Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 12 mars 2007

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bonjour, il faudrait que le témoin

7 se fasse la déclaration solennelle.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

9 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

10 LE TÉMOIN: TÉMOIN W-107 [Assermentée]

11 [Le témoin répond par l'interprète]

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Sachdeva.

13 M. WAESPI : [interprétation] Bonjour à tous.

14 Avant de commencer, avec votre permission, j'ai une chose à demander

15 en application de l'article 73. Je demande d'ajouter deux pièces à la liste

16 d'Accusation. Tout d'abord le dossier médical concernant ce témoin, il

17 s'agit du dossier médical portant sur sa blessure qui, selon nous, a été

18 provoquée par un obus de mortier. Pour ce qui est des communications, j'ai

19 communiqué ce dossier médical à la Défense dès que je l'ai reçu. Ce n'était

20 pas sur la liste de l'Accusation, parce que le témoin nous a apporté le

21 dossier avec elle quand elle est arrivée ici à La Haye. Je fais valoir que

22 cette pièce à conviction a une valeur probante et que la Défense l'a reçue

23 en temps et heure. J'aimerais qu'on la rajoute à la liste.

24 Deuxième pièce est un dossier photographique aussi fourni par le

25 témoin. C'est le témoin qui nous a apporté ces photographies lors de la

26 séance de récolement. Nous les avons vues et nous les avons communiquées à

27 la Défense. Ces photographies portent sur les points d'observation un et

28 d'autres emplacements autour de Sarajevo. Pour cette raison-là, nous

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1 considérons que les photographies ont une valeur probante et nous aimerions

2 qu'elles soient ajoutées à la liste de l'Accusation.

3 Si j'ai bien compris, la Défense a bel et bien été avertie en temps

4 et heure et n'a pas d'objection à soulever.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'aimerais savoir ce qu'il en

6 est.

7 Mme ISAILOVIC : Bonjour, Monsieur le Président.

8 Concernant tout d'abord parce que là je vais traiter avec ce témoin

9 concernant le dossier médical, s'il s'agit bien de la pièce qui porte le

10 numéro ERN 0606-9970. La Défense n'a pas d'objection à soulever parce que

11 c'est bien la pièce qui nous a été communiquée.

12 Concernant les photos, je laisse mon confrère parce que c'est lui qui va

13 les traiter.

14 Monsieur le Président, en ce qui concerne les photos la Défense n'a

15 pas d'objection à soulever.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Sachdeva, pour ce qui est

17 de l'identification du dossier médical, voudriez-vous rajouter quelque

18 chose ?

19 M. SACHDEVA : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mme Isailovic nous a dit qu'elle

21 n'avait pas d'objection à soulever si la pièce était bien la pièce ERN

22 0606-9970. C'est bien celle-là, n'est-ce pas ?

23 M. SACHDEVA : [interprétation] Tout à fait.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Dans ce cas-là, nous

25 acceptons d'ajouter ces deux pièces à la liste.

26 M. SACHDEVA : [interprétation] Merci.

27 Interrogatoire principal par M. Sachdeva :

28 Q. [interprétation] Bonjour, Témoin.

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1 R. Bonjour.

2 Q. Avant de commencer, vous avez demandé des mesures de protection et la

3 Chambre vous a donné ces mesures de protection, c'est-à-dire déformation de

4 la voix, du visage et attribution d'un pseudonyme. Au cours de mon

5 interrogatoire, je vais vous parler à vous en tant que Témoin 107. Faites

6 attention à ne rien dire qui pourrait vous identifier. Vous comprenez

7 bien ?

8 R. Oui, je comprends bien.

9 Q. Tout d'abord, je vais vous donner une feuille de papier sur laquelle il

10 y a vos coordonnées personnelles. Regardez-la et confirmez qu'il s'agit

11 bien de vous.

12 R. Oui, c'est bel et bien moi.

13 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais que ce

14 document soit versé au dossier sous pli scellé.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous acceptons le versement.

16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P349 sous pli scellé.

17 M. SACHDEVA : [interprétation]

18 Q. Bonjour. Témoin, habitez-vous à Sarajevo à l'heure actuelle ?

19 R. J'habite à Grbavica dans Sarajevo.

20 Q. Au cours du conflit et avant le conflit, habitiez-vous à Sarajevo ?

21 R. Avant le conflit, nous habitions à Grbavica, à Sarajevo.

22 Q. Quelle est votre occupation à l'heure actuelle ?

23 R. Je suis femme au foyer.

24 Q. Au cours du conflit, quelle était votre occupation ?

25 R. J'étais à la maison. J'étais au foyer, je restais dans mon appartement.

26 Q. Mis à part être une femme au foyer, étiez-vous impliquée dans d'autres

27 activités au cours du conflit à Sarajevo ?

28 R. Pendant que j'étais à Grbavica je ne faisais rien. Lorsque je suis

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1 passée de l'autre côté j'étais dans la protection civile.

2 Q. Quand avez-vous quitté Grbavica pour aller de l'autre côté ?

3 R. Le 26 mai 1992.

4 Q. Pourquoi êtes-vous partie ?

5 R. Les forces serbes, les policiers et les soldats entraient dans nos

6 appartements dans la journée et dans la nuit. Ils nous ont maltraités. Mon

7 mari n'était pas à la maison. Il est parti à Kobilja Glava. Ils entraient

8 dans nos appartements à n'importe quel moment de la journée et de la nuit à

9 plusieurs reprises.

10 Q. Que faisait votre mari à l'époque ?

11 R. Mon mari, l'armée serbe l'a cherché pour examiner ses papiers. Il ne

12 pouvait pas se présenter, et à une fois, le 25, il s'est présenté. Ils ont

13 dit que s'il ne venait pas, mes deux filles allaient être amenées. Mes deux

14 filles avaient à l'époque 11 ans et 17 ans.

15 Q. Votre mari était-il militaire ou était-il civil ?

16 R. C'était un civil qui travaillait avec l'armée avant la guerre.

17 Q. Pendant la guerre était-il militaire ?

18 R. Oui, il était militaire.

19 Q. Pour en revenir à votre réponse, vous avez dit que "les forces serbes,

20 la police et les soldats rentraient dans votre appartement brutalement deux

21 à trois fois par jour, jour et nuit." Que vous disaient-ils quand ils

22 rentraient assez brutalement dans votre appartement ?

23 R. Ils nous disaient : Où est ton mari ? J'ai dit : Il est allé pour

24 chercher de la nourriture à Gadsco [phon]. "Les vôtres sont de l'autre

25 côté, vous devez aller vivre dans l'Etat d'Alija."

26 Q. Combien de temps cela a-t-il duré ? Combien de fois sont-ils

27 brutalement entrés dans votre appartement, si vous pouvez nous dire ?

28 R. Lorsqu'on a appelé les voisins, ils nous ont dit c'est légal. Les

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1 policiers en uniforme vert venaient à trois reprises à bord d'un minicar

2 bleu. A plusieurs reprises, ils venaient, ceux en uniforme et les autres

3 qui étaient légaux entraient dans les appartements à trois à quatre

4 reprises dans la journée pour chercher des armes.

5 Q. Vous avez dit : "Forces serbes, police et soldats." Comment avez-vous

6 réussi à les identifier ? Comment savez-vous qu'il s'agissait bien des

7 forces serbes ?

8 R. Mon immeuble regardait vers Vraca. Le 2 mai, ils venaient, ils avaient

9 des brassards blancs et des bandanas blancs et les voitures bâchées et une

10 voiture est tombée en panne. Ils entraient dans les appartements, cagoulés,

11 ils détruisaient des poteaux de signalisation, ils entraient dans les

12 appartements, ils détruisaient les objets dans les appartements.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais la question qui vous a été

14 posée était de savoir : comment vous aviez réussi à identifier ces

15 personnes comme étant des membres des forces serbes ? Comment est-ce que

16 vous saviez qu'il s'agissait bel et bien de membres de la force serbe ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce qu'ils entraient et nos appartements de

18 Grbavica étaient occupés par les soldats de l'armée de la Republika Srpska.

19 Ils nous ont chassés de l'autre côté en nous disant c'est là-bas l'Etat

20 d'Alija.

21 Q. Vous vous êtes-vous bel et bien rendus de l'autre côté et si oui,

22 pouvez-nous dire exactement quand ?

23 R. Le 26 mai, nous sommes allés de l'autre côté parce qu'ils nous ont

24 menacés de nous amener à Kula et à Lukavica. Ils nous ont dit que nous ne

25 pouvions pas rester dans l'appartement et ils voulaient que ma fille plus

26 jeune reste dans l'appartement, mais nous avons réussi à fuir à 7 heures du

27 matin. Je ne sais pas quel était --

28 Q. Pourriez-vous nous dire où vous vous êtes rendus en nous donnant juste

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1 le quartier, peut-être à la rigueur, le bâtiment mais certainement pas le

2 numéro.

3 R. Nous sommes passés par le marché jusqu'au petit pont, dans la rue

4 Bratstva Jedinstva ils tiraient, les tireurs embusqués tiraient. Dans la

5 matinée où il y avait des soldats qui passaient en revue, nous sommes

6 passés par ce pont. Tous les matins il y avait les membres de l'armée avec

7 des casques et avec des armes.

8 Q. Peut-être ma question n'était pas assez précise. J'aimerais savoir

9 exactement où vous avez habité quand vous avez passé de l'autre côté, mais

10 juste en nous donnant le quartier, certainement pas l'adresse exacte.

11 (expurgé)

12 (expurgé)

13 (expurgé)

14 Q. TMP ? C'est ce que vous avez dit, vous vous êtes trompée peut-être ?

15 R. C'est la rue TMP. C'est le numéro 11. En fait, cela veut dire la Place

16 de l'amitié internationale.

17 Q. Très bien. Quand vous avez aménagé sur Alipasino Polje, vous nous avez

18 dit que vous avez commencé à travailler pour la Défense civile. Pourriez-

19 vous nous dire s'il s'agissait d'une institution civile ou militaire ?

20 R. Il s'agit de protection civile. Nous travaillions pour les civils, en

21 leur apportant des médicaments, de la nourriture, du bois de chauffage ou

22 il y avait l'aide humanitaire qui arrivait dans ces locaux. J'ai nettoyais

23 ces locaux. Il s'agissait des civils qui essayaient d'aider le peuple.

24 Q. Avez-vous travaillé pour la Défense civile dans la période allant

25 d'août 1994 à novembre 1995 ?

26 R. Je travaillais à la protection civile à partir du

27 1er juin 1992 jusqu'à l'année 1996. C'est pendant cette période que j'étais

28 enregistrée dans la protection civile. Lorsque j'ai fui Grbavica, après un

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1 mois de cela, je me suis présentée à la Défense civile.

2 Q. Par rapport à l'endroit où vous habitiez à Alipasino Polje, pouvez-vous

3 nous dire où se trouvait le bureau de la protection civile ?

4 R. Le bureau se trouvait près de mon immeuble. (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 (expurgé)

8 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, je suis désolé.

9 Pourrions-nous expurger ce qui vient d'être dit, étant donné qu'on pourrait

10 savoir où se trouvait l'appartement puisque on a eu le numéro de

11 l'appartement.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.

13 M. SACHDEVA : [interprétation]

14 Q. Témoin 107, j'aimerais maintenant que nous parlions du

15 30 août 1992. Vous souvenez-vous d'un incident qui aurait eu lieu ce jour-

16 là ?

17 R. Le 30 août 1992, je suis allée pour acheter du pain.

18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le micro du témoin n'est pas

19 correctement allumé. Est-ce que l'huissier pourrait vérifier que le témoin

20 est bien en train de parler dans le micro ?

21 M. SACHDEVA : [interprétation]

22 Q. Témoin 107, votre voix est déformée, donc vous devez vraiment parler

23 dans le micro quand vous répondez aux questions, sinon il est très

24 difficile de vous interpréter.

25 Je répète ma question. Vous souvenez-vous d'un incident qui aurait eu lieu

26 le 30 août 1992 ?

27 R. Le 30 août, l'incident a eu lieu au marché, au marché Alipasino Polje

28 où nous faisions la queue pour acheter du pain. Nous étions à peu près une

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1 centaine en faisant la queue. Vers 11 ou

2 11 heures et demie, un obus est tombé et nous a fauchés.

3 Q. Quand vous dites qu'il y avait environ une centaine d'entre nous, de

4 quel genre de personnes s'agissait-il ? Des hommes, des femmes, des

5 enfants, des militaires, des civils ? Pouvez-vous décrire la file qui

6 faisait la queue pour le pain.

7 R. Il y avait des enfants, des personnes âgées. Il y avait de jeunes gens,

8 mais peu. Il n'y avait pas de soldats. Il s'agissait que des civils qui

9 voulaient acheter du pain pour survivre, comme moi d'ailleurs. Il y avait

10 des personnes âgées et des jeunes gens également.

11 Q. Vous souvenez-vous du temps qu'il faisait ce jour-là, quand vous étiez

12 en train de faire la queue ?

13 R. Non, il ne pleuvait pas. Il faisait un temps morose, mais il ne

14 pleuvait pas.

15 Q. A quelle heure êtes-vous arrivée sur la place pour commencer à faire la

16 queue pour avoir du pain ?

17 R. Je me suis rendue à deux reprises. La première fois à

18 8 heures. On n'a dit que le pain arriverait à 9 heures. De mon immeuble il

19 y avait 1 kilomètre et demi. A la deuxième reprise, je suis revenue pour

20 faire la queue encore une fois vers 10 heures ou

21 10 heures et demie. On m'a dit que le pain arriverait dans cinq minutes. Je

22 faisais la queue. D'abord, nous avons été fauchés, après quoi il y a eu une

23 explosion. Je ne sais pas. J'ai vu que je ne pouvais pas respirer. Il y

24 avait des cris. C'était horrible. On ne peut pas le décrire cela.

25 Q. Vous dites que vous êtes retournée chez vous, puis revenue sur place.

26 Pouvez-vous nous dire quelle est la distance entre votre appartement et

27 cette place ?

28 R. A peu près 1 kilomètre; 800 mètres, 1 kilomètre approximativement, je

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1 ne suis pas sûre. Ce n'était pas très loin. C'était près du bâtiment de la

2 télévision. Ce marché se trouvait près du bâtiment de la télévision sur la

3 Place de la solidarité. C'est comme cela que s'appelait cette rue ou cette

4 place.

5 Q. Quand vous vous trouviez là, la première fois, sur la place ensuite la

6 deuxième fois quand vous étiez dans la queue et que l'obus a explosé, est-

7 ce que vous avez remarqué la présence des militaires dans les environs,

8 d'installations militaires ?

9 R. Il n'y avait pas de soldats autour ni d'installations militaires. Il

10 n'y avait que des civils, que des immeubles d'habitation. Le peuple

11 essayait de survivre, de se rendre au marché pour acheter quelque chose,

12 parce que nous étions encerclés de tous les côtés à Sarajevo. On nous

13 tirait dessus de tous les côtés. Ils nous guettaient en tant qu'animaux

14 pour nous tuer en plus grand nombre.

15 Q. Vous dites que vous faisiez la queue et que l'obus est tombé. Si vous

16 vous en souvenez, pouvez-vous nous dire exactement ce qui vous êtes arrivé

17 à vous personnellement quand l'obus a explosé; enfin rapidement.

18 R. Un obus est tombé, je ne pouvais pas respirer. J'ai rampé pour entrer

19 dans les locaux où on vendait le pain, parce que j'ai pensé qu'un ou deux

20 autres obus allaient tomber. C'était toujours comme cela. Heureusement, il

21 y avait un obus qui est tombé, qui nous a fauchés. Je ne pouvais pas

22 respirer. Je me sentais comme étant dans un tonneau. Je n'avais pas d'air.

23 Je ne pouvais pas marcher.

24 Q. Avez-vous été blessée suite à cet obus ?

25 R. J'ai eu des blessures, par exemple, au diaphragme, le foie, les

26 poumons. J'ai eu une opération -- non, j'étais plutôt à 60 %, je suis

27 invalide parce que tout cela était déchiré.

28 Q. Avez-vous été admise à l'hôpital, si oui, quelle était la durée de

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1 votre séjour à l'hôpital ?

2 R. Je suis restée, on nous a amenés à l'hôpital et pendant un mois, je

3 suis restée à l'hôpital, 30 jours, 1 mois.

4 M. SACHDEVA : [interprétation] Pourrions-nous voir à l'écran la pièce 65

5 ter 03030, il faudrait ne pas la diffuser, s'il vous plaît.

6 Q. Témoin, à l'écran nous allons bientôt voir un document, le voyez-vous ?

7 R. C'est la lettre de l'hôpital qu'on m'a donnée lorsque je suis sortie le

8 30 août 1992. On ne peut pas oublier cela. Les éclats d'obus étaient dans

9 mes poumons, j'ai eu des blessures causées de ces éclats d'obus.

10 M. SACHDEVA : [interprétation] J'aimerais que cette pièce soit versée au

11 dossier sous pli scellé, s'il vous plaît.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous admettons la pièce.

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P350 sous pli scellé.

14 M. SACHDEVA : [interprétation]

15 Q. Enfin, à propos de cet incident, Témoin 107, avez-vous éventuellement

16 su en fin de compte si d'autres personnes avaient retrouvé la mort ou

17 avaient été blessées lors de cet incident.

18 R. Un garçon qui s'appelle Dajan était avec moi aux soins intensifs.

19 Lorsque je lui ai parlé, sa mère est arrivée pour me dire qu'il y avait 17

20 morts provoquées par un obus. D'ailleurs, il a eu des blessures dans les

21 poumons, les éclats d'obus lui ont percé les poumons. Il était dans la même

22 chambre que moi. Trente-cinq personnes ont été blessées.

23 Q. Maintenant nous allons passer au 16 juin 1995. Ce jour-là, y a-t-il eu

24 un incident dont vous vous souviendriez ?

25 R. Le 16 juin - on ne peut pas oublier cette date - j'étais aux locaux de

26 la commune locale de permanence, parce que nous étions tous de permanence,

27 nous étions 30. Le 16 juin, j'étais de permanence avec trois de mes

28 collègues. A 15 heures 30, il y avait un bruit d'un avion en vol, et à 10

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1 ou 15 mètres, j'ai volé dans les locaux, je ne sais pas ce qui s'est passé.

2 Le commandant est arrivé Dzemo, une autre personne est arrivée pour voir ce

3 qui s'est passé. Ils nous ont tirés des décombres de ces locaux. On m'a

4 amenée dans un abri et ils m'ont dit : C'était une bombe aérienne qui est

5 tombée. Lorsque je me reprise, j'ai dit que c'était un avion qui a provoqué

6 un choc dans le mur.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Isailovic.

8 Mme ISAILOVIC : J'ai une objection à faire concernant le transcript là.

9 Parce que j'ai entendu que Mme le Témoin disait tout à l'heure, le

10 commandant est venu. Je ne vois pas cela. Après, une personne qui

11 s'appelait Dzemo avec le commandant. Donc, le commandant ne figure plus. On

12 peut vérifier peut-être.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vais demander au témoin.

14 Témoin, pouvez-vous nous répéter ce que vous avez dit par rapport à

15 l'éventualité de l'arrivée d'un commandant.

16 R. C'était le commandant qui est venu. Il était civil, il était en civil,

17 alors la protection civile. Il était notre commandant, il nous donnait des

18 ordres en nous confiant des tâches. Nous lui obéissions. Il a travaillé

19 pour la protection civile. Il était "komandir," commandant. On l'appelait

20 "komandir."

21 M. LE JUGE MINDUA : Madame le Témoin, c'est une question de précision.

22 Parce qu'en anglais, sur le transcript, je lis : [interprétation] "J'étais

23 de permanence à la communauté."

24 [en français] C'est quel genre d'établissement ou de local de maison ?

25 C'est un bureau ? C'est quel genre d'édifice ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] J'étais dans un immeuble. Il y avait des

27 locaux où l'aide humanitaire a été distribuée, les gens venaient, les

28 commissaires qui distribuaient la nourriture. La Croix-Rouge y était. C'est

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1 là-bas où on a eu des réunions pour voir comment aider les gens. Il y avait

2 l'appel les jours à 8 heures dans ces locaux. Nous devions y être à l'heure

3 et nous devions obéir aux ordres pour ce qui est des civils, pour ce qui

4 est des blessés, pour apporter les premiers soins, l'aide humanitaire y

5 arriverait. On déchargeait des camions d'aide humanitaire. Donc, on

6 s'occupait des choses qui relevaient de la protection civile.

7 M. LE JUGE MINDUA : Cette espèce de bombe est tombée sur cet immeuble ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette bombe est tombée à une dizaine de mètres

9 par rapport l'immeuble, donc les locaux où nous étions en permanence.

10 M. LE JUGE MINDUA : Merci.

11 M. SACHDEVA : [interprétation]

12 Q. Soyons précis, Témoin. L'endroit où vous travailliez, y avait-il

13 parfois des soldats dans ce bâtiment déjà en armes ou en uniforme ou est-ce

14 qu'il n'y avait que des civils ?

15 Je retire cela.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] En effet, ne dites pas s'il y avait

17 ceci ou cela parce que cela devient très directif. Demandez-lui juste quel

18 type d'endroit c'était.

19 R. Il n'y avait pas de soldats là-bas, uniquement des civils, des gens qui

20 habitaient se rassemblaient là-bas, à l'abri, pour se cacher. Il s'agissait

21 que des civils, des gens qui habitaient, qui ont été chassés d'autres

22 quartiers, il n'y avait pas de soldats nulle part autour.

23 Q. Les récipiendaires de l'aide, les gens pour qui vous travailliez, qui

24 recevaient l'aide que vous donniez, s'agissait-il de civils ou de soldats ?

25 R. Il s'agissait des civils, des gens qui arrivaient pour prendre l'aide

26 humanitaire. Il y avait 3 ou 4 000 habitants dans la communauté locale

27 d'Alipasino Polje où nous travaillions.

28 Q. Cet endroit où vous habitiez et vous travailliez, pourriez-vous nous

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1 dire si des installations militaires étaient situées aux alentours de ce

2 bâtiment ?

3 R. Non. Il n'y avait pas d'installations militaires, aucune; il n'y avait

4 que des civils. Des gens qui habitaient dans ces immeubles, dans cette

5 communauté locale, ils arrivaient pour être enregistrés pour que l'aide

6 humanitaire qui était déchargée, leur était distribuée. Il n'y avait pas

7 d'électricité, d'eau, de bois de chauffage. On construisait des poêles

8 improvisés. Pour les gens, pour les personnes âgées, pour les personnes qui

9 étaient faibles, on leur portait tout ce qu'il fallait. Il y avait des

10 commissaires pour l'aide humanitaire qui venaient dans la communauté locale

11 pour dire une telle ou une autre n'a pas de poêle, il faut fabriquer

12 quelque chose, improviser un poêle pour ces personnes.

13 Q. Vous nous aviez dit que vous avez entendu un avion, enfin le bruit d'un

14 avion, en tout cas. Cet avion, cette chose, l'avez-vous entendu atterrir et

15 exploser ?

16 R. Nous sommes allés à cet endroit qui s'appelait Zajdenci [phon]. Le

17 bruit de l'avion était tellement fort que nous avons été presque soufflés

18 par le bruit de l'avion. Nous avons volé à 10 mètres de là. Voilà, c'est ce

19 que j'ai senti.

20 Q. Vous-même ou l'un de vos collègues a-t-il été blessé suite à cet

21 incident ?

22 R. Je ne sais même pas ce qui m'est arrivé. J'avais des égratignures au

23 front. Mon côté droit était complètement blessé et je ne savais même pas ce

24 qui m'était arrivé. J'étais complètement noire, comment dire. Je ne me

25 souviens plus de grand-chose. Les gens criaient, gémissaient. Tout le monde

26 gémissait et criait et tout revolait en l'air, les civils, les enfants, des

27 bébés, tout le monde revolait dans les airs. J'ai passé cinq jours, trois

28 jours, cinq jours, je ne sais pas si c'était la nuit ou le jour, et nous

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1 avons dormi sur des couvertures. Je n'entendais que des cris, des

2 gémissements. Voilà.

3 Q. Vous avez dit que vous vous êtes rendue à l'abri. A quel moment êtes-

4 vous allée dans cet abri ?

5 R. Lorsque Asim, le chef, est venu nous chercher, il m'a emmenée dans cet

6 abri où il y avait des gens. Il y avait des personnes qui étaient là,

7 entassées, qui dormaient et j'ai passé un certain nombre de jours à cet

8 endroit-là.

9 Q. Est-ce que vous êtes allée à l'abri après l'explosion ?

10 R. C'était après, bien sûr, après l'explosion lorsque le chef Rasim, on

11 l'appelait commandant, il est venu nous chercher. Il a

12 dit : "Y a-t-il quelqu'un de vivant ?" Ensuite, ils nous ont tirés de ces

13 débris. Tout était déchiqueté. C'est ainsi qu'on m'a emmenée. Je ne sais

14 pas ce qui est arrivé avec les autres personnes. Je sais que moi j'ai été

15 emmenée de cet endroit-là.

16 Q. Vous avez dit que "vous avez été tirée de ces décombres." Est-ce que

17 vous pouvez nous dire si l'endroit où vous travailliez, la défense civile,

18 s'il y avait eu des dégâts causés à l'immeuble ?

19 R. C'était un bâtiment construit de bois. Tout avait été détruit, les

20 fenêtres, les plafonds, tout, tout était détruit.

21 Q. A quelle distance se trouvait l'abri de l'endroit où vous travailliez ?

22 R. L'abri se trouvait à 5 mètres peut-être de là, peut-être 5 et 10

23 mètres. Je ne sais plus, 10 mètres peut-être. Derrière, il y avait un coin.

24 Il fallait faire le coin. Ensuite, on descendait à l'abri. Il y avait des

25 caisses là-bas en bas et nous avons passé cinq jours sur ces caisses. Je ne

26 sais pas s'il faisait nuit ou jour et j'y ai passé un certain temps.

27 Q. Je vais vous montrer une photo maintenant et je vais vous poser

28 quelques questions concernant la photo.

Page 3517

1 M. SACHDEVA : [interprétation] Pourrait-on montrer au témoin la pièce 65

2 ter 03031, s'il vous plaît. Je demanderais que cette pièce soit affichée à

3 l'écran.

4 Q. Madame est-ce que vous voyez une photo à l'écran ?

5 R. Je vois tout. Je sais où j'étais, où j'ai travaillé, l'endroit où je

6 suis allée à l'abri. Voilà, tout est ici devant mes yeux sur cette photo.

7 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

8 peut-être par excès de prudence, je vais demander au témoin de faire

9 quelques annotations sur la photo. Nous pourrions peut-être passer à huis

10 clos partiel.

11 Ou peut-être nous pourrons voir comment les choses se présentent.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, essayons cela.

13 M. SACHDEVA : [interprétation]

14 Q. Témoin, est-ce que vous pouvez nous montrer où se trouve le bureau de

15 la défense civile, je vous prie, à l'aide de ce stylet ?

16 R. Juste ici il y a un endroit et il y a une porte, il y a un passage

17 juste là. Faut-il que je marque avec un stylet ? Très bien. Voilà ici c'est

18 la porte de la commune locale où nous travaillions.

19 Q. Très bien. Pouvez-vous, je vous prie, mettre un X à cet endroit-là.

20 R. [Le témoin s'exécute]

21 Q. Est-ce que vous pouvez voir l'endroit où l'abri se trouvait sur cette

22 photo si vous le pouvez et indiquez-nous l'endroit avec la lettre S ?

23 R. Voilà. L'abri se trouvait de l'autre côté. C'est ici qu'on

24 entrait dans l'abri.

25 Q. Je vais vous demander si vous pourriez indiquer l'endroit où le

26 projectile avait atterri.

27 M. SACHDEVA : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, peut-être

28 faudrait-il d'abord demander le versement au dossier de cette pièce.

Page 3518

1 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]

2 LE TÉMOIN : [interprétation] De l'autre côté, l'obus est tombé de l'autre

3 côté.

4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cette pièce sera versée au dossier sous

5 la cote P351, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

6 M. SACHDEVA : [interprétation] Pourrais-je demander pour que la pièce

7 P03033 soit affichée à l'écran, je vous prie. J'espère que c'est la bonne

8 pièce.

9 Q. Madame, est-ce bien la photo que vous avez identifiée comme étant

10 l'endroit où le projectile était tombé ?

11 R. De l'autre côté, il y a comme un pré et le projectile est tombé de

12 l'autre côté, là où il y avait du gazon. Cela c'est l'entrée du bâtiment.

13 Q. Néanmoins, sur cette photo, vous est-il possible de voir une partie de

14 cet espace vert ?

15 R. Non. Derrière le bâtiment il y a un très grand pré. Il y a deux entrées

16 à la commune locale et c'est là que l'obus était tombé. De l'autre côté il

17 y a une entrée, il y a l'entrée là où je vous ai montré avec un X ou avec

18 un S.

19 Q. Est-ce que vous voyez sur cette photo, au milieu de la photo, est-ce

20 que vous voyez un arbre ?

21 R. Oui, tout à fait. C'est le parc. Derrière le parc il y a un très grand

22 pré et il y a aussi un cimetière, et il y avait une autre commune locale.

23 C'était une très grande commune locale.

24 Q. Lorsque vous parlez "du pré qui se trouve derrière," est-ce que c'est

25 le pré dont vous nous parlez, l'endroit où le projectile était tombé ?

26 R. Oui, oui, mais on ne le voit pas ici. C'est de l'autre côté, c'est

27 derrière.

28 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, je demanderais que

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1 l'on verse au dossier ce document.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Certainement. Cette pièce sera versée au

4 dossier sous la cote P352.

5 M. SACHDEVA : [interprétation] Je souhaiterais demander que cette dernière

6 pièce soit affichée à l'écran. Il s'agit du document 65 ter 00312. Je

7 demanderais également que ce document ne soit pas diffusé.

8 C'est la deuxième page qui m'intéresse.

9 Q. Madame, est-ce que vous voyez un document à l'écran ?

10 M. SACHDEVA : [interprétation] Pourrait-on agrandir, je vous prie.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vois la liste de noms de mes collègues

12 qui faisaient la permanence avec moi.

13 M. SACHDEVA : [interprétation]

14 (expurgé)

15 (expurgé)

16 (expurgé)

17 (expurgé)

18 (expurgé)

19 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, je suis vraiment

20 désolé mais je crois qu'il faudrait expurger ces noms.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Certainement, oui. Nous allons

22 demander que ce passage soit expurgé.

23 M. SACHDEVA : [interprétation] Je demanderais que ce document soit versé

24 également sous pli scellé, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien, ce document sera versé

26 sous pli scellé.

27 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

28 Juges, cette pièce sera versée au dossier sous la cote P353, sous pli

Page 3520

1 scellé.

2 M. SACHDEVA : [interprétation] Ce n'est que la deuxième page pour informer

3 le Greffier d'audience.

4 Monsieur le Président, cela met fin à mon interrogatoire principal.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

6 Madame Isailovic.

7 Mme ISAILOVIC : Merci, Monsieur le Président.

8 Contre-interrogatoire par Mme Isailovic :

9 Q. [interprétation] Bonjour, Madame le Témoin. Je m'appelle Branislava

10 Isailovic, je suis avocate de la Défense de M. l'Accusé, général Milosevic

11 qui est accusé devant cette Chambre. Je vais vous poser quelques questions

12 concernant tout d'abord tout ce que vous avez dit aujourd'hui, et j'aurais

13 aimé commencer par deux déclarations que vous avez données auparavant au

14 Procureur. Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

15 R. Oui, vous pouvez y aller. Je vous écoute.

16 Q. Madame le Témoin, vous avez donné une déclaration devant le Procureur

17 le 17 mars 1997; est-ce vrai ?

18 R. Je ne sais vraiment pas, croyez-moi, de la date. J'ai fait une

19 déclaration à Nedzarici, mais je ne me souviens pas de la date.

20 Mme ISAILOVIC : On va mettre sur l'écran avec toutes les précautions

21 possibles la déclaration pour que le témoin la voie. C'est le document

22 DD00-1391.

23 Q. Madame le Témoin, sur l'écran vous avez la page de couverture de cette

24 déclaration. Est-ce que vous la voyez ?

25 R. Oui, je la vois.

26 Q. Est-ce que vous voyez votre signature au-dessous de la version

27 anglaise, s'il vous plaît ?

28 R. Oui, je la vois effectivement.

Page 3521

1 Q. Madame le Témoin, on va aller sur la deuxième page de ce document et

2 j'ai une question à vous poser.

3 Vous parlez dans le paragraphe 3 dans cette déclaration de la Défense

4 territoriale pour laquelle vous avez travaillé. Est-ce que vous voyez

5 cela ?

6 R. Oui, c'est le Défense territoriale, c'est la défense civile.

7 Q. La Défense territoriale c'est la même chose que la protection civile ?

8 R. Oui.

9 Q. Dites-moi, Madame le Témoin, de qui vous avez appris cette désignation

10 de Défense territoriale, qui vous a dit que là où vous travailliez

11 s'appelait comme cela ?

12 R. Lorsque je me suis enfuie de Grbavica à Alipasino Polje, je suis allée

13 à la municipalité, je me suis enregistrée toute seule et on m'a dit :

14 Voilà, c'est la TO. Ensuite on nous a dit d'aller travailler dans la

15 commune locale pour faire le ménage, pour aider aux gens, et cela s'appelle

16 la commune locale, la défense civile. C'est eux qui nous ont déployés, qui

17 nous ont dit d'aller là-bas dans la municipalité.

18 Q. Votre employeur c'était la Défense territoriale, n'est-ce pas ?

19 R. Non. Peut-être que c'était la TO effectivement, mais cet homme c'était

20 le commandant pour les affaires civiles. C'est comme cela qu'on l'appelait,

21 c'était sa désignation.

22 Q. Madame le Témoin, pour être vraiment très précise, vous avez gagné

23 votre salaire pour le travail que vous avez effectué, n'est-ce pas ?

24 R. Non, nous ne recevions aucun salaire. On nous donnait un peu de

25 nourriture mais on ne recevait pas de salaire.

26 Q. Avez-vous eu la protection, l'assurance médicale à cette époque ?

27 R. Je ne comprends pas. Qu'est-ce que vous voulez dire ? Je ne comprends

28 pas votre question.

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1 Q. Avez-vous eu la légitimation, la case d'identification d'assurance-

2 maladie ?

3 R. Non, nous n'avions rien de la sorte. C'était la guerre. On travaillait

4 pour le peuple, c'est tout. C'était la survie. Il fallait se battre pour la

5 survie. Lorsque l'on distribuait l'aide humanitaire, cette nourriture était

6 distribuée à la Croix-Rouge, puis on nous donnait un peu de nourriture.

7 Q. Vous dites dans votre déclaration, dans le même paragraphe que vous

8 transportiez des messages. Est-ce que vous voyez cela dans le paragraphe

9 3 ?

10 R. Les messages venaient de notre commune locale. Il y avait des gens qui

11 travaillaient dans la Croix-Rouge et les messages parvenaient dans notre

12 commune locale et on devait distribuer les messages, c'était en 1994. C'est

13 à ce moment-là que les messages ont commencé.

14 Q. Justement, est-ce que vous pouvez lire tout d'abord ce paragraphe, s'il

15 vous plaît, "J'ai commencé à travailler."

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous voyez le paragraphe

17 : "J'ai commencé à travailler pour la Défense territoriale." Est-ce que

18 vous voyez ce paragraphe, c'est le paragraphe que l'on vous demande de

19 lire, Madame.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. "J'ai commencé à travailler dans la

21 Défense territoriale au centre de collectivité." C'était le centre de la

22 Défense civile. J'ai fait tout ce que l'on m'a demandé de faire. Nous

23 devions faire le ménage et transmettre des messages. Voilà, je faisais le

24 ménage. Il y avait des gens qui emmenaient des messages. Ce n'était pas un

25 centre culturel ou un centre quelconque. C'était simplement une commune

26 locale qui venait à l'aide aux personnes et l'aide humanitaire était

27 également distribuée. Les messages, personne ne les emmenait lorsque l'on

28 tirait. Lorsque l'alarme s'entendait, à ce moment-là, les gens ne pouvaient

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1 pas aller distribuer les messages.

2 Mme ISAILOVIC :

3 Q. Si j'ai bien compris, c'est vous une sorte de coursier entre ce bureau

4 ou vous avez travaillé et la mairie; est-ce cela ?

5 R. Oui. Il arrivait que l'on aille à la municipalité donner des messages.

6 J'emmenais de temps en temps des messages. Cela m'est arrivé peut-être une

7 fois ou deux fois d'aller emmener des messages à quelqu'un. Mais pour la

8 plupart je faisais ménage, je lavais les planchers, et cetera, après 16

9 heures.

10 Q. Madame le Témoin, plus haut il y a un deuxième paragraphe, et vous

11 décrivez votre fuite de Grbavica, comment est-ce que vous êtes rendue à

12 travers le pont Bratstva Jedinstva. Est-ce que vous pouvez voir cela ?

13 C'est le deuxième paragraphe à la fin, tout à la fin.

14 R. Je sais où par rapport où je suis passée jusqu'au petit pont par la rue

15 Bratstva Jedinstva avec mes deux filles.

16 Q. Témoin, ce passage, regardez bien votre déclaration. A la fin du

17 deuxième paragraphe, il y a la phrase qui commence par [en B/C/S].

18 R. Au moment où nous avons fui Grbavica, il y avait un point de contrôle

19 après le marché tenu par les forces serbes. Il y avait un bunker là-bas. Il

20 y avait un Serbe qui était devant nous. J'ai dit à mes filles : Nous allons

21 suivre cet homme âgé. Il a montré sa carte d'identité, en disant : Je vais

22 jusqu'à la boulangerie. Je suis passée derrière lui. Nous avons dit : Les

23 enfants vont voir leur grand-mère. C'est pour cela que nous avons passé par

24 la rue Bratstva Jedinstva et par le pont Bratstva Jedinstva.

25 Q. Madame le Témoin, parce qu'aujourd'hui vous avez raconté une histoire

26 qui diffère un petit peu, est-ce que cette histoire-là dans cette

27 déclaration est véridique ?

28 R. Tout est exact, tout ce qui s'est passé. On ne peut pas oublier cela,

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1 jamais.

2 Q. Ce que vous dites dans ces déclarations, dans ce passage, cela, c'est

3 comment cela s'est passé; est-ce vrai ?

4 R. Oui, exactement comme cela. Ce que j'ai dit c'est vrai.

5 Q. Est-ce que, Madame le Témoin, je peux en conclure qu'on vous a rien

6 demandé, vous êtes passés de l'autre côté du pont pratiquement sans aucun

7 contrôle ?

8 R. Oui. Nous étions passés par ce point de contrôle. Il y avait un point

9 de contrôle. Tous les 20 mètres, il y avait des soldats de l'armée. Djoko,

10 un homme âgé, est passé en disant qu'il allait à la boulangerie. J'ai dit

11 la même chose. C'était à 7 heures du matin.

12 Q. C'était en présence des soldats de l'armée de Republika Srpska; est-ce

13 vrai ?

14 R. Oui.

15 Q. Maintenant, on va passer à votre deuxième déclaration datée du 17 mai

16 2005. C'est le numéro DD001397. J'espère bien qu'on ne diffuse pas non plus

17 cette déclaration-là.

18 Q. Là, Madame le Témoin, je vous prie de regarder, est-ce bien votre

19 signature au-dessous de la page de couverture, s'il vous plaît.

20 R. Oui, je vois cette signature.

21 Q. Madame le Témoin, est-ce que vous vous souvenez de cette date où vous

22 avez pour la deuxième fois vu quelqu'un du bureau du Procureur pour donner

23 votre déclaration ?

24 R. C'était quand ? Ce n'est pas très visible. Je vois mal cela.

25 Q. C'était le 17 mai 2005.

26 R. Il est possible, mais je ne me souviens pas des dates auxquelles j'ai

27 fait mes déclarations. Tout ce que je sais, c'est que je me suis rendue

28 pour faire ces déclarations.

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1 Mme ISAILOVIC : On va aller maintenant sur la troisième page. C'est le

2 paragraphe 14 dans les deux versions.

3 Q. C'est le paragraphe 14 là. Tout d'abord, vous vous souvenez

4 aujourd'hui, vous avez répondu aux questions de M. le Procureur. Vous avez

5 parlé de votre départ de Grbavica et des jours qui précédaient ce départ.

6 Vous vous souvenez de cela ?

7 Juste une objection au transcript. J'ai mentionné les jours précédant le

8 départ, donc la traduction ne reflète pas ce que j'ai dit.

9 M. LE JUGE MINDUA : Maître Isailovic, il y a aussi sur la

10 page 24. Vous avez parlé de paragraphe 14 dans les deux versions. Je crois

11 que c'est la deuxième version, donc la deuxième déclaration, paragraphe 14.

12 Mme ISAILOVIC : J'ai dit que c'est la troisième page des deux versions.

13 Parce que des fois c'est décalé entre la version anglaise et B/C/S. Donc

14 là, on est sur la troisième page des deux versions, paragraphe 14.

15 M. LE JUGE MINDUA : D'accord.

16 Mme ISAILOVIC : Madame le Témoin, vous avez parlé des soldats qui venaient

17 vous harceler en quelque sorte dans votre appartement à Grbavica; est-ce

18 vrai ?

19 R. Oui.

20 Q. En même temps, quand vous décrivez cela dans votre déclaration, vous

21 dites --

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Sachdeva, je vous écoute.

23 M. SACHDEVA : [interprétation] Je ne vois pas la réponse du témoin. Je ne

24 sais pas si le témoin avait répondu, mais la question avait été posée. Il

25 n'y a pas eu de réponse.

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame, qu'en est-il des soldats qui

27 étaient venus vous harceler d'une certaine façon ? Est-ce que vous avez

28 répondu à cette question, et on vous a demandé si ces derniers venaient

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1 dans votre appartement à Grbavica.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Les soldats venaient dans notre appartement,

3 dans la journée et dans la nuit à Grbavica pour nous harceler.

4 Mme ISAILOVIC :

5 Q. Dans le paragraphe 14, tout au début, vous parlez de cela. Là, j'espère

6 qu'on ne diffuse pas la déclaration, mais non plus vous ne dites pas votre

7 rue. Je vous prie juste de regarder où il est inscrit votre adresse, mais

8 ne la répétez pas, s'il vous plaît. Non, non, non, ne le dites pas,

9 seulement regarder. Est-ce bien votre adresse ?

10 R. Oui, c'est mon adresse. Oui, c'est mon adresse. Dans toutes les

11 langues, dans ce paragraphe, c'est ma rue, mon ancienne rue, et ma rue où

12 je vis aujourd'hui également.

13 Q. Pour cela je vous demande, ne la répétez pas. Est-ce vrai que c'est une

14 tour ?

15 R. Il s'agissait des pavillons militaires à quatre étages, des immeubles

16 militaires.

17 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, est-ce qu'on peut aller juste un

18 instant à huis clos partiel dans l'intérêt du témoin, parce que je crains

19 que là on va --

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

22 le Président, Messieurs les Juges.

23 [Audience à huis clos partiel]

24 (expurgé)

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13 Page 3527 expurgée. Audience à huis clos partiel.

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1 (expurgé)

2 (expurgé)

3 [Audience publique]

4 Mme ISAILOVIC :

5 Q. Madame le Témoin, est-ce que d'après vos souvenirs il y avait des

6 activités militaires à cette époque, avant que vous ne quittiez Grbavica ?

7 R. Le 2 mai, au shopping [phon], c'est tout près du stade de Zelejnica

8 [phon], c'est là-bas qu'il y a eu des combats, des combats de rues. On

9 tirait des fusils. C'est au shopping. On entendait les tirs d'infanterie

10 durant la nuit et la journée.

11 Q. Est-ce que là où vous habitiez, à l'époque, était très proche de ces

12 lignes où les luttes ont été menées ?

13 R. Il y avait à peu près de 1 kilomètre et demi de distance. Un char était

14 en face de chez moi. Il y avait un QG à Drvo Rijeka. Un autre char se

15 trouvait à 300 mètres par rapport à moi. Il y avait trois chars à Drbo

16 Rijeka, et tout près du shopping, un autre, un troisième. De temps à autre,

17 ils tiraient. Nos vitres ont été brisées. Nous n'osions dormir dans notre

18 appartement. Nous étions dans l'appartement, de temps en temps dans un

19 autre appartement, qui est parti à Lukavica. Il nous a laissé la clé de son

20 appartement. Il nous a dit de pouvoir dormir dans son appartement au cas où

21 cela se serait passé.

22 Q. Madame le Témoin, d'après vous, il était très dangereux pour les civils

23 d'être dans ce quartier, là où vous habitiez à l'époque ?

24 R. Oui, exactement. Ils venaient dans nos appartements. Les chars tiraient

25 dans la direction de la ville et pas sur nous. C'est à cause de ces tirs

26 que nos vitres ont été brisées.

27 Q. Vous parlez dans ce même paragraphe que vous avez téléphoné à votre

28 mari. Vous voyez cela ?

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1 R. Le 25 mai, on l'a appelé. Au moment où les policiers militaires sont

2 entrés dans l'appartement, ils voulaient vérifier, examiner leurs papiers

3 d'identité. Ils venaient à trois ou quatre reprises pour examiner sa carte

4 d'identité. Le 26 mai, il s'est présenté. Mon mari m'a appelé. Zoran était

5 à côté de moi et j'ai dit Voilà ton collègue. Tu peux lui parler pour

6 régler la chose.

7 Ils se sont mis d'accord que le lendemain, le 26, vers

8 10 heures, ils se rencontreraient sur le pont de Bratstvo Jedinstvo, et ma

9 fille plus jeune devait aller avec Zoran pour qu'ils ne tirent pas sur eux

10 pour pouvoir examiner la carte d'identité de mon mari. Pendant la nuit qui

11 a suivi j'ai décidé de fuir et c'était ainsi.

12 Le lendemain à 7 heures, j'ai fui le quartier.

13 Q. Si j'ai bien compris, Madame le Témoin, votre mari vous a appelée dans

14 votre appartement à Grbavica ?

15 R. Oui. Il a appelé d'un autre appartement à Grbavica. Il était à Kobilja

16 Glava chez mon frère. Le 1er mai, il est parti. Le 25 mai il m'a appelée.

17 Je m'excuse. Zoran était dans mon appartement au moment où il a appelé, et

18 c'est comme cela qu'ils se sont mis d'accord pour qu'il descende, pour que

19 Zoran puisse examiner sa carte d'identité. Ma fille cadette devait y aller

20 au pont pour que Zoran examine sa carte d'identité. Rien ne devait se

21 passer de grave parce qu'ils se sont mis d'accord d'aller sur le pont

22 Bratsvo Jedinstvo.

23 Q. Madame le Témoin, ce Zoran, c'était un soldat de l'armée de la

24 Republika Srpska ?

25 R. Il est possible qu'il soit, oui, membre de cette armée. Il portait un

26 uniforme de camouflage. Il avait un couvre-chef sur la tête. J'ai appelé

27 mon voisin, il m'a dit : "Nous n'avons rien à faire avec eux. Il s'agit de

28 la police militaire. Le MUP n'a rien à voir avec eux."

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1 Q. Vous dites, c'est à la fin de ce paragraphe, que les soldats vous ont

2 pris les bijoux et votre propriété, vos biens. Est-ce que vous pouvez nous

3 expliquer cela ?

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

5 Monsieur Sachdeva, je vous écoute.

6 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, pour être tout à fait

7 limpide, en anglais, on ne dit pas que les soldats étaient entrés dans son

8 appartement à elle pour prendre ses bijoux à elle. On dit simplement que

9 les soldats serbes entraient dans les appartements au pluriel et prenaient

10 des bijoux et des biens.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, justement, c'est ce qu'on lit

12 en anglais.

13 Mme ISAILOVIC :

14 Q. Oui. Justement, qu'est-ce qui s'est passé avec votre appartement ? Est-

15 ce que c'est la même chose qui s'est passé avec votre appartement quand

16 vous étiez là-bas ?

17 R. Les soldats sont venus par la force dans notre appartement. Ils nous

18 ont demandé de rendre les armes. Ils prenaient ce qu'ils voulaient, des

19 bouteilles de boissons alcoolisées. Ils fouillaient dans la cuisine dans la

20 vaisselle, dans la cuisine, par exemple.

21 Q. Vous savez cela parce que c'était le cas dans votre appartement. Ils

22 ont là pris quelque chose de la cuisine; c'est cela ?

23 R. Ils ont pris dans notre cuisine et dans nos vaisselles quelque chose,

24 je ne me souviens plus. Il s'agissait d'une sorte de médaille. Ils ont dit,

25 c'est bien cela. Ils ont pris une bouteille de boisson alcoolisée et nos

26 voisins nous ont dit : Il y a les soldats qui appartiennent à l'armée

27 légale et il y en a d'autres qui appartiennent à l'armée illégale. Ils nous

28 ont dit : Vous ne devez pas leur ouvrir la porte mais nous ne pouvons rien

Page 3531

1 faire là-dessus. Les voisins descendaient au moment où ils frappaient sur

2 notre porte et on ouvrait la porte. Après quoi, les voisins montaient chez

3 eux.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Isailovic, le Procureur a

5 pris 40 minutes. Vous avez utilisé jusqu'à maintenant

6 30 minutes. Vous pouvez aller jusqu'à la pause.

7 Mme ISAILOVIC : Merci, Monsieur le Président.

8 Q. Madame le Témoin, après vous êtes partie à Alipasino Polje, n'est-ce

9 pas ?

10 R. Oui.

11 Q. Aujourd'hui vous avez parlé que vous avez changé une fois, si j'ai bien

12 compris, d'appartement; c'est cela ?

13 R. Oui.

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19 Q. Madame le Témoin, les appartements où vous vous êtes rendue, après vous

20 y habitiez, est-ce que c'étaient des appartements vides ?

21 R. Il s'agissait des appartements vides.

22 Q. Est-ce que vous saviez à l'époque qui habitait avant dans ces

23 appartements ? Est-ce que les voisins vous l'ont dit ?

24 R. On nous a dit, oui, je sais qui y vivait avant. Est-ce que je peux dire

25 qui vivait avant ?

26 Q. Oui.

27 Mme ISAILOVIC : Oui, mais peut-être là aussi on peut aller à huis clos

28 partiel. Oui, c'est bien sage.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel, Monsieur

3 le Président, Messieurs les Juges.

4 [Audience à huis clos partiel]

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13 Page 3533 expurgée. Audience à huis clos partiel.

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10 [Audience publique]

11 Mme ISAILOVIC :

12 Q. Madame le Témoin, juste marquer un cercle là où vous avez vu après le

13 cratère de la bombe qui est tombée le 16 juin 1995.

14 R. C'était derrière cet immeuble vert, la bombe est tombée au coin de

15 l'autre immeuble sur le pré. Je ne peux pas vous le montrer ici. C'est de

16 l'autre côté que la bombe est tombée. Ici, il y avait une entrée par la

17 communauté locale et à l'endroit où la bombe est tombée, il y avait la

18 deuxième entrée de la communauté locale. Il y a un pré en contrebas

19 derrière cet immeuble.

20 Q. Est-ce que vous pouvez mettre juste et marquer de la sorte le côté par

21 rapport à cette tour ou le côté où la bombe est tombée ?

22 R. Je peux vous montrer en bas derrière l'immeuble il y a un pré derrière

23 cet immeuble et c'est là-bas que la bombe est tombée. Je ne peux pas le

24 montrer parce que c'est derrière cet immeuble qu'on voit sur l'image.

25 Q. Est-ce que je peux vous aider et dire juste pour le transcript par

26 rapport à cette photo, est-ce que cette partie se trouve plutôt dans la

27 partie haute de cette photo, près de ce terrain de jeux où on voit le

28 terrain de basket ?

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1 R. L'obus est tombé derrière cet immeuble. Sur le pré, on voit le

2 cimetière d'ici et c'est derrière l'immeuble où je me trouvais ou

3 l'immeuble où se trouvait la commune locale. C'est sur le pré, sur la

4 partie goudronnée que la bombe est tombée à une dizaine de mètres par

5 rapport à l'entrée de notre commune locale. Je ne peux pas voir clairement

6 parce qu'il y a cet immeuble qui est là.

7 Q. Je peux vous suggérer que c'est juste derrière la tour la plus haute

8 vers le terrain de basket ?

9 R. Oui. Cet immeuble est près et c'est derrière cet immeuble vert que la

10 bombe est tombée mais il n'est pas très commode de montrer sur l'image

11 cela.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Sachdeva.

13 M. SACHDEVA : [interprétation] Monsieur le Président, dans la réponse du

14 témoin, elle nous dit de façon un peu imprécise, elle nous parle de ce

15 bâtiment, de cet autre bâtiment. Il faudrait peut-être préciser de quel

16 bâtiment elle parle.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame, est-ce que vous pourriez

18 nous dire à quel bâtiment vous faites référence ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est l'entrée dans l'immeuble où se

20 trouvaient les locaux de notre commune locale. Il y a deux entrées par

21 rapport au pré et une autre entrée.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourriez-vous, je vous prie, nous

23 indiquer à l'aide du stylet le bâtiment dont vous nous parlez.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] L'entrée c'était ici et également une autre

25 entrée de l'autre côté de notre immeuble vert où la bombe est tombée. Il y

26 avait une autre entrée par rapport au pré, et c'est là où la bombe est

27 tombée. Les locaux de la commune locale ont eu deux entrées.

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez déjà mis un X à l'entrée.

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1 Vous souvenez-vous de cela ? Vous avez mis un X à l'entrée du bâtiment.

2 Nous pouvons voir le X que vous avez dessiné.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Ici il y a une entrée, dans la commune locale

4 il y a une autre entrée où la bombe aérienne est tombée, mais je ne peux

5 pas voir cette autre entrée parce qu'il y a cet immeuble qui est là, qui ne

6 me permet pas de vous montrer cela.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je crois que l'on peut avoir une

8 bonne idée du bâtiment dont le témoin parle. Il me semblerait que c'est le

9 même bâtiment. Il y a deux immeubles, voilà un immeuble qui est là et

10 l'autre, un peu plus loin. Il n'y a pas de vue, on ne peut pas voir

11 l'endroit où l'obus est tombé sur cette photo.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas possible.

13 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, parce que justement j'ai posé une

14 question à laquelle Mme le Témoin a répondu par l'affirmative où je situais

15 derrière cet immeuble et vers le terrain de basket-ball qu'on voit sur la

16 photo. Elle a dit oui. C'est dans ce domaine là que la bombe est tombée.

17 Maintenant, concernant le jour du 16 juin, est-ce que vous avez remarqué

18 que les activités --

19 R. Non, non, ce n'est pas en haut. Ce n'est pas où se trouvait le terrain

20 de basket, non, c'est de l'autre côté.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez voir le

22 terrain de basket ici. Est-ce que le terrain de basket est visible sur

23 cette photo, Madame ?

24 Avez-vous entendu ma question, Madame ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je devrais répondre à votre

26 question ?

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. S'il vous plaît, répondez, je

28 vous ai demandé si vous pouviez voir le terrain de basket-ball.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était au-dessus des immeubles. Ce n'est pas

2 là-bas que la bombe est tombée. C'est de l'autre côté de la tour que la

3 bombe est tombée, mais non dans la direction où se trouve le terrain de

4 basket. C'est plutôt au coin de l'immeuble de l'autre côté. Il y a un pré

5 de ce côté-là. Je ne peux pas montrer cela sur cette photo.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Merci. Le Juge Mindua a

7 une question pour vous.

8 M. LE JUGE MINDUA : Madame le Témoin, c'est toujours la même question. Sur

9 la photographie, nous avons deux groupes d'immeubles. Le premier groupe a

10 deux parties. En avant c'était le deuxième groupe, deux parties en arrière;

11 c'est bien cela ?

12 R. Oui.

13 M. LE JUGE MINDUA : Nous avons deux possibilités. Avec le deuxième groupe

14 d'immeubles en retrait il y a la première partie de l'immeuble qui est très

15 grande et qui a, derrière elle, le terrain de basket. Vous avez dit que ce

16 n'était pas là que la bombe est tombée donc la bombe est tombée derrière.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, la bombe est tombée derrière cet

18 immeuble-là. Il y a un pré derrière cet immeuble-là et c'est derrière cet

19 immeuble-là, ce premier immeuble. Il y a un pré là-bas et la bombe est

20 tombée devant la deuxième entrée de la commune locale, ici derrière cet

21 immeuble, il y a un grand pré et c'est là, sur ce pré, que la bombe

22 aérienne est tombée près de la deuxième entrée de la commune locale. Il y a

23 une deuxième photo sur laquelle je pourrais vous montrer. Sur cette photo,

24 je ne peux pas vous montrer exactement l'endroit où la bombe est tombée,

25 parce que c'est derrière cet immeuble-là, sur le pré, que la bombe est

26 tombée.

27 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, est-ce que je peux avoir votre

28 permission. Il me faut à peu près cinq minutes encore pour poser quelques

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1 questions très importantes.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est possible, il n'y a aucun problème

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.

5 Mme ISAILOVIC :

6 Q. Madame le Témoin, ce jour-ci, le 16 juin donc, vous souvenez bien. Est-

7 ce que vous vous souvenez au moment où vous vous êtes rendue à votre poste

8 de travail des activités militaires très intenses dans le coin ?

9 R. Ce n'était pas tout près de chez nous, c'était à Ilidza. Mais tout près

10 de chez nous, il n'y avait pas de tirs. On entendait des tirs d'infanterie,

11 mais pour ce qui est de notre quartier, c'étaient les obus qui étaient

12 tombés. Il y avait des tireurs embusqués à Nedzarici aux carrefours, à

13 certains carrefours.

14 Q. Est-ce que ce jour-là vous avez eu l'avertissement de vous rendre dans

15 les abris ?

16 R. Lorsque la bombe aérienne est tombée, on m'a emmenée à l'abri. Il y

17 avait des cris, des gens criaient, pleuraient après la détonation, et tout

18 le monde se précipitait à l'abri. Après, j'en sais rien.

19 Q. Madame le Témoin, ma question était la suivante : est-ce que ce jour-là

20 dans la matinée, le 16 juin, vous étiez avertis de vous rendre pour la

21 journée dans l'abri concret de votre bâtiment ?

22 R. Personne ne nous a dit cela. Je ne connaissais pas cela. Je ne

23 connaissais pas cet abri jusqu'à ce moment-là, jusqu'au moment où il y a eu

24 la détonation. A 8 heures il y a eu l'appel comme tous les matins, et s'il

25 y avait des tirs, il fallait aider les blessés, il fallait nettoyer, il

26 fallait aider les gens. Il fallait s'occuper de la nourriture, de

27 l'électricité, de l'eau. Il fallait s'occuper des gens, leur apporter tout

28 ce dont ils avaient besoin.

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1 Q. Madame le témoin, concernant la configuration du terrain --

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Madame Isailovic, on vous demande de

3 ne pas chevaucher s'il vous plaît, et de ménager une pause, s'il vous

4 plaît, entre les questions et les réponses.

5 Mme ISAILOVIC : Oui, je m'excuse.

6 Q. Donc, il y a beaucoup de tours sur Alipasino Polje, n'est-ce pas ?

7 R. Oui, il y en a.

8 Q. Et aussi le mont de Mojmilo est très près, c'est-à-dire il sépare la

9 partie qu'on peut --

10 R. Oui, c'est donc là-haut, sur la colline.

11 Q. Derrière par rapport à Alipasino Polje, derrière Mojmilo se trouve

12 Lukavica, n'est-ce pas ?

13 R. Oui.

14 Q. Vers Nedzarici, ce sont-ci des tours qui ressemblent à celles qu'on

15 voit ici sur la photo, de nombreuses tours; est-ce vrai ?

16 R. C'est Alipasino Polje. J'étais à Alipasino Polje. A Nedzarici, nous

17 n'osions nous rendre.

18 Q. Ce n'est pas ce que je vous, Madame. La rue où passe le trolleybus et

19 cette rue est vers Nedzarici, est-ce que sur Alipasino il y a de nombreuses

20 tours ?

21 R. Oui, il y a des tours. Il y a des immeubles qui ne sont pas des tours.

22 Il y a des tours, mais il n'y a pas des tours extrêmement hautes.

23 Q. Ce ne sont pas des tours qui ressemblent à ces tours qu'on voit sur

24 cette photo ?

25 R. Croyez-moi, je ne sais pas. Je n'ai pas fait attention à cela. Je vois

26 ici où j'étais. Au deuxième étage, c'était ma fille; mon frère au

27 quatrième, et moi au dixième étage de l'immeuble.

28 Q. Juste la dernière question. Tous ces appartements étaient libérés suite

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1 au départ des Serbes de ces appartements, là où vous dites que tous les

2 membres de votre famille ont habité.

3 R. Non, non. Mon frère habitait dans son propre appartement. Ma fille qui

4 s'est mariée était dans son propre appartement. Il y avait des Serbes qui

5 sont restés dans les appartements. Ils étaient des commissaires pour

6 distribuer la nourriture, l'aide. Il y avait des Croates. Il y avait des

7 appartements qui étaient abandonnés, mais pas tous les appartements. Il y

8 avait des commissaires qui étaient chargés de la distribuer de la

9 nourriture à chaque entrée de l'immeuble. C'était la protection civile. Les

10 commissaires disposaient de la liste des habitants dans chaque entrée de

11 l'immeuble pour distribuer de la nourriture. Les Musulmans, les Serbes et

12 les Croates étaient dans le même immeuble.

13 Mme ISAILOVIC : Merci.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, je ne vous ai pas arrêté,

15 Madame Isailovic.

16 Témoin, s'il vous plaît, savez-vous s'il y avait des Serbes qui

17 avaient quitté le moindre appartement des tours où vous habitiez ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais que le Serbe qui était dans mon

19 appartement a quitté l'appartement. Il a travaillé à la télévision. Il a

20 quitté son appartement. Il s'est rendu dans la Republika Srpska. Crna, il

21 travaillait en tant que caméraman. Il donnait des déclarations à Crna, mais

22 avant, il était à la télévision de BH.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Savez-vous pourquoi il a quitté cet

24 appartement ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas pourquoi il est parti. Je sais

26 pourquoi je suis partie de mon quartier, mais pour ce qui est des autres,

27 je n'en sais rien.

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Madame Isailovic, avez-

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1 vous d'autres questions à poser ?

2 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, j'en ai terminé.

3 Q. Merci, Madame le Témoin.

4 Mme ISAILOVIC : J'aurais aimé avoir deux déclarations versées au dossier.

5 Ce sont DD00-1391 et DD00-1397. Ce sont les deux déclarations de Mme le

6 Témoin, et bien sûr, sous pli scellé.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous les verserons au dossier

8 sous pli scellé.

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le DD00-1391 du 12 mars 1995 recevra la

10 cote sous pli scellé D115, et pour ce qui est du document DD00-1397, la

11 déclaration du 17 mai 2005, elle recevra la cote D116, et ces deux

12 documents seront versés sous pli scellé au dossier.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Monsieur Sachdeva, avez-vous

14 que ce soit à ajouter ?

15 M. SACHDEVA : [interprétation] Oui, j'ai quelques questions.

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Nous allons faire la

17 pause, et nous prendrons les questions après la pause.

18 --- L'audience est suspendue à 10 heures 45.

19 --- L'audience est reprise à 11 heures 09.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Sachedeva, posez vos

21 questions supplémentaires.

22 M. SACHDEVA : [interprétation] J'aimerais que l'on affiche la pièce P351,

23 s'il vous plaît.

24 Nouvel interrogatoire par M. Sachdeva :

25 Q. [interprétation] Témoin 107, j'ai quelques questions à vous poser,

26 ensuite vous en aurez terminé avec votre déposition.

27 Pour revenir à cette photographie, vous la voyez à l'écran ?

28 R. Oui.

Page 3542

1 Q. Si j'ai bien compris votre déposition, on ne voit pas sur la photo où

2 le projectile de cette bombe aérienne est tombé. A l'aide d'une flèche,

3 pourriez-vous - veuillez ne pas m'interrompre pour bien comprendre la

4 consigne - pourriez-vous, s'il vous plaît, dessiner une flèche qui

5 indiquerait l'endroit qui ne se voit pas, certes, puisque c'est caché par

6 le bâtiment, l'endroit où, selon vous, la bombe aérienne est tombée ?

7 R. Oui. Derrière ce bâtiment, ici, donc derrière le bâtiment le plus

8 élevé. De l'autre côté, il y avait l'entrée du centre communautaire. Si on

9 pouvait voir l'autre côté du bâtiment, je pourrais vous montrer exactement

10 l'emplacement. Ici, je ne peux pas.

11 Voyez, il y a aussi une cour bétonnée de l'autre côté du bâtiment et

12 c'est là que c'est tombé. Mais je ne peux pas vous le montrer parce qu'il y

13 a le bâtiment qui obstrue la vue. Vous voyez qu'il y a la pelouse, et de

14 l'autre côté, il y a l'entrée du local communautaire.

15 Q. Malheureusement, nous n'avons pas d'autres photos montrant l'autre

16 emplacement. Mais cet endroit que vous avez marqué, pourriez-vous juste en

17 faire une flèche qui indiquerait, selon vous, l'emplacement où le

18 projectile est tombé.

19 R. C'est derrière ce grand bâtiment en plein milieu. Donc derrière, à peu

20 près à 50 mètres de là il y a une entrée qui donne dans ce grand bâtiment.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que vous n'en obtiendrez

22 plus grand-chose, Monsieur Sachedeva. Mais cette dernière phrase que nous a

23 dite le témoin va nous aider, puisqu'elle a dit "qu'à un cinquante mètres

24 du point" qu'elle a marqué ce point rouge.

25 M. SACHDEVA : [interprétation] J'aimerais que nous versions ce document au

26 dossier, puisque maintenant il y a cette marque rouge sur la photographie.

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Nous admettons la pièce.

28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P354.

Page 3543

1 M. SACHDEVA : [interprétation]

2 Q. Quand vous avez répondu à ma consœur lors du contre-interrogatoire - et

3 je regarde la page 39, ligne 6 - je le dis pour en informer la Défense.

4 Donc, le conseil de la Défense vous a posé une question, elle vous a dit :

5 "Vers Nedzarici, il y avait aussi des tours qui sont un grand nombre de

6 tours assez similaires de celles que l'on voit sur la photo."

7 Votre réponse était la suivante : "Si ici on a Alispasino Polje était

8 là, nous n'osions pas aller à Nedzarici."

9 Alors, j'aimerais vous poser cette question : pourquoi n'osiez-vous pas

10 vous rendre à Nedzarici ?

11 R. A cause des pilonnages, à cause des tirs embusqués, on n'y allait pas,

12 c'est tout. Nous n'avions pas besoin d'y aller d'ailleurs, puisque c'est là

13 qu'on travaillait sur place. On aidait les gens sur place, on leur amenait

14 de l'eau, on leur amenait du bois de chauffage, on leur faisait des

15 braseros. En fait, je ne me suis rendue nulle part. De toute façon, tout

16 était démoli, tout était détruit. Puis, il y avait des pilonnages, il y

17 avait des tirs embusqués. Personne n'osait s'y rendre.

18 Q. A la suite de vos réponses à ma consoeur, vous avez employé le mot

19 "commandant" quand vous avez fait référence à une personne qui travaillait

20 au sein de la protection civile. Pourquoi l'avez-vous appelé "commandant",

21 "komandir" ?

22 R. Le commandant nous donnait des ordres. On faisait l'appel à tous les

23 matins pour savoir si nous étions tous là, puis on nous donnait des

24 missions, des tâches. Certains devaient aller porter du bois de chauffage,

25 d'autres devaient s'occuper des médicaments. Il fallait signer, faire

26 l'appel tous les matins, signer une liste à tous les matins vers 8 heures.

27 C'était notre chef. Il fallait qu'on suive les ordres du chef. On

28 l'appelait "komandir", c'est le chef.

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1 Q. Etait-ce un soldat ce fameux "komandir" ?

2 R. Non, pas du tout. C'était un civil, un homme assez âgé, qui avait une

3 soixantaine. D'ailleurs, il n'y avait guère que des personnes âgées.

4 J'étais peut-être même la plus jeune, parce que la plupart des personnes

5 étaient assez âgées.

6 Le personnel de la FORPRONU savait tout cela, parce qu'ils étaient

7 face de nous, de l'autre côté de la rue. Ils savaient ce qui s'est passé

8 avec la bombe aérienne. Ils savaient tout. Ils venaient nous voir, nous

9 donner du carburant. Ils nous aidaient à emmener les gens à l'hôpital quand

10 ils étaient blessés.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Témoin, s'il vous plaît, pouvez-vous

12 nous dire quel âge vous avez ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis née en 1955.

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

15 M. SACHDEVA : [interprétation]

16 Q. Le 16 juin 1995, au cours de la période --

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant de parler d'autres choses,

18 Monsieur Sachdeva, dans votre réponse, elle nous a dit : "Qu'il y avait des

19 pilonnages et des tirs embusqués." Sur le compte rendu, il est écrit : "Des

20 activités qui sont des activités antisniping." Il faudra corriger cela sur

21 le compte rendu, bien sûr.

22 Vous pouvez poursuivre, puisque je vous parlais de la réponse qu'elle

23 a donnée quand elle nous a expliqué pourquoi elle n'osait pas se rendre à

24 Nedzarici. Il y avait une erreur dans le compte rendu.

25 M. SACHDEVA : [interprétation] Oui. Je vous remercie, Monsieur le

26 Président, mais je pense qu'il n'y a pas besoin de clarifier la chose ?

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, en effet.

28 M. SACHDEVA : [interprétation]

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1 Q. Témoin 107, s'il vous plaît, une dernière question. Les collègues avec

2 qui vous travailliez au sein de ce centre communautaire de la protection

3 civile à Alipasano Polje et principalement le 16 juin 1995, j'aimerais

4 savoir s'il s'agissait de civils ou de militaires ?

5 R. C'étaient tous des civils; des civils, des gens malades, des gens âgés.

6 Il y avait même quelqu'un qui avait 70 ans, un homme de 70 ans. Tous ceux

7 de ma génération, ils étaient tous civils. On travaillait pour les gens, on

8 travaillait pour les infirmes.

9 Q. Merci.

10 M. SACHDEVA : [interprétation] J'en ai terminé avec mes questions

11 supplémentaires.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Témoin 107, vous en avez terminé

13 avec votre déposition. Nous vous remercions d'être venue faire votre

14 déposition et vous pouvez quitter le prétoire.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

16 M. SACHDEVA : [interprétation] M. Waespi va s'occuper de l'interrogatoire

17 principal du témoin suivant et je vous demande la permission de quitter le

18 prétoire, s'il vous plaît.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez quitter le prétoire.

20 [Le témoin se retire]

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] J'ai deux points de procédure à

22 traiter rapidement. Tout d'abord, en l'absence du Juge Harhoff, le Juge

23 Mindua et moi-même allons siéger en application de l'article 15 bis du

24 Règlement.

25 Ensuite, je vais en profiter pour rendre une décision à propos de la

26 requête de l'Accusation portant sur le versement au dossier de déclarations

27 écrites de cinq témoins en application de

28 l'article 92 ter. La Défense n'a pas contesté le versement mais demande à

Page 3546

1 avoir le temps suffisant pour pouvoir conduire un contre-interrogatoire de

2 ces témoins.

3 Le 6 mars, la Chambre de première instance a fait droit à la requête pour

4 ce qui est d'un témoin, Rupert Smith, et a versé sa déclaration au dossier.

5 La Chambre maintenant fait droit à la requête de l'Accusation pour ce qui

6 est des quatre autres témoins et autorise le versement au dossier des

7 témoins W-39, W-46, W-61 et W-150, sous réserve que les obligations prévues

8 au titre de l'article 92 ter soient satisfaites.

9 Pour ce qui est de W-46, l'interrogatoire devait durer huit heures. La

10 Chambre a fait remarquer à l'Accusation que l'Accusation n'aurait que cinq

11 heures pour l'interrogatoire principal de ce témoin W-46. Ce qui fait que

12 l'Accusation a deux heures et la Défense aura trois heures. Tout ceci

13 faisant cinq heures. Lors des prochaines décisions, la Chambre donnera la

14 durée du contre-interrogatoire imparti pour les autres témoins.

15 Monsieur Waespi.

16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

17 M. WAESPI : [interprétation] Je vous remercie. Pour ce qui est du témoin W-

18 46, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous donner votre décision en ce qui

19 concerne les mesures de protection qui ont été demandées ?

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Aujourd'hui, nous rendrons la

21 décision.

22 M. WAESPI : [interprétation] Je vous remercie.

23 S'il vous plaît, pourriez-vous m'accorder un peu de temps pour que je

24 puisse changer de place.

25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Dans l'intervalle, je pense que le

26 témoin pourrait faire sa déclaration.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

28 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

Page 3547

1 LE TÉMOIN: HARRY KONINGS [Assermenté]

2 [Le témoin répond par l'interprète]

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci. Vous pouvez vous asseoir.

4 Vous pouvez commencer, Monsieur Waespi.

5 Interrogatoire principal par M. Waespi :

6 M. WAESPI : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

7 Q. [interprétation]. Bonjour, Monsieur Konings.

8 Pourriez-vous, s'il vous plaît décliner votre identité.

9 R. Je m'appelle Harry Konings.

10 Q. Quel est votre grade à l'heure actuelle ?

11 R. Je suis lieutenant-colonel.

12 Q. Quelle est votre fonction ?

13 R. Je suis membre de l'armée royale des Pays-Bas, chef de la Division

14 Doctrine pour ce qui est des forces de l'armée de terre et je travaille au

15 centre de formation.

16 Q. Etiez-vous directeur du bureau de l'artillerie et des mortiers en

17 1996 ?

18 R. Oui, en 1996 j'ai occupé ce poste.

19 Q. Etiez-vous aussi commandant de l'école de soutien d'appui feu ?

20 R. Oui, tout à fait.

21 Q. Je tiens à vous faire remarquer que nous parlons tous les deux anglais.

22 Certes, ce n'est pas notre langue maternelle ni à vous ni à moi, mais il

23 faudrait vraiment que vous ménagiez une pause avant de répondre pour que

24 les interprètes puissent suivre. Il suffit, par exemple, de regarder le

25 compte rendu. Dès que le compte rendu est terminé, cela veut dire que la

26 question a été posée et vous pouvez commencer à répondre.

27 Q. En tant que commandant de l'école d'appui feu, quelle était exactement

28 votre fonction ?

Page 3548

1 R. J'étais en charge de l'instruction des personnes de l'armée royale des

2 Pays-Bas en ce qui concerne l'appui peu. Appui feu, cela signifie tout ce

3 qui a trait à l'artillerie, aux mortiers, coordination de l'appui feu,

4 coordination des planifications en termes d'appui feu, tout ce qui concerne

5 l'appui feu au sein de l'armée.

6 Q. Pouvez-nous dire tout d'abord quelle était votre formation militaire ?

7 A quelle armée apparteniez-vous, et cetera ?

8 R. J'ai été à l'Académie militaire royale. On a une instruction très

9 générale. La dernière année de cette formation, on est formé aux armes;

10 c'est un peu plus spécifique pour moi, c'était l'école d'artillerie aux

11 Pays-Bas. Ensuite, j'ai occupé plusieurs postes en tant qu'officier

12 d'artillerie au sein de l'armée royale des Pays-Bas. Vraiment, j'ai été

13 extrêmement instruit en matière d'artillerie.

14 Q. L'expérience que vous avez en termes d'artillerie est-ce que cela

15 comprend aussi les mortiers ?

16 R. Oui, tout à fait. Etant donné que l'école de formation à l'appui feu

17 était une école où l'on devait former tout le personnel de l'armée des

18 Pays-Bas au mortier, y compris les Marines d'ailleurs de l'armée royale des

19 Pays-Bas.

20 Q. Etes-vous familier avec le concept de cratères et d'analyses de

21 cratères ? Pouvez-vous nous dire quand vous avez appris à procéder à ces

22 analyses de cratères ?

23 R. Oui, tout à fait. Le concept nous est enseigné lors de notre formation

24 à l'école d'artillerie. Certes, on n'y passe pas beaucoup de temps. Je

25 crois qu'on passe une journée à apprendre l'analyse des cratères. Au cours

26 des manœuvres et au cours des tours opérationnels, on en apprend beaucoup

27 puisqu'on va tout d'abord dans les champs de tir pour montrer aux

28 observateurs de l'avant quels sont exactement les conséquences des impacts

Page 3549

1 mortiers.

2 On va dans les zones dangereuses quand il n'y a pas de tirs de

3 mortier pour voir exactement quelles sont les conséquences. Avant ma

4 mission en tant que OMNU, nous avons aussi reçu un enseignement d'une demi-

5 journée, je crois, portant uniquement sur l'analyse de cratères. Quand je

6 suis arrivé à Zagreb, nous avons eu encore un cours supplémentaire pour

7 OMNU où on s'est occupé principalement de l'analyse de cratères.

8 Q. Rapidement maintenant, en théorie --

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Si je vous ai bien compris,

10 Lieutenant-colonel Konings, l'éducation théorique que vous avez reçue dans

11 ce domaine était très court, puisque vous avez principalement appris sur le

12 tas, si je puis dire. C'est l'expérience qui vous a permis de devenir

13 vraiment compétent.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur

16 Waespi.

17 M. WAESPI : [interprétation] Merci.

18 Q. Avant de vous rendre en Bosnie - et vous avez dit que vous aviez eu un

19 peu d'instruction - mais avant cela aviez-vous été instruit de façon

20 théorique à l'analyse des cratères ?

21 R. Oui. Comme je vous l'ai dit, il y a un cours assez court que nous

22 suivons lors de la formation militaire à l'artillerie. On suit ce cours à

23 l'académie militaire. Au cours de plusieurs occasions lors de mes séjours

24 opérationnels, nous avons eu cet enseignement aussi au sein de l'armée

25 royale des Pays-Bas, puis aussi en pratique pendant les manœuvres dans les

26 champs de tir. On allait dans les zones où il y avait des zones ciblées

27 pour montrer exactement à nos équipes à quoi ressemblaient les cratères,

28 quels étaient les effets d'obus d'artillerie, d'obus de mortier.

Page 3550

1 Tout ceci est consigné dans ce qui est appelé le bulletin d'appui feu

2 de l'armée des Pays-Bas. Il s'agit de manuels qui sont diffusés pour servir

3 un petit peu d'aide au personnel. Quand de plus en plus de notre personnel

4 est allé en Bosnie avec la FORPRONU, là nous nous sommes de plus en plus

5 occupés de cette formation en matière de mortier.

6 Q. Vous étiez en Bosnie pendant un bon moment. Pourriez-vous nous dire

7 exactement quelle a été la durée de votre séjour en Bosnie ?

8 R. J'ai servi en Bosnie -- je suis arrivé à Zagreb le

9 30 avril 1995, ensuite nous avons été dispersés sur différents

10 emplacements. Le 4 mai, je me suis rendu à Sarajevo et j'y suis resté

11 jusqu'au 25 ou 26 octobre 1995.

12 Q. Quelle était votre fonction à Sarajevo ? Quel était votre poste ?

13 R. Les deux premières semaines, j'étais membre de l'équipe. Je faisais

14 partie de l'équipe d'OMNU. Après quelques semaines, j'ai été nommé chef

15 d'équipe adjoint, ensuite je suis devenu chef d'équipe actif. Puis j'étais

16 chef d'équipe sans en avoir le titre, ensuite j'ai eu le titre de "chef

17 d'équipe."

18 Q. Pourriez-vous nous dire de quel équipe d'OMNU vous étiez membre ? Je

19 parle ici de votre première mission à Sarajevo.

20 R. Quand je suis arrivé, j'ai fait partie de l'équipe de Sierra Charlie 1.

21 "Sierra Charlie," c'est "Sarajevo centrale." C'est pour cela qu'on a SC,

22 Sarajevo Charlie.

23 Q. Quand vous êtes devenu chef d'équipe sans titre, ensuite chef

24 d'équipe en titre, c'était toujours sur la même équipe ?

25 R. Oui, tout à fait.

26 Q. Pouvez-vous nous dire de quelle équipe il s'agissait ?

27 R. C'était une équipe très hétérogène. La plupart du temps, il y avait six

28 à dix OMNU dans cette équipe de toutes sortes de nationalités. Il n'y avait

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1 jamais deux personnes de la même nationalité au sein d'une même équipe.

2 Dans mon équipe, nous avions des Européens mais aussi des Pakistanais, des

3 Bangladais, des personnes de Singapour, d'Indonésie, d'Egypte, c'était très

4 hétérogène.

5 Q. Où se trouvait cette équipe, s'il vous plaît ?

6 R. L'équipe était postée à Sedrenik. C'est un quartier de Sarajevo. Il

7 s'agit d'un quartier qui se trouve au nord-est de la ville.

8 Q. Avez-vous l'abréviation pour cet emplacement ?

9 R. Oui. C'était Sierra Charlie 1. Cela c'est le nom d'équipe.

10 Q. En tant que chef d'équipe, quelles étaient vos obligations ?

11 R. Comme cela était consigné dans le SOP, c'est-à-dire dans la

12 procédure opérationnelle standard des OMNU, le chef d'équipe était le chef

13 de l'équipe d'OMNU, le chef opérationnel, ce qui signifie qu'on était

14 responsable de toutes les missions de l'équipe. La mission principale était

15 de rester extrêmement impartial et de regarder de façon très impartiale ce

16 qui se passait dans Sarajevo et de rendre compte chaque fois qu'il y avait

17 un incident ou quelque chose qui se passait en ville.

18 Q. Vous souvenez-vous de la date exacte quand vous êtes devenu chef sans

19 titre de cette équipe ?

20 R. Je ne me souviens pas très bien de la date. Cela doit être la fin mai.

21 Q. Vous êtes resté chef d'équipe de cette équipe jusqu'à votre départ à la

22 fin octobre ?

23 R. Oui, presque. J'ai passé le relais à un collègue norvégien, une semaine

24 avant de quitter Sarajevo. Il me semble que c'était une semaine avant.

25 Q. Quel chef d'équipe avez-vous remplacé quand vous êtes arrivé pour ce

26 qui est de l'équipe Sedrenik ?

27 R. Capitaine Hansen. C'était un capitaine danois. C'est lui que j'ai

28 remplacé.

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1 Q. Connaissez-vous son prénom ?

2 R. Je crois que c'était Torban.

3 Q. Vous êtes sûr qu'il soit Danois ?

4 R. Oui, j'en suis sûr. Il était Danois.

5 Q. Pouvez-vous nous décrire l'organisation de votre équipe d'OMNU à

6 Sedrenik quand vous étiez chef soit sans titre, soit en titre.

7 R. Voici comment on était organisé. On avait une base de l'équipe qui

8 était à Sedrenick. On était dans une pièce d'une maison, une résidence

9 civile, et les OMNU avaient leur quartier dans les autres maisons aux

10 alentours. On habitait parmi les civils. Ce qui est tout à fait normal pour

11 les OMNU d'ailleurs, puisqu'ils sont censés être mélangés avec les civils.

12 Ils ne doivent pas être cantonnés sur une base militaire, parce qu'il faut

13 que les civils puissent directement les contacter.

14 Evidemment, nous avions aussi un poste d'observation qui se trouvait dans

15 la partie sud de la ville sur les hauteurs, d'une façon élevée, et ce poste

16 d'observation s'appelait le OP1; ce qui est assez simple.

17 Q. Merci. Nous allons regarder une carte et des photographies pour avoir

18 une meilleure idée de tout cela.

19 Passons maintenant plutôt à vos missions en tant que OMNU et en tant que

20 chef d'équipe. Votre mission comprenait-elle les enquêtes lors d'incident

21 de pilonnages ou de tirs embusqués sur les civils ?

22 R. Oui, en effet.

23 Q. Pouvez-vous nous dire quel pourcentage de votre travail était consacré

24 aux enquêtes sur les pilonnages et les tirs embusqués ?

25 R. C'est difficile de vous donner un pourcentage de mon temps. Disons,

26 qu'il y avait des périodes où il y avait des combats intenses, et pendant

27 la journée, tout ce qu'on faisait, on passait notre temps à se rendre sur

28 des incidents de pilonnage et de tirs embusqués pour faire rapport.

Page 3553

1 Q. Pourriez-vous nous dire à combien d'enquêtes vous avez participé ?

2 R. J'y ai pensé, je pense 100, 150 à peu près.

3 Q. Ces enquêtes ont-elles parfois porté sur des victimes civiles ?

4 R. Oui.

5 Q. Combien d'entre elles portaient sur les victimes civiles, s'il vous

6 plaît ?

7 R. Au moins 40 ou 50, me semble-t-il.

8 Q. Y avait-il des emplacements bien précis où vous vous êtes rendu compte

9 que les civils étaient souvent ciblés ?

10 R. Oui, oui. Il y avait certains emplacements où il y avait plus de

11 pilonnages ou plus de tirs embusqués; les carrefours, les points de

12 collecte d'eau. Mais surtout les carrefours, quand ils étaient visibles

13 depuis la ligne de confrontation. C'est difficile de mettre là des

14 coordonnées, puis d'en faire une cible.

15 Q. Qui vous appelait pour vous ordonner d'enquêter ?

16 R. C'était toujours le QG des OMNU à l'intérieur de Sarajevo qui nous

17 donnait le feu vert officiel. Parfois, on avait d'abord un premier appel

18 qui venait de la police de Sarajevo, mais il fallait toujours que l'on

19 obtienne l'autorisation de nos supérieurs qui étaient au QG des OMNU pour

20 nous rendre sur site pour l'enquête.

21 Q. Où se trouvait le QG des OMNU à Sarajevo ?

22 R. C'était dans ce qu'on appelle le bâtiment des PTT.

23 Q. Pouvez-vous nous dire comment vous procédiez aux enquêtes avec votre

24 équipe de OMNU, bien sûr ?

25 R. Après avoir reçu un appel, avoir obtenu la permission, on se rendait

26 sur site, là où il y avait eu un incident. Souvent on passait d'abord pour

27 prendre avec nous un ou deux officiers de police de Sarajevo. On se rendait

28 sur site, on enquêtait ce que l'on pouvait y voir, on faisait une analyse

Page 3554

1 de cratères, par exemple, s'il y avait un cratère. On recherchait des

2 fragments d'obus, les empennages de mortiers, toutes preuves que des armes

3 avaient été utilisées. On prenait des relevés, on notait les coordonnées

4 topographiques, ensuite on quittait la scène le plus rapidement possible,

5 et on consignait tout cela dans un rapport écrit. Avant, on faisait aussi

6 un rapport oral par radio au QG des OMNU pour qu'ils sachent exactement ce

7 que nous avions observé.

8 Q. Vous nous avez parlé de nombreuses activités effectuées par vos

9 équipiers et vous-même. Pourriez-vous nous dire s'ils étaient bien

10 expérimentés ?

11 R. Il y avait un peu de tout parmi les OMNU au niveau de l'expérience.

12 Certains étaient en Bosnie depuis un bon moment. D'autres, comme moi,

13 étaient du métier, donc connaissaient les artilleries et les mortiers. Il y

14 avait aussi des bleus, de tout nouveaux, si je peux dire, qu'ils n'y

15 connaissaient rien. Ils ne savaient absolument pas quels étaient les

16 conséquences et les effets des tirs de mortier ou d'artillerie, qui ne

17 connaissaient rien aussi aux conséquences et aux effets de tirs embusqués.

18 Donc on devait leur enseigner un peu ce qu'on savait. Quand il y avait

19 patrouille envoyée sur le terrain, on envoyait toujours un expert avec un

20 nouveau. On ne laissait jamais deux nouveaux faire l'enquête, il y avait

21 toujours quelqu'un d'expérimenter au sein de l'équipe.

22 Q. Merci. Vous avez parlé de la police de Sarajevo. La police bosnienne,

23 de la BiH de Sarajevo, enquêtait-elle aussi sur les mêmes incidents que

24 vous ?

25 R. Oui.

26 Q. Pourriez-vous nous décrire un peu quelle coopération existait entre vos

27 deux unités ?

28 R. La plupart du temps la coopération était bonne. On enquêtait chacun de

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1 notre côté. Ils faisaient leur propre enquête, on faisait la nôtre. On

2 était d'accord pour se rendre sur site ensemble.

3 Q. Echangiez-vous des informations avec eux ?

4 R. Oui, oui. Mais je tiens à vous dire qu'il ne s'agissait que d'un

5 échange d'informations et non pas d'altération d'informations. Quand les

6 informations étaient différentes d'un côté et de l'autre, nous, on s'en

7 tenait à ce qu'on avait découvert et on les laissait s'en tenir à ce qu'ils

8 avaient découvert. On n'essayait pas de réconcilier les deux.

9 Q. Avez-vous la moindre opinion à propos du professionnalisme de la police

10 bosnienne, puisque vous avez quand même coopéré avec eux, vous les avez vus

11 dans leurs oeuvres ?

12 R. Dans la plupart des cas, je crois qu'ils étaient très professionnels.

13 Q. Vous nous avez dit que vous dirigiez une enquête, ou plutôt

14 Excusez-moi, Monsieur le Juge.

15 M. LE JUGE MINDUA : Je prends un autre sujet, je voudrais poser une

16 question au témoin.

17 Monsieur le Témoin, parmi vos actes sur le terrain, vous avez parlé de

18 l'analyse de cratères, de la recherche de fragments, des empennages de

19 projectiles, et cetera. Mais je ne vous ai pas entendu parler de l'examen

20 de cadavres ou de blessures. Est-ce que vous ne pensez pas que ce genre

21 d'examen est susceptible d'apporter de la lumière sur le genre de

22 projectiles utilisés. Je pose la question notamment, parce que dans cette

23 salle d'audience très souvent il y a des discussions au sujet de cadavres

24 ou de manque de cadavres.

25 Est-ce que vous avez pensé à cet aspect durant vos investigations ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, nous faisions ce genre d'examen aussi,

27 cela faisait également partie de notre travail. Après avoir nettoyé la

28 zone, si vous voulez, de la région, après avoir examiné la région où les

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1 obus étaient tombés, nous nous rendions dans les hôpitaux, dans les morgues

2 pour mener une enquête, pour savoir qu'en était-il des personnes qui

3 avaient été tuées, et cela faisait partie de notre procédure, bien sûr.

4 Nous avons, bien sûr, nous travaillions avec la police bosnienne pour

5 vérifier combien y avait-il de personne tuées. Nous faisions également le

6 type d'examen, c'est-à-dire nous vérifiions le type de blessures que ces

7 derniers avaient afin de pouvoir savoir si les blessures d'abord étaient,

8 par exemple, si les blessures étaient fraîches ou si les corps qui étaient

9 là c'était dû justement à quelque chose qui venait d'arriver incessamment.

10 M. LE JUGE MINDUA : Je vous remercie, Monsieur le Témoin.

11 M. WAESPI : [interprétation]

12 Q. Pourquoi était-il important de savoir si les personnes qui étaient

13 blessées, s'il s'agissait de blessures fraîches qui venaient de se

14 produire, blessures récentes, si vous voulez ?

15 R. Il y avait des rumeurs selon lesquelles on disait que lorsque des

16 personnes avaient été tuées à certains endroits étaient emmenées à d'autres

17 endroits, étaient placées sur le site d'un autre événement pour exagérer,

18 pour pouvoir dire que le nombre de personnes tuées avait été supérieur à la

19 réalité. Puisqu'il y avait des rumeurs, je ne sais pas si les rumeurs

20 étaient très fondées ou fortes. Mais toujours est-il que notre supérieur à

21 Sarajevo nous avait dit qu'il nous fallait vérifier cet aspect-là

22 également, à savoir si cela arrivait effectivement, oui ou non.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous aviez suffisamment

24 de membres dans votre unité qui avaient la compétence nécessaire pour

25 établir ces faits ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avions au sein de notre unité -- ou

27 plutôt nous n'avions pas au sein de notre unité des membres qui étaient

28 particulièrement formés pour ceci. Avec le temps, malheureusement, je dois

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1 vous dire que je suis devenu plus ou moins le seul expert au sein de mon

2 équipe qui était en mesure de faire ce genre de travail. Donc c'était moi

3 qui faisais l'enquête des blessés, des personnes tuées également.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quelle façon est-ce que vous

5 pouviez déterminer ? Qu'est-ce qui vous permettait de savoir si une

6 personne venait tout juste d'être tuée ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous pouvez le constater en examinant les

8 blessures, c'est-à-dire de par la blessure même on peut savoir si c'étaient

9 des blessures récentes ou non. La façon dont les personnes, l'aspect du

10 cadavre nous permet également de savoir si les cadavres étaient rigides ou

11 non. Je n'avais pas vraiment de formation particulière avant de me rendre

12 en Bosnie, mais j'avais déjà vu des cadavres avant d'aller en Bosnie.

13 Toutefois, et pour ce qui est de mon travail, je dois vous dire que nous

14 avions vu plusieurs personnes mortes également au cours de la période, au

15 cours de cette période de mon séjour à Sarajevo. En fait, j'ai acquis de

16 l'expérience au fur et à mesure où le temps passait.

17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous écoute, Monsieur Waespi.

18 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 Q. Pour redonner suite aux questions posées par les Juges et pour donner

20 suite également à ce que vous nous avez dit, est-ce que vous avez vu

21 effectivement si on avait fait une mise en scène ? Est-ce que vous avez

22 jamais pu constater qu'effectivement on avait fait une mise en scène, qu'on

23 avait emmené des corps d'ailleurs ?

24 R. Non, je n'ai jamais vu cela. Je n'ai jamais vu d'éléments de preuve me

25 permettant de conclure qu'il s'agissait d'une mise en scène.

26 Q. Merci, Lieutenant-colonel.

27 Maintenant dites-moi, quelles sont les conclusions qu'il vous est

28 parvenu après avoir diligenté toutes ces enquêtes; je crois que vous nous

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1 avez mentionné qu'il y avait environ 100 enquêtes ? Est-ce que vous avez

2 étiez en mesure de savoir d'où provenaient les tirs ? Est-ce que vous avez

3 conclu ce genre de chose ?

4 R. Dans la plupart des cas, nous étions en mesure d'arriver à la

5 conclusion que les tirs provenaient du territoire serbe. Ce n'était pas

6 toujours le cas pour ce qui est de tous les cas, mais dans la plupart des

7 cas, comme je vous ai déjà dit, nous pouvions constater que c'était

8 effectivement le cas.

9 Q. De quelle façon est-ce que vous étiez en mesure d'arriver à cette

10 conclusion pour ce qui est de la source des tirs ou de la direction des

11 tirs ? Quels étaient les outils qui vous permettaient de déterminer ce

12 genre de chose ?

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Excusez-moi. Avant que le témoin ne

14 réponde à votre question, je souhaiterais lui demander s'il pouvait nous

15 dire, lieutenant-colonel, s'il pouvait nous dire la chose suivante :

16 Lieutenant-colonel, dans les cas où vous ne pouviez pas déterminer que les

17 tirs provenaient du côté serbe, ai-je raison de supposer que vous

18 déterminiez à ce moment-là que les tirs provenaient du côté musulman; est-

19 ce que c'est cela, des Musulmans de Bosnie ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans ce cas-là, vous savez, lorsque nous ne

21 pouvions pas être tout à fait certains que les tirs provenaient d'une

22 certaine source, à ce moment-là, nous laissions la question ouverte, c'est-

23 à-dire que nous n'avions pas d'éléments de preuve conclusifs nous

24 permettant de croire que les tirs provenaient vraiment du territoire

25 bosnien non plus.

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donc vous n'aviez pas de preuves

27 vous permettant de conclure que les tirs provenaient du territoire bosnien

28 non plus ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour autant que je me souvienne, je n'ai pas

2 vu cela. Il y avait des tirs qui provenaient du territoire bosnien, mais je

3 n'ai pas personnellement vu ce genre de chose d'autres observateurs OMNU,

4 oui.

5 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Waespi.

6 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez forgé une opinion quant aux

8 tactiques employées par les Serbes de Bosnie quand il s'agit de cibles - et

9 là, je parle de pilonnage - quelle était leur approche ?

10 R. Oui, je m'étais forgé une opinion. C'est une opinion personnelle, bien

11 sûr, et je le fais en réalité, car j'arrive à arriver à cette conclusion

12 parce que je suis officier d'artillerie. Dans la plupart des cas, je ne

13 peux pas dire que c'est le cas pour 100 % des cas, mais très souvent, je

14 peux dire que l'emploi des mortiers tels qu'employés à l'intérieur de

15 Sarajevo, il s'agissait d'une question de tirs de harcèlement, ce qui veut

16 dire que vous placez - enfin, on peut tirer n'importe où sachant que vous

17 atteindrez des cibles. Dans la plupart des cas il n'y avait pas de cibles

18 militaires. Car selon moi, il y avait peu de vraies cibles militaires à la

19 caserne de la ville de Sarajevo. Lorsqu'on emploie un mortier à l'intérieur

20 d'une agglomération urbaine, de la façon dont cela a été utilisé, cela peut

21 causer énormément de dommages ou de dégâts, plus particulièrement lorsqu'il

22 s'agit d'une population non protégée et non avisée pour une population

23 civile.

24 Les cibles militaires avaient été utilisées de façon différente que

25 pour ce qui a été le cas pour 95 % des cas à l'intérieur de Sarajevo.

26 Q. Pour donner suite à ce que vous avez dit dans votre dernière

27 réponse, pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, de quelle façon est-ce

28 qu'on emploie un mortier dans un sens militaire ?

Page 3560

1 R. Les mortiers ainsi que l'artillerie, ce sont des armes qui

2 appartiennent à une fonction militaire qui s'appelle appui feu. Cet appui

3 feu a été employé pour les troupes de combat en action. Cela veut dire

4 qu'il y a une raison de se faire lorsqu'il y a une activité de combat soit

5 par l'infanterie, les chars ou la reconnaissance utilisée. C'est à ce

6 moment-là que l'on se sert de l'appui feu pour donner, pour nourrir leurs

7 tirs et pour pouvoir attaquer de façon plus nourrie.

8 Dans la plupart des cas, on emploie deux ou trois munitions, deux ou

9 trois rondes. Mais pour ce qui est des mortiers, ce sont des systèmes

10 d'armes aériens. Ils ne sont pas conçus pour tirer sur des cibles précises.

11 C'est la façon dont ils ont été conçus. Lorsque vous employez des mortiers,

12 c'est plutôt pour une zone. On cible une zone, par exemple, des soldats qui

13 attaquent ou des soldats qui se trouvent sur le terrain ouvert, ce genre de

14 cibles-là.

15 Q. Merci, Lieutenant-colonel. De quel type de mortier disposait l'armée

16 serbe de Bosnie à Sarajevo, selon vos observations à l'époque ?

17 R. Dans la plupart des cas, c'étaient des mortiers de 120-millimètres, et

18 à un certain moment, c'étaient des mortiers de 81 ou 82-millimètres. Je ne

19 suis pas tout à fait certain du type de calibre exact.

20 Q. Pourriez-vous nous décrire l'impact de mortier de 120-millimètres. Quel

21 est l'effet que peut avoir un mortier de 120-millimètres sur cette cible ?

22 R. D'abord, je dois vous dire que les projectiles employés sont des

23 projectiles qui contiennent des explosifs très volatiles. Cela veut dire

24 qu'il s'agit d'une douille contenant l'explosif, et lorsque la douille

25 explose il y a des milliers d'éclats d'obus qui produisent un éclat sous

26 pression. Cela aussi dépend de la région où atterrit un projectile. Si

27 c'est dans une aire ouverte, cela veut dire également que l'essai est lié à

28 l'environnement. L'angle de l'impact d'un projectile est également très

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1 important. L'effet a également un lien entre le fait si l'explosion a lieu

2 dans une aire ouverte ou dans une aire fermée. Donc, il y a plusieurs

3 facteurs qui influencent l'effet final d'un projectile et de la cible.

4 Q. Merci, Lieutenant-colonel. Dites-nous si vous, lorsque vous étiez dans

5 votre base là où votre équipe était cantonnée, est-ce que vous étiez une

6 cible ciblée par l'armée serbe de Bosnie ?

7 R. Là où nous étions cantonnés, il nous est arrivé souvent de nous faire

8 tirer dessus depuis Sharpstone. C'est une crête, c'est une zone où l'armée

9 serbe avec une très bonne vue de la région de Sedrenik. Lorsque nous sommes

10 revenus, par exemple, lorsque nous revenions des patrouilles, très souvent

11 ils nous tiraient dessus soit avec des fusils à lunette ou avec des

12 mitraillettes au-dessus de nos véhicules.

13 Q. Est-il possible que les Serbes de Bosnie vous aient tiré dessus ou

14 tiraient sur votre base par-dessus vos têtes par erreur ?

15 R. Tout est possible. Mais certains de nos véhicules portaient une

16 indication clairement indiquée. C'étaient des véhicules blancs des Nations

17 Unies avec un drapeau bleu dessus, de grandes lettres noires étaient

18 écrites. Les véhicules étaient marqués avec de grosses lettres noires, donc

19 tout était très clair, on pouvait remarquer qu'il était écrit "Nations

20 Unies, observateurs militaires des Nations Unies." Pour nous, c'était

21 clairement visible.

22 Q. Vous vous souvenez de la journée où vous êtes arrivé à la base ?

23 R. Oui, je me souviens très bien de la date.

24 Q. Pourquoi vous souvenez-vous si bien de la date lorsque vous êtes arrivé

25 à la base ?

26 R. D'abord, parce que c'était une journée bien particulière. Je suis

27 arrivé à bord d'un avion des Nations Unies, et nous avons atterri à

28 l'aéroport de Sarajevo. Ils nous ont immédiatement placés à bord d'un

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1 véhicule blindé, ensuite on nous a amenés à la base, d'abord au QG, ensuite

2 à la base. Deuxièmement, c'est une journée particulière, car l'expérience

3 était aussi particulière. Ce qui était particulier c'était cinq minutes

4 après avoir passé assis devant la maison, j'ai fait l'objet de tirs de

5 tireurs embusqués, il y a une balle qui est passée juste au-dessus de mon

6 épaule.

7 Q. Comment est-ce que vous avez interprété ce coup de feu, ce tir à

8 l'époque ?

9 R. Personnellement, je n'ai rien fait parce que c'était -- d'abord, cela a

10 pris un certain temps avant de comprendre ce qui s'était passé, et le

11 capitaine Hansen, qui était Norvégien, c'était l'un des chefs d'équipe, il

12 était là depuis cinq mois, il a immédiatement conclu qu'il s'agissait d'un

13 tir de fusil de lunette, donc de tirs de tireurs embusqués venant de

14 Sharpstone.

15 Q. [aucune interprétation]

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous écoute, Maître Tapuskovic.

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, ici on voit que

18 Hansen était un Norvégien. Est-ce qu'il y avait un Norvégien qui s'appelait

19 Hansen, un Danois qui s'appelait Hansen ? Ici on voit qu'il s'agissait sur

20 le compte rendu d'audience, le Norvégien, le capitaine Hansen qui était un

21 Norvégien.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Demandons au témoin ce qu'il en

23 pense.

24 Monsieur le Témoin, le capitaine Hansen, qu'est-ce que vous nous avez dit ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Le capitaine Hansen était un capitaine danois.

26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie.

27 Est-ce que le lieutenant-colonel vous a dit quelle était sa position à

28 l'époque au sein des observateurs indépendants des Nations Unies ? Il a

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1 remplacé le capitaine Hansen. Quel était votre poste ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Mon poste, la position que j'occupais au sein

3 de l'armée néerlandaise était le lieutenant-colonel, et j'étais le chef du

4 bureau de mortier et de munition et directorat du matériel, ce qui veut

5 dire qu'à l'époque, j'étais responsable des techniques impliquées pour ce

6 qui est de procurer l'artillerie et la munition d'artillerie et l'emploi de

7 ces derniers au sein de l'armée néerlandaise.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci.

9 M. WAESPI : [interprétation]

10 Q. En fait, je voulais vous demander quelle était la situation à Sarajevo

11 lorsque vous êtes arrivé ? Est-ce que Sarajevo était rempli de soldats ?

12 Est-ce qu'il y avait également des civils ? Est-ce que les civils étaient

13 très présents à Sarajevo ? En fait, est-ce que c'était bondé de gens ?

14 R. Lorsque je suis arrivé, il y avait un très grand nombre de civils à

15 l'intérieur de Sarajevo. Il y avait également des réfugiés qui venaient de

16 la région entourant Sarajevo. Il y avait certes des soldats à l'intérieur

17 de la ville, mais pas en très grand nombre, pas des groupes de soldats. Il

18 y avait de petites patrouilles qui patrouillaient les rues. Toutes les

19 nuits nous voyions, puisque nous étions près de la ligne de confrontation,

20 l'échange de troupes sur la ligne de confrontation. Mais ce n'était pas de

21 très gros groupes composés d'un très grand nombre de personnes.

22 La vie était bien différente, en fait, du jour au jour. Il y avait

23 des journées qui étaient tranquilles, et là, vous pouviez voir plus de

24 personnes dans la rue car les gens essayaient de se procurer de la

25 nourriture. D'autres journées également, il y avait des journées qui

26 étaient beaucoup plus intenses, où il y avait des échanges de tirs entre

27 eux, la VRS et l'armée bosnienne, sur la ligne de confrontation, étaient

28 également dans la ville.

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1 De façon générale, au cours des quatre premiers mois de mon séjour,

2 je peux vous dire que la situation était assez intense.

3 Q. Très bien. Merci, Lieutenant-colonel. Passons maintenant à Markale.

4 Est-ce que vous avez pris part à l'enquête qui a été menée pour ce qui est

5 de l'incident que l'on appelle ici Markale 2, c'est un incident qui a eu

6 lieu le 28 août 1995 ?

7 R. Oui. Je faisais part à l'enquête.

8 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire à quel moment que vous avez entendu

9 pour la première fois qu'un incident avait eu lieu près de Markale ?

10 R. La première fois que j'ai entendu parler de cet incident, c'était

11 lorsque j'étais à bord de mon véhicule. Je revenais du quartier général des

12 OMNU. Alors que j'étais encore dans mon véhicule, j'ai reçu l'information

13 par voie de radio me disant qu'il y avait une explosion dans la ville et

14 qu'il y avait probablement un très grand nombre de personnes impliquées.

15 Q. Qu'est-ce que vous avez fait par la suite ? Est-ce que vous avez

16 continué votre chemin pour vous rendre vers la base ou est-ce que vous êtes

17 resté dans la ville ?

18 R. Non. A ce moment-là, puisque je n'étais pas loin de la base, je suis

19 retourné à la base, j'ai rebroussé chemin.

20 Q. Qu'est-ce que vous avez fait à la base ?

21 R. Quelques minutes plus tard, nous avions reçu un appel téléphonique

22 venant de la police nous demandant de venir pour une enquête, pour

23 diligenter une enquête. Moi-même j'avais décidé à ce moment-là, puisque

24 j'étais la seule personne avec de l'expérience, que je devais accompagner

25 deux collègues, que je devais me rendre sur place.

26 Q. Qui étaient ces deux collègues que vous avez accompagnés ou qui sont

27 venus avec vous ?

28 R. C'étaient un capitaine espagnol et un lieutenant britannique.

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1 Q. Est-ce que vous souvenez de leurs noms ?

2 R. Oui. Le capitaine espagnol s'appelait Carbonell, et le lieutenant

3 britannique s'appelait Higgs.

4 Q. Est-ce que vous avez pris avec vous du matériel pour mener votre

5 enquête ?

6 R. Oui. Chaque fois que nous nous rendions sur les lieux, nous avions avec

7 nous notre équipement standard qui était une équipement de base; c'était le

8 casque, le gilet pare-balles, le compas ou plutôt la boussole, ensuite nous

9 avions également des jumelles, la radio et la trousse de premiers soins.

10 Q. Est-ce que vous vous êtes rendus sur les lieux là où l'explosion avait

11 eu lieu ?

12 R. Non, pas immédiatement. A ce moment-là, nous nous sommes d'abord

13 arrêtés au poste de police qui nous avait appelés. Ensuite, nous avons

14 emmené avec nous quelques policiers, ensuite nous nous sommes rendus sur le

15 site de l'explosion.

16 Q. Selon vous, combien de temps après l'explosion êtes-vous arrivés sur

17 les lieux ?

18 R. Je crois que c'était entre 30 et 40 minutes, si je me souviens bien.

19 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire à quelle heure approximative

20 l'explosion avait eu lieu ?

21 R. Peu de temps après 11 heures.

22 Q. Pouvez-vous décrire aux Juges de la Chambre ce que vous avez vu lorsque

23 vous êtes arrivés sur les lieux de l'explosion ?

24 R. Lorsque nous sommes arrivés sur les lieux, il y avait beaucoup de

25 verre, il y avait des centimètres carrés de vitre brisée; il y avait des

26 flaques de sang et il y avait plusieurs parties de corps dispersées.

27 Q. Quelle était l'atmosphère ? Est-ce que vous avez parlé à des

28 personnes ? Est-ce qu'ils étaient calmes, agités ? A quoi ressemblait la

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1 scène en arrivant ?

2 R. La situation était très tendue. Les gens étaient tendus. Il y avait un

3 très grand nombre de personnes qui étaient encore dans la rue, un très

4 grand nombre de personnes également en uniforme, des policiers; des membres

5 de l'armée, mais également des civils, et plus particulièrement il y avait

6 des civils donc qui criaient en notre direction. Ils étaient fâchés. Ce que

7 notre interprète nous a dit, c'est qu'ils blâmaient la FORPRONU et les

8 Nations Unies de ne pas avoir fait en sorte que cela ne se passe pas, mais

9 nous n'avions pas la possibilité d'arrêter ce genre de choses. Nous ne

10 pouvions pas faire en sorte que ce genre de choses ne se produise pas.

11 Q. Vous avez mentionné qu'il y avait des gens, des personnes portant des

12 uniformes. Vous avez parlé de policiers. Qui étaient ces policiers

13 bosniaques ou musulmans de Bosnie ?

14 R. Je ne sais pas. Nous étions accompagnés de policiers en uniforme, et

15 des policiers en civil, les mêmes avec lesquels on communiquait

16 normalement. Il y avait d'autres personnes que je ne connaissais pas. Je ne

17 m'étais pas entretenu avec eux.

18 Q. C'étaient des Musulmans de Bosnie, des policiers portant un uniforme,

19 et c'étaient des Musulmans de Bosnie, n'est-ce pas ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce que vous avez également vu des soldats internationaux, par

22 exemple, des membres de la FORPRONU ou des membres d'autres contingents

23 internationaux ?

24 R. Oui. Il y avait d'autres personnes sur les lieux, mais si je me

25 souviens bien, il y avait aussi des soldats français de la FORPRONU qui

26 diligentaient une enquête. Je me souviens que mon supérieur est venu

27 également sur les lieux.

28 Q. Qui était votre observateur militaire supérieur ? Quel était son nom ?

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1 R. C'était un lieutenant-colonel norvégien, et son nom était Oyen.

2 Q. Est-ce que vous lui avez parlé ?

3 R. Oui, nous avons échangé une phrase entre nous. D'abord, la première

4 chose qu'il m'a dite, il m'a dit : Mettez votre casque. Car je portais mon

5 béret. La deuxième chose qu'il m'a dite, c'est que je n'avais pas le droit

6 de parler à qui que ce soit ni aux membres de la presse ni à personne

7 d'autre, et que je devais rappeler que les observateurs indépendants

8 étaient impartiaux, ce qui voulait dire que je n'avais pas le droit de

9 parler du tir ou de l'origine d'où provenait le tir.

10 Q. Avez-vous parlé avec d'autres personnes, exception faite avec votre

11 chef, pendant que vous étiez sur scène où l'explosion s'est produite ?

12 R. Oui. J'ai parlé avec mes collègues; avec le capitaine qui était

13 Espagnol et avec le lieutenant qui était Britannique. J'ai parlé avec les

14 gens de l'équipe d'enquête bosnienne qui a été formée avant que nous

15 n'ayons commencé à travailler. Il y avait parmi eux un juge de Sarajevo, du

16 tribunal de Sarajevo, des policiers. Comme j'ai déjà dit, je connaissais

17 quelques-uns d'entre eux. J'ai parlé avec mes collègues et avec les membres

18 de l'équipe d'enquête bosnienne.

19 Q. Lieutenant-colonel, qu'est-ce que vous avez fait sur les lieux ? Quelle

20 était votre tâche, qu'est-ce que vous et vos deux collègues avez fait sur

21 les lieux ? Quelles étaient vos tâches par rapport à cet incident et

22 l'enquête sur cet incident ?

23 R. Nous nous comportions comme dans tout autre incident, à savoir nous

24 avons essayé de rassembler le plus d'informations possibles. Nous avons

25 essayé de rassembler premièrement des fragments de projectile;

26 deuxièmement, d'identifier le cratère; ensuite de rassembler des

27 différentes parties des projectiles; ensuite d'examiner toutes les choses

28 qui étaient particulières pour cette occasion-là. Parce qu'à chaque fois

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1 c'était différent, c'est-à-dire on a essayé de voir quelles sont les

2 caractéristiques spécifiques.

3 Cet incident ensuite, il faut écrire un premier rapport, y mettre les

4 plus importantes, ensuite parler par l'intermédiaire de la radio avec le

5 quartier général des observateurs d'OMNU pour leur dire ce qui s'est passé.

6 Q. Parmi vous, est-ce que vous et vous deux collègues,

7 M. Carbonell et M. Higgs, est-ce que vous vous êtes répartis des tâches ?

8 Est-ce qu'une personne a été chargée de s'occuper d'une chose et une autre,

9 d'une autre chose ?

10 R. Oui. Nous nous sommes répartis les tâches. J'ai veillé attentivement

11 sur les activités de l'équipe d'enquête bosnienne. J'ai essayé d'avoir des

12 contacts avec eux par le biais de l'interprète. Le lieutenant Higgs a

13 utilisé sa boussole pour mener une enquête sur le cratère et le capitaine

14 Carbonell aidait pour ce qui est des relevés à prendre. Il a utilisé

15 également sa boussole et il mesure les distances entre le cratère et le mur

16 de la maison.

17 Q. Etes-vous entré dans l'un des bâtiments ?

18 R. Oui.

19 Q. Qu'est-ce que vous avez pu remarquer ?

20 R. Au premier étage nous avons vu que toutes les vitres ont été brisées.

21 Il y avait des dégâts superficiels dans l'intérieur du bâtiment et nous

22 avons trouvé des parties de corps.

23 Q. Vous avez mentionné auparavant que vous avez essayé de trouver des

24 fragments de projectile. Avez-vous trouvé des fragments de projectile ?

25 R. Oui. Nous avons trouvé les ailettes de projectile et nous avons trouvé

26 des éclats d'obus, mais la chose la plus importante est que nous avons pu

27 trouver des ailettes de projectile.

28 Q. A quelle distance se trouvait le projectile par rapport au cratère ?

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1 R. Je ne suis pas tout à fait sûr aujourd'hui par rapport cette distance,

2 mais je pense que cela aurait dû être à une distance de 10 à 20 mètres.

3 Q. Dans quelle condition se trouvait cette partie du projectile ? Mais

4 d'abord, je veux poser cette question : quelle partie du projectile avez-

5 vous trouvée ?

6 R. Nous avons trouvé des ailettes du projectile et vous pouvez reconnaître

7 cela très facilement. Nous avons pu lire les inscriptions sur les ailettes

8 indiquant le détail du producteur du projectile. Nous avons pu voir que les

9 ailettes ont été pliées.

10 Q. Est-ce que vous avez eu une opinion par rapport aux causes, aux raisons

11 pour lesquelles les ailettes ont été pliées ?

12 R. Non, pas spécifiquement, parce que dans d'autres occasions auparavant,

13 nous avons pu trouver des ailettes avec des dommages et lorsque le

14 projectile frappe la terre, il y a une grande force qui se libère autour et

15 le matériau dont les ailettes de projectile sont faites est tel qu'il

16 permet que les ailettes soient pliées. Mais ce n'était pas quelque chose

17 qui a provoqué cela. Ce n'est pas très spécifique cette situation.

18 Q. Lorsque vous avez vu qu'il n'y a rien de particulier pour ce qui est de

19 la cause de cet incident, est-ce que vous avez voulu dire qu'il n'y avait

20 pas de chose inhabituelle ?

21 R. Oui.

22 Q. Vous avez parlé du cratère également. Dans quelle condition se trouvait

23 le cratère. Peut-être pourriez-vous le comparer à d'autres cratères que

24 vous avez vus pendant que vous étiez à Sarajevo ou aux Pays-Bas ?

25 R. C'était un cratère clair à voir dans l'asphalte, dans le béton, sur la

26 rue. Immédiatement, nous avons pu reconnaître qu'il s'agissait du cratère

27 provoqué par un projectile de mortier, parce que c'est la forme qui est

28 différente par rapport à un projectile d'artillerie. J'ai vu de tels

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1 cratères avant dans les mêmes conditions à Sarajevo.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi, nous allons faire

3 une pause maintenant.

4 --- L'audience est levée à 12 heures 22.

5 --- L'audience est reprise à 12 heures 48.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi, vous pouvez

7 continuer.

8 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je me rends

9 compte que j'ai utilisé presque une heure et c'était le temps qui m'a été

10 au début accordé pour l'interrogatoire principal. Je demande votre

11 permission pour continuer et j'espère que je vais finir avec mon

12 interrogatoire principal en 60 minutes.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cela allait vouloir dire que vous

14 aurez utilisé presque deux heures. Vous avez sous-estimé le temps

15 nécessaire pour en finir votre interrogatoire principal et cela devient une

16 pratique habituelle. J'espère que cela sera le temps total pour ce qui est

17 de la présentation des moyens de preuve de l'Accusation.

18 M. WAESPI : [interprétation] Je pense que cela ne sera pas le cas.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Continuez, Monsieur

20 Waespi.

21 M. WAESPI : [interprétation] Merci.

22 Q. Revenons à une remarque faite par M. Konings. Avant vous avez parlé des

23 ailettes de projectile qui ont été trouvées. Vous avez décrit certains

24 détails par rapport à la production du projectile. Vous souvenez-vous du

25 producteur de projectile ?

26 R. Nous avons trouvé l'inscription en cyrillique au dos des ailettes et

27 nous avons pu en conclure que les ailettes ont été produites dans un des

28 pays du pacte de Varsovie ou en Serbie. Je ne me souviens plus exactement

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1 mais sur la base de l'inscription, surtout du numéro inscrit, le type de

2 numéro, vous pouvez avoir des conclusions par rapport au projectile et par

3 rapport au producteur de projectile; si vous avez des documents appropriés,

4 vous pouvez le faire, mais nous ne les avions pas.

5 Q. Je vous remercie.

6 M. WAESPI : [interprétation] J'aimerais attirer l'attention du témoin à la

7 pièce à conviction P265. C'est sur le panneau qui est derrière le témoin.

8 Je pense que tout le monde peut voir le panneau. Q. Reconnaissez-vous

9 cette photo, Lieutenant-colonel ?

10 R. Oui, je la reconnais.

11 Q. Qu'est-ce qu'elle représente, cette photographie ?

12 R. Sur cette photographie on peut voir la cavité de l'explosion qui a eu

13 lieu le 28 août et nous avons déjà parlé de cela. Sur la photographie, nous

14 pouvons voir le cratère à propos duquel j'ai fait une analyse et une

15 enquête. Ensuite sur la photographie, on peut voir la région plus large de

16 l'endroit où le projectile est tombé.

17 Q. Pouvez-vous par l'intermédiaire du pointeur montrer le cratère dont

18 vous venez de parler ?

19 R. Le cratère, c'est ici. C'est le cratère.

20 Q. Vous avez dit auparavant que vous vous êtes rendu dans l'intérieur du

21 bâtiment. Voyez-vous ce bâtiment sur la photographie ?

22 R. Oui, je pense que c'est ce bâtiment sur la photographie.

23 Q. Merci. Regardez encore une fois le cratère, et sur la base de votre

24 expérience pouvez-vous nous dire si vous avez vu des indices, des signes

25 d'altération sur le cratère ?

26 R. Non.

27 Q. Vous avez parlé des enquêtes que vous avez menées avec vos collègues,

28 êtes-vous arrivé à la conclusion par rapport à la direction du tir ?

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1 R. Oui, nous étions arrivés à une conclusion ferme.

2 Q. Pouvez-vous nous dire quelle était votre conclusion ?

3 R. Notre conclusion était, si je me souviens bien, que cela venait de 170

4 degrés.

5 Q. S'il vous plaît, encore une fois, pouvez-vous dire sur la base de quoi

6 vous êtes arrivés à cette conclusion ?

7 R. La base pour arriver à cette conclusion, c'est la

8 suivante : vous essayez de suivre des démarches à prendre pour ce qui est

9 de l'analyse du cratère, ce qui est très, très difficile de faire quand il

10 s'agit du béton. La méthode préférée à être utilisée, c'est d'utiliser des

11 bâtons pour les enfoncer dans le terrain, dans la surface, et vous essayez

12 de répartir le cratère en portions égales, et d'obtenir une ligne au milieu

13 de ces deux parties égales, portions égales, qui peut vous donner l'azimut

14 du projectile.

15 Si on utilise le bâton, vous pouvez faire cela de façon plus précise,

16 parce que les bâtons en bois ne peuvent pas être utilisés et enfoncés dans

17 le béton. Mais si vous voulez travailler le plus rapidement possible dans

18 une situation qui était très tendue, nous n'avons pas utilisé ce bâton.

19 Compte tenu du fait qu'il s'agissait du cratère très clair, nous avons pu

20 le répartir en deux, prendre une boussole pour voir quel était l'azimut du

21 projectile et vous faites cela pour obtenir l'azimut.

22 Q. Nous avons parlé de l'analyse du cratère avant la pause. C'est une

23 tâche difficile l'analyse de ces cratères, n'est-ce pas ?

24 R. Il ne s'agit pas d'une science, mais vous devez connaître des bases

25 pour pouvoir faire cela; connaître la différence entre les cratères

26 provoqués par de projectiles d'artillerie et par des projectiles de

27 mortier. Vous devez répartir le cratère en deux. Vous devez manipuler la

28 boussole, la tenir en bonne direction pour pouvoir la lire et arriver à ces

Page 3574

1 conclusions.

2 Il faut avoir certaines connaissances pour faire cela, connaissances

3 militaires, parce que vous êtes observateur militaire de l'OMNU.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ce n'est pas une science sur les

5 roquettes.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez mentionné la différence

8 entre les projectiles d'artillerie et projectiles de mortier. Pouvez-vous

9 me dire où est la différence entre ces deux types de projectiles ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] La différence est --

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, non, Encore une question plus

12 simple. Quelle est la différence entres l'artillerie en général et un

13 mortier ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Par rapport au cratère ou en termes généraux ?

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Termes généraux.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] En termes généraux, un mortier a un angle de

17 tir de projectile plus grand. Cela veut dire que vous lancez un projectile

18 sous un angle plus élevé et dans l'artillerie les angles sont plus petits

19 pour ce qui est du lancement du projectile. Les projectiles d'artillerie

20 ont une portée beaucoup plus grande et une tradition beaucoup plus grande

21 que les projectiles de mortier. C'est à peu près la différence entre ces

22 deux projectiles.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie --

24 M. WAESPI : [interprétation]

25 Q. Colonel, êtes-vous arrivé à la conclusion pour ce qui est de l'angle de

26 chute du projectile ? En fait, quel était cet angle ?

27 R. Nous avons calculé l'angle possible de l'impact ou de la chute de

28 projectile, comme nous l'appelons. Oui.

Page 3575

1 Q. Quelle était la conclusion ?

2 R. C'était 67 degrés, si je me souviens bien, en angle de chute. Il

3 s'agissait de cette chute, de cet angle de chute de

4 67 degrés.

5 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre ce que cela veut dire, l'angle minimal de

6 chute de projectile ?

7 R. Pour ce qui est de cet angle minimal de chute, vous pouvez établir le

8 tableau manuel de tir ou vous pouvez consulter le manuel de tir où se

9 trouvent tous les détails pour ce qui est de différentes armes, différentes

10 charges, et sur la base de ce manuel et de ces données, vous pouvez avoir

11 une idée pour ce qui est de la distance depuis laquelle le projectile a été

12 lancé. Comme cela, vous pouvez déterminer quelle est l'origine de l'arme.

13 Mais vous avez besoin de savoir quelle était la charge qui a été utilisé.

14 Q. Revenons à l'angle. Pouvez-vous nous dire, par rapport à cela, par

15 rapport à cet angle qui était l'angle de 67 degrés, de quelle direction

16 cela est arrivé ?

17 R. Cet angle de chute de projectile, cela veut dire que c'était l'angle

18 sous lequel le projectile a frappé la rue, et c'était l'angle de 67 degrés,

19 l'angle minimal.

20 Q. Qu'est-ce que cela veut dire, 90 degrés ? Qu'est-ce que cela veut

21 dire ? Pouvez-vous nous dire comment êtes-vous arrivé à l'angle minimal de

22 67 degrés ?

23 R. Il s'agit d'une méthode mathématique simple. Vous mesurez la distance

24 du cratère par rapport - c'est-à-dire le point au milieu du cratère par

25 rapport au mur de la maison, vous mesurez également la hauteur de la maison

26 et vous pouvez, en utilisant cette méthode très simple, calculer l'angle

27 minimal de chute.

28 M. WAESPI : [interprétation] Maintenant, j'aimerais montrer aux Juges et à

Page 3576

1 la Chambre une vidéo de 18 minutes qui a été filmée à peu près au moment où

2 lieutenant se trouvait sur le site.

3 M. WAESPI : [interprétation] Je pense qu'il n'y a pas de son.

4 Q. Lieutenant-colonel, vous pouvez faire des commentaires à tout moment,

5 bien sûr, quand vous vous voyez, par exemple, à l'écran, ou quand vous

6 voyez des personnes que vous connaissez.

7 [Diffusion de la cassette vidéo]

8 M. WAESPI : [interprétation]

9 Q. Vous pouvez entendre les bruits de vitres, les bruits de verre. C'est

10 de cela que vous parliez ?

11 R. Oui, on le voit. On le voit qu'il y a beaucoup d'éclats de verre par

12 terre. On le voit sur la vidéo.

13 [Diffusion de la cassette vidéo]

14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'espérez-vous obtenir avec cette

15 vidéo, qui est absolument épouvantable ?

16 M. WAESPI : [interprétation] Oui, mais c'est la réalité. C'est ce qui s'est

17 passé. Nous allons bientôt voir les membres de l'équipe, en fait, des

18 différentes équipes qui viennent sur site. On voit ainsi comment la

19 boussole a été utilisée pour faire les relevés. Je pense que c'est utile de

20 le voir et de le montrer au témoin.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic.

22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je n'ai rien contre cela, montrer cela,

23 mais enfin, le témoin, quand il est arrivé, il n'a rien vu de tout cela.

24 Cela ne peut pas être utile pour ce qui est du témoin qui témoigne, parce

25 que le témoin n'était pas sur les lieux au moment où cela s'est passé. Mais

26 sinon, je n'ai rien contre le fait qu'on montre cela.

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais il est arrivé sur site un petit

28 peu plus tard, c'est cela ?

Page 3577

1 Pouvons-nous en arriver à son arrivée sur site, et passez la vidéo où nous

2 verrons le témoin.

3 M. WAESPI : [interprétation] Oui.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je pense que vraiment ces images

5 sont absolument atroces et n'apportent pas grand-chose en termes de

6 preuves, donc passons à la portion où l'on voit le témoin.

7 M. WAESPI : [interprétation] Nous allons essayer de le faire depuis nos

8 écrans, et non pas diffuser cela à l'extérieur, et avec une avance rapide,

9 je pense que nous arriverons très certainement à la portion pertinente de

10 cette vidéo.

11 [Diffusion de la cassette vidéo]

12 M. WAESPI : [interprétation]

13 Q. Avez-vous des commentaires à faire ?

14 R. Il s'agit des soldats français qui ont fait l'enquête pour la FORPRONU,

15 et à l'arrière, on voit des civils qui marchent, puis sur la droite, c'est

16 moi qui ai le béret bleu sur la tête, puis juste à côté de moi, vous avez

17 mon interprète. Voici à nouveau les Français, les soldats de la FORPRONU.

18 Il y a Stephen Higgs, qui était à droite, c'était le Britannique. Les

19 Français se préparent à procéder à leur propre enquête et vous nous voyez

20 tous les trois. On les voit ici.

21 Nous sommes en train de mesurer la distance entre le milieu du

22 cratère, l'impact et le mur.

23 Q. Cette distance est utilisée dans quel but ?

24 R. Avec l'estimation de la hauteur du bâtiment, on en arrive à déterminer

25 l'angle minimum d'impact. A droite, ici, vous avez un capitaine espagnol,

26 puis le capitaine Higgs. On le voit à nouveau, cet Anglais.

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Y avait-il présence de membres du

28 gouvernement, enfin des forces de police du gouvernement de la BiH,

Page 3578

1 étaient-elles aussi présentes pour faire son enquête ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Pendant que l'on procédait à notre enquête, je

3 ne suis pas vraiment sûr de la définition exacte des personnes du

4 gouvernement BiH qui faisait des enquêtes, mais il y avait des gens de la

5 BiH qui faisaient des enquêtes. Je ne me souviens pas très bien qui ils

6 étaient ni rien, parce que nous, on était très occupé à faire nos propres

7 mesures.

8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ils ont été exactement sur la même

9 scène que vous.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait. On était sur les mêmes

11 lieux. Ils étaient en train de collecter exactement les mêmes données que

12 les données que nous recherchions, mais nous collections nos propres

13 données, ils collectaient les leurs de leur propre façon -- enfin, on

14 travaillait ensemble sur les mêmes sites, mais séparément.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quand vous avez déterminé la

16 provenance de l'obus, pouvez-vous nous dire comment vous êtes arrivés à

17 cette conclusion pour ce qui est des forces de police du gouvernement et

18 leur propre enquête ? Avez-vous échangé avec eux ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'en suis pas certain. Je ne me rappelle

20 pas. Je suis sûr, qu'on a parlé entre nous. Ce qui m'intéressait

21 principalement à ce moment-là, c'était de comparer nos données, surtout

22 pour ce qui est, bien sûr, de l'azimut, avec les données des Français de la

23 FORPRONU. C'est ce qu'on a fait tout de suite pour être sûrs. On a comparé

24 tout de suite nos résultats, pour être sûrs qu'on soit d'accord, enfin,

25 pour vérifier si on était d'accord. Pour ce qui est de l'enquête des

26 Bosniaques, cela, je ne sais pas vraiment. Je ne m'en souviens pas. J'étais

27 vraiment trop occupé.

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Waespi.

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1 M. WAESPI : [interprétation]

2 Q. Pourriez-vous nous dire exactement ce que l'on voit à l'écran,

3 maintenant ?

4 R. Ici, vous voyez le centre du cratère qui vous donne le point d'impact.

5 Donc, c'est un petit cratère qui se trouve au centre du cratère plus

6 étendu, et cela nous donne exactement le point d'impact. On voit un

7 Français qui utilise une boussole pour faire le relevé et trouver l'azimut.

8 Q. Vos collègues et vous-même et les Français de la FORPRONU, avez-vous

9 chacun mesuré tout cela indépendamment, ensuite vous avez comparé vos

10 résultats ou avez-vous fait les mesures ensemble ?

11 R. Pour ce qui est du relevé à la boussole, on a fait cela séparément.

12 Pour ce qui est de la mesure de la distance entre le centre du cratère et

13 le mur, ce sont les Français qui ont mesuré parce qu'ils avaient un système

14 de mesure bien spécifique pour ce faire, et nous, on a vérifié par la suite

15 pour savoir si on était d'accord avec leurs mesures ou non.

16 Q. Merci.

17 M. WAESPI : [interprétation] Pour le compte rendu, je tiens à dire que nous

18 sommes à 5 minutes 55 secondes de la vidéo, deux minutes avant la fin.

19 [Diffusion de la cassette vidéo]

20 M. WAESPI : [interprétation]

21 Q. Continuons.

22 R. On voit ma main ici, je suis en train de vérifier avec les Français

23 pour voir ce qu'ils font. Je parle un peu français, donc j'arrivais à

24 communiquer avec eux. Là, on voit ce qu'on a vu quand on est arrivé sur le

25 site.

26 Q. Oui.

27 M. WAESPI : [interprétation] Je pense qu'on peut en arrêter, qu'on peut

28 arrêter la vidéo et passer à autre chose à l'écran en tout cas. Pourrions-

Page 3580

1 nous verser ce document au dossier.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P355.

4 M. WAESPI : [interprétation]

5 Q. J'ai une question pour vous, Monsieur le Témoin, ce que vous avez vu

6 sur scène, les cadavres, les fragments, l'empennage, enfin, ce que vous

7 avez vu, est-ce tout à fait cohérent avec l'impact, enfin, les conséquences

8 d'un impact de mortier de 120-millimètres ?

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, vous avez une

10 question ? Souvenez-vous que ces preuves ont été déjà présentées, nous

11 avons déjà eu des preuves sur les conséquences d'un impact de mortier de

12 120-millimètres. Enfin, c'est peut-être anticipé ce que vous aviez à nous

13 dire, c'est peut-être autre chose, allez-y.

14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je ne sais pas si on a bien

15 interprété, mais le Procureur, M. Waespi, a suggéré, c'est-à-dire il a dit,

16 est-ce que vous avez trouvé des cadavres et un corps, d'autres choses, et

17 je n'ai pas entendu dire le témoin qui est sur place s'il a trouvé un

18 corps, mais M. Waespi, si cela a été bien interprété, cela aurait été

19 traduit pas "corps." Je pensais que le témoin n'a pas parlé de corps

20 trouvés sur les lieux.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous vu des corps sur

22 site, avez-vous trouvé des corps ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous trouvé des fragments

25 d'obus, des fragments ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, nous avons trouvé des fragments, nous

27 avons trouvé l'empennage. Nous avons trouvé des parties de corps.

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Des morceaux de corps, mais pas des

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1 corps entiers.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] En effet. Nous avons trouvé des parties de

3 corps et nous avons trouvé aussi les lettres ou l'empennage.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.

5 Monsieur Waespi, vous pouvez reformuler votre question.

6 M. WAESPI : [interprétation]

7 Q. En vous basant sur ce que vous avez trouvé sur la scène du crime que

8 vous vous êtes rendu, pouvez-vous nous dire ce que vous avez vu

9 correspondait à ce que vous nous avez décrit précédemment comme les

10 conséquences éventuelles d'un impact de mortier de 120-millimètres ?

11 R. Oui. Cela correspond tout à fait avec les dégâts que peut infliger un

12 mortier de 120-millimètres.

13 Q. Savez-vous combien il y a eu de victimes ce soir-là, combien il y a eu

14 de morts ?

15 R. Ce jour-là, les chiffres ont un peu évolué; mais si je me souviens

16 bien, à la fin de la journée, on en était arrivé à 38 morts.

17 Q. Nous anticipons un peu. Vous êtes-vous rendu à la morgue ?

18 R. Oui, nous y sommes allés.

19 Q. Qu'avez-vous vu à la morgue ?

20 R. Pour être rapide, je crois qu'on a dénombré à peu près

21 35 morts à ce moment-là. Ils étaient tous allongés à la morgue. La morgue à

22 l'époque c'était une cave en béton, une grande cave en béton entièrement

23 vide. Il n'y avait pas de tables ou quoi que ce soit. Il n'y avait pas de

24 meubles. Donc, on avait ces 35 cadavres alignés par terre. Comme je l'ai

25 déjà dit, on voyait bien qu'ils venaient juste d'être tués. La mort était

26 très récente puisque les blessures étaient alors sanguinolentes, et de la

27 façon dont ils étaient allongés on voyait bien qu'ils venaient juste de

28 trouver la mort.

Page 3582

1 Q. A quel moment vous êtes-vous rendus à la morgue, s'il vous plaît ?

2 R. Peu de temps après, entre midi et 13 heures. Je ne peux pas vraiment

3 être beaucoup plus précis.

4 Q. C'était le même jour, le 28 août, n'est-ce pas ?

5 R. Oui, tout à fait.

6 Q. Revenons-en à ce que je vous disais précédemment. Le fait qu'il y ait

7 38 morts, 38 victimes, est-ce que cela correspond aux conséquences

8 éventuelles d'un impact d'un mortier de 120-millimètres qui aurait atteint

9 exactement cet endroit-là ?

10 R. Oui, cela correspond bien. J'en suis absolument certain. J'en suis

11 convaincu.

12 M. WAESPI : [interprétation] Si nous pouvions maintenant avoir la pièce 65

13 ter 198, qui est la pièce P85. Il s'agit d'un rapport de patrouille.

14 Q. Pourriez-vous nous dire exactement ce que nous voyons à l'écran ?

15 R. Oui, c'est une copie du rapport manuscrit de la patrouille qui a été

16 faite le 28 août 1995.

17 Q. A quoi correspond un rapport de patrouille ?

18 R. Après chaque patrouille, chaque mission de patrouille, le règlement des

19 OMNU nous oblige à rédiger un rapport de patrouille, un rapport. On doit

20 écrire en détail exactement ce que l'on a vu, ce que l'on a observé lors de

21 la patrouille.

22 Q. Pourriez-vous nous dire qui a écrit ce rapport, s'il vous plaît ?

23 R. C'est moi qui ai écrit ce rapport.

24 Q. Pourriez-vous nous dire ce qui est contenu dans ce rapport.

25 R. Il y a un résumé des faits de ce qu'on a observé ce jour-là,

26 principalement lors de l'enquête qui a été conduite le matin.

27 Q. Au milieu de la page, on voit un paragraphe "Observations", y a-t-il

28 quoi que ce soit à propos de l'azimut qui a été trouvé, de la direction du

Page 3583

1 tir ?

2 R. Oui.

3 Q. Qu'est-il écrit ?

4 R. C'est 170 degrés, cela se trouve à l'alinéa 1.

5 Q. Pourriez-vous lire le paragraphe 2, s'il vous plaît.

6 R. Oui. "L'azimut, quand on le combine avec l'angle d'impact ne peut pas

7 donner de preuve sur l'origine du tir et la provenance du tir étant donné

8 qu'il est impossible de savoir quelle était la charge utilisée."

9 Q. Pourriez-vous nous expliquer un petit peu ce que cela signifie ?

10 R. C'est ce qui est écrit, c'est simple. Quand nous nous sommes rendus sur

11 site et quand j'ai écrit le rapport, il est écrit qu'on n'a pas pu

12 déterminer avec précision et avec sûreté la provenance du tir. On a pu

13 déterminer la direction du tir, on a pu déterminer l'azimut mais on n'a pas

14 pu savoir quelle était exactement la provenance.

15 Q. De quoi auriez-vous eu besoin pour savoir exactement quelle était la

16 provenance ?

17 R. Si vous avez l'angle d'impact estimé déjà et si vous avez aussi

18 l'azimut, le seul autre paramètre qui vous manque c'est la charge qui a été

19 utilisée pour lancer le projectile. Parce qu'à chaque charge, il y a un

20 ensemble de distance qui correspond à un angle d'impact de 60, 70 degrés et

21 si on connaît en plus la charge qui a été employée pour envoyer le

22 projectile, dans ce cas-là, on peut déterminer la distance de vol et de ce

23 fait, on peut trouver une source de tir avec pas mal de précision.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il était impossible de connaître la

25 charge ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, cela est impossible. On ne peut pas

27 savoir quelle est la charge employée pour lancer le projectile, parce que

28 sur le site de l'explosion la charge s'est volatilisée, elle n'est plus là.

Page 3584

1 A moins d'avoir une technique extrêmement sophistiquée, je parle en usine.

2 Eventuellement, on peut le faire avec des équipements extrêmement

3 sophistiqués pour arriver à trouver des traces de poudre, la quantité des

4 traces de poudre que l'on peut trouver sur l'empennage et on peut ainsi

5 parfois, éventuellement, reconstituer la charge mais nous nous n'avions pas

6 ces matériaux sophistiqués, donc on n'a pas pu le faire.

7 M. WAESPI : [interprétation]

8 Q. Vous avez reçu d'autres informations qui vous auraient permis de

9 déterminer quelle était la provenance du tir ?

10 R. Oui. Au même moment -- je me reprends. Notre OP1 qui était au sud de la

11 ville dans la montagne, il y avait deux OMNU qui y étaient 24 heures sur

12 24. Ils voyaient toute la ville. Ils voyaient pratiquement toute la ville

13 de leur point d'observation. Ils voyaient très bien surtout le nord et

14 l'ouest. Le 28 août, la météo était très belle, belle journée, très peu de

15 vent, beaucoup de luminosité.

16 Pas de nuage, pas de bruit du tout, pas de bruit de conflit, pas de

17 tirs. Ce matin-là, c'était très tranquille. Ce qui signifie que tous tirs

18 venant de l'emplacement d'où se trouvait OP1, surtout un tir d'un mortier

19 de 120, aurait été entendu et aurait été repéré par ces OMNU qui étaient

20 sur OP1 24 heures sur 24. Quand on combine cela avec l'azimut, nous sommes

21 arrivés à la conclusion que les tirs devaient venir de derrière la

22 montagne, de l'intérieur du territoire détenu par les Serbes.

23 Q. Vous nous avez parlé de cette OP1 qui se trouvait au sud de la ville,

24 dans les montagnes. Vous y êtes-vous rendu à un moment quelconque ?

25 R. Oui, je me suis rendu à de nombreuses reprises, parce que moi aussi

26 j'ai fait partie des équipes qui devaient être là 24 heures sur 24 dont

27 j'ai fait quelques quarts.

28 Q. Qui vous a dit que ce matin-là qu'aucun tir n'avait été entendu ?

Page 3585

1 R. Ce sont les deux OMNU qui étaient en poste à l'OP1 qui me l'on dit

2 directement; lieutenant-colonel Tom Knustad et Paul Conway.

3 Q. Que vous ont-ils dit ?

4 R. Ils nous ont dit qu'il n'y avait aucun tir de munition éventuel venant

5 de leurs alentours. Je ne parle pas des alentours proches de l'OP1, je

6 parle des alentours des grands environs, quoi. Dans un rayon de 1

7 kilomètre, voire plus. Ils ont dit qu'il n'y avait rien qui était parti

8 depuis ces environs.

9 Q. On va regarder une photographie dans une minute.

10 Pourriez-vous nous donner votre opinion sur le professionnalisme des

11 deux OMNU qui se trouvaient à l'OP1 ce jour-là, surtout M. Knustad ?

12 R. Cela faisait longtemps qu'il était à Sarajevo. Il devait normalement

13 prendre ma place en tant que chef d'équipe. D'ailleurs il m'a remplacé

14 quand je suis parti. Tout comme moi, il avait été formé à l'artillerie,

15 l'artillerie côtière norvégienne. Il était artilleur de métier, il s'y

16 connaissait en mortier, il s'y connaissait en artillerie.

17 Q. Pourriez-vous nous dire à nouveau l'importance du fait que M. Knustad

18 et son collègue n'ont pas entendu de tirs venant des environs proches, à 1

19 kilomètre autour de leur OP1. En quoi est-ce que c'est important ?

20 R. C'est l'indice qui manque pour essayer de trouver l'origine du tir de

21 ce projectile bien précis. C'est cela qui manque. Si le mortier avait été

22 tiré depuis le territoire de l'ABiH, en le combinant avec l'angle minimum

23 d'impact, la charge aurait dû être zéro, donc une toute petite charge. Si

24 on en revient à l'origine de l'impact, cela nous aurait donné une origine

25 de tir qui serait aux alentours de l'OP1, cela aurait dû être tiré depuis

26 l'OP1.

27 Etant donné que ce jour-là si calme, on aurait entendu, tout

28 professionnel aurait entendu quand même un mortier de 120 partir. Cela fait

Page 3586

1 un bang très fort, on l'entend la détonation. En plus, on la voit après, on

2 voit un flash, on voit un éclair, cela se voit. De ce fait, on ne pouvait

3 en conclure que la provenance venait de plus loin. On n'a rien entendu.

4 Cela veut dire que cela devait venir de derrière la crête qui est au-dessus

5 de Sarajevo et c'est cela qui a étouffé le bruit.

6 M. WAESPI : [interprétation] Si nous pouvions maintenant afficher la pièce

7 197 sur la liste 65 ter. Je vais demander l'affichage d'une carte.

8 Q. Vous rappelez-vous avoir signer une carte qui a été ajoutée à votre

9 déclaration ?

10 R. Oui, je m'en souviens.

11 M. WAESPI : [interprétation] Il s'agit d'une carte en couleur, Monsieur le

12 Président, Monsieur le Juge Mindua. C'est pour cela que l'affichage est un

13 peu long.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Sur le compte rendu, il est écrit que je ne

15 m'en souviens pas. Ce n'est pas vrai, je m'en souviens très bien.

16 M. WAESPI : [interprétation]

17 Q. Il s'agit bien de cette carte que nous avons à l'écran maintenant ?

18 R. Oui.

19 Q. Avez-vous vu une annotation au OP1 ?

20 R. Oui, je le vois.

21 Q. Avec l'aide de l'huissier, pourriez-vous, s'il vous plaît, encercler

22 cet endroit, OP1 et annoter la lettre A à côté de cet OP1.

23 R. [Le témoin s'exécute]

24 Q. Est-ce que vous voyez également une annotation qui présente la base

25 B [comme interprété] ?

26 R. [aucune interprétation]

27 Q. Pourriez-vous, je vous prie, tracer un cercle autour de la base B

28 et faites un cercle, je vous prie, -- de l'équipe.

Page 3587

1 R. [Le témoin s'exécute]

2 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, pourrait-on demander le

3 versement au dossier de cette pièce.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui.

5 M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est la pièce P356, Monsieur le

6 Président, Monsieur le Juge.

7 M. WAESPI : [interprétation]

8 Q. Lieutenant-colonel, ce jour-là, ce jour du 28 août 1995, avant que

9 l'obus n'explose est-ce que ce matin-là vous étiez passé par le marché

10 Markale ?

11 R. Oui.

12 Q. Pourquoi est-ce que vous êtes passé par le marché Markale ?

13 R. Je suis passé par là, parce que le marché se trouve dans la rue

14 principale de centre-ville même de Sarajevo. Cela faisait toujours partie

15 de nos patrouilles. En tant que membre de l'équipe d'observateurs des

16 Nations Unies, en tant que chef d'équipe, je me rendais toujours au QG des

17 observateurs indépendants des Nations Unies, au bâtiment des PTT car

18 c'était très proche de là. J'y allais avec l'observateur militaire

19 supérieur pour vérifier comment les choses se passaient. Ce matin-là, entre

20 9 heures et 10 heures, j'étais passé justement là où l'explosion avait eu

21 lieu un peu plus tard.

22 Q. Vous étiez sur place une ou deux heures avant l'explosion. Est-ce que

23 vous pourriez nous dire ce que vous avez vu lorsque vous êtes passé par

24 là ?

25 R. Oui. C'était bondé de monde, si l'on compare cette journée-là aux

26 journées précédentes. Il y avait beaucoup de personnes et les activités

27 habituelles de policiers, de patrouilles se faisaient. Il y avait certains

28 membres de l'armée également qui patrouillaient; et il y avait une partie

Page 3588

1 de la rue qui était particulièrement étroite. Il y avait beaucoup de

2 personnes sur le trottoir et des gens faisaient le troc de biens et

3 vendaient certains biens pour obtenir de l'argent pour acheter de la

4 nourriture ou des denrées alimentaires, et cetera, et cetera. C'était assez

5 peuplé.

6 Q. Lorsque vous parlez de trottoirs, est-ce que vous parlez de l'endroit

7 exact que vous voyez derrière vous sur le panneau ?

8 R. Oui, cela faisait partie de ce trottoir que j'évoque.

9 Q. Très bien. Maintenant, vous êtes passé par là en voiture, est-ce que

10 vous avez pensé à ces personnes qui étaient toutes rassemblées à cet

11 endroit ?

12 R. Oui, j'avais des pensées assez étranges quant à cela, comme il était

13 arrivé auparavant, à chaque fois que les gens se rassemblaient en si grand

14 nombre, on tirait sur la foule et les gens étaient blessés ou tués. C'était

15 simplement une espèce d'idée émotive. Il m'a semblé que ce n'était pas

16 correct. C'était une espèce de pressentiment. J'avais l'impression qu'il y

17 avait quelque chose de pas tout à fait correct de voir tous ces gens qui

18 étaient comme cela, en foule dans la rue. C'est simplement quelque chose

19 que j'ai ressenti car j'avais une expérience de travail. Cela faisait déjà

20 cinq mois que j'étais dans la ville.

21 Q. Je vous remercie. Permettez-moi de vous poser cette question puisque

22 vous étiez déjà là auparavant, et après l'explosion est-ce que c'était

23 possible de croire qu'il s'agissait d'une mise en scène ?

24 R. Si l'on compare ce que j'ai vu dans la matinée, c'était absolument

25 impossible de faire une mise en scène. Je suis convaincu qu'il n'y avait

26 pas de mise en scène.

27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Dites-moi, pourquoi ?

28 LE TÉMOIN : [interprétation] D'abord, le matin il n'y avait pas de cratère

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1 dans la rue. Je suis absolument certain de cela, pour vous dire qu'il

2 aurait fallu créer un cratère intentionnellement. Ensuite, il faut, comme

3 je l'ai dit, créer artificiellement le cratère comme vous voyez sur la

4 photo derrière vous. Cela n'est pas possible. Il n'est pas possible de

5 faire un cratère intentionnellement comme cela, un creux, la matinée et

6 quelques heures plus tard lorsque je suis repassé par là.

7 Deuxièmement, de créer le chaos total qui régnait. C'était absolument

8 impossible de créer tout ceci, de faire une mise en scène. Ensuite, il y

9 avait des personnes qui essayaient d'obtenir de la nourriture. Pour moi, je

10 crois, à mon avis, c'était absolument impossible de créer une mise en scène

11 pareille avec des gens qui posaient des questions, qui formulaient des

12 protestations à cet effet.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous nous avez dit qu'environ

14 30 minutes s'étaient écoulées entre le moment où vous aviez reçu le rapport

15 et le moment où vous vous êtes rendu sur les lieux. Est-ce qu'on n'aurait

16 pas eu suffisamment de temps pour emmener des corps à cet endroit-là ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pourrais pas dire que c'était

18 possible de faire cela en 30 minutes, mais après avoir vu le nombre de

19 personnes qui étaient touchées par tout ceci ce jour-là qui, après avoir vu

20 les corps récemment tués dans la morgue, il aurait fallu se procurer ces

21 corps-là quelque part. Il aurait fallu que ces personnes soient mortes

22 quelque part. Il aurait fallu que

23 35 personnes au moins aient été tuées soit dans les alentours de Sarajevo

24 ou ailleurs.

25 Lorsque je suis passé par là ce matin-là il n'y avait pas de cratère.

26 Je suis absolument persuadé que si on tient compte des corps que j'ai vus,

27 du chaos que j'ai pu constater sur les lieux, du nombre de civils qui

28 étaient là avant dans la rue lors de mon premier passage, il aurait été

Page 3590

1 absolument impossible de faire une mise en scène.

2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Lieutenant-colonel, je vous

3 prierais de vous retourner et de jeter un coup d'œil sur la pièce de

4 l'Accusation.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Au milieu de cette photo, on peut

7 voir une destruction, des dégâts ont été causés sur les lieux et on voit

8 deux bicyclettes qui semblent se trouver dans un état pas endommagé, tout à

9 fait intactes. Est-ce que vous vous souvenez d'avoir vu ces deux

10 bicyclettes-là ce jour-là ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne sais pas si ces bicyclettes étaient

12 là, oui ou non. Je ne le sais pas.

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Waespi, vous pouvez

14 continuer.

15 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit d'une

16 pièce de l'Accusation qui porte la cote P265.

17 Q. Lieutenant-colonel, est-ce que vous avez diligenté une enquête

18 pour ce qui est de l'impact causé par d'autres obus qui avaient explosé

19 dans les alentours de Markale ?

20 R. Oui.

21 Q. Est-ce que vous pouvez nous parler de ces enquêtes-là brièvement. Cette

22 enquête-là avait été faite dans l'après-midi; c'était vers 14 heures. Il y

23 avait quatre autres impacts. Deux ou trois de ces impacts se trouvaient sur

24 un terrain de stationnement ouvert avec sol en béton et l'autre dans un

25 bâtiment. Je crois que c'était un bloc-appartements où il y avait des

26 commerces en bas.

27 Est-ce que vous avez vous-même mené cette enquête ?

28 R. Oui. Nous, en tant qu'équipe, nous nous sommes rendus sur place et

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1 c'était la même équipe que dans la matinée.

2 Q. Est-ce qu'il y avait eu des pertes en vie humaine ?

3 R. Si je me souviens bien, il y avait quelques pertes, mais je ne sais pas

4 combien. Il y avait quelques pertes en vie humaine. Il y avait quelques

5 morts, mais je ne sais pas combien. Il y avait quelques victimes.

6 Q. Est-ce que vous avez mené une enquête, à savoir si vous pouviez établir

7 la direction du tir d'où provenaient ces quatre obus ?

8 R. Oui.

9 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire de quoi il en était ?

10 R. Si je me souviens bien, il s'agissait d'une provenance de

11 220 à 240 degrés.

12 Q. Est-ce que vous vous souvenez si vous avez pu tirer une conclusion, à

13 savoir quel était le calibre de ces obus ?

14 R. Nous sommes arrivés à la conclusion que c'étaient également des

15 mortiers de 120-millimètres.

16 Q. Où se trouvait l'impact par rapport à l'impact Markale ?

17 R. C'était de l'autre côté du bloc qui se trouvait derrière Markale, en

18 direction sud, plus ou moins en direction sud. J'ai évalué qu'il y avait

19 peut-être 200 mètres de l'impact Markale à l'autre impact. C'était une

20 distance de 200 mètres.

21 Q. Est-ce que vous êtes arrivés à la conclusion, à savoir depuis quel

22 territoire on a tiré ces obus ?

23 R. Non, nous ne sommes pas arrivés à une conclusion précise. Nous pouvions

24 simplement déterminer l'azimut, mais rien de plus précis.

25 Q. Maintenant, pour revenir au 29 août 1995, est-ce que vous avez pris

26 part à des activités concernant l'enquête qui avait été menée et que l'on

27 appelle le Markale 2 ?

28 R. Oui. Le 28, le chef de l'équipe d'enquête bosnienne, c'était un juge de

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1 la cour suprême de Sarajevo, m'a demandé si je pouvais être présent en tant

2 qu'observateur au sein de l'équipe d'enquête. J'ai demandé à mon supérieur

3 si je pouvais le faire. Il m'a dit que oui. Le 29 août, j'ai pris part à

4 plusieurs réunions qui se sont tenues à plusieurs endroits dans Sarajevo

5 pour établir ce qui s'était passé.

6 Q. Est-ce que vous avez également été impliqué brièvement au briefing du

7 quartier général des OMNU ?

8 R. Oui.

9 Q. Cette réunion s'est déroulée entre qui et qui ?

10 R. Dans la matinée, nous avons eu notre réunion régulière entre le

11 quartier général des observateurs indépendants des Nations Unies et notre

12 observateur militaire supérieur, et il m'a demandé de l'informer de ce qui

13 s'était passé le 28 août et d'informer d'autres chefs d'équipe et d'autres

14 collègues.

15 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous leur avez dit ?

16 R. J'ai parcouru le rapport de patrouille avec eux et je les ai informés

17 de ce qui s'était passé. Nous avons parlé de détails disputés entre nous,

18 de détails professionnels. Je ne me souviens pas vraiment de tous les

19 détails, mais c'était certainement une discussion quant à savoir ce qui

20 aurait pu se passer entre soldats de carrière. Nous avons examiné la

21 situation et c'était également une discussion d'apprentissage, si vous

22 voulez, puisque aucun d'entre nous n'avait jamais, à cette époque-là, vécu

23 une telle expérience. C'était tout nouveau.

24 Q. Qu'est-ce qui était si différent par rapport à d'autres expériences que

25 vous avez eues ?

26 R. Comment je pourrais dire, ce qu'il y avait de différent c'était

27 l'impact que cela a eu en termes militaires. Nous appelons cela l'effet

28 causé. L'impact était tellement grand, personne d'entre nous n'avait vu ce

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1 genre d'effet jusqu'à ce moment-là.

2 Q. Est-ce que vous vous étiez entretenu avec d'autres personnes concernant

3 ce qui s'était passé ? Est-ce que vous avez partagé vos conclusions avec

4 d'autres chefs d'équipe pour ce qui est de l'incident Markale 2 ?

5 R. A l'intérieur de mon équipe pour ce qui est des autres personnes à qui

6 j'avais parlé, c'était vraiment des personnes de mon équipe.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous parlez de l'effet, vous avez

8 dit que l'effet était plus important. Vous avez dit que c'était plus grand

9 que toutes les choses que vous aviez vues auparavant. Est-ce que vous

10 faites référence aux personnes qui avaient été tuées ou blessées ? Qu'est-

11 ce que vous vouliez dire ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Lorsque je parle d'effet, je parle de la

13 journée ou de la journée suivante lorsque nous avons parlé avec d'autres

14 chefs d'équipe. Il y a eu plusieurs personnes de tuées. Trente-cinq

15 personnes [comme interprété] avaient été tuées et d'autres personnes

16 avaient été blessées.

17 Je parle de l'effet que le projectile avait sur -- parce que

18 c'étaient des représailles que cet incident a eu lieu sur d'autres

19 événements, sur la façon dont les événements politiques se sont déroulés

20 après.

21 M. WAESPI : [interprétation]

22 Q. Lieutenant-colonel, vous nous avez dit que vous aviez participé à une

23 réunion tenue avec les policiers bosniens le 29 août. De quel type de

24 réunion s'agit-il ? De quelle façon est-ce que vous avez pris part à cela ?

25 R. C'était une équipe d'enquête constituée par les autorités bosniennes.

26 Ils avaient déjà commencé leur réunion le 28 dans l'après-midi et dans la

27 soirée. J'ai également été présent à ce moment-là. La raison pour laquelle

28 ils avaient constitué ce groupe, c'était plutôt pour recueillir tous les

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1 éléments pertinents, les photos, les éclats d'obus et d'autres éléments de

2 preuve. Tous les éléments de preuve qui peuvent être recueillis et qui

3 peuvent être utiles. Ils étaient en train de compiler un rapport complet

4 pour les autorités bosniennes. Je ne sais pas quelle était leur intention,

5 à quoi devait ce rapport, cela, je l'ignore, mais j'ai assisté à la

6 réunion. Comme je vous ai déjà dit, j'étais là en tant qu'observateur, donc

7 je n'ai pas pris part aux discussions, même si certaines personnes avaient

8 essayé de m'impliquer d'une certaine façon. Vous voulez obtenir des

9 déclarations de ma part, mais j'étais là en tant qu'observateur

10 indépendant.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons prendre une pause

12 maintenant.

13 Nous allons reprendre nos travaux demain à 14 heures 15.

14 --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mardi

15 13 mars 2007, à 14 heures 15.

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