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1 Le mardi 21 juillet 2009
2 [Audience d'appel]
3 [Audience publique]
4 [L'appelant est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.
6 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.
7 Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges.
9 Bonjour à tous et à toutes. Affaire IT-98-29/1-A, le Procureur contre
10 Dragomir Milosevic.
11 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.
12 Tout d'abord, je vais demander à M. Milosevic s'il est en mesure de suivre
13 le débat et s'il entend bien l'interprétation de mes propos.
14 L'APPELANT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
15 Madame et Messieurs les Juges. Je vous entends parfaitement, je vous
16 comprends, et je suis bien les débats. Merci.
17 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.
18 Je vais demander aux parties de se présenter. Je commencerais par
19 l'Accusation.
20 M. ROGERS : [interprétation] Bonjour, Madame et Messieurs les Juges. Paul
21 Rogers avec Mme Barbara Goy, M. François Boudreault, M. Matteo Costi, et
22 notre commis aujourd'hui sera Lourdes Galicia.
23 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.
24 Je me tourne maintenant vers la Défense.
25 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Bonjour, Madame la Juge, Messieurs les
26 Juges. Je suis Branislav Tapuskovic, avocat. Je défends les intérêts de M.
27 Dragomir Milosevic avec l'aide de Me Branislava Isailovic.
28 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie, Maître.
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1 Nous entamons l'audience en appel dans l'affaire le Procureur contre
2 Dragomir Milosevic. Je vais tout d'abord faire en quelques mots la synthèse
3 de l'appel dont est saisie la Chambre d'appel et vous préciser les
4 modalités de cette audience.
5 M. Milosevic, comme l'Accusation, ont fait appel du jugement de première
6 instance rendu le 12 décembre 2007 par la Chambre de première instance
7 numéro III qui se composait des Juges Robinson, Kesia-Mbe Mindua et
8 Harhoff.
9 La Chambre de première instance a déclaré M. Milosevic coupable en
10 application de l'article 7(1) du Statut pour crime de terrorisation, chef
11 1; assassinat, chefs 2 et 5; et actes inhumains, chefs 3 et 6. En raison de
12 la condamnation prononcée au titre du premier chef d'accusation, la Chambre
13 n'a pas retenu les chefs d'attaques illégales contre des civils qui se
14 trouvaient aux chefs 4 et 7, car il n'était pas autorisé, à leur avis,
15 d'avoir un cumul de condamnations au motif que les éléments constitutifs du
16 crime d'attaques illégales contre des civils sont tous englobés dans celui
17 de crimes de terreur. L'appel imposé était unique, elle était de 33 ans de
18 réclusion.
19 La Chambre, au moment de prononcer son verdict et de fixer l'appel, a
20 déclaré que pendant la période couverte par l'acte d'accusation, le RSK,
21 commandé par M. Milosevic, s'est rendu responsable de tirs continus de
22 tireurs isolés et de pilonnages continus de la zone de Sarajevo qui ont
23 entraîné la mort et des blessures graves chez beaucoup de civils. La
24 Chambre a noté que, pendant toute la durée du siège, la population civile a
25 été soumise à des conditions de peur extrême et d'insécurité qui, associées
26 au fait qu'il était impossible de quitter la ville, a entraîné des
27 cicatrices profondes et indélébiles sur toute la population. La Chambre a
28 conclu que, vu les circonstances, chaque incident de tirs isolés et de
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1 pilonnage dont elle a déclaré le RSK responsable a été mené de façon
2 délibérée avec l'intention de terroriser la population civile de Sarajevo.
3 La Chambre a jugé que ces actes pouvaient aussi être qualifiés d'attaques
4 illégales contre une population civile au titre de l'article 3 du Statut du
5 Tribunal.
6 De plus, la Chambre de première instance a jugé que la campagne militaire
7 du RSK menée à Sarajevo était "une illustration classique d'une attaque de
8 grande envergure, d'une attaque organisée plus exactement, d'une attaque
9 systématique et généralisée" qui est constitutive du crime contre
10 l'humanité. La Chambre a également jugé que les ordres donnés par
11 Milosevic, qui étaient de cibler des civils à Sarajevo, faisaient partie
12 d'une stratégie continue de tirs isolés et de pilonnages dirigés sur des
13 civils qui avaient commencé sous le commandement de Galic. Elle a également
14 jugé qu'il avait planifié et ordonné ces attaques dans l'intention de semer
15 la terreur dans la population.
16 Permettez-moi de commencer par l'appel intenté par M. Milosevic. Il a
17 déposé l'acte d'appel le 11 janvier 2008 et son mémoire en appel, le 14
18 août 2008. L'Accusation, quant à elle, a déposé son mémoire en réponse le
19 23 septembre 2008. La réplique de M. Milosevic a été déposée le 9 octobre
20 2008. Des versions expurgées ont été rendues publiques, car les mémoires
21 avaient été déposés à titre confidentiel, et ces mémoires publics ont été
22 déposés plus tard par les deux parties.
23 Dans son appel, M. Milosevic demande à être acquitté de toutes les charges
24 retenues contre lui. Il présente 12 moyens d'appel. Voici le premier : il
25 avance que la Chambre de première instance a mal appliqué le droit
26 s'appliquant au crime de terrorisation et de crimes contre l'humanité pour
27 assassinats et actes inhumains, qu'elle a violé la présomption d'innocence
28 et n'a pas établi au-delà de tout doute raisonnable les éléments
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1 constitutifs des crimes dont il a été jugé coupable.
2 Deuxième et troisième motifs d'appel : Milosevic soutient que la Chambre a
3 violé l'article 89 du Règlement de procédure et de preuve en tirant des
4 conclusions qui n'étaient pas étayées par les éléments du dossier de
5 première instance, et que la Chambre n'a pas pris en compte la totalité des
6 moyens de preuve présentés.
7 Quatrième motif d'appel : Milosevic affirme que la Chambre de première
8 instance a mal appliqué et mal énoncé le droit s'appliquant à la qualité de
9 civil des personnes se trouvant dans les tramways pris pour cible par les
10 tireurs isolés, a mal définit la notion de "siège" et s'est trompée pour ce
11 qui est de sa défense d'alibi.
12 Sixième, pour les motifs 6 à 11, Milosevic conteste les constatations de la
13 Chambre de première instance qui avait dit que les zones de Sarajevo
14 étaient des zones civiles, que le RSK était à l'origine de tirs précis de
15 tireurs isolés et de pilonnages et qu'elle s'est trompée aussi pour ce qui
16 est des conclusions concernant la possession, l'utilisation et l'origine
17 des bombes aériennes.
18 Enfin, dans son 12e moyen d'appel, Milosevic conteste les conclusions de la
19 Chambre selon lesquelles Milosevic a donné l'ordre de lancer les tirs
20 isolés et de pilonner les civils.
21 En matière de fixation de peine, cinquième motif de M. Milosevic, Milosevic
22 affirme que la Chambre de première instance a eu tort de considérer que les
23 éléments constitutifs des infractions étaient des circonstances
24 aggravantes.
25 L'Accusation, pour sa part, répond que tous les moyens présentés par
26 Milosevic devraient être rejetés.
27 Voici maintenant l'appel de l'Accusation.
28 L'Accusation a déposé son acte d'appel le 31 décembre 2007 et le
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1 mémoire en appel, le 30 janvier 2008. Milosevic a répondu le 6 août 2008.
2 L'Accusation a déposé un mémoire en réplique à la réponse de M. Milosevic
3 le 12 août 2008.
4 L'Accusation soulève un seul motif d'appel. Elle fait valoir que la
5 Chambre a mal utilisé son pouvoir discrétionnaire en imposant une peine qui
6 est manifestement inadéquate. L'Accusation demande qu'en lieu et place de
7 la peine imposée soit imposée une peine de réclusion à perpétuité. En
8 réponse, Milosevic fait valoir que les faits à l'origine de sa condamnation
9 n'ont pas été prouvés au-delà de tout doute raisonnable, ce qui fait que la
10 question de la peine ne se pose pas. A titre subsidiaire, M. Milosevic
11 insiste pour dire que toutes les circonstances atténuantes pertinentes
12 prises en compte par la Chambre de première instance devraient être
13 conservées.
14 Les parties, pendant le dépôt des notes de cette audience, peuvent
15 présenter les motifs d'appel qui leur semblent les plus adéquats pour leur
16 cause. Mais j'exhorte les parties à ne pas se contenter de répéter in
17 extenso ce qui se trouve déjà dans les mémoires ni non plus d'en faire un
18 résumé trop long, car la Chambre connaît ces mémoires, les a étudiés. Je
19 vous rappelle aussi que dans l'addendum à l'ordonnance portant calendrier
20 du 6 juillet 2009, la Chambre d'appel a invité les parties à aborder des
21 questions précises au cours de l'audience en appel, questions qu'il n'est
22 pas nécessaire de rappeler ici même. J'insiste là-dessus, je vous fais
23 cette invitation, bien sûr, tout en laissant toute liberté aux parties de
24 soulever des éléments qui leur semblent importants et qui n'expriment
25 aucunement l'avis de la Chambre sur la question du fond de l'affaire.
26 Permettez-moi de rappeler brièvement les critères s'appliquant à des
27 erreurs de droit et de fait en appel. Un appel n'est pas un procès de novo.
28 Les appelants ne peuvent pas se contenter de répéter les éléments qu'ils
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1 ont prononcés et présentés en première instance. Au contraire, conformément
2 à l'article 25 du Statut, un appelant doit se limiter dans ses arguments à
3 ce qu'il allègue être une erreur de droit qui aurait invalidé la décision
4 rendue en première instance ou une erreur de fait qui aurait entraîner un
5 déni de justice. De plus, il faut rappeler que les appelants ont
6 l'obligation de donner des références précises lorsqu'ils citent des
7 éléments à l'appui de leurs arguments présentés en appel.
8 Nous allons, pour le déroulé de l'audience, nous conformer à ce qui est dit
9 dans l'addendum à l'ordonnance portant calendrier du 6 juillet 2009. La
10 Défense aura une heure et demie, puis nous aurons une pause et nous
11 entendrons le reste de la présentation de la Défense pendant 30 minutes.
12 Ensuite nous aurons la réponse de l'Accusation pendant une heure, et nous
13 allons faire une pause déjeuner d'une heure et demie et nous reprendrons
14 les débats pendant une heure supplémentaire pour ce qui est de
15 l'Accusation. Puis il y aura réponse, mais nous prendrons les aménagements
16 qui sont nécessaires en fonction des besoins tels qu'ils se manifesteront
17 pendant l'audience.
18 Il serait très utile pour la Chambre si les parties pouvaient s'exprimer de
19 façon précise et claire. Je vous rappelle que les Juges peuvent
20 parfaitement vous interrompre à tout moment s'ils ont des questions à vous
21 poser ou il se peut également qu'un Juge préfère poser une question à la
22 fin de la présentation faite par une partie. Dernière précision, les
23 parties n'ont pas besoin d'utiliser tout le temps qui leur a été donné, si
24 une partie estime qu'elle n'a pas besoin de tout ce temps.
25 Cette précision étant abordée quant à la procédure d'aujourd'hui, j'invite
26 la Défense à présenter ses arguments à l'appui de l'appel qu'elle a déposé.
27 Maître Tapuskovic, vous pouvez commencer.
28 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je remercie les Juges de la Chambre.
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1 Compte tenu de l'occasion qui m'est donnée de vous exposer un certain
2 nombre d'éléments liés à la responsabilité de Dragomir Milosevic, compte
3 tenu également de l'ordre du 6 juillet 2009 provenant de la Chambre
4 d'appel, nous allons nous concentrer sur la présentation des arguments
5 cruciaux, donc je me concentrerai sur l'exposition des arguments principaux
6 contenus dans l'acte d'appel, en particulier sur le premier élément qui est
7 la base de tous les éléments secondaires justifiant ce pourvoi en appel.
8 Nous exposerons ce premier motif jusqu'à la pause, et puisque nous devons
9 répondre aux questions posées par les Juges, nous tenterons de le faire
10 dans notre exposé. Mais je vous préviens d'emblée que si les Juges avaient
11 des questions supplémentaires, j'aimerais me concentrer sur les éléments
12 liés aux faits sur lesquels le droit doit s'appliquer et que c'est ma
13 consoeur, en cas de questions complémentaires, qui s'occupera des questions
14 de droit pur.
15 Donc je commence au paragraphe 7 du jugement. La Chambre de première
16 instance constate que la Défense de l'accusé a affirmé que le territoire de
17 Sarajevo ne pouvait pas être caractérisé comme un territoire civil. C'est
18 l'argument principal. Bien entendu, cette question est tout à fait
19 cruciale. De la réponse à cette question dépend la détermination de la
20 responsabilité de Dragomir Milosevic au titre de l'article 7(1) du Statut
21 du Tribunal. D'ailleurs, hormis cette constatation relative à l'argument
22 principal de la Défense que l'on trouve au paragraphe 8.8.9, la Chambre de
23 première instance déclare également que, pendant la durée du conflit, cet
24 élément est tout à fait capital pour déterminer la responsabilité globale
25 de l'accusé. C'est là que commence l'appréciation des éléments de fait. Au
26 point 8.8.9, il est question des combats qui se sont déroulés dans des
27 quartiers importants de la ville placés sous le contrôle de l'ABiH.
28 S'agissant de la population civile, Messieurs les Juges, s'agissant de la
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1 zone civile, ceci est une question de droit réglée par des éléments de
2 droit appliqués régulièrement par votre Tribunal, mais au sujet desquels la
3 Défense a répondu dans les paragraphes 27 à 32 de son acte d'appel. Nous
4 n'allons donc pas répéter les arguments présentés dans ces paragraphes.
5 Lorsque ces éléments de droit s'appliquent à l'examen des éléments de
6 preuve figurant au compte rendu d'audience, il est absolument impossible
7 d'aboutir aux conclusions auxquelles a abouti la Chambre de première
8 instance sur ce sujet. Ces conclusions de la Chambre de première instance
9 sont même en contradiction complète avec un grand nombre d'éléments de
10 preuve présentés. Bien entendu, vous savez déjà que dans le quatrième motif
11 de notre pourvoi en appel, quatrième branche, il est déclaré que la Chambre
12 de première instance n'a même pris aucun compte de certains éléments de
13 preuve. Compte tenu de votre position exprimée dans l'affaire Halilovic au
14 paragraphe 124, selon lequel le fait que la Chambre de première instance ne
15 cite pas des éléments de preuve pertinents, nous avons un indice valable
16 pour penser que la Chambre n'a pas pris en compte ces éléments de preuve, à
17 savoir un indice indiquant que la Chambre de première instance a ignoré des
18 éléments de preuve pertinents.
19 En ce moment, je vais me pencher sur les éléments de preuve que la Chambre
20 de première instance n'a pas cités, ce qui signifie qu'elle ne les a pas
21 examinés ou que, même si parfois elle les mentionne ici ou là, elle ne les
22 a pas appréciés s'agissant des questions principales en jeu dans la
23 présente affaire. Merci. L'appelant comprend, bien sûr, que le fait de
24 mentionner simplement les éléments de preuve qui ont été laissés de côté,
25 éléments de preuve concrets, il peut répondre à ses obligations, eu égard
26 au pourvoi en appel. Vous trouverez une analyse détaillée des éléments de
27 preuve qui ont été laissés de côté aux paragraphes 1 à 145 du jugement,
28 étant donné que ces éléments étaient censés prouver que l'ABiH était
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1 présente dans certains quartiers de Sarajevo et que la RSK lorsqu'elle a
2 répliqué aux attaques n'a pas pris pour cible la population civile.
3 Dans mon exposé d'aujourd'hui, je me contenterai de démontrer des
4 contradictions importantes, eu égard à l'examen des éléments de preuve par
5 la Chambre de première instance, éléments figurant dans les comptes rendus
6 d'audience. Au paragraphe 896, la Chambre de première instance estime que
7 40 000 à 45 000 soldats n'étaient pas stationnée dans des zones densément
8 peuplées, mais il n'apparaît pas clairement pourquoi il n'est pas mentionné
9 le chiffre de 50 000 à 55 000 soldats. Ce qui est écrit c'est qu'un grand
10 nombre de soldats étaient stationnés dans des tranchées où étaient dans des
11 positions sur le front. Dans la note en bas de page, il est mis en exergue
12 qu'une attaque était en cours de la part de l'ABiH. On a du mal à
13 déterminer le nombre exact de soldats qui, en soi, ne signifie rien.
14 Les unités présentes étaient des unités régulières de l'ABiH qui,
15 selon le paragraphe 71 du jugement, comptait de 225 000 soldats. Un quart
16 de toute l'ABiH était présente en permanence dans la région de Sarajevo, et
17 notamment dans les quartiers de Sarajevo contrôlés par cette armée. Il
18 s'agit des soldats de la 12e Division stationnés à Sarajevo pendant toute
19 la durée prise en compte par l'acte d'accusation et tout le 1er Corps
20 d'armée comptait, comme nous le savons, 78 000 soldats. Ces 78 000 soldats
21 étaient opposés à 18 000 soldats du RSK. Et dans la période prise en compte
22 par l'acte d'accusation, ce nombre était même inférieur, il était de 15 000
23 environ, car selon les éléments de preuve mentionnés au compte rendu
24 d'audience, 3 000 soldats environ ont trouvé la mort avant le début de la
25 période prise en compte par l'acte d'accusation.
26 Un nombre aussi important de soldats réguliers de l'ABiH présents en
27 permanence sur le territoire de la ville dans les quartiers sous son
28 contrôle est un élément capital s'agissant de tout ce qui est dit au sujet
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1 de la situation de la population civile vivant dans les quartiers placés
2 sous le contrôle de l'ABiH, car ces soldats étaient des soldats réguliers
3 qui menaient de façon permanente des actes de combat.
4 Dès lors que l'on se pose la question du nombre de personnes en armes
5 mêlées à la population civile avant d'apprécier les éléments de preuve
6 relatifs à la situation de la population dans les quartiers de Sarajevo
7 sous le contrôle de l'ABiH, ce qui est important c'est que la Chambre de
8 première instance ne mentionne pas les forces du MUP de la Bosnie-
9 Herzégovine. Dans tout le jugement, la Chambre de première instance
10 considère ces éléments du MUP comme des hommes qui n'étaient là que pour
11 maintenir l'ordre public dans un milieu très armé, et considère que le MUP
12 n'a entrepris aucune action en appui aux actions de l'armée, comme cela est
13 indiqué au paragraphe 59.3 du Protocole additionnel numéro 1 de Genève.
14 Mais dans le texte du jugement, la Chambre de première instance
15 s'occupe des forces du MUP de la Bosnie-Herzégovine. En effet, dans ce
16 paragraphe, il est indiqué que les unités de la police de Bosnie-
17 Herzégovine n'étaient pas intégrées à l'ABiH. La Chambre de première
18 instance affirme que les éléments de preuve démontrent que les unités du
19 MUP étaient placées sous le commandement du gouvernement et du MUP de
20 Bosnie-Herzégovine. La Chambre de première instance conclut que les
21 éléments de preuve ne concordent pas avec la conclusion selon laquelle la
22 police régulière faisait partie intégrante des forces armées de Bosnie-
23 Herzégovine, et elle ne conclut pas non plus, et c'est tout à fait
24 important, que les unités de la police ont apporté un quelconque concours
25 aux actions armées qui se sont menées pendant le conflit.
26 La Chambre de première instance exprime son avis dans le paragraphe
27 188 où elle indique que le nombre des hommes du MUP était de 11 000 à 12
28 000, ce qui au cas où ces unités policières avaient agi sur le plan
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1 militaire, auraient accru considérablement les forces armées de l'ABiH ce
2 qui aurait dû jouer un rôle important dans la définition du statut de la
3 population civile.
4 Parmi les conclusions que l'on trouve au paragraphe 190 et qui sont
5 confirmées au paragraphe 188, on trouve que ces contradictions sont tout à
6 fait importantes. Au paragraphe 188, il est indiqué que lorsque les unités
7 de la police ont été utilisées pour des actions militaires, et je parle là
8 en particulier des unités spéciales, nous devons parler des détachements
9 Bosnie et Lasta en particulier dans le cadre des actions menées par la 12e
10 Division de l'ABiH. Mais même sans cette mention, la conclusion de la
11 Chambre de première instance que l'on trouve au paragraphe 190, selon
12 laquelle les éléments de preuve ne démontrent pas la conclusion selon
13 lesquelles les unités de la police régulière auraient apporté un concours
14 aux opérations militaires pendant l'offensive de l'ABiH, nous trouvons une
15 contradiction tout à fait claire avec les éléments de preuve présentés à la
16 Chambre, que la Chambre n'a absolument pas pris en compte.
17 Je vais m'occuper maintenant des éléments de preuve démontrant que les
18 unités du MUP faisaient partie intégrale de l'ABiH et, qu'en tant que tel,
19 elles ont participé aux opérations armées menées par les unités du 1er Corps
20 d'armée de l'ABiH. Je vais d'abord vous citer les cotes des documents qui
21 n'ont pas été pris en compte, à savoir les pièces D190, D417, D426, et
22 D282. En raison du manque de temps, je me propose de ne choisir qu'un seul
23 de ces quatre documents qui me permettra de citer un passage relatif à la
24 12e Division, page 5 et début de la page 6 de la version anglaise, nous ne
25 pouvons pas les afficher sur l'écran, mais en tout cas nous y lisons, je
26 cite :
27 "Les forces de la 12e Division avec une partie d'autres unités" - je ne
28 vais pas tout citer. Avant ce passage, il est indiqué que ces unités
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1 agissent dans les quartiers concernés de Sarajevo aux côtés des unités de
2 la division du HVO présentes sur place, qui agissent de concert avec les
3 unités du MUP de Bosnie-Herzégovine, et à ce moment-là, nous voyons
4 exactement depuis quel quartier démarre les actions militaires. Il est même
5 indiqué que :
6 "Le commandement de la 12e Division a organisé une coopération avec la 155e
7 Brigade, la 102e Brigade de concert avec le MUP notamment à Lapad" --
8 ensuite nous voyons qu'il est indiqué plus loin dans le texte "fournir un
9 appui aux unités du MUP de Bosnie-Herzégovine".
10 Pourquoi est-ce que je me suis saisi de ce document ? Parce qu'à la lecture
11 de ce document, on constate que les forces du MUP dans un endroit bien
12 particulier, à savoir le mont de Stupsko Brdo, ont agi de façon autonome.
13 Il est même indiqué dans ce texte qu'à cet endroit, les unités du MUP
14 étaient placées sous le commandement du ministère de l'Intérieur, on voit
15 bien une distinction qui s'établit. Dans certains endroits, la police est
16 placée sous le commandement et la responsabilité directe du commandement de
17 l'armée et à un autre endroit, les unités du MUP agissent de façon
18 totalement autonome sous la direction des dirigeants de la police. Les
19 autres documents que j'ai cités tout à l'heure précisent de façon encore
20 plus claire le fait que la police a agi de concert avec l'armée dans toutes
21 les actions militaires, en particulier entre le mois de juin et
22 pratiquement la fin de la période prise en compte dans l'acte d'accusation.
23 En raison de tout cela, il est permis de conclure que les forces de la
24 police, les forces du MUP ont entrepris en permanence des actions
25 militaires en soutien aux opérations menées par l'armée. Ce nombre total
26 d'hommes de l'armée et de la police qui ont agi ensemble, il n'est pas pris
27 en compte par la Chambre de première instance qui, dans ses conclusions, ne
28 s'en occupe pas pour affirmer ce qu'elle affirme au sujet de la population
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1 civile de Sarajevo dans les quartiers sous le contrôle de l'ABiH. En fait,
2 pratiquement la moitié de toute l'ABiH se trouvait à cet endroit, ce qui, à
3 notre avis vous appartient bien sûr de déterminer, est d'une importance
4 cruciale pour répondre à la question de savoir si cette zone pouvait être
5 considérée comme civile. Dans la suite de mon exposé, je vous montrerai
6 d'autres éléments écrits qui vous démontreront quelle a été la nature des
7 actions menées pendant tout ce conflit.
8 Mais si nous parlons du nombre des soldats de l'ABiH auquel était confronté
9 la RSK et ses 15 000 soldats durant la période prise en compte par l'acte
10 d'accusation, il faut mettre l'accent sur un autre élément encore. Au
11 paragraphe 897 du jugement, il est indiqué que des éléments de preuve
12 démontrent que pendant toute l'offensive d'été des soldats, d'autres corps
13 de l'ABiH ont apporté leur appui aux soldats du 1er Corps d'armée. Nous
14 convenons avec la Chambre de première instance que rien dans les éléments
15 de preuve n'indique que des soldats de l'ABiH sont arrivés en masse dans le
16 secteur de Sarajevo placé sous le contrôle de l'ABiH.
17 Au paragraphe 784, il est question d'attaques menées par l'ABiH à partir du
18 mois de mai 1995 sur le territoire tenu par la RSK. Dans ce paragraphe est
19 prise en compte la déclaration du commandant Veljkovic, qui parle du nombre
20 total de soldats de l'ABiH qui ont participé à cette attaque, et qui
21 affirme que durant l'opération T-94, 61,5 % du nombre potentiel total
22 d'hommes de l'ABiH, c'est-à-dire 130 à 135 000 soldats ont été opposés aux
23 15 000 soldats du RSK pendant la période couverte par l'acte d'accusation.
24 La Chambre de première instance a pris en compte la déclaration du
25 commandant Veljkovic au sujet du nombre total de membres de l'ABiH en
26 disant que ce nombre n'avait pas été corroboré par d'autres éléments de
27 preuve. C'est la raison pour laquelle je vais vous exposer un certain
28 nombre de documents qui vont dans le sens contraire de ce qu'affirme le
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1 jugement, à savoir les pièces D106, D190, D384, D388, D386 et D390.
2 A la lecture de la pièce D190, on constate que durant les actions
3 offensives menées à partir de juin 1995, les forces des 3e, 4e et 7e Corps
4 se sont unies à celles du 1er Corps. Dans les documents que je viens
5 d'évoquer, on trouve le nombre total des soldats faisant partie de ces
6 unités, il est donc possible d'effectuer un calcul qui démontre qu'un
7 nombre bien supérieur à 135 000 soldats ont participé â ces actions. Ces
8 faits relatifs au nombre total de soldats de l'ABiH ont une importance très
9 grande pour se prononcer sur les événements qui ont eu lieu durant la
10 période couverte par l'acte d'accusation. Le RSK était totalement encerclé,
11 ce que démontre la carte, qui constitue la pièce D59, pendant toute la
12 période du conflit, et ce sont ces combats qui ont infligé les pertes
13 humaines les plus importantes au RSK pendant la période des combats en
14 question, pertes importantes infligées au RSK mais également à la
15 population civile vivant dans ces quartiers.
16 Dès lors que nous examinons les actions militaires menées par ces 45 000
17 soldats, il importe de tenir compte de ce que nous lisons au paragraphe
18 896, où il est question des actions militaires régulières, et la Chambre de
19 première instance a pris en compte une seule action menée par ces soldats,
20 à savoir le fait que ces soldats rentraient à leurs domiciles à partir de
21 la ligne de front, ce qui permet à la Chambre de conclure que l'incidence
22 globale de leurs déplacements n'a pas modifié le statut civil de la
23 population vivant dans ces zones. La conclusion selon laquelle les
24 déplacements de ces 45 000 soldats - et à la lecture des documents, nous
25 voyons que si l'on ajoute les forces de la police, le nombre réel est de 60
26 000 hommes - donc les déplacements réguliers de ces soldats entre les
27 tranchées et leurs domiciles se faisaient selon un axe déterminé, selon ce
28 qu'a jugé la Chambre de première instance, ce qui va totalement dans le
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1 sens contraire des éléments de preuve relatifs aux offensives menées par
2 l'ABiH, qui ne sont absolument pas pris en compte dans la note en bas de
3 page liée au paragraphe 896 du jugement.
4 Au paragraphe 898 du jugement, nous lisons qu'il est clair qu'à l'intérieur
5 de la zone des combats se trouvaient des objectifs militaires. Par exemple,
6 sur une carte militaire de l'ABiH, on voit figurer 30 lieux de commandement
7 des unités de l'ABiH qui étaient déployés sur tout le territoire limité par
8 les lignes de front. Dans la note en bas de page liée à cette conclusion,
9 la Chambre de première instance expose cette carte, à savoir la carte qui
10 constitue la pièce P194, qui est son unique élément de preuve. En
11 appréciant cet élément de preuve unique, la Chambre conclut que le nombre
12 de ces postes de commandement n'était pas suffisamment important pour que
13 tout le territoire limité par les lignes de front perde son statut civil.
14 Vous examinerez bien sûr cette carte. La Chambre de première instance,
15 lorsqu'elle a réfléchi à l'existence de cibles militaires sur le territoire
16 de Sarajevo sous le contrôle de l'ABiH, ne s'est servie que de ce seul et
17 unique élément de preuve, mais par ailleurs elle n'a pris en compte que les
18 postes de commandement.
19 Lorsque vous vous pencherez sur cette carte, vous constaterez qu'il y
20 a bien plus que des postes de commandement. Les postes de commandement
21 étaient dispersés sur tout le territoire de Sarajevo sous le contrôle de
22 l'ABiH et toujours au cœur des zones les plus sensibles pour les brigades
23 de la 12e Division de l'ABiH, qui a joué un rôle crucial dans ces
24 événements. A l'examen de cette carte, nous voyons que la 102e, la 105e, la
25 101e, la 112e, la 111 et la 112e Brigade de la 12e Division, ainsi que la
26 104e Brigade de la 14e Division du 1er Corps d'armée, ont été déployées sur
27 tout le territoire de la ville de Sarajevo sous le contrôle de l'ABiH
28 pendant la période couverte par l'acte d'accusation.
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1 A l'examen de cette carte, on constate non seulement ce que je viens
2 de vous dire, à savoir que les brigades dont je viens de donner les numéros
3 couvrent bien toute la superficie sous le contrôle de l'ABiH dans la ville,
4 mais on voit également les emplacements des bataillons et des diverses
5 unités de ces brigades. Certaines brigades dirigeaient jusqu'à trois
6 bataillons. On ne voit pas l'emplacement des unités subalternes, mais grâce
7 à d'autres éléments de preuve, nous voyons également que ces unités
8 subalternes étaient présentes. Sur la carte, on voit également
9 l'emplacement des armes lourdes sur tout le territoire des zones de
10 responsabilité comme, par exemple, le territoire de la 101e Brigade qui
11 tenait des nids d'armes lourdes dans le centre même de la ville de
12 Sarajevo.
13 Nous prions la Chambre d'appel de prêter attention à la teneur du
14 paragraphe 81 du jugement. En effet, lorsque la Chambre de première
15 instance a fait connaître ses conclusions au sujet des cibles militaires
16 dans le paragraphe 898 du jugement, elle évoque les éléments de preuve qui
17 ont été pris en compte par elle et confirmés. Mais il existe nombre
18 d'autres éléments de preuve auxquels elle n'a prêté aucune attention. C'est
19 la raison pour laquelle nous vous demandons instamment de prêter attention
20 au paragraphe 81 du jugement dans lequel la Chambre de première instance
21 confirme que l'examen des éléments de preuve démontre que l'ABiH possédait
22 des canons, des lance-roquettes, des Howitzer, et là je ne vous parle que
23 des quartiers sous le contrôle de l'ABiH, n'est-ce pas, donc des Howitzer,
24 des canons, des lance-roquettes, des mortiers antichars, des mortiers
25 antiaériens, et toutes sortes d'autres canons, y compris une centaine de
26 mortiers au total, 12 chars et des lance-roquettes montés sur des
27 véhicules. Dans la note en bas de page 287, 288 et 289, on constate que les
28 armes lourdes situées dans les quartiers tenus par l'ABiH à Sarajevo sous
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1 le commandant de la 12e Division étaient très armés en armes lourdes. Sur
2 la carte, par exemple, on constate que le nombre des mortiers est inconnu,
3 alors que les éléments de preuve confirment la présence de 100 positions de
4 mortiers. La Chambre de première instance n'en a pas tenu compte dans son
5 paragraphe 898 du jugement.
6 Il importe à ce sujet de prendre en compte la déclaration du témoin Fraser
7 qui a dit, je cite :
8 "Les mortiers musulmans étaient répartis un peu partout en ville, et il
9 était particulièrement difficile pour les Serbes de répliquer aux tirs, car
10 ils étaient mêlés aux civils. Ils étaient installés dans des environnements
11 peuplés par des civils." Là vient la partie la plus importante de sa
12 déclaration, je cite : "Ceci a été à l'évidence fait délibérément, car en
13 cas d'action répliquant au tir, il devenait particulièrement difficile
14 d'éviter des pertes civiles."
15 C'est ce qu'a dit ce témoin qui concerne la durée de son séjour à Sarajevo,
16 et c'est une déclaration particulièrement importante. Au paragraphe 82 du
17 jugement, il est question de l'existence d'une usine d'armement qui
18 fabriquait des obus destinés au territoire du quartier Ali Pasina Polje.
19 Au paragraphe 84 du jugement, il est confirmé que le 1er Corps de l'ABiH n'a
20 jamais retiré les armes lourdes des territoires placés sous son contrôle,
21 et que dans toutes les situations démontrées par les éléments de preuve,
22 l'ABiH pouvait se fournir en armes dans ces entrepôts qui étaient à sa
23 disposition. Au paragraphe 129 du jugement, par exemple, on établit
24 l'existence d'obusiers se trouvant sur le mont Zuc.
25 Au paragraphe 763, il est établi que l'ABiH a ouvert le feu depuis le mont
26 Hum, Debelo Brdo, Colina, Ali Pasina Polje, Igman, Hrasnica, alors que nous
27 avons des notes de bas de page qui font référence à plusieurs pièces
28 versées au dossier qui sont à l'origine de ces conclusions. Il s'agit de
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1 monts où apparemment ce sont des Serbes qui occupaient des positions. Ce
2 sont les plus grandes hauteurs de la ville, alors que les éléments de
3 preuve indiquent que ces positions avaient été prises par l'armija, l'ABiH,
4 car elles se trouvaient, ces collines, entre ces lignes de séparation. Mais
5 les hauteurs, à l'exception de Trebevic, ont toujours été tenues par
6 l'armija. C'est quelque chose qui est indiqué dans les pièces. Je vais en
7 mentionner quelques-unes, sinon toutes.
8 Les Serbes étaient de l'autre côté au bas des collines. Il y a donc une
9 idée reçue qui a été mal comprise et qui a été acceptée, car nous avons pu
10 consulter les archives de Bosnie-Herzégovine et nous avons réussi à en
11 montrer les preuves. Nous avons éprouvé beaucoup de difficultés en faisant
12 ce travail.
13 Dès le début du procès, nous avions obtenu plus de 4 000 documents des
14 archives de Bosnie-Herzégovine, et il nous a été très difficile d'utiliser
15 ces documents, ceci surtout pendant la présentation des moyens à charge.
16 Nous n'avons pas obtenu la traduction. Nous avons traduit nous-même
17 certains documents. Bon nombre des documents que je vais utiliser
18 aujourd'hui ont été traduits plus tard. La totalité d'entre eux a été
19 versée au dossier. Ces pièces vous indiquent ce que je vous dis
20 aujourd'hui, mais notre chemin a été semé d'embûches. Malgré tout, nous
21 avons réussi à faire traduire ces documents, à les verser au dossier, même
22 si chacun de ces documents a été mis en cause au motif de la pertinence.
23 C'étaient des documents pertinents, parce qu'on y voit les positions et on
24 voit que ces zones n'étaient pas du tout des zones civiles.
25 Paragraphe 129 du jugement, j'ai déjà abordé cette question. Maintenant
26 nous parlons des paragraphes 764, 765, 766 et 767 du jugement où il y a
27 preuve de la présence d'armes lourdes utilisées par l'ABiH pour tirer sur
28 le territoire contrôlé par le RSK. On a tiré sur Vogosca, Ilidza notamment.
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1 Autant de quartiers urbains de la ville, mais ils étaient contrôlés par
2 l'armée de la Republika Srpska. Grbavica, par exemple, et Nedzarici étaient
3 un ghetto tout à fait encerclé dans le cœur même de la ville. Les éléments
4 de preuve le prouvent, et nous l'avons mentionné dans notre mémoire en
5 appel. Inutile de le rappeler ici.
6 Paragraphe 83 du jugement, il est question de positions de tireurs
7 embusqués et d'armes utilisées par ces tireurs. Autre référence à ces
8 snipers de l'ABiH au paragraphe 768 du jugement. Au paragraphe 7, le
9 général Milosevic a dit qu'il y avait des armes utilisées par les tireurs
10 embusqués dans l'ABiH, et les documents indiquent qu'il y a eu, de la part
11 de l'armija, des activités de tireurs embusqués - et c'est incontestable -
12 mais outre cela, on affirme que chaque tir de tireur embusqué qui serait
13 venu des forces serbes était dirigé sur des civils, mais il s'agit, en
14 fait, d'activités de tireurs embusqués qui viennent des deux armées.
15 Puis nous avons le paragraphe 771 du jugement où les éléments de preuve
16 concernent les tirs venant du gouvernement de Bosnie, tirs dirigés sur
17 plusieurs bâtiments et d'autres lieux commandés par l'ABiH, comme Mojmilo,
18 Debelo Brdo, le bâtiment Loris, le mont Hum, Pofalici. Pareil pour le
19 paragraphe 773 et le 774.
20 Au paragraphe 776, il est dit que l'armija a souvent ouvert le feu sur
21 plusieurs endroits de la ville de façon très fréquente et souvent tirait
22 sur des positions propres de bâtiments occupés par les Nations Unies. On a
23 le bâtiment des PTT, on a la salle de sport Zetra, la caserne Maréchal
24 Tito. On a utilisé des mortiers mobiles. On parle des bâtiments de la
25 FORPRONU au paragraphe 777.
26 Ce sont des éléments du dossier que la Chambre a tout à fait passés sous
27 silence lorsqu'elle a tiré des conclusions sur la qualité de civils de
28 telle ou telle région de Sarajevo contrôlée par l'ABiH, et ceci met tout à
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1 fait en cause les conclusions tirées par la Chambre de première instance.
2 Ce sont des faits qui ont été établis pendant le procès, mais qui n'ont pas
3 été justement appréciés par la Chambre de première instance, comme je viens
4 de vous le dire.
5 Je vais signaler beaucoup de rapports de la FORPRONU. Il y en a un de
6 nombreux, mais ils ont été parfaitement ignorés par la Chambre de première
7 instance. Il s'agit des pièces P19, P391, P519, et aussi de la pièce D3.
8 Ces éléments de preuve montrent qu'il y a eu des activités déployées par
9 l'ABiH et son artillerie est dirigée sur les proches abords de lieux
10 occupés par la FORPRONU, mais il est possible aussi d'établir où se
11 trouvaient les positions des armes lourdes de l'armija partout dans la
12 ville. Et ces documents montrent qu'il y a eu des tirs d'artillerie de
13 l'armija le 16 et le 17 novembre 1994, aussitôt dans les quelques jours qui
14 ont suivi la prise de fonction de Dragomir Milosevic. Les activités de
15 mortier venant de ces zones et dirigées tout près sur les abords du
16 bâtiment de la présidence et de l'hôpital de Kosevo. Aussi, il montre qu'il
17 y a eu des tirs d'armes lourdes sur la ville et ceci constitue une
18 violation de la zone d'explosion totale, comme le montre le document P391.
19 On dit aussi dans ces éléments de preuve qu'on a ouvert le feu depuis les
20 abords du PTT. Il s'agit de la pièce P519, et ceci s'est passé le 28 juin
21 1995.
22 De plus, nous avons des preuves de tirs de sabotage qui viennent des
23 quartiers se trouvant au sud-est de la ville. Ces documents le montre,
24 notamment le D3, alors que là ces positions se trouvaient au cœur même de
25 la ville. Nous avons ici trois rapports de la FORPRONU, trois pièces à
26 charge, et nous avons également une pièce de la Défense. Je viens de vous
27 les mentionner. Je venais de vous parler de la pièce P194, une carte qui
28 vous montre les positions de toutes les brigades de l'armija sur le
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1 territoire de Sarajevo.
2 Je vais vous parler des documents produits par cette armée qui ont tous été
3 versés au dossier. Il s'agit de décisions, d'ordres, de rapports
4 d'activité, de documents indiquant l'utilisation quotidienne de munitions.
5 Et croyez-moi, pour chaque jour, nous avons des preuves qu'il y a eu des
6 activités effectuées. Nous avons versé quelque 20 documents au dossier, et
7 ces documents vous indiquent où exactement se trouvaient les armes, vous
8 dis-je, le nombre d'obus tirés quotidiennement. Parfois, certains jours, il
9 y a eu même 1 000 obus qui ont été tirés, peut-on alors parler de zone
10 civile ?
11 Ces cartes vous montrent les zones de responsabilités de chacune des
12 brigades ainsi que montraient la profondeur du territoire couvert dans la
13 ville, territoire couvert par l'ABiH, comme le montre cette carte. Ce n'est
14 pas simplement les 30 postes de commandement qui sont concernés, car chaque
15 poste de commandement avait son poste de commandement avancé. Ces documents
16 vous montre aussi les positions de l'infanterie, de l'artillerie, des
17 éléments blindés, du génie, des systèmes de transmission, la position de la
18 défense antiaérienne, les postes d'observation. Vous voyez aussi les
19 positions de certains services, par exemple, l'intendance, les services
20 techniques. Vous voyez également les positions de quelques unités plus
21 petites, les positions occupées par la police militaire ou quelque chose
22 qui était tout à fait à l'extérieur des brigades et leur commandement. On
23 voit même les positions des compagnies de reconnaissance, les structures
24 s'occupant de la logistique. On voit chacune des bases. On peut même voir
25 les positions des unités s'occupant des activités anti-sabotage.
26 Nous avons notamment un document du commandant suprême Delic, mais nous
27 n'avons pas réussi à citer Delic. La Chambre ne voulait pas qu'il
28 comparaisse en qualité de témoin malgré toutes nos supplications. Il se
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1 trouvait dans la pièce adjacente et voyez comment ses soldats étaient
2 censés agir. Je vais vous donner lecture des références qui montrent qu'il
3 faut détruire et combattre - c'est écrit en lettres majuscules - détruire
4 et combattre, ça veut dire qu'il faut revenir, il faut détruire -- je vous
5 dis c'est écrit en lettres majuscules.
6 Mis à part l'infanterie, vous avez les positions d'autres structures
7 militaires qui ne pouvaient jamais se trouver sur la ligne de séparation et
8 surtout pas dans les tranchées. La Chambre réduit tout cela, la portion
9 relative au fait qu'il y avait des soldats, nombreux ou peu nombreux, qui
10 se trouvaient dans les tranchées et que c'est tout ce qu'ils faisaient.
11 Quelquefois ils rentraient chez eux pour se reposer.
12 Notre situation, manifestement, est très difficile. Je vais faire
13 l'impossible dans le cadre de ce qui m'est permis, mais je voudrais vous
14 montrer quelques documents qui vont vous montrer où se trouvait les
15 positions, comment se sont déroulés les actions, et je vais essayer de vous
16 signaler quelques éléments essentiels. Mais je peux vous dire combien de
17 documents il y a, et si vous en avez le temps et le souhait, vous pourrez
18 peut-être examiner les documents déjà traduits. Vous serez à même d'en
19 prendre connaissance, car les documents se passent de commentaires. Ils
20 vont vous montrer que le conflit a constamment évolué de façon permanente,
21 qu'il n'y a pas eu un seul jour sans qu'il y ait un affrontement, et que
22 chacune des parties au conflit a réagi, mais tout d'abord, il faut établir
23 qu'il s'agit d'une zone civile.
24 On a cessé d'essayer de prouver qu'il s'agissait de zone civile,
25 c'est ce que dit l'Accusation. J'essaie de vous donner une autre vérité -
26 il vous reviendra de bien apprécier les faits - mais pour établir une
27 responsabilité pénale, il faut l'approuver au-delà de doute raisonnable. Il
28 faut prouver au-delà de tout doute raisonnable qu'il s'agissait d'une zone
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1 civile. Voyons le document P492. Nous avons aussi la pièce D190. Je
2 voudrais vous lire ne serait-ce qu'un passage de la pièce P492, car c'est
3 une déclaration du général Karavelic.
4 Ici en ce Tribunal, nous n'avons pu entendre que deux officiers et un
5 soldat. Les seules personnes interrogées ont été des policiers.
6 L'Accusation voulait ainsi prouver que dans une zone civile, les seules
7 personnes en mesure de témoigner sont des policiers, car apparemment, il ne
8 se passait rien dans ces zones. Et en fin de compte, ces officiers de
9 police étaient des experts pour ce qui est des incidents survenus dans
10 cette zone même s'ils étaient partie prenante au conflit tout le temps. La
11 crédibilité de ces témoins devrait être mise en cause. C'est ce que je vais
12 vous dire, mais je vais vous lire une partie de cette pièce à charge pour
13 vous indiquer certains éléments essentiels. D417, D418, D426, D195, D194,
14 D270, D398, D423, D413, D463, D462, D110, D163, D118, D154, D219, D107,
15 D494, D428, D423, D160, D416.
16 Ce qui suit est une série de documents que nous avons eu beaucoup de
17 difficulté à faire admettre, bien que ces derniers décrivent les positions
18 et les activités de toutes sortes d'armes à l'extérieur de la ville sous le
19 contrôle de l'ABiH, parce que les Juges de la Chambre voulaient toujours
20 mettre en cause la pertinence de ces derniers, nous avions quelque 4 000
21 documents du même genre et nous avons réussi à n'en verser que quelques-
22 uns. Et même ceux que nous avons réussi à verser au dossier évoquent des
23 centaines de milliers de balles tirées par des armes d'infanterie et des
24 centaines de milliers d'obus. Nous ne disposions pas de ressources
25 suffisantes pour verser au dossier d'autres documents.
26 Je souhaite vous dire cela aujourd'hui. Ceci peut ne pas vous paraître
27 important, mais un des principaux journaux en Bosnie-Herzégovine pose une
28 question - je ne sais pas comment ils sont au courant de cela - mais ils
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1 demandent : Où l'équipe de Défense de Milosevic a obtenu ces documents ? Et
2 ils se tournent vers ceux qui ont eu la responsabilité de nous remettre ces
3 documents-là. C'était leur devoir, et nous avons examiné les documents, et
4 certains ont pu être traduits, mais ceci illustre à juste titre ce que
5 j'essaie de faire valoir. De quels documents s'agit-il ? Le D189, le D188,
6 le D467, le D308, D191, D470, D507, D472, D471, D437, D313, D436, D466,
7 D468, D469, D505, D236, D473, D504, D465, D153, D192.
8 Chacun des documents susmentionnés évoque des activités de combat qui se
9 sont déroulés en une seule journée, et chaque document montre quelles armes
10 ont été utilisées, combien de balles ont été tirées. Des centaines de
11 milliers de balles sont citées dans un seul document. Ces documents
12 montrent également quel type d'armes lourdes ont été utilisées, combien
13 d'obus ont été tirés, mais tout d'abord ce qui est important, c'est qu'ils
14 indiquaient sur quelles positions se trouvaient ces armes lourdes.
15 Dans un passage du jugement - je ne me souviens pas exactement à quel
16 endroit - il est dit que la Défense n'a pas fourni un seul élément de
17 preuve pour montrer que Sedrenik était une zone de guerre; mais il y a neuf
18 documents que nous avons versés au dossier qui montrent que Sedrenik était
19 une zone urbaine, nous avons montré comment le feu a été tiré à partir de
20 cet endroit-là certains jours. Ces armes ne se trouvaient pas dans des
21 tranchées. Il y a un document qui précise : Aujourd'hui, nous avons ouvert
22 le feu depuis une certaine distance à Spicasta Stijena. Je crois que c'est
23 le document 313, il y en a d'autres, peut-être que j'aurai le temps de vous
24 les montrer.
25 Il y a quelques instants, je vous ai dit que le document P492 est un
26 document que je dois citer plus en détail, j'espère en avoir le loisir. Je
27 souhaite vous rappeler qu'il s'agit de la déclaration faite par le général
28 Karavelic, commandant du 1er Corps. Regardez à la page, ce qu'il dit à la
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1 page 6 de la version anglaise, il s'agit comme je vous l'ai dit à la page 6
2 de la version anglaise, c'est le dernier paragraphe du chapitre intitulé
3 "La formulation de stratégies politiques et militaires." Et je cite :
4 "Lorsqu'il s'agit de la défense de certaines parties de Sarajevo qui
5 semblent être au plan militaire indéfendables, ce qui était important,
6 c'était de protéger chaque mètre carré. Tout Sarajevo était d'une
7 importance capitale parce que nous ne disposions pas de suffisamment de
8 place pour manœuvrer. Chaque mètre carré devait être défendu,
9 indépendamment des difficultés militaires que cela aurait pu constituer."
10 Il parle de la défense de chaque mètre carré, il ne parle pas de positions
11 de défense. Maintenant, à la page 6 intitulée "Tactiques de défense à
12 Sarajevo," voici que dit Karavelic :
13 "Notre tactique de défense consistait à protéger les défenseurs en creusant
14 des tranchées aussi profondes que possible. Nous avons creusé des lignes de
15 défense tout autour. Il y avait deux lignes de tranchées qui entouraient la
16 ville de Sarajevo. Ces lignes, ces tranchées ont été creusées jusqu'à deux
17 mètres de profondeur et comprenaient des abris profonds et des dortoirs.
18 Ces travaux ont été effectués grâce à l'aide d'ingénieurs. Il s'agissait
19 d'un facteur vital de défense."
20 Une situation ici parle de défense, et qu'en est-il des attaques
21 offensives. C'est une question tout à fait différente.
22 "Il y a certains quartiers où la défense a été renforcée par une troisième
23 ligne de défense au sens littéral du terme, et c'était une ligne qui
24 permettait de se protéger contre une percée. Il y avait des brigades et un
25 bataillon sur la ligne de front, ensuite une unité de réserve et la
26 troisième en permission, en général ceci se passait ainsi toutes les
27 semaines. Le 1er Corps disposait d'une brigade de manœuvre de réserve, ne
28 disposait pas de sa zone de responsabilité, et se mettait à disposition
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1 s'il y avait des contre-offensives, si cela s'avérait nécessaire. Les
2 brigades de manœuvre étaient toujours prêtes au combat, de façon à pouvoir
3 être déployées rapidement."
4 Ce qui signifie qu'il y avait trois lignes de front en profondeur. Un
5 bataillon, comme cela est décrit ici, pour toute la ville de Sarajevo. Il y
6 avait différentes positions à différentes intersections. Si ceci était
7 réellement le cas, une telle zone avec de telles activités pouvait-elle
8 véritablement être qualifiée de zone civile ? Pour finir, je crois que j'ai
9 le devoir d'essayer -- je pense avoir le temps d'essayer de vous indiquer
10 d'autres documents qui, à mon sens, devraient faire l'objet de citations de
11 ma part.
12 Veuillez m'accorder quelques instants, s'il vous plaît
13 [Le conseil de la Défense se concerte]
14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Cela, nous l'avons déjà évoqué. Je
15 souhaite maintenant passer à la pièce D190. Il s'agit d'un ordre daté du 8
16 juin qui porte sur le 1er Corps dans son ensemble. Dans ce document, à la
17 page 3 de la version anglaise, au point 2, il est fait mention d'une
18 activité sur une partie de la ligne de front, et ensuite, des unités sont
19 évoquées, qui devaient partir de la ville. Mais ce qui est encore plus
20 important c'est qu'au point 6 de la version anglaise, on fait état de
21 l'appui du feu et des zones de responsabilité précises, d'armes précises et
22 de positions de combat antichars. Des positions précises sont évoquées à
23 Sokolje, différents immeubles, différentes maisons. Je fais ici référence à
24 la 12e Division, et je n'ai pas le temps d'aborder ce qui a trait aux
25 autres divisions. Ceci n'est pas nécessaire à ce stade.
26 L'autre document, le D417, est également d'une importance capitale. A
27 la page 3 de la version anglaise, vous constaterez qu'on y trouve
28 mentionnées les zones de responsabilité spécifiques des différents
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1 quartiers de la ville, le déploiement, les forces offensives, la
2 disposition, les forces antichars, les forces de combat, les forces
3 chargées de la sécurité, les forces de réserve. Pour la 121e Brigade, par
4 exemple, vous avez les positions d'artillerie dans le quartier d'Astra, le
5 poste de commandant avancé, et cetera. Vous constaterez que ceci est le cas
6 pour chaque unité, et j'espère que vous pourrez examiner le document.
7 Chaque unité de chaque brigade avait une zone de responsabilité bien
8 définie et que le territoire est contrôlé par l'ABiH.
9 Par exemple, les fusils, il est déclaré dans le quartier de Ciglane,
10 Busce, Sedrenik, et Sedrenik est cité dans le jugement comme étant un
11 quartier purement civil. Il est indiqué que nous n'avons apporté aucun
12 élément de preuve pour indiquer qu'il s'agissait d'un quartier civil. Il
13 est indiqué que nous n'avons pas indiqué si c'était civil ou militaire. Je
14 n'ai pas le temps en fait d'évoquer tout ceci. On évoque également l'appui
15 du génie dans ce document, le document D418, par exemple. Pour le mois de
16 mars il y a des positions de la brigade ainsi que les armes.
17 Le D195 est particulièrement important. Le commandant de la 101e, qui
18 se trouve dans le centre-ville, ici donne le détail de la position des
19 différentes armes, l'hôtel Bistol, Hrast, Heroj et différents quartiers.
20 Chaque pièce d'arme lourde est citée dans le détail dans ce document ainsi
21 que la position de ces derniers.
22 Le document D194, qui vers la fin du document déclare :
23 "Dans tous les quartiers de défense des différents bataillons,
24 différentes installations, ou plutôt, postes de tirs devraient être établis
25 afin de pouvoir tirer au-dessus de la tête de nos propres unités."
26 Le D170 évoque également les zones de défense dans le détail. Le
27 document D413 également. Le 462 évoque les tirs des tireurs embusqués et
28 les positions fortifiées d'où il fallait tirer. Il y avait également des
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1 positions de tireurs embusqués qui n'étaient pas réelles. Vous avez le
2 document P163 où Delic écrit à Izetbegovic, le commandant en chef, et il
3 dit :
4 "Il faut continuer à dire que nous allons nous défendre et non pas
5 attaquer les premiers, comme nous l'avons toujours fait. La
6 démilitarisation de Sarajevo est hors de question pour les raisons
7 suivantes…"
8 Comment une zone civile peut-elle être démilitarisée ? Est-ce que
9 quelqu'un peu m'expliquer cela ? Le document parle de lui-même. Il s'agit
10 de quelque chose de tout à fait incompréhensible. Prenez le cas de D118 :
11 "Dans la période qui allait du 15 juin au 3 juillet," en d'autres termes,
12 une période de 20 jours, "nous avons tiré à partir de différentes armes
13 dont nous disposions sur quelque 300 cibles ennemies."
14 Le document poursuit en disant :
15 "Nous pensons que les dégâts provoqués au niveau des positions de
16 combat et des positions qui ne sont pas des positions de combat sont plus
17 élevés parce que nous avons tiré dessus dans des conditions qui n'étaient
18 pas très bonnes, la visibilité n'était pas très bonne parce que c'était la
19 nuit et l'observation était très difficile."
20 Donc nous parlons d'une période de 20 jours, Fikret Prevljak, qui
21 commandait la 12e Division, a écrit cela. Pendant 20 jours les tirs ont été
22 tirés à partir des armes à disposition de la 12e Division. Il y a un autre
23 document que je n'ai pas pu trouver, qui dit :
24 "Ces tâches doivent être menées," dans le document D219, "de telle
25 sorte que l'ennemi est déstabilisé, et ceci doit être fait en opérant la
26 destruction et en revenant," ceci a été déclaré par Rasim Delic, qui a
27 comparu devant ce Tribunal.
28 Je ne vais pas aborder les autres documents maintenant.
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1 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Le Juge Meron a une question.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître, nous avons écouté vos arguments
3 avec intérêt, mais je vous serais gré de nous donner quelques indications
4 plus larges concernant les éléments suivants : lorsqu'une ville de civils
5 est attaquée et utilise des forces armées pour se défendre, est-ce que ça
6 signifie pour autant que la ville perd son statut de civil et devient une
7 cible militaire ? Dans quelle situation ou constellation de forces une
8 ville à caractère civil garderait-elle son caractère civil en se défendant
9 et en utilisant des forces armées pour se défendre ? Merci.
10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Puis-je avoir quelques instants pour
11 consulter ma consoeur ?
12 [Le conseil de la Défense se concerte]
13 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est une question fort sensible, et je
14 vais m'efforcer d'y répondre. La guerre a éclaté en 1992. A la fin de
15 l'année 1994 -- ou plutôt, les documents que j'ai cités montrent qu'à la
16 fin de l'année 1994 il ne s'agit plus d'une zone civile, bien qu'il y ait
17 une population civile. Par le truchement d'autres éléments que je souhaite
18 évoquer, je vais vous montrer en réponse à votre question quelle était la
19 situation particulière lorsqu'il s'agit des civils. Les civils n'étaient
20 pas en mesure de quitter la ville et ont été utilisés directement.
21 C'est une question très sensible. Ce type de situation qui prévalait à
22 Sarajevo en 1994 montre qu'aucune maison ne disposait pas d'arme, et était
23 prise comme cible militaire. Nous avons le témoignage d'un haut officier,
24 Fraser, que j'ai cité plus haut, qui a indiqué que d'une certaine façon
25 chaque immeuble était un bunker, une casemate, autrement dit il n'y a pas
26 un seul bâtiment à partir duquel on n'a pas tiré. Ceci a trait avec ce que
27 j'ai évoqué un peu plus tôt, la position des mortiers et ce qu'a dit un
28 haut représentant de la FORPRONU à ce sujet.
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1 C'est à vous évidemment de rendre votre décision, mais la question est de
2 savoir s'il s'agissait d'une zone civile ou d'une zone militaire. C'est
3 quelque chose sur laquelle vous allez statuer compte tenu de mes arguments.
4 Nous allons essayer de vous présenter ceci dans le détail. Je m'excuse. Je
5 suis un petit peu fatigué et je souhaite vous citer d'autres éléments de
6 preuve et je n'ai plus beaucoup de temps. Je souhaite avoir le temps
7 d'aborder la question et de regarder de plus près la question à laquelle
8 vous m'avez demandé de répondre.
9 Pour ce qui est de cette question-ci, la mort de soldats et de civils dans
10 les quartiers de Sarajevo contrôlés par la RSK à Grbavica, Dobrinja,
11 Nedzarici, Lukavica, Vogosca, Ilidza, Hadzici, est-ce que ceci serait
12 arrivé s'il n'y avait pas eu des tirs d'artillerie provenant de l'ABiH ?
13 Ça, c'est une question. C'est la raison pour laquelle la constatation de la
14 Chambre au paragraphe 798 que la mort des Serbes de Bosnie n'est pas
15 quelque chose qui avait une incidence sur la responsabilité pénale de
16 l'accusé, ceci est difficile à comprendre. Il y avait des victimes des deux
17 côtés, ce qui est fort regrettable, mais ces décès indiquent que ces
18 personnes n'auraient pas pu être tuées s'il y avait eu un quartier civil
19 juste à côté. Un nombre important de civils ont été tués par des tirs
20 d'artillerie dans le quartier de la ville qui était contrôlé par le RSK. De
21 même, beaucoup de civils dans les quartiers contrôlés par l'ABiH, tout
22 simplement parce que ceci était la conséquence de menaces qui pesaient sur
23 les civils, menaces qui n'auraient jamais dû exister. C'est à vous d'en
24 décider de la responsabilité alléguée lorsqu'on tient compte de toutes les
25 circonstances dans un conflit armé. J'espère pouvoir soulever d'autres
26 questions, mais je ne pense pas pouvoir tout aborder.
27 Je vais maintenant revenir à la question des victimes qui sont définies
28 dans le jugement comme étant les victimes des activités de Dragomir
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1 Milosevic. Le jugement n'a pas établi au-delà de tout doute raisonnable le
2 nombre total de victimes ni leur qualité de civil. Nous n'allons pas
3 répéter ce que nous avons analysé en détail dans notre mémoire en appel aux
4 paragraphes 100 à 128. Je souhaite simplement dire que la façon dont la
5 Chambre de première instance a établi un lien de cause à effet entre
6 Dragomir Milosevic et les victimes qui, d'après les rapports de la police
7 bosniaque, sont décédées sur le territoire contrôlé par l'ABiH à Sarajevo
8 dans la période couverte par l'acte d'accusation n'est pas acceptable.
9 Lorsque nous avons fait état du lien de cause à effet, ce que nous avions à
10 l'esprit, c'était les incidents qui, d'après l'Accusation et la Chambre de
11 première instance, constituent les éléments essentiels, à savoir que les
12 attaques étaient dirigées contre des civils. En d'autres termes, les
13 enquêtes menées par ces mêmes policiers qui faisaient partie de l'ABiH ont
14 été acceptées sans réserve comme l'ont été les conclusions d'Ewa Tabeau,
15 qui ne fait pas de différence entre les victimes civiles tombées dans les
16 quartiers contrôlés par l'ABiH à Sarajevo et les victimes tombées dans les
17 quartiers contrôlés par le SRK à Sarajevo. Elle fait état de ces victimes
18 et dit qu'il s'agit de victimes dues aux activités de la SRK
19 période couverte par l'acte d'accusation.
20 Au paragraphe 737, il est dit que pendant toute la période de la guerre, en
21 1992 jusqu'à la fin de la guerre, 1 800 à 2 000 habitants ont péri. Mais on
22 ne donne pas de chiffres distincts pour la période couverte par l'acte
23 d'accusation. D'après ce paragraphe, on peut en conclure que les victimes
24 qui sont tombées au cours de cette période correspondent à 500 personnes
25 environ.
26 De même, la position générale de la Chambre consistait à dire qu'une
27 zone civile ne peut avoir que des victimes civiles. Malgré le fait qu'il y
28 ait 60 000 soldats qui étaient cantonnés régulièrement et qui étaient
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1 d'active dans le quartier contrôlé par l'ABiH de Sarajevo, il n'y a pas un
2 seul soldat qui ne se trouvait pas dans une zone civile. Même lorsque des
3 personnes décédaient, qui portaient un uniforme de l'ABiH, étaient
4 transportées à l'hôpital, au paragraphe 674, on indique que la personne
5 avait sans doute péri en allant acheter de la nourriture. Cela est-il
6 possible qu'aucune victime n'était membre des forces de l'ABiH compte tenu
7 de l'ampleur des activités de combat ?
8 D'après le jugement - et je souhaite attirer votre attention plus
9 particulièrement là-dessus - les victimes étaient la conséquence
10 d'activités de combat qui lorsque le tir -- et le tir venait toujours des
11 positions contrôlées par la RSK. Toutes les fois que les habitants de
12 Sarajevo avaient la possibilité de quitter les quartiers contrôlés par
13 l'ABiH. Ceci a été évoqué dans le jugement. On a toujours indiqué que
14 Sarajevo était une ville assiégée et toute tentative de départ signifiait
15 qu'on pouvait y perdre la vie. Les civils ne pouvaient pas quitter la ville
16 en grand nombre, au paragraphe 749, parce qu'en raison des tirs de la RSK
17 sur les hauteurs autour de la ville, les civils n'ont pas pu quitter la
18 ville. Je ne souhaite pas ouvrir un débat sur qui tenait les positions sur
19 les hauteurs autour de Sarajevo, je vous demande de vous reporter au
20 mémoire en appel au paragraphe 139 qui indique que toutes les hauteurs
21 autour de Sarajevo, à l'exception de Trebevic, étaient occupées par les
22 forces de l'ABiH, et ceci sur la base des éléments de preuve. Je ne
23 souhaite pas trop insister sur le témoignage de Milorad Katic qui a parlé
24 de l'éventualité de quitter Sarajevo, la partie contrôlée par l'ABiH,
25 lorsque les chemins bleus étaient ouverts, paragraphe 748.
26 Il est important de répondre à la question il n'y avait que les armes de la
27 RSK qui ont occasionné des victimes dans la partie contrôlée par l'ABiH
28 dans la ville couverte par l'acte d'accusation; ou plutôt, est-ce qu'il y a
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1 des éléments de preuve sur les activités de la 12e Division et le 1er Corps
2 de l'ABiH, activités dirigées contre leurs propres positions dans les
3 quartiers de la ville dirigés par eux, et surtout de savoir si de telles
4 activités ont occasionné des victimes parmi les citoyens, les soldats de
5 l'ABiH et les soldats de la FORPRONU qui se trouvaient dans certains
6 quartiers contrôlés par l'ABiH ou est-ce que la constatation de la Chambre
7 est exacte, à savoir que la seule conclusion raisonnable que l'on peut
8 tirer d'après les éléments de preuve, c'est que les coups ont été tirés par
9 la RSK, et s'il y avait de telles victimes, pourquoi l'étaient-elles ?
10 Je vais maintenant vous citer des documents qui n'ont absolument pas été
11 pris en compte par la Chambre de première instance et qui auraient dû
12 l'être, à savoir les pièces D190, D417, D205, D216, D149, D148, D66, D67,
13 D147, D51, D179, qui décrivent toutes les mêmes événements. Le premier
14 document n'a absolument pas été pris en compte par la Chambre, or il
15 démontre que sur toute personne qui tentait de passer vers le territoire de
16 la RSK, dans le document D190, nous voyons des précisions, ce document date
17 du 8 juin 1995. Je vous prierais de vous pencher sur la page 9, paragraphe
18 9, point 2, ligne 5 à partir du haut de la page dans la version anglaise.
19 On y trouve l'ordre du commandant, M. Karavelic, qui dit, je cite :
20 "Empêcher toute tentative de passage du côté de l'agresseur, y compris par
21 emploi des armes à feu."
22 Dans cette déclaration, comme vous le voyez, il ne fait aucune différence
23 entre les civils et les militaires. Penchez-vous ensuite sur le document
24 D417 qui date de quelques jours plus tard. C'est un ordre qui, dans ce
25 document, vient du commandant Fikret Prevljak, page 11, ligne 5 à partir du
26 haut de la page dans la version anglaise, je cite :
27 "Empêcher le passage de nos soldats vers les territoires temporairement
28 occupés par emploi des armes à feu."
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1 Selon cet ordre, il est question des combattants. Prenez maintenant
2 la pièce D205 du 7 avril 1995 qui fait partie de la durée couverte par
3 l'acte d'accusation, je cite :
4 "Cette nuit, nos combattants ont touché à mort une vieille femme qui
5 souhaitait passer de l'autre côté." Donc cette femme est une civile qui a
6 péri en dépit des ordres déjà donnés dans les documents précédents. Ceci
7 démontre que ce genre de comportement était permanent.
8 Penchez-vous maintenant sur la pièce D216 du 15 octobre, date
9 comprise dans la période couverte par l'acte d'accusation, je cite :
10 "A 20 heures 15, notre garde qui se trouve dans le bâtiment Palma,
11 c'est un bâtiment très haut qui se trouve au centre-ville, a ouvert le feu
12 après avoir remarqué un escapé [phon] qui essayait de s'enfuir et l'a
13 blessé." Dans cet élément de preuve, il n'est pas déclaré que nous parlons
14 d'un soldat.
15 Selon la pièce D419 à présent du 6 avril 1995, signée par Karavelic
16 en personne, il est déclaré que dans les heures de la soirée, des tirs
17 d'armes à feu ont empêché une personne de tenter de passer à Grbavica. Là
18 non plus il n'est pas question d'un soldat. Donc vous avez cette pièce D149
19 du 14 octobre 1995 où il est bien dit qu'il a été tiré des coups de feu sur
20 un soldat qui essayait de passer de l'autre côté.
21 Maintenant veuillez vous pencher sur la pièce D66, qui est une lettre
22 d'Alija Izetbegovic adressée au général Delic en date du 22 avril 1994,
23 date couverte par la période pertinente pour l'acte d'accusation, où il est
24 dit qu'il se rend à l'ambassade française, et c'est l'ambassade française
25 qui indique être mécontente à cause du fait qu'un de ses soldats a été tué
26 à Dobrinja. Delic fait savoir que les expertises militaires démontrent que
27 ce qui a été touché, c'était une position militaire de l'armée bosniaque et
28 qu'il n'a pas été possible pour les Français de se rendre dans tous les
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1 endroits à partir desquels ce soldat a pu être touché. Il est indiqué dans
2 ce document que l'ambassadeur français a informé Izetbegovic du fait que
3 des éléments de preuve indiquaient que sur les 24 soldats français membres
4 des Nations Unies qui ont été tués, plus de la moitié ont été tués par
5 l'ABiH. Donc il existe bien une preuve, je le répète, dans cette pièce D66
6 qui montre que plus de la moitié des soldats français tués l'ont été par
7 l'ABiH.
8 La pièce D67 confirme qu'un officier de la FORPRONU, et ceci a été confirmé
9 après enquête, il a donc été confirmé que dans le centre-ville, ce sont à
10 partir des positions musulmanes qu'on a tiré sur un tramway. Le bâtiment à
11 partir duquel les tirs sont partis a été déterminé avec précision. Nous
12 avons déjà indiqué cela dans nos arguments, à savoir que l'ABiH utilisait
13 de nombreux bâtiments de la ville pour tirer sur la partie adverse. Puis
14 vous avez aussi la pièce D147 qui montre que M. Salajdzic s'est fait tirer
15 dessus à partir du territoire sous le contrôle de l'ABiH. La Chambre de
16 première instance a entendu des témoins préciser l'existence de ces actes
17 de l'ABiH. Ce sont notamment les témoins Harland et Nicolai qui l'ont
18 déclaré dans leurs dépositions, et ceci figure aux paragraphes 104 à 115 de
19 l'acte d'appel. Ces actions d'infanterie de l'armée dans des quartiers de
20 la ville sous le contrôle de l'ABiH ont tué des soldats de la FORPRONU, des
21 civils. Dans le paragraphe 774 du jugement, la Chambre de première instance
22 est informée que ceci a lieu dans le cadre d'actions militaires de l'ABiH
23 menées contre les Serbes de Bosnie dans les parties du territoire sous le
24 contrôle de l'ABiH.
25 Il est possible que sur les 40 000 habitants de Sarajevo, des Serbes
26 qui vivaient dans les quartiers contrôlés par l'ABiH aient essayé de sortir
27 de l'encerclement. Ceci est un fait qui est cité de façon totalement
28 erronée dans le jugement. Les éléments de preuve démontrent que l'ABiH
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1 n'autorisait personne à quitter la ville, en tout cas pas les quartiers
2 sous son contrôle, et que la simple tentative de partir impliquait
3 l'intervention des armes à feu. Ce ne sont pas des rumeurs. Ce ne sont pas
4 des membres du RSK qui ont fait courir ces rumeurs. Ce sont des faits qui
5 ont été confirmés par des éléments de preuve en bonne et due forme, y
6 compris par des documents de l'ABiH. Ces éléments de preuve démontrent sans
7 l'ombre d'un doute que nombre de victimes sur le territoire sous le
8 contrôle de l'ABiH à Sarajevo ont péri en raison des actions menées par
9 l'ABiH alors que ces victimes sont toujours imputées au RSK.
10 Le Procureur a commencé la présentation de ses moyens en parlant du
11 petit Nermin Divovic qui aurait été victime du pire crime commis par
12 Dragomir Milosevic. Mais que démontrent, s'agissant de cette affaire, les
13 éléments de preuve ? Entre autres, les conclusions de l'autopsie que nous
14 avons à notre disposition et qui ne concernaient que ce décès montrent que
15 ce garçon a été tué par une balle provenant du territoire tenu par l'ABiH.
16 Bien entendu, nous évoquons ce fait dans les paragraphes 184 à 224 de notre
17 acte d'appel, et nous vous proposons ces paragraphes pour votre
18 appréciation. Il n'y a qu'un élément de preuve à ce sujet qui indique que
19 ce n'est pas une balle qui aurait tué deux personnes, mais nous parlons ici
20 d'une balle qui a tué une seule et unique personne, à savoir ce petit
21 garçon. Nous indiquons ceci dans les paragraphes précis de notre acte
22 d'appel. Nous entrons dans le détail pour prouver que ce petit garçon n'a
23 pas été tué par une balle provenant des positions tenues par l'armée de la
24 Republika Srpska, mais nous laissons à l'appréciation des Juges l'examen
25 plus approfondi de la question.
26 Les éléments de preuve cités et présentés par nous indiquent au-delà
27 de tout doute raisonnable que c'est l'ABiH qui tirait sur sa propre
28 population. Ceci n'est plus du stade de la rumeur, mais bien de la réalité.
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1 Si nous entrions encore dans le détail de l'incident de Markale, de
2 l'incident du bâtiment de la télévision et d'autres incidents du même
3 ordre, je pourrais vous montrer à quel point il manque des preuves au-delà
4 de tout doute raisonnable au sujet de l'imputation de ces incidents à telle
5 ou telle partie. Des doutes considérables demeurent, et j'aurais besoin de
6 plusieurs jours pour vous prouver l'impossibilité d'imputer ces actes à qui
7 ils ont été imputés par la Chambre de première instance.
8 Quoi qu'il en soit, s'agissant des tirs d'artillerie, il est inexact
9 que ce sont des rumeurs de la RSK qui ont permis d'imputer les victimes de
10 ces tirs à qui elles ont été imputées. C'est bien l'ABiH qui a pilonné les
11 civils vivant dans les quartiers de la ville sous son contrôle et qui a
12 orchestré les incidents en question pour s'assurer de la compassion du
13 monde entier. Donc tout ceci indique que ce n'est pas une victime, mais
14 nombre de victimes qui ont existé parmi les civils ou parmi les soldats de
15 l'ABiH ou même parmi les hommes de la FORPRONU dans les quartiers de la
16 ville tenus par l'ABiH et que toute personne ayant péri dans ces conditions
17 a péri en raison de tirs d'artillerie. Mais le jugement de la Chambre de
18 première instance, qu'on trouve aux paragraphes 433 et 437, établit ce qui
19 suit, je cite :
20 "Paragraphe 433 : Le général Fraser, général de brigade, se rappelle
21 que les 18 et 19 septembre 1995, dans un laps de temps de 40 minutes, deux
22 attaques ont été menées contre la ville par des tirs de mortiers. Dans
23 chacun de ces incidents, des obus sont tombés sur le même quartier de la
24 ville, et le nombre de victimes civiles a été deux fois plus important. Il
25 indique que des projectiles sont arrivés de deux directions différentes,
26 l'un du territoire tenu par le RSK et la deuxième salve du territoire tenu
27 par les Musulmans.
28 Au paragraphe 437, nous lisons, et encore c'est une référence aux
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1 rumeurs qui auraient circulées et aux insinuations. Dans ce paragraphe,
2 nous lisons que les Français ont déclaré avoir vu des soldats de l'ABiH en
3 train de filmer une attaque contre des enfants qui n'a fait aucun blessé,
4 ces images étant destinées à la télévision. Je répète, à la télévision.
5 Puis nous avons David Harland qui déclare ce qui suit : A Sarajevo, dès
6 lors qu'il fallait créer des conditions favorables pour influer sur les
7 médias, les Musulmans de Bosnie créaient l'événement pour se donner un
8 pouvoir d'influence.
9 Tout ceci démontre que ce ne sont pas seulement des rumeurs émanant
10 du RSK qui faisaient état de tirs d'artillerie à partir des positions
11 tenues par l'ABiH puisque des éléments de preuve datant des 18 et 19
12 septembre, à savoir deux dates couvertes par la période pertinente pour
13 l'acte d'accusation, indiquent que l'ABiH a tiré sur ses propres positions
14 en faisant un nombre de victimes double par rapport à un incident antérieur
15 visant les mêmes positions. Ce doublement du nombre de victimes, à qui
16 peut-on l'imputer ? Soit au pilonnage provenant de l'ABiH qui tirait sur
17 ses propres positions, soit sur autre chose.
18 Autre exemple qui indique que l'ABiH était capable d'orchestrer des
19 incidents pour plaire aux médias. Au paragraphe 185 du jugement, le Témoin
20 W-138 et le Témoin W-137 établissent qu'il y a eu des cas où des éléments
21 de preuve ont été modifiés, trafiqués, ou même placés sur les lieux. Un
22 autre témoin, officer de haut rang de la FORPRONU, se rappelle que des
23 incidents de pilonnage ont exigé la venue sur les lieux d'enquêteurs de la
24 FORPRONU qui, cela étant, n'ont pas été autorisés à se rendre sur les lieux
25 pendant des heures après l'événement, et lorsqu'ils y sont arrivés, ils ont
26 découvert des preuves qui démontraient que les tirs ne pouvaient pas
27 provenir des Serbes. Ce témoin déclare que la possibilité de manipulation a
28 été prise en compte par les enquêteurs de la FORPRONU. Dans tous ces cas,
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1 il ne s'agissait pas uniquement de rumeurs ou d'insinuations mais bien de
2 faits réels qui sont étayés par des éléments de preuve existants et qui
3 montrent l'orchestration, la manipulation et les assassinats auxquels
4 pouvait se livrer l'ABiH. En d'autres termes, des victimes ont existé, qui
5 n'avaient rien à voir avec des tirs du RSK mais qui ont toujours été
6 imputés au RSK. Nous avons les photographies, pièces D370 et 371, qui
7 montrent des pilonnages ayant prétendument touché le marché de Markale en
8 août 1995. La Chambre de première instance a accepté les explications
9 fournies par le témoin expert de Milosevic, indiquant que les fragments ne
10 sont pas les seuls éléments susceptibles de tuer un homme sur les lieux
11 d'une explosion, et nous sommes d'accord avec cet expert. Par conséquent,
12 sur la liste des victimes de Markale, on a une victime qui a été tuée par
13 arme à feu provenant d'un fusil de chasse et une autre victime, qui a été
14 tuée par une balle de fusil. Or, on nous parle tout le temps d'incidents
15 liés à un pilonnage. Ceci n'est possible qu'en cas de manipulation des
16 victimes par les officiers de haut rang de la FORPRONU, ce qui est
17 possible.
18 J'ai vu dans ma vie des centaines d'exemples de ce genre, les
19 photographies dont je viens de parler viennent de personnes qui ont une
20 grande expérience de ce genre d'affaires, moi-même j'ai cette expérience,
21 et nous disons que cela ne peut résulter que de manipulation des victimes.
22 Et pour finir, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Juges, avant
23 la pause, si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelques mots au
24 sujet d'un incident qui a été imputé à Dragomir Milosevic, mais pour lequel
25 il a été acquitté. Pourquoi est-ce qu'il a été acquitté ? Le jugement ne
26 cesse de faire référence à des tirs visant les gens faisant la queue pour
27 se procurer de l'eau, les parcs, et cetera, mais n'est pas parvenu à
28 prouver un seul de ces incidents. Pour les incidents relatifs à des tirs
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1 sur les gens faisant la queue pour se procurer de l'eau, Dragomir Milosevic
2 a été acquitté. Si vous me permettez encore quelques mots, je pourrais
3 parler du bâtiment de la télévision.
4 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Maître Tapuskovic, je crois que nous
5 devons faire la pause pour les interprètes mais aussi, pour changer les
6 cassettes. Nous allons faire la pause, et nous reprendrons nos débats à 11
7 heures 15 pour la suite de cette audience.
8 --- L'audience est suspendue à 10 heures 47.
9 --- L'audience est reprise à 11 heures 16.
10 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous reprenons nos débats et
11 donnons la parole à la Défense pour la fin de son exposé. La Défense
12 dispose du temps qui lui reste jusqu'à 11 heures 45, et je l'invite
13 instamment à tenir compte des questions qui ont été posées par les Juges de
14 la Chambre aux parties afin d'y répondre.
15 Vous avez la parole, Maître.
16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
17 Mesdames, Messieurs les Juges, et je m'efforcerai s'il m'est possible d'en
18 terminer en quelques minutes.
19 Nous étions en train de parler des victimes, je ne peux pas éviter de
20 parler du document 415. Lorsque nous parlons des victimes de Sarajevo dues
21 à l'ABiH depuis 1994 et jusqu'à la fin de la guerre, il est permis de se
22 demander ce que l'on peut faire des 15 victimes dont parle l'élément
23 suprême de l'état-major principal de l'ABiH ? Moi-même je n'en parlerais
24 pas si le témoin expert lorsqu'il parlait de la responsabilité de Dragomir
25 Milosevic n'avait pas évoqué un nombre de victimes évoluant entre 1 800 et
26 2 000 personnes pendant toute la durée du conflit entre 1992 et 1995. Le
27 Procureur s'agissant de ce point n'a jamais évoqué le nombre exact de
28 victimes correspondant au temps pris en compte par l'acte d'accusation.
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1 A la lecture du document que je viens de citer, on constate que les
2 meurtres les plus nombreux - vous le verrez en lisant le document 415 - le
3 nombre de morts a été le plus important à Sarajevo. Cet élément sera étudié
4 sans doute dans l'avenir par des instances qui seront mises en place pour
5 étudier tous les incidents survenus pendant les conflits de l'ex-
6 Yougoslavie. Mais en tout cas, ces 15 victimes dont il est question dans ce
7 document d'information seront sûrement l'objet d'une enquête pour savoir à
8 qui les imputer.
9 Tout à l'heure, j'ai évoqué les tirs d'artillerie, et notamment l'incident
10 qui a visé l'école Simon Bolivar en date du 18 juin 1995, incident pour
11 lequel Dragomir Milosevic a été acquitté. Mais ce qui a été dit c'est que
12 quelque chose de très important s'est fait à ce moment-là dans le cadre de
13 cet incident, à savoir que sur les lieux pas un seul éclat d'obus n'a été
14 trouvé durant l'enquête. Or, d'après ce que les policiers ont confirmé, le
15 nombre des victimes était multiple, mais pas un seul éclat d'obus n'a été
16 découvert. La Chambre a accepté l'explication selon laquelle les obus
17 auraient sauté, auraient explosé, disparu dans l'air, mais alors comment se
18 fait-il que l'on a pu trouver des indices sur le sol ? Voilà l'un des
19 éléments qui démontre que l'on peut manipuler les victimes.
20 A présent, j'aimerais dire quelques mots de l'incident qui a visé la tour
21 de la télévision. Tout à fait au début du procès nous avons été en présence
22 d'un élément de preuve très sérieux indiquant que les bombes aériennes ne
23 venaient pas uniquement du territoire commandé par l'ABiH, mais que l'ABiH
24 disposait de ces bombes et qu'elle a tiré sur la tour de la télévision.
25 Dans la pièce D103, nous voyons s'exprimer des observateurs internationaux,
26 tous l'ont confirmé, ils ont constaté que cette bombe qui a visé la tour de
27 télévision provenait du territoire sous le contrôle de l'ABiH. La Chambre
28 de première instance a fait des efforts très intenses pour contredire ce
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1 document, alors que les officiers de la FORPRONU, qui étaient les auteurs
2 de ce document, en sont restés et ont maintenu ce qui était écrit dans
3 cette pièce. Etant donné cette situation, il est, en tout cas, permis de
4 penser que la décision de la Chambre ne s'est pas faite en dehors de tout
5 doute raisonnable et qu'il reste une possibilité que cette tour de la
6 télévision ait été touchée à partir du territoire sous le contrôle de
7 l'ABiH, puisque nous savons, par ailleurs, que l'ABiH possédait les bombes
8 aériennes nécessaires pour ce tir.
9 Alors un mot maintenant de Markale. Bien sûr, nous évoquons cet incident de
10 Markale en détails dans notre acte d'appel, mais ce que je peux dire
11 aujourd'hui, c'est que dans les conclusions de la Chambre de première
12 instance, nous pouvons lire, entre autres, je cite : "Il existe nombre de
13 questions contestées en rapport avec cet incident." Il a été confirmé que
14 personne n'avait entendu l'obus. Les radars ne l'ont pas détecté, les
15 témoins ne l'ont pas vu. Or, étant donné le nombre de victimes, un seul
16 obus n'aurait pas suffit. Dans le paragraphe 767 du jugement, il est
17 indiqué que 12 obus sont tombés sous les yeux de tous devant l'église, mais
18 qu'un seul homme a été tué, donc une victime avec quelques blessés. Douze
19 obus, une victime. Or ici, pour Markale, un obus aurait tué 50 personnes.
20 Personne n'a confirmé avoir vu l'obus arriver. Nous avons à plusieurs
21 reprises souligné le fait que le nombre de témoins était important.
22 Dans les documents D10, D118 et D186, qui sont des documents
23 extrêmement fiables émanant des Nations Unies, et ceci a été confirmé dans
24 le procès Markale I intenté à Galic, il a bien été confirmé que la façon
25 dont l'obus est chargé est importante. C'est la charge de l'obus qui doit
26 être prise en compte, entres autres éléments critiques, parce qu'elle peut
27 permettre de déterminer la distance à partir de laquelle l'obus a été tiré.
28 Or, ceci n'a pas été fait dans le cas de Markale, donc la distance à partir
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1 de laquelle l'obus pouvait provenir n'a pas été déterminée à quelque moment
2 que ce soit.
3 A présent, j'aimerais que ma consoeur prenne la parole, ensuite il
4 est possible que je reprenne la parole après elle pour quelques éléments
5 supplémentaires. Mais enfin ma conclusion pour le moment est la suivante :
6 il n'a pas été démontré au-delà de tout doute raisonnable que le territoire
7 de Sarajevo était une zone civile. Un monceau d'éléments de preuve démontre
8 que le caractère civil de la ville de Sarajevo ne pouvait pas être prononcé
9 au-delà de tout doute raisonnable, puisque d'autres possibilités existent
10 et sont tout à fait raisonnables. Ça, c'est le premier point. Puis deuxième
11 point, ce que j'ai dit au sujet des victimes civiles qui ont péri dans les
12 conditions que j'ai indiquées -- donc je crois ne plus rien avoir à ajouter
13 au sujet de statut civil de la ville. Si un élément qualifiant l'acte
14 criminel n'est pas confirmé, or le statut de la population est un de ces
15 éléments, il est impossible de déclarer que l'acte criminel est confirmé
16 au-delà de tout doute raisonnable. Or, mon client a été condamné en raison
17 de cet acte criminel.
18 Je vous remercie.
19 M. LE JUGE POCAR : [aucune interprétation]
20 Mme ISAILOVIC : Monsieur le Président, Madame et Messieurs de la Chambre,
21 je vais prendre la parole maintenant. J'ai un son dans mon casque,
22 horrible. Juste le temps que j'étale mes documents.
23 Donc vous avez posé dans votre ordonnance quatre questions très précises.
24 Je vais les prendre dans l'ordre un petit peu renversé, parce que je vais
25 traiter la première question, la troisième et la quatrième, et après, mon
26 confrère, Me Tapuskovic, va donner quelques éléments concernant votre
27 seconde question.
28 La première question, d'après ce qu'on a compris, c'est d'élaborer un petit
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1 peu plus les éléments du crime de terrorisation [phon] ou on peut parler
2 aussi comme, votre Chambre parle dans la jurisprudence, Galic qui, en
3 effet, est la seule jurisprudence connue de la Défense devant votre
4 Tribunal concernant ce crime. Vous parlez des actes ou menaces de violence
5 dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population
6 civile. La Chambre de première instance prend - sauf que je n'ai pas de
7 version française du jugement, ce qui est un petit peu malheureux pour
8 nous, parce que notre langue était la langue française et, en plus, c'est
9 une langue officielle devant votre Tribunal - disais-je que la Chambre
10 parle de terreur, donc on a parlé de terrorisation dans notre mémoire.
11 Tout d'abord, concernant les éléments constitutifs de ce crime, je voudrais
12 tout d'abord exprimer notre étonnement par le plan adopté par la Chambre de
13 première instance dans son jugement de première instance dont appel. On
14 parle, vraiment à la fin du jugement, d'une façon très embrouillée des
15 éléments constitutifs, parce qu'on prend les éléments dont on a eu deux
16 incriminations. On parle tout d'abord de la partie 3(A) "count of terror."
17 Et après, on a les ordres 1, 2, 3 pour les chiffres et, par surprise, on
18 tombe sous "Terror," sur "Murder," "Inhumane Acts" mais après, on parle de
19 responsabilité individuelle de l'accusé.
20 Donc tout ça, ça a été très difficile de vraiment se positionner dans le
21 raisonnement de la Chambre de première instance. Tout de même, c'était
22 notre travail de vous proposer une lecture de votre jurisprudence Galic qui
23 nous paraît tout à fait conforme à ce que vous avez fait dans cette
24 jurisprudence et pour nous. Là je vais citer, parce que vraiment on a
25 élaboré ça en détail dans notre mémoire d'appel, mais on a pris le
26 paragraphe 104 du jugement Galic comme instructif concernant les éléments
27 constitutifs de l'infraction. Aussi dans votre note 351 dans Galic, il est
28 très clair donc quelle était votre position concernant l'incrimination
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1 d'attaques contre les civils par rapport à l'incrimination de la
2 terrorisation. Donc je parle de la terrorisation pour être plus brève.
3 Parce que vous dites, dans la note 351 sous paragraphe 110, et je cite une
4 partie :
5 "La terrorisation, c'est un crime qui englobe les attaques contre les
6 civils et, en conséquence, cette partie de l'arrêt porte mutatis mutandis
7 sur la déclaration de culpabilité prononcée à l'encontre de - on parle de
8 Stanislav Galic - acte ou menace de violence dont le but principal est de
9 répandre la terreur parmi la population civile."
10 La Défense s'en est tenue justement à votre jurisprudence exprimée à
11 Galic. On a analysé comme cela l'incrimination de terrorisation, c'est-à-
12 dire on a pris l'actus reus, l'élément matériel, dont on parle en détail
13 dans notre mémoire, et des actes et des menaces de violence dirigés contre
14 la population civile, mais ne participant pas directement aux hostilités.
15 Donc conformément à cette analyse, on a fait après l'analyse des preuves,
16 et on était obligé de reprendre les mêmes éléments de preuve que la
17 Chambre, soit a ignorés complètement, soit a utilisés dans une analyse
18 juridique qui diffère complètement à notre sens de votre jurisprudence
19 Galic. On a repris les éléments de preuve dans cette analyse et on a
20 utilisé aussi tous les indices importants pour établir certains faits qui
21 sont indispensables pour entrer en voie de condamnation pour le crime de
22 terrorisation.
23 Concernant l'élément intellectuel de l'infraction, on a aussi pris
24 les éléments qu'on a trouvés dans votre jurisprudence et aussi les éléments
25 qu'on a trouvés dans les sources qui sont régulièrement appliquées par
26 votre Tribunal. Et on peut dire que le crime de terrorisation pourrait être
27 constitué, et pour constituer son élément intellectuel, il faut prouver non
28 seulement l'intention de mener les attaques contre les civils qui ne
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1 prennent pas part aux hostilités, mais aussi une intention spécifique dont
2 le but principal des attaques menées contre les civils est dans un but
3 principal de semer la terreur parmi la population civile prise en entier.
4 Donc c'était notre lecture. Surtout concernant cet élément
5 intellectuel du crime, on a estimé que la démarche appliquée par la
6 Chambre, c'est-à-dire durant les "closing arguments," on a posé les
7 questions aux parties, invité les parties à évaluer les preuves dans le
8 dossier, alors que c'est le travail principal de la Chambre de première
9 instance. On a obtenu une définition de la terreur par un membre de
10 l'équipe de l'Accusation. Il faut dire aussi que cette définition contient
11 - et on en parle dans notre mémoire d'appel - l'évolution des preuves,
12 parce qu'en effet le Procureur parle de la terreur ressentie parmi la
13 population civile. Donc elle évalue les preuves sans être psychologue et
14 sans inviter un expert pour se prononcer là-dessus.
15 Et après, la Chambre de première instance opte pour appliquer cette
16 opinion du Procureur pour établir après l'intention de Dragomir Milosevic
17 de répandre la terreur parmi la population civile. Nous, on n'est pas
18 d'accord avec ces démarches du tout.
19 En plus, parce qu'on a eu la réponse du Procureur qui nous a aussi
20 bouleversée, c'est-à-dire cette réponse a bouleversé toutes les
21 connaissances que mon confrère, qui a 45 ans du barreau, et moi un petit
22 peu plus de 20 ans, donc ça a bouleversé toutes les connaissances qu'on a
23 dans le droit pénal, et je vous invite dans le paragraphe 65 de "Response
24 Brief" du Procureur, il nous parle du mens rea et il nous dit :
25 [interprétation] "En fait, puisqu'il est raisonnable de déduire l'intention
26 spécifique des conséquences de ses actes, la Chambre a eu raison de
27 conclure que le fait réel d'infliger la terreur pourrait servir de preuve
28 de l'intention de semer la terreur."
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1 [en français] Je ne sais pas si ça vous bouleverse, mais pour moi, ça
2 l'aurait été vraiment la fin du droit pénal et de la preuve en droit pénal,
3 parce que si vraiment toute la conséquence est voulue par l'agent, il ne
4 faut pas prouver alors -- il faut que lui se défende que ce n'était pas son
5 intention. Donc c'est complètement différent malheureusement en droit pénal
6 et aussi devant votre Tribunal.
7 Donc c'est fini en ce qui me concerne pour les éléments constitutifs. Si
8 vous voulez peut-être poser les questions maintenant ou je passe à la
9 deuxième question.
10 M. LE JUGE POCAR : Oui, je vous prie de tenir compte que vous avez encore
11 cinq minutes.
12 Mme ISAILOVIC : Bien. Alors je continue avec votre deuxième question,
13 c'est-à-dire elle est troisième dans ordre, mais qui concerne l'utilisation
14 des éléments constitutifs en tant que circonstances aggravantes. Pour nous
15 aussi, c'est assez évident. Ce sont vraiment des postulats basiques du
16 droit pénal que l'on ne peut pas utiliser. Donc la situation de, je peux
17 peut-être prendre le jugement, toutes les circonstances qui lui ont permis
18 de se trouver là où il est maintenant, il était commandant, c'est vrai.
19 D'après l'acte d'accusation et le jugement à première instance, il n'a pas
20 respecté les lois et le droit de guerre. Mais tout cela, ce sont des
21 éléments sine qua non, sa position de condamné devant vous en première
22 instance. Donc on ne peut pas encore une fois utiliser les mêmes
23 circonstances pour dire : Oui, ça aggrave encore son cas, parce qu'il était
24 commandant, il a commandé, il n'a pas respecté les lois et les coutumes de
25 guerre. Donc pour nous, ce n'était pas acceptable. Pour moi, c'est une
26 question purement juridique, et vous allez vous prononcer là-dessus.
27 Concernant la question numéro 4 dans votre ordonnance, qui est plus
28 factuelle, vous nous invitez de vous donner des éléments de preuve qui sont
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1 susceptibles de démontrer que sur la direction déterminée par la Chambre
2 comme l'origine du tir, se sont trouvées des positions de l'ABiH.
3 Je vais reprendre, par exemple, le premier document dont on parle
4 déjà dans notre acte d'appel, c'est D102. C'est une carte marquée par un
5 témoin, à savoir M. Ekrem Suljevic, le policier faisant l'investigation
6 dans ce cas qui nous a marqué sur une flèche montrant la direction, et
7 d'ailleurs qui a été adopté par la Chambre dans les constatations. Il nous
8 a marqué, à notre demande, donc à la demande lors du contre-interrogatoire,
9 les positions qui sont autour de cette flèche. Là on voit que Colina Kapa
10 se trouve aussi à proximité, et nous on a prétendu que sur Colina Kapa se
11 trouvaient les positions de l'ABiH.
12 Je vais vous proposer à cette fin les documents D110, D417, et les
13 témoignages. Donc, j'ai pris les témoignages de certains. Je n'ai pas pu
14 trouver la totalité, je l'avoue, mais c'est le Témoin W-12, et ce sont le
15 procès-verbal, les pages 3 039, 3 042, 3 065. Après, le Témoin Huso Palo,
16 pages du transcript 1 545 à 1 546. Le Témoin Thomas Knustad, pages du
17 transcript 2 025, 2 026. Témoin Vahid Karavelic, page 4 228. Témoin Zoran
18 Trapara, pages 7 301, 7 302. Enfin, Predrag Trapara, pages 7 373, 7 374. Je
19 vous remercie. Donc, c'était la partie de mon intervention. Merci.
20 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. Mais le temps que
21 vous aviez est épuisé. Je peux vous donner cinq minutes supplémentaires,
22 Maître Tapuskovic.
23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je crois que
24 ces quelques minutes me suffiront, car nous n'avons plus qu'une de vos
25 questions à aborder. Elle concerne la défense d'alibi. A cet égard, je
26 serai bref, et merci de m'accorder ce temps supplémentaire.
27 Au paragraphe 155, nous déclarons que la Chambre de première instance, dans
28 les conclusions qu'elle tire aux paragraphes 975 et 976, empêche
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1 l'application du principal général de droit qui envisage que lorsqu'il y a
2 incapacité complète, ceci exonère quelqu'un de sa responsabilité pénale.
3 Mais d'après cette Chambre de première instance, pour qu'une personne
4 puisse être acquittée de ce chef d'accusation, il faut que l'impossibilité,
5 l'incapacité dure un certain temps. Ceci est dit au paragraphe 155 de notre
6 mémoire d'appel. Il semblerait ici que nous nous trouvions dans une
7 situation d'ignorance complète et d'anomalie complète de la signification
8 de la portée d'un alibi, car si vous avez un alibi qui est étayé par des
9 éléments de preuve prouvés au-delà de tout doute raisonnable, en effet, au
10 paragraphe 108 à la page 10 831, il est dit que l'accusé, c'est dit par un
11 témoin, l'accusé était absent, il était à Belgrade, et le commandement a
12 été assuré par Sladoje Cedo, qui était chef d'état-major du RSK. Dans des
13 notes de bas de page, nous mentionnons les documents 892, 908, il y a les
14 documents 733, 732 et 734. Autant d'ordres signés et émis par Cedo Slavoje,
15 car ce n'était pas une simple absence des lieux. M. Milosevic était malade,
16 il était hospitalisé. Il a subi une intervention chirurgicale dans un Etat
17 différent. Il était donc dans l'incapacité absolue de s'acquitter de ses
18 fonctions. La Chambre de première instance a pourtant conclu qu'il ne
19 fallait même pas qu'il soit sur place, vu ce qui se passait. Au paragraphe
20 976 :
21 "La Chambre de première instance constate que l'absence de l'accusé qui
22 n'était plus à Sarajevo n'a pas duré longtemps."
23 Alors quelle devrait être la durée de son absence ? Il est resté absent
24 cinq semaines, puis c'est seulement à ce moment-là qu'il est rentré à
25 Sarajevo. A cet égard, je dois souligner autre chose. A partir du début du
26 mois de septembre, après les bombardements de l'OTAN, jusqu'à la fin de ce
27 mois et pendant tout le mois d'octobre, tout le mois de novembre, ce sont
28 des périodes dont la Chambre n'a pas tenu compte. Or, à cette époque-là il
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1 n'y a pas eu de conflit entre les lignes de séparation. Pendant trois mois,
2 il n'y a pas eu un seul incident. Lui, il est rentré sur les lieux avec la
3 FORPRONU. Il a fait l'impossible pour régler les choses sur le terrain.
4 Alors je ne comprends pas comment on peut donner un autre avis en
5 droit sur un alibi. Un alibi, ça peut durer deux, trois, quatre jours, mais
6 comment peut-on dire, alors, que Markale s'est passé pendant ce moment-là.
7 A ce moment-là, Milosevic était à l'hôpital et n'était pas du tout à
8 Sarajevo. Est-ce que ça veut dire que trois mois suffiraient ? Quels sont
9 les critères qu'on utilise ? Il s'agit ici de critères tout à fait nouveaux
10 qui annulent tout à fait le concept et l'institution pratiquée ici du droit
11 pénal international.
12 Outre tous ces documents, Madame, Messieurs les Juges, vous nous avez
13 communiqué les instructions requises pour l'appel, le 13 juillet nous avons
14 une fois de plus essayé d'écrire à certains organes d'Etat. En l'espace --
15 M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président --
16 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] -- de trois à quatre jours --
17 M. ROGERS : [interprétation] Excusez-moi d'intervenir. Je crois comprendre
18 ce à quoi veut faire allusion Me Tapuskovic. Il m'a montré en effet un
19 document juste avant votre retour en salle d'audience après la première
20 pause du matin. Je n'avais jamais vu ce document auparavant, et je crois
21 comprendre que maintenant Me Tapuskovic veut utiliser ce document pour
22 étoffer son propos. Or, c'est un document qui n'a pas été versé au dossier,
23 qui n'est pas dans le dossier, à ce moment-là il faudrait faire une demande
24 en application de l'article 115 si Me Tapuskovic voulait utiliser ce
25 document dans sa plaidoirie. Or, il ne l'a pas encore fait - je n'ai pas à
26 me prononcer ici sur ce qu'il doit faire, ça, ça pourrait sans doute faire
27 l'objet d'une requête - mais à ce stade, je pense que vous n'avez pas à
28 être saisi de ces éléments. Vous pourrez uniquement le faire lorsque vous
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1 aurez décidé s'il faut admettre cette pièce au dossier et voir quelles
2 seront les mesures ultérieures à prendre. Je voudrais donc demander à Me
3 Tapuskovic de s'abstenir de faire référence à ce document aussi bien qu'à
4 son contenu.
5 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Mais je ne pense pas qu'il ait fait
6 jusqu'à présent référence au document.
7 M. ROGERS : [interprétation] Mais c'est sur le point de venir.
8 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Là vous faites des suppositions.
9 Je vous en prie, poursuivez, Maître Tapuskovic.
10 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président, M.
11 Rodgers a raison. Si nous commençons à discuter d'un point il faudra peut-
12 être passer à huis clos partiel. C'est vrai je souhaite aborder la question
13 de ce document dont nous allons demander le versement, même si tous les
14 délais sont déjà passés. Ça peut poser problème, j'en suis conscient. Mais
15 je pense que ce document n'est peut-être pas si important que ça, au vu des
16 documents déjà versés au dossier. Il reste néanmoins important, et je pense
17 qu'il vous faut l'examiner, car il risque d'être important pour --
18 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Si vous voulez vraiment parler d'un
19 document qui n'a pas été versé, vous n'êtes pas autorisé à le faire.
20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] C'est vrai, Monsieur le Président. Mais je
21 vais déposer une demande, car nous avons reçu ce document il y a quelques
22 jours à peine. Et dans l'esprit de l'article 115, en dépit de l'expiration
23 des délais, on peut tenir compte d'un document - du moins, la Chambre
24 d'appel peut le faire - dans la mesure où ce document peut avoir une
25 incidence --
26 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Si vous l'avez reçu il y a quelques
27 jours, pourquoi n'avoir pas demandé à la Chambre par voie de requête il y a
28 quelques jours de faire admettre ce document ?
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1 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Mais nous avons reçu ce document il y a
2 quelques jours à peine, mais il y a une omission de forme. C'est seulement
3 hier que nous avons reçu la version complète, et il était impossible que
4 nous vous soumettions ce document avant la présente audience. Je ne dis pas
5 ici --
6 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Vous parlez du début de l'audience ?
7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je pense que c'est une erreur de ma part.
8 Je pense que c'est effectivement -- mais il n'est jamais trop tard pour
9 bien faire, ou dirais-je qu'il est préférable -- enfin, je parle du fait
10 que la Chambre de première instance a établi que ceci avait été prouvé au-
11 delà de tout doute raisonnable.
12 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Si vous le voulez, vous avez toujours
13 le loisir de déposer une requête par écrit pendant la pause, par exemple.
14 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci.
15 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous invite instamment à terminer,
16 parce que le temps qui vous avait été donné, le temps supplémentaire de
17 cinq minutes, ce temps-là est épuisé.
18 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame,
19 Messieurs les Juges. J'en ai ainsi terminé. Je n'ai pas d'autre élément à
20 ajouter. Je vous remercie.
21 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] C'est moi qui vous remercie.
22 Oui, Monsieur le Juge Guney.
23 M. LE JUGE GUNEY : Maître Tapuskovic, j'ai une question de clarification.
24 Juste avant la pause du matin, dans votre soumission, vous avez dit c'était
25 l'ABiH qui tire sur sa propre population, et vous avez cité deux raisons :
26 pour plaire aux médias ou bien pour faire ressortir le nombre de victimes à
27 double. Auriez-vous la bonté de développer là-dessus. Quel était le but
28 recherché pour l'ABiH de tirer sur sa propre population ? Merci.
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1 [Le conseil de la Défense se concerte]
2 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Juge, je comprends
3 parfaitement votre question. Je ne peux pas vous parler des intentions qui
4 animaient l'ABiH. Nous avons montré quelques exemples qui montraient que
5 l'ABiH, d'après les constatations et conclusions de la Chambre de première
6 instance, avait elle-même manipulé les instances et l'artillerie. Je ne
7 suis pas à même de vous dire ce que l'ABiH avait comme intention, mais
8 certaines preuves le montrent de façon indiscutable, il y a notamment deux
9 ordres; un du 8 juin 1995, et l'autre, du 11 juin. Le premier était signé
10 par le commandant du 1er Corps, qui a dit que personne ne peut franchir la
11 ligne qui sépare de l'autre côté, et que tout le monde qui essaie de
12 quitter Sarajevo devrait essuyer des tirs. Je vous ai donné des documents
13 qui montraient que les soldats de l'ABiH avaient ouvert le feu.
14 Ce sont des faits, Madame, Messieurs les Juges, ce sont des faits qui
15 montrent que ce genre de chose s'est passé. Quelle était l'intention de
16 cette armée, pourquoi a-t-elle agi de la sorte, nous avons des références à
17 bon nombre de choses, mais ici je ne veux pas faire de suppositions. Je ne
18 peux que stipuler les faits et ce sont là des faits que j'ai indiqués grâce
19 à des documents de l'ABiH. L'intention de cette armée, là, c'est une autre
20 histoire. Il y a une thèse disant que l'armée de la Republika Srpska a tiré
21 sur tout le monde, mais ça n'a été prouvé par aucun élément de preuve. Et
22 nous avons des documents qui montrent qu'il y avait un ordre général disant
23 que personne n'avait le droit de quitter Sarajevo en vie, ça c'est une
24 chose, et nous avons d'autres documents que j'ai présentés. S'agissant des
25 événements, je ne peux pas me lancer dans des conjectures. Je pourrais
26 faire des suppositions, mais moi, je ne suis pas un avocat qui manipule des
27 conjectures. Ce que je dis se base sur des faits.
28 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.
Page 89
1 Je pense qu'il n'y a pas d'autres questions de la part des Juges, et je
2 donne maintenant la parole à l'Accusation. Je pense que vous disposez d'une
3 heure avant la pause.
4 Mme GOY : [interprétation] Merci, Madame, Messieurs les Juges.
5 Bonjour à vous. L'Accusation va répondre à l'appel de la Défense de la
6 façon suivante. Je vais tout d'abord vous donner un aperçu de l'affaire et
7 la réponse de l'Accusation. Et dans ce contexte-là, je vais aborder vos
8 questions numéros 2 et 3, qui sont contenues dans l'addendum au calendrier
9 d'aujourd'hui. Mon collègue, M. François Boudreault, va évoquer la question
10 numéro 1 et notre réponse au motif numéro 1 de Dragomir Milosevic. Mon
11 collègue, Matteo Costi, va conclure les arguments de l'Accusation en
12 abordant le motif numéro 8, la branche numéro 2, le pilonnage de Bascarsija
13 et le marché qui s'y trouvait.
14 Dans ce contexte, Madame, Messieurs les Juges, nous reposons sur
15 notre mémoire, mais nous sommes disponibles pour répondre à toute question
16 que vous souhaiteriez poser, Madame, Messieurs les Juges.
17 Les Juges de la Chambre ont convaincu comme il se doit Dragomir Milosevic
18 de crimes de terreur et de meurtres.
19 La Chambre a, à juste titre, condamné Dragomir Milosevic pour les
20 crimes de terreur et assassinats et autres actes inhumains en tant que
21 crimes contre l'humanité. Entre le mois d'août 1994 et le mois de novembre
22 1995, le général de division Dragomir Milosevic était le commandant du
23 Sarajevo Romanija Corps. En tant que commandant de la RSK, il a planifié et
24 ordonné une campagne de pilonnage et de tirs embusqués contre la population
25 civile de Sarajevo. Il a volontiers poursuivi ce qu'avait commencé son
26 prédécesseur, Galic, en 1992. Milosevic et ses troupes ont pilonné et tiré
27 sur la population civile qui était piégée, et ce, pendant 14 mois. En
28 conséquence, bon nombre de civils ont été tués et blessés mentalement et
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1 physiquement. Milosevic avait l'intention de terroriser la population
2 civile, et il a réalisé son objectif.
3 "Son incapacité à s'échapper de ce piège de l'horreur a laissé des
4 traces indélébiles sur la population dans son ensemble." Il s'agit de
5 paragraphe du jugement 910.
6 Milosevic s'est assuré que plus personne ne serait en sécurité à Sarajevo.
7 Milosevic et ses tueurs embusqués ont délibérément tiré sur des civils. Ils
8 ont pris pour cible des endroits où se rassemblaient les civils. Ils ont
9 tiré sur une femme qui se trouvait dans sa chambre, une femme qui
10 rassemblait du bois pour le feu, une mère et son fils de 7 ans qui
11 tentaient de traverser la rue, une jeune fille qui se rendait à l'école,
12 des passagers à bord de tramways.
13 Milosevic a également ordonné à la RSK de pilonner les civils dans certains
14 quartiers, dans des marchés où les civils faisaient la queue pour avoir de
15 l'eau. La prise pour cible de civils était délibérée. Les mortiers sont des
16 armes de précision, et leur équipage était très entraîné, mais Milosevic ne
17 s'est pas contenté de pilonner à l'aide de mortier, mais a fait un usage
18 répété de bombes aériennes modifiées qui sont manifestement des armes peu
19 précises qui ne pouvaient être dirigées que sur des zones générales.
20 Impossible de prévoir où ceci tombe. En général, ceci est largué à partir
21 d'un avion, mais dans ce cas-ci, on y attachait une roquette, donc c'était
22 des systèmes improvisés lancés à partir de camions. Leur utilisation à
23 Sarajevo a clairement montré que l'intention était de terroriser la
24 population civile, et c'est ce qu'a constaté la Chambre de première
25 instance au paragraphe 912.
26 Les contestations au plan juridique et factuel de Milosevic doivent être
27 rejetées dans leur totalité. Il conteste au cours de l'appel, réitère les
28 arguments présentés pendant le procès. Il indique et identifie des éléments
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1 de preuve qui ont été déjà examinés dans le détail par la Chambre de
2 première instance, et propose simplement une lecture différente des
3 éléments de preuve sans montrer que la conclusion de la Chambre était une
4 conclusion qu'aucun juge de paix raisonnable ne pouvait parvenir. Ce matin
5 dans les éléments présentés, Milosevic s'est concentré non pas sur les
6 incidences spécifiques évoquées par la Chambre.
7 Et comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire réponse, la Chambre de
8 première instance a analysé les différents éléments de preuve et a prêté
9 une attention particulière à l'origine des feux pour chacun des incidents.
10 Pour ce qui est de Nermin Divovic, qui a été évoqué ce matin, la Chambre de
11 première instance a évoqué la question de la contradiction éventuelle pour
12 ce qui est de l'origine du feu et l'a résolu en indiquant que Nermin a été
13 tué par un membre de la RSK. Je vais vous demander de vous reporter plus
14 particulièrement à l'élément de notre mémoire en réplique aux paragraphes
15 113 à 199 [comme interprété]. Alors que la Chambre n'était pas convaincue
16 du fait que la RSK était derrière les attaques à ce moment-là Milosevic
17 était acquitté, tel était le cas pour les deux derniers incidents. Pour ce
18 qui est des tirs isolés, la Chambre de première instance a toujours essayé
19 de comprendre quel était le statut du civil en question et le contexte dans
20 lequel il ou elle menait à bien ses activités.
21 Pour ce qui est du pilonnage, la Chambre de première instance a fait
22 attention d'apprécier les circonstances de l'attaque, le type d'arme
23 utilisé, ainsi que la qualité du civil. De surcroît, lorsqu'elle a abordé
24 les incidents de pilonnage et de tirs isolés, de savoir si ceci était
25 dirigé contre la population civile, la Chambre de première instance a
26 également pris en compte d'éventuelles cibles militaires à proximité. Pour
27 ce qui est des erreurs de droit commises, Milosevic n'a pas plus montré que
28 la Chambre s'est trompée lorsqu'elle a évalué des éléments du crime et les
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1 critères de la preuve, et ce, à son détriment. La Chambre a fait très
2 attention d'apprécier la responsabilité criminelle de Milosevic pour sa
3 planification et le fait d'avoir donné des ordres.
4 La Chambre, à juste titre, a constaté que Milosevic avait planifié et
5 ordonné une campagne de pilonnage et de tirs isolés sur 14 mois. J'y
6 reviens dans quelques instants, mais avant d'aborder cette question dans le
7 détail, je souhaite aborder la façon dont les Juges de la Chambre ont
8 conclu que Milosevic était responsable pour avoir ordonné et planifié ces
9 pilonnages, même pendant la période où il ne se trouvait pas à Sarajevo.
10 La Chambre de première instance a constaté au paragraphe 960 que Milosevic,
11 l'état-major de la VRS et Mladic, ont participé à la mise en place de la
12 stratégie au plan large pour Sarajevo. Milosevic a pu mettre en œuvre cette
13 grande stratégie à la façon qu'il a jugée appropriée. La Chambre de
14 première instance a constaté que Milosevic a planifié et ordonné la
15 campagne de pilonnage et de tirs isolés à Sarajevo. Les incidents de
16 pilonnage et de tirs isolés font partie d'un ensemble qui avait été
17 envisagé et mis en œuvre par Milosevic, au paragraphe 967 [comme
18 interprété] du jugement de première instance. La Chambre de première
19 instance a constaté qu'il y avait ce modèle qui ne peut être expliqué que
20 par un système qui était caractérisé par un commandement et un contrôle
21 très serré, au paragraphe 966.
22 Et Milosevic tenait étroitement et contrôlait étroitement le RSK, au 959.
23 Les tirs isolés se sont produits sur une longue période dans différents
24 quartiers de Sarajevo sous le contrôle de différentes brigades de la RSK.
25 Ceci montre que l'opération menée par les tireurs embusqués était
26 coordonnée au niveau du commandement, ce qui a conduit les Juges de la
27 Chambre à la seule conclusion raisonnable, à savoir que Milosevic a
28 planifié et ordonné des activités de tirs isolés, au paragraphe 962.
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1 La Chambre a conclu que le pilonnage contre la population civile avait été
2 également planifié et ordonné par Milosevic. Il a décidé d'utiliser des
3 mortiers et a décidé des méthodes de pilonnage, c'est lui qui a demandé à
4 ce que des bombes aériennes modifiées soient larguées, c'est lui qui a
5 commandé le nombre de ces bombes, il a ordonné la construction de lanceurs
6 de bombes aériennes modifiées, et il a déclaré dans un rapport que des
7 lanceurs de bombes aériennes sont utilisés sur l'ensemble du territoire de
8 la RSK, sa zone de responsabilité sur demande, et décidé par le commandant
9 de la RSK, ce qui se trouve aux paragraphes 963 et 964 du jugement.
10 Les Juges de la Chambre se sont reposés également sur la planification et
11 le fait d'ordonner des incidents particuliers, comme éléments de preuve de
12 ce plan qui consistait à ordonner une campagne de pilonnage tel qu'ordonné
13 par Milosevic concernant le pilonnage de Hrasnica le 7 avril 1995,
14 paragraphe 964. La Chambre a constaté que Milosevic est allé au-delà de
15 cette planification générale de campagne de pilonnage. Il s'est préoccupé
16 des détails. Il a participé activement à un certain nombre de questions,
17 paragraphe 959. Différentes questions qui ont trait à l'entraînement,
18 l'équipement, le déploiement des tirs isolés, au paragraphe 962, la Chambre
19 a en conséquence déduit qu'il avait planifié et ordonné les activités des
20 tireurs. Milosevic a également donné un certain nombre d'ordres par rapport
21 aux incidents du pilonnage, j'ai déjà évoqué Hrasnica.
22 Le 19 avril 1995, Milosevic avait donné l'ordre que toutes les unités
23 disposent d'aires de lancement pour les bombes aériennes pour pouvoir tirer
24 sur la ville, au paragraphe 834. Le 16 mai, Milosevic a demandé à la
25 brigade d'Ilidza de préparer des lanceurs de bombes aériennes qui devaient
26 être prêts dès qu'il en donnait l'ordre, et devaient être tirées
27 approximativement sur l'endroit où se trouvait l'aéroport. Le plan général
28 et les ordres donnés par Milosevic étaient mis en œuvre sur une période de
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1 cinq mois. Même lorsqu'il était absent du début du mois d'août jusqu'à la
2 fin de son absence, au paragraphe 977.
3 Donc, il était responsable pour la planification et donnait des ordres
4 pendant cette période.
5 Lorsqu'on analyse la période pendant laquelle il a été absent, les Juges de
6 la Chambre ont constaté que ce pilonnage tombait carrément dans ce plan
7 général et tombait dans le cadre des plans ordonnés par Milosevic. Les
8 Juges de la Chambre ont constaté qu'il avait un contrôle complet sur les
9 troupes de la RSK, au paragraphe 975. Aux paragraphes 976 et 977, la
10 Chambre a conclu que son absence n'a pas duré très longtemps, à savoir cinq
11 semaines, que ceci relevait de son mandat en tant que commandant de la RSK,
12 à ce moment-là, le pilonnage et les tirs isolés s'étaient poursuivis déjà
13 pendant un an sur ses ordres, et pendant son absence, le pilonnage et les
14 tirs isolés se sont poursuivis de la même façon. La Chambre a constaté
15 qu'avant le départ de Milosevic, qu'il parte se faire soigner, il y a eu
16 augmentation des combats due à des offensives lancées par l'ABiH, et
17 Milosevic a répondu à ces offensives en pilonnant des zones civiles qui se
18 trouvaient à l'intérieur des lignes de confrontation. Pendant son absence,
19 le pilonnage s'est poursuivi de la même façon, au paragraphe 977.
20 La Chambre a conclu à juste titre que pour reprendre le terme des Juges de
21 la Chambre, "il avait été remplacé au niveau de ses responsabilités par le
22 chef de l'état-major Cedomir Sladoje de la RSK", mais ceci n'a rien changé
23 à la planification le fait de donner des ordres. Vous avez demandé dans
24 votre calendrier d'identifier des éléments au procès qui portent sur la
25 nomination et le mandat de Cedomir Sladoje pendant l'absence de Milosevic.
26 Pendant l'absence de Milosevic, Cedomir Sladoje, le commandant
27 adjoint responsable, était "zastupa komandanta," pour reprendre le terme en
28 B/C/S. Bien qu'à notre connaissance, aucun document n'a été présenté qui
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1 définit le mandat, la nomination de ce dernier, la façon dont il signait
2 les ordres pendant l'absence de Milosevic était avec "zastupa komandanta."
3 La traduction anglaise de ces ordres au dossier correspond à : "Commandant
4 à part entière," "commandant représenté par." Je souhaite vous demander de
5 vous reporter à l'ordre du 24 août 1995, P768, un ordre de la RSK qui donne
6 l'ordre de lancer les bombes aériennes; et un ordre du 7 septembre 1995, la
7 pièce P764 [comme interprété], un ordre qui passe sur le retour des bombes
8 aériennes à Pretis; un ordre daté du 7 septembre 1995, le P764 [comme
9 interprété], du RSK ayant trait à d'autres activités de combat. Je souhaite
10 également vous reporter à la pièce P738, une lettre écrite par Milosevic à
11 Mladic en 1996 qui est citée en partie dans le jugement au paragraphe 806,
12 je souhaite vous demander de vous reporter à différentes parties de cette
13 lettre qui se trouve à la page 3 de cette lettre, et je cite :
14 "Dès que je suis parti pour une intervention à la VMA (l'Académie
15 médicale militaire) un ordre a été rédigé pour qu'il devienne NS (chef
16 d'état-major) mais ceci ne pouvait pas être fait avant cela."
17 La version B/C/S de ceci fait également état de "zastupanje".
18 Par rapport à ce terme "zastupa komandanta," c'est quelque chose qui
19 a été cité dans un contexte différent par le témoin Gagovic, et il a évoqué
20 ceci en disant que ceci voulait dire "remplacer le commandant"; compte
21 rendu d'audience 8699.
22 La Chambre de première instance a constaté au paragraphe 959 que
23 Milosevic était de jure commandant de la RSK pendant la période couverte
24 par l'acte d'accusation, la Chambre ne fait pas d'exception pour la période
25 où il a été absent.
26 Son absence n'était qu'une absence provisoire. On s'attendait à ce
27 qu'il revienne, et il est effectivement revenu. Je vais vous demander de
28 vous reporter aux éléments de preuve de Luka Dragicevic. Le témoignage de
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1 Luka Dragicevic, qui était le commandant adjoint de Dragomir Milosevic de
2 décembre 1994 et à partir de cette date-là, en charge des questions de
3 morale, religieuses et juridiques. Par conséquent, il était en mesure de
4 témoigner sur les conditions du congé-maladie de Milosevic.
5 Il a témoigné à la page 3 999, qu'ils ont eu beaucoup de mal à
6 convaincre Milosevic de partir pour son intervention ophtalmologique, de
7 façon à régler son problème au niveau de son œil pour pouvoir reprendre son
8 travail.
9 Comme ceci est expliqué par Stevan Veljovic, témoin de la Défense,
10 pendant l'absence de Milosevic, son adjoint, Cedomir Sladoje, était
11 responsable. Le commandant Stevan Veljovic était un officier chargé des
12 opérations, paragraphe 466. C'était le subordonné direct de Sladoje, 5 765.
13 Il pouvait également évoquer les rapports entre Milosevic et Sladoje.
14 Lorsque Veljovic, lorsqu'on lui a posé les questions à la page 5 843 :
15 "Qui était responsable du corps de Dragomir Milosevic lorsqu'il est
16 parti se faire soigner à Belgrade ?"
17 Veljovic a répondu :
18 "C'était son adjoint, le colonel Cedomir Sladoje."
19 La déduction faite sur la base des éléments de preuve c'est que
20 Sladoje avait reçu les instructions de Dragomir Milosevic pour poursuivre
21 la campagne de pilonnage. Ce qui correspond aux conclusions de la Chambre,
22 à savoir le pilonnage et les tirs isolés en cours relevaient du plan
23 général de Dragomir Milosevic. Ce qui m'amène à parler du mandat de Cedomir
24 Sladoje.
25 Trois éléments indiquent qu'on lui avait demandé de poursuivre cette
26 campagne. Tout d'abord, le style du commandement de Milosevic et son
27 attitude générale en tant que commandant. Deuxièmement, la poursuite du
28 pilonnage et les tirs isolés de la même façon. Troisième point, la réaction
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1 de Milosevic, ou plutôt, manque de réaction lorsqu'il est revenu.
2 Premier point, le style de commandement de Milosevic, à savoir un
3 commandement serré, indique qu'il a évoqué ce qu'il devait faire pendant
4 son absence et lui a donné les consignes en vertu de quoi devait continuer
5 la campagne de pilonnage. Ce qui est étayé par le témoignage de Veljovic.
6 D'après lui, les deux coordonnaient toujours l'opération. Cela ne signifie
7 pas que Sladoje pouvait faire ce que bon lui semblait, mais plutôt ceci
8 était évoqué avec Milosevic. Lorsqu'on lui a posé la question à la page 5
9 831 :
10 "Il serait exact de dire que c'était l'alter ego du commandant. Ils étaient
11 très proches. Parce que si le commandant était absent, si quelque chose lui
12 arrivait, c'est quelqu'un qui doit pouvoir assumer ces responsabilités-là à
13 tout moment ?"
14 Veljovic a répondu en disant :
15 "Oui. Ces deux personnes coordonnaient toujours les actions et comment
16 devaient fonctionner le commandement et le contrôle."
17 Les instructions données par Milosevic sont étayées par le fait qu'il n'est
18 pas parti dans une situation d'urgence. Il avait déjà été blessé au mois de
19 mai et le traitement avait été reporté compte tenu de la situation qui
20 prévalait au front. Au paragraphe 829 et la pièce D340, le dossier médical
21 de Milosevic.
22 Les instructions sont conformes à l'attitude générale et son rôle en tant
23 que commandant. Ceci est exprimé dans une lettre déjà envoyée à Mladic et
24 déjà évoquée qui a été envoyée par Dragomir Milosevic en 1996, ceci est
25 cité dans le jugement au paragraphe 806. Milosevic écrit :
26 "Je ne me suis jamais éloigné de mes troupes un seul jour."
27 Cette attitude est également étayée par le témoignage de Luka Dragicevic,
28 qui a témoigné au compte rendu d'audience page 3 999, qu'il a même réduit
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1 le temps de son congé maladie.
2 Deuxième point, que s'est-il passé en réalité pendant l'absence de
3 Milosevic, ceci indique de surcroît que Milosevic avait donné des consignes
4 à Sladoje pour poursuivre la campagne de pilonnages et de tirs isolés.
5 Au paragraphe 977, les Juges ont constaté que le pilonnage et les tirs
6 isolés se sont poursuivis comme avant. Plus précisément, la réponse de
7 Milosevic à l'offense de l'ABiH en 1995, avant son départ, consistait à
8 pilonner des zones civiles à l'intérieur des lignes de confrontation. Cette
9 constatation est compatible avec le témoignage de David Harland, à savoir
10 que les représailles étaient surtout dirigées contre les civils, paragraphe
11 757 du jugement.
12 En tant qu'alter ego du commandant, Sladoje devait bien connaître la
13 stratégie mise en œuvre par Milosevic. De surcroît, le 15 juillet 1995,
14 avant le départ de Milosevic pour l'hôpital, il a demandé à l'état-major
15 principal de la VRS d'approuver la mise à disposition de 200 bombes
16 aériennes, paragraphe 822.
17 Ayant commandé 800 [comme interprété] bombes aériennes, il est déduit que
18 Milosevic a abordé avec Sladoje la façon dont ceci devait être utilisé,
19 surtout compte tenu de son style de commandement. Le 10 août 1995, peu de
20 temps après le départ de Milosevic, le commandant de la RSK, avec un ordre
21 signé du chef de l'artillerie, a demandé la fabrication de lanceurs de
22 bombes aériennes, pièce P731. Le 22 août une bombe aérienne modifiée a
23 effectivement été lancée au niveau du bâtiment BITAS, paragraphe 668. Le 24
24 août 1995, Sladoje a donné l'ordre aux unités de lancer des bombes
25 aériennes, signé par "zastupa komandanta," P768.
26 De surcroît, d'autres éléments de preuve indiquent que Sladoje agissait sur
27 la base des ordres donnés par Milosevic, Milosevic n'a pas réagi lorsqu'il
28 est revenu malgré le fait que, d'après les éléments de Dragicevic et le
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1 général Veljovic, Milosevic aurait été informé de ce qui s'était passé
2 pendant son absence lorsqu'il est rentré, au paragraphe 832. Ces éléments
3 de preuve étayent le fait que Milosevic n'a jamais fait état d'une
4 violation du droit international humanitaire aux procureurs. Le colonel
5 Dragicevic a dit dans son témoignage qu'il n'a jamais eu connaissance
6 d'exemples où l'accusé avait fait un rapport sur une violation du droit
7 international humanitaire aux procureurs militaires. Il a également dit
8 dans son témoignage qu'il en aurait été informé, au paragraphe 862.
9 En conclusion, les Juges de la Chambre ont conclu de façon raisonnable
10 qu'il n'était pas pertinent, eu égard à la responsabilité criminelle de
11 Milosevic, de planification, et le fait d'ordonner qu'il était absent
12 pendant cinq semaines de Sarajevo.
13 Ceci conclut notre réponse eu égard à la question numéro 2, à moins que
14 vous n'ayez des questions. Je vais maintenant passer à la réponse que nous
15 allons vous fournir à la question numéro 3.
16 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Veuillez poursuivre.
17 Mme GOY : [interprétation] Merci.
18 Dans son appréciation de la gravité et de facteurs aggravants, la
19 Chambre de première instance a tenu compte de différents éléments
20 pertinents, sans tenir compte du même facteur deux fois. Plutôt, la Chambre
21 s'est reposée sur deux éléments, les facteurs aggravants et la gravité.
22 Ceci est notre réponse à votre troisième question que je vais aborder plus
23 en détail maintenant.
24 Ce que l'on peut considérer sous le terme de gravité a été correctement
25 établi au paragraphe 989 du jugement faisant état de l'arrêt Galic au
26 paragraphe 409. La Chambre d'appel a constaté que la gravité inhérente du
27 crime, le comportement criminel de l'accusé et la prise en compte de
28 circonstances particulières de l'affaire, les crimes pour lesquels l'accusé
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1 a été condamné, la forme et le degré de participation font partie de
2 l'appréciation de la gravité. Dans l'arrêt Blaskic, au paragraphe 683,
3 s'est également reposée la Chambre de première instance, dans Milosevic,
4 paragraphe 990, et énumère la liste des conséquences de ces crimes pour les
5 victimes.
6 Lorsqu'il s'agit d'aborder la gravité inhérente, la Chambre de première
7 instance s'est reposée sur ces éléments mêmes aux paragraphes 991 à 994.
8 Au paragraphe 991, il a tenu compte du mode de responsabilité, la
9 planification et le fait d'ordonner, à savoir la forme de participation; le
10 type de crimes, la terrorisation, l'assassinat et autres actes inhumains;
11 la gravité de ces crimes et leur fréquence, lorsque la Chambre indiquait
12 que tous ces crimes étaient des crimes extrêmement graves qui ont été
13 commis lors d'une campagne de pilonnages et de tirs isolés sur une période
14 de 14 mois. La fréquence est un des facteurs abordés par les Juges en appel
15 au paragraphe 410 comme étant un élément valable sur lequel fonder la
16 gravité.
17 Au paragraphe 911 [comme interprété], la Chambre a tenu compte des
18 circonstances de l'affaire et de l'environnement dans lequel les civils se
19 sont trouvés, à savoir piégés dans la ville. La Chambre a tenu compte des
20 effets sur les victimes. Bon nombre d'entre eux ont été tués et d'autres
21 grièvement blessés.
22 Au paragraphe 992, la Chambre s'est concentrée sur la gravité particulière
23 du crime de terrorisation, compte tenu "d'une intention qui est le signe
24 d'un mépris profond pour l'intégrité physique et la vie humaine."
25 Et elle a tenu compte de la souffrance très lourde des civils pendant
26 cette période.
27 Au paragraphe 993, à juste titre, elle a tenu compte du fait que la terreur
28 avait été répandue, que la population civile était terrorisée, ce qui n'est
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1 pas un élément qui est requis pour le crime de terrorisation. La Chambre a
2 également reconnu que la souffrance, qui était le résultat de la
3 terrorisation effective, constitue un élément du crime des actes inhumains.
4 Au paragraphe 994, nous avons un résumé de la gravité, le mode, le type de
5 crimes, leur fréquence, ainsi que les victimes.
6 Passons maintenant aux facteurs aggravants. Lorsqu'elle a tenu compte des
7 facteurs aggravants, la Chambre a tenu compte de différents aspects et
8 différents de ceux qui étaient abordés. Lorsqu'elle traitait de la question
9 de la gravité, dans certains cas, la Chambre a utilisé une terminologie
10 analogue, mais au niveau des facteurs aggravants et de la gravité, elle
11 s'est concentrée sur différents éléments. Lorsqu'elle a tenu compte des
12 facteurs aggravants, la Chambre de première instance, au paragraphe 995, a
13 clairement indiqué qu'un facteur dont elle avait tenu compte sous la
14 rubrique gravité n'était pas quelque chose dont elle pouvait tenir compte
15 sous la rubrique facteurs aggravants.
16 Au terme des facteurs aggravants, la Chambre de première instance a tenu
17 compte des circonstances qui étaient pertinentes pour apprécier la
18 responsabilité criminelle de Milosevic et qu'elle était en droit d'utiliser
19 comme facteurs aggravants.
20 Au paragraphe 999, la Chambre a tenu compte, comme facteur aggravant,
21 de l'abus de Milosevic, de sa fonction élevée en tant que commandant de
22 corps pour avoir violé de façon systématique le droit humanitaire
23 international. La Chambre de première instance a tenu compte du fait qu'une
24 fonction élevée n'est pas quelque chose qui peut servir de facteur
25 aggravant, chose qu'elle a indiqué à la note en bas de page 3202. Mais la
26 Chambre de première instance n'a pas tenu compte de la fonction élevée en
27 tant que telle, mais l'abus de l'autorité à partir d'une fonction très
28 élevée au sein de la VRS et de façon très flagrante. C'est cette violation
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1 répétée de la fonction élevée qu'il occupait qui a été reconnue dans
2 l'arrêt Galic comme un facteur aggravant qui, comme Dragomir Milosevic, a
3 donné l'ordre de lancer une campagne de terreur par le biais d'une campagne
4 de pilonnages et de tirs isolés.
5 La dernière phrase du paragraphe 999 indique qu'il s'agit d'un abus
6 d'autorité dont il est tenu compte. Il ne s'agit pas de compter une
7 deuxième fois les modes de responsabilité ou la violation du droit
8 humanitaire international. Ce sont, en fait, les façons dont Milosevic a
9 abusé de sa position, mais en fait, les modes de commission des crimes ont
10 déjà été pris en compte pour déterminer la gravité au paragraphe 991 du
11 jugement et au paragraphe 994.
12 Dans le paragraphe 1 000, la Chambre s'est penchée sur la durée de la
13 campagne et sur la volonté de Milosevic de la poursuivre ainsi que sur son
14 rôle très actif dans la commission des actes considérés comme des
15 conditions aggravantes. La longue durée pendant laquelle les crimes se sont
16 poursuivis, ainsi que la participation active et directe de Milosevic en
17 tant qu'auteur des actes criminels, si on l'associe au poste de haut rang
18 qu'il occupait au sein du commandement, ces éléments ont été admis dans
19 l'arrêt en appel de Blaskic, au paragraphe 686, comme des considérations
20 aggravantes et ont été, à juste titre, énumérés par la Chambre de première
21 instance en l'espèce au paragraphe 996 lorsqu'elle a décrit le droit qui
22 s'applique à la détermination des circonstances aggravantes.
23 La référence que l'on trouve au paragraphe 991 à la gravité qui est liée à
24 la longue période, à savoir 14 mois, qui aggrave le caractère fréquent des
25 crimes de guerre, n'est que descriptive. Il ne s'agit pas ici d'un calcul
26 de durée en tant que tel. Au paragraphe 991, lorsque sont examinés les
27 éléments liés à la gravité, il est question de la fréquence des crimes,
28 alors qu'au paragraphe 1 000, on se concentre davantage sur le comportement
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1 de l'accusé.
2 Au paragraphe 1 001, la Chambre, à juste titre, a pris en compte la nature
3 tout à fait inadaptée des bombes aériennes modifiées associées au pouvoir
4 explosif important de ces bombes comme étant une circonstance aggravante.
5 Lorsque la Chambre, au paragraphe 1 001, évoque l'effet psychologique que
6 produisaient les bombes aériennes modifiées, elle se concentre sur l'effet
7 de ces bombes, ce qui est un aspect différent de l'aspect que l'on trouve
8 dans la mention des souffrances importantes qui sont évoquées lorsque la
9 Chambre a voulu déterminer la gravité au paragraphe 992 de ce jugement, où
10 elle parlait également de l'effet global de la campagne de pilonnages et de
11 tirs isolés.
12 Au paragraphe 1 001 du jugement, au terme des circonstances aggravantes,
13 c'est le choix de cette arme et son emploi répété que la Chambre a estimé
14 être une circonstance aggravante. Utiliser une arme tout à fait inadaptée à
15 de nombreuses reprises, une arme dont le pouvoir explosif est important,
16 n'est pas un élément constitutif du crime de terreur. Donc, la Chambre ne
17 pouvait pas l'utiliser deux fois.
18 En conclusion, la Chambre a eu raison de tenir compte des
19 circonstances en question pour déterminer la gravité ainsi que des
20 circonstances aggravantes, sans utiliser deux fois les mêmes éléments.
21 Ceci met un terme à notre réponse à la question de la Chambre, question
22 numéro 3, et à moins que les Juges aient des questions, je donnerai la
23 parole à mon confrère, Me François Boudreault.
24 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Madame Goy, il n'y a pas de questions
25 de la Chambre.
26 Mme GOY : [interprétation] Je vous remercie.
27 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Vous pouvez donc poursuivre comme vous
28 l'avez souhaité.
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1 M. BOUDREAULT : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
2 Messieurs les Juges. Je vais traiter de la première question que l'on
3 trouve dans l'addendum à l'ordonnance portant calendrier, et je traiterai
4 rapidement aussi des arguments soulevés par Milosevic ce matin en rapport
5 avec le premier motif de son propos en rappel pour montrer qu'il doit être
6 rejeté.
7 Première question que l'on trouve dans l'addendum à l'ordonnance portant
8 calendrier, elle invite les parties à donner plus de détails au sujet des
9 éléments constitutifs du crime de terreur. La position de l'Accusation
10 consiste à dire qu'il y a trois éléments de cette nature. Premièrement, les
11 actes de violence ou menaces d'actes de violence; deuxièmement, l'intention
12 directe ou indirecte de commettre ces actes ou ces menaces de violence; et
13 troisième, l'intention spécifique de semer la terreur parmi la population
14 civile.
15 Dans le cas qui nous intéresse, la Chambre de première instance a également
16 exigé que soient démontrés les actes de violence ou les menaces d'actes de
17 violence qui ont provoqué la mort ou des blessures graves, blessures
18 physiques ou mentales au sein de la population civile. Ceci se trouve aux
19 paragraphes 875, 876, et 880 du jugement.
20 Nous déclarons que cette exigence supplémentaire est une erreur. Comme je
21 le montrerai dans un moment, la Chambre d'appel n'a pas entériné cette
22 exigence dans l'arrêt Galic. Avant d'en arriver aux détails, je tiens à
23 souligner que l'erreur commise par la Chambre de première instance
24 n'affecte en rien le résultat de ces considérations, car la Chambre de
25 première instance a en fait conclu que l'attaque du RSK avait débouché sur
26 la mort ainsi que des blessures mentales et physiques graves affligées aux
27 civils. Cette conclusion était raisonnable, comme nous l'expliquons aux
28 paragraphes 56 à 60 de notre mémoire en réplique.
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1 Par ailleurs, le fait que des civils aient été tués ou blessés suite aux
2 attaques du RSK ne fait que renforcer la conclusion de la Chambre de
3 première instance selon laquelle ces attaques étaient dirigées contre la
4 population civile de Sarajevo, et que l'intention spécifique qui a présidé
5 à ces attaques consistait à semer la terreur parmi la population civile.
6 J'en arrive maintenant à l'arrêt Galic. Au paragraphe 102 de cet arrêt, il
7 nous est expliqué que les actes de violence ou les menaces de violence sont
8 constitutifs de l'élément matériel du crime de terreur et qu'ils peuvent
9 englober les attaques ou menaces d'attaques contre des civils, ainsi que
10 des attaques indiscriminées ou disproportionnées ou menaces de telles
11 attaques. Mais la Chambre d'appel ne conclut pas que les actes de violence
12 ou menaces d'actes de violence ont l'obligation de déboucher sur la mort ou
13 des blessures graves infligées aux civils, même si manifestement la
14 question se pose, comme on peut le voir dans le paragraphe 102 de l'arrêt.
15 Au paragraphe 100 de l'arrêt Galic, la Chambre de première instance
16 remarque que l'élément matériel déterminé par la Chambre de première
17 instance chargée de l'affaire Galic, pour conclure au crime de terreur, est
18 décrit par les mots, je cite : "…actes de violence ayant provoqué la mort
19 ou des blessures graves, physiques ou mentales au sein de la population
20 civile." Toutefois, la Chambre d'appel n'entérine pas cette exigence. A la
21 fin du paragraphe 100 de l'arrêt, la Chambre d'appel note très précisément
22 que la Chambre de première instance chargée de l'affaire Galic n'a pas pris
23 en compte le fait de savoir si l'élément matériel constitutif de l'acte de
24 terreur pouvait se composer uniquement de violence, d'actes de violence ou
25 de menaces d'actes de violence ou d'actes de violence à proprement parler
26 qui n'auraient pas provoqué la mort ou les blessures.
27 Au paragraphe 101 de l'arrêt Galic, il est expliqué que l'analyse des
28 éléments constitutifs du crime de terreur doivent reposer sur la définition
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1 de ce crime que l'on trouve au Protocole additionnel des conventions de
2 Genève, à savoir, je cite :
3 "…des actes de violence ou menaces d'actes de violence qui ont pour but
4 principal de semer la terreur parmi la population civile."
5 La Chambre d'appel définit l'élément matériel constitutif de l'acte de
6 terreur au paragraphe 102 qui, comme je l'ai dit, ne fait aucune mention du
7 résultat recherché. La Chambre d'appel a donc estimé qu'il n'était pas
8 nécessaire de démontrer que les actes ou menaces de violence avaient
9 débouché sur la mort ou des blessures graves infligées aux civils pour que
10 le crime de terreur soit constitué. Ceci correspond au fait que la
11 préoccupation primordiale dans ce crime, à savoir l'intention primordiale,
12 doit être de semer la terreur. Aux paragraphes 102 et 104 de l'arrêt Galic,
13 ceci est confirmé.
14 Nos collègues ont parlé ce matin de la note en bas de page numéro 351 de
15 l'arrêt Galic, mais cette note en bas de page ne dit rien de l'élément
16 constitutif de l'acte de terreur. Cette note en bas de page se contente
17 d'apporter une explication quant aux raisons pour lesquelles, dans le cas
18 spécifique de M. Galic, il y a eu contestation des conclusions de la
19 Chambre au sujet des chefs d'attaque illégales contre des civils. Cette
20 interprétation de l'arrêt Galic est également partagée par la jurisprudence
21 de la Cour spéciale de Sierra Leone. La Chambre d'appel et la Chambre de
22 première instance de cette cour spéciale ont suivi l'arrêt Galic,
23 s'agissant de déterminer l'élément matériel constitutif de l'acte de
24 terreur. Aucune de ces Chambres n'a exigé qu'une preuve soit apportée que
25 les actes ou menaces d'actes de violence constituant la terreur n'aient
26 débouché sur la mort ou des blessures graves infligées aux civils. Je
27 renvoie les Juges de cette Chambre en particulier à l'arrêt Fofana,
28 paragraphes 350 à 352, ainsi qu'au jugement en première instance Sesay,
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1 paragraphe 117 et note en bas de page 240.
2 D'ailleurs, la Cour spéciale de Sierra Leone considère que les attaques
3 contre des éléments civils pourraient constituer l'élément matériel
4 suffisant à démontrer l'acte de terreur. La position de l'Accusation
5 consiste donc à dire que condamner pour un acte de terreur n'exige pas que
6 soit démontrée l'existence de victimes civiles, ce qui ne veut pas dire que
7 tout acte de violence ou menace de violence peut constituer l'élément
8 matériel constitutif de l'acte de terreur. Les actes ou menaces d'actes de
9 violence en question doivent avoir la possibilité de provoquer une peur
10 intense au sein de la population visée. Ceci correspond à la troisième
11 exigence déterminée par la Chambre Tadic selon laquelle la violation prise
12 en compte doit être grave. La Chambre d'appel de la Cour spéciale de Sierra
13 Leone a également abouti à la même conclusion au paragraphe 352 de son
14 arrêt Fofana.
15 En l'espèce, la Chambre de première instance a donc commis une erreur en
16 exigeant que la preuve de la mort ou des blessures graves soit apportée
17 pour que soit constitué le crime de terreur. Comme je l'ai expliqué,
18 toutefois, cette erreur n'affecte en rien le résultat, puisque la Chambre
19 de première instance a conclu raisonnablement que les attaques du SRK
20 avaient provoqué la mort et des blessures graves infligées aux civils.
21 Ceci répond donc de ma part à la première question posée par la Chambre, et
22 je suis à la disposition de celle-ci pour répondre à d'autres questions
23 éventuelles sur le même point.
24 Il n'y en a pas. Dans ces conditions, je vais prononcer quelques mots
25 supplémentaires pour répondre aux arguments soumis par la Défense Milosevic
26 ce matin au sujet du motif d'appel numéro 1. La Chambre de première
27 instance est tout à fait bien informée des arguments développés par M.
28 Milosevic quant au fait qu'il y avait dans la ville de Sarajevo des cibles
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1 militaires, mais elle a conclu très raisonnablement que les attaques du
2 RSK, discutées dans son jugement, étaient dirigées contre des civils. Les
3 tentatives faites par M. Milosevic de dévoyer ces conclusions en arguant du
4 fait que le SRK aurait pris pour cible une zone militaire sont ce qu'elles
5 sont, mais le droit international humanitaire ne s'exprime pas en utilisant
6 les termes "zone militaire". Ce que le droit en question stipule, c'est que
7 des éléments civils, personnes et bâtiments, ne peuvent pas, ne doivent pas
8 être pris pour cible directement de façon arbitraire ou de façon
9 disproportionnée. C'est ce qui fonde le principe fondamental qui s'applique
10 dans toutes les circonstances. Je renvoie également la Chambre à l'arrêt
11 Blaskic paragraphe 109, à l'arrêt Kordic paragraphe 54, et à l'arrêt Galic
12 paragraphe 130 à ce sujet.
13 La présence d'objectifs militaires dans la zone ne change rien à ce qui
14 vient d'être dit. C'est ce que confirme l'article 51(5)(a) du Protocole
15 additionnel numéro 1 qui prohibe toute attaque "traitant en tant
16 qu'objectif militaire unique un certain nombre d'objectifs militaires à
17 l'évidence, séparés et distincts, à l'intérieur d'une cité, d'une ville,
18 d'un village ou d'un autre secteur abritant une même concentration de
19 personnes civiles ou de bâtiments civils."
20 Donc pour en revenir à la question qui a été posée un peu plus tôt par M.
21 le Juge Meron, je dirais qu'une population civile ne doit jamais devenir
22 une cible militaire. Bien entendu, des civils peuvent être tués ou blessés
23 et constituer donc des victimes collatérales ou des dommages proportionnés
24 par rapport à une attaque militaire légitime, légal, mais ces civils ne
25 doivent jamais être pris pour cible de façon directe ou aléatoire.
26 Ici, la Chambre de première instance était bien au courant du fait que
27 Sarajevo abritait des objectifs militaires et elle a pris en compte tous
28 les arguments de Milosevic à cet égard. Elle a répondu aux allégations
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1 selon lesquelles l'ABiH occupait les hauteurs entourant Sarajevo, elle a
2 répondu aux allégations selon lesquelles l'ABiH avait orchestré des
3 incidents en tirant sur ses propres civils, elle a également traité des
4 arguments présentés selon lesquels la police bosniaque faisait partie des
5 forces de l'ABiH, mais elle a, après avoir examiné tous ces éléments,
6 conclu que lors d'un incident spécifique, des civils ou une population
7 civile avait été prise pour cible directement ou de façon aléatoire par le
8 RSK. Le statut civil ne peut pas simplement être considéré comme un dégât
9 collatéral ou proportionnel résultant d'une attaque militaire légitime dans
10 ce cas précis.
11 Milosevic n'a pas traité des conclusions tout à fait précises de la Chambre
12 de première instance fondées sur des éléments de preuve. Dans ses motifs
13 d'appel numéro 1 et 6, il renvoie simplement les Juges à des éléments de
14 preuve généraux selon lesquels il y avait des objectifs militaires à
15 Sarajevo. Ceci est insuffisant pour démontrer que la Chambre de première
16 instance a été déraisonnable en concluant que le RSK avait pris pour cible
17 des civils lors des incidents spécifiques qui sont mentionnés dans le texte
18 du jugement.
19 Les motifs 1 et 6 doivent donc être rejetés.
20 Voilà, c'est la conclusion de ce que j'ai à dire en réponse aux arguments
21 développés par M. Milosevic dans son motif numéro 1. Et comme tout à
22 l'heure, je suis à la disposition des Juges pour répondre à des questions
23 sur ce motif d'appel ou les motifs 2 a 4, 6, et 12 développés par M.
24 Milosevic.
25 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Il n'y a pas de question. Vous pouvez
26 donc poursuivre, mais il reste 15 minutes. Donc, s'il vous faut d'avantage,
27 il conviendrait peut-être de suspendre, car nous devrons suspendre
28 inévitablement.
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1 M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les
2 Juges, je propose que M. Costi traite de la question numéro 4, relative à
3 l'incident survenu dans le marché aux puces de Bascarsija, et j'inviterai
4 ensuite les Juges de la Chambre à suspendre, et si nous souhaitons aborder
5 d'autres points, nous le ferons après la pause, après la suspension. Nous
6 n'en aurons pas pour longtemps. Donc vous pouvez envisager éventuellement
7 un raccourcissement de l'audience.
8 M. LE JUGE ROBINSON : [interprétation] Je vous remercie. M. Costi peut
9 maintenant aborder les points qu'il souhaite aborder.
10 M. COSTI : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
11 Messieurs les Juges. Je vais maintenant parler du pilonnage du marché
12 Bascarsija le 22 décembre 1994, et je diviserai mon exposé en deux parties.
13 D'abord, je répondrai aux questions posées par les Juges de la Chambre, et
14 en deuxième lieu, je répondrai brièvement aux arguments de l'appelant selon
15 lesquels la Chambre de première instance aurait dû déterminer la charge de
16 l'obus afin de déterminer au-delà de tout doute raisonnable quelle était
17 l'origine du tir, à savoir qu'il se situait sur le mont Trebevic dans un
18 territoire tenu par le RSK.
19 Je commencerai par répondre à la question numéro 4 des Juges de la Chambre,
20 je cite :
21 "Discuter des éléments de preuve présents au dossier du procès, s'il y en
22 a, qui appuient ou contredisent l'allégation selon laquelle les obus
23 auraient pu partir du territoire contrôlé par l'ABiH dans la même
24 direction."
25 La réponse brève à cette question est la suivante : aucun élément de preuve
26 n'existe qui étaye l'allégation selon laquelle les obus qui ont touché le
27 marché de Bascarsija aurait pu trouver leur point de départ dans un
28 territoire tenu par l'ABiH. Les éléments de preuve présents au dossier
Page 113
1 contredisent positivement cette allégation. Ce qu'affirme la Défense, à
2 savoir que l'ABiH était responsable des pilonnages et des tirs isolés de
3 Sarajevo, a été discuté et rejeté par la Chambre de première instance.
4 Cette allégation est donc très clairement rejetée par la Chambre de
5 première instance. Pendant le procès, la Défense a interrogé plusieurs
6 témoins quant à la possibilité que les troupes de l'ABiH aient tiré contre
7 leur propre population afin de s'acquérir la sympathie de la communauté
8 internationale. La Défense a même laissé entendre que certaines de ces
9 attaques avaient été orchestrées.
10 La Chambre de première instance, quant à elle, a examiné et rejeté
11 ces allégations, et permettez-moi, si vous le voulez bien, Madame,
12 Messieurs les Juges, de citer le texte du jugement paragraphe 795 :
13 "Eu égard à l'allégation de la Défense selon laquelle l'ABiH aurait pilonné
14 les Musulmans de Bosnie vivants à l'intérieur des lignes de confrontation,
15 la Chambre de première instance remarque qu'elle n'a entendu aucun témoin
16 disant cela. Au lieu de cela, la Chambre de première instance a entendu des
17 témoins, plusieurs témoins en outre, y compris des responsables des Nations
18 Unies, qui ont indiqué que l'ABiH n'avait pas pilonné sa propre population.
19 La Chambre de première instance fait remarquer par ailleurs que les
20 allégations relatives au fait que l'ABiH aurait orchestré des incidents à
21 des fins de propagande ou pour s'acquérir la sympathie, n'ont pas été
22 appuyés par des éléments de preuve démontrant l'existence de telles
23 situations. La Chambre de première instance conclut que tout ce qu'on peut
24 dire suite à l'audition des témoins, c'est qu'il existait des rumeurs
25 provenant principalement du RSK, et alors dans ce sens."
26 La Chambre de première instance a donc conclu qu'aucun élément de preuve
27 présent au dossier n'étayait l'allégation selon laquelle l'ABiH aurait à
28 quelque moment que ce soit tiré sur sa propre population à Sarajevo.
Page 114
1 Alors, en accord avec cette conclusion, la Chambre de première instance a
2 conclu raisonnablement que l'ABiH n'avait pas tiré sur son propre peuple au
3 marché aux puces de Bascarsija le 22 décembre 1994. Pour se prononcer de
4 cette façon, elle s'est appuyée sur des éléments de preuve bien précis,
5 résultats d'enquêtes menées par la police de Bosnie-Herzégovine, ainsi que
6 sur la déposition du Témoin W-12.
7 Parlons d'abord des enquêtes menées par la police. La Chambre de première
8 instance a entendu le témoignage de trois officiers de police ayant
9 participé à cette enquête. Et la police, sous la direction d'un juge
10 d'instruction, a produit un rapport d'enquête de 91 pages, qui constitue la
11 pièce D124, et conclut que les obus n'avaient pas été tirés par l'ABiH,
12 mais à partir du sud-est des positions de la RSK sur le mont Trebevic,
13 pièce D124, pages 1 à 3.
14 La conclusion très convaincante de la police repose sur deux éléments :
15 D'abord, les témoignages de 15 témoins oculaires, dont quatre ont été très
16 précis, en indiquant que les obus venaient du mont Trebevic, pièce D124,
17 pages 6 ,7, 22, et 25. L'un de ces témoins qui se trouvait à 500 mètres
18 environ de Vidikovac, témoignant au sujet de cet événement, a déclaré que
19 les obus avaient été tirés depuis Vidikovac sur le mont Trebevic. Vidikovac
20 c'est la partie la plus haute du mon Trebevic qui était tenu par le RSK. Le
21 deuxième élément sur lequel la police s'est appuyée dans son analyse, c'est
22 le cratère qui a été laissé par les obus, qui indique que la direction des
23 obus était à un angle de 159 degrés au sud-est, ce qui correspond à un tir
24 provenant du mont Trebevic. Encore une fois, je renvoie les Juges de la
25 Chambre aux pièces D124, P310, P315 et P275, conservées sous pli scellé, et
26 j'appelle l'attention des Juges sur la page 3 119 du compte rendu
27 d'audience.
28 Le résultat de cette analyse de la police a été confirmé par une enquête
Page 115
1 indépendante des observateurs militaires des Nations Unies, que l'on trouve
2 à la pièce D101, page 2, et à la pièce P833, page 6.
3 Parlons maintenant de la déposition du Témoin W-12. W-12 faisait partie de
4 l'ABiH, c'était un soldat musulman de Bosnie déployé au sud-est sur le
5 front de Sarajevo. Lorsque les obus ont été tirés, il était sur les pentes
6 du mont Trebevic dans le secteur de Brajkovac, non loin de la ligne de
7 confrontation. Il marchait en compagnie de cinq autres personnes vers les
8 positions tenues par l'ABiH. Sur sa droite, en contrebas dans la vallée, se
9 trouvait Bascarsija, le marché aux puces qui était dans la vieille ville de
10 Sarajevo. Sur sa gauche, en amont, se trouvait Vidikovac sur la partie
11 supérieure du mont Trebevic. Il a entendu l'explosion de l'obus au moment
12 où celui-ci a été tiré. Pour l'essentiel, il déclare que l'obus était tiré
13 depuis Vidikovac et qu'il est sûr que cet obus n'a pas été tiré par l'ABiH
14 car les positions les plus élevées que tenaient l'ABiH étaient inférieures
15 à la source du bruit entendu par lui. Ceci figure aux pages 3 039, 3 047 du
16 compte rendu d'audience, et à la pièce P308. Je renvoie également les Juges
17 aux pièces P306 et 307, toutes les deux conservées sous pli scellé.
18 Cet homme a ensuite entendu l'obus atterrir à Bascarsija. Bascarsija, c'est
19 un secteur qu'il connaissait très bien, car il vivait non loin de là, dans
20 le quartier de Bistrik. Il a expliqué qu'étant donné la position où il se
21 trouvait ce matin-là, il pouvait entendre ce qui se passait en contrebas à
22 Bascarsija. Je renvoie les Juges à la pièce P306 et à la pièce P307, toutes
23 deux sous pli scellé, ainsi qu'aux pages 3 038, 3 039, 3 041, 3 048 et 3
24 071 du compte rendu d'audience.
25 Alors, l'appelant a contre-interrogé le Témoin W-12 pour contester sa
26 crédibilité, et je renvoie les Juges aux pages 3 061, 3 068, 3 076 et 3 078
27 du compte rendu d'audience, ainsi qu'à la page 234 de son mémoire en appel,
28 où il répète ce qu'il a dit au procès. Mais la Chambre de première instance
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1 a entendu et observé W-12 et considéré qu'il s'agissait d'un témoin fiable,
2 pas seulement par rapport à cet incident mais aussi par rapport à d'autres
3 questions.
4 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Costi, pourriez-vous ralentir.
5 M. COSTI : [interprétation] Toutes mes excuses.
6 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Les interprètes doivent pouvoir vous
7 suivre.
8 M. COSTI : [interprétation] Mes excuses aux interprètes.
9 Je disais que l'appelant a eu la possibilité de contre-interroger W-12 et
10 que dans son mémoire en appel, il reprend pour l'essentiel les arguments
11 déjà développés devant la Chambre de première instance, où il conteste
12 cette déposition. La Chambre de première instance a entendu et observé W-12
13 physiquement présent devant elle et considéré que c'était un témoin fiable.
14 En appréciant sa crédibilité, la Chambre de première instance a eu la
15 possibilité d'observer où se trouvaient Bascarsija, le mont Trebevic et
16 Vidikovac les uns par rapport aux autres.
17 Ce travail d'audition, d'appréciation et d'évaluation de la crédibilité du
18 témoin appartient aux Juges de la Chambre de première instance. L'appelant
19 n'a pas réussi à démontrer l'existence d'une erreur de la part de cette
20 Chambre dans sa façon dont elle a apprécié les éléments de preuve et le
21 témoignage de ces témoins.
22 Madame, Messieurs les Juges, Monsieur le Président, comme la Chambre de
23 première instance l'a constaté, il n'existe aucun élément de preuve
24 permettant de penser que l'ABiH ait retourné ses armes, à quelque moment
25 que ce soit, contre sa propre population. Les éléments de preuve présents
26 au dossier contredisent cette allégation et appuient la conclusion de la
27 Chambre de première instance selon laquelle ce n'est pas l'ABiH qui a tiré
28 les obus qui ont frappé le marché de Bascarsija, mais le RSK sous le
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1 commandement de Dragomir Milosevic. Monsieur le Président, Madame,
2 Messieurs les Juges, si vous avez des questions sur ce point, je suis à
3 votre disposition.
4 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Il n'y a pas de questions, à moins que
5 --
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais poser
7 une question à laquelle l'Accusation pourrait répondre après le déjeuner.
8 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous en prie.
9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'aimerais que nous revenions un
10 instant sur cet argument de l'Accusation -- ou en tout cas sur
11 l'affirmation de l'Accusation selon laquelle les actes de violence ou
12 menaces de violence ne doivent pas obligatoirement être associés à des
13 décès ou à des blessures graves infligées aux civils pour que soit
14 constitué le crime de terreur. Je vous serais reconnaissant si, après le
15 déjeuner, vous pouviez peut-être nous expliquer comment cette affirmation
16 peut être conciliée avec l'arrêt Galic. Et, question subsidiaire, si le
17 décès ou des blessures graves ne sont pas une condition obligatoire, est-ce
18 que les dégâts psychologiques ou les traumatismes pourraient l'être ?
19 J'aimerais que vous réfléchissiez sur ce point.
20 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Absolument, Monsieur le Juge Liu.
21 M. LE JUGE LIU : [interprétation] Oui, j'ai également une question qui est
22 en rapport avec le paragraphe 999 du jugement, où le poste important occupé
23 par l'accusé au sein du commandement est considéré comme une circonstance
24 aggravante, et le fait qu'il ait planifié et ordonné les actes pris en
25 compte est considéré comme une violation systématique du droit
26 international humanitaire. Je crois savoir que cet élément lié aux ordres
27 rend obligatoire que quelqu'un occupant un poste d'autorité ait exigé d'une
28 autre personne qu'elle commette un crime. Est-ce que vous pensez que la
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1 Chambre de première instance n'a pas pris en compte ce facteur deux fois
2 lorsqu'elle l'a considéré comme une circonstance aggravante ? Bien entendu,
3 vous avez répondu par la négative, mais j'aimerais vous entendre développer
4 quelques détails complémentaires sur ce point. Vous pouvez répondre à cette
5 question après le déjeuner. Je vous remercie.
6 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Ceci met un terme à l'audience de ce
7 matin. Nous reprendrons nos débats comme prévu à 14 heures 15, ou peut-être
8 14 heures 30. A 14 heures 30.
9 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 12 heures 59.
10 --- L'audience est reprise à 14 heures 31.
11 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous reprenons notre audience. A la fin
12 de la matinée, certaines questions avaient été posées par les Juges de la
13 Chambre au Procureur, et le Procureur a indiqué qu'il pouvait répondre aux
14 questions maintenant. Mais avant de passer à cela, puis-je ajouter une
15 question supplémentaire aux questions déjà posées par M. le Juge Meron sur
16 le crime de terrorisation. Si je ne me trompe pas, l'Accusation a cité un
17 peu plus tôt les éléments constitutifs de l'actus reus, l'élément matériel
18 du crime de terrorisation, arguant du fait que pour répondre à la troisième
19 condition dans Tadic, les menaces effectives de violence doivent être
20 telles qu'ils sont, du moins, en mesure de répandre la terreur.
21 L'Accusation a fait remarquer que dans Galic, la terrorisation doit être
22 comprise comme quelque chose qui cause une peur extrême.
23 Compte tenu de ces arguments, est-ce que l'Accusation fait valoir que la
24 terrorisation effective de la population civile est une des exigences
25 requises pour le crime de terreur, qui est quelque chose qui n'a pas été
26 reconnu dans l'affaire Galic ? Si tel n'est pas le cas, je souhaite que
27 l'Accusation développe cela, à savoir un acte qui est capable de répandre
28 la terreur mais qui ne le fait pas en tant que tel répond au troisième
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1 critère dans le cadre de l'affaire Tadic, à savoir les conséquences au
2 niveau des victimes. Donc, en répondant, veuillez tenir compte de cette
3 question-ci également, s'il vous plaît.
4 Vous avez la parole.
5 M. COSTI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Madame, Messieurs
6 les Juges. Nous suggérons de poursuivre de la sorte. Je veux tout d'abord
7 brièvement terminer mon argument eu égard au huitième motif d'appel de la
8 Défense, et ensuite mon collègue, M. François Boudreault, va aborder les
9 questions de M. le Juge Meron ainsi que du Président de la Chambre, et pour
10 finir, ma collègue, Barbara Goy, va répondre aux questions de M. le Juge
11 Liu.
12 Donc, nous allons brièvement répondre au huitième motif d'appel de
13 l'appelant. L'appelant avance que la Chambre de première instance devait
14 déterminer les charges des obus pour décréter au-delà de tout doute
15 raisonnable que le feu provenait de territoires tenus par la RSK. Il est
16 vrai que de la même direction, au pied du mont Trebevic, en dessous des
17 positions offensives de la RSK, il y avait des lignes de défense de l'ABiH.
18 Il est également vrai que la Chambre n'a rendu aucune conclusion sur le
19 calibre ou les charges des obus. Néanmoins, la Chambre de première instance
20 était en mesure et pouvait conclure, sur la base de l'ensemble des éléments
21 de preuve, que les obus provenaient et avaient été tirés depuis le
22 territoire détenu par la RSK.
23 Donc, je vais être clair sur ce point. Le résultat d'une analyse technique,
24 la détermination de calibre ou des charges de ces obus ne sont pas
25 indispensables pour déclarer coupable au-delà de tout doute raisonnable. Il
26 s'agit simplement d'indices utiles qui peuvent être pris en compte ainsi
27 qu'avec les autres éléments de preuve pour déterminer qui a tiré les obus.
28 Ce qu'il fallait prouver au-delà de tout doute raisonnable sur la base de
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1 tous les éléments de preuve, c'est que les obus ont été tirés par la RSK,
2 et cela est précisément ce qu'a fait la Chambre de première instance et
3 constaté sur la base des rapports de police, des enquêtes des observateurs
4 des Nations Unies et des témoins oculaires et de leurs témoignages.
5 L'appelant n'a pas pu démontrer qu'aucun Juge de faits raisonnables aurait
6 pu conclure que les obus qui ont touché le marché aux puces de Bascarsija
7 avaient été tirés par la RSK le 22 décembre 1994.
8 Avant de conclure, Madame, Messieurs les Juges, je souhaite aborder un
9 dernier point. Ce matin, l'appelant a énuméré une série de pièces qui,
10 d'après lui, montrent que l'ABiH a tiré sur son propre peuple à Sarajevo.
11 Ceci est contraire aux constatations de la Chambre au paragraphe 795. Nous
12 avons examiné ces pièces pendant la pause, et nous avançons qu'aucune de
13 ces pièces ne démontre que les troupes de l'ABiH tiraient sur leur propre
14 peuple à l'intérieur de la ligne de confrontation. Exemple à l'appui, le
15 D148, qui dit ceci, c'est une lettre qui émane du commandement de l'ABiH et
16 dit ceci :
17 "Le 14 octobre 1994, un de nos soldats tentait de s'échapper du côté de
18 Grbavica pour aller dans l'autre camp. Un soldat a tiré et l'a sans doute
19 blessé."Le 14 février [comme interprété] 1994.
20 Je ne vais pas aborder les autres exemples, mais le fait est que, le
21 premier, tous les éléments ont été présentés aux Juges de la Chambre et
22 figurent dans le jugement. Aucune pièce n'étaye le fait que l'ABiH a tiré
23 sur son propre peuple à l'intérieur de la ligne de confrontation. Et
24 troisièmement, ce qui est encore plus important, rien n'évoque le pilonnage
25 de Bascarsija et du marché aux puces.
26 Ceci met un terme à mon argument. Je n'ai pas d'autres questions. Si
27 vous souhaitez poser des questions, je suis là pour y répondre.
28 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Boudreault, vous avez la
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1 parole.
2 M. BOUDREAULT : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Je
3 vais répondre à la question de M. le Juge Meron, et ensuite je répondrai à
4 la question de M. le Juge Pocar.
5 Monsieur le Président, notre position est celle-ci : l'arrêt Galic ne pose
6 pas comme exigence un résultat. La terrorisation ne signifie pas qu'il faut
7 démontrer des victimes civiles ou des dégâts psychologiques ou des
8 traumatismes. Si vous me permettez de citer le jugement, l'arrêt Galic, à
9 commencer par le paragraphe 100…
10 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
11 M. BOUDREAULT : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, allumer vos
12 écrans. Au paragraphe 100 -- est-ce que cela fonctionne ?
13 Puis-je vous demander de vous reporter au paragraphe 100 de l'arrêt Galic,
14 s'il vous plaît. La Chambre de première instance a tout d'abord souligné et
15 défini les éléments constitutifs du crime de terrorisation tels qu'édictés
16 dans l'arrêt Galic, le premier étant :
17 "…les actes de violence dirigés contre la population civile ou des
18 civils individuellement qui ne prennent pas part aux hostilités causant
19 ainsi la mort ou des blessures graves ou constituant des atteintes à
20 l'intégrité physique de la population civile."
21 Au bas du paragraphe 100 de l'arrêt, la Chambre d'appel a indiqué et
22 expliqué qu'elle ne tenait pas compte de la question de savoir si le crime
23 de terrorisation au niveau de la population civile pouvait consister
24 seulement en des menaces de violence, actes de violence qui ne provoquaient
25 pas la mort ou des blessures.
26 La Chambre d'appel l'explique au paragraphe 101 que l'analyse des
27 éléments constitutifs dudit crime doivent se fonder sur la définition qui
28 est fournie par les Protocoles additionnels.
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1 Au paragraphe 102, la Chambre d'appel explique que les actes ou menaces de
2 violence qui constituent l'actus reus du crime de terrorisation peuvent
3 comprendre des attaques ou des menaces d'attaques contre la population
4 civile, mais peuvent également inclure des attaques indiscriminées et
5 disproportionnées contre cette même population civile.
6 La Chambre d'appel explique ensuite, au milieu du paragraphe à la page 50,
7 que la principale préoccupation au niveau du crime de terrorisation c'est
8 l'intention spécifique de répandre la terreur parmi la population civile.
9 Vers la fin du paragraphe, la Chambre d'appel explique qu'il y a une
10 différence entre la terrorisation à l'extérieur d'une attaque militaire et
11 les crimes de guerre de terreur qui l'intéresse. Ceci explique que le crime
12 de terrorisation a trait à des traumatismes profonds et des troubles
13 psychologiques graves qui sont provoqués par des attaques dont le but était
14 de maintenir la population dans un état de peur constant. Des traumatismes
15 aussi profonds et de tels troubles psychologiques font parties des actes ou
16 des menaces de violence.
17 Nous avançons que cet extrait décrit simplement le type de tort que
18 l'on veut éviter et qui s'inscrit dans l'interdiction de semer la terreur.
19 En d'autres termes, ceci doit être l'intention de l'auteur qui répand la
20 terreur. Nous avançons que dans l'affaire Galic, la chambre d’appel n’a pas
21 cherché à imposer un critère pour que soient prouvés le traumatisme profond
22 et les troubles psychologiques. Un tel critère serait difficile à
23 concilier avec les débats qui s'en sont suivis et qui sont contenus aux
24 paragraphes 103 à 104. Autrement dit, la terrorisation de la population
25 civile ne constitue pas un élément constitutif du crime de terrorisation.
26 Madame, Messieurs les Juges, nous avançons qu'un traumatisme profond et des
27 troubles psychologiques sont synonymes de terrorisation dans ce contexte-
28 là. S'il faut la preuve d'un traumatisme profond et de troubles
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1 psychologiques, cela signifierait qu'il faudrait la preuve même de la
2 terrorisation. Ceci a été rejeté aux paragraphes 103 et 104 de l'arrêt Galic.
3 Je vais maintenant passer à la question de M. le Juge Pocar. Comme je viens
4 de l'indiquer, nous ne contestons pas le fait que la terrorisation ne
5 constitue pas un élément qu'il faut établir. Néanmoins, nous estimons que
6 les actes ou les menaces de violence qui sont à même de causer une
7 terrorisation au sein d'une population répondent au troisième critère
8 édicté dans la décision Tadic, à savoir cela a des conséquences graves pour
9 les victimes. En particulier, étant donné que la population civile est mise
10 en danger par ces actes ou ces menaces de violence et comme cette
11 population civile est privée de son sentiment de sécurité. Certaines des
12 menaces plus concrètes ou conséquences plus tangibles pour les victimes qui
13 s'en suivraient, à savoir les attaques ou menaces d'attaques, pourront
14 avoir un effet profond sur la façon dont les civils mèneront leur vie par
15 la suite. Pour vous donner un exemple, les civils ont dû vivre sous terre
16 pour éviter les foules et ne pouvaient sortir que la nuit et devaient donc
17 abandonner certaines de leurs activités. En bref, toute leur vie a été
18 touchée par ces actes et ces menaces de violence.
19 Les actes et les menaces de violence forcent quelquefois les civils à
20 partir et à quitter certains quartiers. Il s'agit certainement de
21 conséquences graves pour les victimes.
22 Monsieur le Juge, ceci met un terme à mon argument. A moins que vous n'ayez
23 des questions, je vais passer la parole à Mme Goy.
24 Mme GOY : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges. Je vais
25 conclure les arguments de l'Accusation en répondant à la question posée par
26 M. le Juge Liu avant la pause concernant les facteurs aggravants qui sont
27 cités au paragraphe 999 du jugement de première instance. Dans le
28 paragraphe 999, la Chambre de première instance n'a pas compté deux fois un
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1 élément du mode de responsabilité, à savoir le fait de donner des ordres et
2 l'abus de la position d'autorité. Plutôt, la Chambre de première instance a
3 tenu compte de l'abus de Milosevic de la fonction très élevée qu'il
4 occupait en tant que commandant du corps à travers la violation
5 systématique du droit international humanitaire.
6 Sa position ou sa fonction d'autorité est inhérente au mode de
7 responsabilité de donner des ordres et, par conséquent, ne peut pas être
8 utilisé comme un facteur aggravant. Mais dans ce cas-ci, il ne s'agit pas
9 simplement de l'abus d'autorité, par le fait que même qu'il donnait des
10 ordres, mais l'abus d'une fonction très élevée qu'il occupait. La dernière
11 phrase du paragraphe 999, où on peut lire "il a abusé de sa fonction", ceci
12 doit être lu dans le contexte du paragraphe entier, où la Chambre de
13 première instance a estimé que "Milosevic occupait l'un des postes les plus
14 élevés au sein de la VRS. Il avait une responsabilité spéciale et devait
15 justement répondre à tous les critères du droit international humanitaire."
16 Et dans Galic, ceci a été reconnu comme étant un facteur aggravant. Au
17 paragraphe 412 de l'arrêt Galic, la Chambre d'appel a accepté comme facteur
18 aggravant la violation répétée du rôle public qui était celui de Galic dans
19 une position très élevée, et Galic s'est retrouvé dans la même situation
20 que Milosevic. Il était commandant de corps de la RSK, et a également été
21 condamné pour avoir ordonné la terrorisation par une campagne de tir isolé
22 et de pilonnage. La Chambre de première instance n'a pas tenu compte de
23 l'autorité qui consistait à donner des ordres et l'abus d'autorité en tant
24 que tel, mais l'abus d'une fonction très élevée de l'autorité de façon très
25 flagrante et systématique.
26 J'en ai terminé avec ma réponse à votre question, à moins que vous n'ayez
27 d'autres questions, ceci conclut également la réponse de l'Accusation.
28 Merci.
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1 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je suppose que l'Accusation a terminé
2 sa réponse.
3 Je vais maintenant me tourner vers l'équipe de la Défense pour la réponse.
4 Vous avez la parole.
5 Mme ISAILOVIC : Merci, Monsieur le Président, Madame le Juge, et Messieurs
6 les Juges.
7 Je vais répondre rapidement à des questions auxquelles j'ai déjà
8 répondu. Aux dires du Procureur, tout d'abord, je vais commencer par la
9 question concernant l'utilisation des mêmes circonstances, c'est-à-dire des
10 éléments constitutifs de l'incrimination en tant que circonstances
11 aggravantes. De notre point de vue, c'est très clair, et nous, on parle
12 uniquement des erreurs de droit commises dans les paragraphes 999 et 1 001,
13 et la réponse, peut-être elle était donnée à votre question, mais il y a
14 vraiment des points où on ne diffère pas trop. Donc, la question,
15 uniquement pour la Défense, était juridiquement est-ce que c'est possible
16 ou pas d'utiliser les mêmes circonstances sine qua non l'incrimination pour
17 après aggraver la peine à infliger en principe à un condamné ?
18 Aussi, on parle de l'abus des prérogatives d'un commandant. Mais justement,
19 notre théorie c'était que notre client est innocent, mais théoriquement, si
20 on prenait cet abus, est-ce qu'on peut imaginer un seul instant un
21 commandant qui commet les crimes de guerre sans abuser de cette prérogative
22 ? On se trouve vraiment dans une situation qui est logiquement assez
23 difficilement concevable.
24 Concernant la question numéro 4 et l'incident qui s'est passé au marché de
25 puces à Sarajevo, le Procureur a relaté ce qui est dans le jugement. On
26 comprend très bien qu'il est absolument d'accord là-dessus, mais on a
27 élaboré justement ce cas dans les paragraphes 239 à 261 de notre appel, et
28 vraiment, on a pris cet incident comme un cas isolé pour justement
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1 démontrer qu'il n'est pas prouvé au-delà de tout doute raisonnable que la
2 seule possibilité, dans ces circonstances, était de conclure que le tir
3 provenait des positions tenues par Sarajevo Romanija Corps et qui était
4 justement le standard qui est application devant votre Tribunal.
5 On a, en détail, expliqué tout cela dans notre appel, surtout dans le
6 paragraphe 251. Justement, le Procureur nous a dit tout à l'heure que le
7 Procureur n'était pas obligé de démontrer que tous les indices, la charge,
8 la distance et tous les éléments. Mais justement il faut prouver ces
9 indices, parce que d'après aussi votre jurisprudence Ntagerura,
10 malheureusement le Procureur a une obligation très lourde de prouver au-
11 delà de tout doute raisonnable tous les indices importants pour déterminer
12 la culpabilité d'un accusé. Ce n'était pas le cas, parce que je vous
13 rappelle qu'il était question de déterminer la charge d'un projectile. La
14 direction ne suffit pas quand on a, dans la même direction, les positions
15 des deux camps belligérants. Donc là il faut prouver encore un indice,
16 c'est-à-dire la charge du projectile, et c'est conformément à votre
17 jurisprudence dans Galic, c'est très bien expliqué, et on a dû prouver tout
18 cela.
19 Je ne m'attaque pas sur le témoignage de V-12 sur la base duquel tout
20 est posé, parce qu'il y a des doutes vraiment sérieux et on parle de cela
21 dans notre appel pour ces témoignages.
22 A la fin, mais pas comme le moins important, la question des éléments
23 constitutifs du crime de terreur. En écoutant le Procureur et après les
24 questions, j'ai un petit peu peur d'un revirement dans la jurisprudence
25 Galic. J'espère que cela ne va pas se produire, parce qu'on repose la
26 question de votre compétence pour juger le crime de terreur. A aucun
27 moment, ce n'était pas la théorie de la Défense, et justement, si je ne
28 m'abuse, la jurisprudence Tadic a été conçue pour démontrer que dans le
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1 cadre de l'article 3 de votre Statut, on peut juger certains crimes qui
2 n'étaient pas énumérés expressément. Là on est tout à fait d'accord que le
3 crime de terreur, tel qu'il était décrit dans les protocoles et aussi dans
4 votre jurisprudence, rentre dans la compétence de votre Tribunal.
5 Maintenant reparler de la gravité de ces crimes me semble un petit peu tiré
6 par les cheveux, mais on verra ce qui va se produire après votre
7 délibération.
8 Justement, on nous ressort maintenant l'arrêt Galic, on oublie de
9 toute façon de dire que -- et je faisais tout à l'heure référence à cette
10 note de bas de page, mais qui est pour moi parfaitement dans les cordes de
11 ce jugement, et on peut poser une question de logique juridique. Pourquoi
12 est-ce qu'on ne peut pas permettre alors le cumul entre eux des attaques
13 contre les civils et le crime de terreur si on peut accepter ce qu'on nous
14 dit aujourd'hui de la part du Procureur, c'est-à-dire on a un actus reus
15 qui est tout à fait identique entre les deux, on a mens rea dans le crime
16 des attaques contre les civils, plus l'intention spécifique de répandre la
17 terreur.
18 Le Procureur nous a dit dans son mémoire en réponse que le fait que
19 la terreur effectivement est répandue ne fait pas partie de l'actus reus,
20 donc je ne peux pas regarder cela. Mais justement aujourd'hui, il s'est
21 repris quand même dans ses dires, parce que la terreur infligée, c'est-à-
22 dire répandue véritablement, n'est pas un élément constitutif du crime.
23 Donc en dehors de cela, et on a expliqué ça dans notre mémoire d'appel,
24 parce que l'intention doit être prouvée par des tests qui sont, dans votre
25 juridiction Galic, pas par la peur ou la terreur qui est effectivement
26 répandue parmi des civils pris individuellement. Justement, on a expliqué
27 cela.
28 On peut imaginer qu'un commandant conçoit les attaques contre les
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1 civils, qui ont le but primaire de répandre la terreur, mais que personne
2 n'a peur. Est-ce qu'il doit répondre pour ce crime ? Pour moi, oui. Aussi
3 on peut imaginer la population civile qui est apeurée par la guerre qui est
4 autour d'elle. C'est tout à fait normal. Mais il n'en reste pas moins qu'il
5 faut prouver, à l'aide d'autres indices, que ces attaques ont eu pour but
6 primaire de répandre cette terreur qui est éprouvée et ressentie par la
7 population civile.
8 C'est justement ces questions qui me paraissent très importantes à
9 résoudre, et j'espère que vous allez suivre votre jurisprudence expliquée
10 dans Galic. Merci.
11 M. LE JUGE POCAR : [aucune interprétation]
12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Bon après-midi, Madame et Messieurs les
13 Juges. Il nous reste un peu de temps. Compte tenu de ce que nous a dit
14 l'Accusation, permettez-moi de vous fournir un complément d'explication.
15 L'Accusation a répété ici ce qu'elle n'a eu de cesse d'affirmer, ce qui est
16 contraire aux éléments de preuve que nous avons présentés. En réponse à
17 notre appel, on nous a dit qu'il n'y avait pas de preuve montrant que
18 l'ABiH, et laissons de côté la façon dont l'Accusation interprète des faits
19 pourtant incontestables, à savoir que l'ABiH a tiré de ses positions sur sa
20 propre population, sur ses soldats, sur la FORPRONU, mais il n'en demeure
21 pas moins que le jugement lui-même a fourni quelques exemples.
22 Nous en donnons d'autres dans notre mémoire en appel. Ces exemples
23 montrent les actions de l'artillerie qui, quelquefois, compromettaient même
24 la vie de sa propre population. Mais vous avez entendu l'Accusation qui
25 vous a dit que pendant 20 jours, il y a eu des tirs intenses et incessants
26 d'artillerie de la part de l'ABiH entre le 15 juin et le 4 juillet 1995.
27 L'Accusation nous a dit que les civils ne pouvaient sortir que la nuit.
28 Compte tenu de l'intensité des tirs d'artillerie tout autour des maisons
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1 pendant 20 jours, comment les gens auraient-ils pu quitter leurs domiciles
2 ou même y songer ? Mais je vous ai montré le cas évoqué par la Chambre au
3 paragraphe 433. Ceci a été établi par la Chambre de première instance. Je
4 m'explique. Plusieurs personnes au cours d'un incident décrit dans ce
5 paragraphe, c'étaient des victimes de l'ABiH.
6 Je ne vais pas maintenant revenir sur le paragraphe 437, mais je vous
7 ai relaté l'incident du 18 juin 1995 à l'école Simon Bolivar. De la façon
8 dont la Défense comprend les choses, ce fut un cas de manipulation
9 flagrante, car l'Accusation le reconnaît, Milosevic a été acquitté de cet
10 incident, mais on n'a pas trouvé le moindre éclat en ces lieux.
11 Ne vous méprenez pas sur mes propos. Je dois vous dire que, je vous le
12 rappelle, je trouve insupportable la souffrance de qui que ce soit. Mais on
13 peut dire qu'on a manipulé les événements. Il y a des corps qui ont été
14 blessés, qu'on a déplacés dans d'autres endroits. Nous avons consacré
15 beaucoup de notre temps d'audience pendant le procès à le prouver, mais je
16 n'en ai pas beaucoup parlé aujourd'hui.
17 Comment se peut-il qu'un endroit vous donne neuf personnes tuées et
18 qu'on ne trouve pas le moindre obus ? Ce n'est pas possible. Vous allez
19 examiner la question, question que nous avons sans cesse affirmé. Comment
20 se peut-il que là où a eu lieu l'incident, on n'a pas pris une seule
21 photographie des corps des personnes tuées à cet endroit ? Par ailleurs, je
22 n'ai pas pu m'attarder sur la question de la tour de télévision et de
23 l'attaque qui a été menée. La question demeure pourtant, et vous devrez
24 l'examiner, s'agissant de cet incident-là. Beaucoup de pièces ont montré
25 que ce jour-là, le jour de ces événements, la tour a été touchée par une
26 bombe aérienne de l'ABiH. Nous avons pour preuve un rapport de la FORPRONU.
27 Bien sûr, on peut toujours contester ces choses, mais tous les témoins
28 oculaires, ce jour-là, ont maintenu leurs dires. Dans le pire scénario, ce
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1 n'aurait pas pu être la seule option possible que ce soient des positions
2 de la VRS qui aient tiré.
3 En ce qui concerne les bombes aériennes, il est affirmé qu'elles
4 venaient des positions tenues par la VRS. Mais ici, c'est incontestable. On
5 voit que quelque chose s'est passé, comme je vous l'ai expliqué. Mais à
6 notre avis, l'interprétation donnée par la Chambre n'était pas conforme.
7 Je ne veux pas maintenant aborder l'incident de Markale, mais vous
8 allez revenir sur ce chef d'accusation lorsque vous allez étudier la
9 question de l'obus à Bascarsija, vous le verrez aussi pour Markale. Il
10 fallait prouver cela. Dans le procès Galic, il a été établi que ceci
11 s'était passé le 5 février 1994. Ici, en l'occurrence, à ce jour encore, on
12 n'a pas déterminé de façon précise les circonstances. L'azimut a été établi
13 pour ce qui est, mais on l'a fait en observant le bâtiment qui a été
14 survolé par l'obus. Ceci concerne l'incident de Bascarsija pour lequel vous
15 aviez des questions. Mais c'est vrai aussi, ce raisonnement, pour
16 l'incident de Markale.
17 Ce dernier incident n'est pas un incident à mentionner ici dans notre
18 réponse.
19 L'Accusation nous dit que la Chambre de première instance a examiné
20 des éléments pertinents s'agissant des cibles militaires à Sarajevo
21 contrôlées par l'ABiH. Ce n'est pas exact. Je l'ai déjà dit souvent.
22 Effectivement, à certains endroits, la Chambre de première instance a fait
23 référence à ce dont j'ai parlé, mais au moment de soupeser cette question
24 essentielle qui a été de savoir si Dragomir Milosevic encourait cette
25 responsabilité, la Chambre n'a pas examiné.
26 Revenons à cette question des cibles militaires. Je peux vous montrer que
27 c'étaient des cibles militaires. Je peux le faire, car je peux utiliser le
28 temps qui m'est donné pour vous l'indiquer. Veuillez examiner le document,
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1 et ce n'est qu'un exemple, le document 189. Oui, c'est le bon numéro, D189.
2 La 12e Division, nous dit ce document, et la consommation quotidienne de
3 munitions pour ce jour-là, le 16 mai - bien avant le début de l'offensive -
4 vous voyez le nombre d'armes utilisées. Vous allez voir aussi que ce jour-
5 là, quelque 25 000 balles ont été tirées. Vous voyez, pour des mortiers de
6 120 millimètres, ils ont utilisé 76 obus, alors qu'on affirme que pour
7 l'incident de Markale, il a provoqué plus de 100 blessés ou tués alors
8 qu'un seul obus a été tiré. Or ici 466 obus de mortiers ont été tirés ce
9 jour-là; 379 obus de 60 millimètres, puis on donne d'autres types d'armes
10 utilisées. Et si on dit que Sedrenik était une zone civile, nous avons
11 réussi à prouver -- j'essaie de trouver le bon document. Nous parlons ici
12 de la 105e Brigade, pas division, 105e Brigade.
13 Paragraphe 901 du jugement, il est dit ceci : La Défense n'a rien présenté
14 qui serait de nature à prouver que Sedrenik était une zone militaire. Vous
15 avez le rapport du 19 juin, le document D437. Il vous indique le nombre de
16 projectiles utilisés ce jour-là. Quelque part, il est dit que les actions
17 se sont limitées à des tirs constants et que ceci avait été aidé par des
18 tirs de 120 millimètres du HVO, en parlant de forces croates à Sarajevo, à
19 Marin Dvor, dans le centre-ville, ce que nous avons déjà évoqué, et ainsi
20 de suite. Puis s'agissant de Stup, document D505, qui concerne la même
21 journée, il y a des tirs, mais uniquement à l'arme lourde. Examinons un
22 dernier élément du document.
23 Ce document donne le nombre de balles tirées ce jour-là. C'est la seule
24 partie qui a été traduite. La journée est celle du 20 juillet. Nous avons
25 près de 130 000 balles qui sont tirées, zone civile dit-on, c'est ce que
26 dit du moins l'Accusation. Il y a des obus de mortiers qui sont tirés --
27 440 de 60 millimètres et s'agissant du calibre 72 millimètres, 1 000 obus
28 de mortiers de ce calibre ont été tirés.
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1 Je ne vous ai pas donné le numéro du document, le voici, D236.
2 Si en dépit de tout cela, l'Accusation continue d'affirmer que la
3 Chambre de première instance a bien soupesé ces documents au moment de
4 décider si c'était une zone civile, or nous avons dit que c'était la
5 première condition qu'il fallait remplir pour statuer sur une quelconque
6 responsabilité, alors j'ai des craintes, je ne sais vraiment pas de quoi
7 nous parlons ici.
8 En conclusion, je crois que nous avons présenté la plupart des points qui
9 nous semblaient importants. Permettez-moi simplement de revenir sur ce que
10 disait l'Accusation eu égard à l'incident de Markale ou plutôt eu égard à
11 la défense d'alibi. Le problème que pose l'alibi, il est considérable,
12 pourquoi ? Si vous estimez qu'on a vraiment prouvé l'alibi, qu'on ne peut
13 pas tenir quelqu'un responsable - et cette norme est connue dans tous les
14 systèmes du monde - si quelqu'un est absent d'un lieu où se produit quelque
15 chose, ça ne veut pas nécessairement dire que cette personne sera
16 responsable de l'événement qui va se produire à cet endroit. Pour ce qui
17 est de l'incident de Markale, on peut l'écarter lorsqu'on examine la
18 question de la responsabilité pénale de l'accusé puisqu'il n'y a pas eu
19 d'enquête sur la question de la charge du projectile et un rapport a été
20 envoyé aux Nations Unies, qui disait qu'on ne peut pas donner de précision
21 parce qu'on ne sait pas quelle était la charge du projectile. En ces seules
22 raisons, l'accusé ou l'appelant mériterait d'être acquitté, car il se
23 faisait qu'il n'était pas présent.
24 Nous nous sommes dits qu'il n'était pas nécessaire d'aborder
25 l'incident de Markale parce qu'à l'époque il n'était pas là, il était loin
26 dans un autre Etat, il était hospitalisé, il venait d'être opéré, et
27 l'intervention chirurgicale servait à lui permettre de garder la vue. Vous
28 avez entendu le Procureur faire référence à des documents signés par la
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1 personne qui faisait fonction au poste qu'occupait l'appelant. L'Accusation
2 évoquait auparavant un document dans lequel le général Dragomir Milosevic
3 écrit à Mladic. Il dit :
4 "Quand j'étais à l'hôpital, vous avez aussitôt désigné quelqu'un
5 d'autre destiné à me remplacer…" est-il dit dans le document.
6 Ça montre que là directement il exprime sa frustration au fait qu'il
7 a été remplacé, et c'est la personne qui agissait à l'époque qui devrait
8 être tenue responsable.
9 Voyons la loi concernant les armées, il faut en tenir compte à
10 chaque fois. Ici, nous n'avons pas présenté cet élément, mais il est dit
11 que :
12 "L'officier supérieur qui était empêché provisoirement de s'acquitter
13 de ses obligations va être remplacé par un suppléant."
14 M. ROGERS : [interprétation] Excusez-moi d'intervenir une fois de
15 plus, mais Me Tapuskovic semble de nouveau faire référence à des éléments
16 qui en sont pas versés au dossier. Il vient de dire qu'il aurait dû peut-
17 être présenter ces éléments ce qui semble indiquer qu'il ne l'a pas fait.
18 C'est donc un élément qui n'est pas dans le dossier, il ne peut pas s'en
19 servir à moins qu'il ne fasse une demande au titre de l'article 115. Si
20 c'était dans ses arguments, il aurait pu, pourrait-on penser, présenter
21 ceci au moment du procès en première instance, pas en appel.
22 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui, Maître Tapuskovic, l'Accusation a
23 raison sur ce point. Vous ne pouvez pas utiliser un document de ce genre.
24 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, c'est exact. Je
25 savais que j'allais rencontrer des difficultés s'agissant des documents que
26 j'ai obtenus seulement aujourd'hui après avoir travaillé sur ces dossiers
27 pendant cinq ans. C'est l'Etat dans lequel nous vivons. Il est difficile
28 d'obtenir des documents pendant très longtemps, et c'est seulement
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1 maintenant qu'on nous a ouvert les archives. Je voulais soulever cette
2 question, car elle me semblait essentielle. Ce document est de notoriété
3 publique, les Juges connaissent ce document aussi, ce n'est pas vraiment un
4 document, c'est une loi portant sur les armées qu'on a déjà rencontré dans
5 tous les procès en ce Tribunal. Je pense qu'il n'y a pas un seul procès où
6 on n'aurait pas utilisé ce document. C'est la loi qui utilise ce terme de
7 "suppléant" ou de "remplaçant".
8 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous l'ai déjà dit ce matin, Maître,
9 vous pouvez déposer une requête au titre de l'article 115. Je pense que la
10 question est réglée. Ne revenez pas là-dessus, s'il vous plaît.
11 [La Chambre d'appel se concerte]
12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je ne vais plus
13 parler du document sachant qu'il allait peut-être poser des problèmes gare
14 à l'article 115. J'ai parlé de cette législation en vigueur et c'était la
15 loi concernant la VRS, un officier supérieur qui est empêché à titre
16 provisoire de s'acquitter de ses fonctions va avoir un remplaçant --
17 M. ROGERS : [interprétation] Excusez-moi de revenir à la charge, mais c'est
18 une législation, un document qui n'a pas été versé, or il aurait fallu le
19 faire si l'appelant voulait l'utiliser pour présenter ses moyens en
20 première instance ou en appel. Si j'ai bien compris qu'on n'a demandé à
21 personne de dresser un constat judiciaire de cette législation, il n'a pas
22 non plus de fait convenu sur la nature de ce document. Pour ce qui est du
23 commandement de M. Milosevic, il était convenu qu'il ait été commandant
24 pendant toute la période couverte par l'acte d'accusation. Ce n'est pas
25 maintenant qu'il aurait fallu en parler, mais pendant le procès en première
26 instance. Et si on veut en parler en appel, il faut d'abord déposer une
27 requête visée par l'article 115 du Règlement.
28 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous l'ai déjà dit. Si vous voulez
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1 verser ce document, je vous comprends, car ça dépend des systèmes
2 judiciaires dont on est issu, mais ici nous en avons en vigueur et vous
3 devez déposer une requête visée par l'article 115. Vous avez le droit de le
4 faire au titre du règlement. Examinez le libellé de cet article 115, et
5 même à ce stade assez tardif de la procédure, libre à vous de demander ce
6 versement. Alors faites-le.
7 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Si c'est comme ça, vous avez raison de
8 dire que nous venons de systèmes juridiques et judiciaires différents. Ça
9 fait près de 50 ans que je travaille dans le cadre d'un système
10 particulier, et je le sais pertinemment. Ici nous parlons du droit établi
11 par ce Tribunal tel qu'il est appliqué depuis 15 ans dans tous les procès
12 dont a connu cette institution, ça c'est une première chose. Autre chose,
13 si vous me le permettez, je peux aussi demander le versement du document
14 que j'ai obtenu hier. Je ne veux pas maintenant donner de nom ni de
15 précision, mais je voulais simplement mettre en exergue --
16 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Excusez-moi de me répéter. Il vous est
17 loisible de demander le versement du document, mais il faut le faire en
18 suivant la procédure idoine. Il faut utiliser la voie que vous donne
19 l'article 115.
20 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Très bien.
21 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Vous ne pouvez pas le faire maintenant,
22 c'est simple. Ce n'est pas un procès en première instance.
23 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] J'en suis parfaitement conscient, Monsieur
24 le Président. Ça fait à peu près 15 heures que j'ai ce document, et je suis
25 conscient de ce problème depuis que j'ai ce document en main, mais je viens
26 de vous résumer la quintessence de ceci.
27 L'Accusation insiste pour dire que le général Dragomir Milosevic a
28 donné des instructions à Cedo Sladoje pour qu'il agisse de telle ou telle
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1 façon. A mon avis, et d'après ce que je sais, il faudrait citer à
2 comparaître M. Cedo Sladoje pour qu'il vous dise vous-même quelles
3 instructions il a reçues. Nous invoquons la défense d'alibi pour cette
4 période précise, et jamais l'Accusation n'a soulevé ces arguments au moment
5 du procès. Cedo Sladoje, il est en bonne santé, en vie. Vu ce qu'affirme
6 l'Accusation, à savoir que c'est M. Milosevic qui avait donné des
7 instructions à quelqu'un pour que des crimes soient commis, je pense que la
8 chose la plus naturelle soit que la personne qui aurait supposément reçu
9 ces instructions décide de savoir s'il doit commettre les crimes qui
10 auraient été commandités; et par ailleurs, nous ne pouvons pas éliminer à
11 ce stade l'obstacle qui existe pour la défense d'alibi. Vous êtes tous des
12 Juges chevronnés, et je suis sûr que vous n'allez pas autoriser ce genre de
13 chose, vous avez quelqu'un qui est grabataire, qui est alité parce qu'il va
14 peut-être perdre la vue, je suis sûr que vous allez faire au mieux et que
15 vous allez tenir compte des dispositions de cette loi que j'ai citée. Je
16 vous remercie.
17 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Est-ce que vous avez ainsi terminé
18 votre réplique ? Dans l'affirmative, ceci termine l'examen de l'appel
19 interjeté par M. Milosevic. Je crois que nous sommes un peu à l'avance par
20 rapport à l'horaire prévu, et nous pouvons dès maintenant passer à l'appel
21 déposé par l'Accusation après le jugement de première instance. Je donne
22 dès lors la parole à l'Accusation, qui va nous présenter ses arguments et
23 conclusions.
24 M. ROGERS : [interprétation] Je vous remercie, Madame et Messieurs les
25 Juges. Permettez-moi de vous présenter l'appel interjeté par l'Accusation
26 pour ce qui est de la peine imposée.
27 Notre argument essentiel, c'est que la Chambre a eu tort, d'abord, de
28 tenir compte de circonstances atténuantes au moment d'imposer la peine.
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1 Elle s'est trompée aussi en imposant une peine manifestement inadéquate, 33
2 ans d'emprisonnement au lieu de la réclusion à perpétuité, pour bien tenir
3 compte du rôle joué par l'accusé, la gravité de ces infractions et de
4 l'effet qu'ont eu ces actions sur la population de Sarajevo.
5 Première chose, l'Accusation, dans ses écritures, au paragraphe 21 du
6 mémoire qu'elle a déposé, dit que la Chambre n'a pas tenu compte parmi les
7 victimes de la terrorisation de toutes les personnes. Elle a uniquement
8 tenu compte des victimes d'incidents précis, de tirs embusqués et de
9 pilonnages. C'est ce qui semble être dit au paragraphe 993, mais au
10 paragraphe 912 [comme interprété], la Chambre, au titre de la
11 terrorisation, fait également référence à quelque chose que vous avez déjà
12 cité - "les traces profondes et indélébiles que gardera la population dans
13 sa totalité." Il se peut que la Chambre aie bien tenu compte de l'effet
14 qu'a eu la campagne de terrorisation sur toute la population au moment de
15 fixer la peine. A vous de déterminer ce qu'il en sera.
16 S'agissant de l'appel, le 18 novembre 1994, pendant la période couverte par
17 l'acte d'accusation, Dragomir Milosevic avait 52 ans. Il était devenu
18 général de division dans ce qui était devenu la VRS et avait pris le
19 commandement du Corps de Sarajevo-Romanija au plus tard le 12 août 1994.
20 Le 18 novembre 1994, Nermin Divovic avait 7 ans. Les éléments de
21 preuve ne nous disent pas où se trouvait Dragomir Milosevic ce jour-là.
22 Peut-être effectuait-il une inspection de ses effectifs, quelque chose,
23 vous l'avez entendu dire, qu'il faisait régulièrement. C'est ce qu'on dit
24 des témoins à décharge. Ses soldats l'estimaient beaucoup parce qu'il
25 s'occupait bien d'eux. Paragraphe 805. Le jugement dit cependant où se
26 trouvait ce jour-là Nermin Divovic, paragraphes 325 à 341 du jugement. Il
27 était avec sa mère, Dzenana Sokolovic, et sa sœur de 8 ans.
28 L'INTERPRÈTE : Toutes les excuses de l'interprète. Le canal était branché
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1 sur l'anglais.
2 M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, je reprends. Le texte
3 du jugement sait où se trouvait Nermin. Lui, sa mère et sa sœur se
4 trouvaient dans la ville assiégée de Sarajevo, ils étaient en train de se
5 rendre à pied, le long de Zmaja Od Bosne, la rue surnommée "allée des
6 tireurs isolés", qui se trouvait non loin de l'hôtel Holiday Inn. Ils
7 ramassaient du bois dans le quartier de Hrasno, à 4 kilomètres de leur
8 domicile, qui se trouvait dans le quartier de Bistrik de Sarajevo.
9 Alors qu'ils s'approchaient de la rue Franje Rackog, qui croise
10 l'allée des tireurs isolés, Nermin était en train de parler à sa mère et la
11 tenait par sa veste. Au bout de la rue, de l'autre côté de la Miljacka, il
12 y avait des tireurs embusqués du RSK dans le bâtiment Metalka. Nermin et sa
13 mère étaient visibles sans l'ombre d'un doute à partir de ce bâtiment, et
14 pourtant, un des soldats a tiré des coups de feu sur eux. Une balle a
15 traversé le corps de la mère de Nermin, ce qui lui a laissé des cicatrices
16 importantes, puis elle traversé la tête de Nermin, le tuant.
17 John Jordan, un sapeur-pompier international, travailleur d'urgence,
18 a assisté à un nombre de tels incidents et a déclaré à ce sujet, je cite :
19 "Lorsque vous avez des civils qui sont pris pour cible comme cela
20 s'est passé dans ce cas, notamment des familles, qui étaient musulmanes ou
21 pas, tirer sur un enfant a le même effet que d'éventrer toute la famille."
22 Page 741 du compte rendu d'audience, ainsi que pages 2 697 et 2 698.
23 Ce jour-là, le 18 novembre 1994, est un jour qui est typique de ce qui se
24 passait à Sarajevo, où des tireurs embusqués du RSK, sous le commandement
25 de Dragomir Milosevic, privaient de vie les civils. Ils leur ont pris la
26 vie à bord de tramways et alors qu'ils se rendaient à pied à leur travail,
27 alors qu'ils allaient chercher de l'eau ou qu'ils allaient chercher à
28 manger dans les rues et à leurs domiciles. Ils ont laissé les survivants
Page 140
1 privés de toute dignité. Ils leur ont enlevé leurs émotions, ils les ont
2 laissé paralysés par le chagrin et la douleur de la perte de leurs proches,
3 courant à gauche et à droite, vivant dans des caves, se cachant derrière
4 des écrans de fortune. Selon les mots prononcés par Martin Bell, page 275
5 du compte rendu d'audience, ces civils avaient "l'air hagard, ils avaient
6 l'air de personnes poursuivies. La survie, voilà de quoi il est question.
7 C'étaient des gens qui vivaient à une époque réellement désespérée."
8 Et comme si ces tirs embusqués ne suffisaient pas, les hommes du RSK
9 pilonnaient et bombardaient ces civils pris au piège à l'intérieur de
10 Sarajevo dans l'intention de les tuer ou de leur infliger des blessures
11 physiques graves, page 932 du compte rendu d'audience, et de les
12 terroriser, page 967 du compte rendu d'audience. Des offensives lancées par
13 les défenseurs de la ville ont eu pour résultats que des civils ont été
14 punis par des pilonnages et des tirs embusqués en représailles, page 757 du
15 compte rendu d'audience.
16 Au sommet du RSK se trouvait Dragomir Milosevic. Entre le 10 août 1994 à
17 peu près et le 21 novembre 1995, il a présidé, planifié et ordonné la mise
18 en œuvre de la campagne de tirs embusqués, pages 962 à 966 du compte rendu
19 d'audience, et les pilonnages, pages 964 à 966 du compte rendu d'audience,
20 ont commencé alors qu'il était commandant en second du général Galic. Son
21 objectif dans la planification et l'ordonnancement de cette campagne
22 consistait à terroriser la population civile, à savoir semer une peur
23 extrême, page 883 du compte rendu d'audience, dans la population, une
24 terreur qui allait beaucoup plus loin que la peur vécue par une population
25 civile qui vit près d'une zone de conflit.
26 Et il a réussi dans cette entreprise. Toute la population de Sarajevo s'est
27 vu infliger des souffrances mentales profondes et irrémédiables et ceci a
28 concerné toute la population. Page 910 du compte rendu d'audience.
Page 141
1 Un témoin, page 3 236 du compte rendu d'audience et page 811, décrit
2 l'action du RSK sous le contrôle de Dragomir Milosevic, comme étant "plus
3 subtile, plus précise et plus dangereuse" que celle de son prédécesseur, le
4 général Galic, qui sert une peine à vie imposée par cette Chambre en ce
5 moment. Le général de brigade M. Fraser a témoigné en disant que c'était
6 "l'intention du commandant de jouer à des petits jeux dans toute la ville
7 de Sarajevo, eu égard aux incidents de tirs embusqués." A ses yeux, les
8 tirs embusqués le long de l'allée des tireurs embusqués dans le centre de
9 la ville, autour de l'aéroport, au sud-ouest et autour de Spicasta Stijena
10 au nord-est, indiquent la présence d'une "intention très claire de la part
11 du commandant." Page 853 du compte rendu d'audience.
12 En menant à bien cette campagne, Dragomir Milosevic a continué à pilonner
13 Sarajevo à l'aide de mortiers de façon délibérée ou aléatoire. Le marché
14 aux puces de Bascarsija, ainsi que le marché de Markale, ont été touchés. A
15 Markale, le nombre des victimes a été important, 34 civils étant décédés et
16 au moins 78 personnes grièvement blessées, dont certaines ont été amputées.
17 Le paragraphe 675 du compte rendu d'audience reprend la déclaration de
18 Mesuda Klaric, pièce P648, qui avait 55 ans. Elle se trouvait dans la rue,
19 non loin du marché de Markale, en compagnie de son mari, Ismet, au moment
20 où l'obus a atterri au sol.
21 Elle décrit les suites immédiates de l'incident, je cite :
22 "…j'avais l'impression d'être à demi-consciente. J'ai vu mon mari qui a
23 saisi son bras droit, il m'a dit à ce moment, 'J'ai perdu mon bras.'…
24 J'étais couverte de sang sur tout le corps… J'ai vu de nombreuses personnes
25 gisant sur le sol dans la rue… Une voiture s'est arrêtée. Un jeune homme
26 s'est emparé de moi… Une autre voiture s'est arrêtée et ils ont pris mon
27 mari… Le jeune homme m'a placé à bord de sa voiture en même temps qu'une
28 jeune fille et un autre jeune homme… La jeune fille avait perdu son pied."
Page 142
1 Elle a vu que son mari avait perdu son pied et qu'il avait une blessure à
2 l'aine qui faisait apparaître l'os. Elle-même et son mari ont été admis à
3 l'hôpital pour interventions chirurgicales et la dernière fois qu'elle a vu
4 son mari, c'est alors qu'ils emportaient son corps à la morgue. Elle
5 continue à porter en elle un éclat d'obus dans le dos, non loin des reins,
6 et dans le genou. Elle termine sa déclaration par les mots suivants, je
7 cite :
8 "Toutes les blessures sont en train de cicatriser, sauf que mon mari n'est
9 plus là."
10 Outre ce pilonnage par mortier, Dragomir Milosevic a employé fréquemment
11 les bombes aériennes modifiées, à savoir des moyens de destruction
12 importants et si bien sûr dans les éléments de preuve il en existe qui
13 démontrent qu'il n'a peut-être pas été le premier à utiliser de telles
14 armes à Sarajevo, confère Zesevic [phon] page 4 283 du compte rendu
15 d'audience. Il était près à utiliser ces armes de façon répétée contre des
16 civils. Le commandant Stevan Veljovic a témoigné pour la Défense en
17 déclarant que les bombes aériennes modifiées étaient, je cite "totalement
18 inadaptées" et je cite, "hautement destructives," page 5 912 du compte
19 rendu d'audience et page 97.
20 Cette arme, qui pour l'essentiel est une bombe aérienne de 100, 150 ou 250
21 kilos associés à des roquettes, était tirée à l'aide de systèmes
22 improvisés, fabriqués à l'arrière de camions. Page 95 du compte rendu
23 d'audience.
24 Il arrivait souvent que quatre ou cinq de ces bombes aériennes soient
25 tirées en même temps, puisque Milosevic en admettait l'important manque de
26 précision, pièce P701, page 2, paragraphe 2 du 21 avril 1995. Il déclare,
27 dans un ordre destiné à une opération qui devait se dérouler peu après, le
28 25 avril 1995, je cite :
Page 143
1 "…Poursuivre la préparation des lanceurs et s'assurer que quatre à six
2 bombes aériennes peuvent être lancées simultanément."
3 Et je reviens deux jours avant cet ordre. Il avait à ce moment-là ordonné
4 une aptitude au combat complet pour tous ses soldats et avait déclaré qu'il
5 fallait préparer "des sites de lancement et maintenir les bombes aériennes
6 prêtes pour être tirées sur la ville." Pièce D141.
7 Peu de temps avant cela, le 6 avril 1995, pièce P226, Milosevic avait
8 ordonné, je cite:
9 "…à la Brigade Ilidza de préparer immédiatement un lanceur et une bombe
10 aérienne et de transporter la bombe à des fins de lancement. La cible la
11 plus utile doit être sélectionnée à Hrasnica ou dans la colonie de
12 Sokolic", tous deux des secteurs musulmans, "là où les pertes les plus
13 importantes et les dégâts matériels les plus importants peuvent être
14 infligés. M'informer personnellement du moment où il sera possible de
15 remplir cette mission."
16 La bombe était une bombe de 250 kilos, pièce P225, qui exigeait un certain
17 nombre de roquettes pour la propulser. C'est ce qu'on voit dans le rapport
18 Zesevic page 20. Il s'agit de la pièce P586. Le résultat de cet ordre, à
19 savoir l'incident survenu à Hrasnica le 7 avril 1995 est enregistré au
20 compte rendu d'audience dans le jugement pages 475 à 495.
21 Ziba Subo se trouvait dans sa maison à Hrasnica en compagnie de ses fils et
22 de son petit-fils. Elle avait appelé sa sœur, Ziba Custovic, qui vivait à
23 quelques mètres de distance, pour qu'elle vienne prendre le café avec elle.
24 Ziba Custovic n'est jamais arrivée. Elle a traversé la rue et à ce moment-
25 là, une bombe aérienne modifiée de 250 kilos a atterri dans la rue à côté
26 d'elle, la tuant sur le coup. A ce moment-là, Ziba Subo décrit la maison
27 comme "tombant sur elle de toutes parts." Les briques, le plâtre sont
28 tombés sur elle et l'ont couverte de débris. Pièce P280, page 3, ainsi que
Page 144
1 paragraphe 478 du jugement. Elle a rampé dans les débris et a vu le corps
2 de sa sœur, dont la moitié de la tête avait été emportée par la bombe et
3 elle a perdu conscience.
4 La Chambre de première instance a conclu que la bombe avait détruit deux
5 maisons et endommagé dix autres maisons. Ziba Subo souffre encore de
6 douleur dans le bras, son ouïe est diminuée, de même que celle de ses fils
7 qui se trouvaient dans la maison au moment où la bombe a atterri.
8 L'effet de ce pilonnage constant et de ces tirs embusqués constant a
9 été que l'on ne se sentait en sécurité nulle part, ni à son domicile ni à
10 l'air libre, pas une seule minute d'un seul jour. On se sentait plus en
11 sécurité pendant les accalmies, mais même alors, la population ne se
12 sentait pas totalement sûre, car elle ne savait jamais quand la prochaine
13 attaque allait démarrer, paragraphe 743 du jugement. Comme un témoin le dit
14 : "La vie était comme un néant. La vie était tout simplement vide,"
15 paragraphe 746 du jugement.
16 Comme le Dr Nakas le dit, je cite:
17 "Chaque journée de travail signifiait qu'on s'exposait au risque de
18 voir son nom ajouté à la longue liste des personnes tuées et blessées,"
19 paragraphe 165 du jugement, pages 1 062 et 1 063 du compte rendu
20 d'audience.
21 Parlant des effets de ces meurtres, Ismet Hadzic déclare, je cite :
22 "En 1994 et 1995, c'est devenu quelque chose de normal, même si dire ce mot
23 'normal' est horrible. Seules les familles qui avaient certains membres de
24 leur famille tués étaient affectées. Quant aux autres, ils voyaient
25 simplement qu'une personne n'était plus là. Voilà quel était l'état
26 d'esprit de la population," paragraphe 745 du jugement, page 3 234 du
27 compte rendu d'audience.
28 Les tirs embusqués étaient si intenses qu'au début du mois de juillet
Page 145
1 1995, la FORPRONU a rendu compte du fait que pratiquement tous les civils
2 avaient cessé d'emprunter Zmaja Ordre Bosne, à savoir la principale artère
3 qui traverse la ville d'est en ouest, et que les tireurs embusqués qui
4 travaillaient dans ce secteur semblaient s'être déplacés pour aller
5 ailleurs, paragraphe 226 du jugement.
6 Comme un témoin le déclare, paragraphe 745 du jugement, je
7 cite : "Ils auraient pu s'en sortir avez les tirs embusqués et les
8 pilonnages dans leur quartier jusqu'au moment où la bombe aérienne a
9 atterri le 23 juillet 1995."
10 En dépit d'une terreur voulue par Dragomir Milosevic, en dépit du vide qui
11 caractérisait la vie de la population, la crainte constante au sujet de
12 leur sécurité et de la sécurité de leurs enfants, en dépit du nombre
13 innombrable de victimes des pilonnages et des tirs embusqués, sans parler
14 de la peur générée au sein de toute la population qui comptait des dizaines
15 de milliers de personnes affectées, en dépit de tout cela, Dragomir
16 Milosevic explique l'ordre de pilonner Hrasnica par la nécessité de
17 provoquer, je cite : "Le plus grand nombre possible de victime." Malgré le
18 fait que les marchés étaient pris pour cible, que les civils étaient pris
19 pour cible alors qu'ils faisaient la queue pour la nourriture ou pour
20 l'eau, que les femmes et les enfants étaient visés, en dépit de tout cela,
21 la Chambre de première instance - et c'est inacceptable - a trouvé qu'il y
22 avait des circonstances atténuantes. Elle a crédité Dragomir Milosevic de
23 "haute valeur morale," elle l'a qualifié "d'altruiste," elle a dit que :
24 "C'était un homme qui, parfois, semblait gêné par ce qu'il faisait."
25 Il est clair que Dragomir Milosevic ne peut pas mériter d'être
26 qualifié d'altruiste ou de personne dont les valeurs morales sont élevées.
27 Qualifier Dragomir Milosevic d'altruiste ou d'être un homme aux valeurs
28 morales élevées et considérer cela comme une circonstance atténuante, étant
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1 donné son mépris complet pour le bien-être de milliers de civils de
2 Sarajevo et étant donné le fait qu'il a planifié la campagne de douleur et
3 de terreur, c'est manifestement une erreur de la Chambre de première
4 instance. L'altruisme est défini dans le dictionnaire "Webster" comme "une
5 prise en compte sans calcul, un respect ou une dévotion à l'égard des
6 intérêts d'autrui, parfois conforme avec un principe éthique."
7 Nous affirmons également que la Chambre de première instance s'est
8 manifestement trompée lorsqu'elle a donné crédit à Dragomir Milosevic du
9 fait que, de temps en temps, il avait l'air gêné par ce qu'il faisait. Il
10 est difficile de savoir si la Chambre de première instance a admis qu'il
11 était gêné ou si elle a admis que quelqu'un aurait laissé entendre qu'il
12 était gêné.
13 Quoi qu'il en soit, cette déclaration que l'on trouve à la page 1 783
14 du compte rendu d'audience démontre que la référence à cette gêne est due,
15 en tout état de cause, au fait qu'il craignait les conséquences de ce genre
16 d'action pour lui-même, c'est-à-dire le fait qu'il ne pourrait pas voir à
17 nouveau sa fille qui (expurgé). Manifestement il
18 n'était pas gêné par les souffrances de ses victimes. En effet, son
19 intention de terroriser la population de toute la ville par des actes de
20 tirs embusqués, par l'emploi de mortier et par l'emploi d'armes aussi peu
21 précises que des bombes aériennes liés à l'ordre explicite qu'il a donné
22 d'utiliser de tels armes afin de provoquer le maximum de victimes démontre
23 qu'une conclusion aussi positive ne pouvait pas être établie dans le cadre
24 des probabilités existantes.
25 Par ailleurs, créditer Dragomir Milosevic de circonstances
26 atténuantes pour le rôle qu'il a joué dans les négociations d'un accord
27 anti-tireurs embusqués n'a été nécessaire qu'en raison de la poursuite des
28 actes illégaux dont il était responsable. Ceci montre que l'objectif
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1 principal de la campagne de tirs embusqués a été laissé de côté.
2 Dans les jours qui ont suivi la conclusion de l'accord, que l'on
3 trouve à la pièce P6, un rapport de la FORPRONU rend compte du fait que des
4 tireurs embusqués serbes ont blessé des civils le 22 et le 30 août 1994, le
5 premier incident de ce genre ayant lieu une semaine après la conclusion et
6 la signature de l'accord. Compte tenu du contrôle que les tireurs embusqués
7 avaient maintenu au niveau le plus élevé, aucun crédit ne peut être accordé
8 à M. Milosevic pour sa part dans les négociations, notamment en raison du
9 fait que cela s'est passé au début de la période visée à l'acte
10 d'accusation et que cet accord a été violé dans les quelques jours qui ont
11 suivi sa signature.
12 Quant aux ordres de ne pas tirer sur les civils, même si de tels
13 ordres ont été donnés de temps en temps, ce fait ne peut avoir aucune
14 incidence sur la condamnation pour crime de terreur. En effet, ces ordres
15 qui étaient donnés de temps à autres et retirés de temps à autres ne
16 faisaient qu'ajouter à la crainte subie par les victimes, comme on le voit
17 confirmé aux paragraphes 743 et 744 du jugement par la Chambre de première
18 instance.
19 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, dans le contexte de la
20 campagne de terreur qui s'est poursuivie pendant 14 mois et qui a été
21 ordonnée par Dragomir Milosevic en violation des conventions de Genève, il
22 est incompréhensible que le moindre crédit ait été accordé à Dragomir
23 Milosevic en raison d'ordres occasionnels qu'il aurait donnés à ses troupes
24 de respecter les conventions de Genève. Toute la stratégie poursuivie était
25 en contradiction directe avec les conventions de Genève. Chacun des crimes
26 a été une infraction délibérée à ces conventions. Enfin, la reddition
27 volontaire de l'accusé est un élément insignifiant en soi si on le compare
28 à l'ampleur des crimes commis par Dragomir Milosevic. Aucun poids ne
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1 devrait lui être accordé, en tout cas, aucune réduction de la peine ne doit
2 être prononcée par rapport à cette reddition volontaire.
3 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, la peine de 33 ans
4 d'emprisonnement ne rend pas compte de façon appropriée de l'importance du
5 comportement criminel de Dragomir Milosevic. Dans l'affaire Gacumbitsi, le
6 TPIR, le tribunal du Rwanda et sa Chambre d'appel, ont augmenté la sentence
7 de 30 ans d'emprisonnement qui avait été apposé à un accusé du même âge de
8 Dragomir Milosevic en la faisant passé à un emprisonnement à vie. Nous
9 lisons, je cite :
10 "Compte tenu de la nature massive des crimes et du rôle important des
11 appelants dans ces crimes ainsi que de l'insignifiance relative des
12 circonstances atténuantes, la Chambre de première instance est allée au-
13 delà de son pouvoir discrétionnaire en imposant une sentence de 30 ans
14 d'emprisonnement seulement…"
15 Voilà exactement ce qui s'est passé ici, Monsieur le Président, Madame,
16 Messieurs les Juges.
17 Dans l'affaire Galic, M. le Juge Shahabuddeen, faisant référence à
18 l'affaire Gacumbitsi, a déclaré qu'il estimait qu'il n'y avait aucun
19 fondement pour distinguer l'affaire Galic de l'affaire Gacumbitsi
20 simplement parce que, dans l'une des affaires, il y avait une accusation de
21 génocide. Avec le respect que nous devons à la Chambre, nous faisons nôtres
22 ces observations.
23 Comme il le fait remarquer ultérieurement dans l'affaire Galic, dans
24 cette affaire comme dans l'affaire Gacumbitsi, les accusés ont été
25 condamnés pour des infractions graves, extrêmement graves, et Galic n'avait
26 aucune "circonstance particulièrement atténuante." Le parallèle avec
27 l'affaire Galic est trop manifeste à une distinction près, à savoir que
28 contrairement à l'affaire Galic, M. Milosevic a utilisé, de façon répétée
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1 et massive, les bombes aériennes pour prendre pour cibles des civils, ce
2 qui n'a fait qu'ajouter aux pilonnages et aux tirs embusqués établis dans
3 l'affaire Galic.
4 A notre avis, comme M. le Juge Shahabuddeen l'a fait observer dans
5 Galic, avis que l'on trouve au paragraphe 37, je cite :
6 "La question n'est pas comment la sentence imposée apparaît en termes
7 absolus, mais une sentence de 33 ans d'emprisonnement peut effectivement
8 apparaître importante. La question, c'est de savoir comment la sentence
9 imposée sera vue par rapport à la sentence raisonnable qui était méritée,
10 compte tenu de la gravité des crimes commis par l'appelant."
11 Il y a une différence qualitative entre 33 ans d'emprisonnement et une
12 peine à vie. Comme cela a été reconnu implicitement dans l'affaire Stakic,
13 y compris 40 ans d'emprisonnement se distinguent d'une peine à vie, lorsque
14 cette peine de 40 ans est une peine réduite.
15 A notre avis, les crimes de Milosevic se "caractérisaient par une
16 violence et une cruauté exceptionnelles. Sa participation à ces crimes a
17 été systématique, prolongée et préméditée. Et il a abusé de sa position
18 hiérarchique en tant que commandant" du corps de la RSK. Voilà les mots
19 utilisés par les Juges de la Chambre pour décrire le comportement de Galic,
20 également au paragraphe 455 du jugement.
21 Il n'y a rien qui distingue entre Galic et Milosevic, en tout cas,
22 pas suffisamment pour justifier une sentence inférieure à la vie. En effet,
23 l'affaire Galic est un bon comparateur. C'est le comparateur que cherchait
24 le Juge Meron.
25 M. LE JUGE POCAR : [aucune interprétation]
26 --- L'audience est suspendue à 15 heures 54.
27 --- L'audience est reprise à 16 heures 15.
28 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vais donner la parole à la Défense
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1 pour qu'elle puisse répondre à l'appel de l'Accusation sur la peine. Vous
2 avez la parole.
3 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, est-ce que
4 nous pouvons passer à huis clos pendant quelques instants, s'il vous plaît.
5 J'ai une raison pour ce faire, s'il vous plaît.
6 M. LE JUGE POCAR : [aucune interprétation]
7 [Le conseil de la Défense se concerte]
8 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Pouvons-nous passer à huis clos, s'il vous
9 plaît.
10 M. LE JUGE POCAR : [aucune interprétation]
11 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Quelques secondes.
12 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel.
13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous sommes
14 à huis clos partiel.
15 [Audience à huis clos partiel]
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9 [Audience publique]
10 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bien.
11 Donc vous pouvez nous présenter vos arguments.
12 M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Madame, Messieurs les
13 Juges. Je souhaite aborder une question qui est fort importante. En tant
14 qu'avocat spécialiste du droit pénal, je n'ai jamais été confronté à une
15 situation où la culpabilité de quelqu'un était établie, mais en même temps,
16 il s'agit de traiter des circonstances atténuantes. De toute façon, il ne
17 peut pas y avoir un acte commis par un être humain qui puisse ne pas faire
18 l'objet d'un jugement. En tout cas, dans l'affaire qui nous intéresse, il
19 s'agit d'événements épouvantables qui se sont produits en ex-Yougoslavie.
20 Dans la plupart des cas, les circonstances correspondaient à une guerre. La
21 question a toujours été sensible lorsque des officiers sont traduits en
22 justice alors qu'eux-mêmes n'ont jamais rien fait d'illégal.
23 Je vais essayer de traiter la question qui nous intéresse pour le peu
24 de temps qui nous reste. Ma spécialité était le droit pénal en ex-
25 Yougoslavie à une époque où c'était encore un pays heureux et la question
26 des circonstances atténuantes était toujours considérée comme un facteur
27 très important. Je ne comprends tout simplement pas comment quelqu'un, qui
28 est un spécialiste du droit pénal, puisse dire que quelque chose avait été
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1 jugé d'une certaine façon dans une affaire et que ceci doit être appliqué à
2 la question qui nous intéresse. Il n'y a pas deux cas similaires en droit
3 pénal. Ceci n'a jamais été le cas. C'est peut-être dans l'intérêt de
4 l'Accusation de s'assurer que l'accusé soit condamné à vie. Je souhaite
5 éviter toute forme de comparaison entre cette affaire-ci et l'affaire
6 Galic.
7 Lorsque les procès ont commencé, les archives ont été ouvertes et les
8 documents mis à disposition qui indiquent qu'il y avait deux parties
9 belligérantes dans ces événements allégués dans l'acte d'accusation. Une
10 circonstance atténuante pourrait être la question de l'alibi qui a été
11 évoqué par l'accusé qui a été blessé lorsqu'un obus de char a été tiré
12 depuis la colline de Zuc à une distance de 2 à 3 kilomètres. Ceci a eu un
13 effet sur le poste d'observation et a touché Dragomir Milosevic à la tête.
14 Il a survécu, mais il a perdu un œil. Ceci montre très clairement dans
15 quelles conditions il devait travailler. Il se trouvait dans une tranchée
16 au moment des activités de combat et ceci montre quelque chose que j'ai
17 évoqué au cours de toute la journée, les circonstances qui prévalaient à
18 cette époque-là.
19 La Chambre de première instance a montré que les offensives menées au cours
20 de cette période par l'ABiH, et en particulier entre les mois de mai et la
21 fin de la guerre, en tout cas jusqu'au mois d'août, la Chambre de première
22 instance a conclu que ces activités n'étaient pas déterminantes lorsqu'il
23 s'agissait de rendre des conclusions sur cette question-là. Néanmoins, ça
24 n'est pas possible de partir du fait que ces activités de combat - et il
25 est vrai que j'ai beaucoup de compassion pour toutes les personnes qui ont
26 pris part à tout ceci, les personnes qui sont originaires de ces endroits,
27 j'ai beaucoup de compassion pour les personnes qui ont vécu tout ceci à
28 cette époque-là - mais je ne vois pas en quoi ceci pourrait ne pas avoir
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1 une incidence sur le fait qu'un nombre très important de civils a été tué
2 du côté serbe. Nous avons montré ceci lorsque nous avons présenté nos
3 preuves.
4 Il s'agit d'une guerre, et lorsqu'il y a guerre, il y a peur des deux
5 côtés. Il faut tenir compte du fait que ces événements suscitent la peur
6 des deux côtés. Je n'ai pas cité à la barre un seul officier. Si j'avais pu
7 citer à la barre une quarantaine d'officiers qui, ensemble avec Dragomir
8 Milosevic, ont passé toute la durée de la guerre dans des tranchées, devant
9 chez eux et à l'extérieur de chez eux, il n'y en a pas un qui n'a pas perdu
10 un frère ou un père.
11 Pour revenir à ce qu'a dit l'Accusation il y a quelques instants, un obus a
12 été tiré, parce que l'ordre précisait qu'il fallait ouvrir le feu sur les
13 civils. Nulle part il n'a été écrit que les civils devaient être pris pour
14 cible. Lorsque des témoins sont venus parler de civils qui étaient tués, on
15 a fait état du fait que les médias faisaient sans cesse des reportages là-
16 dessus et disaient que les civils étaient pris pour cible. Les ordres eux-
17 mêmes indiquaient qu'il fallait ouvrir le feu sur le personnel. J'ai évoqué
18 ces ordres à maintes reprises aujourd'hui.
19 Regardons l'ordre 481, à la page 4 de la version anglaise. Chaque
20 colonne contient des ordres donnés par le général Prevljak aux fins d'agir
21 sur ou de tirer sur les forces ou le personnel, sur des hommes. Là il
22 s'agit de jargon communément utilisé par les militaires et, si vous
23 regardez ces ordres, vous constaterez qu'il s'agit d'hommes et de forces et
24 qu'on ne parle pas de civils. Je ne puis rien ajouter sur la question des
25 activités de combat.
26 Je vais simplement dire que 40 000 Serbes vivaient dans cette ville,
27 il s'agissait de frères, de sœurs, de parents proches des personnes qui
28 étaient de l'autre côté de la ligne de front. Est-ce que vous pensez que ce
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1 type d'activité aurait pu être organisé alors que de l'autre côté à
2 Sarajevo il y avait des membres de leurs familles ? J'ai fait référence au
3 document 415. Les gens avaient peur et il y a eu le massacre de Kazani, et
4 cetera. Il y a eu de tels cas qui répandaient de la terreur, mais rien ne
5 permet d'interpréter sur cette base-là le comportement d'un individu et
6 qu'il faille rendre une peine sur ces éléments-là.
7 Galic a été condamné à 20 ans de prison. L'un des Juges qui siégeait
8 dans cette affaire souhaitait que lui soit imposée une peine de dix ans
9 d'emprisonnement. A mon sens, il faut tenir compte de toutes les
10 circonstances. Est-ce qu'un homme de 70 ans peut être condamné à la prison
11 à vie, compte tenu de ces circonstances ?
12 S'il s'agit de tirer des parallèles et de rédiger des mémoires en
13 appel, on a dit que la Chambre de première instance a établi que le crime
14 avait été commis -- il s'agit ici de circonstances individuelles. On ne
15 peut pas appliquer ces circonstances-là à tout le monde. Pour un homme de
16 son âge qui a passé autant de temps en détention -- je sais que vous allez
17 tenir compte de tous ces éléments qui vous sont présentés.
18 Nermin Divovic, un garçon d'une dizaine d'années, a trouvé la mort de façon
19 tragique. A mon époque, je devais traiter de crimes très graves, et je sais
20 que lorsqu'il s'agit d'actes qui sont qualifiés d'assassinats, il y a
21 certaines allégations dans l'acte d'accusation qui n'auraient même pas
22 dépassé le stade de l'enquête. Lorsqu'il s'agit de Nermin Divovic, le
23 garçonnet qui a trouvé la mort de façon tragique, tel que cela a été décrit
24 par l'Accusation, le rapport d'autopsie montre de façon irréfutable - et
25 ceci a été également démontré par les témoins experts, bien qu'il
26 s'agissait d'experts de la Défense, cela ne diminue en rien la qualité de
27 leurs témoignages - le rapport d'autopsie, et c'est le seul rapport
28 d'autopsie de ce type qui existe au niveau des éléments de preuve, le
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1 rapport d'autopsie montre qu'il y avait deux trajectoires, une qui a
2 traversé le corps de la mère qui a survécu, et cette trajectoire-là était
3 une trajectoire tout à fait en parallèle avec le sol; et l'autre
4 trajectoire, la balle est passée derrière la tête du garçonnet et s'est
5 dirigée vers le sol.
6 Pendant toute la durée de la guerre, il y avait des récits qui
7 circulaient sur la façon dont les enfants étaient tués dans le secteur de
8 Sarajevo contrôlé par l'ABiH. J'y ai fait référence un peu plus tôt lorsque
9 j'ai parlé des victimes dans le secteur de Sarajevo tenu par l'ABiH. C'est
10 à vous d'apprécier les éléments de preuve, mais je vais vous dire que dans
11 la question qui nous intéresse, ces deux balles provenaient de l'ABiH, qui
12 est tout à fait à l'opposé de l'endroit où se trouvait ce bâtiment Metalka.
13 Quoi qu'il en soit, cet incident est un incident sur lequel il y a eu des
14 reportages importants qui disaient que les Serbes avaient réussi à tuer un
15 enfant avec une seule balle. Ça, c'est une des questions que je souhaite
16 aborder. L'autre, Madame, Messieurs les Juges, c'est comment vous allez
17 rendre votre délibéré sur l'incident de Markale.
18 Rupert Smith, lui-même, a dit que ceci n'est pas tiré par les cheveux
19 que de dire qu'il s'agissait peut-être de Bosniens qui tiraient sur des
20 Bosniens. Nicolai a dit dans son témoignage, qu'il ne s'agissait pas de
21 rumeurs, mais que c'est ce dont on parlait à Sarajevo même, à savoir que
22 les forces de Bosnie qui étaient cantonnées à Sarajevo avaient tendance à
23 se servir de leur propre population à des fins militaires et politiques. Si
24 nous regardons les victimes qui ont été trouvées, semble-t-il, à cet
25 endroit - je ne souhaite y revenir à l'analyse qui en a été faite - je
26 souhaite parler de l'effet dramatique que ceci a eu. Vous regardez les deux
27 photographies de Markale, regardez les deux photographies et vous
28 constaterez que ces deux photographies ne peuvent pas être associées à
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1 l'endroit où l'incident s'est déroulé. Ceci n'est pas possible. Impossible
2 de trouver quelqu'un à cet endroit qui aurait été tué par une balle d'un
3 fusil de chasse ou par quelqu'un qui aurait été tué par une balle à un
4 autre endroit.
5 Lorsqu'on regarde ces éléments sous cet angle-là, il est important de
6 le dire pour que ceci soit pris en compte lorsque vous réexaminerez tous
7 les éléments. J'espère que ce que je viens de dire est suffisant. Lorsque
8 vous allez rendre votre conclusion et prononcer la peine, j'espère que vous
9 tiendrez compte de tous ces événements et que les preuves que j'ai citées
10 étayent ce que j'ai dit dès le départ. Autrement dit, il vous faudra
11 établir qu'il s'agissait véritablement d'une zone civile au-delà de tout
12 doute raisonnable et ce n'est qu'après que vous pourrez apprécier les deux
13 autres éléments.
14 Merci.
15 M. ROGERS : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, avant de demander
16 à M. Milosevic s'il souhaite prendre la parole, peut-être que je peux
17 répondre à la question à huis clos partiel, la question qui a été soulevée
18 plus tôt.
19 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Très bien.
20 Passons à huis clos partiel, s'il vous plaît.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
22 [Audience à huis clos partiel]
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9 [Audience publique]
10 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.
11 Monsieur le Procureur, vous avez dix minutes pour répondre.
12 M. ROGERS : [interprétation] Je ne souhaite rien ajouter aux arguments déjà
13 présentés, donc j'abandonne mon droit de répondre à toute autre question.
14 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.
15 Donc nous arrivons à la fin des arguments des parties. D'après
16 l'ordonnance portant calendrier, je vais maintenant me tourner vers M.
17 Milosevic. S'il souhaite s'adresser pendant quelques instants aux Juges de
18 la Chambre d'appel pendant dix minutes et pas plus, il est autorisé à le
19 faire.
20 L'APPELANT : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les
21 Juges, je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de m'exprimer
22 devant ce Tribunal. Je vais prononcer quelques phrases et j'espère que les
23 mots que je vais prononcer seront compris de la façon dont je les prononce.
24 Je voudrais revenir sur ce qui a marqué le champ de bataille de Sarajevo.
25 Je suis heureux de savoir que ce champ de bataille, qui a existé à
26 l'époque, n'en est plus un aujourd'hui. Quelques mots rapidement,
27 maintenant, au sujet de ma vie personnelle.
28 Je suis arrivé à Sarajevo à l'âge de 14 ans. Je suis allé à l'école à
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1 Sarajevo. Mon oncle, qui vivait à Sarajevo, a joué un rôle important dans
2 ma vie. J'ai ensuite poursuivi mes études à Belgrade, puis je suis revenu à
3 Sarajevo. Suite à quoi, toute la suite de ma vie et de mon travail
4 professionnel a été liée à la Bosnie-Herzégovine, et en particulier à
5 Sarajevo. C'est à Sarajevo que j'ai rencontré et vécu mon premier amour.
6 C'est à Sarajevo que j'ai fondé une famille, que j'ai éduqué et envoyé à
7 l'école mes enfants. Sarajevo est devenue ma ville et la ville ma famille.
8 C'est cette ville de Sarajevo qui abrite ma famille, mes parents, mes amis,
9 mes voisins, mes collèges. C'est à Sarajevo que j'ai acquitté les frais
10 nécessaires pour la construction d'un bâtiment, que je me suis acquitté de
11 toutes les taxes et de toutes les sommes qui sont également acquittées par
12 les autres habitants. J'ai collaboré et j'ai fréquenté très ouvertement
13 tout le monde à Sarajevo.
14 J'ajouterais - même si cela n'est peut-être pas indispensable - que
15 tous les biens appartenant à ma famille lui ont été enlevés à Sarajevo. Il
16 est important, pour comprendre ce qui s'est passé, d'entendre quelques mots
17 au sujet de ma personnalité.
18 Je m'attendais à ce que la recherche de la vérité et de la justice
19 soient des éléments plus prioritaires devant ce Tribunal, car les jugements
20 se font à toute vitesse. A l'époque où le procès devait arriver à son
21 terme, cette vitesse a atteint des records. J'ai manqué de temps pour avoir
22 des contacts corrects avec mes conseils de la Défense. Il m'a même été
23 interdit de faire ce qu'il fallait par écrit pour obtenir un avocat. Il me
24 semble que les éléments de preuve et les dépositions des témoins à décharge
25 n'ont pas été suffisamment pris en compte. Mon sentiment, c'est que la
26 façon de procéder de ce Tribunal est assez peu équitable. En tout cas,
27 c'est mon impression pour ce qui me concerne.
28 Mes collègues combattants et mes officiers ont pris la parole pour
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1 parler de leur état de victime, ce n'est pas le sentiment que j'avais. La
2 question qui pouvait se poser était de savoir pourquoi certains témoins ont
3 été entendus en qualité de témoin. Il était indispensable de mettre sur la
4 table toutes les questions et, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les
5 Juges, tout devait être replacé dans un contexte bien déterminé. Ce qui est
6 un fait, c'est qu'il y en avait qui ne voulait pas une solution pacifique
7 pour la région de Sarajevo. Le gouvernement et les dirigeants supérieurs de
8 l'ABiH cherchaient une solution exclusivement sur le champ de bataille.
9 L'interruption des hostilités pouvait être obtenue à tout moment. Je n'ai
10 jamais opposé le moindre obstacle à cette voie d'une solution pacifique.
11 Il reste des traces qui démontrent que j'ai tout donné de moi pour
12 que l'accord de paix de Dayton soit appliqué le plus fructueusement
13 possible. Le rôle que j'ai joué a été apprécié et respecté par le général
14 Bachelet, un général français de la FORPRONU. (expurgé)
15
16
17 Romanija et le peuple, qui était défendu par ce corps d'armée afin
18 d'obtenir une bonne application des accords de paix, ont accepté de
19 ramasser ces cadavres sur le sol avant de faire mouvement pour avancer afin
20 de respecter des dispositions de l'accord.
21 Tous les documents sur lesquels on peut lire Corps de Sarajevo
22 Romanija d'un côté et 1er Corps de l'ABiH de l'autre côté ont été présentés
23 aux Juges de la Chambre. Il ressort clairement de la lecture de ces
24 documents que le 1er Corps de l'ABiH et les autres unités de cette même
25 armée, à partir du 1er août 1994 et jusqu'à l'interruption des hostilités en
26 1995, a planifié et mené à bien des attaques sur tout le territoire des
27 champs de bataille. Dans cette période, le Corps de Sarajevo Romanija n'a
28 été à l'origine d'aucune attaque. Il s'est contenté simplement de se battre
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1 pour se défendre afin d'effectuer une percée éventuelle.
2 Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, en tant que
3 commandant d'un corps d'armée, je suis le mieux à même de déterminer
4 l'intensité du danger auquel nous étions confrontés. Je dirais que ce
5 danger était supérieur à celui auquel on est confronté en enfer. S'agissant
6 des forces du 1er Corps d'armée, elles étaient associées aux forces du MUP,
7 à celles de certaines unités du HVO et d'autres unités de l'ABiH et il
8 était impossible de savoir si l'attaque allait venir du sud-ouest et
9 encercler Vogosca, Ilijas, Rajlovac, Ilidza et Hadzici ou si, avec l'aide
10 des forces de la 12e Division de force terrestre et avec l'aide des forces
11 du MUP, l'ABiH allait encercler Grbavica en coupant la route à l'ennemi à
12 moins de s'associer aux forces de la 4e Division venues du mont Igman pour
13 prendre la direction d'Ilidza et de Vogosca, ou encore si elle allait
14 prendre la direction de Trnovo.
15 Tous ces endroits sont des endroits que la RSK a défendus en subissant de
16 nombreux assauts. Les forces terrestres de l'ABiH et le 1er Corps d'armée,
17 en mars 1995, ont pris la décision, avec leurs brigades de Sarajevo, de se
18 lancer dans une attaque le long d'axes bien déterminés. La raison
19 fondamentale qui n'est pas évoquée dans les ordres - alors que c'est une
20 obligation - consistait à apporter un concours au 5e Corps d'armée de
21 Bihac. Je me demande vraiment à la lecture du document qui constitue la
22 pièce D418, qui a mis qui en danger dans le cadre de cette initiative et
23 s'il n'est jamais arrivé qu'on voit une unité lancer une attaque sans la
24 moindre raison à moins que cette raison ne consiste à faire le mal.
25 Les décisions prises par l'ABiH l'étaient dans le cadre d'ordres de
26 combat --
27 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Milosevic, je me dois
28 d'appeler votre attention sur l'heure, car les dix minutes qui vous étaient
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1 imparties sont expirées. Pouvez-vous conclure en une minute.
2 L'ACCUSÉ : [interprétation] Monsieur le Président, je vous prie de me
3 laisser finir. Il me semble que j'arrive au bout de ce que je voulais dire,
4 mais j'aimerais, si la chose est possible, que ne me soit pas enlevée la
5 possibilité de dire tout ce que j'avais l'intention de dire ici. Je vous en
6 prie.
7 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Pour peu que vous respectiez le temps
8 dont vous disposez --
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Oui.
10 Ces ordres étaient rédigés où l'on pouvait lire : Lancer l'attaque,
11 couper telle ou telle route, réunir les forces, effectuer un encerclement
12 avec les tireurs embusqués et les autres forces, avancer sur la ligne,
13 lancer telle ou telle attaque -- et tout cela n'a rien d'illégal. Mais ce
14 qui était légal pour le Corps de Sarajevo Romanija, c'était de jouir de la
15 possibilité et du droit de se défendre.
16 Tout ce que je suis en train de reprendre ici oralement figure noir
17 sur blanc dans les documents. Sur le champ de bataille de Sarajevo, l'ABiH
18 et avant tout son 1er Corps d'armée disposaient de troupes dont les
19 effectifs étaient égal à ceux de 33 brigades, y compris brigades de
20 montagne, brigades motorisées, brigades des Musulmans, brigades de police,
21 brigades de police spéciale, brigades du HVO et détachement des
22 Moudjahidines, entre autres. Ces unités étaient appelées des unités de
23 chevaliers, des unités d'honneur. Voilà à quelles forces le Corps de
24 Sarajevo Romanija était opposé, qui lui comptait huit brigades devant
25 couvrir un front de nombreux kilomètres. Donc les forces auxquelles était
26 opposé le Corps de Sarajevo Romanija ont tout fait pour couper la route à
27 l'ennemi grâce à des forces dont les effectifs étaient bien supérieurs. Les
28 actions offensives analysées dans un certain nombre d'ouvrages confirment
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1 que l'ABiH avait plusieurs options. Le général Rasim Delic, commandant de
2 cette armée, a déclaré :
3 "Les Musulmans vont continuer à se battre nonobstant les initiatives de
4 paix. L'initiative de paix américaine n'a ni queue ni tête."
5 Cette déclaration a été faite le 28 août 1995 à Jablanica.
6 L'opération d'attaque Tegbir a été commencée le 15 août par l'ABiH. Dans
7 ces conditions, je me contente ici de constater que les conséquences de
8 cette attaque ont été un nombre important de victimes, d'un côté comme de
9 l'autre. Je ne me suis pas opposé à cette attaque. J'ai dû la supporter.
10 Monsieur le Président, je sais bien qu'il existe un code d'honneur, mais je
11 sais également que l'Accusation ne devrait pas transformer un accusé en
12 monstre. Je ne sais pas quel est le message que l'Accusation souhaite
13 diffuser en racontant l'histoire qu'elle raconte au sujet du lieu de séjour
14 de mes enfants, mais je n'aime pas du tout ce qui est dit à ce sujet. Il ne
15 me convient pas non plus de voir qu'un témoin protégé, haut représentant
16 des Nations Unies, me déclare un ivrogne et que dans une déclaration
17 écrite, il me qualifie officiellement du terme de bandit. Ceci est
18 insupportable et si l'on en juge par l'emploi de ces épithètes, on peut se
19 demander quelle est la valeur de sa déposition. Je me demande comment il
20 est possible d'accepter qu'un qualificatif qui ne me correspond ni de près
21 ni de loin puisse être utilisé de cette façon.
22 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur Milosevic, pouvez-vous
23 conclure votre déclaration, je vous prie.
24 L'APPELANT : [interprétation] C'est possible, oui. Je vous remercie.
25 Je regrette profondément le sort des blessés et des morts et j'aimerais que
26 ce sentiment exprimé par moi soit accueilli partout exactement comme je le
27 ressens à l'intérieur de mon âme. Je sais qu'aucune mère ne met au monde un
28 enfant pour qu'il soit tué par autrui. Il est triste de tuer un animal ou
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1 de couper un arbre, sans parler de tuer un être humain. Je déclare que je
2 suis tout à fait prêt à prier pour le sort des morts, des blessés et des
3 handicapés lourds. J'ai souffert lorsque j'ai vu de mes yeux le sort qui
4 était réservé à ces êtres humains, et aujourd'hui je souffre encore
5 davantage à l'intérieur de mon âme. J'ai vu sur le territoire tenu par le
6 1er Corps de Bosnie-Herzégovine nombre de blessés et de morts, et j'en ai vu
7 également sur le territoire tenu par le RSK. Je sais bien ce que sont les
8 souffrances des civils innocents. Ce sont des événements dramatiques.
9 Mais dans un conflit aussi horrible que celui-là, je ne peux pas non
10 plus m'abstenir d'exprimer de la souffrance pour le sort vécu par les
11 soldats qui eux aussi sont des êtres humains. Si vous me le permettez,
12 j'aimerais en une minute, vous citer un exemple.
13 Le 18 septembre 1994, les forces de l'ABiH, celles de la 12e
14 Division, ont organisé une attaque en direction de l'est. Lors de cette
15 percée de l'ABiH, ils ont tué sur-le-champ sept personnes. J'ai vu leurs
16 hommes se faire tuer et j'ai ressenti le même regret, eu égard à leur mort,
17 qu'à celle de quiconque. Car tout être humain est égal à un autre être
18 humain. Dans un bâtiment, huit soldats du Corps de Sarajevo-Romanija ont
19 été tués et leurs cadavres nous ont été envoyés par eux uniquement au
20 moment où ils ont commencé à voir leurs rangs se démanteler.
21 Je parle de tous les endroits et de toutes les situations sur un plan
22 équivalent. Si quelqu'un accepte mon point de vue, je tiens à dire que je
23 regrette profondément ces pertes humaines dont je considère qu'elles
24 n'auraient pas dû avoir lieu. Je n'ai pas été l'auteur de la création de
25 ces victimes, quant au Procureur, il présente les choses de sa façon mais
26 je n'en suis pas responsable.
27 Le 1er mai 1993, Radio Sarajevo a évoqué les criminels de guerre, je parle
28 bien de 1993. Dès 1992, Kukajnac et Radovan Karadzic ont été mentionnés au
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1 côté du nom de Dragan Milosevic, présenté également comme un criminel de
2 guerre, alors que Dragan Milosevic n'avait pas encore tiré une seule balle
3 avec ses unités. Je considère que tout cela était orchestré d'avance, et
4 ce, parce qu'il est impossible dans des conditions acceptables de démontrer
5 exactement comment les événements se sont déroulés.
6 Je vous présente mes excuses pour avoir dépassé un peu le temps qui m'était
7 imparti mais j'avais le sentiment de dire un certain nombre de choses, même
8 si celles-ci n'ont éventuellement pas la moindre importance.
9 Je vous remercie.
10 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie. L'Accusation.
11 M. ROGERS : [interprétation] Monsieur le Président, je suis désolé, mais il
12 nous faut passer à huis clos partiel pour quelques instants.
13 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Oui, d'accord. Huis clos partiel.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Huis clos partiel.
15 [Audience à huis clos partiel]
17 (expurgé)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
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1 [Audience publique]
2 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Ceci met fin à l'audience en appel dans
3 cette affaire. Je souhaite, au niveau des Juges de la Chambre, remercier
4 les parties pour la présentation de leurs arguments. Je souhaite également
5 remercier toutes les personnes qui ont contribué à l'organisation de cette
6 audience, et je souhaite tout particulièrement remercier les interprètes,
7 qui permettent la communication entre les parties et les Juges de la
8 Chambre. Le jugement en appel sera rendu en temps voulu.
9 L'audience est levée.
10 --- L'audience d'appel est levée à 17 heures 02.
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