avec eux les rapports qu'ils avaient établis lors de ces incidents,
25 donc qui se rapportent à ces incidents. Est-ce que vous souvenez peut-être
26 d'un incident où vous étiez présent et, tout d'abord, est-ce que vous vous
27 souvenez d'un incident précis où vous personnellement étiez présent sur
28 l'endroit au moment où la police se présentait ?
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1 R. Il y avait toujours un type de police qui arrivait, mais pour ce qui
2 est d'un officier de police qui recueille des déclarations, qui sorte ses
3 dossiers et qui fasse le travail qu'on attend d'un policier de n'importe
4 quel autre pays du monde, cela, je ne m'en souviens pas du tout. Cela n'est
5 jamais arrivé, je crois. La seule fois où je me souviens qu'il y a eu
6 quelque chose de ce genre, c'est quand ils ont essayé de nous embêter à
7 propos de quelque chose. On avait enlevé un cadavre d'un incendie, on
8 l'avait amené à la morgue, on l'avait déposé à la morgue, et le jour
9 suivant ils viennent nous voir à la caserne en soi-disant nous disant qu'on
10 était incompétent, qu'on avait fait des erreurs, on voulait des détails, et
11 je leur ai dit : allez vous faire voir. C'est comme cela que je l'ai dit,
12 comme cela : mais vous n'avez qu'à aller lutter contre un incendie. A mon
13 avis, ces policiers n'étaient pas très professionnels. C'est le moins qu'on
14 puisse dire. Non, je n'avais jamais rien vu de la sorte.
15 Q. Bon, Monsieur Jordan, on va faire avec ce qu'on a ici. On a justement
16 un rapport que vous pouvez voir sur l'écran. Il y a une traduction aussi en
17 anglais. Ce qui m'intéresse, c'est tout d'abord la page 5 de ce rapport
18 dont on dispose ici.
19 Justement, ces policiers, M. Cerimagic Salko et Pilav Sulejman, ce sont
20 deux messieurs qui ont établi ce rapport officiel, donc ils mentionnent M.
21 Joshua Wooding, porteur d'une accréditation UNHCR qui appartient à l'ONG
22 GOFRS, G-O-F-R-S. C'est bien votre collègue, cela, Joshua ?
23 R. Oui, il faisait partie de mon équipe. C'était Josh.
24 Q. Comment expliquez-vous qu'ils ont trouvé Joshua, et Joshua ne vous a
25 rien dit sur cet incident, ce que j'ai compris ?
26 R. Je pense que c'est Josh qui l'a fait à un moment ou à un autre. Cela
27 fait 11 ans. En ce qui concerne les rapports de police, vraiment, ces
28 rapports étaient souvent rédigés après coup, à propos d'incidents auxquels
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1 ces policiers n'avaient même pas assisté. Le meilleur exemple, c'est que le
2 chef des pompiers était à Prague en 1995, pour des fonctions officielles,
3 je ne sais quoi, et il a dit que l'ouest, l'occident avait complètement
4 abandonné Sarajevo et la caserne de Sarajevo, alors que cela faisait trois
5 ans qu'on était là, quand même. Je crois qu'ils écrivaient et rédigeaient
6 des rapports qui leur allaient bien, et c'est tout, c'est dans leur sens.
7 Q. Peut-être cela ne vaut pas la peine, mais quand même je vais continuer
8 avec ce rapport quand même, parce que c'est très intéressant, d'ailleurs,
9 et peut-être cela va dans le sens que vous abordez maintenant.
10 Mme ISAILOVIC : Je regarde justement si on peut tourner la page anglaise,
11 parce qu'elle est plus espacée, donc en effet sur la version B/C/S, c'est
12 la page que l'on voit, et ce paragraphe se trouve sur la page suivante de
13 la traduction anglaise. Cela va se situer, oui.
14 Q. Vous voyez le paragraphe qui commence par "Drvos" [phon] ?
15 R. [aucune interprétation]
16 Q. Est-ce que vous arrivez à le lire ?
17 R. Oui, s'il vous plaît. Oui, vous voulez que je lise à haute voix ?
18 Q. [aucune interprétation]
19 R. "Il y avait une tache de sang à l'endroit où la femme et l'enfant ont
20 été blessés, que des membres de la FORPRONU qui sont arrivés plus tard sur
21 le site ont nettoyé d'abord avec de l'eau et ensuite ont recouvert de terre
22 avant l'arrivée de l'équipe d'enquête sur site. L'entretien effectué à
23 l'hôpital, aux urgences de l'hôpital de Sarajevo --"
24 Q. Juste ce passage, c'est assez incroyable, n'est-ce pas, pour les gens
25 qui viennent des pays, disons, normaux ?
26 M. WHITING : [interprétation] Je soulève une objection, ici. Je ne pense
27 pas qu'il y ait de base établie pour demander à ce témoin de faire des
28 commentaires sur ce type de rapport, dire par exemple que ce qui est dans
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1 le rapport est incroyable ou pas. Enfin, ce témoin n'a pas assisté à la
2 scène, il n'a pas participé à des activités de police, il était là comme
3 sapeur-pompier. Alors, lui demander de faire des commentaires sur les
4 procédures de police, je pense que c'est aller un peu trop loin. Il n'en
5 est pas capable, à mon avis, et je pense que de ce fait la question n'a pas
6 de fondement.
7 [La Chambre de première instance se concerte]
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons permettre cette
9 question.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas surpris que le personnel de la
11 FORPRONU ait procédé de la sorte. Cela ne m'a pas surpris. Il y a eu un
12 incident, nous nous sommes rendus. C'était un accident où il y avait une
13 personne de la FORPRONU dont le pneu avait éclaté parce qu'on avait tiré
14 dans le pneu, alors il a perdu le contrôle du véhicule. Il y a un homme qui
15 est mort, un autre a été blessé. On a remarqué qu'il y avait des trous de
16 balles dans la jante lors de l'accident, mais quand on a vu l'accident le
17 lendemain, quand on était sur place, il n'y avait plus de roue, elle
18 n'était plus là. Pour quelle raison ? On ne sait pas. La FORPRONU, elle a
19 fait ce qu'elle a pu. On les avait vus faire, quand même, là. On ne pouvait
20 pas dire qu'ils ne l'avaient pas fait.
21 Mme ISAILOVIC :
22 Q. De toute façon, parce que c'est M. le Procureur qui a commencé à vous
23 interroger sur cet incident particulier, et pour cela je continue dans ce
24 sens, vous savez qu'après ce qui s'est passé, c'est-à-dire plutôt sur
25 l'endroit même, une photo a été prise de ce pauvre garçon ?
26 R. Vous parlez de la photo de l'"Associated Press", de l'agence
27 "Associated Press" ?
28 Q. La photo qui montre le garçon et deux de vos collègues
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1 R. C'est exact.
2 Q. -- sur l'endroit où l'incident s'est passé ?
3 R. Oui, je vois la photo. Je me rappelle de cette photo. Oui, oui, tout à
4 fait. J'ai vu la photo, j'ai vu la photo.
5 Q. De toute façon, on peut la voir et la commenter un petit peu.
6 Mme ISAILOVIC : Donc c'est P272, admise tout à l'heure, 65 ter 2960.
7 Q. Ce que j'ai compris sur cette photo - parce que je l'ai ici imprimée
8 avant qu'elle n'apparaisse -- oui, c'est le Procureur -
9 - cette photo a été publiée le lendemain de cet incident dans The
10 Providence Journal. Est-ce que vous le savez ou pas ?
11 R. Si vous le dites. Je ne l'ai pas vue dans le Providence Journal, mais
12 peut-être qu'elle y figurait.
13 Q. Est-ce que vous pouvez regarder tout en haut - peut-être on peut un
14 petit peu agrandir la photo.
15 R. Je la vois.
16 Q. Est-ce que c'est bien le journal de Rhode Island dont vous êtes
17 originaire ?
18 R. Providence c'est la capitale du Rhode Island. Etant donné que notre
19 organisation vient du Rhode Island, de cet Etat-là, un grand nombre de ce
20 qu'on faisait se retrouvait dans les journaux du cru, du Rhode Island. Cela
21 ne m'étonne pas.
22 Q. Est-ce que vous vous souvenez peut-être comment cette photo a été
23 envoyée à ce journal ?
24 R. Non, cela j'en ai aucune idée. La façon dont ce genre de chose se fait,
25 vous savez, les médias, ce sont les médias, pour moi ce n'était pas du tout
26 mon métier.
27 Q. D'après vous, aucun des membres de votre ONG ne s'est pas mis en
28 contact avec le journaliste de Providence Journal ?
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1 R. Enfin, à ma connaissance, non. S'ils l'avaient fait d'ailleurs, ce
2 serait un problème, j'aimerais.
3 Q. Sur cette photo, Monsieur, on peut bien confirmer vos dires de tout à
4 l'heure, donc que l'endroit où l'incident s'est produit est bien le zèbre,
5 donc la traversée piéton. On peut voir cela, n'est-ce pas ?
6 R. Oui, oui, tout à fait.
7 Q. D'après vos souvenirs et vos, disons, entretiens avec vos collègues,
8 est-ce qu'ils ont déplacé le corps de ce pauvre garçon à un instant ou
9 l'autre, sauf pour le mettre dans la van et pour l'amener à la morgue ?
10 R. Ce que j'ai compris, c'est que l'enfant est tombé exactement là où il a
11 été touché. Il n'a plus été déplacé jusqu'à ce qu'on le transporte, enfin
12 qu'on le mette dans l'ambulance, après s'être rendu compte qu'il était
13 mort. Puisqu'il avait quand même la tête traversée par une balle, cela, on
14 était pratiquement sûrs qu'il était mort. Si j'ai bien compris, il est
15 tombé exactement là où il a été atteint au même endroit.
16 Q. Un de vos collègues l'a vu, lui a parlé un moment avant et l'a vu
17 tomber.
18 R. Oui, oui. Il s'était arrêté à côté du camion des pompiers.
19 Il avait parlé avec nos personnels.
20 Q. Le bâtiment, vous avez répondu tout à l'heure à la question de M. le
21 Procureur, mais je vous la repose : le bâtiment qu'on voit dans la
22 profondeur de cette photo, est-ce bien le bâtiment de musée ?
23 R. Oui, tout à fait.
24 Q. Est-ce que c'est le même bâtiment qu'on a vu tout à l'heure sur la
25 photo que vous avez marquée ?
26 R. Oui, je crois que j'ai en effet fait une marque sur le musée, si je
27 m'en souviens bien.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Isailovic, je vais permettre
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1 au témoin de partir pour la journée, car il y a un point que nous devons
2 soulever en audience à huis clos partiel.
3 Monsieur Jordan, vous pouvez quitter le prétoire pour la journée. Bien sûr,
4 nous vous attendons demain matin, 9 heures du matin.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je serai là.
6 [Le témoin se retire]
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
8 partiel.
9 [Audience à huis clos partiel]
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12 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le jeudi 22 février
13 2007, à 9 heures 00.
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