Affaire n° : IT-98-29-A

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge Theodor Meron, Président
M. le Juge Fausto Pocar
M. le Juge Mohamed Shahabuddeen
Mme le Juge Florence Ndepele Mwachande Mumba
M. le Juge Wolfgang Schomburg

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
21 mars 2005

LE PROCUREUR

c/

STANISLAV GALIC

_________________________________________________

DÉCISION RELATIVE À LA DEUXIÈME REQUÊTE DE LA DÉFENSE AUX FINS DE PRÉSENTATION DE MOYENS DE PREUVE SUPPLÉMENTAIRES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 115 DU RÈGLEMENT

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Le Bureau du Procureur :

M. Norman Farrell
M. Mathias Marcussen

Les Conseils de Stanislav Galic :

Mme Mara Pilipovic
M. Stéphane Piletta-Zanin

 

LA CHAMBRE D’APPEL du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 (le « Tribunal »), est saisie d’une requête (la « Deuxième Requête ») présentée par l’Appelant Stanislav Galic (l’« Appelant ») aux fins de l’admission en appel en tant que moyen de preuve supplémentaire d’une lettre (la « Lettre à l’Appelant ») que le Comité international de la Croix -Rouge (le « CICR ») a adressée aux conseils de l’Appelant le 29 août 20031.

1. Tout d’abord, il y a lieu de rappeler le contexte dans lequel la Deuxième Requête a été déposée. Le 5 décembre 2003, la Chambre de première instance a rendu son jugement dans le procès de l’Appelant2. Ce dernier a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité (assassinat et actes inhumains ) sur la base de l’article 5 du Statut et de violations des lois ou coutumes de la guerre (actes de violence dont le but principal était de répandre la terreur parmi la population civile, tels que prévus par l’article 51 du Protocole additionnel  I aux Conventions de Genève de 1949) sur la base de l’article 3 du Statut. Il a été condamné à une peine unique de 20 ans d’emprisonnement3.

2. La Chambre de première instance a estimé que les dispositions du Protocole additionnel  I s’appliquaient à l’affaire dont elle était saisie et, comme indiqué plus haut, a déclaré l’Appelant coupable sur cette base. La Chambre de première instance a affirmé que les belligérants étaient convenus, en vertu d’un accord conclu sous les auspices du CICR (l’« Accord du 22 mai 1992 » ou l’« Accord ») d’appliquer, entre autres, les articles 35 à 42 et 48 à 58 du Protocole additionnel I4. Elle a alors conclu que l’Accord du 22 mai 1992 était valide :

Tenue de par sa fonction de s’assurer de la validité de cet accord comme source de droit applicable, la Chambre de première instance tient compte du fait que, dans sa lettre du 12 juin 1995 adressée à Richard Goldstone, Procureur du Tribunal à l’époque, le CICR a confirmé que les conditions de forme requises pour l’entrée en vigueur de cet accord étaient remplies5.

Il a été précisé ce qui suit au sujet de cette lettre dans la note de bas de page correspondante : « Lettre datée du 12 juin 1995, par. A (DDM/JUR 95/931 MSS/RBR). Copie disponible à la bibliothèque du TPIY »6. Dans la présente décision, cette lettre sera désignée comme étant la « Lettre à Goldstone » pour la distinguer de la Lettre à l’Appelant.

3. L’Appelant demande à présent que la Lettre à l’Appelant soit admise en appel en tant que moyen de preuve supplémentaire. Dans cette lettre, le CICR tentait de répondre aux questions qu’avaient formulées les conseils de l’Appelant, à savoir i) si les parties à l’Accord du 22 mai 1992 avaient, conformément aux dispositions concernant son entrée en vigueur, formellement indiqué au CICR qu’elles en acceptaient les termes et ii) dans l’affirmative, à quelle date. Il semble, d’après la Lettre à l’Appelant, que le CICR ait joint à celle-ci la copie de deux lettres, l’une émanant de la Présidence de la République de Bosnie-Herzégovine et l’autre de la République serbe de Bosnie-Herzégovine, dans lesquelles ces autorités indiquaient qu’elles acceptaient les termes de l’Accord. Le CICR a également déclaré que i) il ne pouvait en dire plus pour des raisons tenant à la confidentialité de ses méthodes de travail et ii) en tout état de cause, le CICR n’exprimait aucune opinion juridique sur la question de savoir si l’Accord du 22 mai 1992 était ou non entré en vigueur.

4. La procédure relative à la Deuxième Requête a été la suivante. L’Accusation avait demandé auparavant que certains passages des écritures présentées en appel par l’Appelant soient supprimés au motif qu’ils se fondaient sur la Lettre à l’Appelant pour réfuter une constatation de la Chambre de première instance7. Or, la Lettre à l’Appelant n’avait pas été versée au dossier en l’espèce. Dans sa décision relative à la suppression de certains passages, la Chambre d’appel a indiqué que si l’Appelant souhaitait faire référence à la Lettre à l’Appelant en appel, il devait demander son admission en application de l’article 115 du Règlement de procédure et de preuve8. Ce faisant, elle a également ordonné à l’Appelant de présenter des motifs valables justifiant le dépôt d’une requête présentée en application de l’article 115 du Règlement après l’expiration des délais fixés9. L’article  115 dispose qu’une demande d’admission de moyens de preuve supplémentaires en appel doit être « déposée auprès du Greffier […] au plus tard soixante-quinze jours à compter de la date du jugement, à moins qu’il existe des motifs valables d’accorder un délai supplémentaire ». En l’espèce, le délai des 75 jours a été fixé à compter de la date de dépôt de la traduction en français du Jugement10.

5. D’après la jurisprudence établie par la Chambre d’appel, « compte tenu de l’exigence Sde l’article 115C selon laquelle des motifs valables doivent être présentés, la partie requérante doit démontrer qu’elle n’était pas en mesure de se conformer aux délais prescrits par l’article visé et qu’elle a présenté sa requête dans les meilleurs délais après avoir pris connaissance de l’existence des éléments de preuve dont elle demande l’admission11 ». Dans la Deuxième Requête, l’Appelant s’efforce d’expliquer les raisons du retard qu’il a pris à formuler sa demande en application de l’article 115 du Règlement. La Chambre d’appel a eu du mal à comprendre ses explications à ce sujet12. L’Appelant fait valoir qu’ayant reçu la Lettre à l’Appelant le 3 septembre 2003, il n’était pas en mesure de déposer la Deuxième Requête dans un délai de 75 jours à compter du 5 avril 2004, date à laquelle il aurait reçu la traduction en français du Jugement13. Cet argument n’a évidemment aucune pertinence. Manifestement, d’après ce qu’affirme l’Appelant, celui-ci était déjà en possession de la Lettre à l’Appelant avant même que le Jugement ne soit rendu. Les arguments invoqués par l’Appelant ne sont pas convaincants14.

6. Cependant, l’Accusation ne s’oppose pas au dépôt tardif de la Deuxième Requête compte tenu du fait que l’Appelant l’a déposée rapidement après avoir pris connaissance de la Décision relative à la suppression de certains passages, ce qui prouve qu’il ignorait qu’il convenait de présenter la Lettre à l’Appelant conformément à la procédure relative à l’admission de moyens de preuve supplémentaires15. Dans la Décision relative à la suppression de certains passages, la Chambre d’appel a déclaré que « la Lettre Sà l’AppelantC a pour objet de réfuter une constatation de la Chambre de première instance, qu’elle est un moyen supplémentaire visant à prouver un fait qui n’a pas été établi en première instance et que son versement au dossier est donc régi par l’article 115 du Règlement16  ».

7. La Chambre d’appel estime que i) le fait que l’Accusation ne s’oppose pas à ce dépôt tardif, ii) le fait qu’apparemment l’Appelant ignorait vraiment que la Lettre à l’Appelant relevait de l’article 115, et iii) le fait que l’Accusation n’a souffert aucun préjudice en raison de ce retard constituent globalement un motif valable au sens de l’article 115 du Règlement17. En conséquence, la Chambre d’appel reconnaît la validité du dépôt de la Deuxième Requête. Néanmoins, elle a longtemps hésité avant de prendre cette décision, qui ne signifie pas qu’une partie peut se soustraire à la règle du délai prescrit par l’article 115 en invoquant une mauvaise interprétation du Règlement.

8. Dans la Réponse à la Deuxième Requête, l’Accusation maintient que la Lettre à l’Appelant n’est pas admissible en application de l’article 115, notamment parce que l’Appelant n’a pas établi que celle-ci n’était pas disponible au procès en première instance malgré toute la diligence voulue18. L’Appelant a voulu répliquer, mais il ne l’a pas fait dans les délais impartis par la Directive pratique correspondante, et il n’a pas non plus demandé de délai supplémentaire pour déposer sa réplique ni reçu l’autorisation de la déposer après l’expiration des délais en question19. En conséquence, la Chambre d’appel n’a pas pris en considération cette réplique dont le dépôt n’était pas valide.

9. Conformément à l’article 115 du Règlement et à la jurisprudence de la Chambre d’appel, pour que des moyens de preuve supplémentaires soient admis en appel, la partie qui les présente est tenue d’établir que ceux-ci n’étaient pas disponibles au procès en première instance sous quelque forme que ce soit20, et qu’elle n’aurait pu en découvrir l’existence même en faisant preuve de toute la diligence voulue, ce qui signifie que la partie en question doit démontrer notamment qu’elle a utilisé « tous les mécanismes de protection et de contrainte prévus par le Statut et le Règlement du Tribunal international afin de présenter les moyens de preuve à la Chambre de première instance »21.

10. L’Appelant ne conteste pas le fait que la Lettre à l’Appelant était disponible au procès en première instance22. Au lieu de cela, il affirme qu’il avait des raisons de ne pas la produire comme moyen de preuve, raisons qui peuvent se résumer de la façon suivante. L’Appelant fait valoir que la question de la validité de l’Accord du 22 mai 1992 n’a pas été soulevée en première instance 23. À l’exception de l’Accord lui-même, aucun élément prouvant sa validité n’a été présenté 24. Cette question n’a été abordée qu’au prononcé du Jugement, lorsque la Chambre de première instance a établi d’office la validité de l’Accord en se fondant sur la Lettre à Goldstone, laquelle n’avait pas été versée au dossier de l’espèce25.

11. Il est possible de répondre brièvement à ces arguments. La Chambre d’appel ne peut convenir que la question de la validité de l’Accord du 22 mai 1992 n’a pas été soulevée pendant le procès en première instance. Après les plaidoiries et le réquisitoire, le 9 mai 2003, la Chambre de première instance a demandé à l’Accusation et à l’Appelant si les parties au conflit avaient fait savoir au CICR qu’elles acceptaient les termes de l’Accord, conformément aux dispositions quant à son entrée en vigueur. L’Accusation a répondu :

Monsieur le Président, nous n’avons pas d’élément prouvant que les belligérants ont informé le CICR qu’elles acceptaient formellement les termes de l’Accord. Bien entendu, nous avons des éléments de preuve basés sur le document selon lequel les parties sont convenues de ces termes, mais à ce stade nous n’avons pas devant la Chambre d’élément de preuve concernant cette question purement technique, à savoir que, le 26 mai au plus tard, les parties au conflit ont bel et bien informé le CICR qu’elles acceptaient les termes de l’Accord26.

Toutefois, pendant tout ce temps, il y avait la Lettre à Goldstone datée du 12 juin  1995, qui avait été adressée au premier procureur du Tribunal, mais que l’Accusation n’avait pas produite pour des raisons inconnues.

12. Pour sa part, l’Appelant a déclaré :

M. le Président, la Défense a un doute […] La question reste donc ouverte et il n’appartient pas à la Défense d’y répondre. Merci27.

Peu après, l’Appelant a adressé une lettre au CICR aux fins d’obtenir des informations à ce sujet28. Il a reçu la Lettre à l’Appelant le 3 septembre 2003, c’est-à-dire trois mois avant le prononcé du Jugement, mais il ne l’a pas produite comme moyen de preuve.

13. L’Appelant ayant admis qu’il était en possession de la Lettre à l’Appelant pendant le procès, l’Accusation répond à ce sujet que « [l]es parties au procès ne sont pas habilitées à se contenter d’attendre que le jugement soit rendu et, si la décision qui est prise ne leur convient pas, demander à déposer des moyens de preuve supplémentaires en appel qu’elles avaient en leur possession avant le prononcé du jugement29  ».

14. La Chambre d’appel n’ignore pas qu’il est important de savoir si des éléments de preuve étaient disponibles au procès en première instance parce que cette question a une incidence sur le critère d’admissibilité des moyens de preuve visé à l’article  115 du Règlement. Les moyens de preuve qui n’étaient pas disponibles au procès et dont on n’aurait pu découvrir l’existence malgré toute la diligence voulue doivent se rapporter à une question cruciale, être crédibles et être tels qu’ils auraient pu influer sur le jugement30. Si une partie qui présente des moyens de preuve ne peut établir que ces derniers n’étaient pas disponibles au procès en première instance et qu’elle n’aurait pu en découvrir l’existence malgré toute la diligence voulue, cette partie doit en outre démontrer que leur exclusion aboutirait à une erreur judiciaire dans la mesure où si ces moyens avaient été disponibles en première instance, ils auraient influé sur la décision31.

15. La Chambre d’appel est convaincue que l’Appelant connaissait le contenu de la Lettre à l’Appelant au procès en première instance. Elle sait également que la «  procédure d’appel n’a pas pour vocation de permettre aux parties de remédier à leurs propres erreurs ou négligences durant le procès32  ». Pourtant, la Chambre d’appel considère qu’il faut distinguer la présente situation de celle dans laquelle la partie requérante n’a pas présenté certains éléments devant la Chambre de première instance faute d’avoir fait preuve de toute la diligence voulue33. Comme la Chambre d’appel le montrera, ce qui distingue ce cas précis, c’est que la Chambre de première instance s’est fondée, d’office et aux fins de déterminer le droit applicable, sur un document qui n’avait pas été versé au dossier de première instance et qui n’en faisait donc pas partie.

16. Selon l’article 21 3) du Statut, l’accusé a droit à la présomption d’innocence. Cette présomption fait peser sur l’Accusation l’obligation d’établir la culpabilité de l’accusé. Conformément à l’article 87 A) du Règlement, l’Accusation est tenue d’établir la culpabilité de l’accusé au-delà de tout doute raisonnable34. On ne peut reprocher à un accusé et à ses conseils d’avoir estimé que l’Accusation devait s’acquitter de sa charge en première instance. En l’espèce, la Lettre à Goldstone n’avait pas été produite. Même si l’Appelant détenait la Lettre à l’Appelant avant le prononcé du Jugement, on ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir produit cette lettre en estimant que la charge de la preuve reposait sur l’Accusation, parce que la Lettre à Goldstone n’ayant pas été versée au dossier de première instance, il n’y avait donc en l’occurrence aucun moyen de preuve à réfuter. Exiger de l’Appelant qu’il produise cette lettre aurait eu pour effet pervers de renverser la charge de la preuve au procès.

17. Cependant, force est de constater qu’en l’espèce, le moyen de preuve en question était disponible en première instance. L’article 115 A) fait interdiction à une partie de présenter en appel « des éléments de preuve dont elle disposait lors du procès, c’est-à-dire qu’elle doit exposer sa cause aussi bien que possible en première instance, et qu’elle ne peut pas réserver des éléments de preuve pour l’appel »35. L’application du critère le plus exigeant (à savoir que l’exclusion des moyens de preuve supplémentaires aboutirait à une erreur judiciaire) à des moyens de preuve qui étaient disponibles en première instance se justifie par l’intérêt porté à la finalité des décisions.

18. En conséquence, il reste à savoir si l’Appelant a en outre établi que l’exclusion du moyen de preuve supplémentaire entraînerait une erreur judiciaire, en ce sens que s’il avait été disponible en première instance, il aurait influé sur le Jugement. L’Appelant n’a pas explicitement invoqué l’erreur judiciaire. Il affirme que la Lettre à l’Appelant aurait dû être admise comme moyen de preuve supplémentaire, parce qu’elle porte sur la question de savoir si l’Accord du 22 mai 1992 avait été ratifié et par conséquent, s’il était valide, ce qui a été un élément déterminant dans la conclusion de la Chambre selon laquelle le Protocole additionnel I constituait le droit applicable36. Selon l’Appelant, le passage de la Lettre à l’Appelant indiquant que « le CICR n’exprime aucune opinion juridique sur la question de savoir si l’Accord […] était ou non entré en vigueur » contredit directement le contenu de la Lettre à Goldstone. Celle-ci indique notamment : « Vous pouvez être sûr que, lorsqu’un tel accord indique que, pour qu’il entre en vigueur, les parties concernées doivent le “ratifier” ou en accepter formellement les termes, le CICR est par la suite informé de l’acceptation nécessaire de l’accord par les parties et que celui-ci est donc entré en vigueur ». Selon l’Appelant, la Lettre à l’Appelant démontre que le CICR n’avait pas à se prononcer sur la question de savoir si l’Accord était entré en vigueur et que, par conséquent, le Chambre de première instance n’aurait pas dû se fonder sur la Lettre à Goldstone pour conclure que l’Accord était valide37. L’Appelant fait également valoir que, dans la mesure où la Lettre à Goldstone ne faisait pas partie du dossier de première instance et où la Chambre de première instance s’est fondée d’office sur ce document, il n’a pas pu en contester le contenu lors du procès 38.

19. L’Accusation répond que l’Appelant n’a pas démontré que l’exclusion du moyen de preuve présenté entraînerait une erreur judiciaire, parce que le fait que le CICR a refusé en 2003 de se prononcer sur la validité de l’Accord ne prouve pas que l’opinion qu’il a exprimé à ce sujet en 1995 et qui est contenue dans la Lettre à Goldstone était erronée, ni ne remet en cause les documents ultérieurs à l’Accord sur lesquels la Chambre de première instance s’est fondée et selon lesquels les parties ont considéré qu’elles étaient tenues par les termes de l’Accord39.

20. La Chambre d’appel a examiné les moyens de preuve supplémentaires dans le contexte des preuves présentées en première instance et non isolément40. Elle a également tenu compte du fait que la Lettre à l’Appelant indique que le CICR n’exprime aucune opinion juridique sur la question de savoir si l’Accord était ou non entré en vigueur41, et qu’elle met en avant le fait que le CICR a jugé bon de fournir cette information42. La Chambre d’appel est convaincue, pour les raisons exposées par l’Accusation et indiquées plus haut, que la Lettre à l’Appelant n’aurait pas influé sur le Jugement, et que son exclusion n’aurait pas entraîné d’erreur judiciaire. Par conséquent, la Chambre d’appel conclut que le moyen de preuve présenté par l’Appelant dans la Deuxième Requête ne remplit pas les conditions requises par l’article 115 du Règlement.

PAR CES MOTIFS,

REJETTE la Deuxième Requête.

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 21 mars 2005
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre d’appel
_____________
Theodor Meron

[Sceau du Tribunal]


1 - Defence Request for Admission of Further Additional Evidence on Appeal, 7 décembre 2004.
2 - Le Procureur c/ Galic, affaire n° it-98-29-T, Jugement et opinion dissidente, 5 décembre 2003 (« Jugement »).
3 - Jugement, par. 769.
4 - Jugement, par. 22.
5 - Jugement, par. 23.
6 - Jugement, note de bas de page 31.
7 - Voir Prosecution Motion to Strike Portions of Appellant’s Appeal Brief, Book of Authorities and Reply Brief, 29 octobre 2004, p. 3.
8 - Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de supprimer des passages du mémoire d’appel de l’appelant, de son mémoire en réplique et de la liste de ses sources, 3 décembre 2004 (« Décision relative à la suppression de certains passages »), p. 4 ; voir aussi article 127 du Règlement.
9 - Décision relative à la suppression de certains passages, dispositif.
10 - Voir Décision relative à la demande de prorogation du délai de dépôt de l’acte d’appel, 22 décembre 2003 ; voir aussi Ordonnance relative à la requête confidentielle de l’appelant aux fins de présenter devant la Chambre d’appel des moyens de preuve supplémentaires en application de l’article 115 du Règlement, 2 février 2005, p. 3. La Chambre d’appel a confirmé que la traduction en français du Jugement avait été déposée le 7 avril 2004. L’Appelant fait valoir au paragraphe 10 de la Deuxième Requête qu’il a reçu cette traduction le 5 avril 2004. Malgré cela, le délai imparti pour le dépôt de la Deuxième Requête court à compter de la date de dépôt officielle de la traduction en français du Jugement, c’est-à-dire le 7 avril 2004.
11 - Le Procureur c/ Kordic et Cerkez, affaire n° IT-95-14/2-A, Décision relative à la requête de l’Accusation aux fins d’admission de moyens de preuve supplémentaires concernant Dario Kordic et Mario Cerkez, 17 décembre 2004, p. 3.
12 - Voir Deuxième Requête, par. 10 à 12.
13 - Deuxième Requête, par. 10.
14 - La traduction en français du Jugement ayant été déposée le 7 avril 2004, la Deuxième Requête aurait dû être déposée au plus tard le 21 juin 2004. Or, l’Appelant l’a déposée le 7 décembre 2004, ce qui correspond à 169 jours de retard.
15 - Response to Defence Request for Admission of Further Additional Evidence on Appeal, 17 décembre 2004 (« Réponse »), par. 10 à 13.
16 - Décision relative à la suppression de certains passages, p. 3.
17 - Voir Le Procureur c/ Momir Nikolic, affaire n° IT-02-60/1-A, version publique expurgée de la Décision relative à la requête aux fins d’admission de moyens de preuve supplémentaires, 9 décembre 2004, par. 16.
18 - Réponse, par. 17.
19 - Voir Reply to Prosecution’s Response dated 17 December 2004, 23 décembre 2004 ; voir aussi Directive pratique relative à la procédure de dépôt des écritures en appel devant le Tribunal international, IT/155 Rev.1, 7 mars 2002, par. 12. Dans l’intervalle et depuis le dépôt de la Deuxième Requête, cette directive a été modifiée : voir Directive pratique relative à la procédure de dépôt des écritures en appel devant le Tribunal international, IT/155 Rev.2, 21 février 2005, par. 14. Le délai imparti pour déposer une réplique reste le même, à savoir quatre jours.
20 - Voir article 115 B) du Règlement ; voir aussi Le Procureur c/ Krstic, affaire n° IT-98-33-A, Arrêt relatif à la demande d’injonctions, 1er juillet 2003 (« Décision Krstic »), par. 4.
21 - Le Procureur c/ Tadic, affaire n° IT-94-1-A, Décision relative à la requête de l’appelant aux fins de prorogation de délai et d’admission de moyens de preuve supplémentaires, 15 octobre 1998, par. 40, 44, 45 et 47 ; Le Procureur c/ Kupreskic et consorts, affaire n° IT-95-16-A, Arrêt, 23 octobre 2001 (« Arrêt Kupreskic »), par. 50.
22 - En effet, il admet avoir reçu la lettre de l’Appelant le 3 septembre 2003, c’est-à-dire avant le prononcé du Jugement. Voir Deuxième Requête, par. 10.
23 - Deuxième Requête, par. 13.
24 - Deuxième Requête, par. 15.
25 - Deuxième Requête, par. 16.
26 - Compte rendu d’audience du 9 mai 2003, p. 21971.
27 - Compte rendu d’audience du 9 mai 2003, p. 21967 et 21972.
28 - Cette lettre, signée par les conseils de l’Appelant, a été déposée auprès de la Chambre d’appel le 22 décembre 2004. Elle est datée du 5 juin 2003.
29 - Réponse, par. 20.
30 - Arrêt Kupreskic, par. 68 ; Le Procureur c/ Tihomir Blaskic, affaire n° IT-95-14-A, Décision relative à l’admissibilité d’éléments de preuve, 31 octobre 2003 (« Décision Blaskic »), p. 3 ; Le Procureur c/ Dario Kordic et Mario Cerkez, affaire n° IT-95-14/2-A, Décision relative à la requête déposée par l’appelant Mario Cerkez en application de l’article 115 du Règlement aux fins de l’admission du compte rendu de la déposition du témoin Ba2, 16 avril 2004 (« Décision Kordic »), par. 4.
31 - Voir Le Procureur c/ Stanisic et Simatovic, affaire n° IT-03-69-AR65.1, IT-03-69-AR65.2, Décision relative à la requête de l’Accusation déposée en application de l’article 115 du Règlement aux fins de présenter des moyens de preuve supplémentaires dans le cadre de son appel des décisions relatives à la mise en liberté provisoire, 11 novembre 2004, par.8 ; Décision Krstic, par. 16 ; Le Procureur c/ Delic, affaire n° IT-96-21-R-R119, Décision relative à la requête en révision, 25 avril 2002 (« Décision Delic »), par. 15 (la décision traite spécifiquement de la procédure de révision visée à l’article 119 du Règlement, mais la Chambre d’appel a relevé au paragraphe 10 que cette procédure présentait des similitudes avec la procédure relative à l’admissibilité de moyens de preuve visée à l’article 115 du Règlement) ; Décision Blaskic, p. 3 et 4 ; Décision i, par. 4.
32 - Décision Delic, par. 15. La Chambre fait référence à l’affaire n° IT-95-16-A, Le Procureur c/ Kupreskic et consorts, version expurgée de l’Arrêt relatif aux requêtes des appelants Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic, Zoran Kupreskic et Mirjan Kupreskic aux fins de verser au dossier des éléments de preuve supplémentaires, 30 mai 2001 (« Décision Kupreskic »), par. 15.
33 - Décision Delic, par. 15 et note de bas de page 36 y relative : « la Chambre d’appel a déclaré que lorsque le conseil a commis une faute grave lors du procès, un accusé peut en exciper les conséquences pendant l’appel. On ne saurait toutefois interpréter ces propos comme étant un moyen de limiter le pouvoir de cette Chambre de tenir compte du comportement du conseil, aux cas où une faute grave est commise. La jurisprudence actuelle en matière de droit international humanitaire semble appuyer l’intervention de la Chambre d’appel si le fait nouveau (article 119) ou les moyens de preuve supplémentaires (article 115) sont tels que leur exclusion entraînerait une erreur judiciaire, sans pour autant limiter cette intervention aux cas de négligence grave de la part d’un conseil. »
34 - Le Procureur c/Vasiljevic, affaire n° IT-98-32-T, Jugement, 29 novembre 2002, par. 12.
35 - Décision Kupreskic, par. 15 ; voir aussi Décision Delic, par. 15 (où il est indiqué au paragraphe 10 que le critère de la diligence requise s’applique aussi bien à l’admissibilité de moyens de preuve prévue à l’article 115 qu’à la procédure de révision visée à l’article 119) : « Une partie doit exposer sa cause aussi bien que possible en première instance et ne peut réserver des éléments de preuve pour l’appel en prévision d’un échec au procès ».
36 - Deuxième Requête, par. 12 et 13.
37 - Deuxième Requête, par. 23 à 26.
38 - Deuxième Requête, par. 22.
39 - Réponse, par. 28.
40 - Voir Le Procureur c/ Kupreskic et consorts, version expurgée de la Décision relative à l’admission de moyens de preuve supplémentaires suite à l’audience du 30 mars 2001, 11 avril 2001, par. 8 ; Momir Nikolic c/ Le Procureur, affaire n° IT-02-60/1-A, version publique expurgée de la Décision relative à la requête aux fins d’admission de moyens de preuve supplémentaires, 9 décembre 2004, par. 25.
41 - Lettre de l’Appelant, p. 1.
42 - Lettre de l’Appelant, p. 2.