Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-17/1-PT

2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE

3 Mercredi 29 avril 1998

4 LE PROCUREUR

5 c/

6 ANTO FURUNDZIJA

7 L’audience est ouverte à 8 heures 30.

8 Mme le Président (interprétation). - Bonjour, le greffe peut-il

9 introduire l'affaire?

10 M. Bos (interprétation). - Il s'agit de l'affaire IT-95-17/1-PT,

11 le Procureur contre Anto Furundzija.

12 Mme le Président (interprétation). - Monsieur Furundzija,

13 m'entendez-vous dans une langue que vous comprenez?

14 M. Furundzija (interprétation). - Oui.

15 Mme le Président (interprétation). - Les parties peuvent-elles

16 se présenter?

17 M. Blaxill (interprétation). - Bonjour, l'accusation est

18 représentée aujourd'hui par moi-même, M. Blaxill, Mme Patricia Sellers et

19 notre substitut d'audience, Mme Udo.

20 Mme le Président (interprétation). - La défense?

21 M. Misetic (interprétation). - Bonjour, Madame et

22 Messieurs les Juges, je m'appelle Luka Misetic et je défends

23 Anto Furundzija.

24 Mme le Président (interprétation). - Ce matin, nous avons à nous

25 saisir de certaines requêtes. D'abord, l'une présentée par la défense pour

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1 ce qui est des vices de forme

2 dans l'acte d'accusation mais, je voudrais dire à ce stade que, même si

3 l'accusation a répliqué à cette requête, elle l'a fait en dehors des

4 temps. Nous n'allons donc pas examiner la réplique de l'accusation mais,

5 si la défense veut présenter des arguments relatifs à la requête qu'elle a

6 déposée -et nous n'avons d'ailleurs reçu la doctrine concernant les cas...

7 M. Misetic (interprétation). - Je ne vous ai pas entendu.

8 Mme le Président (interprétation). - Nous avons reçu la doctrine

9 à l'appui de vos arguments et si vous voulez poursuivre la présentation de

10 vos arguments, libre à vous de le faire.

11 M. Misetic (interprétation). - Madame le Président, j'ai préparé

12 quelques arguments que j'aimerais vous présenter, si vous me le permettez,

13 dans le cadre de nos débats.

14 Mme le Président (interprétation). - Poursuivez.

15 M. Misetic (interprétation). - Bonjour, Madame le Président

16 Mumba, Monsieur le Juge Cassese, Monsieur le Juge May. Aujourd'hui,

17 29 avril 1998, M. Furundzija vous demande d'utiliser les pouvoirs qui vous

18 sont investis en vertu du Statut et du Règlement afin de rejeter toutes

19 les charges retenues contre lui, pour lui permettre de rentrer sans plus

20 tarder chez lui. Le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie a

21 été constitué afin de poursuivre des infractions graves au droit

22 humanitaire international, comme le génocide, le crime et le viol

23 systématique.

24 Le Tribunal existe pour veiller à ce que des architectes, ceux

25 qui ont créé cette politique du nettoyage ethnique, n'échappent pas à la

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1 justice. Mais, contrairement à ce que croient les commentateurs, l'opinion

2 publique, le Tribunal Pénal International n'est pas seulement ici pour

3 sanctionner des violations du droit international humanitaire. Le Tribunal

4 Pénal International est ici pour veiller à ce que l'état de droit et la

5 règle de droit soient appliqués et respectés. En s'intéressant à

6 l'exécution de cet état de droit, les lois humaines sont améliorées en

7 punissant ceux qui commettent des crimes de nettoyage ethnique mais,

8 aussi, en protégeant

9 avec sérieux les droits des personnes traduites devant ce Tribunal.

10 Il y a parmi ces personnes Anto Furundzija et nous demandons à

11 vous, Madame et Messieurs les Juges, d'insuffler vie aux droits entérinés

12 dans l'article 21 du Statut et aux droits repris dans le Pacte

13 international des droits civils et politiques pour faire droit à l'accusé.

14 La brève genèse de cette affaire -vous vous en souviendrez-, la

15 voici. Nous avons déjà déposé une exception préjudicielle invoquant le

16 caractère vague de l'acte d'accusation. Il y a eu plaidoirie le 9 mars,

17 devant vous, en 1998. Vous avez rejeté cette exception, mais vous avez

18 exigé de l'accusation qu'elle précise comment Anto Furundzija aurait porté

19 atteinte à l'article 7 du Tribunal.

20 L'accusation a manqué à son obligation de respecter cette

21 ordonnance, en lieu et place elle a déposé un document intitulé réplique

22 de l'accusation en ce qui concerne l'article 7.3 du Tribunal, et nous a

23 énuméré une série de théories qu'elle pourrait invoquer dans le procès

24 intenté contre M. Furundzija, sans préciser les faits et sans préciser

25 comment, de droit et de faits, il y a eu violation de l'article 7.1 par

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1 M. Furundzija. L'accusation n'invoque pas une théorie de la responsabilité

2 au titre du 7.1 et c'est assez incroyable que l'accusation inclue vers la

3 fin de sa requête le droit d'évoquer une autre théorie, au moment du

4 procès, théories qui n'auraient pas été divulguées précédemment mais qui

5 pourraient surgir du cours des débats.

6 Il n'en demeure pas moins qu'en dépit des affirmations proposées

7 par la défense selon laquelle cette réplique est en contravention d'une

8 ordonnance rendue par cette Chambre, il apparaît clairement que

9 l'accusation a maintenant l'intention de poursuivre une des six théories

10 concernant la responsabilité, en vertu de l'article 7.1: théorie selon

11 laquelle il a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou, de toute

12 autre manière, aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un

13 crime visé par cet article s'agissant du témoin A.

14 S'agissant des cinq premières possibilités de théories de la

15 responsabilité, il faut que ces charges soient déboutées au motif de leur

16 caractère vague et c'est là, en fait, une litote : il n'y

17 a pas d'allégation factuelle dans l'acte d'accusation, dans la réplique de

18 l'accusation ou dans les pièces jointes qui soient à l'appui de toute

19 allégation selon laquelle M. Furundzija aurait planifié, ordonné, incité à

20 commettre, aidé et encouragé à planifier ou à exécuter ou à ordonner un

21 tel viol. On ne trouve rien de ce genre. En fait, l'acte d'accusation dit

22 de façon précise que le témoin A a été violée au moins quatre fois avant

23 qu'on ne mentionne -j'insiste là-dessus- M. Furundzija dans l'acte

24 d'accusation. Cela vaut également pour les pièces jointes communiquées à

25 la défense qui ont été déposées au dossier de cette affaire.

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1 Alors, d'où tient l'accusation cette idée selon laquelle

2 M. Furundzija aurait planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou aidé

3 et encouragé, cela n'apparaît pas dans les documente. Cela n'est pas non

4 plus clair pour la défense qui affirme que, en verte de l'article 21 du

5 Statut, la défense est habilitée à connaître le fondement de ces

6 allégations, ce qui nous permettrait de savoir précisément s'il y avait eu

7 planification, si c'est là la théorie de la responsabilité que va retenir

8 l'accusation, où cela s'est passé, si cela s'est passé, avec qui cela

9 s'est passé, mais, aucune allégation factuelle ne vient à l'appui de la

10 théorie de l'accusation. Nous demandons donc que les cinq premières

11 théories de la responsabilité soient rejetées par la Cour.

12 S'agissant de la sixième éventualité de responsabilité, de la

13 sixième théorie en vertu du 7.1, certaines allégations factuelles sont

14 avancées dans l'acte d'accusation et dans les pièces jointes. Si la preuve

15 devait en être apportée au procès, effectivement, l'accusation pourrait

16 dire que M. Furundzija a aidé et encouragé à exécuter ces viols.

17 J'affirmerais à ce propos que la défense et M. Furundzija réfutent

18 rigoureusement les faits qui lui sont reprochés dans l'acte d'accusation

19 et les pièces jointes.

20 Il n'empêche, qu'aux seules fins de cette requête, nous

21 concédons toutes allégations factuelles reprises dans l'acte d'accusation

22 et dans les pièces jointes. Nous vous demandons de tirer les conclusions

23 juridiques pour savoir si ces allégations factuelles sont suffisantes.

24 Les allégations reprises dans l'acte d'accusation et dans les

25 pièces jointes, à l'appui

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1 des thèses de la responsabilité, sont les suivantes. La personne que je

2 qualifierai d'accusé A aurait violé le témoin A à quatre reprises,

3 le 15 mai 1993 ou vers cette date. L'acte d'accusation affirme que

4 d'autres individus ont amené l'accusé A à un endroit précis et que cet

5 accusé A a commis une série d'actes, y compris le viol, y compris des

6 sévices physiques infligés au témoin A. Puis, l'acte affirme que

7 M. Furundzija est apparu à cet endroit, a posé quelques questions au

8 témoin A et qu'il était présent au moment où l'accusé A a commis un

9 nouveau viol du témoin A. L'acte d'accusation dit que M. Furundzija aurait

10 abandonné l'endroit et qu'au cours des deux mois suivants, l'accusé A

11 aurait poursuivi ces actes de viol, à raison d'au moins douze reprises.

12 La question qui se pose à la chambre est la suivante : lorsque

13 l'on défend une théorie de responsabilité individuelle, quel est le

14 critère d'administration de la preuve ? Dans l'affaire Tadic, la Chambre

15 d'instance dans son jugement a étudié la question du droit international

16 et a déterminé qu'on ne peut juger coupable un individu d'avoir planifié

17 et incité à commettre que si cette personne avait vraiment facilité, de

18 façon substantielle, le viol du témoin A de façon significative.

19 Il est intéressant de constater que l'accusation a estimé dans

20 le mémoire, qui apparemment ne sera pas retenu par la Chambre, que c'était

21 effectivement la norme à appliquer. Le code de la commission du droit

22 international sert également de base à nos arguments. Par conséquent, la

23 question de savoir si M. Furundzija était présent et si apparemment ou

24 prétendument il a posé des questions au témoin A, ce fait correspond-il

25 aux critères qui consistent à avoir facilité de façon substantielle le

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1 viol du témoin A par l'accusé A de façon significative ?

2 M. May (interprétation) - Je suis votre argumentation

3 M. Misetic, mais cela n'est-il pas une question d'administration de la

4 preuve ?

5 M. Misetic (interprétation). - Non.

6 M. May (interprétation) - Pourquoi ? Si l'accusation présente

7 ses moyens de preuve de la façon que vous suggérez, et nous en jugerons

8 nous-mêmes, mais si tel est le cas, n'est-ce pas une Chambre qui doit

9 déterminer si le critère de l'administration de la preuve a été respecté ?

10 Est-il possible de tirer cette conclusion, cette déduction plutôt que

11 d'annuler l'ensemble de l'acte d'accusation ?

12 M. Misetic (interprétation). - A mon avis, pas du tout,

13 Monsieur le Juge, pour les raisons suivantes : je l'ai déjà dit, aux fins

14 de cette exception préjudicielle, nous concédons toutes les allégations

15 factuelles. Cela revient à dire qu'à la fin du procès ou à la fin de la

16 présentation des moyens de preuve à charge, vous allez être dans la même

17 position qu'aujourd'hui. En fait, l'accusation s'en sort mieux aujourd'hui

18 qu'à la fin du procès, car je peux vous dire qu'au cours du procès, je ne

19 vais pas concéder ces faits, je vais m'efforcer de procéder au contre-

20 interrogatoire de chacun des témoins à charge pour voir si leur déposition

21 est authentique, viable pour tous ces critères. De surcroît, si cela est

22 nécessaire et si vous ne jugez pas qu'il y a insuffisance de moyens de

23 preuve à charge après la présentation de l'accusation, nous allons

24 apporter des preuves qui seront contraires aux allégations de

25 l'accusation.

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1 L'accusation ne dit pas aujourd'hui qu'il faut un procès où tout

2 deviendra clair parce que leur situation serait meilleure demain

3 qu'aujourd'hui. La défense estime que l'accusation veut maintenir ce flou

4 grâce auquel elle ne peut pas préciser ce qu'aurait fait M. Furundzija,

5 pour autant que l'on prenne la responsabilité au titre de l'article 7 1.

6 Ils n'ont pas de thèse car ils ne savent pas quelle thèse ils peuvent

7 avoir. C'est là le fondement de mon exception préjudicielle de ma requête.

8 Nous estimons qu'il ne faut pas un procès. Si nous concédions

9 toutes les allégations factuelles, la question qui se poserait à vous,

10 serait de porter une appréciation juridique sur-le-champ, pour savoir si

11 ces allégations factuelles pourront déboucher sur une responsabilité pour

12 avoir aidé et incité à commettre. Si d'autres éléments de preuve

13 surgissaient au cours du procès

14 qui pourraient soutenir leur thèse, nous avons le droit de le savoir dès

15 maintenant. Il faut le savoir dans le cadre de l'acte d'accusation pour

16 nous préparer à notre défense. Mais de là à dire qu'ils peuvent présenter

17 des allégations factuelles dont ils ne disent pas que c'est la base de

18 leur théorie, de leur responsabilité et qu'ils gardent leur carte cachée à

19 la défense pour essayer de présenter cela au procès, tout cela est en

20 violation flagrante de l'article 21. Nous devons être prêts au procès et

21 nous avons aussi une violation du pacte international du droit civil et

22 politique. On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.

23 M. May (interprétation) - Si telle est votre position, s'il y a

24 des moyens de preuve qui seraient retenus de vous, qui vous seraient

25 dissimulés, que vous n'auriez pas reçus avant le procès, alors à

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1 l'évidence, ce que j'estime c'est que vous seriez habilité à affirmer que

2 le droit de l'accusé à un procès équitable a été violé.

3 Il est évident que vous disposez de toutes les pièces

4 nécessaires avant le procès pour bien vous préparez. Il est juste aussi

5 que vous sachiez comment l'accusation va présenter ces moyens de preuve à

6 charge contre votre client, comment l'accusation va prouver qu'il a

7 participé à ces infractions. Tout cela est très clair et le temps voulu,

8 nous allons établir les faits, donc ne vous encombrez pas de cet aspect

9 pour ce qui nous concerne.

10 M. Misetic (interprétation). - Nous sommes à la veille du

11 procès. Dès aujourd'hui, je crois que nous sommes à six semaines du début

12 du procès. J'affirmerai, en premier lieu, que cela ne peut pas être

13 communiqué à la défense sous forme de déclaration préalable du témoin,

14 mais la substance même de cette théorie de la responsabilité n'a pas été

15 formulée dans l'acte d'accusation, alors que cela doit y figurer. Que nous

16 disons-nous ? Il n'est pas possible d'avoir des allégations factuelles

17 consignées dans un acte d'accusation, et lorsqu'il y a une requête aux

18 fins de rejet de ces charges, l'accusation dirait : "Ce n'est pas ce que

19 nous utilisons pour établir que cette personne aurait commis les crimes

20 que nous affirmons".

21 Si l'accusation affirme qu'il y a d'autres éléments à

22 l'extérieur du Tribunal qui

23 constituent la base de cette responsabilité pénale au titre de

24 l'article 7.1 en vertu de tout système national que je connais et aussi en

25 vertu du règlement de procédure du Tribunal, il est affirmé que ces

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1 charges doivent être formulées dans l'acte d'accusation. Comment

2 pourrions-nous attendre une semaine avant le procès pour que l'accusation

3 décide de nous fournir une déclaration préalable d'un témoin ? Une semaine

4 avant le procès, nous, nous devrions deviner par le biais de ces pièces

5 jointes ou de toutes pièces communiquées par l'accusation, qu'il s'agit là

6 de la théorie de la responsabilité invoquée au titre de l'article .1.

7 Nous disons qu'il faut rejeter cet acte d'accusation parce que

8 si nous avons la théorie de la responsabilité qui ne se retrouve pas dans

9 la déclaration du témoin A, où allons-nous trouver la base de ces

10 allégations factuelles.

11 Mais il y a autre chose ; nous avons le droit de nous fonder sur

12 ce qui nous a été remis jusqu'à l'heure actuelle : "Les faits repris dans

13 les pièces jointes", les éclaircissements fournis grâce à la réplique du

14 Procureur. Si l'on se fondait sur ce corpus de documents qui nous a été

15 remis, nous pourrions dire : d'accord, voyons quelles sont les allégations

16 retenues contre nous, mais je ne comprends pas comment nous pouvons nous

17 retrouver ici aujourd'hui à moins de six semaines du procès et dire oui,

18 vous avez tout ce corpus de documents, vous avez l'acte d'accusation, mais

19 nous ne pouvons pas déterminer quel sera le fondement de la théorie de la

20 responsabilité, car l'accusation voudrait essayer d'attendre le procès

21 pour tirer ceci au clair. Or c'est ce que l'accusation affirme. Nous

22 sommes prêts et nous voulons aller au procès. Il y a dans la réplique une

23 phrase qui m'a fait sourire : le procès ou la procédure est un processus

24 fluide, dynamique. Alors qu'est-ce que je comprends par là ? C'est à dire

25 qu'on pourrait trébucher sur quelque chose au cours du procès qui pourrait

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1 justifier l'acte d'accusation, or ce n'est pas de cette façon que doit

2 opérer le Tribunal si nous voulons avoir un procès M. Furundzija et moi-

3 même sommes prêts à aller jusqu'au bout, à aller jusqu'au procès, pour

4 réfuter la moindre des allégations reprises dans l'acte d'accusation

5 Mme le Président (interprétation). - Excusez-moi, n'oubliez pas

6 les interprètes.

7 M. Misetic (interprétation). - Je m'excuse. Nous avons le droit

8 de ne pas attendre jusqu'à la veille du procès pour essayer d'attraper un

9 papillon comme ça dans la main, parce que l'accusation va arriver avec des

10 témoins et présentera une autre théorie grâce à ces témoins. Si vous lisez

11 la réplique...

12 Mme le Président (interprétation). - Je crois que vos arguments

13 ont été reçus.

14 M. May (interprétation). - J'essaie de répondre à ce que disait

15 M Misetic.

16 Mme le Président (interprétation). - C'est longue une réponse.

17 M. Misetic (interprétation). - Je voudrais rappeler une chose.

18 Je crois que les allégations factuelles ne seront jamais meilleures

19 qu'elles sont aujourd'hui. De toutes façons, nous avons le droit au procès

20 et si c'est là ce que dit l'accusation, nous disons que c'est en violation

21 flagrante de l'article 21 du Statut. Nous disons non, vous n'avez pas le

22 droit au procès parce que toutes les allégations factuelles sont là. Or à

23 quoi sert un procès ? Un procès va essayer de peser le pour et le contre

24 des allégations factuelles, parce qu'il y a des faits qui sont mis en

25 question, mais s'il n'y a pas de litige quand aux faits, aux fins que de

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1 cette requête je dirais qu'il n'est pas nécessaire d'avoir un procès, et

2 j'ajouterai aussi que c'est un gaspillage patent des ressources du

3 Tribunal que de prévoir tout un procès sur des questions pour lesquelles

4 nous sommes prêts à parvenir à des accords ou des concessions. Justement,

5 on aurait un tel procès simplement pour voir ce que veut faire

6 l'accusation au moment du procès C'est ce qui nous pousse à dire que nous

7 sommes convaincus que l'accusation n'a pas le droit à ce procès, même si

8 l'accusation devait nous dire aujourd'hui : nous avons une déclaration

9 préalable du témoin. A cela nous rétorquerions qu'à cinq semaines du

10 procès c'est un peu tard pour présenter une nouvelle théorie de la

11 responsabilité. Si c'est la une des affirmations que présente l'accusation

12 je suis prêt à la contrer par le biais d'une autre requête.

13 Mme le Président (interprétation). - Je crois que ce seront là

14 tous les arguments relatifs à cette requête

15 M. Misetic (interprétation). - Effectivement.

16 (Les juges se consultent sur le siège.

17 Mme le Président (interprétation). - Voici notre décision, nous

18 allons donner le droit de réplique à l'accusation, mais uniquement en

19 réplique aux arguments entendus à l'audience, puisque vous n'avez pas

20 justifié le retard avec lequel vous avez déposé votre réplique.

21 M. Blaxill (interprétation). - Merci de me donner cette

22 occasion. Comme vous venez de le dire, je me conformerais à votre décision

23 et je crois que je vous dois des excuses à titre individuel et en tant que

24 formation plénière du Tribunal, puisqu'il y a un manquement de

25 l'accusation.

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1 Nous pourrons peut-être aborder cette question dans le cadre de

2 nos rapports professionnels et dans le cadre de la procédure de la

3 conférence de mise en état, mais si vous voulez que je présente ces

4 excuses à l'audience vous avez toutes mes excuses entières et

5 inconditionnelles face au retard que nous avons accusé dans le dépôt de

6 notre réplique.

7 La question qui se pose ici comme le Juge May vient de le dire,

8 c'est une question de faits relatifs au procès. L'acte d'accusation a déjà

9 été examiné par le Juge de confirmation. L'acte d'accusation a déjà été

10 examiné par cette Chambre de première instance et il y avait eu une

11 exception préjudicielle relative au vice de forme dans l'acte d'accusation

12 qui avait été débouté. L'acte d'accusation a donc été confirmé. Je ne vais

13 pas reprendre les arguments déjà entendus dans cette affaire dans le

14 contexte de l'acte d'accusation. Il suffira de dire que M. Misetic ce

15 matin s'est surtout attaché à ceci. Il a parlé de la contribution directe

16 et substantielle à l'acte de viol. N'oublions pas que les allégations

17 retenues contre l'accusé relèvent des dispositions portant sur la torture

18 et le traitement inhumain Ce n'est donc pas le niveau d'implication

19 simplement, et là je ne veux pas minimiser l'acte commis, uniquement dans

20 l'acte de viol, mais il faut voir l'ensemble des circonstances reprises au

21 chef 13 et 14.

22 Nous estimons par conséquent que cette question a déjà fait

23 l'objet d'une décision

24 rendue par cette Chambre, mais à l'évidence je pense qu'il faut essayer de

25 contrer toute nouvelle question soulevée par la défense Il faut sonder

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1 toutes les possibilités qui nous sont offertes avant et pendant le procès.

2 La présente exception se base sur un document déposé en

3 application d'une ordonnance de cette chambre. Ce document devait préciser

4 la théorie juridique que nous allons peut-être proposer en vertu de

5 l'article 7.1 du Statut. Cet article 7.1 est repris au paragraphe 11 de

6 l'acte d'accusation. On parle de la responsabilité pénale individuelle qui

7 inclut le fait de commettre de planifier d'ordonner ou d'autre manière,

8 d'avoir incité à commettre et ainsi de suite.

9 Quelle est la réalité des faits ? Notre théorie juridique, en ce

10 qui concerne l'article 7.1 du Statut est simple. Ce sont des charges

11 subsidiaires, dans le cadre d'une disposition précise et il me semblerait

12 inapproprié d'interpréter le libellé de cet article d'une autre façon. Il

13 faut reprendre les termes repris dans la disposition. Et je crois que ce

14 serait vider l'article de son sens si il fallait prouver que, pour toute

15 infraction pénale, quelqu'un avait commis l'infraction, l'avait planifiée,

16 avait été à la source de cette action, l'avait ordonnée. Il semblerait que

17 si quelqu'un commet effectivement un crime, ce ne sont pas nécessairement

18 des personnes qui commettent ces crimes de façon directe. A notre avis,

19 ces charges sont exclusives, subsidiaires, indépendante, ce sont des

20 interprétations indépendantes qui peuvent s'appliquer face aux moyens de

21 preuve entendus par la Chambre et c'est là le point le plus important.

22 J'en arrive aux remarques formulées par le Juge May. C'est peut-

23 être une phrase un peu bizarre que de dire que la procédure pénale est un

24 processus dynamique et fluide mais c'est la vérité. Souvent, au cours du

25 procès, des moyens de preuve entendus à la fin d'une audience ne seront

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1 pas nécessairement ceux qu'avait prévu une partie au début de l'audience.

2 Il y a des moments où des éléments se renforcent, d'autres disparaissent

3 parce qu'ils s'affaiblissent. Ce que n'attendait pas une partie ou une

4 autre.

5 Mme le Président (interprétation). - Nous n'avons pas besoin de

6 tous ces détails car nous sommes au fait de ce qui se passe dans cette

7 affaire, passez au point essentiel.

8 M. Blaxill (interprétation). - Je ne voulais pas vous importuner

9 ni entraver le cours de la Justice. Mais voilà, j'ai dit pratiquement ce

10 que j'avais à dire. Que disons-nous ? Allons-nous avoir un procès par

11 requête ou chargeons-nous la Chambre de diriger la conduite du procès ?

12 C'est la dernière solution que je voudrais retenir et je crois que le

13 jugement que vous avez rendu face à la requête relative au vice de forme

14 peut être maintenu aujourd'hui.

15 M. May (interprétation). - Fait par rapport à la théorie. Si je

16 vois les chefs 12 à 14, qu'est-ce qui est allégué ? Il est allégué que

17 l'accusé était présent pendant qu'un autre homme se rendait responsable de

18 diverses infractions, notamment de viol.

19 M. Blaxill (interprétation). - Tout à fait.

20 M. May (interprétation). - Est-ce que vous voulez en tirer des

21 conclusions ?

22 M. Blaxill (interprétation). - Non. Je dirai que c'est beaucoup

23 plus qu'une référence. Les questions essentielles qui, selon le Procureur,

24 s'appliquent ici, on affirme que cette femme, c'est-à-dire le témoin 1,

25 est gardée par les membres d'une petite unité dans un bâtiment. Cette

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1 personne a fait l'objet de sévices. L'allégation contre l'accusé est la

2 suivante : en exécutant ses responsabilités, il est entré dans la pièce où

3 a eu lieu cet acte et commencé à interroger la personne. Au cours de

4 l'interrogatoire, un autre viol a eu lieu, la personne aurait été battue

5 aussi. Il y avait une autre personne qui la connaissait, on l'a fait venir

6 et les deux ont été battues.

7 Nous disons que cela fait partie de l'interrogatoire ou plutôt

8 que l'interrogatoire se superpose aux sévices aux témoins. Nous affirmons

9 qu'il s'agit d'une participation directe parce que le viol constitue un

10 élément de la torture, c'est-à-dire de permettre des sévices alors qu'on

11 essaie d'avoir des informations en ayant recours à la torture. J'espère

12 que cela vous aide.

13 M. May (interprétation). - Oui.

14 M. Blaxill (interprétation). - Voilà mes arguments principaux,

15 Madame et

16 Messieurs les Juges.

17 M. Misetic (interprétation). - Nous nous opposons avec vigueur à

18 la réintroduction d'une théorie de responsabilité pour avoir torturé. Vous

19 avez émis une ordonnance pour que le Procureur explique mieux les théories

20 de la responsabilité. Ils ont déposé leur réplique et il n'y a pas un seul

21 mot dans la réplique de quatre pages concernant une théorie de

22 responsabilité en matière de torture.

23 Moi, je prétends que cet argument est un argument qui a éclairé

24 l'acte d'accusation. Nous avons le droit de nous y fier, ce document est

25 déposé depuis plus d'un mois, maintenant ils cherchent à tout reprendre.

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1 En ce qui concerne cette exception, ils font des concessions mais ils

2 veulent maintenant déposer un nouveau document pour trouver une autre

3 théorie.

4 Ce qui me frustre dans cette affaire, Madame et Messieurs

5 les Juges, c'est que nous sommes à 5 semaines maintenant du début du

6 procès et, à cette date tardive, je peux vous dire que je suis certain que

7 M. Blaxill va vous dire qu'il a le droit aussi de revenir présenter autre

8 chose. Comment voulez-vous que nous organisions notre défense si le

9 Procureur refuse de nous indiquer quels sont les chefs d'accusation portés

10 contre notre client ? Je m'oppose à la théorie de la responsabilité pour

11 avoir torturé parce que, dans quatre pages, il n'y a pas un seul mot qui

12 touche la question de la torture.

13 (Les Juges se consultent sur le siège)

14 Mme le Président (interprétation). - Après considération des

15 arguments des parties, la Chambre a décidé que la requête de la défense

16 est rejetée mais l'accusation est sommée de déposer un document où

17 figurent les spécifications factuelles sur lesquelles ils vont compter au

18 cours du procès, concernant ce qu'aurait fait l'accusé en temps concerné.

19 Ce document doit être déposée d'ici le 4 mai 1998.

20 La défense a soulevé l'argument suivant que le document que vous

21 avez déposé concernant vos théories légales ne se semble pas être

22 suffisant. Monsieur Blaxill, si on tient en

23 ligne de compte ce que nous venons de dire, on nous a demandé, nous avons

24 reçu l'ordre d'expliquer la théorie juridique en vertu de l'article 7.1,

25 ce que nous avons fait, nous nous sommes limités à ce que nous pensions

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1 être un argument juridique, on ne pensait pas que les représentations

2 factuelles étaient pertinentes.

3 Mon collègue a évoqué une expression "bill of particulars",

4 c'est un terme que je ne connais pas. Evidemment, nous allons appuyer ce

5 que vous avez dit.

6 Mme le Président (interprétation). - Une fois que la décision

7 sera prise, j'espère le Procureur va respecter le calendrier.

8 M. Misetic (interprétation). - Par rapport à mon argument, est-

9 ce que l'accusation pourra émettre le droit de soulever de nouveau la

10 question de la torture ?

11 Mme le Président (interprétation). - Ils ont le droit de

12 soulever toutes les théories qu'ils veulent mais au moment du procès.

13 M. Misetic (interprétation). - Même s'ils ont renoncé à ces

14 théories ?

15 Mme le Président (interprétation). - Ils ont la possibilité de

16 spécifier les situations factuelles et d'expliquer la théorie juridique

17 sur laquelle ils vont compter ; au moment de recevoir ce document la

18 défense et la Chambre vont compter sur ce document aux fins de ce procès.

19 Il y a une autre requête de la défense qui traite du fait que comme les

20 déclarations des autres témoins n'ont pas été déposées, ils ne seront pas

21 entendus lors du procès. Malheureusement, cette exception est reliée à

22 celle du Procureur concernant les mesures de protection qui ont à voir

23 avec le type de témoins qui seront cités et le type de protection que l'on

24 demande. Etant donné que les deux ont été déposés à la même date, le

25 24 avril, nous pensons qu'il vaut mieux traiter de ces questions lors

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1 d'une conférence de mise en état qui va suivre tout suite.

2 M. Misetic (interprétation). - Si cela a été déposé le 24 avril,

3 je ne l'ai pas reçu, j'ai vérifié et je n'ai rien vu.

4 M. Blaxill (interprétation). - Cette requête a été déposée

5 ex parte et M. Misetic n'aurait donc pas d'exemplaire.

6 Mme le Président (interprétation). - Nous passons à la

7 Conférence de mise en état à huis clos.

8 Mme le Président (interprétation). - Lors de cette Conférence de

9 mise en état, je voudrais que l'accusation nous indique l'état

10 d'avancement des travaux parce que la Chambre n'a pas reçu d'autres

11 déclarations, mise à part la première déclaration du témoin A.

12 M. Blaxill (interprétation). - Madame la Présidente, mes

13 collègues, il convient que je m'excuse sincèrement, nous n'avons pas

14 respecté les délais concernant les réponses à une requête et c'était aller

15 à l'encontre de l'ordonnance portant sur le calendrier pour cette

16 procédure. Nous avons connu un retard concernant le respect des

17 obligations de communication des pièces en vertu de l'article 66, nous ne

18 sommes ni fiers ni en mesure de justifier ce que nous avons fait sauf en

19 présentant un seul facteur.

20 Peut-être que vous vous souviendrez de ce facteur, parce que

21 lors d'une autre affaire, vous avez traité une question concernant les

22 témoins dans la région de la Bosnie centrale où nous avons connu un grand

23 nombre de problèmes. D'autres procès en auront peut-être plus subi

24 l'incidence que les nôtres, il n'y a pas d'allégation contre cet accusé,

25 c'est le cas pour cette affaire-ci, mais il y a une incidence : quelques

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1 personnes ont dit qu'elles ne voulaient plus coopérer avec nous parce

2 qu'elles ont peur de faire l'objet de certaines pressions. C'est leur

3 perception et c'est un vrai problème.

4 Nous avons essayé d'envisager les façons de respecter

5 l'article 66, l'obligation de communication des pièces, mais il faut

6 respecter les témoins aussi. Nous n'avons pas travaillé correctement et en

7 temps voulu. La courtoisie professionnelle aurait exigé que nous déposions

8 une requête auprès de la Chambre, ce que nous n'avons pas fait. Nous avons

9 été très pris depuis quelques semaine, étant donnés tous nos engagements,

10 mais ce n'est pas un prétexte.

11 Mme le Président (interprétation). - Ce n'est pas une excuse,

12 tout le monde est pris et si c'était une excuse ça serait une excuse pour

13 tout le monde.

14 M. Blaxill (interprétation). - Exactement, Madame la Présidente,

15 ce n'est pas une excuse. Tout ce que nous pouvons dire, c'est que nous

16 pouvons réitérer que nous nous

17 excusons, cela ne se reproduira pas à l'avenir, s'il y a un problème

18 concernant le calendrier, nous ferons en sorte que la Chambre en ait

19 conscience pour ne pas incommoder la Chambre et ne pas donner l'impression

20 de porter atteinte à la défense ni à l'accusé. J'espère que vous allez

21 accepter cela comme notre excuse lors de cette occasion et pour ce qui

22 concerne la conférence de mise en état, nous avions proposé que mon

23 collègue, Mme Sellers, prenne la relève.

24 Mme le Président (interprétation). - Nous comprenons qu'il

25 s'agit d'une requête ex parte qui a trait aux demandes de l'accusation,

Page 112

1 mais si nous prenons une décision en nous fondant sur la demande ex parte,

2 peut-on demander à l'accusation pour ce qui concerne la déclaration de la

3 défense, qu'elle soit communiquée à la défense d'ici le 1er mai

4 M. Blaxill (interprétation). - Je donne la parole à ma collègue.

5 Mme Sellers (interprétation). - Bonjour, Messieurs les Juges,

6 nous avons les documents que nous devons produire pour la défense. Nous

7 avons déjà déposé une requête chez le greffe aujourd'hui, ceci pour les

8 mesures de protection concernant ces questions de communication de pièces.

9 Comme l'a dit M. Blaxill, il fut un temps où nous pensions que

10 nous pouvions communiquer un plus grand nombre de pièces que nous ne

11 l'avons fait, mais entre-temps, il y a eu des menaces émanant de cette

12 région de la vallée la Lasva. Nous avons les déclarations qui seront

13 communiquées à la défense, nous attendons sa signature et nous voulons

14 dire à la Chambre que la requête que nous déposons aujourd'hui concerne

15 les mesures de protection analogues à la motion accordée au témoin lors de

16 la phase avant le procès et peut-être au procès aussi.

17 Mme le Président (interprétation). - Si la Chambre prenait une

18 décision concernant la requête ex parte avant la fin de la journée, vous

19 seriez en mesure de communiquer les pièces ?

20 Mme Sellers (interprétation). - Nous serions en mesure de le

21 faire, mais comme nous pensions que vous ne voudriez pas violer certaines

22 ordonnances de la cour, on ne pouvait

23 pas faire plus que ça. Mais nous voulons tout de même dire à la défense

24 que ces documents sont disponibles maintenant.

25 Mme le Président (interprétation). - Vous dites que si la

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1 Chambre prend des décisions concernant cette requête, les seuls documents

2 que vous ayez font partie des autres documents que vous avez ?

3 Mme Sellers (interprétation). - Les déclarations des témoins

4 sont dans notre bureau et je pense que comme cela, nous aurions respecté

5 notre obligation de communiquer les pièces. Nous voulons maintenant

6 communiquer toutes les déclarations des témoins que nous avons.

7 Mme le Président (interprétation). - Je me retourne vers la

8 défense et je dis : à supposer que ce qu'a dit l'accusation est correct,

9 ils vont communiquer tous les documents d'ici le premier mais la Chambre

10 veut bien donner au conseil de la défense accorder quinze jours jusqu'au

11 15 mai, pour indiquer si oui ou non vous serez en mesure de procéder au

12 procès le 8 juin. Vous avez droit à soixante jours, vous pouvez aussi

13 renoncer à ce droit si vous voyez toutes les pièces jointes destinées au

14 procès pour pouvoir décider d'ici le 15 mai, si vous pouvez vous

15 accommoder de trente jours.

16 Il vous reste dix jours avant le procès, si vous les recevez

17 avant le 1er mai, vous avez le reste du mois de mai et vous pouvez décider

18 cela, mais si d'ici le 15 mai, vous avez l'impression que vous ne serez

19 pas en mesure de continuer au procès, y compris le contre-interrogatoire

20 des témoins à charge, si le procès commençait le 8 mai, vous pourriez le

21 dire à la Chambre avant le 15 mai et dans ce cas, une autre date serait

22 fixée.

23 M. Misetic (interprétation). - Pour moi, je trouve que ce serait

24 une décision malheureuse, si c'était la décision. Pourquoi est-ce que la

25 charge de l'examen de ces documents doit être celle de la défense et puis

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1 procéder dans un court délai au contre-interrogatoire des témoins ou

2 remettre la date du procès ? Tout simplement parce qu'il y a une énorme

3 négligence de la part de l'accusation dans le respect du Règlement. Pour

4 moi, ce serait malheureux. L'erreur

5 est la leur et je dis devant la Chambre et pour le procès-verbal que j'en

6 veux à toute personne qui dirait que l'intimidation des témoins a trait à

7 moi ou à M. Furundzija, ceci de n'importe quelle manière. Mais dans

8 l'introduction même de cela comme justification de ne pas avoir respecté

9 l'article 66, je ne peux pas l'accepter.

10 On comprend très bien l'article 66, je vous dis ce que j'ai fait

11 et comment je me suis comporté devant les Juges. S'il y a un problème, je

12 dépose une requête pour rejeter l'affaire avec une demande de permission

13 de la déposer parce que j'ai compris tout ce qui est contenu dans

14 l'article 72, concernant les exceptions préjudicielles : on dépose une

15 exception, on dit "nous avons un problème quant à l'identification des

16 témoins", ce qui nous donne droit à la dérogation de la disposition des

17 60 jours. Il ne s'est rien passé. Mais pour répondre à notre requête, la

18 date même de la conférence de mise en état, ils veulent présenter de

19 nouveaux documents,...

20 Mme le Président (interprétation). - La Chambre a déjà pris une

21 décision et j'aimerais que vous respectiez ses décisions et que vous

22 traitiez de ces questions en temps voulu. Quand vous recevrez ces

23 documents et que vous en aurez pris connaissance, vous pourrez dire ce que

24 vous avez à dire et vous aurez assez de temps pour préparer votre défense.

25 M. Misetic (interprétation). - Sauf votre respect Madame la

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1 Présidente, je ne savais pas que vous aviez déjà pris la décision quant à

2 la requête.

3 M. May (interprétation). - On aimerait entendre ce que vous avez

4 à dire mais nous devons voir la chose sur un plan pratique et sur ce plan,

5 nous voulons tout de même lancer le procès.

6 M. Misetic (interprétation). - Je suis d'accord. Pourquoi est-ce

7 que leur erreur,... si d'ici 15 jours, je dois revenir devant vous en vous

8 disant qu'il y a trop de témoins, que je ne peux pas contacter ces

9 témoins, que je ne peux pas en contacter d'autres qui seraient en mesure

10 de réfuter leur témoignage et que nous devons remettre le procès parce que

11 eux ont pris un retard

12 de trois semaines ?

13 M. May (interprétation). - Peut-être le Procureur pourra-t-il

14 nous expliquer l'ampleur du problème ? Combien de déclarations vont-ils

15 vous communiquer ?

16 M. Misetic (interprétation). - Mais si les dispositions de

17 l'article 66 ont un sens, il convient de les appliquer. S'il ne s'agit que

18 de grandes lignes que nous, les conseils de part et d'autres, pouvons

19 utiliser à notre gré pour vous présenter par la suite des excuses

20 expliquant pourquoi nous ne respectons l'article,...

21 Mme le Président (interprétation). - Nous avons compris cela,

22 M. Misetic, mais il s'agit ici de procès très importants, devant nous au

23 Tribunal, nous comprenons votre préoccupation et le fait que le Procureur

24 n'a pas respecté le Règlement, vous avez entendu que le Procureur s'est

25 excusé. Nous devons maintenant continuer, passer à autres choses.

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1 M. Misetic (interprétation). - Mais vous comprenez aussi qu'il

2 s'agit de cet homme-là, qui a la tête sous la lame de la guillotine quant

3 à ces violations, ce n'est pas moi, ni M. Blaxill ou Mme Sellers et sauf

4 votre respect, ce n'est pas vous les Juges non plus. Voilà pourquoi avec

5 vigueur, je lutte pour ses droits, pourquoi lui doit-il se défendre dans

6 une période de cinq semaines alors que tous les autres ont 60 jours ?

7 Mme le Président (interprétation). - Nous avons compris ce que

8 vous avez dit et la Chambre croit que tous les accusés quelle que soit la

9 théorie de l'accusation, tous les accusés ont droit à la protection

10 garantie par le Statut, par le Règlement de procédure et de preuve.

11 M. Misetic (interprétation). - Donc si soixante jours veut dire

12 soixante jours, je n'ai toujours pas entendu d'explication des retards.

13 Mme le Président (interprétation). - Donc, nous comprenons que

14 vous ne serez peut-être pas en mesure de prendre une décision et si en

15 prenant une décision, vous avez l'impression que c'est vous qui allez

16 demander que soient suspendues les séances, ce n'est pas la façon dont la

17 Chambre voit la chose. Nous vous accordons cette marge de manoeuvre, mais

18 si

19 vous voyez les déclarations qui vous auront été fournies par l'accusation

20 et si vous pensez que vous avez assez de temps pour procéder au procès, à

21 vous de décider.

22 M. Misetic (interprétation). - Sinon, il va falloir remettre la

23 date du procès ?

24 Mme le Président (interprétation). - Nous fixerons une autre

25 date. Nous avons d'autres affaires en cours et nous avons des ressources

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1 matérielles limitées.

2 M. Misetic (interprétation). - Je comprends très bien toutes les

3 difficultés du Tribunal, le fait de n'avoir qu'une seule salle d'audience.

4 Mais j'espère que vous allez comprendre que nous sommes tous ici -j'ai

5 évalué toutes les affaires-, pour traiter de la question la moins solide

6 de tous les actes d'accusation. Cela fait quatre ans que M. Furundzija est

7 en prison. L'accusation n'a pas respecté l'article 66, étant donné que

8 toute prorogation pourrait encore retarder la procédure de trente jours.

9 Il pourrait être acquitté à la fin d'un procès et aurait tout de même

10 perdu beaucoup de temps en raison de ce retard.

11 Mme le Président (interprétation). - Monsieur Misetic?

12 M. Misetic (interprétation). - Si vous le permettez, je veux

13 continuer. Je pense qu'il y a des modifications sous-jacentes qui n'ont

14 rien à voir avec le mérite de cette affaire, qui continue à retarder cette

15 affaire. Ce sont des violations flagrantes du droit international que nous

16 soulèverons par la suite, lors de la conférence de mise en état, mais qui

17 ont trait à cette soit-disant enquête qui continue, qui se poursuit au

18 mois de mars.

19 Mme le Président (interprétation). - La Chambre a pris sa

20 décision.

21 M. Misetic (interprétation). - Je comprends. C'est pour cela que

22 je vous ai dit que je soulèverai à nouveau la question plus tard.

23 Mme le Président (interprétation). - Pour tenir compte des idées

24 de la défense, nous allons demander à l'accusation combien de témoins elle

25 compte citer ?

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1 Mme Sellers (interprétation). - Nous comptons appeler huit

2 témoins. Nous avons déjà communiqué les déclarations des témoins, ce qui a

3 été fait au mois de janvier pour le

4 témoin A. Nous avons aujourd'hui six autres déclarations à communiquer.

5 Nous avons les documents qui font l'objet de notre requête ex parte. Je ne

6 pense pas que les déclarations que nous soumettons aujourd'hui soient très

7 volumineuses. Entre le 31 mars et aujourd'hui, le Procureur a même retiré

8 un certain nombre d'éléments que nous comptions présenter, non pas en

9 raison de menaces émanant* du témoin, mais parce qu'il s'agit de faire

10 très attention dans cette région de l'ex-Yougoslavie.

11 Mme le Président (interprétation). - Vous comprenez que la

12 Chambre est très préoccupée par le fait que cette affaire a connu des

13 retards. L'acte d'accusation a été confirmé en 1995, la comparution

14 initiale a eu lieu au mois de décembre de l'année dernière. Cela nous

15 préoccupe parce que nous sommes liés par les dispositions du Statut, à un

16 procès rapide et nous ne pouvons pas accepter de retards injustifiés. Cela

17 dit, je crois que nous pouvons passer à autre chose. D'autres questions?

18 Mme Sellers (interprétation). - Si vous le permettez. La requête

19 de la défense concernant l'irrecevabilité des déclarations des témoins

20 sera-t-elle rejetée ou retiré, ou l'accusation doit-elle répondre ?

21 Mme le Président (interprétation). - La Chambre prendra une

22 décision sur tout ce qui a été présenté aujourd'hui. Nous voulons réitirer

23 les dates limites pour le dépôt de tous les documents de la défense et de

24 l'accusation. Je m'adresse d'ailleurs à la défense pour dire que, le 10 et

25 le 15 mai, elle peut indiquer sa position, si elle n'est pas en mesure de

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1 continuer, l'ajournement sera attribué à la défense. Monsieur Misetic,

2 vouliez-vous soulever d'autres points concernant les enquêtes ?

3 M. Misetic (interprétation). - Continuons-nous maintenant ?

4 Mme le Président (interprétation). - Si c'est dans le cadre de

5 cette conférence.

6 M. Misetic (interprétation). - Je n'ai pas de requête à déposer.

7 Je ne sais pas si le Procureur veut en parler, mais nous pensons, Madame

8 le Président, que le grand nombre de

9 retards -la raison pour laquelle M. Furundzija est aujourd'hui ici-, ont

10 trait à l'enquête évoquée par M. Blaskic dans la Conférence de mise en

11 état, le 9 mars.

12 Six heures après avoir été transféré à La Haye après son

13 arrestation, M. Furundzija a parlé avec M. le Procureur, M. Harmon, qui

14 lui a indiqué à ce moment-là qu'un acte d'accusation modifié serait

15 bientôt produit. J'ai eu une conversation avec M. Harmon

16 le 12 janvier 1998 et, par téléphone, on m'a informé du fait qu'un acte

17 d'accusation modifié concernant M. Furundzija allait arriver.

18 Une Conférence de mise en état se tient en février, on n'a pas

19 mentionné la question de l'acte modifié. Arrive le mois de mars,

20 M. Blaxill dit qu'il va à Vitez pour douze jours, en Bosnie centrale, pour

21 mener une enquête contre la police militaire de Vitez, qui peut concerner

22 ou pas M. Furundzija.

23 Je suppose, puisque M. Blaxill est ici, que l'enquête est

24 terminée et, à titre officieux, lors de la conférence de mise en état, on

25 nous a dit que, s'il y avait une modification de l'acte d'accusation, cela

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1 serait fait le 31 mars au plus tard. M. Blaxill m'a indiqué par téléphone,

2 effectivement, ces mêmes faits après la Conférence de mise en état, mais

3 rien ne s'est passé. Dans la réplique et dans les arguments entendus

4 contre notre requête aujourdh'ui, on a fait brièvement état, une fois de

5 plus, d'un acte d'accusation modifié. Je m'excuse auprès de vous trois,

6 Madame et Messieurs les Juges, de ma frustration.

7 Mme le Président (interprétation). - Etant donné ce que vous

8 avez dit, nous avons déjà pris une décision sur l'acte d'accusation en

9 l'état.

10 M. Misetic (interprétation). - Je comprends parfaitement, mais

11 vous me demandiez si j'avais d'autres questions. et je vous explique les

12 motifs de ma frustration au vu de tous ces retards. Mon avis se fonde sur

13 toutes les révélations qui ont surgi au cours de cette procédure.

14 Effectivement, ces retards sont peut-être dus au fait qu'il y a poursuite

15 de l'enquête menée à propos de M. Furundzija, ce qui n'est pas correct au

16 titre du droit international. Il n'est pas

17 admissible qu'une personne soit détenue alors quel' on poursuit une

18 enquête contre cette personne. Je vais m'arrêter, mais je voulais que cela

19 soit consigné au procès-verbal car je me dis que cette question va peut-

20 être resurgir s'il y a dépôt par l'accusation d’une requête aux fins

21 d'autorisation. Je voulais vous dire que nous étions au courant de cela.

22 Mme le Président (interprétation). - La Chambre ne peut pas

23 empêcher l'accusation de poursuivre une enquête, voire de modifier l'acte

24 d'accusation.

25 M. Misetic (interprétation). - Ce n'est pas aux fins d'une

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1 requête, c'est pour que vous soyez conscients de la procédure qui se

2 déroule. Cela explique pour moi certains retards mais cette question va

3 peut-être être plus importante sous peu.

4 Mme le Président (interprétation). - Je suis sûre que M. Blaxill

5 a pris acte de tout ce qui a été dit par M. Misetic et la Chambre ne peut

6 effectivement se saisir des questions qu'au fil de leur présentation et ne

7 peut pas statuer a priori.

8 L'acte d'accusation reste en l'état. Nous nous occupons des

9 chefs 12 à 14, et l'accusation a obligation de communiquer tous les

10 documents relatifs aux chefs d'accusation tels qu'ils se présentent dans

11 l'acte d'accusation non modifié. Même si vous avez indiqué que vous aurez

12 sans doute huit témoins, nous aimerions en connaître la durée, surtout

13 pour l'interrogatoire principal.

14 M. Sellers (interprétation). - Je crois que l’interrogatoire

15 principal va peut-être prendre une semaine.

16 M. le Président (interprétation). - Pour tous les témoins ?

17 M. Sellers (interprétation). - Effectivement pour tous les

18 témoins, c’est ce à quoi nous nous attendons. Je suppose qu’un témoin va

19 nécessiter trois ou cinq heures d’interrogatoire principal. Il faut bien

20 sûr tenir compte de toutes interruptions éventuelles qui interviendraient

21 dans le cadre de cette déposition. Pour les autres, chacune prendre une

22 heure trente à deux heures.

23 Mme le Président (interprétation). - S'agissant de la

24 déclaration liminaire ?

25 Mme Sellers (interprétation). - Cela devrait prendre une heure,

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1 une heure et demie maximum.

2 Mme le Président (interprétation). - Donc nous pourrons nous

3 attendre à cinq journées d'audience pour la présentation des moyens de

4 preuve à charge ?

5 Mme Sellers (interprétation). - C'est effectivement dans ce

6 cadre-là que se situent nos prévisions.

7 (Les Juges se concertent sur le siège)

8 Mme le Président (interprétation). - En l'absence de remarque de

9 la part des parties je crois que je peux maintenant déclarer la Conférence

10 de mise en état levée.

11 L’audience est levée à 9 heures 35.

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