LE PROCUREUR DU TRIBUNAL

CONTRE

DRAZEN ERDEMOVIC

ACTE D'ACCUSATION

Le Procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, en vertu des pouvoirs que lui confère l'Article 18 du Statut du Tribunal, accuse :

DRAZEN ERDEMOVIC

d'un CRIME CONTRE L'HUMANITE ou bien d'une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, comme décrits ci-dessous :

1. Le 16 avril 1993, le Conseil de sécurité des Nations Unies, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, a adopté la Résolution 819 demandant que toutes les parties au conflit dans la République de Bosnie-Herzégovine traitent Srebrenica et ses environs comme une zone de sécurité à l'abri de toute attaque armée ou de tout acte d'hostilité. La Résolution 819 fut réaffirmée par la Résolution 824 du 6 mai 1993 et par la Résolution 836 du 4 juin 1993.

2. Le 6 juillet 1995, l'armée serbe de Bosnie a déclenché une attaque contre la "zone de sécurité" des Nations Unies de Srebrenica. Cette attaque s'est prolongée jusqu'au 11 juillet 1995, lorsque les premières unités de l'arme serbe bosniaque sont entrées dans Srebrenica.

3. Les milliers de civils bosniasques musulmans qui étaient à Srebrenica pendant cette attaque se sont enfuis vers la base des Nations Unies à Potocari et y ont cherché refuge ainsi qu'aux environs.

4. Entre le 11 et le 13 juillet 1995, le personnel militaire bosno-serbe a sommairement exécuté un nombre inconnu de musulmans bosniaques à Potocari et à Srebrenica.

5. Entre le 12 et le 13 juillet 1995, des hommes, femmes et enfants musulmans de Bosnie qui s'étaient réfugiés dans le camp des Nations Unies de Potocari et à proximité, ont été mis dans des bus et des camions sous l'autorité de membres de l'armée bosno-serbe et de la police et transportés hors de l'enclave de Srebrenica. Avant de monter dans les bus et les camions, les hommes musulmans ont été séparés des femmes et enfants et transportés vers divers centres de rassemblement autour de Srebrenica.

6. Un deuxième groupe d'environ 15 000 hommes musulmans bosniaques, avec des femmes et des enfants, ont fui Srebrenica le 11 juillet 1995 à travers bois, en direction de Tuzla, en formant une vaste colonne. Un grand nombre des hommes musulmans bosniaques qui composaient cette colonne ont été capturés par les hommes de la police ou de l'armée bosno-serbe ou se sont rendus.

7. Des milliers d'hommes musulmans qui avaient été séparés de leurs femmes et enfants à Potocari ou qui avaient été capturés ou s'étaient rendus aux hommes de la police ou de l'armée bosno-serbe ont été envoyés vers différents sites de rassemblement en dehors de Srebrenica dont, entre autres, un hangar à Bratunac, un terrain de foot à Nova Kasaba, un entrepôt à Kravica, l'école primaire et le gymnase de "Veljko Luki}-Kurjak" à Grbavci, dans la municipalité de Zvornik et dans divers champs et prés qui bordent la route entre Bratunac et Mili}i.

8. Entre le 13 juillet 1995 et le 22 juillet 1995 environ, des milliers d'hommes musulmans de Bosnie ont été exécutés sommairement par des membres de l'armée bosno-serbe et de la police serbe de Bosnie à divers endroits dont, entre autres, un entrepôt à Kravica, un pré et un barrage près de Lazete et plusieurs autres endroits.

9. Le 16 juillet 1995, DRAZEN ERDEMOVIC et d'autres membres du 10ème détachement de sabotage de l'armée serbe de Bosnie ont été envoyés dans une ferme collective près de Pilica. Cette ferme se situe au nord-ouest de Zvornik dans la municipalité de Zvornik.

10. Le 16 juillet 1995, DRAZEN ERDEMOVIC et d'autres membres de son unité, ont été informés que des bus, venant de Srebrenica, remplis de civils bosniaques musulmans qui s'étaient rendus aux membres de la police ou de l'armée bosno-serbe, allaient arriver tout au long de la journée dans cette ferme collective.

11. Le 16 juillet 1995, des bus remplis d'hommes musulmans de Bosnie sont arrivés dans la ferme collective à Pilica. Chaque bus était rempli d'hommes musulmans, âgés de 17 à 60 ans. A l'arrivée de chaque bus, des membres du 10ème détachement de sabotage les faisaient descendre par groupe de 10 et les escortaient jusqu'à un champ adjacent aux bâtiments de la ferme et les faisaient mettre en ligne, tournant le dos à DRAZEN ERDEMOVIC et aux membres de son unité.

12. Le 16 juillet 1995, DRAZEN ERDEMOVIC, a tué, exécuté et participé avec d'autres membres de son unité et des soldats d'une autre brigade à l'exécution et au massacre d'hommes musulmans bosniaques non armés, à la ferme collective de Pilica. Ces exécutions sommaires ont causé la mort de centaines de civils musulmans de Bosnie.


L'ACCUSE

13. DRAZEN ERDEMOVIC est né le 25 novembre 1971 dans la municipalité de Tuzla. Il était soldat du 10ème détachement de sabotage de l'armée serbe de Bosnie. Il est actuellement en détention au quartier pénitentiaire des Nations Unies à La Haye.


CONTEXTE GENERAL

14. A toutes les dates indiquées dans cet acte d'accusation, une situation de conflit armé et d'occupation partielle régnait dans la République de Bosnie­Herzégovine dans le territoire de l'ancienne Yougoslavie.

15. DRAZEN ERDEMOVIC est individuellement responsable du crime allégué contre lui dans cet acte d'accusation conformément au paragraphe 1 de l'article 7 du Statut du Tribunal. La responsabilité pénale individuelle concerne quiconque planifie, incite à commettre, ordonne, commet ou de toute autre manière aide et encourage à planifier, préparer ou exécuter un crime visé aux articles 3 et 5 du Statut du Tribunal.

CHEFS D'ACCUSATION

CHEFS D'ACCUSATION 1-2
(CRIME CONTRE L'HUMANITE)
(VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE)

16. Par ses actes se rapportant aux événements décrits au paragraphe 12, DRAZEN ERDEMOVIC a commis :

Chef d'accusation 1 : UN CRIME CONTRE L'HUMANITE sanctionné par l'article 5 a) (meurtre) du Statut du Tribunal.

ou

Chef d'accusation 2 : UNE VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, sanctionnée par l'article 3 du Statut du Tribunal et reconnue par l'article 3 1) a) (meurtre) des Conventions de Genève.

 

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Richard J. Goldstone
Procureur

22 mai 1996
La Haye, Pays-Bas