Affaire n° : IT-98-29-A

DEVANT LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT EN APPEL

Devant :
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
16 juillet 2004

LE PROCUREUR

c/

STANISLAV GALIC

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DÉCISION RELATIVE A LA DEMANDE DE RÉEXAMEN DÉPOSÉE PAR LA DÉFENSE

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Le Bureau du Procureur :

M. Norman Farrell
M. Mathias Marcussen

Les Conseils de l’Appelant :

Mme Mara Pilipovic, conseil principal
M. Stéphane Piletta-Zanin, coconseil

 

NOUS, FLORENCE NDEPELE MWACHANDE MUMBA, Juge de la Chambre d’appel du Tribunal pénal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal international »),

VU l’« Ordonnance portant désignation de juges dans une affaire portée devant la Chambre d’appel et d’un juge de la mise en état en appel », déposée le 18 décembre 2003, qui, entre autres, nous désigne Juge de la mise en état en appel en l’espèce,

VU la requête de la Défense aux fins d’autorisation de dépasser la limite prescrite pour le nombre de pages du mémoire de l’appelant (Defence’s Request for Leave to Exceed Page Limit in Defence’s Appelant’s Brief), déposée le 10 mai 2004 par les conseils de Stanislav Galic (respectivement la « Requête » et l’« Appelant »), par laquelle l’Appelant soutient, pour l’essentiel, que le dépassement demandé se justifie par la longueur du Jugement, l’opinion individuelle du Juge Nieto-Navia qui y est jointe et le fait qu’il entend contester chacune des constatations de la Chambre de première instance,

VU la « Décision relative à la requête de la Défense aux fins d’autorisation de dépasser la limite prescrite pour le nombre de pages du mémoire de l’appelant », rendue le 19 mai 2004 (la « Décision du 19 mai 2004 »), par laquelle la Chambre d’appel a rejeté la Requête au motif que les circonstances de l’espèce, telles que présentées par l’Appelant, ne constituent pas des circonstances exceptionnelles au sens de la Directive pratique relative à la longueur des mémoires et des requêtes (la « Directive pratique ») et de la jurisprudence du Tribunal1,

VU la demande de réexamen de la Défense (Request for Reconsideration, ci-après la « Demande de réexamen »), datée du 6 juillet 2004, par laquelle l’Appelant prie la Chambre d’appel de réexaminer sa Décision du 19 mai 2004 et de l’autoriser à présenter un mémoire de 200 pages, faisant, entre autres, les observations suivantes, qui ne figuraient pas dans la Requête :

i) un fait nouveau est apparu, dont la Chambre d’appel n’avait pas connaissance lorsqu’elle a rendu sa Décision du 19 mai 2004, en ce que, étant donné la complexité de l’affaire, qui pose de nouvelles questions de droit, « l’administration du Tribunal a décidé, le 30 juin 2004, de classer l’affaire Le Procureur c/ Galic dans une autre catégorie »2 ;

ii) plusieurs questions doivent être approfondies spécifiquement dans le mémoire de l’Appelant, notamment la contradiction présumée entre la déposition des témoins et celle des témoins experts, ce qui nécessite une comparaison avec les tables de tirs ; les différences notables entre les deux versions des comptes rendus de la déposition en B/C/S d’un témoin particulier ; la nécessité de traiter non seulement des incidents de tirs isolés et de bombardements retenus par la Chambre de première instance mais aussi des « incidents non répertoriés » afin de contester valablement l’existence d’une campagne et la nature systématique de ces incidents3 ;

iii) bien que la limite prescrite pour le nombre de pages soit officiellement la même pour les deux langues officielles du Tribunal, l’anglais est plus concis que le français, comme le démontrent les versions respectives du Jugement en l’espèce4 ;

VU la réponse de l’Accusation à la Demande de réexamen (Prosecution’s Response to the Defence’s Request for Reconsideration), déposée le 13 juillet 2004 (la « Réponse de l’Accusation »), par laquelle l’Accusation s’oppose à la Demande de réexamen, soutenant, entre autres, que celle-ci ne satisfait pas aux critères énoncés en la matière par la jurisprudence du Tribunal et, en particulier, que l’Appelant n’a pas démontré que le classement administratif de l’affaire dans une autre catégorie constituait un fait nouveau ;

ATTENDU que le paragraphe C) 1 a) de la Directive pratique dispose que « [l]e mémoire d’un appelant, dans le cadre de l’appel contre le jugement final d’une Chambre de première instance, n’excède pas 100 pages ou 30 000 mots » ;

ATTENDU que le paragraphe C) 7 de la Directive pratique dispose qu’une partie qui souhaite dépasser le nombre de pages autorisé « doit expliquer les circonstances exceptionnelles qui justifient le dépôt d’une écriture plus longue » ;

ATTENDU que la Chambre d’appel a le pouvoir intrinsèque de réexaminer ses propres décisions et que, pour que la Demande de réexamen de l’Appelant soit accueillie, celui-ci doit démontrer à la Chambre d’appel que le raisonnement de la décision comporte une erreur manifeste ou que des circonstances particulières justifient son réexamen afin d’éviter une injustice5,

ATTENDU que ces circonstances particulières peuvent être des faits ou arguments nouveaux6,

ATTENDU que l’Appelant n’a pas démontré en quoi l’octroi de délais et de fonds supplémentaires à la Défense par l’administration du Tribunal constitue un fait nouveau qui justifie le réexamen de la Décision du 19 mai 2004,

ATTENDU que l’Appelant avait connaissance des autres éléments présentés dans la Demande de réexamen et aurait pu les inclure dans sa Requête pour démontrer que des circonstances exceptionnelles justifient le dépôt d’une écriture plus longue,

ATTENDU, toutefois, que le rejet de ces nouveaux arguments pourrait entraîner une injustice et que, dans les circonstances de l’espèce, les arguments susmentionnés constituent des circonstances exceptionnelles justifiant un dépassement de 45 pages du nombre de pages autorisé,

PAR CES MOTIFS,

ACCUEILLONS partiellement la Demande de réexamen,

ACCORDONS l’autorisation de dépasser de 45 pages le nombre de pages autorisé, et

ORDONNONS à l’Appelant de déposer son mémoire n’excédant pas 145 pages le 19 juillet 2004 au plus tard.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 16 juillet 2004
La Haye (Pays-Bas)

Le Juge de la mise en état en appel
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Florence Ndepele Mwachande Mumba

[Sceau du Tribunal]


1. IT/184/Rev.1, 5 mars 2002
2. Demande de réexamen, par. 4 et 5, et 20.
3. Ibidem, par. 10 à 18.
4. Ibid., par. 19.
5. Le Procureur c/ Zdravko Mucic et consorts, affaire n° IT96-21Abis, Arrêt relatif à la sentence, 8 avril 2003, par. 49. Voir aussi Eliezer Nyitegeka c/ le Procureur, affaire n° ICTR-96-14-A, 19 décembre 2003, Decision on Defence Extremely Urgent Motion for Reconsideration of Decision Dated 16 December 2003, p. 4.
6. Voir Le Procureur c/ Laurent Semanza, affaire n° ICTR-97-20-T, Chambre de première instance III, Decision on Defence Motion to Reconsider Decision Denying Leave to Call Rejoinder Witnesses, 9 mai 2002, par. 8.