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1 Le jeudi 5 juillet 2007
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 16.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avant que le témoin prononce la
7 déclaration solennelle, je souhaiterais dire la chose suivante : Monsieur
8 Tapuskovic, s'agissant des experts que vous souhaitez citer à comparaître,
9 vous devez, bien sûr, observer les normes applicables s'agissant
10 nécessairement d'une notification au préalable 30 jours avant la déposition
11 des témoins en question. Il faudra également à la Chambre de première
12 instance un certain temps pour évaluer le rapport et la réponse de
13 l'Accusation. Il nous faudra donc, disons, une semaine par rapport. La
14 Défense devra donc tâcher de fournir sa notification le 13 juillet, au plus
15 tard. Puis, il y aura ces délais de 30 jours qui nous mèneraient au 13
16 août, ce qui veut dire que les experts seraient prêts à témoigner au cours
17 de la dernière semaine d'audience du mois d'août, c'est-à-dire la semaine
18 du 20 août.
19 N'oubliez pas cela.
20 J'aimerais maintenant que le témoin prononce la déclaration solennelle.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
23 LE TÉMOIN: ANDREI DEMURENKO
24 [Le témoin répond par l'interprète]
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez vous asseoir.
26 Maître Tapuskovic, allez-y.
27 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
28 J'aimerais vous dire que nous avons à nos côtés Marko Momcilovic,
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1 aujourd'hui, assistant dans notre équipe. C'est un assistant linguistique
2 qui nous permet de communiquer avec le témoin, le cas échéant.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie de nous en avoir
4 informé et nous sommes heureux de sa présence parmi nous.
5 Allez-y, commencez.
6 Interrogatoire principal par M. Tapuskovic :
7 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, bonjour.
8 Je représente l'accusé, Dragomir Milosevic, comme vous le savez déjà. Je
9 pense que vous n'avez pas besoin davantage de détails. Nous sommes en
10 contact depuis un certain nombre de jours dans le cadre de différentes
11 séances de récolement qui ont duré quelques heures.
12 Pourriez-vous, s'il vous plaît, vous présenter à la Chambre ?
13 R. Je m'appelle Andrei Demurenko.
14 Q. Je vous remercie. Pourriez-vous dire à la Chambre quelle est votre date
15 de naissance ?
16 R. Je suis né le 28 avril 1955.
17 Q. Pourriez-vous indiquer à la Chambre votre parcours scolaire,
18 universitaire et quelle a été votre formation, très brièvement.
19 R. Avec plaisir. Après avoir obtenu mon Bac au lycée, je me suis inscrit à
20 l'école militaire à Moscou. J'ai suivi quatre ans d'études de formation, et
21 après avoir occupé le poste de commandement dans l'armée pendant plusieurs
22 années, je suis allé à l'Académie militaire de Frunze. J'ai également été
23 dans une école formant les officiers de l'état-major aux Etats-Unis. J'ai
24 une maîtrise et, en réalité, une thèse de sciences, et je suis l'un des
25 experts militaires au sein de la Commission américaine de l'OTAN. En
26 réalité, ma thèse, je l'ai dans le domaine de sciences militaires.
27 Q. Vous êtes militaire. Avant de devenir membre de la mission des Nations
28 Unies en Bosnie, avez-vous participé à une autre mission militaire ailleurs
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1 ?
2 R. Non, non, j'ai d'abord servi dans les rangs de l'armée soviétique,
3 ensuite, au sein de l'armée de la Fédération de Russie.
4 Q. Pourriez-vous nous parler de votre expérience au sein des forces armées
5 de la Fédération de Russie, quelles étaient vos fonctions, quel poste avez-
6 vous occupé ?
7 R. Je suis commandant d'armée, général d'armée. Je suis donc un commandant
8 en mesure d'exercer les fonctions de commandement dans toutes les unités.
9 J'ai été commandant de section, ensuite commandant de compagnie, commandant
10 de bataillon. J'ai été chef d'état-major dans un régiment. Pendant plus de
11 deux ans et demi, j'ai commandé un régiment en Extrême-Orient le long de la
12 frontière avec la Chine. Par la suite, j'ai été officier au quartier
13 général des opérations des services armés de la Fédération de Russie, au
14 sein de l'état-major général.
15 Q. Pouvez-vous indiquer à la Chambre si vous avez une spécialité ou, en
16 tout cas, si vous avez des connaissances particulières sur tel ou tel type
17 d'arme ?
18 R. Naturellement, je connais tout l'arsenal qui était à la disposition des
19 unités que je viens d'énumérer dans ma réponse précédente. Toutes les armes
20 d'infanterie, toutes les armes d'artillerie, y compris les Howitzer de 155-
21 millimètres, les mitrailleuses de tous calibres, 60, 82, 120-millimètres,
22 les chars, les transporteurs de troupe blindés, tout l'arsenal, en bref,
23 dont disposait l'armée russe au niveau tactique, c'est-à-dire au niveau de
24 la division. Je connais parfaitement bien toutes ces armes.
25 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre si cet arsenal utilisé par la Fédération
26 de Russie était semblable à l'arsenal utilisé par la JNA ?
27 R. Sans aucun doute. On sait bien l'armée yougoslave utilisait des armes
28 produites et livrées par l'Union soviétique, à l'exception de certaines
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1 armes d'infanterie. Toutes les armes utilisées sur les champs de bataille
2 de Bosnie-Herzégovine, je parle des armes utilisées par les factions
3 belligérantes, m'étaient parfaitement connues.
4 Q. Monsieur Demurenko, lorsque vous êtes arrivé en Bosnie-Herzégovine,
5 quel était votre grade au sein de l'armée russe ?
6 R. J'étais colonel -- pour être bref, j'allais m'étaler, mais je dirais
7 simplement que j'étais colonel.
8 Q. Quand êtes-vous arrivé en Bosnie-Herzégovine en tant que membre de la
9 mission de l'ONU ?
10 R. C'était au cours des dix premiers jours du mois de janvier 1995.
11 Q. Dans le cadre de votre mission au sein de la FORPRONU, quelles étaient
12 vos fonctions ? Que faisiez-vous là-bas ?
13 R. J'étais chef d'état-major pour le secteur de Sarajevo. Voilà quel était
14 l'intitulé de mon poste. Comme vous le savez, le chef d'état-major, c'est
15 le premier second du commandant dans toute armée. Dans les faits, c'est ce
16 que j'étais. J'étais premier commandant en second pour le secteur de
17 Sarajevo. Mes responsabilités étaient pratiquement les mêmes que celles du
18 commandant. Il fallait prendre des décisions, donner des ordres, vérifier
19 que les ordres étaient obéis, que les tâches confiées par l'état-major
20 commandant ou le groupe commandant pour les Nations Unies étaient bien
21 accomplies.
22 Q. Pouvez-vous également préciser combien de temps vous êtes resté dans le
23 secteur de Sarajevo en Bosnie-Herzégovine ?
24 R. Pratiquement un an, de janvier jusqu'à la fin décembre. Pratiquement,
25 donc, presque un an. Décembre 1995, bien sûr.
26 Q. Quand votre carrière militaire a-t-elle pris fin ?
27 R. J'ai pris ma retraite de l'armée russe en décembre 1997.
28 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre ce que cela veut dire. Ce que vous
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1 faites aujourd'hui ? Cela veut dire que vous êtes à la retraite ?
2 R. Oui, tout à fait. Je suis militaire à la retraite et je suis maintenant
3 colonel de réserve. Je suis toujours sur la liste de mobilisation de la
4 Fédération de Russie en cas où une mobilisation serait nécessaire, mais je
5 suis maintenant un civil et j'occupe maintenant la fonction de directeur
6 d'un quai maritime servant au transport de biens.
7 Q. Bien. Je me dois de vous poser la question suivante : pendant combien
8 d'années avez-vous servi dans les rangs de l'armée ?
9 R. Je serai bref, je dirais environ 26 ans, de 1972 à 1997.
10 Q. Avez-vous pris votre retraite pour une raison particulière ? Pourquoi
11 avez-vous quitté l'armée; pourriez-vous nous le dire ?
12 R. C'est un peu personnel. Je n'ai pas quitté l'armée pour des raisons
13 professionnelles. De ce côté-là, tout allait bien, mais une des raisons
14 pour lesquelles j'ai été convaincu que le moment de prendre ma retraite
15 était venu, c'est la suivante : tout au long de ma carrière, j'ai été un
16 bon officier, j'avais trois diplômes en sciences militaires. J'ai bénéficié
17 de promotions très rapides, d'un grade à l'autre. Toutefois, au sein de
18 l'état-major général, je ne pouvais pas être promu au grade supérieur pour
19 une raison toute bête.
20 Dans l'armée russe, beaucoup avaient des vues très conservatrices, à savoir
21 qu'une personne qui avait obtenu un diplôme dans une académie militaire
22 américaine était perçue comme susceptible de propager certaines vues
23 américaines et, de ce fait, ne pouvait pas être nommée au grade de général.
24 C'est la raison pour laquelle à ce moment-là j'ai décidé de prendre ma
25 retraite.
26 Q. Merci, Monsieur Demurenko. Je pense ce que cette explication suffit
27 s'agissant de votre parcours militaire. Je m'en arrêterai là.
28 Oui ?
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1 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Tapuskovic, avant que vous
2 rentriez dans le cœur de votre interrogatoire principal, je pense que vous
3 devriez nous aider à établir la source et la nature de l'expertise du
4 témoin. Il nous a dit qu'il était expert en sciences militaires, mais
5 j'aimerais savoir dans quel domaine des sciences militaires il est un
6 expert.
7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge Harhoff, je n'ai pas cité
8 ce témoin en tant qu'expert, mais je vous remercie de votre question, et je
9 vais la poser au témoin. C'est la raison pour laquelle je lui ai demandé de
10 nous indiquer quel avait été son parcours au sein de l'armée. Mais je peux
11 lui poser la question directement également.
12 Q. Quelle connaissance avez-vous des armes d'artillerie, par exemple ?
13 Ceci avait-il quoi que ce soit à voir avec vos activités ?
14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Vous parlez, Monsieur le Juge, du moment
15 où le témoin a dit qu'il avait une thèse, n'est-ce pas ? Je pourrais lui
16 demander dans quel domaine. Il a dit que c'était en sciences militaires,
17 mais je pourrais peut-être obtenir davantage de détails de sa part.
18 Q. Monsieur le Témoin, Monsieur Demurenko, pourriez-vous éventuellement
19 répondre à la question posée par le Juge Harhoff. Dans quel domaine
20 précisément avez-vous fait vos recherches dans le cadre de votre thèse ?
21 R. Oui, oui. J'ai une licence ou une maîtrise en sciences politiques. J'ai
22 été le premier en Russie à avoir défendu une thèse sur le thème d'usage des
23 forces armées dans le cadre d'opération de maintien de la paix, et je peux
24 aussi vous dire ce que je sais dans le domaine de l'artillerie.
25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Non, merci, Monsieur le Témoin. Je
26 voulais simplement savoir si vous aviez une connaissance ou une expertise
27 particulière s'agissant de différents domaines à propos desquels vous serez
28 interrogé. Mais, je crois ce que vous avez dit pour l'instant suffit.
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1 Monsieur Tapuskovic, poursuivez.
2 M. LE JUGE MINDUA : Très rapidement, Monsieur le Témoin, vous avez dit que
3 vous avez quitté l'armée parce qu'il était impossible de vous promouvoir
4 compte tenu de votre passage dans une école militaire américaine. Si tel
5 est la tradition, dans l'armée de votre pays, de ne pas promouvoir ceux qui
6 se passent dans des écoles militaires américaines, un, qui vous a envoyé
7 aux Etats-Unis pour étudier; et deux, pourquoi avez-vous accepté ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais répondre avec plaisir à cette
9 question.
10 Au cours de ce qu'on a appelé la Perestroïka, et par la suite, la
11 Russie a commencé à nouer des liens internationaux de manière très active,
12 et à l'époque, les deux présidents se sont mis d'accord au plus haut niveau
13 pour organiser des échanges d'universitaires, de spécialistes, pour
14 promouvoir la coopération scientifique. Et il s'avère que j'ai été le
15 premier et le dernier officier, dans toute l'histoire de la Russie et cela
16 remonte à plusieurs centaines d'années, à avoir été admis dans une académie
17 militaire destinée aux officiers aux Etats-Unis, à être allé jusqu'au bout
18 du programme et à être rentré -- lorsque je suis revenu, j'avoue que je
19 ressentais un sentiment de grande gratitude vis-à-vis des Etats-Unis,
20 j'espérais pouvoir utiliser ce que j'avais appris aux Etats-Unis.
21 Malheureusement, les relations entre les deux pays ont empiré à ce
22 moment-là. La mentalité des généraux russes au sein du ministère de la
23 Défense n'a pas suivi les changements démocratiques qui avaient été amorcés
24 dans le pays. Je crois que l'idée d'un échange était bonne, mais
25 malheureusement, la situation n'était pas encore mûre pour la mettre en
26 œuvre. Peut-être que dans 10 ou 20 ans, l'armée russe sera prête à envoyer
27 ses généraux à l'Ouest.
28 Mais je crois qu'à l'époque, et lorsque je suis parti, l'armée
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1 n'était pas prête. C'est un officier militaire très haut placé de la
2 fédération russe qui m'a dit tout cela. Je ne peux pas vous donner son nom,
3 bien sûr, il m'a dit cela personnellement.
4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
5 Q. Monsieur Demurenko, j'aimerais que nous entrions maintenant dans le vif
6 du sujet. Alors que vous vous trouviez en Bosnie-Herzégovine de janvier à
7 octobre 1995, avez-vous jamais rencontré le général Dragomir Milosevic ?
8 R. J'y suis resté jusqu'en décembre.
9 Q. Oui, en effet.
10 Dites-moi donc, au cours de cette année que vous avez passé sur
11 place, avez-vous jamais rencontré le général Dragomir Milosevic ?
12 R. Non, nous ne nous sommes pas rencontrés.
13 Q. Vous avez dit tout à l'heure avoir été chef d'état-major pour le
14 secteur de Sarajevo. J'aimerais vous montrer la carte de la FORPRONU, 2829.
15 Monsieur Demurenko, pourriez-vous nous indiquer le lieu où se trouvait
16 votre état-major ?
17 R. Dans le secteur Sarajevo.
18 Q. Pourriez-vous vous indiquer l'endroit et y placer la lettre S à côté.
19 R. [Le témoin s'exécute]
20 Q. Quelle était votre zone de responsabilité, la zone qui relevait de
21 votre direction ? Quels étaient les secteurs de Sarajevo qu'elle englobait
22 ?
23 R. La zone de responsabilité du secteur Sarajevo recouvrait la zone que
24 l'on voit sur la carte et même plus encore. Tout ce qui était à l'intérieur
25 de la ligne de confrontation, à savoir la ville de Sarajevo, plus toute la
26 zone entourant ce secteur dans un rayon de 10 à 20 kilomètres, tout ceci
27 faisait partie de notre zone de responsabilité. J'étais chef d'état-major,
28 soit premier commandant en second pour le secteur Sarajevo et, bien
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1 entendu, tout ce territoire relevait de ma zone de responsabilité.
2 Q. Je vous ai déjà montré cette carte, à ce moment-là, je n'ai rien
3 suggéré quoi que ce soit s'agissant de la lecture éventuelle de cette
4 carte; n'est-ce pas ?
5 J'aimerais vous poser la question suivante. Vous voyez une ligne
6 jaune et une ligne rouge, comprenez-vous ce à quoi elles correspondent ?
7 R. Evidemment. C'est la zone avancée de défense, comme nous l'appelons en
8 termes militaires, des deux factions belligérantes. Il y a là la ligne
9 jaune qui est la ligne de l'ABiH, et la ligne rouge qui est celle de
10 l'armée de la Republika Srpska.
11 Q. Peut-on dire que tout le territoire compris à l'intérieur des lignes
12 jaunes était aux mains de l'ABiH ?
13 R. Oui, absolument.
14 Q. Est-ce que ça signifie - et je ne voudrais pas que nous entrions dans
15 trop de détails et demander de donner tous les toponymes - est-ce que ça
16 signifie que chacun des emplacements à l'intérieur de cette ligne jaune
17 était aux mains de l'ABiH ?
18 R. Oui. Je peux vous le confirmer une fois de plus, d'ailleurs, je connais
19 tous les toponymes : Mojmilo, Zuc, Grbavica, tout ce qui se trouve à
20 l'intérieur de cette ligne jaune se trouvait aux mains de l'ABiH, et
21 personnellement, j'ai été faire une inspection de tous ces lieux.
22 Q. Vous avez parlé de Grbavica. Qui détenait Grbavica ? Pouvez-vous nous
23 dire qui contrôlait Grbavica ? Vous avez vraiment parlé de Grbavica,
24 regardez bien la ligne. Etes-vous absolument sûr que Grbavica était
25 contrôlé par l'ABiH ?
26 R. Non, là, je n'ai pas été assez précis quand je vous ai donné les
27 toponymes. Il est vrai que je connais cette carte presque par cœur, mais ce
28 que je tenais à dire, c'est que tout ce qui est sur la carte, tous les noms
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1 que l'on voit sur la carte étaient dans ma zone de responsabilité. Je n'ai
2 pas dit que Grbavica était aux mains de l'ABiH, pas du tout.
3 Ce que je voulais dire, c'est que tout ce qui se trouvait à
4 l'intérieur de cette ligne jaune était aux mains de l'ABiH, et tout ce que
5 l'on voit sur la carte était aussi dans la zone de responsabilité de mon
6 unité, du secteur Sarajevo. J'ai parlé de Grbavica parce qu'il y avait un
7 bataillon russe des forces des Nations Unies qui était cantonné sur
8 Grbavica et, bien entendu, j'ai été leur rendre visite.
9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, j'aimerais que cette
10 carte, telle qu'elle est annotée, soit versée au dossier, s'il vous plaît.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Elle sera admise.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Elle recevra la cote D285.
13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
14 Q. Monsieur Demurenko, vous nous avez déjà dit que vous étiez arrivé en
15 Bosnie-Herzégovine en janvier 1995. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous
16 dire quelle était la situation lorsque vous êtes arrivé ? Pouvez-vous nous
17 dire ce qui s'est passé au cours des premiers mois de votre séjour ? Bien
18 sûr, je vous demande de vous concentrer sur ce que vous avez vu de vos
19 yeux.
20 R. D'abord, c'était l'hiver, c'était un moment assez bizarre, dans
21 Sarajevo, il y avait un cessez-le-feu en vigueur, mais ça n'empêchait pas
22 que plusieurs fois par jour, surtout la nuit, on pouvait entendre des tirs
23 venant d'armes d'infanterie.
24 Si vous voulez savoir à quoi ressemblait la vie de tous les jours
25 dans la ville, j'étais assez étonné par le rythme de la vie, le rythme des
26 résidents, c'était assez calme, assez tranquille. Bien sûr, ils étaient
27 assez nerveux étant donné que la ville était assiégée, mais ils avaient une
28 attitude un peu ambivalente face à la vie. Je vais vous donner un exemple.
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1 Il y avait un bataillon français au sein du contingent, ils voulaient
2 nettoyer les rues. Parce que les citoyens refusaient de ramasser les
3 ordures, ce sont les soldats français qui ont décidé de faire le travail.
4 Juste pour vous montrer que les personnes venant de l'extérieur
5 s'occupaient un peu de ce que les personnes de l'intérieur auraient dû
6 faire.
7 Pour ce qui est de l'activité militaire, il n'y avait pas grand-chose
8 pendant l'hiver. L'activité, si je peux l'appeler ainsi, mais c'est
9 vraiment entre guillemets, était principalement des escarmouches très
10 sporadiques, des tirs sporadiques, parfois une explosion par-ci, par-là,
11 une ou deux fois par semaine, pas plus. Les informations reçues des
12 informateurs militaires et des postes d'observation des Nations Unies
13 indiquaient que ces explosions venaient d'obus de mortier, mais la plupart
14 du temps, c'était surtout des explosions avec des engins bricolés par les
15 factions en présence, mais de façon frisant l'amateurisme. Pour nous, qui
16 étions officiers d'une armée moderne, ça aurait été parfaitement ridicule
17 si ça n'avait causé tant de souffrances. Par exemple, il pouvait prendre un
18 tonneau, le remplir d'essence, puis on rajoutait un chiffon pour fermer le
19 tonneau, et ils le faisaient exploser. Ils faisaient partir l'amorce avec
20 des allumettes, puis ils l'envoyaient dans l'autre camp.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je n'apprécie pas beaucoup ces
22 narrations et toutes ces descriptions. J'aimerais que vous posiez des
23 questions beaucoup plus précises au témoin et que nous ayons des réponses
24 beaucoup plus précises aussi.
25 Vous dites "ils faisaient exploser," mais c'est qui, ces "ils" ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous parlais uniquement de cette pseudo
27 activité militaire, c'est tout, avec ces engins bricolés.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais qui les fabriquait, qui
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1 les lançait, ces engins bricolés ? Des membres de l'ABiH, ou des membres de
2 l'armée de la Republika Srpska ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Selon nos informations, il semblerait que
4 c'était les deux camps qui s'y employaient, mais ce n'était pas très
5 courant, environ une fois par semaine. Nous, on entendait les explosions,
6 on les notait. Elles étaient provoquées par les deux camps.
7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Puis-je poursuivre, Monsieur le Président
8 ?
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.
10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
11 Q. Vous venez de nous dire que la ville était assiégée. Vous nous avez
12 décrit votre zone de responsabilité, qui était sous votre contrôle. En
13 regardant cette carte et en regardant maintenant la ligne rouge, vous avez
14 parlé de Grbavica tout à l'heure. Mais qu'en était-il de Nedzarici ?
15 Pourriez-vous nous dire pourquoi vous avez mentionné le nom de ces deux
16 emplacements ? Vous avez parlé d'un siège. Pouvez-vous nous dire qui était
17 assiégé dans ces territoires qui se trouvaient sous votre responsabilité ?
18 R. Je ne voudrais pas donner des noms de localités trop précis, des
19 toponymes trop précis ou des détails à propos de l'activité qui y avait
20 lieu, parce que je ne sais pas si je pourrais être extrêmement précis quant
21 à ce qui s'est passé il y a 12 ans. Mais pour ce qui est de la carte, je
22 répète, l'ABiH était à l'intérieur et défendait la ligne avant leur front
23 sur cette ligne jaune. En plus de cette ligne d'avant, bien sûr, il y avait
24 aussi des unités de l'ABiH qui étaient postées en réserve, soit en
25 permission, soit en rotation et renvoyées sur la ligne d'avant.
26 Pour ce qui est des lignes rouges, il s'agit de la ligne d'avant de l'armée
27 de la Republika Srpska. Je ne vois pas ce que je peux ajouter à cela. Je
28 préférerais ne pas avoir à utiliser les noms de toponymes.
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1 Q. Je suis d'accord avec vous, certes, mais quand on considère Grbavica où
2 se trouvait le Bataillon russe, pourriez-vous nous dire ce qu'il en était
3 de Grbavica ou Nedzarici aussi, parce que je pense que vous savez très bien
4 où se trouve Nedzarici. Pouvez-vous nous dire quelle était la configuration
5 de cet endroit ?
6 R. Désolé, je n'ai pas entendu l'interprétation.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourriez-vous répéter la question,
8 s'il vous plaît, Maître Tapuskovic.
9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
10 Q. Monsieur Demurenko, vous savez où se trouve Nedzarici dans Sarajevo ?
11 R. Le Bataillon russe n'était pas à Nedzarici. Il était à Grbavica. Le
12 Bataillon russe était cantonné dans les anciennes casernes de la JNA ou
13 quelque chose qui ressemblait à cela en tout cas. Je ne sais pas très bien
14 à quoi servait ce bâtiment dans le temps. En tout cas, ça ressemblait tout
15 à fait à une caserne. Tout autour il y avait des postes d'observation, puis
16 des zones où l'on faisait des patrouilles.
17 Q. Merci, Monsieur Demurenko. Nous avons parlé russe depuis quelques jours
18 ensemble et je crois que j'ai un petit peu oublié ma langue maternelle.
19 Je voulais vous poser une question à propos de Grbavica, l'endroit où se
20 trouvait le Bataillon russe, où il était cantonné. Pourriez-vous nous dire
21 quels étaient les reliefs importants à Grbavica ? Si vous ne vous en
22 souvenez pas, on peut passer à autre chose.
23 R. Tout ce dont je me souviens à propos du Bataillon russe à Grbavica,
24 c'est qu'il était vraiment situé dans un endroit très défavorable. Je ne
25 sais pas qui avait choisi cet emplacement, mais c'était un choix très
26 malheureux, parce que des deux côtés vers Sarajevo il y avait deux
27 collines, enfin deux collines très élevées d'ailleurs, qui dominaient le QG
28 du bataillon, ce qui fait que les soldats du Bataillon russe étaient dans
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1 une situation très handicapée par rapport à ceux qui pourraient tirer, y
2 compris les tireurs aux côtés de l'ABiH.
3 Q. Monsieur Demurenko, essayons d'en finir avec les premiers mois de votre
4 séjour à Sarajevo.
5 D'abord, pourriez-vous nous dire combien de temps a duré cette
6 première période dont vous nous avez parlé ?
7 R. Je prends compte de ce qui m'a été dit par M. le Président, et je vais
8 essayer de ne pas me lancer dans une grande description fleuve.
9 Mais, comment dire, une période assez stagnante. Il n'y a pas eu
10 beaucoup de confrontations. On n'avait pas de confrontations militaires en
11 tant que telles. Il y avait des tirs sporadiques qui ne semblaient pas
12 vraiment avoir ni cible ni mission. Avant le mois d'avril, aucun des camps
13 n'a entrepris la moindre action tactique.
14 Q. Vous venez de parler du mois d'avril. Jusqu'à quand en avril est-ce que
15 cela a duré ?
16 R. A partir de la première semaine d'avril, les combats sont devenus de
17 plus en plus intenses, les deux camps ont augmenté l'intensité de leur tir,
18 les mouvements de troupes le long de la ligne avant, les échanges de tirs
19 étaient de plus en plus féroces, si je peux dire. Si on devait faire une
20 courbe, ce serait une courbe ascendante qui arriverait à son pic au mois de
21 juin.
22 L'activité militaire des deux factions a commencé à augmenter graduellement
23 dès avril.
24 Q. Merci. Que s'est-il passé en mai ? S'est-il passé quoi que ce soit en
25 mai, le cas échéant, pourriez-vous nous le décrire ?
26 R. Mis à part l'intensification des activités de combat des deux factions
27 et les frappes aériennes, les frappes par roquettes de cibles serbes, je ne
28 me souviens pas de grand-chose. Ce dont je me souviens le mieux, c'est ce
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1 qui s'est passé en juin, en fait, quand, suite à une attaque de l'ABiH, un
2 poste d'observation russe a été occupé et j'ai eu pour mission de le re-
3 capturer.
4 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous décrire exactement ce qui s'est
5 passé à ce propos. Qui a lancé l'opération ?
6 R. En jargon militaire, je dirais que c'est quelque chose qui s'est passé
7 au niveau tactique. Puisque c'est une action qui a commencé au niveau
8 opérationnel, donc une bataille. Une attaque locale de l'ABiH, le long du
9 sud, en partant à peu près de la ligne d'avant, lancée sur la zone
10 contrôlée par le peloton russe, la distance était trois kilomètres. Ce
11 peloton russe était sous le feu de l'ennemi par les deux côtés, et pour des
12 raisons que nous n'avons absolument pas comprises, environ 50 à 60
13 personnes, une unité de la taille d'une compagnie de l'ABiH a lancé
14 l'attaque, a traversé la zone, a conquis, si je puis dire, ont vaincu
15 l'unité qui était de la taille d'un peloton qui était le contingent russe
16 des Nations Unies. Cela a créé un incident, bien sûr, et j'ai dû, bien sûr,
17 immédiatement faire quelque chose.
18 Les méthodes étaient tout à fait standard. Il fallait d'abord obtenir
19 le soutien du commandement Suprême de la FORPRONU, obtenir le nombre de
20 véhicules blindés nécessaires pour aller à la ligne d'avant, qui était
21 quand même sous le feu. Ensuite, j'ai dû m'entretenir avec le commandement
22 du 1er Corps de l'ABiH et le Corps de Sarajevo au côté serbe, pour obtenir
23 un cessez-le-feu afin de pouvoir ramener mes soldats sans victimes. J'ai
24 réussi, d'ailleurs. J'ai passé plusieurs coups de fil au commandant des
25 deux côtés. Ils se sont mis d'accord pour qu'il y ait un cessez-le-feu de
26 30 minutes.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
28 [La Chambre de première instance se concerte]
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, pourriez-vous
2 nous dire quelle est la pertinence de ces informations que vous êtes en
3 train d'obtenir; le fait que l'ABiH ait occupé un poste d'observation russe
4 et que le poste d'observation soit ensuite recapturé par les forces du
5 témoin ?
6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, c'était un exemple
7 qu'il vous a donné. Il a d'abord parlé de l'offensive et des opérations de
8 combat qui ont commencé en juin. J'ai encore quelques questions à lui poser
9 avant que nous en revenions à ce qui s'est vraiment passé en juin et
10 juillet. Il nous a décrit une opération, puis nous verrons exactement ce
11 qui se passait, qui a lancé les activités de combat en juin et en juillet,
12 qui a lancé l'offensive, et je ne veux surtout pas lui souffler des
13 réponses. La Défense voudrait montrer à quoi ressemblaient les opérations
14 de combat en mai, juin, juillet, août, jusqu'à la fin du conflit.
15 La raison de tout cela, je pense que vous l'avez entendue à l'envi.
16 Notre thèse est la suivante : un grand nombre d'événements résultent
17 d'opérations qui ont été lancées par l'ABiH et c'est pour cela que je tiens
18 à ce que le témoin revienne sur ces incidents qui, à moi, sont essentiels.
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi.
20 M. WAESPI : [interprétation] Je ne sais si cela vous est utile, mais je
21 tiens à vous dire que l'Accusation ne soulève aucune objection à propos de
22 ces informations de contexte, mais en revanche, je voudrais que la Défense
23 évite de présenter sa thèse qui ressemblera plutôt à une plaidoirie en
24 présence d'un témoin.
25 Mais pour ce qui est d'informations contextuelles qu'essaie d'obtenir
26 la Défense, nous n'avons aucune objection.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je suis ravi que vous n'ayez aucune
28 objection, mais c'est vraiment à la Chambre de décider.
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1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La Chambre ne veut plus que vous
3 n'obteniez des informations à ce propos, car la Chambre considère que
4 toutes les informations de ce type n'ont aucune pertinence en espèce.
5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Mais, puis-je lui demander au moins ce qui
6 s'est passé en juin et juillet 1995 ?
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, tant que c'est pertinent. Tant
8 que c'est pertinent. Notre décision est que pour ce qui est de cet incident
9 au poste d'observation russe, qui a été capturé par l'ABiH, et qui a été
10 repris ensuite par le témoin, tout ça n'est pas pertinent, pour ce qui est
11 de cet incident-là.
12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
13 Q. Monsieur le Témoin, vous nous avez parlé d'un incident, ce n'était
14 qu'un exemple, mais la Chambre ne veut plus en entendre parler, donc nous
15 allons passer à autre chose.
16 Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé en juin et juillet à part
17 cela ? Vous avez parlé de cette opération. Mais vous nous dites aussi que
18 les activités de combat se sont empirées en juin. Pourriez-vous nous dire
19 exactement ce qui s'est passé ?
20 R. A dire vrai, il n'y avait pas grand-chose d'autre qui se passait en
21 juin, juillet et août à part les activités des factions en présence. Les
22 activités de combat se sont intensifiées des deux côtés, mais c'était de
23 nature statique. Il n'y avait pas de grand mouvement de troupes. C'était la
24 guerre de tranchées. Il fallait avoir de plus en plus recours à des armes
25 d'artillerie qui avaient été obtenues auprès des dépôts d'armes lourdes
26 d'une façon ou d'une autre. Et cela, plus ou moins, contribuait à augmenter
27 l'activité militaire et aussi augmentait le nombre de victimes au cours de
28 cette période.
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1 C'était une sorte de guerre civile, une guerre de tranchées. Je ne
2 peux pas ajouter grand-chose.
3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je m'excuse, Colonel. Nous avons reçu
4 l'interprétation dans laquelle il a été dit que vous avez dit qu'il
5 s'agissait de la guerre civile. Qu'est-ce que vous avez entendu par là ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] J'entends par guerre civile, comme cela a été
7 défini dans le dictionnaire. Il n'avait pas d'attaque de l'extérieur contre
8 la Yougoslavie. Les factions belligérantes étaient les citoyens d'un même
9 et seul pays qui ont commencé à combattre les uns contre les autres, et ces
10 groupes de citoyens étaient de différentes origines ethniques et
11 différentes confessions. Pour ce qui est du côté bosnien, j'ai vu qu'il y
12 avait de gens qui avaient des confessions différentes. Et parmi les Serbes
13 également, il y avait des membres de confessions différentes.
14 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous pensez certainement -- est-ce
15 que vous parliez de combattants dans le sens militaire ou dans le sens
16 juridique du mot ?
17 Merci.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
19 [La Chambre de première instance se concerte]
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Tapuskovic.
21 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
22 Q. Vous avez mentionné tout à l'heure qu'il y avait des victimes. Avez-
23 vous inspecté le territoire lors du conflit, lors d'attaques violentes, et
24 de quelles victimes avez-vous parlé ?
25 R. Au cours des opérations militaires et des échanges de tirs sporadiques,
26 j'ai vu des morts et des blessés. En fait, je ne les ai pas vus dans la rue
27 ni dans le champ de bataille. Je ne me promenais pas dans la rue parce que
28 j'étais principalement au quartier général où je m'occupais de mes tâches,
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1 mais je les ai vus dans les hôpitaux de campagne et d'autres localités sur
2 les lignes de défense. S'il y avait des soldats ou des civils blessés, ils
3 étaient amenés à l'hôpital sur la ligne de défense. J'ai vu des blessés des
4 deux côtés
5 Q. Avez-vous visité des hôpitaux des deux côtés ?
6 R. Je ne me rendais pas pour visiter les hôpitaux de mon propre gré, mais
7 parfois j'étais obligé de m'y rendre. Par exemple, il y avait un petit
8 hôpital français dans le cadre des forces de la FORPRONU, et dans cet
9 hôpital, les soldats blessés de l'ABiH ont été accueillis pour leur fournir
10 les soins d'urgence avant de les envoyer aux hôpitaux de Sarajevo -- à une
11 occasion, j'ai vu qu'un chirurgien a opéré un soldat de l'ABiH. Parfois, je
12 me suis rendu en visite des hôpitaux, non parce que j'ai voulu rendre
13 visite à des blessés, mais lors de l'une de ces visites j'ai vu qu'un Serbe
14 avait été emmené sur des civières. Je ne pourrais pas vous dire s'il était
15 habitant du quartier ou d'un village, et je ne peux pas vous dire s'il
16 était soldat ou civil.
17 Q. Vous êtes-vous rendu à l'hôpital à Lukavica ?
18 R. Oui, c'est ce que je viens de vous dire.
19 Lorsque nous passions par Lukavica, j'ai vu un homme blessé qui a été
20 emmené à l'hôpital à Lukavica. Après avoir vu cela, je suis entré à
21 l'hôpital, et j'ai vu de mes propres yeux qu'à l'hôpital ce Serbe blessé a
22 reçu une assistance médicale. C'est ce que j'ai vu de mes propres yeux.
23 J'ai vu des cas similaires du côté bosnien. J'ai vu des blessés et
24 des morts qui ont été emmenés dans des centres médicaux.
25 Q. Lorsque vous êtes entré à cet hôpital, vous avez vu un blessé, mais
26 dites-moi s'il y avait d'autres blessés à l'hôpital ?
27 R. Si vous pensez à l'hôpital à Lukavica, oui, il y avait d'autres blessés
28 là-bas. Je les ai vus dans des lits d'hôpital. Mais si vous parlez de
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1 l'hôpital français, qui se trouvait près de mon quartier général, je peux
2 vous dire que j'ai vu qu'un soldat a été opéré. Pourtant, en s'appuyant sur
3 les rapports et des réunions qu'on a eues, je sais qu'il y avait beaucoup
4 d'autres cas similaires. Ce cas-là était un cas typique où on a fourni des
5 soins médicaux à des soldats blessés. C'était un cas typique.
6 Q. Vous êtes au courant des événements du 28 août 1995. C'était Markale 2,
7 c'est comme cela que cet événement s'appelle. Est-ce que vous avez entendu
8 parler de cet événement ?
9 R. Oui, je connais cela. J'ai participé en personne à l'enquête portant
10 sur cet incident. C'est vrai.
11 Q. Monsieur Demurenko, je voudrais vous poser des questions sur ce qui
12 précédait cela.
13 Ce jour-là, le 28 août 1995, quand avez-vous été informé de cet événement ?
14 R. Le centre des opérations qui se trouvait dans notre quartier général
15 procédait à la collecte d'informations sur les activités des parties
16 belligérantes. Quelques minutes après l'incident de Markale, les postes
17 d'observation en ont été informés. Cette information est arrivée au centre
18 des opérations, le rapport standard a été préparé, et en à peu près 30
19 minutes, le commandant du secteur était au courant, ensuite le chef de
20 l'état-major et d'autres adjoints au chef d'état-major.
21 Q. Vous souvenez-vous quand vous avez été informé et ce qu'ils vous ont
22 dit par rapport au moment précis où cela s'est passé ? Bien sûr, vous
23 pouvez répondre de façon approximative.
24 R. Il ne s'agissait pas d'un rapport oral. Comme j'ai déjà dit, nous
25 avions un rapport écrit sur nos bureaux. Et après avoir jeté un coup d'œil
26 sur ce rapport, il était tout de suite clair qu'il ne s'agissait pas d'un
27 cas de pilonnage ordinaire, parce qu'il y avait un grand nombre de
28 victimes. Il y avait le chiffre de plusieurs dizaines de victimes. Ce
Page 7678
1 chiffre a été mentionné dans le rapport. Ce nombre de victimes demandait
2 une action immédiate.
3 Q. Est-ce qu'au quartier général sur place vous avez dû faire quelque
4 chose compte tenu d'une telle information que vous aviez reçue portant sur
5 cet incident ?
6 R. Conformément à mes tâches, mes tâches formelles, j'étais à un niveau où
7 il n'était pas nécessaire de faire quoi que ce soit. La FORPRONU procède
8 conformément à des procédures standard d'opération, je connais cela parce
9 que j'ai été formé aux Etats-Unis. Lorsqu'il y a un incident avec des
10 victimes, et lorsque les unités ou les brigades procèdent à une enquête,
11 cela se fait selon des procédures standard d'opération. Mon devoir n'était
12 pas de courir dans la ville et voir ce qui se passait. Je savais que la
13 procédure standard d'opération était déjà suivie, et il y avait des mesures
14 qui étaient déjà prises, et j'ai reçu le rapport écrit sur mon bureau.
15 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre quand vous êtes arrivé sur place, par
16 rapport au moment de l'incident, eu égard au rapport qui en parle ?
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Waespi.
18 M. WAESPI : [interprétation] Je pense que le témoin n'a pas dit qu'il
19 s'était rendu sur place.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous êtes-vous rendu sur place ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que je n'ai pas couru sur place
22 immédiatement, parce que j'étais chef de l'état-major. Mais deux heures
23 après l'incident, je me suis rendu sur place.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Maître Tapuskovic, continuez.
25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
26 Q. Est-ce que vous avez fait quelque chose après que vous vous êtes rendu
27 sur place où l'incident s'est produit ?
28 R. Après être arrivé sur place, j'ai vu le cratère provoqué par l'impact
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1 des projectiles. J'ai vu les experts en train de travailler sur place. J'ai
2 vu du sang sur les trottoirs, sur la chaussée. J'ai vu tout ce qui a été
3 provoqué par cette attaque, par l'atterrissage de l'obus. Après quoi, j'ai
4 donné des instructions aux membres de la FORPRONU qui travaillaient sur
5 place, ensuite je suis rentré au quartier général pour préparer des ordres
6 appropriés.
7 Q. Pouvez-vous dire à la Chambre si, en rentrant du site de l'incident au
8 quartier général, vous avez appris encore quelque chose de plus sur
9 l'incident même ?
10 R. Oui, j'ai appris la chose suivante, en fait, j'ai appris quelque chose
11 qui m'a choqué.
12 Après être retourné au quartier général, j'ai appris que le porte-parole de
13 la FORPRONU pour la Bosnie-Herzégovine, et je pense que le porte-parole
14 était un lieutenant-colonel britannique, il a organisé en toute vitesse une
15 conférence de presse lors de laquelle il a dit quelque chose qui n'était
16 pas acceptable. En fait, illégal. Le porte-parole a dit qu'il s'agissait
17 d'un exemple de plus de sauvagerie et d'atrocité commise par l'armée serbe,
18 et que l'armée serbe devait être punie et condamnée en tant qu'ennemi de
19 l'humanité. Il n'y avait aucun fondement pour cela. Il n'y avait absolument
20 pas de fondement pour une telle déclaration, parce que personne n'aurait pu
21 dire cela avant que l'enquête n'ait été conclue. Ce qu'il a fait, en fait,
22 était une provocation.
23 Q. Combien de temps s'est passé entre le moment où vous êtes retourné au
24 quartier général et ce que vous avez entendu par rapport à l'incident ?
25 R. Oui, j'ai compris votre question.
26 Comme je vous l'ai déjà dit, je me suis rendu sur place deux heures après
27 l'incident. J'y suis resté à peu près 30 minutes en travaillant. Pour
28 rentrer au quartier général, il m'a fallu encore 30 minutes, et après être
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1 arrivé au quartier général, j'ai entendu que cette déclaration a été faite.
2 Cette déclaration a donc été faite deux ou deux heures et demie après
3 l'incident. Cet homme a dit quelque chose, et en fait il n'a pas eu le
4 droit de faire une telle déclaration.
5 Q. Monsieur Demurenko, est-ce qu'au cours de la journée vous avez reçu de
6 nouvelles informations, des informations officielles ou officieuses ?
7 R. Il n'était pas de mon devoir de procéder à la collecte des informations
8 officielles. Les documents qu'on demandait étaient sur mon bureau. C'était
9 en fait les résultats de la première enquête.
10 Il s'agissait de quel type de documents ? Il s'agissait de rapports, si je
11 me souviens bien. Le premier d'entre eux a été fait par un officier
12 néerlandais qui était expert dans le domaine de la balistique, et surtout
13 pour ce qui est des trajectoires de projectiles. Le deuxième rapport a été
14 fait par un expert en balistique qui était Croate ou un expert de Bosnie-
15 Herzégovine. Vous pouvez facilement retrouver la trace de cela dans des
16 archives.
17 Il y a quelque chose qui a été tout simplement déclaré dans ces rapports.
18 Ils ont établi l'angle d'atterrissage de l'obus au moment où l'obus a
19 touché le sol. C'était un document très important, et grâce à ce document,
20 nous avons pu procéder à d'autres enquêtes.
21 Q. Dites-moi si après avoir vu ces deux rapports, vous avez parlé avec
22 quelqu'un de vos supérieurs ? A ce moment-là, dites-nous qui était votre
23 supérieur ?
24 R. A l'époque, le général Bachelet était mon commandant. Il a remplacé le
25 général Gobillard à ce poste à peu près un mois et demi auparavant. Je suis
26 allé le voir et je me proposais d'être à la tête d'un groupe d'enquête,
27 parce qu'il était absolument inapproprié de ne rien faire de similaire par
28 rapport à cet événement qui a eu lieu, cet événement tragique, donc il a
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1 accepté ma proposition.
2 Q. Qu'est-ce que vous avez fait ?
3 R. J'ai entamé une enquête. J'ai rassemblé les experts au sein d'un groupe
4 de travail pour qu'ils m'assistent dans mon travail. Je m'apprêtais à
5 collecter tous les documents existants, y compris les rapports que j'ai
6 mentionnés tout à l'heure. Pour ce qui est de l'enquête, ce n'était pas
7 compliqué et c'était quelque chose qu'on a déjà fait auparavant.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Seulement une minute, s'il vous
9 plaît. J'aimerais demander quelque chose au témoin. Est-ce que c'était une
10 procédure normale, à savoir que vous, par rapport à la position que vous
11 teniez, vous trouviez à la tête d'un groupe qui procédait à l'enquête pour
12 ce qui est de cet incident ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais vous répondre.
14 Il ne s'agit pas d'une procédure typique, une procédure standard. Dans tous
15 les secteurs, il y avait des groupes qui habituellement s'occupaient de
16 telles enquêtes, mais compte tenu du nombre de victimes -- et cela
17 augmentait d'une heure à l'autre. Au début, on nous a dit qu'il s'agissait
18 de quelques dizaines de victimes et une heure plus tard il s'agissait de 30
19 morts et 70 blessés, et une heure encore plus tard il s'agissait de 50 et
20 80. A la fin le chiffre était 120 victimes. Compte tenu de tout cela, j'ai
21 adopté une approche qui n'était pas une approche standard et j'étais à la
22 tête de cette enquête.
23 Il est habituel que de telles enquêtes soient menées par le capitaine ou un
24 commandant, non pas d'un colonel.
25 M. LE JUGE MINDUA : Vous avez dit que suite à cet événement, le porte-
26 parole de la FORPRONU, un officier britannique, a fait une déclaration qui,
27 selon vous, était illégale. Compte tenu de votre position, vous étiez chef
28 d'état-major, je voudrais savoir si vous aviez sanctionné l'officier
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1 britannique ou si quelqu'un dans la chaîne hiérarchique avait pris des
2 mesures contre lui ou raté pour montrer qu'il avait commis une faute ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout d'abord, il n'était pas mon subordonné.
4 J'ai besoin de vous expliquer cela. A Sarajevo, il y avait deux états-
5 majors : l'état-major supérieur, qui était le commandement de la FORPRONU
6 pour la Bosnie-Herzégovine tout entière; ensuite, il y avait le secteur
7 Sarajevo qui représentait seulement une partie de la Bosnie-Herzégovine.
8 J'étais chef de l'état-major pour le secteur Sarajevo, et ce porte-parole
9 travaillait pour le commandement de la FORPRONU pour toute la Bosnie-
10 Herzégovine. Son supérieur était le général Rupert Smith. Par conséquent,
11 je ne pouvais pas punir quelqu'un dont je n'étais pas supérieur.
12 Je ne sais pas s'il a été puni pour ce qu'il a fait.
13 M. LE JUGE MINDUA : Vous ne savez pas s'il a été puni, d'accord ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne sais pas s'il a été sanctionné.
15 Peut-être qu'il a été promu.
16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
17 Q. Pour s'occuper du problème de façon directe, je voulais l'aborder un
18 peu différemment, mais compte tenu du fait que vous avez dit que ce jour-là
19 vous avez vu deux rapports et que cela vous a mené à faire ce que vous avez
20 fait, maintenant je voudrais vous montrer quelque chose, parce que
21 j'aimerais que vous disiez à la Chambre ce que vous avez à dire. Je vais
22 vous montrer un document datant de ce jour-là qui a été envoyé à Kofi
23 Annan, et qui porte la même date de ce jour-là. Il s'agit du document D00-
24 D10.
25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut afficher ce document sur
26 l'écran ?
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire une pause
28 maintenant et nous allons parcourir de nouveau le document après la pause.
Page 7683
1 --- L'audience est suspendue à 15 heures 43.
2 --- L'audience est reprise à 16 heures 06.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, oui.
4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
5 Q. Monsieur Demurenko, vous allez regarder le document suivant, D00-10. Je
6 vous invite à consulter la première page de la version en anglais, puisque
7 vous parlez anglais. C'est un document d'août 1995.
8 Regardez l'en-tête pour voir qui envoie le document, la source du
9 document, l'officier dont émane le document. Vers le haut, vous voyez "de"
10 "expéditeur," ensuite vous voyez le nom de la personne en question. On lit
11 : Août 1995, et à la ligne suivante "expéditeur" "from," dans la version en
12 anglais.
13 R. Oui, ça y est. Maintenant je le vois.
14 Q. Le lieutenant général Janvier. C'est le commandant des forces ?
15 R. C'est le commandant des forces de la FORPRONU pour toute la
16 Yougoslavie.
17 Q. Qui est le destinataire, le voyez-vous ? A qui ce document est-il
18 adressé ?
19 R. Oui, je le vois bien. Kofi Annan, évidemment.
20 Q. Consultons la page 2 de ce document, de la version anglais, soit à la
21 page 3, en réalité la page 4, de la version B/C/S.
22 Vous avez vu que le document était de 1995, tout à l'heure, et
23 maintenant vous voyez la date exacte du document. Quelle est-elle ? En haut
24 de la page.
25 R. Le 29 août.
26 Q. Regardez mieux. Peut-être que l'on pourrait faire défiler la page vers
27 le bas. Je ne vais pas vous souffler la réponse, bien sûr. Mais pourrait-on
28 descendre dans la version en anglais.
Page 7684
1 M. WAESPI : [interprétation] Excusez-moi, je ne fais pas objection à ce que
2 l'on indique au témoin un passage donné. Je crois que ça fera gagné du
3 temps.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y, Maître Tapuskovic.
5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Waespi.
6 Q. C'est un document du 28 août 1995. Vous êtes d'accord avec moi ? Oui ou
7 non ?
8 R. Oui, oui.
9 Q. Il faut que vous répondiez pour que votre réponse figure au compte
10 rendu.
11 R. Oui, je suis d'accord.
12 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Mais, d'après ce que j'ai vu, la date
13 de ce document est celle du 29 août, en tout cas dans la version en
14 anglais. Il y a une date qui figure dans le coin droit en haut du document
15 et il me semble que j'y ai lu que la date du document était le 29. Voilà.
16 Vous voyez ?
17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge Harhoff, ce document est
18 daté du 28 août. Il fait référence au 28, où vous voyez dans l'en-tête.
19 C'est un rapport de la FORPRONU pour le 28 août, et nous allons maintenant
20 regarder la page qui m'intéresse, que je souhaiterais soumettre au témoin.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [aucune interprétation]
22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Il n'y a pas contestation il s'agit bien
23 d'un rapport pour le 28 août adressé à Kofi Annan.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Voyons si M. Waespi peut nous aider.
25 M. WAESPI : [interprétation] Je ne veux témoigner, mais il s'agit d'un
26 sitrep quotidien, on le voit sur la page de garde, qui couvre la journée du
27 28 août, de minuit 01 jusqu'à 23 heures 59. Il semble que ce document ait
28 été faxé le 29 août 1995, à 10 heures 36 quel qu'en soit le destinateur.
Page 7685
1 Mais peut-être que le témoin pourrait nous éclairer davantage quant à la
2 manière dont ces rapports étaient envoyés.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais vous semblez vous-même avoir
4 une certaine connaissance militaire, Monsieur Waespi.
5 Monsieur le Témoin, pourriez-vous éclairer notre lanterne ? Voyez-vous la
6 chose de la même manière que M. Waespi ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un rapport standard.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, mais c'est la date. C'est la
9 date qui nous intéresse. Nous savons bien c'est un rapport type.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vois. Oui, oui.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pourquoi voit-on la date du 29 août,
12 comme l'a dit le Juge Harhoff, tout en haut ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vois aussi la date du 29.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Pouvez-vous nous donner une
15 explication ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne peux vous l'expliquer, parce que
17 pour ce faire il faudrait connaître toute la procédure de préparation des
18 rapports. Il y a différents types de rapports qui couvrent la date de la
19 journée antérieure, mais en général il porte la date du l'envoi, ce qui
20 paraît tout à fait normal, particulièrement si un rapport est envoyé au
21 secrétaire général directement.
22 Mais s'agissant du document que j'ai sous les yeux, je ne peux rien dire de
23 plus, si ce n'est qu'il concerne Sarajevo, qu'il dit qu'un certain nombre
24 d'obus, cinq obus, sont tombés sur le centre de la ville provoquant des
25 victimes dont plus de 30 morts. Je ne peux rien y rajouter d'autres.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, nous observons bien cette
27 petite divergence, si toutefois s'en est une, entre les dates, et nous
28 allons passer à autre chose.
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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vais m'abstenir de vous faire part de
2 ma propre interprétation, puisqu'il n'y a pas de raison que je le fasse,
3 mais j'aimerais que le témoin consulte maintenant la deuxième page de ce
4 rapport sur Sarajevo. Dans la version en B/C/S, ce sera la page 7.
5 Q. Monsieur Demurenko, jetez un oeil à la deuxième page, au paragraphe 1,
6 sous le titre FORPRONU, Secteur Sarajevo. C'est en page 2 du document en
7 anglais.
8 Intéressez-vous au début de la phrase qui débute ainsi : "A 11 heures
9 10."
10 Pourriez-vous lire ce passage à haute voix, lentement, s'il vous plaît ?
11 R. Oui, bien sûr.
12 On y lit la chose suivante, on lit que parmi les obus de mortier, un
13 au moins a fait impact et qu'il a tué plus de 30 personnes et en a blessé
14 plus de 80. Cet obus de mortier, d'après les évaluations, semble avoir été
15 tiré selon un angle de 170 degrés. L'enquête a montré que la distance par
16 rapport au point d'origine du tir reste à déterminer. La définition des
17 positions de tir pour le mortier est extrêmement difficile puisqu'il est
18 impossible de déterminer le niveau de la charge utilisée pour lancer les
19 projectiles. Ensuite, on trouve une description des obus de mortier qui ont
20 été tirés par les différentes factions belligérantes, et cetera.
21 Pour rester bref, ce qui est dit ici c'est qu'il est extrêmement
22 difficile de déterminer le point d'origine des tirs.
23 Q. Monsieur Demurenko, j'y reviendrai plus tard, mais ce que je vous
24 demande maintenant, c'est la chose suivante : si ce rapport était parvenu
25 au QG de votre commandement en même temps que ces deux autres rapports,
26 auriez-vous tout de même demandé au général Bachelet de prendre des
27 mesures, compte tenu de ce qui avait déjà été dit lors de la conférence de
28 presse ?
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1 R. Voici comment je peux répondre à votre question : si les données
2 disponibles, si les données normales n'étaient pas disponibles, à savoir
3 qu'il y avait eu une attaque, qu'il y avait eu des victimes mais que les
4 auteurs n'avaient pas encore pu être identifiés, et s'il n'y avait pas eu
5 de déclarations publiques sur l'événement, je n'aurais pas eu à prendre
6 d'autres mesures visant à mener l'enquête moi-même.
7 Q. Je vous remercie.
8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on montre au témoin un
9 autre rapport, qui concerne également la journée du 28 août, c'est la pièce
10 de l'Accusation P85.
11 Q. Monsieur le Témoin, dans ce texte manuscrit, voyez-vous la date sur ce
12 document ?
13 R. Oui, je la vois. Le 28, à 19 heures.
14 Q. Cet élément n'est pas contesté, c'est une pièce de l'Accusation. Le
15 document a été préparé par le colonel Konings, n'est-ce pas ?
16 R. Lieutenant-colonel.
17 Q. Exact. Regardez le point 2 de ce rapport. Pourriez-vous en donner
18 lecture ? A haute voix, s'il vous plaît.
19 R. Je vais vous dire la chose de manière tout à fait honnête, je peux vous
20 donner lecture de quelques détails, mais j'en arrive pas à lire la
21 totalité. Ce n'est pas assez lisible. On y parle d'une attaque à
22 l'artillerie, d'un pilonnage. On y dit qu'il est impossible de déterminer
23 l'origine du tir avec précision.
24 Q. Bien. C'est ma faute, Monsieur Demurenko. Je n'ai pas été suffisamment
25 précis dans ma question. J'aimerais que vous donniez lecture du second
26 point. C'est très bref. Il n'y a qu'une phrase. Cela commence ainsi : "Les
27 coordonnées…"
28 R. Il y a un mot que je n'arrive pas à lire. Ensuite -- oui voilà,
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1 maintenant je vois mieux. Merci.
2 M. WAESPI : [interprétation] Nous avons la version en B/C/S aussi. Si l'on
3 suppose que cette version --
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur le Témoin, lorsqu'un
5 conseil s'est levé, il faut que vous le laissiez parler.
6 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
7 M. WAESPI : [interprétation] Il y a une version en B/C/S qui est beaucoup
8 plus lisible, puisque c'est une traduction dactylographiée. Peut-être que
9 cela pourrait aider le témoin, même si finalement juste avant que
10 j'interrompe, il nous a dit qu'il était en mesure de lire.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Waespi.
12 Oui, Monsieur Tapuskovic.
13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
14 Q. On a agrandi le texte. Peut-être que maintenant le témoin est en mesure
15 de le lire. Je parle du paragraphe 2.
16 R. Oui, ça y est : "L'azimut couplé avec l'angle d'impact estimé n'a pas
17 permis de déterminer l'origine du tir…"
18 La conclusion brève que je tire de tout cela, c'est qu'il a été impossible
19 d'identifier l'auteur de cette attaque avec précision, en tout cas, à ce
20 stade-là ce n'était pas possible.
21 Q. Monsieur Demurenko, si le 28 août, en votre qualité de chef d'état-
22 major, vous aviez eu ce rapport du lieutenant-colonel Konings, vous seriez-
23 vous toujours adressé au général Bachelet et lui auriez-vous demandé
24 l'autorisation de prendre les mesures que vous jugiez nécessaires vous-même
25 en tant que chef d'état-major, personnellement ?
26 R. Je dois répéter quelque chose que j'ai déjà dit. C'est tout à fait
27 naturel. Il aurait été tout à fait bizarre qu'en temps de guerre tout soit
28 su immédiatement. Compte tenu des circonstances, à savoir une situation où
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1 les tirs étaient constants, il était difficile d'établir la vérité, de
2 déterminer l'auteur de l'attaque. Il faut garder à l'esprit deux choses qui
3 se sont produites à ce moment-là, deux choses importantes. D'abord la
4 déclaration publique qui a été faite et qui n'aurait pas dû l'être par le
5 porte-parole de la FORPRONU.
6 Q. Monsieur Demurenko, s'il vous plaît. Ma question était brève après la
7 lecture que vous avez faite de ce passage. Si vous aviez eu entre les mains
8 ce rapport, comme cela aurait dû être le cas, vous seriez-vous néanmoins
9 adressé au général Bachelet pour lui demander ce que vous lui avez demandé
10 ?
11 R. Non, je ne me serais pas du tout adressé à lui.
12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'aimerais que l'on montre maintenant au
13 témoin un autre document daté du 29 août, DD117.
14 Messieurs les Juges, je vous demanderais l'autorisation de bien vouloir
15 lire ceci en B/C/S pour gagner du temps. Ceci nous aidera dans l'examen
16 rapide de ce document, et ceci m'aidera à attirer l'attention du témoin sur
17 ce qui est important.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Quelle est la longueur du passage ?
19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Le témoin pourrait confirmer la date du
20 document ainsi que l'identité de la personne qui l'a signé.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je vois, le 29 août, lieutenant-colonel
23 Konings.
24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Il y a deux paragraphes très brefs que
25 j'aimerais lire pour le témoin. Il n'y a pas contestation sur ces
26 paragraphes ni sur la totalité du document, puisque cette pièce a déjà été
27 versée au dossier.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.
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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
2 Q. Monsieur Demurenko, on voit au début du document que ce rapport est un
3 rapport de la patrouille de la Mission d'observation des Nations Unies, on
4 y voit la date du 28 août 1995, paragraphe 2, et à la page suivante, au
5 paragraphe 4 AA, on lit la chose suivante : "Au moment des cinq impacts,
6 des observateurs militaires des Nations Unies de l'équipe CC, placés sur
7 les postes d'observation, n'ont ni vu ni entendu les obus tirés ni du
8 territoire de l'ABiH ni du territoire des Serbes de Bosnie."
9 Et au point 3, on lit : "Tous les faits contenus dans les rapports
10 précédents restent tel quel et demeurent valables."
11 Si vous aviez connu l'existence de ce rapport sur la journée du 29, auriez-
12 vous poursuivi les activités que vous aviez commencé à mener à bien par
13 rapport à l'événement qui a fait l'objet de cette annonce ou de ce
14 communiqué fait le jour d'avant ? Oui ou non ?
15 R. Dans ce contexte-là, je répondrais que oui, parce que ce rapport
16 montre, encore une fois, la grande confusion qui régnait à ce moment-là et
17 les différentes contradictions entre différents rapports provenant de
18 différentes sources, et ceci montre encore une fois que le porte-parole
19 n'aurait pas dû prendre la liberté de faire ce communiqué de la manière
20 dont il l'a fait. Donc, je répondrai par l'affirmative à votre question.
21 Q. Très bien. Qu'avez-vous fait par la suite ? Vous avez parlé au général
22 Bachelet. Ensuite, qu'avez-vous fait ?
23 R. J'ai réuni un groupe d'experts, mes assistants les plus proches. J'ai
24 défini la tâche à accomplir, à savoir procéder à certains calculs
25 balistiques, soit pour confirmer, soit pour infirmer l'information qui
26 avait été donnée par le premier expert sur l'angle d'impact de l'obus au
27 moment où celui-ci a touché le sol.
28 Puis, il s'agissait de calculer l'angle d'impact de l'obus, de tracer la
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1 trajectoire de l'obus sur la carte. Puis, l'enquête devait également
2 permettre de mener certaines inspections de toutes les positions de tir
3 éventuelles de l'obus, il s'agissait également de prendre des photos de ces
4 endroits.
5 La tâche a été définie et le lendemain nous avons commencé à nous mettre à
6 l'œuvre. Les experts ont utilisé un tableau de tir pour les mortiers de
7 120-millimètres. Ils ont préparé également des croquis représentant l'angle
8 de chute du projectile, et le lendemain, nous nous sommes rendus sur les
9 sites, j'y ai fait des photographies, tout ceci figure dans le dossier
10 d'enquête.
11 Voilà.
12 Q. Quand avez-vous accompli cette mission ? Quand a-t-elle été terminée
13 avec l'équipe d'experts ? Vous avez commencé dès le lendemain, mais quand
14 avez-vous fini ?
15 R. Nous avons travaillé pendant trois jours, les 29, 30 et 31. Le 1er, j'ai
16 obtenu les conclusions de l'enquête.
17 Q. Ensuite, qu'avez-vous fait ? Avez-vous communiqué ces conclusions à vos
18 supérieurs ? Avez-vous essayé d'y donner suite ?
19 R. Oui. J'ai préparé les documents nécessaires. Je voulais faire rapport
20 de ces conclusions selon la procédure habituelle. Je voulais informer le
21 commandant des conclusions de mon enquête. Toutefois, j'ai rencontré son
22 assistant, c'était un officier canadien, et cette rencontre m'a fait
23 changer d'avis.
24 Lorsque je suis arrivé avec mes résultats, et que j'ai montré les
25 conclusions de l'enquête à l'assistant, l'assistant s'est rendu compte que
26 nos conclusions n'étaient pas les mêmes que celles du porte-parole de la
27 FORPRONU, et l'assistant à ce moment-là m'a dit que mon rapport ne serait
28 pas publié, qu'il serait impossible de le rendre public ni même de le
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1 donner au commandant. Lorsque j'ai entendu cela, j'ai pris mon rapport et
2 mes photos sous le bras, et je suis parti.
3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Quelles étaient exactement les
4 conclusions de votre rapport, Colonel ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y en avait qu'une. Le résultat que nous
6 avons obtenu dans le cadre de nos recherches indiquait que les Serbes
7 n'auraient pas pu tirer l'obus à l'origine de cet incident. Les Serbes ne
8 l'ont pas fait. Ou plutôt, pour être précis dans mon vocabulaire, l'armée
9 de la Republika Srpska ne l'a pas fait. Et j'ai des arguments à l'appui de
10 cette conclusion.
11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Cette conclusion était négative dans
12 la mesure où elle excluait qu'une partie soit à l'origine de l'incident en
13 question, mais je voudrais savoir si vous avez réussi à déterminer qui
14 était à l'origine du tir ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Il était très important d'appliquer le
16 principe d'impartialité que se doit d'observer un officier de la FORPRONU.
17 Je me suis fixé une tâche, je voulais simplement mettre au grand jour les
18 mensonges proférés par le porte-parole qui avait indiqué que c'était les
19 Serbes qui étaient les agresseurs, dans le contexte de cet incident en
20 particulier. Ma tâche n'était pas de déterminer qui avait tiré l'obus,
21 c'était un principe très important, et je peux vous donner davantage
22 d'explications si vous le souhaitez.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Continuez, Maître Tapuskovic.
24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
25 Q. J'aimerais rebondir sur la réponse que vous venez de donner.
26 Nous avons évoqué la question de savoir qui était à l'origine de ce
27 tir. Monsieur Demurenko, deux heures ou plusieurs heures après l'incident,
28 quelqu'un a-t-il dit quoi que ce soit s'agissant d'établir la vérité ? Ou
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1 pour reformuler ma question : auriez-vous agi de la même manière si
2 quelqu'un vous avait demandé d'établir la vérité ?
3 R. J'aurais mis à profit toutes mes ressources pour établir la vérité, que
4 la vérité soit agréable ou pas pour qui que ce soit. J'aimerais attirer
5 votre attention sur le fait qu'il est du devoir d'un officier de la
6 FORPRONU d'agir de manière tout à fait impartiale, et de ne pas proférer de
7 mensonges au public. Si le porte-parole avait dit qu'en fait c'était l'ABiH
8 qui était responsable du tir, j'aurais fait la même chose, j'aurais fait en
9 sorte d'établir la vérité et éventuellement dénoncer tout mensonge. Si
10 quelqu'un avait fait courir la rumeur selon laquelle l'incident avait été
11 provoqué par un missile américain, j'aurais agi de la même manière afin que
12 tous les mensonges soient mis au grand jour.
13 Maintenant, établir qui était à l'origine de l'incident, cela aurait été
14 l'étape suivante.
15 Q. Monsieur Demurenko -- ou plutôt, Monsieur le Président, vous souhaitez
16 intervenir ?
17 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous avez pris différents exemples de
18 mensonges sur l'agression serbe ou l'agression de l'ABiH, une agression
19 même américaine. Pourquoi êtes-vous parti de l'hypothèse que l'on avait
20 proféré des mensonges quant à l'identité de la partie en cause ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je
22 voudrais rappeler que je n'essayais pas d'établir la culpabilité de qui
23 quoi ce soit. Tout ce que j'essayais de faire, c'est de montrer que la
24 FORPRONU était une force professionnelle et apolitique des Nations Unies.
25 La tâche de la FORPRONU était d'être le plus objectif possible. La personne
26 qui avait affirmé que les Serbes étaient responsables de cet incident
27 n'avait aucun fondement pour ce faire, parce que les résultats de l'enquête
28 n'étaient pas encore disponibles. Par conséquent, il n'y aurait pas dû y
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1 avoir communiqué de ce genre.
2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Il me semble qu'une enquête, et la
3 vôtre y compris, aurait eu pour objectif d'établir l'origine du missile;
4 n'est-ce pas ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'était censé être la deuxième étape. La
6 première étape, c'est ce que j'ai dit, et dans un second temps, l'idée
7 était de déterminer les auteurs de l'incident. Mais je n'ai pas eu
8 l'autorisation de poursuivre mon enquête, et il m'est difficile de vous
9 dire pourquoi.
10 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'interprète ce que vous avez dit des
11 conclusions de votre première enquête ainsi : c'est l'ABiH qui a tiré ces
12 missiles, parce que si la conclusion de la première enquête que vous avez
13 faite, c'est que ça n'aurait pas pu être les Serbes, la conclusion logique
14 à tirer de cela, c'est que c'est l'ABiH qui l'a fait; n'est-ce pas ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suivrais pas ce raisonnement s'agissant
16 de la deuxième partie de l'enquête. J'ai mon point de vue sur la base de
17 certains éléments, et mon point de vue c'est qu'il n'y a pas eu de tir de
18 projectiles. C'est une attaque terroriste. C'est quelque chose qui s'est
19 fait à l'intérieur même de Sarajevo, c'était une provocation. Toutefois, à
20 ce stade-ci, je n'ai pas entre les mains d'arguments ou d'éléments de
21 preuve à l'appui de cette position. Pourtant, il existe certains signes
22 indiquant que je suis dans la bonne direction, et j'ai découvert certains
23 de ces signes indiquant la justesse de ma position au moment où je me
24 trouvais encore à Sarajevo. Toutefois, nous anticipons ici.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Qu'est-ce que cela veut dire, nous
26 anticipons ? Ça veut dire que plus tard dans votre déposition, vous nous
27 ferez part de ces indicateurs. C'est ça ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en effet.
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Enfin ce procès devient intéressant.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Dieu merci.
3 [La Chambre de première instance se concerte]
4 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Allez-y.
5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, je vous jure que je
6 n'ai pas du tout abordé cette question avec le témoin. Je dois vous le
7 dire. Je voulais tout d'abord en finir avec son témoignage, ensuite, je me
8 disais que c'était à vous de juger de son témoignage. Bien sûr, je
9 comprends bien que les Juges ont le droit d'intervenir à tout moment. Mais,
10 essayons de procéder par étapes et d'en terminer d'abord avec le témoignage
11 de cette personne. Et donc, de rentrer dans les détails -- déjà, de parler
12 de ce qu'il vient de dire est une surprise pour nous.
13 Mais puis-je poursuivre, s'il vous plaît.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.
15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
16 Q. Quand vous êtes allé voir le général Bachelet, vous vous êtes rendu
17 dans son bureau et on vous a dit ce que vous nous avez relaté. Alors,
18 qu'avez-vous fait ? Pourriez-vous nous le dire, s'il vous plaît ?
19 M. WAESPI : [interprétation] Soyons précis. Nous en sommes revenus au 28
20 août 1995 dans la soirée, c'est bien cela ? La première fois que la
21 personne a voulu voir le général Bachelet, il a été plus ou moins arrêté
22 par son aide de camp.
23 J'aimerais savoir de quelle rencontre avec le général Bachelet vous
24 êtes en train de parler ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux m'expliquer.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y, s'il vous plaît.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà ce qui s'est passé. Le 28 août au soir,
28 je me suis entretenu directement avec le général Bachelet. Je lui ai dit
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1 que j'avais un groupe d'enquêteurs, parce que cet incident était quand même
2 particulièrement spécial.
3 Le 28 au soir, il a été d'accord avec moi. Il a consenti à ce que
4 j'envoie ce groupe d'enquêteurs que je dirigeais sur le site.
5 Maintenant, la question que m'a posée Me Tapuskovic fait référence
6 aux événements du 1er, où je voulais aller voir le général Bachelet avec les
7 résultats de mon enquête. Mais c'est là que son aide de camp, quand il a vu
8 la teneur de mes conclusions dans mon rapport, m'a clairement indiqué que
9 mon rapport n'arriverait jamais sur le bureau du général Bachelet et qu'il
10 ne serait jamais rendu public. C'est là que je n'ai pas pu rencontrer le
11 général Bachelet. Voulez-vous que je poursuive ?
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Allez-y.
13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
14 Q. J'aimerais savoir ce qui s'est passé ensuite.
15 R. J'avais deux options. D'abord, je pouvais simplement m'arrêter, ne rien
16 faire, et laisser tomber mon enquête. La deuxième option n'était pas très
17 correcte du point de vue de la chaîne de commandement et de l'éthique
18 militaire, mais c'était la seule qui me paraissait correcte. Par le biais
19 de l'officier de liaison en charge des relations publiques, je suis entré
20 en contact avec une société de média dans le but de rendre mon rapport
21 public. L'officier de liaison était d'accord pour qu'une interview soit
22 organisée.
23 Q. Mais quelle est l'agence de presse qui vous a interviewé ?
24 R. "Associated Press", AP.
25 Q. Pourriez-vous nous dire la chose suivante : lorsque vous vous demandiez
26 s'il convenait de procéder à cette opération ou non, quel était votre
27 dilemme en tant que militaire ?
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] A-t-il parlé d'un dilemme éventuel ?
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1 Oui ? Très bien.
2 Poursuivez.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'étais confronté à un dilemme. La
4 première option était de ne rien faire, comme je vous l'ai dit, et de juste
5 terminer ma mission sans rien faire. Ce dilemme est encore dans mon esprit.
6 C'est peut-être la première et la dernière fois de ma carrière que j'ai
7 violé le principe de subordination. Je comprenais bien que j'allais faire
8 quelque chose qui était contraire aux ordres qui avaient été donnés par le
9 général Bachelet, qui était un homme que j'admirais beaucoup. J'ai fait
10 quelque chose qui allait le gêner, si je puis dire, et du point de vue de
11 la subordination militaire, je méritais toute une sanction. J'ai aussi eu
12 des problèmes avec le général Smith, qui était le chef de la FORPRONU pour
13 toute la Bosnie-Herzégovine. Il n'était pas correct de faire une fuite et
14 de communiquer ces informations par des canaux non adéquats.
15 Personnellement, en plus, je savais que dans la situation, j'avais peu de
16 chances de survivre, je n'avais qu'une chance sur 1000. J'étais censé
17 mourir là-bas, à Sarajevo, parce que personne n'avait le droit de faire
18 connaître cette information dans cette situation où j'étais, puisque
19 j'étais entouré par des forces et une population entièrement hostiles.
20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, j'ai reçu le film de
21 l'interview il y a quelques jours. C'est le bureau du Procureur qui me l'a
22 communiqué. Je pense qu'il est absolument essentiel de le montrer. C'est
23 important pour la Défense et aussi pour le bureau du Procureur. C'est un
24 clip qui dure 14 minutes. Il faut que nous le regardions. C'est une
25 interview qui s'est faite en anglais. Nous avons une traduction en B/C/S et
26 cela a été téléchargé dans le système électronique. Nous avons fourni la
27 traduction en B/C/S au service de traduction, au CLSS. Je crois que nous
28 devons voir cette vidéo avant de poursuivre, et je pense que l'Accusation
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1 aussi aura des questions à poser.
2 Si vous me le permettez, j'aimerais que l'on voit ce clip.
3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien.
4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Il s'agit de la pièce DD00-4130. C'est la
5 bande de son.
6 [Diffusion de la cassette vidéo]
7 L'INTERPRÉTE : [voix sur voix] "Je vais expliquer certains détails pour ce
8 qui est de l'enquête qui a été menée par les experts des Nations Unies, et
9 cela concerne l'atroce événement qui s'est produit il y a quelques jours.
10 Vous savez qu'il y a un obus qui est tombé au centre de la ville. Plus de
11 35 personnes ont trouvé la mort, et environ 80 personnes ont été blessées.
12 Ceci est dans le rapport.
13 En tant que professionnel, je ne peux pas être d'accord avec les
14 arguments qui ont été présentés par les experts des Nations Unies
15 concernant les raisons et l'origine de cette explosion. Mes collègues et
16 moi ne pouvons accepter ces arguments. C'est pour cela que je vais essayer
17 d'expliquer les nouvelles informations qui sont à ma disposition.
18 Tout d'abord, il faut que vous connaissiez les faits de base, et je
19 vais vous les exposer. Voici les éléments et les résultats des rapports
20 d'experts des Nations Unies. C'est un exemplaire en français, et cela
21 comporte des conclusions extrêmement surprenantes, y compris l'idée donnant
22 l'origine de l'obus selon laquelle cet obus serait venu du côté serbe.
23 Voici un croquis qui montre l'angle de descente de l'obus rue Maréchal
24 Tito. C'est l'angle de descente de cet obus quand il a atterri. C'est
25 essentiel.
26 Voici des copies des photographies prises dans la rue. Voici
27 l'endroit précis où l'obus a atterri. Ce croquis est absolument essentiel
28 pour nous. Comme vous le voyez, il s'agit ici de la ligne de tir. Vous avez
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1 là-bas l'emplacement de l'impact. Et selon les résultats de l'enquête,
2 l'angle de tir est de 176 degrés et 29,76 minutes, ce qui indique le sud-
3 est, ce qui est absolument essentiel.
4 Voici un autre croquis. Ce qui nous intéresse ici, c'est que ce
5 matériel provient de l'armée musulmane. Cela vous donne l'angle entre la
6 surface et l'obus. On voit que l'angle estimé est de 70 degrés. Voici
7 maintenant la copie d'une carte, et voici mon idée. Je vais l'expliquer sur
8 les panneaux.
9 Etant donné les éléments qui sont en ma possession, je pense que les
10 experts qui ont participé à l'enquête étaient bel et bien des
11 professionnels. Si l'on garde à l'esprit le rapport officiel et les
12 documents, nous avons Sarajevo ici. La ligne verte est la ligne de
13 confrontation. Ici ce sont les deux bâtiments où l'impact a eu lieu. Dans
14 la documentation, la direction des tirs a été calculée comme étant 176
15 degrés. Ça nous donne l'angle de tir.
16 Ce qui pose une nouvelle question très intéressante, pourquoi se
17 fait-il qu'au sein des Nations Unies nous n'ayons deux rapports bien
18 différents et deux conclusions bien différentes à propos d'une seule et
19 même enquête ? Dans les autres documents, on a un autre angle de tir. Pour
20 ce qui est de l'angle, on a 176 degrés, on sait que c'est ce qui était
21 utilisé, et on sait qu'il s'agit d'un obus de 120-millimètres. Nous
22 utilisions exactement le même type de munitions en Union soviétique. Je
23 connais très bien cette arme, étant donné que je suis soldat de métier.
24 Nous avons ici la description du système et les données sur les
25 systèmes d'armes, et on voit qu'il y a six normes différentes pour ce qui
26 est de ce système d'arme. On savait que l'angle de descente était de 70
27 degrés, on a la ligne de tir et on la compare par rapport à la norme. On
28 peut en conclure la chose suivante : de cette zone, 900 mètres; ensuite, on
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1 en a une autre, 1 400 mètres; on a ensuite une autre d'où le projectile
2 aurait pu être tiré, 2 000 mètres, qui est sur la ligne de séparation.
3 Théoriquement, cet obus aurait très bien pu être tiré du côté serbe.
4 Les trois possibilités de tir, ensuite, étaient à 3 700 mètres, 3 400
5 mètres et 3 600 mètres.
6 Je me suis rendu sur l'emplacement aujourd'hui avec mon propre groupe
7 d'experts. Nous nous sommes trouvés dans ces endroits-là que je montre sur
8 la carte, et je suis absolument sûr que cet endroit-là était inacceptable,
9 l'obus n'aurait pas pu venir de là. C'est absolument impossible, on ne peut
10 pas tirer un obus depuis cette position sur l'emplacement où cet obus a bel
11 et bien atterri en fin de compte.
12 Je parle du terrain occupé par les troupes serbes. Je suis un soldat,
13 un colonel, et il s'agit de quelque chose qui doit faire l'objet d'une
14 enquête très spéciale, on doit avoir des experts, des magistrats, peut-être
15 même des membres d'un tribunal militaire. Mais il faut aussi se rendre
16 compte surtout que les conclusions sont erronées.
17 Pour ce qui est de l'autre direction, vous avez la distance entre
18 l'origine du tir et l'impact, ce qui nous donne 2 400 mètres. Je m'y suis
19 rendu aujourd'hui, il n'y a aucune possibilité non plus que cet obus ait
20 été tiré depuis cette zone. Il y a des reliefs, il y a des forêts, il est
21 absolument impossible de tirer un obus depuis cet endroit à cause du
22 relief. J'ai photographié la zone, et j'aurai bientôt les photos pour vous
23 montrer tous ces endroits. Je peux aussi vous montrer la carte, où l'on
24 trouve les données exactes et les directions exactes. Le problème, pour les
25 experts officiels, c'est qu'ils n'ont fait que vérifier automatiquement les
26 angles et les directions et qu'ils ont considéré que cela devait venir du
27 côté serbe. Pour moi, ce n'est pas correct, et je pense que l'enquête
28 devrait être beaucoup plus fouillée et devrait être suivie d'un essai
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1 balistique depuis toutes les positions de tir possibles, tout en les
2 comparant par rapport aux emplacements des batteries d'artillerie.
3 Je tiens à dire que les résultats sont faux, que les documents
4 utilisés sont faux, et que les conclusions aussi sont incorrectes et
5 fausses.
6 Les conséquences de l'événement et de l'enquête sont à venir,
7 évidemment. Mais hier, nous avons vu des frappes aériennes qui ont provoqué
8 des morts civils. Je considère que c'est tout à fait inacceptable. En tant
9 que soldat professionnel, je ne peux pas être d'accord avec cette situation
10 où l'on suit un groupe d'influence très puissant sans pouvoir présenter
11 notre propre point de vue, qui est ce qu'il est.
12 Je me répète, en tant que citoyen de mon pays, je tiens à dire la
13 chose suivante. Il faut arrêter de faire des accusations mensongères, toute
14 cette haine envers les Serbes. Je ne veux pas parler des zones détenues par
15 les Musulmans, et je ne veux absolument pas accuser qui que ce soit. Je
16 considère que c'est aux professionnels et aux experts de s'occuper de ce
17 problème et de trouver ce qui s'est vraiment passé. En revanche, nous
18 devons absolument effectuer une enquête fouillée avec tous les détails
19 étayant les conclusions."
20 [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, reprenez, s'il
22 vous plaît.
23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Etant donné que nous avons regardé cette
24 vidéo avec patience, j'aimerais qu'elle soit versée au dossier avec la
25 transcription de la bande-son.
26 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi, qu'avez-vous à dire
27 ?
28 M. WAESPI : [interprétation] Nous n'avons aucune objection à ce propos.
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1 Mais j'aimerais vous dire quelque chose. Quand nous avons réalisé que
2 c'était bien le colonel Demurenko qui devait venir témoigné, nous nous
3 sommes rendus compte qu'il avait fait cette présentation devant la
4 télévision et donc nous avons demandé au gouvernement bosnien de nous
5 donner le film. Nous l'avons reçu il y a quelques jours. Nous l'avons reçu
6 et bien sûr nous l'avons immédiatement transmis à la Défense. Il s'agit
7 d'un rapport contemporain qui a eu lieu à l'époque des faits et nous
8 considérons qu'il convient de le verser au dossier.
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Très bien. Il sera versé au dossier.
11 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
12 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Colonel, j'aimerais que vous
13 m'expliquiez quelque chose.
14 Je crois que plusieurs fois dans cette interview que nous venons de
15 voir vous avez dit qu'il était impossible à quiconque de tirer un obus de
16 mortier depuis ces endroits qui se trouvaient sur cette ligne de tir, la
17 ligne qui était à 176 degrés d'azimut. Parce que vous dites qu'à cause du
18 relief, il y avait des collines, il y avait des forêts, et donc il était
19 absolument impossible de tirer un obus de mortier d'aucun de ces
20 emplacements le long de cette ligne. C'est ce que nous avons compris en
21 tout cas. Mais je n'arrive pas bien à comprendre pourquoi ça aurait été
22 impossible. Je pensais qu'un obus de mortier pouvait être lancé depuis des
23 endroits tout à fait différents, il suffit qu'il y ait une clairière dans
24 une forêt ou une route, là où on installe le mortier.
25 Pourquoi avez-vous conclu qu'il était absolument impossible de tirer
26 un obus de mortier depuis tous les emplacements qui étaient situés le long
27 de cette ligne d'azimut ?
28 Si vous pouvez nous expliquez, mais brièvement.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis désolé de vous parler en anglais, mais
2 je vais essayer d'être rapide. Je vais essayer de vous le montrer sur un
3 morceau de papier, ce sera plus simple.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Essayons de faire en sorte que le
5 témoin puisse parler dans un micro.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Un mortier de 120-millimètres, c'est une
7 vieille arme. C'est tout simplement un socle et un tube. Comme vous le
8 savez peut-être, avec ce type d'arme il n'y a que six charges. Ce sont des
9 petits sacs qui contiennent des explosifs. Il y en a que six. Le principe
10 de tirs : ici vous avez le socle, vous avez le tube. On peut modifier cet
11 angle-ci - dans l'angle vertical, on ne peut pas du tout bouger - l'angle
12 horizontal, et il y a six charges différentes qui sont disponibles. Ici, au
13 maximum de l'horizontal, ça nous donne du 89 degrés au maximum et avec une
14 charge, on a une parabole maximum. Si on a un autre angle minimum en
15 revanche, ce qui est 30 degrés, et si on met les six charges, ça vous donne
16 une parabole de ce type. Alors pour l'incident qui nous intéresse, il était
17 évident -- ici on a les deux bâtiments élevés et là on a le cratère qui est
18 entre les deux, là où vous avez le relief, et là, la ligne de
19 confrontation. D'un côté vous avez l'ABiH, et de l'autre vous avez la
20 Republika Srpska. Là on voit les deux camps.
21 Donc, on sait précisément, selon les données des experts -- on sait
22 qu'ils sont arrivés à 67 degrés, je crois, c'est à peu près ça, 67 degrés -
23 - Donc, cet angle de descente de 67 degrés ne vous permet qu'une, deux,
24 trois, quatre, cinq, six possibilités d'origine de tir. Et on s'est rendu
25 sur chacun de ces emplacements côté serbe, et même sur la ligne de
26 confrontation aussi, on y est allé avec des appareils photos. Dans trois de
27 ces emplacements de tirs, c'étaient que des cailloux, c'était des pierres.
28 On ne pouvait absolument pas mettre la base, le socle, c'était impossible
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1 de fixer la base du mortier sur ces pierres. Sur l'une des positions, c'est
2 la forêt. Or l'obus ne peut pas passer par les arbres, sinon il explose en
3 touchant les feuillages.
4 On a pris tout ça en photo -- la cinquième position. Vous en souvenez
5 peut-être, mais on n'a pas inspecté le côté ABiH. On s'est dit ça pourrait
6 être l'étape suivante d'aller du côté ABiH, mais ce qui est certain à 100
7 %, c'est que ce n'était pas possible que les Serbes mettent un mortier sur
8 ces positions-là pour arriver à cet angle de descente. Les experts
9 balistiques en sont certains.
10 Voilà. C'est simple, enfin plus ou moins.
11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Colonel, cela dit, n'y a-il pas une
12 marge importante autour de ces six emplacements d'origine de tir. Plus on
13 s'éloigne certes, il me semblerait que plus la marge de manœuvre est
14 importante. Donc si on prend l'exemple avec les six charges, les six petits
15 sacs, si ça avait été tiré bel et bien de cet emplacement, l'origine du tir
16 aurait quand même été une surface assez importante. On n'a pas
17 nécessairement besoin d'être pris exactement de là où vous avez pris la
18 photographie, là où vous étiez. Si vous vous écartiez peut-être de 200
19 mètres, il y aurait eu une route, ou une clairière, et on aurait pu poser
20 le mortier et tirer depuis là. Donc vous pouvez vraiment exclure à 100 %
21 que le mortier n'aurait pas pu être tiré d'une zone très proche de
22 l'endroit où vous vous trouviez ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai quelque chose à dire à nouveau. Je
24 connais extrêmement bien cette arme. Peut-être que c'est le mot "charge"
25 que vous n'avez pas bien compris. Il a peut-être été mal interprété. Ce
26 n'est pas comme s'il y avait six obus. Il y a six charges et s'est chargé
27 par la gueule. On met l'obus dans le tube et ensuite il s'envole.
28 Donc, les abaques, les tables de tir pour ce mortier que vous avez
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1 vues - le petit livre qui a été compulsé - montrent bien que dans cette
2 direction-là, on ne peut utiliser que six charges, un, deux, trois, enfin
3 jusqu'à six, et on a pris en compte toutes les six. Pour ce qui est des
4 marges de déviation, ça peut être mettons dix mètres, 15 mètres à la
5 rigueur, peut-être la taille de cette pièce, mais rien de plus, ça ne peut
6 pas être 100 mètres. On a pris en compte toute la balistique et les
7 trajectoires. C'est de la physique simple.
8 Il y a que six points possibles comme étant l'origine du tir. Il y en
9 a que six et tout dépend du nombre de charges utilisées dans le mortier. On
10 a photographié une zone qui faisait environ 20 à 30 mètres carrés. Il faut
11 attacher le mortier au sol sur son socle. On ne peut pas le suspendre dans
12 un arbre ou quoi que ce soit. Il faut bien le mettre par terre. On a pris
13 les photographies et on voyait bien qu'aucun mortier n'avait été installé,
14 aucun socle de mortier n'avait été installé dans cet endroit.
15 [La Chambre de première instance se concerte]
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic.
17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Grâce au Juge Harhoff, le témoin a tiré au
18 clair certaines choses, et j'en ai justement à lui poser des questions par
19 rapport à ce point. J'ai encore à poser des questions au témoin.
20 Q. Monsieur Demurenko, ces questions concerneront, puisque j'ai montré les
21 documents que le général Janvier a envoyés à Kofi Annan, le 28 août, le
22 même jour où l'incident a eu lieu, il a envoyé ça au siège des Nations
23 Unies, vous avez vu que dans ce document, vous l'avez lu, il est dit qu'il
24 était absolument difficile d'établir avec certitude ce qui est écrit dans
25 ce document. Il y est difficile d'établir la position d'où l'obus a été
26 lancé parce qu'il est impossible d'établir avec certitude la charge qui a
27 été utilisée pour lancer le projectile. Si on ne connaît pas la charge, la
28 quantité de chargé utilisée pour lancer le projectile, est-ce qui que ce
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1 soit peut arriver à des conclusions et ne pas faire de conjectures ? Est-ce
2 que cela correspond à votre point de vue ?
3 R. Je m'excuse, je n'ai pas compris votre question.
4 Q. Monsieur Demurenko, dans le rapport fait par le général Janvier, qui a
5 été envoyé au siège des Nations Unies, à Kofi Annan, il a été écrit, c'est
6 ce que vous avez vu tout à l'heure, établir l'origine du projectile pour ce
7 qui est de l'obus de mortier, établir la position de lancement est
8 difficile parce qu'il n'est pas possible de voir quelle était la quantité
9 de charge utilisée pour lancer le projectile. C'est ce qui est écrit dans
10 ce rapport. Est-ce que cela reflète ce que vous avez dit aujourd'hui ?
11 R. Oui.
12 Q. Pouvez-vous dire quelque chose pour ce qui est des rapports qui ont été
13 écrits et que vous avez vus après être venu au Tribunal pour témoigner, qui
14 date du 28, 29. Est-ce que les informations sur les azimuts sont
15 suffisantes pour, au-delà de tout doute raisonnable, arriver à des
16 conclusions ?
17 R. Cela sera suffisant pour dire ce qui ne s'est pas passé, et dans mon
18 rapport j'ai dit ce qui ne s'était pas passé. Mais pour dire ce qui s'était
19 passé, il était nécessaire de continuer l'enquête, de former une équipe
20 pour procéder à une enquête approfondie et pour trouver, pour établir qui a
21 fait cela. Mais, je ne sais pas si cela n'a jamais eu lieu, parce que le
22 pilonnage a continué et l'enquête n'avait pas de conclusion adéquate.
23 Q. Regardez maintenant le croquis qui a été versé au dossier par le biais
24 d'un autre témoin, et je ne vais pas mentionner son nom.
25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Il s'agit de P623. C'est la pièce à
26 conviction de l'Accusation.
27 Q. En attendant que cela soit affiché sur l'écran, sur votre croquis vous
28 avez dessiné les deux rectangulaires qui indiquent des bâtiments. En tant
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1 que quelqu'un qui n'est pas expert dans le domaine, je vais vous poser la
2 question suivante : si une cible se trouve entre deux bâtiments, est-ce
3 qu'il est possible de viser la cible, est-ce qu'il est possible de viser
4 une telle cible ? Il faut que je m'exprime ainsi. Peut-être que la Chambre
5 m'interdira de m'exprimer ainsi : est-ce qu'on peut viser une cible qui
6 n'est pas visible dans de telles circonstances ? Vous étiez sur place;
7 n'est-ce pas ?
8 R. De façon générale, les mortiers ont été conçus précisément pour viser
9 des cibles qui se trouvent derrière des obstacles, derrière un coin, au-
10 dessus d'un bâtiment. Ils ont une trajectoire balistique bien précise pour
11 ce faire.
12 Mais, la probabilité que le premier obus tombe pile sur une rue très
13 étroite, c'est vraiment un sur un million, pas plus. Ça peut arriver,
14 certes, mais on a très peu de chance d'y arriver du premier coup. Si on
15 tire un million d'obus, là on est certain qu'il y en a au moins un qui va
16 tomber dans une rue aussi étroite.
17 Q. Je voudrais vous poser une question concernant ce croquis. Est-ce que
18 ce croquis montre fidèlement l'emplacement du cratère que vous avez vu ce
19 jour-là lorsque vous vous êtes rendu sur place ?
20 R. Ce croquis est quand même assez rudimentaire. Il n'est pas vraiment à
21 l'échelle. Mais il reflète bien ce que l'on voyait dans cette rue, les
22 bâtiments qui entouraient la rue des deux côtés, la distance entre les deux
23 bâtiments qui est d'environ 15 mètres. J'ai une réserve, quand même. Ici,
24 sur ce croquis, je vois la trace d'un impact d'obus sur une des parois d'un
25 bâtiment, puis autre chose sur l'autre. Mais ça, je ne peux absolument pas
26 vous le confirmer, parce que je n'ai pas vu quoi que ce soit de la sorte.
27 Q. Mais comment savez-vous qu'il s'agit ici d'une trace laissée par un
28 obus de mortier, de traces d'impact d'un obus de mortier ? Je pense à ce
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1 cercle que vous avez dessiné sur le croquis. J'admets que nous avons parlé
2 de cela et il faut que je reconnaisse à la Chambre que nous avons parlé de
3 cela. J'ai montré le croquis au témoin.
4 Qu'est-ce que vous avez voulu dire en disant cela : J'ai montré le
5 croquis au témoin et je lui ai posé des questions par rapport à cela ?
6 R. Si vous voulez que je réponde à la question pourquoi est-ce que je
7 pense que c'est des traces d'impacts de mortier, si vous souvenez du dessin
8 sur l'angle de descente, le croquis sur l'angle de descente, l'enquêteur de
9 l'incident a trouvé une partie d'ailette, il avait une ailette en main, une
10 partie d'ailette, du soi-disant obus, bien sûr, et c'est sur la base de
11 cela qu'on en a conclu qu'il s'agissait d'un obus de 120-millimètres.
12 Personnellement, je n'ai pas vu. Donc, c'est un tiers de l'obus. Les deux
13 autres tiers ont dû être fragmentés.
14 Q. Lorsque vous vous êtes rendu sur place, une fois sur place, est-ce que
15 vous avez remarqué quelque chose de caractéristique à l'exception faite du
16 cratère ? Est-ce que vous avez remarqué quelque chose qui aurait représenté
17 les conséquences de quelque chose qui s'est produit ce jour-là, dans
18 l'incident qui s'est produit ce jour-là ?
19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] S'il vous plaît, ne répondez pas à
20 cette question. Je donne la parole à M. Waespi.
21 M. WAESPI : [interprétation] Je pense qu'il s'agit d'une question
22 directrice, parce que Me Tapuskovic aurait dû poser la question sur ce
23 qu'il a vu lorsqu'il était là-bas. Qu'est-ce que cela veut dire, "des
24 traces fraîches," parce que cela a été dit dans ce contexte ?
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, il aurait pu poser la question
26 si le témoin a vu des traces.
27 Est-ce que vous avez vu des traces ? Non, ne hochez pas la tête. Répondez
28 par un oui ou par un non, s'il vous plaît.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y avait pas de nouvelles traces ou
2 empreintes ou quoi que ce soit. Je n'ai rien vu d'inhabituel, inhabituel
3 pour moi, en tout cas.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, continuez.
5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
6 Q. Exception faite du cratère au sol, que vous avez vu.
7 Monsieur le Témoin, dites-moi, à part ce cratère que vous avez vu sur
8 place, au sol ?
9 R. Mis à part ce cratère et quatre autres cratères des soi-disant quatre
10 autres obus supplémentaires qui ont atterri venant d'autres directions.
11 Nous avons inspecté tous ces cratères et on n'était vraiment pas du tout
12 sûrs de l'interprétation à donner de ces cratères.
13 Q. Quand avez-vous appris ce que je vous ai lu du deuxième rapport du 29,
14 à savoir que l'atterrissage de l'obus n'a pas été enregistré pour ce qui
15 est du son et du radar ? Est-ce que vous avez appris cela à l'époque ?
16 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Monsieur Waespi.
18 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le témoin
19 n'a pas mentionné des radars, en tout cas, pas encore.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] C'est vrai, Maître Tapuskovic.
21 Maître Tapuskovic, reformulez votre question, s'il vous plaît.
22 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] La seule chose que je puisse faire, c'est
23 de lui montrer le rapport du 29, où il est dit qu'il existait un rapport
24 des observateurs des Nations Unies dans lequel ils ont dit qu'ils n'ont ni
25 vu ni entendu l'arrivée d'obus du territoire contrôlé par l'ABiH. Je lui ai
26 déjà posé des questions par rapport à cela. Je n'ai pas pu faire des
27 recherches pour ce qui est de ce document. Je lui ai déjà montré cela. Est-
28 ce que cela a eu une importance à l'époque où il a appris ?
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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] L'objection concerne le fait que
2 vous avez mentionné les radars.
3 Reformulez votre question.
4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
5 Q. Monsieur Demurenko, à l'époque, est-ce que vous avez appris l'existence
6 d'autres rapports, mis à part de rapports qu'on vous a envoyés et qui ont
7 été sur votre bureau ? Est-ce que ce jour-là ou les jours qui ont ensuivi
8 vous avez appris encore des choses sur l'incident du 28, et dites-nous
9 quelle était l'importance de cela pour votre raisonnement sur cet incident
10 ?
11 R. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, on vient de me poser une
12 question à laquelle on me demande de donner des commentaires sur deux ou
13 trois documents qui ont été le résultat de l'enquête. A l'époque, j'avais
14 dix, 15 ou 20 différentes sources d'information parmi lesquelles il y avait
15 des rapports des observateurs des Nations Unies, des observateurs
16 militaires des Nations Unies, ensuite des rapports des postes d'observation
17 des Nations Unies, et il y avait des rapports de la police civile. De plus,
18 il y avait des histoires, il y avait des commentaires d'habitants. Je ne
19 voudrais pas faire de commentaires par rapport à toutes ces sources
20 d'information, parce que je ne les ai pas ici en forme écrite. Mais en tout
21 cas, tous ces documents, toutes ces sources d'information indiquaient des
22 directions différentes et j'ai pu conclure qu'il ne faut pas en tirer des
23 conclusions hâtives. Il était nécessaire de procéder à une enquête avant de
24 tirer des conclusions et après montrer du doigt quelqu'un.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez dit que vous disposiez de
26 dix, 15 ou 20 différentes sources d'information, que toute source
27 d'information était différente, n'est-ce pas, et que vous ne les avez pas
28 sur vous. Est-ce qu'on peut les obtenir ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Certains d'entre elles, de ces sources,
2 devraient certainement se trouver dans les archives de la FORPRONU. Je vous
3 ai dit que nous disposions de différentes sources d'information, les
4 rapports d'observateurs militaires, les rapports de postes d'observation
5 des Nations Unies, ensuite les rapports de la police civile. Tous ces
6 documents devraient exister dans les archives des Nations Unies ou de la
7 FORPRONU. De plus, les civils en parlaient. Mais je ne crois pas qu'il soit
8 nécessaire d'élaborer tout cela.
9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez dit que ces sources
10 d'information étaient différentes. Par rapport à quoi ? Concentrez-vous
11 seulement sur ce point.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Aucune de ces sources d'information
13 n'indiquait exactement la source ou l'origine du feu. Certaines sources
14 indiquaient la chose suivante : nous n'avons pas entendu cela. Le poste
15 d'observation a dit ceci ou cela sur nos écrans, nous n'avons pas
16 enregistré des obus dans l'air. Et il y en avait qui disaient que le son
17 n'a pas été enregistré qui montrait qu'un obus survolait. Il y avait
18 d'autres sources qui indiquaient qu'il y avait cinq obus.
19 Toutes les sources donnaient des explications différentes et des
20 directions différentes.
21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire une pause
22 maintenant.
23 Je crois que, Monsieur le Témoin, vous allez devoir rester ici encore
24 une certaine période de temps.
25 --- L'audience est suspendue à 17 heures 39.
26 --- L'audience est reprise à 18 heures 00.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Tapuskovic, vous avez la
28 parole.
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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci.
2 D'abord, comme la décision a été prise pour ce qui est de la
3 transcription de la vidéo et de la vidéo elle-même, ça été versée au
4 dossier, mais des cotes n'ont pas encore été accordées à ces pièces à
5 conviction.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On va accorder une cote à ces
7 documents.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] La vidéo de l'interview et la
9 transcription -- ce sera la cote D286.
10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Il y a encore une chose, Monsieur le
11 Président, le croquis dessiné par le témoin, c'était après la question
12 posée par le Juge Harhoff que le témoin a dessiné le croquis. J'aimerais
13 que cela soit versé comme pièce à conviction de la Défense, si la Chambre
14 n'en décide pas autrement, à savoir que c'est quelque chose qui a été fait
15 à la demande de la Chambre.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, ça peut être versé au dossier,
17 mais je me demande si c'est suffisamment lisible parce qu'il n'y a pas
18 d'annotations. Juge Harhoff, qu'est-ce que vous en pensez ?
19 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Si je suis responsable de ce croquis,
20 je pense que je peux l'interpréter bien, mais nous pourrions demander au
21 témoin d'indiquer l'endroit où l'explosion s'est produite, dans la partie
22 inférieure du croquis à droite. Apposez la lettre X. Ensuite, en partant de
23 la partie gauche où il y a des charges indiquez 4, 5, 6.
24 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]
25 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Indiquez cela par la lettre C pour
26 que l'on sache qu'il s'agit de charges. Donc, la lettre C, C-6, C-5, C-4,
27 et cetera.
28 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]
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1 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le croquis est admis au dossier avec la
3 cote D287.
4 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
5 Q. Monsieur Demurenko, votre déposition a déjà duré relativement
6 longtemps. Je vais donc tâcher de conclure mon interrogatoire principal sur
7 quelques questions supplémentaires.
8 D'abord, j'aimerais que vous nous parliez de la chose suivante, vous avez
9 donné cette interview, vous avez expliqué quelles étaient les circonstances
10 à l'époque, les raisons pour lesquelles vous avez enregistré cette
11 interview, j'aimerais savoir si vous avez eu des problèmes dans les jours
12 qui ont suivi la diffusion ?
13 [La Chambre de première instance se concerte]
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, allez-y.
15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
16 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre si après l'interview vous avez
17 rencontré des problèmes, des difficultés, des désagréments. Pouvez-vous
18 nous l'expliquer ?
19 R. Oui. En fait, la chose qui a été difficile à ce moment-là, pour moi,
20 c'était de rester en vie. Parce que dès le lendemain, le capitaine
21 Salajdzic, officier de liaison entre le commandement de l'ABiH et le
22 secteur de Sarajevo, est venu me voir et il m'a dit : "Il te reste un jour
23 à vivre, colonel. Tu ne quitteras pas le quartier général. A chaque
24 carrefour, tu risqueras ta peau. Un ordre a été donné de te tuer." Voilà,
25 ce que m'a dit l'officier de l'ABiH.
26 Maintenant, au départ, au sein de la FORPRONU, une décision a été prise par
27 le commandant de me faire partir de l'endroit dans les 24 heures, de
28 m'envoyer ailleurs. En réalité, ça ne posait pas vraiment un problème
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1 terrible parce que je n'avais pas peur de rentrer dans ma patrie.
2 Cependant, le commandant de la FORPRONU pour la Bosnie-Herzégovine a été
3 suffisamment intelligent, il a écouté certaines voix qui lui ont dit que
4 s'ils envoyaient Demurenko ailleurs, ceci reviendrait à une reconnaissance
5 publique selon laquelle la vérité faisait peur et que la vérité ne devait
6 pas sortir au grand jour.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Là, je crois qu'il va nous falloir
8 davantage d'explication, Témoin. Rappelez-nous qui est cette personne qui
9 vous a dit qu'il ne vous restait plus qu'une journée à vivre. C'était un
10 capitaine, mais un capitaine de quoi ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'appelait Salajdzic. C'était un capitaine
12 et il était neveu du premier ministre de Bosnie-Herzégovine et il était
13 officier de liaison entre l'ABiH et le secteur Sarajevo. Il venait au
14 siège, au QG quotidiennement.
15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais vous a-t-il donné d'autres
16 explications lorsqu'il vous a dit qu'il ne vous restait qu'une journée à
17 vivre ? Vous a-t-il expliqué pourquoi et comment ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, de manière assez détaillée d'ailleurs. Il
19 a dit que j'avais adopté une position pro-serbe et anti-bosniaque. Ce
20 n'était pas vrai, mais c'était là leur interprétation. Est-ce que ceci a
21 mis en colère certains commandants, certaines structures en Bosnie, oui. Et
22 qui exactement, je ne sais pas. Mais j'ai été identifié comme étant un
23 ennemi, et en temps de guerre en général, les ennemis devaient être
24 détruits. Maintenant comment allaient-ils s'y prendre --
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais a-t-il donné l'identité des
26 personnes ou de l'entité qui allait vous liquider ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, évidemment, il n'a pas dit qui avait pris
28 la décision, mais il a dit la chose de manière tout à fait claire : il
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1 savait que j'avais traversé la ligne de confrontation à plusieurs reprises,
2 que je le faisais chaque jour, que j'allais au poste de contrôle de l'ABiH,
3 ensuite j'allais voir un poste serbe, puis un autre poste de l'ABiH, chaque
4 fois que je traversais un poste de contrôle de l'ABiH, sachant que je ne me
5 déplaçais pas en véhicule blindé, il aurait été très simple de me tirer
6 dessus. Il me l'a dit de manière très claire.
7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ne me donnez pas d'information que
8 je n'ai pas demandée. Contentez-vous de répondre à mes questions.
9 Avez-vous jugé son intervention crédible auprès de vous ?
10 LE TÉMOIN : [interprétation] J'essayais de ne pas le croire. Voilà ce que
11 je voudrais vous répondre.
12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous parlé --
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis allé à l'église après.
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Avez-vous parlé de cela à qui que ce
15 soit ? Avez-vous fait rapport de cela ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, mais je suis allé à l'église.
17 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais vous n'avez jamais fait rapport
18 de cela à l'un ou l'autre des officiers militaires ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je suis officier. Je n'ai peur de rien.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais vous avez dit que vous étiez
21 allé à l'église, non ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, l'église orthodoxe.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Et alors quoi ? Vous y avez prié ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai invoqué le Tout-Puissant et je lui ai
25 demandé qu'il me laisse en vie pour ma famille. J'ai espéré qu'il entende
26 ma prière.
27 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Tapuskovic.
28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Demurenko, il y a quelques instants, vous avez parlé de
2 certains indices ou indicateurs à la Chambre. De quoi parliez-vous ? Je ne
3 vous aurais sans doute pas posé la question si vous n'en n'aviez pas vous-
4 même parlé dans l'une de vos réponses. Je ne sais plus très bien à qui vous
5 répondiez à ce moment-là.
6 R. Mais des indices ou des indicateurs de quoi exactement ?
7 Q. Monsieur Demurenko, il me semble que vous avez parlé de signes ou
8 d'indicateurs, mais peut-être que c'est moi qui me trompe, des indices
9 tendant à démontrer qu'il y avait eu en réalité une attaque terroriste
10 lorsque l'on a sollicité votre opinion quant à l'origine de l'obus.
11 R. Oui. Après tout je ne suis pas spécialiste des activités de contre-
12 terrorisme. Je suis plutôt spécialisé dans le domaine des opérations de
13 maintien de la paix. Mais quoi qu'il en soit, certains faits semblaient
14 indiquer qu'il n'y avait pas eu d'obus, mais plutôt une explosion causée
15 par des terroristes à l'intérieur de la ville. Je vais énumérer ces
16 différents indices ou signes révélateurs, et je vais commencer par les plus
17 importants.
18 D'abord, il y avait certaines contradictions entre certains faits. Un obus
19 a tué 120 personnes, alors que les quatre autres n'auraient blessé que
20 trois ou quatre. Cela semble illogique. Comment se fait-il qu'un de ces
21 obus ait pu être aussi efficace, si je puis dire, entre guillemets, tandis
22 que d'autres ne l'ont pas été. Voilà le premier point.
23 Deuxième point : à deux reprises en deux ans, en 1994 et en 1995, au même
24 endroit, dans un marché fréquenté par une masse de personnes dans une
25 petite ville, le marché appelé Markale, il y a eu des explosions qui ont
26 coûté la vie à de nombreuses personnes, des locaux pacifiques. Il est tout
27 à fait improbable qu'à chaque fois un obus ait été tiré d'une région
28 montagneuse et atterrisse exactement au même endroit et fasse autant de
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1 victimes la première fois comme la seconde.
2 Troisième point : si un expert démontre qu'il a trouvé un cratère et une
3 partie de l'obus, cela veut dire qu'il n'y a que l'autre partie de l'obus
4 qui s'est fragmenté. Je sais exactement le comportement que peut avoir un
5 obus. D'abord il est fabriqué de fer. Il n'a pas de grappes. Et il est tout
6 à fait improbable qu'un obus ait pu tuer, par ses fragments, plus de 120
7 personnes. Ce n'est pas une bombe à grappes. Ce n'est pas une bombe de ce
8 genre-là.
9 Puis, il n'y a pas eu de traces audibles, aucun radar n'a capté de traces,
10 de signes du projectile. Tous ces faits indiquent que l'opération avait été
11 planifiée, que c'était un acte de provocation qui donnait à quelqu'un la
12 possibilité de rejeter la faute sur les Serbes.
13 Je peux vous assurer que je suis une personne tout à fait objective et que
14 je ne suis pas venu ici pour défendre les Serbes. Tout ce que je dis, c'est
15 qu'ils ne peuvent pas être diabolisés.
16 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Et qu'en est-il du cratère ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est très simple, croyez-moi. Après la
18 guerre, j'en ai parlé avec des experts de la lutte contre- terroriste. Vous
19 prenez une urne ou une poubelle, vous y mettez un engin explosif, vous
20 poussez l'obus vers le bas, et vous donnez l'impression que c'est un obus
21 qui a explosé.
22 C'est une imitation un peu élémentaire, c'est vrai, mais par
23 ailleurs, c'est tout de même une action un peu sophistiquée. Ça n'a pas été
24 improvisé. Je ne dis pas que j'ai des éléments de preuve pour vous indiquer
25 ceci.
26 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je ne veux pas abuser du temps de Me
27 Tapuskovic, mais nous avons entendu des positions de témoins qui nous ont
28 dit ici qu'un mortier ne pouvait pas exploser s'il tombait d'un ou deux
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1 mètres. Il faudrait une plus grande vélocité pour que le projectile puisse
2 exploser.
3 Comment pourrait-on faire exploser cet obus de mortier si la distance
4 parcourue était extrêmement brève ou courte ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] En plus, je sais bien comment les choses
6 fonctionnent. Un obus peut être tiré d'un mortier. Si vous le jetez d'un
7 toit, ça ne va pas exploser. Mais, c'est vrai. Mais pour simuler une
8 explosion d'un obus en utilisant un autre engin explosif, ce n'est pas
9 difficile, parce que le cratère qui en résulte sera le même. Si vous prenez
10 un obus et que vous le fixez avec des boulons ou des vis, et que vous le
11 faites exploser à l'aide d'un autre détonateur qu'une charge explosive
12 utilisée pour un obus de mortier, le cratère ressemblera à ce qu'il aurait
13 été si, effectivement, l'obus avait explosé de lui-même.
14 Plusieurs facteurs m'ont amené à penser que ça n'a pas pu être le tir
15 d'un obus de mortier qui a provoqué l'incident.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais l'information que vous avez
17 donnée en réponse à M. Tapuskovic était en fait une réponse à sa question,
18 la question qui portait sur ce que, selon vous, sont des indices d'une
19 attaque terroriste. Etes-vous en train de nous dire que les trois
20 informations que vous venez de nous donner indiquent que c'est une attaque
21 terroriste, en réalité, qui a été menée ? Parce que je ne comprends pas
22 très bien. Cela manque de clarté pour moi. Est-ce que c'est ce que vous
23 nous dites ? Si tel est le cas, pourquoi ? Pourquoi y a-t-il là vraiment
24 des indices qui montrent ceci ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas un spécialiste de haut vol en
26 matière juridique ou dans la lutte antiterroriste. Je ne suis pas en mesure
27 de déterminer ce qu'est un acte terroriste et ce qui ne l'est pas, mais je
28 suis certain à 100 %, et j'essayais de vous convaincre, je suis certain de
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1 la première partie de mon témoignage dans laquelle j'ai évoqué des faits.
2 La deuxième partie de mon témoignage est faite de conclusions de ce
3 qui a peut-être été fait et de la manière dont les choses ont peut-être été
4 faites. Mais je n'étais pas là pour vous convaincre que c'était un acte
5 terroriste et je n'étais pas préparé pour ce faire.
6 M. LE JUGE MINDUA : Il reste la question de fragments. Si ce drame était dû
7 à une attaque terroriste, comme vous dites, et que ce n'était pas un obus
8 de mortier, il reste la question des fragments qu'on a retrouvés ? Et vous
9 avez dit à un moment donné qu'on a pu les attacher, mais est-ce que les
10 faits vous donnent raison ? Parce que si on avait attaché ce fragment
11 d'obus, est-ce que les personnes qui étaient au marché n'auraient pas pu
12 remarquer ça ? Ces personnes au marché auraient-elles accepté d'être ainsi
13 sacrifiées comme des moutons ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] La réponse est évidente. Il s'agit d'un vrai
15 crime, indépendant du fait qui est l'auteur du crime. Et bien sûr, il
16 s'agissait des gens qui voulaient rester en vie et qui avaient leurs
17 familles, qui voulaient continuer à vivre. Ils ne voulaient pas penser à la
18 mort. Ils ne voulaient pas être sacrifiés.
19 Quand il s'agit d'éclats d'obus qui ont été retrouvés dans des corps
20 et dans des blessés, des fragments, des éclats d'obus n'appartenaient pas à
21 la partie d'obus qui était en acier, mais cela ne veut pas dire que cet
22 obus n'avait pas une charge additionnelle, parce qu'à chaque impact, des
23 fragments de verre ou d'autres objets sont toujours retrouvés dans des
24 corps de victimes. S'il s'agissait vraiment d'un acte de provocation, je
25 pense que nous ne pouvons pas retrouver des moyens de preuve qui
26 corroboreraient cela 12 ans plus tard.
27 M. LE JUGE MINDUA : Merci.
28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, Maître Tapuskovic.
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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'en ai fini avec mon interrogatoire
2 principal. Monsieur le Témoin, je vous remercie et je vous remercie,
3 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous en avez fini avec votre
5 interrogatoire principal, Maître Tapuskovic ? Oui.
6 Monsieur Waespi, vous avez la parole.
7 M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 Contre-interrogatoire par M. Waespi :
9 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, nous avons un peu plus d'une demi-
10 heure jusqu'à la fin de l'audience, et je suppose que nous allons vous
11 poser des questions demain, mais je suis entre les mains de la Chambre.
12 J'ai l'intention de profiter du temps dont j'ai besoin. Je sais que vous
13 deviez voyager, mais --
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] On m'a informé que le témoin sera
15 disponible demain.
16 Maître Tapuskovic, confirmez cela.
17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je peux confirmer que le témoin sera ici
18 jusqu'à 11 heures. Je ne sais pas quelle sera la décision de la Chambre.
19 Nous commençons à 8 heures demain, et son avion est à 13 heures seulement.
20 Si j'ai exagéré un peu quand il s'agit du temps qui m'a été accordé pour
21 l'interrogatoire principal, si le Procureur utilisait le même laps de
22 temps, il pourrait peut-être en finir avec le contre-interrogatoire jusqu'à
23 11 heures.
24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons voir comment les choses
25 se dérouleront.
26 M. WAESPI : [interprétation] Je vais faire de mon mieux. Q. Commençons
27 maintenant par les informations concernant le contexte. Vous avez parlé de
28 cela du début de votre témoignage.
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1 De 1992 à 1994, vous n'étiez pas déployé à Sarajevo, vous n'étiez pas
2 à Sarajevo. Vous n'étiez pas en Bosnie; n'est-ce pas ?
3 R. Non.
4 Q. Je pense qu'il faut allumer le deuxième microphone.
5 R. Oui, c'est vrai. Je n'étais pas en Bosnie.
6 Q. Donc, vous êtes venu en Bosnie la première fois, je pense que vous avez
7 dit que c'était au début du mois de janvier 1995 ?
8 R. Exact.
9 Q. Ensuite, vous nous avez parlé de votre carrière dans l'armée de l'Union
10 soviétique, ensuite dans la Fédération russe. Vous avez dit que vous étiez
11 chef, à la tête d'une section sur une compagnie d'un régiment, d'un
12 bataillon, et cetera. Est-ce qu'il s'agissait de l'artillerie, de
13 l'infanterie, des unités mécanisées ?
14 R. Oui.
15 Q. Dans quelles unités étiez-vous en particulier, Commandant ? Est-ce que
16 c'était dans une section d'infanterie ou d'un régiment d'artillerie ?
17 R. Je peux vous répondre à cette question-là. Le système d'éducation
18 soviétique et russe est différent par rapport au système à l'occident. J'en
19 connais quelque chose parce que j'ai été en formation aux Etats-Unis.
20 Pour ce qui est du niveau tactique, à Moscou, les officiers sont
21 formés pour être à la tête d'une section et allant jusqu'au bataillon. Pour
22 ce qui est de la section, de la compagnie, du bataillon, nous devons
23 apprendre tout. Lorsqu'il s'agit d'un bataillon d'infanterie, d'un
24 bataillon d'artillerie, je connais très bien les batteries de 120-
25 millimètres.
26 Q. Vous étiez commandant de quel bataillon, est-ce qu'il s'agissait du
27 bataillon d'infanterie, d'artillerie ou de chars ou de blindés ?
28 R. En russe, nous appelons cela le bataillon motorisé fusillé.
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1 Q. Donc, il s'agit d'une unité d'infanterie et non pas d'une unité
2 mécanisée ?
3 R. Mécanisée et motorisée, et non pas de mortier. Cela englobe
4 l'infanterie ou les blindés de transport de troupes. Il s'agit d'une unité
5 mécanisée, pour employer le terme qu'on emploie à l'occident.
6 Q. Je vous remercie. J'ai été obligé dans ma carrière d'apprendre beaucoup
7 pour ce qui est de l'armée soviétique.
8 Mais, en tout cas, est-ce qu'il s'agissait du régiment d'artillerie
9 ou du régiment motorisé ou mécanisé dont vous étiez commandant ?
10 R. Il s'agissait du régiment mécanisé qui était composé de trois
11 bataillons, un bataillon mécanisé, en terminologie occidentale, ensuite,
12 une unité d'artillerie, une unité de roquettes, une unité de chars et 12
13 compagnies différentes, au total 2 000 soldats, y compris les sous-
14 officiers et officiers.
15 Q. Pendant combien de temps vous étiez commandant de ce régiment ?
16 R. Deux ans et demi.
17 Q. Est-ce que vous avez eu un chef d'état-major là-bas ?
18 R. Oui. J'ai été chef d'état-major du régiment, après quoi je suis devenu
19 son commandant, et après, durant ma carrière, je suis resté commandant à
20 l'Extrême-Orient.
21 Q. Est-ce qu'il est utile d'être chef d'état-major d'une unité avant de
22 devenir son commandant ?
23 R. Il s'agit de la hiérarchie standard des échelons qui sont à parcourir
24 pour arriver à ce poste. J'étais chef d'état-major du bataillon avant
25 d'être devenu commandant du bataillon. Ensuite, j'ai chef d'état-major du
26 régiment avant d'être devenu le commandant du régiment. C'est la suite
27 habituelle des promotions.
28 Q. Ça du sens, n'est-ce pas, parce que le chef d'état-major est en fait
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1 officier qui a beaucoup de connaissances dans toutes les unités. Il est
2 tout de suite après le commandant.
3 R. Oui.
4 Q. Vous nous avez dit, je pense, qu'en tant que chef d'état-major, vous
5 aviez les mêmes tâches comme le commandant. Egalement, vous pouvez donner
6 des ordres et, en fait, vous remplaciez le commandant.
7 R. Oui.
8 Q. Je ne sais pas si vous avez beaucoup d'informations sur le système
9 yougoslave. Vous nous avez brièvement parlé des armes qui, en grande
10 partie, étaient similaires ou identiques. Est-ce qu'on pourrait dire la
11 même chose pour ce qui est des fonctions du chef d'état-major et du
12 commandant ? C'est par rapport à ce que vous venez de nous dire sur l'armée
13 soviétique et sur le rôle du chef d'état-major, les relations avec les
14 commandants, est-ce que cela aurait pu être appliqué à l'armée de la
15 Republika Srpska ? Est-ce que c'est ce que vous avez vu en travaillant là-
16 bas en 1995 ?
17 R. Je ne sais pas. Je ne peux pas vous dire avec certitude pour ce qui est
18 des pouvoirs et des autorités. Je ne peux pas vous dire que le système
19 était le même, mais c'était similaire en 70 %. Je crois que l'armée
20 yougoslave était, d'une certaine façon, la copie de l'armée soviétique. Les
21 officiers yougoslaves du haut niveau ont été formés dans le pays de
22 Varsovie. Dans tous ces pays, le chef d'état-major avait principalement la
23 même position.
24 Pour ce qui est du secteur Sarajevo, je n'ai pratiquement pas eu de
25 contact avec les officiers au niveau d'aucune des deux factions
26 belligérantes. Ça fait partie de mes devoirs d'être impartial, et je
27 n'avais des contacts qu'avec les officiers de liaison.
28 Q. Pour ce qui est de la fonction principale de chef d'état-major, cela
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1 consistait à organiser des travaux, d'organiser, de distribuer des tâches.
2 En tant que personnel de la FORPRONU, quelle était votre fonction
3 principale en tant que chef d'état-major de la FORPRONU pour le secteur
4 Sarajevo ?
5 R. N'importe quel chef d'état-major a pour tâche principale de s'occuper
6 de l'attitude aux combats des unités subordonnées pour combattre de façon
7 efficace. Il s'agit du niveau tactique pour ce qui est des opérations, de
8 renseignements, même si ce terme n'a pas été utilisé en Yougoslavie. Mais
9 un autre terme a été utilisé; c'était collecte des informations, ensuite
10 coordination avec les unités avoisinantes, et ensuite, à la fin, c'était de
11 remplacer le commandant pour ce qui est de ces fonctions.
12 Q. J'ai compris cela. J'essaie de comprendre quelle était la distribution
13 des tâches dans la FORPRONU pour ce qui est du chef d'état-major et son
14 adjoint. Dans la FORPRONU, en 1995, où au moins en 1995, il y avait la
15 fonction de commandant, de chef d'état-major, de commandant adjoint, l'un
16 des commandants adjoints était le colonel Meille, un Français. Vous vous
17 souvenez de cela ?
18 R. Oui, il était colonel.
19 Q. Et lorsque le commandant, et vous avez mentionné le général Bachelet,
20 et lorsque le général Bachelet, en tant que commandant, était absent dans
21 ce cas-là, son adjoint --
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6 Q. Puis-je continuer. Si le général Bachelet ou son prédécesseur, le
7 général Gobillard, était absent, il était habituel que le colonel Meille le
8 remplace. Vous vous souvenez de cela ?
9 R. Non. Pas tout à fait. D'abord, le colonel Meille est arrivé beaucoup
10 plus tard.
11 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
12 M. WAESPI : [interprétation] Est-ce qu'on peut passer à huis clos partiel,
13 Monsieur le Président ?
14 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Nous allons passer à huis clos
15 partiel.
16 M. WAESPI : [interprétation] Est-ce vrai, Monsieur le Président, que parmi
17 les noms --
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
19 partiel.
20 [Audience à huis clos partiel]
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7 [Audience publique]
8 M. WAESPI : [interprétation]
9 Q. Colonel, je pense que vous vouliez expliquer quelque chose pour ce qui
10 est du commandant par intérim, le colonel Meille. Vous pouvez le faire.
11 R. Dans n'importe quelle armée, il y a une hiérarchie. Il y a une
12 hiérarchie d'adjoints, et le premier adjoint est chef d'état-major, le
13 deuxième adjoint s'occupe de l'aptitude au combat. C'est la règle. Dans
14 notre secteur, nous respections la procédure standard, mis à part le fait
15 que le colonel Meille n'était là-bas que pendant six mois pendant l'année
16 où j'étais là-bas. Il est venu en mai et il est parti en septembre. Nous
17 nous connaissions bien. On coopérait étroitement, et son travail consistait
18 à coopérer avec et à superviser le contingent français, ce qui aurait été
19 une difficulté pour moi parce que je ne parle pas français.
20 Puisque 50 ou 60 % de nos unités étaient du Bataillon français, le
21 commandant, lorsqu'il devait s'absenter - son adjoint était français et non
22 pas russe - ce qui était logique. Mais je ne peux pas me souvenir de
23 situations où le général Bachelet était absent et que je n'ai pas coopéré
24 étroitement avec mon collègue français. Nous étions en contact tout le
25 temps et nous avons coopéré pour ce qui est de toutes les questions. Le 28
26 août, le général Bachelet -- je m'excuse, le 28 août, le général Bachelet
27 était là-bas.
28 Q. Parlons un petit peu du Bataillon russe. Vous avez abordé deux sujets à
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1 ce propos. Vous avez dit tout d'abord que l'emplacement du cantonnement du
2 Bataillon russe était tout à fait malheureux. Il y avait quand même des
3 points d'observation qui étaient excellents; l'un dans un restaurant appelé
4 Vidikovac. Vous vous en souvenez ?
5 R. Oui, il me semble que je m'en souviens. C'était au sud-ouest. De là, en
6 effet, on voit absolument toute la vallée. Ca donne un très beau panorama.
7 Q. Mis à part le Bataillon russe, cette zone quand même était contrôlée
8 par le SRK, n'est-ce pas, l'endroit où l'on trouvait se restaurant
9 Vidikovac ?
10 R. Oui, plus ou moins. Ce qui ne signifie pas que les positions du SRK
11 étaient aussi avantageuses, de manière tactique, que les postes
12 d'observation du Bataillon russe. Puisque normalement, les Nations Unies
13 pouvaient mettre leurs postes d'observation où ils voulaient, alors que les
14 parties belligérantes ne pouvaient mettre leurs postes d'observation que là
15 où cela leur était possible. L'autre partie avait souvent réussi à occuper
16 les meilleurs endroits. Dès qu'un bon emplacement était libéré, l'autre
17 partie, évidemment, l'occupait.
18 Q. Mais Vidikovac, qui se trouve tout en haut du mont Trebevic, se
19 trouvait sur une partie du territoire qui était contrôlée par le SRK,
20 n'est-ce pas ?
21 R. Oui. Mais c'est la pratique habituelle chez les militaires. C'est pour
22 ça d'ailleurs qu'un poste d'observation est bel et bien appelé ainsi. On
23 veut pouvoir observer, donc il faut quand même être dans un endroit qui
24 permet l'observation.
25 Q. Oui, mais je voulais juste vous dire que le fait de ne pas avoir un
26 excellent emplacement pour ce qui est de l'artillerie ou de l'armement ne
27 signifie pas qu'on a un mauvais point d'observation, donc on peut très bien
28 relier ensuite ces deux éléments, avoir l'armement d'un côté, les points
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1 d'observation de l'autre, faire une tactique militaire courante ?
2 R. Je suis désolé, mais je ne vois absolument pas ce que cela a à voir
3 avec le poste d'observation du Bataillon russe. Le poste d'observation du
4 Bataillon russe, je ne vois pas ce que ça a à voir avec l'emplacement des
5 armes ? Vous parlez des armes de la SRK ou quoi ? Je ne vois pas le lien
6 entre la FORPRONU, qui est quand même une force de maintien de la paix, et
7 l'une des factions belligérantes, parce que le Bataillon russe n'a jamais
8 pris le parti du SRK, ou là, je vous ai mal compris.
9 Q. Je n'ai pas été très clair, sans doute, mais ce que je vous suggérais
10 était la chose suivante : normalement, si on a des armes qui ne se trouvent
11 pas dans un emplacement vraiment favorable, mais qu'on le combine avec un
12 bon point d'observation, je ne parle pas du tout de la capacité
13 belligérante du Bataillon russe, ce n'est pas du tout ça dont je parle.
14 Mais, je dis que si d'un côté on combine le fait d'avoir ces armes dans un
15 emplacement qui n'est pas très favorable avec le fait qu'on a d'excellents
16 postes d'observation, on peut quand même avoir du succès militaire ?
17 R. Oui. Dans l'abstrait, oui. En théorie, oui. Si vous ne vous référez ni
18 aux Serbes ni aux Russes, dans ce cas-là, je suis d'accord. Mais uniquement
19 si on ne parle pas de missiles guidés, mais si on parle uniquement
20 d'obusiers, de mortiers, et de ce type d'armes. L'observation ne sert à
21 rien si on utilise un char ou des armes d'infanterie, là ça ne sert plus à
22 rien.
23 Q. Oui, certes, mais je parlais aussi de l'ABiH. D'ailleurs, je parlais de
24 toute force militaire dans cette zone quand je vous parlais du fait qu'il y
25 a un avantage quand même à avoir d'un côté l'armement qui est combiné avec
26 un bon poste d'observation. Là, j'étais très général. Je parlais de toute
27 force militaire.
28 Mais, je vais passer maintenant à autre chose. On vous a posé des
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1 questions à propos de la zone de responsabilité de votre secteur. L'enclave
2 de Zepa, faisait-elle aussi partie de votre secteur ?
3 R. Non. Srebrenica et Zepa n'étaient pas dans notre zone de
4 responsabilité.
5 Q. Si l'un des commandants avait dit que les enclaves, y compris Zepa,
6 faisaient partie de votre zone de responsabilité, vous le niez ou vous ne
7 vous en souvenez pas ?
8 R. Absolument pas. Un ordre est un ordre. Si un général qui était mon
9 supérieur immédiat me donnait cet ordre, je l'aurais exécuté, bien sûr,
10 surtout que tout le monde savait que ces enclaves étaient le talon
11 d'Achille de cette guerre et méritaient justement une attention très
12 spécifique.
13 Q. Très bien. On vous a montré une carte, la carte de la FORPRONU avec les
14 lignes de confrontation en rouge et en jaune. Vous en souvenez ?
15 R. Oui.
16 Q. On vous a demandé qui contrôlait l'intérieur de cet anneau, vous avez
17 répondu que c'était l'ABiH qui contrôlait ce territoire, et vous avez dit
18 que c'était le RSK qui contrôlait l'extérieur de l'anneau; c'est bien cela
19 ?
20 R. Oui. L'extérieur de Sarajevo était contrôlé par le RSK, et à
21 l'intérieur de la ligne rouge, c'était le 1er Corps de l'armée de l'ABiH.
22 Q. Au passage, j'aimerais savoir si vous avez jamais rencontré le
23 commandant du 1er Corps de l'ABiH ?
24 R. Non. Je n'ai pas rencontré les commandants des corps. J'ai rencontré le
25 commandant d'une brigade une fois et on a pu échanger quelques mots.
26 Q. Vous avez aussi parlé des civils qui vivaient à l'intérieur de
27 l'anneau, si je peux dire, et vous avez dit qu'ils étaient nerveux. Vous
28 avez dit, par exemple, que vous avez vu des civils à un moment qui ne
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1 voulaient plus ramasser les ordures et ce sont les forces de la FORPRONU
2 qui se sont chargées du ramassage des ordures. Est-ce que vous appelleriez
3 cette attitude, une attitude léthargique dans leur vie de tous les jours ?
4 R. Oui, c'est tout à fait ça. Cela s'applique très bien à la situation,
5 surtout pour ce qui est de l'hiver, les gens hibernaient. Cela m'a surpris.
6 J'avais quand même une expérience préalable de combats assez violents dans
7 le territoire de l'ex-union soviétique. J'étais prêt pour la guerre quand
8 je suis arrivé à Sarajevo. Quand je suis arrivé, j'ai commencé à dire, mais
9 où est la guerre ? De temps en temps, il y avait quelques tirs sporadiques.
10 C'était souvent des soldats ivres qui tiraient en l'air, avec des balles
11 traçantes, et cetera. Je voyais aussi beaucoup d'amoureux qui se
12 promenaient dans les rues. Ça m'a vraiment étonné.
13 Q. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire que les gens étaient
14 assez léthargiques, qu'ils étaient assez passifs, mais que c'est parce
15 qu'ils étaient assiégés depuis deux ou trois ans ? Peut-être avaient-ils
16 perdu de vue ce que c'était une vie normale finalement ?
17 R. Oui, certes. C'est l'une des explications qu'on peut donner. L'autre,
18 c'est que les meilleurs, les gens les plus enthousiastes, les plus
19 énergiques étaient partis depuis longtemps. Ils étaient simplement partis
20 pour de bon, d'autres étaient partis pour prendre les armes et pour se
21 battre aux côtés de l'armée de l'ABiH. Donc il restait la population
22 inactive, si je puis dire, en ville. Oui, c'est vrai ce que vous dites, ça
23 paraît logique.
24 Q. Je voulais évoquer deux points à propos du Bataillon russe. J'en ai
25 déjà évoqué un. Le deuxième, c'est un incident bref dont vous nous avez
26 parlé. Ce Bataillon russe que vous avez dû sauver, si je puis dire.
27 J'aimerais savoir si ces malheureux soldats russes ont été coincés, si je
28 puis dire, sur Debolo Brdo entre les Français, qui avaient eux aussi leur
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1 point d'observation, ils ont été pris dans un feu croisé entre les Serbes
2 et les soldats de l'ABiH, et ces soldats russes ont dû être retirés. Est-ce
3 qu'on peut en parler ainsi ?
4 R. Je crois que nous parlons de ce même incident, ce qui s'est passé à la
5 fin juillet; c'est cela ?
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi, j'ai quand même un
7 point à soulever avec le témoin.
8 Vous vous souvenez, Monsieur le Témoin, que lors de votre
9 interrogatoire principal, vous nous avez dit qu'il y a eu au moins 15 à 20
10 rapports portant sur l'explosion qui, tous, avaient des conclusions
11 différentes. Vous avez dit que certaines venaient de la FORPRONU.
12 J'aimerais savoir si vous avez vraiment vu ces rapports et si vous les avez
13 véritablement lus ? Répondez par oui ou par non, s'il vous plaît.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Juge, j'ai lu plusieurs rapports
15 de la FORPRONU qui étaient contradictoires.
16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Donnez-nous un chiffre ? Combien ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Six, sept, voire huit rapports de ce type.
18 Quand j'ai dit 15 à 20, j'ai aussi précisé que certains de ces rapports
19 étaient des rapports oraux, qui n'étaient pas écrits.
20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais ces six, sept ou huit rapports
21 écrits, pourriez-vous nous dire d'où ils venaient exactement ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Non, mais d'où venaient-ils ? Qui
24 les avait rédigés ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait plusieurs sections de la FORPRONU
26 qui devaient faire rapport. Je vais vous les énumérer.
27 Tout d'abord, il y avait le rapport qui venait du centre d'opération
28 et qui obtenait les informations depuis toutes les forces. Ensuite, il y
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1 avait le rapport de la section G2 qui était la section renseignements.
2 Ensuite, il y avait la section police militaire. Et il y avait aussi le
3 rapport des observateurs militaires. Ça c'est le quatrième. Ensuite, il y
4 avait plusieurs rapports qui émanaient de différents bataillons, le
5 Bataillon Russe, par exemple, et cetera. Je peux poursuivre la liste.
6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais pour ce qui est de la thèse de
7 l'Accusation, pourriez-vous nous dire combien de rapports de ce type vous
8 nous avez soumis à propos de cet incident ?
9 M. WAESPI : [interprétation] J'ai pensé à cela au cours de la pause. Nous
10 avions le rapport G2, le rapport local de la police bosnienne - le témoin
11 l'a aussi entre les mains - nous avons aussi le rapport des sapeurs
12 français. Je crois que c'est celui que l'on a vu dans la vidéo avec le
13 témoin. Nous avons le rapport de notre propre expert, M. Higgs. Mais le
14 témoin ne l'a pas vu, bien sûr. Mais je crois qu'il y a encore un autre
15 rapport du colonel Powers, qui est un Américain qui s'est aussi occupé de
16 cet incident. Mais ce ne sont pas des rapports, ce ne sont pas des
17 originaux, si je puis dire, ils ont tendance à être des résumés les uns des
18 autres. Il est difficile de savoir exactement combien de rapports ont été
19 rédigés lors de l'incident. Il y a aussi les rapports des deux observateurs
20 des Nations Unies. Nous avons entendu le chef de patrouille Konings. Ce
21 sont des observations, mais on pourrait appeler ça des rapports aussi. M.
22 Knustad et d'autres personnes ont fait des rapports oraux de ce qu'ils
23 avaient vu et entendu. En tout, je dirais qu'il y a quatre rapports que
24 l'Accusation a versés au dossier.
25 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous avez entendu quand même la
26 liste des rapports présentés par l'Accusation. Pouvez-vous nous dire si
27 vous avez vu ou lu un autre rapport que ceux dont on vient de parler ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous parlez des rapports que l'Accusation
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1 aurait énumérés, c'est cela ?
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui, les rapports qui viennent
3 d'être énumérés par l'Accusation. Vous nous parlez de 7, 8 rapports, vous
4 dites que vous en avez lu et vu 6, 7 ou 8, j'aimerais savoir s'il y en a
5 des nouveaux qu'on n'a pas encore vus. Parce que si on ne les a pas encore
6 vus, j'aimerais bien les lire. Ça, j'aimerais que ce soit bien compris par
7 tout le monde. Vous nous dites que tous les rapports que vous avez vus
8 indiquaient des conclusions différentes. Donc, pour procéder logiquement,
9 j'aimerais savoir combien de ces rapports nous avons déjà vus.
10 C'est pour cela que je vous demande, sachant que l'Accusation a
11 présenté un certain nombre de rapports lors de la présentation de ses
12 moyens, si vous en avez vu d'autres, si vous en avez lus d'autres à ce
13 propos.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai compris la question, Monsieur le
15 Président.
16 Bien entendu, je ne connais pas M. Higgs, peut-être que j'ai lu son
17 rapport. C'est un rapport de M. Higgs, tout simplement.
18 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne veux pas de longs discours, il
19 est tard, déjà.
20 Oui, allez-y, Monsieur Tapuskovic.
21 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais vous
22 aider, vous et tous les autres.
23 J'ai choisi trois ou quatre documents parmi l'ensemble, mais il y a
24 de nombreux autres rapports qui ont déjà été versés au dossier, le rapport
25 de Baxter, le rapport de Powers. Il y en a tout un lot de rapports émanant
26 des services de renseignements. Je n'ai utilisé que les rapports officiels
27 qui ont été présentés par le biais d'autres témoins et versés au dossier de
28 la sorte. Je me suis dit que ce que j'utilisais ici n'était pas suffisant
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1 et que nous devrions utiliser d'autres éléments.
2 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons conclure pour l'instant,
3 et demain nous reviendrons sur la question.
4 Nous commencerons à 8 heures.
5 --- L'audience est levée à 19 heures 02 et reprendra le vendredi 6 juillet
6 2007, à 8 heures 00.
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