Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 12 novembre 2009

  2   [Jugement en appel]

  3   [Audience publique]

  4   [L'appelant est introduit dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  6   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Bonjour à tout le monde.Monsieur le

  7   Greffier, veuillez citer l'affaire, je vous prie.M. LE GREFFIER :

  8   [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

  9   Juges.

 10   Il s'agit de l'affaire IT-98-29/1-A, le Procureur contre Dragomir

 11   Milosevic.

 12   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Avant que je ne commence, Monsieur

 13   Milosevic, êtes-vous -- avez-vous un problème ? Est-ce qu'il y a un

 14   problème ? Il semblerait qu'il y a un problème technique.

 15   Est-ce que vous m'entendez ? Est-ce que le problème a été réglé ?

 16   J'aimerais donc demander à M. Milosevic s'il suit l'audience dans une

 17   langue qu'il comprend.

 18   L'APPELANT : [interprétation] Je vous remercie de m'avoir posé la question,

 19   Monsieur le Président. Je vous entends parfaitement et je peux tout à fait

 20   suivre. Il n'y a aucun problème.

 21   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.

 22   Je souhaiterais que les parties se présentent, en commençant par

 23   l'Accusation.

 24   M. ROGERS : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 25   Paul Rogers, avec Manuel Eising, qui représentent aujourd'hui l'Accusation,

 26   et nous avons à nos côtés notre commis aux affaires, M. Colin Nawrot.

 27   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.

 28   Qu'en est-il de la Défense ?

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  1   M. TAPUSKOVIC : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.

  2   Je m'appelle Me Branislav Tapuskovic. Je suis le conseil de la Défense de

  3   M. Dragomir Milosevic, et je suis ici avec ma co-conseil, Me Bransilava

  4   Isailovic.

  5   Je vous remercie.

  6   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.

  7    Comme indiqué dans l'ordonnance portant calendrier du 15 octobre 2009, en

  8   application de l'article 117(D) du Règlement de procédure et de preuve du

  9   Tribunal, la Chambre est réunie aujourd'hui pour rendre son arrêt dans

 10   l'affaire le procureur contre Dragomir Milosevic. Conformément à l'usage du

 11   Tribunal international, je ne donnerai pas lecture du texte de l'arrêt, à

 12   l'exception de son dispositif. Je rappellerai plutôt les questions

 13   soulevées dans le cadre de la procédure d'appel et résumerai les

 14   conclusions de la Chambre d'appel. Je tiens à souligner que le résumé qui

 15   suit ne fait pas partie intégrante de l'arrêt. Le seul fait d'autorité

 16   l'exposé des conclusions et motifs de la Chambre d'appel que l'on trouve

 17   dans le texte écrit de l'arrêt dont des copies seront mises à la

 18   disposition des parties et du public à l'issue de l'audience.

 19   Les faits à l'origine du présent appel concernent les événements qui ont eu

 20   lieu dans la ville de Sarajevo en Bosnie-Herzégovine entre août 1994 et

 21   novembre 1995.

 22   Pendant cette période, Dragomir Milosevic était commandant du Corps de

 23   Sarajevo-Romanija, le RSK, la Chambre de première instance a conclu que les

 24   troupes du RSK, sous le commandement de Milosevic, étaient responsables des

 25   tirs isolés et des bombardements continus de la zone de Sarajevo,

 26   provoquant la mort ainsi que des blessures graves pour de nombreux civils.

 27   Par conséquent, elle a reconnu Milosevic coupable en application de

 28   l'article 7(1) du Statut d'avoir planifié et ordonné les crimes de

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  1   terrorisation [comme interprété] et violation des droits ou coutumes de la

  2   guerre, chef 1; d'assassinat et des actes inhumains des crimes contre

  3   l'humanité sous la forme de tirs isolés, chefs 2 et 3; et coupable pour les

  4   bombardements, chefs 5 et 6. Du fait de sa culpabilité au titre du chef 1,

  5   la Chambre de première instance a rejeté les chefs d'accusation d'attaques

  6   illégales contre des civils, chefs 4 et 7. La Chambre a estimé le cumul de

  7   ces chefs inacceptable, étant donné que les éléments du crime d'attaques

  8   illégales contre des civils sont entièrement compris dans le crime de

  9   terrorisation. La Chambre de première instance a condamné Dragomir

 10   Milosevic à une peine unique de 33 ans d'emprisonnement.

 11   Les deux parties ont interjeté appel du jugement. Milosevic a énoncé 12

 12   moyens d'appel contre le jugement. Il demande à la Chambre d'appel de

 13   l'acquitter de tous les chefs d'accusation. L'Accusation présente un seul

 14   moyen d'appel contre la peine et demande à la Chambre d'appel d'augmenter

 15   la peine imposée à Milosevic et de la transformer en emprisonnement à vie.

 16   Je commencerais par les moyens d'appel soulevés par Milosevic, suivis de

 17   ceux de l'Accusation.

 18   Dans la première partie de son premier moyen d'appel, Milosevic avance que

 19   la Chambre de première instance a déterminé à tort que tous les éléments

 20   constitutifs du crime de terrorisation avaient été remplis. En ce qui

 21   concerne l'actus reus du crime, la Chambre d'appel conclut que la Chambre

 22   de première instance a interprété de façon erronée l'arrêt Galic quand elle

 23   a déclaré que "le fait de causer la mort ou de porter des atteintes graves

 24   à l'intégrité physique ou à la santé est un élément requis du crime de

 25   terrorisation," et a ainsi commis une erreur de droit. Causer la mort ou

 26   porter des atteintes graves à l'intégrité physique ou à la santé ne

 27   représente que l'une des manières de commettre le crime de terrorisation et

 28   n'est donc pas un élément de l'infraction en soi. Toutefois, pour qu'une

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  1   infraction relève de la compétence de ce Tribunal, il faut que les victimes

  2   aient souffert de conséquences graves déclenchées par les actes ou les

  3   menaces de violence; de telles conséquences graves incluent la mort ou

  4   l'atteinte à l'intégrité physique ou à la santé, sans se limiter à celles-

  5   ci.

  6   Pour des motifs d'exposés dans son arrêt, la Chambre d'appel rejette en

  7   outre la thèse de l'Accusation suivant laquelle l'actus reus du crime de

  8   terrorisation est composé d'actes capables de répandre la terreur. Ceci

  9   étant dit, étant donné que la Chambre de première instance a conclu en

 10   l'espèce que tous les incidents attribués au RSK constituaient des attaques

 11   illégales contre des civils et ont par conséquent provoqué la mort ou porté

 12   une atteinte à l'intégrité physique ou à la santé des civils, le seuil de

 13   gravité requis a été atteint. De surcroît, la Chambre de première instance

 14   a établi que les incidents ont eu un impact psychologique considérable sur

 15   la population de Sarajevo ce qui, compte tenu des circonstances de

 16   l'affaire, remplit également les conditions de gravité requise pour que le

 17   crime relève de la compétence du Tribunal.

 18   Par conséquent, la Chambre d'appel déclare que l'erreur de droit de la

 19   Chambre de première instance, eu égard à l'actus reus du crime de

 20   terrorisation, n'a pas d'impact sur son analyse des éléments de preuve en

 21   l'espèce et en dernier ressort, sur la conclusion de culpabilité;

 22   cependant, au vu de l'erreur de droit de la Chambre de première instance,

 23   la Chambre d'appel estime qu'il est nécessaire de fournir une orientation

 24   eu égard aux droits applicables pour le cumul de déclarations de

 25   culpabilité relatives au crime de terrorisation et d'attaques illégales

 26   contre des civils. Elle estime, contrairement à la conclusion de la Chambre

 27   de première instance, que chacune des infractions en question comporte un

 28   élément qui exige la preuve d'un fait que n'exige pas l'autre, ce qui

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  1   permet le cumul des déclarations de culpabilité. Toutefois, la Chambre

  2   d'appel n'a pas étudié davantage la question car l'Accusation n'a pas

  3   interjeté appel contre le cumul des déclarations de culpabilité.

  4   La Chambre d'appel n'a pas retenu l'argument de Milosevic suivant lequel la

  5   Chambre de première instance n'a pas pu prendre en considération les

  6   preuves de la réelle terreur vécue par la population civile lorsqu'elle a

  7   déterminé le mens rea du crime. Elle conclut que le fait de répandre

  8   effectivement la terreur et les attaques sans discrimination était deux

  9   facteurs raisonnables dont la Chambre de première instance a tenu compte

 10   pour déterminer l'intention spécifique de Milosevic. La Chambre d'appel

 11   rappelle à cet égard que bien que la terrorisation effective de la

 12   population civile ne soit pas un élément du crime, des preuves de cette

 13   terrorisation peuvent permettre de déterminer d'autres éléments du crime de

 14   terrorisation. Pour ce qui est des indices mentionnés dans l'arrêt Galic,

 15   la Chambre d'appel souligne qu'il ne représente pas une liste exhaustive de

 16   considérations obligatoires, mais une indication de quelques facteurs qui

 17   peuvent être pris en considération en fonction des circonstances de

 18   l'affaire.

 19   La Chambre d'appel conclut que Milosevic n'a pas pu donner la preuve de

 20   toute erreur perceptible dans le raisonnement tenu par la Chambre de

 21   première instance à ce sujet. Cette branche du moyen d'appel est, par

 22   conséquent, rejetée. Le Juge Liu exprime une opinion dissidente sur la

 23   question et la compétence du Tribunal pour le crime de terrorisation et les

 24   éléments constitutifs du crime.

 25   Dans la deuxième branche du premier moyen d'appel, Milosevic allègue que la

 26   Chambre de première instance n'a pas pu déterminer au-delà de tout doute

 27   raisonnable que les attaques effectués par le RSK étaient dirigées contre

 28   des civils ou que les civils étaient les victimes de ces attaques.

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  1   D'emblée, la Chambre d'appel ne trouve aucune erreur dans les définitions

  2   de civils et de population civile énoncés par la Chambre de première

  3   instance et rejette l'argument de Milosevic selon lequel la Chambre de

  4   première instance a présumé que les victimes avaient le statut de civils.

  5   Milosevic soutient que la Chambre de première instance a commis une erreur

  6   en ne considérant pas comme zone militaire des secteurs entiers de

  7   Sarajevo, détenus par l'ABiH. Mais la Chambre d'appel souligne qu'il n'est

  8   pas nécessaire que des secteurs particuliers ou des zones soient appelés

  9   civils ou militaires. Il convient plutôt d'établir une distinction au cas

 10   par cas entre la population civile et les combattants ou entre les

 11   objectifs civils et militaires ciblés lors de chaque attaque. Les arguments

 12   de Milosevic à cet égard sont, par conséquent, rejetés.

 13   En outre, la Chambre d'appel rejette les allégations de Milosevic suivant

 14   lesquelles la Chambre de première instance n'a pas pris en considération

 15   les facteurs pertinents permettant d'évaluer si les attaques du RSK étaient

 16   dirigées contre la population civile. De plus, elle rejette sans considérer

 17   de façon détaillée les contestations non corroborées de Milosevic à propos

 18   du statut civil des victimes de plusieurs incidents de bombardements et de

 19   tirs isolés. Pour des motifs énoncés dans le jugement, le premier moyen

 20   d'appel de Milosevic est rejeté dans son intégralité.

 21   Par son deuxième moyen d'appel, Milosevic avance que la Chambre de première

 22   instance a établi de façon erronée certains faits en s'appuyant sur des

 23   éléments de preuve non présentés en première instance. La Chambre d'appel

 24   rejette les arguments de Milosevic qui déclare que la Chambre de première

 25   instance s'est fondée sur un rapport météorologique de l'OTAN, et soutient

 26   de façon gratuite qu'il n'était pas possible de déterminer l'état

 27   psychologique de la population civile à Sarajevo sans avoir recours à un

 28   expert en psychologie. Milosevic présente ses arguments relatifs au siège

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  1   de Sarajevo dans son quatrième moyen d'appel. Le deuxième moyen d'appel de

  2   Milosevic est, par conséquent, rejeté.

  3   Par son troisième moyen d'appel, Milosevic affirme que la Chambre d'appel

  4   n'a pas considéré l'intégralité des éléments de preuve, et notamment

  5   qu'elle n'a pas tenu compte des preuves d'activité militaire de l'ABiH. La

  6   Chambre d'appel conclut que Milosevic ne s'acquitte pas des obligations qui

  7   lui sont faites en appel, et rejette donc ce moyen d'appel.

  8   Par son quatrième moyen d'appel, Milosevic conteste les conclusions de la

  9   Chambre de première instance relatives au statut civil des tramways à

 10   Sarajevo. La Chambre d'appel note que la Chambre de première instance a

 11   considéré les éléments de preuve montrant que les tramways n'étaient pas

 12   utilisés pour le transport de troupes ou de matériel militaire. A

 13   l'exception de l'incident de tirs isolés du 27 février 1995, la Chambre de

 14   première instance a été convaincue qu'il n'y avait pas de personnel

 15   militaire dans les véhicules ou leur environ où ces incidents ont eu lieu.

 16   Pour ce qui est de l'incident de tirs isolés du 27 février 1995, la Chambre

 17   de première instance a entendu des éléments de preuve contradictoires à

 18   propos de la présence d'un soldat dans le tramway. La Chambre d'appel

 19   conclut, cependant, que l'affirmation de Milosevic selon laquelle la

 20   présence d'un soldat transformé le tramway en une cible militaire car il

 21   était utilisé pour le transport des militaires est irrecevable.

 22   En ce qui concerne les arguments de Milosevic eu égard au siège de

 23   Sarajevo, la Chambre d'appel considère que la Chambre de première instance

 24   a seulement utilisé le terme "siège" comme un moyen de description de la

 25   situation factuelle, et une référence aux conditions dans lesquelles était

 26   piégée la population de Sarajevo pendant la période de l'acte d'accusation,

 27   et il n'y a pas accordé de qualification juridique. En conséquence, la

 28   Chambre d'appel conclut que Milosevic n'a pas pu démontrer que la Chambre

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  1   de première instance avait commis quelque erreur de droit ou de fait. Les

  2   autres arguments de Milosevic à ce sujet sont également rejetés.

  3   Le douzième moyen d'appel fait état de la thèse de Milosevic relative à son

  4   absence de Sarajevo. Son quatrième moyen d'appel est rejeté à tous autres

  5   égards.

  6   Etant donné que le cinquième moyen d'appel de Milosevic a trait à la peine

  7   imposée par la Chambre de première instance, il sera abordé à la fin de ce

  8   résumé dans la partie pertinente à la peine.

  9   Par son sixième moyen d'appel, Milosevic fait valoir que la Chambre de

 10   première instance a commis une erreur de fait en concluant que Vojnicko

 11   Polje, Alipasino Polje, Dobrinja, Sedrenik, Hrasnica, et Marin Dvor étaient

 12   des quartiers civils dans la ville de Sarajevo. La Chambre d'appel a conclu

 13   qu'en dépit des formules un tant soit peu déroutantes de la Chambre de

 14   première instance, elle s'est livrée à juste titre à une analyse au cas par

 15   cas des cibles et modalités de l'attaque et non pas du statut des zones. La

 16   Chambre d'appel est convaincue que la Chambre de première instance a

 17   déterminé à juste titre que la population de ces quartiers de Sarajevo

 18   avait un statut de civil au moment des attaques dont elle était la cible.

 19   Par conséquent, la totalité du sixième moyen d'appel de Milosevic est

 20   rejeté.

 21   Par son septième moyen d'appel, Milosevic allègue que la Chambre de

 22   première instance a conclu à tort que des membres du RSK étaient à

 23   l'origine de certains tirs isolés. Pour ce qui est des tirs isolés contre

 24   Jasmina Tabakovic, Sanela Dedovic, Dervisa Selmanovic, Tarik Zunic, et

 25   Adnan Kasapovic, Milosevic n'est pas parvenu à établir que la Chambre de

 26   première instance avait commis une erreur en se fondant sur les éléments de

 27   preuve du dossier. Milosevic n'a pas non plus démontrer l'erreur quelle

 28   qu'elle fut commise par la Chambre de première instance dans sa conclusion

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  1   que les tramways étaient délibérément ciblés par les tireurs isolés du RSK.

  2   De même, dans les cas de Nermin Divovic et Dzenana Sokolovic, la Chambre

  3   d'appel conclut que la Chambre de première instance a entièrement considéré

  4   et apprécié tous les éléments de preuve pertinents et que Milosevic n'a pu

  5   démontrer aucune erreur manifeste dans son raisonnement. En conséquence, le

  6   septième moyen d'appel de Milosevic est entièrement rejeté.

  7   Par son huitième moyen d'appel, Milosevic conteste la conclusion de la

  8   Chambre de première instance suivant laquelle le RSK était à l'origine de

  9   certains incidents de tirs isolé.s Pour ce qui est du bombardement de la

 10   rue Livanjska, le 8 novembre 1994, la Chambre d'appel avance que Milosevic

 11   n'est pas parvenu à établir que les conclusions de la Chambre de première

 12   instance étaient erronées.

 13   En ce qui concerne le bombardement du marché aux puces de Bascarsija le 22

 14   décembre 1994, la Chambre d'appel note à propos de la direction des tirs,

 15   que les éléments de preuve montrent clairement que les deux obus qui ont

 16   explosés le 22 décembre 1994 au marché aux puces ont été tirés du sud-est.

 17   Néanmoins, pour ce qui est de l'origine des tirs, le dossier indique que le

 18   témoignage du Témoin W-12 constituait le seul élément de preuve permettant

 19   d'identifier avec précision l'origine comme étant Vidikovac; cependant, le

 20   Témoin W-12 a présenté sa conclusion en s'appuyant seulement sur le son

 21   d'un obus qui a été tiré. L'ABiH et le RSK avaient des positions, dans la

 22   direction d'où a été tiré l'obus, et la Chambre d'appel est d'avis qu'une

 23   analyse de la charge, comme cela est expliqué dans l'arrêt Galic, aurait pu

 24   déterminer avec une plus grande précision la position à partir de laquelle

 25   l'obus a été tiré. La Chambre de première instance n'est pas parvenue à

 26   examiner les faiblesses des éléments de preuve pertinents et n'a pas

 27   présenté clairement ces motifs de rejet d'autres conclusions possibles sur

 28   l'origine des tirs. Par conséquent, la Chambre estime qu'alors que les

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  1   éléments de preuve en l'espèce auraient pu conduire une Chambre de première

  2   instance raisonnable à conclure qu'il était plus que vraisemblable que les

  3   obus qui avaient frappé le marché aux puces le 22 décembre 1994 avaient été

  4   tirés à partir d'un territoire détenu par le RSK, il ne suffisait pas pour

  5   étayer une telle conclusion au-delà de tout doute raisonnable.

  6   Au vu de ce qui précède, la Chambre d'appel fait droit en partie au

  7   huitième moyen d'appel de Milosevic et annule sa déclaration de culpabilité

  8   pour l'incident de bombardement du 22 décembre 1994. Le reste de ce moyen

  9   d'appel est rejeté.

 10   Dans ses neuvième, dixième, et onzième moyen d'appel, Milosevic conteste

 11   plusieurs conclusions de la Chambre de première instance relatives à la

 12   possession et l'utilisation des bombes appelées bombes aériennes modifiées.

 13   Milosevic présente un argument général et avance que l'ABiH possédait des

 14   bombes aériennes modifiées; la Chambre d'appel conclut qu'il se contente de

 15   répéter ses arguments rejetés par la Chambre de première instance sans

 16   montrer aucune erreur spécifique dans ces conclusions. En outre, la Chambre

 17   d'appel note que la Chambre de première instance a apprécié l'allégation

 18   suivant laquelle l'ABiH utilisait ce type d'armes durant le conflit en

 19   examinant chacun des incidents individuels. En conséquence, même s'il était

 20   prouvé que l'allégation générale de Milosevic relative à la possession de

 21   bombes aériennes par l'ABiH pendant la période de l'acte d'accusation était

 22   vraie, cela n'aurait aucune incidence sur les conclusions afférentes à leur

 23   utilisation lors des incidents spécifiques dont il a été déclaré coupable.

 24   Pour ce qui est des conclusions de la Chambre de première instance à propos

 25   du bombardement du 28 juin 1995, Milosevic n'est pas parvenu à établir

 26   qu'aucun Juge raisonnable du fait aurait pu conclure sur la base des

 27   éléments de preuve présentés à la Chambre de première instance que

 28   l'immeuble de la télévision avait été touché par une bombe aérienne

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  1   modifiée lancée à partir du territoire détenu par le RSK. De même, en ce

  2   qui concerne l'utilisation des bombes aériennes lors d'explosions entre le

  3   7 avril et le 23 août 1995, Milosevic n'a pas pu démontrer que les

  4   conclusions, pertinentes de la Chambre de première instance, étaient

  5   erronées.

  6   A la lumière de ce qui précède, les 9e, 10e et 11e moyens d'appel sont

  7   rejetés.

  8   Par son 12e moyen d'appel, Milosevic conteste la conclusion de la

  9   Chambre suivant laquelle il a ordonné les attaques contre des civils. La

 10   Chambre d'appel observe qu'au lieu d'analyser la question de savoir si

 11   Dragomir Milosevic avait ordonné chaque tir des tireurs embusqués et chaque

 12   bombardement, la Chambre de première instance a conclu que ceci n'aurait

 13   pas pu se produire si elle n'en avait pas donné l'ordre dans le cadre de la

 14   campagne de terrorisation.

 15   La Chambre note tout d'abord que la Chambre de première instance, dans son

 16   examen de l'attaque généralisée ou systématique considère :

 17   "Q'une campagne est une stratégie militaire, ce n'est pas un élément

 18   constitutif, donc un chef d'acte d'accusation, que ce soit celui de la

 19   terrorisation, de l'assassinat ou d'actes inhumains."

 20   La Chambre d'appel relève cependant que dans d'autres parties du jugement,

 21   la Chambre de première instance semble juger Milosevic coupable d'avoir

 22   planifié et ordonné une campagne criminelle. La Chambre d'appel comprend

 23   que ces références servaient à illustrer la notion que les crimes en

 24   question formaient un mode opératoire constant qui s'inscrivait dans la

 25   campagne militaire du RSK à Sarajevo. Par conséquent, le terme de

 26   "campagne," tel qu'il est utilisé dans le présent arrêt, est à comprendre

 27   comme étant un terme descriptif illustrant le fait que les attaques menées

 28   contre la population civile de Sarajevo sous la forme de tirs isolés et de

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  1   bombardements était un mode opératoire systématique s'inscrivant dans la

  2   stratégie militaire mise en place.

  3   La Chambre d'appel relève que la Chambre de première instance ne cite aucun

  4   élément de preuve mentionnant un ordre précis qu'aurait donné Milosevic, eu

  5   égard à la campagne de tirs isolés et de bombardements à proprement parler.

  6   La Chambre de première instance préfère s'appuyer sur la nature de la

  7   campagne menée dans le contexte d'un commandement rigoureux pour conclure

  8   que celle-ci n'aurait pu être menée que sur "les instructions et les ordres

  9   de Milosevic." La Chambre d'appel n'est toutefois pas convaincue que la

 10   Chambre de première instance a établi au-delà de tout doute raisonnable

 11   l'existence d'un acte positif, acte qui est la condition requise pour que

 12   soit constitué l'actus reus du fait d'ordonner, acte qui montrerait ici que

 13   Milosevic a ordonné à ses troupes d'effectuer une campagne de tirs isolés

 14   et de bombardements dirigés contre la population de Sarajevo, la population

 15   civile de Sarajevo dans son ensemble.

 16   La Chambre d'appel relève également que Milosevic a été déclaré coupable

 17   d'avoir planifié et aussi, d'avoir ordonné la campagne de tirs isolés et de

 18   bombardements contre les civils de Sarajevo pendant la période couverte par

 19   l'acte d'accusation après qu'il eut succédé à Galic au poste de

 20   commandement.  Pour ce qui est de l'actus reus, du fait de planifier, la

 21   Chambre de première instance a conclu que Milosevic, même s'il n'avait pas

 22   à lui seul conçu la stratégie concernant Sarajevo et même si ses actes

 23   étaient en exécution d'ordres donnés par l'état-major principal de la VRS,

 24   il était capable de mettre en œuvre la stratégie d'ensemble comme bon lui

 25   semblait. Ces conclusions ne montrent pas clairement si Milosevic a été

 26   déclaré coupable d'avoir participé à la conception e la stratégie militaire

 27   concernant la campagne en cours en tant que tel ou d'avoir planifié chacun

 28   des incidents dont la Chambre de première instance l'a jugé responsable.

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  1   La Chambre d'appel estime aussi qu'il est difficile de voir sur quels

  2   éléments de preuve précis la Chambre de première instance s'est fondée pour

  3   arriver à ces conclusions. En raison de ces incertitudes, la Chambre

  4   d'appel conclut que la responsabilité de Milosevic pour avoir planifié la

  5   campagne de tirs isolés et de bombardements dirigés contre la population

  6   civile de Sarajevo n'a pas été établie au-delà de tout doute raisonnable.

  7   La Chambre d'appel souligne que les conclusions susmentionnées concernent

  8   uniquement la responsabilité pénale individuelle de Milosevic. Elles n'ont

  9   pas d'incidence sur les conclusions de la Chambre de première instance en

 10   l'espèce, ni sur celles tirées par la Chambre de première instance et la

 11   Chambre d'appel dans l'affaire Galic, selon lesquelles il y a eu une

 12   campagne de bombardements et de tirs isolés dirigés contre la population

 13   civile de Sarajevo pendant la période couverte par l'acte d'accusation.

 14   La Chambre aborde maintenant la question de la responsabilité de Milosevic

 15   visée aux chefs d'accusation 1, 5 et 6, en raison de bombardements. Partant

 16   des éléments de preuve retenus par la Chambre de première instance et

 17   compte tenu du fait établi que Milosevic a directement participé à

 18   l'utilisation et au déploiement de bombes aériennes modifiées et a donné

 19   des ordres relatifs à leur utilisation dès le mois d'août 1994, la Chambre

 20   d'appel estime qu'il n'était pas déraisonnable que la Chambre de première

 21   instance conclut au-delà de tout doute raisonnable que tous les

 22   bombardements effectués au moyen de bombes aériennes modifiées et de

 23   mortiers par le RSK sur Sarajevo pendant la période couverte par l'acte

 24   d'accusation ne pouvaient se faire que sur ordre de Milosevic. Toutefois,

 25   la Chambre d'appel observe que la Chambre de première instance se fonde sur

 26   pratiquement la même série de faits pour conclure que Milosevic a planifié

 27   les bombardements cités dans l'acte d'accusation. Au vu des éléments du

 28   dossier, la Chambre conclut proprio motu que la responsabilité encourue par

Page 183

  1   Milosevic pour avoir ordonné les bombardements englobe la totalité de son

  2   comportement criminel et qu'il ne convient dès lors pas de le déclarer

  3   coupable d'avoir planifié ces mêmes crimes.

  4   Après avoir examiné la question de la responsabilité de Milosevic visée aux

  5   chefs d'accusation 1, 2 et 3, lesquels concernent les tirs isolés, la

  6   Chambre d'appel conclut que la Chambre de première instance a commis une

  7   erreur d'appréciation en tenant compte de cas où Milosevic a agi pour

  8   empêcher des tirs de tireurs embusqués et y a vu la preuve, disent qu'il

  9   avait planifié et ordonné les tirs de tireurs embusqués sur les civils.

 10   Deuxièmement, la Chambre de première instance cite "un ordre de

 11   préparation comparée de préparation d'un plan de tir sur la vieille ville,

 12   comme exemple de ce que Milosevic a planifié et ordonné les tirs isolés,

 13   sans pourtant accompagner cette mention d'une pièce du dossier ou de la

 14   déposition d'un témoin. La Chambre d'appel se trouve ainsi dans

 15   l'incapacité de discerner ce à quoi la Chambre de première instance faisait

 16   précisément référence. De plus, la Chambre d'appel conclut que les éléments

 17   de preuve cités par la Chambre de première instance à l'appui de la

 18   conclusion selon laquelle Milosevic détenait le contrôle général des

 19   activités de tirs isolés et de formation n'autorise pas à conclure que la

 20   seule déduction raisonnable que la Chambre de première instance pouvait

 21   tirer était que Milosevic avait ordonné tous les tirs isolés attribués aux

 22   tireurs embusqués du RSK.

 23   Cependant, la Chambre d'appel observe que ces conclusions n'excluent pas la

 24   responsabilité de Milosevic en raison de crimes commis par des tireurs

 25   embusqués, en application de l'article 7(3) du Statut, étant donné que

 26   cette forme de responsabilité est invoquée dans l'acte d'accusation et fut

 27   examinée dans la jugement de première instance. La Chambre d'appel est

 28   convaincue que même si la Chambre de première instance n'a pas déclarée

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  1   Milosevic coupable en application de l'article 7(3) du Statut, elle est

  2   parvenue aux conclusions requises pour établir sa responsabilité de

  3   supérieur hiérarchique en ce qui concerne les tirs isolés. Après avoir

  4   appliqué les bons principes de droit aux conclusions de la Chambre de

  5   première instance, la Chambre d'appel est convaincue que la responsabilité

  6   de Milosevic, en application de l'article 7(3) du Statut pour ne pas avoir

  7   empêché la commission de ces crimes par ses subordonnés et n'en avoir pas

  8   puni les auteurs est établie au-delà de tout doute raisonnable.

  9   La Chambre va maintenant procéder à l'examen des arguments invoqués par

 10   Milosevic dans son quatrième moyen d'appel. Il ne serait être tenu

 11   responsable d'avoir planifié et ordonné les incidents survenus entre le 6

 12   août et le 10 septembre 1995, car il se trouvait, dit-il, à Belgrade, où il

 13   suivait un traitement médical. Il est ici question du bombardement, le 22

 14   août 1995, de l'immeuble BITAS, et le 28 août 1995, du marché de Markale.

 15   La Chambre d'appel rappelle que pendant l'hospitalisation de Milosevic à

 16   Belgrade, c'était son chef d'état-major, Cedomir Sladoje, qui était chargé

 17   du commandement du RSK à Sarajevo et donnait les ordres à la place du

 18   commandant. La Chambre d'appel conclut dès lors que même si Milosevic avait

 19   officiellement conservé son grade et ses fonctions, le poste d'autorité sur

 20   le terrain était occupé par le commandant suppléant, ne serait-ce que

 21   temporairement.

 22   De l'avis de l'Accusation, la totalité des éléments de preuve permet de

 23   déduire qu'avant son départ, Milosevic a ordonné à Cedomir Sladoje de

 24   poursuivre la campagne en son absence. Néanmoins, la Chambre d'appel note

 25   que l'Accusation n'a pas fait valoir cet argument pendant le procès et que

 26   la Chambre de première instance ne l'a d'ailleurs pas analysé. En tout état

 27   de cause, la Chambre d'appel n'est pas convaincu que ce soit là la seule

 28   déduction que l'on puisse raisonnablement tirer des éléments de preuve

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  1   cités par l'Accusation.

  2   La Chambre d'appel observe que la Chambre de première instance n'a pas

  3   établi l'existence de l'acte positif prérequis pour que soit constitué

  4   l'élément matériel actus reus du fait d'ordonner les deux bombardements en

  5   question. En outre, la Chambre d'appel juge déraisonnable la déduction de

  6   la Chambre de première instance selon laquelle Milosevic a ordonné ces deux

  7   bombardements au motif que ces deux bombardements étaient similaires à ceux

  8   survenus pendant sa présence à Sarajevo, et qu'il s'inscrivait donc dans le

  9   cadre du plan global et des ordres généraux de Milosevic. Par conséquent,

 10   la Chambre d'appelle annule les conclusions de la Chambre de première

 11   instance sur ce point et acquitte Milosevic des crimes concernant le

 12   bombardement, le 22 août 1995, de l'immeuble BITAS et le bombardement, le

 13   28 août 1995, du marché de Markale.

 14   En raison de ce qui précède, la Chambre d'appel accueille en partie les

 15   moyens d'appel 13 et 4 de Milosevic, et premièrement, maintient des

 16   déclarations de culpabilité pour avoir ordonné le bombardement de la

 17   population civile de Sarajevo pendant la période couverte par l'acte

 18   d'accusation, à l'exception du bombardement du marché aux puces de

 19   Bascarsija survenu le 22 décembre 1994, du bombardement, le 22 août 1995,

 20   de l'immeuble BITAS, et du bombardement, le 28 août 1995, du marché de

 21   Markale; deuxièmement, annule la déclaration de culpabilité pour avoir

 22   planifié ces mêmes crimes; et troisièmement, remplace les déclarations de

 23   culpabilité prononcées contre Milosevic pour avoir planifié et ordonné des

 24   tirs isolés contre la population civile par des déclarations de culpabilité

 25   relevant respectivement de l'article 7(3) du Statut.

 26   Comme le montre l'exposé des motifs du présent arrêt, en raison de

 27   l'acquittement prononcé pour le bombardement, le 22 août 1995, de

 28   l'immeuble BITAS, et le bombardement, le 28 août 1995, du marché de

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  1   Markale, la Chambre n'a pas à examiner les griefs présentés par Milosevic à

  2   propos des victimes de ces bombardements et de la participation du RSK à

  3   ceci. A cet égard, les conclusions de la Chambre de première instance à ce

  4   sujet demeurent inchangées.

  5   Je vais maintenant passer à l'examen des moyens d'appel concernant la peine

  6   fixée par la Chambre de première instance.

  7   S'agissant du cinquième moyen d'appel de Milosevic, la Chambre d'appel

  8   conclut que bien replacer dans son contexte, la référence de la Chambre de

  9   première instance au fait que Milosevic a par ses ordres planifié et

 10   ordonné des violations flagrantes et systématiques du droit humanitaire

 11   constitue un simple exemple d'abus d'autorité de la part de Milosevic, ce

 12   qui fut la circonstance aggravante précise dûment prise en compte par la

 13   Chambre de première instance. Par conséquent, la Chambre d'appel, à

 14   l'exception de M. le Juge Liu, conclut que la Chambre de première instance

 15   a correctement tenu compte de ce facteur au moment de fixer la peine. De

 16   même, Milosevic n'a pas pu démontrer d'erreur commise par la Chambre de

 17   première instance dans l'appréciation des autres circonstances qu'elle a

 18   jugées aggravantes. Pour ces raisons, la Chambre d'appel rejette le

 19   cinquième moyen d'appel de Milosevic.

 20   Cependant, la Chambre d'appel conclut proprio motu que la Chambre de

 21   première instance a fait un double décompte de certains facteurs lors de

 22   l'examen de la gravité des crimes et des circonstances aggravantes. De

 23   l'avis de la Chambre d'appel, il n'est pas autorisé de compter deux fois

 24   les facteurs suivants en matière de peine : abus d'autorité conféré par la

 25   fonction, bombardement indiscriminé de civils, et effet de terrorisation

 26   provoquée par les bombardements et tirs de tireurs embusqués sur la

 27   population civile. La Chambre d'appel estime néanmoins que ces facteurs

 28   même s'il ne sont pris en compte qu'une seule fois, entraînent une peine

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  1   comparable à celle imposée par la Chambre de première instance à Milosevic.

  2    L'Accusation a présenté un seul moyen d'appel, invoquant une erreur de

  3   droit de la part de la Chambre de première instance lorsque celle-ci a

  4   imposé une peine de 33 ans d'emprisonnement, peine que l'Accusation estime

  5   manifestement trop faible vu les faits en cause. De l'avis de l'Accusation

  6   la seule peine rend bien compte de la responsabilité de Milosevic est

  7   l'emprisonnement à vie.

  8   Après examen des circonstances atténuant es, la Chambre d'appel estime que

  9   l'Accusation n'a démontré aucune erreur manifeste supposément commise par

 10   la Chambre de première instance dans son appréciation des circonstances

 11   atténuantes si ce n'est qu'elle n'était pas d'accord avec la décision de la

 12   Chambre de première instance. Même si une autre Chambre de première

 13   instance aurait pu raisonnablement ne pas accorder le même poids aux

 14   circonstances atténuantes, la Chambre d'appel conclut que la Chambre de

 15   première instance n'a pas outrepassé son pouvoir d'appréciation dans la

 16   peine qu'elle a prononcée.

 17   S'agissant de la gravité des crimes dont Milosevic a été déclaré coupable,

 18   notamment du rôle qu'il a joué dans la commission de ces crimes, le

 19   chapitre du jugement en première instance s'y afférant démontre clairement

 20   que la Chambre de première instance a dûment tenu compte de tous les

 21   éléments présentés par l'Accusation. Si l'on compare cette peine à celle

 22   imposée en appel à Stanislav Galic, la Chambre d'appel ne fait pas

 23   abstraction des indications que peuvent fournir des décisions antérieures.

 24   De telles indications sont toutefois d'une portée limitée, car les

 25   différences, que présentent deux affaires, pèsent souvent plus que leur

 26   similitude, et les circonstances aggravantes et atténuantes entre -- à une

 27   affaire entraînent forcément des résultats différents. Même si un autre

 28   Juge des faits raisonnable aurait pu imposé une peine plus lourde à

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  1   Milosevic, la Chambre d'appel considère que la peine fixée par la Chambre

  2   de première instance n'est pas déraisonnable ou clairement injuste au point

  3   de nécessiter l'intervention de la Chambre d'appel.

  4   En raison de ce qui précède, la Chambre d'appel rejette l'appel de

  5   l'Accusation dans sa totalité.

  6   C'est ainsi que se termine l'examen des moyens d'appel soulevé par les

  7   parties, je vais maintenant passer à l'analyse de l'incidence des

  8   conclusions de la Chambre d'appel sur la peine fixée par la Chambre de

  9   première instance.

 10   En premier lieu, la Chambre d'appel conclut que l'annulation de la

 11   déclaration de culpabilité prononcée contre Milosevic pour avoir planifié

 12   les crimes de terrorisation, assassinat, et actes inhumains n'entraîne pas

 13   de diminution de peine compte tenu du comportement criminel de Milosevic et

 14   de la gravité des crimes qui restent inchangés. De même, le fait que

 15   Milosevic est déclaré coupable en application de l'article 7(3), et non

 16   plus de l'article 7(1) du Statut en raison de crimes commis par des tireurs

 17   embusqués ne diminuent pas compte tenu des éléments du dossier le rôle

 18   actif et central qu'il a joué dans la commission de ces crimes. En fait,

 19   Dragomir Milosevic qui était le commandant ne s'est pas contenté de tolérer

 20   que ces crimes soient commis. En maintenant et en intensifiant la campagne

 21   dirigée contre la population civile de Sarajevo pendant toute la période

 22   couverte par l'acte d'accusation, il a continué d'encourager ses

 23   subordonnés à commettre ces crimes contre des civils. Ceci ne justifie dès

 24   lors aucune réduction de peine.

 25   En ce qui concerne les incidents nommément cités, la Chambre d'appel a

 26   annulé la déclaration de culpabilité prononcée contre Milosevic pour le

 27   bombardement le 22 décembre 1994 du marché aux puces de Bascarsija, le

 28   bombardement le 22 août 1995 de l'immeuble BITAS, et le bombardement le 28

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  1   août 1995 du marché de Markale. Bien que ces conclusions ne changent rien

  2   au fait que la population de Sarajevo toute entière a été la victime du

  3   crime de terrorisation commis sous le commandement de Milosevic, ces

  4   conclusions ont pour résultat de diminuer le nombre de victimes des crimes

  5   d'assassinat et d'actes inhumains imputables à Milosevic au titre des chefs

  6   5 et 6 de l'acte d'accusation. La Chambre d'appel estime en conséquence que

  7   ces annulations ont une incidence -- limitée, sur la culpabilité générale

  8   de Milosevic.

  9   Je vais à présent donner lecture du dispositif de l'arrêt.

 10   Monsieur Dragomir Milosevic, veuillez vous lever.

 11   [L'appelant se lève]

 12   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Pour ces motifs, la Chambre d'appel, en

 13   application de l'article 25 du Statut et des articles 117 et 118 du

 14   Règlement de procédure et de preuve, vu les écritures respectifs des

 15   parties et leurs exposés au procès en appel, tenu le 21 juillet 2009,

 16   siégeant en audience publique, accueille en partie le quatrième moyen

 17   d'appel de Milosevic, dans la mesure où il concerne les crimes commis quand

 18   il était absent de Sarajevo et infirment la déclaration de culpabilité de

 19   Milosevic pour avoir planifié et ordonné le bombardement, le 22 août 1995,

 20   de l'immeuble BITAS, et le bombardement, le 28 août 1995, du marché de

 21   Markale, chef 1 en partie, chef 5 en partie, chef 6 en partie; accueille en

 22   partie le huitième moyen d'appel de Milosevic et infirme la déclaration de

 23   culpabilité prononcée contre Milosevic pour avoir planifié et ordonné le

 24   bombardement, le 22 décembre 1994, du marché aux puces de Bascarsija, chef

 25   1 en partie, chef 5 en partie, chef 6 en partie; accueille en partie le

 26   douzième moyen d'appel de Milosevic, infirme la déclaration de culpabilité

 27   prononcée contre Milosevic pour avoir planifié et ordonné les crimes visés

 28   au chef d'accusation 1, concernant en partie les tirs des tireurs embusqués

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  1   sur la population civile et ce visée aux chefs 2 et 3, et déclare Milosevic

  2   coupable de ces crimes au terme de l'article 7(3) du Statut; et infirme les

  3   déclarations de culpabilité pour avoir planifié ces crimes visés au chef 1,

  4   en partie, en ce qui concerne le pilonnage de la population civile et aux

  5   chefs 5 et 6; elle rejette tous les autres moyens d'appel de Milosevic;

  6   confirme les autres déclarations de culpabilité prononcées contre Milosevic

  7   en ce qui concerne le chef 1, le Juge Liu ayant exprimé une opinion

  8   dissidente, et les chefs 5 et 6; rejette l'appel d'accusation, réduit la

  9   peine de Milosevic à 29 ans d'emprisonnement, le temps passé en détention

 10   provisoire étant à déduire de la durée totale de la peine, comme le prévoit

 11   l'article 1 (C) du Règlement; ordonne, en application des articles 103 (C)

 12   et 107 du Règlement, que Milosevic reste sous la garde du Tribunal jusqu'à

 13   ce que soit arrêtées toutes les dispositions nécessaires pour son transfert

 14   vers l'Etat dans lequel il purgera sa peine.

 15   Le Juge Liu joint une opinion partiellement dissidence.

 16   Monsieur Milosevic, vous pouvez vous rasseoir.

 17   [L'appelant s'asseoit]

 18   M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Monsieur le Greffier. Veuillez

 19   distribuer des exemplaires de l'arrêt aux parties.

 20   Ceci met fin à la procédure d'appel. L'audience est levée.

 21   --- Le Jugement en appel est levé à 9 heures 50.

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