Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 03 avril 2002.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 04.)

4 (Questions relatives à la procédure.)

5 M. le Président (interprétation): Bonjour. Veuillez annoncer l'affaire.

6 Mme Philpott (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Il s'agit de

7 l'affaire IT-98-29-T, le Procureur contre Stanislav Galic.

8 M. le Président (interprétation): Merci, Madame la Greffière.

9 Avant que l'accusation fasse entrer son prochain témoin, nous devons

10 d'abord décider de l'admissibilité des éléments de preuve offerts hier

11 pour versement au dossier lors de la déposition de M. Harding. Mais avant

12 de le faire, j'ai une autre question à poser.

13 En février, la principale objection soulevée par le conseil de la défense

14 consistait à dire que trois documents, outre les photographies, étaient si

15 tardivement communiqués que le conseil de la défense n'est pas en mesure

16 d'accepter une communication si tardive, ceci leur rendant impossible de

17 se préparer pour le contre-interrogatoire. Cela n'est pas sans soulever

18 une autre question, la question de la traduction. Entre-temps, s'est-on

19 occupé de la traduction de ces documents, de ces éléments de preuve

20 auxquels nous nous référons, et quand? Si oui, quand?

21 M. Waespi (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Deux ou trois

22 jours après avoir été communiqués dans leurs originaux en anglais, ceci a

23 été fait.

24 (Signe approbatif de la tête de Mme Pilipovic)

25 M. le Président (interprétation): Je vois l'acquiescement, le signe

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1 approbatif de la tête de Me Pilipovic.

2 Comme nous venons de le dire, la principale raison, pour parler de ces

3 documents-là communiqués en février, c'est que ceux-ci ne devraient pas

4 être versés au dossier, étant donné le manque de temps pour le conseil de

5 la défense pour se préparer au contre-interrogatoire, entre autres, ces

6 documents n'ayant pas été traduits.

7 Il a été indiqué aussi, à ce stade-là, que tout ceci devrait permettre

8 quelques modifications. Evidemment, si jamais on a le temps de se préparer

9 pour le contre-interrogatoire, on pourrait une fois encore appeler à la

10 barre le témoin en question. Mais voilà qu'approximativement cinq semaines

11 viennent de s'écouler et pratiquement, il n'est pas possible aux conseils

12 de la défense de procéder au contre-interrogatoire. Par conséquent, la

13 Chambre considère que ceci suffit. Donc les documents seront admis et

14 versés au dossier.

15 Madame la Greffière, nous avons eu trois documents. Voulez-vous, s'il vous

16 plaît, nous répéter les numéros?

17 Mme Philpott (interprétation): Il s'agit de P3661, P3660 et P3669.

18 M. le Président (interprétation): Merci. Ces éléments de preuves ont été

19 versés au dossier. Hier, il n'y a pas eu d'objection soulevée par le

20 conseil de la défense au sujet des photographies; ceci n'était pas le cas

21 en février non plus, il me semble. Et je vois bien qu'il s'agit de

22 photocopies en couleur, lesquels éléments de preuve sont à la disposition

23 de toutes les parties. Par conséquent, je propose que la version couleur

24 de ces photographies, en effet, de la pièce à conviction P3662, soit

25 versée au dossier, Madame la Greffière; cette carte qui a été marquée,

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1 annotée par le témoin.

2 Mme Philpott (interprétation): Pour parler de la carte annotée par le

3 témoin, il s'agit de la pièce à conviction 3644.CH.

4 M. le Président (interprétation): Versée au dossier.

5 Mme Philpott (interprétation): Il s'agit de la carte offerte par le

6 conseil de la défense, D53.

7 M. le Président (interprétation): Celle-ci étant versée au dossier.

8 Etant donné, Monsieur Waespi, que nous nous sommes occupés de ces éléments

9 de preuve, je crois que c'est à vous, Monsieur Mundis, de procéder à

10 l'interrogatoire principal du témoin.

11 M. Piletta-Zanin: Je crois que, quand le témoin entrera dans ce prétoire,

12 la défense entend soulever à nouveau un problème relatif aux pièces qui

13 nous ont été produites.

14 La raison pour laquelle nous nous étions opposés, Monsieur le Président,

15 aux trois pièces que vous venez d'admettre est celle d'un principe. La

16 défense entend -comme d'autres, sans doute- que les règles de procédure

17 notamment soient parfaitement respectées.

18 Nous allons entendre tout à l'heure un témoin extrêmement important,

19 puisqu'il s'agit d'un responsable de la brigade des hommes du feu, et qui

20 pourra apporter témoignage sur, je pense, la période considérée pendant la

21 guerre.

22 Monsieur le Président, nous avons reçu vraisemblablement hier des

23 documents qui représentent, sous forme de "tirés à part" informatiques, le

24 nombre d'interventions qui auraient été effectuées par cette brigade à

25 Sarajevo. Je montre cela parce qu'il s'agit d'une page. Mais nous avons

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1 plusieurs dizaines de pages dans ce format, reçues il y a quelques jours

2 seulement -quelques heures, devrais-je dire- de la part de l'accusation.

3 Lorsque je vois ces pièces, Monsieur le Président, je constate plusieurs

4 choses. Il y a, sur une seule page, quelques centaines d'informations.

5 Nous en avons reçu quelque chose comme cette épaisseur, c'est-à-dire que

6 nous avons plusieurs milliers d'informations. Sur certains de ces

7 documents se posent pas moins de 436 problèmes de traduction. L'accusation

8 a réussi, cette fois, le tour de force de faire d'un document, qui est un

9 document écrit, un document sur un point, en tout cas, comparable à un

10 document anépigraphe. Anépigraphe, pour la traduction. Par conséquent,

11 Monsieur le Président, outre ces 436 occurrences de problèmes liées à la

12 traduction, il n'a simplement pas été possible à la défense d'examiner

13 tous ces documents dans les quelques heures de libres que nous avons eues

14 après les vacances pascales.

15 Ce que je veux dire également, c'est que ce qu'une défense qui aurait été

16 organisée aurait pu faire, c'est comparer chacune de ces informations avec

17 la carte des objectifs militaires légaux que nous sommes en train…

18 licites, que nous sommes en train d'établir, et pouvoir contre-examiner ce

19 témoin pour lui dire, par exemple: "Dans telle école, n'y avait-il pas, en

20 réalité, une caserne de telle brigade? Et tel entrepôt n'était-il pas en

21 réalité l'entrepôt où se trouvaient des camions destinés à l'armée?" Etc.,

22 etc., etc.

23 Je ne sais pas quelle défense au monde pourrait, en quelques heures, faire

24 ce travail. Personnellement, je suis votre humble serviteur mais je ne le

25 peux pas, je ne le peux pas. Et si cette justice internationale réclame

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1 cela de la défense, alors je pose mon casque et je m'assieds car je n'ai

2 plus rien à ajouter.

3 M. le Président (interprétation): Monsieur Mundis, voulez-vous, s'il vous

4 plaît, répondre?

5 M. Mundis (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

6 Les documents sur disque dur ont été communiqués aux conseils de la

7 défense en cédérom le 26 novembre 2001. Le 2 janvier de cette année-ci,

8 nous avons informé par écrit le conseil de la défense que ces documents se

9 retrouvant sur ce disque dur et cédérom devraient certainement être versés

10 au dossier par le truchement du témoin cité à la barre, cette fois-ci. Et

11 nous nous sommes occupés de l'impression de ces documents; il s'agit de

12 ces documents-là auxquels a fait référence Me Piletta-Zanin lorsqu'il a

13 pris la parole hier, mais je lui rappelle qu'il les avait en cédérom

14 depuis le 26 novembre dernier. Mon assistant juridique qui s'occupe de la

15 matière m'a dit que c'est le 28 mars dernier que l'impression de ces

16 documents a été achevée, par conséquent avant Pâques, pour être mis à la

17 disposition des conseils de la défense.

18 M. le Président (interprétation): Je vous prie de me donner un exemple. A

19 titre d'exemple, de quoi parlez-vous?

20 S'il s'agit d'un bottin, pour parler d'élément de preuve -ce n'est pas que

21 nous allons maintenant nous mettre à confirmer, à vérifier chaque numéro

22 du bottin-, c'est-à-dire que tout simplement, on se servira de tel ou tel

23 listing pour dire que telle ou telle personne a été mise sur la liste du

24 bottin.

25 Peut-être que pour mieux comprendre le problème de la défense, vous

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1 pourriez nous présenter comment vous avez communiqué ce matériel?

2 M. Mundis (interprétation): Monsieur le Président, la question a été très

3 bien soulevée hier. Lorsque nous avons eu à parler avec le témoin, nous

4 avons dit que nous ne nous préparions pas à verser au dossier ces éléments

5 de preuve. Mais tout ce dossier a été remis au conseil de la défense, de

6 sorte que celui-ci puisse s'en servir comme bon lui semblerait.

7 De quoi s'agit-il, pour parler de ce dossier concernant la brigade de

8 sapeurs-pompiers? Il s'agit d'un jeu de procès-verbaux de la brigade de

9 sapeurs-pompiers, ce dont témoignera le témoin cité à la barre. Il s'agira

10 de parler des adresses auxquelles ils étaient envoyés, de dire de quelles

11 interventions il s'agissait, qui devaient être les leurs, de quel type

12 d'incendie il s'agissait qu'il a fallu maîtriser, etc.

13 Voilà. Il s'agit d'une série de données statistiques que l'on retrouve

14 dans ces documents-là. On dit par exemple, s'il s'agissait d'un incendie:

15 par inadvertance, il y a eu un court-circuit sur telle ou telle

16 installation électrique, etc. pour savoir quelle était la cause de

17 l'incendie.

18 Toutes ces données sont donc ainsi réunies, à la base des rapports des

19 sapeurs-pompiers, pour servir ensuite de procès-verbaux à résumer traitant

20 de toutes ces différentes interventions faites par la brigade des sapeurs-

21 pompiers au cours de l'année en cours, ceci étant communiqué sous forme

22 d'un cédérom aux conseils de la défense, évidemment pour la période

23 couverte par l'Acte d'accusation, le tout étant fragmenté par année.

24 Ainsi avons-nous des données statistiques concernant l'année 1992. Mais

25 pour parler de la date qui les intéresse, eux, conseils de la défense, je

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1 crois qu'ils en disposent. Bien.

2 Tous ces éléments de preuve, ainsi sous forme de cédérom, leur ont été

3 remis également par écrit. L'accusation ne se propose pas d'offrir pour

4 versement au dossier tous ces éléments de preuve; ceci pourrait être

5 pertinent pour le conseil de la défense en vue d'un contre-interrogatoire.

6 Peut-être que la Chambre considérera que ceci pourrait être intéressant.

7 M. le Président (interprétation): M. Piletta-Zanin, à vous.

8 M. Piletta-Zanin: Par rapport au cédérom, j'ai écrit personnellement à

9 l'accusation, au Procureur pour lui indiquer que, du fait de certains

10 problèmes que votre Chambre a également pu rencontrer, le système n'était

11 pas fiable et que la défense ne pouvait pas s'y rapporter. L'accusation,

12 je crois, sur le principe, a admis cela. En ce qui concerne les disques,

13 c'est une chose dont il faut grandement se méfier.

14 L'autre chose, Monsieur le Président, c'est que cette défense,

15 particulièrement votre serviteur, a travaillé jusqu'à potron-minet, pour

16 utiliser une expression française, pour examiner tous ces documents qui

17 portent, Monsieur le Président, sur la première page, le timbre

18 caractéristique des pièces qui vont être versées par l'accusation à cette

19 cause. Nous avons cherché à extraire le plus d'informations possible. Nous

20 avons passé un temps considérable sur ces documents et l'on me dit

21 aujourd'hui, tout à fait innocemment: "cela n'est pas important parce que

22 voilà que nous venons de décider que nous n'allons pas produire cela comme

23 preuve".

24 Monsieur le Président, je ne sais pas si l'on peut accepter cela, je ne

25 sais pas si l'on peut donner des éléments à une défense en sachant que

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1 cette défense va travailler vraisemblablement toute la nuit -ce que j'ai

2 fait- sur ces documents et, le matin, frais et dispos, venir dire: "Cela

3 n'est pas important. Vous vous êtes épuisés à préparer votre défense, mais

4 nous ne le donnerons pas malgré les timbres".

5 Personnellement, comme avocat du général Galic, je ne peux pas le tolérer.

6 Mais ce n'est pas à moi de décider.

7 (Les Juges se concertent sur le siège.)

8 M. le Président (interprétation): A ce stade-là, en ce moment-ci, la

9 décision ne sera pas prise, relative à ces documents.

10 Peut-être pourrais-je faire une remarque d'ordre général? Si une partie

11 considère qu'elle ne se servira pas des éléments de preuve pour en

12 demander leur versement au dossier, s'il s'agit évidemment d'un document

13 volumineux -et il me semble qu'il s'agit bien d'un tel document-là dont on

14 parle-, c'est-à-dire si une partie change d'avis pour ce qui est du

15 versement au dossier de l'élément de preuve, eh bien, cette partie devrait

16 en informer l'autre partie.

17 Et puis, il y a un autre point: si, par exemple -toujours en parlant de ce

18 document-là-, la Chambre d'instance ne l'a pas vu, quant à elle, pour en

19 connaître les détails, et si jamais il y a eu un malentendu entre les

20 parties, ne serait-ce que pour illustrer la situation parlant de ce bottin

21 de tout à l'heure, si l'accusation veut offrir pour versement au dossier

22 un bottin pour dire que telle ou telle personne figure dans le bottin,

23 alors c'est de la déclaration faite préalablement qu'il devra être clair

24 que ce sera la façon dont il faut procéder pour utiliser un bottin.

25 Par conséquent, la partie qui souhaite demander le versement au dossier

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1 d'un bottin doit procéder comme suit: il ne s'agit pas de savoir comment

2 se présente le listing exhaustif de toutes les personnes qui ont été dans

3 le bottin, parce que ceci demande une approche tout à fait différente pour

4 étudier le document en question.

5 Voilà comment je voudrais un petit peu encourager les deux parties pour

6 rendre possible à l'une et l'autre de se préparer convenablement à

7 "l'examination", c'est-à-dire au contre-interrogatoire et à

8 l'interrogatoire sans perte de temps, notamment lorsqu'il s'agit de listes

9 d'éléments de preuve fort longues ou de documents similaires.

10 Il se peut que l'une des parties se trouve évidemment concentrée sur une

11 question, un thème tout à fait différent, et que ceci présente quelques

12 différences par rapport à l'autre partie, pour parler de la façon dont

13 l'autre partie procédera pour exploiter le document. Avec cela,

14 évidemment, la partie qui devra être chargée de la présentation d'éléments

15 de preuve, devrait procéder toujours de la même façon pour voir quels sont

16 ses moyens à elle.

17 Ayant en vue toutes ces directives, Monsieur Mundis, je vous prie de

18 procéder en faisant entrer d'abord votre prochain témoin.

19 M. Mundis (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

20 L'accusation cite à la barre M. Jusufovic.

21 M. Piletta-Zanin: Je profite que la défense retient… Comme elle s'est

22 épuisée dans cette stratégie de chasse à courre, elle retient qu'elle n'a

23 pas eu le temps nécessaire à la préparation de ce témoin et elle tient à

24 l'indiquer clairement pour le transcript. Merci.

25 M. le Président (interprétation): Nous prendrons acte de votre

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1 observation, Maître Piletta-Zanin.

2 (Le témoin, Mesud Jusufovic, est introduit dans le prétoire.)

3 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur. M'entendez-vous dans

4 une langue que vous pouvez comprendre?

5 M. Jusufovic (interprétation): Oui.

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Jusufovic, ainsi que le veulent

7 les Règles, le Règlement de procédure et de preuve, on vous demandera

8 d'abord de faire une déclaration solennelle avant de commencer à

9 témoigner.

10 L'huissier va vous tendre maintenant le texte de cette déclaration. Je

11 vous prie d'en faire lecture à haute et intelligible voix.

12 M. Jusufovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, rien que la vérité et toute la vérité.

14 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

15 Monsieur Jusufovic, étant donné que vous avez été cité à la barre en

16 qualité de témoin à charge, vous allez d'abord être interrogé par le

17 conseil de l'accusation, après quoi ce sera le tour du conseil de la

18 défense. Si les Juges de cette Chambre d'instance ont des questions à vous

19 poser, ils le feront à leur tour.

20 Monsieur Mundis, c'est à vous.

21 (Interrogatoire principal du témoin, Mesud Jusufovic, par M. Mundis.)

22 M. Mundis (interprétation): Monsieur le Témoin, dites-nous la date et le

23 lieu de naissance, s'il vous plaît, pour le compte rendu d'audience.

24 M. Jusufovic (interprétation): Je suis né le 17 février 1960 à Sarajevo et

25 je m'appelle Mesud Jusufovic.

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1 Question: Monsieur Jusufovic, avez-vous continué à résider dans Sarajevo

2 depuis votre naissance jusqu'à ces jours-ci?

3 Réponse: Oui, toute ma vie, je suis résident de Sarajevo.

4 Question: Quelle est votre profession?

5 Réponse: Je suis ingénieur diplômé en matière de sapeurs-pompiers, c'est-

6 à-dire protection contre le feu, et en matière de protection au travail.

7 Et d'ordinaire, mon métier est celui d'un sapeur-pompier.

8 Question: Quelle est votre fonction dans cette brigade de sapeurs-

9 pompiers?

10 Réponse: Je suis le commandant de la brigade de sapeurs-pompiers

11 professionnels du canton de Sarajevo.

12 Question: Et depuis combien de temps êtes-vous sapeur-pompier

13 professionnel?

14 Réponse: Depuis 1986.

15 Question: Quand commença la guerre à Sarajevo?

16 Réponse: Pour dire vrai, lorsqu'on a commencé à tirer, si je me souviens

17 bien, c'était en date du 5 avril; c'était pour nous une date commémorative

18 de la libération de cette partie de la ville de Sarajevo qui s'appelle

19 Vratnik. Nous, on se préparait évidemment pour une fête, mais voilà que

20 nous avons été surpris par les obus qui ont commencé à tomber.

21 Question: En quelle année était-ce, Monsieur Jusufovic?

22 Réponse: En 1992.

23 Question: Et lorsque la guerre a commencé à Sarajevo, quel était votre

24 poste de travail au sein de cette brigade de sapeurs-pompiers de Sarajevo?

25 Réponse: Au début de la guerre, j'ai été chef de la brigade de la

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1 succursale Cezitar. Le troisième homme, d'ailleurs, pour ainsi dire, pour

2 parler de l'ensemble de la brigade de sapeurs-pompiers de Sarajevo.

3 Question: Au moment où la guerre a commencé, combien y avait-il d'hommes

4 embauchés par la brigade de sapeurs-pompiers de Sarajevo?

5 Réponse: Avant la guerre, il y avait environ, jusqu'au début de la guerre,

6 il y avait environ 150 sapeurs-pompiers. Mais 67 sapeurs-pompiers de

7 nationalité serbe, avant que les conflits ne commencent, avaient quitté la

8 ville de Sarajevo.

9 Question: Avant le départ de ces 67 sapeurs-pompiers, dites-nous comment

10 se présentait la composition, pour parler d'appartenance ethnique, des

11 hommes de la brigade des sapeurs-pompiers de Sarajevo?

12 Réponse: Il y avait moitié-moitié. Enfin, pour parler des Serbes et des

13 Musulmans.

14 Question: Au temps du début des hostilités de la guerre en 1992, dites-

15 nous combien de stations ou de sous-stations de brigades, de la brigade de

16 sapeurs-pompiers de Sarajevo il y avait, dans l'ensemble de la ville?

17 Réponse: Il y avait plusieurs stations. Il y en avait à Bascarsija, à

18 Cezitar, à Vogosca, à Ilijas, à Pale et puis à l'aéroport. Il y avait

19 donc, en tout, six stations dans le cadre de la brigade de sapeurs-

20 pompiers, avant la guerre.

21 Question: Excepté ces approximativement 150 sapeurs-pompiers, s'agissait-

22 il de parler aussi de volontaires ou peut-être des effectifs de réserve?

23 Réponse: Oui. Les sociétés de pompiers, enfin… volontaires, s'étaient

24 transformées immédiatement en unités de protection civile. Par conséquent,

25 eux aussi, ils étaient à peu près au nombre de 150, au début même de la

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1 guerre.

2 Question: Voulez-vous bien nous dire combien de volontaires il y avait

3 parmi les sapeurs-pompiers, s'il vous plaît?

4 Réponse: Il y en avait à peu près 150.

5 Question: En plus des 150 professionnels à temps complet?

6 Réponse: Oui. Ces 150 volontaires se trouvaient dans cinq associations de

7 volontaires différentes.

8 Question: Pour préciser, est-ce que vous pouvez nous parler de ces

9 volontaires? Vous avez parlé des unités spécialisées; est-ce que vous

10 pouvez nous dire dans quelles unités ils étaient spécialisés, ou dans

11 quelle organisation?

12 Réponse: La défense civile, conformément à la loi en place, en vigueur

13 dans de telles situations. Les sociétés volontaires, les organisations

14 volontaires font partie de la défense civile, de la protection civile.

15 Question: Et une fois que la guerre avait commencé, est-ce que la

16 protection civile jouait un rôle militaire?

17 Réponse: Non. La protection civile n'existait pas à ces fins.

18 Question: Ces 150 pompiers volontaires étaient-ils assignés aux casernes

19 dont vous avez parlées tout à l'heure, ou est-ce qu'il y avait aussi des

20 casernes volontaires? Encore une fois, il s'agit du début de la guerre.

21 Réponse: Ils se trouvaient dans des sociétés volontaires. Ils avaient les

22 mêmes responsabilités que les professionnels, au début de la guerre.

23 M. Mundis (interprétation): Au début de la guerre… Pouvez-vous décrire,

24 pour cette Chambre, quels étaient les équipements de combat contre les

25 incendies que les brigades de sapeurs-pompiers de Sarajevo avaient au

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1 début de la guerre, en nombre et en type?

2 M. Jusufovic (interprétation): La brigade des sapeurs-pompiers de

3 Sarajevo, jusqu'au début de la guerre, était une des brigades les plus

4 fortes sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, et même au-delà de ses

5 confins. Mais dès le début de 1992, notre commandant, qui était Spaic, à

6 l'époque, Radomir Spaic, a commencé à transférer nos équipements à Pale:

7 les véhicules, les liaisons de communication et radios, les carburants,

8 les installations de cuisine… Donc le 5 avril, nous n'étions absolument

9 pas prêts car il nous manquait 12 véhicules ainsi que presque tous les

10 équipements que nous avions eus jusque-là; nous n'avions plus ces

11 équipements.

12 Donc au début du conflit, nous avions 14 véhicules, presque plus de

13 carburant, plus de pièces de rechange, et la situation était extrêmement

14 difficile. D'ailleurs, la moitié des sapeurs-pompiers nous ont quittés.

15 M. Piletta-Zanin: J'avais cru comprendre que nous voulions ici instaurer

16 comme règle celle qui voudrait que l'on s'efforçât, comme praticiens du

17 droit, d'éviter d'utiliser des termes comme "agresseur", "agression",

18 etc.; c'est le seul but de mon intervention.

19 M. le Président (interprétation): Monsieur Mundis, voulez-vous bien

20 orienter le témoin?

21 Comme je vous ai dit, Monsieur Jusufovic, normalement nous n'utilisons pas

22 les termes tels que "agresseur", "agression". Pour l'instant, aucune

23 décision n'a été prise par cette Chambre en ce qui concerne un éventuel

24 agresseur. Donc nous aimerions… Il serait plus utile pour la Chambre si

25 vous utilisez des termes un peu plus neutres.

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1 Veuillez continuer, Monsieur Mundis.

2 M. Jusufovic (interprétation): Oui, d'accord.

3 M. Mundis (interprétation): Monsieur Jusufovic, vous avez utilisé le terme

4 "agresseur", vous parlez de quelle force?

5 M. Jusufovic (interprétation): Je pensais à la JNA et aux autres. Aux

6 Serbes qui étaient partis, qui se trouvaient à la montagne et qui avaient

7 commencé à nous bombarder.

8 Question: Lorsque vous dites "nos Serbes", vous parler des Serbes de

9 Bosnie?

10 Réponse: Oui, bien sûr. Je parle des Serbes de la Bosnie, c'est ce que

11 j'ai dit. Même nos sapeurs-pompiers qui nous avaient quittés, ils nous ont

12 également bombardés, ainsi que la caserne.

13 Question: Suite à la désintégration de la brigade des sapeurs-pompiers,

14 est-ce qu'il a été nécessaire de restructurer le système et

15 l'organisation, étant donné qu'il y a eu tellement de départs?

16 Réponse: Oui. Pour cette raison, on a appelé tous les sapeurs-pompiers des

17 différentes brigades qui n'avaient pas quitté Sarajevo et c'est pour cela

18 qu'il y a eu création de ces structures volontaires pour remplacer les

19 sapeurs-pompiers qui étaient partis, et c'est pour cela que nous avons

20 fait le nécessaire à l'intérieur de ces sociétés volontaires et à

21 l'intérieur des départements afin d'accomplir nos tâches.

22 Question: Dès le début du conflit, il y avait combien de sapeurs-pompiers

23 au total, y compris les professionnels et les réservistes? Il y en avait

24 combien, à l'intérieur de la brigade de sapeurs-pompiers de Sarajevo?

25 Réponse: Je ne puis pas vous donner un chiffre exact, car cela changeait

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1 souvent. Il y a eu beaucoup de morts, beaucoup de blessés. Mais pendant la

2 guerre, dans la brigade professionnelle, je dirais qu'il y avait à peu

3 près entre 120 et 150 sapeurs-pompiers, et la même chose aussi pour les

4 volontaires. Donc pendant la guerre, nous étions à peu près 300.

5 Question: Est-ce que ces sapeurs-pompiers ont continué à occuper, à

6 utiliser toutes les casernes dans la ville de Sarajevo?

7 Réponse: Oui, avant que Kenan Slinic ne devienne commandant. Enfin, il a

8 commencé à tout réorganiser. Kenan Slinic a fait appel à tous ceux qui

9 n'étaient pas blessés. Et tous ceux qui n'étaient pas encore morts et qui

10 n'étaient pas blessés ont fini par travailler en tant que sapeurs-

11 pompiers.

12 Question: Tout à l'heure, vous avez parlé du bombardement. Est-ce que vous

13 vous rappelez à peu près à quel moment cela a commencé?

14 Réponse: Le 5 avril. A Vratnik, dans une partie de Sarajevo, il y a une

15 fête. En 1945, le 5 avril en 1945, il y a eu la libération de Vratnik,

16 donc c'était une fête chaque année. Nous avions commencé les préparations

17 de la fête, et c'est à ce moment-là que le bombardement a commencé.

18 Question: Monsieur Jusufovic, j'aimerais maintenant que vous pensiez à la

19 période après le 10 septembre 1992. Est-ce que le bombardement de la ville

20 de Sarajevo a continué après le 10 septembre 1992?

21 Réponse: Le bombardement de Sarajevo a duré pendant toute la guerre,

22 jusqu'à Dayton.

23 J'ai dit que le bombardement de Sarajevo a commencé le 5 avril 1992

24 jusqu'en 1996, jusqu'aux accords de Dayton, jusqu'au 31 janvier 1996.

25 C'est à ce moment-là que les unités spéciales de la protection civile ont

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1 été démantelées. Donc, jusqu'aux accords de Dayton.

2 Question: Conformément à votre expérience à Sarajevo pendant la période

3 après le 10 septembre 1992, y avait-il un modus operandi spécifique par

4 rapport au bombardement de la brigade des sapeurs-pompiers?

5 Réponse: Ceux qui bombardaient des collines aux alentours de la ville

6 prenaient comme cible la ville de Sarajevo. Et lorsqu'ils voulaient mettre

7 à feu quelque chose de spécifique, ils ne l'ont pas fait de façon

8 militaire. Je pense, en fait, qu'ils voulaient brûler complètement la

9 ville de Sarajevo pour que nous n'ayons plus de logement, pour nous

10 obliger à quitter… Donc, ils ont commencé par couper le système

11 d'approvisionnement en eau; ils avaient la possibilité de fermer tous les

12 robinets. Et c'est à ce moment-là qu'ils ont commencé à bombarder toutes

13 nos unités à Skenderija. Ils ont mis le feu a des monuments historiques ou

14 des immeubles résidentiels et ensuite, ils ont entouré et protégé

15 l'installation en question.

16 A Sarajevo, nous disions: s'il y a quelque chose qui est en feu, il vaut

17 mieux partir en courant. Car ceux qui ont mis le feu à partir des

18 collines, de la montagne, ils voulaient faire en sorte que nous ne

19 puissions pas arriver pour éteindre le feu, et c'est pour cela que nous

20 nous trouvions dans des endroits différents. S'il y avait une de nos

21 installations qui était cible, nous pouvions nous déplacer vers une autre

22 installation.

23 Question: Lorsque vous dites que le bombardement venait des collines dans

24 les environs, savez-vous quelles forces avaient le contrôle de ces

25 collines?

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1 Réponse: L'armée serbe, la VRS.

2 M. Mundis (interprétation): Monsieur Jusufovic, pendant ces attaques, est-

3 ce que les casernes ont subi des bombardements?

4 M. Jusufovic (interprétation): Oui, toutes les casernes ont subi des

5 bombardements. Les sapeurs-pompiers, les véhicules, les casernes elles-

6 mêmes.

7 M. Piletta-Zanin: Je me permets d'intervenir en relation au transcript

8 français, simplement pour les raisons que vous connaissez. Précisons peut-

9 être, dans le transcript français, qu'il s'agit de casernes de sapeurs-

10 pompiers, puisque c'est ce que l'on voit dans le transcript anglais et

11 dans le texte également serbe.

12 Navré, excellents confrères, de cette intervention nécessaire.

13 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas ce qui est marqué dans le

14 transcript français, donc je ne comprends pas la confusion.

15 M. Piletta-Zanin: Dans le transcript français, on parle… Enfin, ce que

16 j'ai entendu dans la traduction que je suis maintenant, on parle

17 uniquement de casernes. Les casernes, en français, ont également un sens

18 militaire. Et je pensais qu'il était honnête de ma part de ne pas laisser

19 traîner une confusion puisque l'on parle ici exclusivement de casernes

20 dites de sapeurs-pompiers, c'est-à-dire uniquement des casernes destinées

21 aux sapeurs-pompiers, et non pas de casernes militaires. La confusion

22 était possible dans le texte français; maintenant, elle est levée.

23 M. le Président (interprétation): Veuillez continuer.

24 M. Mundis (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

25 Monsieur Jusufovic, vous avez parlé des attaques de bombardement contre

Page 6526

1 les casernes de sapeurs-pompiers. Pouvez-vous nous décrire et dire si ces

2 casernes ont subi des bombardements avant d'autres parties de la ville, en

3 même temps que le bombardement d'autres parties de la ville ou après le

4 bombardement de la ville, un jour donné?

5 M. Jusufovic (interprétation): Alors, en ce qui concerne les

6 bombardements, disons que lorsqu'ils mettaient le feu à quelque chose, on

7 n'avait plus la possibilité de sortir. Donc s'il y avait un incendie, on

8 nous bombardait, ce qui nous empêchait de sortir et d'éteindre l'incendie.

9 Et c'est pour cela qu'il y avait des bombardements.

10 Question: Pendant la période après le 10 septembre 1992 jusqu'au milieu de

11 1994, est-ce que des sapeurs-pompiers ont été tués par des bombardements

12 pendant qu'ils étaient encore dans des casernes de sapeurs-pompiers?

13 Réponse: Pendant cette période, le 28 septembre 1992, notre caserne à Stup

14 a subi des bombardements et un sapeur-pompier a été tué. Kalabusic Sulja a

15 été tué. En fait, il était en train d'essayer de réparer un véhicule qui

16 se trouvait au garage. Kalabusic Semsudin était son nom. Et les autres se

17 trouvaient dans la salle de bain; c'est là où ils ont réussi à s'échapper

18 et c'est comme ça qu'ils ont survécu. Mais lui, il était en train de

19 réparer un véhicule et il est mort.

20 Question: Pendant la période en question à partir du 10 septembre 1992

21 jusqu'au milieu de 1994, est-ce que des sapeurs-pompiers ont été blessés

22 suite à des bombardements pendant qu'ils se trouvaient dans les casernes

23 de sapeurs-pompiers?

24 Réponse: Pendant cette période, non.

25 Question: Monsieur Jusufovic, pouvez-vous décrire très brièvement pour

Page 6527

1 cette Chambre quels types d'équipements anti-incendie, et surtout les

2 camions, les véhicules, étaient disponible à la brigade pendant cette même

3 période, du 10 septembre 1992 jusqu'au milieu de l'année 1994? Vous aviez

4 combien de camions? Il s'agissait de quel type de camions?

5 Réponse: Nous avions 14 véhicules dans la brigade. Je voulais vous dire

6 que nous en avons 56 aujourd'hui, pour vous donner une idée. A l'époque,

7 il s'agissait de véhicules plus anciens.

8 A ce moment-là, ces véhicules avaient subi au moins deux bombardements,

9 donc chaque véhicule avait été frappé. De temps à autre, nous devions

10 démonter un véhicule et en créer un nouveau; nous avions souvent des

11 problèmes avec les tuyaux, et les véhicules ont été frappés par des

12 bombardements. Donc quelquefois, on avait des difficultés à éteindre les

13 incendies dans des positions plus élevées car il y avait des difficultés

14 avec les tuyaux. Il y avait pénurie de carburant, les sapeurs-pompiers

15 n'avaient rien à manger.

16 Question: En ce qui concerne les 14 véhicules que vous aviez, s'agissait-

17 il du même type de véhicules, de la même marque, ou est-ce que vous aviez

18 plusieurs types de camions? Et si oui, il s'agissait de quel type de

19 camions?

20 Réponse: Il y avait des véhicules différents. Il y avait des Mercedes, il

21 y avait des Magirus, Tam.

22 Question: Est-ce que tous ces camions avaient des équipements pour porter

23 et pomper de l'eau?

24 Réponse: Oui. Ces véhicules étaient équipés de réservoirs d'eau avec un

25 tuyau et une pompe.

Page 6528

1 Question: Quelle était la capacité de transport d'eau de ces camions, les

2 camions que vous aviez au début de cette période?

3 Réponse: Les véhicules étaient différents. Dans certains cas, ils

4 portaient une tonne d'eau, d'autres huit tonnes. On avait quatre véhicules

5 qui pouvaient transporter huit tonnes d'eau.

6 Question: Où est-ce que la brigade des sapeurs-pompiers trouvait de l'eau

7 pour ces véhicules, pendant cette période?

8 Réponse: Le seul endroit où nous avons pu trouver de l'eau était à une

9 usine qui s'appelait "la brasserie", car il y avait un puits qui se

10 trouvait près de l'usine, et c'était le seul endroit où on pouvait trouver

11 de l'eau. Mais l'armée serbe était toujours en train de couper l'eau; donc

12 la plupart du temps, à Sarajevo, nous n'avions pas d'eau. Et bien sûr,

13 s'il y avait un incendie quelque part, ils faisaient le nécessaire pour

14 couper l'eau. Et cet endroit était le seul endroit où on pouvait en

15 trouver. C'était extrêmement dangereux pour nous de nous rendre à cette

16 brasserie qui subissait en permanence des bombardements. Nos véhicules

17 subissaient également des bombardements pendant le trajet.

18 Question: En ce qui concerne les quatre véhicules qui pouvaient

19 transporter jusqu'à huit tonnes d'eau, j'aimerais savoir pendant combien

20 de temps durait cette capacité, ces huit tonnes d'eau, lorsque vous étiez

21 en train d'éteindre un incendie.

22 Réponse: C'est extrêmement difficile à dire car ce n'était pas toujours

23 pareil; cela dépendait du nombre de tuyaux utilisés, un ou dix. Mais à

24 pleine capacité, cela durait à peu près cinq minutes. Mais nous

25 n'utilisions jamais la pleine capacité, donc dix à douze tuyaux. Nous ne

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1 l'avons jamais fait.

2 Mais ces véhicules, cela ne voulait rien dire parce que si en même temps

3 vous aviez 18 incendies à éteindre, c'était extrêmement difficile car

4 c'étaient des incendies importants. Ce type d'incendie, enfin disons qu'en

5 temps de paix, s'il y avait des incendies, ce type d'incendie se

6 produisait peut-être une fois tous les quatre ans.

7 Question: Est-ce que la brigade des sapeurs-pompiers avait un système de

8 classification d'incendies? Vous avez parlé de ce type d'incendie en temps

9 de paix; est-ce que vous aviez donc un système de classifications

10 d'incendies employé par votre brigade?

11 Réponse: Oui, effectivement il y avait un système de classification, pour

12 parler de ces incendies importants. Ces incendies étaient classifiés en

13 catégories spécifiques. Alors, pendant cette période, à partir du 11

14 septembre il y avait à peu près 100 de ce type d'incendies importants.

15 Pendant la guerre, il y en a eu 240. Mais en ce qui concerne cette période

16 spécifique il y en avait une centaine. Je ne les ai pas comptés mais je

17 crois que c'était à peu près cela.

18 En temps de paix, ce genre d'incendies se produisait…, ou enfin le même

19 nombre couvrirait une période de 500 ans. Donc ces incendies pour nous

20 avaient la même représentation que, pour vous, le 11 septembre.

21 Question: Je voudrais être sûr d'avoir bien compris ce que vous avez dit.

22 Donc pendant la période, à partir du 12 septembre 1992 jusqu'au milieu de

23 l'année 1994, vous avez dit qu'il y avait à peu près 100 incendies de

24 cette importance, n'est-ce pas?

25 Réponse: Oui.

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1 Question: En temps de paix, vous pensiez qu'un incendie de cette

2 importance se produirait une fois tous les cinq ans, n'est-ce pas?

3 Réponse: Oui.

4 Question: Alors, quelles seraient les caractéristiques d'un incendie de

5 cette importance? Qu'est-ce que cela veut dire pour vous?

6 Réponse: Cela veut dire que lorsque nous arrivons sur le lieu de

7 l'incendie -un incendie d'un immeuble, d'un gratte-ciel-, donc tous les

8 résidents, tous les habitants essaient de s'échapper. Nous essayons

9 d'arriver jusqu'en haut: c'est pour cela que j'ai établi la comparaison

10 avec le 11 septembre. Pour nous, il est extrêmement difficile d'éteindre

11 un incendie aussi important, même s'il n'y a pas de guerre. Mais pendant

12 la guerre, c'était encore plus difficile car il n'y avait plus

13 d'électricité, plus d'eau. Nous étions obligés de ramper par terre pendant

14 toute l'intervention. Nous subissions toujours des bombardements, on nous

15 tirait dessus; il nous a fallu ramper pour ne pas mourir.

16 Question: Pourquoi avez-vous été obligés de ramper?

17 Réponse: Parce qu'on nous tirait dessus en permanence. Il y avait soit des

18 bombardements ou, s'ils étaient plus proches, avec des fusils

19 automatiques. On essayait d'aller quelque part pour éteindre un incendie

20 et on nous tirait dessus, même avec des pistolets, s'ils étaient près de

21 nous.

22 Question: Savez-vous quel type d'artillerie ou d'autres armements lourds

23 était utilisé pour bombarder la ville?

24 Réponse: Oui. Ils utilisaient des obus, mais aussi des grenades

25 incendiaires. Un des objectifs était de mettre à feu une installation et,

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1 ensuite, de protéger cette localité pour que nous ne puissions pas nous

2 approcher de cet endroit. Ils nous tiraient dessus pour nous empêcher d'y

3 aller éteindre le feu.

4 Question: Que se passait-il lorsqu'une grenade incendiaire frappait un

5 bâtiment?

6 Réponse: Tout le bâtiment prend feu; donc il est extrêmement difficile de

7 l'éteindre. Ce sont des obus, des grenades qui provoquent l'incendie.

8 Question: Est-ce que ces obus incendiaires contiennent des produits

9 chimiques qui propagent ou aident à propager le feu?

10 Réponse: Oui. Je ne sais pas exactement quels produits chimiques s'y

11 trouvent, mais ils sont toujours utilisés et ils étaient utilisés dans ce

12 cas-ci pour mettre le feu à nos maisons, à nos appartements pour que nous

13 n'ayons plus de logement.

14 Question: Quel type d'immeubles, de structures étaient ciblés pendant la

15 période de temps dont nous avons discuté?

16 Réponse: Pendant cette période de temps et également pendant toute la

17 guerre, tout était une cible à Sarajevo. Tout ce que les citoyens de

18 Sarajevo utilisaient était bombardé: des immeubles historiques, surtout

19 des endroits où il y avait des livres, car ces Serbes ne semblaient pas

20 aimer les livres -ils avaient une attitude bien particulière contre ces

21 livres-; également des blocs d'appartement, des bâtiments. Souvent, vous

22 aviez des centaines de familles qui vivaient dans ces immeubles et qui

23 étaient forcées de quitter. Donc tout était ciblé: des hôpitaux aux

24 jardins d'enfants, et en particulier, cette brasserie, le "Pivara", où il

25 y avait de l'eau. Lorsqu'ils savaient qu'il y avait du monde, par exemple

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1 des files d'attente pour du pain, pour de l'eau, beaucoup de gens étaient

2 tués. Tout ce qui était très utile pour les citoyens de Sarajevo était

3 bombardé pour qu'ils soient privés de ces choses-là ou pour qu'ils

4 partent.

5 Question: Vous avez parlé des files d'attente pour l'eau. Est-ce qu'il y

6 avait des moments où les pompiers ont aidé à la distribution d'eau pour

7 les citoyens à Sarajevo?

8 Réponse: Oui. En effet, les sapeurs-pompiers ont aidé les citoyens de

9 toutes les façons possibles, y compris à la distribution d'eau car la

10 seule source, comme je vous ai dit, était dans cette usine, la brasserie

11 "Pivara", et les citoyens devaient marcher 10 à 12 kilomètres, certains

12 encore plus, pour pouvoir avoir un jerrican d'eau ou autant qu'ils

13 pouvaient porter. C'était pour cette raison que nous distribuions de l'eau

14 aux citoyens dépendant de la quantité d'essence dont nous disposions.

15 Normalement, lorsqu'un fonctionnaire au niveau international venait à

16 Sarajevo, il y avait une pause dans les bombardements. Cela nous donnait

17 une occasion de pouvoir distribuer de l'eau aux citoyens.

18 Question: Est-ce que les camions qui distribuaient de l'eau ont été

19 l'objet de bombardements lorsqu'ils distribuaient de l'eau?

20 Réponse: Oui, ceci arrivait régulièrement. A Vratnik, par exemple, devant

21 la caserne des sapeurs-pompiers, en 1993, lorsque nous étions en train de

22 redistribuer de l'eau, un obus est tombé et cinq ou six personnes ont été

23 blessées. Une jeune femme a été tuée, car elle était sapeur-pompier

24 volontaire; elle s'appelait Rubina.

25 Question: Savez-vous si l'hôtel Holiday Inn a été le sujet de bombardement

Page 6533

1 entre le 10 septembre 1992 jusqu'au milieu de 1994?

2 Réponse: L'hôtel Holiday Inn était une cible très populaire. Ils étaient

3 constamment en train de cibler le Holiday Inn; je pense que la raison en

4 était qu'il y avait beaucoup de reporters dans le Holiday Inn, même

5 certains ambassadeurs s'y trouvaient. Tous nos hôtels ont été incendiés et

6 le Holiday Inn était le seul qui restait. Si les reporters et les

7 officiels étaient allés à Ilidza, ils auraient pensé que leurs rapports

8 auraient été différents.

9 Question: Combien de fois le Holiday Inn a-t-il été bombardé pendant cette

10 période? Le savez-vous?

11 Réponse: Le Holiday Inn, puisqu'il se trouve dans une zone ouverte,

12 lorsqu'il y a un incendie, il est très difficile d'y arriver. Nous nous

13 sommes rendus là de nombreuses fois; il fallait ensuite fuir de là. C'est

14 la raison pour laquelle nous avons établi une équipe de sapeurs-pompiers

15 qui, pendant toute cette période, s'y trouvait tout le temps. Les sapeurs-

16 pompiers se trouvaient dans le Holiday Inn; il y avait donc un camion de

17 sapeurs-pompiers dans le parking de l'hôtel.

18 Et à travers l'hôtel, nous avons réparti les tuyaux pour que, si jamais il

19 y avait l'incendie à cause d'une bombe incendiaire, on pouvait intervenir

20 tout de suite. Et il y a eu 500 interventions, ce qui veut dire que

21 l'hôtel a été incendié à peu près 500 fois. Mais je pense que bien plus

22 d'obus sont arrivés, car tous les obus ne sont pas incendiaires.

23 Question: Est-ce qu'il y avait d'autres lieux à Sarajevo qui ont été

24 bombardés aussi fréquemment, et où vous avez établi de petites casernes de

25 sapeurs-pompiers au sein même de ces lieux?

Page 6534

1 Réponse: A part l'hôtel Holiday Inn, il y avait également l'immeuble de la

2 présidence ainsi que l'immeuble de la radio-télévision. C'étaient des

3 cibles fréquentes également, et il était très difficile pour nous d'avoir

4 accès à ces immeubles. Ce qui fait que nous avions trois ou quatre

5 personnes dans l'immeuble télévision, dans la présidence. Il y avait un

6 sapeur-pompier avec un extincteur de feu et, si c'était à une plus grande

7 échelle, il y avait un camion de sapeurs-pompiers qui venait.

8 Question: Est-ce que, pendant cette période, la brigade des sapeurs-

9 pompiers avait un équipement de communication adéquat pour vous permettre

10 de communiquer les uns avec les autres?

11 Réponse: Les communications, comme je vous ai dit au départ, étaient

12 toutes emmenées à Pale avant la guerre, ce qui fait que nous n'avions pas

13 en notre possession grand-chose. Nous avions quelques anciens équipements

14 de communications dans les véhicules eux-mêmes, des installations qui

15 dataient de 40 ans, et des stations de relais étaient à Trebevic. Et

16 c'était détruit tout de suite et l'on ne pouvait plus l'utiliser, parce

17 que cette montagne était sous contrôle des Serbes.

18 Question: Vous avez mentionné il y a quelques temps des sapeurs-pompiers

19 dans les gratte-ciel. Combien, d'après vous, y avait-il de gratte-ciel

20 dans la ville de Sarajevo en 1992?

21 Réponse: Je ne connais pas le chiffre. Je ne peux pas vous dire combien il

22 y en avait. Il y en avait beaucoup qui avaient brûlé.

23 Question: Monsieur Jusufovic, comment décrivez-vous un gratte-ciel ou une

24 tour?

25 Réponse: Les tours de Sarajevo avaient à peu près 20 étages.

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1 Question: Est-ce que vous pouvez nous donner le chiffre approximativement

2 d'immeubles à Sarajevo qui avaient 20 étages? Est-ce qu'il y en avait 5,

3 20, 15, 100? Juste une estimation du nombre de ces immeubles, de ces tours

4 avec 20 étages?

5 Réponse: Je dirai entre 50 et 100.

6 Question: Et à peu près combien de ces immeubles étaient incendiés par des

7 obus pendant cette période?

8 Réponse: Je ne peux pas me porter garant sur le chiffre, mais je pense

9 qu'il n'y en a pas un qui a échappé à un incendie.

10 Question: La brigade des sapeurs-pompiers avait-elle de l'équipement

11 suffisant pour lutter contre les incendies dans les immeubles avec 20

12 étages ou plus, pendant cette période?

13 Réponse: Vers la fin de 1992, des sapeurs-pompiers allemands sont venus à

14 Sarajevo. Ils ont emporté avec eux des tuyaux et on a pu éteindre des

15 incendies également dans de tels immeubles. Nous avions également des

16 échelles pour pouvoir éteindre les incendies de l'extérieur. Nous avons

17 tenté de les utiliser quelquefois, mais on a été sujet aux snipers, aux

18 tirs embusqués, et après une certaine période on n'a plus vraiment pu

19 utiliser ces échelles par peur d'être tué.

20 Question: Vous avez utilisé le mot "marches". Vous voulez dire "les

21 échelles"?

22 Réponse: Oui, des échelles mécaniques qui sont attachées, donc, aux

23 camions et qui peuvent monter jusqu'à 44 mètres.

24 Question: Combien d'étages cela représente-t-il, les 44 mètres?

25 Réponse: A peu près 13 étages.

Page 6536

1 Question: Donc un incendie sur le 15ème, 18ème, 20ème étage ne serait pas

2 accessible avec cette échelle?

3 Réponse: Oui, mais on ne pouvait pas utiliser les échelles du tout car si

4 quelqu'un montait sur une échelle, il serait mort.

5 Question: Est-ce que vous pouvez brièvement décrire, pour cette Chambre,

6 comment vous luttez contre les incendies dans ces conditions, à savoir

7 pendant le bombardement, pendant le pilonnage? Qu'est-ce que vous faisiez

8 lorsque vous voyiez un incendie, lorsque vous arriviez sur le lieu d'un

9 incendie?

10 Réponse: Il était très difficile d'arriver sur le lieu de l'incendie.

11 D'abord, il fallait quitter la brigade et ensuite, on était des cibles de

12 tirs embusqués, d'obus pendant le trajet et finalement, lorsque nous

13 arrivions sur le lieu de l'incendie, on n'osait pas rentrer par la

14 fenêtre, car c'est ce que nous avions fait au début et de nombreux

15 sapeurs-pompiers ont été tués ou blessés.

16 Il fallait donc voir de quel côté on était protégé des attaques

17 d'artillerie; on passait à travers des murs pour rentrer dans l'immeuble.

18 Tout le monde fuyait ces tours, y compris des tours avoisinantes. Et,

19 comme je vous l'ai dit, il était très dangereux d'être proche d'un

20 incendie car on savait très bien que le bombardement allait commencer.

21 Pendant qu'on était en train d'éteindre l'incendie, 200 ou 300 obus

22 tombaient sur l'immeuble en question; donc le véhicule qui se trouvait à

23 l'extérieur de l'immeuble et si l'incendie était au vingtième étage, il

24 fallait attacher les tuyaux, monter jusqu'au vingtième étage. Et c'était

25 très difficile, surtout la nuit, lorsqu'il n'y avait pas d'électricité. Ce

Page 6537

1 qui était souvent le cas.

2 Et il fallait faire très attention lorsqu'on se déplaçait; là où il y

3 avait une fenêtre une balle pouvait vous frapper. Donc lorsqu'on arrivait

4 à une fenêtre, il fallait ramper. Et lorsqu'on arrivait à l'incendie, on

5 commençait à l'éteindre, c'est alors que ces personnes dans les étages

6 mettaient le feu aux étages inférieurs, dixième ou cinquième étages.

7 L'incendie créait donc de grandes flammes, et nous, les sapeurs-pompiers,

8 on était exposés… on étouffait. On était asphyxiés. Donc il fallait

9 vraiment fuir. Souvent, les sapeurs-pompiers eux-mêmes devaient fuir pour

10 leur vie.

11 Et pour une raison ou une autre, on était les plus bombardés. Et les

12 citoyens étaient au courant de cela, donc ils fuyaient loin de nous. Car

13 là où nous nous trouvions, on était sûr d'avoir des bombes. Ils ne nous

14 permettaient pas d'éteindre les incendies car, pour eux, c'était un succès

15 lorsqu'une tour brûlait car une centaine de familles n'avaient plus où

16 aller; ce qui voulait dire cent familles en moins à Sarajevo. Ce qui les

17 rapprochait de leur objectif. Et c'est la raison pour laquelle ils ne nous

18 aimaient pas car nous ne leur permettions pas de mettre l'incendie à notre

19 ville.

20 Question: Monsieur le Président, je voudrais qu'on montre au Témoin une

21 vidéo n°P3609.

22 Monsieur Jusufovic, on va vous montrer une vidéo. J'aimerais que vous

23 voyiez cette vidéo, et par la suite je vous poserai quelques questions sur

24 l'écran qu'on verra à ce moment-là.

25 (Diffusion de la vidéo.)

Page 6538

1 Monsieur Jusufovic, ayant vu cette vidéo est-ce que vous avez reconnu

2 l'immeuble que nous venons de voir?

3 Réponse: Oui, je le reconnais.

4 Question: Où se trouve cet immeuble?

5 Réponse: Il se trouve à travers la rue… enfin, de l'autre côté de

6 l'immeuble de distribution d'électricité. J'étais chargé de l'extinction

7 de cet immeuble et j'ai vu l'incendie dans cet immeuble, et j'ai demandé à

8 de nouvelles forces d'arriver à "Sibica". C'est une tour qui s'appelle

9 "Sibica". Et ensuite, je suis allé dans cet immeuble parce qu'ils avaient

10 besoin de plus de sapeurs-pompiers.

11 Question: Donc vous avez en fait participé à l'extinction de l'incendie

12 dans cet immeuble que nous venons de voir sur la vidéo?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Est-ce que vous pourriez brièvement décrire ce que vous avez vu

15 dans cette vidéo?

16 Réponse: Je ne me souviens pas tout à fait de l'étage, mais c'était

17 suffisamment élevé. C'était au-dessus de 15 étages, et les sapeurs-

18 pompiers… Enfin, j'ai vraiment vu le début de l'incendie. Les sapeurs-

19 pompiers sont arrivés, ils ont commencé à éteindre le feu, et ensuite ils

20 ont été attaqués par des obus incendiaires, comme vous avez vu sur cette

21 vidéo. Ils tiraient, et on pouvait voir de l'eau qui coulait devant

22 l'immeuble. Et le sapeur-pompier était allongé, c'est pour cela qu'il n'a

23 pas été tué. Donc ils ont mis le feu aux étages inférieurs, et il fallait

24 sauver les citoyens ainsi que les sapeurs-pompiers.

25 Nous avons essayé d'utiliser le véhicule pour pouvoir descendre les gens

Page 6539

1 des étages plus élevés mais on nous a tirés dessus. Il était impossible

2 d'utiliser cette méthode. Et ensuite, les sapeurs-pompiers ainsi que les

3 citoyens ont commencé à descendre les rails de cette échelle, une chose

4 fort dangereuse. Mais c'étaient des citoyens de Sarajevo, peut-être qu'ils

5 ne devaient pas vivre.

6 Question: La vidéo montre les gens descendant des balcons sur la façade de

7 l'immeuble. Est-ce que c'était une pratique que vous avez vue plus d'une

8 fois lorsque vous alliez éteindre les incendies à Sarajevo?

9 Réponse: Ce que vous avez vu, ce sont des sapeurs-pompiers ou un athlète

10 qui peut le faire. Mais c'est ce que les citoyens de Sarajevo devaient

11 être afin de survivre à tout ce qui leur arrivait des montagnes, donc ce

12 sont des choses qui arrivaient assez souvent.

13 Question: Vous avez dit que lorsque vous éteigniez les incendies, "ils ne

14 vous aimaient pas". Qu'est-ce que vous vouliez dire par "ils"?

15 Réponse: Je voulais dire: cette armée des Serbes de Bosnie.

16 Question: Quelle était la relation entre les citoyens de Sarajevo et la

17 brigade des sapeurs-pompiers pendant la guerre?

18 Réponse: Les citoyens aimaient les sapeurs-pompiers car les sapeurs-

19 pompiers étaient les seuls qui pouvaient les aider et qui les aidaient

20 effectivement dans des situations telles que celles-ci. Alors que le pire

21 qu'il puisse arriver à une personne lorsque son appartement ou sa maison

22 est brûlé ou brûle, les sapeurs-pompiers arrivaient, éteignaient

23 l'incendie, sauvaient ce qui pouvait être sauvé. Lorsqu'une maison est

24 détruite par les bombes, on sortait les hommes, les femmes et les enfants

25 des débris. Un tel cas, c'est lorsqu'une intervention avant cette période,

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1 11 personnes ont été blessées; à peu près 1.000 personnes sont venues à

2 l'hôpital pour donner leur sang aux sapeurs-pompiers.

3 Question: Monsieur Jusufovic, pendant la période du 10 septembre 1992 au

4 milieu de 1994, où habitiez-vous, vous et votre famille?

5 Réponse: Je résidais à Vratnik, d'abord dans la maison de ma mère; c'est

6 là où un obus est tombé à travers le toit, est tombé sur le plancher, mais

7 n'a pas explosé. Ce qui fait que ma femme et les enfants et moi, nous

8 avons survécu. Par la suite, nous avons déménagé dans un appartement,

9 toujours à Vratnik, et là encore, un obus est tombé à travers le toit et a

10 laissé des trous dans les matelas sur lesquels nous dormions. Mais cinq

11 minutes avant, j'avais emmené ma femme et les enfants dans la cave.

12 Après, on avait quitté l'appartement de ma sœur à Alipasino Polje. Encore

13 une fois, de nombreuses balles sont entrées et j'étais, la plupart du

14 temps, avec la brigade des sapeurs-pompiers à cause de l'état d'urgence

15 qui était continu. Il était difficile d'arriver au travail: les gens se

16 faisaient tuer en route pour leur travail et au retour de leur travail.

17 Question: Est-ce que votre famille, à un moment donné, a déménagé avec

18 vous dans les locaux de la brigade des sapeurs-pompiers?

19 Réponse: Ma famille, non, mais de nombreuses familles sont venues à la

20 brigade. Les sapeurs-pompiers dont les maisons ont été détruites ou

21 brûlées n'avaient nulle part où aller et ils venaient donc à la caserne

22 des sapeurs-pompiers. Moi, j'avais un lieu où habiter. Il y avait 15

23 familles qui vivaient dans nos bureaux, mais dans la cave. Nous avions 15

24 familles qui vivaient ensemble. Pour le commandant, c'était un avantage

25 car les sapeurs-pompiers étaient sur place; ils ne devaient pas aller et

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1 venir sur le lieu de travail, car certains se faisaient tuer en route.

2 Question: A peu près combien de temps les 15 familles ont-elles vécu dans

3 les caves de la caserne des sapeurs-pompiers?

4 Réponse: Pendant toute la période.

5 Question: Est-ce que vous pouvez décrire brièvement, pour cette Chambre,

6 l'effet de la campagne de bombardements sur votre propre famille?

7 M. Jusufovic (interprétation): C'était l'effet contraire: ma femme et les

8 enfants n'ont pas quitté le sous-sol pendant 18 mois. Il n'y avait pas de

9 fenêtre, pas de lumière du jour et il n'y a jamais d'électricité. C'était

10 très dur.

11 J'avais un grand nombre de victimes: mon beau-frère a été tué, mon neveu

12 qui avait 11 ans a perdu sa jambe; je devais le protéger à l'hôpital, car

13 il ne croyait pas qu'il n'y avait pas de Chetniks à l'hôpital. C'était un

14 enfant de 11 ans. Les traumatismes nous ont tous affectés, y compris les

15 sapeurs-pompiers. C'était vraiment une expérience traumatisante.

16 Les dix premiers qui sont allés à Split, nous marchions au bord de la mer.

17 C'était en Autriche, c'était en 1998. Il y avait un bateau; on a entendu

18 un sifflement et on s'est tous jetés à terre. Les gens pensaient qu'on

19 était devenus fous mais nous, on pensait que c'était un obus.

20 Donc vous voyez, c'est vraiment quelque chose qui reste ancré en nous.

21 M. Mundis (interprétation): Je vois le temps, Monsieur le Président. J'ai

22 à peu près 10 à 15 minutes de plus avec le témoin. Le temps qu'il nous

23 faut ira au-delà de la pause.

24 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous allons lever la séance

25 jusqu'à 11 heures.

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1 (L'audience, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 11 heures 03.)

2 M. le Président (interprétation): Monsieur Mundis, vous pouvez procéder.

3 Continuez à interroger le témoin.

4 M. Mundis (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

5 Monsieur Jusufovic, je voudrais maintenant, une fois de plus, vous voir

6 vous concentrer sur la période depuis le 10 septembre 1992 jusqu'au milieu

7 de 1994. Pouvez-vous nous décrire les relations qu'il y avait entre la

8 brigade des sapeurs-pompiers et l'Armija, c'est-à-dire l'armée de Bosnie-

9 Herzégovine?

10 M. Jusufovic (interprétation): Il n'y avait aucune relation du tout. Nous

11 sommes des sapeurs-pompiers, nous sommes des civils, brigade de sapeurs-

12 pompiers. Nous n'avons rien à voir avec l'armée. Nous, nous faisions

13 partie de ce qu’on appelait la protection civile, c'est-à-dire pour venir

14 au secours de la population civile.

15 Question: La brigade de pompiers a-t-elle été dotée d'équipements de

16 liaison, de communication tels équipement radio, pour pouvoir communiquer

17 avec l'armée de Bosnie-Herzégovine?

18 Réponse: Ce que nous avons eu comme équipement radio, eh bien,

19 correspondait aux fréquences radio qui étaient les nôtres pour parler de

20 l'armée, évidemment, de l'Etat, et il s'agissait de fréquences tout à fait

21 particulières et tout à fait différentes des autres fréquences.

22 Question: Au cours de la guerre à Sarajevo, vous-même, avez-vous été au

23 service de l'armée de Bosnie-Herzégovine à un moment donné et à quelque

24 titre que ce soit?

25 Réponse: Non, je n'ai jamais été, pour ainsi dire, au service de l'armée

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1 de Bosnie-Herzégovine. Mais pendant un tout premier mois depuis les

2 bombardements du 5 avril, nous autres voisins et nous qui étions là-bas,

3 nous étions organisés sur cette partie du théâtre d'opération, car

4 l'expérience qui était la nôtre pour parler de Vratnik où nous étions et

5 pour parler de l'expérience de ce qui a été fait en Croatie, où les gens

6 se sont faits tuer, et puis après nos grands-pères et nos aïeuls nous ont

7 parlé de ce que les Chetniks ont fait pendant la seconde guerre mondiale.

8 Par conséquent, nous étions quelques-uns à fabriquer des fusils avec des

9 conduits d'eau pour ne pas évidemment que des gens viennent égorger nos

10 familles, nous, nos enfants.

11 Question: Vous vous êtes donc porté volontaire en matière de défense, mais

12 disons que ceci devait prendre fin jusqu'en été 1992, n'est-ce pas exact?

13 Réponse: Oui, absolument. Fin mai déjà, j'ai regagné la brigade de

14 pompiers parce que telle était ma profession, parce que j'étais pompier

15 depuis ma 23ème année. C'était le seul métier qui était le mien, la chose

16 que je voulais faire.

17 Question: Et pour ce qui est des autres membres de la brigade de pompiers,

18 est-ce qu'il y en avait eu parmi eux qui se trouvaient en même temps dans

19 les rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine?

20 Réponse: Non, ceci était tout simplement impossible, nous étions tous

21 pratiquement en nombre insuffisant par le nombre auquel nous étions. Nous

22 avons eu à faire tous les jours, et pour des périodes de plus de 12 heures

23 par jour. Il nous est arrivé par exemple, lorsque nous partions pour

24 intervenir pour maîtriser le feu, de ne pas pouvoir rentrer pendant deux

25 ou trois jours. Pendant que nous étions à intervenir, on nous bombardait

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1 dessus et il arrivait de voir d'autres établissements et immeubles à côté

2 de nous où le feu a pris. Par conséquent, pendant une journée entière ou

3 deux, il nous était impossible de regagner la caserne de pompiers.

4 Question: Serait-il juste de dire, Monsieur Jusufovic, que les membres de

5 la brigade de sapeurs-pompiers étaient exempts de service militaire au

6 sein de l'armée de Bosnie-Herzégovine?

7 Réponse: Pendant la guerre, tous devaient être quelque part, postés

8 quelque part. Et je suis d'accord avec vous pour dire que ceux qui étaient

9 membres de la brigade des sapeurs-pompiers en protection civile, qui

10 avaient une obligation de travail… Parce qu'il y avait des gens qui

11 devaient faire le trajet de 10 à 15 kilomètres par jour pour aller faire

12 quelque chose et cela sous les projectiles. Par conséquent, il devait y

13 avoir évidemment une obligation de travail pour tout à chacun et donc si

14 vous avez une obligation, vous n'avez pas eu à servir l'armée.

15 Question: Monsieur Jusufovic, pourrait-on dire également que, pendant la

16 guerre, vous vous êtes rendu dans plusieurs centaines de bâtiments,

17 d'immeubles de Sarajevo pour éteindre, pour maîtriser le feu?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Dans combien de ces immeubles ou bâtiments avez-vous pu trouver

20 des quartiers-généraux ou des postes de commandement de l'armée de Bosnie-

21 Herzégovine?

22 Réponse: Nous ne l'avons jamais fait, à aucune occasion et dans aucun des

23 immeubles. Tous ces immeubles étaient des immeubles réservés à des civils.

24 Question: Avez-vous jamais vu, dans un quelconque de ces immeubles, des

25 infrastructures, des bureaux ou des casernes au service de l'armée,

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1 utilisés par l'armée?

2 Réponse: Non. Une seule fois, où nous avons dû intervenir dans une

3 caserne, c'était la caserne Maréchal Tito où se trouvait le Bataillon

4 ukrainien lorsqu'ils ont été touchés et le feu a pris évidemment là-bas.

5 Nous avons dû éteindre et c'est ce que nous avons fait, mais c'était la

6 Forpronu qui se trouvait là-bas.

7 Question: Pendant que vous aviez à éteindre, par exemple un incendie, est-

8 ce que vous avez pu trouver des armes, que ce soit fusils, mitrailleuses

9 ou autres types de munitions, etc., et d'armes?

10 Réponse: Non. Excepté, évidemment, ces quelques cas où il a fallu

11 intervenir auprès des convois de la Forpronu, c'est-à-dire de la caserne,

12 dans la caserne de la Forpronu.

13 Question: Lorsque vous pénétriez dans des immeubles de civils, est-ce que

14 vous avez été prévenu de l'existence d'engins explosifs ou de munitions

15 quelconques, d'équipements militaires qui seraient susceptibles d'être un

16 danger pour les membres de la brigade de sapeurs-pompiers?

17 Réponse: Non, jamais.

18 Question: Dans quelle partie, dans quelle cité de Sarajevo êtes-vous

19 intervenu en tant que brigade de sapeurs-pompiers?

20 Réponse: Dans la cité de Sarajevo proprement dite. Evidemment, excepté les

21 parties qui ont été occupées, à savoir Grbavica, Ilija, Vogosca. Tout

22 cela, c'était partie intégrante de la ville de Sarajevo encore aujourd'hui

23 mais à cette époque-là, nous n'avons pas pu intervenir là-bas parce que

24 ces cités étaient occupées et pendant la guerre, pendant une certaine

25 période de la guerre, nous n'avons pas pu aller à Dobrinja non plus. Mais

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1 il y avait, en revanche, des sapeurs-pompiers volontaires qui ont pu

2 intervenir.

3 A Hrasnica non plus, nous n'avons pas pu agir. Mais il y avait là aussi

4 une société, une de sapeurs-pompiers volontaires qui pourraient faire le

5 travail à notre place.

6 Question: Vous avez fait mention de territoires occupés, utilisant les

7 termes que vous avez empruntés. Occupés par quelle force?

8 Réponse: Au début, pour parler des forces, il s'agit de la JNA et puis

9 après, de concert avec les Serbes de Bosnie. Plus tard seulement, ils ont

10 apporté quelques changements dans leurs habits, insignes, cocardes, etc.

11 Entre la JNA et les Serbes de Bosnie, il y avait aussi un lien que nous

12 avons pu observer lorsque Union Invest était en feu; c'est actuellement le

13 siège de hauts représentants internationaux et nationaux. Lorsque le

14 quartier général de Grbavica -il s'agit du quartier général du SDS- nous a

15 convoqués pour aller intervenir là-bas, les véhicules étant à l'aéroport,

16 l'ordre fut donné à un colonel de la JNA de nous autoriser à avoir accès à

17 ces véhicules. Evidemment, ceci ne cadre pas tout à fait avec la période à

18 laquelle vous vous référez, mais cela cadre à ce que vous appelez "liens"

19 qu'il y avait entre les deux parties.

20 Question: Est-ce donc juste, Monsieur Jusufovic, de dire que la brigade de

21 sapeurs-pompiers intervenait dans les zones qui se trouvaient sous le

22 contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine?

23 M. Jusufovic (interprétation): Oui, exactement. C'est de cela qu'il

24 s'agit.

25 M. Mundis (interprétation): Merci, Monsieur Jusufovic.

Page 6547

1 A ce stade, le conseil de l'accusation n'a plus de question à poser.

2 M. le Président (interprétation): Maître Pilipovic, est-ce vous qui allez

3 contre-interroger le témoin?

4 Mme Pilipovic (interprétation): Oui, mais nous nous attendons à une

5 compréhension de la part de la Chambre d'instance à l'intention de mon

6 collègue s'il souhaitait, lui aussi, poser quelques questions.

7 M. le Président (interprétation): Oui, cela sera autorisé. Bien sûr, vous

8 ne pouvez pas le faire simultanément mais l'un après l'autre,

9 successivement. Essayez, s'il vous plaît, de respecter le temps de parole

10 qui a été exploité par l'accusation. Je dis cela parce que, hier, le

11 contre-interrogatoire s'était fait un peu plus long. Je ne suis pas

12 intervenu pour ma part, mais d'entrée de jeu, je vous demande d'y faire

13 attention. Peut-être serait-il mieux de le dire tout de suite.

14 A vous de procéder, Madame.

15 (Contre-interrogatoire du témoin, Mesud Jusufovic, par Me Pilipovic.)

16 Mme Pilipovic (interprétation): Bonjour, Monsieur Jusufovic.

17 M. Jusufovic (interprétation): Bonjour.

18 Question: Pouvez-vous nous dire si, le 21 juin 1999 et le 24 juin 1999,

19 vous avez fait une déclaration devant les enquêteurs du Bureau du

20 Procureur?

21 Réponse: Probablement que oui.

22 Question: En apposant votre signature sur cette déclaration, avez-vous

23 confirmé que la déclaration faite par vous, déclaration que vous avez

24 signée, reflète fidèlement ce que vous avez dit aux enquêteurs?

25 Réponse: Oui, tout ce que j'ai dit, j'ai signé comme étant authentifié par

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1 moi.

2 Question: Merci. Je voudrais vous présenter pour examen une pièce en

3 annexe jointe aux entretiens que vous avez eus avec le Bureau du Procureur

4 en octobre et en septembre 2000 et 2001. Est-ce que vous vous en souvenez?

5 M. Jusufovic (interprétation): Je m'en souviens, mais je ne sais pas à

6 quelle date très exactement.

7 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais tout

8 simplement soumettre pour examen à ce témoin la déclaration qu'il a faite

9 pour voir s'il s'agit bien de sa déclaration à lui, pour ne pas qu'il y

10 ait une contestation quelconque, tout simplement.

11 M. le Président (interprétation): Oui, vous pouvez le faire.

12 Mme Pilipovic (interprétation): Merci.

13 M. le Président (interprétation): Je crois que d'ordinaire, toutes les

14 fois où nous avons obtenu la confirmation des signatures, il n'y avait pas

15 de raison concrète pour une objection quelconque, étant donné que le

16 témoin vient de dire qu'il avait revêtu de sa signature la déclaration

17 faite par lui et que celle-ci reflétait fidèlement ce qu'il avait dit.

18 M. Mundis (interprétation): Peut-être que nous pouvons nous mettre

19 d'accord avec vous, Monsieur le Président, mais est-ce une erreur

20 d'interprétation? Madame Pilipovic se réfère à des documents concernant

21 les interviews de l'année 2000 et 2001. A ce stade-là, il ne s'est

22 évidemment pas agi de signature et de confirmation. Tout simplement, les

23 documents de 1999 ont été signés alors que les documents de 2001 n'ont

24 jamais été signés par le témoin. A mon sens, tel n'a pas été le cas.

25 M. le Président (interprétation): Bien sûr, c'est la première fois que

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1 nous entendons parler de signature et c'est un peu différent des autres

2 moments où nous en avons parlé.

3 Allez-y, Maître Pilipovic.

4 Mme Pilipovic (interprétation): Je voulais tout simplement répondre à mon

5 collègue.

6 Il ne s'agit pas d'une déclaration. Je voulais tout simplement entendre le

7 témoin confirmer avoir eu des entretiens. Je sais évidemment de quoi il

8 s'agit: d'une feuille documentaire comme pièce en annexe jointe et

9 communiquée aux conseils de la défense.

10 Monsieur le Témoin, vous avez dit avoir résidé dans Alipasino Polje?

11 M. Jusufovic (interprétation): Oui. J'ai dit: pendant un certain temps,

12 pendant un mois peut-être.

13 Question: En quelle période?

14 Réponse: Pendant la période à laquelle nous nous référons, c'est-à-dire

15 celle-là qui est postérieure au 10 décembre.

16 Question: 10 décembre de quelle année?

17 Réponse: Peut-être de l'année 1993.

18 Question: Pouvez-vous être un peu plus précis pour dire en quelle période

19 et où vous résidiez le plus longtemps à Sarajevo?

20 Réponse: A Vratnik, c'est-à-dire là où j'ai eu un appartement.

21 Mais pour parler d'Alipasino Polje, lorsque mon beau-frère a été tué,

22 lorsque ma nièce s'est fait mutiler et est restée sans une jambe, alors

23 là, nous avons dû évacuer. Plus d'une quinzaine de balles ont atterri dans

24 notre appartement et c'était dangereux pour mon enfant. Nous étions au

25 quatrième étage.

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1 Question: Pendant que vous étiez à Vratnik, vous avez dit que vous avez

2 été engagé dans les rangs de la défense de votre cité. Pouvez-vous nous

3 dire si cette période courait jusqu'en avril 1992?

4 Réponse: Oui, mais je ne peux pas vous préciser la date à laquelle j'ai

5 regagné la brigade des sapeurs-pompiers, parce que je ne m'en souviens

6 pas. Peut-être fin mai ou début juin.

7 Question: Une fois organisé de cette façon-là, avez-vous eu le rôle de

8 commandant local?

9 Réponse: Oui.

10 Mme Pilipovic (interprétation): Pouvez-vous nous dire s'il est exact

11 qu'une fois que vous avez quitté le poste de commandant local, c'était

12 l'armée qui avait pénétré dans cette partie de Vratnik?

13 M. Jusufovic (interprétation): A cette époque-là où j'y étais, moi,

14 c'étaient des citoyens. Nous, nous avons creusé des tranchées tout autour

15 de Vratnik parce que c'était un premier point en face de Pale. Nous avions

16 une vingtaine de fusils de chasse, de fusils artisanaux à base de

17 conduites d'eau, etc.

18 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, je dois intervenir.

19 J'ai bien peur que le débit auquel vous y allez, aussi rapide, semble

20 monter de cran.

21 Monsieur Jusufovic, vous parlez la même langue que Me Pilipovic. Par

22 conséquent, je vois fort bien qu'il faudra tout de même savoir que vous

23 avez derrière vous les interprètes qui vous traduisent. Soyez aimable et

24 regardez cet écran, regardez le moment où le curseur s'arrête: c'est là

25 seulement que vous pouvez entamer la réponse qui sera la vôtre à la

Page 6551

1 question de Me Pilipovic. C'est la même chose que j'ai à vous dire, Maître

2 Pilipovic.

3 Vous pouvez poursuivre, Maître.

4 Mme Pilipovic (interprétation): Vous venez de dire, Monsieur le Témoin,

5 que vous et les citoyens de Vratnik, vous étiez organisés pour creuser des

6 tranchées, du fait que Pale se trouvait à proximité. Pourriez-vous nous

7 dire à quelle distance se trouve Pale par rapport à Vratnik?

8 Réponse: Peut-être s'agit-il d'une distance de 5 à 6 kilomètres; je ne

9 peux pas vous le dire avec exactitude ni précision.

10 Question: Lorsque vous dites "nous" -et en déposant, vous dites souvent

11 "nous"-, pouvez-vous nous dire qu'est-ce que vous désignez par "nous"?

12 Qu'est-ce que vous entendez par là?

13 Réponse: D'abord, c'est moi, d'abord, Mesud Jusufovic, ensuite Ibro, Imso,

14 Ljubo, mes voisins à moi, qui étions tous résidents de Vratnik.

15 Question: Est-ce que je vous ai bien compris lorsque vous dites que tous

16 ces voisins dont vous venez de mentionner le nom dont tous des Musulmans?

17 Réponse: Les noms ou les prénoms ne veulent pas dire grand-chose. Je

18 voulais dire tout simplement qu'il s'agit de voisins, des résidents de

19 Vratnik. Mais ils n'étaient pas tous des Musulmans; il y avait des Goranis

20 également.

21 Question: Dans la cité dans laquelle vous résidiez, pour laquelle vous

22 dites qu'il n'y avait pas que des Musulmans, il y avait des Goranis

23 également, est-ce qu'il y avait des Serbes ou des Croates?

24 Réponse: Pour parler de la population de Vratnik, je dirais qu'elle était

25 à majorité -de l'ordre de 90%- musulmane. Mais il y avait des Serbes, des

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1 Goranis. Il y en avait d'autres qui portaient d'autres noms. Il y avait un

2 Dragan parmi eux.

3 Question: Parlant de vos quartiers-généraux, de vos brigades de sapeurs-

4 pompiers, pouvez-vous nous dire d'abord de combien de municipalités se

5 trouve composée la ville de Sarajevo?

6 Réponse: Votre question se réfère à la période d'avant-guerre ou pendant

7 la guerre, ou après la guerre?

8 Question: Avant la guerre.

9 Réponse: Avant la guerre, il y avait dix municipalités dans Sarajevo. Or,

10 pendant la guerre, il y avait Stari Grad, Centar, Novo Sarajevo, Novi

11 Grad, Ilidza, comme municipalités, donc. Maintenant, tout est couvert par

12 la ville de Sarajevo, sauf Pale, pour parler de municipalités.

13 Question: Lorsque vous avez énuméré ces différentes municipalités de la

14 ville de Sarajevo, vous avez parlé de Stari Grad, Novo Sarajevo, Novi

15 Grad, Centar. Est-ce que vous voulez dire par là qu'il s'agit de

16 municipalités où, parmi les résidents, il y avait des Musulmans en

17 majorité?

18 Réponse: Ce qui manque ici, c'est la municipalité d'Ilidza. Or, moi, je ne

19 les ai jamais comptées pour savoir combien il y avait de Serbes et de

20 Musulmans. Et je n'aurais jamais su le deviner à en juger d'après les noms

21 des gens ou les prénoms.

22 Question: Est-ce que vous pouvez confirmer que la municipalité de Pale, en

23 tant que municipalité, fait partie de Novo Sarajevo, de Grbavica, de

24 Dobrinja, d'une partie d'Ilidza, de Trnovo ou de Vogosca? Or, pendant la

25 guerre, dans toutes ces municipalités, la population serbe était en

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1 majorité, et ces municipalités se trouvaient sous le contrôle de l'armée

2 de la Republika Srpska.

3 Réponse: Oui, il s'agit de municipalités que vous venez de mentionner, ou

4 des parties de municipalités qui se trouvaient sous le contrôle des

5 Serbes.

6 Question: Etes-vous d'accord avec moi pour dire que les municipalités de

7 Stari Grad, Centar, une partie de la municipalité de Novo Sarajevo, une

8 partie de la municipalité d'Ilidza, je crois, notamment Hrasnica, sont

9 toutes des municipalités sous le contrôle de l'armée de Bosnie-

10 Herzégovine?

11 Réponse: Excusez-moi, je n'ai pas vraiment compris votre question.

12 Question: Je vais reformuler, répéter ma question. Les municipalités de

13 Centar, une partie de la municipalité de Novo Sarajevo, celle de Stari

14 Grad, celle de Centar et une partie de la municipalité d'Ilidza se

15 trouvaient sous le contrôle de l'armée de Bosnie-Herzégovine?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Est-ce que vous pouvez confirmer aussi le fait qu'au temps des

18 conflits -et nous nous référons à la période courant du mois d'avril 1992,

19 plutôt depuis le mois de septembre 1992 à août 1994-, dans toutes ces

20 parties des municipalités différentes, des lignes de front étaient

21 établies et que des opérations de combat avaient lieu quotidiennement?

22 Réponse: Oui. Pour parler des lignes de front, oui, il y en avait bien là.

23 Mais pour parler des activités de combat, quant à nous, nous n'avions pas

24 vraiment de munitions pour pouvoir mener bataille tous les jours.

25 Question: Comment était équipée l'armée de Bosnie-Herzégovine? Le saviez-

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1 vous, pour parler de leur tenue vestimentaire ou de leur armement?

2 Réponse: Pendant que je me trouvais à Vratnik, nous n'avions que des

3 fusils confectionnés par nous-mêmes, à base de conduits d'eau, et nous

4 avions également quelques fusils de chasse. Plus tard, lorsqu'il

5 s'agissait de l'Armija, probablement ils devaient avoir des fusils

6 automatiques. Je ne sais pas comment la situation a évolué au temps de la

7 guerre, mais je crois que lorsqu'on nous a bombardés depuis Lapisnica -il

8 s'agit d'une distance de 800 mètres qui nous séparait-, ces gens-là là

9 prenaient des bains de soleil, tiraient dessus, alors que nous n'avions

10 pas vraiment de quoi riposter.

11 Question: Monsieur Jusufovic, pendant tout le temps de votre déposition,

12 vous étiez en train de nous parler de soldats pour parler de "eux, du haut

13 des hauteurs, ils nous bombardaient". Or, seriez-vous d'accord avec moi

14 pour dire que les collines ou les monts surplombant la ville de Sarajevo

15 -notamment Igman, la colline Zuc, Hum, Mojmilo, Brijesce, Sokolje Brdo,

16 Grdonja, ensuite Colina Kapa, grande et petite, au pied de Trebevic,

17 ensuite la colline Hrasno-, donc toutes ces collines et la montagne

18 d'Igman étaient des localités où il y avait un contrôle de l'armée de

19 Bosnie-Herzégovine pendant toute la durée des conflits, depuis avril 1992

20 jusqu'en septembre 1994?

21 Réponse: Je ne peux pas être précis lorsque vous faites l'énumération de

22 toutes ces collines, mais je sais qu'il y avait un contrôle de l'armée.

23 Question: Lorsque je vous dis, par exemple, que la colline Brijesce se

24 trouvait sous le contrôle de la 102e Brigade motorisée de l'armée de

25 Bosnie-Herzégovine, est-ce que c'est exact?

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1 Réponse: Pour ma part, la 102e Brigade motorisée ne me dit rien du tout,

2 mais peut-être que cela est dû au fait que je n'y étais pas initié. Je

3 n'ai pas eu le temps de m'en occuper. Nous autres, nous étions des

4 sapeurs-pompiers.

5 Question: Monsieur Jusufovic, vous venez de dire que d'après vous, la

6 guerre proprement dite a commencé à Sarajevo le jour de la libération, où

7 on commémorait la libération de Sarajevo. Lorsque vous dites "la guerre

8 proprement dite a commencé en vérité d'être là", est-ce que vous voulez

9 dire que le conflit de Sarajevo couvait ou existait avant le 5 ou le 6

10 avril?

11 Réponse: C'est ce jour-là que les obus ont commencé à tomber. Avant cela,

12 il y avait les barrages routiers; les Serbes avaient érigé des barrages

13 routiers. Je ne sais plus sûr s'il s'agissait du mois de février ou du

14 mois de mars.

15 Question: Conviendrez-vous que les tout premiers barrages routiers étaient

16 érigés après la mort d'un homme qui se trouvait dans un cortège nuptial de

17 Bascarsija à Sarajevo?

18 Réponse: Je ne le sais pas.

19 Question: Savez-vous que peut-être, des représentants de Musulmans eux-

20 aussi avaient érigés des barrages routiers?

21 Réponse: Je n'en sais rien non plus.

22 Question: Si je vous dis qu'au cours de cette période-là, au mois de mars

23 notamment, des barrages routiers ont été érigés par des Serbes et des

24 Musulmans et que des témoins nous en parlé et qu'après, par la suite, des

25 patrouilles mixtes avaient été établies par Serbes, Croates et Musulmans,

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1 seriez-vous donc d'accord avec moi pour dire que pour cette période-là,

2 ces patrouilles mixtes là contrôlaient le territoire de la ville de

3 Sarajevo en vue de sa défense?

4 Réponse: Je ne sais rien sur les barrages routiers érigés par des

5 Musulmans. Mais autant que je puisse m'en souvenir, il y avait des

6 patrouilles mixtes parce que composées de policiers et de militaires.

7 Question: Donc vous voulez dire que dans le cadre de brigades mixtes, ces

8 patrouilles-là devaient contrôler et mettre sous leur contrôle l'ordre

9 dans la ville de Sarajevo?

10 Réponse: Non, je ne peux pas confirmer cela.

11 Question: Est-ce que vous pouvez clarifier un petit peu le rôle qui était

12 celui de ces patrouilles, de ces formations mixtes, policières et autres?

13 Réponse: Je n'en ai jamais vu, pour parler évidemment de formations

14 mixtes, mais j'ai pu apprendre à la télévision qu'il y avait quelque chose

15 qui tournait autour de Kukanjac et qu'il devait y avoir des formations

16 mixtes. Et je sais qu'aussitôt après, la JNA a montré son vrai visage, et

17 que tel n'était pas le cas.

18 Question: Lorsque vous dites que très rapidement "l'armée a révélé son

19 vrai visage", pouvez-vous nous dire, à ce moment-là, quel groupe ethnique

20 faisait partie de la JNA?

21 Réponse: Jusqu'alors, je veux dire à l'époque de l'ex-Yougoslavie, tous

22 les groupes ethniques étaient représentés. Moi aussi, j'ai été soldat de

23 la JNA, mais en 1980. Mais à ce moment-là, il y avait très peu de

24 Musulmans car nos recrues ne rentraient pas dans l'armée. Ils ont été

25 arrêtés car ils refusaient de rentrer dans l'armée. Beaucoup ont été tués

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1 pendant leur sommeil.

2 Question: Lorsque vous nous dites que des recrues musulmanes ont refusé

3 d'aller à l'armée, est-ce que vous pouvez confirmer que déjà en 1990, dans

4 le territoire de la Bosnie-Herzégovine, une ligue patriotique a été créée

5 qui était en fait une armée de la SDA et qui, par la suite, est devenue

6 l'armée de la Bosnie-Herzégovine?

7 Réponse: S'il y avait eu une telle armée, je n'aurais pas été en train de

8 défendre avec un fusil fait de conduits d'eau.

9 Question: Donc vous dites que vous étiez en train de défendre la partie de

10 la ville dans laquelle vous habitiez avec un fusil fait de conduits d'eau,

11 que c'était en avril mai 1992. Pouvez-vous confirmer qu'à ce moment-là,

12 pendant cette période, dans la ville de Sarajevo, il y avait des

13 formations paramilitaires qui contrôlaient la ville, dont une était menée

14 par Zlatko qui vient de Vratnik? Et vous savez qu'il y a sa brigade, qu'il

15 a été enterré-là et puis il y a eu la brigade de Juka Prazina et celle de

16 Cela, et il s'agissait là de formations paramilitaires qui, pendant la

17 période de mars avril et mai, contrôlaient la ville, géraient la ville de

18 Sarajevo et engageaient des batailles et s'en prenaient aux membres du

19 JNA. Est-ce vrai?

20 Réponse: Non. Je ne peux pas dire que c'est vrai. Tout d'abord, Caco n'est

21 pas de Vratnik; il n'a jamais été à Vratnik, son unité n'a jamais été à

22 Vratnik. Jusqu'au 5 avril, il n'y avait pas d'armée qui aurait subi ces

23 attaques. A partir du 6 avril, il y avait des groupements de voisins, de

24 citoyens qui protégeaient leur partie de la ville et qui protégeaient

25 leurs femmes et leurs enfants.

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1 Question: Si vous nous dites que vous, en tant que citoyen, vous étiez en

2 train de protéger votre quartier, votre foyer, est-ce que je peux en

3 déduire que dans les quartiers serbes, ces derniers avaient également le

4 droit de s'organiser et de protéger leur foyer?

5 Réponse: Je n'en sais rien, car nous avons commencé les activités de

6 défense de protection une fois que les premiers bombardements avaient

7 commencé. Je ne sais pas qui a bombardé Pale. Est-ce que Pale a été

8 bombardée?

9 Question: Vous nous avez dit aujourd'hui que votre brigade comptait 150

10 hommes et qu'il y avait une division en fonction des appartenances

11 ethniques à l'intérieur de la brigade, d'après ce que j'ai compris. Est-ce

12 que vous pouvez nous dire à partir de quel moment cette division a été

13 effectuée?

14 Réponse: Lorsque les premiers barrages ont été organisés. Des brigades de

15 sapeurs-pompiers ont été utilisées pour ériger des barrages routiers et

16 c'est à ce moment-là que nous, les non-Serbes, nous avons vu que les

17 choses ne se passaient pas très bien. Nous avons vu où ça allait mener. Et

18 les Serbes, on nous a dit, ont eu une réunion avec Karadzic. Ils ont

19 abandonné la brigade; enfin, la plupart. 67 hommes ont quitté la brigade

20 avant le 5 avril et il y en a 10 qui sont restés.

21 Question: Y avait-il des Croates à l'intérieur de la brigade?

22 Réponse: Oui, il y en avait aussi.

23 Question: Est-ce que les Croates ont quitté la brigade?

24 Réponse: La plupart sont restés, mais ils n'étaient pas très nombreux,

25 pour être tout à fait franc. En fait, ils sont tous restés et, par la

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1 suite, il y en a un qui est parti.

2 Question: Lorsque vous avez dit aujourd'hui qu'il y avait des associations

3 ou des groupements volontaires qui, par la suite, sont devenus des unités

4 spécialisées de la protection civile, pouvez-vous nous dire à quel moment

5 ces sociétés, ces associations volontaires ont été créées? Est-ce que vous

6 pouvez expliquer? Est-ce qu'elles existaient avant la guerre également ou

7 est-ce qu'elles ont été formées une fois la division effectuée à

8 l'intérieur de la brigade, de votre brigade de sapeurs-pompiers?

9 Réponse: Nous ne disions pas association ou société de brigade de sapeurs-

10 pompiers. Enfin, des sociétés volontaires existaient. Il y avait par

11 exemple la société de sapeurs-pompiers de Vratnik qui existait depuis

12 1934. La société à Novo Sarajevo a également a été fondée cette même

13 année. Bjelave également; je ne sais pas quand. Alipasin Most, Ilidza

14 fonctionnaient à Hrasnica. Donc, toutes ces sociétés existaient depuis une

15 cinquantaine d'années déjà.

16 Question: Pouvez-vous nous dire si vous aviez, en tant que brigade de

17 sapeurs-pompiers, pendant le conflit à Sarajevo, des opérations également

18 dans Nedzarici?

19 Réponse: Nous n'avons pas pu le faire.

20 Question: Savez-vous qu'au mois de juin 1992, ce quartier a été incendié,

21 était en flammes, et qu'une machine connue sous le nom de "Voma" a été

22 utilisée?

23 Réponse: Je ne le sais pas.

24 Question: Enfin, moi-même, je ne sais pas ce que c'est. C'est un char, une

25 citerne chargée d'engins explosifs. Et au mois de juin, Nedzarici a été

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1 mise à feu. Donc je vous demande si vous et votre brigade, vous avez

2 éteint l'incendie dans ce quartier?

3 Réponse: S'il y avait eu cet incendie et si ça avait été au mois de juin,

4 nous n'avons pas pu y aller car à chaque fois que nous passions près de

5 Nedzarici, on nous tirait dessus.

6 Question: Lorsque vous êtes intervenus, est-ce que vous pouvez nous dire

7 s'il y avait des rapports qui étaient faits, des registres tenus? Et si

8 oui, pour une journée ou pour une semaine? Comment est-ce que vous

9 enregistriez les interventions?

10 Réponse: C'est une procédure standard. Le chef, le responsable d'une

11 intervention, une fois l'intervention achevée, doit remplir une fiche

12 d'intervention. Dans la plupart des cas, nous les remplissions lorsque

13 nous avions le papier et lorsque les sapeurs-pompiers revenaient à la

14 caserne des sapeurs-pompiers. Mais on n'a pas enregistré toutes les

15 interventions parce que, pour Dobrinja et Hrasnica, nous n'avons pas eu de

16 registre, car nous n'avons pas pu nous y rendre. Et lorsqu'il y avait une

17 intervention dans un endroit, par la suite, vous continuiez pour une

18 quinzaine d'interventions. Donc il y avait un registre, un rapport, pour

19 la première de ces interventions.

20 Question: Vous nous dites alors que vos registres n'étaient pas très

21 précis en ce qui concerne toutes les interventions que vous avez

22 effectuées pendant cette période, c'est-à-dire pendant les années 1992,

23 1993 et 1994?

24 Réponse: En ce qui concerne nos registres, ces registres étaient tenus

25 correctement. Des interventions ont été omises; pour les raisons que je

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1 vous ai citées, il n'a pas été possible de les enregistrer.

2 Question: Est-ce que vous, personnellement, en tant que chef de brigade,

3 commandant de brigade, est-ce que vous avez rédigé des rapports, des

4 rapports annuels, disons, des rapports sur les interventions dans certains

5 quartiers de la ville et dans certains bâtiments qui, à votre avis,

6 étaient des bâtiments qui étaient particulièrement frappés ou des

7 bâtiments particulièrement importants? Est-ce que vous avez tenu de tels

8 registres?

9 Réponse: Chaque année, un rapport est préparé sur notre travail pendant

10 l'année et le rapport est soumis à l'assemblée municipale. C'est une

11 obligation qui nous incombait.

12 Question: Lorsque vous avez tenu ces registres des interventions

13 effectuées et lorsque vous étiez en train de rentrer les données

14 statistiques sur les interventions, est-ce que vous avez noté l'heure, le

15 lieu? Ou, si vous voulez, est-ce que vous pouvez nous dire quelles données

16 ont été saisies sur ces formulaires, ce qui a été considéré comme étant

17 important?

18 Réponse: Je ne sais pas si vous parlez de moi, personnellement, ou de nous

19 en tant que sapeurs-pompiers.

20 Question: Je parle de vos services. Vous êtes commandant, vous étiez

21 commandant.

22 Réponse: Ces informations sont remplies par la personne responsable de

23 l'intervention. Vous mettez la date, l'heure, les minutes, qui a été à

24 l'origine de l'appel pour demander de l'aide, donc le numéro de téléphone,

25 le temps qu'il a fallu pour se rendre sur le lieu de l'incendie, le temps

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1 nécessaire pour localiser l'incendie, pour l'éteindre, et tous ceux qui

2 ont participé à l'opération. Tout ceci est listé.

3 Question: Sur ce formulaire, est-ce que vous avez également indiqué la

4 cause de l'incendie?

5 Réponse: Oui. J'avais oublié de le dire. Oui.

6 Question: A votre avis, quelle a été la cause la plus fréquente des

7 incendies dans la ville de Sarajevo?

8 Réponse: A mon avis, la cause la plus fréquente des incendies a été les

9 bombardements et les mises à feu intentionnelles. Il y a eu d'autres

10 causes également, qui se produisent aussi en temps de paix.

11 Question: Donc vous nous dites que le ciblage intentionnel était

12 effectivement un bombardement?

13 Réponse: Oui, des bombardements; des obus et des balles.

14 Question: Pouvez-vous nous dire combien d'interventions il y a eu pour

15 combattre des incendies provoqués par la négligence, ou pour des causes

16 inconnues ou pour des causes techniques?

17 Réponse: Je crois que vous allez trouver toutes ces informations dans les

18 documents que j'ai signés. Je ne m'en souviens pas, je ne peux pas vous le

19 dire.

20 Question: Monsieur Jusufovic, vous avez répondu à une question posée par

21 l'accusation; vous avez dit que les positions de commandement et les

22 quartiers-généraux de l'armée de la Bosnie-Herzégovine vous étaient

23 inconnus, que vous ne saviez pas où c'était?

24 Réponse: Je ne comprends pas bien ce que vous voulez dire. Je n'avais rien

25 à voir avec l'armée.

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1 Question: Vous me corrigerez si je me trompe, mais j'avais compris que

2 lorsqu'on vous a demandé, lors de vos interventions, si vous saviez s'il

3 s'agissait d'une cible, oui ou non, militaire, et s'il y avait des soldats

4 ou des munitions qui s'y trouvaient, vous avez répondu que non, vous ne le

5 saviez pas.

6 Réponse: Peut-être que vous avez mal compris. Dans ma réponse, j'ai dit

7 que nous n'avons jamais eu l'occasion d'éteindre des incendies dans des

8 casernes ou des quartiers-généraux; il n'y en a pas eu. Peut-être qu'il y

9 en a eu sur les lignes de front.

10 Question: Monsieur Jusufovic, d'après ce dont vous vous souvenez, est-ce

11 que vous pouvez nous dire s'il y a eu des incendies que vous avez éteints

12 dans les écoles?

13 Réponse: Oui.

14 Question: Vous souvenez-vous d'un incendie que vous avez éteint à l'école

15 élémentaire de "Pavle Goranin"?

16 Réponse: Je ne m'en souviens pas.

17 Question: Pouvez-vous confirmer qu'il existe une école élémentaire portant

18 le nom de "Pavle Goranin"?

19 Réponse: J'ai entendu le nom de cette école, mais je ne sais pas où elle

20 se trouve.

21 Question: Si je vous dis que sur la base des formulaires statistiques que

22 vous avez donnés à l'accusation -et l'accusation nous les a communiqués–,

23 il y a des mentions très fréquentes d'un bâtiment dans lequel vous êtes

24 intervenu pour éteindre un incendie, et qu'il s'agissait de l'école

25 élémentaire de "Pavle Goranin", pouvez-vous confirmer que cela se trouvait

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1 dans votre rapport sur les interventions?

2 Réponse: Je suis d'accord avec tout ce qui se trouve dans le rapport, même

3 si personnellement je n'étais pas forcément impliqué.

4 Question: Monsieur le Président, la défense souhaite lire une partie d'un

5 document que nous avons reçu de l'accusation. J'ai donné un exemplaire à

6 l'accusation et également aux interprètes. La défense va tout simplement

7 lire ce document.

8 Il s'agit d'un document de la brigade, de la 102e Brigade motorisée. Cela

9 parle donc du commandant. Il s'agit du document 02056502, daté du 23 mai

10 1983. Il s'agit d'un ordre et on dit ici "Examen et contrôle des entrepôts

11 et des autres installations de la caserne se trouvant à l'école

12 élémentaire de Pavle Goranin."

13 Monsieur Jusufovic, lorsque vous êtes intervenu lors de l'incendie qui a

14 eu lieu dans l'école élémentaire de "Pavle Goranin", saviez-vous qu'il s'y

15 trouvait une caserne où se trouvaient les soldats de la 102e Brigade

16 motorisée?

17 Réponse: Je ne me rappelle pas cette intervention spécifique. Vous me

18 dites que cela existe, donc nous sommes probablement intervenus mais il

19 faut savoir que les écoles ne fonctionnaient pas, à l'époque. Qui aurait

20 envoyé son enfant à l'école s'il y avait un risque de le tuer quinze fois

21 sur le trajet? Les enseignants enseignaient aux enfants dans les sous-

22 sols.

23 Question: Vous avez dit que les écoles ne fonctionnaient pas. Est-ce que

24 vous confirmez que l'armée de la Bosnie-Herzégovine utilisait les écoles

25 pour stationner les troupes?

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1 Réponse: Non, je ne le confirme pas. L'école Vratnik, par exemple, est une

2 cantine où il y a eu distribution d'aide humanitaire et où il y avait une

3 sorte de soupe populaire pour ceux qui n'avaient rien à manger. Il n'y

4 avait pas de soldats stationnés là.

5 Question: Je puis vous dire qu'un des témoins qui habitaient à Vratnik

6 avait entendu dire que l'école élémentaire de Vratnik a été utilisée comme

7 cantine de l'armée.

8 Réponse: Par la suite, je ne le sais pas. Mais quand j'étais à Vratnik,

9 Mrkva Ejub s'occupait de la cantine, des citoyens qui n'avaient rien à

10 manger, donc organisait la soupe populaire.

11 Question: Dans vos rapports, vous avez indiqué une liste d'interventions

12 effectuées par vos brigades et l'on constate qu'il y a eu des

13 interventions fréquentes à l'usine de Vaso Miskin Crni.

14 Réponse: Oui.

15 Question: Monsieur Jusufovic, si je vous dis que le 13 mars 2002, nous

16 avons… Cette Chambre a entendu un témoin et à la page 5304, ligne 19, il

17 est dit que le quartier-général de la protection de la Défense

18 territoriale et par la suite, le quartier-général de la 2e Brigade

19 motorisée se trouvaient dans le bâtiment de Vaso Miskin Crni. Est-ce que

20 vous seriez d'accord avec moi pour dire que l'armée se trouvait dans cette

21 usine?

22 Réponse: Je ne le sais pas.

23 Question: Si je vous dis que ce même témoin, le 13 mars 2002, a dit que

24 les positions de la 2e Brigade motorisée se trouvaient près de la

25 promenade Bristol…

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1 Réponse: Vous me posez des questions sur l'armée. Je suis sapeur-pompier,

2 et là où il y a un incendie, nous sommes là pour l'éteindre. Nous allons

3 maintenant à Lukavica, même en Turquie. Peu importe ce qui est en feu,

4 s'il y a un feu, un incendie, nous nous rendons sur place pour l'éteindre.

5 Question: Monsieur Jusufovic, lors de l'interrogatoire principal vous avez

6 parlé de bâtiments et des bombardements de bâtiments où vivaient des

7 civils. Si je vous dis que le bâtiment "Loris" est un immeuble résidentiel

8 et qu'il y a une entreprise commerciale au rez-de-chaussée où des troupes

9 étaient stationnées, seriez-vous d'accord avec moi pour dire que des

10 troupes étaient également stationnées dans des immeubles résidentiels où

11 habitaient les citoyens de Sarajevo?

12 Réponse: Probablement pas dans des immeubles d'appartement. En ce qui

13 concerne le bâtiment "Loris", il y avait probablement des soldats là, car

14 c'est un bâtiment qui se trouvait sur la ligne de front. S'il n'y avait

15 pas eu de soldats là, cela n'aurait pas été le nôtre.

16 Question: Si vous dites que dans ce bâtiment "Loris", certaines

17 installations étaient utilisées pour l'armée parce que c'était sur la

18 ligne de front, est-ce que vous seriez d'accord avec moi quand je dis que,

19 sur la ligne de front, il y avait des batailles menées entre les deux

20 armées?

21 Réponse: Je sais que lorsque nous sommes arrivés pour éteindre des

22 incendies au bâtiment "Loris", il y avait des gens qui habitaient là-

23 dedans. "Loris" a dix entrées; il se pourrait très bien que dans une de

24 ces entrées ou dans quelques appartements, il y avait des soldats, mais

25 des personnes y habitaient, des citoyens y habitaient.

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1 Question: Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que lors des opérations

2 armées -et je parle spécifiquement de la ligne de front au square où se

3 trouve "Loris"-, il aurait pu y avoir un incendie, étant donné l'impact

4 des armes? Est-ce qu'il aurait pu y avoir un incendie accidentel?

5 Réponse: Les incendies étaient déclenchés toujours par l'utilisation

6 d'armements.

7 Question: Sur la base des registres, des documents que vous avez donnés à

8 l'accusation, on constate que vous êtes intervenu très fréquemment dans la

9 région de l'hôtel Bristol où il y a eu des incendies. Est-ce vrai?

10 Réponse: Je ne sais pas de quel quartier vous voulez parler. L'hôtel

11 Bristol a été complètement brûlé.

12 Question: Si je vous dis qu'un témoin entendu par cette Chambre a dit,

13 dans sa déposition, que les positions et les troupes de la 2e Brigade

14 motorisée étaient stationnées à l'hôtel Bristol, à l'école des études

15 économiques et au département d'ingénierie de l'université, et que c'était

16 la ligne de front le long du fleuve Miljacka, et que, dans cette partie de

17 la ville, il y avait fréquemment des batailles, seriez-vous d'accord avec

18 moi pour dire qu'étant donné les opérations armées effectuées par l'armée

19 de la Bosnie-Herzégovine et par le VRS, des incendies ont éclaté et que

20 c'était pour cela qu'il y a eu l'incendie à l'hôtel Bristol, à l'école, et

21 que c'était cela la raison de votre intervention?

22 Réponse: Je ne puis pas être d'accord avec cela. Je ne sais pas, en ce qui

23 concerne l'hôtel Bristol: l'hôtel Bristol avait déjà été brûlé et je ne me

24 rappelle pas des interventions spécifiques dans cette partie de la ville.

25 Question: Pendant vos interventions, pendant 1992, 1993 et 1994, êtes-vous

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1 intervenu pour les jardins d'enfants d'Otes et Cengic Vila?

2 Réponse: S'il y a un rapport sur cet événement, on est sûrement

3 intervenus, mais je ne me le rappelle pas personnellement.

4 Question: Si je vous dis que, du document 02056493 -c'est un document qui

5 vient de la Brigade motorisée 102-, si je vous montre ce document… Le

6 document est pour le commandement du 1er Corps, qui dit: "A cause du

7 changement de la responsabilité de zone de la Brigade motorisée 102, il y

8 a une nécessité pour la distribution d'électricité sur nos localités".

9 Nous parlons de l'usine Gica, les lignes d'électricité longue distance,

10 Magros, Valter Perice et l'école élémentaire "Slobodan Vukovic", Peter

11 Dokic, Pasis de Stela, l'école élémentaire "Otoka", la caserne "Maréchal

12 Tito", l'immeuble "Energo Invest", l'école élémentaire Cengic Vila,

13 l'école qui s'appelle "Pavle Goranin" et l'hôtel Zagreb.

14 De votre document de preuve, l'accusation nous a montré que toutes ces

15 installations sont listées et la Brigade motorisée 102 y est listée.

16 C'étaient les raisons pour les incendies et vous avez enregistré que,

17 souvent, vous deviez intervenir sur ces immeubles que je viens d'énumérer

18 dans ces feuilles d'intervention de l'accusation. Est-ce que vous êtes

19 d'accord avec moi?

20 Réponse: Oui, nous intervenions là où il y avait le feu et lorsque nous

21 pouvions le faire. Chaque fois que nous travaillions, on nous bombardait à

22 chaque fois et on nous tirait dessus.

23 Question: Est-ce que vous serez d'accord avec moi pour dire que la raison

24 de ces incendies, et en particulier la raison pour ces interventions,

25 attaques sur ces bâtiments, ou les feux sur ces bâtiments, était toujours

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1 liée aux opérations armées et aux batailles qui avaient lieu à Sarajevo

2 entre deux armées?

3 Réponse: Je ne serais pas d'accord avec vous. Et je ne sais pas.

4 Question: Lorsque vous dites que vous ne savez pas, est-ce que vous voulez

5 dire que vous ne savez pas qui était responsable pour les bombardements

6 non plus, et quelle était la raison pour les incendies sur ces immeubles?

7 Réponse: Je sais qui était l'auteur des bombardements. Mais lorsqu'une

8 bombe tombe sur un immeuble, je ne sais pas quelle est la raison

9 principale, à part le fait de vouloir tuer.

10 Question: Monsieur Jusufovic, pendant la période où vous étiez commandant

11 de la brigade, ou plutôt avant de devenir le commandant de la brigade,

12 est-ce que vous travailliez ailleurs?

13 Réponse: J'ai commencé à travailler à la brigade en 1986. Le 11 septembre

14 1992, je suis devenu commandant-adjoint.

15 Question: Seriez-vous d'accord pour dire que, jusqu'en 1986, vous

16 travailliez dans l'usine qui s'appelait "Pretis Vogosca"?

17 Réponse: Je travaillais pendant trois mois et vingt jours dans l'usine

18 Vogosca et, après cette période, j'ai travaillé comme chauffeur de taxi.

19 Suite à cela, j'ai commencé mon travail dans la brigade des sapeurs-

20 pompiers.

21 Question: Est-ce que vous êtes devenu commandant de la brigade après la

22 mort de votre collègue Slinic, Kenan Slinic?

23 Réponse: Oui. Après sa mort, je suis devenu commandant.

24 Question: Lorsque vous êtes devenu commandant et lorsque vous travailliez

25 également comme commandant adjoint de cette brigade en 1992, 1993 et 1994,

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1 est-ce que vous avez eu des réunions ou une réunion avec M. Stjepan Siber?

2 Est-ce que vous vous êtes rencontrés?

3 Réponse: Non, je n'ai jamais rencontré Stjepan Siber; je n'ai jamais eu de

4 rencontre avec lui, de réunion.

5 Question: Savez-vous si vos collaborateurs ont eu une réunion avec M.

6 Stjepan Siber?

7 Réponse: Aucun sapeur-pompier n'a eu la nécessité d'avoir une réunion avec

8 M. Stjepan Siber, mais je sais que Kenan Slinic était en bons termes avec

9 tout le monde.

10 Question: Savez-vous si M. Stjepan Siber a publié son journal concernant

11 les événements à Sarajevo en 1992, 1993 et 1994?

12 Réponse: Oui, je sais. Je sais qu'il a publié quelque chose.

13 Question: Savez-vous que, dans ce journal qu'il a écrit, il a également

14 fait mention de la brigade de sapeurs-pompiers? Il parle de certaines

15 personnes de votre brigade de sapeurs-pompiers.

16 M. Jusufovic (interprétation): Oui, j'avais entendu parler de quelque

17 chose. Je pense qu'il a fait référence à Kenan Slinic, quelque chose à

18 propos de Kenan Slinic, mais je n'ai pas lu ce journal.

19 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, la défense, avec

20 votre permission, voudrait montrer au témoin un extrait du livre écrit par

21 M. Stjepan Siber, ces quatre lignes que j'ai données à mes confrères et

22 les interprètes.

23 Nous parlons de la page 178 du livre écrit par M. Siber; cela date du 19

24 août 1993: "A peu près vers midi, les sapeurs-pompiers de Sarajevo sont

25 venus me rencontrer..."

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1 M. le Président (interprétation): Monsieur Mundis, vous voulez dire

2 quelque chose?

3 M. Mundis (interprétation): Oui. Pour le compte rendu, Me Pilipovic nous a

4 donné un exemplaire lors de la dernière pause. Malheureusement, il n'y a

5 pas la version anglaise disponible. Donc je ne sais pas exactement ce que

6 dit le document.

7 M. le Président (interprétation): Je sais que ce livre a déjà joué un rôle

8 par le passé.

9 Madame Pilipovic, est-ce qu'il est vrai que vous avez fourni…

10 Mme Pilipovic (interprétation): Oui, tout à fait.

11 M. le Président (interprétation): Quelle est votre position? Je n'ai pas

12 entendu d'objection ferme concernant la lecture des quatre lignes de ce

13 livre. Est-ce que j'ai bien compris, Monsieur Mundis? Bien entendu, je

14 comprends que vous n'aimez pas être confronté…

15 M. Mundis (interprétation): Oui, mais nous soulèverons l'objection une

16 fois que l'interprète aura donné la version anglaise, étant donné que nous

17 n'avons que la version en BCS.

18 M. le Président (interprétation): Maître Pilipovic, veuillez lire les

19 quatre lignes. Ensuite, on verra s'il y a une objection de la part de

20 l'accusation. Et attendez avant de poser la question concernant ces quatre

21 lignes au témoin. Veuillez continuer.

22 Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

23 "Vers midi, vinrent chez moi en visite des sapeurs-pompiers de Sarajevo

24 pour se plaindre de leur commandant de la brigade, Mesud Jusufovic qui,

25 d'après eux, a pris en main la brigade de sapeurs-pompiers après la mort

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1 de Kenan Slinic. D'après eux, celui-ci a fait des divisions à des bases

2 nationales, organise des purges et sous-estime Croates et Serbes parmi les

3 pompiers. Voilà de quoi se plaignent les sapeurs-pompiers qui se trouvent

4 ici chez moi et, chose curieuse, tous sont des Musulmans. D'après eux,

5 Jusufovic joue un grand pratiquant alors qu'ils ont des preuves de le

6 voir, par exemple, souvent ivre et maltraiter pour autant d'autres

7 sapeurs-pompiers." (Fin de citation.)

8 M. Mundis (interprétation): (Pas de traduction.)

9 M. le Président (interprétation): Puis-je poser une question? Autour de

10 midi, 165 jours dans l'année? Est-ce que vous pouvez indiquer à quelle

11 période de l'année ce passage fait référence?

12 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, c'était au mois

13 d'août 1993. Donc le 19 août 1993, autour de midi.

14 J'ai une seule question: Monsieur Jusufovic, vous avez entendu ce que M.

15 Siber a écrit. Au vu des réponses données par vous pendant

16 l'interrogatoire principal et le fait que, très souvent, vous avez utilisé

17 le terme "nous" et "eux", est-ce qu'il est vrai que vous poursuiviez vers

18 cette division ethnique et que vous maltraitiez les gens?

19 M. Jusufovic (interprétation): Non, je ne savais pas que c'était écrit.

20 C'était à peine deux mois après être devenu commandant. Je n'ai jamais

21 entendu une telle stupidité. Avant, dans toute brigade de sapeurs-

22 pompiers, il n'y avait pas un Serbe ou un Croate qui n'avait pas une

23 position importante. Et après être devenu commandant, pas une seule

24 personne n'a quitté la brigade des sapeurs-pompiers.

25 Question: Vous dites qu'il n'y a pas un Serbe et un Croate qui n'occupe un

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1 poste important. A quelle période de temps faites-vous référence?

2 Réponse: Je fais référence à la période où je suis devenu commandant. Il y

3 avait un Croate qui créait des problèmes; il buvait, et Kenan Slinic

4 l'avait remplacé. Pas moi.

5 Mme Pilipovic (interprétation): Est-ce que vous êtes en train de dire

6 qu'aujourd'hui, il y a des Serbes et des Croates qui remplissent des

7 positions importantes dans votre brigade de sapeurs-pompiers?

8 M. Jusufovic (interprétation): Oui, c'est exactement ce que je suis en

9 train de dire. Ils ont toujours été là, ils ont toujours fait cela et ils

10 y resteront, dans ces postes.

11 M. le Président (interprétation): Je vois qu'il y a un petit problème.

12 Le témoin, du moins dans le texte anglais, témoigne qu'il n'y avait pas un

13 Serbe ou un Croate qui n'avait pas une position importante. Votre question

14 qui a suivi, du moins dans la version anglaise, Maître Pilipovic, était:

15 "Lorsque vous dites qu'il n'y avait pas de Serbes ou de Croates occupant

16 de poste important", ce qui semble être l'opposé. Je ne sais pas si c'est

17 un problème de traduction mais, du moins dans la version anglaise, cela

18 peut créer une certaine confusion. Mais si vous dites que cela n'est pas

19 le cas avec vous, je suis satisfait.

20 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, ma question n'a pas

21 été interprétée correctement. Donc si vous me le permettez, je vais

22 répéter ma question, mais je pense que le témoin a bien compris.

23 Monsieur le Témoin, lorsque vous dites que pendant cette période en

24 question, lorsque vous étiez commandant de la brigade, au sein de la

25 brigade des sapeurs-pompiers, des Serbes et des Croates ont occupé des

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1 positions importantes, est-ce que c'est exact?

2 M. Jusufovic (interprétation): Oui, c'est exact.

3 Question: Pouvez-vous nous dire qui est votre adjoint, aujourd'hui, au

4 sein de la brigade?

5 Réponse: Aujourd'hui, nous n'avons pas d'adjoint car d'après le nouveau

6 système de description de postes, ce poste n'existe pas.

7 Question: Qui occupait ce poste avant?

8 Réponse: Cesko Huso.

9 Question: Il y a une brigade de sapeurs-pompiers dans chaque municipalité,

10 aujourd'hui?

11 Réponse: Oui.

12 Question: Combien d'unités, de brigades de sapeurs-pompiers y a-t-il?

13 Réponse: Huit.

14 Question: De ces huit brigades de sapeurs-pompiers, pouvez-vous nous dire

15 combien de commandants sont d'origine serbe, combien de Croates, combien

16 de Musulmans?

17 Réponse: Le commandant, le chef en second et tous les chefs de brigade. Il

18 y a également 9 centres, le centre de dispatching. Donc pour toutes les

19 unités, il y a un Croate, un Serbe, et tous les autres sont musulmans.

20 Mme Pilipovic (interprétation): Cela termine cette portion du contre-

21 interrogatoire. Je vais consulter mon collègue pour voir s'il a des

22 questions.

23 M. le Président (interprétation): J'ai une question pour vous, Maître

24 Pilipovic.

25 Vous avez questionné le témoin, vous avez posé une question où vous avez

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1 commencé en disant: "Si je vous dis qu'un témoin a témoigné dans cette

2 Chambre que les troupes de brigades motorisées ont été dans l'hôtel

3 Bristol, la faculté d'ingénierie électrique et l'école d'études

4 économiques et le Privjer…". Est-ce que vous pouvez me donner

5 l'emplacement exact pour que je puisse trouver les mots exacts?

6 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, j'ai la page 5131,

7 lignes 4 à 10, transcript du 13 mars.

8 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas quel compte rendu vous

9 utilisez, le compte rendu anglais ou… Pourriez-vous également répéter les

10 lignes… 5313, de la page 5313?

11 Mme Pilipovic (interprétation): Les lignes 4, 10 et 9.

12 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas quelle version du compte

13 rendu vous utilisez, mais ce n'est pas ce qui se trouve dans mon

14 transcript sur la page 5313. Ce que j'ai trouvé, en fait, se trouve à la

15 page 5308. Et si ça pouvait vous aider, je dirais quel est le témoignage,

16 la déposition de ce témoin.

17 M. Sabljica a témoigné et dit que les positions se trouvaient devant

18 l'immeuble de la faculté d'économie et dans le voisinage de l'hôtel

19 Bristol, quelque part devant l'école ou la faculté d'électronique, et le

20 quartier général était au même endroit où se trouvaient les quartiers

21 généraux de l'armée, de la Défense territoriale, dans les locaux de

22 l'usine.

23 Vous avez demandé au témoin… Vous avez dit qu'il y avait un témoignage

24 disant que les troupes se trouvaient à l'intérieur de l'hôtel Bristol. Ce

25 n'est pas la déposition du témoin à la page que je vous ai indiquée. Mais

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1 par la suite, vous lui avez demandé de marquer l'hôtel Bristol; vous ne

2 lui avez pas demandé où se trouvaient les troupes. Vous lui avez demandé

3 de marquer l'hôtel Bristol, ce qui se trouve sur la carte.

4 Peut-être que pendant la prochaine pause, vous m'informerez s'il y avait

5 une meilleure source, car l'examen des témoins est sous mon contrôle et,

6 comme vous l'avez remarqué déjà, je ne permettrai pas de fausse

7 présentation des dépositions précédentes. Mais si vous avez une autre

8 source, meilleure, je serai tout à fait heureux de l'accepter.

9 Mme Pilipovic (interprétation): Oui.

10 Monsieur le Président, afin de pouvoir éviter cette confusion, je vais

11 reposer la question.

12 Témoin, je vais vous poser la question si ces immeubles se trouvaient sur

13 la ligne de front.

14 M. Jusufovic (interprétation): Je pense que la ligne de front était à

15 Miljacka.

16 Mme Pilipovic (interprétation): Je retire la question sur si le témoin

17 sait si l'armée ou les militaires étaient stationnés dans ces immeubles.

18 Ma question était la suivante: s'il savait, d'après le témoin Sabljica, si

19 ces immeubles se trouvaient sur la ligne de front.

20 M. Jusufovic (interprétation): J'ai déjà répondu que la ligne de front

21 était le long de la ligne, de la rivière Miljacka.

22 M. le Président (interprétation): Maître Pilipovic, est-ce que vous avez

23 des questions supplémentaires, car c'est la dernière chose que vous aviez

24 indiquée tout à l'heure?

25 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, merci.

Page 6577

1 Afin de vérifier un point, puis-je demander à la Chambre quand elle entend

2 prendre le prochain break, la prochaine pause?

3 M. le Président (interprétation): Nous aurions une pause normalement après

4 7 minutes. Donc si c'est juste un point que vous voulez clarifier, cela

5 pourrait être fait dans les 7 minutes à venir.

6 M. Piletta-Zanin: J'ai peur, Monsieur le Président, que cela dure un peu

7 plus longtemps. J'ai eu un problème technique dans l'intervalle…

8 Jonction à voir (M. le Président (interprétation): Commençons néanmoins,

9 nous verrons.

10 M. Piletta-Zanin: J'ai eu un problème technique dans l'intervalle: mon

11 ordinateur que j'ai fermé ne répond plus présent, hélas! Donc ou la

12 Chambre montre à mon endroit une assez grande mansuétude, car je citerai

13 exclusivement de mémoire, ou nous pourrions peut-être commencer le break

14 maintenant et à ce moment-là, je pourrais appeler un technicien pour

15 restaurer ce qui, pour des raisons qui m'échappent totalement, a disparu

16 de mon écran.

17 M. le Président (interprétation): C'est l'ordinateur?

18 M. Piletta-Zanin: C'est non seulement l'ordinateur mais le transcript lui-

19 même qui pose problème.

20 M. le Président (interprétation): Ecoutez, normalement je l'allume en

21 choisissant "Livenote", ensuite on ouvre un fichier -c'est le fichier

22 Galic- et ensuite on ouvre le compte rendu, le transcript. Mais si le

23 technicien peut vous aider entre temps…

24 M. Piletta-Zanin: Oui. Mais je crois, Monsieur le Président, que j'ai

25 tellement essayé cela que tout s'est mélangé.

Page 6578

1 M. le Président (interprétation): Oui, très bien. Nous demanderons aux

2 techniciens de vous aider si c'est un véritable problème. Mais est-ce que

3 vous avez vraiment besoin de l'ordinateur pour poursuivre?

4 M. Piletta-Zanin: J'aurais préféré avoir cette structure-là.

5 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, nous prendrons une

6 pause jusqu'à 12 heures 45. Nous prendrons 20 minutes de pause.

7 (L'audience, suspendue à 12 heures 25, est reprise à 12 heures 48.)

8 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, j'espère que les

9 problèmes techniques qui étaient les vôtres ont été résolus?

10 M. Piletta-Zanin: (inaudible)… au laptop qui n'ont pas pu être réglés,

11 mais je travaillerai en parallèle sur l'autre document en espérant sur

12 l'autre laptop en espérant que mes déplacements ne seront pas trop gênants

13 pour les uns comme pour les autres, ce dont je m'excuse par avance.

14 Suis-je autorisé, Monsieur le Président, à continuer?

15 M. le Président (interprétation): Oui. Puis-je tout simplement rappeler à

16 votre intention que si nous voulons strictement respecter le temps de

17 parole utilisée par l'accusation, vous n'avez que cinq minutes à votre

18 disposition?

19 M. Piletta-Zanin: Mais je vois que l'on veut que je parle plus lentement

20 ou plus tard? Plus tard, bien.

21 (Contre-interrogatoire du témoin, Mesud Jusufovic, par Me Piletta-Zanin.)

22 Monsieur le Témoin, bonjour. Voulez-vous, je vous prie me donner, le nom

23 les prénoms et date de naissance du premier assassiné, et si possible à

24 voix haute pour que je vous entende?

25 Si vous ne le pouvez pas, donnez-moi le nom du deuxième.

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1 Monsieur le témoin, nous n'avons que cinq minutes. Je voudrais que vous

2 puissiez répondre rapidement.

3 M. le Président (interprétation): Monsieur Mundis?

4 M. Mundis (interprétation): Monsieur le Président, excusez-nous mais la

5 question n'est pas tout à fait claire, la première personne assassinée.

6 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, à quoi vous

7 référez-vous lorsque vous parlez d'une première personne qui aurait été

8 assassinée? Où? A La Haye ou au sein de la Brigade de sapeurs pompiers ou

9 ailleurs? Soyez précis dans votre question, s'il vous plaît, au lieu de

10 rappeler au témoin le fait que vous n'avez que cinq minutes à votre

11 disposition.

12 M. Piletta-Zanin: Ce témoin a déclaré ici, devant vous, que "ils" avaient

13 été assassinés dans leur sommeil. Alors je veux savoir qui est "ils", quel

14 est le nom de la première personne qui a été assassinée dans son sommeil,

15 son nom, son prénom, son âge et le lieu de son assassinat. C'est très

16 important parce qu'il s'agit d'une vérité qu'on vous a dite. C'est peut-

17 être à vous, Monsieur le Président, d'ouvrir peut-être une enquête sur la

18 base de cette affirmation-là.

19 Témoin, je vous écoute.

20 M. le Président (interprétation): Voulez-vous, s'il vous plaît, répondre à

21 la question? Vous vous référez à ces gens qui ont été tués dans leur

22 sommeil. Est-ce que je suppose que ceci a dû avoir quelque chose à voir

23 avec de jeunes militaires? Par conséquent, vous avez témoigné sur cela en

24 disant qu'il y avait des gens qui ont été tués en plein sommeil.

25 Connaissez-vous ces gens-là? Si oui, répondez à cette question.

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1 M. Jusufovic (interprétation): Je ne connais pas les noms de ces gens-là

2 mais j'ai été à leurs funérailles à Vogosca.

3 M. Piletta-Zanin: Vous êtes allé, Monsieur le Témoin, aux funérailles de

4 gens dont vous ne connaissez même pas le nom? C'est ce que vous me dites?

5 M. Jusufovic (interprétation): Il s'agit de jeunes recrues, des Musulmans

6 tués au cours de leur sommeil. Il n'y a pas que moi; la ville entière

7 s'est rendue à leurs funérailles.

8 M. Piletta-Zanin: Vous êtes allé participer aux funérailles d'un événement

9 important et vous ne pouvez même pas me dire un seul nom, un seul prénom

10 maintenant devant cette Chambre? Pas un seul nom, Monsieur le Témoin? Pas

11 un seul petit nom? Rien?

12 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, vous avez cinq

13 minutes, et je vous prie de bien vouloir exploiter de façon appropriée

14 pour ne pas parler du nom, du petit nom, du prénom, etc.

15 Le témoin a dit qu'il s'est rendu aux funérailles d'une ou plusieurs

16 personnes dont il ne connaît pas le nom, donc il n'y a vraiment aucune

17 utilité de voir le contre-interrogatoire comme vous le faites, vous.

18 M. Piletta-Zanin: Bien, très bien. Monsieur le Témoin, donnez moi le nom

19 des pompiers car vous avez utilisé un pluriel, des pompiers qui ont

20 bombardé la ville?

21 M. Jusufovic (interprétation): Est-ce que vous êtes intéressé?

22 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Mundis.

23 M. Mundis (interprétation): Monsieur le Président, je ne sais pas si le

24 témoin a dit quoi que ce soit pour témoigner sur les sapeurs-pompiers qui

25 auraient bombardé la ville.

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1 M. le Président (interprétation): S'agit-il de sapeurs-pompiers ou s'agit-

2 il d'une erreur d'interprétation? Je n'ai pas suivi le transcript en

3 français.

4 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je me base sur le transcript

5 anglais 13, 14 je crois. Je vais devoir me déplacer.

6 M. le Président (interprétation): A quelle ligne?

7 M. Piletta-Zanin: (inaudible)… Je me réfère aux lignes 1313 et 1314 et je

8 crois qu'il n'y a pas de confusion possible. Le texte dit ceci: "Il a été

9 dit que même les sapeurs pompiers qui nous ont quittés nous ont bombardés

10 et ils ont bombardé à nos postes de sapeurs-pompiers également."

11 M. le Président (interprétation): Oui. La question est de savoir si vous

12 pouvez nous dire les noms des sapeurs-pompiers qui ont quitté votre

13 brigade et pour lesquelles les sapeurs-pompiers vous avaient dit en

14 déposant qu'ils se sont mis à bombarder votre poste de sapeurs-pompiers.

15 M. Jusufovic (interprétation): Lorsque j'ai dit que 67 sapeurs-pompiers

16 serbes ont quitté la brigade de sapeurs-pompiers pour regagner les rangs

17 des forces serbes qui nous ont bombardés, je peux dire quelques noms. Mico

18 Cicovic, par exemple, qui plus tard s'est fait tuer à Zepa; or, lui, il

19 était résidant de Pale.

20 M. Piletta-Zanin: Stop, je vous arrête.

21 Monsieur le Témoin, quel est l'élément que vous allez nous donner pour

22 apporter la preuve que cet homme-là s'est trouvé derrière un canon et

23 qu'il a projeté des projectiles sur la ville?

24 M. le Président (interprétation): D'abord, Monsieur Jusufovic, lorsque

25 vous avez dit que des gens vous ont quitté et que plus tard, ces mêmes

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1 gens vous ont bombardés, disant cela, voulez-vous dire que de tels

2 particuliers ont pris part à titre individuel à des bombardements contre

3 la ville ou est-ce que vous dites que les gens qui ont quitté votre

4 brigade de sapeurs-pompiers ont regagné l'autre partie en conflit? Or,

5 l'autre partie en conflit était celle qui a bombardé la ville de Sarajevo.

6 M. Jusufovic (interprétation): Je pensais à ce que vous avez dit tout à

7 l'heure. Ils ont regagné les rangs de ceux qui ont bombardé les rangs de

8 Sarajevo.

9 M. le Président (interprétation): Oui, je comprends. Maître Piletta-Zanin,

10 poursuivez.

11 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, merci de votre assistance.

12 Donc, Monsieur le Témoin, si je vous comprends bien, vous ne pouvez pas

13 affirmer devant cette Chambre, vous ne pouvez pas affirmer que d'anciens

14 pompiers serbes auraient actionné une manette quelconque pour vous

15 bombarder? Ou le faites-vous encore?

16 M. Jusufovic (interprétation): Non, je ne les ai pas vus, évidemment,

17 manier les armes.

18 Question: Merci. J'aimerais que vous vous limitiez, lorsque je vous

19 contre-interroge, à ce que vous avez vu, su, et non pas à ce que vous

20 imaginez.

21 Je reviens à ces gens prétendument assassinés dans leur sommeil. Dans

22 quelle caserne était-ce? Peut-être au pluriel. Et quand?

23 Réponse: Je ne sais pas si vous avez bien compris ce que j'ai dit. Cela

24 s'était fait en 1991, pendant la guerre de Croatie, et il ne s'agit

25 absolument pas de parler de la période couverte par l'Acte d'accusation.

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1 Question: C'est vous qui en avez parlé, Monsieur le Témoin, pas moi.

2 Alors, pourquoi en avez-vous parlé si vous savez quelle est la période

3 couverte par l'Acte d'accusation? Pourquoi en avez-vous parlé?

4 Réponse: Parce qu'il y avait une question à laquelle il a fallu répondre:

5 de quelle nationalité étaient les gens qui se trouvaient sous les drapeaux

6 de l'ancienne JNA? J'ai répondu qu'il y avait eu très peu de Musulmans. Et

7 pour cause, que j'ai citée, il s'agit de la période de 1991.

8 Question: Vous parlez de la période, Monsieur le Témoin, couverte par

9 l'Acte d'accusation. Comment connaissez-vous cette période?

10 Réponse: Je sais que depuis le 7 septembre 1992 court cette période pour

11 englober le mois d'août 1994.

12 Question: Je ne vous ai pas demandé ce que vous savez. Je vous ai demandé:

13 comment vous le saviez, par quelle source?

14 Réponse: Je le savais même avant. C'est-à-dire: je le savais, enfin pour

15 parler de tous les commandants qui commandaient le siège de Sarajevo.

16 Question: Monsieur le Témoin, vous venez de parler de la période couverte

17 par l'Acte d'accusation. Comment savez-vous ce qu'est la période couverte

18 par l'Acte d'accusation, ce qui implique que vous ayez eu connaissance de

19 l'Acte d'accusation. Comment le savez-vous?

20 Réponse: J'habitais Sarajevo. Je connais tous les commandants autour de

21 Sarajevo. Je sais que le général Galic, à cette période-là, était celui

22 qui était le commandant du siège de Sarajevo.

23 Question: Monsieur le Témoin, comment connaissez-vous la période couverte

24 par l'Acte d'accusation? Je ne parle pas de la période pendant laquelle le

25 général Galic était à Sarajevo. Je parle de la… Vous avez utilisé ces

Page 6584

1 termes vous-même, je parle de la période couverte par l'Acte d'accusation.

2 Qui vous en a informé?

3 Réponse: Premièrement, je le savais et probablement j'en ai été informé.

4 J'en ai posé la question au Bureau du Procureur, à ceux avec qui j'ai pu

5 m'entretenir; car lorsque j'ai dû recueillir les données statistiques

6 concernant mes interventions à moi, je leur ai demandé de quelle période

7 il s'agissait. Ils m'ont dit, évidemment, de quelle période il s'est agi.

8 Question: Vous voulez dire, Monsieur le Témoin, que lorsque vous avez

9 recueilli vos données statistiques, vous les avez fournies en quelque

10 sorte "sur mesure"? Je redis "sur mesure".

11 Réponse: Non, non. Il ne s'agit pas de demande ou "sur mesure". Nous aussi

12 nous devons recueillir nos statistiques pour remplir les feuilles

13 d'intervention. Et toutes les fois où les gens venaient chez moi pour

14 qu'on parle un petit peu des conditions dans lesquelles nous avons pu

15 maîtriser le feu et les incendies, j'ai dû réunir l'ensemble des données

16 dont nous je disposais. Il s'agissait de cette période-là.

17 Question: Vous me confirmez par conséquent, si je vous ai bien compris,

18 que vous n'avez pas établi de pièces "sur mesure" à la requête de qui que

19 ce soit. C'est bien cela?

20 Réponse: Je ne comprends pas ce que vous me demandez, mais essayons d'être

21 plus clairs. Moi, au sein de la brigade, je détiens des informations pour

22 l'ensemble de la gare(?).

23 Question: Non, je vais reposer la question. Je vous demande si vous avez

24 émis des pièces qui couvriraient certaines périodes, à la demande par

25 exemple de l'accusation, oui ou non?

Page 6585

1 Réponse: Oui.

2 Question: Quelles pièces avez-vous émises?

3 Réponse: D'abord, les feuilles d'intervention. Ensuite, l'ensemble des

4 statistiques que nous avons pu avoir.

5 Question: Bien. Serez-vous d'accord avec moi pour considérer que ces

6 pièces ont donc été rédigées, en tout cas pro forma? Et par conséquent, à

7 la demande de l'accusation?

8 M. Jusufovic (interprétation): Toutes ces pièces ont été recueillies d'une

9 manière ou d'une autre, même si je ne devais pas venir devant ce Tribunal

10 comparaître ici. Or, pour ma part, j'ai pu m'entretenir avec plusieurs

11 d'entre eux.

12 M. Piletta-Zanin: J'aimerais soumettre, Monsieur le Président, avec

13 l'assistance de M. l'huissier, s'il veut bien s'approcher et si vous l'y

14 autorisez.

15 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Piletta-Zanin, procédez.

16 Mais puis-je vous rappeler tout simplement que si on respecte strictement

17 le temps de parole, vous n'avez que cinq minutes à votre disposition?

18 Essayez évidemment de l'exploiter avec efficacité, je vous en prie.

19 M. Piletta-Zanin: J'essaie d'être aussi efficace que possible, et je crois

20 que je m'en approche.

21 (Intervention de l'huissier.)

22 Monsieur le Témoin, je vais vous soumettre un document.

23 Pendant que l'huissier le distribue à chacune des parties, j'aimerais que

24 vous nous fassiez savoir si vous reconnaissez ce document comme émanant de

25 vos services.

Page 6586

1 Je précise d'ores et déjà, pour le transcript, qu'il s'agit du document

2 portant le numéro ERN 00205173.

3 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous proposez de demander le

4 versement au dossier de cette pièce-là?

5 M. Piletta-Zanin: Tout à fait.

6 Mme Philpott (interprétation): Il s'agira de D83.

7 M. Piletta-Zanin: Merci, Madame la Greffière.

8 Monsieur le Témoin,...

9 M. le Président (interprétation): Y a-t-il des copies pour les

10 interprètes?

11 M. Piletta-Zanin: Je pense qu'il n'en sera pas besoin, mais nous en avons

12 suffisamment pour les transmettre aux cabines. Merci.

13 M. le Président (interprétation): OK.

14 M. Piletta-Zanin: Je vais donc attendre quelques instants que la

15 transmission en cabine se fasse; je vois qu'on s'agite derrière les

16 vitres.

17 (Intervention de l'huissier.).

18 Bien. Merci, Monsieur l'Huissier.

19 Monsieur le Témoin, reconnaissez-vous ce document comme émanant de vos

20 services?

21 M. Jusufovic (interprétation): Oui, je vois qu'il y a ma signature aussi.

22 Question: Merci. Bien. Monsieur le Témoin, pouvez-vous donner la date de

23 ce document, si tant est qu'il n'y en ait jamais eu?

24 Réponse: Je ne sais pas parce que je n'y vois pas de date. Mais, de toute

25 évidence, il s'agit évidemment de la période couverte jusqu'en 1994.

Page 6587

1 M. Piletta-Zanin: Bien. Je vais lire simplement -et je remercie les

2 cabines de vouloir me suivre-, je vais lire simplement la première phrase

3 du texte qui se trouve à la page 3, donc la première phrase du texte, et

4 je poserai une question sur cela. Je lis donc le haut du paragraphe.

5 (interprétation): "Pour la période du 5 avril, etc., jusqu'au 10 août

6 1994, la brigade a fait en totalité 1065 interventions." 1065.

7 (sans interprétation): Monsieur le Témoin, lorsque vous examinez cette

8 date du 10 août 1994, pourquoi l'avez vous établie sur ce document?

9 M. Jusufovic (interprétation): Je ne sais plus pour quelle raison d'abord

10 ce document a été établi, mais d'une manière générale, tout a été

11 enregistré: nos sorties, nos interventions. Mais il y a aussi les

12 bulletins portant sur les sapeurs-pompiers blessés et morts, car de telles

13 informations devaient être recueillies.

14 Question: Bien. Monsieur le Témoin, quel est le nombre d'interventions que

15 je lis au bas de cette liste? S'agit-il bien de 120? Voyez-vous, comme

16 moi, page 3, le chiffre, le nombre 120, Monsieur le Témoin?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Merci. Pourriez-vous retourner, je vous prie, en page 1 de ce

19 document que vous avez établi?

20 Monsieur le Témoin, il s'agit là de la liste des interventions que vous

21 avez effectuées pour votre brigade et vous l'avez vous-même signée à une

22 date qu'on ignorera sans doute toujours. Néanmoins, voulez-vous nous dire

23 ce qu'il y a au point 3? Voulez-vous lire ce qu'il y a au point 3?

24 Réponse: "Hôtel du MUP."

25 Question: Bien. Que veut dire MUP, Monsieur le Témoin?

Page 6588

1 Réponse: Ministère des Affaires intérieures.

2 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Témoin, vous avez déclaré sous serment, tout

3 à l'heure, devant cette Chambre, que vous n'aviez jamais vu d'activités

4 militaires dans les feux que vous êtes allés éteindre. Lorsqu'il y avait

5 des feux sur le MUP, vous n'avez jamais vu de militaires?

6 M. Jusufovic (interprétation): Je n'ai pas fait partie de l'équipe qui est

7 intervenue. Vous savez très bien que, jusqu'à la fin du mois de mai, je

8 n'étais pas sapeur-pompier.

9 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, je vous prie de

10 cesser de rappeler à l'attention du témoin le fait qu'il est sur l'action

11 de serment. S'il faut le faire, c'est à moi de le faire. J'attendais

12 jusqu'au moment où le témoin devait répondre. L'explication faite par le

13 témoin indique clairement que ce n'était pas le moment où il lui a fallu

14 le lui rappeler. Je vous prie de bien vouloir comprendre qu'il ne s'agit

15 pas d'un club de débats.

16 M. Piletta-Zanin: (inaudible)… J'essaie simplement de comprendre des

17 choses qui apparemment m'échappent, Monsieur le Président.

18 Alors je repose une autre question: Monsieur le Témoin, vous avez là, sous

19 le point, une autre indication. Voulez-vous, je vous prie, la lire à haute

20 voix?

21 M. Jusufovic (interprétation): "MUP. Etablissement de Vraca".

22 Question: Bien, où se situait Vraca?

23 Réponse: Vraca se trouve au-dessus de Grbavica.

24 Question: Bien. Lorsque vous avez ce MUP, s'agit-il également du même

25 ministère?

Page 6589

1 Réponse: Oui, il s'agit de l'école, enfin de l'Académie de police.

2 Question: Monsieur le Témoin, ces objectifs étaient-ils pour vous des

3 objectifs de nature civile?

4 Réponse: Disons que, dans cet établissement, il y avait des enfants de 15

5 ans qui allaient à l'école et il s'agit de parler de la même date du 10

6 avril 1992.

7 Question: Monsieur le Témoin, j'ai pris note de votre réponse. Mais

8 concernant l'établissement lui-même, vous m'avez dit que les enfants

9 n'allaient plus à l'école. Par ailleurs, l'établissement lui-même était-il

10 un objectif civil?

11 Réponse: En date du 10 avril, il y avait encore des enfants qui

12 fréquentaient l'école élémentaire. Ceux qui ont terminé leurs études

13 élémentaires s'inscrivent à l'académie de police. Par conséquent, c'est à

14 ce moment-là qu'ils ont été attaqués là-bas. Qu'est-ce que j'en sais?

15 Question: Monsieur le Témoin…

16 Je suis navré, Monsieur le Président, de perdre du temps mais c'est comme

17 ça.

18 Monsieur le Témoin, je vous ai demandé si, pour vous, le MUP était ou non

19 un objectif civil. Pouvez-vous répondre à cette question?

20 Réponse: Vous devez comprendre que "qui dit enfant, ne dit pas policier".

21 Il s'agit d'une école secondaire à laquelle on s'initie au métier de

22 policier, on apprend.

23 Question: Monsieur le Témoin, est-ce que le siège du MUP, le "motel" MUP

24 est ou non un objectif civil à vos yeux?

25 Réponse: Peut-être que cet établissement n'était pas un objectif civil. Je

Page 6590

1 ne sais pas.

2 Question: Merci de cette réponse.

3 Monsieur le Témoin, vous mentionnez dans cette liste un certain nombre

4 d'autres endroits où, durant ces quelque 120 interventions, des feux

5 seraient intervenus. Nous avons vu qu'il y a là l'immeuble "Loris". Que

6 pouvez vous nous dire, je vous prie, du garage "Centrotrans"?

7 Réponse: Je ne sais pas ce qui vous intéresse pour parler du garage

8 "Centrotrans". Je n'ai pas fait partie de l'équipe qui est intervenue. Je

9 sais que Junuzovic Mehmedalija, un des chefs de l'unité du Stup, y a été

10 blessé. Je ne sais pas si nous nous référons à la même unité.

11 Question: Ce qui m'intéresse, c'est ce que vous, vous savez du garage.

12 Qu'y avait-il dans ce garage, je vous prie?

13 Réponse: Si vous parlez toujours de cette intervention à laquelle je me

14 réfère -il y en avait plusieurs d'ailleurs là-bas-, il y avait les bus,

15 enfin les autocars, qui ont été pratiquement incendiés, détruits.

16 Question: Ces autocars servaient-ils à l'armée?

17 Réponse: Est-ce que vous pouvez me dire la date de cette intervention,

18 pour que je puisse répondre?

19 Question: 31 juillet 1992.

20 Réponse: Je crois, pour ma part, qu'il n'y avait plus d'autocars à ce

21 moment-là, que tout a été bombardé à cette date-là.

22 Question: Mais ces autocars, avant, servaient-ils à l'armée?

23 Réponse: C'est le début même de la guerre, je ne sais pas s'il y avait une

24 armée encore. Nous n'étions pas encore une force armée, nous n'avions pas

25 d'armée à ce moment-là.

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1 Question: Bien. Jusqu'à quand étiez-vous restés sous forme d'une milice?

2 Réponse: Jusqu'au début juin ou jusqu'à fin mai. Je ne m'en souviens pas.

3 Question: Juin de quelle année?

4 Réponse: 1992.

5 Question: Je viens de vous parler de fin juillet 1992.

6 Réponse: Oui, mais je vous disais que je ne pouvais pas savoir si je

7 faisais partie des gens qui sont intervenus auprès des autocars parce que

8 je pense, pour ma part, que tout a été bombardé préalablement.

9 Question: Bien. Monsieur le Témoin, y a-t-il dans la liste de 120 noms

10 l'un quelconque des sites qui aurait pu se trouver à Nedzarici, notamment

11 lors de l'incendie dont vous avez admis l'existence tout à l'heure? Et si

12 oui, où?

13 Réponse: Je ne sais pas à quel incendie vous vous référez.

14 M. Piletta-Zanin: Une question vous avez été posée par mon

15 confrère tout à l'heure sur un incendie volontaire qui aurait été pratiqué

16 au moyen d'une citerne d'explosif. Vous en souvient-il?

17 (Signe affirmatif de la tête du témoin.)

18 Bien. Y a-t-il dans cette liste de 120 interventions un seul endroit qui

19 se référerait à Nedzarici?

20 M. Jusufovic (interprétation): Je devrais parcourir toute cette liste-là,

21 mais je sais que nous n'étions pas intervenus à Nedzarici. Et c'est la

22 première fois que je l'ai entendu dire tout à l'heure par votre confrère.

23 Enfin, si elle y a insisté, je ne sais pas.

24 M. le Président (interprétation): Je crois voir, Maître Piletta-Zanin, que

25 les interprètes ont demandé de reformuler votre question, enfin de la

Page 6592

1 reposer.

2 M. Piletta-Zanin: Je la repose volontiers.

3 Monsieur le Témoin, y a-t-il, dans la liste que vous avez sous les yeux,

4 un objet qui se référerait à cet incendie sur Nedzarici?

5 Merci, Monsieur le Président, pour votre intervention. Je ne suivais pas

6 le transcript qui, d'ailleurs, est dans mon dos.

7 M. Jusufovic (interprétation): Vous voulez que je réponde une fois de

8 plus?

9 Personnellement, je ne connais pas cette intervention. J'en ai entendu

10 parler pour la première fois aujourd'hui.

11 M. Piletta-Zanin: Merci de cette réponse, Monsieur le Témoin. J'aimerais

12 revenir sur certaines de vos déclarations.

13 M. le Président (interprétation): Maître, vous nous avez dit que vous

14 aviez besoin d'une dizaine de minutes et que vous aviez un problème

15 technique. Maintenant, vous avez utilisé 35 minutes, vous n'avez pas

16 utilisé ces 35 minutes de telle façon à ce que je puisse dire que ce soit

17 véritablement efficace. Je vous accorde encore cinq minutes.

18 Oui, continuez, s'il vous plaît.

19 M. Piletta-Zanin: Etes-vous, Monsieur le Témoin, un expert en balistique?

20 Oui ou non, afin que nous gagnons du temps.

21 M. Jusufovic (interprétation): Non.

22 Question: Avez-vous suivi des cours en matière stratégique? Oui ou non,

23 afin que nous gagnions du temps.

24 Réponse: Non.

25 Question: Comment avez-vous pu affirmer que vous auriez été à connaissance

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1 du but des Serbes, ce que vous avez déclaré, dès lors que vous n'avez pas

2 de connaissance particulière en matière stratégique.

3 Réponse: Je vous ai dit que c'était mon avis car nous avions une école. Je

4 ne sais pas ce qui s'est passé avec les autres villes qui n'ont pas été en

5 mesure de se défendre.

6 Question: Il n'apparaît pas dans votre transcript que vous ayez dit que

7 c'était votre avis, mais je prends note maintenant que ce n'est qu'une

8 opinion que vous formuliez et non pas l'expression de la vérité.

9 Comment pouviez-vous savoir avec certitude que c'étaient les Serbes qui

10 vous bombardaient, je parle de façon absolument générale, si vous n'avez

11 pas les compétences balistiques nécessaires pour déterminer la provenance

12 des tirs?

13 Réponse: Non, je ne suis pas vraiment qualifié en matière de balistique.

14 Mais nous savions qui se trouvait dans les hauteurs; je sais qui nous a

15 appelés à notre station par radio pour nous dire: "Voilà, on vous enverra

16 maintenant cinq obus. Les tout premiers pour vous".

17 Question: Selon vous, Monsieur le Témoin, qui a bombardé Markale?

18 Réponse: L'armée serbe.

19 Question: Comment pouvez vous l'affirmer?

20 Réponse: Parce que l'armée serbe a bombardé pendant tout ce temps-là.

21 Question: Et vous l'affirmez comme témoin aujourd'hui?

22 M. Jusufovic (interprétation): Non, je le dis tout simplement en témoin.

23 M. Piletta-Zanin: Eh bien, je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le

24 Président.

25 M. le Président (interprétation): Merci, Maître Piletta-Zanin.

Page 6594

1 Monsieur Mundis, est-ce que vous avez besoin de poser d'autres questions

2 au témoin?

3 M. Mundis (interprétation): Oui. J'ai encore d'autres questions.

4 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, Mesud Jusufovic, par

5 M. Mundis.)

6 Vous avez toujours devant vous la pièce D83, n'est-ce pas?

7 M. Jusufovic (interprétation): 82.

8 Question: Voulez-vous bien lire à la Chambre le titre en haut de la page 1

9 de ce document?

10 Réponse: "Incendie dans des bâtiments d'une importance particulière suite

11 au bombardement de l'agresseur et suite à l'impact d'autres armements."

12 Question: Je vous invite à regarder la page 3 de ce document. On y fait

13 référence à un nombre d'interventions: 1065 pendant la période indiquée

14 dans ce document. Est-ce que vous voyez cela?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Votre déposition est que les 120 indiqués sur ce document font

17 partie d'un sous-ensemble, si vous voulez, de ces 1.065 interventions?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Je vous invite à consulter le journal de Stjepan Siber qui vous

20 a été lu par Me Pilipovic. Est-ce que vous avez déjà rencontré M. Siber?

21 Réponse: Non.

22 Question: Lui avez-vous donné des informations qu'il aurait inclus dans

23 son journal?

24 Réponse: Non.

25 Question: Est-ce vos collègues, vos amis, vos voisins, vos parents, etc.,

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1 est-ce que quelqu'un vous a dit qu'il aurait parlé avec cet auteur?

2 Réponse: Non.

3 Question: Avez-vous un avis ou des informations en ce qui concerne la

4 source des informations qui vous ont été lues à haute voix ce matin,

5 provenant de ce journal?

6 Réponse: Non, je n'en ai pas. C'est très étrange car à cette date-là,

7 j'étais en poste en tant que chef depuis seulement deux mois, et je suis

8 étonné que qui que ce soit ait pu dire ces choses-là à mon égard.

9 Question: Savez-vous à quel groupe ethnique appartient ce Stjepan Siber?

10 M. Jusufovic (interprétation): Oui, je sais qu'il est Croate.

11 M. Mundis (interprétation): Merci. Je n'ai plus de questions, Monsieur le

12 Président.

13 M. le Président (interprétation): Monsieur Jusufovic, j'ai quelques

14 questions à vous poser seulement.

15 (Questions au témoin, Mesud Jusufovic, par M. le Président.)

16 M. le Président (interprétation): Vous avez dit dans votre déposition, que

17 vous avez essayé d'utiliser les échelles, les marches, pour monter sur des

18 véhicules. Et pendant cet exercice, on vous a tiré dessus et c'est pour

19 cela que vous n'avez pas pu continuer à les utiliser. Lorsque vous avez

20 essayé de le faire, est-ce que vous vous souvenez du type de bâtiment

21 concerné, en ce qui concerne l'activité d'extinction d'incendie? Savez-

22 vous précisément de quel bâtiment il s'agissait?

23 M. Jusufovic (interprétation): C'était le bâtiment des PTT et le bâtiment

24 que nous avons vu tout à l'heure sur la vidéo, qui s'appelle la boîte à

25 allumettes.

Page 6596

1 Question: Vous avez essayé cela une seule fois ou à plusieurs reprises?

2 Réponse: Deux fois cette fois-là, car les deux fois on nous tirait dessus,

3 donc nous n'avons pas pu continuer.

4 Question: J'essaie de savoir si l'autre bâtiment était un immeuble

5 résidentiel ou des bureaux, enfin de quel type de bâtiment s'agissait-il?

6 Réponse: C'était la tour la plus grande de Sarajevo. Un immeuble

7 d'appartements.

8 Question: Donc un immeuble résidentiel ou un immeuble de bureaux?

9 Réponse: Un immeuble résidentiel avec des appartements, et ce bâtiment

10 s'appelle la boîte à allumette parce qu'il y a beaucoup d'appartements où

11 habitent des travailleurs.

12 Question: Vous avez répondu à une question sur le marché de Markale. Avez-

13 vous des informations des connaissances personnelles? Est-ce que vous avez

14 été impliqué au niveau officiel suite au bombardement du marché de

15 Markale?

16 Réponse: Je crois que tout ce qu'il nous a fallu faire était de lessiver

17 les taches de sang suite à l'événement, c'est tout ce qu'on a pu faire.

18 Question: Oui, mais vous avez dit qu'en ce qui concerne la source de vos

19 connaissances, vous saviez que les bombardements provenaient toujours de

20 l'armée serbe, est-ce que c'est donc votre avis que c'était l'armée serbe

21 qui vous bombardait, et cette opinion est fondée sur votre expérience

22 générale?

23 M. Jusufovic (interprétation): Oui, c'est effectivement mon expérience

24 personnelle.

25 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup. Monsieur Jusufovic, nous

Page 6597

1 en sommes maintenant à la fin du contre-interrogatoire qui vous concerne

2 en tant que témoin, mais je crois que Me Pilipovic a une question

3 supplémentaire.

4 Mme Pilipovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

5 M. le Président (interprétation): Procédez.

6 (Contre-interrogatoire supplémentaire du témoin, Mesud Jusufovic, par Me

7 Pilipovic.)

8 Mme Pilipovic (interprétation): Au sujet des questions que vous venez de

9 poser, je voudrais que le témoin nous dise dans quelle cité, dans quelle

10 partie de la ville se trouve cette tour "boîte d'allumettes"?

11 M. Jusufovic (interprétation): "Socijalno".

12 Mme Pilipovic (interprétation): De quel partie s'agit-il, pour parler de

13 la ville?

14 M. Jusufovic (interprétation): Dolac Malta.

15 Mme Pilipovic (interprétation): Dolac Malta? Merci.

16 M. le Président (interprétation): Merci. Maintenant que vous avez répondu

17 à cette dernière question, Monsieur Jusufovic, je sais que c'est un long

18 chemin à parcourir pour vous rendre jusqu'à ce Tribunal à La Haye, donc

19 nous aimerions vous remercier d'être venu à La Haye pour répondre à toutes

20 les questions. Les questions et vos réponses sont bien sûr importantes

21 pour tout le monde dans cette Chambre, et nécessaires pour que nous

22 puissions accomplir nos tâches, et c'est particulièrement important pour

23 nous pour préparer nos décisions. Donc, encore une fois, nous vous

24 remercions beaucoup d'être venu et bon retour chez vous.

25 Monsieur l'huissier, voulez-vous bien accompagner le témoin?

Page 6598

1 (Le témoin, Mesud Jusufovic, est reconduit hors du prétoire.)

2 Madame la Greffière, voulez-vous bien nous aider?

3 (Questions relatives à la procédure. Matières relatives aux éléments de

4 preuve.)

5 M. le Président (interprétation): Nous avons vu une vidéo qui est déjà

6 connue, car nous l'avions déjà vue. Alors, en ce qui concerne les nouveaux

7 documents, Madame la Greffière?

8 M. Mundis (interprétation): Madame la Greffière me corrigera si je me

9 trompe, mais je pense qu'il y a eu un document qui a été marqué pour

10 identification. Donc nous avons donné le n°P3609; je crois qu'avant,

11 c'était marqué, pour identification, n°8.

12 Mme Philpott (interprétation): Le document marqué est un DVD qui contient

13 un certain nombre de vidéos, enfin de clips de vidéo.

14 M. le Président (interprétation): Donc vous demandez le versement au

15 dossier?

16 Mme Philpott (interprétation): Nous avons D83, le document de trois pages

17 signé par le témoin, et puis la vidéo D3609.

18 M. le Président (interprétation): Donc la référence au document dans le

19 transcript est erronée: il s'agit du document 83. Les deux documents sont

20 versés au dossier.

21 M. Mundis (interprétation): Monsieur Stamp va poser des questions.

22 M. le Président (interprétation): Il nous reste à peu près 15 minutes;

23 donc, Monsieur Stamp, j'aimerais que nous commencions et j'espère tout

24 simplement que l'huissier va bientôt arriver avec le témoin suivant.

25 (Le témoin, Ismet Fazlic, est introduit dans le prétoire.).

Page 6599

1 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous m'entendez dans une

2 langue que vous êtes en mesure de comprendre?

3 M. Fazlic (interprétation): Oui.

4 M. le Président (interprétation): Je pense que vous êtes Monsieur Fazlic.

5 Avant de faire une déposition devant cette Chambre, vous devez faire une

6 déclaration solennelle pour dire que vous allez dire la vérité, toute la

7 vérité et rien que la vérité. Je vous invite à prêter serment.

8 Vous avez devant vous, donné par l'huissier, le texte.

9 M. Fazlic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

10 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

11 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir.

12 Monsieur Fazlic, je dois vous dire que votre interrogatoire ne durera pas

13 très longtemps aujourd'hui -mais nous allons continuer demain-, car nos

14 audiences sont limitées à la matinée. Donc nous allons commencer par

15 l'accusation.

16 Veuillez continuer, Monsieur Stamp.

17 (Interrogatoire principal du témoin, Ismet Fazlic, par M. Stamp.)

18 M. Stamp (interprétation): Merci beaucoup, Monsieur le Président.

19 Est-ce que vous pouvez donner votre nom, s'il vous plaît?

20 M. Fazlic (interprétation): Je m'appelle Ismet Fazlic.

21 Question: Et est-ce que vous vivez à Sarajevo?

22 Réponse: Oui, je vis à Sarajevo.

23 Question: Est-ce que vous êtes actuellement employé?

24 Réponse: Non, je suis invalide.

25 Question: A quel degré êtes-vous invalide?

Page 6600

1 Réponse: A 70% invalide.

2 Question: Pendant combien de temps avez-vous habité Sarajevo?

3 Réponse: Je suis né à Sarajevo et je vis là depuis 46 ans.

4 Question: Est-ce que vous y avez vécu dans la période allant de 1992 à

5 1995?

6 Réponse: Oui. A Dobrinja, dans cette zone.

7 Question: Avant cette période -et c'est la période du conflit au début des

8 années 90-, est-ce que vous étiez employé?

9 Réponse: Oui, je travaillais.

10 Question: Quel était votre emploi?

11 Réponse: J'étais un travailleur hautement qualifié pour le chauffage

12 central et je travaillais pour une société qui s'appelait Upi, à Celebici.

13 Question: Et pendant la période du conflit et jusqu'en juin 1993, étiez-

14 vous employé?

15 Réponse: Non. Depuis que Dobrinja était assiégée, on ne pouvait pas

16 quitter Dobrinja pendant six mois.

17 Question: Pendant cette période jusqu'en juin 1993, est-ce que vous aviez

18 une activité quelconque?

19 Réponse: Oui, je travaillais en tant que civil dans la défense civile de

20 Dobrinja.

21 Question: Vous rappelez-vous: le 1er juin 1993, est-ce que vous étiez à

22 Dobrinja, ce jour-là?

23 Réponse: Le 1er juin 1993, j'étais blessé.

24 Question: Et dans quel district avez-vous été blessé? Est-ce que c'était à

25 Dobrinja?

Page 6601

1 Réponse: J'ai été blessé à Dobrinja pendant un match de football qui a

2 lieu le 1er juin 1992. J'étais l'arbitre pour un match de football.

3 Question: Est-ce que ce match de football était le 1er juin 1993 ou 1992?

4 Réponse: 1er juin 1993.

5 Question: Comment est-ce que ce match de football était organisé? Est-ce

6 que vous pouvez nous le dire?

7 Réponse: Oui, je peux vous le dire.

8 Depuis le début du siège de Sarajevo et de Dobrinja, nous vivions dans les

9 sous-sols, dans les caves. Et ensuite, afin de pouvoir quitter ces lieux

10 pour sortir, nous pensions que ça nous ferait du bien, alors nous avons

11 organisé un match de football, car les jeunes -comme tous les jeunes dans

12 le monde- ont envie de se relaxer, d'avoir un goût de la liberté.

13 C'était une belle journée, il faisait très beau. Il n'y avait pas de tir

14 ce jour-là. C'était une journée calme. Et nous avions organisé un match de

15 football comprenant 12 équipes avec 5 joueurs dans chaque équipe; chacun

16 des joueurs devait donner une boîte de cigarettes, et le gagnant devait

17 aller ailleurs à Skenderija pour jouer un autre match du tournoi.

18 Question: A quelle heure était organisé ce tournoi de football? A quelle

19 heure ce match devait-il débuter?

20 Réponse: Le tournoi a commencé à 9 heures, le premier match pour lequel

21 Enver Sabanhadzovic était arbitre s'est terminé. Néanmoins, lorsque le

22 deuxième match a commencé, j'étais arbitre pour ce match en question.

23 Question: L'organisation de ce tournoi de football coïncide-t-il avec une

24 période de fête quelconque?

25 Réponse: Oui, il correspond avec le Bajram Korban musulman. Ce n'était pas

Page 6602

1 un événement religieux car tout le monde a participé à ce match, tous ceux

2 qui vivaient sur le territoire de Dobrinja. Tous ceux qui voulaient

3 participer auraient pu participer. Nous avons tous participé: Marko,

4 Dragan, Damir. Et beaucoup de ces personnes ont été tuées.

5 Question: Lorsque vous dites "beaucoup et tous ceux qui ont participé", à

6 qui faites-vous référence? Est-ce que vous êtes en train de dire: toutes

7 les ethnies qui vivaient dans cette zone ont participé dans ce tournoi?

8 Est-ce que c'est ce que vous êtes en train de nous dire?

9 Réponse: Oui, et ceci est également le cas aujourd'hui. C'est un voisinage

10 multiethnique, les gens vivent les uns à côté des autres à Dobrinja sans

11 problème. Les gens, les Serbes, les Croates, les Musulmans, les Gitans.

12 Tous ceux qui avaient un appartement à Dobrinja y vivaient et personne n'a

13 été touché pendant la guerre.

14 Question: Vous avez évoqué le deuxième match que vous avez arbitré. A

15 quelle heure avait commencé ce deuxième match?

16 M. Fazlic (interprétation): Le deuxième match a commencé vers 10 heures du

17 matin et a duré pendant 20 minutes, je dirais, plus ou moins. Et à 10

18 heures 10, le premier obus est tombé, qui a atterri entre nous et a fait

19 ce qu'il a fait. Et le deuxième obus a atterri dix mètres derrière,

20 derrière certaines voitures, et a blessé un homme.

21 M. Stamp (interprétation): Merci beaucoup. Nous arriverons à cela plus

22 tard.

23 Je ne sais pas, Monsieur le Président, si c'est le moment de nous arrêter.

24 M. le Président (interprétation): Eh bien, écoutez, je pense qu'on peut

25 poursuivre pendant cinq minutes, mais si vous dites que c'est mieux de

Page 6603

1 nous arrêter. Le Témoin n'est ici que depuis quelques minutes et peut-être

2 qu'il se sentira mieux en sachant qu'il n'est pas là juste que pendant

3 quelques minutes et qu'on va passer un peu plus de temps.

4 M. Stamp (interprétation): Vous avez dit que deux obus sont tombés mais,

5 avant d'y arriver, pouvez-vous brièvement décrire l'endroit où le match de

6 football a eu lieu? Où était-ce?

7 M. Fazlic (interprétation): Nous connaissions la situation à Dobrinja.

8 Nous avons recherché le lieu le plus sûr et un lieu où nous pouvions que

9 nous pouvions sécuriser. Nous savions où se trouvait le commandement du

10 général Hadzic, et il nous a dit de ne pas nous rassembler, de ne pas

11 avoir ces rencontres. Néanmoins, nous sommes sortis, nous avons pris un

12 coin d'un parking et nous avons espéré que rien ne se passerait là-bas car

13 c'était 15 mètres par 40 mètres. Il y avait des vieilles voitures

14 endommagées, placées là-bas, donc c'était vraiment un lieu qui était

15 délimité par ces vieilles voitures.

16 Question: Cette zone, cet emplacement que vous avez choisi était-il

17 entouré de structures, de constructions, d'immeubles?

18 Réponse: Oui. Cet emplacement, c'était le coin, le coin même d'un

19 stationnement qui était entouré sur trois côtés par des immeubles qui

20 étaient des immeubles à six étages. Et le quatrième côté, il y avait le

21 mont Mojmilo. Et c'était un endroit ouvert. Il n'était pas possible de

22 voir ou d'observer cet emplacement de quelque endroit que ce soit. Enfin,

23 on ne nous aurait pas vus si on n'était en train de se reposer ou jouer,

24 jouer un match de football.

25 Question: A quelle distance de la ligne de confrontation entre les deux

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1 armées dans le conflit se trouvait ce terrain de football?

2 Réponse: La ligne de confrontation se trouvait à peu près à 130 mètres de

3 là où nous étions. Donc la longueur d'un parking ou la longueur de deux

4 rues. La rue s'appelle Partizanskih Olimpijada(?)et les immeubles avaient

5 des numéros impairs; et côté serbe, c'était la rue Indira Gandhi. Donc

6 juste à 30 mètres, les soldats pouvaient même se parler à haute voix,

7 communiquer à haute voix.

8 Question: Y avait-il des spectateurs pour ce match de football?

9 Réponse: Oui.

10 Question: Où était-il, sur cet emplacement?

11 Réponse: Je vais vous expliquer. Lorsque nous parlons de ces voitures, ces

12 vieilles voitures qui étaient renversées, les APC qui arrivaient le long

13 de la rue Lukavica bombardaient les voitures qui s'y trouvaient, qui

14 étaient garées. Ensuite, ces voitures devenaient des épaves et ces

15 voitures qui ont délimité le terrain de football, nous avions tourné les

16 roues vers le terrain de football; c'est comme cela que nous avions placé

17 ces voitures pour que les enfants… Peut-être qu'il y en avait une

18 centaine, de jeunes, sur ces véhicules, entre 10 et 15 ans d'âge, je ne

19 pourrais pas vous dire l'âge exact. Et de l'autre côté, c'étaient des

20 spectateurs, des femmes… A peu près une cinquantaine à cent personnes.

21 Question: Et parmi les immeubles qui entouraient l'emplacement sur trois

22 côtés, est-ce qu'il y avait également des personnes présentes là-bas?

23 Réponse: Oui, sur les balcons de ces appartements il y avait des gens, des

24 femmes, des hommes, des enfants qui regardaient le match de football, qui

25 nous regardaient jouer.

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1 Question: Ceux qui se trouvaient sur le sol, à côté, dans le voisinage de

2 ce terrain de football, les personnes qui se trouvaient sur les voitures

3 ou autour du terrain de jeux, est-ce qu'ils étaient en uniforme, oui ou

4 non? Ou est-ce que vous avez aperçu quelqu'un en uniforme?

5 Réponse: Non. Permettez-moi de vous expliquer. C'était une activité

6 sportive. Nous voulions nous détendre. Personne parmi ceux qui étaient

7 présents ne portait un insigne quelconque qui indiquait l'uniforme ou même

8 un uniforme de police. Il se peut que certains aient été peut-être des

9 officiers de police ou des membres de l'armée, mais ils portaient des

10 habits civils. Maintenant, pour ceux qui jouaient, les footballeurs et

11 moi-même, nous étions soit en jogging ou en survêtement, ou en habits de

12 sports.

13 Question: Merci. Est-ce que vous avez aperçu quelqu'un là-bas, ce matin-

14 là, qui portait des armes, qui était armé?

15 M. Fazlic (interprétation): Non. Il y avait des passages puisqu'il y avait

16 des activités de tirs embusqués qui venaient de tous les coins de

17 Dobrinja, de l'église. Il y avait des passages, les tranchées, des sous-

18 sols qui avaient des entrées dans cette rue, les numéros pairs et impairs.

19 Et l'armée empruntait ces passages pour aller sur les lignes de front.

20 M. Stamp (interprétation): Revenons au jeu de football, si vous le voulez

21 bien.

22 M. le Président (interprétation): Nous avons continué plus de sept

23 minutes. Si vous voulez poursuivre, je pense qu'il vaut mieux s'arrêter

24 ici.

25 Monsieur Fazlic, je sais que vous n'avez pas passé beaucoup de temps dans

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1 cette Chambre et donc, votre interrogatoire continuera demain. Nous allons

2 donc lever la séance jusqu'à demain, demain matin 9 heures dans cette même

3 Chambre.

4 (L'audience est levée à 13 heures 48.)

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