Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   (Vendredi 18 janvier 2002.)

  2   (Audience publique.)

  3   (L'audience est ouverte à 9 heures 05.)

  4   M. le Président (interprétation): Madame la Greffière, voulez-vous citer

  5   le numéro de l'affaire?

  6   Mme Chen (interprétation): Affaire IT-98-29-T, le Procureur contre

  7   Stanislav Galic.

  8   M. le Président (interprétation): Merci, Madame la Greffière.

  9   Bonjour à tous ceux qui sont dans ce prétoire. A moins qu'il n'y ait des

 10   observations brèves à faire après la conférence de mise en état d'hier… Je

 11   vois, Maître Piletta-Zanin, que vous demandez la parole. Je vous la donne.

 12   M. Piletta-Zanin: J'ai un incident de procédure à soulever relativement à

 13   des documents qui ont été transmis par l'accusation quelque part dans la

 14   nuit, nous ne savons pas quand, qui concernent l'audition d'un témoin que

 15   nous aurons à entendre prochainement, qui est M. Lynden, Baron Van Lynden.

 16   M. le Président (interprétation): Oui.

 17   M. Piletta-Zanin: Nous ne savons si c'est maintenant ou avant que ce

 18   témoin soit introduit à la convenance de cette Chambre.

 19   M. le Président (interprétation): Si vous pouviez indiquer brièvement quel

 20   est votre problème? Et nous verrons à ce moment-là si on peut en traiter

 21   maintenant ou plus tard.

 22   M. Piletta-Zanin: Il s'agit à nouveau -et cela devient maintenant une

 23   stratégie qui devient intolérable pour la défense- de traductions qui ont

 24   été données en serbe, que nous n'avons reçues dans le casier qu'il y a

 25   quelques heures. Il est impossible de préparer la défense dans ces


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  1   conditions. J'aimerais sur ce point formuler une requête orale que

  2   j'exposerai devant votre Chambre.

  3   M. le Président (interprétation): Nous allons régler cette question. Il

  4   faudra que l'on en discute entre les Juges. En même temps, Maître, j'ai

  5   invité toutes les parties à me faire savoir hier si quelque chose leur

  6   manquait en matière de traduction ou de document. Je n'avais pas entendu

  7   de vous à ce moment-là qu'il vous manquait quelque chose, et je supposais

  8   que vous aviez un texte en anglais de cette déclaration, et non pas la

  9   traduction dont vous avez besoin. Je comprends que vous en ayez besoin,

 10   mais j'aurais préféré en être informé. Je crois que nous avons mis au

 11   point cette procédure. Je crois qu'il faut qu'une semaine à l'avance on

 12   puisse comparer si tous les documents sont disponibles.

 13   M. Piletta-Zanin: Merci de nous indiquer cela. Mais je ne vois pas comment

 14   je peux vous informer. Lorsque j'ai reçu ces traductions dans le casier,

 15   dans la nuit entre aujourd'hui et hier, je ne le savais pas. Avant notre

 16   conférence, je ne pouvais pas le savoir.

 17   M. le Président (interprétation): J'ai invité les parties à m'informer

 18   s'il y avait des documents qui leur manquaient. Je comprends, vous n'aviez

 19   pas la traduction en temps utiles, donc elle vous manquait. Nous

 20   reviendrons à cela à un autre moment, je souhaiterais que l'accusation

 21   veuille préparer une explication et nous dire pourquoi cette traduction

 22   n'a pas été fournie plus tôt.

 23   Je crois qu'au moment actuel, l'interrogatoire principal de M.

 24   Sehbajraktarevic, pourrait se poursuivre. Monsieur l'huissier, pourriez-

 25   vous, s'il vous plaît, faire entrer le témoin?


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  1   (Le témoin, M. Fuad Sehbajraktarevic, est introduit dans le prétoire.)

  2   M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur Sehbajraktarevic.

  3   Pouvez-vous m'entendre dans une langue que vous comprenez?

  4   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Oui.

  5   M. le Président (interprétation): Je vous rappelle que vous êtes tenu par

  6   la déclaration solennelle que vous avez faite hier.

  7   Et maintenant, M. Stamp va poursuivre l'interrogatoire. Monsieur Stamp?

  8   (Interrogatoire principal du témoin, M. Fuad Sehbajraktarevic, par M.

  9   Stamp.)

 10   M. Stamp (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

 11   Est-ce que des dossiers étaient gardés sur les enterrements et les

 12   ensevelissements faits par les l'entreprise de pompes funèbres?

 13   M. Sehbajraktarevic (interprétation) Oui, des dossiers précis existent

 14   encore aujourd'hui.

 15   Question: A quel moment est-ce que cela était fait? Quand est-ce que,

 16   typiquement à ce stade du processus, on tenait les dossiers?

 17   Réponse: On n'enterrait pas les personnes décédées jusqu'à ce que l'on

 18   nous donne les noms, la date du décès. Il n'y a eu que trois cas dans

 19   lesquels on a supposé que c'étaient des Musulmans. Leur identité n'était

 20   pas connue.

 21   Question: Est-ce que les copies de ces dossiers ont été transmises au

 22   personnel du Tribunal?

 23   Réponse: J'ai remis les choses aux forces de sécurité, parce que j'avais

 24   des dossiers très précis, des archives très précises, j'y ai travaillé

 25   tout au long de la guerre, et je les ai remis au centre des services de


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  1   sécurité.

  2   Question: Est-ce que ces dossiers indiquaient si les morts étaient

  3   militaires ou faisaient partie de la population civile?

  4   Réponse: Oui, tout à fait, au début. Pas les militaires, la défense du

  5   pays, il y avait une défense territoriale, ce n'était pas une armée.

  6   Lorsque les premières victimes sont tombées, les huit qui ont été tuées

  7   sur les montagnes au-dessus de la ville, j'ai pensé que cela ne durerait

  8   pas longtemps. Donc, j'ai pris un cahier spécial, le même que pour les

  9   civils, pour que les détails soient remplis. J'ai rempli un, deux, trois

 10   cas, il y a eu au total 3500 personnes sur cette liste.

 11   Question: Savez-vous où sont ces archives maintenant?

 12   Réponse: Je les ai à Bakija dans l'entreprise de pompes funèbres.

 13   Question: Vous dites que vous aviez remis des copies exactes de ces

 14   archives au service de sécurité, c'est cela?

 15   Réponse: Oui. C'est exact.

 16   Question: Avant 1992, à peu près, combien de personnes est-ce que vous

 17   enterriez en moyenne par an?

 18   Réponse: Environ mille.

 19   Question: Dans quel secteur se trouvait votre maison de pompes funèbres

 20   avant 1992?

 21   Réponse: Sarajevo était le centre de la Bosnie, quiconque était traité à

 22   Sarajevo et y mourait, nous allions chercher la personne décédée, même en

 23   dehors de Bosnie, même en Macédoine. Il y avait un certain nombre

 24   d'Albanais. Nous couvrions l'ensemble de la Yougoslavie. Si des personnes

 25   mouraient à Sarajevo, on ramenait leurs dépouilles mortelles au lieu où


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  1   elles étaient nées.

  2   Question: Approximativement, combien de dépouilles mortelles avez-vous

  3   enterrées tout au long de la guerre, en particulier entre août 1992 et

  4   septembre 1994 ou excusez-moi, en particulier entre septembre 1992 et août

  5   1994?

  6   Réponse: Je ne pourrais pas vous dire exactement, je pourrais dire en

  7   gros, 8000 à 9000, parce que le total général, à la fin de la guerre,

  8   était de 13.000 personnes qui sont décédées.

  9   Question: Pourriez-vous m'expliquer que 13.000 personnes sont décédées ou

 10   vous avez enterré 13.000 personnes?

 11   Réponse: Nous les avons enterrées, d'après les documents que nous avons

 12   encore en notre possession, qui sont bien gardés. J'ai les archives de la

 13   période antérieure à la guerre. Pour chaque année, j'ai dit qu'il y avait

 14   environ, en moyenne, 1000 personnes enterrées.

 15   Question: Lorsque vous parlez de 13.000 personnes qui sont décédées au

 16   cours de la guerre, est-ce que vous voulez dire que votre entreprise de

 17   pompes funèbres s'est occupée de l'enterrement de 13.000 personnes?

 18   Réponse: Oui. Nous n'étions pas responsables, nous avions à le faire.

 19   Question: Je comprends.

 20   Question: Alors quelles étaient les parties du pays dans lesquelles vous

 21   accomplissiez ces enterrements pendant la guerre?

 22   Réponse: Les municipalités de Stari Grad, Centar, Novo Sarajevo, Novi

 23   Grad, à l'exception de Dobrinja qui était assiégée depuis plusieurs mois

 24   jusqu'à ce que la route ait été rouverte.

 25   Question: Ces municipalités que vous venez de mentionner, c'étaient celles


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  1   dans les lignes de confrontation, à l'intérieur des lignes de

  2   confrontation de Sarajevo, est-ce exact?

  3   Réponse: Oui, précisément.

  4   Question: En moyenne, pouvez-vous vous rappeler, approximativement,

  5   combien de corps vous avez enterré tel ou tel jour pendant la guerre? Au

  6   cours d'une journée?

  7   Réponse: En moyenne, au cours d'une journée, c'était à peu près 15

  8   enterrements. C'était la moyenne, parfois il y en avait 5, parfois il y en

  9   avait 50.

 10   Question: Est-ce que vous savez si c'étaient des enterrements de…, est-ce

 11   qu'il y a eu des enterrements de Musulmans tout au long de la guerre,

 12   indépendamment de ce qu'a fait votre entreprise de pompes funèbres?

 13   Réponse: Pour ces municipalités, non.

 14   Question: Vous avez dit que Dobrinja était assiégée pendant plusieurs

 15   mois, avez-vous pu faire des enterrements pour des personnes qui étaient

 16   de Dobrinja?

 17   Réponse: Oui, plus tard, lorsque nous avons pu y entrer. Bien sûr, malgré

 18   toutes les difficultés, on y allait, on prenait les corps, on revenait.

 19   Et, on disait à la famille que le service funèbre aurait lieu tel ou tel

 20   jour. Ceux qui étaient enterrés à Dobrinja, dans des parcs à différents

 21   endroits, nous les avons exhumés par la suite, environ 50% d'entre eux.

 22   Question: Combien d'agences de pompes funèbres fonctionnaient à Sarajevo

 23   au cours de la guerre?

 24   Réponse: L'entreprise Pokop qui est l'entreprise municipale fondée par

 25   l'assemblée à l'époque, et nous-mêmes. Mais Pokop n'avait pas de véhicule,


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  1   l'assemblée municipale leur en a donné seulement vers la fin.

  2   Question: Les pompes funèbres s'occupent des derniers rites pour des

  3   Croates et pour ses Serbes?

  4   Réponse: C'est ce qu'ils faisaient avant la guerre, ils faisaient tout

  5   sauf les Musulmans et les athées.

  6   Question: Comment étiez-vous avisés du fait qu'il y avait des corps à

  7   prendre et à enterrer?

  8   Réponse: Soit c'était un membre de la famille qui venait nous trouver soit

  9   on passait par là dans un véhicule soit la police nous le disait ou les

 10   militaires par la suite et ensuite l'armée.

 11   Question: Comment est-ce que vous preniez les dépouilles mortelles?

 12   Réponse: Dans un véhicule et on prenait le risque.

 13   Question: Vous preniez le risque de quoi?

 14   Réponse: Eh bien, on prenait le risque de savoir si le conducteur

 15   reviendrait vivant ou non.

 16   Question: Quel était le danger pour le chauffeur?

 17   Réponse: Bien sûr qu'il y avait du danger. Quand on passait le long de la

 18   rue Titova, vous aviez la protection des immeubles de part et d'autre,

 19   mais dès qu'on arrivait à Marindvor ou Grbavica, il y avait des tireurs

 20   isolés qui pouvaient vous toucher de n'importe quel côté, en commençant

 21   par les casernes du Maréchal Tito. Il y avait une quantité très importante

 22   de tirs nourris.

 23   Question: Je crois que vous voulez dire le danger de tireurs isolés?

 24   Réponse: Les tireurs isolés et les obus. Les casernes étaient pleines de

 25   tireurs isolés avec des sacs de sable et ils surveillaient derrière ces…


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  1   Ils avaient une très bonne vision, une très bonne vue. Les téléphones

  2   fonctionnaient, le service d'ambulance nous disait de venir et on ne

  3   savait pas comment les atteindre. On prenait des voies détournées,

  4   derrière la gare de chemin de fer pour prendre 10 à 15 corps. On ne savait

  5   même pas de qui il s'agissait.

  6   Question: Pendant la guerre, où enterriez-vous les victimes?

  7   Réponse: Dans tous les vieux cimetières de Sarajevo. Tous les anciens

  8   cimetières de Sarajevo ont été creusés à nouveau et ils étaient protégés

  9   par les immeubles. Le seul danger venait du pilonnage des obus.

 10   Question: Avez-vous apporté des changements, des modifications dans la

 11   nature ou dans le temps que prenaient les services funèbres pendant la

 12   guerre?

 13   Réponse: Nous avons raccourci les rites au simple minimum, simplement les

 14   éléments de base. Il fallait évidemment laver les corps dans notre

 15   religion, sauf pour les soldats. Un civil doit être lavé, le corps,

 16   enveloppé dans un suaire, et il faut qu'il y ait à ce moment-là des rites

 17   funèbres, un enterrement.

 18   Question: En ce qui concerne les rites d'enterrement, s'il vous plaît, y

 19   a-t-il eu des modifications qui aient raccourci la cérémonie pendant la

 20   guerre?

 21   Réponse: C'était sans arrêt. On n'arrêtait pas.

 22   Question: Pourriez-vous expliquer ce que vous voulez dire par "sans

 23   arrêt"? Jour et nuit?

 24   Réponse: Les enterrements eux-mêmes sont toujours les mêmes. Simplement on

 25   raccourcissait, il y avait moins de prières, mais la façon dont nous


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  1   travaillions: le transport, le creusement des tombes elles-mêmes, on les

  2   creusait pendant la nuit.

  3   Question: Pourquoi les creusiez-vous pendant la nuit?

  4   Réponse: Sauf pour les deux cas des Budakovici, j'ai oublié maintenant les

  5   noms -Fatima Karcic, je crois, était son nom- un obus est tombé lors de

  6   ses funérailles, vers 16 heures, qui a touché un prunier et a tué 8

  7   personnes sur place. Elles sont mortes plus tard à l'hôpital. Mon

  8   personnel s'y est rendu pour prendre les corps. C'est comme cela que je le

  9   sais. Puis l'assemblée municipale m'a donné l'ordre de le faire de nuit,

 10   bien qu'il eût mieux valu le faire de nuit (phon), mais c'était beaucoup

 11   plus calme la nuit et beaucoup plus sûr.

 12   Question: Vous voulez dire que c'était mieux pour vous, parce que vous

 13   enterriez les corps, parce que c'était plus sûr du point de vue sécurité?

 14   Réponse: Oui, vous ne pouviez rien voir. Sarajevo était dans la nuit, dans

 15   l'obscurité, nous étions donc en sécurité. On n'allumait pas non plus de

 16   lumière dans les voitures.

 17   Question: Cet enterrement dont vous parlez, qui a fait l'objet d'un

 18   pilonnage, qui a reçu un obus et qui a eu 8 morts: est-ce que vous vous

 19   rappelez l'année de l'enterrement?

 20   Réponse: Je devrais savoir la date exacte… 1993… Etait-ce juin? Je

 21   pourrais chercher, j'ai la date évidemment dans mon bureau.

 22   Question: C'était du côté du mois de juin 1993?

 23   Réponse: Oui, c'était quelque chose comme cela, c'était en tous les cas

 24   pendant l'été.

 25   Question: Pourriez-vous nous dire le nom de l'endroit où cet enterrement a


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  1   eu lieu?

  2   Réponse: Budakovici, c'est près de l'hôpital. En contre-bas de l'hôpital,

  3   il y a un grand cimetière qu'il a fallu que nous recreusions complètement.

  4   Question: Vous avez dit plus tôt qu'il y avait des tirs isolés vers les

  5   véhicules à partir des casernes du Maréchal Tito. Au moment de ces tirs,

  6   qui contrôlait ces casernes?

  7   Réponse: Les soldats de l'armée yougoslave, l'hôpital militaire au-dessus,

  8   ils tiraient et aussi à l'intérieur.

  9   Quel était le nom de ce général? Je crois qu'il venait de Vojvodine. Je

 10   connaissais ce nom.

 11   Question: Je vous remercie. Avez-vous remarqué les effets émotionnels ou

 12   psychologiques résultant du pilonnage et des tirs isolés sur la population

 13   civile de Sarajevo?

 14   Réponse: C'est très évident. Bien sûr.

 15   Question: Nous n'étions pas là, pourriez-vous dire au Tribunal ce que vous

 16   avez observé en ce qui concerne l'état émotionnel des personnes à la suite

 17   de pilonnages et de tirs de tireurs isolés?

 18   Réponse: Au début, on se cachait, on courait à gauche, à droite, on

 19   essayait de se mettre à l'abri. Ensuite, on devenait indifférent à savoir

 20   si on serait touché ou pas. Dès qu'un pilonnage s'arrêtait, les gens

 21   sortaient dans la rue, c'était de la folie. Tout était perturbé, rien

 22   n'était normal.

 23   Question: Avez-vous remarqué des modifications que ces effets émotionnels

 24   ont pu causer à la population l'époque? Modifications de comportement?

 25   Réponse: Pas vraiment, pour dire la vérité, je n'ai pas remarqué ces


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  1   choses. Je m'occupais de mon travail. Je n'avais pas vraiment le temps de

  2   regarder ce genre de choses.

  3   Question: Aujourd'hui, est-ce qu'il y a quoi que ce soit qui vous inspire

  4   des émotions pendant la guerre, personnellement?

  5   Réponse: Je n'étais même pas conscient de ce qui se passait. Je suis

  6   effrayé maintenant, en y réfléchissant rétrospectivement, en me demandant

  7   comment nous avons survécu moi-même et ma famille. Il y a eu 6 tirs dont 3

  8   venaient d'un canon, et 3 autres, je ne sais pas parce que je n'ai jamais

  9   été dans l'armée, venaient de quelque chose comme du 84 mm, des obus.

 10   Question: Ce dont vous parlez se trouvait où?

 11   Réponse: Un est arrivé sur le toit, un sur le balcon et deux à travers

 12   l'immeuble. Qui avaient-ils pour cible? Je ne sais pas. Il y avait un

 13   chanteur près de moi, peut-être qu'on essayait de le prendre pour cible.

 14   Question: L'immeuble dont vous parlez était votre domicile?

 15   Réponse: Oui. C'était là où étaient mon grand-père et ma famille.

 16   Question: Est-ce que quelque chose, aujourd'hui, peut vous rappeler cette

 17   époque, lorsque votre domicile a été pris pour cible par des pilonnages et

 18   que vos véhicules ont été pris pour cible par des tireurs isolés?

 19   M. Stamp (interprétation): Heureusement j'ai oublié tout cela.

 20   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Je vous remercie.

 21   J'en ai terminé avec mon interrogatoire principal.

 22   M. le Président (interprétation): Je vous remercie Monsieur Stamp. Maître

 23   Pilipovic, vous avez la parole pour contre-interroger ce témoin.

 24   (Contre-interrogatoire du témoin, M. Fuad Sehbajraktarevic, par Me

 25   Pilipovic.)


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  1   Mme Pilipovic (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

  2   Monsieur le témoin, soyez le bienvenu.

  3   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Bonjour.

  4   Question: Hier, au moment où mes éminents collègues vous ont posé leurs

  5   questions, vous avez précisé où se situait votre entreprise Bakije?

  6   Réponse: Oui.

  7   Question: Vous aviez dit que c'était à Bascarsija?

  8   Réponse: Oui, au centre.

  9   Question: Pourriez-vous préciser en donnant le nom de la rue?

 10   Réponse: Milosa Obilica, aujourd'hui Safetbega Basahica, c'est là que se

 11   situe la mosquée. On n'est séparé de la mosquée que par une espèce de

 12   couloir.

 13   Question: Vous avez dit que ce bâtiment avait fait l'objet de pilonnage?

 14   Réponse: Oui.

 15   Question: A quel moment?

 16   Réponse: Jusqu'à ce que la poste soit touchée, il me semble que c'était en

 17   août 1992.

 18   Question: Avant le mois d'août 1992?

 19   Réponse: Il me semble bien, car on sait quand la poste a été détruite,

 20   non?

 21   Question: Vous-même, vous trouviez-vous à l'intérieur de ce bâtiment

 22   lorsque cela est arrivé?

 23   Réponse: Non, c'était de nuit. Tout a été brisé, les vitres, les éclats

 24   d'obus ont tout cassé. Il faut savoir que c'était très près, ce n'est qu'à

 25   30 mètres de distance.


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  1   Question: Une équipe d'experts est-elle venue faire l'état des lieux? A-t-

  2   elle tout enregistré?

  3   Réponse: Les Bakije?

  4   Question: Non, votre bâtiment.

  5   Réponse: Mais non, cela, c'était indifférent à tout le monde.

  6   Question: Vous avez informé pourtant la police en leur disant que votre

  7   bâtiment avait été pilonné?

  8   Réponse: Eh bien, cela se voyait, cela se savait. Tous les jours les gens

  9   venaient et les informations précisaient, pour chacune des nuits, ce qui

 10   avait été touché, lorsque la poste a été touchée…

 11   Question: Près de votre bâtiment, y avait-il l'armée, l'armée était-elle

 12   stationnée?

 13   Réponse: Non, pas du tout.

 14   Question: Aujourd'hui, mon éminent collègue vous a posé une question à

 15   laquelle vous avez répondu en disant que les quartiers de Stari Grad,

 16   Centar, Novo Sarajevo, Novi Grad, et plus tard de Dobrinja étaient des

 17   municipalités où votre entreprise, l'entreprise Bakije, procédait aux

 18   enterrements?

 19   Réponse: Oui.

 20   Question: Vous avez dit que ces quartiers se situaient en deçà de la ligne

 21   de confrontation?

 22   Réponse: Oui.

 23   Question: Pouvez-vous nous préciser ce que cela veut dire, les lignes de

 24   confrontation?

 25   Réponse: Je ne le sais pas.


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  1   Question: Vous-même, vous êtes-vous rendu sur ces lignes de confrontation?

  2   Réponse: Non, jamais. Mais au tout début, en 1992, je suis arrivé près de

  3   la ligne, et plus tard, ils nous emmenaient vers des endroits plus sûrs.

  4   Puis nous allions à Bakija. Les militaires pouvaient transporter leurs

  5   camarades en bas, lorsqu'ils étaient morts.

  6   Question: Pouvez-vous me dire ce que cela veut dire "en deçà" ou "en

  7   dessous" par rapport à la ligne de confrontation?

  8   Réponse: Eh bien, là où nous nous trouvions.

  9   Question: Qui nous?

 10   Réponse: Nous qui pouvions approcher cette ligne.

 11   Question: Pouvez-vous nous préciser un peu mieux à quoi se réfère "nous

 12   qui défendions la ville"?

 13   Réponse: "Nous qui défendions la ville": moi j'étais à leur service.

 14   Question: Au service de qui?

 15   Réponse: Au service des défenseurs de la ville.

 16   Question: Et ces défenseurs étaient-ils positionnés à des postes précis?

 17   Les voyiez-vous?

 18   Réponse: Bien entendu que je les voyais. Mais pas à la ligne, je les

 19   voyais en ville.

 20   Question: Portaient-ils des uniformes?

 21   Réponse: Au début non, pendant deux ans certainement, il n'en ont pas eu.

 22   Plus tard, j'en ai vu, mis à part les responsables, eux, qui se

 23   promenaient à Bascarsija.

 24   Question: Quand les avez-vous pour la première fois?

 25   Réponse: En 1992, le président de la municipalité, Stjepan Kljujic, je les


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  1   ai vus pour la première fois à Bascarsija porter un uniforme, c'est la

  2   première fois que j'ai vu un uniforme de camouflage.

  3   Question: A quel moment en 1992?

  4   Réponse: Il faisait beau, c'était vraisemblablement en été.

  5   Question: Quand est-ce que vous voyiez les autres, les autres défenseurs?

  6   Réponse: Bien sûr, je les voyais, ils étaient en baskets, en jeans,

  7   c'étaient des enfants, la plupart étaient des enfants.

  8   Question: Etaient-ils armés?

  9   Réponse: Non.

 10   Question: Parmi ces défenseurs, il y en a que vous avez vus porter une

 11   arme?

 12   Réponse: Oui. J'en ai vu. Quand ils allaient là-haut, un sur cinq portait

 13   un fusil. Près de ma maison, il y a un chemin qui mène Vijace Dole (phon),

 14   je les voyais là, un sur cinq portait un fusil, une Kalachnikov

 15   vraisemblablement.

 16   Question: Où se situe votre maison?

 17   Réponse: Près du cimetière Alifakovac.

 18   Question: Cela se situe où?

 19   Réponse: C'est la vieille partie de la ville. C'est à droite de

 20   Alifakovac, à 50 mètres à peine.

 21   Question: Vous avez dit que votre maison a été pilonnée six fois?

 22   Réponse: Six fois, oui.

 23   Question: La première fois, c'était quand?

 24   Réponse: En 1992. Dès le début, parmi les premiers obus, il y en a un qui

 25   a touché mon toit, puis c'est la terrasse qui a été touchée.


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  1   Question: Avez-vous vu cet obus? Etiez-vous chez vous quand l'obus est

  2   tombé?

  3   Réponse: Oui, j'étais à l'intérieur. J'étais chez-moi.

  4   Question: Avez-vous vu la provenance de l'obus?

  5   Réponse: Comment voulez-vous que je sache cela?

  6   Question: Les cinq fois autre fois, avez-vous vu cela?

  7   Réponse: Non, je n'ai pas vu, mais il a ouvert une tranchée à côté de la

  8   maison. Je pense que cela venait de Grbavica. Mais ce n'était pas un obus,

  9   mais c'était le canon.

 10   Question: Avez-vous vu ce canon?

 11   Réponse: Comment voulez-vous que je voie ce canon? Je n'ai jamais fait mon

 12   service militaire, je n'en sais rien. C'est ce que disaient ceux qui ont

 13   fait leur service militaire. Mes deux fils, par exemple, ont fait leur

 14   service.

 15   Question: Vous-même, vous n'avez jamais vu ce canon pour lequel vous dites

 16   qu'il a touché votre maison?

 17   Réponse: Jamais. Mais peut-être je l'ai vu, mais je ne savais pas ce que

 18   c'était.

 19   Question: Vous saviez que c'était un canon parce que d'autres vous l'ont

 20   dit?

 21   Réponse: Oui..

 22   Question: Près de votre maison, y avait-il des lignes de confrontation?

 23   Réponse: Non, non, c'était bien plus haut, peut-être à vol d'oiseau, je ne

 24   sais pas exactement, mais une trentaine de minutes à pied.

 25   Question: Jusqu'où?


Page 1786

  1   Réponse: Jusqu'à ces lignes.

  2   Question: Vous-même, vous vous êtes rendu à ces lignes?

  3   Réponse: J'étais en contrebas.

  4   Question: Quand vous dites "en contrebas", qu'entendez-vous par là? Par

  5   rapport à quoi en contrebas de ces lignes?

  6   Réponse: Je veux dire plus près de la ville.

  7   Question: Lorsque vous dites "en contrebas par rapport à la ligne". Il y a

  8   des soldats là-bas?

  9   Réponse: Eh bien, ils se relayaient, lorsque les uns arrivaient, d'autres

 10   repartaient. Donc il y en avait qui partaient plus haut et ils se

 11   relayaient. Il y avait un foyer à Rid, et c'est là qu'ils partaient se

 12   positionner.

 13   Question: Avez-vous eu l'occasion de vous entretenir avec ces gens?

 14   Réponse: Oui, bien sûr. Que se passe-t-il? Quoi de neuf? Y a-t-il eu des

 15   victimes, des morts, etc.

 16   Question: Saviez-vous quelle était la formation militaire dont-ils étaient

 17   membres?

 18   Réponse: Je supposais que c'était la brigade de celui qui s'était fait

 19   tuer plus tard. C'est la brigade qui appartenait à notre quartier, notre

 20   zone, la brigade de Zulic, la 10e Brigade.

 21   Question: Vous avez dit que depuis la caserne du Maréchal Tito, il y avait

 22   des coups de feu de tireurs embusqués?

 23   Réponse: Oui.

 24   Question: Jusqu'à quel moment?

 25   Réponse: Jusqu'à ce que l'armée se retire de la caserne, en 1992.


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  1   Question: A quel moment en 1992, pouvez-vous préciser?

  2   Réponse: Cela, je ne peux pas. Il y avait un général de Voïvodine,

  3   originaire de Voïvodine, mais je ne me rappelle pas son nom.

  4   Question: Vous-même, personnellement, étiez-vous sur place, avez-vous vu?

  5   Réponse: Une fois, je suis passé mais en flèche, en voiture et j'ai réussi

  6   à avoir ma tête sauve.

  7   Question: Vous avez dit qu'il y avait eu des coups de feux qui provenaient

  8   de l'hôpital militaire?

  9   Réponse: Oui. Du toit de l'hôpital militaire. De l'époque où l'armée était

 10   encore stationnée à Sarajevo.

 11   Question: Avez-vous vu ces coups de feu?

 12   Réponse: Oui.

 13   Question: Avez-vous vu des coups de feu ouverts sur l'hôpital, à ce

 14   moment-là?

 15   Réponse: Plutôt, j'ai vu qu'ils tiraient sur l'hôpital militaire, on voit

 16   très bien depuis chez moi.

 17   Question: C'était à quel moment?

 18   Réponse: Je ne sais pas.

 19   Question: Et lorsque vous avez dit que cela provenait de Trebevic, était-

 20   ce au pied de Trebevic ou au sommet?

 21   Réponse: Mais on ne voit pas le sommet depuis chez nous, on voit le

 22   Vidikovac et on voit l'autre côté, on voit bien cela depuis la ville. Je

 23   pouvais voir le char, je pouvais bien le voir quand il tirait. Quant aux

 24   canons je ne sais pas où ils étaient.

 25   Question: Et c'était où?


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  1   Réponse: Tous les ans.

  2   (L'interprète à beaucoup de mal à comprendre le témoin.)

  3   Question: Lorsque vous avez vu ce canon tirer, vous avez informé qui que

  4   ce soit, vous avez dit cela, qu'il y avait un canon à Vidikovac?

  5   Réponse: Mais tout le monde le savait, tout le monde voyait quand le canon

  6   tirait.

  7   Question: En ville, dans la ville même de Sarajevo, puisque vous dites que

  8   votre entreprise était située au centre, est-ce qu'il vous est arrivé de

  9   voir un char, en ville?

 10   Réponse: Dans la ville même de Sarajevo?

 11   Question: Oui.

 12   Réponse: Non cela ne m'est jamais arrivé, je n'ai jamais vu de char à

 13   Sarajevo.

 14   Question: Vous est-il arrivé de voir des soldats en uniforme, en ville?

 15   Réponse: Oui, l'armée yougoslave, à l'époque où elle y était encore.

 16   Question: A quel moment était-ce?

 17   Réponse: A l'époque où ils étaient encore stationnés à la caserne Maréchal

 18   Tito.

 19   Question: Savez-vous quel nombre de soldats et d'officiers sont morts à

 20   l'intérieur de la caserne, dans cette caserne?

 21   Réponse: Je ne le sais pas.

 22   Question: Savez-vous qu'au moment du repli de l'armée, au moment où

 23   l'armée quittait la caserne, on lui a tiré dessus, et plus de 20 soldats

 24   et officiers sont morts à cette occasion-là?

 25   Réponse: Je ne le sais pas. Ce sont des questions militaires, je ne


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  1   connais pas cela.

  2   Question: Vous avez évoqué l'incident de Budakovici, vous avez dit que

  3   cela s'était produit en juin 1993?

  4   Réponse: Mais on connaît parfaitement la date, on connaît le nom et le

  5   prénom.

  6   Question: Vous avez dit que vous n'aviez pas vu cela personnellement?

  7   Réponse: Si, j'ai envoyé mes enfants et, plus tard, j'y suis allé moi-même

  8   aussi. C'est pour cela que je témoigne ici. Je ne connais pas le reste.

  9   Question: Donc, vous ne savez pas d'où est venu cet obus?

 10   Réponse: Je ne sais pas. Ce n'est pas facile.

 11   Question: Vous est-il arrivé de voir un soldat serbe à Sarajevo durant ce

 12   conflit?

 13   Réponse: Non.

 14   Question: A un moment, auriez-vous entendu ou vu quelqu'un donner l'ordre

 15   demandant que l'on pilonne le cimetière de Budakovici?

 16   Réponse: Non.

 17   Question: Savez-vous quelle était la provenance de cet obus, l'obus qui a

 18   touché le cimetière de Budakovic?

 19   Réponse: Non, pas du tout.

 20   Question: Donc, c'est quelque chose dont vous avez entendu parler

 21   seulement?

 22   Réponse: J'ai vu que l'obus était tombé, qu'il avait tué des gens. Tous

 23   les 6 ou plutôt tous les 8, et 3 autres, je les ai portés moi-même, je les

 24   ai portés à l'hôpital.

 25   Question: Vous avez vu l'obus tomber, réellement vu?


Page 1790

  1   Réponse: Non, j'ai vu les conséquences de cette frappe.

  2   Question: On vous a dit quelle avait été la provenance de l'obus?

  3   Réponse: Mais je n'en avais rien à faire.

  4   Question: Vous ne savez donc pas d'où est venu cet obus?

  5   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Je ne sais pas.

  6   Mme Pilipovic (interprétation): Est-ce que vous savez: c'était à côté de

  7   Spicasta Stijena?

  8   (Note de l'interprète: elle est perdue.)

  9   M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, juste une chose: j'entends que

 10   l'interprète est perdue. Si le témoin peut répondre un peu plus lentement?

 11   Merci par avance.

 12   M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Piletta-

 13   Zanin. Pour moi, il est un peu difficile de suivre puisque je ne connais

 14   pas la langue originale, et je vous remercie de nous apporter assistance.

 15   Monsieur Sehbajraktarevic, pourriez-vous s'il vous plaît jeter un coup

 16   d'œil à l'écran qui se trouve devant vous et ne commencer à répondre à la

 17   question qui vous a été posée qu'à partir du moment où le texte ne bouge

 18   plus à l'écran?

 19   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Mais c'est en anglais.

 20   M. le Président (interprétation): Oui. Dès que cela s'arrête, vous

 21   pourrez, s'il vous plaît, commencer à donner votre réponse.

 22   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Très bien.

 23   Mme Pilipovic (interprétation): Vous nous avez dit que c'était la fameuse

 24   Spicasta Stijena?

 25   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Oui.


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  1   Question: Mais pourquoi dites-vous la "fameuse"?

  2   Réponse: Puisqu'il y avait un tireur embusqué.

  3   Question: A un moment quelconque du conflit, vous y êtes-vous rendu dans

  4   cette zone?

  5   Réponse: Oui.

  6   Question: A cet endroit, y avait-il l'armée?

  7   Réponse: Où?

  8   Question: Excusez-moi, je n'ai pas entendu votre réponse.

  9   Réponse: Où cela?

 10   Question: A Spicasta Stijena, y avait-il des soldats?

 11   Réponse: Mais vous savez, c'est un endroit où il pouvait y avoir peut-être

 12   trois tireurs embusqués. Quand à ce qui se cachait derrière, cela, je ne

 13   sais pas.

 14   Question: Lorsque vous étiez là-haut, à Spicasta Stijena, c'était auprès

 15   de qui?

 16   Réponse: Je suis allé voir ce menuisier, lorsque son enfant s'est fait

 17   tuer. Il est à la troisième ou la quatrième maison à compter depuis la

 18   Spicasta Stijena. Il m'a demandé comment je venais là-haut, et voilà,

 19   j'étais arrivé là-haut.

 20   Question: A ce moment-là, vous avez vu l'armée?

 21   Réponse: Non.

 22   Question: Savez-vous que la ligne de confrontation se trouvait à cet

 23   endroit?

 24   Réponse: A vrai dire, je n'en avais rien à faire. Cela ne m'a jamais

 25   intéressé particulièrement.


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  1   Question: Vous avez dit que vous avez obtenu des registres?

  2   Réponse: Oui.

  3   Question: Lorsque vous étiez là-haut à Spicasta Stijena, vous avez dit que

  4   vous vous êtes rendu chez le menuisier. Ai-je bien compris?

  5   Réponse: Oui.

  6   Question: J'attends que ce texte s'arrête, c'est pour ça que j'attends.

  7   Quant à ce menuisier, quelqu'un a été tué dans sa famille?

  8   Réponse: Son fils qui était âgé de 17 ou de 18 ans, me semble-t-il, hélas!

  9   Question: Vous a-t-il dit où son fils a été tué?

 10   Réponse: Devant la maison, devant leur maison.

 11   Question: Quelle est la distance entre la maison et Spicasta Stijena?

 12   Réponse: Mais je viens de vous le dire! C'est la troisième ou la quatrième

 13   maison.

 14   Question: A combien de mètres ou de kilomètres se situe-t-elle par rapport

 15   à Spicasta Stijena?

 16   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Je ne sais pas, 50, 60, 100 mètres…

 17   Mais je ne peux pas te dire précisément, mais c'est dans la voie.

 18   Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, on voudrait

 19   présenter au témoin une carte pour que le témoin puisse nous montrer

 20   Spicasta Stijena sur cette carte. Il s'agit de la carte 3544A: c'est la

 21   carte vierge. J'aimerais que le témoin nous indique où se trouve Spicasta

 22   Stijena et qu'il note cela sur la carte, qu'il inscrive cela sur la carte.

 23   M. le Président (interprétation): Avant de le faire, Maître Pilipovic, en

 24   vue de l'Article 90 H), pouvez-vous nous l'expliquer puisque cela n'a pas

 25   été couvert par l'interrogatoire principal? A présent, je ne vois pas quel


Page 1793

  1   est le fondement de cela. Est-ce que cela a à voir avec la crédibilité du

  2   témoin?

  3   Mme Pilipovic (interprétation): Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

  4   C'est cela.

  5   M. le Président (interprétation): Vous me dites oui à quoi? Vous répondez

  6   par l'affirmative à quoi?

  7   Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, le témoin, durant

  8   sa déposition, en répondant à mes questions, nous a parlé des lignes de

  9   confrontation. Quant à moi, c'est dans le cadre de ces questions-là, donc

 10   de l'existence des lignes de confrontation, que j'ai interrogé le témoin

 11   au sujet de l'incident du cimetière de Budakovici.

 12   Le témoin a expliqué qu'il s'agissait d'un pilonnage. Et puisque le témoin

 13   m'a dit qu'il connaissait les lignes de confrontation, je lui ai demandé

 14   de me dire s'il savait s'il y avait des lignes de confrontation à

 15   proximité de ce cimetière. C'est à ce moment-là que le témoin a mentionné

 16   Spicasta Stijena. Afin de vérifier, de tester sa crédibilité, je

 17   souhaiterais que le témoin nous inscrive cela sur une carte puisqu'il

 18   vient de nous dire qu'il s'y est rendu.

 19   M. Sehbajraktarevic (interprétation): En contrebas de Spicasta Stijena.

 20   Mme Pilipovic (interprétation): Très bien. Vous nous direz alors à quoi

 21   vous faites référence lorsque vous dites "en contrebas".

 22   La défense estime qu'il s'agit d'une question pertinente compte tenu du

 23   fait que le témoin nous parle des lignes de confrontation et qu'il évoque

 24   également l'existence des pilonnages et des tireurs embusqués.

 25   M. le Président (interprétation): Premièrement, essayons de vérifier ce


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  1   que témoin a dit précisément au sujet des lignes de confrontation. Pour ce

  2   qui est de Spicasta Stijena, un instant s'il vous plaît.

  3   Maître Pilipovic, je cherchais sur mon portable. Je suis à la page 94854,

  4   plutôt l'heure…

  5   Le témoin a dit à la Chambre quelques lignes plus haut:

  6   "-R: Je suis allé voir un menuisier dont l'enfant a été tué. Il se situait

  7   à trois ou quatre maisons de Spicasta Stijena et je lui ai demandé comment

  8   il pouvait monter là-haut.

  9   -Q: Avez-vous vu des soldats là-bas?

 10   -R: Non.

 11   -Q: Savez-vous que les lignes de confrontation étaient là-haut?"

 12   -R: "Je ne sais pas, cela ne me regardait pas." (Fin de citation)

 13   Donc, si vous souhaitez que le témoin indique où se situe cet endroit, la

 14   maison du menuisier, et si vous souhaitez mettre cela en relation avec les

 15   connaissances du témoin sur les lignes de confrontation, je ne vous

 16   autoriserai pas à le faire puisque le témoin a affirmé qu'il n'avait

 17   aucune connaissance des lignes de confrontation.

 18   Et si je me reporte au transcript, vous avez expliqué à la Chambre que la

 19   question était pertinente, -je cite-: "Pertinente, car le témoin parlait

 20   des lignes de confrontation et de l'existence des incidents de pilonnage

 21   et de coups de feu des tireurs embusqués".

 22   Si vous souhaitez tester la crédibilité de ces témoins, au sujet des

 23   lignes de confrontation, je ne peux pas vous autoriser à le faire, puisque

 24   le témoin a dit qu'il n'était pas au courant de cela, il a dit qu'il n'en

 25   savait rien. Si vous souhaitez poser des questions pour une autre raison,


Page 1795

  1   expliquez cela à la Chambre, s'il vous plaît?

  2   Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, en répondant, le

  3   témoin a également répondu au sujet de Spicasta Stijena, la fameuse

  4   Spicasta Stijena. Alors, je me propose de lui demander à présent pour

  5   quelle raison cette Spicasta Stijena elle est fameuse.

  6   M. le Président (interprétation): Il me semble que vous lui avez déjà posé

  7   cette question et qu'il a répondu que c'était à cause des tireurs

  8   embusqués. Peut-on retrouver la ligne où le témoin a dit cela?

  9   Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, je ne vois pas

 10   apparaître cette ligne à l'écran. Elle s'est déjà évanouie. Mais le témoin

 11   a dit "la fameuse Spicasta Stijena".

 12   M. le Président (interprétation): Un instant.

 13   M. Stamp (interprétation): Est-ce que je peux aider? C'est la page 19,

 14   ligne 23 dans la version anglaise.

 15   M. le Président (interprétation): 19, 23?

 16   M. Stamp (interprétation): Si mon collègue peut se référer au texte.

 17   M. Piletta-Zanin: Pardonnez-moi, Monsieur le Président. Je disais à

 18   9:47,42 précisément.

 19   M. le Président (interprétation): Et quelle est l'heure sur le portable,

 20   l'ordinateur portable? 9:47,42. Vous parlez de la "fameuse Spicasta

 21   Stijena". 9:47, chez moi. Et c'est là que je vois apparaître:

 22   "Vous nous avez dit que c'était la fameuse ou de mauvaise notoriété

 23   Spicasta Stijena. Pourquoi était-elle connue?

 24   -R: A cause des tireurs embusqués".

 25   Je ne sais pas si le mot "fameux" apparaît à un autre endroit.


Page 1796

  1   M. Ierace (interprétation): Oui, parce que je vois cela en page 19. Je

  2   peux peut-être vous aider. Ligne 23 du transcript anglais.

  3   M. le Président (interprétation): Je vais vérifier cela.

  4   M. Ierace (interprétation): C'est la première fois que le témoin le

  5   mentionne.

  6   M. le Président (interprétation): Oui, c'est la première fois: "la fameuse

  7   ou de mauvaise notoriété, puisque beaucoup de gens ont été tués là-bas par

  8   des tireurs isolés. Des familles entières."

  9   C'est ce qui figure dans la version anglaise.

 10   Mme Pilipovic (interprétation): Ma question sera la suivante: le témoin

 11   sait-il et sur la base de quoi le sait-il que la Spicasta Stijena était

 12   connue comme un endroit néfaste?

 13   Réponse: (Inaudible.)

 14   En bas les gens ont des jardins, c'est là qu'ils étaient visés.

 15   La famille Parla, il n'est resté qu'un seul membre de cette famille, je

 16   crois. Je crois me souvenir que tout le monde est mort dans cette famille.

 17   Question: Est-ce que vous avez rendu visite à cette famille?

 18   Réponse: Non, mais j'étais tout près dans la maison du menuisier.

 19   Question: Quelle est la distance entre le maison des Parla et la maison du

 20   menuisier?

 21   Réponse: C'est la première, la première à droite.

 22   Question: Pouvez-vous nous dire combien de mètres à peu près?

 23   Réponse: 30 mètres à peu près. Ils étaient voisins, ils pouvaient

 24   s'entendre parler lorsqu'ils parlaient, il y avait des gens qui venaient

 25   de Sarajevo, on les entendait chez eux.


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  1   Question: La relève s'effectuait, et les gens se mettaient à creuser.

  2   Est-ce que vous avez dit que d'autres personnes étaient venues sur la

  3   ligne? Pouvez-vous nous donner davantage de détails?

  4   Réponse: La relève: les gens qui venaient de Serbie pour le week-end et

  5   qui étaient les pires d'entre eux. C'est là que les pilonnages et les tirs

  6   étaient les plus intenses. Les voisins en parlaient, et disaient: "nous

  7   serons absents, donc vérifiez chez nous".

  8   Question: Avez-vous entendu cela?

  9   Réponse: Non, je l'ai entendu dire par des soldats qui parlaient chez eux.

 10   Question: Quels soldats?

 11   Réponse: Nos soldats, ceux qui étaient dans les tranchées, qui nous

 12   défendaient.

 13   Question: Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire qu'à Spicasta

 14   Stijena il se trouvait des soldats, en tout cas, les soldats auxquels vous

 15   avez parlé?

 16   Réponse: Non, non, c'étaient des habitants de la ville. La famille Parla,

 17   c'est avec eux que j'ai échangé quelques mots. Ils communiquaient aussi

 18   entre eux.

 19   Question: Conviendriez-vous avec moi, tous près de cette famille Parla, de

 20   la maison de cette famille Parla , il y avait des soldats auxquels ils ont

 21   parlé?

 22   Réponse: Oui, ils étaient en haut à Spicasta Stijena.

 23   Question: Ces conversations, ils les ont eues avec des soldats qui étaient

 24   à Spicasta Stijena?

 25   Réponse: Qui étaient à Spicasta Stijena, oui.


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  1   Question: La distance était si petite qu'ils pouvaient parler depuis la

  2   maison jusqu'à Spicasta Stijena?

  3   Réponse: Oui.

  4   Question: Merci. Vous nous avez dit que vous aviez conservé des registres

  5   où étaient inscrits les personnes que vous avez ensevelies, enterrées?

  6   Réponse: Oui.

  7   Question: De quelle façon est-ce que vous enregistriez les données

  8   relatives aux personnes décédées?

  9   Réponse: Oui, c'est ce que je faisais.

 10   Question: Pouvez-vous nous dire quels sont les éléments que vous mettiez

 11   par écrit dans votre cahier?

 12   Réponse: Le nom et le prénom, la date de naissance, le nom du père, de

 13   l'épouse, s'il y en avait une, le lieu de résidence, l'adresse, l'endroit

 14   où la personne avait été tuée et l'endroit où la personne était enterrée.

 15   Question: Vous dites que vous avez conservé tous ces renseignements?

 16   Réponse: Oui.

 17   Question: Avez-vous fait lire ce cahier à quelqu'un, et si oui, à qui?

 18   Réponse: Ces cahiers, je ne les donne à personne, je les garde

 19   précieusement. Quant à la cassette, je l'ai donnée au CSB, ils l'ont

 20   copiée et me l'ont rendue.

 21   Question: Pouvez-vous me dire exactement ce à quoi correspond le CSB?

 22   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Le Centre de sécurité publique,

 23   c'est la police, c'est comme ça que s'appelle la police. C'est ainsi que

 24   s'appelle la police.

 25   Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, la défense a reçu


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  1   de l'accusation un document qui porte le n°D300754. Sur ce document, l'on

  2   trouve la liste des victimes tombées entre 1992 et 1996, les personnes qui

  3   ont été enterrées par l'entreprise Bakije.

  4   Dans cette liste, et je ferai savoir ceci en détail à l'accusation, mais

  5   la défense a procédé à quelques modifications, et je demande simplement au

  6   témoin de regarder ce document, et de nous dire si c'est bien celui qu'il

  7   a remis à la police. Dans cette liste, j'aimerais ensuite lui demander

  8   quelle est la signification d'une lettre, d'une initiale.

  9   M. le Président (interprétation): Vous pouvez montrer ce document au

 10   témoin. Je demanderai à M. l'huissier de vous apporter son aide en venant

 11   chercher ce document auprès de vous. Avez-vous l'intention de demander le

 12   versement au dossier de ce document, Maître Pilipovic?

 13   Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, je vais d'abord

 14   demander au témoin si les éléments que l'on trouve ici ont un lien avec

 15   les renseignements qu'il a consignés dans ces registres. Je lui demanderai

 16   d'abord d'identifier ce document.

 17   (Intervention de l'huissier.)

 18   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Mais quel est le titre de ce

 19   document?

 20   Question: Il s'agit de la liste des personnes enterrées, moi j'ai eu un

 21   document qui avait 402 pages. Est-ce que la lettre "C" signifie "civils",

 22   et la lettre "B" "combattants"?

 23   Réponse: La lettre "C", c'est bien les civils, parce que je considérais

 24   qu'un homme était un combattant lorsqu'il me montrait quelque chose, ou

 25   lorsqu'il avait quelque chose qui montrait qu'il appartenait à la Défense


Page 1800

  1   territoriale. Pour moi, la distinction était claire, j'enregistrais chacun

  2   en tant que combattant, avec le nom de la municipalité, de son commandant,

  3   et les documents qui l'accompagnaient.

  4   Question: Donc dans vos registres, vous savez exactement combien de civils

  5   ont été enterrés et combien de soldats?

  6   Réponse: Oui.

  7   Question: Sur la base de vos souvenirs, pouvez-vous nous dire combien de

  8   soldats ont été enterrés?

  9   M. le Président (interprétation): Madame Pilipovic, permettez-moi de vous

 10   interrompre.

 11   Le Greffe me fait savoir que deux pages ont été distribuées. En haut, à

 12   gauche, on voit le n°007766 sur une page, et sur l'autre page le n°07233,

 13   au bas de la page 2. Quant à la page qui porte le n°007766, en bas on voit

 14   le n°1 pour le numéro de pagination.

 15   Alors, pouvez-vous, je vous prie, mettre ce document sur le

 16   rétroprojecteur et nous dire de quelle page vous êtes en train de parler

 17   parce que vous avez parlé de la distribution d'une page et nous, nous

 18   sommes face à deux pages?

 19   Mme Pilipovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. La défense a

 20   préparé un nombre de copies suffisant de la page dont le numéro de

 21   référence est 007766.

 22   M. le Président (interprétation): C'est donc la page numérotée comme étant

 23   la page n°1?

 24   Mme Pilipovic (interprétation): Oui.

 25   M. le Président (interprétation): Mais le Greffe a reçu une deuxième page


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  1   également! Cela étant, suis-je en droit de comprendre que vous contre-

  2   interrogez le témoin sur la base de la page 1, c'est-à-dire celle qui

  3   porte le numéro de référence 007766?

  4   Mme Pilipovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, 007766.

  5   M. le Président (interprétation): Dans ce cas-là, je demanderai à

  6   l'huissier de reprendre la page n°2, de la retourner et de la rendre à Me

  7   Pilipovic.

  8   (Intervention de l'huissier.)

  9   J'apprécierais un peu plus de précision dans ce genre de question.

 10   Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, je fais de mon

 11   mieux, mais les conditions ne sont pas toujours idéales.

 12   M. le Président (interprétation): Très bien, je comprends.

 13   Mme Pilipovic (interprétation): Là où l'on écrit "statut", là où on lit

 14   "statut" sur ce document, vous nous dites que "C" correspond à "civils",

 15   et "B" à "combattants"?

 16   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Oui, à un membre de la Défense

 17   territoriale.

 18   Question: Pouvez-vous nous parler de la période de 1992, donc dans la

 19   période qui va de septembre 1992 à août 1994, combien -et j'espère que

 20   vous pourrez nous le dire, sinon vous nous direz que vous ne pouvez pas-,

 21   de civils et combien de soldats ont été enterrés dans cette période selon

 22   vos connaissances, et si cela peut être vérifié dans vos registres?

 23   Réponse: Il me semble que, depuis le début d'avril 1992 et jusqu'à la

 24   signature de l'accord de Dayton, on a enterré 3500 civils. Mais c'est

 25   vérifiable, il y a possibilité de le voir avec précision, de le vérifier


Page 1802

  1   avec précision.

  2   Question: Affirmez-vous que les éléments consignés dans vos registres ont

  3   été fidèlement reproduits sur la disquette que le CSB a prise chez vous,

  4   selon ce que vous venez de dire?

  5   Réponse: Ils ne l'ont pas prise, c'est moi qui l'ai donnée. Ils l'ont

  6   copiée et il me l'ont rendue. Moi, j'ai l'original. D'ailleurs, je ne sais

  7   pas si c'est un bonheur ou un malheur, mais j'ai tous les originaux, j'ai

  8   tous les éléments, toutes les données d'identification de chaque personne

  9   décédée.

 10   Question: Avez-vous vérifié ce qui était sur la disquette qu'ils vous ont

 11   remise?

 12   Réponse: Non, non, je n'ai pas vérifié. Ce qu'ils en ont fait, ce qu'ils

 13   en ont éventuellement fait, je ne sais pas.

 14   Question: Avez-vous apposé votre signature quelque part pour dire que ce

 15   que la police a recopié sur la disquette correspondait à ce que vous aviez

 16   par écrit dans vos registres originaux?

 17   Réponse: Non, ils me l'ont simplement rendue. Je leur ai donné cette

 18   disquette, ils l'ont gardée deux jours et ils me l'ont rendue.

 19   Question: Si je vous comprends bien, tout ce que vous avez consigné par

 20   écrit dans vos registres, vous l'avez copié sur la disquette?

 21   Réponse: Oui, et j'ai gardé les cahiers, les registres.

 22   Question: Vous affirmez donc que tout ce qui est écrit dans vos registres,

 23   l'intégralité de la liste des personnes enterrées, a donc été reproduit

 24   sur la disquette, selon vous?

 25   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Oui.


Page 1803

  1   Mme Pilipovic (interprétation): (Hors micro.) Monsieur le Président, nous

  2   demandons que ce document constitue la pièce à conviction de la défense

  3   D27 et soit donc versé au dossier.

  4   Monsieur le Président, mon confrère me fait savoir qu'au compte rendu

  5   d'audience en anglais il n'est pas très clair: le nombre des civils et des

  6   soldats enterrés n'est pas très clair. Puis-je reposer la question au

  7   témoin pour lui demander de dire combien de soldats ont été enterrés et

  8   combien de civils ont été enterrés?

  9   M. le Président (interprétation): Je crois que la réponse a été donnée en

 10   ce qui concerne les soldats. Mais un peu plus tôt dans son témoignage, le

 11   témoin avait répondu en donnant le nombre total des personnes enterrées.

 12   Je ne crois donc pas qu'il y ait un problème au compte rendu d'audience,

 13   mais si c'est un problème d'interprétation, bien sûr, si vous souhaitez

 14   que le témoin fasse le calcul, additionne les chiffres… Je crois l'avoir

 15   entendu parler de 13.000, il a dit que 3500 étaient des soldats, donc je

 16   suppose, pour ma part, que 9500 étaient des civils. Mais si, vous, vous

 17   souhaitez lui poser la question, je vous en prie, faites-le.

 18   Mme Pilipovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

 19   Monsieur le Témoin, vous avez dit que 3500 soldats avaient été enterrés?

 20   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Oui, à peu près… enfin, ce n'est pas

 21   à 1, 2 ou 3 près. Je ne peux pas vous dire exactement le chiffre précis.

 22   Question: Et, d'après vous, combien de civils ont été enterrés?

 23   Réponse: 7500…  ça fait 9500. 9500.

 24   Question: Et, pour ces 9500 civils, est-ce que vous disposiez d'éléments

 25   vous indiquant la cause de la mort?


Page 1804

  1   Réponse: Maintenant, je me rappelle que dans le cahier, il était écrit

  2   "pilonnage". Mais je n'ai pas les éléments complets.

  3   Question: Vous n'avez pas les renseignements complets pour les civils?

  4   Réponse: Non.

  5   Question: Vous maintenez votre affirmation selon laquelle vous avez aussi

  6   enterré des personnes qui venaient d'autres endroits que Sarajevo?

  7   Réponse: Avant la guerre.

  8   Question: Et pendant la guerre?

  9   Réponse: S'ils se trouvaient là.

 10   Question: Avez-vous aussi enterré des civils qui n'avaient pas de

 11   blessures?

 12   Réponse: Oui.

 13   Question: Et pour ces personnes, aviez-vous la preuve confirmant la cause

 14   de la mort?

 15   Réponse: Oui, nous avions notre médecin. Le docteur qui s'occupait des

 16   morts.

 17   Question: Et, ce "vérificateur des morts", comme vous l'appelez, est-ce

 18   que ce médecin, est-ce qu'il vous consignait la cause de la mort par

 19   écrit?

 20   Réponse: La cause de la mort? Oui, bien sûr, bien sûr, c'est son travail.

 21   Question: Est-ce que vous inscriviez cela dans vos registres?

 22   Réponse: Oui, il y a les éléments précis. La cause de la mort est indiquée

 23   par le médecin.

 24   Question: Et ce médecin, a-t-il travaillé tout le temps dans votre

 25   entreprise?


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  1   Réponse: Oui, tout le temps.

  2   Question: Pouvez-vous nous donner le nom de ce médecin?

  3   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Docteur Faruk Sokolovic, il

  4   travaille encore à Bakije, encore aujourd'hui.

  5   Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, je n'ai plus de

  6   question pour ce témoin, mais je propose que la liste, dont le numéro de

  7   référence commence par 007776, soit versée au dossier, puisque le témoin a

  8   identifié ce document et a confirmé que dans la colonne "Statut", les 2

  9   lettres correspondaient respectivement à civils et à combattants.

 10   Ce document a un numéro de référence qui commence par 00776, et qui se

 11   termine à droite par Kobilja Glava.

 12   M. le Président (interprétation): Merci, Maître Pilipovic.

 13   Mes collègues ont-ils des questions à poser au témoin?

 14   Je vous en prie, Monsieur le Juge.

 15   (Questions au témoin, M. Fuad Sehbajraktarevic, par M. le Juge El Mahdi.)

 16   M. El Mahdi: Monsieur le témoin, j'aurais aimé, s'il vous plaît, que vous

 17   me précisiez si vous avez bien dit….votre réponse à une question qui dit

 18   -je cite-: "Vous avez dit que les tirs provenaient de l'hôpital de

 19   l'armée?"

 20   Et vous avez répondu: "Oui, j'ai vu cela."

 21   L'hôpital de l'armée était occupé par qui? Et qui effectuait les tirs?

 22   M. Sehbajraktarevic (interprétation): A ce moment-là, ils étaient

 23   contrôlés par l'armée yougoslave, le général Kukanjac.

 24   M. El Mahdi: Merci, Monsieur.

 25   M. le Président (interprétation): Le témoin a quelque chose à ajouter. Je


Page 1806

  1   vous en prie, Monsieur.

  2   M. Sehbajraktarevic (interprétation): A ce moment-là, on pouvait entrer

  3   dans l'hôpital et ils étaient assez corrects avec nous. Nous avons

  4   d'ailleurs tiré pas mal de corps de l'hôpital, à ce moment-là.

  5   (Questions au témoin, M. Fuad Sehbaraktarevic, par M. le Président.)

  6   M. le Président (interprétation): Merci Monsieur… j'ai un peu de mal à

  7   prononcer votre nom, vous m'excuserez, Monsieur Sehbajraktarevic, mais

  8   j'aurai moi aussi une question à vous poser, une question supplémentaire

  9   au sujet de la liste dont il vient d'être question, et qui vous a été

 10   remise, il y a quelques instants.

 11   Je vois qu'il y a plusieurs rubriques dans cette liste et Me Pilipovic

 12   vous a interrogé au sujet de la rubrique "Statut" et des lettres C et B.

 13   Je vois qu'à gauche de la colonne intitulée "Statut", on lit le mot

 14   "Spol", je n'ai pas d'interprétation, de traduction de ce mot. Peut-être

 15   les interprètes peuvent-il me l'interpréter?

 16   C'est le sexe?

 17   M. Sehbaraktarevic (interprétation): Oui. Mâle ou femelle, homme ou femme.

 18   Question: Et la dernière colonne est intitulée "Mjesto", l'interprète me

 19   dit que cela signifie le lieu, l'endroit.

 20   Monsieur le témoin, pouvez-vous, je vous prie, m'indiquer ce qui figure

 21   dans la colonne lieu, est-ce que c'est le lieu où la personne a été

 22   enterrée ou un autre lieu?

 23   Réponse: Oui, le lieu où la personne est enterrée.

 24   Question: Merci. Vous venez de nous dire que, parfois, vous indiquiez,

 25   également, pas dans tous les détails, mais vous indiquiez au moins


Page 1807

  1   quelques éléments au sujet de la cause de la mort. Ces éléments figurent-

  2   ils sur cette liste ou sont-ils enregistrés ailleurs?

  3   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Seulement dans les cahiers, dans les

  4   registres que je possède.

  5   M. le Président (interprétation): Seulement dans les registres. Merci

  6   beaucoup.

  7   Y a-t-il des questions supplémentaires du côté de l'accusation, si oui,

  8   vous avez la parole?

  9   (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Fuad

 10   Sehbajraktarevic, par M. Stamp.)

 11   M. Stamp (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

 12   Monsieur le témoin, vous avez parlé d'une famille à Spicasta Stijena.

 13   Une famille qui avait été tuée, quel est le nom de cette famille, Parla?

 14   (Signe affirmatif de la tête du témoin.)

 15   Cette famille vivait de quel côté de la ligne de confrontation?

 16   M. le Président (interprétation): Le témoin a indiqué ne rien savoir de la

 17   ligne de confrontation. Votre question permettrait de penser qu'il a des

 18   connaissances à ce sujet.

 19   M. Stamp (interprétation): Oui, excusez-moi, Monsieur le Président.

 20   M. le Président (interprétation): Pourriez-vous reformuler ou poser une

 21   autre question au témoin, éventuellement?

 22   M. Stamp (interprétation): Vous avez dit avoir participé, avoir rendu les

 23   services que rendaient les défenseurs et, dans le cadre de ces services,

 24   il y avait la tâche consistant à ramasser les morts et à les enterrer,

 25   n'est-ce pas?


Page 1808

  1   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Membres de la défense, de quelle

  2   défense? Membres de quoi?

  3   Question: Vous avez dit être membre du service des défenseurs?

  4   Réponse: Je n'étais pas membre, mais il y avait un service qui travaillait

  5   pour l'armée.

  6   Je rendais ce service, nous devions le faire, c'était notre devoir, nous

  7   n'avions pas le choix. Je devais enterrer les morts.

  8   Question: Merci beaucoup.

  9   Donc, votre service consistait à enterrer les morts?

 10   Réponse: Oui, oui.

 11   Question: Vous avez dit que, entre avril 1992 et le jour de la signature

 12   des accords de Dayton, vous aviez enterré 3500 soldats. Comment avez-vous

 13   pu faire ce calcul ou parvenir à ce chiffre approximatif?

 14   Réponse: Il y a les numéros d'enregistrement, donc c'est possible.

 15   Question: Je suppose que vous voulez dire que vous avez passé en revue le

 16   contenu de vos cahiers, registres, et que vous avez compté?

 17   Réponse: C'est exact.

 18   M. Stamp (interprétation): Le document qui vous a été soumis il y a

 19   quelques instants, on y trouve une première colonne à gauche. Je vous

 20   demande ce que représente cette colonne?

 21   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Même moi je ne sais pas vraiment. Je

 22   ne vois pas du tout ce que c'est. Je ne sais pas ce que c'est.

 23   Les données que l'on voit ici, ce sont les données que je demandais pour

 24   chaque personne enterrée. Je cherchais à obtenir le maximum de

 25   renseignements. Vraiment, cette première colonne, je ne sais pas ce que


Page 1809

  1   c'est, je ne vois pas ce que c'est. Pour moi, les chiffres se suivent, 1,

  2   2, 3, et je ne sais pas qui m'a donné cela.

  3   Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, ce document a été

  4   reçu de la défense en provenance de l'accusation et la seule chose que je

  5   peux faire, c'est demander le versement au dossier de la copie sur

  6   disquette pour qu'il n'y ait pas de contestation sur l'origine du

  7   document.

  8   M. le Président (interprétation): Je crois comprendre que le problème est

  9   différent: savoir déterminer si quelque chose a éventuellement été ajouté

 10   au document remis par le témoin à la personne qui, finalement, l'a fait

 11   tenir à l'équipe de l'accusation.

 12   Je crois que le problème n'est pas tout à fait celui dont vous parlez.

 13   Pour le moment, j'admets que les données sur la disquette sont identiques

 14   à celles du document écrit. Ce que vous proposez, Maître, ne me paraît pas

 15   la meilleure idée pour le moment. Mais Maître Stamp, vous pouvez

 16   poursuivre.

 17   M. Stamp (interprétation): En fait, Monsieur le Président, ce n'est pas un

 18   problème, dans la suite de la déposition le contenu de la disquette

 19   deviendra tout à fait clair.

 20   M. le Président (interprétation): Donc, nous allons attendre.

 21   M. Stamp (interprétation): En d'autres termes, vous avez fourni des noms

 22   et des informations, mais le document que vous avez entre les mains, ce

 23   n'est pas vous qui l'avez rédigé?

 24   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Quel document, celui-ci?

 25   M. Stamp (interprétation): Oui, celui que vous avez actuellement entre les


Page 1810

  1   mains.

  2   M. Sehbajraktarevic (interprétation): C'est un fonctionnaire qui a écrit

  3   cela. Il a vu les registres et il a copié.

  4   Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, la défense aimerait

  5   apporter quelques éclaircissements. Le témoin a déclaré que tout ce qu'il

  6   avait consigné sur ses registres, il l'avait enregistré sur la disquette,

  7   et que c'est la disquette qu'il avait remise au représentant de la police.

  8   Je pense que ceci n'est pas contesté.

  9   M. le Président (interprétation): Non, la question est de savoir ce qui

 10   s'est passé après, avec les données contenues sur cette disquette. Si j'ai

 11   bien compris, le Procureur va présenter, un peu plus tard, des éléments de

 12   preuve montrant ce qu'il est advenu de ces données remises à la police par

 13   M. Sehbajraktarevic?

 14   M. Stamp (interprétation): J'aimerais vous demander un éclaircissement.

 15   Avez-vous remis une disquette informatique au service de sécurité publique

 16   CSB?

 17   M. Sehbajraktarecic (interprétation): Oui, et tout correspond, tout est

 18   fidèlement reproduit, sauf ce premier numéro que je ne comprends pas.

 19   Quelle est la raison de l'existence de ce premier numéro, je ne sais pas,

 20   mais tout le reste correspond. Je parle bien du premier numéro.

 21   Les cahiers, les registres existent, on peut tout vérifier.

 22   Question: Oui, c'est exact. Comment définissez-vous exactement un soldat

 23   ou un combattant?

 24   Réponse: Après ce qui s'est passé, il n'y a plus de définition, il n'y a

 25   plus aucune définition. Après cette guerre de Sarajevo, il n'y a plus de


Page 1811

  1   définition qui vaille. Ceux qui sont sur le front, le front était loin.

  2   Moi, je n'aurais jamais pensé que quelqu'un pouvait viser la ville

  3   jusqu'au moment où j'ai vu les obus tombés en pleine ville. Alors

  4   maintenant pour moi, il n'y a plus de définition, plus aucune.

  5   Question: Merci. Qu'utilisiez-vous pour définir un soldat ou un combattant

  6   aux fins d'inscription dans vos registres?

  7   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Sur la base de la confirmation, je

  8   l'ai dit tout à l'heure, qui m'avait été apporté par le commandant ou par

  9   la famille: confirmation qu'il avait été membre de la Défense territoriale

 10   ou d'une autre unité. Cela était vérifié précisément soit de la défense

 11   soit d'une brigade.

 12   M. Nieto Navia (interprétation): Excusez-moi, mais au compte rendu

 13   d'audience, ligne 381, je lis: "Je n'ai jamais vu de personnes décédées en

 14   ville". Je crois que l'interprète a dit "je n'ai jamais vu 'ces

 15   personnes'", donc pas "dead people", mais "these people".

 16   M. le Président (interprétation): Il me semble que le mot qui se lit D-E-

 17   A-D doit sûrement être une erreur. Mais est-ce qu'il doit être remplacé

 18   par T-H-E-S-E? Je ne sais pas. Il me semble évidemment que D-E-A-D est une

 19   erreur.

 20   Monsieur Stamp, il est 10 heures 32 ou 33, je vous demande, Monsieur

 21   Stamp, combien de temps va encore durer votre contre-interrogatoire? S'il

 22   ne s'agit que de quelques minutes, nous pouvons poursuivre, sinon nous

 23   ferons une pause.

 24   M. Stamp (interprétation): Je vous demanderai la pause maintenant, parce

 25   que j'aurai besoin de consulter certains de mes collègues.


Page 1812

  1   M. le Président (interprétation): Bien, pause jusqu'à 11 heures. Nous

  2   suspendons jusqu'à 11 heures.

  3   (Le témoin, M. Fuad Sehbajraktarevic, est reconduit hors du prétoire.)

  4   (L’audience, suspendue à 10 heures 35, est reprise à 11 heures 03.)

  5   (Questions relatives à la procédure.)

  6   M. le Président (interprétation): Avant de reprendre l'interrogatoire du

  7   témoin, j'ai deux questions à traiter.

  8   Maître Ierace, vous avez quelque chose à porter à l'attention de la

  9   Chambre?

 10   M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, je pourrai répondre

 11   brièvement, mais je crois qu'à ce stade, en ce qui concerne la question

 12   soulevée par Me Piletta-Zanin ce matin…

 13   M. le Président (interprétation): La question de la traduction? Allez-y.

 14   M. Ierace (interprétation): L'un des témoins que l'accusation va appeler,

 15   est un journaliste du nom de Van Lynden. Il est arrivé pour préparer sa

 16   déposition le 16 janvier, il y a trois jours. Il a porté une cassette

 17   vidéo qui contient une partie qui dure à peu près 2 minutes, d'un

 18   pilonnage, d'un bâtiment d'appartements à Sarajevo et qui a été pris le 5

 19   décembre 1992. Une grande partie de ces 2 minutes comprend, dans la vidéo

 20   qui a été utilisée… une copie de la vidéo a été fournie à la défense hier

 21   matin, avec une lettre disant que l'accusation se propose de demander le

 22   dépôt de cette pièce au dossier.

 23   La nuit dernière, hier soir, nous avons fourni une traduction des mots qui

 24   sont prononcés par le témoin sur la cassette vidéo, à savoir, les paroles

 25   qu'il a prononcées dans le contexte du fait que c'est un journaliste. En


Page 1813

  1   d'autres termes, à mon avis, il ne peut pas y avoir de grief particulier

  2   de la part de la défense en ce qui concerne le moment où nous avons fourni

  3   la transcription. Je vous remercie Monsieur le Président.

  4   M. le Président (interprétation): Combien de pages sont fournies dans la

  5   traduction?

  6   M. Ierace (interprétation): Une page.

  7   M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, avez-vous des

  8   informations en plus de celles que vous avez faites ce matin?

  9   M. Piletta-Zanin: Oui, j'en ai, mais je les formulerai tout à l'heure. Je

 10   pense, après que nous aurons continué l'interrogatoire. J'entends

 11   continuer et persister dans la requête que j'ai formulée, je m'en

 12   expliquerai, si vous m'y autorisez tout à l'heure.

 13   M. le Président (interprétation): Pourriez-vous… Nous comprenons que

 14   l'accusation ne veut pas consacrer trop de temps à la question. Il s'agit

 15   uniquement d'une page, il s'agit simplement des paroles prononcées par un

 16   journaliste, qui sont prononcées sur une vidéo qui vous a été fournie

 17   récemment, mais qui n'a été entre les mains de l'accusation que récemment.

 18   Ce que j'aimerais savoir de vous à ce moment, de façon générale, c'est si

 19   cette page unique va vous poser des problèmes pour préparer

 20   l'interrogatoire du témoin la semaine prochaine?

 21   M. Piletta-Zanin: Cela provoque les mêmes problèmes Monsieur le Président.

 22   C'est toujours une question de principe. J'aimerais pouvoir l'exposer.

 23   M. le Président (interprétation): Je comprends. Constamment, nous sommes

 24   conscients tout le temps, des questions de principe.

 25   En revanche, nous voudrions aussi pouvoir résoudre les problèmes, de sorte


Page 1814

  1   que si vous dites qu'il y a un problème qui se pose dans le fait que l'on

  2   fournisse une traduction à la défense, je suis pleinement d'accord avec

  3   vous, et s'il y avait un nombre important de pages et si la teneur avait

  4   été telle que sans traduction vous n'auriez pas pu convenablement préparer

  5   l'interrogatoire du témoin, je peux vous dire que, dans cette Chambre,

  6   nous avions déjà le sentiment que nous devrions dire à l'accusation qu'ils

  7   ne pouvaient pas faire déposer le témoin à si brève échéance parce que ce

  8   serait injuste.

  9   En revanche, là il s'agit d'une seule page, et vous avez une semaine pour

 10   préparer l'interrogatoire. La Chambre a donc le sentiment que bien que

 11   nous soyons conscients des questions de principe, pour le moment, à

 12   l'heure actuelle, ce n'est pas un problème dans lequel nous devrions

 13   intervenir et que l'accusation peut aller de l'avant. S'il vous plaît?

 14   M. Piletta-Zanin: Je souhaite persister néanmoins, dans l'incident que je

 15   soulève. Je m'en expliquerai très concrètement, cela prendra du temps,

 16   j'en suis navré. Si vous voulez que je fasse maintenant, je le ferai

 17   maintenant mais je pense qu'il est plus utile que je fasse juste après

 18   l'audition de ce témoin. Pour une raison de simple (inaudible).

 19   (Les Juges se concertent sur le siège.)

 20   M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, en premier lieu,

 21   nous allons achever l'interrogatoire du témoin. Après cela, immédiatement

 22   après, vous aurez la possibilité d'expliquer de façon plus détaillée

 23   quelles sont vos objections.

 24   Alors j'ai une autre question, je m'adresse aux deux parties. Nous avons

 25   regardé les pièces qui seront les pièces à conviction, je n'ai pas entendu


Page 1815

  1   d'objection, je m'attends donc à ce qu'elles soient déposées au dossier,

  2   c'est la liste qui a été montrée au témoin, je m'attends à ce qu'elle soit

  3   versée au dossier. En particulier, en ce qui concerne les personnes qui

  4   ont été ensevelies, ceci semble important, le statut des personnes qui ont

  5   été enterrées.

  6   Je voudrais donc que les parties s'entendent sur le nombre d'entrées sur

  7   le registre: combien ont des "C" pour les civils et combien ont des "B"

  8   pour les militaires? Combien de rubriques?

  9   C'est une question qui peut être facilement résolue sur les colonnes. Il

 10   ne nous faudra pas plus de 5 à 10 minutes pour voir. Si les parties

 11   pouvaient convenir, et se mettre d'accord sur les chiffres, ce serait une

 12   façon plus commode de traiter la question.

 13   M. Stamp (interprétation): Monsieur le Président, je suis d'accord que ce

 14   serait une façon très commode de traiter la question: une page, si ce sont

 15   des bases de données. Il s'agit simplement de regarder dans les rubriques,

 16   la colonne: vous verrez que les premières 300 pages donnent des "B" pour

 17   les militaires, et ensuite des "C" pour les civils. Je ne crois pas que ce

 18   soit très difficile.

 19   M. le Président (interprétation): A moins que ce ne soit pas une base de

 20   données complète, si c'est divisé en plusieurs bases de données…

 21   M. Stamp (interprétation): Cela fait partie d'un jeu considérable de bases

 22   de données qui seront analysées par l'accusation avant de demander le

 23   versement au dossier.

 24   M. le Président (interprétation): Finalement, nous serons informés sur la

 25   base totale de B et C sur la base de données telle qu'elle a été fournie


Page 1816

  1   par le témoin.

  2   M. Stamp (interprétation): Oui.

  3   M. le Président (interprétation): C'est exactement ce que la Chambre

  4   souhaiterait savoir. Puisque vous allez la représenter de toute façon, il

  5   n'y a pas de raison pour le moment de vous demander de faire d'une façon

  6   différente de celle que vous entendiez.

  7   M. Stamp (interprétation): Nous pourrions aller de l'avant.

  8   Monsieur l'huissier, voudriez-vous faire entrer le témoin, M.

  9   Sehbajraktarecic.

 10   (Le témoin, M. Fuad Sehbajraktarecic, est réintroduit dans le prétoire.)

 11   M. le Président (interprétation): Vous pouvez nous entendre, Monsieur

 12   Sehbajraktarecic?

 13   M. Sehbajraktarevic (interprétation): Oui.

 14   M. le Président (interprétation): Monsieur Stamp, vous pouvez y aller.

 15   M. Stamp (interprétation): Je procéderai en m'adressant au témoin pour

 16   dire au témoin que je n'ai pas de questions supplémentaires à poser au

 17   témoin, Monsieur le Président.

 18   M. le Président (interprétation): Ceci veut dire que nous sommes déjà à la

 19   fin de votre interrogatoire, Monsieur Sehbajraktarecic.

 20   L'accusation voulait conférer pour voir s'il y avait des questions

 21   supplémentaires à vous poser. Il se révèle qu'il n'y en a pas.

 22   Est-ce que mes collègues ont d'autres questions à poser?

 23   (Questions au témoin, M. Fuad Sehbajraktarecic, par M. le Juge Nieto-

 24   Navia.)

 25   M. Nieto Navia (interprétation): Une question, je vous remercie.


Page 1817

  1   La dernière colonne du rapport se réfère au lieu d'enterrement,

  2   d'ensevelissement, lieu de sépulture. C'est toujours le même endroit.

  3   Est-ce que ceci pourrait expliquer le problème des chiffres, des nombres?

  4   La base de données a été examinée en fonction du lieu de sépulture, et

  5   c'est pour cela que les chiffres ne se suivent pas, ne sont pas

  6   consécutifs? Qu'en pensez-vous Monsieur le Témoin?

  7   M. Sehbajraktarevic (interprétation): C'était probablement l'ordre

  8   alphabétique -cette colonne ici- des personne enterrées. C'est une liste

  9   de Kobilja Glava, c'est bien précisé. Cela dépendait évidemment de

 10   l'emplacement du cimetière. Si cela suivait un ordre alphabétique, l'ordre

 11   a dû à un moment donné être perturbé. C'est la seule possibilité.

 12   M. Nieto Navia (interprétation): Je vous remercie.

 13   M. le Président (interprétation): S'il n'y a pas d'autre question de la

 14   Chambre, du Tribunal, je voudrais vous remercier Monsieur Sehbajraktarecic

 15   d'avoir fait ce long voyage depuis Sarajevo. Je voudrais vous remercier

 16   des renseignements que vous avez fournis à la Chambre dans ses efforts

 17   pour découvrir la vérité. Merci d'être venu, et nous vous souhaitons un

 18   bon voyage de retour.

 19   (Le témoin, M. Fuad Sehbajraktarecic, est reconduit hors du prétoire.)

 20   (Questions relatives à la procédure.)

 21   M. Stamp (interprétation): Monsieur le Président, la défense s'étant

 22   référée à un document demandant qu'il soit versé au dossier, il n'y a pas

 23   eu d'objection. On n'a pas soulevé de problème quant à l'authenticité de

 24   ce document: c'est référé spécifiquement à la source de ce document.

 25   On a dit que c'était un document d'une page provenant de cette source,


Page 1818

  1   c'est-à-dire le disque compact présenté par l'accusation. Il fait partie

  2   de la liste des pièces à conviction.

  3   Dans ces conditions, je présente pour dépôt au dossier le CD contenant

  4   l'ensemble des données sur lesquelles la défense a eu une page et demande

  5   que ce soit versé au dossier. Je ne crois pas que, compte tenu de ce qui

  6   s'est passé et ce qu'a dit la défense dans le contre-interrogatoire, je ne

  7   pense pas qu'il y a d'objection à l'authenticité…

  8   M. le Président (interprétation): Peut-être qu'avant de prendre une

  9   décision sur ce point, essayons d'éclairer les choses. Je voudrais savoir

 10   quelle est la position de la défense sur ce point? Certaines questions ont

 11   été posées aux témoins qui montraient que la défense souhaiterait savoir

 12   de façon certaine que le CD contient bien les mêmes données que celles

 13   fournies par le témoin lorsqu'il a remis son propre CD à d'autres

 14   personnes.

 15   Y a-t-il une question quelconque? Y a-t-il une question quelconque Maître

 16   Pilipovic à ce sujet provenant de la défense? Est-ce que la défense

 17   estimerait que ceci n'est pas une copie exacte de ce qui a été fourni à

 18   Sarajevo par le témoin à un tiers?

 19   Mme Pilipovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Le témoin nous

 20   a d'abord dit qu'il ne savait pas du côté de la colonne gauche ce qui

 21   était indiqué. Il ne savait pas ce qu'étaient ces chiffres, ces nombres.

 22   Il a également dit que, pour autant qu'il le savait, il avait enregistré

 23   les causes de décès. Il nous a montré que dans ce document, cela n'avait

 24   pas été enregistré, dans le document en question. De sorte que la défense

 25   met en cause l'authenticité du document qui se trouve sur le disque par


Page 1819

  1   rapport au document original, à savoir le livre, le registre que le témoin

  2   possède.

  3   Le conseil, la défense suggère que l'on fournisse le cahier d'origine, le

  4   fascicule d'origine à l'accusation ou à la Chambre, si la Chambre veut

  5   bien en décider ainsi. C'est la proposition du conseil de la défense.

  6   M. le Président (interprétation): Je comprends votre proposition, mais la

  7   question est de savoir maintenant de quoi on demande le versement au

  8   dossier. Il s'agit d'une page papier correspondant au disque, et

  9   l'accusation veut faire déposer au dossier l'ensemble du CD.

 10   Mme Pilipovic (interprétation): Le conseil a présenté cette page unique au

 11   témoin pour obtenir un témoignage, pour savoir si cette seule page

 12   démontrait si les renseignements, si les données sur cette page étaient

 13   authentiques et correspondaient à ce qu'il avait enregistré dans son

 14   propre registre.

 15   Le témoin nous a dit aujourd'hui qu'il ne savait pas ce que signifiaient

 16   les chiffres dans la marge puisque ces chiffres sont en séquence

 17   consécutive, comme d'habitude, et il nous a dit que, dans son registre, il

 18   notait et mettait des dates, des données sur la base des conclusions du

 19   médecin, obtenues de la personne chargée des décès, et à ce moment-là il

 20   enregistrait la cause du décès.

 21   Ceci pour répondre à la question du conseil qui était de savoir sur quelle

 22   base on enregistrait la cause des décès. Il dit que cela ne figurait pas

 23   sur ce document et que cela existait dans son registre à lui. Le conseil a

 24   pris ce document de cette disquette de façon à vérifier si ceci correspond

 25   au registre d'origine. Je vous remercie.


Page 1820

  1   M. le Président (interprétation): La décision de la Chambre est que la

  2   page papier présentée par la défense est admise pour être versée au

  3   dossier comme D28. C'est bien D28?

  4   Mme Pilipovic (interprétation): Non, D27.

  5   M. le Président (interprétation): Bien, D27. L'accusation n'a pas encore

  6   pré-numéroté le CD dont ils demandent le versement comme pièce à

  7   conviction. Il est également accepté comme pièce versée au dossier.

  8   Puisque nous avons certains problèmes concernant l'authenticité tant des

  9   deux disques, il est admis comme versé au dossier et on en entendra parler

 10   plus tard, si j'ai bien compris. Une copie a donc été fournie à la

 11   défense. Nous n'avons pas besoin pour le moment de copies pour la Chambre.

 12   Voudriez-vous simplement faire numéroter la pièce à conviction et la

 13   remettre à l'huissier, Monsieur l'huissier?

 14   M. Stamp (interprétation): Le numéro actuel est, je crois, P3630.

 15   M. le Président (interprétation): Est-ce que c'est le numéro sur le disque

 16   lui-même ou sur la boîte?

 17   M. Stamp (interprétation): C'est le numéro de la pièce: c'est bien P3630.

 18   M. le Président (interprétation): Oui, mais je vois que vous regardez la

 19   boîte. Est-ce que ce même chiffre se trouve également sur le disque?

 20   M. Stamp (interprétation): Oui. Je vous remercie, Monsieur le Président.

 21   M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, vous avez la

 22   possibilité maintenant d'expliquer plus avant l'objection que vous avez à

 23   ce sujet.

 24   M. Piletta-Zanin: (Hors micro) Je crois qu'on ne m'entend pas? Je vous

 25   remercie, Monsieur le Président, de me céder la parole. La raison pour


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  1   laquelle la défense se doit de soulever les questions qu'elle a déjà pré-

  2   annoncées tout à l'heure sont les suivantes: il s'agit ici de l'audition à

  3   venir mais très prochaine du témoin Aernout -je pense prononcer

  4   correctement- Van Lynden, qui est indiqué sous le n°9 de la liste fournie

  5   par l'accusation, qui est en quelque sorte le calendrier de présentation

  6   de ces témoins. Je redis: n°9, c'est le témoin suivant. Immédiatement, le

  7   témoin connu sous la lettre B, dont le temps estimé pour l'accusation en

  8   audition principale sera d'une heure et demie.

  9   Comme nous savons que la défense ne dépasse jamais ce temps ou

 10   pratiquement pas, nous pouvons penser que le témoin Aernout Van Lynden

 11   sera ou serait auditionné tout à fait au début de la semaine qui vient. Je

 12   pense que cela est assez correct, à moins qu'il y ait eu des changements,

 13   mais ce sont les dernières informations que j'ai.

 14   Monsieur le Président, il y a une règle essentielle: si l'on veut

 15   respecter l'égalité entre les parties, c'est de permettre à l'accusé de

 16   pouvoir comprendre ce qu'on lui reproche. Ce n'est pas la première fois,

 17   ce n'est pas la première fois -je ne suis pas un amateur de statistiques-,

 18   mais je considère qu'à plusieurs reprises déjà l'accusation a - et je dois

 19   le dire-, avec un certain succès, transmis à la défense des pièces in

 20   extremis. Par "in extremis", j'entends quelques heures avant, voire

 21   quelques minutes avant le déroulement d'une audience lorsque ce n'était

 22   pas juste à l'ouverture des débats pour une audience. On vous dit qu'il ne

 23   s'agit que d'une page. On vous dit qu'il ne s'agit que d'une page, c'est

 24   peut-être vrai, mais c'est une page le vendredi soir, alors que je ne

 25   serais pas là pour préparer les réunions avec les membres du conseil de


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  1   défense, en vue d'une audition qui se déroulera très prochainement, au

  2   début de la semaine prochaine. Première chose.

  3   Deuxième chose, et ce sur ce point que je dois insister Monsieur le

  4   Président, Messieurs les juges de la Chambre. Les éléments auxquels il est

  5   fait référence, c'est-à-dire cette cassette, sont des éléments qui, pour

  6   la cassette elle-même, remonte à l'année 1992, décembre je crois 1992. Je

  7   vois que ce témoin Van Lynden a été entendu par l'accusation, les

  8   représentants de l'accusation, en septembre ou octobre, je n'ai pas la

  9   date précise, peut-être même en décembre, mais peu importe, de l'année

 10   dernière. Nous avions donc largement le temps de remettre ces traductions

 11   à la défense. J'entends là en langue serbe, afin que le Général Galic

 12   puisse y avoir accès.

 13   En ce qui concerne, j'ai le document, maintenant, serbe sous les yeux. En

 14   ce qui concerne le "Witness Statment" la déclaration écrite de ce témoin

 15   Aernout Van Lynden, qui est quand même un document, je crois, essentiel

 16   par rapport à la conduite de la procédure. Eh  bien, je constate qu'il n'a

 17   était remis par l'accusation il n'y a que quelques jours, c'est-à-dire je

 18   crois en date du 11 janvier de cette année. C'est un délai, Monsieur

 19   Président, largement insuffisant!

 20   Pourquoi…? Vous vouliez intervenir?

 21   M. le Président (interprétation): Oui, j'aimerais intervenir Maître

 22   Piletta-Zanin.

 23   Le 10 janvier, à 13 heures 30, j'ai vérifié, auprès des parties, je leur

 24   ai demandé s'ils avaient tous les documents dont-ils avaient besoinON en

 25   ce qui concerne le témoin n° 10. Ils m'ont répondu qu'ils n'avaient pas


Page 1823

  1   encore préparé mais que sur les autres témoins il n'y avait pas de

  2   problème.

  3   Je dois dire que les 2 parties peuvent être blâmées à ce sujet, vous pour

  4   ne pas avoir dit que vous ne l'aviez pas eu à temps, et l'accusation pour

  5   ne pas vous avoir fourni à temps les exemplaires en BCS.

  6   Ce que j'avais l'intention de faire, le 10 janvier, c'était de prendre une

  7   ordonnance pour empêcher que l'on perde du temps, davantage, dans ce

  8   prétoire avec ce type de problème. Bien sûr je suis tout à fait prêt à

  9   écouter, la Chambre est prête à entendre les problèmes graves et sérieux.

 10   Mais en même temps, nous avons regardé toute la liste des témoins, les

 11   parties ont été invitées à faire de même au début de chaque semaine.

 12   Alors, indépendamment de cette page unique, qui concerne la vidéo qui vous

 13   a été fournie tout récemment, qui donc n'a pas très…, a été reçu par

 14   l'accusation tout récemment. Indépendamment de cette page, j'ai dit que je

 15   ne veux plus que l'on perde de temps à ce sujet. Et, je vois que tant

 16   l'accusation, pour autant que je comprenne, si j'y ai bien compris, et la

 17   défense n'ont pas informé la Chambre à temps, en temps utile, des

 18   problèmes qui se posaient en ce qui concernait la communication de la

 19   traduction en BCS des documents, de ces déclarations.

 20   Une fois encore, je parle des déclarations, pas de la vidéo. Donc,

 21   derechef les parties doivent se rapprocher d'elle-même, et comme elles ont

 22   reçu des instructions, du juriste hors classe, de regarder au moins une

 23   semaine d'avance et voir si elles ont tout, et si ce n'est pas le cas,

 24   rendre compte immédiatement à la Chambre ou faire en sorte que ce soit

 25   immédiatement communiqué.


Page 1824

  1   Mais, je ne vais plus consacrer de temps sur des objections soulevées en

  2   ce qui concerne ce type de déclarations, si la Chambre n'en a pas été

  3   informée dûment en temps utiles, après que les parties aient conféré entre

  4   elles. Quant à la communication, je ne vais pas entendre de griefs ou

  5   plaintes en termes généraux. C'est à vous qu'il appartient de rendre

  6   compte immédiatement à la Chambre s'il n'y a non-communication ou non-

  7   communication dans la langue voulue, vous pouvez à ce moment-là expliquer

  8   à la Chambre, nous prendrons des ordonnances ou des ordres mais l'on ne va

  9   perdre de temps juste avant la citation du témoin.

 10   Qu'il soit bien clair que les déclarations, en général, au début de la

 11   semaine, une semaine d'avance, vous pouvez à ce moment-là vous en

 12   plaindre, et nous ne prendrons désormais pas quelques minutes avant

 13   d'entendre un témoin, avant qu'il ne soit cité à la barre. Un témoin par

 14   rapport auquel cette déclaration aurait du être communiquée.

 15   Veuillez continuer.

 16   M. Piletta-Zanin: Merci, Monsieur le Président.

 17   J'ai bien présent à l'esprit cette réunion du 10. Lorsque nous avons

 18   répondu qu'il n'y avait pas de problème, je n'ai pas le temps de le

 19   vérifier, je le ferai peut-être, nous le faisions en relation à la liste

 20   que nous avons sous les yeux et nous étions essentiellement en train de

 21   parler des pièces qui seraient amenées comme "Exhibit".

 22   M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, j'ai vérifié cela

 23   dans le transcript. Nous avons également abordé la question des

 24   déclarations préalables communiquées à l'accusation.

 25   Et vous avez dit, par exemple pour ce qui est du témoin n°10, que vous


Page 1825

  1   n'étiez pas encore prêt. Vous ne vous étiez pas encore préparé, mais au

  2   sujet du neuvième témoin, à savoir M. Van Lynden, il n'y avait pas de

  3   question. Donc, la Chambre a estimé qu'il n'y avait pas de problème. S'il

  4   y avait eût des problèmes, vous auriez pu, dès la conférence suivante,

  5   nous en informer et vous n'auriez pas dû attendre 4 ou 5 jours.

  6   M. Piletta-Zanin: Je le fais maintenant. Je lis sur ce point n°9, du

  7   témoin Aernout Van Lynden, qu'il est précisé qu'il n'y aura pas de

  8   "Exhibit". Et, je crois comprendre, je crois comprendre, c'est l'une des

  9   difficultés sur lesquelles je voulais insister, je crois comprendre que

 10   nous avons maintenant un document soumis comme "exhibit".

 11   S'il y a des "exhibits" qui sont présentés in extremis, la défense ne

 12   l'acceptera pas. S'il n'y en a pas, que l'on s'y tienne. C'est surtout

 13   cela que je voulais dire. Ce conseil de défense, il n'est pas possible

 14   qu'on le traite comme une vulgaire girouette, qu'on lui dise que tantôt il

 15   n'y aura rien qui va être produit et que, quelques heures avant une

 16   audience, on lui soumette, dans une langue qui n'est pas encore traduite,

 17   des documents dont on n'avait jamais, à ma connaissance -je veux bien

 18   vérifier une nouvelle fois- nous n'avions jamais parlé auparavant en tant

 19   que "'exhibit".

 20   C'est sur ce point que je voulais absolument plaider, Monsieur le

 21   Président. Je ne sais pas si votre Chambre entend tolérer ce genre de

 22   procédé, mais la défense est assez surprise par le fait qu'on lui

 23   soumette, il y a quelques heures à peine, des cassettes, il y a quelques

 24   heures à peine, un texte, en sachant pertinemment qu'il ne nous sera

 25   absolument pas possible, je dis bien absolument pas possible, de conférer


Page 1826

  1   avec le général Galic: d'une part parce que je serai absent, et d'autre

  2   part parce que le général Galic -s'agirait-il d'une seule page- ne pourra

  3   pas avoir accès à ce texte.

  4   Nous demandons que cette cassette ne soit pas produite et, en application

  5   de toutes les dispositions légales, applicables s'il y a lieu, nous en

  6   demandons le rejet, clairement. Merci, Monsieur le Président.

  7   M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Piletta-Zanin.

  8   Une chose est sûre: si l'accusation n'est entrée en possession de cette

  9   cassette que très récemment, la situation est de tel genre qu'elle n'était

 10   pas prévisible. Si à un moment quelconque vous éprouvez le besoin de mieux

 11   vous préparer, vous avez besoin de temps, vous pouvez, bien entendu, nous

 12   demander un temps supplémentaire. La Chambre estime que le temps accordé

 13   sera en relation avec la longueur, le contenu du document, à savoir s'il

 14   s'agit d'un document technique, etc. Vous êtes en droit de demander des

 15   délais supplémentaires afin de pouvoir vous préparer, afin de pouvoir

 16   discuter du contenu de la cassette avec votre client. Nous trouverons une

 17   solution à cela. Je ne pense pas que vous recevrez ce genre de cassette au

 18   dernier moment de la part de l'accusation. Je suis sûr que vous recevrez

 19   cela en temps voulu.

 20   Maître Ierace, vous avez des commentaires supplémentaires?

 21   M. Ierace (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Premièrement, mon

 22   éminent collègue a mentionné que Van Lynden suivra après le témoin B, mais

 23   cela n'est pas exact. Il a été informé hier qu'il y a eu un changement

 24   dans l'ordre de citation des témoins: le témoin B sera suivi du témoin D.

 25   Ce n'est que par la suite que nous entendrons M. Van Lynden. Ce n'est pas


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  1   avant mardi, au plus tôt, qu'il comparaîtra.

  2   Un deuxième point: la Chambre de première instance estime peut-être que la

  3   déclaration de M. Van Lynden n'a été communiquée que tard. La déclaration

  4   est datée du 10 octobre 2001, elle a été communiquée le 26 octobre 2001 à

  5   la défense. La version en BCS a été communiquée à la défense le 26

  6   novembre 2001, et cette cassette ne dure que deux minutes à peu près. Mis

  7   à part deux scènes, elle est identique à ce qui a été visionné pendant

  8   l'ouverture de ce procès. Nous l'avons communiquée dès le lendemain après

  9   l'avoir reçue, pour ce qui est donc de la traduction non officielle.

 10   Par conséquent, Monsieur le Président, je me permets d'affirmer qu'il n'y

 11   a pas de fondement à cette plainte, à cette objection.

 12   M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, il vous faudra

 13   combien de temps pour discuter du contenu de la vidéo? Vous l'avez déjà

 14   visionnée?

 15   M. Piletta-Zanin: Vous entendez, Monsieur le Président, avec le général

 16   Galic?

 17   M. le Président (interprétation): L'avez-vous vue, vous-même?

 18   M. Piletta-Zanin: Oui, je l'ai vue moi-même.

 19   M. le Président (interprétation): Il vous faut combien de temps, à votre

 20   avis, il faut combien de temps pour que le général Galic regarde cette

 21   cassette à l'unité de détention?

 22   M. Piletta-Zanin: Pour qu'il la regarde? Le même temps que n'importe qui.

 23   Si elle dure deux minutes, il lui faudra deux minutes.

 24   M. le Président (interprétation): Très bien. Alors, combien de temps vous

 25   faudra-t-il pour discuter du contenu à partir de maintenant? Vous savez à


Page 1828

  1   peu près ce qu'il y a dedans, vous le savez autant que la Chambre. La

  2   majeure partie est identique à ce que nous avons eu à l'ouverture du

  3   procès. Il vous faudra combien de temps pour en discuter avec le général

  4   Galic?

  5   M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je vous remercie de cette

  6   question. A nouveau, je suis confronté toujours au même problème.

  7   M. le Président (interprétation): Très bien, mais avant tout, j'aimerais

  8   entendre votre réponse.

  9   M. Piletta-Zanin: Je ne peux pas savoir.

 10   M. le Président (interprétation): Alors à présent, puisque vous n'avez pas

 11   d'informations supplémentaires, il n'y a pas de raison de modifier l'ordre

 12   de citation des témoins. Seulement, laissez nous entendre si vous n'avez

 13   pas assez de temps pour vous préparer, pour préparer votre interrogatoire

 14   de M. Van Lynden à cause de la communication tardive de cette vidéo à la

 15   défense.

 16   M. Piletta-Zanin: Ce sera vraisemblablement le cas, je peux vous le dire

 17   maintenant. Ce sera très vraisemblablement le cas.

 18   M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Très bien, alors vous

 19   vous adresserez à la Chambre en temps utile.

 20   Le témoin suivant, si j'ai bien compris, comparaîtra à huis clos.

 21   Maître Pilipovic, vous souhaitez prendre la parole? Allez-y.

 22   Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, permettez-moi

 23   d'informer la Chambre du fait que la défense n'a pas été informée du

 24   changement de citation dans l'ordre de citation des témoins, à savoir que

 25   le témoin D sera entendu avant le témoin Van Lynden. Je n'en ai pas été


Page 1829

  1   informée.

  2   J'aimerais que mes collègues me disent à quel moment ils m'en ont informé,

  3   ils m'ont envoyé cette lettre. J'ai été informée d'un changement au niveau

  4   de l'ordre de comparution du témoin B. On m'a dit que le témoin B

  5   comparaîtrait en premier lieu, à la place d'un autre témoin, à savoir

  6   Mesud Jusufovic. Mais au sujet de ce dernier changement, je n'étais pas au

  7   courant.

  8   M. Ierace (interprétation): Une lettre a été placée dans le casier de la

  9   défense vers 6 heures 30 hier soir, me semble-t-il. Nous avons annoncé le

 10   changement d'ordre de comparution des témoins. Nous avons également parlé

 11   de tous les témoins qui seront cités ensuite à la liste qui a été fournie

 12   initialement. Nous avons également fourni les numéros des pièces à

 13   conviction au sujet de ces deux témoins supplémentaires.

 14   M. le Président (interprétation): Vous avez donc fourni cela à la défense

 15   hier. Le Greffe en a-t-il été informé ainsi que la Chambre?

 16   M. Ierace (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

 17   M. le Président (interprétation): Vous comprenez, la défense est en train

 18   d'aborder cette question. La Chambre aimerait, elle aussi, être informée

 19   de ce qui se passe, Monsieur Ierace.

 20   M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, j'ai des exemplaires

 21   supplémentaires à ma disposition. Je peux vous les communiquer.

 22   M. le Président (interprétation): Oui, Maître Pilipovic, vous avez la

 23   parole.

 24   Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, hier soir, j'ai été

 25   informée du fait que j'avais des documents dans mon casier. Ce matin, je


Page 1830

  1   n'ai même pas eu l'occasion d'informer mes collègues du fait que j'ai

  2   récupéré ces documents, c'était ce matin à 8 heures 15.

  3   J'ai 23 pages de traduction, de déclarations qui ont été recueillies par

  4   un tribunal à Paris. Il s'agit de deux témoins que mes collègues

  5   souhaiteraient introduire ici par l'intermédiaire de M. Van Lynden.

  6   J'ai ici un récépissé, mais il n'est pas dit ici que j'ai reçu une lettre

  7   qui m'informe du changement de l'ordre de comparution des témoins. Cela

  8   figure ici, sur cette liste; j'ai donc reçu les 23 pages que j'ai

  9   récupérées ce matin. La Chambre peut vérifier.

 10   Il s'agit donc des documents que l'accusation souhaite introduire par

 11   l'intermédiaire du témoin suivant, Van Lynden, mais je n'ai pas été

 12   informée du changement de l'ordre de citation des témoins. La défense est

 13   désolée, elle ne comprend pas cette attitude.

 14   M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace, pouvez-vous répondre au

 15   sujet des 23 pages à la place d'une page?

 16   M. Ierace (interprétation): Cette lettre a été communiquée et placée dans

 17   le casier de Me Pilipovic vers 18 heures 30. Elle a téléphoné

 18   personnellement à Me Pilipovic pour l'informer du fait que cette lettre a

 19   été déposée à son intention dans son casier.

 20   Je ne doute absolument pas une seconde de ce que vient de dire Me

 21   Pilipovic, à savoir qu'elle n'a pas trouvé cette lettre, mais cette lettre

 22   a néanmoins été placée dans son casier. Un exemplaire peut lui être fourni

 23   de cette lettre.

 24   M. le Président (interprétation): Oui, mais ce qui nous intéresse à

 25   présent, ce sont ces 23 pages. Au moins ces 23 pages, elle les a trouvées


Page 1831

  1   dans son casier.

  2   M. Ierace (interprétation): Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le

  3   Président.

  4   Monsieur le Président, il me semble que mon collègue fait confusion. Cet

  5   autre document, ce document de 23 pages, concerne M. Van Lynden: ce sont

  6   des documents qui lui ont été fournis concernant nos obligations liées à

  7   la communication des pièces. Je chercherai à m'informer au sujet de ces 23

  8   pages. Mais à ce stade, je peux assurer la Chambre que cela n'a rien à

  9   voir avec les témoins qui seront cités la semaine prochaine.

 10   M. le Président (interprétation): Est-ce que cela a à voir, Maître

 11   Pilipovic, avec la déposition de M. Van Lynden?

 12   Mme Pilipovic (interprétation): (Hors micro.) Il est dit sur ce document

 13   qu'il est communiqué un transcript en date du 5 décembre 1992. On lit ici

 14   "Lynden" sous le n°2, 3 et 4 également. Il s'agit de deux déclarations qui

 15   ont été recueillies par un tribunal de Paris. Il ressort de ce document

 16   que ces deux déclarations, que la défense voit pour la première fois,

 17   devraient être versées par l'intermédiaire de la déposition du baron Van

 18   Lynden.

 19   Dans ce document, rien ne nous permet de penser que ces deux documents ont

 20   été communiqués à la défense.

 21   M. le Président (interprétation): Je demanderai aux deux parties

 22   d'informer la Chambre du fait si ces 23 pages seront utilisées au cours

 23   des deux semaines qui sont devant nous ou non. Sinon, nous n'allons nous

 24   intéresser qu'à ce document d'une page, et nous allons reprendre cette

 25   affaire plus tard.


Page 1832

  1   M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, je vous assure que cela

  2   n'a rien à voir avec M. Van Lynden.

  3   M. le Président (interprétation): Très bien, c'est très clair.

  4   M. Ierace (interprétation): Mais je comprends pourquoi il y a un problème.

  5   Ma collègue a mal compris. En fait, elle a été informée de la

  6   communication des 23 pages au sujet du témoin qui suivra, le témoin que

  7   nous citons à présent, mais je vous assure qu'ils ont mal lu la lettre.

  8   M. le Président (interprétation): Mais est-ce que cela a à voir avec le

  9   témoin qui sera cité la semaine prochaine?

 10   M. Ierace (interprétation): Non, pas du tout.

 11   M. le Président (interprétation): Je demanderai aux deux parties de se

 12   réunir au moins une fois par semaine afin de vérifier si elles ont tout ce

 13   qui leur est nécessaire pour se préparer, pour préparer plutôt

 14   l'interrogatoire des témoins.

 15   Maître Pilipovic, vous êtes toujours debout. Vous avez d'autres

 16   commentaires à faire?

 17   Mme Pilipovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Je suis

 18   surprise, je suis étonnée de voir qu'il y a eu un changement dans l'ordre

 19   de comparution. A savoir, mes collègues m'ont donc parlé du Témoin D. En

 20   fait, ils ne m'ont communiqué qu'il y a quelques jours les documents liés

 21   au Témoin D.

 22   Il me semble qu'ils devraient respecter notre accord, à savoir que cette

 23   communication de documents doit se passer 7 jours avant la comparution du

 24   témoin. Et c'est pour cela que je m'étonne de cette modification dans

 25   l'ordre de comparution.


Page 1833

  1   Je demanderai que la défense soit informée 7 jours à l'avance des

  2   documents que l'autre partie souhaite verser ou utiliser pendant la

  3   déposition d'un témoin.

  4   M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, pour ce qui est du

  5   Témoin D, une lettre a été communiquée à l'accusation, me semble-t-il, au

  6   début de cette semaine, disant que l'accusation avait l'intention de faire

  7   visionner une vidéo d'environ 30 secondes par l'intermédiaire de ce

  8   témoin. Il s'agit de la même bande que celle que nous avons vue à

  9   l'ouverture du procès. Donc autrement dit, c'est la chose qui a été

 10   ajoutée, c'est le seul changement qui s'est produit.

 11   M. le Président (interprétation): Oui, l'accusation! Mais essayons d'être

 12   pratiques. Est-ce que ce matériel qui a été fourni à la défense a été

 13   fourni une semaine avant la comparution du Témoin D?

 14   M. Ierace (interprétation): Je vérifierai la date de la lettre. Je pense

 15   que tel était le cas, mais je vérifierai.

 16   M. le Président (interprétation): Très bien.

 17   M. Ierace (interprétation): Excusez-moi. Il y a eu un changement, Monsieur

 18   le Président. Peut-être pourrions-nous gagner du temps, si je vous donnais

 19   la date?

 20   M. le Président (interprétation): Oui, très bien.

 21   M. Ierace (interprétation): Une semaine est le minimum absolu.

 22   M. le Président (interprétation): Les parties se rencontreront-elles de

 23   nouveau?

 24   M. Ierace (interprétation): Nous n'avons pour le moment rien à organiser,

 25   particulièrement par rapport à ce qui s'est passé ce matin. Je


Page 1834

  1   m'adresserai à mes collègues pendant la pause et nous essaierons de nous

  2   rencontrer cet après-midi, si mes collègues sont libres.

  3   M. le Président (interprétation): Et la dernière fois que vous vous êtes

  4   rencontrés?

  5   M. Ierace (interprétation): Il n'y a pas eu de réunion, je pense, pendant

  6   deux semaines.

  7   M. le Président (interprétation): Très bien. Justement, c'est ce que la

  8   Chambre souhaite changer, à savoir nous ne devons pas gaspiller notre

  9   temps. Vous ne devez pas passer outre ce que la Chambre vous a dit, vous

 10   devez communiquer mieux entre les parties. Je ne dis pas que la

 11   responsabilité incombe à telle ou telle partie, mais cette Chambre

 12   s'attend, de la part de ces parties, à se comporter d'une manière

 13   professionnelle, à savoir se rencontrer toutes les semaines et vérifier au

 14   moins une semaine à l'avance si tout a été arrangé. Je suis désolé que

 15   cela n'a pas été pris au sérieux comme nous le voulions.

 16   Maître Pilipovic, s'il y a quelque chose d'essentiel, allez-y, sinon je

 17   souhaite poursuivre.

 18   Mme Pilipovic (interprétation): Oui, c'est essentiel. Ce qui est

 19   important, c'est que notre procès s'est ouvert le 9, je suis arrivé le 7 à

 20   La Haye et j'ai informé mes collègues que je souhaitais les rencontrer. Je

 21   le dis encore une fois, jusqu'à présent mes collègues ne m'ont jamais

 22   invité à nous rencontrer. Je dis cela pour ce qui est de mon attitude

 23   professionnelle de ma part.

 24   M. le Président (interprétation): Cette Chambre souhaite être informée au

 25   début de chaque semaine, s'il y a eu des problèmes ou il s'y a des


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  1   problèmes ou non. Au début de chaque semaine, nous devons savoir à quel

  2   moment la dernière rencontre a eu lieu et s'il y a des problèmes. Telle

  3   est l'ordonnance de cette Chambre, telle est la décision de cette Chambre.

  4   Nous allons voir si cela est pratique.

  5   Monsieur Ierace, si vous avez quelque chose d'essentiel, allez-y, sinon

  6   nous voulons poursuivre.

  7   M. Ierace (interprétation): J'ai rencontré Me Pilipovic pendant deux jours

  8   de suite, suite à cette suggestion.

  9   M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Cette question, comme

 10   vous l'avez peut-être remarqué, agace un peu toutes les parties. Je pense

 11   que nous nous sommes suffisamment consacrés à cela, pour le moment.

 12   Essayons maintenant de nous tourner vers l'avenir, toutes les parties

 13   présentes, y compris la Chambre, doivent faire le nécessaire.

 14   L'accusation peut citer à comparaître son témoin. Il me semble que ce sera

 15   à huis clos.

 16   M. Ierace (interprétation): Oui.

 17   M. le Président (interprétation): Je voudrais m'assurer qu'on ne baisse

 18   pas les stores inutilement.

 19   M. Ierace (interprétation): Ce n'est pas un huis clos, il s'agit d'un

 20   témoin qui bénéficie de mesures de protection.

 21   M. le Président (interprétation): Les mesures de protection. Monsieur

 22   l'huissier, pourriez-vous s'il vous plaît tirer les stores et préparer le

 23   reste? Pour le moment, la Chambre n'a pas sous les yeux la décision

 24   définitive qui a été prise au sujet des mesures de protection. Pourriez-

 25   vous nous la communiquer. Peut-on savoir quelles étaient précisément les


Page 1836

  1   mesures de protection qui ont été accordées pour ce témoin?

  2   Mme Kalra (interprétation): Il s'agit de la distorsion du son de la voix

  3   et de la déformation des traits du visage, Monsieur le Président, ainsi

  4   que l'attribution d'un pseudonyme.

  5   M. le Président (interprétation): Oui.

  6   Mme Chen (interprétation): Vous demandez également la distorsion du son de

  7   la voix?

  8   Mme Kalra (interprétation): Oui.

  9   Mme Chen (interprétation): Le Greffe n'était pas au courant de cela. Si

 10   vous demandez la distorsion du son de la voix, nous devons en être

 11   informés 24 heures avant.

 12   Mme Karla (interprétation): Très bien, à ce moment-là, nous nous

 13   contenterons de la distorsion des traits du visage.

 14   M. le Président (interprétation): Oui, mais nous souhaitons avoir les

 15   termes précis de l'ordonnance qui a été délivrée. Avez-vous un exemplaire

 16   de la décision? Je souhaite être sûr qu'il n'y a pas d'erreur, qu'il n'y

 17   ait pas d'erreur.

 18   M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin?

 19   M. Piletta-Zanin: (début inaudible) à votre Chambre qu'il y a eu des

 20   réunions téléphoniques entre la défense et l'accusation et que nous avons

 21   demandé que tous les documents importants nous soient envoyés par fax,

 22   pour qu'il n'y ait pas d'erreur. Que l'on en prenne note, merci beaucoup.

 23   M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Piletta-Zanin.

 24   Maître Piletta-Zanin?

 25   M. Piletta-Zanin: Peut-être pourrions-nous avoir une copie de la lettre en


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  1   question, dans l'intervalle, puisque nous ne l'avons pas reçue, celle que

  2   nous aurions dû recevoir, hier soir, à 18 heures 30.  Merci.

  3   M. le Président (interprétation): Oui, je pense que ceci pourrait se

  4   régler hors de ce prétoire. Avez-vous trouvé l'ordonnance, chez le

  5   Procureur?

  6   Mme Kalra (interprétation): Monsieur le Président, je vous prie de

  7   m'excuser pour ce retard. Nous essayons de trouver l'ordonnance.

  8   Si cela convient à la Chambre, nous proposons une pause immédiatement. Ce

  9   qui nous aiderait à retrouver le document.

 10   M. le Président (interprétation): Je ne sais pas si cela convient aux

 11   interprètes et aux techniciens mais, s'il n'y pas d'objection à cette

 12   proposition, nous pourrions avoir une pause jusqu'à 12 heures 20, et

 13   poursuivre ensuite jusqu'à 13 heures 45.

 14   Il y a des objections du côté des interprètes, donc nous ne pouvons pas…

 15   Ah non, excusez-moi, je n'avais pas bien écouté: il n'y a pas d'objection

 16   du côté des interprètes, nous pouvons donc suspendre jusqu'à 12 heures 20.

 17   (L’audience, suspendue à 12 heures 05, est reprise à 12 heures 35.)

 18   M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir. Vous pouvez

 19   procéder, Mademoiselle Kalra.

 20   Mme Kalra (interprétation): Monsieur le Président, je vous prie de nous

 21   excuser pour ce retard. Nous avons trouvé la décision de la Chambre de

 22   première instance et l'autre document.

 23   La décision de la Chambre date du 30 octobre 2001 et, dans un paragraphe,

 24   nous avons demandé pour le témoin B l'expurgation des noms et de

 25   l'identification des documents publics, la non-communication des éléments


Page 1838

  1   permettant d'identifier la victime, le témoignage par image et

  2   l'altération des traits du visage et de la voix pendant le témoignage,

  3   avec l'affectation d'un pseudonyme. Cette décision date du 6 novembre

  4   2001.

  5   M. le Président (interprétation): Je vais essayer de vérifier. Nous

  6   parlons du témoin B. Je lis…

  7   Mme Kalra (interprétation): Je peux poursuivre?

  8   M. le Président (interprétation): Oui.

  9   Mme Kalra (interprétation): J'ai parlé avec le témoin pendant la pause.

 10   C'est une femme qui a examiné la proposition de suppression de certaines

 11   mesures de protection et, en fait, elle déclare maintenant ne plus avoir

 12   besoin de mesures de protection et pouvoir témoigner ouvertement, si cela

 13   convient à la Chambre.

 14   M. le Président (interprétation): Bien sûr, je pense que le caractère

 15   public du procès est d'une importance tout à fait majeure, mais c'est la

 16   deuxième fois que nous devons modifier ce qui est prévu. Cela étant, le

 17   caractère public du procès est beaucoup plus important que le travail

 18   supplémentaire que cela implique pour M. l'huissier.

 19   Monsieur l'huissier, je vous demanderai, si vous voulez bien, de supprimer

 20   toutes les mesures déjà prises.

 21   (Intervention de l'huissier.)

 22   Au fait, j'ai lu la demande et j'ai vu qu'il était demandé "affectation

 23   d'un pseudonyme et altération des traits du visage et de la voix" dans

 24   cette requête. Donc ceci a été accordé.

 25   Non, il doit y avoir une erreur au compte rendu d'audience: on lit le 6


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  1   novembre, bien sûr il s'agit du 6 décembre, à 14 heures 7 minutes

  2   exactement. C'est à ce moment-là que la décision a été rendue par la

  3   Chambre.

  4   Mme Kalra (interprétation): Je vous prie de m'excuser.

  5   M. le Président (interprétation): Non, ce n'est pas votre faute.

  6   Vous pouvez faire entrer le témoin, Monsieur l'huissier.

  7   (Le témoin, Mme Fatima Zaimovic, est introduit dans le prétoire.)

  8   Bonjour, Madame. M'entendez-vous dans une langue que vous comprenez?

  9   Mme Zaimovic (interprétation): Oui.

 10   M. le Président (interprétation): Merci. Les Juges de cette Chambre

 11   croient savoir que, bien qu'au départ il a été prévu que vous témoigniez

 12   avec un pseudonyme et que l'on vous appelle donc témoin B, vous avez

 13   finalement décidé de témoigner sans pseudonyme et sans mesures de

 14   protection. C'est la raison pour laquelle je ne vous appellerai plus

 15   témoin B, mais j'utiliserai votre nom pour m'adresser à vous. Cela vous

 16   convient-il?

 17   Mme Zaimovic (interprétation): Oui.

 18   M. le Président (interprétation): Merci bien. Donc, Madame Zaimovic -c'est

 19   bien votre nom, n'est-ce pas?-, avant de commencer votre déposition, le

 20   Règlement de procédure et de preuve de ce Tribunal exige que vous lisiez

 21   une déclaration solennelle dont le texte vous sera communiqué par M.

 22   l'huissier par écrit. Je vous prierai donc de la prononcer à présent.

 23   Mme Zaimovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

 24   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 25   M. le Président (interprétation): Merci beaucoup, vous pouvez vous


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  1   asseoir. C'est un membre de l'équipe du Procureur...

  2   Mme Zaimovic (interprétation): Oui.

  3   M. le Président (interprétation): Qui va à présent vous interroger en tant

  4   que témoin.

  5   Madame Kalra, vous pouvez procéder.

  6   (Interrogatoire principal du témoin, Mme Fatima Zaimovic, par Mme Kalra.)

  7   Mme Kalra (interprétation): Pouvez-vous décliner vos nom et prénom pour le

  8   compte rendu d'audience?

  9   Mme Zaimovic (interprétation): Mes nom et prénom sont Zaimovic Fatima, je

 10   suis née le 20 janvier 1947.

 11   Question: Etiez-vous infirmière chef à l'hôpital de Kosevo dans le

 12   département de pédiatrie?

 13   Réponse: Oui.

 14   Question: Depuis combien de temps occupiez-vous ce poste?

 15   Réponse: J'occupe ce poste depuis 33 ans.

 16   Question: Vous voulez dire, infirmière chef?

 17   Réponse: Oui, infirmière chef. Je suis infirmière chef depuis 1979.

 18   Question: Avez-vous occupé ce poste pendant toute la période qui va de

 19   septembre 1992 à août 1994.

 20   Réponse: Oui.

 21   Question: Combien d'infirmières travaillaient dans votre département,

 22   pendant cette période?

 23   Réponse: Quand la guerre a commencé, il y avait à peu près 35 infirmières

 24   au centre médical et, au tout début de la guerre, 10 infirmières sont

 25   parties. Il est donc resté à peu près 24 ou 25 infirmières. Je ne me


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  1   rappelle pas le nombre exact. Ensuite, avec le dernier convoi qui a quitté

  2   Sarajevo, une dizaine d'autres infirmières sont encore parties qui étaient

  3   d'une autre nationalité. Mais les premières qui ont quitté le centre

  4   médical étaient de nationalité serbe et elles ne nous ont même pas dit "au

  5   revoir". Ce qui, dans le cadre des habitudes que nous avions dans notre

  6   centre médical, était assez inhabituel.

  7   Question: Combien d'infirmières sont restées? Combien d'infirmières ont

  8   continué à travailler pendant la durée de la guerre, après le départ des

  9   infirmières dont vous venez de parler?

 10   Réponse: Après le départ de ces premières infirmières, il nous est resté…

 11   Après le départ de toutes les infirmières qui sont parties, il nous est

 12   resté une quinzaine d'infirmières. C'est donc avec 15 infirmières que nous

 13   avons commencé à travailler dans notre centre médical, ce qui était très

 14   difficile parce que beaucoup de ces infirmières vivaient dans divers

 15   quartiers de Sarajevo et, en raison des pilonnages, elles ne pouvaient pas

 16   toujours se rendre au travail.

 17   Question: Quelles étaient les responsabilités assumées par les infirmières

 18   pendant la guerre, par comparaison à ce qu'étaient ces responsabilités

 19   avant la guerre?

 20   Réponse: Mes responsabilités sont pratiquement restées les mêmes, mais il

 21   y avait des tâches qui étaient menées à bien par mes collègues auparavant

 22   et que je supervisais. Eh bien, ces tâches me sont tombé sur les épaules,

 23   si je puis m'exprimer ainsi, car il n'y avait plus possibilité de les

 24   faire réaliser par d'autres.

 25   Question: J'aimerais vous poser quelques questions au sujet des conditions


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  1   en vigueur dans l'hôpital de Kosevo, notamment dans votre département de

  2   pédiatrie. Aviez-vous de l'électricité pendant la guerre?

  3   Réponse: Non.

  4   Question: Aviez-vous de l'eau courante?

  5   Réponse: Non.

  6   Question: Aviez-vous suffisamment de médicaments à votre disposition?

  7   Réponse: Nous avions certains médicaments d'une façon ou d'une autre, car,

  8   comme tous les hôpitaux, notre hôpital avait une pharmacie et nous avions

  9   donc quelques médicaments. Mais au bout d'un moment, les médicaments ont

 10   disparu et cette pénurie a duré jusqu'à l'arrivée des médecins sans

 11   frontières qui nous ont apporté des médicaments. Unicef était également

 12   présent et nous apportait son aide.

 13   Question: Comment cela a-t-il affecté le fonctionnement de votre

 14   département?

 15   Réponse: Eh bien, les conséquences ont été très difficiles. Je dois vous

 16   dire, je dois vraiment vous dire, que nous avions peur.

 17   Question: Votre département soignait-il des patients militaires et civils?

 18   Réponse: Dans mon département, on ne soignait que des enfants et c'étaient

 19   des civils.

 20   Question: A quelle tranche d'âge appartenaient les patients soignés par

 21   votre département?

 22   Réponse: Dans mon département, avant la guerre, pendant la guerre et

 23   aujourd'hui, les patients appartiennent à la tranche d'âge 0 à 14 ans.

 24   Question: L'hôpital de Kosevo a-t-il été pilonné lourdement entre

 25   septembre 1992 et août 1994?


Page 1843

  1   Réponse: Très souvent.

  2   Question: Vous rappelez-vous à quelle fréquence survenaient ces

  3   pilonnages?

  4   Réponse: Je ne me rappelle pas, mais je suis certaine que de nombreux obus

  5   sont tombés sur l'hôpital, et surtout des balles tirées par des tireurs

  6   isolés. Et puis aussi ces balles très très grandes qui perforaient, qui

  7   perçaient les murs et causaient de très grands dégâts.

  8   Question: Y avait-il du matériel militaire, à votre connaissance, dans cet

  9   hôpital?

 10   Réponse: Non.

 11   Question: Savez-vous s'il y avait du matériel militaire dans le secteur

 12   entourant l'hôpital?

 13   Réponse: Non, pour autant que je le sache, il n'y en avait certainement

 14   pas.

 15   Question: Quelle était la réaction des enfants lorsque l'hôpital était

 16   pris pour cible par des obus ou des tireurs embusqués?

 17   Réponse: C'était très difficile. Dans le département de pédiatrie, la

 18   panique régnait, les enfants criaient beaucoup et il était très difficile

 19   de les calmer.

 20   Question: Quelles précautions preniez-vous, si vous preniez des

 21   précautions, pour protéger les enfants qui se trouvaient à l'intérieur de

 22   l'hôpital?

 23   Réponse: Nous n'étions pas prêts à la guerre, donc nous n'avons fait aucun

 24   préparatif particulier. Dans notre département, il y avait des couloirs

 25   très longs, c'était un bâtiment construit par les Autrichiens et les caves


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  1   n'étaient pas équipées pour accueillir les enfants, donc c'était très

  2   difficile.

  3   Il y avait des patients qui restaient dans les couloirs avec des membres

  4   du personnel médical, mais les enfants, les plus petits, ceux qu'on

  5   pouvait porter dans ses bras, on les emmenait dans cette cave non équipée

  6   qui vraiment présentait des conditions terribles. Pour nous c'était très

  7   difficile, on entendait les enfants crier, des enfants hurlaient de peur

  8   parce qu'ils craignaient d'être laissés seuls dans les locaux du

  9   département. C'était vraiment terrible.

 10   Question: Y a-t-il eu des patients ou des membres du personnel médical qui

 11   ont été blessés par des obus ou des balles de tireurs embusqués?

 12   Réponse: Oui, deux de mes collègues ont été blessées, en fait, elles ont

 13   été tuées sur leur lieu de travail parce qu'un obus est tombé dans la

 14   pièce où elles se trouvaient. Cela s'est passé en soirée, je ne me

 15   rappelle pas la date, mais je sais qu'il faisait froid, très froid. Le

 16   lendemain matin, je suis arrivée au travail et j'ai trouvé le corps de ces

 17   deux collègues qui étaient des camarades à moi et qui étaient mortes;

 18   l'une d'entre elles avait des enfants en bas âge.

 19   Question: Vous rappelez-vous au cours de quelle année cela s'est passé?

 20   Réponse: Je crois que cela s'est passé en 1993, et en 1993 également une

 21   technicienne fantastique de l'hôpital, qui nous aidait beaucoup, est morte

 22   aussi. Elle nous aidait beaucoup à improviser l'équipement des pièces

 23   destinées à l'accueil des enfants. Elle passait du département de

 24   traumatologie à son bureau au moment où un obus est tombé et l'a tuée sur

 25   place.


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  1   Question: Vous rappelez-vous quand cela s'est passé?

  2   Réponse: Cela s'est passé en 1993, à la mi-1993, je pense, mais c'est ce

  3   que je pense. Je vous prie de ne pas estimer que je donne toujours des

  4   dates absolument précises car je n'ai pas vraiment fait attention aux

  5   dates.

  6   Question: J'aimerais vous poser quelques questions au sujet des enfants

  7   que vous soigniez. Pouvez-vous nous dire, à peu près, quel était le nombre

  8   des enfants qui fréquentaient votre département en moyenne chaque jour?

  9   Réponse: Il y avait des différences, cela variait. Quelquefois, nous

 10   recevions 2 ou 3 enfants et d'autres fois nous recevions des groupes

 11   d'enfants lorsque les pilonnages avaient été très intenses. Il arrivait

 12   que 10, 6, 7 enfants arrivent en même temps. Ces enfants étaient

 13   totalement terrorisés, couverts de sang, couverts de terre et ils avaient

 14   des membres arrachés, ils pleuraient, leurs parents pleuraient, tout leur

 15   entourage pleurait. Même les murs commençaient à pleurer.

 16   Question: Ces 2 ou 3 enfants par jour, est-ce que ce rythme a continué

 17   pendant toute la guerre?

 18   Réponse: Non, 2 ou 3. Je me rappelle un pilonnage très intense dans une

 19   école, dans la rue Nemanjina. A Otoka, à Vase Miskina ou ailleurs, ces

 20   pilonnages ont donné lieu à l'arrivée d'un très grand nombre de patients.

 21   Le plus dur a été le pilonnage de l'école, le 9 novembre à peu près alors

 22   que, à Otoka, c'était le 10 novembre. Nous n'avions pas eu le temps de

 23   nous récupérer de l'arrivée des enfants de l'école lorsque le lendemain,

 24   11 enfants sont arrivés de Osmice. Les enfants étaient pour la plupart des

 25   frères et des sœurs qui s'étaient cachés ensemble dans un même bâtiment.


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  1   Il faisait beau ce jour-là, les enfants avaient eu envie de sortir un peu

  2   de l'immeuble où ils habitaient et l'obus est tombé ce jour-là et les

  3   blessures ont été vraiment très graves, très graves.

  4   Je peux vous dire que c'était sans discrimination de dates, de lieux, de

  5   personnes visées. Ils tiraient quand ils voulaient, à volonté. Ils se

  6   calmaient quelquefois un jour ou deux et puis ils recommençaient. Ils

  7   tiraient dans la rue quand les gens passaient, ils visaient les enfants et

  8   tuaient des enfants innocents marchant dans la rue.

  9   Question: Vous avez parlé d'un certain nombre d'incidents. L'incident du 9

 10   novembre, vous rappelez-vous en quelle année il a eu lieu?

 11   Réponse: C'était en 1993.

 12   Question: S'ensuit-il que l'incident du 10 novembre a également eu lieu en

 13   1993?

 14   Réponse: Tous les incidents du 9, du 10, ils ont tous eu lieu en 1993.

 15   L'année 1993 a été très très pénible pour nous. Nous n'avions pas

 16   d'électricité, pas de gaz, pas d'eau. L'eau, il fallait aller la chercher

 17   dans des citernes. Les produits alimentaires ont disparu également.

 18   C'était vraiment très difficile.

 19   Question: Avez-vous personnellement soigné les enfants victimes des

 20   incidents dont vous venez de parler, les incidents des 9 et 10 novembre?

 21   Réponse: Oui, bien sûr, avec mon équipe d'infirmières, nous avons reçu ces

 22   enfants dans notre département et puis l'équipe des chirurgiens arrivait

 23   avec l'anesthésiste, un examen était fait pour déterminer qui était

 24   l'enfant qu'il fallait emmener dans la salle d'opération le premier, celui

 25   qui était le plus grièvement blessé. Ensuite, on travaillait comme cela


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  1   jour et nuit. Et nous, nous faisions tout le travail nécessaire pour

  2   panser les enfants, pour les calmer. Excusez-moi. Pour leur donner des

  3   perfusions. Tout cela, c'était notre travail, au département de pédiatrie.

  4   Question: Vous rappelez-vous la nature des blessures dont souffraient ces

  5   enfants?

  6   Réponse: Chacun des enfants souffrait de deux ou trois blessures

  7   différentes. Les pilonnages étaient terribles: il y avait des enfants qui

  8   restaient sans jambes; à d'autres, c'était le bras qui était arraché et

  9   certains enfants étaient tellement horriblement blessés par des éclats

 10   d'obus à l'abdomen, au ventre, dans la région des reins, que les blessures

 11   étaient abominables et il était parfois très difficile d'arrêter

 12   l'épanchement de sang -mais je peux dire que chacun des enfants portait au

 13   moins deux ou trois blessures sur le corps à des endroits différents.

 14   Mme Kalra (interprétation): Vous rappelez-vous un incident particulier

 15   survenu le 10 octobre 1992?

 16   Mme Zajnovic (interprétation): Oui. Cela s'est passé à Otoka le 10

 17   octobre.

 18   M. le Président (interprétation): Maître Pilipovic?

 19   Mme Pilipovic (interprétation): Objection, Monsieur le Président, quant à

 20   la façon dont les questions sont posées par l'accusation. En effet,

 21   répondant à une question précédente de l'accusation, le témoin a dit: "Je

 22   vous prie de ne pas estimer que les dates que je vais citer sont

 23   absolument précises".

 24   M. le Président (interprétation): Oui, c'était une réponse à une question

 25   précise, je crois.


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  1   Mme Pilipovic (interprétation): Je pense que cela remet en cause la façon

  2   dont la question est posée.

  3   M. le Président (interprétation): Oui, merci, Maître Pilipovic.

  4   Mme Kalra (interprétation): Vous rappelez-vous un incident survenu au

  5   cours de l'automne 1992?

  6   Mme Zaimovic (interprétation): Oui, il y en a eu pas mal. En 1992 à

  7   l'automne, oui. Un enfant merveilleux a été blessé dans la ruie Jelene

  8   Vitas, je m'en rappelle exactement, cet enfant s'appelait Dario Vapetic,

  9   je me souviens très bien de lui.

 10   Ses parents s'étaient retrouvés avec des voisins pour essayer de faire un

 11   feu avec des papiers dans un immeuble d'habitations qui était complètement

 12   encerclé, et alors qu'ils essayaient de faire ce feu, un obus est tombé

 13   dans la cour. En un seul instant, cet enfant a perdu sa mère, son père, sa

 14   grand-mère et son grand-père. Vous ne pouvez pas imaginer comment les

 15   choses se passaient.

 16   De nombreux enfants sont arrivés, les adultes étaient soignés dans

 17   d'autres départements de l'hôpital, et nous nous occupions des enfants.

 18   Lorsque cet enfant était hors de lui, il n'arrêtait pas de répéter: "Ma

 19   tante, ma tante! J'ai vu la tête de mon père voler dans l'air!" Il nous a

 20   fallu beaucoup de temps pour calmer cet enfant. Je ne sais pas s'il subit

 21   encore les conséquences de cet incident, je n'ai plus de contact avec lui.

 22   Il est resté pas mal de temps dans notre département jusqu'au moment où on

 23   a trouvé sa grand-mère à Dobrinje. Pour nous, aller à Dobrinje à ce

 24   moment-là, c'était comme voyager jusqu'à la France. Il est parti, donc il

 25   a quitté l'hôpital -elle est venue le chercher-, et quand il est parti,


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  1   parce que nous nous étions beaucoup rapprochés, nous nous aimions

  2   beaucoup, et il m'a écrit quelque chose. On m'appelait Tina, et il m'a

  3   écrit: "Tata Tina, je t'aime tellement que je n'ai tout simplement pas

  4   envie de te quitter". Et il a fait un dessin d'un vase avec sa petite

  5   menotte d'enfant de 6 ans. Il n'avait que 6 ans, il a donc dessiné un vase

  6   et une fleur sur un vieux morceau de papier que je garde précieusement.

  7   Question: Vous rappelez-vous quelle était la nature exacte des blessures

  8   dont souffrait ce petit garçon?

  9   Réponse: Il n'était pas grièvement blessé, il avait d'innombrables plaies

 10   qui ne mettaient pas sa vie en danger. Donc elles ont guéri, heureusement.

 11   Question: Vous rappelez-vous à peu près au cours de quel mois de l'automne

 12   de 1992 cela s'est passé?

 13   Réponse: Le 10 octobre 1992, je me rappelle très bien ce qui s'est passé à

 14   ce moment-là car je pense souvent à ce petit garçon.

 15   Question: Où habitiez-vous pendant la guerre?

 16   Réponse: J'habitais tout près de l'hôpital dans un groupe d'immeubles qui

 17   s'appelle Breka et qui se trouve juste au-dessus de l'hôpital, de sorte

 18   que, pour moi, aller jusqu'à l'hôpital présentait un certain danger, mais

 19   pas autant de danger que celui qu'affrontaient les autres infirmières qui

 20   habitaient à Dobrinja ou Alipasino Polje ou à Hrsno ou dans d'autres

 21   quartiers.

 22   Et donc parce que je vivais tout près de l'hôpital et pour toutes sortes

 23   d'autres raisons, je passais toute la journée à l'hôpital, du matin au

 24   soir. Et très souvent je passais la nuit à l'hôpital quand d'autres

 25   infirmières étaient dans l'incapacité de venir travailler.


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  1   Question: Quels étaient les quartiers de Sarajevo que vous pouviez voir

  2   depuis votre domicile?

  3   Réponse: Breka, c'est un quartier qui se trouve un peu en hauteur, qui

  4   domine un peu la ville; donc je pouvais voir une partie de Trebevic et une

  5   partie de la ville, je pouvais même voir les deux tours qui ont subi des

  6   pilonnages très intensifs, on les voit très bien depuis mon balcon.

  7   Question: Vous est-il arrivé de voir une quelconque activité sur le mont

  8   Trebevic?

  9   Réponse: Bien sûr, j'ai vu un canon derrière un rocher, ce secteur est

 10   connu sous le nom d'Osmice, les habitants de Sarajevo connaissent très

 11   bien Osmice, et c'est un rocher de grande taille derrière lequel était

 12   caché un canon qui, de temps en temps, sortait pour ouvrir le feu sur la

 13   ville.

 14   Un matin, c'était l'été, il faisait beau, je me suis levée tôt, et j'étais

 15   assise sur le balcon, et tout d'un coup j'ai entendu un bruit terrible, et

 16   j'ai vu que des maisons avaient tout simplement été détruites,

 17   complètement rasées, par des gens qui avaient rempli des tonneaux

 18   d'explosifs.

 19   (L'interprète signale que les deux tours s'appelaient les tours Unis)

 20   Question: Vous rappelez-vous à quel moment a eu lieu cet incident des

 21   tonneaux?

 22   Réponse: Non, je ne me rappelle pas, je suis désolée, je ne me rappelle

 23   pas de la date.

 24   Question: Vous rappelez-vous en quelle année ceci a eu lieu?

 25   Réponse: Pas exactement. Je pense que très certainement cela a eu lieu fin


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  1   1992, début 1993 parce que c'est à ce moment-là qu'ils tiraient le plus

  2   fort et le plus souvent.

  3   Question: Vous avez parlé d'un canon qui, de temps en temps, sortait d'un

  4   nendroit situé sur le mont Trebevic. Pouviez-vous voir si ce canon était

  5   monté sur des roues?

  6   Réponse: Ça, non. Moi je ne voyais que le canon, ce n'était pas uniquement

  7   un canon, c'était un char, mais je ne connais pas très bien tout cela. On

  8   voyait tout d'un coup apparaître le tube du canon et puis on voyait à ce

  9   moment-là les obus qui partaient en direction de maisons. C'étaient des

 10   maisons de particuliers parce que dans ce quartier, où on commence à

 11   monter sur les flancs du mont Trebevic. Il n'y a pas d'immeuble à cet

 12   endroit, il n'y a que des pavillons, des pavillons de particuliers, et

 13   c'est sur ces pavillons que tirait ce canon.

 14   Question: Quand avez-vous vu ce char apparaître sur les flancs du mont

 15   Trebevic?

 16   Réponse: Il était là tout le temps. Tout le temps.

 17   Question: Est-ce que ce "tout le temps" couvre également la période qui va

 18   de septembre 1992 à août 1994?

 19   Réponse: Oui, oui.

 20   Question: Avez-vous vous-même été la cible d'un tireur isolé au cours de

 21   la guerre?

 22   Réponse: Oui, au début de la guerre, moi-même et mon époux avions pris le

 23   chemin du travail, voyez-vous, le matin, et un tireur isolé nous a pris

 24   pour cible. La balle m'a rasé la tête: elle est passée là au niveau des

 25   cheveux, elle m'a emporté quelques cheveux; quant à mon mari, il a subi la


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  1   même chose au niveau de la nuque. Heureusement, nous n'avons pas été

  2   blessés, mais suite à cet événement, nous avons été très apeurés, très

  3   effrayés.

  4   A partir de ce jour-là, nous avons décidé de ne plus jamais aller au

  5   travail ensemble, parce que nous pensions au fait que nous avions deux

  6   enfants, donc nous nous sommes dit que, si l'un de nous doit mourir, qu'il

  7   reste au moins un parent à ces enfants.

  8   Question: Vous rappelez-vous au cours de quel mois ceci s'est passé?

  9   Réponse: Il faisait beau, il faisait très très beau temps.

 10   Voyez-vous, nous n'avions pas le courage de lever les yeux pour regarder

 11   le feuillage, nous marchions toujours avec la tête tournée vers le bas

 12   parce que nous avions très peur d'être frappés par une balle, de sorte que

 13   nous ne nous rendions plus compte si c'était le printemps, l'automne,

 14   l'hiver ou de ce qui se passait autour de nous.

 15   Question: Vous rappelez-vous au cours de quelle année ceci a eu lieu?

 16   Réponse: Je crois que cela s'est passé en 1993.

 17   Question: Lorsque vous étiez à l'intérieur de l'hôpital, vous sentiez-vous

 18   en sécurité?

 19   Réponse: Non, non.

 20   Question: Les enfants se sentaient-ils en sécurité d'après vos souvenirs,

 21   lorsqu'ils étaient à l'intérieur de l'hôpital?

 22   Réponse: Non, pas en sécurité, parce que chaque fois qu'ils entendaient

 23   des coups de feu, qui venaient peut-être de quelque part en ville, l'écho

 24   atteignait Kosevo, ils sursautaient dans leur lit ou sautaient en bas du

 25   lit lorsqu'ils étaient mobiles; et ceux qui n'étaient pas mobiles se


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  1   mettaient à crier et à pleurer. Mais les enfants mobiles venaient nous

  2   voir et nous demandaient de prendre soin des autres.

  3   Ils avaient terriblement peur, ces enfants, sûrement en raison du fait

  4   qu'ils avaient survécu à des blessures une fois, et donc après, chaque

  5   fois qu'ils entendaient ces explosions terribles, cela avait une incidence

  6   terrible sur les enfants.

  7   Question: Avez-vous observé des incidences affectives sur les enfants dues

  8   aux pilonnages et aux tirs de tireurs isolés?

  9   Réponse: Bien sûr, certains se renfermaient sur eux-mêmes, d'autres

 10   commençaient à uriner dans leur lit alors qu'ils ne l'avaient jamais fait

 11   avant, et beaucoup d'autres choses dont je ne me souviens pas, parce qu'en

 12   1993 nous avons demandé l'aide d'un pédagogue et d'un psychologue dans

 13   notre département pour aider les enfants à survivre le moins mal possible

 14   à la guerre.

 15   Question: Un quelconque membre de l'équipe médicale a-t-il manifesté des

 16   signes de stress en raison des pilonnages et des tirs de tireurs

 17   embusqués?

 18   Réponse: Oui, chacun d'entre nous a vécu tout cela à notre manière. Chacun

 19   de nous a vécu la peur. Dans mon département de pédiatrie, deux

 20   infirmières ont eu des problèmes psychiques et elles sont encore en soin

 21   en psychiatrie; aujourd'hui encore elles n'ont pas repris le travail. Et

 22   puis, une assistante, je veux parler d'une assistante et d'un technicien

 23   qui travaillaient en salle d'opération.

 24   Question: Quels ont été les effets psychologiques que ces pilonnages et

 25   ces tireurs de tireurs isolés ont eus sur vous, s'ils en ont eu?


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  1   Réponse: J'avais terriblement peur -je dois vous le dire très franchement-

  2   et s'il m'arrivait de me retrouver seule, c'est dans ces moments-là que je

  3   constatais à quel point j'avais peur. J'avais peur pour ma famille,

  4   j'avais peur pour les enfants blessés, j'avais peur parce que je me

  5   demandais si j'arriverais à faire tout ce que j'avais à faire. Mais ces

  6   petits-enfants, chaque fois qu'ils me souriaient ou qu'ils ne me faisaient

  7   un dessin ou qu'ils me demandaient: "Tati Tina, pourquoi est-ce que tu es

  8   si triste?" Eh bien, cela me redonnait de nouvelles forces et me

  9   permettait de continuer mon travail.

 10   Question: Avez-vous jamais souffert de problèmes de santé dont vous

 11   estimez qu'ils étaient liés au stress que vous subissiez?

 12   Réponse: Oui. En 1995, lorsqu'il y a eu une trêve et qu'ils ont arrêté de

 13   tirer sur la ville, même s'ils tiraient encore de temps en temps et

 14   tuaient encore certaines personnes, donc à ce moment-là, j'ai eu un

 15   problème de santé très grave et j'ai dû être absente de l'hôpital pendant

 16   quelque temps: c'était une crise cardiaque.

 17   Mme Kalra (interprétation): Merci, Madame Zaimovic, je n'ai pas d'autres

 18   questions à vous poser.

 19   M. le Président (interprétation): Merci Madame Kalra.

 20   Madame Zaimovic, vous allez entendre des questions qui vous seront posées

 21   par le conseil de la défense de l'accusé.

 22   Maître Pilipovic, je vous donne la parole.

 23   (Contre-interrogatoire du témoin, Mme Fatima Zaimovic, par Me Pilipovic.)

 24   Mme Pilipovic (interprétation): Merci Monsieur le Président.

 25   Bonjour. Vous avez répondu à des questions qui vous ont été posées par mon


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  1   confrère. Ce que je souhaiterais maintenant vous poser comme question est

  2   de savoir si le 9 avril 2000 vous avez parlé aux enquêteurs du Tribunal et

  3   avez fait une déclaration et si vous l'avez signée?

  4   Mme Zaimovic (interprétation): Je ne me souviens pas de la date mais oui,

  5   probablement, c'est ce que j'ai fait, et c'est ma signature.

  6   Question: Est-ce que ce que vous avez exposé dans votre déclaration est

  7   exact?

  8   Réponse: Bien sûr, mais peut-être pas tous les détails qui s'y trouvent

  9   parce que je me souviens de beaucoup de choses au fur et à mesure, et il y

 10   a bien d'autres choses encore que je pourrais ajouter à cette déclaration.

 11   Question: Vous êtes allée à la salle où étaient hospitalisés, vous étiez

 12   affectée à la salle où étaient hospitalisés les enfants depuis 1978 dans

 13   l'hôpital de Kosevo?

 14   Réponse: Je suis devenue infirmière en chef en 1979. Avant cela, je

 15   travaillais comme infirmière.

 16   Question: Quelle était la composition ethnique du personnel médical dans

 17   votre service où vous étiez infirmière en chef?

 18   Réponse: Vous voulez dire avant l'agression ou après l'agression?

 19   Question: Je vous ai demandé quelle était la composition ethnique du

 20   personnel hospitalier qui travaillait dans votre département? Et

 21   permettez-moi de vous rappeler que vous avez déclaré, en réponse à la

 22   question de l'accusation, "lorsque les infirmières serbes ont commencé?",

 23   vous avez répondu: "lorsque la guerre a commencé".

 24   Mme Zaimovic (interprétation): Oui. Elles sont simplement parties. Une

 25   partie des infirmières est partie, d'autres sont restées.


Page 1856

  1   Mme Pilipovic (interprétation): Quand est-ce que cela s'est-il passé?

  2   M. le Président (interprétation): Vous parlez d'infirmières serbes qui

  3   partaient? Je ne me souviens pas. Pourriez-vous nous dire exactement à

  4   quelle ligne il a été dit que des infirmières serbes partaient?

  5   Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, c'est un problème

  6   pour moi de retrouver la ligne en question. Mais Mme Zaimovic a bien dit:

  7   "lorsque la guerre a commencé, il y avait 35 infirmières". Voilà ce que

  8   vous avez dit.

  9   Mme Zaimovic (interprétation): Oui.

 10   Mme Pilipovic (interprétation): Plus de 10 infirmières étaient d'origine

 11   serbe?

 12   Mme Zaimovic (interprétation): Oui, et parmi ces 10, 10 sont parties, 10

 13   étaient des infirmières assistantes.

 14   M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Madame Kalra.

 15   Mme Kalra (interprétation): Cela se trouve à la page 65, ligne 22, si cela

 16   peut aider.

 17   Mme Zaimovic (interprétation): Je peux répondre à cette question si elle

 18   m'est posée.

 19   Mme Pilipovic (interprétation): Je vous ai demandé quand cela s'est passé.

 20   Quand je dis "quand", je veux dire l'année et le mois, s'il vous plaît?

 21   Mme Zaimovic (interprétation): C'était en avril 1992.

 22   Question: Vous avez dit le 4, vous voulez dire le quatrième mois: avril?

 23   Réponse: Oui, oui, lorsque l'agression a eu lieu. Mais on pouvait encore

 24   aller à Pale, Foca à travers la ville et à d'autres endroits.

 25   Question: Vous avez employé le mot "agression". Pourriez-vous préciser ce


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  1   que vous entendez par là?

  2   Réponse: C'est le mot que l'on employait, et je pense vraiment que c'était

  3   cela.

  4   Question: Lorsque vous dites "nous utilisions", qui entendez-vous par

  5   "nous"?

  6   Réponse: Je veux dire les gens de Sarajevo.

  7   Question: Donc le mot "agression", pour vous, veut dire quoi?

  8   Réponse: Vous savez ce qu'est une agression. Lorsqu'il y a des canons et

  9   des tireurs isolés qui commencent à tuer des enfants innocents et des

 10   mères, des membres de la population, des membres innocents de la

 11   population civile, c'est cela que je veux dire.

 12   Question: Je comprends bien les émotions que vous avez ressenties, mais je

 13   crois que je pose les questions de la façon qui convient, vous avez

 14   employé le mot "agression". Donc le 4 avril, pourquoi est-ce que 35

 15   infirmières ont quitté l'hôpital?

 16   Réponse: Je n'ai pas dit que 35 étaient parties, j'ai dit que 10 étaient

 17   parties.

 18   Question: Vous voulez dire 10 infirmières d'origine serbe?

 19   Réponse: Oui, et c'est vraiment ce qui s'est passé.

 20   Question: Savez-vous pourquoi elles sont parties?

 21   Réponse: Elles savaient probablement ce qui allait se passer parce que

 22   toutes leurs familles étaient à Pale, à Foca, à Visegrad et à différents

 23   endroits. Et il y a des documents qui le prouvent, vous pourrez le

 24   vérifier vous-même.

 25   Question: Est-ce que quelque chose s'est passé avant le 4 avril quand,


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  1   comme vous l'avez dit, la guerre a commencé? Et vous venez de dire que la

  2   guerre a commencé le 4 avril.

  3   Réponse: Je ne savais pas cela, j'étais dans un état de choc pendant

  4   longtemps avec tous les événements qui avaient lieu. Je ne pouvais pas

  5   croire que cela s'est passé, je ne pensais pas que quelque chose de ce

  6   genre pourrait se passer.

  7   Question: Que s'est-il passé le 4 avril?

  8   Réponse: Que voulez-vous dire?

  9   Question: Il y a eu quelque chose de caractéristique qui s'est passé ce

 10   jour-là parce que vous dites le quatrième mois?

 11   Réponse: J'ai dit le "quatrième mois", avril, pas le 4 du mois.

 12   Question: Vous avez dit que ces infirmières étaient parties en avril.

 13   Réponse: Que s'est-il effectivement passé? Je ne sais pas.

 14   Question: Est-ce que quelque chose s'est passé dans la ville proprement

 15   dite en avril?

 16   Réponse: Je ne sais pas.

 17   Question: Est-ce que vous êtes allée en ville?

 18   Réponse: Oui, je l'ai fait, je suis allée en ville.

 19   Question: Je crois que vous savez ce qui se passait mieux que moi.

 20   En avril, lorsque vous êtes allée en ville, y avait-il quelque chose

 21   d'inhabituel par rapport au rythme quotidien de la ville?

 22   Réponse: Oui. Les gens étaient inquiets et ils achetaient davantage de

 23   choses qu'ils n'avaient normalement besoin, que d'habitude.

 24   Question: Votre département, là où vous étiez infirmière en chef, combien

 25   de patients pouvait-il recevoir?


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  1   Réponse: 40.

  2   Question: Qui était le directeur de votre hôpital?

  3   Réponse: Voulez-vous que je dise son nom de famille et son prénom?

  4   Question: Je vous demande en avril?

  5   Réponse: En avril, c'était le professeur Dusan, docteur Dizdarevic, le

  6   professeur Dizdarevic.

  7   Question: Et avant le docteur Dizdarevic?

  8   Réponse: Le primarius, le docteur Mirjan Lomas, qui est resté avec nous

  9   jusqu'à la fin de la guerre, son premier adjoint. Et nous lui avons fait

 10   une belle réception de départ lorsqu'il est parti à la retraite.

 11   Question: Combien d'infirmières ont quitté l'hôpital? Vous nous avez dit

 12   combien d'infirmières ont quitté l'hôpital lorsque la guerre a éclaté,

 13   est-ce que des médecins sont partis aussi?

 14   Réponse: Oui.

 15   Question: Est-ce que vous savez combien de médecins ont quitté l'hôpital,

 16   en fait?

 17   Réponse: Non.

 18   Question: Les médecins qui sont partis, vous dites que vous ne savez pas

 19   combien il y en avait, mais est-ce que vous savez à quelles origines

 20   ethniques ils appartenaient?

 21   Réponse: Il y avait des Bosniaques, des Serbes et des Croates.

 22   Dans mon département, et tout au long de la guerre, deux Croates sont

 23   restés au travail et trois Serbes, et on s'entendait très, très bien, on

 24   s'est très bien entendu jusqu'à la fin de la guerre.

 25   Question: Lorsque vous dites "Croates", des infirmières croates, des


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  1   dames, et des infirmières serbes. Vous vous référiez bien sûr à des

  2   infirmières, moi je vous posais des questions concernant les médecins.

  3   Combien de médecins ont quitté l'hôpital? Vous avez répondu que des

  4   médecins bosniaques et serbes sont partis.

  5   Réponse: Oui, qui ont quitté l'hôpital.

  6   Question: Ceci veut dire qu'un grand nombre est parti?

  7   Réponse: Oui, c'est exact.

  8   Question: Combien de médecins serbes et croates sont restés pendant la

  9   guerre à votre clinique, dans votre service?

 10   Si vous ne savez pas, cela ne fait rien.

 11   Réponse: Je ne peux pas vraiment vous donner de chiffres. Mon travail

 12   c'était de m'occuper des infirmières plutôt que des médecins.

 13   Question: Quel était le chef de votre département, de la chirurgie pour

 14   enfants?

 15   Réponse: C'était docteur Dizdarevic, qui est devenu professeur, qui est

 16   maintenant le professeur docteur Dizdarevic.

 17   Question: De sorte qu'il était le chef du département, directeur de

 18   l'hôpital?

 19   Réponse: Il était directeur de la partie chirurgie pour les enfants.

 20   Question: Qui était le directeur de l'ensemble de l'hôpital à Kosevo?

 21   Réponse: C'était le professeur Faruk Kohjuhodzic.

 22   Question: Comment est-il devenu directeur de l'hôpital?

 23   Réponse: Je crois que c'était vers la fin de 1992?

 24   Question: Ceci veut dire que jusqu'à la fin de 1992, qui était le

 25   directeur de l'hôpital?


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  1   Réponse: Je ne me souviens pas de son nom, mais c'était un homme

  2   merveilleux et un médecin merveilleux aussi.

  3   Question: Est-ce que vous savez de quelle origine ethnique il était?

  4   Réponse: Il était Bosnien.

  5   Question: Je vous remercie.

  6   Vous avez parlé aujourd'hui du pilonnage de l'hôpital de Kosevo. Pouvez-

  7   vous nous dire quand l'hôpital a été pilonné pour la première fois?

  8   Réponse: Je ne peux pas, je ne sais pas la date.

  9   Question: Savez-vous de quelle direction, de quelle provenance venaient

 10   les obus?

 11   Réponse: Je ne peux pas vous dire non plus, car il y avait des obus qui

 12   venaient de toutes les directions. Je ne suis pas un expert militaire, je

 13   ne peux pas vous dire d'où venaient les obus. Nous les entendions avec les

 14   échos et les réverbérations, les cris...

 15   Question: Vous nous aviez dit que vous aviez vu un char?

 16   Réponse: Oui.

 17   Question: Pouviez-vous voir le char de l'hôpital?

 18   Réponse: Non.

 19   Question: Vous avez dit que de votre balcon, vous pouviez voir un char, où

 20   était ce char?

 21   Réponse: Nous appelons cet endroit Osmice et à côté de Osmice, il y a un

 22   gros rocher et probablement il se mettait, il se cachait derrière le

 23   rocher et puis il sortait et tirait. Mais je crois que c'est bien connu.

 24   Question: Quand avez-vous vu le char pour la première fois?

 25   Réponse: Je ne sais pas.


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  1   Question: Est-ce que c'est votre réponse, que vous ne vous souvenez pas?

  2   Est-ce que je peux considérer que vous ne vous rappelez pas la date?

  3   Réponse: C'est bien cela. Je ne me souviens pas de la date. Beaucoup de

  4   temps est passé depuis lors, beaucoup de douleur, beaucoup de stress pour

  5   moi, afin que je puisse me rappeler de la date, c'est difficile.

  6   Question: Pourriez-vous nous dire si des observateurs de l'ONU sont venus

  7   à votre hôpital? Est-ce qu'ils ont visité l'hôpital?

  8   Réponse: je ne sais pas qui est venu, mais ce que je sais: c'est que des

  9   journalistes étrangers venaient très fréquemment pour voir comment nous

 10   vivions, comment nous travaillions, et d'habitude ils se rendaient dans la

 11   partie chirurgie pour enfants en apportant des bonbons et des pommes aux

 12   enfants, pour faire plaisir aux enfants. Quant à savoir si les soldats

 13   sont venus, je ne sais.

 14   Question: Vous avez dit que vous habitiez à côté de l'hôpital?

 15   Réponse: C'est exact.

 16   Question: A quel étage se trouvait la chirurgie pour enfants?

 17   Réponse: Au deuxième étage, mon département se trouvait au deuxième étage.

 18   Question: De votre département et des fenêtres de ce département, quelle

 19   partie de Sarajevo pouviez-vous voir particulièrement bien en regardant

 20   par la fenêtre?

 21   Réponse: On ne peut pratiquement rien voir à l'extérieur de l'hôpital

 22   parce qu'il y a deux gros châtaigniers qui bloquent la vue.

 23   Question: Lorsque vous disiez que vous pouviez voir Trebevic de votre

 24   balcon, pourriez-vous nous dire ce que c'est que Trebevic?

 25   Réponse: C'est une montagne au-dessus de Sarajevo et c'est un lieu


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  1   d'excursion ou de pique-nique où les gens de Sarajevo allaient avec les

  2   enfants, on allait y passer du temps.

  3   Question: Merci. Dans les environs de Sarajevo, y avait-il d'autres lieux

  4   d'excursion, comme vous l'avez dit? Est-ce que c'est une colline ou une

  5   montagne?

  6   Réponse: Une montagne.

  7   Question: Y a-t-il d'autres hauteurs autour de Sarajevo, de cette nature?

  8   Réponse: Oui, bien sûr qu'il y en a. Vous savez très bien que Sarajevo est

  9   construite dans une vallée entourée de hauteurs, et chacune de ces

 10   hauteurs a un nom: Bjelasnica, Poljine.

 11   Question: Près de l'hôpital et de votre lieu de résidence, est-ce que

 12   c'est là que se trouvent les collines de Hum? De votre balcon, pouvez-vous

 13   voir ces collines, la colline de Hum?

 14   Réponse: Non, on ne peut pas les voir de là.

 15   Question: Est-ce que vous avez déjà gravi ces collines et est-ce que vous

 16   savez ce qui se trouve tout en haut?

 17   Réponse: Vous voulez dire pendant la guerre?

 18   Question: Je veux dire d'une façon générale, tout en haut?

 19   Réponse: Avant la guerre, oui, mais jamais pendant la guerre ni après la

 20   guerre, parce que tout ce qui restait, notamment des mines de la guerre,

 21   on en avait peur.

 22   Question: Lorsque vous alliez en haut de ces collines avant la guerre,

 23   est-ce que vous pouviez voir Sarajevo du haut de ces collines?

 24   Réponse: On marchait dans la forêt, on respirait l'air frais, on ne

 25   pensait pas à des choses de ce genre.


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  1   Question: Lorsque vous nous avez parlé du pilonnage, pendant que vous

  2   étiez dans l'hôpital, est-ce que vous avez vu l'hôpital pris pour cible?

  3   Réponse: Oui. A une occasion, j'étais présente. Dans le deuxième

  4   département de médecine interne, il y a un obus qui est rentré directement

  5   dans la salle des malades: deux malades ont été tués et un malade a été

  6   horriblement blessé. Il y avait des cris terribles qui venaient de cette

  7   salle.

  8   Question: Quand cela s'est-il passé?

  9   Réponse: En 1993, c'était un hiver très froid, le temps était

 10   épouvantable, et tout le plastique que nous avions sur les fenêtres…

 11   Question: Avez-vous vu la direction des obus?

 12   Réponse: Non, comment aurait-on pu les voir?

 13   Question: Avez-vous jamais vu le lieu d'où on tirait les obus?

 14   Réponse: Non. Juste ce temps, je continue d'enchaîner: ce char que j'ai vu

 15   personnellement et que tout le monde savait, c'était de notoriété

 16   publique, tout le monde le savait.

 17   Question: En ce qui concerne les tireurs isolés, avez-vous jamais vu un

 18   tireur en train de tirer?

 19   Réponse: Non.

 20   Question: Est-ce que vous pouviez le voir? En fait, je vous demande… Vous

 21   avez dit que vous et votre mari étiez en train de vous rendre au travail

 22   lorsqu'un tireur vous a pris pour cible.

 23   Réponse: C'est exact.

 24   Question: Avez-vous pu juger de la direction d'où venait le tir du tireur?

 25   Réponse: Non, nous étions si effrayés que nous n'avons pas réfléchi à


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  1   quelque chose de ce genre.

  2   Question: Dans quelle partie de la ville étiez-vous à l'époque?

  3   Réponse: J'étais en route vers mon travail, et je passais près de la

  4   clinique orthopédique, j'étais sur l'escalier à l'entrée de l'hôpital.

  5   J'en suis sûre, je sais exactement à quel endroit je me trouvais.

  6   Question: Dans votre déclaration, vous avez dit que vous n'avez jamais vu

  7   de position de l'armée de Bosnie-Herzégovine au cours de la guerre?

  8   Réponse: C'est exact, je n'en ai pas vu.

  9   Question: Mais vous avez connaissance de l'armée de Bosnie-Herzégovine?

 10   Réponse: Oui, bien sûr, elle existait, mais je ne l'ai pas vue.

 11   Mme Pilipovic (interprétation): De votre propre maison jusqu'à votre lieu

 12   de travail, en route, avez-vous jamais rencontré de soldats?

 13   Mme Zaimovic (interprétation): Non.

 14   M. le Président (interprétation): Vous voulez intervenir, Madame Kalra?

 15   Mme Kalra (interprétation): Oui, la défense n'a pas indiqué qu'elle a dit

 16   qu'elle n'avait jamais vu de position de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

 17   Mon souvenir est qu'elle a dit qu'elle n'avait pas vu de position de

 18   Bosnie-Herzégovine près de l'hôpital.

 19   Si on pouvait nous donner la référence de la page?

 20   Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, avant de commencer

 21   le contre-interrogatoire du témoin, je lui ai demandé si elle avait fait

 22   une déclaration aux enquêteurs du Tribunal. Au cours de mon contre-

 23   interrogatoire, j'utilise une partie de la déclaration de ce que le témoin

 24   a déclaré dans cette déclaration parce qu'elle a dit qu'effectivement elle

 25   avait fait une déclaration, qu'elle a signée.


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  1   La défense considère donc que, dans le contre-interrogatoire, puisque

  2   c'est une pièce présentée par l'accusation, communiquée à la défense, nous

  3   avons tout droit de contre-interroger sur les faits indiqués dans la

  4   déclaration du témoin.

  5   Mme Kalra (interprétation): Est-ce que vous pourriez nous donner une

  6   référence de la déclaration, à l'intérieur de la déclaration et d'autres

  7   références?

  8   M. le Président (interprétation): Je crois qu'au cours des deux derniers

  9   jours, nous avons rencontré de temps en temps ce problème et vous avez été

 10   prié de vous référer, bien sûr, à la déclaration et non pas à la

 11   déposition. Donc il est très clair que vous vous référez à la déclaration.

 12   Mme Pilipovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

 13   M. le Président (interprétation): Pour aider la Chambre à mieux

 14   comprendre, je vous ai invitée à citer littéralement la partie de la

 15   déclaration à laquelle vous vous référiez.

 16   Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. J'ai

 17   seulement la version BCS de la déclaration aux pages 03023784, paragraphe

 18   3. Je peux citer, je prie les interprètes de m'excuser de pas à voir la

 19   version anglaise, je ne crois pas l'avoir reçue. "Tout au long de la

 20   période ou j'ai travaillé à l'hôpitaln je n'ai jamais vu de positions de

 21   l'armée de Bosnie-Herzégovine dans le voisinage de l'hôpital."

 22   M. le Président (interprétation): Ai-je raison, alors, que l'objection

 23   soulevée par Mme Kalra devrait être acceptée parce que vous dites

 24   maintenant que la déclaration contient le fait qu'elle n'avait pas vu de

 25   positions de Bosnie-Herzégovine dans le voisinage de l'hôpital lorsqu'elle


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  1   s'est référée à votre déclaration?

  2   Mme Pilipovic (interprétation): Je lui ai simplement demandé si c'était

  3   exact. C'est ce qu'elle a dit. Elle a confirmé que c'était exact. Elle a

  4   dit qu'elle n'avait jamais vu cela.

  5   M. le Président (interprétation): Oui. Je pense que vous lui avez posé une

  6   question de savoir si elle avait jamais vu de positions de l'armée de

  7   Bosnie-Herzégovine dans sa déclaration telle que vous l'avez lue

  8   maintenant. Laissez-moi vérifier comment à été formulée votre question.

  9   (Le président regarde.)

 10   Mme Kalra (interprétation): Monsieur le Président, à la page 86, ligne 19

 11   si c'est bien le bon endroit.

 12   M. le Président (interprétation): Maître Pilipovic, je lis ces lignes qui

 13   disent… dans votre déclaration vous avez dit que vous n'aviez jamais vu de

 14   positions de l'armée de Bosnie-Herzégovine au cours de la.guerre. Les

 15   lignes que vous venez de nous lire sont limitées au voisinage de

 16   l'hôpital. Là-encore, j'apprécierais un très grand degré de précision

 17   lorsque l'on confronte le témoin à une déclaration antérieure à une

 18   déposition. Veuillez poursuivre.

 19   Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Ma deuxième

 20   question serait de savoir si elle les a vues près de l'hôpital, si elle en

 21   a vu près de l'hôpital. C'est précisément sur cela que je voulais appeler

 22   l'attention du témoin. Madame le Témoin, vous n'avez jamais vu de soldats

 23   en route entre chez vous et l'hôpital?

 24   Mme Zaimovic (interprétation): Non.

 25   Question: Avez-vous jamais vu un soldat tout au long de la guerre dans


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  1   cette partie de la ville où se trouve votre appartement, votre domicile et

  2   où votre hôpital se trouve?

  3   Réponse: Non.

  4   Question: Vous avez dit que vos collègues de Hrasno, Alipasino Polje et

  5   Dobrinja venaient travailler?

  6   Réponse: Oui.

  7   Question: Est-ce que vos collègues de Dobrinja vous ont dit quel

  8   itinéraire ils suivaient pour venir travailler?

  9   Réponse: Non, c'était difficile pour eux d'arriver au travail. Il leur

 10   fallait courir à travers la plupart des endroits, ils étaient très

 11   fatigués, il leur fallait près d'une heure pour se remettre de leur

 12   itinéraire, de leur traversée.

 13   Question: Est-ce que vous êtes jamais allé à Dobrinja vous-même?

 14   Réponse: Non.

 15   Question: Vous nous avez dit que pour vous Dobrinja, c'était comme si vous

 16   alliez en France. Pourriez-vous préciser ce que vous vouliez dire?

 17   Réponse: Cela semblait si loin à cause de toutes ces menaces, tous ces

 18   dangers, ces menaces qui venaient de partout, des obus, des balles, etc.,

 19   que personne n'avait le courage de sortir. On ne sortait que quand c'était

 20   absolument indispensable de le faire.

 21   Question: Vous nous avez dit que vous pouviez voir Trebevic et des

 22   immeubles assez élevés de votre balcon, des gratte-ciel dans les environs?

 23   Desquels parliez-vous?

 24   Réponse: Des deux tours "Unis", c'est comme cela qu'on les appelait, parce

 25   que quand ils tiraient dans le soir du côté de ces tours Unis, on pouvait


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  1   voir la lumière, la flamme correspondant aux balles qui étaient tirées. On

  2   pouvait voir, ceci a été transmis à la télévision, il y avait des balles

  3   traçantes.

  4   Question: Vous n'avez pas vu cela personnellement, vous avez vu cela à la

  5   télévision?

  6   Réponse: J'ai vu cela personnellement, je pouvais le voir de mon balcon.

  7   Question: Qu'avez-vous vu personnellement?

  8   Réponse: J'ai vu ces balles se diriger vers ce bâtiment, toucher le

  9   bâtiment. J'ai vu le bâtiment en flamme.

 10   Question: Avez-vous vu qu'on tirait depuis ce bâtiment?

 11   Réponse: Non, cela, je ne l'ai pas vu. On ne pouvait pas voir cela, de

 12   toute façon.

 13   M. le Président (interprétation): Maître Pilipovic, il me semble que vous

 14   avez utilisé 30 minutes, à peu près le même temps que le temps qui a été

 15   utilisé par l'accusation. De combien de temps avez-vous encore besoin,

 16   s'il vous plaît?

 17   Mme Pilipovic (interprétation): Je ferai le nécessaire afin d'en terminer

 18   après avoir posé encore quelques questions.

 19   M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

 20   Mme Pilipovic (interprétation): En évoquant les pilonnages, les pilonnages

 21   dont ont été victimes des enfants que vous avez reçus dans votre hôpital,

 22   pourriez-vous nous dire également si vous avez vu l'un quelconque de ces

 23   pilonnages qui ont eu lieu?

 24   Mme Zaimovic (interprétation): Non. Vous savez, on travaillait à la

 25   clinique et on nous apportait ces enfants, donc je n'ai pas vu cela, car


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  1   quand vous êtes enfermé à l'intérieur de la clinique, vous ne pouvez pas

  2   voir cela. Vous entendez simplement les détonations, les explosions, les

  3   coups de feu, c'est tout.

  4   Question: Plus précisément, vous avez évoqué un pilonnage très lourd le 9

  5   novembre 1993 à l'école, avez-vous vu ce pilonnage?

  6   Réponse: Non, je n'aurais pas pu le voir.

  7   Question: Pouvez-vous vous nous dire, s'il vous plaît, dans quel quartier

  8   de la ville de Sarajevo est située cette école?

  9   Réponse: Elle se trouve à Alipasino Polje, là bas, je ne connais pas

 10   l'endroit exactement l'endroit, mais il me semble bien que c'est là.

 11   Question: Plus tard, avez-vous entendu dire quelle a été la provenance du

 12   tir de cet obus lorsque l'école a été pilonnée?

 13   Réponse: Non, je n'ai pas appris cela.

 14   Question: A un moment quelconque durant la guerre à Sarajevo, avez-vous eu

 15   l'occasion de voir qu'un tireur embusqué tirait ou plusieurs tireurs

 16   tiraient depuis les tours Unis?

 17   Mme Zaimovic (interprétation): Je ne pouvais pas voir cela depuis ma

 18   fenêtre ou depuis mon bâtiment, donc je ne sais pas cela.

 19   Mme Pilipovic (interprétation): Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres

 20   questions, Monsieur le Président.

 21   M. le Président (interprétation): Merci Maître Pilipovic.

 22   Est-il nécessaire de poser des questions supplémentaires?

 23   Mme Kalra (interprétation): Non, Monsieur le Président.

 24   M. le Président (interprétation): Mes collègues souhaitent-ils poser des

 25   questions? Sinon Madame le Témoin, Madame Zaimovic, je vous remercie


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  1   d'avoir fait ce long voyage pour pouvoir venir déposer devant ce Tribunal.

  2   Le Tribunal a remarqué qu'en réponse aux questions qui vous ont été

  3   posées, cela vous a rappelé des événements qui vous ont beaucoup émue.

  4   Nous comprenons vos motions, nous vous remercions d'être venue, nous vous

  5   souhaitons un bon retour chez vous.

  6   Mme Zaimovic (interprétation): Je vous en remercie.

  7   (Le témoin, Mme Fatima Zaimovic, est reconduit hors du prétoire.)

  8   (Questions relatives à la procédure.)

  9   M. le Président (interprétation): Il nous reste 10 minutes.

 10   L'accusation pense-t-elle qu'il serait utile de commencer à présent avec

 11   un autre témoin ou avez-vous des questions en suspens?

 12   M. Ierace (interprétation): Quoi qu'il en soit, nous n'avons pas de témoin

 13   présent ici, puisque notre témoin suivant ne sera ici qu'à partir de lundi

 14   matin et je ne sais pas comment on pourrait utiliser de façon efficace le

 15   temps qu'il nous reste.

 16   M. le Président (interprétation): Je vous remercie Monsieur Ierace.

 17   Maître Pilipovic, permettez-moi de présenter mes excuses pour vous avoir

 18   interrompu pendant votre contre-interrogatoire au sujet du départ des

 19   infirmières serbes.

 20   Plus tard, j'ai compris ce qui m'a posé problème. La réponse dans un

 21   premier temps de la part du témoin était que les dernières, que des

 22   infirmières qui avaient une appartenance ethnique différente ont quitté la

 23   ville avec le dernier convoi et c'est à cela que je pensais. Ce n'est que

 24   plus tard donc qu'elle a dit que les premières infirmières étaient

 25   d'appartenance serbe.


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  1   Mme Pilipovic (interprétation): Je vous remercie.

  2   M. le Président (interprétation): Je pense que nous pouvons suspendre

  3   l'audience jusqu'à lundi prochain.

  4   Madame Chen, à quelle heure nous allons commencer lundi? Il me semble que

  5   l'heure prévue était 9 heures?

  6   (Madame la Greffière d'audience est en train de vérifier le planning des

  7   audiences qui change de temps à autre.)

  8   Mme Chen (interprétation): Monsieur le Président, d'après le planning que

  9   j'ai sous les yeux, l'heure indiquée est 9 heures 30, mais mes collègues

 10   m'ont informée que l'audience commencerait à 9 heures dans la salle

 11   d'audience III, lundi prochain.

 12   M. le Président (interprétation): Oui, nous serons dans la salle

 13   d'audience III, lundi prochain, et si nous commençons à 9 heures, est-ce

 14   que cela poserait problème aux parties?

 15   Mme Chen (interprétation): Il est indiqué ici que l'audience commence à 9

 16   heures 30. Je ne sais pas si cela doit donc commencer à 9 heures ou à 9

 17   heures 30.

 18   M. Piletta-Zanin: Pour des raisons liées à des problèmes de vol, j'aurais

 19   préféré 9 heures 30 puisque cela me permet d'être là le lundi directement.

 20   Sinon, tant pis, je prendrai un vol plus tôt, mais c'est un seul petit

 21   problème administratif. Merci.

 22   M. le Président (interprétation): Ai-je bien compris que vous arrivez

 23   lundi matin et que c'est donc cela? Dans ce cas-là, nous allons respecter

 24   le planning prévu. L'audience commencera à 9 heures 30 lundi prochain.

 25   Oui, Monsieur Ierace?


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  1   M. Ierace (interprétation): En salle d'audience III?

  2   M. le Président (interprétation): La salle d'audience III?

  3   Mme Chen (interprétation): La salle d'audience III.

  4   M. le Président (interprétation): C'était cela, le changement. Nous

  5   suspendons l'audience à présent et nous reprendrons donc lundi prochain à

  6   9 heures 30 du matin.

  7   (L'audience est levée à 13 heures 40.)

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