Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Jeudi 24 janvier 2002.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 01.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière d'audience, voulez-

6 vous, s'il vous plaît, annoncer l'affaire?

7 Mme Philpott (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

8 il s'agit de l'affaire IT-98-29-T, le Procureur contre Stanislav Galic.

9 M. le Président (interprétation): Oui, je crois que les écrans du moniteur

10 fonctionnent bien maintenant.

11 Monsieur le Général Galic, asseyez-vous, s'il vous plaît. Vous n'avez

12 guère besoin de vous lever.

13 Hier, je me suis renseigné pour vérifier comment se présentait la

14 situation de votre jaquette pare-balles. Encore qu'il n'appartient pas à

15 cette Chambre de s'occuper de ce problème, de résoudre ce problème, encore

16 que j'ai compris qu'on devait en tenir compte, j'ai pu comprendre que

17 votre proposition ne se présente pas comme pouvant être réglée: il n'y a

18 pas de solution acceptable. Par conséquent, vous devez tout de même vous

19 adresser à la Chambre.

20 M. Galic (interprétation): Je vous remercie.

21 M. le Président (interprétation): Madame Pilipovic, je vous vois debout,

22 encore que le contre-interrogatoire du témoin, Baron van Lynden, ait été

23 mené par votre collègue, c'est à vous, si je comprends bien, qu'il

24 appartient maintenant de procéder dans le contre-interrogatoire.

25 Mme Pilipovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Je crois que

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1 nous ne dépasserons pas le temps d'audience prévu. Je crois que nous

2 disposons encore d'une vingtaine de minutes et je crois que, lorsque mon

3 collègue se sera arrêté, évidemment, moi, je pourrai peut-être continuer.

4 M. le Président (interprétation): Oui, peut-être pourrais-je dire quelque

5 chose à l'adresse de Me Piletta-Zanin? Je crois que, souvent, vous êtes

6 enclin à répéter les réponses fournies par le témoin.

7 D'après nous, d'après cette Chambre d'instance, pour ce qui est des

8 directions données concernant le contre-interrogatoire, eh bien, nous

9 considérons qu'on a qu'à rappeler au témoin ce qu'il avait dit tout à

10 l'heure, pour lui rappeler ce qu'il a dit. Mais je crois qu'il ne serait

11 pas bon de faire trop de répétitions.

12 Je voudrais que vous puissiez avoir à l'esprit tout cela lorsque vous

13 aurez à poursuivre le contre-interrogatoire du témoin, M. van Lynden.

14 Oui, Monsieur Waespi?

15 M. Waespi (interprétation): Une seconde seulement, Monsieur le Président.

16 Je m'excuse de vous contrarier pour tout cela, mais si le conseil de la

17 défense veut bien soumettre cette lettre communiquée hier, nous voulons

18 soulever une objection pendant que le témoin n'est pas là.

19 M. le Président (interprétation): Pour quelle raison allez-vous soulever

20 cette objection?

21 M. Waespi (interprétation): Peut-être avez-vous vu cette lettre?

22 M. le Président (interprétation): Non, non, non.

23 M. Waespi (interprétation): Je pourrai vous informer du fait qu'il s'agit

24 d'une lettre du 19 janvier 1993. Il s'agit d'une lettre qui n'a rien à

25 voir avec ce témoin. Il s'agit d'une lettre qui traite plutôt de

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1 l'événement qui s'est produit au cours de l'après-midi en date du 11

2 janvier.

3 Si le conseil de la défense considère que le témoin se trouvait à

4 l'hôpital de Kosevo et s'il est impliqué dans l'événement cité pour

5 éventuellement confirmer ou nier ce qui s'était passé, je crois qu'il n'y

6 a guère d'autre besoin de lui soumettre cette lettre.

7 Ensuite, au cours du contre-interrogatoire, il a été demandé au témoin si

8 les soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine avaient utilisé l'hôpital

9 comme cible militaire. Au cours de l'interrogatoire principal, pendant sa

10 déposition, à aucun moment il n'a fait mention que les obus se seraient

11 trouvés près de l'hôpital de Kosevo.

12 Par conséquent, nous ne voyons vraiment aucun fondement pour que l'on

13 soumette au témoin cette lettre.

14 M. le Président (interprétation): Allez-y, Maître Piletta-Zanin.

15 M. Piletta-Zanin: Je vous remercie de me donner la parole. Je constate que

16 la production de ce document produit un émoi certain dans l'accusation.

17 Cependant, une lecture attentive de ce document -et le seul moyen d'y

18 arriver, c'est de le produire- démontre que le général Morillon, qui est

19 un spécialiste de l'art de la guerre, se réfère à plusieurs possibilités

20 de bombardement à partir de l'hôpital Kosevo.

21 Par conséquent, il se peut parfaitement, il se peut parfaitement que ce

22 témoin aie pu entendre certaines choses, si je lui pose des questions

23 juste en relation aux documents que je soumettrai.

24 Par ailleurs, d'autres questions doivent être posées. Et je suis obligé de

25 dévoiler cette stratégie. Ce n'est pas très normal! Parce que simplement

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1 la défense a toujours soutenu que la presse parfois n'a pas reporté

2 justement certains éléments. Or, il est de première importance pour ce

3 procès que nous puissions savoir si la presse était ou non réellement

4 informée de choses qui se sont réellement passées.

5 Ce témoin a dit qu'il travaillait pour l'une des plus grandes chaînes de

6 diffusion de nouvelles via satellite -pour ne pas la nommer, Sky News-, il

7 est quand même essentiel de savoir si des choses aussi importantes que de

8 telles violations, qui ont amené peut-être des réponses, se sont produites

9 ou non. Et je crois que c'est un élément fondamental.

10 (Les Juges se concertent sur le siège.)

11 M. le Président (interprétation): L'objection est rejetée. Je crois que,

12 enfin, cette Chambre d'instance considère que poser une question au témoin

13 au sujet des informations dont il dispose fait partie de la vérification

14 de sa crédibilité.

15 Maître Piletta-Zanin, vous pouvez continuer.

16 Je prie d'abord l'huissier d'introduire le témoin.

17 (Le témoin, M. Aernout van Lynden, est introduit dans le prétoire.)

18 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Aernout van Lynden, par Me Piletta-

19 Zanin.)

20 Bonjour, Monsieur van Lynden. Le contre-interrogatoire sera poursuivi par

21 le conseil de la défense.

22 M. Piletta-Zanin: Merci à nouveau d'être ici. M'entendez-vous, je pense,

23 clairement malgré la traduction?

24 Baron, nous nous étions arrêtés hier sur la situation de Butmir. Nous

25 reprenons où nous en étions. Est-il exact que vous avez été provisoirement

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1 arrêté, c'est-à-dire mis en détention par les autorités bosniaques lorsque

2 vous étiez dans la région de Butmir? Oui ou non?

3 M. van Lynden (interprétation): Oui.

4 Question: Est-il exact que vous avez indiqué, je crois, que vous avez

5 discuté de l'existence d'un objet spécifique à Butmir avec certaines

6 autorités bosniaques?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Baron van Lynden, pouvez-vous en deux mots nous préciser de quel

9 objet spécifique il s'agissait?

10 Réponse: Il s'agit du tunnel creusé par les Bosniens depuis Dobrinja à

11 Butmir.

12 M. Piletta-Zanin: Je reformule ma question. Quelle a été l'attitude de ces

13 autorités bosniaques relativement à l'existence de ce tunnel lorsque vous

14 les avez interrogées à ce sujet, notamment l'une d'entre elles?

15 M. van Lynden (interprétation): L'attitude de ces autorités bosniennes, de

16 ces représentants officiels bosniens avec qui j'ai pu parler était la

17 suivante: soit ils niaient l'existence de ce tunnel ou ils admettaient son

18 existence sans me permettre d'y pénétrer.

19 M. le Président (interprétation): Juste pour une seconde, pour faire une

20 vérification dans le compte rendu d'audience.

21 Vous avez d'abord commencé par poser une question sur la détention,

22 ensuite sur le débat au sujet de l'existence de cet objet spécifique dans

23 Butmir; la réponse vous a été donnée, on vous a dit ce qu'il représentait,

24 cet objet; et il a été dit qu'il s'agissait de tunnel creusé par les

25 Bosniens, de Dobrinja et de Butmir. S'agit-il de Bosniens?

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1 M. Piletta-Zanin: Ce tunnel que les Bosniaques ont donc creusé sous…

2 M. le Président (interprétation): Je vois encore une fois: en français, on

3 dit que le tunnel a été creusé par les Bosniens. Est-ce que le tunnel a

4 été creusé par les Bosniaques ou par les Bosniens? Utilisez tout

5 simplement le terme qu'il faut.

6 M. Piletta-Zanin (interprétation): Il s'agit d'un problème

7 d'interprétation, de traduction, et je m'en excuse. Lorsque je dis

8 "Bosniens", c'est "Bosniens", si vous le voulez bien.

9 M. Piletta-Zanin: Pour en revenir à ce tunnel merci, Baron, creusé par les

10 gens de Sarajevo, les Bosniens, quelle était selon vous la raison de cette

11 dénégation, de cette négation du tunnel? Pour quelle raison a-t-on nié

12 l'existence de ce tunnel?

13 M. van Lynden (interprétation): Il ne s'agit que d'une spéculation, d'une

14 hypothèse que j'ai pu faire moi-même, mais je crois que la principale

15 raison était liée à des questions d'ordre sécuritaire, à la sécurité. Et

16 autant que j'ai pu, enfin, en prendre connaissance, aucun journaliste,

17 même des Bosniens, ne pouvait y avoir accès.

18 Question: Suis-je dans le vrai si je dis "sécurité militaire et

19 stratégique"?

20 Réponse: Oui. Certainement, Monsieur. Nous étions en guerre et, de toute

21 évidence, ils ne voulaient pas de toute évidence que leurs adversaires

22 connaissent l'existence précise de l'entrée et de la sortie de ce tunnel.

23 Question: Merci de cette réponse. Ce tunnel creusé sous l'aéroport et qui

24 aboutissait près de la zone de Dobrinja servait donc également à acheminer

25 du matériel, à votre connaissance?

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1 Réponse: Je n'ai aucune connaissance vraiment de cela parce que jamais on

2 ne m'a permis d'y pénétrer.

3 Question: Merci de votre réponse. En relation à l'hôpital Kosevo, tout

4 d'abord une question: lorsque vous avez vu les bâtiments de Kosevo, dans

5 quel état physique se trouvaient les bâtiments j'entends les murs

6 extérieurs, le complexe?

7 Réponse: Primo, pour parler évidemment de cet ensemble d'hôpitaux de

8 Kosevo, je l'ai vu pour une première fois en mai 1992. Il y a eu à cette

9 époque-là des endommagements qu'on pouvait observer sur certains

10 bâtiments. Lorsque j'étais de retour dans ce complexe même et toutes les

11 fois où je m'y rendais et il s'agit évidemment d'un complexe composé de

12 plusieurs bâtiments, plus tard je pouvais me rendre compte du fait qu'il y

13 a de plus en plus d'endommagements.

14 Question: Merci de votre réponse. (inaudible) une halle sportive qui se

15 serait appelée Zetra, Z-E-T-R-A, dans le voisinage de l'hôpital?

16 M. van Lynden (interprétation): Non.

17 M. Piletta-Zanin: J'aimerais vous soumettre maintenant un document que je

18 vais prier, si la Chambre m'y autorise, Monsieur l'huissier, de remettre

19 tant à vous-mêmes qu'aux divers intervenants?

20 M. le Président (interprétation): Oui, l'huissier s'en occupera.

21 (Intervention de l'huissier.)

22 M. Piletta-Zanin: Je précise pour le transcript qu'il s'agit d'un document

23 émanant des pièces accusation et référencées sous le n°R0046717.

24 Baron van Lynden, en relation à ce document que vous avez devant les yeux

25 et que je vous laisse peut-être quelques instants lire, si vous le voulez

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1 bien, suivront mes questions.

2 (Le témoin lit le document.)

3 Avez-vous eu le temps, Baron, de lire ce document?

4 M. van Lynden (interprétation): Oui.

5 Question: Baron, je dois, ici, procéder de nouveau à une répétition –et je

6 m'en excuse par avance- mais hier, vous nous avez déclaré que vous n'étiez

7 pas en connaissance que les autorités bosniennes auraient tiré à partir de

8 l'hôpital Kosevo. C'est bien exact?

9 M. van Lynden (interprétation): Oui, c'est vrai.

10 M. Piletta-Zanin: Pour la clarté du transcript, vous avez sous les yeux

11 une lettre émanant des quartiers…

12 M. le Président (interprétation): C'est déjà, je crois, consigné dans le

13 compte rendu d'audience, encore que vous ayez très bien expliqué de quoi

14 il s'agit.

15 M. Piletta-Zanin: (hors micro) au cours de votre séjour à Sarajevo, de

16 rencontrer des officiels d'agence de presse, officiels bosniens, c'est-à-

17 dire de participer à des conférences de presse organisées par les

18 autorités bosniennes?

19 M. van Lynden (interprétation): Je n'ai jamais été présent à des

20 conférences de presse organisées par des autorités bosniennes.

21 Question: Par contre, vous aviez des contacts directement avec les

22 autorités? Ce qui résulte de votre réponse précédente, aujourd'hui,

23 lorsque nous parlions du tunnel de Butmir? C'est bien exact? Pourriez-vous

24 nous expliquer à quel niveau vous aviez ces contacts, je vous prie?

25 M. van Lynden (interprétation): J'ai pu rencontrer le président

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1 Izetbegovic, le vice-président Ganic; plus tard j'ai pu rencontrer le

2 Premier Ministre Silajdzic et également d'autres personnes qui

3 travaillaient à la présidence bosnienne.

4 M. Piletta-Zanin: Merci de votre réponse. Les contacts que vous avez eus

5 par conséquent au plus haut niveau, vous a-t-on jamais indiqué que des

6 hôpitaux auraient été utilisés comme bases de tirs par les forces

7 bosniennes?

8 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Waespi?

9 M. Waespi (interprétation): Monsieur le Président, je voulais juste

10 rappeler à l'adresse de mon collègue la question qu'il avait posée hier.

11 Je la cite: "Monsieur van Lynden, en votre capacité de journaliste, à

12 cette époque-là n'avez-vous jamais entendu dire par quelqu'un, à un moment

13 ou à un autre, ou peut-être de façon plus précise, qu'en janvier 1993 des

14 troupes bosniennes auraient utilisé des hôpitaux à des fins militaires?"

15 La réponse était "non".

16 Par conséquent, je crois que la réponse a été donnée.

17 M. Piletta-Zanin: (hors micro) avec des représentants des "UN people", des

18 organisations internationales, notamment de la Forpronu?

19 M. van Lynden (interprétation): Oui, pour parler évidemment de différentes

20 parties et de différentes sections des Nations Unies à Sarajevo, elles

21 étaient bien nombreuses, et j'avais eu des contacts avec la "UNCHR", avec

22 la Forpronu.

23 Question: Vous aviez reçu des informations de la part notamment de

24 l'"UNPROFOR" selon laquelle des tirs pouvaient avoir été opérés par des

25 Bosniens à partir de bâtiments civils?

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1 M. van Lynden (interprétation): Si la ville est encerclée et si vous

2 défendez cette ville, il est vraiment difficile de ne pas, entre autres,

3 utiliser de tels bâtiments pour évidemment défendre quelque chose qui se

4 trouve sur la ligne de front.

5 Pour ma part, enfin, cette assertion n'est pas bien fondée pour parler de

6 l'époque où j'étais à Sarajevo.

7 Et je n'étais pas à Sarajevo en janvier 1993, je n'ai jamais reçu de

8 rapports de la Forpronu, d'un officier quelconque de la Forpronu, sur le

9 fait que les autorités bosniennes auraient utilisé l'hôpital à des fins

10 militaires.

11 M. Piletta-Zanin: Merci de votre réponse. Je n'aurai pas d'autres

12 questions.

13 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, peut-être cela

14 pourrait vous être de quelque utilité? Je pourrais vous aider.

15 Monsieur van Lynden, hier vous avez déposé pour dire que, en votre qualité

16 de journaliste, vous ne pouvez pas le savoir, mais bien entendu je suppose

17 que c'est en cette qualité-là que vous répondez à des questions posées ici

18 lorsque vous êtes appelé à la barre en tant que témoin: vous ne saviez

19 donc pas que des tirs ont été faits depuis l'hôpital Kosevo.

20 En disant que vous n'avez pas reçu d'informations directes de la Forpronu,

21 est-ce que vous avez eu des rapports indirects?

22 M. van Lynden (interprétation): Non, non, non. En me référant à cette

23 question, nous n'avons pas eu vraiment d'informations ni directes ni

24 indirectes.

25 M. Piletta-Zanin: (inaudible.) On continuera l'interrogatoire. Merci.

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1 M. le Président (interprétation): Oui, même s'il n'est pas tout à fait

2 habituel de voir deux avocats, deux maîtres qui, consécutivement l'un

3 après l'autre, contre-interrogent un témoin, j'ai toujours de la

4 compréhension pour les problèmes que vous avez rencontrés au cours de

5 votre préparatoire.

6 M. Piletta-Zanin: Je spécifie que, déjà, pour le témoin qui suit, nous

7 avons reçu qu'hier soir, à 21 heures, les éléments modifiant...

8 M. le Président (interprétation): Nous en discuterons plus tard.

9 Voulez-vous procéder, Maître Pilipovic?

10 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Aernout van Lynden, par Me

11 Pilipovic.)

12 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

13 Juges, merci.

14 Bonjour, Monsieur van Lynden.

15 M. van Lynden (interprétation): Bonjour.

16 Question: Hier, lors de l'interrogatoire principal, ligne 11, à 9 heures

17 16, vous avez dit que vous avez déjà, au second ou troisième jour de votre

18 séjour à Sarajevo, visité l'hôpital militaire de Sarajevo; vous avez dit

19 que l'hôpital avait été bombardé. Pouvez-vous nous d'écrire l'état de cet

20 hôpital tel que vous l'avez vu en arrivant là-bas? Et vous avez dit qu'il

21 s'agissait du mois de mai.

22 Réponse: Oui, en effet, il s'agissait du mois de mai, vers la fin mai

23 1992, lorsque je m'y suis rendu. Pour parler de l'état de cet hôpital, eh

24 bien, voilà comment se présentait la situation: les 8 étages supérieurs

25 ont tous été endommagés par des tirs de mitrailleuses, de fusils, même par

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1 des feux, évidemment, de pièces d'artillerie un peu plus importantes;

2 c'est-à-dire peut-être d'obus, mais je ne sais pas de quel calibre.

3 Question: Merci. Hier, à 9 heures 50, ligne 14, vous avez dit avoir été à

4 Grbavica dans une tour où se trouvaient les positions que vous avez dites

5 de l'armée de la Republika Srpska, et que c'était au mois de septembre.

6 Pouvez-vous nous dire dans quelle tour vous étiez en septembre, s'il vous

7 plaît?

8 Réponse: (...)

9 Question: Essayons de reformuler cette question: pouvez-vous nous décrire

10 le site de cette tour-là? S'agit-il d'une seule tour, parce qu'il y a tout

11 un groupe, enfin, un ensemble de tours?

12 Réponse: Non, nous avons été dans plusieurs tours qui sont des bâtiments

13 d'habitations. Toutes ces tours se trouvaient à Grbavica.

14 Question: Pouvez-vous nous dire à quel étage vous vous trouviez dans cette

15 tour-là lorsque vous avez pu parler à des tireurs embusqués, lorsque vous

16 avez pu vous rendre compte de l'existence de ce mannequin?

17 Réponse: Si je me souviens bien, cette poupée, ce mannequin se trouvait au

18 quatrième étage. Je me souviens bien avoir été dans un appartement qui, il

19 me semble, était à un étage inférieur. Dans une autre tour, évidemment,

20 nous montions un peu plus haut, nous étions au cinquième ou au sixième

21 étage.

22 Question: Lorsque vous vous rendiez auprès de ces tireurs embusqués,

23 lorsque vous avez pu visiter ces différents étages, est-ce que depuis, et

24 à partir de ces positions, il vous a été possible de voir les positions de

25 l'armée de Bosnie-Herzégovine?

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1 Réponse: Dans la mesure où j'ai pu, personnellement, me trouver là-bas -

2 pour parler tant évidemment sur l'une de ces positions, je dois dire que

3 ceci ne devait pas durer trop longtemps. Par conséquent, depuis ces

4 positions, je n'ai pu voir aucune des positions de l'armée de Bosnie-

5 Herzégovine, non.

6 Question: Hier, à 9 heures 55, ligne 14 -et je cite-, vous nous avez dit:

7 "Lorsque nous nous trouvions dans ces tours, dans ces blocs d'habitations,

8 je n'ai pas vu quelqu'un tirer, mais j'ai entendu des tirs".

9 Est-ce exact?

10 Réponse: Cela est exact.

11 Question: Pouvez-vous nous répondre: à partir d'où ces tirs venaient, et

12 que vous avez pu entendre?

13 Réponse: A une occasion, ça se présentait comme s'il y avait un tir qui a

14 été entendu, un coup de feu tiré dans le bâtiment même où nous étions.

15 Question: Est-ce que vous avez pu peut-être entendre que, de l'autre côté,

16 il y a eu des tirs également qu'on pouvait entendre par rapport au site où

17 vous vous trouviez, vous?

18 Réponse: Pendant que nous nous trouvions dans ce bloc d'habitations, non,

19 tel n'était pas le cas. Mais, avant d'entrer dans l'une de ces tours,

20 lorsque nous nous trouvions dans les rues de Grbavica, il y a eu des tirs;

21 mais pendant que j'étais dans la tour même, dans le bâtiment, je n'ai pas

22 vraiment pu être conscient d'un tir quelconque.

23 Question: Pendant que vous étiez dans la rue de Grbavica, quand vous dites

24 "vous-même", est-ce que vous avez pu vous rendre compte de l'existence

25 d'emménagement d'une fortification quelconque ou de protection contre les

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1 tireurs embusqués? Enfin, je parle évidemment de ces barrages où vous

2 étiez.

3 Réponse: Oui, de temps à autres. Mais, comme de l'autre côté d'ailleurs,

4 on pouvait observer des couvertures qui étaient pendues, c'était comme une

5 sorte d'abri. Et, si je me souviens bien, il y avait un certain nombre

6 également de positions sur lesquelles il y avait des abris qui ont été

7 faits avec des sacs remplis de sable. Mais je n'ai pas vu ce que j'ai vu

8 par la suite à Sarajevo. Ce sont les containers qui ont été utilisés pour

9 se protéger des tireurs isolés.

10 Question: Auriez-vous l'amabilité de nous décrire ces panneaux de

11 protection ou, je ne sais pas comment cela se présentait à Grbavica? De

12 quoi c'était fait? Vous avez dit qu'à Sarajevo on avait utilisé des

13 containers.

14 Réponse: Comme je viens de le dire, il y avait des couvertures qu'on

15 pendait, des tapis de tel type, vous voyez, de couvertures et de tissus,

16 mais c'était dans des rues qui étaient tout à fait étroites, des ruelles

17 et, par conséquent, ceux qui marchaient derrière n'étaient pas visibles

18 directement du point de vue des possibilités d'être touchés par des balles

19 des tireurs isolés. C'est de cela dont j'ai parlé: c'était des deux côtés

20 à Sarajevo.

21 Question: En ce qui concerne votre séjour à Grbavica, est-ce que vous avez

22 eu connaissance si cette partie de la ville avait de l'eau et de

23 l'électricité?

24 Réponse: Pendant que nous y étions, on avait vu de la lumière, il y avait

25 de l'électricité. Mais pour ce qui est de l'eau, je ne me souviens pas.

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1 Question: Hier, lors de votre déposition, ligne 18 à 10 heures 09, vous

2 avez dit que les Serbes se trouvaient sur les hauteurs, donc sur les

3 côtes, en haut, et qu'ils pouvaient tirer sur le centre ville de Sarajevo.

4 Est-ce que je vous ai bien compris?

5 Réponse: Oui, ça, c'est exact.

6 Question: Hier, vous avez donné des réponses aux questions qui vous ont

7 été posées par nos éminents confrères du Bureau du Procureur, et vous avez

8 porté quelques annotations sur la carte. Auriez-vous l'amabilité

9 maintenant de nous marquer ce que vous venez de dire?

10 Réponse: Oui, vous parlez de tout ce qui était autour de Sarajevo?

11 Question: Mais ce que vous savez, là où vous étiez, bien évidemment.

12 (L'huissier apporte la carte.)

13 M. van Lynden (interprétation): Je vais utiliser un feutre noir, n'est-ce

14 pas?

15 Mme Pilipovic (interprétation): Oui.

16 M. le Président (interprétation): Maître Pilipovic, pour être sûrs: la

17 réponse du témoin était la suivante, à savoir que les Serbes se trouvaient

18 dans les hauteurs. Ce ne sont pas vraiment des villes qui ont été

19 précisées. Vous voulez que le témoin vous montre la ligne de front ou les

20 lignes de front, ou les postes de commandement, ou les positions?

21 Mme Pilipovic (interprétation): Je souhaiterais que le témoin nous signale

22 où se trouvaient ces hauteurs pour lesquelles le témoin maintient que les

23 Serbes s'y trouvaient, et l'armée serbe. Par conséquent, s'il peut bien

24 nous signaler, nous annoter, nous marquer les positions d'où tiraient les

25 membres de l'armée serbe?

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1 M. le Président (interprétation): Mais, Maître, j'ai l'impression qu'il y

2 avait des hauteurs qui ont été tenues par les Serbes, et c'est de cela

3 qu'il a parlé. Il a dit qu'ils auraient pu ouvrir le feu sur le centre

4 ville de Sarajevo. Le témoin n'a pas dit qu'ils avaient, qu'ils ouvraient

5 le feu d'une certaine position. Il a tout simplement précisé qu'ils

6 étaient en mesure, qu'ils auraient pu parce qu'ils se trouvaient sur les

7 hauteurs.

8 Alors que votre question est quelque peu différente, légèrement

9 différente. Ce n'est pas issu, ce n'est pas le résultat de la réponse que

10 nous avons entendue hier.

11 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, mais j'aimerais

12 bien que le témoin nous montre sur la carte quelles étaient les côtes, les

13 hauteurs tenues par les Serbes.

14 M. le Président (interprétation): Mais vous voulez bien qu'il vous les

15 marque, mais cela ne sera peut-être pas facile.

16 Mme Pilipovic (interprétation): Mais il peut éventuellement faire des

17 cercles un peu plus grands, et éventuellement poursuivre avec des chiffres

18 pendant que mon collègue l'avait contre-interrogé, donc continuer la

19 numérotation.

20 Monsieur le Témoin, auriez-vous l'amabilité de vous approcher de la carte,

21 ou plutôt de la placer sur le rétroprojecteur, excusez-moi? Comme cela,

22 tout le monde pourrait suivre ce que vous faites.

23 M. van Lynden (interprétation): Mais Monsieur le Président, si je vais

24 être obligé de tirer les lignes, à ce moment-là cela me serait quand même

25 beaucoup plus facile de le faire quand la carte est dans moi, et ensuite

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1 de la mettre sur le rétroprojecteur.

2 M. le Président (interprétation): Cela, c'est vrai, mais il y a donc un

3 enregistrement qui va rester dans les archives.

4 Mais Maître Pilipovic, je ne sais pas si c'est vraiment indispensable. Par

5 exemple, si l'on parle de Trebevic, à ce moment-là il peut nous montrer

6 cet endroit-là; mais plus ou moins, nous savons où cela se trouve. Il

7 pourrait peut-être nous signaler d'abord quelles sont les côtes, quelles

8 sont les collines et par la suite tirer la ligne.

9 (Le témoin s'exécute.)

10 M. van Lynden (interprétation): Je vais donc répondre à la question qui

11 m'a été posée. Il faut plus ou moins que je dessine la ligne de front qui

12 a été tenue par les Serbes.

13 M. le Président (interprétation): Monsieur van Lynden, auriez-vous

14 l'amabilité de nous dire: de quelle colline parlez-vous d'abord? Ne portez

15 pas d'annotation dans un premier temps, et ensuite nous allons voir

16 véritablement si nous pouvons aboutir à quelque chose, si nous connaissons

17 quelque chose.

18 M. van Lynden (interprétation): Il s'agit par conséquent d'une partie de

19 Sarajevo que je suis en train de montrer, ensuite vous montez vers

20 Trebevic.

21 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous voulez bien poursuivre

22 maintenant avec d'autres collines?

23 M. van Lynden (interprétation): Il s'agit des deux endroits où j'ai pu

24 circuler. J'étais de l'autre côté, mais là, excusez-moi, il faut que je

25 retourne la carte.

Page 2208

1 M. le Président (interprétation): Est-ce que cette colline a un nom?

2 M. van Lynden (interprétation): Moi, je ne connais pas les appellations de

3 ces collines qui se trouvent à gauche. Moi, j'ai visité Vogosca,

4 Krivoglavic. Je pense qu'il y avait Osijek, également, un endroit. C'est

5 tout ce que j'ai visité ou pu constater, qu'il y avait des pièces

6 d'artillerie serbes, mais je ne connais pas véritablement les noms de

7 toutes ces collines.

8 M. le Président (interprétation): Maître Pilipovic, vous pouvez

9 poursuivre.

10 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Témoin, vous nous avez parlé

11 hier de la colline appelée "Zuc". Pourriez-vous nous montrer sur la carte

12 où cette colline se trouve?

13 M. van Lynden (interprétation): A cet endroit-là, à peu près.

14 Mme Pilipovic (interprétation): Auriez-vous l'amabilité de nous marquer

15 cette colline, de l'entourer d'un cercle?

16 M. le Président (interprétation): Vous avez été au n°5 ou 6?

17 M. van Lynden (interprétation): Je pense que le tout dernier était le n°5.

18 M. le Président (interprétation): Par conséquent, le témoin doit marquer

19 le n°6, n'est-ce pas, Maître Pilipovic?

20 Mme Pilipovic (interprétation): Oui, tout à fait.

21 Vous nous avez dit qu'en 1992, en décembre, les forces musulmanes se sont

22 emparé de cette colline. Est-ce que vous avez eu connaissance qu'il y

23 avait des collines de l'armée de Bosnie-Herzégovine à cet endroit-là?

24 M. van Lynden (interprétation): On m'avait… Ce sont les Bosniens qui

25 m'avaient emmené jusqu'à la colline Zuc car il y avait des Musulmans, des

Page 2209

1 Serbes et des Croates également qui combattaient du côté de l'armée

2 bosnienne. Et, effectivement, il y avait cette position où sporadiquement

3 il y avait des tirs de mortiers.

4 Question: Pouvez-vous nous dire quelle est la partie de Sarajevo qu'on

5 voit de ces positions? Est-ce qu'on voit à partir de cet endroit-là, où

6 vous étiez, Sarajevo?

7 Réponse: Pas à partir de Zuc. Tout au moins, moi, je n'ai pas pu voir quoi

8 que ce soit.

9 Question: Mais est-ce que, de la colline Zuc, vous avez pu voir également

10 les environs de Sarajevo?

11 Réponse: La partie Nord, oui, jusqu'à un certain degré. Mais, à ma

12 connaissance, on ne voyait pas clairement la ville.

13 Question: Vous nous avez dit que vous étiez avec les membres de l'armée de

14 Bosnie-Herzégovine sur la colline de Zuc. Est-ce que vous avez visité

15 également d'autres positions de l'armée de Bosnie-Herzégovine? Est-ce

16 qu'on vous a emmené à la colline Hum?

17 Réponse: Non, on ne m'a pas emmené à Hum à ma connaissance. Et, comme je

18 l'ai déjà précisé, on nous a emmenés à Zuc et on ne nous a pas emmenés

19 voir d'autres positions.

20 Peut-être, mais le nom que vous venez de mentionner ne me dit rien.

21 Question: Vous avez dit que vous étiez à Trebevic, n'est-ce pas? Est-ce

22 que vous pouvez nous montrer sur la carte quelles étaient les positions de

23 l'armée de la Republika Srpska que vous avez visitées?

24 (Le témoin s'exécute.)

25 Réponse: Non, malheureusement je ne peux pas le faire avec précision.

Page 2210

1 C'était le long de la route qui allait de Pale à Lukavica.

2 Mais, sur cette carte que j'ai devant mes yeux, je ne peux pas

3 malheureusement vous marquer les positions. Mais je me souviens que

4 c'était le long de la route, donc Pale/Lukavica. Par conséquent, dans cet

5 endroit-là, à peu près, que je viens de montrer.

6 Question: Est-ce que cette partie de la route, quand vous alliez de Pale

7 en direction de Lukavica, est-ce que c'est ça ce que vous appelez

8 "Trebevic"?

9 Réponse: En partie, oui.

10 Question: Est-ce que c'est en bas de Trebevic, d'après vous?

11 Réponse: Je suis désolé, mais je n'ai jamais étudié avec détail tout ceci.

12 On avait tout simplement circulé sur la route et puis, on n'avait jamais

13 cette carte.

14 Question: Vous n'étiez pas à Trebevic par conséquent, Monsieur le Témoin?

15 Réponse: Comme je l'ai déjà dit, nous avons suivi la route à partir de

16 Pale et cette route, à ma connaissance, longeait Trebevic. Et cette route

17 se termine à Lukavica.

18 Question: Vous étiez à Lukavica par conséquent?

19 Réponse: Oui, oui, j'étais à la caserne de Lukavica en 1992 et en février

20 1994, ça, c'est vrai.

21 Question: Auriez-vous l'amabilité de nous décrire quelle est la partie de

22 la ville de Sarajevo que vous pouvez voir à partir de la caserne de

23 Lukavica? Qu'est-ce que vous voyez?

24 Réponse: La caserne de Lukavica se trouve à côté, à proximité de Dobrinja.

25 Et, si je me souviens bien, on ne pouvait pas voir grand-chose entre les

Page 2211

1 bâtiments, on ne pouvait pas voir Sarajevo, et on ne pouvait pas voir le

2 centre-ville de Sarajevo à partir de Lukavica.

3 Question: Est-ce que, de Lukavica, vous avez pu voir également des

4 hauteurs de cette partie de la ville, et par rapport à Dobrinja? Pour

5 parler très concrètement, avez-vous pu, à partir donc de cet endroit-là,

6 voir la colline de Mojmilo?

7 Réponse: Si mes souvenirs sont bons, non. Mais je me dois de rajouter

8 quelque chose: si, par exemple, il fallait se rendre à la caserne, à ce

9 moment-là, on ne pouvait pas vraiment circuler librement; il fallait se

10 garer devant le bâtiment, ensuite vous rentriez dans le bâtiment. On

11 n'avait pas le droit de circuler comme si on était des touristes. C'était

12 véritablement à proximité des lignes de front. Et si mes souvenirs sont

13 bons, je ne pense pas pouvoir voir la colline de Mojmilo. Eventuellement

14 c'était possible, je ne me souviens pas!

15 Question: Mais pendant que vous étiez à Sarajevo, est-ce que vous avez été

16 informé, en votre qualité de correspondant de la guerre, que Mojmilo était

17 une colline qui se trouve derrière l'aéroport de Butmir et de Dobrinja, et

18 que c'étaient les positions de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui s'y

19 trouvaient?

20 Réponse: Au moment où je suis arrivé à Sarajevo, Mojmilo a été tenue par

21 les Serbes de Bosnie. Ce n'est qu'en juin 1992 que j'ai compris que

22 l'armée de Bosnie-Herzégovine avait chassé les Serbes.

23 Et je pense que, quand j'ai parlé de Dobrinja, hier, j'ai dit que je

24 m'étais rendu à Dobrinja, et qu'on pouvait s'y rendre uniquement une fois

25 que les Serbes avaient quitté Mojmilo.

Page 2212

1 Question: Par conséquent, nous pouvons nous mettre d'accord sur le fait,

2 qu'en juin 1992, il y avait des combats qui ont eu lieu entre l'armée de

3 la Republika Srpska et l'armée de Bosnie-Herzégovine?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Merci.

6 Réponse: Merci à vous.

7 Question: Hier, à 11 heures 06, Monsieur le Président -la défense s'excuse

8 de ne pas être tout à fait précise- mais je pense que c'était à peu près à

9 ce moment-là que le témoin avait mentionné la caserne Maréchal Tito. Est-

10 ce que vous vous souvenez que l'armée serbe avait quitté cette caserne?

11 Réponse: Mais je ne suis pas sûr quelle était l'heure, mais je sais que

12 j'en ai parlé, je sais que les forces serbes ont battu en retraite.

13 Question: Est-ce que vous savez à quel moment c'était à peu près?

14 Réponse: A ma connaissance, c'était début juin 1992.

15 Question: Et vous avez dit que la caserne avait subi des tirs des pièces

16 d'artillerie; est-ce que vous l'avez vu vous-même?

17 Réponse: Après le retrait des forces des serbes de Bosnie de la caserne

18 Maréchal Tito, moi, j'ai pu constater qu'il y avait un échange de feu,

19 plutôt que le feu avait été assez nourri pendant plusieurs jours. Et

20 c'était l'artillerie qui avait tiré les lance-roquettes et autres… il y

21 avait l'hôpital militaire également, depuis l'hôpital militaire.

22 Question: Est-ce que vous avez vu précisément d'où l'on tirait, quelles

23 étaient les positions à partir desquelles on a tiré sur la caserne?

24 Réponse: Vous ne pouvez pas voir de loin, tout au moins c'est mon

25 expérience. Vous ne pouvez pas véritablement savoir et constater d'où

Page 2213

1 viennent les tirs des pièces d'artillerie, mais généralement parlant,

2 c'était à l'est de Sarajevo.

3 On a pu voir de l'hôpital, du dernier étage, les projectiles qui tombaient

4 sur la ville. A mon avis, il s'agissait des positions sur lesquelles le

5 général Mladic m'avait emmené en septembre 1992 pour que je l'interviewe

6 -dont j'ai parlé hier.

7 Question: Est-ce que vous pouvez nous montrer, sur la carte, cette

8 position?

9 Réponse: Je peux mais approximativement, pas vraiment de manière exacte.

10 (Le témoin s'exécute.)

11 M. van Lynden (interprétation): Je ne sais pas si l'on voit très loin sur

12 cette carte, mais pour nous, c'était en quelque sorte l'horizon, et

13 derrière, on ne voyait que le ciel. Mais à partir de l'endroit où j'étais

14 au centre-ville, les positions se trouvaient à peu près à cet endroit-là.

15 Mme Pilipovic (interprétation): Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît,

16 marquer où -d'après vous- cela se trouvait et nous marquer le chiffre?

17 (Le témoin s'exécute.)

18 Et pourriez-vous nous dire comment s'appelait cette partie que vous avez

19 visitée?

20 M. le Président (interprétation): Pour le compte rendu, le témoin a marqué

21 "n°7".

22 M. van Lynden (interprétation): Vous voulez le nom de l'endroit où le

23 général Mladic m'avait emmené?

24 Mme Pilipovic (interprétation): Oui, tout à fait.

25 Réponse: Mais je ne suis pas sûr que l'on m'avait dit qu'on m'emmenait à

Page 2214

1 tel et tel endroit. On m'a tout simplement emmené quelque part.

2 Question: Mais pendant que vous étiez à Sarajevo, plus tard, est-ce que

3 vous avez appris comment s'appelait cette partie, étant donné que vous

4 nous avez dit que l'artillerie opérait à partir de ces positions?

5 Réponse: Non.

6 Question: Merci. Est-ce qu'au cours de votre séjour à Sarajevo vous avez

7 eu l'occasion de voir que la caserne Maréchal Tito avait été attaquée par

8 les membres de la Défense territoriale? Vous en avez parlé, vous avez dit

9 que cette Défense territoriale existait et qu'elle opérait à Sarajevo.

10 Réponse: Je sais qu'il y avait des échanges de tirs entre la Défense

11 territoriale, ou d'autres Bosniens, et ceux qui se trouvaient dans la

12 caserne Maréchal Tito. Mais à cette époque-là, je n'ai jamais vu les gens

13 tirer. Et pendant que moi j'étais à l'hôpital, je n'ai jamais été témoin

14 oculaire du feu qui avait été ouvert d'un côté ou de l'autre. Mais j'ai

15 entendu les tirs, je n'ai jamais vu quoi que ce soit, mais j'ai entendu

16 les tirs.

17 Question: Est-ce qu'au cours de votre séjour à Sarajevo en votre qualité

18 de correspondant de guerre, vous avez eu l'occasion également de contacter

19 les formations paramilitaires? Est-ce que vous aviez eu connaissance que

20 de telles formations paramilitaires existaient à Sarajevo? Et je vais vous

21 rappeler Juka Prazina, "Cela" et les autres. Est-ce que vous avez eu

22 contact avec les membres de ces formations paramilitaires?

23 Réponse: Oui, effectivement, j'en ai entendu parler et j'ai eu l'occasion

24 de rencontrer Juka Prazina.

25 Question: Est-ce que vous avez eu connaissance: où se trouvait le quartier

Page 2215

1 général de sa formation? Est-ce que vous saviez combien il y en avait,

2 quels étaient les effectifs de cette formation?

3 Réponse: J'ai eu l'occasion de me rendre dans un bâtiment, je ne sais pas

4 si c'était son quartier général, je ne peux pas vous le dire avec

5 certitude. Mais c'était un endroit où je l'ai rencontré, et ceci à

6 plusieurs reprises.

7 Vous me demandez pour les effectifs, Monsieur le Président, mais nous

8 parlons du mois de mai, du mois de juin 1992. Je n'ai pas contacté M.

9 Prazina depuis. Quand je suis retourné en septembre, je n'ai pas eu

10 l'occasion de le revoir. Mais en mai et juin 1992, effectivement, j'ai eu

11 l'occasion de le rencontrer, je pense à deux reprises, peut-être à trois

12 reprises. Et si je me souviens bien, même si lui-même ne m'a jamais parlé

13 véritablement des effectifs au total de sa formation, il y en avait entre

14 200 et 300 à peu près qui étaient sous son contrôle.

15 Question: Est-ce que vous pouvez nous décrire l'uniforme, ou est-ce que

16 vous pouvez nous dire comment ils étaient vêtus? Comment M. Prazina, avec

17 lequel vous avez parlé, était-il vêtu? Et si, éventuellement, vous avez vu

18 des soldats de Juka Prazina, est-ce qu'ils arboraient des emblèmes qui

19 étaient caractéristiques?

20 Réponse: Quand je l'ai rencontré pour la première fois, il avait un jean

21 et un tee-shirt à manches courtes. Il a été blessé grièvement, et il avait

22 des pansements qu'on pouvait voir au niveau de l'avant-bras et au niveau

23 de la jambe gauche. Il ne portait pas d'uniforme. C'était dans le bâtiment

24 que je l'ai rencontré, à l'intérieur, et aucun de ses hommes, si je me

25 souviens bien, au cours donc de ces premières rencontres, n'était vêtu en

Page 2216

1 uniforme.

2 Mais plus tard, d'autres, à d'autres occasions j'ai vu qu'ils portaient

3 des combinaisons noires, et je ne me souviens pas des emblèmes qu'ils

4 arboraient, ou des insignes.

5 Question: Est-ce qu'ils étaient armés?

6 Réponse: Oui, effectivement, ils ont été armés. C'était une formation

7 paramilitaire, par conséquent ils portaient des armes.

8 Question: Est-ce que vous pouvez nous dire jusqu'à quel point il est

9 important pour un correspondant de la guerre de rester objectif et

10 impartial je parle bien évidemment d'une impartialité personnelle et

11 individuelle?

12 Réponse: Je pense que tout journaliste qui exerce cette activité, cette

13 profession, devrait être objectif le plus possible et informer avec le

14 plus de précision.

15 Question: Est-ce que, au cours de votre carrière, il vous est arrivé

16 qu'une des agences ne voulait pas publier le rapport tel que vous l'avez

17 rédigé, enfin, l'original de votre rapport?

18 Réponse: Non.

19 Question: Est-ce que pendant votre séjour à Sarajevo, en votre qualité de

20 correspondant de guerre, vous avez été informé qu'à Sarajevo il y avait

21 des prisons? Est-ce que vous connaissiez les endroits de ces prisons?

22 Réponse: Oui, on était au courant. Nous savions qu'il y avait des prisons.

23 Nous avons même demandé aux représentants des autorités bosniennes d'aller

24 nous rendre dans ces prisons, mais on ne nous l'a pas autorisé. Dans

25 d'autres parties de Bosnie, on nous avait autorisés à voir ces prisons.

Page 2217

1 Mais à Sarajevo, dans la ville même, je ne connais pas les endroits

2 exacts.

3 Mme Pilipovic (interprétation): Est-ce que vous pouvez identifier les

4 endroits que vous avez visités et pour lesquels vous dites que c'étaient

5 les prisons et que des autorité bosniennes vous ont accordé d'y pénétrer?

6 Quels sont ces endroits-là en-dehors de Sarajevo que vous avez visités?

7 M. van Lynden (interprétation): En février 1993, j'ai traversé les lignes

8 serbes pour arriver jusqu'à l'enclave de Gorazde. C'est là où on nous a

9 emmenés dans une prison, c'est là où nous avons filmé, nous avons

10 interviewé les Serbes de Bosnie qui ont été emprisonnés là-bas.

11 M. le Président (interprétation): Mais vous êtes en train de poser les

12 questions au sujet des prisons au témoin, alors que dans l'interrogatoire

13 principal il n'a pas été question.

14 Pour le moment, je ne vois pas où vous voulez arriver, mais j'aimerais

15 bien vous demander quand même de me mettre au clair à ce sujet-là. Est-ce

16 qu'éventuellement c'est un sujet lié à la crédibilité?

17 Et vous savez, d'un autre côté, que le troisième paragraphe de la Règle 90

18 H) sur lequel je me suis référé est important dans ce cas-là.

19 Mme Pilipovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

20 M. le Président (interprétation): Bien évidemment, il est important

21 également de nous expliquer de quoi il s'agit, et ensuite, vous pouvez

22 poser les questions au témoin.

23 Mme Pilipovic (interprétation): Certes, la défense comprend la Règle 90 H)

24 et la question que je voulais poser était la suivante: est-il vrai qu'il y

25 avait des prisons pour les Serbes qui existaient à Sarajevo, Viktor

Page 2218

1 Bubanj, Silos et Tarcin, et si le témoin était au courant de l'existence

2 de ces prisons à Sarajevo?

3 M. le Président (interprétation): Eh bien, je pense que vous avez déjà

4 posé la question en ce qui concerne les prisons à Sarajevo, mais vous avez

5 poursuivi par la suite par des questions concernant les prisons en dehors

6 de Sarajevo, alors que le témoin a dit qu'il ne s'est jamais rendu dans

7 les prisons dans la ville de Sarajevo, qu'on ne lui a jamais permis

8 l'accès; même s'il l'avait demandé, il n'a jamais obtenu l'autorisation.

9 Par conséquent, je ne vois pas véritablement que vous en avez parlé dans

10 votre mémoire préalable au procès, que vous aviez soulevé la question des

11 prisons -mais je ne me souviens peut-être pas tout à fait bien de cela-.

12 Mais je ne vois pas véritablement qu'est-ce que les prisons, en dehors de

13 Sarajevo, ont à faire et dans quel sens elles peuvent avoir de

14 l'importance pour les thèses que la défense?

15 Vous pouvez, Monsieur Ierace, bien évidemment intervenir, dire quelles

16 sont vos objections.

17 M. Ierace (interprétation): Je voudrais tout simplement, Monsieur le

18 Président, vous aider. Je vais citer donc la Règle 90 H): "On demande à la

19 défense, quand elle contre-interroge, donc lorsqu'une partie contre-

20 interroge un témoin et qui est mesure de déposer ayant trait à sa cause,

21 elle doit le confronter aux éléments dont elle dispose, qui contredisent

22 ses déclarations."

23 M. le Président (interprétation): Oui, mais moi, je ne vois pas maintenant

24 tout à fait de quoi vous parlez. Maître Pilipovic, je ne vois pas

25 véritablement la pertinence de la question que vous venez de poser. Tout

Page 2219

1 au moins, c'est moi qui ne le vois pas.

2 Mme Pilipovic (interprétation): La question qui a été posée par la

3 défense, je vais la reformuler: est-ce que le témoin est au courant que,

4 dans la caserne Viktor Bubanj, il y avait une prison? Voilà, c'est tout ce

5 que je vais poser comme question.

6 M. le Président (interprétation): D'accord, mais le témoin vous a déjà dit

7 qu'il n'était pas au courant, et qu'il ne savait pas qu'il y avait des

8 localités tout à fait concrètes et une prison à un endroit tout à fait

9 précis. Je pense que c'est une répétition de la question que vous avez

10 déjà posée. Et je voudrais dire également que ce ne serait pas

11 véritablement opportun et approprié de poser cette question-là au témoin.

12 M. van Lynden (interprétation): Je n'étais pas au courant, effectivement.

13 M. le Président (interprétation): La question a déjà été posée au témoin,

14 le témoin a répondu. Vous pouvez poursuivre, Maître Pilipovic.

15 Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

16 Lorsque vous nous avez dit que vous avez passé un certain temps sur les

17 positions de la VRS, pouvez-vous nous dire quelles armes vous y avez vues?

18 M. van Lynden (interprétation): A quelles positions faites-vous allusion?

19 Question: Je parle des positions de la VRS dont vous nous avez dit que

20 vous les avez visitées.

21 Réponse: J'ai visité de nombreuses positions dans les collines, la

22 situation n'était pas la même qu'en ville. Dans la ville, j'ai vu des

23 kalachnikovs, des fusils à lunette, des mitrailleuses, et derrière les

24 immeubles, des chars, des blindés de transport de troupes assortis de

25 fusils-mitrailleurs, ainsi que des canons antiaériens montés sur des

Page 2220

1 véhicules.

2 Question: Veuillez me dire dans quel secteur de la ville vous avez vu des

3 canons antiaériens?

4 Réponse: A Grbavica et à Hrasno.

5 Question: Pendant votre séjour à Sarajevo, avez-vous visité Hrasno?

6 Réponse: J'ai témoigné, hier, que j'avais visité Hrasno.

7 Question: Veuillez nous indiquer sur la carte l'emplacement dont vous

8 dites que vous l'avez visité et que vous affirmez être Hrasno.

9 (Le témoin s'exécute.)

10 Réponse: J'indique cela avec le chiffre "8", Monsieur le Président.

11 Question: Pendant votre séjour à Sarajevo, avez-vous visité la place Trg

12 Pere Kosorica, à Hrasno?

13 Réponse: Je ne connais pas les noms des rues ou des places que j'ai pu

14 visiter.

15 Question: Pouvez-vous nous dire: Hrasno côtoie ou est à côté de quelle

16 partie de la ville?

17 Réponse: Grbavica.

18 Question: Aviez-vous connaissance du fait que, pendant toute la période

19 des hostilités à Sarajevo, Hrasno était sous le contrôle de l'armée de

20 Bosnie-Herzégovine?

21 Réponse: Non, pas que je me souvienne.

22 Question: Aviez-vous connaissance du fait que la place Pere kosorica était

23 la ligne de démarcation entre Hrasno et Grbavica?

24 M. van Lynden (interprétation): Comme je l'ai déjà dit, je ne connaissais

25 pas les noms des rues ou des places.

Page 2221

1 Mme Pilipovic (interprétation): Est-ce que vous avez visité Hrasno pendant

2 votre séjour à Sarajevo?

3 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Waespi?

4 M. Waespi (interprétation): Monsieur le Président, le témoin a dit à

5 plusieurs reprises dans sa déposition qu'il y avait été, en son opinion.

6 M. le Président (interprétation): Oui, l'objection est donc admise.

7 Mme Pilipovic (interprétation): En relation avec Grbavica, est-ce que vous

8 auriez l'obligeance d'indiquer la ligne de confrontation et ce, en

9 regardant vers Hrasno?

10 M. van Lynden (interprétation): La ligne que vous voyez déjà ici, c'est en

11 gros la ligne dont je me souviens: qu'elle correspond aux lignes de front

12 dans ce secteur, mais c'est très vague. C'est à peu près tout ce que je

13 peux dire de façon générale sur la ligne de front. C'est à peu près cela.

14 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, je vous remercie.

15 Il n'y a plus de question.

16 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Pilipovic.

17 (Questions relatives à la procédure – versement de pièces au dossier)

18 M. Piletta-Zanin: Nous entendons donc produire sous le numéro D27 la

19 lettre que nous avons soumise tout à l'heure, avec votre accord au témoin.

20 M. le Président (interprétation): Oui, j'ai été quelque peu trop hâtif en

21 disant qu'il s'agissait déjà de preuves, puisqu'il faut encore les verser

22 au dossier. L'objection, qui a été soulevée, a été rejetée.

23 Y a-t-il d'autres objections?

24 Monsieur Waespi?

25 M. Waespi (interprétation): Nous avons une objection à formuler: la lettre

Page 2222

1 n'est pas pertinente au témoignage de ce témoin.

2 M. le Président (interprétation): Nous allons prendre une décision à cet

3 égard après la pause, et si cette pièce est admise au dossier, la cote en

4 sera le D28, puisque c'est le numéro suivant selon la Greffière.

5 M. Piletta-Zanin: Je pense que nous aimerions également déposer comme

6 moyen de preuve aussi la propre déclaration du témoin, c'est-à-dire sa

7 déclaration à laquelle il s'est référé pendant son audition.

8 M. le Président (interprétation): J'ai demandé à chaque fois qu'on lise

9 les lignes concernées pour le bénéfice du témoin. Et nous avons décidé

10 plus tôt que les déclarations antérieures dans leur ensemble -notamment

11 quand elles sont couvertes par l'interrogatoire principal ou par le

12 contre-interrogatoire- ne seraient pas versées au dossier.

13 M. Piletta-Zanin: Il s'agirait là simplement d'introduire des déclarations

14 antérieures.

15 M. le Président (interprétation): Y a-t-il lieu de réexaminer le témoin?

16 M. Waespi (interprétation): Une seule question, Monsieur le Président.

17 M. le Président (interprétation): Allez-y.

18 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Aernout van Lynden,

19 par M. Waespi.)

20 M. Waespi (interprétation): Monsieur van Lynden, vous avez dit, en

21 répondant à une des questions de la défense, qu'il y avait des Serbes et

22 des Croates dans l'armée bosnienne qui combattaient aux côtés des

23 Musulmans. Comment le saviez-vous?

24 M. van Lynden (interprétation): Parce que j'ai fait la connaissance de

25 Serbes et de Croates qui combattaient dans l'armée bosnienne.

Page 2223

1 M. Waespi (interprétation): Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres

2 questions.

3 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Waespi.

4 J'ai oublié de demander à mes collègues s'ils voulaient poser des

5 questions supplémentaires. Vous m'en voyez désolé.

6 (Questions au témoin, M. Aernout van Lynden, par M. le Juge Nieto-Navia.)

7 M. Nieto-Navia (interprétation): Vous avez décrit la protection utilisée à

8 Sarajevo, protection contre les tireurs embusqués, des containers, des

9 couvertures et ainsi de suite.

10 Avez-vous vu d'autres… ou des formes de protection similaires utilisées

11 par les Serbes à Grbavica?

12 M. van Lynden (interprétation): L'avocat de la défense m'a aussi posé

13 cette question, j'ai répondu par l'affirmative, mais je n'ai pas vu de

14 container en 1992. J'ai vu des couvertures par exemple, mais encore une

15 fois seulement dans des rues assez étroites qui pouvaient être recouvertes

16 d'un côté à l'autre, entre les deux murs, par une telle couverture.

17 Question: Merci.

18 Une question vous avait été posée hier concernant les victimes civiles du

19 côté serbe. Si j'ai bien compris, vous avez dit que vous n'avez jamais vu

20 de victimes civiles sur place, de ce côté-là?

21 Réponse: C'est exact. Nous avons demandé la permission de pouvoir aller

22 dans un hôpital ou une clinique, mais nous n'y avons jamais été emmenés,

23 donc dans les parties de Sarajevo contrôlées par les Serbes de Bosnie.

24 Ils nous ont dit qu'il y avait des victimes civiles, mais je ne les ai

25 jamais vues de mes propres yeux.

Page 2224

1 Question: Est-ce que vous avez vu des victimes civiles de l'autre côté,

2 c'est-à-dire à Sarajevo, dans la ville même?

3 M. van Lynden (interprétation): Oui, j'ai vu de nombreuses victimes

4 civiles. Comme je l'ai déjà expliqué à la Chambre, lorsque nous étions

5 dans la ville même de Sarajevo, notre base était l'ancien hôpital

6 militaire, aujourd'hui l'hôpital d'Etat, et j'ai vu de nombreux civils

7 qu'on amenait à l'hôpital.

8 M. Nieto-Navia (interprétation): Je vous remercie.

9 (Question au témoin, M. Aernout van Lynden, par M. le Président.)

10 M. le Président (interprétation): J'ai alors moi-même une question

11 également.

12 Vous avez dit à cette Chambre de première instance: vous avez fait état de

13 tirs embusqués de part et d'autre, des deux côtés. Pouvez-vous évaluer

14 l'intensité de ces tirs embusqués? En comparant les deux côtés, est-ce que

15 les tirs étaient plus intensifs, plus soutenus d'un côté que de l'autre?

16 Est-ce que l'intensité était à peu près la même? Est-ce que vous pourriez

17 tenter de nous donner une estimation à cet égard?

18 M. van Lynden (interprétation): Je peux tenter de le faire, mais je dois

19 vous dire tout de suite que j'y étais avec une équipe de télévision: je

20 n'ai pas pu avoir le même aperçu, la même perspective qu'un commandant de

21 la Forpronu, par exemple.

22 Question: Oui, bien sûr. Je vous demande une impression seulement, je ne

23 vous demande pas des statistiques. Et si vous préférez nous dire "Je ne

24 peux en tout cas pas répondre à cette question", n'hésitez pas à le dire.

25 Réponse: J'ai toujours eu l'impression, nous avons toujours eu

Page 2225

1 l'impression que les capacités étaient bien plus grandes du côté serbe,

2 donc les Serbes de Bosnie, bien plus grandes que du côté bosnien.

3 Toutes les armes étaient demandées et il y avait une pénurie du côté

4 bosnien, et une prédominance manifeste du côté serbe, du côté des Serbes

5 de Bosnie.

6 Question: Et vous parlez là de toutes armes? Est-ce que c'était vrai des

7 tirs embusqués également?

8 Réponse: A ma connaissance, oui.

9 Question: Et vous parlez donc de capacités: est-ce que c'est là une

10 évaluation théorique ou bien sur la base de vos propres expériences, de ce

11 que vous avez vu et de ce que vous avez entendu?

12 M. van Lynden (interprétation): Sur la base de ce que j'ai vu et entendu.

13 M. le Président (interprétation): Merci.

14 Maître Waespi?

15 M. Waespi (interprétation): J'aimerais demander le versement au dossier de

16 quatre pièces à conviction de l'accusation.

17 M. le Président (interprétation): Oui, nous y sommes. Nous pouvons donc

18 nous pencher sur cette question.

19 Madame la Greffière, voyons, je crois que nous avons commencé avec la

20 carte en noir et blanc 3644VL, puis j'ai 36447A: c'est le compte rendu qui

21 accompagne la séquence vidéo.

22 M. Waespi (interprétation): Oui, c'est le compte rendu de la séquence

23 vidéo dans sa version anglaise.

24 Mme Philpott (interprétation): La version anglaise est la pièce à

25 conviction P3647A et la version en BCS, c'est le P3647A.1.

Page 2226

1 Et puis, la vidéo elle-même, c'est le P3647.

2 M. le Président (interprétation): Nous avons donc les pièces à conviction

3 à verser au dossier. Ces pièces sont versées au dossier, et puis nous

4 avons le D28 pour la défense, si j'ai bien compris, la lettre du général

5 Morillon.

6 Une objection a été soulevée, mais je crois qu'elle avait déjà été

7 tranchée.

8 En tout cas, cette pièce est versée au dossier.

9 Cela met un terme à votre interrogatoire, Monsieur van Lynden. Je vous

10 remercie d'être venu. En général, je remercie les témoins d'être venus de

11 si loin, mais je ne sais pas du tout d'où vous êtes venu. Cela étant, la

12 Chambre vous est très reconnaissante de nous avoir fourni tous ces

13 renseignement demandés par les parties et d'une grande importance pour les

14 décisions que cette Chambre devra prendre. Donc je vous remercie vivement.

15 Monsieur le Greffier, auriez-vous l'obligeance d'accompagner M. van Lynden

16 afin qu'il puisse quitter le prétoire?

17 (Le témoin, M. Aernout van Lynden, est reconduit hors du prétoire.)

18 (Questions relatives à la procédure – Intervention de M. Ierace sur

19 requête de la Chambre.)

20 Comme je l'ai indiqué hier, après l'interrogatoire de M. van Lynden, nous

21 allons passer un moment à examiner les requêtes qui sont toujours

22 pendantes, en suspens, mais je crois que nous devrions alors passer au

23 huis clos partiel pour des raisons de confidentialité.

24 M. Ierace (interprétation): Avant de faire cela, puis-je, avec tout le

25 respect que je vous dois, vous demander que nos arguments puissent être

Page 2227

1 entendus après la suspension parce que je dois discuter avec un de mes

2 collègues pour obtenir un complément d'information?

3 Cela dit, hier, Monsieur le Président, vous avez rappelé à l'accusation

4 l'exigence posée par la Chambre au terme de laquelle l'accusation doit

5 vous soumettre un projet de calendrier qui permettrait à l'accusation d'en

6 finir avec la présentation de ses moyens de preuve d'ici le début du mois

7 de juillet.

8 Donc, Monsieur le Président, si on peut en fait en venir à la discussion

9 des vidéoconférences après la pause, est-ce que je peux profiter des cinq

10 minutes qui nous restent pour dire quelques mots sur cette requête de la

11 Chambre?

12 M. le Président (interprétation): Oui, vous pouvez le faire.

13 M. Ierace (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président et

14 Messieurs les Juges. J'aurai quelques observations à faire qui pourraient

15 nous être utiles afin de faire accélérer un petit peu la procédure.

16 Je commence avec le document que vous nous avez donné la semaine passée.

17 Vous avez estimé que la présentation des moyens de preuve de l'accusation

18 représenterait environ 975 heures, ce qui nous amènerait jusqu'au mois de

19 mars.

20 Alors, la manière dont vous êtes arrivés à cette conclusion…

21 M. le Président (interprétation): Oui, en ce qui concerne les calculs,

22 l'arithmétique, je sais très bien que c'est une décision qui pourrait être

23 contestée. Mais bon, cela ne me paraît guère important, cela ne

24 m'intéresse pas qu'il y ait de petites erreurs ou de plus grandes erreurs.

25 Je ne veux pas que nous en discutions, je ne veux pas que nous discutions

Page 2228

1 des calculs pour être exact.

2 M. Ierace (interprétation): Non, ce n'est pas là ce, sur quoi je voulais

3 insister. Mais cela vous serait peut-être utile de savoir que la structure

4 de la présentation des moyens de preuve de l'accusation est en quatre

5 parties distinctes.

6 En premier lieu, première section: un aperçu des témoins ou alors témoins

7 généraux. Et le prochain témoin sera le dernier témoin dans cette

8 catégorie -peut-être qu'il y aura un ou deux témoins plus tard, dans le

9 cours du procès qui pourraient être aussi caractérisés de cette manière-,

10 mais, en gros, le prochain témoin sera donc le dernier témoin de contexte.

11 Deuxième phase: ce sont les témoins qui peuvent témoigner en relation avec

12 les incidents de tirs embusqués.

13 Puis, dans une troisième phase: les témoins dont la déposition concerne

14 les incidents de bombardement.

15 Et la quatrième phase est celle des témoins internationaux, pour ainsi

16 dire, par exemple les fonctionnaires de la Forpronu, les observateurs

17 militaires, et ainsi de suite. Donc la quatrième phase concerne notamment

18 les fonctions de commandement et de contrôle de l'accusé.

19 Je ne pense pas que les témoins de la deuxième et de la troisième phases

20 nécessiteront autant de temps que les témoins de contexte, notamment en

21 raison du fait que nous avons dû utiliser des photographies et des

22 séquences vidéo. Voilà ma première observation.

23 En deuxième lieu, le 25 novembre de l'année passée, l'accusation a écrit à

24 la défense pour dire qu'en raison de pressions exercées par la Chambre de

25 mise en état, l'accusation avait l'intention de soumettre des éléments de

Page 2229

1 preuve émanant de 32 témoins, conformément à l'Article 92 bis du

2 Règlement. Et la défense a répondu par un mémoire dans lequel elle s'est

3 opposée à ce genre de déposition.

4 Une mission a eu lieu pour obtenir ces déclarations de la part des 32

5 témoins, en tout cas ceux qui résident à Sarajevo. La mission est arrivée

6 à terme la semaine passée. Donc je pense que ces déclarations pourraient

7 être fournies à la défense d'ici demain, et ils auront alors 7 jours pour

8 formuler leurs objections. Donc, d'ici une semaine, la Chambre pourra

9 rendre une décision sur le fait de savoir si environ 30 témoins pourront

10 témoigner conformément à l'Article 92 bis.

11 M. le Président (interprétation): Vous pouvez voir que, d'après mes

12 calculs, j'ai escompté 150 témoins de vive voix. Donc j'ai déjà escompté

13 qu'il n'y aurait peut-être pas tous les témoins qui seraient appelés à la

14 barre ou qu'il y aurait, en effet, des témoins qui tomberaient sous le

15 coup de 92 bis.

16 Donc, je ne sais pas: est-ce que vous pensez que le nombre de 150 est

17 beaucoup trop élevé?

18 M. Ierace (interprétation): Le calcul présume que l'accusation pourra

19 faire appel à des témoins conformément à l'Article 92 bis, donc que le

20 témoignage pourra avoir lieu de cette manière, mais nous n'en savons rien

21 pour l'instant.

22 M. le Président (interprétation): Bon, je vois, vous avez donc encore

23 quelques incertitudes.

24 M. Ierace (interprétation): Oui. Et puis, deuxième point, Monsieur le

25 Président, Messieurs les Juges: nous avons, à plusieurs reprises, discuté

Page 2230

1 de l'application de la Règle 90 H) ii), et ceci, donc, en ce qui concerne

2 le contre-interrogatoire.

3 Dans son mémoire préalable au procès, la défense a dit que l'accusé nie

4 que des forces, sous son commandement, et de façon délibérée, tiraient sur

5 des civils avec des tirs embusqués ou des bombardements ou que, si cela a

6 eu lieu, il n'en savait rien.

7 Par ailleurs, nous avons maintenant entendu plusieurs témoins qui relatent

8 précisément ce type de comportement. Et il n'a jamais été soulevé que,

9 comme l'Article 90 H) l'aurait exigé, ces témoignages étaient

10 incompatibles avec les thèses de la défense.

11 Monsieur le Président, compte tenu de la demande que vous avez formulée la

12 semaine passée, cela nous pose un problème, un dilemme, parce que,

13 conformément à la Règle 90, nous pouvons arriver à la conclusion qu'aucun

14 élément de preuve présenté jusqu'à présent n'est incompatible avec la

15 thèse de la défense, sauf sur le point de savoir si des unités

16 d'artillerie ont utilisé la technique que l'on connaît sous le nom de

17 "croix de fer".

18 Si je me souviens bien, c'est le seul aspect des éléments de preuve qui a

19 été contesté et, même là, cela n'a pas été contesté sans ambiguïté.

20 D'autre part, nous avons le mémoire préalable au procès de la défense, et

21 là, il y a des éléments de preuve qui ont été contestés. Donc nous devons,

22 pour pouvoir aller de l'avant, savoir ce qu'il en est. On pourrait se

23 fonder sur la Règle 90, si ce n'est qu'il y a le mémoire préalable au

24 procès de la défense.

25 Donc le fait que les preuves ne sont pas contredites ne veulent pas

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1 évidemment dire que vous allez les accepter, Messieurs les Juges. Nous

2 avons encore le fardeau de la preuve, d'établir devant vous sur la base de

3 preuves crédibles les faits que nous cherchons à démontrer.

4 Mais il me semble que nous pouvons tenir compte de l'attitude de la

5 défense vis-à-vis des éléments de preuve, en dépit de ce mémoire préalable

6 au procès, mais je serais reconnaissant aux Juges et à vous, Monsieur le

7 Président, si vous pouviez nous orienter quelque peu par rapport à la

8 contradiction qui semble exister entre la Règle 90 et la teneur de ce

9 mémoire préalable au procès soumis par la défense.

10 Et je vous suis reconnaissant du fait qu'au cours des derniers jours,

11 lorsque l'accusation s'est penchée sur différents éléments de preuve qui

12 l'on pourrait penser seraient contestés, il y a eu peu d'objections de la

13 part de la défense.

14 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, pour conclure: on peut se

15 douter compte tenu de l'attitude de la défense dans son contre-

16 interrogatoire, peut-être par un processus d'élimination, que la défense

17 ne conteste pas qu'il y ait eu des bombardements et des tirs embusqués de

18 grande envergure et systématiques dirigés contre des civils pendant la

19 période concernée, du côté bosniaque de la ligne de confrontation,

20 perpétrés par les forces de l'armée serbe sur la ligne de confrontation.

21 M. Piletta-Zanin: Il y a un problème de traduction dans la langue

22 française: je ne sais pas si on a dit "bosniaque" ou "bosnien", et de

23 toute façon cela me paraît très long.

24 Voulez-vous préciser ce que vous entendez par "bosniaque"?

25 M. le Président (interprétation): Non, il ne s'agit pas d'un problème

Page 2232

1 d'interrogatoire, c'est un problème d'interprétation.

2 M. Ierace (interprétation): Oui, en fait, j'en arrive à la conclusion de

3 mes observations et de ma demande d'insistance par rapport à ce point.

4 Est-ce que je pourrais simplement vous dire que, puisque nous allons

5 entamer la deuxième phase de la présentation des moyens de preuve de

6 l'accusation, est-ce qu'on pourrait attendre que nous ayons une décision

7 prise sur l'Article 92 bis?

8 Nous aurons alors déjà eu une semaine de présentation d'éléments de preuve

9 concernant les incidents de tirs embusqués, et nous aurons alors une

10 meilleure idée du temps qu'il nous faudra.

11 Les témoins que nous avons donc déjà entendus: par nature même, ces

12 témoignages étaient très longs, ils avaient de nombreuses choses à dire

13 sur de nombreux aspects. Mais il n'en va pas de même des témoins

14 concernant les incidents de tirs embusqués.

15 Et en fonction de la réponse que la Chambre va donner à ma réponse, il se

16 peut que l'accusation ne demande pas au témoin des preuves, des éléments

17 de preuve concernant des incidents de tirs embusqués et de bombardements

18 non délibérés. Il se peut alors que l'accusation se satisfasse de preuves

19 concernant les incidents déjà programmés.

20 Messieurs les Juges, je garde à l'esprit que, selon la jurisprudence du

21 Tribunal, les annexes à l'Acte d'accusation font partie de cet Acte

22 d'accusation. En d'autres termes, il n'est pas évident pour l'accusation

23 de demander des éléments de preuve par rapport à ces incidents.

24 Des 27 ou 26 incidents cités, nous avons environ 40 témoins qui pourraient

25 témoigner de vive voix; et si l'on présume que l'on peut avoir 22

Page 2233

1 semaines, mettons 20 semaines de témoignages, entre le 1er février et le

2 début du mois de juillet, en comptant les congés, les vacances, on arrive

3 à 400 heures de témoignage. Ce qui laisse à l'accusation environ 200

4 heures pour mener son interrogatoire principal pour chacun des 150 témoins

5 qui restent. Si je fais un calcul rapide, cela donne une heure et quart

6 pour chaque témoin.

7 Alors cela n'est peut-être pas très réaliste, même si on accélère un peu

8 les choses, mais peut-être pourra-t-on y arriver, si on veut aller très

9 rapidement dans la phase des témoins concernant les tirs embusqués.

10 Le premier incident sur lequel les premiers témoins vont donc nous donner

11 une déposition, sera un peu plus long que la moyenne, si je dépasse un

12 petit peu l'incident évoqué dans l'annexe; mais même si c'est le cas, je

13 pense que cela sera bien plus court que ce que nous avons vu jusqu'à

14 présent. Merci.

15 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Je pense que vos

16 remarques nous donnent matière à réflexion. Puisque nous allons de toute

17 façon faire une pause en ce moment, nous allons suspendre la séance

18 jusqu'à 11 heures 10, et nous allons donc réfléchir à ces commentaires.

19 Nous n'y reviendrons peut-être pas immédiatement après la reprise.

20 Lorsque nous revenons à 11 heures 10, nous aimerions entendre des

21 arguments aussi brefs que possible surtout étant donné que la Chambre a

22 peut-être quelques questions supplémentaires à poser sur la requête. Nous

23 commencerons en huis clos partiel en raison de la confidentialité. Et si

24 les parties aimeraient faire des remarques ou des observations

25 supplémentaires, outre les questions que la Chambre voudrait poser,

Page 2234

1 j'aimerais vraiment que nous puissions nous en tenir à 5 minutes pour

2 chaque partie, pas plus. Et je crois que vraiment l'essentiel peut être

3 dit en 5 minutes.

4 Mais bon, si ce n'est pas le cas, veuillez nous en informer, et nous

5 déciderons si oui ou non nous pourrons vous accorder un peu plus de temps.

6 Nous levons donc la séance jusqu'à 11 heures 10.

7 (L'audience, suspendue à 10 heures 40, est reprise à 11 heures 12.)

8 (Audience à huis clos partiel.)

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12 (Audience publique à 11 heures 23.)

13 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, je vous rappelle

14 que nous sommes passés en audience publique. S'agit-il de requêtes ou

15 d'autres choses?

16 M. Piletta-Zanin: (inaudible) ou non. C'était uniquement, Monsieur le

17 Président, que, relativement au témoin qui va venir, nous n'avons reçu

18 qu'hier soir à 21 heures par fax de nouvelles déclarations ou des éléments

19 de déclaration modifiant ou complétant celle de ce témoin. Ce qui veut

20 dire, ce qui veut dire qu'il n'a pas été possible d'en conférer avec le

21 général Galic. C'est tout.

22 M. le Président (interprétation): Oui, je comprends très bien.

23 Monsieur Ierace, pouvez-vous s'il vous plaît nous dire de quoi il s'agit

24 très exactement, et cette fois-ci à l'intention de cette Chambre

25 d'instance?

Page 2248

1 M. Ierace (interprétation): Oui, certainement, Monsieur le Président. Je

2 suis redevable de la possibilité qui m'a été donnée lorsque cette allusion

3 a été faite par mon honorable collègue.

4 Lorsqu'on fait une dernière information auprès du témoin avant sa

5 comparution devant le Tribunal de La Haye, évidemment il arrive que

6 certaines informations pertinentes font surface alors qu'elles n'ont pas

7 été connues avant. Quand je dis "informations pertinentes", je me réfère à

8 certaines informations qui pourraient être considérées comme étant dans le

9 cadre de l'Article 68.

10 Or, même si cela évidemment dépasse les délais prévus par l'Article 68,

11 alors le Procureur aussitôt informe le conseil de la défense. Voilà la

12 raison pour laquelle nous avons agi ainsi.

13 Donc je pourrais peut-être dire que les documents communiqués au conseil

14 de la défense sont en fait des éléments additionnels. Le conseil de la

15 défense, évidemment, ne les reçoit pas pour tous les témoins.

16 Voilà, c'est arrivé ainsi à la dernière minute. Voilà la raison pour

17 laquelle nous avons dû procéder ainsi justement, le matin même.

18 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Monsieur Ierace. Je

19 comprends, il s'agit d'une information de la dernière minute. Mais la

20 question qui se pose, c'est de savoir: cette information aurait-elle pu

21 être obtenue avant et pas à la dernière minute? Mais là où nous sommes, à

22 ce stade-là, nous ne sommes pas en mesure d'évaluer pour dire de quoi il

23 s'agit très exactement.

24 Quant à vous, Maître Piletta-Zanin, si vous trouvez que ces informations

25 additionnelles sont de nature à sortir du cadre général et que vous n'avez

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1 pas eu la possibilité de bien vous préparer pour procéder au contre-

2 interrogatoire lors de l'audition de ce témoin, dites-le nous, faites-nous

3 savoir si vous avez besoin d'un délai additionnel pour, évidemment,

4 consulter le général Galic.

5 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, merci. Je pense que nous allons

6 procéder peut-être différemment, si vous m'y autorisez. J'ai noté la

7 référence de M. Ierace à l'Article 68, et j'ai noté qu'il s'agit donc

8 d'éléments qui sont exclusivement de nature à disculper le général Galic.

9 J'en prends bonne note et je le remercie néanmoins de cette transmission.

10 Mais nous verrons bien comment M. Ierace nous expliquera dans ces

11 conditions en quoi ces éléments disculpent le général Galic, et je l'en

12 remercie par avance.

13 M. le Président (interprétation): On vient de se référer à l'Article 68,

14 communication des éléments de preuve. Eh bien, nous allons voir comment on

15 peut mettre au clair cet Article.

16 Monsieur l'huissier, je vais donc demander de bien vouloir faire entrer le

17 témoin.

18 Qui va interroger? C'est M. Ierace qui va procéder à l'interrogatoire

19 principal.

20 (Le témoin, M. Morten Hvaal, est introduit dans le prétoire.)

21 Bonjour, Monsieur le Témoin. Je vois que vous m'avez déjà fait signe. Par

22 conséquent, vous me donnez la réponse à mon bonjour. Vous m'entendez? Je

23 ne sais pas si je prononce bien votre nom? Si je dis M. Hvaal?

24 M. Hvaal (interprétation): Je pense que la traduction n'est pas tout à

25 fait bonne.

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1 M. le Président (interprétation): Mais ce n'est pas une question

2 d'interprétation, c'est surtout qu'il faut être sur un canal qui

3 correspond à la connaissance de votre langue.

4 Il vous faut donc prêter serment avant de témoigner.

5 M. Hvaal (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

6 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

7 M. le Président (interprétation): Tout premièrement, c'est l'accusation

8 qui vous a cité en témoin, qui va vous poser des questions.

9 Monsieur Ierace, vous pouvez commencer.

10 Vous pouvez disposer, Monsieur Hvaal.

11 (Interrogatoire principal du témoin, M. Morten Hvaal, par M. Ierace.)

12 M. Ierace (interprétation): Est-ce que vous vous appelez Morten Hvaal?

13 M. Hvaal (interprétation): Oui.

14 Question: Est-ce que vous êtes né en Norvège? Vous vous êtes formé en

15 Norvège?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Est-ce que, au cours des dernières années, vous avez informé sur

18 ce qui se passait dans le monde?

19 Réponse: Oui, à partir de 1989.

20 Question: Vous avez par conséquent envoyé des informations sur des

21 conflits différents dans les pays différents, y compris la Yougoslavie,

22 les pays de l'Afrique, le Moyen-Orient, etc.?

23 Réponse: Oui, tout à fait.

24 Question: Est-ce que…

25 Réponse: Oui.

Page 2251

1 Question: Bien entendu en Europe également.

2 Est-ce que pour la première fois vous vous êtes rendu à Sarajevo en avril

3 1992?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Est-ce que vous y êtes resté très peu de temps, et ensuite en

6 juin 1992 vous êtes rentré dans votre pays?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Est-ce que par la suite vous êtes resté à Sarajevo jusqu'en

9 1997?

10 Réponse: Oui, avec quelques interruptions, mais en général j'étais à

11 Sarajevo.

12 Question: Eh bien, outre ces interruptions entre septembre 1992 et août

13 1994, est-ce que ceci a été plus long qu'un mois?

14 Réponse: Par moments, oui. A plusieurs occasions, je me suis absenté mais

15 jamais plus de 6 mois ou de 2 mois.

16 Question: Entre le mois de septembre 1992 et août 1994, quelle était la

17 raison pour laquelle vous êtes resté à Sarajevo?

18 Réponse: J'ai travaillé pour Associated Press, j'étais journaliste.

19 Question: Au cours de vos activités professionnelles, est-ce que vous avez

20 eu l'occasion de vous entretenir avec les personnes du côté serbe, si je

21 peux dire ainsi, des lignes de confrontation serbes?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Est-ce qu'il y avait un protocole à suivre au moment où vous

24 vouliez vous entretenir avec eux?

25 Réponse: Oui, en général c'était le cas.

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1 Question: Pourriez-vous nous dire si auparavant il a été indispensable de

2 rencontrer quelqu'un à Pale?

3 Réponse: Oui, en général, il fallait voir quelqu'un du centre presse de

4 Pale.

5 Question: Est-ce qu'il s'agit de l'agence de presse à Pale?

6 Réponse: Oui, probablement mais je ne suis pas tout à fait sûr de la

7 désignation de cette agence de presse.

8 Question: Est-ce qu'il est arrivé que, par exemple, la personne qui a été

9 en charge des questions que vous auriez eues à débattre au centre ou à

10 l'agence était la fille de Karadzic?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Et est-ce que vous pourriez nous dire si ce type de contacts

13 avec les Serbes de Bosnie était de caractère militaire? Est-ce que vous

14 vous êtes rendu à Pale, à Lukavica?

15 Réponse: Oui, effectivement.

16 Question: Est-ce qu'il y avait également des contacts politiques? Est-ce

17 que vous vous êtes rendu ailleurs?

18 Réponse: Oui, le plus souvent à Ilidza.

19 Question: Maintenant, je vais vous poser quelques questions au sujet de

20 ces contacts militaires: qu'est-ce qui s'est passé au moment où vous vous

21 êtes rendu à Lukavica?

22 Réponse: Au moment où j'étais à Lukavica en général, on m'avait demandé

23 d'abord pour un briefing, de temps à autre également on avait organisé une

24 conférence de presse, on convoquait plusieurs journalistes.

25 Question: Est-ce qu'après le briefing, vous vous rendiez sur des positions

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1 différentes des Serbes de Bosnie sur les lignes de front?

2 Réponse: Oui, de temps à autre.

3 Question: Et quand vous l'avez fait, est-ce que vous avez été accompagné

4 également par les Serbes de Bosnie et les officiers fonctionnaires?

5 Réponse: Oui, en général, des officiers. Il y avait quelques véhicules, il

6 y avait une dizaine de personnes, ensuite il y avait des gardes du corps,

7 il y avait des officiers, il y avait également des personnes, enfin, que

8 l'on peut désigner comme militaires.

9 Question: Vous parlez des officiers, des supérieurs militaires, n'est-ce

10 pas?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Et de quelle armée?

13 Réponse: De l'armée des Serbes de Bosnie.

14 Question: A combien d'occasions au cours du conflit -je me réfère au mois

15 d'avril 1992 jusqu'en 1995- à combien de reprises vous avez eu l'occasion

16 de vous rendre sur la ligne de confrontation des Serbes de Bosnie?

17 Réponse: Je pense que c'était une dizaine de fois à peu près.

18 Question: A combien de reprises s'il vous plaît, avez-vous eu l'occasion

19 de vous rendre à de tels séjours entre septembre 1992 et août 1994?

20 Réponse: Une dizaine de fois: 8, 10 fois.

21 Question: Au cours de ces visites, pourriez-vous nous dire si vous avez pu

22 observer des pièces d'artillerie, par exemple?

23 Réponse: Oui, nous avons eu l'occasion de voir des positions d'artillerie

24 de loin, en général. On nous emmenait sur les positions pour lesquelles

25 nous avons pensé que c'étaient effectivement les positions que nous avons

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1 demandées, mais en général on allait sur les positions. Il n'y avait pas

2 de pièce d'artillerie.

3 Question: Est-ce que ceci veut dire que vous avez obtenu un certain nombre

4 d'informations qu'on vous faisait dire qu'il s'agissait des positions

5 d'artillerie?

6 Réponse: Oui, en général, on tenait des informations par les Nations

7 Unies, les observateurs militaires des Nations Unies, ou par les

8 fréquences radio qui nous parvenaient des Nations Unies.

9 Question: Et au moment où vous vous êtes rendu sur des lieux de ce type-là

10 et quand vous avez pu constater qu'il n'y avait pas d'artillerie, est-ce

11 qu'il y avait des signes qui vous faisaient dire qu'il y en avait

12 auparavant?

13 Réponse: Oui, souvent on avait trouvé, par exemplen des douilles ou bien

14 des sacs remplis de sable, etc.

15 Question: Etant donné que vous étiez donc du côté des Serbes de Bosnie et

16 sur la ligne de front et que vous vous trouviez également sur les hauteurs

17 au-dessus de Sarajevo, pourriez-vous nous dire ce que vous avez pu

18 constater, si vous avez constaté quoi que ce soit en ce qui concerne la

19 visibilité? Et jusqu'à quel point on pouvait voir vraiment le centre ville

20 et la ville à partir de ces hauteurs?

21 Réponse: Cela dépendait également de la visibilité en général et des

22 conditions météorologiques. Quand les conditions météorologiques le

23 permettaient, on voyait très bien les rues, les bâtiments, on pouvait même

24 faire la distinction entre les véhicules et les types de véhicule.

25 Question: Est-ce que vous avez discuté avec qui que ce soit entre décembre

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1 1992 et août 1994, avec les membres de l'armée des Serbes de Bosnie en ce

2 qui concerne l'utilisation d'artillerie?

3 Réponse: Oui, à quelques reprises.

4 Question: Est-ce qu'on vous a dit également quel était l'objectif que

5 d'utiliser l'artillerie?

6 Réponse: Oui, ils nous ont dit qu'ils l'utilisaient uniquement comme

7 défense, cette artillerie.

8 Question: Est-ce que depuis septembre 1992 jusqu'en août 1994, est-ce qu'à

9 un moment donné ou l'autre, on vous avait proposé, on vous a laissé donc

10 cette opportunité d'utiliser les pièces d'artillerie sur ces positions? Je

11 parle bien évidemment des positions des Serbes de Bosnie.

12 Réponse: Oui, dans des occasions rares quand, par exemple, on trouvait des

13 pièces d'artillerie, mortiers, par exemple, de petit calibre, à ce moment-

14 là on nous proposait par exemple d'ouvrir le feu de cette arme. En

15 plaisantant peut-être, je ne dis pas le contraire.

16 Question: Eh bien, pourriez-vous nous citer un exemple très concret quand

17 ceci s'est produit?

18 Réponse: Ceci se passait à Trebevic. Je pense que c'était en 1993.

19 Question: Et de quel type d'artillerie s'agissait-il?

20 Réponse: Il s'agissait de l'obusier de calibre 105 millimètres.

21 Question: Elle a été dirigée vers où, s'il vous plaît, au moment où vous

22 avez discuté?

23 Réponse: Elle était pointée vers le centre ville, mais il est très

24 difficile de dire quelle était la cible exacte.

25 Question: Et qui vous l'a proposé?

Page 2256

1 Réponse: Je pense qu'à ce moment-là il y avait un officier qui me l'a

2 proposé.

3 Réponse: Oui, c'était un officier qui a été chargé, d'après moi, pour

4 cette position d'artillerie.

5 Question: Je ne pense pas que vous vous souvenez exactement des mots qu'il

6 a prononcés, mais vous pourriez peut-être nous transmettre le contenu de

7 ce qu'il vous a dit?

8 Réponse: Eh bien, je pense qu'il m'a proposé de tirer une ficelle qui se

9 trouvait sur cette arme.

10 Question: Je ne comprends pas: de quelle ficelle parlez-vous?

11 Réponse: Au fond, c'est une chaîne en métal.

12 Question: Comment avez-vous parlé, en quelle langue?

13 Réponse: En allemand, je pense. Je pense que c'était l'allemand, mais je

14 ne suis pas à 100% sûr, il y a quelqu'un peut-être qui nous avait aidés

15 comme interprète.

16 Question: Et qu'avez-vous répondu quand ils vous l'ont proposé?

17 Réponse: Mais je l'ai refusé. Je pense que c'était en quelque sorte une

18 réponse que, moi, je donnais régulièrement parce que, bien évidemment, il

19 y avait des raisons professionnelles pour lesquelles je ne pouvais pas me

20 lancer dans de telles choses.

21 Question: Est-ce que, vous-même, vous avez posé des questions sur ce que

22 cela voulait dire?

23 Réponse: Oui, je pense que oui.

24 Question: Est-ce que vous vous souvenez?

25 Réponse: Oui, c'était en général qu'on me disait que c'étaient des Turcs.

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1 Question: C'étaient des Turcs, c'est de cela qu'ils ont parlé?

2 Réponse: Oui, des Turcs.

3 Question: Qu'est-ce que ceci veut dire "Turcs"?

4 Réponse: Quand ils disent "des Turcs", ils pensent aux Musulmans de

5 Bosnie.

6 Question: Est-ce que vous, vous avez une idée de ce que cela voulait dire

7 si jamais vous aviez tiré sur ce fil métallique, en fer?

8 Réponse: Je n'y ai pas réfléchi.

9 Question: Mais est-ce que c'est vous-même qui ne le souhaitiez pas ou

10 bien, tout simplement, on ne vous aurait pas permis de le faire?

11 Réponse: Mais moi, personnellement, je n'ai jamais eu l'idée de procéder à

12 de telles choses.

13 Question: Est-ce que, à un moment donné ou à un autre, on vous a offert

14 par exemple de tirer d'une arme, d'une petite arme?

15 Réponse: Oui, on nous avait souvent proposé, que ce soit des fusils-

16 mitrailleurs ou, par exemple, des armes antiaériennes.

17 Question: Est-ce que ceci arrivait souvent?

18 Réponse: Oui, effectivement. Par exemple, quand on traversait les points

19 de contrôle, quand on s'y rendait ou quand on retournait à des points de

20 contrôle, on nous proposait de tirer.

21 Question: Pour des raisons professionnelles, vous avez dit, qu'en général,

22 il y avait une question type que vous posiez vous-même.

23 Réponse: Oui.

24 Question: Qu'est-ce que vous auriez touché si vous aviez tiré? Et qu'est-

25 ce qu'ils vous auraient répondu également?

Page 2258

1 Réponse: Je ne sais pas, je ne me souviens pas exactement comment ils le

2 disaient en langue qu'ils parlaient. En général, ils se référaient aux

3 Turcs, ils parlaient des terroristes. Voilà, c'est à peu près ce que j'ai

4 entendu dire de leur bouche.

5 Je ne me souviens pas exactement des termes qu'ils avaient utilisés mais

6 très rares; ils parlaient des adversaires comme des membres de l'armée de

7 Bosnie-Herzégovine ou ils parlaient en général d'eux en utilisant des

8 termes comme je l'ai dit, de ce type-là, qu'ils utilisaient donc. Et ils

9 soulignaient le terme "musulman".

10 Question: Est-ce que vous avez entendu parler des positions de snipers?

11 Réponse: Oui.

12 Question: A combien de reprises vous avez entendu parler de ces positions

13 entre septembre 1992 et août 1994?

14 Réponse: Eh bien, ça dépendait également. Ce que vous appelez "position de

15 tireur isolé", ceci peut être tout simplement un homme qui a un fusil sur

16 lui, qui se cache derrière et qui tire sur quelqu'un. Mais je pourrais

17 dire que, quand on parle d'une position qui est soi-disant organisée, j'ai

18 vu à quelques reprises -pas plusieurs fois et je ne peux pas vous donner

19 une réponse véritablement tout à fait exacte.

20 Question: Dans ces occasions-là, je tiens en compte ce que vous avez dit

21 précédemment: est-ce que, avec vous, il y avait un officier par exemple

22 des Serbes de Bosnie, de l'armée des Serbes de Bosnie?

23 Réponse: Non, pas nécessairement. En effet, on a mis l'accent plutôt sur

24 la situation dans le cadre duquel on allait, dans la position des snipers,

25 et on y allait plus ou moins souvent. Il y a quelqu'un qui vous escortait,

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1 qui vous y emmenait sur cette position, ou bien même, le tireur isolé nous

2 montrait où lui normalement il se tenait.

3 Question: Par exemple, s'il y avait un tireur embusqué qui vous emmenait

4 pour vous montrer cette position, où vous-même vous mettiez-vous en

5 contact avec le tireur isolé?

6 Réponse: Mais, en général, c'était dans le cadre de la visite des secteurs

7 et de la zone où se trouvait la position.

8 Question: Vous voulez dire que c'est dans le cadre de la visite lors de

9 laquelle vous avez été accompagné par l'officier?

10 Réponse: Oui, définitivement. C'était donc le territoire qui était sous le

11 contrôle des Serbes de Bosnie et vous ne pouviez vous déplacer sans être

12 accompagné par quelqu'un. Moi, je ne me souviens même pas avoir entendu un

13 journaliste ou l'autre, à quelques occasions, avoir visité tout seul ces

14 lieux. Peut-être ultérieurement, mais moi je n'ai jamais entendu parler

15 qu'un étranger, un journaliste étranger avait circulé sur les territoires

16 sous le contrôle des Serbes de Bosnie sans être accompagné et sans

17 véritablement suivre une procédure. Par avance, il y avait toujours des

18 officiers qui étaient sur place.

19 Question: L'officier, par exemple, qui partait depuis Lukavica jusqu'à…:

20 il restait avec vous?

21 Réponse: Oui, tout à fait.

22 Question: Et d'autres endroits?

23 Réponse: Il y avait des officiers de liaison de l'armée des Serbes de

24 Bosnie qui se trouvaient à Sarajevo, à l'aéroport de Sarajevo pendant la

25 guerre. Je ne me souviens pas véritablement si nous sommes allés à ces

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1 endroits-là en passant par Lukavica ou en passant par Pale ou Ilidza, ou

2 par un autre endroit. Mais je pense qu'il a été possible de passer par cet

3 officier de liaison pour organiser des rencontres.

4 Mais de toute façon, il y avait toujours de nouveaux papiers qu'il fallait

5 signer ou un autre numéro de téléphone. Par conséquent, il s'agissait

6 d'une approche assez bureaucratisée, et c'est la raison pour laquelle on

7 nous refusait souvent nos requêtes. Et pour obtenir une permission de

8 visiter ces lieux-là, il fallait attendre.

9 Question: Entendu. Mais vous avez dit que vous vous rendiez sur les

10 positions de tireurs embusqués, par conséquent sur les positions de

11 l'armée des Serbes de Bosnie. Est-ce que vous vous êtes rendu à un moment

12 donné ou l'autre par exemple dans un bâtiment, une tour par exemple?

13 Réponse: Eh bien, moi, je me souviens être allé dans des bâtiments à

14 Grbavica.

15 Question: C'était quand?

16 Réponse: C'était en 1993, c'était l'hiver 1993. Fin 1993, début 1994 pour

17 être plus précis.

18 En d'autres termes, ce n'était pas possible d'y aller avant je pense en

19 1992, 1993, c'était très dangereux et très risqué parce que les combats

20 étaient très intenses. Ce n'était qu'à la fin de 1993 ou début 1994

21 d'aller à Grbavica sans vraiment risquer gros.

22 Question: Vous avez parlé des bâtiments, des bâtiments, au pluriel?

23 Réponse: Oui.

24 Question: Et à quoi pensez-vous?

25 Réponse: Je pense, si mes souvenirs sont bons, que ces bâtiments s'y

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1 trouvent. Il y en avait quelques-unes enfin, je parle des tours qui se

2 trouvaient à Grbavica.

3 Question: Ces bâtiments étaient à quelle distance l'un par rapport à

4 l'autre?

5 Réponse: Mais je pense que c'étaient les bâtiments qui étaient dans une

6 rangée l'un à côté de l'autre, à mon avis. C'était quelque chose comme

7 cela, éventuellement entre 50 et 100 mètres de distance.

8 Question: Il y en avait combien à peu près dans une rangée?

9 Réponse: Je ne sais pas s'ils étaient dans une seule rangée, mais de toute

10 façon je me souviens qu'il y en avait par quatre, quatre en groupe. Mais

11 je n'en suis pas sûr.

12 Question: Maintenant je vais retirer la question. Excusez-moi, je vais

13 reformuler ma question. Est-ce que l'un de ces quatre bâtiments, par

14 exemple, avait le même nombre d'étages?

15 Réponse: Oui, je le pense.

16 Question: Est-ce que vous avez eu l'impression que c'étaient pratiquement

17 des ensembles qui faisaient partie des quartiers d'habitations?

18 Réponse: Oui, effectivement. Il s'agissait des bâtiments, des immeubles

19 que vous ne souhaitez pas voir, et pour des raisons différentes, pour des

20 raisons qui sont tout à fait manifestes, évidentes si vous êtes du côté du

21 gouvernement bosnien.

22 Question: Il y avait combien donc de reportages que vous avez écrits?

23 Réponse: Dix à douze, je pense.

24 Question: Est-ce que vous avez eu la réputation certaine? Est-ce qu'on a

25 tiré sur vous?

Page 2262

1 Réponse: Souvent on a tiré sur moi, notamment en 1992 et 1993. Il y avait

2 un certain nombre de mesures qui ont été entreprises par la suite par les

3 Nations Unies contre l'action des tireurs isolés.

4 On tirait souvent et il fallait véritablement circuler très vite en

5 véhicule, ne pas s'arrêter trop parce qu'on risquait beaucoup.

6 Question: Vous parlez de quel côté de la ligne de confrontation? Vous

7 étiez de quel côté, s'il vous plaît, quand on tirait sur vous?

8 Réponse: Excusez-moi, je ne vous ai pas compris.

9 Question: Mais de quel côté étiez-vous?

10 Réponse: Moi, j'étais du côté, si je peux dire, du gouvernement bosnien.

11 Et si on se dirigeait vers ces bâtiments, à ce moment-là on pouvait être

12 sûrs qu'on allait tirer. Je me souviens qu'à un moment donné, justement,

13 on avait parlé entre nous: est-ce que le tireur va toucher ou non le

14 véhicule? Et effectivement il l'a touché.

15 Question: Est-ce que vous avez eu également quelque doute en ce qui

16 concerne la source ou plutôt la provenance des tirs?

17 Réponse: D'après les rapports des observateurs des Nations Unies, eux

18 observaient donc ce qui se passait: au début les tireurs n'étaient pas

19 professionnels et on pouvait voir la fumée, la poussière, même la flamme,

20 ce qui voulait dire qu'en effet personne ne ripostait et eux pouvaient

21 ouvrir le feu à n'importe quel moment. C'est la raison pour laquelle on

22 pouvait tout de suite distinguer et savoir d'où venaient les tirs.

23 Question: Est-ce qu'à un moment donné ou l'autre vous vous êtes trouvé

24 dans l'un de ces bâtiments?

25 Réponse: Oui.

Page 2263

1 Question: Et qu'est-ce que vous y avez vu?

2 Réponse: A une position des tireurs isolés donc, si je peux dire de fond,

3 qui est bien fortifiée, il y a des abris, il y a des blocs en béton, il y

4 a quelques parties de mur également qu'on utilise pour l'abris: c'est ce

5 que j'ai vu. Et puis j'ai vu également des armes, des armes différentes,

6 rien de très sophistiqué. Enfin, il y avait quelques personnes également

7 qui manifestement s'abritaient dans cette maison.

8 En d'autres termes, les positions des tireurs se trouvaient dans les deux

9 pièces.

10 Question: Vous avez dit que c'était à la fin 1993, début 1994.

11 Indépendamment de l'exactitude avec laquelle vous pouvez nous répondre,

12 est-ce que vous pouvez nous dire si, après votre visite, on avait tiré de

13 nouveau sur vous quand vous avez traversé et que vous passiez à côté?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Et au moment où on vous a emmené, est-ce que vous avez trouvé un

16 officier des Serbes, de l'armée serbe de Bosnie?

17 Réponse: Devant le bâtiment, oui. C'était pratiquement inévitable.

18 Question: Il vous a escorté, n'est-ce pas?

19 Réponse: Oui. Par conséquent, s'il rentrait dans l'immeuble avec moi, je

20 ne m'en souviens pas, mais en revanche, je sais qu'il était devant.

21 Question: Est-ce que c'est lui qui vous a accompagné jusqu'à l'immeuble?

22 Réponse: Mais ce n'était pas inimaginable de s'y rendre différemment.

23 Grbavica était un territoire où il y avait des combats intenses et les

24 lignes de confrontation étaient à proximité. Par conséquent, on a été

25 exposés aux tirs, il n'a pas été possible de s'y rendre tout seul en

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1 aucune manière.

2 Question: Est-ce qu'on vous a emmené, d'après votre propre demande, sur

3 leur initiative? Ou je ne sais pas: comment vous y êtes-vous rendu?

4 Réponse: Je ne m'en souviens pas. Il n'est pas impossible que ceci se soit

5 produit au moment où nous avons demandé qu'on nous y emmène.

6 Il y avait donc cette intensité des tireurs embusqués et on avait essayé

7 d'obtenir le plus possible d'informations pour envoyer les reportages,

8 mais il est possible également qu'on ait répété à plusieurs reprises nos

9 demandes.

10 Question: Entendu, mais vous avez parlé de ces positions, vous parlez

11 également de ces bâtiments qui avaient entre 10 et 12 étages. Est-ce qu'il

12 y avait éventuellement une possibilité… vraiment nous dire avec précision

13 où se trouvaient ces positions et nous les marquer?

14 Réponse: Mais même si vous êtes photographe, ce n'est pas pour cela que

15 vous avez une mémoire d'éléphant. Mais je me souviens qu'il y avait un

16 stade à côté de Grbavica et je me souviens que c'était quelque peu au sud

17 de ces immeubles.

18 Question: Vous parlez du sud, du sud-est, du sud-ouest?

19 Réponse: Non, très sincèrement, je ne peux pas vous donner la réponse avec

20 précision.

21 Question: En ce qui concerne Grbavica, y avait-il d'autres tours

22 d'habitations qui étaient à côté? Ou bien éventuellement c'étaient les

23 seules que vous avez vues?

24 Réponse: Non, pas vraiment à proximité dans la zone immédiatement, mais

25 quand vous êtes à l'intérieur du bâtiment, à ce moment-là vous voyez que

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1 vous êtes très, très près du front et vous voyez en général un secteur qui

2 est tout petit. Et puis il y a le feu qui est ouvert par le tireur.

3 Par conséquent, il s'agit d'un bâtiment qui est à côté de la ligne de

4 confrontation. Vous êtes dans une pièce avec eux, et vous n'allez pas vers

5 la fenêtre car c'est tellement près que vous risquez votre vie.

6 Question: Vous avez dit que vous avez passé à côté d'immeubles et que vous

7 saviez également ce qui pouvait vous arriver, et à plusieurs reprises on a

8 tiré sur vous.

9 Par conséquent, c'est de cela que je parle: à quelle distance se

10 trouvaient les bâtiments de cette perspective?

11 Réponse: Ces bâtiments se trouvaient au sud de la route principale, il y

12 avait la caserne Maréchal Tito à droite.

13 Question: Quand vous vous dirigiez vers l'ouest ou l'est?

14 Réponse: L'ouest.

15 Question: Au moment où ces bâtiments se trouvaient à votre gauche et la

16 caserne du Maréchal Tito à droite, c'est de cela dont nous parlons?

17 Réponse: Je ne me souviens pas exactement, mais je sais que c'était le

18 secteur.

19 Question: Quand vous étiez à côté de ce bâtiment, est-ce que vous avez

20 remarqué les armes?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Et qu'est-ce que vous avez vu?

23 Réponse: Je pense qu'à cette occasion-là, j'ai pu voir une mitrailleuse

24 M84.

25 Question: Est-ce que cette mitrailleuse a un autre nom que l'on utilise?

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1 Réponse: Oui, je ne peux pas véritablement prononcer correctement, mais

2 cette mitrailleuse, on l'appelait comme une arme qui semait la mort. Il y

3 a des versions différentes de toute façon, mais je ne peux pas même

4 essayer de prononcer, dans la langue parlée sur les lieux. Mais je sais

5 que cette mitrailleuse a le design de kalachnikov. Et il y avait également

6 une lunette, une cartouchière, je pense qu'il n'était pas sur le fût, mais

7 il était sur le trépied.

8 Question: Comment, quel était le bruit?

9 Réponse: C'était un bruit très aigu.

10 Question: Est-ce que ce bruit-là vous faisait évoquer quelque chose?

11 Réponse: Mais c'est un très grand bruit que les balles produisaient. Puis

12 les balles sifflaient, puis passaient en très grande vitesse. Il y avait

13 un crépitement également, c'était donc des balles qui se suivaient.

14 Question: Quand vous tirez d'une telle mitrailleuse, quand on ouvre le

15 feu, vous n'entendez plus rien, enfin c'est véritablement beaucoup de

16 bruit, beaucoup plus que le kalachnikov, vous êtes assourdi. Vous dites

17 que c'est tout à fait caractéristique, que c'est un bruit qui est le bruit

18 qui provoque le crépitement.

19 Est-ce que vous pouvez faire la distinction entre l'ouverture du feu de

20 cette mitrailleuse, que vous appelez "mitrailleuse qui avait semé la

21 mort", et l'autre?

22 Réponse: Mais cela dépend de la distance également. Cela dépend quelle

23 était la distance entre les bâtiments. Mais si vous avez une kalachnikov

24 AK47, on tire de la même position comme les tirs de M84, à ce moment-là

25 vous pouvez faire la distinction: M84 a une plus grande portée et la

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1 rapidité également s'il y a des rafales, alors que le le bruit des balles

2 également est plus intense que le bruit de kalachnikov. Le bruit de

3 kalachnikov, vous ne pouvez pas véritablement l'entendre de la même façon.

4 Question: Entendu. En ce qui concerne donc vos activités comme journaliste

5 au cours de ces dernières années, est-ce que vous avez également mis en

6 place une société de consultant, donc qui se spécialise?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Est-ce que ceci veut dire que vous-même, ainsi que des experts

9 militaires, vous entraîniez en quelque sorte les journalistes qui, un jour

10 ou l'autre, doivent se trouver entre les deux adversaires dans le combat?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Est-ce que, également, il y a une certaine expertise à laquelle

13 vous procédez?

14 Réponse: Oui, mais j'ai une très grande expérience au niveau de

15 l'entraînement. Moi-même, j'ai eu l'occasion d'envoyer des reportages

16 d'une dizaine d'endroits, et j'ai commis de nombreuses erreurs également;

17 c'est la raison pour laquelle j'en ai tiré des leçons -parce que je suis

18 sain et sauf. Mais j'ai toujours essayé d'obtenir de nouvelles

19 informations, de savoir ce qui se passait dans le monde.

20 Quand vous êtes dans un foyer de crise et dans un conflit, moi, je sais

21 qu'il y avait des journalistes qui ont été des victimes, qui ont été dans

22 des conflits et qui ont été tués. C'est la raison pour laquelle j'en ai

23 tiré la plus grande expérience possible.

24 Question: Est-ce que vous avez remarqué quelque chose de différent par

25 rapport à votre expérience d'ailleurs, notamment quand il s'agit de

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1 journalistes?

2 Réponse: Je pense que, pour la plupart d'entre nous qui ont une expérience

3 de conflits antérieurs, nous pensons -et cela semble juste-, qu'en fait,

4 le premier conflit dans lequel des personnes que l'on pouvait reconnaître

5 comme étant membres des médias étaient pris pour cible.

6 Question: Lorsque vous dites que l'on pouvait les reconnaître, est-ce que

7 vous aviez, vous, un véhicule entre septembre 1992 et août 1994, à

8 Sarajevo?

9 Réponse: Nous en avions plusieurs, mais à Associated Press, moi-même j'ai

10 donc amené le premier véhicule blindé à Sarajevo, en septembre 1992.

11 Question: De quel type de véhicule s'agissait-il, un camion, une voiture?

12 Réponse: On pourrait dire une voiture de livraison, par exemple Land

13 Rover.

14 Question: De quelle couleur?

15 Réponse: Blanc.

16 Question: Est-ce que vous avez passé des marques sur cette voiture?

17 Réponse: Nous avons utilisé des bandes fluorescentes orange sur toute la

18 voiture.

19 Question: Et ces bandes portaient-elles des caractères ou des chiffres?

20 Réponse: Oui, nous avons essayé d'inscrire les mots "presse". Donc cela

21 prend beaucoup de temps, donc nous avons utilisé simplement les deux

22 lettre "TV". Donc nous avons recouvert les côtés du véhicule du mot "TV".

23 Question: Sur les quatre côtés et le toit?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Avant de mettre ces bandes sur la voiture, est-ce que la voiture

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1 avait été prise pour cible?

2 Réponse: Oui, nous avons donc marqué la voiture, enfin, la voiture n'était

3 pas marquée au début, à l'arrivée.

4 Question: Très bien. Est-ce que vous aviez des véhicules à votre arrivée?

5 Réponse: Oui, des voitures tout à fait ordinaires, des voitures louées.

6 Question: De toute manière, vous avez reçu une voiture en septembre 1992:

7 est-ce que ce véhicule-là a été pris pour cible?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Dans quelle mesure, à quelle occasion?

10 Réponse: Eh bien, de façon générale, cette voiture existe toujours

11 aujourd'hui mais ressemble à un fromage suisse, plein de trous et

12 d'impacts de balles, parce que la voiture n'était pas blindée; il

13 s'agissait d'une simple voiture. En fait, il n'y a que là où les passagers

14 sont assis qui est blindé. Donc le moteur est derrière, eh bien, ce n'est

15 pas blindé, et en fait, la voiture a été perforée à maintes reprises par

16 des tirs, par des éclats.

17 Question: Passons maintenant à un exemple à cet égard.

18 Est-ce qu'il y a eu un incident à l'automne 1994, où le véhicule a été

19 pris pour cible?

20 Réponse: Je suis sûr qu'il y a eu plusieurs incidents de ce type.

21 Question: Oui, mais concernant un puits?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Alors, avant d'entrer dans les détails, est-ce que vous avez

24 commencé votre expérience à l'hôpital de Kosevo?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Pourquoi étiez-vous à Kosevo, à l'hôpital de Kosevo?

2 Réponse: Sans doute parce que nous avons entendu arriver des ambulances ou

3 parce que nous avons entendu des tirs, enfin, des tirs plus que

4 d'habitude, plus de tirs que d'habitude. C'était tout à fait ordinaire de

5 nous rendre à l'hôpital plusieurs fois par jour pour y suivre ce qui s'y

6 passait, et surtout, où les choses se passaient, d'où venaient les

7 victimes, pour pouvoir décider si cela valait la peine de nous rendre sur

8 place pour savoir ce qui était arrivé au juste.

9 Question: Et donc, c'est ce qui est arrivé à ce moment-là, à cet incident-

10 là? Est-ce que cela valait la peine de se rendre sur place?

11 Réponse: Oui, il y avait eu donc des victimes amenées à l'hôpital depuis

12 cet endroit.

13 Question: Pouvez-vous décrire la victime?

14 Réponse: Je crois que c'était un homme qui était touché à l'abdomen -si je

15 me souviens bien.

16 M. Ierace (interprétation): Et de quelle manière était-il vêtu?

17 M. Hvaal (interprétation): Je ne peux pas me souvenir exactement des

18 détails de sa tenue vestimentaire. Peut-être... enfin, je pense qu'il

19 était assez jeune, je crois qu'il était assez jeune; sans doute portait-il

20 des jeans et des baskets et un tee-shirt.

21 M. le Président (interprétation): Oui, j'aimerais attirer votre attention,

22 Monsieur le Témoin, sur le fait que les interprètes trouvent peut-être

23 assez difficile le fait que vous parliez de manière très rapide; le

24 dialogue entre vous-même et le conseil de l'accusation est très rapide.

25 Donc veuillez, s'il vous plaît, garder l'œil à l'écran et attendre que le

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1 texte soit complet avant de répondre à la question.

2 M. Hvaal (interprétation): Bien sûr. On n'avait pas attiré mon attention

3 là-dessus, je vais garder cela à l'esprit.

4 M. Ierace (interprétation): Est-ce que vous vous êtes rendu à l'endroit où

5 on vous avait dit que cet homme avait été blessé?

6 M. Hvaal (interprétation): Oui.

7 Question: Quand êtes-vous arrivé à cette position?

8 Réponse: Nous nous sommes rendus -je crois qu'il y avait donc un puits-, à

9 Sedrenik. Il y a un puits à côté de la route, en aval de la route.

10 Question: Avez-vous vu des gens?

11 Réponse: Oui, il y avait un immeuble ou une structure derrière laquelle

12 les gens cherchaient à s'abriter, parce qu'il y avait des tirs qui

13 émanaient de l'autre côté de la route.

14 Question: Pouvez-vous être plus précis quand vous dites "l'autre côté de

15 la route"?

16 Réponse: Eh bien, une position connue de l'armée serbe de Bosnie à

17 laquelle on se réfère; on appelle ça "short stone", "rocher abrupt", on ne

18 pouvait pas prononcer le nom local. Et donc, si je devais estimer, je

19 dirais à 300, voire 400 mètres de distance.

20 Question: Quelle est la topographie de ce rocher abrupt donc?

21 Réponse: Il s'agit d'un rocher, une formation de rochers qui normalement

22 était surmontée d'un drapeau, ou bien souvent en tout cas.

23 Question: Puisqu'il s'agissait d'un rocher, je suppose que ce rocher

24 surplombait un terrain?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: Et à peu près où se situait la ligne de front par rapport à ce

2 rocher?

3 Réponse: En dessous du rocher.

4 Question: A quelle distance de la base du rocher, à peu près?

5 Réponse: Pas très loin mais bon, c'était assez compliqué parce qu'il

6 s'agissait d'un terrain très abrupt et donc il n'y avait pas une ligne de

7 front bien tranchée, il n'y avait pas de tranchées.

8 Donc, si je me souviens bien, il s'agissait de positions de tirs bien

9 enterrées, plutôt qu'une ligne de front occupée, parce qu'il aurait été

10 impossible de maintenir des forces dans cette position, enfin sous ce

11 point-là.

12 Question: Très bien. Alors, par rapport à votre témoignage, est-ce que je

13 peux comprendre que le haut du rocher se situait à peu près à 300 ou 400

14 mètres de votre emplacement?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Et des tirs provenaient du sommet du rocher?

17 Réponse: Oui.

18 Question: D'où émanaient les tirs?

19 Réponse: Eh bien, quand nous sommes arrivés, nous avons entendu des tirs.

20 Lorsque nous sommes arrivés, les gens se cachaient. Je ne me souviens plus

21 si nous sommes passés à côté, si nous avons attendu un moment pour ne pas

22 être exposés aux tirs, je ne me souviens plus très bien. Je crois que nous

23 avons attendu quelques instants pour voir quelle était la situation, pour

24 voir ce qui se passait.

25 Question: Très bien. Je vous arrête un moment. Vous nous avez parlé de

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1 personnes, d'un groupe de gens, est-ce que certains d'entre eux portaient

2 des tenues vestimentaires?

3 Réponse: Non.

4 Question: Etaient-ils des deux sexes?

5 Réponse: Oui, des deux sexes mais sans doute la plupart étaient des

6 femmes.

7 Question: Vous souvenez-vous si certains d'entre eux paraissaient

8 particulièrement âgés ou particulièrement jeunes?

9 Réponse: Je ne pense pas qu'il y ait eu des enfants sur place, mais des

10 personnes plus âgées, sans aucun doute.

11 Question: Et ils paraissaient avoir une activité bien précise?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Quelle était cette activité?

14 Réponse: Ils cherchaient de l'eau.

15 Question: A un moment donné, est-ce que vous avez amené votre véhicule

16 tout près de leurs positions?

17 Réponse: Nous avons décidé d'enquêter et de déterminer ce qui se passait,

18 et aussi d'essayer de prendre quelques photos. Et pour ce faire, j'ai

19 décidé de stationner mon véhicule, donc d'arrêter le véhicule dans une

20 position qui abriterait, qui protégerait le puits des tirs qui étaient

21 dirigés sur cette position. J'avais donc un véhicule blindé.

22 Question: Est-ce que quelque chose est arrivé peu après?

23 Réponse: Mon interprète est d'abord sorti de la voiture et puis, quand je

24 suis moi-même sorti de la voiture, un tir a atterri sur la vitrine (phon)

25 de la voiture.

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1 Question: Quelle était la nature de ce pare-brise?

2 Réponse: Le pare-brise était blindé.

3 Question: Est-ce que les tirs ont pu pénétrer le pare-brise?

4 Réponse: Non, heureusement, cela n'a pas été le cas.

5 Question: Est-ce que vous avez pu remarquer quelque chose concernant la

6 force de la décharge?

7 Réponse: Eh bien, la décharge était assez puissante pour faire basculer la

8 voiture qui pesait quand même plusieurs milliers de kilos.

9 Question: Où étiez-vous lorsque l'impact a frappé le pare-brise? Et

10 veuillez prendre tout votre temps avant de répondre.

11 Réponse: Je me trouvais dans le véhicule, j'étais sur le point d'en

12 sortir. Je dirais que ma tête était tout proche de l'impact.

13 Question: Etait-ce le véhicule marqué "TV"?

14 Réponse: Oui, en effet.

15 Question: Vous avez dit que vous avez utilisé une couleur orange vif?

16 Réponse: Oui, orange vif, ce qu'on appelle aux Etats-Unis "Dayglo".

17 Question: Est-ce que vous conduisiez un véhicule marqué "presse"?

18 Réponse: Pendant quelque temps, c'était une question de principe, mais

19 ensuite nous y avons renoncé, nous avons tenté d'utiliser une voiture qui

20 se faisait moins remarquer, qui aurait pu appartenir à une ONG, à une

21 ambassade afin de semer le doute quant à la nature exacte de notre

22 mission, de nos activités.

23 Question: Enfin, en relation à cet incident, vous avez dit que cela s'est

24 passé en 1994, à l'automne 1994. Pourriez-vous être plus précis?

25 M. Hvaal (interprétation): Eh bien, au début de l'automne parce qu'il

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1 faisait encore chaud.

2 M. Ierace (interprétation): Est-ce que vous souhaitez que je continue? Je

3 vois l'heure qu'il est, mais je veux bien continuer.

4 M. le Président (interprétation): Oui, j'aurais dû d'ailleurs faire cette

5 remarque, il est midi et demi. Donc si cela vous convient, nous allons

6 suspendre la séance jusqu'à 13 moins 10.

7 (L'audience, suspendue à 12 heures 32, est reprise à 12 heures 54.)

8 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace, veuillez continuer.

9 M. Ierace (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

10 Vous nous avez dit que vous avez été à maintes reprises, pendant cette

11 période de septembre 1992 à août 94, vous avez fait l'objet, donc à

12 plusieurs reprises, de tirs avec des armes de petit calibre.

13 Avez-vous pu observer si des civils, ou des gens qui en tout cas

14 semblaient être des civils, ont été pris pour cible pendant la même

15 période, autre que l'incident que vous venez de nous décrire?

16 M. Hvaal (interprétation): Oui.

17 Question: Etait-ce courant? Avec quelle fréquence?

18 Réponse: Vous voulez dire le fait d'être pris pour cible ou d'être touché?

19 Question: Le fait d'être pris pour cible.

20 Réponse: Eh bien, le fait d'être pris pour cible: plus ou moins chaque

21 jour, sinon chaque jour.

22 Question: Vous voulez dire que vous avez pu observer cela presque tous les

23 jours, sinon chaque jour?

24 Réponse: Si on se déplaçait à Sarajevo, au centre ville, pendant cette

25 période en tant que photographe, en général notre travail consistait à se

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1 déplacer, à se promener pour chercher ce qui se passait, ce qu'il y avait

2 d'intéressant, et on pouvait observer que l'on tirait sur les gens avec

3 des armes de petit calibre. Donc je dirais que chaque jour on observait

4 cela à un moment donné.

5 Question: Etes-vous parvenu à une conclusion? Avez-vous pu vous faire une

6 opinion sur le fait de savoir si on prenait de façon délibérée des civils

7 pour cible pendant cette période?

8 Réponse: Je dirais que cela ne fait aucun doute.

9 Question: Vous nous avez dit que vous avez observé de telles choses

10 presque tous les jours. A combien, avec quelle fréquence est-ce que ces

11 tirs ont été couronnés de succès? En d'autres termes, à combien de

12 reprises pendant cette période est-ce que vous avez pu observer que des

13 civils ont, en fait, été touchés de façon délibérée par ces tirs de petit

14 calibre?

15 Réponse: Vous voulez dire que j'y étais personnellement pour le voir de

16 mes propres yeux?

17 Question: Oui, en premier lieu, que vous avez vu de vos propres yeux.

18 Réponse: Je ne peux pas vous donner un chiffre exact, mais cela dépend:

19 est-ce que j'ai vraiment vu l'impact, ou je suis arrivé une minute plus

20 tard? Enfin, c'est très difficile à dire.

21 Question: Approximativement. Donc, tout d'abord, combien de fois avez-vous

22 pu voir l'impact?

23 Réponse: Voir l'impact sur des gens sur lesquels on a tiré, donc qui ont

24 été touchés: je dirais, je ne sais pas exactement, plusieurs dizaines de

25 fois? Je ne peux pas vous donner une réponse exacte.

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1 Question: Plusieurs dizaines?

2 Réponse: Oui, mais je ne peux pas vous donner un chiffre exact.

3 Question: Approximativement, je le comprends. Et à combien de reprises

4 est-ce que vous les avez vus frappés, touchés, ou êtes arrivé en l'espace

5 de quelques minutes après qu'ils aient été frappés, donc toujours dans la

6 même période?

7 Réponse: En l'espace de quelques minutes, vous voulez dire?

8 Question: Je dirais une demi-heure.

9 Réponse: Bon, en l'espace d'une demi-heure, eh bien, je dirais de 50 à 100

10 fois. C'était quand même une des parties essentielles de notre travail

11 d'essayer de le faire, de se faire une idée de la situation en matière de

12 tirs embusqués.

13 Question: Très bien. Vous arrivait-il parfois de simplement croiser de

14 tels incidents, par hasard?

15 Réponse: Souvent.

16 Question: Un incident est-il survenu… Non, je retire. Est-ce qu'un tel

17 incident est survenu en hiver 1993, donc vers la fin de 1993 ou au début

18 1994, lorsque vous circuliez le long du boulevard Maréchal Tito et vous

19 avez vu une femme touchée?

20 Réponse: Cela a dû arriver à plusieurs reprises.

21 Question: Très bien, alors soyons plus précis.

22 Je demande que l'on soumette au témoin une série, un jeu de photographies

23 qui sont enregistrées P3625. J'ai des copies pour mes confrères et pour

24 les Juges. Je crois qu'elles ont déjà été distribuées. Il s'agit d'un jeu

25 de 5 photographies.

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1 Auriez-vous l'obligeance d'examiner ces 5 photographies? Vous voyez qu'il

2 y en a une qui montre deux hommes qui soulèvent une femme par les bras

3 pour l'étendre sur un brancard.

4 Réponse: Oui, en effet, je vois cela.

5 Question: Très bien. Auriez-vous l'obligeance de placer cette photographie

6 sur le rétroprojecteur? Avez-vous pris cette photographie?

7 Réponse: Oui, en effet.

8 Question: Vous souvenez-vous à quelle date ou à quand cela remonte?

9 Réponse: C'était dans le courant de l'hiver 1993-1994.

10 Question: Où avez-vous pris cette photographie? Où vous trouviez-vous?

11 Réponse: C'était juste en-dehors de la morgue de l'hôpital Kosevo.

12 Question: Pouvez-vous nous dire quelle est l'histoire qui accompagne cette

13 photographie?

14 Réponse: Eh bien, j'ai vu cette femme, j'étais en voiture dans un Land

15 Rover blindé. Je me dirigeais vers l'est, si je ne m'abuse, enfin, je ne

16 suis pas à 100% sûr, mais sans doute que je me dirigeais vers l'est. Quand

17 je suis…

18 Question: Sur quelle route, s'il vous plaît?

19 Réponse: Le boulevard Maréchal Tito. Je suis arrivé, enfin, il y a deux

20 carrefours qui étaient notoires pour ce qui est des tirs embusqués dans ce

21 secteur. Donc c'était l'un ou l'autre.

22 Question: Pouvez-vous nous dire les noms de ces carrefours?

23 Réponse: Je ne m'en souviens pas. Non, je suis désolé, je n'arrive pas à

24 me souvenir des noms. Enfin, il y a deux routes qui forment une lettre A

25 qui monte vers le stade olympique.

Page 2279

1 Question: Vous voulez dire par là la direction Nord quand vous dites que

2 les rues montent?

3 Réponse: Oui, dans la direction vers le nord.

4 J'y suis arrivé, cette femme avait été touchée soit dans le bas de

5 l'abdomen soit alors à une jambe. Elle était dans la rue, elle n'avait pas

6 encore perdu conscience, elle bougeait encore, mais en fait elle ne se

7 rendait nulle part.

8 C'est très difficile d'entendre lorsqu'on est dans un véhicule blindé s'il

9 y a encore des tirs qui arrivent, donc il faut partir du principe présumé

10 qu'il y en a. Pour tenter de faciliter, puisqu'il y avait d'autres piétons

11 dans le secteur…

12 Question: Que faisaient-ils s'ils faisaient quelque chose?

13 Réponse: Je crois qu'ils cherchaient un abri ou alors ils tentaient

14 d'organiser un effort de secours. Je ne suis pas à 100% sûr s'ils étaient

15 dans la rue ou s'ils lui criaient qu'il fallait qu'ils essaient de

16 s'abriter. Enfin, ce n'est là qu'un seul incident parmi de très nombreux

17 incidents.

18 En général, il faut très peu de temps avant qu'une autre personne

19 n'accourt, et justement il faut éviter que cela ne se produise car alors

20 on aura d'autres victimes, et cela c'est une spirale et cela devient très

21 difficile.

22 Question: Pourquoi y aurait-il d'autres victimes si une personne accourt

23 pour venir en aide à une personne blessée?

24 Réponse: C'était une ligne délibérée de conduite. Il y avait une certaine

25 régularité: la première victime était blessée, enfin elle était blessée

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1 par balle, bien souvent la victime n'était pas tuée sur le coup à moins

2 que la balle ne l'atteigne à la tête; et puis les tireurs embusqués

3 attendaient que d'autres accourent pour essayer d'aider.

4 Evidemment, plus il y avait de personnes blessées, plus les efforts de

5 secours prenaient du temps.

6 Question: Lorsque vous dites… pour préciser, quand vous dites qu'il y

7 aurait plus de personnes blessées?

8 Réponse: Oui.

9 Question: Vous dites que les tireurs embusqués attendaient. Qu'entendez-

10 vous par là?

11 Réponse: En fait, il y avait un schéma selon lequel ils procédaient:

12 simplement le fait de vouloir… d'en finir avec les victimes qui avaient

13 été touchées mais d'attendre que les secours arrivent et puis de tirer

14 également sur ceux qui tentaient d'apporter le secours.

15 Question: Alors, plutôt que de tirer délibérément sur la première victime

16 afin de la tuer, vous voulez dire qu'on tirait délibérément pour blesser

17 la première victime, puis on attendait que les secouristes arrivent pour

18 tirer sur ces secouristes?

19 Réponse: Je pense que ce serait trop dire que de dire que les tireurs

20 embusqués tiraient délibérément pour blesser plutôt que de tuer, ce serait

21 très difficile à faire. Ils avaient déjà donc de la chance s'ils

22 arrivaient à atteindre leur cible la première fois. Mais en moyenne, vous

23 savez en général, l'impact d'une arme de petit calibre ne va pas tuer une

24 personne sur le coup, sauf si la balle touche la victime à la tête ou à un

25 organe vital. Mais bon, si on vise assez bas, en général, la personne va

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1 survivre quelque temps même si, je ne sais pas, elle est frappée à

2 l'abdomen.

3 Je dirai donc qu'il y avait un schéma de conduite qui consistait à viser

4 assez bas, et puis ne pas tirer pendant un certain temps, ne pas tirer sur

5 la victime à d'autres reprises, mais plutôt attendre qu'une autre personne

6 ou que d'autres personnes arrivent sur les lieux.

7 Question: Et puis tirer sur ces autres personnes?

8 Réponse: Oui, tirer sur ces autres personnes. Et puis, cela pouvait se

9 transformer en situation assez macabre lorsqu'on a plusieurs victimes et

10 aucun moyen de les secourir.

11 Question: Est-ce qu'il y avait d'autres indices pour que l'on puisse

12 savoir s'il s'agit d'un civil ou d'un militaire?

13 Réponse: C'était une femme -vous pouvez le voir sur la photographie-, âgée

14 de 50 à 60 ans environ. Il me semble que cette femme avait un manteau en

15 fourrure, plutôt de petite taille, aux cheveux longs, assez longs, et bien

16 maquillée.

17 Question: Oui, allez-y s'il vous plaît.

18 Réponse: On pouvait donc voir d'après son maquillage qu'il s'agissait

19 d'une dame, d'une femme âgée.

20 Question: Est-ce que vous avez pu d'ailleurs avoir une réponse qu'il

21 s'agissait d'un civil ou d'un militaire?

22 Réponse: Je dirais plutôt qu'il s'agissait d'un civil.

23 Question: Quelle était votre réaction après, une fois tombé sur une telle

24 scène?

25 Réponse: Eh bien, je tentais par exemple de mettre ma voiture en biais

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1 pour en quelque sorte servir de protection à cette femme-là.

2 Question: Pour la protéger comment, dans quel sens?

3 Réponse: Dans le sens du sud.

4 Question: Qui dit sud, c'est quoi?

5 M. Hvaal (interprétation): Oui, mais je ne me souviens plus enfin du nom

6 de cette localité, mais il y avait une colline là-bas qui s'élève -je

7 n'arrive pas vraiment à me souvenir du nom de cette localité-.

8 M. Ierace (interprétation): Pourquoi l'avez-vous donc protégée ainsi du

9 côté… à partir du côté sud? Pourquoi avez-vous procédé ainsi?

10 M. le Président (interprétation): Une fois de plus, vous êtes prié par les

11 interprètes de bien vouloir ménager de petites pauses entre questions et

12 réponses pour ne pas qu'il y ait de chevauchement des questions et

13 réponses.

14 M. Hvaal (interprétation): Pouvez-vous s'il vous plaît reformuler votre

15 question, reposer votre question?

16 M. Ierace (interprétation): Oui. Pour quelle raison avez-vous voulu

17 protéger cette personne-là et cela procédant de sorte à ce que ce soit à

18 partir sud, du côté sud?

19 M. Hvaal (interprétation): Probablement parce que j'avais présumé que

20 c'est depuis cette direction-là que les tirs ont été ouverts.

21 Question: La question est de savoir de quel côté, pour parler de la ligne

22 de confrontation, les tirs parvenaient?

23 Réponse: Eh bien, pour parler du site en question, je crois qu'on peut

24 dire qu'il s'agissait du territoire qui se trouvait sous le contrôle des

25 Serbes de Bosnie.

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1 Question: Il s'agit de savoir maintenant comment vous avez pu aboutir à

2 cette conclusion pour savoir de quel côté, par rapport à la ligne de

3 confrontation, les tirs ont été ouverts.

4 Réponse: Oui, mais peut-être, dans ce cas particulier, j'ai été trop

5 préoccupé pour aider, pour être de quelque utilité. Comme je vous l'ai

6 déjà, il s'agissait de ces deux-points d'intersection de route, ou de rue,

7 où on tirait quotidiennement. Et on tirait à partir d'un même endroit

8 pendant tout ce temps-là. Une enquête a été menée par l'ONU à ce sujet.

9 Quant à nous, nous avons pu supposer que les tirs venaient du territoire

10 qui se trouvait sous le contrôle des Serbes de Bosnie.

11 Question: Par conséquent, vous voulez dire que votre hypothèse se base sur

12 les résultats issus de cette enquête, menée par l'ONU?

13 Réponse: Oui, parce qu'il y a là quelques faits concrets qui surgissent de

14 cette enquête.

15 Question: Par exemple?

16 Réponse: Par exemple, les impacts des balles sur la voiture, ensuite sur

17 le sol, ensuite voir où se présentaient ces impacts de balle. Et sur les

18 containers à cette époque-là, qui, il me semble, à ce moment-là, étaient

19 posés. Mais, étant donné que les containers étaient évidemment vides, il

20 me semble que les containers, ces poubelles ont été transpercées par les

21 balles.

22 Il faudra, évidemment, posséder davantage de connaissances en matière de

23 balistique pour savoir de quel côté venaient les balles -si jamais on

24 osait s'en occuper à ce moment-là?

25 Question: L'avez-vous fait, avez-vous osé?

Page 2284

1 Réponse: Non, pas personnellement.

2 Question: Lorsque vous étiez de retour du site de l'incident en question,

3 pouvez-vous nous dire ce qui est arrivé au moment même où vous avez voulu

4 protéger la personne ciblée, et cela, moyennant votre voiture?

5 Réponse: D'abord, dans de telles situations, les gens crient beaucoup, il

6 y a tout un vacarme qui se crée; les gens sont plutôt là pour discuter de

7 ce qu'il convenait de faire. Chacun savait à quel point il était risqué de

8 sortir dans la rue. Les gens ne pouvaient pas tout à fait bien comprendre

9 que, qui dit véhicule blindé dit un bon moyen de protection. Par

10 conséquent, il vous faut un certain temps pour intervenir de façon

11 efficace.

12 Pour autant que je m'en souvienne, cette personne a été touchée une fois

13 de plus avant d'être évacuée en lieu sûr.

14 Question: Où étiez-vous au moment où elle a été touchée une fois de plus?

15 Réponse: Je crois que j'étais plutôt du côté ouest par rapport à la

16 personne touchée.

17 Question: Vous étiez toujours à bord de votre voiture?

18 Réponse: Il me semble que oui.

19 Question: Comment saviez-vous qu'elle était touchée une seconde fois?

20 Réponse: Il s'est agi, cette fois-ci, d'un tir direct, cette fois-ci

21 visant et atteignant la nuque de la personne.

22 Question: Est-ce que vous avez pu observer quoi que ce soit sur sa tête?

23 Réponse: Oui, on a pu observer une plaie.

24 Question: Qu'avez-vous pu voir très exactement.

25 Réponse: On a pu voir que la balle a fait sauter sa cervelle et puis, des

Page 2285

1 taches de sang en question.

2 Question: A quelle distance vous trouviez-vous approximativement, lorsque

3 cette personne a reçu une seconde balle dans la tête?

4 Réponse: Approximativement à une distance de 10 mètres.

5 Question: Dix mètres?

6 Réponse: Oui, approximativement, enfin, grosso modo parlant.

7 Question: Très bien. Et qu'avez-vous fait alors?

8 Réponse: Nous avons poursuivi évidemment ce que nous nous avions entamé de

9 faire; c'est-à-dire nous avons voulu faire en sorte que notre voiture soit

10 le plus près possible de la victime. Une autre voiture est arrivée,

11 voiture d'un civil, laquelle voiture a pu ramasser la personne ciblée. Il

12 s'agissait de gens qui étaient à bord de cette voiture, laquelle voiture

13 s'est arrêtée à ma gauche.

14 Question: Très bien.

15 Réponse: Oui, c'est comme ça que cela s'est passé.

16 Question: Cette voiture, où est-elle allée, dans quelle direction?

17 Réponse: Je crois vers l'hôpital de Kosevo.

18 Question: Est-ce que vous l'avez suivie?

19 Réponse: Oui, je l'ai suivie parce que cette voiture était exposée aux

20 même tirs lorsqu'il a fallu grimper une pente. Et il s'agit, en effet, de

21 dire qu'il s'agissait d'un trajet assez important pour grimper la pente.

22 Question: Où étiez-vous pour prendre cette photographie?

23 Réponse: La photographie a été prise à l'entrée de la morgue de l'hôpital

24 de Kosevo.

25 Question: Qui sont ces deux hommes?

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1 Réponse: Ces deux hommes, je pense... Enfin, ne serait-ce que pour dire de

2 l'un d'entre eux, il s'agissait de ces gens-là qui travaillaient là-bas.

3 Pour l'autre, je ne suis pas certain.

4 Question: Très bien. Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous rendre à

5 des cimetières, pour parler toujours de cette même période, à savoir de

6 septembre 1992 jusque en août 1994?

7 Réponse: Oui.

8 Question: A quelle fréquence vous êtes-vous rendu au cimetière, pour

9 parler toujours de cette période-là?

10 Réponse: Plusieurs fois par semaine.

11 Question: Pourquoi?

12 Réponse: C'était en effet un site où l'on pouvait prendre des

13 photographies, faire des photographies qui seraient ensuite un document

14 dramatique, qui témoignent de la ville et de la population qui y résidait

15 pour, évidemment, en garder une trace des victimes et de tout ce qui était

16 fait. Et c'était également une bonne occasion de se faire une impression,

17 de... comment dirais-je, comment m'exprimerais-je mieux?

18 Voyez-vous, lorsque je suis arrivé là-bas en juin 1992, il m'a été dit que

19 l'armée des Serbes de Bosnie bombardait sans cesse les enterrements. Je me

20 suis rendu sur les lieux pour m'en rendre compte.

21 Question: Approximativement, combien de fois avez-vous pu voir vous-même

22 ces cortèges funèbres qui ont été bombardés ainsi?

23 Réponse: Tout dépend évidemment de votre définition du bombardement.

24 Question: Il s'agit évidemment de parler d'obus qui tombent au beau milieu

25 du cortège funèbre, ou peut-être à une distance d'une cinquantaine de

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1 mètres à côté.

2 Réponse: Dire à une distance de 50 mètres, c'est probablement très près,

3 et je ne pourrais pas me trouver si près pour le voir.

4 Question: Je vais reformuler ma question. A combien d'occasions, pour

5 parler de cette période, vous avez pu voir ce que vous avez considéré

6 comme étant un cortège funèbre ciblé de façon délibérée?

7 Réponse: Je m'y suis rendu de 20 à 30 fois, enfin, pour faire une

8 estimation.

9 Question: Très bien. Je vous prie de regarder une fois de plus la

10 photographie P3625, et je vous prie de regarder cette photographie.

11 D'abord, je prie l'huissier de placer cette photographie sur le

12 rétroprojecteur: il s'agit donc de la photographie qui présente une femme

13 qui a un geste de la main comme c'était un élan avec sa hache, pour faire

14 un geste?

15 Réponse: Oui, cela est vrai, j'ai fait cette photographie.

16 Question: Quand?

17 Réponse: C'était en hiver 1992-1993.

18 Question: Pourquoi avez-vous pris cette photographie?

19 Réponse: Pour plusieurs raisons. Cette photographie montre manifestement

20 un bon nombre de tombes fraîchement creusées et cela est assez clair. Si

21 vous regardez de plus près sur l'écran, vous allez vous rendre compte du

22 fait que partout il y a les années inscrites: 1992 et 1993. Et dans le

23 fond, on peut voir un cortège donc funèbre, et ce qui est probablement le

24 plus important, c'est le niveau de désespoir que nous pouvons lire sur le

25 visage de cette femme-là qui se voit obligée de prendre une hache pour

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1 couper un arbre pour avoir de quoi se chauffer.

2 Question: Est-ce qu'il s'est passé quelque chose de très précis au moment

3 où vous avez pris cette photographie?

4 Réponse: Un obus de mortier est tombé, a atterri non loin de là.

5 Question: Où?

6 Réponse: Justement, au beau milieu, entre cette femme-là et le cortège

7 funèbre.

8 Question: A quelle distance à peu près cet obus de mortier a-t-il atterri

9 par rapport au cortège funèbre?

10 Réponse: A peu près à mi-chemin entre les deux, entre la femme et le

11 cortège, c'est-à-dire 75 mètres peut-être, à une distance de 75 mètres

12 peut-être.

13 Question: Après la chute de cet obus de mortier, est-ce qu'il y a quelque

14 chose de pareil qui s'était produit?

15 Réponse: Je pense que le cortège funèbre s'est dispersé, les gens se sont

16 mis à chercher un refuge, et je suis certain qu'un autre obus a atterri

17 entre-temps, un peu plus loin, un peu plus loin, plutôt en bas par rapport

18 au cimetière.

19 Question: Pourquoi y a-t-il eu une raison apparente pour expliquer le fait

20 que ce cortège a été la cible? Ou autrement dit, pourquoi l'autre obus a-

21 t-il atterri un peu plus haut devant ou en bas plutôt?

22 Réponse: On peut supposer que s'ils essayaient de cibler et de toucher le

23 cortège funèbre, alors on devrait procéder suivant la technique suivante:

24 on commence d'abord par un tir court pour ensuite envoyer, lancer un

25 second obus.

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1 Question: D'après vous, est-ce que vous savez combien d'obus ont atterri

2 ainsi?

3 Réponse: Au moins deux.

4 Question: Très bien.

5 Réponse: Je ne sais plus d'ailleurs pendant combien de temps je suis resté

6 dans les parages. Ce n'était pas vraiment très agréable, croyez-moi. Mais

7 je me souviens que cette femme-là n'a pas quitté les lieux, elle était

8 restée sur place, sans même chercher un refuge.

9 Question: Est-ce que vous avez entrepris quelque chose en sa faveur?

10 Réponse: Je lui ai dit qu'elle devait se mettre à l'abri.

11 Question: Est-ce qu'elle vous a répondu? A-t-elle réagi?

12 Réponse: Je suppose qu'elle a dû lancer un juron en direction, à partir de

13 laquelle direction venaient ces obus.

14 Question: Etait-ce envoyé à des gens ou à une localité, ou à un site?

15 Réponse: Ecoutez, elle a proféré quelques mots. Vous permettez de dire que

16 ma connaissance de la langue est très mauvaise pour dire qu'elle était

17 très, très insatisfaite de tout cela, de voir tirer sur elle et sur le

18 reste.

19 Question: Très bien. Donc elle n'a pas cherché refuge. Qu'est-ce qu'elle a

20 fait?

21 Réponse: Elle a continué à couper du bois.

22 Question: Vous nous avez dit que vous avez observé le bombardement de ce

23 cortège funèbre et cela, vous précisiez que cela se passait à plusieurs

24 reprises pendant cette période, pendant que vous étiez là-bas.

25 Vous-même, vous êtes-vous trouvé dans une situation de danger immédiat,

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1 imminent, pour parler de ces différentes occasions? Est-ce que peut-être

2 vous étiez ciblé, ou dans un danger, exposé à un danger beaucoup plus

3 important qu'à cette occasion-là?

4 Réponse: Oui, je pense que oui parce qu'il arrivait de voir les obus

5 atterrir beaucoup plus près par rapport à cette occasion-là.

6 Pour parler, par exemple, de ce cimetière surnommé "Lion", évidemment,

7 nous n'osions plus nous y rendre, enfin, nous évitions de nous y rendre.

8 Et cela, pour des raisons que je viens d'évoquer. Il y avait évidemment

9 plus d'une raison pour faire ainsi, mais voyez-vous, pour rapporter à

10 partir de cimetière, pour nous autres spécialistes, c'était toujours

11 quelque chose de parfaitement dangereux.

12 Question: Mais vous avez pu noter également que les enterrements ont eu

13 lieu également la nuit, et non pas le jour?

14 Réponse: Oui.

15 Question: Plutôt que de jour?

16 Réponse: Oui, il me semble que c'était presque de règle jusqu'à la fin

17 1993. Ce n'est que le cas échéant ou à de rares occasions, que les

18 enterrements avaient lieu également le jour.

19 Question: Je vous prie, maintenant, de revenir à la photographie.

20 Cette fois-ci, je vous prie de prendre la photographie qui porte la cote

21 pour parler des derniers chiffres: 5592, enfin, numérotation ERN. A quelle

22 moment avez-vous pris cette photographie?

23 Réponse: Ceci devrait être en 1993.

24 Question: Et qu'est-ce qu'elle représente cette photographie? Autrement

25 dit, ces gens-là, qu'est-ce qu'ils ont fait là-bas?

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1 Réponse: C'est très simple, il s'agit des gens qui sont à la recherche

2 d'un refuge, parce que ciblés par un sniper. J'ai pu voir dans le fond

3 même de la photographie -on peut le voir-, pas mal de véhicules; il y a

4 une espèce de camionnette remontée de quelque chose de bleu et de blanc.

5 Question: De quel véhicule il s'agit?

6 Réponse: Ce véhicule a été souvent utilisé en tant qu'ambulance.

7 Question: Est-ce que vous vous rappelez la marque? Est-ce que vous

8 reconnaissez la marque de cette voiture?

9 Réponse: Eh bien, pour parler de cette voiture-là, probablement il s'agit

10 d'une voiture, d'une marque de voiture de production nationale "Yugo

11 Zastava".

12 Question: Vous avez dit qu'il s'agissait d'une ambulance. Je voulais vous

13 demander ce qui se trouvait sur le toit de la cabine, si vous voulez bien

14 me le préciser?

15 Réponse: Je pense que c'était une lumière bleue, je ne suis pas totalement

16 sûr.

17 Question: Au moment où l'ambulance transportait les patients, est-ce que

18 vous avez pu voir la lumière?

19 Réponse: Non, en général non, il s'agissait plutôt du fait qu'on avait

20 utilisé tous les véhicules pour ambulance, parce que, si jamais il y avait

21 un incident, à ce moment-là, il y avait le premier véhicule qui avait été

22 utilisé. Il n'y avait pas de moyen de communication, on ne pouvait pas

23 appeler l'ambulance ou les premiers secours, ce n'était pas possible.

24 C'est la raison pour laquelle on utilisait n'importe quel véhicule.

25 Le fait même que vous voyiez ce véhicule, c'est tout simplement que l'on

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1 savait très bien qu'il y avait des tirs embusqués. C'est la raison pour

2 laquelle, si jamais il y avait quelqu'un qui avait été touché, à ce

3 moment-là, on le transportait dans ce véhicule.

4 Question: Et, au cours de cette période, septembre 1992-août 1994, est-ce

5 que vous avez également pu remarquer que l'on avait touché de tel type de

6 véhicules?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Est-ce que c'était rare ou bien c'était fréquent?

9 Réponse: C'est difficile de vous donner une réponse avec précision, mais

10 on pouvait ouvrir le feu à n'importe quel moment et sur n'importe quel

11 véhicule. Les véhicules ont été exposés au feu, indépendamment qu'il

12 s'agisse d'un véhicule qui portait un insigne ou non.

13 Par exemple, cela pouvait également être le cas, que ce soit une

14 ambulance, qu'elle ait un drapeau de la Croix rouge, mais ce n'est pas

15 pour ça que le comportement changeait.

16 Question: Maintenant, si vous voulez bien montrer la photographie qui

17 porte la cote 5593? Quand est-ce que vous avez pris cette photographie?

18 Réponse: En 1993. Peut-être un peu plus tard. En automne… non, c'était

19 plutôt septembre, excusez-moi, c'était en automne 1993.

20 Question: Et où est-ce que vous avez fait cette photographie?

21 Réponse: A l'hôpital français.

22 Question: Et quelles étaient les liaisons dont il s'agissait?

23 Réponse: La personne était dans le coma et avait présenté plusieurs

24 blessures d'éclats d'obus.

25 Question: La photographie montre une jeune fille couchée sur le lit -c'est

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1 pour le compte rendu- et à côté, elle a une poupée qu'on peut distinguer

2 sur la photographie, à côté de sa main. Et ensuite, elle a une perfusion.

3 Est-ce que vous avez éventuellement appris de quoi elle avait souffert?

4 Réponse: Oui.

5 Question: Et qu'est-ce que vous avez appris?

6 Réponse: On m'avait dit que c'était un éclat d'obus qui l'avait touchée.

7 Question: Est-ce que, à cette époque là également, vous avez pu voir

8 d'autres victimes?

9 Réponse: Je pense qu'elle était accompagnée de sa mère et puis, il y avait

10 encore une autre femme qui était avec eux, en compagnie. Je pense que sa

11 mère avait été tuée. Il n'est pas impossible également que l'autre femme

12 avait été tuée.

13 Question: Est-ce que vous avez constaté également où elle se trouvait au

14 moment où il y avait ces obus qui sont tombés, les éclats qui l'ont

15 blessée?

16 Réponse: Je pense qu'elles étaient dans le quartier qu'on appelle Novo

17 Sarajevo. Je ne suis pas sûr parce que moi je n'étais pas sur place au

18 moment où l'obus est tombé.

19 Question: Est-ce que vous avez appris son nom?

20 Réponse: Elle s'appelait Irma Hadzimuratovic.

21 Question: Eh bien, étant donné cette photographie que vous avez prise,

22 est-ce que cette photographie a attiré l'attention de l'opinion publique

23 internationale?

24 Réponse: Oui.

25 M. Ierace (interprétation): Est-ce que c'était parce que vous-même aviez

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1 rapporté que les médecins vous avaient dit qu'il était indispensable de la

2 soigner de très près, sinon elle allait mourir?

3 M. Hvaal (interprétation): Oui, effectivement, les médecins nous ont dit

4 qu'ils ne pouvaient rien faire, qu'ils essayaient de la garder en vie

5 encore pendant un certain temps, et qu'elle pourrait être également sauvée

6 parce qu'il y avait des ressources importantes dont elle utilisait, et le

7 médecin nous a parlé…

8 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin?

9 M. Piletta-Zanin: J'ai l'impression que nous avons là un parfait exemple

10 de "leading question", et je ne crois pas avoir entendu le témoin parler –

11 mais je revérifie- que les médecins aient indiqué cela, avant même

12 qu'assez habilement M. Ierace le lui suggérât.

13 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, il est vrai que j'ai

14 guidé le témoin, cela a été intentionnel et pour des raisons que j'ai

15 expliquées précédemment. Mais d'après mon expérience, normalement, il ne

16 faudrait pas contester quoi ce se soit sur ce plan-là.

17 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, cette fois-ci, il y a une

18 objection qui a été soulevée par la défense, c'est la raison pour laquelle

19 je vous demande de reformuler la question.

20 M. Ierace (interprétation): Est-ce que le médecin de la fille vous a dit

21 quelque chose au sujet de son avenir et du diagnostic?

22 M. Hvaal (interprétation): Oui. Le médecin nous a convoqués. Il nous a

23 demandé d'abord de voir la jeune fille. On nous a dit, pour ce qui

24 concerne le diagnostic, dans de telles conditions -il n'y avait pas

25 d'électricité, pas d'eau, pas de chauffage, avec un minimum également

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1 d'appareils dont il disposait- qu'elle allait mourir en très peu de temps.

2 Nous avons été informés également du fait qu'il y avait beaucoup d'enfants

3 qui vivaient dans les mêmes conditions dans les hôpitaux de Sarajevo.

4 C'est la raison pour laquelle les médecins et le personnel médical avaient

5 fait appel à nous pour nous demander d'informer l'opinion publique

6 internationale sur ce qui se passait, pour attirer l'attention de

7 l'opinion publique internationale sur la situation en question.

8 Question: Est-ce que vous avez procédé de la manière?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Est-ce que vous fait un reportage sur la jeune fille dans les

11 conditions dans lesquelles elle se trouvait?

12 Réponse: Oui, nous avons fait un reportage sur la jeune fille, et cette

13 photographie ou bien une autre qui était à peu près la même, nous l'avons

14 envoyée.

15 Question: Est-ce que, par la suite, elle avait été transportée en Grande-

16 Bretagne pour y être traitée?

17 Réponse: Elle a été évacuée en Grande-Bretagne, et ceci a en quelque sorte

18 encouragé les Nations Unies pour organiser l'évacuation des enfants, d'un

19 grand nombre d'enfants de Sarajevo. Ceci a eu lieu quelques jours après la

20 publication de reportages. C'était la nouvelle numéro un.

21 Question: Est-ce qu'elle a survécu?

22 Réponse: Non, malheureusement non.

23 Question: Maintenant, je vais vous poser quelques questions au sujet de

24 l'hôpital de Kosevo. Où est-ce que vous avez habité pendant cette période

25 qui s'est écoulée du mois de septembre 1992 jusqu'en août 1994?

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1 Réponse: Moi-même, j'ai habité un motel Belvédère qui se trouve dans la

2 rue Visnjik. Vers la fin de 1993, j'ai obtenu un appartement un peu plus

3 haut dans cette même rue, au n°24.

4 Question: L'hôtel Belvédère, le motel Belvédère, dont vous avez parlé, se

5 trouvait à quelle distance par rapport à l'hôpital Kosevo, enfin la partie

6 la plus proche?

7 Réponse: 100 mètres à peu près.

8 Question: Vous nous avez dit précédemment lors de votre déposition, que

9 modus operandi, pour vous, était de vous rendre à l'hôpital dès que vous

10 aviez entendu les sirènes, parce que vous saviez qu'il y avait des blessés

11 qui allaient y être transportés. Est-ce que vous vous souvenez de ce que

12 vous avez dit?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Est-ce que vous avez pu vous-même l'entendre de l'endroit où

15 vous étiez, pendant que vous étiez au motel Belvédère?

16 Réponse: Oui, effectivement, nous avons également eu des bureaux au motel

17 Belvédère, et en général on y restait: quelqu'un de l'Associated Press y

18 restait 24 heures sur 24.

19 Question: Est-ce que vous pu entendre également les bruits de sirènes même

20 au moment où vous avez déménagé?

21 Réponse: Oui, mais personnellement, j'y étais uniquement pendant quelques

22 heures au cours de la nuit.

23 Question: Entendu.

24 Et, au moment où vous avez entendu les sirènes, ou bien, je ne sais pas,

25 d'autres formes de bruit qui signalaient qu'il y avait donc quelque chose

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1 qui se passait, est-ce que vous arriviez en même temps que les blessés à

2 l'hôpital?

3 Réponse: Oui, c'était fréquemment le cas.

4 Question: Et, dans de telles circonstances, pourrions-nous dire que vous

5 avez remarqué qu'il y avait des tirs dans les secteurs qui étaient à

6 proximité de celui où vous étiez?

7 Réponse: Oui, à quelques reprises, et je dirais même fréquemment il y

8 avait des tirs qui étaient dirigés du côté de l'hôpital. Et ce feu

9 également prenait de l'intensité avec le niveau d'activité.

10 Question: De quel type d'activité parlez-vous?

11 Réponse: A partir du moment où les véhicules commençaient à circuler,

12 automatiquement il y avait le feu qui était ouvert.

13 Question: De quel type de feu parlez-vous?

14 Réponse: L'hôpital, dans ce cas-là, aurait été... moi, j'ai vu en personne

15 les projectiles tirés des mortiers et des tirs, des balles d'obusier. J'ai

16 même pu voir qu'un obus de 150 millimètres était tombé à côté de

17 l'hôpital. Je pense qu'on avait tiré des chars également.

18 Question: Est-ce que vous avez vu des victimes, est-ce qu'il y avait des

19 personnes qui ont été blessées, touchées par ces balles; qu'il s'agisse de

20 pilonnage ou des armes d'infanterie?

21 Réponse: Oui, à quelques reprises j'ai eu l'occasion de me rendre compte.

22 Il y avait un incident, il y en avait plusieurs bien évidemment quand les

23 patients, quand le personnel de l'hôpital étaient exposés aux tirs, et

24 même étaient blessés.

25 Je me souviens de quelques incidents de tel type. J'ai vu au moins une

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1 seule personne qui était sur place au moment où le bâtiment avait été

2 touché. Je pense qu'il s'agissait d'un projectile de grand calibre de

3 l'obusier. Il y avait des infirmières, peut-être même un médecin. Mais je

4 me souviens que c'était quelqu'un qui était du personnel médical.

5 Question: Mais pour être au clair, est-ce que vous étiez présent quand

6 quelqu'un avait été touché?

7 Réponse: Moi, j'ai vu l'hôpital qui a subi un impact mais pas les

8 personnes qui avaient été blessées. Moi, je n'étais pas au même endroit,

9 il y en avait qui étaient un peu plus hauts que moi. Mais on a vu que

10 quelques corps gisaient.

11 Question: Et c'était quand, s'il vous plaît?

12 Réponse: C'était en hiver 1993, 1994, je pense.

13 Question: Est-ce que vous avez vu ou entendu, à un moment donné ou à un

14 autre, que l'on ouvrait le feu à proximité de l'hôpital de Kosevo?

15 Réponse: Non. C'est difficile que de déterminer la localité quand il

16 s'agit des armes d'infanterie, mais il n'y avait pas d'armes de grand

17 calibre.

18 Question: Est-ce que vous avez entendu ou est-ce que vous avez vu

19 l'ouverture du feu tiré de mortier? Et ceci, à partir donc du terrain où

20 se trouvait l'hôpital ou à proximité?

21 Réponse: Je ne sais pas exactement.

22 Question: Quelle était la position la plus proche de l'hôpital de Kosevo

23 où vous avez vu, où vous avez entendu qu'il s'agissait des tirs de

24 mortier, où vous avez cru qu'il s'agissait de tirs de mortier?

25 Réponse: A 100 mètres au moins.

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1 Question: Et à combien de reprises?

2 Réponse: Vous avez dit "entendu ou vu"?

3 Question: Oui.

4 Réponse: Je pense une dizaine de fois, mais je ne suis pas véritablement

5 sûr à cent pour cent. Je parle "d'entendre" et pas "de voir". Mais, en

6 général, il s'agissait des unités qui se déplaçaient, n'avaient pas des

7 positions véritablement qui étaient sur place en permanence.

8 Question: Est-ce que vous pouvez nous dire ce que ça veut dire "mobiles"?

9 Réponse: Mais c'étaient des mortiers, des mortiers mobiles.

10 Question: Qu'est-ce qu'on faisait?

11 Réponse: Il y avait, par exemple, le mortier qu'on sortait d'un véhicule,

12 et puis on tirait, et puis on le faisait rentrer dans le véhicule.

13 Question: Mais, d'après vous, est-ce que, pour ce qui concerne le calibre,

14 vous avez pu également savoir d'où l'on tirait, enfin?

15 Réponse: Cela dépend. Si, par exemple, vous pouvez entendre fréquemment le

16 même type de bruit, à ce moment-là vous pouvez le deviner.

17 Question: Est-ce que vous avez constaté qu'il s'agissait des mortiers du

18 même calibre?

19 Réponse: Non. Non, pas de même calibre.

20 Question: Est-ce que vous avez pu voir que l'on ouvrait le feu à partir du

21 mortier?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Est-ce qu'il s'agissait de quelque chose qui était normal? Est-

24 ce que l'on se comportait toujours comme ça, ou bien, vous avez déjà su

25 que c'était quelque chose qui était à peu près typique et que ça allait se

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1 dérouler de cette manière-là?

2 Réponse: Cela s'est passé en général la nuit, et comme je l'ai déjà

3 précisé, il y avait un véhicule qui arrivait. En général, c'est sur le

4 véhicule qu'il y avait un mortier, on tirait quelques projectiles en très

5 peu de temps. Ensuite, on le faisait remonter dans le véhicule et on

6 partait.

7 Question: Eh bien, au moment où vous l'avez remarqué, est-ce que vous avez

8 également pu observer que les gens qui procédaient de cette manière-là

9 étaient vêtus en uniforme?

10 Réponse: Oui, d'habitude.

11 Question: Quel type d'uniforme?

12 Réponse: Cela dépend à quel moment cela se passait, mais en général

13 c'étaient des uniformes de camouflage qu'ils portaient. Il y avait des

14 uniformes différents.

15 M. Ierace (interprétation): Est-ce que vous avez entendu dire qu'on

16 ouvrait le feu en utilisant les mortiers à côté de l'hôpital et du terrain

17 de l'hôpital?

18 M. Hvaal (interprétation): Non.

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace, je pense que nous nous

20 approchons de l'heure pour suspendre l'audience.

21 M. Ierace (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

22 Monsieur le Témoin, est-ce que vous avez, vous, entendu également des tirs

23 d'armes légères en dehors de l'hôpital?

24 M. Hvaal (interprétation): Non.

25 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, je vais éventuellement

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1 avoir besoin d'une quinzaine de minutes avec ce témoin.

2 M. le Président (interprétation): D'accord: 15 minutes.

3 Merci à tout le monde. Nous allons poursuivre nos travaux demain.

4 M. Piletta-Zanin: Je souhaiterais prendre la parole pour simplement

5 indiquer ce que j'ai déjà dit au Greffe. Malheureusement je suis retenu

6 par une séance d'arbitrage demain et lundi, que je ne pourrai pas assister

7 aux deux audiences. Je le dis pour que cette Chambre puisse bien

8 évidemment s'organiser. Je le regrette infiniment mais il ne m'est pas

9 possible de faire autrement. Merci.

10 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, je comprends

11 parfaitement que vous ayez d'autres obligations.

12 Ce que je tiens à préciser également c'est qu'il y avait une objection que

13 vous avez soulevée tout à l'heure, et compte tenu du fait que nous avons

14 une certaine procédure que nous respectons au sujet des questions

15 directrices, si vous avez une objection à faire, il vaut mieux le faire

16 automatiquement parce que nous économisons du temps.

17 C'est mieux, c'est bénéfique étant donné que le témoin dans ce cas-là n'a

18 pas encore donné la réponse. Il faut donc le faire avant.

19 M. Piletta-Zanin: Afin qu'on ne perde pas de temps, le témoin n'a pas dit

20 plus haut quelque chose qui se réfère à ce qu'il vient de dire. Cela prend

21 un peu de temps. Evidemment, comme le rythme a été rapide, cela peut poser

22 un problème. Je m'en excuse.

23 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Piletta-Zanin.

24 Nous allons suspendre. A demain, 9 heures.

25 (L'audience est levée à 13 heures 50.)