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1 (Jeudi 20 juin 2002.)
2 (L'audience est ouverte à 9 heures 06.)
3 (Audience publique.)
4 (Questions relatives à la procédure.)
5 M. le Président (interprétation): Bonjour à vous tous.
6 Madame la Greffière d'audience, merci de nous donner le numéro de
7 l'affaire.
8 Mme Anoya (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
9 Juges. Il s'agit de l'Affaire IT-98-29-T, le Procureur contre Stanislav
10 Galic.
11 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Madame.
12 On a appris que la défense voulait s'adresser à la Chambre.
13 Maître Piletta-Zanin, s'il s'agit de quelque chose qu'il faut absolument
14 que nous traitions avant d'entendre le prochain témoin, je vous donne la
15 parole. Si ce n'est pas le cas, je vais vous demander de bien vouloir
16 attendre la fin de la comparution du témoin.
17 M. Piletta-Zanin: Oui, Monsieur le Président.
18 Pour partie, cela doit être fait avant le prochain témoin; pour partie,
19 cela pourrait être fait après.
20 Je me propose de faire un groupage pour gagner du temps.
21 M. le Président (interprétation): Après la comparution du témoin.
22 M. Piletta-Zanin: Bien.
23 La seconde partie sera faite après la comparution du témoin, mais avant
24 que vous rendiez votre décision sur la question des transcripts, si une
25 décision devait intervenir.
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1 M. le Président (interprétation): Un instant. J'ai un petit peu de mal à
2 vous suivre.
3 M. Piletta-Zanin: Vous avez des difficultés?
4 M. le Président (interprétation): Vous souhaitez nous parler des comptes
5 rendus?
6 M. Piletta-Zanin: Oui, Monsieur le Président. L'un concernera l'audition
7 de ce témoin, et l'autre le problème des transcripts.
8 M. le Président (interprétation): Très bien, nous commençons, alors, par
9 ce qui a trait au prochain témoin.
10 M. Piletta-Zanin: Seulement sur ce prochain témoin?
11 M. le Président (interprétation): Oui, s'il vous plaît.
12 Pour ce qui est des comptes rendus, on verra un petit peu…
13 M. Piletta-Zanin: Alors, très bien.
14 Monsieur le Président, concernant le témoin qui va intervenir maintenant,
15 il est très vraisemblable au vu des déclarations que nous avons, que ce
16 témoin va être appelé à déposer sur des incidents de bombardements et
17 notamment sur Markale.
18 La défense est dans une position critique, car elle aurait souhaité poser
19 toute une ligne de questions en relation avec ce qu'elle appelait des
20 manipulations, que ce soit des manipulations dans la presse ou des
21 manipulations de pièces. Et je fais référence aux fameuses pièces qui
22 concernent Markale. Mais, nous ne savons pas quelle sera votre décision
23 puisque vous savez qu'il y a quelque temps, nous avons demandé que votre
24 Chambre prononce une décision en excluant, en rejetant ces pièces.
25 Par conséquent, comme nous n'avons pas votre décision et que nous ne
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1 savons pas ce qu'elle sera, nous ne savons pas si nous devons perdre du
2 temps peut-être inutilement sur une question qui n'aurait peut-être pas de
3 sens si, d'aventure, vous deviez rejeter ces pièces pour avoir été,
4 pratiquement toutes, l'objet de manipulations.
5 C'est un point pratique.
6 M. le Président (interprétation): Les pièces dont vous parlez, est-ce que
7 vous pourriez préciser un petit peu les choses?
8 M. Piletta-Zanin: Je parle, Monsieur le Président, de toutes ces pièces
9 médicales qui ont fait l'objet de grattage ou de...
10 M. le Président (interprétation): Oui.
11 M. Piletta-Zanin: Ou de manipulations quelles qu'elles soient. Et nous
12 sommes dans une position un peu délicate si nous voulons respecter le
13 temps.
14 Et je voulais vous le dire.
15 M. le Président (interprétation): Pour ce qui est du grattage, nous vous
16 ferons savoir en temps utile exactement quelles sont les pièces qui vont
17 être prises en compte. Et nous vous informerons en temps opportun de la
18 décision qui va être rendue par la Chambre. Nous reprendrons la question
19 après la pause.
20 M. Piletta-Zanin: Merci beaucoup.
21 Puis-je continuer ou le ferais-je plus tard?
22 M. le Président (interprétation): Non, allez-y. Vous avez deux minutes.
23 M. Piletta-Zanin: Merci beaucoup.
24 En ce qui concerne, Monsieur le Président, les transcripts, nous avons
25 également réfléchi à cet élément des choses. Et nous avons constaté que la
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1 race dite "carton jaune" est, du côté de la défense, une race en voix
2 d'extinction. Par conséquent, je crois qu'il y a du côté de la défense une
3 très forte volonté de se limiter à l'essentiel.
4 Les deux transcripts doivent être équivalents entre eux et il faut que les
5 deux parties soient attentives à cela. Hier, vous avez vu que nous sommes
6 intervenus essentiellement lorsqu'il y avait des contresens flagrants et
7 importants. Et si c'est la défense qui semble le faire le plus, c'est
8 peut-être uniquement pour des raisons purement linguistiques. Mais la
9 défense n'a rien contre le fait qu'un polyglotte se trouve chez
10 l'accusation et fasse ce travail à sa place, absolument rien.
11 Par contre, Monsieur le Président, il paraîtrait très difficile, voire
12 impossible que ce travail soit fait en fin d'audience. Simplement parce
13 qu'on perdrait en définitive plus de temps, on devrait revenir sur quelque
14 chose qui, peut-être, s'est déroulé une heure ou deux auparavant. On
15 devrait rafraîchir la mémoire d'un témoin, cas échéant du parti et peut-
16 être des Juges. Il est beaucoup plus sage de le faire avec raison,
17 raisonnablement, lorsque cela doit être le cas, mais toujours avec une
18 certaine mesure. Ce à quoi essaye de s'astreindre la défense. Je ne vois
19 pas d'autre solution, malheureusement, et je le regrette. Merci.
20 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace.
21 M. Ierace (interprétation): Je comprends que mon collègue estime qu'il
22 n'est intervenu hier que sur les points les plus importants, mais la
23 réalité des choses, c'est qu'il y a eu 12 interventions, ce qui ne semble
24 pas convenir, dès lors qu'on essaie de faire passer un certain nombre
25 d'éléments devant la Chambre, de lui soumettre un certain nombre
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1 d'éléments.
2 Moi, je ne souhaite pas priver mon collègue du droit d'intervenir. Je
3 conteste un petit peu les moments qu'il choisit pour intervenir. Dès lors
4 que la personne qui pose des questions et le témoin qui comparaît ne
5 parlent pas la même langue, je ne vois pas pourquoi les corrections ne
6 peuvent être apportées à la fin de la déposition. Lorsque le témoin, en
7 revanche, parle une langue différente de celle qui est parlée par la
8 personne qui lui pose des questions et lorsque l'intervention porte sur la
9 traduction, l'interprétation qui a été faite de la question vers la langue
10 du témoin, je crois qu'il est bon, effectivement, que la correction ait
11 lieu immédiatement.
12 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace, très bien.
13 Qu'en est-il pour ce qui est de l'interprétation qui est faite des
14 réponses, si par exemple un témoin parle français et si l'interprétation
15 vers l'anglais porte à confusion?
16 Est-ce que ce n'est pas une raison insuffisante pour intervenir, parce que
17 sinon, vous allez être face à la situation suivante, vous aurez mal
18 compris la réponse que vous aura donnée le témoin.
19 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, si cela a un impact
20 négatif sur le travail de l'accusation, elle souhaitera, bien sûr, que les
21 corrections se fassent, mais elles se feront de préférence à la fin de la
22 comparution plutôt que pendant la déposition du témoin. Il faut essayer de
23 trouver un équilibre.
24 A l'heure actuelle, la façon dont les choses se déroulent, notamment dans
25 le cadre de l'interrogatoire principal, est tellement peu satisfaisante,
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1 que je crois que la solution que je propose est préférable.
2 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président.
3 M. le Président (interprétation): Oui.
4 M. Piletta-Zanin : Monsieur Ierace interroge dans la même langue. Je
5 comprends sa position, mais je souhaiterais qu'il comprenne la nôtre.
6 Si nous devons prendre des notes…. Pardonnez-moi. Si nous devons prendre
7 des notes, si nous devrons écrire ce qui s'est produit et passer du temps
8 à faire cela, même si cela paraît peu de temps, cela va impliquer, pour la
9 défense, la perte de concentration sur le transcript et une perte du sujet
10 lui-même.
11 Vous savez que cette tâche m'est particulièrement dévolue, que je suis le
12 seul à le faire ici à la défense et, si je ne le fais pas immédiatement,
13 je perds la concentration sur ce qui se passe au moment où cela se passe.
14 C'est pour cela que cette solution n'est pas non plus acceptable; ce que
15 je regrette, bien sûr.
16 (Les Juges se concertent sur le siège.)
17 M. le Président (interprétation): La Chambre est très préoccupée par les
18 deux aspects qui ont été soulevés ici.
19 Tout d'abord, nous sommes préoccupés par le fait qu'effectivement la
20 déposition du témoin se voit interrompue, mais nous sommes également
21 préoccupés par les problèmes linguistiques qui se posent.
22 Je voudrais qu'une chose soit très claire. La Chambre admire le travail
23 qui est accompli par les interprètes, mais c'est une tâche difficile
24 qu'ils mènent à bien. Et si vous avez à travailler pendant une période de
25 temps importante, il est inévitable de temps à autre, et notamment lorsque
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1 nous abordons beaucoup de détails d'ordre technique, dès lors que les mots
2 sont chargés d'un sens particulièrement lourd, il est inévitable donc que,
3 de temps à autre, il y ait des interprétations qui peuvent être la cible
4 de certaines remarques portant sur le fait de savoir si c'est
5 l'interprétation exacte de ce que l'orateur a dit.
6 Donc, il ne s'agit pas là de formuler des critiques à l'égard des
7 interprètes. Nous admirons beaucoup leur travail; mais cela fait partie
8 des réalités de la vie, notamment en prétoire.
9 Après avoir dit cela, je souhaite ajouter ceci. Si pour bien comprendre la
10 question, il est nécessaire d'intervenir pour ce qui est de
11 l'interprétation qui a été faite de la question, eh bien, cela peut être
12 fait au moment où la question est posée au témoin.
13 S'il y a quoi que ce soit d'autre, qui est réellement urgent et qui ne
14 peut attendre jusqu'à la fin de l'audience de la journée, l'observation
15 peut être faite après que le témoin a apporté sa réponse à la question qui
16 lui a été posée, mais ceci doit être l'exception.
17 Même s'il peut nous être pénible d'avoir à prendre note de quelque chose,
18 même si cela nous fait perdre un petit peu de concentration, eh bien, cela
19 doit être fait, sauf -je le répète-, sauf si la question est à ce point
20 urgente qu'elle ne peut attendre jusqu'à la fin de l'audience. Mais je
21 précise que toute observation devra être faite après que le témoin aura
22 apporté sa réponse à la question.
23 Si cela a trait donc à l'interprétation de la question, l'observation peut
24 être faite immédiatement. Si c'est vraiment urgent, mais que cela n'a pas
25 trait à la question elle-même, la remarque intervient après la réponse du
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1 témoin. Toute autre observation doit être faite à la fin de l'audience de
2 la journée.
3 Vous avez vos propres listes de témoins, vos propres listes de remarques,
4 c'est à vous de m'informer du fait qu'il faut s'interrompre à tel ou tel
5 moment pour que la liste soit passée en revue et que nous nous disions:
6 "Eh bien, à telle ligne, il y a ce problème qui s'est posé, etc.".
7 Telle est la décision que la Chambre souhaite rendre.
8 M. Piletta-Zanin: Oui, je vous en prie, Monsieur le Président.
9 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace, est-ce que l'accusation
10 est prête à appeler son prochain témoin?
11 M. Ierace (interprétation): Oui, Monsieur le Président. J'appelle Sir
12 Michael Rose, le général Michael Rose devant la Chambre.
13 M. Piletta-Zanin: Dans l'intervalle, Monsieur le Président, est-ce que
14 cela signifie que nous devrons nous arrêter dix minutes avant la fin de
15 l'audience pour laver le transcript en quelque sorte, pratiquement?
16 M. le Président (interprétation): Tout dépend de la longueur de la liste
17 de vos observations. Si vous n'avez qu'une observation à faire, elle peut
18 ne nécessiter qu'une minute de temps de parole. Si vous avez pris note de
19 douze corrections et que vous souhaitez intervenir, il vous faudra peut-
20 être six ou sept minutes.
21 Vous n'avez qu'à me demander et je prendrai la décision qui s'impose.
22 M. Piletta-Zanin: D'accord.
23 (Le témoin, M. Michael Rose, est introduit dans le prétoire.)
24 M. le Président (interprétation): Bonjour.
25 M. Rose (interprétation): Bonjour.
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1 M. le Président (interprétation): Vous êtes le Général Rose?
2 M. Rose (interprétation): Effectivement.
3 M. le Président (interprétation): Avant de déposer devant cette Chambre,
4 vous devez, comme l'exige le Règlement de procédure et de preuve de ce
5 Tribunal, prononcer une déclaration solennelle. Vous allez affirmer que
6 vous allez dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Je vous
7 invite maintenant à prononcer cette déclaration.
8 M. Rose (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
9 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
10 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
11 Veuillez prendre place.
12 (Le témoin s'assoit.)
13 Ce sont d'abord les représentants de l'accusation qui vont vous poser des
14 questions.
15 Monsieur Ierace, vous avez la parole. Etes-vous prêt?
16 (Interrogatoire principal du témoin, M. Michael Rose, par M. Ierace.)
17 M. Ierace (interprétation): Oui. Merci, Monsieur le Président.
18 Bonjour, Général.
19 M. Rose (interprétation): Bonjour.
20 M. Ierace (interprétation): Est-ce que vous êtes bien de nationalité
21 britannique?
22 M. Rose (interprétation): Oui, de nationalité britannique.
23 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président?
24 M. le Président (interprétation): Oui, Maître.
25 M. Piletta-Zanin: Il ne s'agit pas d'un fait de transcript, pour une fois,
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1 ni de traduction. Il s'agit d'une règle. J'aimerais savoir si les témoins
2 déposent avec notes ou sans notes.
3 M. le Président (interprétation): Je vois que le témoin a un attaché-case,
4 mais il n'y a rien sur la table. Il n'y a aucune raison, donc,
5 d'intervenir sur ce point pour l'instant.
6 M. Piletta-Zanin: Il y a des notes devant le témoin. C'est la raison
7 expresse de mon intervention.
8 M. le Président (interprétation): Ah! Pardon. Alors, je n'avais pas vu
9 cela. Je n'avais pas vu cela.
10 Mon Général, avant de vous pencher sur quelque note que ce soit, sur
11 quelque document que ce soit, je vous demanderai de bien vouloir nous
12 informer du fait que vous ressentez le besoin de le faire et nous
13 déciderons alors de l'opportunité pour vous de consulter telles notes ou
14 tel document. Vous savez que votre déposition doit d'abord s'appuyer sur
15 vos propres souvenirs.
16 Monsieur Ierace, je vous rends la parole.
17 M. Ierace (interprétation): Merci.
18 Général, au cours de votre carrière militaire, est-ce que vous avez servi
19 dans un certain nombre de régions du monde, y compris le Moyen-Orient et
20 les Iles Falkland, Malouines?
21 M. Rose (interprétation): Oui.
22 Question: Est-ce que, en 1994, vous avez été fait chevalier du Royaume de
23 Grande-Bretagne?
24 Réponse: Oui.
25 Question: Le 5 janvier 1994, est-ce que vous avez été désigné comme
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1 commandant des forces de la Forpronu qui se trouvaient en Bosnie-
2 Herzégovine?
3 Réponse: C'est exact.
4 Question: Est-ce que vous avez pris vos fonctions le 23 janvier 1994?
5 Réponse: Tout à fait.
6 Question: Votre quartier général se trouvait-il à Sarajevo?
7 Réponse: En effet.
8 Question: Est-ce que votre prédécesseur à ce poste était le lieutenant
9 général Briquemont?
10 Réponse: Oui.
11 M. Ierace (interprétation): Qui était… pardon, je m'excuse.
12 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je suis navré pour l'accusation.
13 Vous constatez que la défense, pour faciliter la tâche de l'accusation
14 accepte des questions de type "leading question". Mais si l'on va aussi
15 vite, on va nécessairement créé des problèmes de transcript. L'accusation
16 doit également prendre ce fait en cause, s'il vous plaît.
17 M. le Président (interprétation): Oui.
18 Monsieur Ierace, vous savez qu'il faut toujours prendre garde à la vitesse
19 à laquelle vous avancer. Vous savez que cela peut poser des problèmes au
20 niveau du compte rendu et de l'interprétation. Je vais vous demander de
21 bien vouloir ralentir.
22 M. Ierace (interprétation): Est-ce que vous avez exercé ses fonctions
23 jusqu'au 23 janvier 1995?
24 M. Rose (interprétation): Oui.
25 Question: Qui étaient vos chefs d'état-major pendant la période de temps
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1 que vous avez passée sur place?
2 Réponse: Eh bien, d'abord le colonel Gordon. Il était colonel à l'époque,
3 si je ne m'abuse. Ensuite, M. Van Baal.
4 Question: Est-ce que c'est le général de brigade Soubirou qui était
5 responsable du secteur de Sarajevo?
6 Réponse: Tout à fait.
7 Question: Vous êtes donc arrivé à Sarajevo. Est-ce que vous avez ensuite
8 essayé d'organiser des réunions vous permettant de rencontrer des
9 responsables politiques et militaires des parties belligérantes en
10 présence?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Est-ce que vous avez commencé par rencontrer les responsables du
13 côté serbe dans un premier temps? Est-ce que cette réunion ne s'est pas
14 tenue le 30 janvier?
15 Réponse: Pour autant que je m'en souvienne, c'est effectivement à cette
16 date que je les ai rencontrés.
17 Question: Cette réunion, où s'est-elle tenue?
18 Réponse: Il y a eu deux réunions, l'une à Pale qui m'a permis de
19 rencontrer Karadzic, Koljevic et Krajisnik, si je ne m'abuse. L'autre
20 réunion m'a permis de rencontrer le général Mladic. Elle s'est tenue un
21 peu plus tard.
22 Question: Est-ce que vous étiez accompagné par qui que ce soit lors de ces
23 deux réunions?
24 Réponse: Je pense que j'étais accompagné par mon aide militaire et
25 l'interprète, le capitaine Ilic.
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1 Question: Est-ce qu'au cours des réunions, il vous arrivait de temps à
2 autre d'être accompagné par Viktor Andreev?
3 Réponse: Oui, souvent il nous accompagnait. Il représentait l'autorité
4 civile des Nations Unies.
5 Question: C'était donc le conseiller des Nations Unies, n'est-ce pas?
6 Réponse: Oui.
7 Question: Et vous étiez également parfois accompagné par Sergio De Mello?
8 Réponse: Oui, c'est lui qui était responsable pour ce qui est de la
9 Bosnie.
10 Question: Est-ce qu'il était le responsable des Nations Unies pour tout ce
11 qui avait trait aux affaires civiles?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Lors de cette première réunion que vous avez évoquée et qui vous
14 a permis de rencontrer M. Karadzic et un peu plus tard M. Mladic, le
15 général Mladic, quelles ont été les questions que vous avez abordées eu
16 égard au conflit qui se déroulait à Sarajevo?
17 Réponse: Eh bien, nous avons débattu de la nécessité d'établir un cessez-
18 le-feu. Nous avons débattu de la possibilité de démilitariser la zone et
19 nous avons, bien sûr, évoqué la nécessité de permettre à l'aide
20 humanitaire d'atteindre les personnes qui devaient en bénéficier, qui
21 n'étaient pas seulement les Musulmans de Bosnie. Il s'agissait également
22 de venir en aide aux Croates et aux Serbes.
23 Question: Est-ce qu'il y a certains aspects du conflit militaire qui avait
24 cours à Sarajevo, qui étaient source pour vous d'un souci particulier?
25 Réponse: Eh bien, vous savez que la ville étaient assiégée. Les ambitions
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1 des Nations Unies étaient très claires: nous voulions faire en sorte que
2 le pilonnage, les tirs embusqués s'arrêtent et nous voulions assurer la
3 liberté de mouvement que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de la
4 ville.
5 Question: Est-ce que ces incidents de pilonnage, de tirs embusqués avaient
6 un impact sur la population civile de Sarajevo?
7 Réponse: Bien sûr.
8 M. Ierace (interprétation): Est-ce que c'est un sujet que vous avez évoqué
9 en présence de MM. Mladic ou Karadzic?
10 M. Rose (interprétation): Oui.
11 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace, j'écoute le canal
12 français. Vous savez que les interprètes ont un petit peu de mal à vous
13 suivre au rythme que vous soutenez.
14 M. Ierace (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Je vais tâcher de
15 me ralentir.
16 Est-ce que vous savez quand vous avez, pour la première fois, soulevé
17 cette question, à savoir la question du pilonnage et des tirs embusqués
18 qui visaient les civils sur Sarajevo? Quand, pour la première fois, avez-
19 vous évoqué ces questions auprès des responsables politiques et militaires
20 serbes?
21 M. Rose (interprétation): Je pense que cela s'est passé lors de la
22 première réunion qui s'est tenue en janvier, lors de notre première
23 rencontre parce que c'était le problème n°1 pour les Nations Unies et pour
24 le peuple de Bosnie.
25 Question: Vous dites que vous avez évoqué cette question fréquemment avec
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1 ces personnes dont vous avez cité les noms. Pourriez-vous nous donner une
2 idée de l'éventail des réponses qui vous ont été données d'abord par le
3 général Mladic?
4 Réponse: Le général a répondu que eux réagissaient aux attaques qui
5 étaient lancées contre eux par l'armée musulmane de Bosnie, qu'il
6 s'agissait simplement de répondre à ces attaques. Et ils n'avaient pas les
7 mêmes quantités d'hommes, de troupes d'infanterie à leur disposition et
8 c'est ainsi qu'ils choisissaient de répondre aux attaques qui étaient
9 menées par l'infanterie musulmane. Ils bombardaient, ils pilonnaient.
10 M. Ierace (interprétation): Est-ce que vous avez, dans le cadre de vos
11 interventions sur ce sujet, fait apparaître clairement que votre
12 préoccupation principale était de mettre un terme au fait que les civils
13 étaient visés de façon indiscriminée par les pilonnages?
14 M. Rose (interprétation): Oui, bien sûr. Nous avons parlé du fait que les
15 civils étaient visés par ces attaques.
16 M. Piletta-Zanin: (Hors micro)… mais la précédente réponse du témoin n'a
17 pas été traduite normalement en langue française, notamment le fait que
18 l'armée bosnienne continuait ses attaques à travers les lignes de contact.
19 Et ça, c'est un fait important. Peut-être doit-on demander...
20 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, est-ce que nous
21 pouvons peut-être avoir répétition de la dernière question qui a été
22 posée? Et est-ce que nous pouvons demander au témoin de bien vouloir
23 répéter sa réponse? Je crois que c'est la meilleure chose à faire.
24 M. Piletta-Zanin: Je crois qu'effectivement si le témoin pouvait
25 s'exprimer légèrement plus lentement, un peu plus lentement, ce sera
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1 parfait également. Merci.
2 M. le Président (interprétation): Oui, Général, je me tourne vers vous. Je
3 vais vous demander de bien regarder l'écran qui se trouve sous vos yeux.
4 Vous voyez qu'un curseur y apparaît. Dès que le curseur cesse de courir
5 sur l'écran, cela veut dire que tout le monde a eu la possibilité de
6 s'exprimer et de travailler, qu'il s'agisse d'interpréter ou de saisir le
7 compte rendu d'audience. Lorsque le curseur s'arrête, vous pouvez alors
8 apporter une réponse à la question qui vous a été posée.
9 Vous pouvez reprendre, Monsieur Ierace.
10 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je dois faire une objection à la
11 question et je dois dire que la vitesse à laquelle les questions sont
12 posées et mes nouvelles fonctions de scribe font que je ne peux pas
13 toujours réagir à temps.
14 Je m'en excuse, Général, mais la question posée par M. Ierace impliquant
15 un élément volontaire, c'est-à-dire délibéré, alors que ce témoin n'avait
16 même pas indiqué cela, me paraissait une question inadmissible en tant
17 qu'elle contiendrait des éléments fortement inductifs.
18 M. Ierace (interprétation): Je serais heureux de retirer cette question,
19 Monsieur le Président. Je suis tout prêt à la formuler.
20 M. le Président (interprétation): Allez-y, Monsieur Ierace, reformulez la
21 question.
22 Maître Piletta-Zanin, je crois que cela suffit pour le moment. Je vais
23 demander à M. Ierace de reformuler la question, je ne crois pas qu'il soit
24 nécessaire de faire d'autres commentaires sur ce point.
25 M. Ierace (interprétation): Mon Général, vous nous avez dit que vous étiez
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1 arrivé à Sarajevo le 23 janvier. Vous nous avez dit que, d'après vos
2 souvenirs, vous vous souvenez que votre première réunion avec les
3 représentants locaux avait eu lieu le 30 janvier.
4 Au cours de cette première semaine sur place, est-ce que vous vous êtes
5 forgé une opinion sur la question de savoir si oui ou non les civils de
6 Sarajevo étaient visés de façon délibérée ou… est-ce qu'ils faisaient
7 l'objet d'actes de pilonnage ou est-ce qu'ils étaient la cible de tirs
8 embusqués qui provenaient des forces militaires serbes qui se trouvaient
9 sur la ligne de confrontation?
10 Et attendez avant de répondre à la question.
11 M. Piletta-Zanin: Oui, Monsieur le Président?
12 Il faudrait que M. Ierace précise encore sa question. Nous savons qu'à
13 Sarajevo, il y a eu des quartiers, notamment des quartiers serbes, qui ont
14 été bombardés par certaines parties.
15 Est-ce que M. Ierace entend toutes les parties de Sarajevo, y compris les
16 parties serbes qui auraient été bombardées par les Musulmans de façon
17 indiscriminée ou est-ce que M. Ierace entend d'autres parties de la ville
18 et, dans ce cas, qu'il veuille bien préciser lesquelles?
19 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, il vous a fallu
20 cinq lignes de transcript pour dire ce que vous venez de dire. Vous auriez
21 pu dire simplement: "Est-ce que la question porte sur l'ensemble des
22 territoires couverts par la ville de Sarajevo ou sur une partie seulement
23 de ce territoire?"
24 Une ligne de compte rendu qui suffit parfaitement.
25 Monsieur Ierace, poursuivez.
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1 M. Ierace (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
2 Général, est-ce que cela vous ennuierait de relire la question qui
3 apparaît sur le compte rendu et qui défile sur l'écran sous vos yeux?
4 M. Rose (interprétation): A l'époque, l'opinion générale qui prévalait,
5 c'était qu'il y avait effectivement une attaque délibérée à l'encontre des
6 civils par les Serbes et un certain nombre d'incidents se sont produits
7 juste avant mon arrivée et peu de temps après mon arrivée, des incidents
8 qui ont corroboré ce qui m'avait été dit.
9 Mais ce qui est vrai aussi, c'est qu'il y avait des pilonnages dans
10 l'autre sens de temps à autre, des pilonnages qui visaient les Serbes qui
11 se trouvaient, par exemple, à Grbavica et en d'autres endroits.
12 Question: Tout à fait. Quelle était l'ampleur du pilonnage dont Sarajevo
13 était la cible au cours de cette première semaine, ou plutôt au cours de
14 cette première période de temps qui a suivi votre arrivée? Combien d'obus
15 tombaient sur Sarajevo?
16 Réponse: Il pouvait y en avoir jusqu'à 1.500, 2.000; 1.500, 2.000 obus par
17 jour à Sarajevo, mais je parle là de l'ensemble des obus qui partaient
18 d'un côté comme de l'autre.
19 Question: Et pour ce qui est des tirs embusqués, quelle était leur
20 densité, pouvez-vous peut-être nous donner la fréquence à laquelle vous
21 entendiez des coups de feu tirés par des armes légères? Est-ce que vous
22 pouvez nous donner une idée du risque que couraient les personnes à cette
23 époque-là?
24 Réponse: Le risque était permanent.
25 Question: Je reviens sur quelque chose que nous avons évoqué il y a cinq
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1 minutes environ.
2 Lorsque vous avez abordé cette question auprès du général Mladic, est-ce
3 que vous avez clairement indiqué que votre préoccupation était due au fait
4 qu'il semblait que les civils étaient délibérément visés, qu'ils étaient
5 visés sans discrimination et nous ne parlons pas de victimes qui auraient
6 pu être victimes de conséquences d'un conflit armé légitime.
7 M. Rose (interprétation): Oui, nous avons soulevé cette préoccupation.
8 M. Ierace (interprétation): La réponse dont vous nous avez dit qu'elle
9 vous avait été fréquemment donnée par vos interlocuteurs, était, si je ne
10 m'abuse, que cela était justifié étant donné qu'il s'agissait de réponses
11 aux attaques lancées par les forces du gouvernement bosniaque. Est-ce
12 exact?
13 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président. Si alors… (inaudible).
14 M. Ierace (interprétation): Je crois que cette question est autorisée,
15 Monsieur le Président, devrait être autorisée parce que j'ai invité le
16 témoin à confirmer qu'il s'agissait bien là de la réponse qui avait été
17 donnée, il y a quelques minutes.
18 M. le Président (interprétation): L'objection est rejetée.
19 Monsieur Ierace, je vous remercie.
20 M. Ierace (interprétation): Je vous remercie.
21 Je vais vous rappeler ce que vous avez dit, Général.
22 Vous nous avez dit que la réponse qui vous a été donnée fréquemment, était
23 que ces réactions étaient justifiées puisqu'il s'agissait de réponses aux
24 attaques lancées par les forces musulmanes. Est-ce exact?
25 M. Rose (interprétation): C'est exact.
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1 Question: Est-ce que vous vous êtes vous-même forgé une opinion quant au
2 fait de savoir s'il s'agissait là d'une justification qui pouvait être
3 recevable?
4 Réponse: C'était difficile de me prononcer juste après mon arrivée,
5 c'était difficile de savoir si c'était justifié ou pas. Mais par la suite,
6 il est apparu que les forces du gouvernement bosniaque plaçaient
7 délibérément leurs positions de tir dans des zones telles que l'hôpital de
8 Kosevo, afin d'attirer des réponses de l'armée serbe de Bosnie sur cette
9 zone.
10 Mais je répète que, quand je suis arrivé, une semaine après mon arrivée,
11 la situation était encore très confuse à mes yeux.
12 Question: Le 4 février, donc dans les 20 jours qui ont suivi votre
13 arrivée, est-ce qu'il n'y a pas eu un incident impliquant un certain
14 nombre d'explosions d'obus de mortier à Dobrinje?
15 Réponse: C'est exact.
16 Question: Est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus?
17 Réponse: Eh bien, les personnes s'étaient rassemblées en un lieu précis
18 pour pouvoir collecter des rations qui étaient distribuées par les Nations
19 Unies. Et quatre obus de mortier sont tombés au milieu de la foule et un
20 certain nombre de personnes ont été blessées et un certain nombre de
21 personnes ont été tuées, 10 ou 15 personnes ont été tuées et entre 10 et
22 20 ont été blessées.
23 Question: Est-ce que quelques mesures que ce soit ont été prises pour
24 analyser le site d'impact, pour analyser le cratère afin de s'assurer de
25 la direction d'où provenaient ces obus de mortier, ces quatre obus de
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1 mortier que vous avez évoqués?
2 Réponse: Je sais qu'il y a eu effectivement analyse du cratère juste après
3 ou presque juste après les éléments de preuve rassemblés suite à cette
4 analyse.
5 C'est toujours un petit peu difficile d'être parfaitement certain de ce
6 qui s'est passé, mais il semblait que c'était l'armée serbe de Bosnie qui
7 avait tiré ces obus et qui avaient visé délibérément les civils qui
8 faisaient la queue pour obtenir ces rations alimentaires.
9 M. Ierace (interprétation): Le jour suivant… Pardon. Avant d'en venir à ce
10 qui s'est passé le jour suivant, pouvez-vous nous dire si des mesures
11 quelconques...
12 M. Piletta-Zanin: (Hors micro) …prendre des notes comme vous l'avez
13 demandé, je n'arrive vraiment plus à faire cela et je crois que
14 l'accusation se complaît à accélérer. Ce n'est pas tout à fait normal.
15 Merci.
16 M. Ierace (interprétation): Je vais reprendre.
17 Quelles mesures avez-vous prises afin de protester contre ce qui s'était
18 passé suite au résultat de l'analyse?
19 M. Rose (interprétation): D'après mes souvenirs, je pense que nous avons
20 sans doute envoyé un message de protestation. Nous avons exigé qu'une
21 explication nous soit donnée. Ce message était adressé au quartier général
22 de Pale.
23 Question: Est-ce que vous êtes à même de vous souvenir si, oui ou non,
24 vous n'avez jamais reçu une réponse à ces messages de protestation?
25 Réponse: Je ne me rappelle pas avoir reçu de réponse particulière.
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1 Question: Est-ce qu'il y a eu un autre incident qui s'est produit le
2 lendemain?
3 Réponse: Oui, l'incident qui s'est produit sur le marché de Sarajevo. Un
4 certain nombre de civils se trouvant sur la place du marché ont été visés
5 par quelqu'un qui a tiré un seul obus de mortier. Je crois que plus de 50
6 personnes ont été tuées en cette occasion et je crois que plus de 100
7 personnes ont été blessées.
8 Question: Est-ce que vous avez pris des mesures eu égard à cet incident
9 dont nous venons de parler? Est-ce que vous avez essayé de mener un examen
10 technique des zones d'impact?
11 Réponse: Oui, mais lorsque vous avez un seul obus de mortier qui tombe, il
12 est difficile d'établir de quelle direction il est provenu et il est
13 difficile d'être précis. Et puis, il est difficile également d'évaluer la
14 distance depuis laquelle il a été tiré.
15 Par ailleurs, on fait toujours une analyse générale, mais il est difficile
16 de dire dans le détail d'où provient cet obus de mortier, d'où il a été
17 tiré.
18 Question: L'enquête, pour autant que vous vous en souveniez, a-t-elle
19 permis, tout de même, de déterminer d'où provenait le tir?
20 Réponse: Je crois qu'il venait du nord-est de la ville, si je me souviens
21 bien.
22 Question: Lorsque vous dites qu'il était impossible de dire avec précision
23 d'où provenait cet obus de mortier, est-ce que vous voulez dire qu'une
24 fois la direction établie, une fois l'observation faite que l'obus avait
25 traversé la ligne de confrontation, est-ce que vous voulez dire donc que
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1 la source du tir pouvait être d'un côté comme de l'autre de la ligne?
2 Réponse: Oui.
3 M. Ierace (interprétation): Qui a établi les critères d'après lesquels
4 l'enquête devait être menée?
5 M. Rose (interprétation): Il y a deux enquêtes: une enquête menée
6 immédiatement qui a été faite par le secteur Sarajevo et par le général
7 Soubirou donc, et puis il y a eu une enquête complémentaire du fait de
8 l'importance de cette attaque. Et cette enquête a été demandée par Zagreb,
9 je crois. Et une équipe indépendante est venue sur le terrain pour se
10 livrer à un certain nombres d'analyses.
11 Mais les deux enquêtes ont abouti aux mêmes conclusions. Il était
12 impossible de déterminer d'où provenait cet obus de mortier. Il a même été
13 dit que cela avait été lâché d'un immeuble environnant.
14 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je dois revenir sur la question
15 précédente, et je m'excuse ou je vous prie, plutôt, de m'excuser, de le
16 faire avec retard, mais je constate que la question mentionnant
17 expressément le fait que l'obus aurait traversé les lignes de
18 confrontation était une question du type directif puisque le témoin
19 n'avait pas auparavant précisément apporté des éléments de témoignage sur
20 cette question-là. Merci.
21 M. Ierace (interprétation): Effectivement, c'était une question directive.
22 J'aurais pensé que l'abondance des preuves de ce rapport aurait fait en
23 sorte qu'il n'y avait pas de controverse possible par rapport à ce que
24 j'ai dit.
25 M. le Président (interprétation): Si nous examinons ce que nous avons sur
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1 les lignes de confrontation autour de la ville, c'est clair ou est-ce que
2 c'est remis en question?
3 Si cela n'est pas remis en question, à ce moment-là, cette question n'est
4 pas très utile car quelle que soit la direction, si elle faisait un
5 cercle, si vous prenez un point dans un cercle, on traverse toujours la
6 ligne de confrontation, quelle que soit la direction que l'on choisit, on
7 traverse toujours la ligne de confrontation.
8 M. Piletta-Zanin: (Inaudible)… nous avons un pluriel ici, nous avons "the
9 confrontation lines". Et ce "confrontation lines" signifierait que si l'on
10 a franchi plusieurs lignes, on a nécessairement franchi et la serbe et la
11 musulmane, et donc en géométrie appliquée, cela ne peut signifier qu'une
12 seule chose, c'est que ce serait parti du côté serbe. C'est un "s" qui est
13 un "s" pluriel et qui a un sens déterminant.
14 M. le Président (interprétation): Non, on parle de direction ici. Si on ne
15 connaît pas la distance, on parle de direction. A ce moment-là, on a la
16 réponse du témoin qui dit que, si l'on ne peut pas déterminer la distance,
17 la direction quelle qu'elle soit, cette flèche traversera immanquablement
18 une ligne s'il s'agit d'un cercle, qu'il s'agisse d'un double cercle, d'un
19 simple cercle, qu'il s'agisse de l'intérieur ou de l'extérieur du cercle.
20 Et on ne répond pas à cette question.
21 M. Rose (interprétation): Je pourrai peut-être vous offrir mon aide. Bon,
22 effectivement, vous avez…
23 M. le Président (interprétation): C'était une partie de la question, pas
24 de la réponse.
25 M. Piletta-Zanin: Merci, Monsieur le Président. Seulement la chose n'était
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1 pas très claire, je crois, dans le transcript français et c'est ce genre
2 de problèmes qui interviennent, hélas, dans la relation de transcript.
3 Merci.
4 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre, Monsieur Ierace.
5 M. Ierace (interprétation): Mon Général, vous disiez qu'il y avait deux
6 enquêtes dont la première avait été ordonnée par le général Soubirou. Le
7 général Soubirou avait donc demandé la première. Etant donné l'importance
8 de cette première attaque d'envergure, pour reprendre vos propos, Zagreb a
9 ordonné une deuxième enquête à mener par une équipe indépendante venant de
10 l'extérieur, qui a effectué une analyse.
11 Vous avez dit que les deux enquêtes ont abouti à la même conclusion. Vous
12 avez indiqué que l'idée avait été exprimée selon laquelle on aurait laissé
13 tomber l'obus à la main depuis un immeuble voisin. Est-ce que cette idée a
14 été retenue par l'une ou l'autre des enquêtes?
15 M. Rose (interprétation): Non.
16 Question: Par rapport à la nature des enquêtes: est-ce que vous pourriez
17 nous parler un petit peu du type d'enquête, du mandat des enquêtes? Est-ce
18 qu'on a effectué une analyse du site d'impact, du cratère?
19 Réponse: Non.
20 Question: Est-ce que ce sont les seules enquêtes qui ont été réalisées par
21 les Nations Unies, celle qui a été ordonnée par le général Soubirou et la
22 deuxième enquête ordonnée à partir de Zagreb?
23 Réponse: Effectivement.
24 Question: Pourriez-vous nous parler de l'impact qu'a eu cet incident sur
25 tout le conflit et en particulier le conflit à Sarajevo?
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1 Réponse: Cela a créé une occasion d'effectuer des progrès pour arriver à
2 la paix. Les gens étaient si horrifiés par ce qui s'était produit que
3 c'était une initiative qui a été lancée pour interrompre les combats, pour
4 ce qui était de Sarajevo. Et cela s'est avéré couronné de succès dans la
5 mesure ou les 9 et 10 février, les deux parties ont accepté d'arrêter les
6 combats, de retirer leurs armes lourdes et d'ouvrir certaines routes pour
7 les convois d'aide. Cela à transformé la situation en Bosnie qui était une
8 situation de détérioration. Et c'est l'espoir, cela a redonné un espoir de
9 paix à la population.
10 Question: Est-ce que vous pouvez nous parler de la manière dont le retour
11 à l'harmonie s'est manifesté? Comment cela a eu un impact sur la vie
12 quotidienne de la population?
13 Réponse: Il était possible de réparer les lignes d'électricité. La
14 distribution d'eau a été rétablie dans de nombreux quartiers. Les convois
15 d'aide et commerciaux ont pu arriver. Des bus, par exemple, desservaient
16 Zenica depuis Sarajevo, de manière à ce que les gens puissent rendre
17 visite à leurs familles.
18 Question: Pour Markale, est-ce qu'on voyait des civils la journée, le
19 soir, qui étaient dans les rues, avant Markale?
20 Réponse: Pas du tout.
21 Question: Après Markale?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Qu'en était-il des tramways? Est-ce que les tramways étaient
24 opérationnels?
25 Réponse: Non. Avec le retour de l'électricité… c'est-à-dire, puisqu'il n'y
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1 avait pas d'électricité, il y avait des combats qui se menaient autour de
2 Sarajevo et il n'était pas possible de ramener le fonctionnement… il était
3 possible, plutôt, de restaurer le fonctionnement des tramways, mais plus
4 tard.
5 M. Ierace (interprétation): Qu'en est-il de votre dernière question? Est-
6 ce qu'il s'agissait d'une question de tirs embusqués? Qu'est-ce qui est
7 arrivé au cours des premiers jours?
8 M. Rose (interprétation): (Pas d'interprétation.)
9 M. le Président (interprétation): (Pas d'interprétation.)
10 Monsieur le Témoin, je ne sais pas quel canal vous écoutez. Vous devriez
11 vous mettre sur le canal 4, le canal anglais. Si vous entendiez le canal
12 4, vous auriez entendu que l'interprète vous a demandé de répéter votre
13 dernière réponse.
14 C'était la réponse qui commençait par: "Rien ne se termine immédiatement
15 dans une situation de confusion et de guerre civile et, bien entendu, les
16 tirs embusqués ont diminué. De temps en temps, il y avait un coup de feu
17 qui était tiré, mais ce n'était pas quelque chose qui avait un impact
18 suffisant pour enrayer le rétablissement progressif de la normalité ".
19 Est-ce que vous pourriez donc répéter la question, Monsieur Ierace?
20 M. Ierace (interprétation): Qu'est-ce que vous avez constaté en ce qui
21 concerne le pilonnage entre la situation avant Markale après Markale?
22 M. Rose (interprétation): Le pilonnage a arrêté complètement. Selon
23 l'accord intervenu, les armes lourdes devaient être retirées de la zone de
24 Sarajevo dans une zone de 20 kilomètres. Et le gouvernement bosnien a été
25 invité à retirer toutes ses armes lourdes dans les entrepôts à l'intérieur
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1 de la ville, à ne pas les utiliser.
2 M. le Président (interprétation): Oui, dans le compte rendu d'audience, on
3 peut lire 20 millimètres, c'est 20 kilomètres.
4 M. Ierace (interprétation): Le fait qu'on ait procédé au pilonnage… qu'on
5 ait arrêté, donc, le pilonnage et les tirs embusqués, les décisions qui
6 ont été prises par les commandants militaires après le marché de Markale,
7 est-ce que cela vous suggère quelque chose? Est-ce que cela voudrait dire
8 que le degré, le niveau de commandement fait par les dirigeants militaires
9 de toutes les parties des côtés belligérants, est-ce que cela a été mis en
10 place?
11 M. Rose (interprétation): Oui, cela a montré...
12 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je suis navré, mais si je dois
13 intervenir après les questions comme vous l'avez demandé, il faut qu'il y
14 ait le temps de la réponse. La cabine française n'a pas traduit du tout,
15 je crois -en tout cas, je ne l'ai pas entendu-, que la question portait
16 également le sniping. Merci.
17 Cabine française: La cabine française l'a dit, Monsieur le Président.
18 M. Piletta-Zanin: Alors c'est une erreur de ma part. Je m'excuse.
19 M. le Président (interprétation): Vous auriez pu poser la question en fin
20 de journée.
21 Veuillez poursuivre, Monsieur Ierace.
22 Veuillez être plus prudent, Maître Piletta-Zanin.
23 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, il semble que Me
24 Piletta-Zanin a formulé une objection. C'est la raison pour laquelle les
25 interprètes n'ont pas pu compléter l'interprétation de la réponse du
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1 témoin.
2 Donc, Général, s'il vous faut réfléchir votre mémoire quant à la question,
3 vous pourriez peut-être lire la question à l'écran. Vous allez voir que
4 votre réponse n'a pas… si vous croyez que votre réponse n'a pas été
5 complètement enregistrée, je vous prierai de bien vouloir répéter votre
6 réponse.
7 M. Rose (interprétation): Oui, la fin du pilonnage et des tirs embusqués
8 ont montré que les deux parties contrôlaient parfaitement leurs machines
9 militaires.
10 Question: Dans le cadre de cette nouvelle façon de vouloir coopérer avec
11 les Nations Unies, y avait-il eu des routes d'accès établies qui étaient
12 connues sous le nom de "les routes bleues"?
13 Réponse: Effectivement.
14 Question: Pourriez-vous nous dire ce que représentaient ces routes bleues?
15 Quelle était la nature d'une route bleue?
16 Réponse: Il s'agissait de routes qui pouvaient être empruntées par les
17 convois d'aide des Nations Unies, sans obstacle, pour pouvoir acheminer
18 l'aide à l'intérieur et à l'extérieur de Sarajevo.
19 Question: Fort bien. Maintenant, dans les semaines qui ont suivi, que
20 s'est-il passé lorsqu'on parle du progrès concernant la partie du conflit
21 qui a eu lieu à Sarajevo, donc on parle de Sarajevo? Et pourriez-vous nous
22 dire: que s'est-il passé exactement?
23 Réponse: Il y a eu une amélioration générale de la situation de sécurité à
24 l'intérieur et à l'extérieur de Sarajevo jusqu'à la mi-septembre, lorsque
25 les forces du Gouvernement bosnien ont rompu le cessez-le-feu de manière
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1 importante. Il y a eu de nouveau des tirs. Bien sûr, il y a de temps en
2 temps des incidents sporadiques de tirs embusqués et ces incidents étaient
3 traités. Et il y a eu une tentative d'en arriver à un accord anti-sniping,
4 mais il fallait qu'il y ait toute une série de commerce, d'échanges et
5 cela a été difficile à réaliser.
6 M. Ierace (interprétation): Est-ce que cela a été signé vers le 14 août
7 1994 s'agissant de cet accord contre les tireurs embusqués?
8 M. Rose (interprétation): Effectivement. (interprète hors micro)… par
9 rapport aux termes de l'accord anti-sniping parce que je pense que c'est
10 quelque chose qui est partagé.
11 M. Piletta-Zanin: Je n'ai pas de traduction et je n'ai pas entendu ce qu'a
12 dit M. Ierace.
13 M. le Président: La question était où c'était en dispute… où on dispute le
14 contenu du projet sur l'anti-sniping.
15 M. Piletta-Zanin: Monsieur Ierace peut-il préciser sur lequel? Si nous
16 parlons du projet d'accord, comme il y en a eu plusieurs, veut-il bien
17 nous apporter les décisions nécessaires?
18 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, si vous lisez le
19 compte rendu d'audience en anglais, vous voyez que l'on vise l'accord du
20 14 août 1994.
21 M. Piletta-Zanin: Si c'est celui signé par le général Milovanovic, pas de
22 problème, oui.
23 M. Ierace (interprétation): Est-ce que cet accord obligeait les parties
24 belligérantes à mettre fin aux tirs embusqués contre les militaires, les
25 civils et le personnel des Nations Unies dans la région de Sarajevo?
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1 M. Rose (interprétation): Oui.
2 Question: Pendant combien de temps les négociations qui ont précédé la
3 signature de l'accord ont-elles eu lieu?
4 Réponse: Quelques mois.
5 M. Ierace (interprétation): Qui était votre interlocuteur du côté des
6 Serbes de Bosnie?
7 M. Rose (interprétation): La relation générale entre les Nations Unies et
8 les Serbes de Bosnie à Sarajevo, c'était entre moi-même, au plus haut
9 niveau, et le général Mladic, ainsi que son aide de camp, le colonel
10 Tolimir. Il y avait également Milovanovic, il y avait également le général
11 Galic qui avait un rôle à jouer, même si, à mon sens, il ne semblait pas
12 avoir les pleins pouvoirs en matière de décisions.
13 Il était toujours, il devait toujours suivre la hiérarchie et donc les
14 négociations pour ce qui était du côté serbe de Bosnie à Sarajevo entre le
15 général Mladic et moi-même, même si certains documents étaient à signer
16 par d'autres personnes.
17 M. Piletta-Zanin: Non, je suis navré, je dois interrompre. Toute une
18 phrase n'a pas été traduite dans le transcript en français -je dois le
19 dire-, notamment depuis "the general Gvero who was involved on the Bosnian
20 Serb army side". Tout cela n'a pas été traduit et je crois que la cabine
21 française l'acceptera.
22 M. le Président (interprétation): Je vais me mettre sur le canal français.
23 Veuillez poursuivre; Monsieur Ierace.
24 M. Ierace (interprétation): Mon Général, est-ce que le fait, est-ce que
25 vous avez une opinion sur le fait que les parties, au niveau le plus haut,
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1 négociaient les conditions de la cessation des tirs contre les civils?
2 Est-ce qu'à votre sens, donc, cela était révélateur du degré de contrôle,
3 du degré de maîtrise des tirs embusqués? Est-ce qu'ils avaient la
4 possibilité de les faire cesser?
5 M. Rose (interprétation): Oui, ils avaient la possibilité de les faire
6 cesser, mais ce n'était pas eux les donneurs d'ordre. Souvent, c'étaient
7 les politiques qui prenaient part aux discussions. Il y avait toujours un
8 aspect politique, il y avait donc, par exemple, Karadzic, Krajisnik ou
9 Milovanovic de l'autre côté.
10 Question: Lorsqu'on parle de paramilitaires et plus particulièrement, je
11 parle des paramilitaires qui se trouvaient du côté de la ligne de
12 confrontation qui était contrôlée par les Serbes de Bosnie, l'armée des
13 Serbes de Bosnie, pourriez-vous nous dire si, d'abord, selon vous, il y
14 avait de telles forces?
15 Réponse: Oui, il y en avait.
16 Question: Et selon vous, de nouveau, pourriez-vous nous dire, y avait-il,
17 à quelque moment que ce soit, une démonstration faite de la part de
18 l'armée régulière des Serbes de Bosnie pour essayer de contrôler les
19 militaires lorsqu'ils le voulaient?
20 Réponse: Oui, il y avait un groupe de personnes qui étaient des
21 mercenaires, comme nous le croyions, qui avaient pris une position sur le
22 cimetière juif du côté serbe de Bosnie.
23 Et ces derniers ne semblaient pas vouloir accepter les accords, les
24 dispositions de l'accord pour arrêter ou cesser le pilonnage et les tirs
25 embusqués aux alentours de Sarajevo. Et donc, les Serbes de Bosnie se sont
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1 finalement rendus à Grbavica, à Sarajevo, et ils ont emmené un élément
2 qui, selon nous, était des troupes régulières yougoslaves pour essayer de
3 contrer ces derniers, ces groupes paramilitaires.
4 Question: Parlant du cimetière juif, est-ce que ce dernier représentait
5 une source de feu au cours de votre période à Sarajevo?
6 Réponse: Enfin, cela est toujours revenu comme un endroit dangereux.
7 Question: Lorsque vous dites… lorsqu'ils sont allés là, qu'est-ce qu'ils
8 ont pu faire?
9 Réponse: Je crois qu'ils ont rétabli leur chaîne de commandement qui avait
10 peut-être été affaiblie par l'existence de ces mercenaires.
11 Question: Approximativement vers quelle époque cette action a été
12 entreprise par les forces armées?
13 Réponse: Peut-être un mois après que l'accord ait été fait.
14 Question: Donc, vous parlez de l'accord anti-sniping.
15 Réponse: Non, je parle de l'accord du 10 février 1994, du rapport
16 original. Donc au mois de mars, c'est probablement au mois de mars qu'ils
17 ont essayé de contrer ces mercenaires.
18 Question: Eh bien, de nouveau, parlons du progrès. Y avait-il un certain
19 progrès fait concernant le pont de Grbavica?
20 Réponse: Oui, il était possible de rouvrir le pont et de faire en sorte
21 que des personnes se déplacent, soit des civils soit des militaires, des
22 soldats des Nations Unies. Il y avait également des approvisionnements
23 qu'on a pu transporter en passant par ce pont.
24 M. Ierace (interprétation): Est-ce que vous savez à quel moment ce pont a
25 été rouvert?
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1 M. Rose (interprétation): Je crois que c'était au mois de février 1994…
2 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président? Oui...
3 M. le Président (interprétation): Je vois que les interprètes ont vraiment
4 du mal, ils n'ont vraiment pas le temps de respirer, Maître Ierace.
5 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, cela fait la quatrième ou
6 cinquième fois que ce problème se pose. Je n'arrive pas à prendre des
7 notes, je n'arrive pas, je n'arrive pas.
8 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace devra ralentir et
9 lorsqu'il le fera, je vais le demander. J'ai déjà demandé à plusieurs
10 reprises de le faire. Je sais qu'il est difficile pour vous aussi de
11 prendre des notes. La Chambre le comprend. Très bien.
12 Bon. Je demande à Me Ierace de bien vouloir ralentir le débit de nouveau.
13 M. Ierace (interprétation): Vous nous avez dit un peu plus tôt que les
14 tramways ne fonctionnaient pas avant l'incident de Markale et qu'à un
15 certain moment donné après l'incident de Markale… pouvez-vous nous dire
16 s'ils ont recommencé à fonctionner?
17 M. Rose (interprétation): Oui.
18 Question: De nouveau, est-ce que vous vous souvenez environ à quel moment
19 cela est survenu?
20 Réponse: Eh bien, cela a peut-être pris environ un mois pour essayer de
21 rétablir l'électricité, de réparer les tramways, de faire en sorte qu'ils
22 soient fonctionnels de nouveau. Donc nous parlons peut-être du mois
23 d'avril.
24 Question: Est-ce que les tramways avaient une importance symbolique,
25 spécifique pour ce qui vous concerne vous personnellement, est-ce que les
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1 civils de Sarajevo eux-mêmes accordaient une importance à ces tramways?
2 Est-ce que cela représentait pour eux l'arrêt des hostilités, le début de
3 la paix?
4 Réponse: Je crois que, lorsque les tramways étaient rétablis à Sarajevo,
5 les gens de Sarajevo, les habitants croyaient peut-être que la paix serait
6 revenue et que la vie quotidienne normale se déroulerait de façon normale.
7 M. Ierace (interprétation): Bien. De l'autre côté de la médaille, si on
8 parle du revers de la médaille, si vous voulez, pensant que vous étiez
9 vous-même à Sarajevo au cours de votre séjour, y avait-il eu des incidents
10 où vous étiez informés? Est-ce qu'on vous a informé par des rapports ou
11 est-ce qu'il y a eu des enquêtes menées par les Nations Unies qui
12 pourraient, qui suggéraient peut-être que les parties qui se trouvaient de
13 l'autre côté de la ligne de confrontation contrôlée par les forces du
14 Gouvernement bosnien procédaient… enfin, ciblaient les civils de façon
15 délibérée, qui se trouvaient à l'intérieur des lignes de confrontation?
16 M. Rose (interprétation): Je crois qu'il y avait quelqu'un…
17 M. le Président (interprétation): Je vais vraiment devoir vous demander
18 d'attendre que la course du curseur s'arrête, Monsieur le Témoin, avant de
19 donner votre réponse.
20 M. Rose (interprétation): Il y avait certainement quelques questions là-
21 dessus avant que j'arrive à Sarajevo. On avait des suspicions là-dessus et
22 des allégations étaient apparues dans les médias. Il y avait certainement
23 certaines idées là-dessus et nous croyions que cela arrivait.
24 Mais, après mon arrivée, ce que je pourrais vous dire, c'est que les
25 forces bosniennes, le Gouvernement bosnien, tirait de temps en temps sur
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1 les Serbes et plus particulièrement pour pouvoir, en fait, attirer le feu
2 sur Sarajevo pour que le Gouvernement bosnien puisse démontrer que le sort
3 malheureux des gens de Sarajevo se poursuit.
4 M. Ierace (interprétation): Je crois que vous avez mentionné l'hôpital de
5 Kosevo.
6 M. Rose (interprétation): Oui, certainement, ils tiraient sur l'hôpital.
7 Le côté bosnien, des deux côtés, ils ne respectaient le retrait des armes
8 lourdes dans un registre de 20 kilomètres.
9 Les forces du Gouvernement bosnien, je crois, disposaient de trois chars
10 et d'autres armes lourdes qu'ils gardaient cachées dans un tunnel et ils
11 les sortaient de temps en temps, plus particulièrement après la violation
12 du cessez-le-feu au mois de septembre, tiraient sur les Serbes de Bosnie
13 pour pouvoir attirer une riposte. Normalement, de cette façon-là, la
14 plupart du temps, ils positionnaient leurs mortiers et les chars autour
15 des zones sensibles, c'est-à-dire tout près du quartier général des
16 Nations Unies ou près d'un hôpital ou près d'une école.
17 Question: Est-ce que des mesures ont été entreprises lors de ces incidents
18 pour formuler des plaintes auprès des instances appropriées, auprès des
19 dirigeants, des autorités militaires, politiques appropriées du côté
20 bosnien, du Gouvernement bosnien?
21 Réponse: Oui, tout le temps, nous formulions des protestations. Nous nous
22 adressions principalement à M. Ganic qui était le chef des opérations
23 militaires du côté bosnien, du côté du Gouvernement bosnien.
24 Question: Concernant les incidents de tirs embusqués, vous est-il arrivé,
25 à quelque moment que ce soit, de voir des armes qui étaient déployées, des
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1 armes de tireurs embusqués déployées par l'une ou l'autre, que possédait
2 l'une ou l'autre partie?
3 Réponse: Oui, j'ai vu certainement, à une reprise au moins. J'ai vu un
4 jeune homme qui tenait un seminov, avec une mire télescopique, tout près.
5 Il sortait, en fait, d'un bâtiment.
6 Question: Est-ce que "seminov", ça s'épelle: S-E-M-I-N-O-V?
7 Réponse: Oui, je crois que c'est cela. Les deux parties procédaient à des
8 tirs embusqués les unes sur les autres.
9 M. Ierace (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président.
10 (Le Banc de l'accusation se concerte.)
11 Monsieur le Président, cela met fin à l'interrogatoire principal de
12 l'accusation.
13 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur Ierace.
14 Je me tourne vers la défense. Est-ce que la défense… Je crois que nous
15 devrions d'abord prendre la pause, car vous nous demandiez un peu plus tôt
16 de rendre la décision sur les documents.
17 M. Piletta-Zanin: (Inaudible)… d'une part, Monsieur le Président.
18 D'autre part, compte tenu de la nouvelle jurisprudence de votre Chambre et
19 du temps que j'ai dû passer à "gratouiller" -il n'y a pas d'autres termes-
20 mes observations, nous sollicitons une consultation avec le général Galic.
21 Par conséquent, nous ne sommes pas prêts maintenant à contre-interroger ce
22 témoin.
23 M. le Président (interprétation): Très bien.
24 Je propose donc que l'on prenne une pause maintenant, une pause d'une
25 demi-heure, plus tôt que prévue.
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1 Je vous écoute, Monsieur Ierace.
2 M. Ierace (interprétation): Je voulais simplement vous dire, Monsieur le
3 Président qu'il n'y a pas d'autre témoin à rappeler à la barre
4 aujourd'hui. Et si Me Piletta-Zanin a besoin de temps supplémentaire pour
5 se préparer, il n'y aura pas d'objection de la part de l'accusation.
6 M. le Président (interprétation): Je comprends. Combien de temps vous
7 faudrait-il, Maître Piletta-Zanin?
8 M. Piletta-Zanin: Il me faudrait du temps suffisant, jusqu'à 11heures,
9 Monsieur le Président.
10 M. le Président (interprétation): Jusqu'à 11 heures, je vois.
11 Eh bien, puisque l'interrogatoire principal a duré 55 minutes, si vous
12 pouviez commencer à 11 heures, cela voudrait dire que l'on pourrait
13 s'attendre à ce que la défense termine le contre-interrogatoire avant la
14 deuxième pause, à midi.
15 M. Piletta-Zanin: Quelle sera la prochaine pause?
16 M. le Président (interprétation): Si nous commençons de nouveau à 11
17 heures, la pause suivante sera faite à 12 heures 30. Nous allons donc
18 lever la séance jusqu'à 11 heures.
19 (Le témoin, M. Michael Rose, est reconduit hors du prétoire.)
20 (L'audience, suspendue à 10 heures 16, est reprise à 11 heures 08.)
21 (Questions relatives à la procédure.)
22 M. le Président (interprétation): La défense a demandé à la Chambre de
23 bien vouloir rendre sa décision sur ce que nous avons appelé le "grattage"
24 de certains documents.
25 Cela porte notamment sur le document P3061 qui a été versé au dossier par
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1 l'accusation. Ce document, je le rappelle, est composé de deux volets:
2 premier volet constitué d'un certain nombre d'autopsies post-mortem.
3 Deuxième volet constitué d'une liste de noms de 15 patients… ou 50
4 patients, qui ont été évacués le 6 février. Je vous renvoie notamment à la
5 page 00268597 et jusqu'à la page 00268603, c'est la deuxième partie du
6 document.
7 La Chambre n'est pas convaincue des éléments d'explications qui lui ont
8 été fournis par les représentants du Bureau du Procureur. Nous ne sommes
9 pas convaincus par ce qui a trait notamment à la date du 5 février 1994.
10 Il semble qu'il y ait une autre date qui apparaît. On a également des
11 indications qui semblent avoir été faites à partir d'une autre machine à
12 écrire, les lettres n'ont pas tout à fait la même position. Donc sur la
13 base de ces éléments, nous considérons que ce document ne saurait être
14 admis au dossier de l'audience.
15 Cela étant dit, la Chambre de première instance se demande si les parties
16 seraient prêtes à parvenir à un accord sur certaines parties de cet
17 incident.
18 Maître Piletta-Zanin, j'ai un peu plus mal à vous regarder parce que je
19 vous vois...
20 Me Piletta-Zanin: Oui, je le regrette, Monsieur le Président.
21 M. le Président (interprétation): Non, ne vous excusez pas. Mais la
22 Chambre, je reprends, se demande si les parties sont en total désaccord
23 d'abord sur le point suivant, à savoir qu'un obus est effectivement tombé
24 sur la place du marché le 5 février 1994.
25 M. Piletta-Zanin: Oui, Monsieur le Président. C'est une question. Je peux
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1 y apporter réponse.
2 M. le Président (interprétation): Bien. Voyons déjà ce qui est contesté
3 par les parties, voyons ce qui ne fait pas l'objet d'une contestation. Ma
4 première question est celle-ci: est-ce qu'il y a un consensus sur le fait
5 qu'un obus est tombé sur le marché Markale le 5 février? Est-ce qu'il y a
6 contestation du fait que cet obus a explosé? Première question.
7 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, première réponse immédiatement.
8 La défense a déjà indiqué, par certaines questions qu'elle a posées, qu'il
9 était également possible qu'une bombe artisanale ait été volontairement
10 posée sur ce marché et qu'en quelque sorte une mise en scène ait été
11 organisée à ce niveau-là.
12 Par conséquent, même ce point-là ne peut pas être, en tant que tel, retenu
13 et vous l'aurez déjà compris.
14 M. le Président (interprétation): Donc, vous ne pouvez pas vous mettre
15 d'accord sur quelque chose qui serait tombé sur le marché? Est-ce que les
16 parties sont d'accord pour dire qu'il y a eu une explosion sur la place du
17 marché le 5 février?
18 M. Piletta-Zanin: Je m'engage personnellement, mais je pense qu'en effet
19 le fait qu'il ait une explosion ne saurait pas être raisonnablement
20 contesté. Je cherche du regard mon confrère, ainsi que le général qui
21 opine du chef.
22 M. le Président (interprétation): Bien.
23 Question suivante: les parties sont-elles d'accord pour convenir que plus
24 de 50 personnes ont été tuées par cette explosion?
25 M. Piletta-Zanin: Non, Monsieur le Président…
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1 M. le Président (interprétation): Non, non, cela suffit, c'est clair.
2 Est-ce que vous pourriez nous dire si la défense avance que des personnes
3 ont été tuées par cette explosion, mais qu'elles n'étaient pas au nombre
4 de 50, que le nombre de victimes était moindre ou est-ce que vous voulez
5 dire qu'il n'y a pas eu de personnes tuées par cette explosion?
6 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, la défense, et tout
7 particulièrement le général Galic, n'était pas concernée par cet incident.
8 Mais la position de la défense consiste à dire -et ici, je dois faire un
9 parallèle avec Timisoara qui est, hélas, un élément bien connu dans la
10 manipulation des médias- qu'on ne sait pas si les morts sont intervenus
11 sur ce marché et, par conséquent, si c'est plus 50, moins 50, etc. C'est à
12 l'accusation de le prouver et non pas le contraire.
13 M. le Président (interprétation): Bien sûr, bien sûr. J'essaie simplement
14 d'établir ce qui est contesté par les parties.
15 Est-ce que la défense estime que personne n'a été tué lors de cette
16 explosion sur la place du marché?
17 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, vous mettez la défense dans une
18 position très inconfortable. Imaginons qu'il y ait eu une explosion,
19 imaginons que ce soit un montage, imaginons qu'il y ait peut-être eu trois
20 personnes tuées, imaginons que le reste soit comparable à l'affaire
21 Timisoara, comment voulez-vous que je vous apporte une réponse?
22 M. le Président (interprétation): Bien, votre réponse est claire. Vous
23 n'excluez pas la possibilité que personne n'ait été tué par cette
24 explosion.
25 M. Piletta-Zanin: Présentées négativement, les choses sont bien mieux.
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1 M. le Président (interprétation): Mais c'est très clair. Voilà une chose
2 qui est clairement établie.
3 Monsieur Ierace, je me tourne vers vous.
4 M. Ierace (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
5 Deux choses.
6 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président?
7 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace a commencé à prendre la
8 parole et j'aimerais avoir la courtoisie de pouvoir lui permettre de
9 poursuivre.
10 Monsieur Ierace, poursuivez.
11 M. Piletta-Zanin: Bien.
12 M. Ierace (interprétation): Deux choses, Monsieur le Président.
13 Tout d'abord, l'accusation a déjà cité, devant la Chambre, des témoins qui
14 ont déposé en déclarant que, tout de suite après l'explosion, ils avaient
15 pu voir que bien des personnes étaient au sol, mortes ou blessées. Et
16 jamais il n'a dit à ces témoin qu'ils se trompaient ou qu'ils mentaient.
17 Deuxième chose de moindre importance: mon collègue de la partie adverse
18 fait référence à un événement dont les médias ont fait état et tout le
19 monde l'a bien connu. Il a parlé de Timisoara, mais est-ce qu'il peut
20 épeler le nom qu'il a donné tout à l'heure.
21 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin.
22 Pouvez-vous, s'il vous plaît, épeler? On vous demande de bien vouloir
23 épeler ce mot.
24 M. Piletta-Zanin: En utilisant la terminologie française, T-I-M-I-S-O-A-R-
25 A. Timisoara se trouve, je peux l'indiquer pour M. Ierace, sur le Danube à
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1 peu de chose près, au sud de la Roumanie et très proche de la frontière de
2 la Hongrie qui sont deux pays qui se situent en Europe.
3 M. le Président (interprétation): Tout à fait.
4 Bien. En tout cas, telle est la décision de la Chambre quant à
5 l'admissibilité au dossier de ces documents dont nous avons parlé.
6 Un instant, maintenant, s'il vous plaît.
7 (Les Juges se concertent sur le siège.)
8 Je suppose que la défense adopte également une même position pour ce qui
9 est du nombre de personnes blessées à la suite de cette explosion.
10 M. Piletta-Zanin: (Inaudible)… source, Monsieur le Président.
11 M. le Président (interprétation): C'est entendu, c'est donc très clair.
12 Est-ce que vous êtes prêt, Maître, à contre-interroger le Général Rose?
13 M. Piletta-Zanin: Oui, étant précisé qu'il se peut que -ce témoin étant
14 crucial, il a rendu une déclaration d'environ 20 pages-, il se peut que
15 nous soyons amenés à dépasser l'heure.
16 Je dois dire que nous hésitions, Monsieur le Président, à citer ce témoin
17 comme étant l'un de nos témoins. Il est évident que par courtoisie pour
18 Sir Michael Rose, si nous pouvions dépasser de très peu le temps autorisé
19 et ne pas le faire revenir comme notre témoin, ce serait tout cela de
20 gagner pour la justice en général. Merci.
21 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, vous devrez
22 terminer le contre-interrogatoire aujourd'hui. Cela ne fait aucun doute.
23 Nous poserons la question de l'opportunité, de la possibilité pour vous de
24 reprendre, après la deuxième pause. Mais, vous ne pourrez pas aller au-
25 delà de nos travaux d'aujourd'hui. Que cela soit très clair!
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1 M. Piletta-Zanin: Bien.
2 M. le Président (interprétation): Vous savez que notre principe absolu,
3 c'est que la défense dispose du même temps de parole que celui qui a été
4 accordé à l'accusation.
5 Et tout dépendra également de la façon dont vous vous y prendrez pour
6 contre-interroger le témoin. Nous verrons, au regard de cela, s'il
7 convient que vous bénéficiiez de plus de temps.
8 Si vous remerciez le témoin après chacune des réponses qu'il vous donne,
9 par exemple, cela prend du temps. Cela prend peut-être 5 minutes de temps
10 qui pourrait être utilisé pour poser d'autres questions.
11 Si vous demandez, comme vous l'avez fait pour le dernier témoin, si vous
12 demandez au témoin quatre ou cinq fois s'il est bien un homme qui est doté
13 d'une réelle formation et s'il n'y a pas de question qui font suite à ces
14 premières questions, le temps est mal utilisé.
15 Si nous avons un général devant nous, nous supposons qu'il s'agit d'un
16 homme qui est doté d'une expérience militaire bien réelle, qu'il s'agit
17 d'un homme qui a suivi une très réelle formation et qu'il sera à même de
18 faire une évaluation correcte de situations. Et cette évaluation n'est
19 nécessaire que si nous avons besoin de nous convaincre de certains
20 éléments. Et je crois qu'hier, vous avez posé quatre ou cinq questions qui
21 allaient dans ce sens. Vous n'avez pas, par la suite, formulé de questions
22 qui étaient, à nos yeux, une suite logique à ces premières questions.
23 Si vous vous en tenez à cette approche, peut-être que la Chambre aura plus
24 de mal à vous accorder une temps supplémentaire de paroles.
25 Cela étant dit, je vais demander à Madame l'huissier, de bien vouloir
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1 introduire le témoin dans le prétoire.
2 M. Piletta-Zanin: Merci, Monsieur le Président.
3 Etant précisé que je pense que nous pouvons faire moins d'une heure.
4 M. le Président (interprétation): Nous verrons bien ce qui se passe.
5 (Le témoin, M. Michael Rose, est introduit dans le prétoire.)
6 Général Rose, vous allez maintenant répondre aux questions qui vous sont
7 posées par le Conseil de la défense dans le cadre du contre-
8 interrogatoire.
9 (Contre-interrogatoire du témoin, Général Michael Rose, par Me Piletta-
10 Zanin.)
11 M. Piletta-Zanin: Mon Général, bonjour.
12 Merci d'être là et je sais que vous parlez à la perfection le français.
13 M. Rose: Non, pas à la perfection.
14 Question: Je vous interrogerai en français.
15 Comment voulez-vous, Général, que je vous interpelle? Par mon Général? par
16 Sir Michael?
17 Réponse: Cela m'indiffère complètement.
18 Question: Je vous appellerai mon Général ou Monsieur le Témoin.
19 Réponse: C'est le plus court.
20 Question: Mon Général, je vais vous prier de me confirmer que vous avez
21 bien rendu une déclaration écrite au Bureau du Procureur en date du 24 mai
22 1995?
23 M. Rose (interprétation): Oui.
24 M. Piletta-Zanin :Je vous remercie. Général, par courtoisie, j'apprécie
25 que vous me regardiez et votre réponse doit être apportée à la Chambre
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1 également.
2 Merci beaucoup.
3 Général, pour simplifier les choses, et avec l'autorisation de la Chambre,
4 je vais vous soumettre votre "statement" du 24 mai 1995 afin que vous
5 puissiez attester la présence de votre signature.
6 (Intervention de l'huissier.)
7 Cette déclaration, Monsieur le Président, est en main des cabines déjà et
8 je crois, je pense...
9 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous allez demander le
10 versement au dossier de cette pièce?
11 M. Piletta-Zanin: Nous ne pensons pas.
12 Mon Général, reconnaissez-vous votre signature?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Merci beaucoup. Est-ce bien le document que vous avez, par
15 conséquent, rendu au Bureau du Procureur?
16 Je vous remercie beaucoup.
17 Pour gagner du temps, mon Général, nous allons examiner ensemble ce
18 document et je vous sais gré de bien vouloir aller directement page 2, si
19 vous le pouvez, et d'aller très exactement au bas de l'avant-dernier
20 paragraphe de cette page. Je vais me permettre de lire ce que vous avez
21 déclaré et, par avance, je vous remercie de votre indulgence pour mon
22 accent.
23 Vous avez dit ceci -je cite en anglais-:
24 (avec interprétation) "Ceci comprenait ou comptait la présence des Serbes
25 de Bosnie qui essayaient d'obtenir un cessez-le-feu général commençant par
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1 la démilitarisation de Sarajevo." (Fin de citation.)
2 (En français) Première question: Général, est-il exact qu'à ce moment là…
3 Réponse: C'est exact.
4 M. Piletta-Zanin: Merci. Est-il exact qu'à ce moment là, les forces dont
5 celles commandées par le général Galic, souhaitaient, non pas la guerre,
6 mais tout son contraire, c'est-à-dire: (avec interprétation) "un cessez-
7 le-feu général".
8 (En français) Et…
9 Je continue, Général, si vous m'y autorisez, et un cessez-le-feu (avec
10 interprétation): "commençant par la démilitarisation de Sajevo". (Fin de
11 citation.)
12 M. Rose (interprétation): En effet.
13 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Ierace.
14 M. Ierace (interprétation): Il est bon que l'on laisse au témoin la
15 possibilité de conclure ses réponses.
16 M. Piletta-Zanin: Il l'a fait.
17 M. le Président (interprétation): Vous l'avez interrompu, Maître.
18 Général, est-ce que vous avez eu la possibilité d'apporter la réponse que
19 vous souhaitiez à cette question ou est-ce que vous souhaitez ajouter
20 quelque chose?
21 M. Rose (interprétation): Je voudrais ajouter que l'armée serbe de Bosnie
22 était en train de prendre la haute main militaire et c'était de leur
23 intérêt sur le plan politique de retenir les combats.
24 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.
25 M. Piletta-Zanin: (Inaudible)… de répondre à la question, avant d'être
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1 interrompu, mon Général, qui était celle-là: est-il exact, si vous pouvez
2 répondre par oui ou par non, qu'à ce moment-là, l'armée serbe, notamment
3 celle commandée par le général Galic, ne souhaitait pas la guerre, mais
4 bien son contraire?
5 M. Rose: Oui, c'est le contraire.
6 M. Piletta-Zanin (interprétation): Merci beaucoup de votre réponse.
7 (En français) Général, j'aimerais que nous passions à une seconde
8 question: vous nous avez beaucoup parlé tout à l'heure d'un attentat sur
9 Markale. J'ai utilisé le terme d'attentat parce que...
10 M. le Président (interprétation): Avant de passer à ce sujet,
11 j'interviens: j'ai un petit peu de mal, mon Général, à comprendre la
12 réponse que vous avez apportée à la question qui vous a été posée. La
13 question était celle-ci: "Est-ce qu'il est exact qu'à un certain moment,
14 l'armée serbe, commandée par le général Galic ne souhaitait pas la guerre,
15 mais la paix".
16 Et votre réponse est celle-ci. Dans le compte rendu en anglais, je crois
17 que vous avez répondu en français. Vous avez dit: "Oui, tout le
18 contraire".
19 C'est un petit peu contradictoire au bout du compte.
20 M. Rose (interprétation): Permettez-moi d'apporter quelques
21 éclaircissements.
22 M. le Président (interprétation): Certainement.
23 M. Rose (interprétation): A ce stade, les Serbes… et nous ne parlons que
24 de la situation qui prévalait à Sarajevo; ailleurs, c'était la guerre
25 civile qui prévalait; mais à Sarajevo, à cette époque-là, il était de
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1 l'intérêt politique de l'armée serbe d'instaurer la paix dans Sarajevo et
2 dans ses alentours.
3 M. le Président (interprétation): Je ne comprends toujours pas pourquoi
4 vous avez dit: "Bien au contraire".
5 M. Rose (interprétation): Je disais que, bien au contraire, ils ne
6 poursuivaient pas, à l'époque, une politique de guerre à Sarajevo et dans
7 les environs. Ils avaient donné leur accord pour qu'il y ait retrait
8 pacifique de leur artillerie lourde.
9 M. le Président (interprétation): c'est très clair, merci. Vous pouvez
10 poursuivre.
11 M. Piletta-Zanin: Général, pour préciser encore plus ce point: est-il
12 exact qu'à ce moment-là, les forces serbes souhaitaient même plus que
13 cela, elles voulaient une démilitarisation totale de la zone de Sarajevo?
14 Est-ce bien exact?
15 M. Rose (interprétation): C'était l'un de leurs objectifs affichés, oui.
16 Question: Général, est-il donc bien exact de dire, selon votre
17 connaissance, qu'à ce moment-là des événements -je ne parle pas de guerre,
18 puisqu'on ne voulait pas la guerre-, des évènements, la volonté militaire
19 et politique serbe n'était pas seulement le recul des armes, mais
20 l'oblitération de toutes les armes "in and around" Sarajevo? C'était bien
21 cela?
22 Réponse: C'est exactement cela.
23 Question: Merci, mon Général.
24 Mon général, j'aimerais maintenant revenir sur un point qui est Markale.
25 Je ne vais faire que l'effleurer en l'état, nous y reviendrons plus tard.
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1 Par rapport à ce que j'appelle un attentat ... Oui, un "attentat", en
2 français, et… Tout à fait, je suis d'accord.
3 Bien. Merci. D'accord. Tout à fait. Mais je tiens à le souligner.
4 Et non pas un "bombardement".
5 Est-il exact, Général, que vous aviez indiqué que de tels événements
6 étaient susceptibles de se produire chronologiquement à certaines périodes
7 ou, par ailleurs, sur la scène internationale, des événements d'importance
8 étaient sur le point d'intervenir? Est-ce exact?
9 Réponse: Je pense avoir dit que l'événement avait une importance
10 internationale, ce qui a permis de réaliser des progrès sur le plan
11 politique. C'est l'incident qui a eu un effet sur la communauté
12 internationale et pas le contraire.
13 Question: Tout à fait. D'accord.
14 Général, n'avez-vous pas déclaré publiquement en certaines occasions qu'il
15 arrivait dans ce type de guerre civile à Sarajevo que certains événements
16 comparables à Markale se produisent chronologiquement juste à un moment où
17 on attend certaines décisions sur la scène internationale notamment, pour
18 être plus précis, à un moment où l'on attendait, où l'on espérait des
19 interventions militaires extérieures, notamment interventions NATO?
20 Réponse: Il y a eu effectivement des cas où des incidents militaires ont
21 été utilisés pour provoquer des réactions internationales qui favorisaient
22 une partie ou une autre.
23 Question: Merci, mon Général. Pensez-vous que de tels événements auraient
24 pu être provoqués à cette fin, c'est-à-dire afin d'en obtenir des
25 retombées politiques?
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1 Réponse: C'est possible.
2 Me Piletta-Zanin: Merci de cette réponse.
3 Revenons sur Markale et les suites de Markale.
4 Général...
5 M. le Président (interprétation): Si vous changez de sujet, je voudrais
6 vous laisser finir et laisser le témoin finir, car nous avons une réponse
7 qui n'a pas été entendue à la page 44, ligne 21.
8 Mon Général, on vous a posé la question suivante: il existait dans les
9 chefs des Serbes une volonté politique et militaire non seulement de
10 retirer les armes, mais également de tout arrêter autour et dans Sarajevo.
11 Et je voudrais, ça n'a pas été compris par l'interprète, et cela a été
12 maintenant précisé.
13 Est-ce que le problème est résolu maintenant, les interprètes, ou non? Il
14 y avait un problème, est-ce que cette question a été résolue?
15 Interprète: La réponse du général était: "Affirmatif".
16 M. Ierace (interprétation): A la page 46, il y a une réponse qui n'a pas
17 été entendue non plus, page 46, ligne 3.
18 M. le Président (interprétation): Oui, quand on vous demande si de tels
19 événements ont pu être provoqués avec pour objectif d'obtenir ces
20 retombées politiques?
21 M. Rose (interprétation): Oui, effectivement, c'est possible.
22 M. le Président (interprétation): Vos réponses sont très brèves. Auriez-
23 vous l'obligeance d'attendre que le curseur interrompe sa course sur
24 l'écran?
25 Et Maître Piletta-Zanin, avant de remercier le témoin, veuillez également
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1 attendre.
2 M. Piletta-Zanin: Je vous remercie, Monsieur le Président.
3 Sir Michael Rose, pour revenir sur Markale, est-il exact que, même après
4 l'incident de Markale, M. Alija Izetbegovic, responsable donc des forces
5 musulmanes, n'était toujours pas d'accord pour un accord sur la
6 démilitarisation de Sarajevo?
7 M. Rose (interprétation): Effectivement.
8 Question: Vous dites que c'est vrai?
9 Réponse: Oui, c'est vrai.
10 M. Piletta-Zanin: Merci beaucoup.
11 Mon Général, j'aimerais plus particulièrement maintenant focaliser mon
12 intervention sur la période de février 1994, le début de l'année 1994.
13 J'aimerais que vous vous reportiez à la page 5 de votre propre
14 déclaration, je vous vous prie.
15 Merci, Madame l'huissier.
16 Mon Général, vous avez indiqué ceci -je vous cite-: "Les Serbes étaient en
17 faveur de la proposition d'un cessez-le-feu généralisé." (Fin de
18 citation.)
19 Est-ce que nous nous situons là toujours dans la période de 1994? Il
20 s'agit...
21 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, peut-être la réponse
22 permettra-t-elle de préciser cet aspect, mais quoi qu'il en soit, mon
23 confrère a indiqué qu'il allait parler de la période commençant début
24 février 1994 et ceci dit, il est passé à cette citation. Or, le début de
25 la phrase précédente montre qu'il est question d'avril 1994. Pour éviter
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1 toute confusion, je pense que cela doit être précisé.
2 M. Piletta-Zanin: Non, je voudrais poser la question au général de savoir
3 si son affirmation couvrait le début de la période 1994, notamment.
4 M. Rose (interprétation): Après le cessez-le-feu autour de Sarajevo, les
5 Nations Unies ont continué à faire en sorte de transformer ce qui était un
6 cessez-le-feu local en un cessez-le-feu général. Et à cette époque-là,
7 nous avons eu l'aide de M. Redman des Nations Unies, du service étranger.
8 Et ces commentaires ont été faits à la suite de discussions que nous avons
9 eues après février, en avril, lorsque nous avons abordé un cessez-le-feu
10 généralisé. A cette époque-là, les Serbes étaient en faveur d'une
11 cessation des hostilités en général.
12 M. Piletta-Zanin: Merci, mon Général.
13 Ce serait plus simple pour vous, si vous avez de bonnes lunettes, de bien
14 vouloir lire le dernier paragraphe de cette page qui commence par les
15 mots: "They told me that they, etc." Voulez-vous le faire, je vous en
16 prie?
17 Réponse: "Ils m'indiquèrent qu'ils souhaitaient me suivre en ce qui
18 concerne un cessez-le-feu généralisé. Ils ont déclaré être disposés à
19 entamer des pourparlers sur un cessez-le-feu basé sur le plan de Viktor
20 Andreev et moi-même, et sur le plan élaboré après la conférence de paix de
21 Genève."
22 Question: Merci pour la cabine française qui a beaucoup couru.
23 Seriez-vous d'accord, mon Général, pour considérer avec moi qu'il y a là
24 une évolution très marquée de la position et des militaires et des
25 politiques serbes qui vont à cette période rechercher la direction de la
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1 paix? Est-ce bien exact?
2 Réponse: Effectivement.
3 M. Piletta-Zanin: Merci.
4 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace.
5 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, le passage que le
6 témoin a été invité à lire n'était pas un paragraphe, mais commençait à la
7 troisième phrase du paragraphe. Et les deux premières phrases expliquent
8 qui étaient visés par le pronom "ils". Pour les Juges puissent saisir la
9 totalité du sens du paragraphe, il faudrait peut-être que mon confrère de
10 la défense explique qui est visé par le pronom "ils".
11 M. le Président (interprétation): Pour gagner du temps, je vous dirai
12 simplement, comme c'est expliqué, qu'il s'agit de Karadzic et Mladic.
13 M. Rose (interprétation): Puis-je répondre en ajoutant quelque chose? J'ai
14 déjà dit cela, mais à ce stade, les Serbes maîtrisaient une grande partie
15 du territoire de la Bosnie-Herzégovine, 70%. Et il était dans leur
16 intérêt, à leur époque, de promulguer un cessez-le-feu et de rechercher
17 une solution politique car ils avaient l'avantage sur le plan militaire.
18 M. Piletta-Zanin: Merci, mon Général.
19 Est-il exact que les Serbes, à cette période -et j'apprécierais une
20 réponse, si vous le pouviez, par oui ou par non-, souhaitaient un cessez-
21 le-feu global et pour une période au moins d'une année?
22 M. Rose (en français) : Oui.
23 M. Piletta-Zanin: Merci beaucoup.
24 Est-il exact par conséquent… Merci.
25 Est-il exact, par conséquent, que les forces opposées ne voulaient cela,
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1 si elles devaient parler de cessez-le-feu, que pour une période très
2 limitée et nous parlions de quatre semaines, voire quatre mois; est-ce
3 bien exact?
4 M. Rose (interprétation): Oui, effectivement une période de quatre mois.
5 Me Piletta-Zanin: Merci.
6 Est-il exact, mon Général, que le but politique recherché par les forces
7 de Sarajevo, ce qu'on appelle "la Presidency" était de gagner du temps,
8 afin d'organiser la construction militaire et de partir en bataille?
9 M. Rose (interprétation): C'est tout à fait possible. Il est possible que
10 tel était leur objectif mais, bien entendu, je ne peux pas en faire une
11 analyse.
12 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace.
13 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, à la page 50, ligne 12,
14 je pense que ce problème vient du fait qu'il faut faire une pause après
15 les questions.
16 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, la réponse est claire. Ce type
17 d'intervention nous fait perdre du temps.
18 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre.
19 M. Piletta-Zanin: Merci.
20 M. Ierace (interprétation): Je pense que la réponse était plus longue que
21 quatre mois, c'est correct.
22 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, veuillez marquer
23 une pause et j'ai eu également du mal à suivre les semaines et les mois.
24 J'ai fini par comprendre qu'il s'agissait de mois, pas de semaines. Vous
25 vous êtes montré quelque peu irrité auparavant et vous avez indiqué cela
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1 lors d'interruptions. Est-ce que vous pourriez vous abstenir de faire part
2 de votre irritation?
3 M. Piletta-Zanin: Très volontiers, Monsieur le Président, je vais adopter
4 un flegme parfaitement britannique.
5 M. le Président (interprétation): Je ne vous ai pas demandé de faire de
6 commentaire, Maître Piletta-Zanin, je vous ai demandé de poursuivre.
7 M. Piletta-Zanin: Bien.
8 Est-il exact, mon Général, pour clarifier, que par conséquent, il était
9 très possible que la partie bosniaque, la partie de Sarajevo, cherchait à
10 gagner du temps pour construire ces opérations militaires?
11 M. Rose (interprétation): C'est possible. Comme je l'ai expliqué, le
12 Gouvernement bosnien se voyait dans la position d'une victime, d'un Etat
13 agressé et ils avaient, à leur sens, le droit moral de reconquérir le
14 territoire perdu.
15 Donc, ce que vous dites est tout à fait possible.
16 M. Piletta-Zanin: Merci, mon Général. Savez-vous si, oui ou non, il y
17 avait une exploitation des médias dans ce conflit?
18 Réponse: Tout à fait.
19 Question: Merci beaucoup, Général. Dans la mesure où… Dans la mesure où le
20 Corps du Général Galic était également intéressé à certains événements sur
21 Gorazde…
22 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Ierace.
23 M. Ierace (interprétation): Il y a une réponse que je n'ai pas entendue.
24 Je n'ai pas pu ni l'entendre ni en prendre connaissance sur le compte
25 rendu.
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1 M. le Président (interprétation): La réponse était affirmative. La réponse
2 du témoin était: "tout à fait".
3 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, en changeant la
4 position du micro, on pourrait peut-être résoudre le problème.
5 M. le Président (interprétation): Madame l'huissier, est-ce que vous
6 pourriez rapprocher un petit peu plus le micro qui se trouve à gauche du
7 témoin, le pousser un petit peu vers la gauche, pas vers la droite, vers
8 le coin de la table, ce qui est à votre gauche maintenant.
9 M. Piletta-Zanin: Général, j'interviens avec M. Ierace pour la même
10 raison.
11 Les cabines vous prient simplement d'attendre un tout petit peu pour
12 donner votre réponse.
13 C'est ce que voulait dire M. Ierace, je suppose.
14 Sachez, Général, que j'entends parfaitement vos réponses en anglais.
15 Général, je parlais de Gorazde. Vous connaissez cette ville?
16 M. Rose: Oui.
17 M. Piletta-Zanin: Oui. Savez-vous, Général, s'il y a eu à Gorazde une
18 énorme manipulation au niveau des médias?
19 M. Rose (interprétation): On peut indéniablement parler de manipulation de
20 l'événement.
21 Question: Est-il exact, d'après vos souvenirs, qu'on a simulé sur le plan
22 international une situation d'attaque et de crise qui n'a pas existé dans
23 cette mesure à Gorazde à cette époque, oui ou non?
24 Réponse: Non, ce n'est pas vrai. Il y a eu une attaque sur Gorazde.
25 Effectivement, cela était exagéré au début de l'attaque par les médias
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1 mais aussi par le Gouvernement bosnien.
2 M. Piletta-Zanin: Vous entendez qu'il s'agissait d'une technique de
3 guerre, concrètement?
4 M. Rose (interprétation): Oui.
5 M. le Président (interprétation): Il faudrait ralentir pour la saisie du
6 compte rendu d'audience.
7 M. Piletta-Zanin: (Inaudible)… des manipulations d'informations provenant
8 notamment du Gouvernement bosnien étaient à vos yeux une technique de
9 guerre, c'est cela?
10 M. Rose (interprétation): C'était une technique de guerre.
11 M. Piletta-Zanin: Merci pour cette réponse claire.
12 Je vérifie simplement le déroulement du transcript pour que nous n'ayons
13 aucun problème.
14 La réponse n'est pas audible, la réponse était: "a technic of war."
15 J'attends que la réponse apparaisse.
16 M. le Président (interprétation): Je me souviens que le témoin a indiqué
17 que c'était une technique de guerre.
18 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, il semble qu'il y ait des
19 problèmes techniques maintenant avec la saisie des transcripts. Il faudra
20 peut-être ralentir. J'en informe votre Chambre d'ores et déjà.
21 Général, pensez-vous que cette technique de guerre -ce sont vos termes-
22 ait été utilisée également ailleurs qu'à Sarajevo, qu'à Gorazde?
23 M. Rose (interprétation): Oui.
24 M. Piletta-Zanin: Général…
25 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, la réponse à votre
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1 question doit encore apparaître à l'écran, avant que vous ne puissiez
2 poser une question au témoin. Or, cette réponse n'est pas apparue.
3 M. Piletta-Zanin: Le problème, c'est qu'il ne l'a pas donnée.
4 M. le Président (interprétation): S'il y a véritablement un problème de
5 saisie du compte rendu, je voudrais que l'on m'informe.
6 Je pense que votre réponse était affirmative, à savoir donc que cette
7 technique de guerre était appliquée ailleurs, ailleurs qu'à Gorazde,
8 c'était la question.
9 M. Rose (interprétation): Ah? Moi, j'avais compris ailleurs qu'à Sarajevo,
10 à Gorazde. C'est ce que j'avais compris.
11 M. le Président (interprétation): Donc, effectivement; il faut corriger
12 votre réponse.
13 M. Piletta-Zanin: Cette technique, mon Général, existait à d'autres
14 endroits, oui ou non?
15 M. Rose: Oui.
16 Question: Merci. Dans la mesure, Général, où vous me répondez oui, cela a-
17 t-il, à votre connaissance, été utilisé également à Sarajevo? Oui ou non?
18 M. Rose: Oui.
19 M. Piletta-Zanin: Merci de cette réponse.
20 Sir Michael Rose, je reviens maintenant au sujet des sniping. Est-il
21 exact, si vous le savez, qu'il y avait des problèmes liés aux snipers dans
22 les deux côtés opposés?
23 M. Rose (interprétation): Oui.
24 Question: Général, lorsque vous indiquez ce "oui", savez-vous également
25 si, comme nous croyons le savoir, il arrivait qu'il y ait des tirs émanant
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1 de tireurs musulmans en direction de leurs propres citoyens ou de leur
2 propre personne?
3 Réponse: On ne peut pas le dire avec certitude, mais il y avait des
4 soupçons dans ce sens. Quant à savoir si ces soupçons étaient fondés ou
5 non, c'est impossible à dire.
6 Question: Général, vous êtes un homme de grande expérience et vous dites
7 qu'il y avait des soupçons. Ces soupçons tendaient-ils à être plus qu'une
8 probabilité?
9 Réponse: Je pense qu'il faudrait plutôt dire "possibilités".
10 Question: J'apprécie beaucoup votre réponse. Merci. Général, y avait-il,
11 si vous le savez, des unités ou une unité de snipers basée proche de ou
12 directement dans l'hôtel du Holiday Inn?
13 Réponse: Parlez-vous de snipers serbes ou du Gouvernement bosnien?
14 Question: Non, je me réfère à l'armée BiH.
15 Réponse: J'ai effectivement vu au moins un sniper en sortir et les
16 français ont pu voir une équipe de snipers sortant du bâtiment de
17 l'Holiday Inn.
18 M. Piletta-Zanin: Général, vous m'indiquez qu'il s'agissait d'une unité,
19 puisque vous parlez d'équipe. Est-ce bien le terme à utiliser?
20 M. le Président (interprétation): Je voudrais vous demander une chose:
21 veuillez marquer une pause.
22 Si vous voyez votre écran pour la dernière réponse, la dernière réponse
23 commence par "vu un tireur embusqué". Il est très important que ce soit le
24 témoin qui nous dise ce qu'il a vu, qu'il a vu cela. Mais comme vous avez
25 commencé trop tôt votre question suivante ou Général Rose, peut-être,
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1 avez-vous vous-même commencé à répondre trop tôt, ces informations qui
2 peuvent se révéler cruciales, ne figurent pas à l'écran.
3 Donc je demanderai à chacun de marquer une pause avant de répondre pour ne
4 pas perdre ces informations précieuses.
5 M. Piletta-Zanin: Merci, Monsieur le Président.
6 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace.
7 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, est-ce qu'on peut
8 réexpliquer cette dernière phrase?
9 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas si vous devriez
10 intervenir lors du contre-interrogatoire.
11 M. Ierace (interprétation): Je ne cherche pas à me mêler, Monsieur le
12 Président, mais lorsque l'on examine le compte rendu d'audience, on ne
13 comprend pas ce qu'a dit le général Rose…
14 M. Piletta-Zanin: C'est la raison pour laquelle je vais reformuler tout
15 cela.
16 M. Ierace (interprétation): Je voudrais bien ne pas être interrompu.
17 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, lorsque M. Ierace
18 parle, veuillez attendre qu'il ait terminé de parler.
19 M. Ierace (interprétation): Lorsqu'on examine le compte rendu d'audience,
20 on ne comprend pas les propos du général.
21 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce que vous
22 voudriez bien compléter votre réponse?
23 M. Rose (interprétation): J'ai indéniablement vu un sniper sortir de
24 l'Holiday Inn et des français m'ont indiqué qu'une équipe de police
25 paramilitaire bosnienne était également sortie dans les alentours de
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1 l'Holiday Inn. Je pourrais ajouter que c'était un endroit normal pour le
2 gouvernement de poster des snipers s'il voulait contrer des activités de
3 tir embusqué venant de l'autre côté de la rivière. Et ils pourraient être
4 également utilisés pour semer la confusion, en ce qui concerne la
5 localisation des tirs embusqués, en raison de leur implantation.
6 M. Piletta-Zanin: Il semble qu'on ait aujourd'hui des difficultés avec le
7 transcript, qui ralentissent le contre-interrogatoire.
8 Merci.
9 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, effectivement,
10 c'est difficile, cela prend du temps, mais n'en parlons pas au milieu du
11 contre-interrogatoire.
12 M. Piletta-Zanin: D'accord.
13 Général, ce que je disais tout à l'heure était la chose suivante: vous
14 avez parlé d'une équipe; est-il donc exact de considérer qu'il y avait des
15 unités -au sens technique, militaire du terme- de snipers?
16 M. Rose (interprétation): Oui, mais pour en revenir à la réponse, à la
17 ligne 21...
18 M. le Président (interprétation): Général Rose, je dois vous interrompre.
19 M. Rose (interprétation): Il y a une mauvaise interprétation.
20 M. le Président (interprétation): Non, je pense que vous n'avez pas
21 attendu la fin du transcript. La réponse à la question était "oui" et,
22 ensuite, vous vouliez revenir à la réponse, à la ligne 21, mais votre
23 réponse n'a pas été transcrite.
24 Alors nous allons faire ce qu'on a fait précédemment: cela fait peut-être
25 un petit peu enfantin, mais je vais donner à chaque fois la parole à
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1 l'intervenant qui sera invité à parler. Je n'aime pas procéder de la
2 sorte. Je ne peux pas le faire oralement, donc je vais faire cela d'un
3 signe de la main, car si je le faisais oralement, cela poserait des
4 problèmes supplémentaires.
5 Donc je vous prierai de me regarder, que ce soit vous ou Me Piletta-Zanin.
6 Je m'en excuse.
7 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, je pense que le général
8 allait corriger, rectifier une des réponses qu'il a donnée précédemment.
9 M. le Président (interprétation): Oui, je vous remercie de votre aide.
10 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce que vous voudriez
11 nous dire ce que vous avez voulu nous dire en ce qui concerne la ligne 21,
12 qui vient de disparaître de votre écran, mais je peux vous en donner
13 lecture.
14 Le Président (interprétation) : Donc…
15 M. Rose (interprétation): Je voudrais simplement changer un mot. On aurait
16 dû lire: "des activités de contre-tireur embusqué".
17 M. le Président (interprétation): Oui, il s'agit de la page 57 à la ligne
18 21. on devrait donc lire: "Contre-tireur embusqué". Fort bien. Allez-y!
19 M. Piletta-Zanin: Eh bien, voilà qui est très clair.
20 Général, est-il exact que dans le livre que vous avez consacré à cette
21 période de votre vie, vous avez parlé à un moment d'un tir qui se serait
22 produit sur des civils près de cet endroit, c'est-à-dire près de ce que
23 l'on appelle l'hôtel Holiday Inn?
24 M. Rose (interprétation): Je n'ai pas le livre sous les yeux mais, si
25 c'est ce que j'ai écrit…
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1 Question: En avez- vous le souvenir, Général?
2 Réponse: Je me souviens, bien sûr, qu'à l'époque il y avait des soupçons
3 dans l'air et que l'on croyait que l'équipe du Gouvernement bosnien aurait
4 pu tirer sur l'un des tramways.
5 M. Piletta-Zanin: Général, je vais prendre la liberté de lire ce que vous
6 avez écrit en page 22 de votre ouvrage : "Fighting for the peace", et vous
7 me direz si cela est exact. Vous parliez de quelqu'un qui a vu cette scène
8 à Sarajevo et vous avez dit cela (avec interprétation): "Peu de temps
9 après".
10 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Ierace.
11 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, il est d'usage que la
12 défense soumette des exemplaires des documents qu'elle entend lire au
13 compte rendu d'audience. Mon éminent confrère nous donne un numéro de page
14 et je crois que… Merci.
15 M. Piletta-Zanin: Je retire cette question, Monsieur le Président. Je
16 passe à autre chose.
17 M. le Président (interprétation): Fort bien.
18 M. Piletta-Zanin: Bien. Général, si vous l'avez écrit, nous partons du
19 principe que c'est exact.
20 M. Rose (interprétation): Pourriez-vous me donner lecture de ce que j'ai
21 dit?
22 M. Piletta-Zanin: Ma question est la suivante, mon général: pouvons-nous
23 partir du principe que ce que vous avez écrit est exact?
24 M. Ierace (interprétation): (sans interprétation).
25 M. le Président (interprétation): Oui?
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1 M. Piletta-Zanin: Je retire la question.
2 M. le Président (interprétation): La question a été retirée.
3 M. Rose (interprétation): Il est tout à fait possible que j'ai écrit
4 quelque chose… quelque chose que j'ai écrit il y a quatre ans, cinq ans
5 aurait pu, en fait, s'avérer être inexact par la suite. Je ne peux pas
6 garantir que ce que j'ai écrit à l'époque est toujours tout à fait exact.
7 M. Piletta-Zanin: Tout à fait. Général, pouvez-vous confirmer, par contre,
8 que les autorités bosniaques se sont refusé à signer, au début en tout
9 cas, l'accord anti-sniper?
10 M. Rose (interprétation): Il y avait des difficultés, je crois, des deux
11 côtés concernant la signature de cet accord, et c'est la raison pour
12 laquelle cela a pris tant de temps. Je crois que j'ai déjà expliqué que
13 les deux côtés désiraient avoir certains avantages politiques et je crois
14 que c'est cela qui causait toutes ces difficultés.
15 Question: Est-il exact, général, que vous avez indiqué que MM. Silajdzic
16 et Ganic se refusaient à toute discussion sur la cessation des hostilités?
17 Réponse: Je crois qu'il serait plus juste de dire qu'ils désiraient que
18 certaines conditions préalables soient remplies avant qu'ils ne
19 poursuivent les discussions sur la cessation des hostilités. Et c'était,
20 bien sûr, en plein milieu de l'année 1994. Mais vers la fin de l'année
21 1994, nous avons pu les persuader d'accepter l'accord concernant la
22 cessation des hostilités.
23 Question: Général, voulez-vous je vous prie, prendre la déclaration que
24 vous avez sous les yeux en page 8 et lire l'avant-dernier paragraphe?
25 Réponse: C'est une phrase qui était vraie pour cette journée-là.
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1 Question: Je l'entends bien, mon Général, pardonnez-moi. Voulez-vous le
2 lire, pour le transcript?
3 Réponse: "Le 23 mai, j'ai rencontré M. Silajdzic et M. Ganic, mais les
4 deux personnes ont refusé de parler de la cessation des hostilités." (Fin
5 de citation.)
6 Question: Mon Général, est-il donc exact qu'à ce moment précis, fin mai
7 1994, les autorités politiques -M. Silajdzic- et militaires -M. Ganic-
8 refusaient de discuter de la cessation des hostilités?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Merci.
11 Réponse: La réponse était oui.
12 Question: Merci. Général, je vais maintenant continuer dans la même ligne.
13 Savez-vous et pouvez-vous nous dire qui est le général Delic, très
14 brièvement?
15 Réponse: Le général Delic était le commandant militaire de toutes les
16 forces appartenant au Gouvernement bosnien.
17 Question: Est-il exact, Général, que le général Delic vous aurait déclaré
18 à un certain moment que la seule voie possible pour eux était celle de la
19 guerre totale?
20 Réponse: Je crois qu'effectivement il a dit cela.
21 Question: C'est ce qui ressort, en effet, de votre déclaration et je vous
22 remercie de ce souvenir.
23 Général, lorsque votre équivalent, le général Delic, affirmait qu'il n'y
24 avait pas d'autre possibilité pour eux que la guerre totale, cela
25 s'entendait, je pense, à l'échelle de toute la Bosnie?
Page 10243
1 Réponse: C'est exact.
2 Question: Général, c'est-à-dire incluant Sarajevo?
3 Réponse: Oui, il me semble que c'est la même chose.
4 Question: Général, est-il exact que Sarajevo était particulièrement
5 chargée d'un symbolisme puissant au niveau de son image?
6 Réponse: Oui, puisque c'était la capitale de la Bosnie. Mais bien sûr,
7 plus tard, nous avons pu susciter de l'intérêt chez le général Galic et M.
8 Ganic pour arriver à une cessation des hostilités.
9 Question: Merci. Général, serons-nous d'accord pour considérer que,
10 militairement ou politiquement, qui tient Sarajevo tient la Bosnie?
11 Réponse: C'est exact.
12 Question: Général, serez-vous d'accord avec moi pour considérer que
13 l'exploitation de l'image d'une Sarajevo martyre pouvait être infiniment
14 utile à la cause des autorités musulmanes?
15 Réponse: C'était le cas, bien sûr.
16 Question: Général, merci. Général, j'aimerais maintenant revenir plus
17 particulièrement à un autre moment intéressant, c'est celui de
18 l'élaboration des cartes nécessaire à l'adoption des plans de paix.
19 Général, j'aimerais que, vous reportant à vos propres déclarations, vous
20 puissiez, en page 10 de celles-ci, dire très précisément la dernière
21 phrase du premier paragraphe.
22 Réponse: Quel paragraphe?
23 Question: Le premier paragraphe en haut de la page 10, je vous prie,
24 Général, la dernière phrase commençant par: "The Civil Affairs
25 believed...".
Page 10244
1 Réponse: Oui. "Le service des affaires civiles des Nations Unies estimait
2 que la carte avait été dessinée de façon délibérée pour assurer un rejet
3 de la part des Serbes de Bosnie." (Fin de citation.)
4 Question: Général, pouvez-vous, je vous prie, nous donner une indication
5 quant à la date de ce… disons, de cette affaire de l'établissement des
6 cartes?
7 Réponse: Le 6 juillet.
8 Question: Général, oui, je suis navré, mais nous n'avons pas de réponse.
9 J'ai parfaitement entendu le 6 juillet.
10 Réponse: Le 6 juillet.
11 Question: Général, voulez-vous répéter votre réponse?
12 Réponse: La date à laquelle le groupe "contact" a présenté la carte était
13 le 6 juillet 1994.
14 M. Piletta-Zanin: Merci.
15 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace, je vous écoute.
16 M. Ierace (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Je vous soumets
17 respectueusement qu'il faudrait que le conseil qui procède au contre-
18 interrogatoire présente les éléments de preuve d'une façon cohérente et je
19 crois qu'il faudrait nous présenter les éléments de preuve en nous disant
20 de quelle carte il s'agit lorsqu'on a demandé au témoin de lire cette
21 phrase.
22 M. Piletta-Zanin: Puis-je répondre, Monsieur le Président?
23 M. le Président (interprétation): Oui, vous pouvez répondre.
24 M. Piletta-Zanin: C'est parfaitement cohérent pour qui connaît son
25 affaire. Général...
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1 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, vous n'avez pas
2 répondu, vous avez réprimandé votre collègue. Je ne suis pas tout à fait
3 certain de la question, mais vous avez présenté à cette Chambre une phrase
4 lue concernant certaines cartes. On ne sait pas de quoi il s'agit. Et je
5 crois que l'observation de M. Ierace était tout à fait appropriée et
6 justifiée. Et lorsque vous m'avez demandé de répondre, je crois que vous
7 devrez répondre sur ce qui a été dit et non pas réprimander qui que ce
8 soit.
9 Je vous prie de poursuivre.
10 M. Piletta-Zanin: Je le ferai très volontiers, Monsieur le Président.
11 Général, voulez-vous en deux mots, je vous prie, exposer à la Chambre et à
12 tout le monde de quoi il s'agissait relativement à ces cartes? Merci.
13 M. Rose (interprétation): Le groupe "Contact" qui ne représentait pas
14 nécessairement les points de vue politique des Nations Unies… ont produit
15 sans avoir consulté préalablement leur propre solution à la façon dont on
16 devait diviser la Bosnie-Herzégovine.
17 Et cette tentative avait été faite déjà auparavant par M. Vance, par M.
18 Owen et d'autres personnes tel que Stoltenberg, par exemple. Le
19 représentant des affaires civiles à Sarajevo, M. Viktor Andreev, pour sa
20 part, a considéré ou estimé que cette carte n'était pas une carte de
21 travail; on ne pouvait pas travailler à partir de cette carte.
22 M. Nieto-Navia (interprétation): Je suis terriblement désolé de vous
23 interrompre, Général, mais je voudrais quelques précisions. Pourriez-vous
24 nous expliquer, s'il vous plaît, quel était ce groupe "Contact"? De quoi
25 il s'agit? Qui sont ces personnes?
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1 M. Rose (interprétation): Le groupe "Contact" était un groupe composé de
2 plusieurs pays dans lesquels les Etats-Unis se trouvaient. Donc il y avait
3 six nations qui étaient représentées au sein de ce groupe "Contact". Il y
4 avait des représentants de la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et
5 autres. Il y avait également la Russie. Et c'était une tentative
6 indépendante d'essayer de résoudre le problème en Bosnie-Herzégovine, le
7 problème politique de la division de la Bosnie-Herzégovine. C'était une
8 initiative européenne. Donc, c'est eux qui ont désiré former ce groupe.
9 M. Nieto-Navia (interprétation): Merci.
10 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre.
11 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, afin de respecter la mécanique,
12 combien de temps approximativement avons-nous encore, compte tenu des
13 problèmes intervenus?
14 M. le Président (interprétation): Vous aurez besoin de combien de temps,
15 Maître Piletta-Zanin?
16 M. Piletta-Zanin: Je n'arrive pas à savoir puisque je vais plus lentement
17 que d'habitude.
18 M. le Président (interprétation): Si nous prenons la pause à 12 heures 30
19 et si nous reprenons les travaux à 12 heures 50, donc 12 heures 50, je
20 crois, qu'à ce moment-là, on pourrait rattraper le temps perdu qui a été
21 engendré par les problèmes techniques. Et nous estimons que tous ces
22 problèmes vous seront récompensés. Le temps serait rattrapé. Vous pouvez
23 continuer jusqu'à une 13 heures 15.
24 M. Piletta-Zanin: (Inaudible)… et maintenant que les choses sont
25 parfaitement claires, aviez-vous l'impression qu'il y avait, sur un plan
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1 international, une volonté peut-être anti-serbe destinée à faire en sorte
2 que de tels plans ne puissent pas être immédiatement acceptés?
3 M. Rose (interprétation): Il y avait certainement un désir parmi les
4 membres de la communauté internationale de ne pas donner quelque prix à
5 l'agresseur.
6 Question: Mon Général, dois-je comprendre de vos propos que la communauté
7 internationale ne voulait, en définitive, pas d'un plan qui aurait peut-
8 être gelé les positions au sol, mais aurait eu aussi l'avantage d'éviter
9 beaucoup de souffrances?
10 M. Rose (interprétation): Je crois que cela est une affirmation juste.
11 M. Piletta-Zanin: Mon Général, au vu de cette situation, pensez-vous que
12 la communauté internationale ait peut-être une relative part de
13 responsabilité dans ce drame que nous devons examiner aujourd'hui?
14 M. Ierace (interprétation): Objection.
15 M. le Président (interprétation): Oui, je vous écoute.
16 M. Ierace (interprétation): Je fais objection à cette question.
17 La question n'a aucune pertinence, car la Chambre de première instance
18 doit délibérer, doit déterminer des questions et je crois que l'on soumet
19 des questions d'ordre moral.
20 M. le Président (interprétation): L'objection est retenue.
21 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, puis-je savoir pour quelle raison
22 elle est retenue?
23 M. le Président (interprétation): La pertinence de ce genre de questions
24 qui sont devant nous, donc il est à nous, il est à la Chambre de décider.
25 Le témoin ne peut pas nous dire ce qui est pertinent ou non.
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1 Vous pouvez poser des questions.
2 Concernant les questions que vous désirez élaborer et s'il y a des
3 objections et si c'est non pertinent, la Chambre peut statuer là-dessus.
4 Mais vous ne pouvez pas poser des questions au témoin non pertinentes;
5 vous ne pouvez pas soumettre des questions qui ne sont pas pertinentes
6 devant la Chambre ou à la Chambre.
7 M. Piletta-Zanin: Bien.
8 Sir Michael Rose, pouvez-vous attester, pouvez-vous témoigner -pardonnez-
9 moi- devant cette Chambre que, dans la période dont nous parlons
10 maintenant, c'est-à-dire toute cette année 1994, les forces serbes ont,
11 pour quelque raison que ce soit, cherché, voulu et souhaité la paix à
12 Sarajevo?
13 M. Rose (interprétation): C'était la situation, oui.
14 Question: Merci, mon Général.
15 Général, j'aimerais maintenant, pour conclure sur ces questions de
16 snipers, j'aimerais vous demander une précision. Vous avez mentionné, en
17 relation à cela, à l'accord anti-sniper, la présence du général Galic.
18 L'avez-vous vu personnellement à ces négociations?
19 Réponse: Je ne me souviens vraiment pas si je l'ai vu ou non lors de ces
20 négociations personnellement, mais je l'ai vu.
21 Il est certain que je l'ai vu de temps en temps, mais lors du travail de
22 préparation pour la rédaction de l'accord anti-sniper qui a eu lieu entre
23 le général Galic et le général Soubirou, et non pas entre moi-même et le
24 général Galic.
25 Question: Merci.
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1 Mon Général, question étonnante, mais je vous la pose. Le général Galic,
2 ici présent, vous aurait-il jamais déclaré qu'il entendait utiliser des
3 snipers pour tuer le maximum de personnes à Sarajevo ou ailleurs?
4 Réponse: Bien sûr que non.
5 Question: Merci beaucoup. Voilà qui conclut la question des snipers.
6 Mon Général, savez-vous ce qu'était Tarcin, en deux mots?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Pouvez-vous indiquer ce qu'était Tarcin?
9 Réponse: Tarcin, si ma mémoire est bonne, était une prison menée, tenue
10 par le Gouvernement bosnien dans laquelle bon nombre de Serbes étaient
11 gardés.
12 Question: Dans quelles conditions générales?
13 Réponse: On a visité cette prison, je crois, à une reprise.
14 C'était la Croix-Rouge internationale qui avait rendu visite et nous avons
15 eu des rapports disant que, si ma mémoire est bonne, les conditions
16 n'étaient pas très bonnes, celles qui prévalaient à l'intérieur de cette
17 prison.
18 Je crois que c'était un silo de grains, en fait.
19 Question: Général, savez-vous s'il existait d'autres prisons à Sarajevo
20 même où auraient été détenus des prisonniers d'ethnie serbe?
21 Réponse: Je n'ai aucune connaissance de prison à l'intérieur de Sarajevo
22 où des Serbes étaient détenus, des prisonniers serbes étaient détenus.
23 Tarcin était une prison qui se trouvait à l'extérieur de Sarajevo.
24 Question: Général, j'aimerais maintenant revenir sur les réactions qui ont
25 suivi l'immédiat après-attentat de Markale. Est-il exact qu'immédiatement,
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1 les forces Serbes sont intervenues auprès de vos services, premièrement,
2 pour nier toute responsabilité dans cet attentat et, deuxièmement, pour
3 solliciter d'urgence la constitution d'une commission d'enquête
4 internationale et polipartite? Est-ce exact?
5 Réponse: C'est exact. Il est vrai que les Serbes, je crois, ont offert de
6 former une commission pour enquêter sur l'origine de cette attaque.
7 Question: Avec l'assistance de Mme l'huissier, et juste avant la pause, je
8 vais vous soumettre une pièce qui est la pièce numéro 137 qui est un
9 document écrit en serbe, mais qui vous avait été adressé à l'époque. Et
10 pour faciliter la chose, une traduction a été effectuée également à
11 l'arrière de ce document.
12 (Intervention de l'huissier.)
13 Général, reconnaissez-vous ce document? En avez-vous jamais eu
14 connaissance?
15 Général, je vais vous poser la question différemment: était-ce bien à
16 votre souvenir le général Milovanovic qui s'était adressé à vous,
17 relativement à cet attentat?
18 Réponse: Je me souviens avoir reçu cette lettre.
19 Question: Merci beaucoup. Mon Général, est-il exact, qu'alors même que les
20 forces serbes sollicitaient, au moment de cet attentat, la composition
21 puis la tenue d'une commission d'enquête internationale, les forces de
22 Sarajevo s'y sont refusées?
23 Réponse: C'est tout à fait possible que les Nations Unies voulaient avoir
24 une enquête indépendante, et non pas une enquête formée par une équipe
25 ayant des représentants des deux parties belligérantes.
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1 M. Piletta-Zanin: (Inaudible)… avec l'assistance de Mme l'huissier que je
2 remercie.
3 M. le Président (interprétation): Je voulais simplement vous poser la
4 question suivante, Maître Piletta-Zanin. Vous avez demandé si les forces
5 de Sarajevo avaient refusé d'établir une telle commission internationale.
6 M. Piletta-Zanin: C'est exact.
7 M. le Président (interprétation): La réponse était que c'était tout à fait
8 possible que les Nations Unies avaient voulu faire une enquête
9 indépendante, mais ce n'est peut-être pas une réponse.
10 M. Piletta-Zanin: C'est également exact. C'est la raison pour laquelle je
11 fais délivrer maintenant la pièce 138.
12 M. le Président (interprétation): Bien.
13 (Intervention de l'huissier.)
14 M. Piletta-Zanin: Mon Général, même question: vous avez là une deuxième
15 lettre qui vous a été adressée à nouveau par le général Milovanovic. Est-
16 ce que vous avez le souvenir de ce type de document? Et connaissez-vous la
17 personne du général Ramsey?
18 M. Rose (interprétation): Je ne me souviens pas de quelqu'un qui
19 s'appelait général Ramsey. Je ne sais pas à qui il fait référence. La
20 pratique normale pour le Gouvernement bosnien était de mener leur propre
21 enquête médico-légale.
22 Question: Général, je vous interromps, pardonnez- moi, mais le texte que
23 vous avez écrit le nom est peut-être différemment il s'agit du brigadier
24 Ramsey.
25 Réponse: Oui, brigadier Ramsey, oui, il était justement le chef d'état-
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1 major.
2 Question: Très bien. Le nom que nous avons là est un nom phonétiquement
3 écrit, hélas, et il s'agit du brigadier Ramsey. Le connaissiez-vous?
4 M. Rose: Oui.
5 M. Piletta-Zanin: D'accord.
6 Monsieur le Président, compte tenu de l'heure, nous continuerons cette
7 ligne de questions tout à l'heure. Peut-être que le témoin pourrait être
8 autorisé, si cela est possible, à avoir ces deux documents pour qu'il
9 prenne connaissance de la traduction anglaise pendant la pause.
10 M. le Président (interprétation): Oui, effectivement je crois qu'il n'y a
11 absolument aucun problème on peut certainement permettre au témoin de lire
12 la traduction en langue anglaise de ces deux documents pendant la pause.
13 Nous allons donc prendre la pause et reprendre les travaux à 12 heures 55.
14 Il vous restera encore vingt minutes pour compléter le contre-
15 interrogatoire.
16 (L'audience, suspendue à 12 heures 33, est reprise à 13 heures.)
17 M. Piletta-Zanin: Merci.
18 Général, j'aimerais que vous preniez bien le document que je vous ai
19 distribué tout à l'heure, qui porte le numéro 138. C'est celui qui se
20 rapporte au brigadier Ramsay.
21 Général, saviez-vous si le général Milovanovic avait pris contact avec vos
22 services immédiatement après l'attentat de Markale?
23 M. Rose (interprétation): Je crois qu'il a probablement fui.
24 Me Piletta-Zanin: Merci beaucoup. Est-il possible qu'il ait pris contact…
25 Oui.
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1 M. Rose (interprétation): Je crois qu'il l'a probablement fait.
2 M. le Président (interprétation): Vous avez été à un poste de commandant
3 pendant tant de temps, Général. Je crois que cela devient une habitude.
4 Merci Général, de l'aide que vous venez de nous apporter.
5 Maître Piletta-Zanin, vous pouvez reprendre.
6 M. Piletta-Zanin: Et vous voyez que je sais obéir, mon Général!
7 Général, est-il également, à votre connaissance, exact que le général
8 Milovanovic avait pris contact avec le général Ramsey?
9 M. Rose (interprétation): Je suppose que cela s'est sans doute produit,
10 mais je ne le sais pas.
11 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, il y a une réponse
12 inaudible qui apparaît sur l'écran. Pendant la pause, la sténotypiste nous
13 a expliqué, à Me Piletta-Zanin et à moi-même, que lorsqu'elle inscrit "pas
14 de réponse audible", cela veut dire qu'il n'y a pas d'inscription sur la
15 bande audio de ce qu'a dit le témoin.
16 M. le Président (interprétation): Donc, il convient que ce cela soit
17 répété. C'est évident.
18 Il y a effectivement mention du fait qu'aucune réponse audible n'a été
19 donnée un petit peu plus haut sur le compte rendu. La question était de
20 savoir si le témoin savait si le général Milovanovic avait contacté les
21 services du témoin juste après l'attaque de Markale.
22 M. Piletta-Zanin: Oui, mais, Monsieur le Président, pardonnez-moi, la
23 question n'a pas été reproduite et nous avons un problème technique qui ne
24 dépend ni de la rapidité du témoin ni de la mienne. Cela n'est tout
25 simplement pas saisi dans le transcript. Il faut régler ce problème
Page 10254
1 technique du transcript.
2 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il y a un problème technique
3 qui se pose en ce moment ou bien est-ce qu'il s'agit d'autre chose? Est-ce
4 qu'on peut me donner des éléments d'information? Est-ce qu'il y a eu un
5 temps pendant lequel le compte rendu n'a pas pu sortir de la façon
6 appropriée? S'il y a un problème technique, j'aimerais que l'on m'informe.
7 Donc il n'y a pas de problème technique à l'heure actuelle. Et étant donné
8 que nous savons que chacun d'entre nous a des moments de plus ou moins
9 grande concentration, nous allons essayer de nous concentrer et de savoir
10 où exactement il y a des choses qui manquent.
11 M. Piletta-Zanin: Oui, je vais peut-être le faire pour nous. Ma question
12 était la suivante, mais je ne peux pas avoir toujours un oeil sur l'écran:
13 "Etait-il possible que le général Milovanovic ait pris contact avec son
14 homologue, le brigadier Ramsay?".
15 Et je crois que la réponse qu'avait donné le général Rose était: "C'est
16 fort probable".
17 Général, était-ce cela, oui ou non?
18 M. le Président (interprétation): Général Rose, je vous vois opiner de la
19 tête, mais ça, c'est absolument intraduisible et cela ne peut apparaître
20 sur le compte rendu. Donc merci de nous confirmer oralement que ce qu'a
21 dit Me Piletta-Zanin est ce que vous avez dit vous-même.
22 M. Rose (interprétation): J'attendais que le curseur arrête sa course pour
23 intervenir avant de confirmer, mais oui, c'est bien ce que j'ai dit.
24 M. le Président (interprétation): Fort bien. Alors maintenant, reprenons.
25 Merci, Maître Piletta-Zanin.
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1 M. Piletta-Zanin: Général, vous avez pris connaissance de ce document.
2 Est-il exact que le général Milovanovic se plaignait du fait que les
3 forces musulmanes se refusaient à la constitution d'une éventuelle
4 commission d'enquête pluripartite?
5 M. Rose (interprétation): Oui.
6 Me Piletta-Zanin: Merci. Général, j'aimerais maintenant passer à d'autres
7 sujets. Pouvez-vous confirmer qu'il y avait à Sarajevo un état de guerre
8 civile?
9 M. le Président (interprétation): Je vous écoute, Maître Piletta-Zanin.
10 M. Piletta-Zanin: Pour le témoin, Monsieur le Président.
11 M. le Président (interprétation): Je sais, mais vous me regardiez,
12 alors...
13 M. Piletta-Zanin: J'attendais votre geste.
14 M. le Président (interprétation): Je vais demander au témoin de bien
15 vouloir répondre.
16 M. Rose (interprétation): Il s'agit là d'une question politique d'après
17 moi. Oui, il y avait une guerre civile en dépit du fait que le
18 Gouvernement de Bosnie n'aimait pas que l'on y fasse référence de cette
19 façon-là.
20 M. Piletta-Zanin: Merci, Général. Général, avez-vous par vous-même fait
21 l'expérience de combats importants à Sarajevo? Non, non, pas pour… Avez-
22 vous connu des combats importants?
23 M. Rose (interprétation): Oui.
24 Me Piletta-Zanin: Merci, Général. Général, est-il exact que c'est...
25 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président.
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1 M. le Président (interprétation): Oui.
2 M. Ierace (interprétation): La question telle qu'elle a été interprétée
3 vers l'anglais est: "Avez-vous eu connaissance de combats importants?
4 Réponse: oui."
5 Et je ne crois pas que c'est la question qui a été posée par mon éminent
6 collègue, parce que si c'est effectivement cette question qui a été posée,
7 elle n'a pas de sens.
8 M. Piletta-Zanin: Est-ce un sens si on y rajoute "Sarajevo" qui avait été
9 mentionnée dans ma question? Et je crois que le général y a répondu, c'est
10 bien le cas.
11 M. Rose (interprétation): Oui. Je faisais référence à un niveau de conflit
12 important qui se déroulait à Sarajevo. Est-ce que j'avais connaissance de
13 cela?
14 M. le Président (interprétation): Oui.
15 M. Rose (interprétation): Donc, j'ai répondu oui.
16 M. le Président (interprétation): Très bien, poursuivons.
17 M. Piletta-Zanin: Merci.
18 Général, étiez-vous à connaissance du fait qu'il y avait nécessairement à
19 Sarajevo des zones… je retire ce mot, des objectifs à caractère militaire
20 à l'intérieur ou au centre de zones d'habitations?
21 M. Rose (interprétation): Sans doute y avait-il des cibles militaires si
22 vous entendez par là des forces du gouvernement bosnien. Il y avait donc
23 de telles cibles à l'intérieur de Sarajevo.
24 Question: Général, j'aimerais que vous me répondiez par oui chaque fois,
25 pour que nous soyons bien d'accord.
Page 10257
1 Est-il exact, par oui ou par non, est-il bien exact que ce qu'on appelle
2 en anglais des "Command and Control Post" sont des objectifs militaires
3 légitimes?
4 Réponse: Excusez-moi, je ne comprends pas votre question. En anglais,
5 j'entends.
6 Question: Est-il exact ou non que des "headquaters" sont des objectifs
7 militaires légitimes?
8 Réponse: Bien sûr.
9 Question: Est-il exact, mon Général, que des objectifs tels que des
10 routes, présentant un intérêt stratégique ou des moyens de
11 télécommunication, sont également de tels objectifs?
12 Réponse: Si elles sont utilisées à des fins militaires, oui.
13 Question: Est-il exact, Général, que des moyens automobiles utilisés par
14 l'armée pour des opérations militaires lato sensu sont également de telles
15 cibles militaires légitimes?
16 M. Rose (interprétation): Bien entendu.
17 M. Piletta-Zanin: Mon Général, est-il exact qu'à Sarajevo, un nombre
18 important de tels objectifs militaires légitimes, notamment immobiles,
19 étaient disséminés dans toutes les zones d'habitation?
20 M. le Président (interprétation): J'interviens pour ce qui est du compte
21 rendu et de l'interprétation.
22 Je voulais dire que c'était bien "immobiles" et non pas "mobiles". Enfin,
23 vous voyez où la difficulté peut surgir.
24 Donc la question portait sur la présence de cibles militaires légitimes
25 qui n'étaient pas mobiles, qui étaient donc immobiles.
Page 10258
1 M. Rose (interprétation): Les forces du Gouvernement bosnien se battaient
2 pour défendre Sarajevo, par conséquent, par définition, elles étaient
3 postées dans Sarajevo et opéraient depuis Sarajevo.
4 M. Piletta-Zanin: Général, j'entends votre réponse comme étant
5 affirmative.
6 M. Rose (interprétation): Oui.
7 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, j'attends pour le transcript.
8 La réponse du témoin a été "oui" et elle n'apparaît pas.
9 Je dois vous demander, Général, de répéter ce "oui".
10 M. le Président (interprétation): Oui, je peux confirmer que la réponse
11 apportée par le témoin était affirmative.
12 Alors continuons.
13 M. Piletta-Zanin: Général, en est-il de même pour l'existence des moyens,
14 cette fois-ci mobiles, c'est-à-dire des véhicules militaires, transports
15 de troupes, transports de mortiers, peut-être tanks, qui auraient pu
16 circuler à Sarajevo?
17 M. Rose (interprétation): Bien sûr, de temps à autre, on voyait apparaître
18 des éléments mobiles de ce type à Sarajevo.
19 Question: Et ils constituaient donc des cibles légitimes?
20 Réponse: Oui.
21 Question: A l'instar, mon Général, de troupes en déplacement ou d'éléments
22 de troupes en déplacement?
23 Réponse: Je n'ai pas le souvenir d'avoir vu des troupes engagées dans les
24 combats qui étaient en mouvement. Les troupes, lorsqu'elles étaient sur le
25 terrain, étaient statiques.
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1 Question: Général, avec le temps qui me reste, d'autres questions: est-il
2 exact qu'à votre connaissance, les forces dites de Sarajevo avaient elles-
3 même provoqué certaines interruptions tant du courant électrique que
4 d'autres éléments, tels que l'eau et le gaz?
5 Réponse: Les coupures de courant et les coupures d'eau étaient plus le
6 fait des autorités politiques que des autorités militaires.
7 Question: Mon Général, vous m'indiquez que c'étaient des actions émanant
8 plus des autorités politiques. Dois-je comprendre votre réponse comme
9 étant les autorités politiques de Sarajevo?
10 Réponse: Absolument exact. Il y a eu des cas où l'approvisionnement en eau
11 a été interrompu et où cela aurait pu ne pas être le cas. Mais, par
12 ailleurs, il y a eu des cas où les ingénieurs des Nations Unies se sont
13 vus empêcher l'accès aux lignes d'électricité qu'ils voulaient réparer.
14 Mais de façon générale, nous avons réussi à surmonter les obstacles
15 auxquels nous devions faire face et, de façon générale, nous avons réussi
16 à rétablir l'approvisionnement en eau et en électricité pendant de longues
17 périodes de temps.
18 Question: Général, vous dites "empêcher", j'entends "empêcher par les
19 autorités musulmanes de Sarajevo"?
20 Réponse: Cela est arrivé, en certaines occasions.
21 Question: Général, savez-vous...
22 Réponse: Ma réponse était: "Cela s'est passé occasionnellement".
23 M. Piletta-Zanin: A nouveau, je n'ai pas la réponse dans le transcript,
24 Monsieur le Président, alors je que j'attends. La réponse a été…
25 Voilà. Cela apparaît.
Page 10260
1 M. le Président (interprétation): La réponse apparaît.
2 M. Piletta-Zanin: Général, savez-vous, je vous prie, s'il y a eu une
3 fondation appelée "Fondation Soros" qui est intervenue en apportant de
4 l'argent aux autorités de Sarajevo pour reconstituer le réseau de ces
5 facilités dont nous parlons, c'est-à-dire eau, courant électrique, gaz,
6 etc. Le savez-vous?
7 M. Rose (interprétation): Pendant cette période de temps, les fonds de la
8 fondation Soros étaient généralement canalisés vers tout ce qui visait à
9 restaurer le système d'approvisionnement en eau.
10 Question: Général, que savez-vous de l'emploi de ces fonds?
11 Général, que savez-vous de la façon dont ces fonds auraient été employés?
12 Réponse: Il y avait une unité de purification des eaux qui était installée
13 dans le tunnel, le "tunnel rouge" comme on l'appelait, qui se trouvait à
14 l'est de Sarajevo.
15 M. Piletta-Zanin: Merci, mon Général. Général, j'aimerais vous poser
16 maintenant d'autres questions, mais pour cela, je vais vous faire
17 distribuer avec l'assistance de Mme l'huissier, dans les toutes dernières
18 minutes qu'il me reste, une pièce 139 -malheureusement copiée recto verso,
19 Monsieur le Président, pour des raisons d'erreur technique. Mais c'est
20 deux fois la même pièce.
21 (Intervention de l'huissier.)
22 M. le Président (interprétation): Le document porte une cote de référence
23 qui commence par "R". Les numéros qui commencent par "R" indiquent
24 généralement qu'il s'agit d'un document confidentiel ou est-ce que je me
25 trompe?
Page 10261
1 M. Ierace (interprétation): Vous avez parfaitement raison, Monsieur le
2 Président, et peut-être faudrait-il, dès lors, que nous passions à huis
3 clos. Il nous reste peu de temps, en tout cas pas assez de temps, pour que
4 je puisse vous affirmer que ce document peut être utilisé de façon
5 publique. Donc pour parer à toute éventualité, passons à huis clos. C'est
6 ma suggestion.
7 M. le Président (interprétation): Nous allons effectivement passer à huis
8 clos puisque nous sommes en train de parler d'un document qui semble être
9 un document confidentiel.
10 (Audience à huis clos à 13 heures 22.)
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21 (Audience publique à 13 heures 27.)
22 Vous pouvez maintenant répondre.
23 M. Rose (interprétation): L'essentiel des dégâts subis par Sarajevo ont
24 été le fait d'incidents qui se sont produits avant mon arrivée à Sarajevo.
25 Ils ne pouvaient être le résultat de coups de feu tirés accidentellement.
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1 En 1994, les dégâts subis par les structures de la ville étaient des
2 dégâts qui apparaissaient sur les structures qui étaient à proximité des
3 lignes de confrontation. Mais si nous parlons des civils qui se trouvaient
4 à Dobrinje, si nous parlons de la place du marché, nous pouvons dire que
5 les attaques menées dans ces endroits-là ont, bien sûr, entraîné des
6 pertes beaucoup plus importantes, pertes de vie beaucoup plus importantes.
7 M. le Président (interprétation): Mais vous avez déclaré....
8 M. Rose (interprétation): Il y a une différence entre les dégâts encourus
9 par les structures et les pertes civiles.
10 M. le Président (interprétation): Si vous dites que les dégâts qui
11 apparaissaient sur les bâtiments à votre arrivée, si vous dites que ces
12 dégâts ne pouvaient être le fait de tirs accidentels, cela ne répond pas
13 vraiment à la question.
14 Est-ce que ce qui était fait à proximité des lignes de combat, était fait
15 intentionnellement et est-ce que ce qui était fait loin des lignes de
16 confrontation, était fait accidentellement?
17 Quelle distinction établissez-vous?
18 Vous nous dites que ce qui s'était passé, n'était pas accidentel, mais
19 vous ne répondez pas vraiment à la question.
20 M. Rose (interprétation): Moi, je parlais de ce qui s'était passé avant
21 1994, après 1994, pendant l'année 1994, tandis que je me trouvais sur
22 place. L'essentiel des dégâts subis par la ville étaient des dégâts qui
23 apparaissaient sur les structures autour de la vie des conflits.
24 M. le Président (interprétation): Donc avant 1994, les dégâts les plus
25 importants apparaissaient également sur des structures qui étaient plus
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1 éloignées des lignes de confrontation?
2 M. Rose (interprétation): Oui.
3 M. le Président (interprétation): Je vous remercie de votre réponse.
4 Je me tourne maintenant vers M. Ierace.
5 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, pardonnez-moi. On n'a toujours
6 pas répondu à la question.
7 Ce que je voulais savoir, c'était si la plus grande partie des dommages,
8 même après les premières années du conflit, apparaissaient vers les lignes
9 de confrontation ou là où des combats étaient intervenus. Et je ne crois
10 pas que le témoin ait répondu.
11 M. le Président (interprétation): Je pense que le témoin a répondu à la
12 question.
13 Monsieur Ierace.
14 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Michael Rose, par
15 M. Ierace.)
16 M. Ierace (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
17 Général, on vous a posé des questions lors du contre-interrogatoire au
18 sujet de la nature des cibles militaires légitimes. On vous a demandé si
19 de telles cibles existaient dans les zones civiles de Sarajevo.
20 Quelles sont les responsabilités d'un commandant et quels sont les
21 critères qu'il doit prendre en compte au moment de prendre sa décision de
22 viser, de tirer sur une cible militaire située dans une zone civile?
23 M. Rose (interprétation): Le chef militaire doit déployer tous les efforts
24 possibles pour empêcher qu'il y ait des victimes, des civils, même si des
25 mouvements militaires sont situés dans des zones civiles.
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1 Question: Est-ce que ce choix implique également un choix sur le type
2 d'armement utilisé pour viser l'objectif?
3 Réponse: Effectivement, cela le détermine.
4 Question: Dans certaines situations, compte tenu du risque d'une
5 exposition disproportionnée des civils, est-il approprié de s'abstenir de
6 tirer sur une cible militaire?
7 Réponse: Oui.
8 Question: On vous a également posé des questions sur les intentions des
9 dirigeants serbes lors de votre mandat. Il vous a été proposé -je vais
10 utiliser les termes de la défense: "que les Serbes cherchaient et
11 souhaitaient ardemment la paix à Sarajevo".
12 Et vous avez répondu: "C'était le cas généralement".
13 Et précédemment, vous nous aviez dit que les forces serbes voulaient la
14 paix, car cela répondait à leurs objectifs politique, dans la mesure où
15 ils contrôlaient 70% du territoire de la Bosnie-Herzégovine.
16 En faisant part de leur désir de paix, les dirigeants serbes ont-ils, à
17 aucun moment, indiqué qu'ils allaient renoncer à une partie des 70% du
18 territoire qu'ils contrôlaient.
19 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je dois faire objection à cette
20 question. Elle n'est absolument pas en relation au fait qu'on reproche au
21 général Galic… le fait n'est pas de savoir si à 60% ou à 70% de territoire
22 en main ou non des autorités militaires serbes ailleurs en Bosnie, mais
23 uniquement de savoir si à Sarajevo, où le général était responsable pour
24 son commandement, il y avait, oui ou non, volonté d'une campagne ou au
25 contraire, comme cela a été dit par le général ici présent, une volonté de
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1 paix.
2 M. le Président (interprétation): Objection rejetée.
3 M. Rose (interprétation): Les Serbes ne peuvent pas être décrits comme des
4 pacifistes. Ils étaient les agresseurs, ils avaient pris Sarajevo ainsi
5 que la Bosnie. Et la raison pour laquelle ils recherchaient la paix en
6 1994, à partir du cessez-le-feu de Sarajevo que l'on cherchait à étendre
7 aux Balkans, était précisément de pouvoir profiter de leurs conquêtes
8 militaires, mais cela ne fait pas d'eux des artisans de la paix.
9 L'accord de paix autour de Sarajevo les a obligés à retirer leurs
10 armements lourds qu'ils auraient déployés ailleurs où ils ont intensifié
11 les combats, par exemple à Gorazde. Donc, il faut faire une distinction
12 entre un souhait militaire d'établir la paix dans une zone donnée et
13 d'autre part, l'objectif du général qui est de maximiser les conquêtes
14 territoriales par le biais de victoires militaires.
15 M. Ierace (interprétation): Je voudrais également poser des questions sur
16 des lettres qui vous ont été adressées par le général Milovanovic à la
17 suite du bombardement du marché de Markale.
18 Ces lettres contenaient une proposition des dirigeants militaires serbes
19 de participer à une enquête commune avec la Forpronu et les représentants
20 de l'armée bosnienne.
21 Dans l'enquête de la Forpronu qui a eu lieu et pour laquelle vous nous
22 avez dit que l'on a utilisé des experts, les Serbes, les dirigeants
23 militaires serbes, ou des représentants de ceux-ci, ont-ils joué un rôle
24 en ce qui concerne la fourniture des informations?
25 M. Rose (interprétation): Pour ce qui est de la source des attaques, nous
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1 les avons invités à rendre des comptes (Inaudible) au général. Il a nié ou
2 l'imputait aux Bosniens. Aucun accord n'existait ou aucune suggestion des
3 Serbes n'a semblé indiquer que cette commission conjointe serbo-musulmane
4 soit créée; cela n'aurait pas été acceptable pour les Nations Unies.
5 Question: Pourquoi?
6 Réponse: Parce que cela revenait à ne pas tenir ses responsabilités en
7 tant que médiateur indépendant pour trouver la vérité.
8 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, est-ce que l'on peut
9 soumettre au témoin deux pièces, P2261 et 2261A? Il s'agit du rapport de
10 la Forpronu.
11 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, l'accusation se plaignait que
12 nous ne produisions tout à l'heure certaines pièces. Il va de soi que nous
13 n'avons pas la copie de la lecture et nous ne pouvons pas suivre. Je ne
14 sais pas si M. Ierace peut, s'agissant de pièces d'ores et déjà produites,
15 faire le nécessaire, comme il le voulait lui-même.
16 M. le Président (interprétation): Avez-vous des exemplaires
17 supplémentaires de ce document, Monsieur Ierace?
18 (Intervention de l'huissier.)
19 M. Ierace (interprétation): J'ai deux exemplaires, Monsieur le Président.
20 C'est une question qui est apparue à la suite du contre-interrogatoire.
21 C'est la raison pour laquelle je n'avais pas d'exemplaires en réserve. Les
22 exemplaires que j'ai sont des copies de la note de couverture du rapport
23 et je voudrais inviter le témoin à avoir sous les yeux une page en
24 particulier. Et comme je disais précédemment, il s'agit du rapport de la
25 Forpronu relative à l'enquête sur l'incident du marché de Markale.
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1 Vous avez à présent devant vous, mon général, deux documents: le document
2 en tant que tel et son résumé. Veuillez prendre la page 46, s'il vous
3 plaît, 46 du rapport intitulé "annexe G, compte-rendu de réunion
4 représentant des Serbes de Bosnie, 13 février 1994".
5 M. Rose (interprétation): L'annexe G.
6 Question: Oui, l'annexe G. Si vous prenez le coin droit, vous pouvez voir
7 qu'il y a des chiffres annotés à la main: le numéro de page et 46/66, j'ai
8 l'impression. Est-ce que vous voudriez lire cela silencieusement, s'il
9 vous plaît, pour en prendre connaissance?
10 (Le témoin lit le document silencieusement.)
11 S'agit-il du compte rendu d'une réunion qui s'est tenue à Pale le 13
12 février 1994 entre le dirigeant de l'équipe d'enquête, le colonel
13 Gauthier, et d'autres, avec le colonel Cvetkovic -je m'excuse de ma
14 prononciation- qui m'a confirmé être le représentant des Serbes de Bosnie
15 aux fins de l'enquête des Nations Unies relative à l'explosion sur le
16 marché de Sarajevo, le 5 février?
17 Réponse: Effectivement.
18 Question: Est-ce que le compte rendu indique également que le colonel
19 gauthier a expliqué au colonel ce que faisait l'équipe d'enquête et
20 comment le colonel Cvetkovic pouvait contribuer, ce qui comprenait
21 également la fourniture de toutes preuves qu'il mettrait à la disposition
22 de l'équipe.
23 Réponse: Effectivement.
24 M. Ierace (interprétation): Est-ce que le compte rendu indique également
25 que des informations ont été fournies par le colonel à l'équipe, à
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1 Lukavica, le 14 février?
2 M. Piletta-Zanin: (Inaudible) … mais comme je ne vois pas de signe qui
3 indiquerait que cela serait revu dans la nuit, je me dois d'intervenir.
4 Maître Ierace peut-il nous indiquer de quel colonel il s'agit et peut-être
5 épeler les noms puisque je vois que le colonel Gortia, tel qu'il est
6 mentionné dans le transcript, n'existe pas. Il s'agit du colonel Gauthier
7 et si on épèle les noms, ce sera plus simple.
8 M. Ierace (interprétation): Cvetkovic, C-V-E-T-K-O-V-I-C, et Gauthier, G-
9 A-U-T-H-I-E-R.
10 M. le Président (interprétation): Je pense que c'est indiqué que cela fera
11 l'objet d'une révision, parce qu'il y a un signe après le mot.
12 M. Piletta-Zanin: (Inaudible)… pas le nom. C'est pour cela que
13 j'interviens.
14 (Inaudible)… est-ce exact, Monsieur le Président?
15 M. le Président (interprétation): Oui, effectivement, à la ligne 8.
16 D'autre part, je vois dans la question que l'on parle de deux colonels et,
17 dans la question suivante, on parle du colonel Gauthier qui a parlé au
18 colonel. J'imagine qu'il s'agit de l'autre colonel.
19 M. Piletta-Zanin: Je m'attendais à plusieurs colonels, c'est pour cela,
20 merci.
21 M. Rose (interprétation): Pour répondre à votre question, le colonel
22 Cvetkovic a accepté de fournir toutes les informations possibles, qu'il
23 allait fournir plus tard dans la journée. Je ne sais pas si cela a été
24 fait.
25 M. Ierace (interprétation): J'attire votre attention sur l'avant-dernier
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1 paragraphe et en particulier sa dernière ligne -je cite-: "Ce dernier –
2 c'est-à-dire le colonel Cvetlovic- a accepté de faire en sorte que ces
3 informations soient fournies à l'équipe à Lukavica, le 14 février (ceci
4 s'est passé à 16 heures)." (Fin de citation.)
5 Est-ce que le rapport conclut en disant que "le colonel Cvetlovic s'est
6 déclaré tout à fait satisfait avec les informations qu'il avait reçues et
7 a marqué son accord pour communiquer ou contacter l'officier de liaison de
8 la Forpronu à Lukavica le cas échéant. Equipe de représentants à Pale à 20
9 heures 30."?
10 M. Rose (interprétation): Oui.
11 M. Ierace (interprétation): Est-ce que cela veut dire que l'équipe, est-ce
12 que ça veut dire que les militaires serbes de Bosnie fournissaient des
13 informations et également étaient informés au sujet des progrès de
14 l'enquête?
15 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je dois faire objection à cette
16 question surtout au regard de sa formulation "actively involved",
17 puisqu'il n'apparaît pas forcément à la lecture de ce texte qu'il y ait
18 une participation à ce point active à l'ensemble de cette opération. Et
19 cette formulation me paraît trop directe. Merci.
20 M. le Président (interprétation): Monsieur Ierace.
21 M. Ierace (interprétation): Oui, je vais reformuler ma question.
22 M. le Président (interprétation): En début de matinée, certains pensaient
23 qu'il y aurait suffisamment de temps aujourd'hui, mais le temps nous
24 manque, donc je vous demande de poursuivre.
25 M. Ierace (interprétation): Est-ce que le rapport a finalement montré le
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1 degré de participation des militaires serbes de Bosnie par le biais de
2 leurs représentants à l'enquête?
3 M. Rose (interprétation): Oui.
4 M. Ierace (interprétation): J'ai encore quelques questions.
5 Je ne sais pas si vous-même, vous avez des questions, mais moi, je
6 pourrais terminer d'ici quelques minutes, rapidement.
7 M. le Président (interprétation): On aura besoin du prétoire à 14 heures
8 15, donc nous avons peu de temps.
9 M. Ierace (interprétation): Combien de temps avez-vous?
10 M. le Président (interprétation): J'espère que ce sera quelques minutes.
11 Mais je voudrais d'abord consulter mes collègues.
12 (Les Juges se concertent sur le siège.)
13 M. le Président (interprétation): Malheureusement, nous ne pourrons pas
14 terminer aujourd'hui.
15 M. Rose (interprétation): Malheureusement, je dois prendre l'avion, car
16 j'ai d'autres engagements.
17 M. le Président (interprétation): Cela impliquerait...
18 M. Ierace (interprétation): Est-ce que je peux vous aider, Monsieur le
19 Président?
20 Je m'abstiens de toutes questions supplémentaires.
21 M. le Président (interprétation): Est-ce que les interprètes pourraient
22 nous aider encore quelques minutes supplémentaires, car les Juges ont
23 quelques questions à poser.
24 Cela nous permettrait de terminer aujourd'hui, ce qui est préférable.
25 Si cela est possible, je vais donner la possibilité au Juge Nieto-Navia de
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1 poser la question.
2 (Question au témoin, M. Michael Rose, par M. le Juge Nieto-Navia.)
3 M. Nieto-Navia (interprétation): Je n'ai qu'une question au sujet des
4 itinéraires bleus, des routes bleues, car vous avez indiqué qu'elles
5 étaient empruntées par les convois des Nations Unies pour l'acheminement
6 de l'aide humanitaire. Or, nous avons des indications selon lesquelles
7 elles ont été utilisées par des gens qui souhaitaient entrer dans la ville
8 et la quitter. Est-ce vrai?
9 M. Rose (interprétation): Non, ce n'est pas vrai.
10 Les seules personnes qui empruntaient ces routes pour quitter la ville et
11 y entrer étaient des personnes qui allaient de Sarajevo et Zenica. Et de
12 retour, il y avait tous les mardis un bus qui était inspecté par les
13 Bosniens, par les Serbes.
14 La circulation était limitée, notamment également il y avait une
15 circulation de civils blessés. On ne peut pas parler de points de passage
16 habituels pour les civils par ces routes.
17 M. le Président (interprétation): Le Juge El Madhi a également une
18 question pour vous.
19 (Questions au témoin, M. Michael Rose, par M. le Juge El Mahdi.)
20 M. El Mahdi: Pourriez-vous, s'il vous plaît, clarifier très brièvement
21 deux points?
22 Le premier, ce que je voulais savoir: est-ce que vous excluez que le non-
23 fonctionnement des services publics provenait des attaques -c'est-à-dire
24 que j'ai pu comprendre que parfois le non-fonctionnement était dû à
25 l'action du gouvernement, des autorités locales-, est-ce que vous excluez
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1 que ces services publics aient été touchés par des tirs ou bien des
2 attaques des forces serbes?
3 M. Rose (interprétation): C'étaient les deux situations: parfois ils
4 étaient détruits à la suite des échanges de coups de feu ou à la suite
5 d'actes délibérés.
6 Question: Merci. Alors dites-nous pour les événements qui se sont déroulés
7 le 5 février, événements connus de "Markale", le marché de Markale, je ne
8 vous demande pas la partie qui est responsable, etc., est-ce que cet
9 événement, comme fait, c'est bien vrai ou bien c'est monté de toutes
10 pièces par des médias ou bien pour une cause de propagande?
11 Réponse: Non, cet incident s'est réellement produit et correspondait à ce
12 qui est passé dans les médias. C'est un fait.
13 Question: Oui, à votre connaissance, y a-t-il eu des blessés ou des tués
14 ou bien personne n'a été touché?
15 Réponse: 58 personnes ont perdu la vie et une centaine de personnes ont
16 été blessées à l'occasion de cette attaque.
17 M. El Mahdi: Merci.
18 (Questions au témoin, M. Michael Rose, par M. le Président.)
19 M. le Président (interprétation): J'ai deux questions.
20 Vous nous avez parlé de la réponse fournie par le général Mladic à vos
21 réclamations qui portaient sur l'utilisation d'armement. La réponse était
22 que les forces de la BiH avaient davantage d'hommes dans leur infanterie
23 et, dès lors, les Serbes de Bosnie utilisaient les forces de frappe, la
24 force de frappe dont ils disposaient en artillerie.
25 On peut comprendre cette réponse de deux manières: soit on procède au
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1 pilonnage de l'infanterie, soit on interprète la réponse comme voulant
2 dire que l'on bombarde tous les endroits pour empêcher l'infanterie de
3 progresser, même si celle-ci se trouvait sur le front et pas où les
4 bombardements ont eu lieu.
5 Quelle serait la bonne interprétation des propos du général Mladic?
6 Ou bien y a-t-il une troisième interprétation?
7 M. Rose (interprétation): Le général Mladic n'a pas indiqué sur quelle
8 cible il tirait à la suite des attaques de l'infanterie. Il a dit
9 simplement que notre réaction aux attaques de l'infanterie est le
10 pilonnage et n'a pas expliqué si c'était le pilonnage de l'infanterie ou
11 des cibles ailleurs, y compris, les cas échéant, des civils, même s'il ne
12 l'a pas dit.
13 Question: Mais vous avez compris que ce n'était pas limité au pilonnage de
14 l'infanterie.
15 Réponse: Effectivement.
16 Question: Vous nous avez parlé des tirs embusqués pratiqués par les deux
17 parties. Y avait-il une différence dans les cibles? Les tirs peuvent
18 porter sur des cibles militaires ou civiles. Est-ce que c'est la même
19 chose en ce qui concerne les deux parties?
20 Réponse: Le nombre des tirs était plus important chez les Serbes. Et en ce
21 qui concerne les cibles visées, des deux côtés des civils ont trouvé la
22 mort à la suite des tirs embusqués. Mais c'est du côté bosnien, à
23 l'intérieur de la ville de Sarajevo, qu'on dénombre le plus grand nombre
24 de victimes civiles.
25 Question: Parlez-vous en termes relatifs, en termes de pourcentage ou en
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1 termes de chiffre absolu?
2 Réponse: En chiffre absolu. Je veux dire que le plus grand nombre
3 d'incidents dû à des tirs embusqués a été dénombré à l'intérieur de
4 Sarajevo avec le plus grand nombre de victimes civiles, même si des
5 victimes civiles étaient également causées par l'autre partie, du côté
6 serbe.
7 M. le Président (interprétation): Merci. Ceci met un terme à votre
8 témoignage. Merci d'être venu. J'espère que vous allez pouvoir avoir votre
9 vol. Nous n'allons pas vous retenir dans ce prétoire plus longtemps. Il
10 est important pour nous d'entendre les réponses aux questions des deux
11 parties.
12 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, pardonnez-moi, je suis interpellé
13 par le général Galic qui souhaitait, à titre exceptionnel, qu'on ne puisse
14 poser qu'une seule question -qu'il entendait poser et me prie de le faire-
15 , qui est simplement celle-ci. En 30 secondes, si le général Rose savait
16 que des civils serbes vivaient également à Sarajevo où ils avaient leur
17 territoire, oui ou non?
18 M. le Président (interprétation): Vous pouvez répondre à cette question.
19 M. Rose (interprétation): Oui, effectivement à Grbavica et ailleurs. Les
20 Serbes vivaient également à Sarajevo.
21 M. Piletta-Zanin: Merci infiniment.
22 M. le Président (interprétation): Voilà.
23 Ceci met enfin un terme à votre déposition devant cette Chambre de
24 première instance et j'espère que vous pourrez prendre votre avion.
25 Madame l'huissier, voulez-vous bien accompagner le général Rose en dehors
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1 de ce prétoire.
2 (Le témoin, M. Michael Rose, est reconduit hors du prétoire.)
3 (Questions relatives à la procédure.)
4 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, l'accusation ne voit
5 aucun problème à ce que les pièces soient versées au dossier demain matin.
6 M. le Président (interprétation): Effectivement, je me réjouis de pouvoir
7 répondre positivement à votre requête.
8 Une question: demain, il y aura la déposition et le contre-interrogatoire
9 de l'expert Zecevic. Le contre-interrogatoire se limitera à deux heures et
10 ne dépassera pas ce temps. C'est donc le délai imparti à la défense.
11 Et ma dernière question porte sur les témoins au titre de la Règle
12 92bisC). Vous avez dit que l'un des témoins serait retiré et je n'ai
13 encore rien vu. Alors, pourriez-vous nous dire quel témoin vous allez
14 retirer et pour lequel vous allez supprimer des informations?
15 M. Ierace (interprétation): Il sera retiré et nous préparons un mémoire
16 qui sera versé au dossier demain sur l'impact des arrêts récents de la
17 Cour d'appel sur l'application des Articles de différents cas.
18 M. le Président (interprétation): Oui, mais je parlais ici du 92bisC),
19 Bajram Sopi. Je pensais que vous retiriez certains de ces témoins.
20 M. Ierace (interprétation): Ah! Je n'avais pas bien compris.
21 M. Piletta-Zanin: Pour clarifier les choses, si demain nous avons la
22 possibilité d'avoir notre expert en cours lors de l'audition principale de
23 M. Zecevic, il va de soi que nous devrons demander du temps après
24 l'interrogatoire principal, car cela ne sert à rien d'avoir un expert et
25 de ne pas avoir le temps d'écouter ce qu'il nous dira sur ce qu'il a
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1 entendu. Merci.
2 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Ierace.
3 M. Ierace (interprétation): Pas d'objection.
4 M. le Président (interprétation): Vous aurez le temps nécessaire, mais M.
5 Zecevic est un témoin expert.
6 M. Ierace (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
7 M. le Président (interprétation): Il déposera ou qu'est-ce qu'on doit
8 attendre de son témoignage?
9 M. Ierace (interprétation): Je pense que l'interrogatoire principal sera
10 très bref. Ce sera le même temps que celui de Donia.
11 M. le Président (interprétation): Je remercie les interprètes. Nous
12 reprenons demain 9 heures.
13 M. Ierace (interprétation): Oui, avant de terminer pour aujourd'hui, j'ai
14 encore à l'esprit des commentaires que vous avez formulés hier ou la
15 veille sur l'opportunité d'intervenir de temps à autre. Cela s'appliquera
16 demain pour justement intervenir pour interrompre le témoin lorsque cela
17 sera opportun.
18 (L'audience est levée à 14 heures 01.)
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