Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 10 octobre 2007

2 [Audience publique]

3 [Plaidoiries]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 31.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, nous allons

7 entendre votre plaidoirie.

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

9 Juges; Monsieur le Président Robinson, Monsieur le Juge Harhoff, Monsieur

10 le Juge Mindua. Bonjour à mes confrères, Monsieur Waespi, Madame Edgerton,

11 Monsieur Docherty et Monsieur Sachdeva, du côté de l'Accusation.

12 Avec l'audience d'aujourd'hui, nous aurons terminé de travailler

13 ensemble, et je suis heureux d'avoir pu rencontrer dans ce cadre

14 professionnel une équipe d'aussi excellents confrères.

15 Avant de rentrer dans le vif du sujet, permettez-moi de dire encore

16 quelques mots au sujet du procès lui-même. Je me félicite d'avoir participé

17 à un procès qui a peut-être été le plus rapide de ceux dont a eu à

18 connaître ce Tribunal, et le premier principe prévu par le Règlement de ce

19 Tribunal, le principe qui parle d'un procès rapide, a ainsi été respecté.

20 Ceci devrait pouvoir servir d'exemple pour d'autres procès. Je me permets

21 d'ajouter que même le principe d'équité a été respecté, puisque je pense

22 que la Défense a pu soulever toutes les questions sur lesquelles vous aurez

23 à vous déterminer en fin de compte.

24 Il a peut-être fallu un peu plus de temps pour que je prépare ma

25 plaidoirie, ce que je souhaite vous dire aujourd'hui. J'aurais peut-être pu

26 le peaufiner encore un petit peu, mais ce n'est pas encore la mouture

27 parfaite et tout à fait finale de mes propos.

28 D'emblée, je vais vous demander une chose, s'agissant des victimes, j'ai à

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1 leur égard toute ma compréhension d'être humain. Compte tenu du rôle que je

2 joue ici devant vous, s'agissant des crimes qui sont allégués à l'acte

3 d'accusation, il faut bien que je parle en ma qualité d'avocat de manière

4 tout à fait professionnelle, tout en préservant toute la dignité à tous, je

5 souhaite ne pas me trouver dans une situation où l'on me demandera si je

6 conteste qu'il y ait eu des victimes humaines, que quelqu'un ait perdu la

7 vie. Je ne sais pas d'ailleurs si je continuerai d'exercer ma profession

8 après ce procès. J'ai une longue carrière. J'ai connu beaucoup d'affaires

9 dans le domaine pénal, des crimes d'assassinat et de meurtres. Mais pour la

10 première fois, je suis appelé à défendre quelqu'un qui se voit reproché

11 d'avoir tué des milliers de personnes.

12 Il est dit ici que cet accusé, d'ailleurs on cite quelques exemples de ce

13 comportement, que l'on a 12 assassinats par tireurs embusqués, puis

14 d'autres meurtres délibérés par pilonnage, donc je me suis trouvé dans une

15 situation très difficile. Juste avant le début du procès, je dois dire

16 qu'un grand problème s'est posé à la Défense, et c'est le problème qui

17 concerne les faits admis. En ce moment, il n'est peut-être pas tout à fait

18 nécessaire que je parle de cela, mais je regrette qu'on n'ait pas pu en

19 connaître davantage sur ce qui s'est produit réellement au moment où le

20 conflit a éclaté. N'était-ce pas à ce moment-là déjà au moment du début du

21 conflit qu'il s'est agi d'un espace réservé aux civils ou n'était-ce pas

22 plutôt complètement autre chose. Ce secteur n'avait-il pas été armé dès le

23 début de l'année 1992, comme on peut le lire aujourd'hui dans certains

24 livres. Parce qu'on commence à parler de cela franchement, ouvertement, et

25 on commence à apprendre que tout ceci a été préparé pendant longtemps et

26 avait été mis en place bien avant. Mais enfin, il me faut me consacrer à

27 autre chose. On me demande de ralentir un petit peu pour que tout ceci

28 puisse être interprété.

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1 Il ne fait aucun doute qu'en tant que Défenseur, avec ma consoeur, on

2 aurait pu faire plus pour montrer ce qui s'est produit pendant ces premiers

3 jours. Il n'empêche que j'estime que la Chambre a eu raison, elle a eu

4 raison lorsqu'elle a constaté que ce qui a précédé n'avait peut-être qu'une

5 importance marginale. L'historien qui s'est consacré à cette affaire au nom

6 de l'Accusation prend la date du 7 février 1994 pour déterminer la période

7 étudiée. C'est peut-être bien puisque en tant que Défenseur, je dois

8 m'intéresser, au nom de mon client, à l'histoire qui a commencé le 7

9 février 1994, à partir du moment où l'on a décidé que les armes lourdes

10 seront évacuées à une distance de 20 kilomètres du centre de Sarajevo par

11 rapport à l'endroit qui s'appelle Marin Dvor. C'est cette histoire-là qui

12 m'intéressera. Et puisqu'il n'y a là aucune décision politique de taille

13 qui serait intervenue, du moins pas s'agissant de notre secteur, je

14 tâcherai de montrer à la Chambre de quoi il s'est agi factuellement. Donc

15 seuls les faits m'intéresseront.

16 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il n'est pas aisé d'avoir face

17 à soi un jugement déjà prononcé contre un accusé qui a été condamné à une

18 peine de prison à vie, par rapport au nombre d'incidents dont il s'agit,

19 j'ai déjà évoqué cela, et qu'en même temps on qualifie cela de culpabilité

20 héritée. C'est une qualification qui est intervenue peu avant le début du

21 procès. Je ne pense pas que ceci existe dans le droit pénal, on ne peut pas

22 trouver cette catégorie, et cela ne peut pas se défendre, et je suis

23 certain que cette instance internationale la plus haute qui soit, qui

24 représente les Nations Unies, cette Chambre en tiendra compte, je n'ai

25 aucun doute là-dessus. Il n'y a pas de jugement non plus, comme nous le

26 savons tous, qui ne saurait être modifié suite à de nouveaux éléments qui

27 émergent. Vous savez que notre Règlement de procédure et de preuve envisage

28 également que l'on modifie un jugement sur la base de nouveaux faits qui

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1 permettent de tirer de nouvelles conclusions, des conclusions différentes.

2 Même dans le pays où j'ai vécu précédemment, j'ai connu des acquittements

3 après la réouverture du procès. Mais ce que je tiens à dire, c'est la chose

4 suivante : même si j'avais été juge, mais si j'avais été l'auteur d'un

5 jugement, si quelqu'un me présentait des éléments substantiels nouveaux, je

6 les prendrais en considération. Je ne suis pas quelqu'un qui change

7 facilement d'avis pourtant, mais il faudrait toujours être prêt à ce cas de

8 figure.

9 Je pense qu'il est de mon devoir de vous signaler ces faits nouveaux

10 qui, le cas échéant, peuvent jeter une nouvelle lumière sur des faits qui

11 ont été pris en compte pour prononcer le premier jugement. Car si on part

12 du principe ou de la règle qu'un certain nombre de faits ont été établis

13 dans le cadre d'un premier procès et qu'il suffit de reproduire cela, de le

14 reprendre tel quel dans le cadre d'une autre affaire, ceci ne serait pas

15 agir dans le sens de la recherche véritable de la responsabilité pénale. Je

16 pense que je suis clair là-dessus.

17 D'emblée, je me dois de souligner quelque chose pour que vous ne pensiez

18 pas que je souhaite vous présenter un discours trop théorique. Je voudrais

19 dire que l'acte d'accusation concerne une campagne prolongée de pilonnage

20 et de tirs isolés ou embusqués sur la population civile de Sarajevo ayant

21 pour objectif premier de répandre la peur dans la population civile. Ces

22 attaques ont eu pour conséquence la mort et des blessures graves des

23 civils, lit-on dans l'acte d'accusation.

24 Bien, ce que je souhaite aborder dans le cadre de mon introduction - et j'y

25 reviendrai plus tard - c'est la chose suivante : le crime exposé à l'acte

26 d'accusation, dans sa substance, parle d'une zone civile, parle d'attaque

27 sur des civils en tant que telle, et je m'en tiendrai pour que quelqu'un

28 soit tenu pénalement responsable pour une chose comparable, pour une telle

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1 chose, bien, premièrement, il faudrait constater sans aucun doute qu'il

2 s'agit d'une zone civile et d'une population civile et que l'homme qui est

3 traduit devant ces Juges n'y avait aucune autre intention si ce n'est que

4 d'employer son armée puissante afin de mener à bien ce qui est cité à

5 l'acte d'accusation.

6 Avant tout, je vais me focaliser sur les faits, les faits qui permettront

7 aux Juges de voir s'il est vrai qu'il s'agit d'un secteur civil pendant

8 toute la durée de l'acte d'accusation, du premier et du deuxième d'acte

9 d'accusation, mais, bien entendu, en particulier pendant la période qui

10 nous intéresse plus précisément. Par exemple, le témoin Ajdazic que j'ai

11 voulu cité, n'a pas été examiné, n'a pas été interrogé. Mais dans son

12 livre, il fournit un certain nombre de documents qui porte sur les

13 préparatifs à ce qui allait se produire. Dès 1992, on a creusé des

14 tranchées, par exemple. Mais hélas, ce témoin n'est pas pu venir ici, je

15 n'ai pas été en mesure de faire venir ici des officiers de l'ABiH. Le

16 Procureur a cité deux officiers, un plus haut gradé qui était à la tête du

17 1er Corps d'ABiH et un autre qui avait un grade un peu moins élevé. Il est

18 logique que vous ayez entendu surtout des civils, des victimes et

19 exclusivement la police civile. Or, je me propose de vous montrer une

20 décision montrant que chacun de ces policiers civils était membre des

21 forces armées de l'ABiH. Et c'est sur la base de leur témoignage qu'on vous

22 invite à juger.

23 Donc tout ceci a été présenté comme s'il n'y avait pas eu d'armée là-bas,

24 comme si tout cela n'était qu'un ensemble exclusivement civil, qui a été

25 exposé à des actes de violence et dont la population a été tuée. Je ne sais

26 pas si j'ai sous la main un document. Hélas, nombre de documents ne feront

27 qu'émerger ultérieurement. M. le Juge May, qui n'est plus parmi nous, c'est

28 quelqu'un que je souhaite mentionner. Mais c'est M. le Juge Robinson qui

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1 m'a rappelé cela, en disant : "Qui vivra, verra." Donc, moi aussi, je pense

2 que les faits qui concernent tous ces événements qui se sont déroulés dans

3 ce pays accablé, vous savez, je pense que c'était un conflit qui a servi

4 les intérêts d'un certain nombre de personnes, pas une personne, pas deux

5 personnes, mais nombre de ceux qui voulaient écrire l'histoire et qui

6 voulaient se doter de leur propre Etat. Effectivement, ils ont reçu ces

7 Etats et certains sont en passe de les avoir, mais tout cela au détriment

8 des victimes.

9 Il n'y a que quelques jours, j'ai découvert un document très important.

10 Messieurs les Juges, je vous remercie de l'avoir admis en tant que preuve.

11 Ce document révèle un autre fait dont je vais vous parler dans la suite de

12 ma plaidoirie. Il s'agit là d'un journal. On ignore toujours qui en est

13 l'auteur, mais cela concerne un document officiel qui se lit comme suit,

14 entre autres…

15 [Le conseil de la Défense se concerte]

16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Messieurs les Juges, ma consoeur est en

17 train de me mettre en garde. Est-ce que je peux parler de ce document, est-

18 ce que je peux m'en servir ? Je pense que puisque je ne mentionnerai pas de

19 --

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] De quel document il s'agit ?

21 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est le document que vous avez admis hier

22 en tant que preuve. C'est le document DD005188. Il n'a pas encore de cote.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Monsieur Waespi.

24 M. WAESPI : [interprétation] Oui, je pense savoir de quoi parle le conseil

25 de la Défense. Il s'agit d'un extrait de journal, il a été communiqué à

26 l'Accusation en application de l'article 70. Je pense que par précaution il

27 vaudrait mieux passer à huis clos partiel si la Défense souhaite parler du

28 document.

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1 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Huis clos partiel.

2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

3 [Audience à huis clos partiel]

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24 [Audience publique]

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Donc, il s'agissait là d'un document qui

26 fait état du terrorisme et non pas de la terreur. Ce n'est pas la même

27 chose que le terrorisme. Je me propose de vous présenter des preuves très

28 convaincantes pour vous démontrer qu'il y a eu là des cas de terrorisme,

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1 d'actes terroristes. Nous avons évoqué un certain nombre de choses. Lors de

2 ce procès, j'ai présenté un document, il y a longtemps, par l'entremise

3 d'un témoin. Je ne sais pas si je l'ai versé au dossier. Une explosion

4 s'était produite sur la terrasse chez le général Halilovic, son épouse et

5 son frère ont été tués. Par la suite, on a constaté que c'est l'armée de la

6 Republika Srpska qui avait tiré ce projectile. Or, Halilovic affirme

7 catégoriquement que c'était une explosion qui était à retardement,

8 déclenchée de loin.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, comment

10 définissez-vous la différence entre le terrorisme et la terreur ?

11 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Le terrorisme c'est un acte isolé,

12 individuel, qui est en relation avec une situation concrète. Si vous

13 m'invitez à réfléchir là-dessus, je pourrais peut-être vous dire bien des

14 choses là-dessus. La terreur, en tant que chef d'accusation, c'est quelque

15 chose qui est apparu devant ce Tribunal. C'est quelque chose qui n'était

16 pas prévu dans le droit international précédemment. C'est uniquement devant

17 ce Tribunal, pour la première fois, que ça a été introduit comme catégorie,

18 qui d'ailleurs, n'existait pas dans la première monture du Statut, et sans

19 aucun doute, ceci entrera dans l'histoire du droit et c'est quelque chose

20 dont on se servira comme d'exemple à l'avenir, dans des situations

21 comparables.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Mais dans les conventions de Genève

23 et les protocoles -- le Protocole additionnel I aux conventions de Genève,

24 on trouve déjà ce crime. Ce n'est pas un crime nouveau.

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, mais ce serait déjà

26 entré dans une polémique. Je pars du fait que c'est quelque chose qui

27 existe déjà dans le droit international, mais je ne voudrais pas entrer

28 dans le détail de ce sujet. C'est quelque chose qui n'est pas notre propos

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1 aujourd'hui. Pour nous consacrer à ce qui nous intéresse au premier chef, à

2 savoir cet acte d'accusation que nous avons sous les yeux et qui parle de

3 la terreur.

4 Comme nous venons de le dire il y a un instant, je dois tout d'abord

5 réagir suite à une affirmation de l'Accusation dans leur mémoire en

6 clôture, page 129, paragraphe 469, l'Accusation a fait état du fait que par

7 la signature de l'accord antisniper et par sa participation aux

8 négociations sur les armes lourdes, l'accusé a montré qu'il a exercé un

9 contrôle effectif sur le RSK, et que les victimes il y en a eu moins

10 pendant quelques temps. Il est même dit dans ce mémoire, que précisément le

11 fait que le général Dragomir Milosevic a été le signataire de l'accord

12 anti-tirs isolés est une preuve de son contrôle effectif sur le Corps de

13 Romanija-Sarajevo.

14 A aucun moment la Défense ne contestera le fait - et d'ailleurs

15 l'accusé ne peut pas contester le fait qu'il a été le commandant du Corps

16 de Romanija-Sarajevo. Toutefois, à partir du moment où il a été nommé à ce

17 poste, deux jours plus tard, par la signature de cet accord anti-tirs

18 isolés qui, pendant si longtemps n'a pu être signé, donc le simple fait que

19 lui il y soit parvenu, face aux pressions qui s'exerçaient pour qu'il ne le

20 fasse pas, c'est précisément cela qui est aujourd'hui interprété

21 aujourd'hui comme un élément additionnel pour démontrer son intention.

22 Donc ils étaient venus auprès de lui, en sa qualité de commandant du

23 Corps de Romanija-Sarajevo pour qu'il fasse le nécessaire pour que l'accord

24 soit signé, et précisément, après, nous avons nombre d'incidents et nous

25 verrons bien de quels incidents il s'est agi. Maintenant on cherche à

26 utiliser cela comme la preuve de l'importance de son intention. C'est ça

27 qu'on nous montre comme une preuve des caractéristiques de son mens rea.

28 Mais c'est tout à l'opposé. En fait, c'est l'inverse qui est vrai. Il y a

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1 d'un côté de la bonne volonté, par exemple, hier il a été dit que Karadzic

2 avait

3 dit : Très bien, nous ne vous ferons pas le moindre mal, nous ne toucherons

4 pas au tunnel, et là encore, ce geste a été interprété comme signe de

5 malveillance de la part de la Republika Srpska. Enfin, nous y reviendrons

6 le cas échéant. En dépit de cet accord antisniper, les incidents se sont

7 poursuivis. Le Procureur évoque notamment un soldat français qui a été tué.

8 Il utilise ce fait comme la preuve que les incidents se sont poursuivis.

9 Je me dois maintenant de vous soumettre, par exemple, les propos d'un

10 témoin important qui a été entendu par cette Chambre. Il s'agit du témoin

11 Harland qui, en pages 399 à 400 du compte rendu d'audience, a dit que :

12 "Les représentants des Nations Unies avaient remarqué que les

13 combattants de l'ABiH tiraient sur la population habitant le territoire

14 contrôlé par elle," et arrivent maintenant les mots qui m'intéressent, "et

15 c'est notamment en raison de cela, parce que ceci avait pour but de créer

16 la panique, que les éléments internationaux ont protesté auprès des

17 autorités bosniaques."

18 Si vous gardez à l'esprit le fait que tout ce que le RSK a fait était

19 destiné à répandre la panique - n'oublions pas tout ce qui a déjà été dit

20 ici - vous avez maintenant un élément de preuve incontestable qui montre

21 que les représentants des Nations Unies affirment que les soldats de l'ABiH

22 tiraient eux-mêmes sur leur propre population afin de créer la panique.

23 Enfin, en page 395, les lignes 18 à 24 du compte rendu d'audience, ce même

24 témoin déclare que les soldats de l'ABiH ont fait plus que tirer, je crois

25 qu'il a dit, si je me souviens bien, que l'ABiH avait des tireurs d'élite

26 qui étaient pratiquement l'équivalent de tireurs embusqués.

27 Dans le mémoire du Procureur, nous lisons que c'est un soldat français qui

28 a été tué et que la mort de ce soldat français était une violation de

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1 l'accord anti-tireurs embusqués. Mais je vais vous donner lecture d'une

2 lettre qui me vient de personne d'autre qu'Alija Izetbegovic, document D66,

3 il écrit à l'un des commandants sous ses ordres en disant qu'il revient de

4 l'ambassade de France et qu'il a eu la surprise désagréable d'entendre

5 qu'il existait des preuves montrant que sur 24 soldats tués, 24 soldats des

6 Nations Unies, ou en tout cas représentants des Nations Unies tués, sans

7 compter les victimes du mont Igman, un pourcentage important avait été tué

8 par l'ABiH.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Est-ce que vous pouvez répéter le

10 pourcentage.

11 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vais lire encore une fois ce qu'a écrit

12 Alija Izetbegovic. Il écrit que l'ambassadeur de France lui a déclaré que

13 plus de la moitié des 24 personnes tuées ont été tuées par l'ABiH. Ceci se

14 trouve dans le document D66, qui a été versé au dossier il y a déjà

15 longtemps. Dans l'acte d'accusation, il est également affirmé que les

16 soldats du Corps de Sarajevo-Romanija - et ceci est très important lorsque

17 les Juges auront à se prononcer sur la question des tireurs embusqués -

18 donc les soldats du Corps de Sarajevo-Romanija auraient utilisé des tireurs

19 embusqués pour tirer sur les tramways. Il existe des éléments de preuve

20 irréfutables montrant que ces actes ont été le fait de soldats de l'armée

21 de la Republika Srpska, c'est ce qui est dit dans l'acte d'accusation, mais

22 dans la pièce D67 de la Défense, page 17, il s'agit d'un rapport dont

23 l'auteur est un policier de Bosnie-Herzégovine, rapport établit le 28

24 octobre -- le 26 octobre 1994, au sujet d'un événement survenu le 25. Tout

25 cela est donc très important.

26 L'auteur de ce rapport affirme que le 26 octobre 1994, il a été

27 envoyé aux fins d'observer le travail de la commission de la FORPRONU

28 chargée d'établir, à l'issue d'une enquête sur les lieux, quelle était la

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1 direction du tir qui a touché le tramway. Et dans le texte, l'auteur de ce

2 rapport s'explique en disant, je cite : "De ce côté du tramway, il était

3 possible de constater de façon très claire les dégâts subis par le tramway,

4 dégâts causés par des balles tirées par des armes d'infanterie. Les impacts

5 de ces tirs ont été examinés par le représentant de la FORPRONU qui avait

6 passé des barres de métal rondes à l'intérieur de ces impacts de balles et

7 a dit quelque chose aux personnes qui l'entouraient en français. Le

8 policier était accompagné de son interprète et a déclaré que les autres

9 membres de l'équipe n'ont rien fait et n'ont rien dit. Lorsqu'une question

10 a été posée, l'interprète m'a dit" - lit-on dans le texte - "que l'officier

11 a déclaré que les tirs provenaient de la partie musulmane de la ville, du

12 côté du bâtiment de couleur blanche qui se trouvait dans la rue Sibenska et

13 du côté du bar Bel Ami qu'abritait ce bâtiment." L'interprète a même ajouté

14 que l'officier était en mesure d'établir à partir de quelle fenêtre les

15 balles avaient été tirées. Vous avez un grand nombre d'incidents qui

16 impliquent des tireurs embusqués tirant sur des tramways. Si j'ai le temps

17 je traiterai de tous ces incidents. Mais des exemples de crimes ont été

18 évoqués devant cette Chambre, notamment un incident caractérisé par

19 l'explosion d'une bombe à fragmentation qui figure dans les annexes à

20 l'acte d'accusation et qui a un lien direct avec les tireurs embusqués qui

21 étaient censés viser leurs cibles directement s'ils voulaient les tuer.

22 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, heureusement, je suis parvenu à

23 me procurer des documents tout à fait irréfutables, donc ce ne sont pas des

24 choses que j'invente. Je peux vous dire qu'il y a eu plus de 50 témoins qui

25 ont été entendus et cités à la barre par la Défense. Je parlerai

26 précisément du témoignage des témoins de l'Accusation et des documents que

27 j'ai sous les yeux. Les temps ont changé. Nous avons pu récemment nous

28 adresser aux archives de l'ABiH. C'est peut-être une erreur de la part de

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1 ces archives, mais en tout cas les documents nous ont été fournis, et j'ai

2 pu constater que les soldats de l'ABiH tiraient effectivement à l'époque

3 sur leur propre population. Vous savez fort bien que toutes les victimes

4 dont il a été question durant les débats, victimes dans le secteur de

5 Sarajevo ont été présentées comme des victimes de tireurs embusqués qui

6 auraient été des combattants du Corps de Sarajevo-Romanija.

7 Penchez-vous sur le document D48, signé par un colonel, son prénom et son

8 nom de famille ne sont pas les points les plus importants. Ce colonel

9 déclare, je cite : "Hier, 14 octobre 1994, l'un de nos soldats" - là, c'est

10 cela qu'il faut déterminer, mais admettons qu'il s'agissait d'un soldat -

11 "a essayé de passer de l'autre côté dans le quartier de Grbavica. Nos

12 soldats ont ouvert le feu et l'ont probablement blessé."

13 Donc, toute tentative de passer d'un côté à l'autre de la ville était punie

14 par la mort. Il n'y a pas la moindre preuve qui existe et vous ne

15 parviendrez pas à trouver la moindre preuve démontrant qu'un déserteur

16 aurait été tué par les hommes situés du côté serbe alors qu'il essayait de

17 passer de l'autre côté. Il y avait un pont. Ce pont était ouvert. C'était

18 le pont de l'Unité et de la Fraternité qui a disparu depuis. Mais toute

19 personne souhaitant passer de l'autre côté de la ville était dans

20 l'obligation de franchir ce pont. Lorsque les gens essayaient de franchir

21 ce pont, ils étaient pris pour cible par des tirs, comme cela a été le cas

22 de l'homme que je viens d'évoquer, qui est mentionné dans ce document, et

23 ce n'est pas le seul document de ce genre qui existe. Je me dois de vous

24 montrer la pièce D216, dans laquelle on voit qu'un soldat se vante du fait

25 qu'à partir d'une tour qui portait le nom de Palma située sur l'autre rive

26 de la Miljacka - je n'invente rien, je vous donne simplement des exemples

27 que je tire de la lecture de documents - il s'est rendu compte que

28 quelqu'un essayait de passer de l'autre côté de la ville pour déserter et

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1 il a vu que le tir a été ouvert sur cet homme. Et vous pouvez lire le reste

2 en consultant le document.

3 Le 3 novembre, des tirs ont été essuyés par l'entourage de M. Silajdzic,

4 document 147, et on affirme ici que ceci a été une action commise par les

5 Serbes, mais ce qui est important dans le document 205, c'est qu'on y lit

6 que des tirs ont visé une femme âgée qui essayait de passer de l'autre côté

7 de la ville et que cette femme âgée a été tuée, selon ce qu'on peut lire

8 dans ce rapport, et après quoi son cadavre a été ramené à son point de

9 départ. Ça c'est le document D205. C'est exactement littéralement ce qu'on

10 peut lire dans ce document, des balles ont été tirées à partir de camions,

11 sur une tour située sur l'autre rive de la Miljacka, sous le contrôle de

12 l'ABiH. C'est un document qui se passe de commentaires. Enfin, j'ai le

13 document 149, signé par Vahid Karavelic, qui déclare que dans les premières

14 heures de la soirée, des armes d'infanterie ont été utilisées pour empêcher

15 une personne de déserter en se rendant à Grbavica. Je suppose que je n'ai

16 pas besoin de m'expliquer plus en détail sur le sens de tous ces documents.

17 Ils constituent des éléments de preuve irréfutables qui montrent qui tirait

18 effectivement par des tirs directs sur les civils. J'ai des dizaines de

19 documents qui démontrent le même fait, à savoir que des tireurs embusqués

20 tiraient nuit et jour, ils avaient le devoir de tirer sans la moindre

21 interruption, 24 heures sur 24.

22 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je vais maintenant revenir à un

23 point que j'ai déjà évoqué il y a quelques instants, je ne voudrais en

24 aucun cas blesser qui que ce soit ici, mais il est vraiment de mon devoir

25 de soumettre à la Chambre trois extraits vidéo très courts, trois petites

26 séquences qui au total ne durent pas plus longtemps que trois minutes. Je

27 pense que le moment est venu de diffuser ces images, car elles ont un lien

28 avec ce que je viens de dire, à savoir qu'une tactique était régulièrement

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1 utilisée dans la période qui nous intéresse, tactique qui consistait pour

2 une partie à commettre des crimes contre sa propre population pour ensuite,

3 présenter ces crimes comme ayant été commis par la partie adverse. Je crois

4 me rappeler que nous avons entendu ici un témoin, un journaliste, M. Bell,

5 qui a dit que dans toute cette affaire personne n'était innocent, mais que

6 sur le front de Sarajevo la seule partie qui se voyait reprocher certains

7 faits était la partie serbe. Même s'il est très pénible de regarder ces

8 images, voilà les images qui ont été montrées au monde entier pour

9 symboliser les crimes commis par une seule partie belligérante. Dans cette

10 guerre de télévision, comme l'a appelé Mohatarem, on sait bien qui l'a

11 emporté, mais il faut que les choses soient replacées et remises à leur

12 place, et je pense que le meilleur endroit pour le faire, c'est le

13 Tribunal.

14 Bien que tout cela se soit passé il y a 12 ans et qu'un jugement a

15 été prononcé dans un délai ne dépassant pas 24 heures, j'aimerais que les

16 Juges de cette Chambre aient sous les yeux cet élément de preuve

17 irréfutable qui montre ce qui s'est réellement passé le 28 août 1995. Car

18 ce n'est pas la même chose si l'on parle d'un incident qui a causé la mort

19 d'un homme tué par une balle sortant d'un fusil ordinaire ou si la balle

20 sort d'un fusil qui tire sur un homme en train de déserter pour passer de

21 l'autre côté. Ces trois séquences vidéo très brèves, Monsieur le Président,

22 Messieurs les Juges, ont un rapport avec le pilonnage de Markale en 1995,

23 ces images ont été montrées par la télévision le 28 juin 1995, et elles

24 établissent au-delà de tout doute raisonnable ce qu'il en est réellement,

25 car cela n'a pas encore été établi. Je pense que la réalité c'est

26 l'inverse. En tout cas, il est tout à fait certain qu'il a été établi au-

27 delà de tout doute raisonnable que ces actes étaient bien les actes de

28 l'ABiH.

Page 9511

1 Visionnons ces trois séquences vidéo qui montrent quelle était cette

2 tactique couramment utilisée à l'époque -- je reviendrai à l'analyse de

3 cette tactique dans le détail un peu plus loin dans mon exposé.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vois que M. Waespi est debout.

5 M. WAESPI : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait avoir les cotes de ces

6 séquences vidéo ?

7 [Le conseil de la Défense se concerte]

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] P620, D21 et P623. Encore une fois avant

9 la diffusion de ces images, je rappelle que ces images ont été vues par le

10 monde entier, et que c'est sur la base de ces images que de façon très

11 justifiée d'ailleurs le monde entier a réagi comme il l'a fait. Ce sont des

12 images très pénibles pour quiconque doit les regarder, mais il est

13 indispensable qu'elles soient diffusées ici, Monsieur le Président,

14 Messieurs les Juges, car la Chambre est appelée à juger de la réalité des

15 faits. Je voudrais donc consacrer quelques instants en diffusant ces images

16 après quoi, je reviendrai sur ces éléments de preuve et commenterai ces

17 séquences vidéo.

18 M. LE JUGE MINDUA : Maître Tapuskovic, maintenant que nous attendons les

19 images vidéo, je voudrais revenir un peu sur ce que vous avez dit il y a

20 quelques instants au sujet de certains témoins qui devaient provenir de

21 l'ABiH, comme Ajdadzic qui aurait pu dire que depuis 1992, des tranchées se

22 creusaient déjà mais que vous n'avez pas pu faire venir. Pouvez-vous juste

23 me rappeler pourquoi vos témoins ne sont pas venus, ces témoins qui vous

24 auriez voulu présenter.

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je suis très heureux que

26 vous m'ayez posé cette question. En effet, nous pensions à cela comme étant

27 un point central dans les derniers moments durant lesquels se préparait ce

28 procès. Deux témoins, appartenant au niveau hiérarchique les plus élevés de

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1 l'ABiH, seulement ont été entendus par la Chambre, et je veux bien vous

2 dire très franchement que j'espérais que ces témoins seraient des témoins

3 de la Chambre, comme Hansen. Peut-être que je me trompe. Mais Rasim Delic,

4 commandant de l'ABiH; Prevljak, le commandant de la 12e Division est

5 concerné également, ainsi que l'homme qui a remplacé Karavelic dans les

6 derniers moments de la guerre, un homme qui, pendant les bombardements de

7 l'OTAN, a pris le commandement du 1er Corps de l'ABiH, Ajdadzic.

8 Ces trois hommes, nous n'avons pas pu établir le moindre contact avec

9 eux. C'est ce qui est convenu d'appeler des témoins hostiles. Nous avons

10 fait quelques tentatives dans leur direction, mais avec Delic il s'est

11 passé ce qui s'est passé. Bien qu'étant au quartier pénitentiaire, il

12 aurait pu accepter de venir déposer pour répondre à deux ou trois questions

13 que j'avais à lui poser sur un document dont il était l'auteur. Mais

14 s'agissant ce qu'on entend en ce moment, à savoir cette stratégie de la

15 ruse, ceci a un rapport direct avec l'existence des collines autour de

16 Sarajevo, cette stratégie de la ruse et de la tromperie de leur part,

17 aujourd'hui on raconte que les Serbes étaient sur les hauteurs, qu'ils

18 surplombaient la ville à partir des collines entourant Sarajevo et qu'ils

19 tiraient à partir de ces collines, mais je pense que grâce aux documents

20 que j'ai réussi à obtenir, j'ai pu démontrer la réelle vérité à ce sujet.

21 Il aurait été préférable que ces éléments de preuve aient été versés au

22 dossier par le biais des témoins que je viens d'évoquer, mais ceci n'a pas

23 été à notre pouvoir.

24 M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup, merci.

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vais maintenant aborder ce point

26 fondamental qui est le point de départ pour les conseils de la Défense de

27 l'accusé. Je considère que ce n'est pas démontré cet aspect tout à fait

28 fondamental de l'acte criminel reproché à l'accusé, à savoir s'il n'est pas

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1 démontré que le territoire concerné était un territoire civil et que les

2 personnes concernées étaient des civils, car il faut absolument vérifier si

3 la population concernée était bien une population civile et si les éléments

4 de preuve qui ont été soumis à la Chambre par le bureau du Procureur

5 démontrent effectivement que la population en question était une population

6 civile. En effet, nous n'avons cessé d'entendre parler de 200 000 civils

7 durant le procès. Je n'ai pas un instant cessé de penser que le Procureur

8 serait en mesure de démontrer sur quoi il s'appuyait pour parler de ces 200

9 000 civils, ce qui prouvait que ces personnes étaient des civils. Nous

10 n'avons rien obtenu de tel. M. Whiting dans son réquisitoire est revenu sur

11 des chiffres très importants en mentionnant la présence à cet endroit de 78

12 000 soldats. Alors, quel qu'ait été le nombre des civils dans ce

13 territoire, qu'il soit de 250 000 ou que le chiffre soit différent, il n'en

14 reste pas moins qu'il y avait 40 000 Serbes qui se trouvaient là. Et si

15 j'ai le temps, je reviendrai plus en détail sur ce sujet, les 40 000 Serbes

16 qui se trouvaient là étaient des otages et sont présentés comme des otages

17 aux mains des Serbes. Alors si j'ai le temps, je reviendrai plus en détail

18 sur cette question et je vous montrerai qui étaient effectivement ces

19 otages.

20 [Le conseil de la Défense se concerte]

21 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Ma consoeur me fait une observation tout à

22 fait justifiée -- mais je ne voudrais pas perdre de temps. Je parlerai de

23 la réalité s'agissant de déterminer qui était l'otage de qui. Ce qui est

24 tout à fait important, c'est de s'imaginer ces personnes qui se trouvaient

25 tout en haut des collines et qui avaient en bas des amis, des membres de

26 leur famille, peut-être un frère ou une sœur, que sais-je ? Est-ce que vous

27 pensez qu'il leur était facile de tirer à partir des collines ? Est-ce que

28 vous pensez qu'ils l'ont fait autrement qu'en y étant contraints ? Je parle

Page 9514

1 de la période visée à l'acte d'accusation contre le général Milosevic.

2 Voyons d'un peu plus près ces collines et penchons-nous sur le chef

3 d'accusation numéro 7. Je vous demande un instant.

4 [Le conseil de la Défense se concerte]

5 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous présente mes excuses, Monsieur le

6 Président. J'ai tout de même un certain âge. J'avais l'acte d'accusation,

7 il y a un instant. Toutes mes excuses, je vous prie, Monsieur le Président.

8 Mais je tiens absolument à être précis. Vous savez qu'il a été question du

9 chef d'accusation numéro 7 à plusieurs reprises durant le procès. Je donne

10 lecture du contenu de ce chef d'accusation, il est d'abord indiqué : "Le 7

11 avril 1992, il y a eu déplacement et séparation des lignes de

12 confrontation." Je pense que durant le procès, il a été indiqué que ces

13 lignes avaient été créées en 1992, mais ce qui importe c'est ce qui suit.

14 Dans l'acte d'accusation nous lisons : "Une fois que la ville a été

15 assiégée et qu'elle a été l'objet de bombardements incessants et d'attaques

16 de tireurs embusqués incessantes, le gros de ces bombardements et de ces

17 tirs embusqués provenaient des positions qui se trouvaient sur les collines

18 entourant et surplombant Sarajevo à partir desquelles les agresseurs

19 avaient une vue tout à fait dégagée jusqu'au moindre détail sur la ville et

20 sa population civile."

21 C'est convaincu de cela que tous les témoins que vous avez entendus

22 sont venus ici, y compris le général Rupert Smith, y compris Mohatarem,

23 Butt, y compris Demurenko, l'un des témoins de la Défense, qui ont tous

24 parlé en allant dans ce sens au début. Mais lorsque je leur ai posé des

25 questions, je donnerai l'exemple du témoin Butt par exemple, à qui j'ai

26 demandé où se trouvait ses positions, il a dit : "J'étais positionné sur

27 Mali Hum." Et lorsque j'ai posé d'autres questions, il a dit très

28 clairement qu'il se trouvait sur Valiki Hum [phon]. Il a confirmé qu'il

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1 s'agissait de membres de l'ABiH. Lorsque j'ai interrogé Knustad - je crois

2 que c'est moi qui l'ai interrogé - il se trouvait à Colina Kapa, qui se

3 trouve à peine à 50 mètres plus bas que les positions tenues par l'ABiH,

4 bien que ce soit un lieu situé sur une colline, la colline de Trebevic,

5 cette position se trouve également non loin des positions de la Republika

6 Srpska, là où il y avait des tranchées. Il n'y a aucun doute non plus que

7 la colline Debelo Brdo a été prise par l'ABiH, sans même parler de Mojmilo.

8 Tout cela a été établi par le truchement des dépositions de témoins

9 représentants internationaux.

10 J'aimerais revenir sur un document en particulier. Seuls deux témoins

11 étaient des soldats de l'ABiH. J'ai ici un document, la pièce D110 qui a

12 été versée au dossier par le truchement du témoin Hadzic, il s'agit d'un

13 ordre. J'ai ce document sous les yeux. C'est un document qui provient du

14 chef d'état-major, le colonel Rizvo Pleh. Il ordonne que s'agissant de

15 toutes les positions d'une importance vitale, comme Grdonj, Borije, Colina

16 Kapa, Debelo Brdo, Mojmilo, Adzici, toutes ces positions doivent disposer

17 de transmissions câblées avec les deux parties. C'est un document qui

18 démontre de façon irréfutable que toutes les collines étaient en fait

19 tenues par l'ABiH. Cette autre, Spicasta Stijena, qui durant le procès

20 s'est vue qualifiée en des termes très désavantageux pour l'accusé,

21 puisqu'un témoin a décrit ce lieu-dit comme étant à l'image d'un point. Ce

22 témoin a dit : "N'importe quelle personne qui monterait jusqu'au point

23 culminant de ce pic serait en train d'essayer de se suicider." Ce qui

24 montrait bien qu'il était absolument impossible de tirer à partir du sommet

25 très pointu de Spicasta Stijena.

26 Quoi qu'il en soit, lorsqu'on lit ce document, on peut dire que

27 l'armée de la Republika Srpska avait peut-être une vision sur la ville qui

28 partait de plus haut sur le mont Trebevic et à un endroit à Zlatiste, donc

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1 qu'elle pouvait voir toute la ville de Sarajevo, c'est-à-dire le quartier

2 tenu par la partie bosniaque ainsi que Grbavica, Nedzarici, et Dobrinja qui

3 étaient tenus par la partie serbe. L'ordre dont je suis en train de vous

4 parler, qui date du 20 mars 1995, démontre que des obusiers ont été

5 positionnés sur la colline de Hum, ainsi qu'un certain nombre de mortiers,

6 dont le nombre est cité dans le document, sur Mojmilo Brdo, sur Majevica --

7 je ne vais pas vous donner tous les chiffres indiqués dans ce document.

8 Prenons un autre document. Il y a le document 418, il y a le document 195,

9 qui tous indiquent comment étaient positionnées les armes lourdes sur la

10 colline de Mojmilo. Dans un de ces documents, une direction de tir est

11 définie comme étant le long de l'axe Z1, alors que dans un autre document

12 elle est définie autrement. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas seulement le

13 fait que c'est la l'ABiH qui tenait une partie des collines, mais c'est que

14 c'est bien l'ABiH qui possédait les armes les plus destructrices du haut de

15 ces collines, ce n'était pas l'armée de la Republika Srpska, l'ABiH

16 possédait les armes les plus puissantes sur ces collines.

17 Ce Tribunal -- ou plutôt le bureau du Procureur vous demande

18 simplement de prendre en compte une simple retranscription des faits

19 établis dans l'affaire Galic. Au paragraphe 576 de l'acte d'accusation,

20 nous lisons que, selon le Procureur, les armes les plus puissantes ainsi

21 que leurs munitions et la domination territoriale de l'armée de la

22 Republika Srpska doivent être un point central dans l'examen de la

23 responsabilité pénale de l'accusé durant la campagne menée contre les

24 civils de Sarajevo. Donc le bureau du Procureur parle d'un avantage

25 géographique et d'un avantage lié à la possession d'armes beaucoup plus

26 puissantes. La Défense a démontré qu'il n'y avait aucun avantage

27 géographique à l'époque, et certainement aucun avantage non plus du point

28 de vue des armements en possession de la l'armée de la Republika Srpska

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1 dans la période visée à l'acte d'accusation. Nous avons démontré ceci, non

2 seulement en nous fondant sur la déposition d'un témoin de la Défense en

3 particulier, mais également d'un certain nombre de témoins internationaux.

4 Je regrette de ne pas avoir pu entendre le général Van Lynden qui a

5 été entendu dans l'affaire Galic, mais qui n'a pas accepté de venir

6 témoigner en l'espèce. Mais il n'en reste pas moins que c'est sur la base

7 de sa déposition que le Chambre de première instance a tiré des conclusions

8 très importantes dans l'affaire Galic. Cet homme déclare qu'en raison de la

9 structure du terrain, parce que Sarajevo est une ville toute en longueur

10 qui s'étire sur les rives de la Miljacka, et parce que les Bosno-Serbes

11 tenaient toutes les hauteurs, il était possible de balayer de la carte des

12 rues entières de Novo Sarajevo et du centre de la ville. Ce témoin était un

13 témoin-clé pour l'Accusation dans l'affaire Galic; mais il n'a pas accepté

14 de venir témoigner devant vous.

15 Dans le livre dont Rasim Delic est l'auteur, nous lisons que le 15

16 janvier 1995, après la réunion avec Dudakovic et Van Lynden, ce dernier

17 s'était dit réticent par rapport à la nécessité de rendre compte du

18 positionnement des différents groupes durant les combats.

19 Van Lynden et sa déposition ont servi de base à toutes sortes de

20 conclusions tirées par la Chambre qui a jugé Galic.

21 Au paragraphe 144, qui est considéré comme un fait jugé, nous lisons

22 que les forces du RSK ont utilisé leur avantage géographique et leur

23 avantage topographique. Cet élément de preuve démontre en fait que c'est

24 l'ABiH qui avait l'avantage en raison de la configuration du terrain et de

25 son positionnement sur les hauteurs. Ceci est démontré également dans un

26 autre paragraphe, le paragraphe 146, qui s'appuie sur la déposition de Van

27 Lynden.

28 S'agissant maintenant de la qualité des armements possédés par les

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1 uns et les autres dans la période pertinente, la période visée à l'acte

2 d'accusation, je crois pouvoir être très concis s'agissant des armes qui

3 étaient en possession de l'armée de la Republika Srpska. Une zone

4 d'exclusion a été créée le 7 février 1994, c'est d'ailleurs à porter au

5 crédit de Dragomir Milosevic. Certains affirment qu'en tant que numéro deux

6 de l'armée de la Republika Srpska, le chef du Corps de Sarajevo-Romanija,

7 il aurait pu faire plus. Nous avons le document P802 qui fait cette

8 affirmation, et on la retrouve dans le mémoire en clôture de l'Accusation

9 en page 132, paragraphe 484. Le Procureur affirme que la pièce P802

10 démontre que cinq jours après la conclusion de l'accord sur la zone

11 d'exclusion, l'accusé aurait proposé de reprendre l'usage des armes

12 lourdes. La phrase prononcée ressemblait un peu à cela, et il est possible

13 qu'il ait fait cette proposition alors qu'il n'était pas encore au

14 commandement, auquel cas il serait inacceptable de le tenir responsable des

15 propos qui lui sont prêtés dans l'acte d'accusation. Ce n'était qu'une

16 proposition, qui d'ailleurs était peut-être compréhensible à l'époque où

17 elle a été faite. On était en hiver et il y a des pièces d'armement qui

18 sont tout simplement impossible à déplacer pendant l'hiver. Tout cela se

19 passait sous le contrôle de la FORPRONU, et finalement la FORPRONU a été

20 satisfaite des actions entreprises.

21 Penchons-nous sur un autre document, la pièce D303, qui traite

22 également des armes lourdes. Ce document date du 1er janvier 1995. Or, les

23 faits reprochés à Dragomir Milosevic concernent la journée du 10 février

24 1994. Ce document, qui date je le rappelle du 1er janvier 1995, que dit-il ?

25 Il dit qu'immédiatement après la signature de l'accord de cessez-le-feu,

26 qui était censé durer jusqu'au mois d'avril, et je lis le document de Rasim

27 Delic qui déclare que s'agissant des armes lourdes et de la zone

28 d'exclusion - je me contenterai de vous soumettre les faits les plus

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1 importants - il importait de ne pas accélérer indûment le processus et de

2 ne pas placer les armes lourdes sous le contrôle de la FORPRONU. Rasim

3 Delic écrit ceci le 1er janvier 1995, alors que les armes lourdes auraient

4 déjà du être retirées de la zone en 1994, et plus précisément à la date du

5 7 février.

6 Donc des actes sont reprochés à Dragomir Milosevic en contradiction

7 complète avec ce que je viens de vous indiquer, qu'on peut lire dans les

8 documents que je viens de citer. Nous avons un document de l'ABiH qui est

9 très clair sur ce point, et qui démontre que cette dernière n'a jamais eu

10 la moindre intention de retirer les armes en sa possession. Au mois de mai,

11 c'est vrai, alors qu'il était tout à fait certain que l'ABiH s'apprêtait à

12 lancer son offensive, même si le Procureur dans son mémoire en clôture

13 déclare qu'à l'été 1995 Sarajevo était à genoux en raison des pressions

14 exercées par les forces dirigées par Dragomir Milosevic, je rappellerai que

15 nous n'avons pas entendu un seul témoin qui a nié le fait que l'offensive

16 de l'ABiH a débuté le 16 juin 1995.

17 S'agissant des armes lourdes, elles ont été retirées de la zone par les

18 deux parties belligérantes seulement après le début de l'offensive, et le

19 document sur lequel je me penche en ce moment, la pièce D12, démontre

20 précisément ce fait, à savoir que les deux parties ont violé l'accord sur

21 la zone d'exclusion, et que ceci a donné lieu à 1 500 explosions un jour

22 particulier, le mardi, et à 1 200 explosions, le mercredi. S'agissant des

23 combats qui ont eu lieu dans ce secteur peuplé par des civils, pour la

24 seule journée du 16 mai, et pour une autre journée celle du 25 mai, date à

25 laquelle l'armée de la Republika Srpska a été bombardée par l'OTAN, 1 000

26 obus de calibre 80, de calibre 120 et de calibre 60 ont été tirés durant

27 cette seule journée à partir de la partie de Sarajevo tenue par l'ABiH.

28 S'il est allégué ici qu'un obus serbe aurait tué 43 personnes du côté

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1 musulman de Bosnie, combien y a-t-il eu de Bosno-Serbes qui ont été tués

2 par un millier d'obus ? Je n'invente pas tout cela. C'est ce qui ressort de

3 la lecture des documents que la Défense s'est procurée dans les archives de

4 l'ABiH.

5 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, examinons maintenant ce

6 qu'il est advenu des armes lourdes de l'ABiH dans la période qui intéresse

7 l'acte d'accusation. Prenons la déposition du général Rupert Smith, page 3

8 359, lignes 16 à 17, où il déclare que l'ABiH n'était pas seulement plus

9 puissante numériquement, mais qu'elle disposait d'armes de meilleure

10 qualité. Rupert Smith a dit cela lorsqu'il a évalué le rapport de force en

11 parlant des frappes aériennes contre l'armée de la Republika Srpska. Page 3

12 358, lignes 12 et 13, il affirme qu'il savait que les hommes de l'ABiH,

13 ainsi que les équipements de cette armée, allaient et venaient en utilisant

14 le tunnel, et ce, en permanence. Un représentant international des Nations

15 Unies déclare, page 329 du compte rendu d'audience, que des armes

16 arrivaient jusqu'aux Musulmans de Bosnie grâce à l'appui qui leur était

17 fourni par la communauté musulmane un peu partout dans le monde. En page

18 416 du compte rendu d'audience, nous lisons que la partie musulmane de

19 Bosnie a reçu pendant toute la durée de la période qui nous intéresse de

20 très nombreuses armes, mais jamais des armes lourdes ou des chars, c'est ce

21 que le témoin a dit ici. Or, dans le document dont il est l'auteur, la

22 pièce P19, voilà ce qu'il affirme, à la date du 2 juillet, en rendant

23 compte à ses supérieurs.

24 "Comme l'offensive de l'ABiH a commencé deux semaines avant, le nombre

25 d'armes lourdes utilisées par l'ABiH, non loin des installations de la

26 FORPRONU, s'étaient considérablement accrues dans l'intervalle. Certains

27 représentants de la FORPRONU ont même vu dans ce fait un signe de

28 l'intention des Musulmans de Bosnie de provoquer une attaque antichar de la

Page 9521

1 part de la FORPRONU, qui se serait ainsi vue engagée dans le conflit contre

2 les Serbes."

3 Ce qui à nos yeux constitue l'élément le plus important, c'est que le

4 nombre d'armes lourdes qui étaient utilisées dans cette période, n'était

5 pas le plus important au voisinage immédiat des installations de la

6 FORPRONU, mais à d'autres endroits. Ce qui prouve que tout le secteur tenu

7 par l'ABiH à Sarajevo fourmillait d'armes lourdes. Harland ne le dit pas

8 qu'une seule fois, il le répète en page 378 et 379 du compte rendu

9 d'audience.

10 Ce témoin confirme que le tunnel a été utilisé en permanence pendant

11 toute la période visée à l'acte d'accusation, et que ce tunnel servait au

12 transport d'armes et de munitions. Un autre témoin, M. Mohatarem qui a

13 parlé de la guerre télévisée devant la Chambre, il a utilisé le mot de

14 "théâtre" en parlant de cette guerre médiatisée. En page 751 du compte

15 rendu d'audience, il déclare que les Serbes sont désormais en position de

16 faiblesse parce que l'ABiH est maintenant plus forte numériquement et

17 reçoit des armes de meilleure qualité. Tout cela se passait au moment de

18 l'offensive de l'ABiH. (expurgé)

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6 [Audience à huis clos partiel]

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19 (expurgé)

20 (expurgé)

21 (expurgé)

22 (expurgé)

23 (expurgé)

24 (expurgé)

25 (expurgé)

26 [Audience publique]

27 M. LE JUGE MINDUA : Excusez-moi de vous interrompre. Je crois que c'est la

28 dernière fois. Je vais faire des efforts pour ne plus intervenir.

Page 9523

1 De nombreux témoins sont passées par ici, les témoins du Procureur comme

2 les vôtres, mais évidemment, corrigez-moi si je me trompe, ces témoins ont

3 dit que l'ABiH avait plus d'hommes que la SRK, mais qu'en revanche, peut-

4 être à cause de l'héritage de la JNA, la SRK avait plus d'armes. Bon, mais

5 là vous avez évidemment parlé du témoin qui a déclaré qu'à la fin, il y a

6 eu certains pays musulmans qui ont contribué, de sorte que l'ABiH se

7 retrouvait en position de supériorité. Je ne sais pas si c'est sur base de

8 ça que vous dites que l'ABiH était plus outillée, avait plus d'armes que la

9 SRK ou bien, si c'est le fait que suite à l'accord du cantonnement des

10 armes lourdes et à cause de l'hiver, les troupes du général Milosevic

11 n'étaient pas en position sur le plan pratique de déplacer leurs armes, de

12 sorte que sur le terrain pratiquement elles se sont retrouvées, je veux

13 parler des troupes du général Milosevic, elles se sont retrouvées une

14 position d'infériorité sur le plan des armements. Je me résume. Je voulais

15 comprendre ce qui fait que, contrairement à ce que des témoins ont déclaré

16 que les troupes de l'accusé avaient plus d'armes, vous expliquez qu'en

17 réalité sur le plan pratique, elles n'avaient pas aussi d'armes que

18 certains ont dit. Alors, est-ce que j'ai bien compris ?

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Vous n'avez peut-être pas pris

20 connaissance des notes de bas de page dans notre mémoire, où nous faisons

21 état de nombreux éléments de preuve attestant que l'ABiH, pendant la

22 période visée à l'acte d'accusation, était beaucoup mieux pourvue en armes

23 que la VRS. J'ai indiqué l'existence de nombreux documents que j'ai cités

24 pour répondre aux allégations de l'Accusation. Le 7 février, pendant les

25 derniers jours de l'hiver, on a emmené les armes vers Nisici et Trnovo.

26 L'armée a laissé sur place certaines armes ici et là. Il est possible que

27 la FORPRONU ait vérifié la chose et conclu que les armements lourds avaient

28 été déplacés et que tout le reste était placé sous le contrôle de la

Page 9524

1 FORPRONU.

2 Je viens de vous montrer un document de l'ABiH vous montrant qu'ils

3 n'avaient pas procédé de la même façon en janvier 1995. Quand je dis que la

4 VRS était moins puissamment armée, je veux dire en premier lieu que les

5 armements ont été déplacés à 20 kilomètres de là. Alors, qu'en ce qui

6 concerne l'ABiH, elle a continué à s'armer et à se réarmer pendant toute

7 cette période. L'embargo ne s'est pas véritablement appliqué à elle. La

8 zone d'exclusion qui aurait dû entrer en vigueur en 1993, c'était une zone

9 où l'on voyait beaucoup d'armes. Il n'y a jamais eu interruption des

10 communications entre les combattants à Sarajevo et la Bosnie centrale. Ils

11 se servaient du tunnel. Beaucoup de témoins nous en ont parlé, ils nous ont

12 expliqué qu'on utilisait ce tunnel pour le réapprovisionnement, le

13 renforcement de l'ABiH. Vous m'avez interrompu au moment parfait. Je

14 souhaiterais que vous m'interrompiez plus souvent de cette manière. Car

15 votre interruption s'est révélée extrêmement utile. Si vous en avez terminé

16 de ce sujet, j'ai un autre document qui fournit des preuves irréfutables

17 sur ce point.

18 M. LE JUGE MINDUA : Merci beaucoup. Merci.

19 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Le moment est également absolument

20 parfait pour faire la pause.

21 --- L'audience est suspendue à 15 heures 58.

22 --- L'audience est reprise à 16 heures 23

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, vous avez la

24 parole.

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

26 Monsieur le Juge Mindua, je n'ai peut-être pas été suffisamment clair. Pour

27 l'essentiel, je cite les propos qui viennent d'autres personnes. Je

28 m'appuie sur des documents, donc j'ai cité ce que d'autres ont dit sur

Page 9525

1 l'armement. J'ai sous les yeux un document qui est très convaincant et qui

2 fournit des arguments très forts pour montrer comment s'est armée l'ABiH

3 pendant la guerre. Il s'agit de la pièce D305, il s'agit d'un

4 enregistrement d'une réunion de la présidence de la République de Bosnie-

5 Herzégovine qui a eu lieu en août 1995. Il y a eu un débat très important

6 entre le commandant suprême de l'ABiH et le chef du gouvernement, M.

7 Silajdzic. Pendant ce débat, on a démontré de manière irréfutable de quelle

8 manière s'est armée, pendant la période visée à l'acte d'accusation,

9 l'ABiH, et comment ceci s'est déroulé.

10 A titre d'exemple, dans un débat avec Silajdzic, Izetbegovic dit :

11 "Ne serait que pendant les 15 derniers jours, 26 avions pleins d'armes sont

12 arrivés, nous les avons faits venir." Qui les a fait venir ? L'un

13 quelconque parmi vous le sait-il ? Le peuple sait-il qui l'a fait ? Ce sont

14 des gens anonymes, complètement inconnus; 26 avions d'armements. L'homme

15 qui est arrivé s'était trouvé en Allemagne, le blessé a été absent pendant

16 deux ans. Il sait comment était l'armée en 1992, puis, il revient et dit,

17 mais on ne reconnaît plus l'armée, ça c'est une véritable armée, elle est

18 bien armée, bien instruite, bien entraînée. C'est ce que répète à plusieurs

19 reprises Alija. Puis il souligne : il est question de 26 avions qui sont

20 arrivés depuis quelques jours, s'il s'agit de 10 000 lance-roquettes

21 multiples, de 800 bombes aériennes, et cetera.

22 Et Siladzic prend la parole et dit que sa soeur qui est ambassadeur

23 de Bosnie-Herzégovine au Pakistan, qui a présenté sa démission, qu'elle

24 s'occupe des fournitures en armes à bord de navires, qu'un bateau venait

25 d'arriver récemment, qu'il a été arrêté par l'OTAN, puis il est question de

26 deux milliards de dollars fournis pour les armes et Silajdzic parle à son

27 tour des armes qu'on s'est procurés en Turquie, ça a posé des problèmes, et

28 il ajoute, les gens qui travaillent là-dessus me font confiance. Je sais à

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1 peu près qui sont ces gens et je les respecte. Tu ne sais pas qui sont ces

2 gens, je t'en parlerai. Des gens qui n'ont pas fermé l'œil de la nuit

3 pendant des jours et des jours en chargeant des navires dans des pays

4 étrangers. Et après, il est question de ces 26 avions.

5 Donc c'est quelque chose dont on parle lors d'une réunion de la

6 présidence, c'est la pièce D305. Le commandant suprême et le premier

7 ministre citent à qui le plus, des avions et des navires à bord desquels

8 arrivent des armes, et cela se chiffre par milliards de dollars, et Rasim

9 Delic parle de l'année 1993 quand il a assumé son poste à la tête de

10 l'armée, il dit que c'était une "para-armée" et maintenant il dit : "Je

11 suis en position de vous dire" - et cela se situe en été 1994, et la

12 réunion de la présidence a eu lieu en été 1995 - "l'année passée à partir

13 du mois de juin - donc 1994 - d'un point de vue stratégique, nous ne devons

14 plus nous contenter de nous défendre, c'est nous qui avons l'initiative."

15 C'est ce que dit le commandant de l'état-major général, Rasim Delic,

16 et il parle du mois de juin, peu après ce moment-là, mon client est devenu

17 commandant. Je ne parlerai pas du document 3536 [comme interprété], c'est

18 un document de l'armée de la Republika Srpska, nous pouvons même le prendre

19 avec quelque réserve, mais leurs estimations approximatives parlent de 270

20 000, à peu près, de militaires au sein de l'ABiH, et il est dit qu'ils ont

21 d'ores et déjà 120 chars. Je vais peut-être boucler ce sujet et je vais

22 dire qu'au moment où mon client se voit reprocher des faits, d'un point de

23 vue géographique et du point de vue des armes, il y a une situation que je

24 voudrais vous résumer. Je voudrais attirer votre attention là-dessus --

25 s'agissant de l'armée, vous savez que Dragomir Milosevic a hérité d'une

26 autre chose, à savoir les sanctions, en plus du blocus imposé par la

27 communauté internationale, qui ne s'est jamais appliqué à la partie

28 bosnienne. Maintenant la République fédérale de Yougoslavie a imposé des

Page 9527

1 sanctions. Donc à partir de ce moment-là, il n'y a plus une seule arme qui

2 serait parvenue ici, pas un seul soldat qui serait venu en renfort pour

3 accroître les effectifs.

4 Il est question de cela dans une pièce qui a été versée au dossier et qui

5 concerne un rapport où il est dit que le RSK avait 13 à 15 000 soldats au

6 moment de l'offensive. Les soldats étaient pour l'essentiel des réservistes

7 qui avaient été recrutés localement, c'était des gens qui vivaient à

8 Sarajevo avec leur famille comme c'était le cas dans l'ex-système militaire

9 yougoslave. Donc on cite les chiffres de 13 à 15 000. Au moment où tout

10 ceci a commencé, il y en avait 18 000 et au moment de l'offensive 15 000.

11 C'est un officier qui a occupé un poste très important qui a cité ce

12 chiffre. Où sont passés les 3 000 qui manquent ? Ils ont perdu leur vie

13 dans les opérations de combat qui ont duré plusieurs années. Comment ont-

14 ils perdu la vie ? C'est par la terreur ? Nous avons entendu les

15 témoignages de gens qui ont occupé ces positions.

16 Cette terreur dont a parlé notre consoeur de l'autre partie, qui a

17 parlé de cette peur instinctive, cette peur s'appliquait à tous, elle était

18 répandue de tous les côtés. Il y avait des gens qui se faisaient tuer,

19 qu'ils soient civils ou soldats ou militaires. Si quelqu'un avait pour

20 stratégie de terroriser, de tuer des civils, il serait impossible que de

21 son côté il perde plusieurs milliers de soldats alors qu'il est situé dans

22 les hauteurs de Sarajevo. Au mont Romanija, il y a une église, deux à trois

23 milles noms de victimes dans les rangs de l'armée ont déjà été gravés dans

24 les murs de cette église. Si j'en parle, ce n'est pas pour faire de

25 l'effet. Il est question de ce qui s'est passé sur ce territoire, à savoir

26 des conflits très importants, des opérations très importantes où tout cela

27 a eu lieu, et aucunement ne peut-on parler d'un secteur civil, ni de civils

28 en tant qu'uniques cibles -- des événements rapportés à l'acte

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1 d'accusation.

2 J'en parlerai de manière encore plus précise à la fin de mon

3 plaidoyer. S'agissant maintenant de l'ABiH, nous avons des documents

4 irréfutables, des documents écrits, qu'au mois d'août on connaît exactement

5 combien il y avait de soldats en août 1994, et d'après le document 390 quel

6 a été leur nombre juste avant le début de l'offensive, 67 à 68 000 au 1er

7 Corps. Si vous tenez compte des unités du 3e Corps, 34 000; du 4e Corps, 15

8 000; du 7e Corps, 32 000 ont pris part à l'opération, en plus des forces de

9 la police. J'ai des documents à l'appui. En tout, cela fait 140 à 150 000

10 hommes.

11 Monsieur le Juge Robinson, vous m'avez mis en garde un moment donné, vous

12 m'avez dit que je ne devrais pas me permettre de lancer des approximations,

13 mais j'ai des documents qui le prouvent. Il s'agit de 130 à 140 000 hommes

14 qui ont pris part à cette offensive en été 1995, et c'est la période pour

15 laquelle l'Accusation dit que Sarajevo s'est trouvée à genoux à ce moment-

16 là. J'ai beaucoup de documents. Je ne peux pas m'appesantir là-dessus

17 maintenant.

18 Par exemple, un témoin, le Témoin 140 pour ne pas me laisser prendre au

19 piège, 2117/17-25, page 18/1 à 3 également c'est le policier qui a été

20 chargé des enquêtes auquel je reviendrai. Tous les policiers de Sarajevo

21 étaient armés, et on sait que les forces de police faisaient partie

22 intégrante de l'ABiH. Le document D133 contient un point très important, à

23 savoir il ressort de ce document, même si c'est un document qui fait partie

24 d'un livre, mais on voit qu'il s'agit là d'une décision d'Alija Izetbegovic

25 :

26 "Toutes les unités de réserve du ministère de l'Intérieur de la

27 République de Bosnie-Herzégovine doivent être resubordonnées à l'état-major

28 général de l'ABiH pour procéder à des opérations de combat contre

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1 l'agresseur."

2 Donc avec ces 15 à 20 000 hommes au moment de cet offensive, c'était

3 environ 150 000 hommes qui ont pris part à l'offensive. Je pense que ceci

4 n'est pas contesté, un détail. Je pourrais peut-être ne pas le mentionner,

5 mais je vais quand même le faire. C'est quelque chose qui, sur le plan de

6 la protection de la vie, même si cela peut sembler hors de propos par

7 rapport à l'acte d'accusation, enfin un document -- le document de la

8 Défense 145. C'est là encore un rapport de service de sécurité où il est

9 dit que dans cette offensive d'été, un de ces corps, le 7e Corps, je pense,

10 comportera une unité de Moudjahidines également. Et on sait à son sujet que

11 les prisonniers de guerre n'existent pas à leurs yeux. Donc si quelqu'un de

12 ce genre prend part à une action contre vous, mais bien entendu que la

13 persévérance dans la défense doit être considérable. C'est un document que

14 je vous ai montré il y a longtemps, et il a certaine importance dans ce

15 contexte-là.

16 Cela étant dit, il est important de voir de quelle manière cette zone

17 d'opération a été étendue, et de quelle importance a été l'existence du

18 tunnel qui a eu une signification multiple et humanitaire, bien entendu,

19 mais avant tout quelque chose d'important sur le plan militaire. Ce tunnel

20 a annulé des choses qui avaient existé jusqu'à ce moment-là, et grâce à

21 l'existence du tunnel et des avantages géographiques de l'ABiH, on peut

22 véritablement parler de la position dominante de l'ABiH, avec une extension

23 énorme des zones d'opération. Voyons un instant ce qu'a dit David Harland,

24 374/12 jusqu'à 375. Il dit : L'existence du tunnel a permis au général

25 Delic de contrôler entièrement l'ABiH, dans la partie du Sarajevo qui était

26 sous son contrôle, une communication totale entre cette partie de Sarajevo

27 et les forces de l'ABiH en Bosnie centrale.

28 A partir de ce moment-là, la coopération est continue entre les

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1 unités déployées en Bosnie centrale et les unités qui agissent depuis la

2 zone de responsabilité qui se situe à l'intérieur de Sarajevo. A partir de

3 ce moment-là, sans aucun doute on ne peut plus parler de l'intérieur de

4 Sarajevo, car d'après ce qu'en a dit le témoin Hadzic, à Sarajevo même,

5 l'armée a été pour l'essentiel au repos. Elle utilisait le tunnel pour se

6 rendre à Nisici et à Trnovo pour y mener des opérations. Lui et Harland

7 confirment que les Musulmans ont utilisé le tunnel pour des besoins

8 militaires. Voilà ce qu'il dit : "Pour mener des attaques contre les Serbes

9 dans d'autres zones, et par la suite ils revenaient en ville. C'était là

10 l'une des raisons pour lesquelles on avait percé ce tunnel." C'est ce que

11 dit le témoin Harland, pages 378 à 379. Et Muhammed Mohatarem, T-44,

12 confirme que le tunnel a été utilisé pour que des soldats de l'ABiH

13 puissent entrer et sortir afin de mener des opérations au mont Igman, et

14 donc que le tunnel pouvait constituer une cible militaire légitime. Pages

15 743 à 744.

16 Rupert Smith confirme que les forces qui sortaient en empruntant le tunnel

17 et qui revenaient étaient une cible militaire.

18 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu la page.

19 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Page 351. Et il dit que l'on sait que

20 l'ABiH a utilisé ce tunnel, mais qu'il ne savait pas dans quelle direction

21 elle partait, 3 371/12-14.

22 Puis vous avez les documents D52 et D152 et D304. Donc les unités se

23 préparaient à temps pour mener à bien des opérations à l'extérieur du

24 théâtre d'opérations de Sarajevo. Donc, elles s'y préparaient à

25 l'intérieur, et sur la base de ce document, nous avons pu constater un fait

26 très important, à savoir il y a eu cette position dominante du point de vue

27 de l'armement, du point de vue déploiement, et aussi du point de vue des

28 effectifs qui a toujours été là, ils avaient aussi cette facilité

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1 d'utiliser le tunnel afin de mener à bien leurs opérations. Donc, tout ceci

2 a permis à l'ABiH de mettre sur pied une tactique. P492 est le document où

3 on lit clairement cette tactique. C'est un document de l'Accusation, et je

4 vais attirer votre attention uniquement sur des points qui ne sont

5 nullement contestés et qui découlent de ce qu'a dit à ce sujet le

6 commandant du 1er Corps de l'ABiH, Vahid Karavelic, qui a dit :

7 "C'est la raison pour laquelle en 1994 nous avons modifié notre

8 tactique et nous avons essayé de sortir une grande partie de nos effectifs

9 hors de la ville à l'extérieur de Sarajevo, nous voulions mener des combats

10 de manœuvre. Nous voulions avoir suffisamment de forces déployées là où

11 l'ennemi était plus faible."

12 Et il ajoute :

13 "Au début de l'année 1994, nous avons commencé à lancer une contre-

14 offensive, et une partie de nos forces ont été déployées à l'extérieur de

15 la ville, parce que nous avons conclu que l'on ne pouvait pas préserver la

16 ville. Nous avons en 1994 récupéré des territoires très importants que nous

17 avions personnellement perdus pendant l'offensive de l'armée de la VRS.

18 Nous avons essayé d'encercler une partie de la VRS, ses forces qui étaient

19 déployées à Sarajevo."

20 Donc on se demande qui s'est trouvé dans l'encerclement à l'époque de

21 mon client ? Qui a été encerclé là où il y avait ce tunnel qui a étendu la

22 zone d'opération ? Et compte tenu de tous les autres avantages, donc

23 géographiques, sur le plan des armes et sur le plan du reste, je pense que

24 là, il s'agit de quelque chose que vous prendrez certainement compte.

25 Un autre exemple. Karavelic a dit également, pages 4 142, 19-22 :

26 "Dans le cadre de ces tactiques, le tunnel a été utilisé uniquement à des

27 fins militaires, et pour approvisionner la ville en armes."

28 Voilà. C'est ce qu'il vous a dit aux Juges de cette Chambre. Il a

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1 parlé de cette nouvelle tactique, de cette modification de tactique à

2 Nisici, à Trnovo, à Grbavica, et ailleurs, suite à cette nouvelle tactique,

3 les gens n'avaient plus d'autres recours que de chercher à se sauver parce

4 qu'il n'y en avait plus que très peu.

5 Puis, il a été prouvé de manière irréfutable que les civils étaient

6 partout mélangés en militaires, et très brièvement je ne vais vous signaler

7 que les points les plus importants. Le témoin Nicolai, W-98, a confirmé en

8 expliquant sa déclaration préalable, que les tireurs isolés étaient parfois

9 des militaires et parfois des civils qui avaient une arme, et que tout

10 homme, tout garçon à Sarajevo étaient armés, et que les autorités

11 militaires étaient en mesure de contrôler leurs effectifs, mais qu'elles ne

12 pouvaient pas contrôler les civils qui étaient armés.

13 Il est plus important d'entendre la déclaration d'un observateur

14 étranger, à savoir de l'officer Eimers, pièce 585. En plus de ce qu'il a

15 répondu directement ici en disant que les civils ont été utilisés pour

16 lancer des actions, il a dit - je vais vous donner lecture de cela, c'est

17 son rapport. Je ne vais lire que quelques points : "A partir du moment où

18 on a identifié l'endroit où il se trouvait" - il pense aux mortiers - "soit

19 on arrivait trop tard, soit on avait pas l'autorisation de rentrer à

20 l'intérieur."

21 Ce qui est très important pour d'autre chose, il dit : "Jamais on a

22 ouvert deux fois le feu d'un seul et même endroit, donc à chaque fois qu'on

23 arrivait, c'était trop tard." C'est là ce qui est important au sujet de cet

24 événement particulièrement dur que les forces de la Republika Srpska avait

25 démenti, pendant toute l'année à une position qu'ils étaient en mesure

26 d'identifier la cible de manière fixe et qu'il suffisait d'appuyer sur la

27 gâchette pour toucher la cible en question à un an d'écart. Parce que c'est

28 totalement impossible, je suppose qu'il va falloir que vous vous penchiez

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1 là-dessus, et je vais en reparler plus tard. Mais voyons ce qu'il dit

2 d'autre : "Quand ils tiraient sur des entrées ou des sorties de tunnel" -

3 là il parle de la partie serbe - "là où il y avait des civils et des

4 militaires, jamais on ne pouvait savoir qui a ouvert le feu le premier.

5 Dans ce contexte, des débats portant sur les victimes civiles étaient

6 devenus de plus en plus difficiles. L'armée de Bosnie n'a rien entrepris

7 afin de protéger des civils dans le secteur du tunnel, et c'est cela qui

8 protégeait nos opérations. Ce qui était spécifique à ce tunnel, c'est qu'il

9 a été utilisé par des civils et des militaires."

10 Et après, dans la suite, il parle de Hrasnica, il dit que personne

11 n'a contrôlé les militaires. Il y avait des autorités civiles locales, mais

12 qui toutes devaient répondre devant le commandant de la brigade, or

13 l'Accusation affirme que Hrasnica était un secteur civil, et l'une des

14 preuves est la déclaration de la Défense Dukic, je ne connais pas la cote,

15 Dukic qui a dit que véritablement, en 1992, c'était un secteur civil, puis

16 il a été arrêté et jusqu'en janvier 1995, il est resté en prison.

17 Maintenant on nous dit que ce témoin est quelqu'un qui peut venir

18 corroborer le fait que Hrasnica était un secteur civil. Il continue : Sur

19 les positions de mortier, on ne ripostait pas par l'artillerie. Les deux

20 parties savaient se servir de mortiers. Après, il évoque des victimes, et

21 il dit, dans la suite :

22 "L'armée des Serbes de Bosnie, en tirant d'Ilidza, en se servant

23 d'artillerie antiaérienne ont touché des véhicules civils sur la route."

24 Mais il poursuit : "L'ABiH a utilisé des véhicules civils à des fins

25 logistiques le long de cette route, mais pour des besoins militaires et

26 civils. On ne pouvait pas savoir si à bord de ces véhicules il y avait des

27 militaires ou des civils. Il y avait des camions qui avaient montées à bord

28 des mitrailleuses et de armes antiaériennes lourdes." Et à la fin, il dit

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1 que des forces de l'ABiH ont coupé tous contacts avec eux en hiver

2 1994/1995, car il dit : "Au cours de l'hiver, l'armée de Bosnie a été

3 approvisionnée par les Américains. Nous les avons vus mener des missions de

4 reconnaissance partout à Sarajevo pour voir où ils allaient larguer

5 l'aide." Ça c'est l'officier Eimers, un témoin de l'Accusation qui a trouvé

6 un petit peu de temps pour venir déposer ici, et qui est venu d'un front

7 très lointain, quelque part en Asie.

8 Donc il y avait cette promiscuité, des civils et des militaires

9 étaient mélangés, ça montre qu'aucunement on ne peut qualifier ce secteur

10 de secteur civil. Vous avez Dervisa Selmanovic, un témoin qui était membre

11 des forces armées de Bosnie-Herzégovine, et on lui a recommandé de ne pas

12 porter d'uniforme quand il travaillait parce que c'était trop dangereux.

13 C'est page 603/9-11. Et vous savez ce qui est prévu à cet effet dans le

14 droit international.

15 Puis, Eimers dit autre chose devant vous. Page 4803/9-12. Il a dit

16 que les soldats étaient des citoyens ordinaires de jour, et qu'ils se

17 rendaient aux positions militaires de nuit à l'est, et à l'ouest du mont

18 Igman. Et que lorsqu'ils passaient de leurs maisons aux tranchées ils

19 n'étaient pas toujours en uniforme, donc qu'il était difficile de savoir

20 si, pendant ces déplacements, ils menaient des actions militaires ou non.

21 Je ne voudrais pas perdre trop de temps. Je ne voudrais pas trop citer

22 maintenant ce que nous ont relaté des témoins devant la carte 194, carte de

23 l'Accusation. Il s'agit du témoin Hadzic qui a expliqué un certain nombre

24 de choses, ou d'autres témoins. Je pense que c'est Eimers là encore, T-40

25 et T-62, M. Veljovic, ensuite Mohatarem qui a parlé de la profondeur du

26 front de deux kilomètres, et qui a expliqué que les cibles militaires

27 étaient tout ce qui se situait à une profondeur de deux kilomètres depuis

28 la ligne de démarcation, de séparation. Et comme il a une très grande

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1 expérience militaire, il a dit que le bâtiment de la présidence pouvait lui

2 aussi être une cible militaire.

3 Il a aussi le Témoin W-101 qui a déclaré que les états-majors des brigades

4 ou les QG des brigades se trouvaient dans des bâtiments ordinaires, c'est à

5 la page 1 061. Le Témoin W-42 nous dit qu'il pouvait y avoir des bâtiments

6 dans les zones résidentielles, qu'on pouvait considérer comme des

7 tranchées, page 1 862/12-18 ou 64/11. Le Témoin W-46 qui a parlé de

8 l'entrée du tunnel de côté de Butmir, nous a expliqué que cela se trouvait

9 dans une maison et que Dobrinja se trouvait au milieu d'immeubles

10 résidentiels.

11 Voilà telle que se présentait la situation, si on veut parler de

12 cette fameuse question du type de secteur dont il s'agissait. S'il n'a pas

13 été prouvé au-delà de tout doute raisonnable qu'il s'agissait d'un secteur

14 ou d'une zone civile, à ce moment-là, la Défense n'a pas d'autres options à

15 vous fournir. Ce n'est pas à nous de le faire. Je ne sais pas à quel point

16 vous allez vous pencher sur cette question, mais si vous concluez qu'il

17 s'agissait d'une zone civile, je suis convaincu sur la base de preuves

18 irréfutables, que ce n'était pas une zone civile. J'espère que j'aurai un

19 peu plus de temps pour développer ce point plus tard.

20 Non seulement les civils n'étaient pas la seule cible, mais ils

21 n'étaient absolument pas pris sur cible. Je vais illustrer mon propos au

22 moyen de certains exemples. Ce qui se passait, c'est qu'il y avait des

23 opérations de combat qui ont duré pendant toute la période visée à l'acte

24 d'accusation. Vous vous souviendrez que j'ai évoqué cette question après la

25 présentation des moyens à charge. Je suis intervenue dans le cadre de

26 l'article 98 bis du Règlement. Dans le cadre de mon intervention à ce

27 moment-là, j'ai parlé de cette campagne, j'ai donné un certain nombre

28 d'exemples pour illustrer mon propos. Je ne parlais pas spécifiquement des

Page 9536

1 opérations de combat, mais j'ai indiqué un problème qui saurait avoir une

2 importance décisive pour établir l'intention délictueuse de l'accusé. J'ai

3 dit à ce moment-là que pendant certaines périodes, on ne pouvait absolument

4 pas parler de campagne. J'ai évoqué la période d'août 1994 à avril ou mai

5 1995, par exemple. Il y avait certes des opérations au combat qui se sont

6 déroulées pendant cette période, mais on ne peut pas parler de campagne. La

7 situation avait empiré. Tout se serait terminé si certains n'avaient pas eu

8 certains plans et s'il n'y avait pas eu une offensive. J'aurai un certain

9 nombre de documents à vous montrer sur ce point.

10 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, certains au début de la

11 guerre avaient peut-être d'autres objectifs en tête, d'autres plans. Il y

12 avait beaucoup de gens qui avaient des objectifs, des desseins qui étaient

13 fort différents. Je ne veux pas entrer dans le détail parce que ce n'est

14 pas quelque chose qui m'intéresse au plus haut point, en tant que conseil

15 de la Défense dans ce prétoire. Ce qui m'importe, c'est ceux qui étaient

16 dans les tranchées et ce qu'ils faisaient. Vous savez pertinemment, et vous

17 avez entendu beaucoup de témoins nous l'expliquer, vous savez qu'avec le

18 déclenchement du conflit, on a vu plus d'une centaine de milliers de

19 personnes partir, et l'immense majorité de ces personnes c'était des

20 Serbes. Tous ceux qui avaient des appartements, des maisons à cet endroit

21 sont restés à Sarajevo et sont descendus dans les tranchées pour se battre.

22 Ceux qui étaient originaires de Sarajevo sont restés à Sarajevo et y ont

23 passé toute la guerre. Il n'y avait personne d'autre. Seuls les gens du cru

24 étaient restés sur place, y compris le général Dragomir Milosevic. En tout

25 état de cause, la population avait été décimée et on faisait tout ce qu'on

26 pouvait pour rester sur place. La situation était désespérée.

27 Maintenant, s'agissant des ordres de ceux qui étaient en mesure de

28 délivrer des ordres dans cette situation, il faut d'abord examiner le

Page 9537

1 rapport de M. Harland ou ce qu'il nous a expliqué quand il est venu ici.

2 C'est très caractéristique. A la page 385, lignes 14 à 23, il a déclaré

3 qu'après la trêve de février, la partie musulmane avait enfreint l'accord

4 de cessez-le-feu à 318 reprises. Il ajoutait également à la page 384, ligne

5 22, que les Serbes souhaitaient sincèrement voir une stabilisation de la

6 situation à Sarajevo. Ils ont interrompu leurs opérations, ils ont diminué

7 l'intensité de leurs opérations et des combats le long des lignes de

8 séparation, tout au long du mois de février 1994. Quels qu'étaient les

9 plans qui aient pu exister à une période, quelles qu'aient pu être les

10 raisons expliquant le maintien de ce que Mme Edgerton a qualifié de statu

11 quo, quoi qu'il en soit, pour l'une des parties en présence, cette

12 conviction sincère existait, non seulement parce que le territoire avait

13 été occupé et que la population musulmane en avait été chassée, mais les

14 Serbes aussi ont été chassés de Sarajevo.

15 Nous avons des documents qui montrent ce qui s'est passé au mois de

16 mai. Des gens ont été tués à Pofalici. On peut voir le nombre des gens qui

17 essayaient de fuir Sarajevo. Si bien que de la même manière, certains

18 Musulmans ont dû quitter le quartier où ils étaient en minorité. Ce sont

19 des choses qui se sont passées alors que les gens avaient vécu côte à côte

20 pendant des années en bonne entente. Il est totalement faux de dire que les

21 habitants de l'endroit avaient des plans particuliers. Même si ces plans

22 avaient existé au départ, à ce moment-là, plus personne n'avait envie de

23 chercher à les appliquer. Il y avait des négociations qui étaient en cours,

24 des négociations qui étaient censées permettre de trouver une solution

25 définitive.

26 Cependant, certaines parties en présence ont estimé que cela n'était

27 pas dans leur intérêt. La Défense va montrer qui est véritablement

28 responsable de la prorogation de l'accord au cours de ce mois d'avril. Nous

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1 avons des documents de la VRS, y compris le document 214, parmi d'autres,

2 un document d'avril 1995, où on peut lire que certaines mesures ne seraient

3 prises qu'en cas défensif. Document 141, un document qui est très éloquent

4 sur la question. Il est indiqué, je cite : "Nous avons des informations

5 relatives aux préparatifs par l'ennemi, qui prépare des actions contre le

6 corps. J'ordonne que l'on contrecarre ces préparatifs."

7 Tous ces documents vont dans le même sens, y compris le document 186.

8 On parle de Bascarsija, du quartier de Vrbanja. Il est dit que c'est

9 seulement sur ordre du commandant de la SRK que l'on peut lancer des

10 opérations. Dans ces documents on insiste que les opérations qui doivent

11 être exécutées, doivent avoir pour objectif de neutraliser les lignes

12 mitrailleuses, les positions de tir ainsi que d'autres positions qui

13 empêchent le déplacement de la population à Grbavica, Kasindol, et cetera.

14 Il y a également le document qui émane de Mladic en date du 31 mars 1995,

15 un document qui nous a été remis par l'Accusation, P337. Dans ce document-

16 ci, il est question de la défense du territoire, mais ce n'était qu'un

17 aspect des plans qui étaient ceux de l'armée de la Republika Srpska et qui

18 avaient pour objectif de stabiliser la situation avec une intention tout à

19 fait sincère, honnête, contrairement à ce qui se passait de l'autre côté.

20 Comme l'a déclaré David Harland, page 386, lignes 1 à 12, non seulement, on

21 a enregistré plus de 300 violations du cessez-le-feu par l'ABiH, mais dans

22 les mois qui ont suivi le mois de juin, on a compté encore plus de

23 violations, 196 au total. Il explique que les Musulmans ne souhaitaient pas

24 voir la situation se stabiliser et que le général Rose trouvait que c'était

25 extrêmement irritant.

26 Si on tient compte du nombre de violations du cessez-le-feu, on peut voir

27 que c'est très parlant, puisqu'à ce moment-là on décidait ou non de

28 poursuivre l'application du cessez-le-feu. Document D3 du 18 septembre,

Page 9539

1 c'est la date à laquelle on a vu se dérouler les premiers combats

2 véritablement de grande intensité. Izetbegovic, d'après Harland, a déclaré

3 qu'il voulait provoquer les Serbes pour qu'ils ouvrent le feu sur la ville.

4 C'est ce qu'ils ont fait avec réticence. Ce qui a donné à Izetbegovic une

5 position de force au cours des négociations avec les Etats-Unis. Il

6 s'agissait de la levée de l'embargo.

7 On a un autre document, le document P816. Un document où on trouve

8 les conclusions.Le général Rose accuse les Musulmans d'être responsables de

9 l'attaque leur enlevant le beau rôle aux yeux des médias occidentaux. Il

10 dit que si cela continue, ils vont être assez prudents de camoufler tout

11 cela.

12 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, vous parlez

13 maintenant depuis deux heures. Combien de temps avez-vous encore besoin. Je

14 ne suis pas enclin à vous accorder plus de temps que le temps dont s'est

15 servi l'Accusation, en occurrence 35 minutes de plus que prévu.

16 Monsieur Waespi, est-ce que vous souhaiterez vous-même intervenir de

17 nouveau ?

18 M. WAESPI : [interprétation] Oui, je souhaiterais faire un certain nombre

19 d'observations au sujet de l'intervention de la Défense, rien de grande

20 envergure, mais je souhaiterais pouvoir répondre.

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Ceci est prévu par le Règlement,

22 mais très franchement.

23 M. WAESPI : [aucune interprétation]

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je ne comprends pas très bien

25 pourquoi. Ce n'est pas moi qui suis à l'origine de cet article. Je peux

26 vous le dire. Selon moi, dans le système d'où je viens, on prononce son

27 réquisitoire pour la barre. Je ne trouve pas qu'il serait très approprié de

28 parler de réplique, cela se passe au moment de la présentation des moyens

Page 9540

1 de preuve, cela n'a pas sa place au moment des réquisitoires et des

2 plaidoiries. Bien entendu, si vous le souhaitez, je vous accorderai sept

3 minutes pour répondre.

4 M. WAESPI : [interprétation] Je vais y réfléchir. Merci, Monsieur le

5 Président.

6 [La Chambre de première instance se concerte]

7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne peux pas me

8 voir accorder un peu plus de temps ?

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous ai dit que j'étais prêt à

10 vous donner encore 34 minutes, comme cela vous aurez utilisé autant de

11 temps que l'Accusation.

12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est tout ?

13 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous auriez besoin de combien de

14 temps encore ?

15 M. TAPUSKOVIC : [aucune interprétation]

16 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Parce qu'à ce moment-là vous aurez

17 utilisé deux heures 34 minutes.

18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Bien, j'aimerais si on pouvait me

19 permettre de continuer jusqu'à 18 heures.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous donne jusqu'à 17 heures 50.

21 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vais essayer.

22 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Bon allez, 18 heures.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est vraiment pratiquement impossible

24 pour moi de citer les extraits pertinents de tous ces ordres comme il le

25 faudrait, mais je vais m'efforcer malgré tout de vous indiquer les passages

26 pertinents. Prenons par exemple, le 16 novembre, l'ABiH tire quatre obus de

27 mortiers à partir de la zone qui se trouve près du bâtiment de la

28 présidence. Explosions à Rajlovac, Sladino Brdo également. Le lendemain, on

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1 prend pour cible le transformateur et neuf projectiles atteignent une zone

2 civile contrôlée par la VRS. Voici quelles sont les opérations de combat en

3 question. Voilà, ce que le bureau du Procureur qualifie de zone civile et

4 qui n'aurait pas dû entraîner une riposte de la part de la VRS.

5 Document 157, on dit que "l'ABiH est devenue une formation armée

6 puissante."

7 Le 19 septembre 1994, au moment où le général Milosevic prend ses

8 fonctions, document signé Rasim Delic. Il y a bien d'autres mémos au sujet

9 de cette offensive, des documents qui émanent de Rasim Delic. 158, 391, on

10 parle de la poursuite de ces offensives qui se succèdent; document 378,

11 document 303 dans lequel on peut lire dans ce document, en date du 1er

12 janvier 1995 que si l'accord qui vient d'entrée en vigueur est respecté, il

13 faut utiliser le temps libéré pour entraîner les unités, le commandement et

14 transformer l'armée pour qu'elle puisse poursuivre les opérations de

15 combat.

16 Je pourrais vous fournir bien d'autres exemples semblables : D416, 6

17 janvier 1995, déjà à ce moment-là on peut lire : "Tous les commandements

18 doivent intensifier les préparations pour mener à bien des opérations

19 offensives et doivent être prêts à lancer des opérations offensives."

20 D194 : "Dans tous les secteurs de défense des bataillons, préparez

21 les positions aux fins d'ouvrir le feu à moyen d'armes antiaériennes et de

22 mitrailleuses." Il prévoyait de tirer au-dessus de leur propre population,

23 en mars 1995.

24 Ensuite, document D163 dans lequel Rasim Delic écrit à Alija Izetbegovic.

25 Il va falloir que je cesse d'évoquer tous ces documents. Enfin malgré tout,

26 ici, il est dit : "Conformément à votre demande et suite à la réunion de la

27 présidence, je vous propose la chose suivante : la prolongation du cessez-

28 le-feu et de la trêve n'est pas acceptable pour les raisons suivantes,"

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1 qu'il indique ensuite. "La démilitarisation de Sarajevo est totalement

2 exclue également." Ensuite, quelque chose de très caractéristique, une

3 question qui a fait l'objet de nombreux débats ici, il déclare à

4 Izetbegovic, je cite : "Nous devons continuer à affirmer que nous allons

5 nous défendre, mais que nous n'allons pas attaquer en premier (comme nous

6 l'avons toujours fait)."

7 Document P19, le rapport de Harland. C'est un document dans lequel on

8 peut lire, un document qui a été établi au moment où l'offensive s'était

9 interrompue :

10 "Les médias musulmans de Bosnie se sont targués de l'obtention de

11 nouveaux territoires libérés. Maintenant, ils parlent de la défense

12 héroïque menée par l'armée dans la ville."

13 Voici les tactiques dont Izetbegovic parle. Suit tout un jeu de

14 documents au sujet de l'offensive de juin 1995. Inutile de les énumérer,

15 mais cela commence par le document 392.

16 Il convient de mettre en évidence qu'en juin, c'est-à-dire même pas

17 un mois plus tard, le 8 juillet 1995, un nouvel ordre est donné aux fins de

18 lancer une offensive. Les attaques ne s'arrêtent pas, document 151. Clinton

19 est candidat à sa réélection. A ce moment-là, les Etats-Unis veulent une

20 trêve. A ce moment-là, Delic donne l'ordre d'activer les opérations de

21 combat sur tous les théâtres d'opération.

22 Autre ordre du 5 septembre, au moment où les frappes aériennes de

23 l'OTAN ont déjà commencé, D424, signé par le général Ajdadzic. Je cite :

24 "Nous sommes en contact avec le secteur de Sarajevo et le commandement de

25 la FORPRONU, afin de faire en sorte que toutes les conditions soient

26 remplies pour une action conjointe."

27 Je pourrais énumérer toute une kyrielle de documents en rapport avec

28 ces opérations de combat. Vous vous en souviendrez, vous m'avez permis de

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1 verser au dossier un grand nombre de documents portant sur ces opérations.

2 Le témoin Smith a confirmé que l'offensive de l'ABiH, qui avait été

3 préparée de longue date, avait été déclenchée. Quand vous lui avez demandé,

4 Monsieur le Juge Robinson, s'il se souvenait si l'ABiH avait ouvert le feu

5 pour entraîner une riposte de la part des Serbes, il vous a répondu qu'il

6 se souvenait de ce qui se passait. Il a expliqué qu'on était en "pleine

7 guerre à ce moment-là."

8 Est-ce qu'on peut véritablement continuer à parler de zone civile

9 alors que tous ces événements se déroulaient ? Ce témoin a également ajouté

10 que l'offensive se poursuivait sur toutes les lignes de front. Le témoin

11 Nikolai, quant à lui, a déclaré que la FORPRONU partait du principe que le

12 feu était ouvert de manière délibérée à proximité des positions de l'ONU

13 dans l'espoir que les Serbes ripostent. C'était quelque chose qui se

14 passait régulièrement. Il arrivait régulièrement qu'il y ait des tirs à

15 partir de positions de l'ABiH à proximité des positions de l'ONU. Pour ce

16 qui est des déplacements des mortiers, il a expliqué que l'objectif

17 recherché c'était CR 1047, les soldats ont le droit de se défendre quand

18 ils essuient des tirs. Le principe de la proportionnalité doit être

19 respecté s'il s'agit de neutraliser le point d'où l'ennemi tire. Compte

20 rendu d'audience 1054, lignes 4 à 7, il a déclaré que :

21 "Selon lui, le nombre de projectiles n'est pas le bon critère à

22 prendre en compte pour déterminer s'il y a eu proportionnalité ou pas. Le

23 critère à prendre en compte pour ce faire, c'est la précision des tirs sur

24 la cible. Tant que les projectiles prennent pour cible le point d'où le feu

25 a été ouvert par l'ennemi, à ce moment-là, la riposte est appropriée." Page

26 1057, lignes 17 à 20.

27 Il avait déjà beaucoup parlé des mortiers mobiles. Je n'ai pas le

28 temps de citer ce qu'a dit Konings, Knustad et d'autres. Ils ont parlé de

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1 ces opérations. Je peux cependant vous parler d'un autre document, le

2 document D219, qui nous montre qu'il existait des instructions pour mener à

3 bien des opérations de sabotage, une sorte de guerre de guérillas qui

4 avaient ses preuves pendant la Deuxième Guerre mondiale dans cette région.

5 Il s'agissait d'opérations de destruction et de retraits immédiats.

6 Beaucoup d'opérations de sabotage de ce type ont été exécutées et beaucoup

7 d'éléments de preuve en attestent. De nombreux éléments attestent qu'il y a

8 eu des opérations de combat à cette époque, au moment où l'offensive a

9 débuté. Comme par exemple le 16 juin, des milliers d'obus ont été tirés par

10 l'une des parties en présence et la riposte s'imposait. Je citerais encore

11 le document D118 dans lequel il est indiqué qu'à partir du 15 juin jusqu'au

12 3 juillet, toutes les armes que nous avons à notre disposition sont

13 utilisées. Dans la dernière phrase de ce document, on peut lire, je cite :

14 "Selon nos évaluations, le nombre de positions de combat ou non qui

15 ont été détruites est encore plus important, parce que nous avons ouvert le

16 feu alors que la visibilité était mauvaise la nuit, alors que l'observation

17 des cibles était rendue très difficile."

18 A ce sujet, je souhaiterais insister sur le document 519. Pourquoi ce

19 document est-il essentiel ? Non, non, c'est P519.

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître

22 Tapuskovic.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Celui-ci c'est difficile.

24 [La Chambre de première instance se concerte]

25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je n'en suis même pas arrivé au meurtre,

26 mais le voilà, il s'affiche, P519. Je cite un passage. Le capitaine Hansen

27 a informé les officiers de liaison de l'ABiH que les équipes d'observateurs

28 internationaux ont été envoyées vers le bâtiment de la télévision. Il a

Page 9545

1 également demandé à l'officier de liaison de l'ABiH de cesser le feu à

2 partir des rangs de l'ABiH, qui ne cessait de tirer sur le bâtiment des PTT

3 et le secteur environnant, avec une riposte sous forme de tirs en

4 provenance du bâtiment de la télévision de la main des Bosno-Serbes qui se

5 trouvaient dans ce secteur. Ceci a été demandé pour assurer la sécurité de

6 l'équipe des responsables médicaux, mais cela n'a pas été fait dans ce

7 document comme le dit le témoin officier de liaison, M. Knowles, qui parle

8 aux représentants de l'ABiH en leur demandant s'il pourrait y avoir un

9 cessez-le-feu d'une heure pour assurer la sécurité des responsables

10 médicaux et des membres de l'équipe chargée de l'enquête, l'officier de

11 liaison répond, mais de quels tirs parlez-vous ?

12 A l'époque, plus de 50 tirs d'artillerie d'enregistrés sur la façade

13 du bâtiment des PTT. "J'ai demandé une nouvelle fois à l'ABiH de cesser le

14 feu. Nous pouvions tous voir les tirs qui frappaient la façade du bâtiment

15 de la poste. Et la réponse à cette question est : 'Quels tirs' ? J'ai dit

16 que des tirs provenaient d'armes qui avaient été positionnées aux environs

17 du bâtiment de la poste. L'officier de liaison dit à ce moment-là que les

18 Bosno-Serbes vont sans doute cesser de tirer si l'ABiH annonce un cessez-

19 le-feu d'au moins une heure."

20 Pourquoi est-ce que je vous donne lecture de ce passage ? Parce que

21 c'est un affrontement qui se réalise à l'aide de pièces d'artillerie et qui

22 a lieu durant la journée du 28 juin, au moment où le bâtiment de la

23 télévision est touché. C'est le moment où l'officier de liaison est censé

24 faire du jogging dans les alentours, pendant que les tirs d'artillerie se

25 produisent, et c'est à ce moment-là qu'il est censé avoir vu la bombe

26 aérienne, dont deux officiers visés par cette bombe ont déclaré qu'elle

27 provenait de la partie du territoire tenue par l'ABiH. Alors, dans une

28 telle situation, je voudrais dire les mots qui suivent au sujet des otages.

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1 Qui était otage de qui ? La terreur et le terrorisme sont deux mots qui ont

2 été utilisés ici. J'ai, pour ma part, présenté le document 415. L'un des

3 témoins de la Défense, Sima Tusevljak, a confirmé ici devant vous, et il

4 s'agissait de choses qui avaient déjà été dites pour l'essentiel au

5 Tribunal de La Haye, mais qui ensuite ont été retirées. En tout cas, vous

6 avez ces éléments de preuve sous les yeux. Cela se passe pendant la guerre.

7 Ceci est incontestable. L'élément de preuve dont je parle démontre que

8 2 200 personnes ont été tuées, non pas battues, non pas tuées par balle,

9 mais égorgées. Et ceci est encore une raison supplémentaire pour expliquer

10 qu'une défense soit organisée à un moment où les Bosno-Serbes étaient

11 inférieurs, aussi bien numériquement que sur le plan des armes.

12 Bien, je vais ralentir. Le document que j'aimerais vous soumettre est

13 un document de la République de Bosnie-Herzégovine, des services de

14 Sécurité, document confidentiel. Voyons où est-ce que je vais commencer la

15 lecture. Il est question de crimes commis contre l'humanité et contre le

16 droit international, crimes visant des civils, crimes qualifiés de meurtres

17 qui ont provoqué des souffrances intenses et qui vont jusqu'à présenter

18 certains aspects assimilables au génocide. Alors voilà, c'est leur propre

19 rapport. C'est le rapport officiel où on lit que leur commandant déclare

20 que, sous ses yeux, les personnes évoquées dans ce document ont été tuées.

21 Ce sont des choses qui se passaient à Sarajevo dans la période visée à

22 l'acte d'accusation contre Dragomir Milosevic, et ceci vous montre que le

23 récit présenté par l'Accusation quant à qui était otage de qui est

24 totalement démenti. Il y avait des milliers de Serbes dans ce secteur, et

25 il n'était facile pour personne de tirer sur des représentants de sa propre

26 population ou de rester les bras croisés sans répliquer à des tirs visant

27 les représentants de sa propre population, étant donné ce qui était en

28 train de se passer. Alors, avançons et voyons simplement ce qu'ont dit les

Page 9547

1 gens qui étaient témoins oculaires au moment où ces personnes ont été

2 tuées.

3 Pour ne pas perdre de temps et me montrer le plus efficace possible,

4 j'aimerais que l'on diffuse trois séquences vidéo. Je vais vous montrer,

5 grâce à ces séquences, à quoi a servi Markale, qui a fait quoi, quel a été

6 l'usage abusif qui a été fait de l'incident de Markale, et à quel point les

7 morts et les blessés ont également été utilisés de mauvaise manière.

8 [Diffusion de la cassette vidéo]

9 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] On ne voit jamais sur ces images qui a

10 éventuellement été frappé ou n'a pas été frappé par une balle. On ne voit

11 que de la fumée sur ces images. Et ça, c'est une très belle illustration de

12 la tactique constante utilisée par l'ABiH.

13 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Tapuskovic, est-ce qu'il y a

14 du son sur cette vidéo ? Car nous n'entendons rien.

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] On entend le bruit de l'explosion. Si vous

16 avez besoin du son, je vais le demander, mais cela risque de nous faire

17 perdre du temps. On entend le bruit de l'explosion et on voit de la fumée.

18 Mais en fait on ne voit rien d'autre que la fumée, et c'est de cette

19 manière que l'on illustre quelque chose qui en réalité n'a jamais eu lieu.

20 Parce que si on veut montrer quelqu'un qui a été touché, on le montre.

21 C'est très facile de montrer un rideau de fumée qui cache tout et derrière

22 lequel on ne voit rien. De cette façon, on peut, sans la moindre

23 difficulté, dire au monde entier que les responsables sont les membres de

24 l'armée de la Republika Srpska. Et pendant toute cette période, la

25 présidence était une cible militaire. Akashi était dans la ville, et ils

26 avaient besoin de quelque chose à nous montrer, donc ils ont monté ce

27 spectacle à son intention ce jour-là.

28 J'aimerais maintenant qu'on montre les images de Markale.

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1 [Diffusion de la cassette vidéo]

2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] On ne voit rien d'autre que de la fumée.

3 Pourquoi est-ce qu'on ne tournait pas des images complémentaires après

4 l'image qui nous est montrée de la fumée ? La seule chose qu'on nous montre

5 c'est la fumée, et Akashi était ce jour-là, dans ces conditions, en mesure

6 de voir comment se comportait la partie serbe. Quel sens aurait-il à tirer

7 sur Sarajevo ce jour-là alors que tout le monde savait qu'Akashi était dans

8 la ville ? Voilà ce qui a été fait en permanence pendant une longue durée,

9 et ceci montre bien qui étaient les gens qui portaient l'uniforme face aux

10 hommes du Corps de Sarajevo-Romanija. Bien, maintenant nous pouvons voir

11 les images de Markale. Elles sont terribles, mais il faut les regarder pour

12 faire face à la vérité telle qu'elle est. Donc, je vous demande de regarder

13 ces images, après quoi j'ajouterai quelques mots.

14 [Diffusion de la cassette vidéo]

15 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Cette séquence dure 30 secondes. Vous avez

16 vu, il y a un instant, que la caméra n'avait en face d'elle qu'une caisse,

17 et maintenant vous voyez ce que vous êtes en train de voir. Si vous

18 examinez attentivement ces images - je l'ai fait avec des experts - vous

19 constaterez qu'il n'y avait là que 25 ou 30 personnes qui ont été blessées.

20 Regardez cette horreur. Et maintenant la caméra retourne en arrière. Au

21 total, une trentaine de secondes, pas plus, d'images. Regardez. Tout à

22 l'heure, on ne voyait pas cette femme. Arrêt sur image, je vous prie. La

23 femme que vous voyez là, elle n'était pas sur les images tournées au moment

24 où la caméra avançait. Vous constaterez qu'il n'y a pas une goutte de sang

25 sur le corps de cette femme. De nombreux débats ont eu lieu à ce sujet. Je

26 ne veux pas y revenir parce que ce serait abuser de votre temps.

27 Bien entendu, ce qui s'est passé là s'est vraiment passé. Bien

28 entendu, l'explosion a eu lieu. Mais je pense que nous avons, dans mon

Page 9549

1 exposé, démontré au-delà de tout doute raisonnable qu'il s'agissait d'une

2 arme qui a été activée en situation statique. Et dans les 15 minutes qui me

3 restent, je vais m'efforcer de le montrer, car la situation que vous avez

4 vue là démontre à quel point une partie belligérante était prête à agir aux

5 dépens de son propre peuple, car y compris les victimes, les personnes qui

6 ont été tuées, ont été utilisées dans ce cadre pour servir l'objectif fixé

7 au départ. Alors s'agissant de qui est responsable de l'incident de

8 Markale, en tant que conseil de la Défense et en ma qualité d'homme qui a

9 quelques connaissances de physique et qui sait ce qui est possible et

10 impossible, je considère qu'en aucun cas il n'était possible, si l'on tient

11 compte de la trajectoire du projectile, donc en aucune circonstance il

12 n'aurait été possible que l'objectif évoqué soit tombé a l'endroit où il

13 est censé être tombé en passant par-dessus les bâtiments qu'il est censé

14 avoir survolé pour arriver à l'endroit où il est censé être arrivé. Je vais

15 devoir ralentir un peu mon débit, car j'en arrive à l'élément central de

16 mon exposé. Je ne voudrais pas que les Juges de la Chambre, au moment de se

17 prononcer sur tous ces événements, alors que Dragomir Milosevic n'était pas

18 à Sarajevo à ce moment-là, il était ailleurs pour traitement médical, je ne

19 voudrais pas que Dragomir Milosevic soit tenu responsable de cet événement.

20 Les Juges auront à se prononcer plus tard --

21 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] La position de l'Accusation sur ce

22 point, si je l'ai bien comprise, consiste à dire que même s'il était absent

23 c'est lui qui a donné les ordres.

24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui, c'est de cela que je voulais parler

25 précisément, Monsieur le Président. Il commandait le Corps de Sarajevo-

26 Romanija. Etant donné la situation dans laquelle il se trouvait, il était

27 dans l'incapacité factuelle d'exercer ses responsabilités. Que ce serait-il

28 passé s'il n'était pas rentré du tout ? Est-ce que dans ces conditions il

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1 aurait aussi été tenu responsable ? C'est une question qui est logique de

2 poser, et c'est aux Juges qu'il appartient d'en décider. Je considère

3 qu'étant donné que sur le plan factuel il était dans l'incapacité d'exercer

4 sa tâche, il ne doit pas être tenu responsable de cet événement, et

5 notamment du fait qu'il n'aurait pas lancé une enquête par la suite. Parce

6 que le général Mladic a demandé une enquête. Cela ne lui a pas été accordé.

7 Alors, comment est-ce que cela aurait pu être accordé au général que vous

8 avez devant vous aujourd'hui ?

9 Cela étant, je n'insiste pas trop sur ce point, même si je considère

10 que véritablement il ne doit pas être tenu responsable d'aucune manière.

11 Mais ce qu'il faudrait, c'est éliminer cet événement de l'acte d'accusation

12 puisqu'il n'était pas présent. Qu'en est-il, dans ces conditions, de Racak

13 ? Je considère qu'à Racak des moyens de manipulation ont été utilisés

14 également. Je connais l'événement. Je sais ce qui s'est passé. J'ai eu

15 l'occasion de me pencher sur cette affaire de très près, et je dis en toute

16 responsabilité que je ne peux pas comprendre que Racak est disparu de

17 l'acte d'accusation lié au Kosovo. Je n'aurais pas voulu que Racak ne fasse

18 pas l'objet d'un jugement. C'est la raison pour laquelle je vais me

19 contenter de m'appuyer sur les documents que j'ai devant moi et qui se

20 passent de commentaire. La pièce D10, par exemple, dans laquelle nous

21 lisons - il est difficile de tenir compte de l'heure étant donné la

22 situation dans laquelle je me trouve et ce dont je suis en train de parler

23 - mais enfin, telle est votre décision. Donc, une enquête est en cours qui

24 a pour mission de déterminer la distance de l'origine du tir de mortier.

25 Cette distance est très difficile à déterminer compte tenu de la nature de

26 l'obus qui a été tiré. C'est ce que dit un général qui envoie ce document à

27 Kofi Annan à la date du 28.

28 Le même jour, le rapport de Konings se lit comme suit, je cite : "Les

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1 éléments disponibles, et notamment l'angle de descente, ne suffisent pas à

2 déterminer l'origine du tir, car les charges sont inconnues." L'équipe

3 d'enquêteurs - il est question là de la police ou de l'armée, ou plutôt de

4 la Bosnie-Herzégovine qui mène enquête pour prouver avec de grands efforts

5 que l'attaque provenait de la partie serbe, mais aucun élément de preuve

6 déterminant ne permet de le confirmer. Cela, c'est le 28. Le 29, la même

7 chose est répétée, et ce qui est encore plus important c'est que les obus

8 n'ont pas été enregistrés par des instruments très performants, c'est-à-

9 dire par des radars, et malgré cela le contenu du rapport n'est pas modifié

10 à la date du 29. Le 29, grâce à notre témoin, nous avons pu obtenir un

11 document qui montre qu'à la date du 29 il existait déjà un ordre visant à

12 ce que durant la nuit suivante démarrent les frappes aériennes de l'OTAN.

13 La décision avait été prise à ce moment précis, et c'est le moment où tout

14 cela s'est passé.

15 Document D356 - et vous voyez que je saute un certain nombre de

16 documents - mais la pièce P86, nous sommes à la date du 30. C'est un

17 rapport de la FORPRONU, et je cite : "A partir de toutes les analyses

18 disponibles, il est impossible de déterminer l'origine du tir, car on ne

19 connaît pas la charge qui a été utilisée," et cetera. Les commentaires des

20 observateurs internationaux "ne permettent pas de déterminer qui est à

21 l'origine du tir." Nous sommes à la date du 30. Le bombardement de l'OTAN

22 avait déjà largement commencé. Je pourrais vous citer bien d'autres

23 documents allant dans le même sens. Mais voyons ce que disaient ceux qui

24 étaient sur place au moment des faits. Rupert Smith, par exemple. Même lui

25 -- ce témoin déclare, lui aussi, qu'il y avait désaccord au sujet de la

26 direction du tir, que des points de vue différents existaient à ce sujet,

27 que les projectiles n'ont pas été enregistrés par des radars ou par des

28 systèmes officiels, mais que lui a conclu que les projectiles avaient été

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1 tirés à partir de l'extérieur et qu'il a immédiatement donné l'ordre de

2 commencer les bombardements.

3 Je ne peux pas tout citer, mais il a dit que, théoriquement, il

4 pouvait s'agir d'une action due aux Musulmans de Bosnie contre les

5 Musulmans de Bosnie. C'est écrit dans ce document. Je n'ai pas assez de

6 temps, mais en tout cas, dans le document suivant que je cite, il est

7 également dit que cette possibilité n'est pas à exclure. Et puis, encore

8 autre chose. Le témoin déclare qu'au moment des faits, le 28, il disposait

9 d'un radar néerlandais très précis et d'un radar britannique qui a

10 enregistré les obus tirés sur la ville et que ce radar n'a enregistré ni le

11 bruit, ni la trajectoire de l'obus au moment où il était en vol. Et il

12 conclut ses observations en disant que tout ceci constitue une énigme qui

13 n'est toujours pas percée. Au jour d'aujourd'hui, Nicolai répète toujours

14 ce qu'il a dit à ce moment-là. Il dit que son collègue Van Baal, qui était

15 son prédécesseur dans son poste, estime que l'incident en question est dû à

16 des Musulmans de Bosnie agissant contre des Musulmans de Bosnie.

17 Harland déclare des choses très similaires. Quant à Konings, je ne

18 vais pas répéter ce que j'ai déjà dit à son sujet, mais ce témoin déclare

19 que des rumeurs circulent à Sarajevo selon lesquelles les cadavres auraient

20 été transportés sur les lieux et que même la FORPRONU lui a évoqué cette

21 possibilité. Ceci n'a pas de fin. Je pourrais vous citer de très nombreux

22 propos de personnes présentes sur les lieux au moment des faits. Le Témoin

23 W-14 déclare qu'il voulait obtenir confirmation que la scène où l'événement

24 s'était produit avait été modifiée entre-temps, mais il n'obtient aucune

25 confirmation à ce sujet du juge d'instruction.

26 Monsieur le Président, est-ce que je pourrais avoir 15 minutes de plus, car

27 vraiment c'est impossible pour moi de terminer dans les délais ?

28 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Oui. Vous avez, disons, jusqu'à 18

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1 heures.

2 [La Chambre de première instance se concerte]

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous pouvons poursuivre, Maître

4 Tapuskovic.

5 Je vous ai donné le temps que vous avez demandé, jusqu'à 18 heures,

6 n'est-ce pas ? Est-ce que je n'ai pas bien compris votre demande ? Vous

7 vouliez 15 minutes de plus au-delà de 18 heures ?

8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Oui.

9 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] -- on va rester ici jusqu'à l'aube.

10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas --

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Poursuivez, nous allons voir comment

12 les choses se déroulent.

13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'aimerais encore dire quelques mots. J'en

14 suis arrivé au témoin Demurenko, qui déclare -- nous savons, n'est-ce pas,

15 qu'il y a eu du terrorisme, car nous avons un document qui évoque ce fait,

16 le terrorisme, c'est-à-dire des attentats terroristes à l'intérieur de la

17 ville de Sarajevo. Demurenko déclare qu'il n'est pas spécialiste de la

18 lutte antiterroriste, mais qu'il est convaincu qu'il s'agissait d'un

19 attentat terroriste et que cet acte a impliqué le dépôt sur place d'un

20 explosif statique, et que le meilleur indicateur de cela, c'est qu'un obus

21 a tué 120 personnes. Il voulait sans doute parler des blessées et des tuées

22 comme d'un total, alors que 4 personnes n'ont rien subi.

23 Il déclare aussi que deux fois en deux ans, en 1994 et 1995, au même

24 endroit, un explosif a sauté. C'est un endroit très fréquenté, bien

25 entendu, puisque c'est un marché, Markale, et deux explosions se sont

26 produites à Markale qui ont tué de nombreuses personnes. Un autre témoin

27 déclare qu'il a trouvé un cratère et des morceaux de d'acier à l'intérieur

28 des cratères et que, d'après l'analyse des traces laissées sur le cratère,

Page 9554

1 il était impossible de déterminer l'origine du tir, car les fragments

2 trouvés étaient trop petits et il était difficile de penser que des

3 fragments d'une aussi petite taille auraient pu tuer plus de cent

4 personnes. En tout cas, les traces n'étaient pas claires, le projectile

5 n'avait été enregistré par aucun radar et ceci permettait de conclure qu'il

6 s'agissait d'une opération montée de toutes pièces, d'une provocation qui

7 voulait apporter une excuse à certaines personnes pour agir d'une certaine

8 façon.

9 Quoi qu'il en soit, il ne se contente pas de dire cela. Il était le seul à

10 se rendre sur les lieux immédiatement. C'est lui qui a pris les

11 photographies de la situation, et il en tire des conclusions qu'il a

12 évoquées devant vous. Il a dit ce qu'il a dit et des menaces de mort ont

13 été proférées contre lui suite à ces propos, comme des menaces de mort ont

14 également été proférées contre Hansen en raison de ce qu'il a dit des

15 événements du bâtiment de la télévision. Il est difficile d'analyser

16 aujourd'hui dans le détail tous ces rapports qui parlent de cibles prévues

17 à l'avance. Parler d'un tomahawk guidé, c'est vraiment un non-sens si on

18 pense à la cible visée. Des arguments mathématiques ont été fournis pour

19 démontrer qu'il s'agissait de l'explosion d'un engin qui avait été placé

20 sur place, donc d'une explosion statique. Et si l'on prend en compte les

21 calculs mathématiques et les éléments très précis qui ont permis d'aboutir

22 à cette conclusion, aucune des personnes impliquées dans ce genre de calcul

23 n'a infirmé ce fait, pas même M. Zecevic, pas plus que M. Garovic témoin de

24 l'Accusation.

25 J'aimerais maintenant vous montrer les trois schémas - vous les remettre en

26 mémoire. Je ne veux pas perdre de temps. Je parle des trois schémas -- en

27 fait, deux schémas et une photographie qui ont beaucoup troublé Demurenko.

28 Rappelez-vous ce schéma. On voit ici l'obus arriver depuis la droite. Il

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1 s'agit du document 254. Deuxième schéma, on voit que l'obus serait venu à

2 partir de la gauche, de l'opposé. Il a été dit que pour justifier cette

3 direction de tir, il fallait un azimut de 220, et vous vous rappellerez le

4 débat qui a eu lieu. Finalement, il était permis de conclure que cet obus

5 était venu et du sud et de l'est et de l'ouest.

6 Alors voilà quelle a été l'appréciation faite de l'origine du tir et

7 de la direction de ce tir, ce qui montre bien que l'acte d'accusation est

8 un acte d'accusation insensé puisqu'il est absolument inimaginable que les

9 choses se soient passées comme cela a été dit par certains témoins. Je

10 parle assez vite. J'espère qu'il en restera quelque chose. Vous avez

11 Obradovic, un autre témoin qui a démontré qu'au total il y a eu 110 à 120

12 éclats d'obus et que si c'étaient les éclats d'obus qui avaient frappé les

13 personnes qui se trouvaient sur place, ces personnes n'auraient pas pu

14 présenter les blessures qu'elles ont présentées et avoir été touchées comme

15 elles l'ont été. Enfin, j'en arrêterai là, et je me contenterai simplement

16 de vous montrer la photographie d'un certain nombre de cadavres. Ce n'est

17 peut-être pas indispensable. Ce sont deux photographies qui ont fait

18 l'objet de l'analyse du témoin Milosavljevic et qui ont permis de démontrer

19 de la façon la plus claire qui soit - d'abord, rappelez-vous la séquence

20 diffusée à la télévision où on voit qu'un cadavre apparaît soudain devant

21 la caméra, alors qu'il n'y était pas quelques instants avant. Comment est-

22 ce qu'on peut faire ce genre de chose ? Personne ne met en cause la réalité

23 de l'explosion. L'explosion a eu lieu effectivement. Elle n'a pas seulement

24 eu lieu, des êtres humains, des êtres vivants ont trouvé la mort, et leurs

25 cadavres ont été utilisés de façon abusive pour créer une impression fausse

26 dans l'opinion mondiale. Le monde entier a vu ces images. Moi-même, quand

27 j'ai vu ces images, j'ai été saisi d'effroi. C'est l'un des objectifs qui

28 étaient poursuivis.

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1 Personne sur toute la planète, aucun être humain n'aurait réagi

2 autrement. Mais qui est la cause de cette action ? C'est celui qui est à

3 l'origine de cette action qui doit être jugé et tenu pour responsable, pas

4 Dragomir Milosevic. J'affirme en toute responsabilité que, ni l'incident

5 dont je suis en train de parler, ni l'incident de la télévision n'aurait pu

6 être l'œuvre du Corps de Sarajevo-Romanija, mais il est permis d'affirmer

7 avec une très grande vraisemblance que c'est la partie musulmane, c'est-à-

8 dire l'ABiH qui est à l'origine de ces actes, et que la méthode utilisée

9 par l'ABiH est la méthode qui a été illustrée par les documents que je vous

10 ai montrés tout à l'heure où il est dit que l'ABiH tirait sur les

11 représentants de leur propre population. C'est la même méthode qui a été

12 utilisée au cours des deux incidents que je viens d'évoquer dans le but qui

13 était le leur.

14 Je n'ai pas le temps d'aborder devant vous un autre événement, la

15 mort de Nermin, très utilisée dans les médias internationaux. Il a été

16 montré et démontré de façon absolument claire que la balle provenait en

17 fait d'une direction opposée à celle dont il est affirmé que la balle

18 provenait dans l'acte d'accusation. Ceci est très facile à démontrer tout

19 comme d'autres événements liés aux tireurs embusqués. Il y a une chose que

20 je ne peux pas me permettre de ne pas dire devant vous dans les quelques

21 petites minutes qui me restent ou dans les quelques minutes que vous allez

22 m'accorder en plus. Il s'agit des policiers ou du travail de la police, je

23 n'aurai pas le temps d'en traiter de la façon aussi détaillée que je

24 l'aurais souhaité. Mais en tout cas, j'ai travaillé dans mon pays pendant

25 plus 40 ans comme avocat, et je sais parfaitement bien les préparatifs que

26 pouvaient réaliser les policiers lorsqu'ils souhaitaient -- pour étouffer

27 éventuellement une réalité.

28 Les gens qui ont enquêté sur place, c'étaient de jeunes gens, des

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1 gens très peu entraînés, qui n'avaient aucune connaissance de quoi que ce

2 soit, alors encore moins une connaissance de la bonne façon de mener une

3 enquête au sujet d'un crime aussi grave que celui qui a été évoqué. Les

4 éléments de preuve ont été déplacés. Aucune photographie n'a été prise sur

5 place au moment des faits. Aucun prélèvement n'a été fait qui aurait pu

6 prouver que le cadavre en question avait bien trouvé la mort sur place.

7 Donc rien de tout cela ne peut être confirmé. Les cadavres ont été

8 déménagés immédiatement, tout a été nettoyé sur les lieux des faits, et

9 rien ne pouvait plus être prouvé. Il était impossible de prouver que la

10 victime était un civil ou un soldat. Pas un seul rapport valable, pas un

11 seul rapport sérieux n'existe sur le sujet, nulle part dans le monde une

12 enquête de ce genre ne serait allée plus loin que les stades préliminaires,

13 rien ne serait venu devant les tribunaux. Car littéralement, aucun de ces

14 événements, s'il avait fait l'objet d'une enquête menée dans ces conditions

15 dans un autre pays, ne serait arrivé devant la justice, or vous vous voyez

16 soumis à la présentation de moyens de preuve, et on vous demande de

17 déterminer s'il s'agissait d'un meurtre ou pas, pas seulement d'un

18 d'ailleurs, mais de plusieurs dizaines de meurtres qui sont montrés dans

19 les conditions dans lesquelles ils sont montrés, ce qui crée une situation

20 dans laquelle aucun juge ne peut se prononcer avec certitude.

21 Si j'avais le temps nécessaire pour analyser les choses plus en

22 détail, je pourrais le faire, mais ce n'est sûrement pas indispensable. Ce

23 que je ferais, c'est que je vous montrerais en prenant toutes les affaires

24 l'une après l'autre qu'il n'existe aucun élément permettant de se

25 prononcer, chacun de ces incidents. On demande à la Défense de présenter

26 des preuves au sujet des incidents. Quels éléments de preuve la Défense

27 peut-elle présenter alors que les policiers qui ont travaillé sur place --

28 je connais bien la méthode de la police, je l'ai expérimentée à de

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1 nombreuses reprises, c'est une méthode qui continuait à l'époque, on joue

2 avec les vies humaines. J'ai déjà dit ce que je pensais des victimes de

3 cette guerre insensée, de cette guerre qui a lieu à l'époque, y compris

4 dans des secteurs où il n'y avait pas un seul civil. Mais, en tout cas,

5 Messieurs les Juges, avant de décider qu'il s'agissait d'un secteur civil,

6 vous pouvez décider de condamner cet homme, mais vous ne pouvez le faire

7 que si vous êtes convaincu qu'il s'agit bien d'un secteur civil. Je ne suis

8 pas parvenu à trouver une seule preuve qui le démontre.

9 Comment est-ce qu'un obus peut à 150 mètres de l'endroit où il tombe

10 produire des éclats d'obus qui ne font pas une seul victime ? A moins que

11 l'on tienne compte de cette petite fille - je ne sais plus quelle est la

12 cote de la pièce dans laquelle elle est mentionnée -- mais vous vous

13 rappellerez le témoin protégé qui affirmé que cette enfant avait été tuée à

14 travers le mur d'un bâtiment. Ce témoin, lorsqu'on lui a montré la

15 photographie que vous avez vous-même en votre possession, a été contraint

16 d'admettre - je crois que c'était sur l'intervention de Monsieur le Juge

17 Harhoff - que le projectile n'avait pas pu pénétrer le mur du tout. Au lieu

18 de tourner les images à partir de l'intérieur pour voir s'il y avait du

19 sang et si le mur avait été traversé ou pas, les policiers ont simplement

20 conclu que l'enfant avait été tuée dans des conditions qu'ils ont indiqué.

21 Ce genre de manipulation constitue un jeu avec les vies des êtres humains.

22 C'est un jeu qui a été joué avec le cadavre d'un enfant, d'un jeune enfant

23 pour démontrer simplement l'horreur sous un angle particulier devant la

24 face du monde, Monsieur Mohatarem l'a dit très bien. C'est une guerre

25 télévisée qui avait lieu à cette époque-là. Je vous demande simplement

26 parce qu'il est difficile de se concentrer comme il le faudrait sur toutes

27 les questions notamment sur les bombes aériennes dans les conditions dans

28 lesquelles je me trouve.

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1 Prenons ce qu'il a été dit au sujet des bombes aériennes. Une bombe

2 serait tombée sur un secteur de combat. Hrasnica, cela ne fait aucun doute,

3 était à ce moment-là un terrain de combat. L'ABiH s'était déployée sur un

4 territoire très vaste et menait de nombreux combats en allant au-delà des

5 frontières du secteur tenu par l'ABiH à Sarajevo. Les secteurs tenus par

6 l'ABiH au départ s'étaient élargis. L'ABiH s'est déployée sur des zones

7 beaucoup plus importantes et à ce moment-là, c'est l'ABiH qui encerclait

8 l'armée qu'elle avait face à elle. Le moment où le bâtiment de la

9 télévision a été frappé démontre bien que les forces serbes n'étaient pas

10 en possession de bombes aériennes modifiées.

11 Je suis au regret de ne pas disposer de davantage de temps car

12 j'aurais pu vous montrer de façon absolument incontestable que ces bombes

13 aériennes n'ont pas pu être lancées par le RSK, de même que l'analyse

14 détaillée des images du cadavre de la petite fille, mais ce soir, je n'ai

15 pas le temps. Des représentants de la FORPRONU qui étaient directement en

16 danger en raison du survol de ces projectiles vous ont dit ce qu'ils

17 pensaient de cette situation. Je regrette de n'avoir pas pu faire venir ces

18 représentants à la barre pour leur dire ce qui peut-être clochait un peu

19 dans leur rapport et ce qu'il eut été bon de corriger. Car il y a eu

20 beaucoup de problèmes dans la procédure en l'espèce. J'ai beaucoup de mal à

21 présenter tout ce qui s'est passé dans les temps très limités, les quelques

22 secondes qui me restent en raison de votre décision, décision que je me

23 dois de respecter.

24 Mon client est menacé d'une peine d'incarcération à vie, pour ma

25 part, je ne puis accepter que l'on parle de responsabilité pénale de mon

26 client car nous sommes ici dans une situation où bien entendu, notre

27 version des faits est tout à fait différente de celle qui a été présentée

28 par l'Accusation. Mais je suis convaincu que j'ai en tout en cas le droit

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1 de penser ce que je pense comme un juge dans une autre affaire l'a fait

2 puisqu'il a exprimé un avis différent. Je peux vous dire qu'à partir

3 d'aujourd'hui, je pourrais vous dire exactement le nombre d'obus qui ont

4 été tirés par l'ABiH si j'avais le temps de vous présenter les éléments en

5 détail. Je dispose de 4 000 documents au moins qui montrent quelle était la

6 situation au jour le jour s'agissant du nombre d'obus lancés sur la ville.

7 Si dans des conditions de ce genre, si dans des conditions de combat telles

8 que celles-ci, on peut parler de l'existence d'un secteur civil à cet

9 endroit, alors à ce moment-là, étant donné les charges qui pèsent sur

10 Dragomir Milosevic, je ne peux que laisser toute cette affaire entre vos

11 mains. Je n'ai pas d'alternative. Je n'ai qu'une possibilité, c'est de dire

12 ce que je dis.

13 Parler de meurtres, compte tenu de tous les éléments que je vous ai

14 soumis, malheureusement je n'ai pas pu être plus précis sur Markale et sur

15 le bâtiment de la télévision. Si je l'avais été, vous auriez vu à quel

16 point les éléments de preuve précis permettent de démontrer quel a été

17 l'abus fait par l'ABiH de son propre peuple, autrement dit des personnes

18 qui se trouvaient à Sarajevo à ce moment-là, et vous auriez pu être

19 informés de la façon dont cette population voyait les choses. Je vous

20 demande de vous pencher avec la plus grande attention sur les éléments de

21 preuve. Nous continuons d'ailleurs notre travail pendant encore quelques

22 mois, et donc d'autres occasions nous seront données de faire la

23 démonstration que je suis en train de faire avec la plus grande persuasion

24 possible. En tout cas, les éléments de preuve à votre disposition

25 démontrent bien qu'il s'agissait d'une zone de combat qui était encerclée

26 et que tout ce qui a été fait devait être fait pour assurer le salut d'un

27 grand nombre de vies humaines. C'est une conviction personnelle que j'ai en

28 moi. C'est une conviction que je maintiens, et je pense que je n'ai pas

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1 nécessité de vous en dire plus sur ce sujet.

2 Merci.

3 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Merci, Maître.

4 Monsieur Waespi, je vous donne la parole pour la très brève réplique qui

5 sera la vôtre.

6 M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, s'agissant des armes

7 lourdes, on nous dit que le général Milosevic a toujours respecté ce qui

8 avait été décidé, qu'il a seulement donné un ordre vers février 1994 en

9 tant que commandant adjoint, mais on a la pièce P667 du 21 août 1994, peu

10 après la passation de commandement, il ordonne de camoufler les armes

11 lourdes à ce moment-là dans ce document.

12 Deuxièmement, on a parlé de W-140. Il faut savoir que tous les

13 policiers étaient membres de l'ABiH. Or, l'homme en question nous dit qu'il

14 n'a jamais participé à des opérations de combat. Deuxièmement, c'était des

15 choses qu'ils devaient faire au début de la guerre alors que du côté de

16 l'ABiH il n'y avait pas de forces armées. Certains éléments de preuve nous

17 ont montré qu'on a employé certaines formations du MUP, à Dobrinja par

18 exemple, les témoins nous l'ont dit. Mais sur ces lignes de front, on peut

19 considérer qu'il s'agirait de cibles militaires légitimes, et on ne peut

20 pas en dire de même d'un agent de circulation au centre-ville.

21 Maintenant, pour ce qui est des provocations par l'ABiH, une lettre

22 présentée par David Harland, pièce P17, au sujet du bâtiment des PTT.

23 Ensuite, on nous dit que les Musulmans de Bosnie tirent sur les

24 leurs, page 397, incident du 3 novembre 1993, avant le commandement de

25 l'accusé. Ensuite, on a un document de 44 pages, D67. "Les seuls tirs

26 isolés viennent du territoire de Grbavica, temporairement occupé." SRK.

27 Deuxième document, D48, c'est toujours Grbavica. Troisième document, D216,

28 troisième incident au sujet duquel la Défense nous dit que les Musulmans

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1 tiraient sur les leurs. L'ABiH avait alors ouvert le feu sur un fugitif qui

2 était en train d'essayer de passer de l'autre côté de la ligne de front.

3 Voici les trois exemples auxquels a fait référence la Défense et dont elle

4 nous dit qu'ils apportent la preuve que l'ABiH tirait sur les siens.

5 Point suivant dans mon intervention, c'est l'argument selon lequel

6 l'ABiH était sur un pied d'égalité avec les Serbes de Bosnie. On nous donne

7 un extrait des propos du général Smith. Je voudrais renvoyer à ce qu'il

8 dit, page 3 359 du compte rendu d'audience. Je cite : "Les Serbes de Bosnie

9 étaient pour l'essentiel équipés des armes de l'armée précédente et ils ont

10 été en mesure de compter, dans des proportions que je n'ai pas pu définir,

11 sur le soutien de l'armée de Serbie, en ce qui concerne en particulier la

12 logistique et l'appui matériel. Les Serbes de Bosnie étaient mieux

13 organisés. Ils avaient des officiers au sein de leur armée."

14 Pièce P817. Voilà une pièce que je vous signale et qui évoque le

15 soutien apporté par l'armée yougoslave aux Serbes de Bosnie. Il existe des

16 éléments qui sont irréfutables et qui nous ont été apportés par de nombreux

17 autres témoins, qui parlent de la supériorité des Serbes de Bosnie. Je vous

18 demande de consulter la pièce P788, une carte qui nous montre que Sarajevo

19 est encerclée au milieu d'un cercle. Tous les canons, tous les obusiers,

20 les groupes d'artillerie, des brigades, des corps d'armée, et cetera sont

21 pointés sur la ville. C'est ça, la vérité de la situation. P788 et P507.

22 P392. Voici une pièce qui fait état de 460 pièces d'artillerie que

23 les Serbes avaient en leur possession en 1995. La Défense a parlé des

24 aéronefs qui arrivaient, pièce D305. En bas de la page en question, on peut

25 lire : "Nous attendons toujours, et ce n'est pas encore arrivé." On ne sait

26 pas si ce sont des armes qui doivent être livrées à Sarajevo ou ailleurs.

27 En tout cas, il n'y a rien de bien concluant dans cette pièce à conviction-

28 là.

Page 9563

1 Pièce P492, où il a été dit par Karavelic qu'il allait faire sortir ses

2 forces de la ville. Si c'est le cas, à ce moment-là ça réduirait le nombre

3 de cibles légitimes et militaires en ville.

4 Ensuite, Dervisa Selmanovic, victime de l'incident de tirs isolés, numéro

5 10. Il s'agissait d'une cuisinière qui travaillait dans un mess. Elle avait

6 49 ans, cette femme. Indéniablement, pas un cible militaire, et surtout

7 quand elle a été touchée par des tirs isolés chez elle alors qu'elle

8 travaillait dans son lopin de terre. Protocole additionnel II, j'aimerais

9 vous y renvoyer, article 14 [comme interprété], qui indique que les civils

10 sont protégés avant qu'ils ne participent activement aux hostilités. Nous

11 avons, dans notre mémoire en clôture, cité d'autres exemples, commentaire

12 du CICR du protocole additionnel, paragraphes 4788 à 4789.

13 Puis, ce fameux alibi. C'est un argument qui relève de l'article

14 7(1). Le massacre de Markale a eu lieu un an après la prise de commandement

15 par l'accusé de l'ABiH. Markale II, ça s'inscrit dans la logique de la

16 campagne de terreur du général Galic dont a hérité l'accusé. La portée en

17 est plus importante, mais ça s'inscrit dans le cadre de toute une série

18 d'incidents qui ont eu lieu pendant qu'il était au commandement. Et même

19 alors qu'il était absent, ce sont ces subordonnés qui ont commis le

20 massacre de Markale. Le général Smith a déclaré qu'il n'était pas

21 nécessaire de répondre au général Mladic pour mettre en place une

22 commission conjointe.

23 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Vous nous dites, même s'il était

24 absent il est coupable parce qu'il avait donné l'ordre précédemment. Est-ce

25 que vous faites référence à un ordre particulier ou est-ce que vous faites

26 une remarque de portée générale ? C'était M. Docherty qui a dit cela.

27 M. WAESPI : [interprétation] Oui, mon confrère a parlé de toute cette

28 structure qui était en place depuis un certain temps. Nous n'avons pas

Page 9564

1 d'éléments de preuve attestant de l'existence d'un ordre du général

2 Milosevic. En tout cas, c'est le fait de ses subordonnés, et d'après toutes

3 les informations dont nous disposons, il s'agissait d'une campagne

4 concertée et coordonnée qui visait Sarajevo.

5 Avant-dernier sujet que je souhaiterais évoquer, D219. On nous dit

6 que l'ABiH se livrait à des opérations de sabotage. Oui, il s'agissait

7 d'opérations de sabotage contre des cibles militaires. Ce document a fait

8 l'objet de nombreuses questions au cours du contre-interrogatoire du

9 témoin, et les seules cibles identifiées par le général Delic étaient des

10 cibles à caractère militaire.

11 Dernière chose, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, on nous parle

12 de ces Serbes amoureux de paix, de ces forces serbes de Bosnie qui étaient

13 tout à fait satisfaites de ce dont elles s'étaient emparées en 1992 pendant

14 la campagne de nettoyage ethnique. Bien entendu, ils voulaient renforcer

15 leur position à l'époque. La Défense s'appuie sur la pièce 336, la fameuse

16 directive numéro 7 édictée par Karadzic selon laquelle le Corps Romanija-

17 Sarajevo se livrait à des activités à caractère pacifique au fond. Page 11

18 de cette directive, on voit un ordre adressé au Corps Romanija ou plutôt,

19 il y est mentionné.

20 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il reste cinq minutes sur la bande,

21 ensuite, conformément au Règlement, il faudra que je demande à Me

22 Tapuskovic s'il a quelque chose à ajouter en matière de duplique.

23 M. WAESPI : [interprétation] J'en ai pour 30 secondes.

24 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Trente secondes.

25 M. WAESPI : [interprétation] "Imposer la solution finale par la force des

26 armes à l'ennemi." Page 11. Page suivante, et ceci nous montre quel est

27 l'esprit de cette directive. On trouve un ordre à destination du Corps de

28 la Drina pour étrangler, étouffer les poches de Zepa et Srebrenica et ôter

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1 tout espoir de survie aux habitants de ces enclaves. Voilà l'esprit dans

2 lequel a été établi et rédigé cette directive numéro 11 qui émanait du

3 président Karadzic.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, avez-vous quelque

5 chose à répliquer ou à dupliquer plutôt ?

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Ce sera très bref.

7 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous rappelle que c'est la

8 duplique ou plutôt la réplique. On va faire une pause. De combien de temps

9 aurez-vous besoin ?

10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] De vraiment très peu de temps.

11 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous allons faire une pause de sept

12 minutes.

13 --- L'audience est suspendue à 18 heures 18.

14 --- L'audience est reprise à 18 heures 26.

15 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Maître Tapuskovic, vous aurez sept

16 minutes.

17 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

18 Juges, je vais enchaîner sur ce qu'a dit mon confrère Waespi. Il a dit que

19 ce qu'a fait le général Dragomir Milosevic n'était qu'une suite logique de

20 ce qui avait été fait précédemment par Galic. Son passage par le s'est

21 soldé par des choses encore plus terribles que ce qui s'était produit à

22 Markale un an auparavant. Ce qui s'était produit un an plus tôt à Markale a

23 déjà été jugé. Je ne veux pas entrer dedans. Sur la base des documents que

24 j'ai à ma disposition, je conteste absolument l'existence de Markale II.

25 J'affirme qu'il est hors de tout doute raisonnable que c'était le fait de

26 l'ABiH, premièrement.

27 Ensuite, par rapport à ce qu'a dit mon confrère Waespi, de par sa

28 portée c'était un incident plus important que tous les autres et qu'il n'y

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1 a pas de comparaisons possibles. Il a fallu que ce soit quelque chose de la

2 plus grande étendue, précisément pour justifier l'action qui a suivi et

3 pour qu'on puisse sanctionner les Serbes dès le même jour. Indépendamment

4 de la vérité, que l'on n'a pas pu établir à ce moment-là, cela a été

5 impossible. Indépendamment de la vérité que je vous donne et qui est

6 évidente d'après les documents, c'est précisément, vu la méthode qui a été

7 employée que cela a été possible. Les gens qui n'existaient pas ont été

8 instrumentalisés pour montrer l'importance de la tragédie. Il y a eu un

9 certain nombre de personnes qui ont été tuées par un engin explosif sur

10 place, mais qui n'a pas pu en tuer davantage que ce qu'on voit de personnes

11 à l'image. Vous pouvez les compter autant de fois que vous voulez : il n'y

12 a pas plus de dix à 20 personnes. Nous avons compté avec des experts. Nulle

13 part ne voit-on des parties de corps humains. Les pieds humains et autres

14 parties corporelles n'ont été trouvés sur place que par la suite. S'il a

15 fallu évacuer quelque chose pour ne pas blesser nos sentiments, c'était les

16 parties corporelles qu'on aurait du évacuer immédiatement. C'est ce qu'on

17 n'a pas fait justement pour produire de l'effet. On y a placé des parties

18 corporelles qui ont été le résultat des blessures à divers endroits, Dieu

19 sait où, et blessés par fusils de chasse ou toute sorte de fusils ou éclats

20 d'obus, et cetera.

21 Le témoin Milosavljevic a dit que c'est par erreur de ceux qui

22 avaient fait la mise en scène que cette séquence s'est trouvée là. C'est là

23 qu'on a pu voir en image de quoi il s'agit. Une tragédie s'était produite,

24 parce que des innocents avaient été tués à l'aide d'un explosif dans le

25 cadre d'une action terroriste. Cela a été augmenté hors de toute proportion

26 et finalement, on s'est retrouvé avec 120 victimes, soit morts, soit

27 blessés. C'est une tactique, c'est ainsi qu'on a procédé. Je peux

28 l'affirmer en toute conscience. Je ne conteste nullement l'horreur vécue

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1 par des individus de part et d'autre. Nous avons entendu également des

2 témoins de la Défense à ce sujet, combien de personnes ont perdu la vie là-

3 bas. Il vous appartient d'apprécier les faits. J'ai dit ce que j'ai pu dans

4 le temps qui m'a été imparti. Je vous remercie de m'avoir accordé le temps

5 que j'ai eu.

6 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Il n'y a pas de réplique ?

7 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie, Maître Tapuskovic,

8 d'avoir prononcé votre plaidoirie.

9 J'ai plusieurs questions que je souhaite vous poser, parce qu'il me semble

10 que plusieurs questions restent un petit peu en suspens par rapport à ce

11 que vous avez écrit dans votre mémoire en clôture et ce que vous avez

12 exposé oralement. En effet, il s'agit de trois points. Le premier concerne

13 les bombes aériennes modifiées. Je ne me souviens pas, d'après les

14 témoignages que nous avons entendus ici, d'après les preuves reçues dans le

15 procès. Il nous faudra évidemment revoir l'ensemble de la preuve, mais je

16 ne me souviens pas d'avoir entendu que les bombes aériennes modifiées et

17 des lanceurs étaient à la disposition de l'ABiH à l'intérieur de Sarajevo.

18 C'est la raison pour laquelle je vais vous demander cela. Je vais vous

19 poser ma question de façon à ce que vous puissiez me répondre par un oui ou

20 par un non. Donc, je vous demande : est-ce que vous maintenez, est-ce que

21 vous affirmez que, soit ces bombes aériennes modifiées ont été lancées de

22 l'extérieur des lignes de front de Sarajevo par des terroristes, ou soit

23 étaient le seul autre cas de figure que je peux envisagé, que l'ABiH avait

24 des bombes aériennes et des lanceurs à l'intérieur de la ville de Sarajevo

25 ? C'est ma question. Est-ce que vous voulez entendre mes deux autres

26 questions ou vous voulez me répondre tout de suite ?

27 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je vais vous répondre

28 d'emblée pour ce que je peux. Je vais vous inviter à examiner notre

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1 paragraphe 65, avec les notes en bas de page qui traitent de ce sujet. Ce

2 que je peux vous dire là, avec toute certitude, c'est que le problème qui

3 est de savoir comment on fera une chose ne concerne pas uniquement

4 l'existence d'un lanceur. En fin de compte, on aurait pu maquiller et

5 masquer n'importe quoi. La question essentielle est de savoir si cette

6 bombe, quelque soit le lanceur qui est utilisé, ou quelque soit l'engin

7 improvisé qui ait servi à lancer. Quand on parle de bombe improvisée, on

8 parle de quelque chose qui est improvisé.

9 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Je vous remercie, Maître Tapuskovic.

10 D'après ce que j'ai compris, vous vous fondez sur le paragraphe 65 de votre

11 mémoire en clôture. Vous me répondez que l'ABiH avait en effet, à

12 l'intérieur de Sarajevo, des bombes aériennes modifiées et des lanceurs. Ma

13 question suivante concerne le, l'absence du général Milosevic, son absence

14 de Sarajevo pendant qu'il recevait des soins médicaux à Belgrade. De la

15 manière dont j'ai compris les choses, il s'agit là tout simplement d'un

16 concept juridique très simple, à savoir d'une délégation de pouvoir. Si

17 pour une raison quelle qu'elle soit, le commandant suprême n'est pas en

18 mesure d'exercer ses fonctions, à ce moment-là, il s'ensuit juridiquement

19 normalement que ses fonctions sont transférées au commandant en second ou à

20 toute personne à laquelle le commandant suprême décide d'alléguer ses

21 attributions. Il ressort également de la théorie juridique habituelle que

22 les pouvoirs sont transférés à un subordonné et qu'à partir de ce moment-

23 là, la personne qui a transféré ses attributions reste la personne

24 responsable, même pour des actes et des ambitions qui ont été commis par

25 les subordonnés pendant cette période où les fonctions ont été déléguées.

26 Je vous demande la chose suivante : est-ce que vous affirmez qu'il

27 n'y a jamais eu de délégation de pouvoir pendant l'absence du général

28 Milosevic ou, vous dites qu'aucun crime n'a été commis pendant cette

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1 période et qu'il n'y a pas eu d'actes répréhensibles, lequel des deux ?

2 R. Maître Tapuskovic, première chose que nous avons souligné dans notre

3 mémoire également. Je pense que nous l'avons mis en exergue. Il n'aurait

4 pas pu rien entreprendre à ce moment-là, et véritablement, on ne savait pas

5 s'il allait revenir au front.

6 Puis, deuxièmement quelque chose que je n'ai pas eu le temps d'aborder,

7 c'est la question de ces ordres. Bien entendu, le mens rea peut englober

8 également les ordres où la responsabilité d'un individu peut être déduite

9 des circonstances. Il n'a jamais émis ce genre d'ordres pour qu'il y ait

10 quelque chose de transférable.

11 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Maître Tapuskovic, je ne crois pas

12 que vous avez compris ma question. C'est intentionnellement que je vous ai

13 posé ma question de telle sorte qu'il n'y ait plus doute quant aux ordres

14 que le général aurait transférés à son chef d'état-major, le colonel

15 Sladoje. Je vous ai dit qu'à partir du moment où le général Milosevic était

16 absent, c'est le colonel Sladoje qui était le commandant en exercice. Quel

17 que soit l'acte qui a été commis ou qui n'a pas été commis, c'est quelque

18 chose qui normalement qu'assumait le général Milosevic. Du moins, à partir

19 du moment où il était de retour. En septembre 1995, normalement il devait

20 répondre des omissions commises par le colonel Sladoje en son absence.

21 C'est cela que je suis en train de vous dire. Nous n'allons pas entrer dans

22 la question des ordres qu'il aurait donnés avant de partir.

23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Mais, j'ai déjà expliqué cela

24 Monsieur le Juge. Je peux répéter et c'est peut-être bien que vous me

25 posiez la question encore une fois.Ce qui est tout à fait certain que

26 j'affirme que cet événement n'est pas le fruit des actions de l'armée de la

27 Republika Srpska. Comment pouvait-il enquêter sur quelque chose dont ils

28 étaient convaincus, dès le départ, que c'était de la pure manipulation. Le

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1 général Mladic a demandé qu'on enquête, mais il n'a pas eu assez de temps.

2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Vous m'affirmez qu'aucun crime n'a

3 été commis. Il n'y avait pas à entreprendre quoi que ce soit, c'est un non-

4 lieu.

5 Je vais passer à ma troisième question qui concerne les tirs isolés sur des

6 cibles civils. La cause de la Défense, telle que présentée tout au long du

7 procès, a été qu'il s'agi d'un conflit armé. Si j'ai bien compris, il est

8 propre à tout conflit armé de générer la terreur et que cette peur qui a

9 été éprouvée, a été éprouvée par tout à chacun, de part et d'autre de la

10 ligne de front.

11 Mais je voudrais savoir, à partir de ce moment-là, comment vous expliquez

12 que des cibles civils ont été touchés, même si les pilonnages et les tirs

13 isolés du côté du RSK étaient en réponse aux tirs provenant du côté de

14 l'ABiH. Même si c'était vrai, je suis certain que dans de nombreux cas

15 c'était exact, mais même dans ce cas-là, ceci ne permettrait pas au Corps

16 de Sarajevo-Romanija ou qui que ce soit de riposter en prenant pour cible

17 des civils.

18 Comment expliquez-vous les incidents qui apparemment se sont produits où

19 des civils ont été touchés ? Par exemple, les incidents concernant le

20 tramway. Je suis certain que vous conviendrez avec moi qu'en aucun cas, on

21 accepterait l'affirmation que le tramway est une cible militaire légitime.

22 Vous pouvez dire que le tramway se déplaçait dans un quartier où il y avait

23 des échanges de feu et que c'était juste des dégâts collatéraux. Cela c'est

24 une position possible. Où vous dites par exemple, que c'était des balles

25 perdues ou vous pouvez dire que c'était par ricochet ou encore, vous pouvez

26 dire que c'était l'ABiH qui était à l'origine de ces tirs isolés sur ses

27 proches hommes. Mais, je ne suis pas certain quelle est votre position

28 exactement. Je ne le vois pas dans votre mémoire en clôture.

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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Bien entendu, Monsieur le Juge Harhoff, on

2 trouve tout cela dans notre mémoire. Vous le trouverez facilement.

3 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] Excusez-moi, j'ai cherché, mais je

4 n'ai pas pu le trouver. C'est la raison pour laquelle je vous ai posé la

5 question.

6 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je peux répéter, Monsieur le Juge, pas de

7 problème. Sur les lignes de confrontation, il arrivait que ces lignes

8 traversent des maisons. Un témoin de l'Accusation Hadzic en a longuement

9 parlé. Il a expliqué parfaitement bien comment dans de telles conditions

10 des civils pouvaient être tués. Pour ma part, j'ai évoqué les conditions

11 dans lesquelles se trouvait la population avec ses mélanges de civils et de

12 soldats. J'ai soumis à la Chambre un document d'où il ressort que dans un

13 certain nombre de cas, les soldats de l'ABiH ont agi contre les leurs.

14 Puis, vous avez Harland qui s'explique sur ce point. D'ailleurs, il a été

15 vérifié par l'armée française, de quelle fenêtre le tireur embusqué avait

16 agi. En tout cas, la personne qui a utilisé l'arme incriminée.

17 Dans de telles conditions, vous ne pouvez pas confirmer, hors de tout doute

18 raisonnable, que les tirs provenaient des rangs de l'armée de la Republika

19 Srpska. Si j'en avais eu le temps, j'aurais pu prendre un à un, chacun des

20 événements et vous les expliquez en détail, pour vous montrer dans quelle

21 condition où il a eu lieu. Il n'est arrivé dans aucune circonstance de

22 tirer sur les civils mais l'ABiH, cela ne fait aucun doute, l'a fait. Nous

23 l'avons amplement démontré. Quant aux autres situations que j'ai à

24 l'esprit, j'espère que nous serons en mesure d'expliquer de façon

25 détaillée, au cas par cas, ce qui s'est exactement passé, lorsque vous

26 aurez rendu votre décision sur l'ensemble. Si la possibilité nous ait donné

27 de constater que tout ce dont il a été question ici, a été vérifié et

28 prouvé avec des preuves irréfutables. Je n'ai pas pu, faute de temps, vous

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1 parler dans les détails de ce jeune garçon.

2 M. LE JUGE HARHOFF : [interprétation] J'ai compris votre réponse. Merci

3 beaucoup.

4 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Nous en sommes arrivés au terme des

5 réquisitions et plaidoiries. Je remercie tous les intervenants pour leurs

6 exposés. La Chambre va prendre le temps nécessaire pour délibérer et rendra

7 son jugement dans les plus brefs délais. Je suspends l'audience.

8 --- L'audience est levée à 18 heures 46.

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