Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 14 octobre 2002.)

2 (L'audience est ouverte à 14 heures 21.)

3 (Audience publique.)

4 M. le Président (interprétation): Bonjour, Madame la Greffière. Appelez

5 l'Affaire, je vous prie.

6 Mme Philpott (interprétation): Affaire n°IT-98-29-T, le Procureur contre

7 Stanislav Galic.

8 (Questions relatives à la procédure.)

9 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Madame la Greffière.

10 Je souhaite le bonjour à tous et toutes dans ce prétoire.

11 Avant de commencer l'interrogatoire du prochain témoin, il nous faudrait

12 d'abord aborder quelques sujets et questions que nous devions résoudre. Je

13 crois qu'il s'agissait de certaines décisions qui devaient encore être

14 rendues concernant les pièces à conviction qui devraient être versées par

15 le biais du Témoin D.

16 Mme Philpott (interprétation): Pièce D1756 sous scellés: il s'agit d'une

17 feuille de pseudonymes.

18 Pièce D3751 sous scellés: les demandes de pension en BCS.

19 M. le Président (interprétation): Ces documents seront versés au dossier.

20 Nous allons parler des pièces à convictions versées par le biais du témoin

21 DP51, mais nous parlerons du versement de ces documents plus tard car le

22 témoin doit encore revenir; il n'a pas terminé son témoignage.

23 Avant de commencer, il y aurait quelques questions que je souhaiterais

24 soulever. Même si une décision écrite sur les mesures de protection

25 demandées sera donnée, la Chambre souhaiterait recevoir avant vendredi

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1 prochain plus de détails concernant les témoins appelés ce mois-ci pour

2 que nous puissions avoir cette information déjà à notre disposition, afin

3 de ne pas devoir attendre l'arrivée des témoins.

4 Pour la défense, vous savez que les détails concernant les procédures qui

5 ont été entamées auprès des instances nationales pour la restitution des

6 biens devraient nous être communiqués, mais nous aimerions savoir ce qui

7 est important pour les témoins. Est-ce que c'est le pseudonyme qui est la

8 mesure la plus importante? Est-ce que c'est cela qui les aide à rester

9 anonymes auprès des autorités locales? Ou est-ce le sauf-conduit qui, à ce

10 moment-là, créé le besoin d'informer les autorités locales de leurs

11 déplacements et de l'identité de ces témoins. Nous aimerions savoir ce

12 qu'il en est avant vendredi prochain. Je parle des témoins appelés à

13 témoigner à la barre pour le mois d'octobre et pour ce qui est de la

14 semaine qui suivra le mois d'octobre.

15 Nous avons maintenant un témoin pour lequel on a demandé de procéder par

16 visioconférence, la demande a été faite car on a dit que le témoin a dû

17 subir une intervention chirurgicale. La Chambre souhaiterait avoir plus de

18 détails concernant le type de chirurgie et le nombre de jours qu'il

19 faudrait à ce témoin pour récupérer.

20 Je vous écoute, Monsieur Stamp.

21 M. Stamp (interprétation): Monsieur le Président, j'entendais quelque

22 chose dans mes écouteurs mais je crois que j'écoutais la langue française.

23 Je suis un peu confus, je m'excuse.

24 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, si je puis vous poser une

25 question concernant plus de détails: est-ce que la défense pourrait nous

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1 fournir la date de naissance et le nom du père de chaque témoin? La

2 difficulté que nous avons, c'est que, quand nous essayons de faire des

3 recherches, nous n'arrivons pas à trouver l'identité des témoins car il

4 nous est un peu difficile de procéder à des recherches de l'identité de

5 ces témoins.

6 M. le Président (interprétation): Très bien. Pourriez-vous fournir les

7 données personnelles à l'accusation pour que l'on puisse identifier la

8 personne de façon adéquate? C'est-à-dire à dire il faudrait donner, donc,

9 la date de naissance de la personne ainsi que le nom du père.

10 Très bien, je vous écoute, Maître Piletta-Zanin.

11 M. Piletta-Zanin: Bonjour. Monsieur le Président.

12 M. le Président (interprétation): Allez-vous avoir besoin de plus de

13 temps? Sinon, je vais demander à l'huissier de s'asseoir et de ne pas

14 faire entrer le témoin immédiatement. Désirez-vous discuter de quelque

15 chose en l'absence du témoin?

16 M. Piletta-Zanin: Oui.

17 M. le Président (interprétation): Je vois.

18 M. Stamp (interprétation): J'ai le même problème.

19 M. le Président (interprétation): Nous avons également le même problème.

20 Il y a un bouton sur lequel il est écrit "disconnect", je ne sais pas si

21 on a appuyé sur ce bouton; c'est un problème qui commence à se répéter

22 presque tous les jours, je ne sais pas s'il y aurait une meilleure

23 solution à prendre. Pourrait-on nous aider aujourd'hui et pourrait-on

24 remédier à ce problème dans l'avenir? J'espère ne pas l'avoir tous les

25 jours.

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1 Je vous demanderai de faire venir le témoin, Monsieur l'huissier.

2 Monsieur Stamp, il est toujours très difficile de choisir entre vous et

3 Mme la Greffière; je ne sais plus qui écouter.

4 M. Stamp (interprétation): Oui, je comprends votre dilemme.

5 (Le Président consulte la Greffière.)

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Stamp, je vous écoute.

7 En fait, je croyais que vous aviez compris que j'allais accorder la

8 priorité à Mme la Greffière.

9 M. Stamp (interprétation): Je suis navré.

10 Concernant le Témoin DP1, nous avions indiqué que, aussitôt que nous

11 aurions les exemplaires en noir et blanc, nous vous remettrions ces

12 documents que nous aimerions échanger maintenant avec les copies couleur;

13 il s'agit de la pièce P3750.

14 (Le témoin, M. Konstantin Kacalin, est introduit dans le prétoire.)

15 M. le Président (interprétation): Bonjour, Monsieur le Témoin. Vous êtes

16 M. Konstantin Kacalin sans doute?

17 M. Kacalin (interprétation): Oui, je suis Konstantin Kacalin.

18 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous m'entendez dans une

19 langue que vous comprenez?

20 M. Kacalin (interprétation): Je vous entends en russe.

21 M. le Président (interprétation): Avant de témoigner devant cette Chambre,

22 le Règlement de procédure et de preuve exige que vous fassiez une

23 déclaration solennelle disant que vous allez dire la vérité, toute la

24 vérité et rien que la vérité. Je vous prierai de bien vouloir lire ce

25 texte qui est la déclaration solennelle en question, ce texte vous sera

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1 traduit en langue russe. Et pourriez-vous répéter ces phrases? Donc je

2 vais le faire en plusieurs parties, je vais dire plusieurs phrases: "Je

3 déclare solennellement….

4 M. Kacalin (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

5 vérité, et rien que la vérité.

6 M. le Président (interprétation): Bien. Ce n'est pas l'ordre habituel.

7 Mais lorsque vous avez déclaré solennellement que vous direz la vérité,

8 toute la vérité et rien que la vérité, c'est ce que vous avez bien dit en

9 langue russe, n'est-ce pas?

10 (Le témoin opine du chef.)

11 Bien. Je vous prie de vous asseoir.

12 M. Kacalin (interprétation): Merci.

13 (Le témoin s'assoit.)

14 Je demanderai au témoin ainsi qu'aux parties de prendre un soin

15 particulier que personne ne parle avant que l'on ait terminé

16 l'interprétation de la phrase précédente, car nous avons l'interprétation

17 simultanée en langue russe et il ne faudrait pas que les deux interprètes

18 se chevauchent. Donc je vous demanderai, Monsieur Kacalin, de ne pas

19 parler avant que tout ce que l'on vous a dit soit interprété.

20 Je demanderai à Me Piletta-Zanin de ne pas poser les questions au témoin

21 avant que l'on ait terminé l'interprétation intégrale. Et en dernier lieu,

22 on m'a informé que les interprètes ne sont disponibles que pour la journée

23 d'aujourd'hui et non pas de demain. Donc je demanderai aux parties de ne

24 pas trop prolonger les débats inutilement, d'essayer de terminer

25 l'interrogatoire de ce témoin aujourd'hui. Merci.

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1 Maître Pilipovic, qui interrogera le témoin: vous ou Me Piletta-Zanin?

2 M. Piletta-Zanin: (Inaudible.)

3 M. le Président (interprétation): Avec votre microphone ça va mieux.

4 Continuez.

5 (Interrogatoire principal du témoin, M. Konstantin Kacalin, par Me

6 Piletta-Zanin.)

7 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Témoin, bonjour. M'entendez-vous?

8 M. Kacalin (interprétation): Bonjour.

9 Question: M'entendez-vous normalement?

10 Réponse: Oui.

11 M. Piletta-Zanin: Pour la traduction française, ce n'est pas ce qu'a dit

12 le témoin mais ce n'est pas très grave.

13 Voulez-vous, Monsieur le Témoin, nous dire, je vous prie, quelles sont

14 tout d'abord vos qualités professionnelles, c'est-à-dire votre formation

15 professionnelle, brièvement?

16 Réponse: J'ai terminé mes études à l'université de Moscou. J'ai obtenu une

17 licence en journalisme, je suis journaliste depuis 30 ans. J'ai travaillé

18 à la radio et à la télévision en URSS; j'ai également travaillé pour le

19 service de transmission pour la Yougoslavie. Je parle également le serbo-

20 croate et j'ai ensuite travaillé à la station de radio de Maik et j'ai été

21 également un correspondant étranger pour les Balkans; c'est une station de

22 télévision qui est stationnée à Sarajevo et Ljubljana.

23 Ensuite, je suis allé dans les Balkans. Et dernièrement, je travaille à la

24 télévision -c'est ce qu'on appelle le troisième canal- en tant que

25 rédacteur; troisième canal fédéral en tant que rédacteur, le troisième

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1 canal fédéral.

2 Question: Merci. Lorsque vous dites "correspondant", est-ce que vous

3 entendez ce qu'on appelle "correspondant de guerre"? Si vous pouviez

4 répondre par "oui" ou par "non", j'apprécierais.

5 Réponse: Non.

6 Question: Avez-vous couvert des événements en relation à Sarajevo,

7 Monsieur le Témoin? Et dans l'affirmative, quand?

8 Réponse: Oui. Parmi d'autres de Sarajevo.

9 Question: Dans l'affirmative, quand? Je n'ai pas le canal russe, je

10 n'arrive pas à savoir si cela a été traduit. Quand était-ce?

11 Réponse: Je travaillais en tant que correspondant à Sarajevo de 1995 à

12 1997.

13 Question: J'ai été inattentif, Monsieur le Témoin, je vois que vous auriez

14 travaillé à Sarajevo depuis 1995; est-ce exact?

15 Réponse: Oui. J'ai travaillé pendant cette période-là de façon permanente.

16 J'ai travaillé depuis Sarajevo et Zagreb, mais je me suis déplacé à ces

17 endroits même avant 1993 et 1994, donc je m'étais rendu sur place.

18 Question: Pouvez-vous, Monsieur le Témoin, nous indiquer à quelle

19 occasion, brièvement, en 1993, et dans quelle période de l'année vous vous

20 êtes rendu à Sarajevo? Pour le transcript, j'ai dit 1993 et non pas 1994.

21 Réponse: Oui, c'était en 1993. Un groupe de journalistes y inclus moi-même

22 nous y étions rendus, il y avait plusieurs personnes dans le groupe. Il y

23 avait également Aleksandar Kaverniev, correspondant pour la Komsomlskaja

24 Pravda; une autre personne de Moskovske Novosti; Mlle Irina Vogonina de

25 Novoe Vreme. Nous étions ensemble à Sarajevo au mois de juillet 1993,

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1 pendant environ une semaine.

2 Question: Monsieur le Témoin, y avez-vous été invité de manière

3 officielle, oui ou non?

4 Réponse: Oui, j'ai été invité de façon officielle.

5 Question: Qui est-ce qui vous a formellement et officiellement invité à

6 Sarajevo en 1993?

7 Réponse: C'était un représentant de la Bosnie-Herzégovine à Moscou, il

8 s'appelait "Ambassadeur", je ne me souviens pas de son nom de famille

9 maintenant, mais il travaille encore au sein du Ministère étranger de

10 Bosnie. Nous pouvons voir de qui il s'agit exactement, il est encore

11 chargé des Affaires étrangères. Il est très connu en Russie et il a invité

12 un groupe de journalistes à Moscou. A l'époque, je travaillais pour radio

13 Moscou et ils nous ont invités à venir à Sarajevo et le côté bosnien a

14 tout arrangé. Ils se sont occupés de tout ce qu'il y avait comme

15 arrangements.

16 Question: Monsieur le Témoin, j'aimerais qu'en l'état vous puissiez me

17 répondre par oui ou par non: dans le cadre de ce voyage, avez-vous

18 rencontré des officiels, des personnalités officielles à Sarajevo?

19 Réponse: Oui.

20 M. Piletta-Zanin: Merci, j'y reviendrai plus tard.

21 Monsieur le Témoin, avez-vous -je parle en 1993-, avez-vous eu l'occasion

22 de voir la ville de Sarajevo?

23 M. Stamp (interprétation): Puis-je intervenir?

24 M. le Président (interprétation): Oui.

25 M. Stamp (interprétation): Je ne suis pas tout à fait certain que la

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1 réponse précédente ait été enregistrée au compte rendu d'audience en

2 langue anglaise.

3 M. le Président (interprétation): Voyons voir. J'ai remarqué la même

4 chose, effectivement. Je crois que la réponse du témoin est la suivante:

5 c'est qu'il avait rencontré des représentants officiels de l'Etat.

6 Ensuite, Me Piletta-Zanin lui a posé la prochaine question qui visait à

7 savoir si le témoin avait eu la possibilité de se rendre dans la ville.

8 M. Piletta-Zanin: C'est tout à fait exact, Monsieur le Président. Merci.

9 M. le Président (interprétation): Très bien. Nous pourrions peut-être

10 avoir la réponse à cette question?

11 M. Piletta-Zanin: A la première?

12 M. le Président (interprétation): Je l'ai répétée parce que cela a été

13 traduit et, si j'ai bien compris, le témoin a répondu à la première

14 question. Il serait donc propice d'entendre la réponse à la deuxième

15 question maintenant.

16 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Témoin, avez-vous pu, lors de ce séjour,

17 visiter en 1993 Sarajevo; oui ou non?

18 M. Kacalin (interprétation): Oui.

19 Question: Merci. Votre réponse étant "oui", Monsieur le Témoin, pouvez-

20 vous brièvement nous dire quelles zones de Sarajevo vous avez pu visiter,

21 Monsieur le Témoin, brièvement?

22 Réponse: Nous sommes arrivés à Sarajevo en avion. Nous avons atterri sur

23 l'aéroport de Butmir. Malheureusement, aucun des hôtes n'est venu à notre

24 rencontre. Il y avait un officier ukrainien qui est venu nous accueillir à

25 l'aéroport et il nous a emmenés en ville à bord d'un blindé transport de

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1 troupes.

2 Pendant que nous nous déplacions dans ce blindé transport de troupes à

3 travers la ville, puisque les hôpitaux étaient ouverts nous étions en

4 mesure de voir, juste avant l'entrée dans la ville de Sarajevo, qu'il y

5 avait des signes de destruction, des bâtiments étaient détruits. Ensuite,

6 nous avons pu apercevoir le bâtiment appartenant au journal

7 "Oslobodjenje". Nous sommes passés à côté de certains bâtiments

8 résidentiels, d'immeubles. Ensuite, nous sommes arrivés devant l'hôtel

9 Holiday Inn. Nous étions impressionnés fortement par la destruction du

10 bâtiment "Unis" et d'autres bâtiments à Sarajevo.

11 Question: Je vous arrête ici, Monsieur le Témoin. Je reviendrai sur ce que

12 vous indiquez, votre impression. Mais avez-vous pu visiter ce qu'on

13 appelle parfois Stari Grad, les vieux quartiers, Bascarsija, etc., la zone

14 ancienne, historique, de Sarajevo; oui ou non?

15 Réponse: Oui.

16 Question: Merci. Je reviens sur ce que vous venez de nous indiquer. Où

17 avez vous logé, Monsieur le Témoin, dans votre séjour, durant votre

18 séjour?

19 Réponse: C'était à l'hôtel Holiday Inn.

20 Question: Merci. J'aimerais savoir, pour l'hôtel Holiday Inn, y avait-il

21 du courant électrique? Y avait-il de l'eau distribuée normalement dans les

22 chambres, par exemple? Y avait-il des facilités urbaines, ce qu'on appelle

23 généralement le réseau des facilités urbaines? Oui ou non?

24 Réponse: Oui.

25 Question: Merci. Avez vous pris vos repas au Holiday Inn?

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1 Réponse: Oui.

2 Question: Merci. La question va vous paraître singulière, mais s'agissait-

3 il d'une nourriture froide et pauvre ou, au contraire, d'une nourriture,

4 disons normale; c'est-à-dire des plats chauds et normalement constitués

5 pour un hôtel de cette catégorie?

6 Réponse: Oui.

7 M. Piletta-Zanin: Oui à quoi?

8 M. Kacalin (interprétation): Nous avions des petits-déjeuners chauds. Donc

9 pour le petit-déjeuner, nous avions, bien sûr, ce que l'on mange dans les

10 Balkans pour le petit-déjeuner; donc du pain, du beurre, de la confiture.

11 Et pour les déjeuners, nous recevions une soupe. Nous avions un repas

12 principal. Bien sûr, ce n'était pas très varié, mais je dirai que

13 c'étaient des repas qui ressemblaient à des repas normaux, et je dirai la

14 même chose également pour les dîners.

15 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, je vous prie de bien

16 vouloir ralentir car, pour les interprètes, il est fort difficile de vous

17 suivre.

18 Vous pouvez continuer.

19 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Témoin, je continue sur les destructions que

20 vous nous avez mentionnées. Lorsque vous parlez de ces destructions,

21 pourriez-vous géographiquement les situer, si tel est le cas, en tel ou

22 tel endroit de Sarajevo? Oui ou non?

23 M. Kacalin (interprétation): Oui.

24 Question: Merci. Vu votre réponse affirmative, pouvez-vous nous dire

25 généralement, Monsieur le Témoin, quels étaient les endroits, les places

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1 où étaient intervenues ces destructions? Je dis bien "essentiellement",

2 c'est-à-dire généralement, de façon générale.

3 Réponse: Généralement parlant, j'ai déjà dit qu'il y avait certaines

4 parties de la route que nous avons empruntées pour venir de l'aéroport

5 jusqu'au carrefour où l'on rentre dans la ville. Eh bien, j'ai pu voir

6 qu'il y avait des maisons sans toit ou bien qui n'avaient que quatre murs.

7 Ensuite, en venant de l'aéroport, à droite, j'ai pu voir l'immeuble de

8 "Oslobodjenje" que j'ai déjà mentionné et deux immeubles de l'hôtel... à

9 côté de l'hôtel Holiday Inn. C'était assez impressionnant. Je dois dire

10 aussi que le bâtiment qui était avant le bâtiment du gouvernement de

11 Bosnie-Herzégovine, qui était un grand gratte-ciel, eh bien, j'ai pu voir

12 qu'il était détruit aussi. Et j'ai aussi vu l'hôtel Europa qui se trouve

13 dans le centre, et il n'y avait que les murs de cet hôtel qui restaient.

14 Question: Monsieur le Témoin, lorsque vous nous parlez des quartiers que

15 vous avez traversés pour aller vers le centre, savez-vous si ces quartiers

16 étaient situés sur ou proches de la ligne de front?

17 Réponse: Je pense que si, par exemple, on pense au bâtiment de "Unis ou ce

18 bâtiment qui appartenait auparavant au Gouvernement, je pense que ces

19 bâtisses se trouvaient près de la ligne de front. En revanche, si on

20 regarde les bâtiments près de l'aéroport, je dirais, d'après moi, que ces

21 bâtiments se trouvaient assez loin de la ligne de front. Peut-être que je

22 me trompe.

23 Question: Monsieur le Témoin, saviez-vous ou ne saviez-vous pas à l'époque

24 où étaient les lignes de front? Le saviez-vous?

25 Réponse: Non. On nous a dit que la ligne de front se trouvait de l'autre

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1 côté; c'est-à-dire si vous vous dirigez vers le centre, eh bien, la ligne

2 de front se trouvait à votre droite, était derrière la rivière par rapport

3 au centre-ville.

4 Question: De quelle rivière parlez-vous? Pouvez-vous le préciser?

5 Réponse: Eh bien, la rivière qui sépare Sarajevo en deux parties, je ne me

6 souviens pas du nom de la rivière.

7 Question: Merci. J'aimerais maintenant que nous nous intéressions, par

8 opposition au quartier périphérique, au quartier du centre. Votre

9 déposition est que vous avez visité ces quartiers. Etes-vous à plusieurs

10 reprises allé dans ces quartiers du centre, vieille ville ou bien Stari

11 Grad, etc.?

12 Réponse: Eh bien, on nous a amenés dans différentes parties de la ville,

13 dans le centre-ville près du stade, là où il y a eu les jeux olympiques,

14 et nous avons aussi visité l'hôpital central de Sarajevo.

15 Question: L'hôpital central de Sarajevo porte-t-il un nom?

16 Réponse: On nous a dit que c'était l'hôpital central de la ville, cet

17 hôpital se trouvait à peu près à Kosevo, mais je ne suis pas sûr de cela,

18 peut-être que je me trompe, c'est ce que je crois avoir entendu.

19 Question: D'accord, nous reviendrons tout à l'heure sur l'hôpital.

20 J'aimerais me concentrer maintenant sur le centre. Avez-vous vu, dans la

21 ville de Sarajevo, et je ne parle pas ici des immeubles présidentiels du

22 Gouvernement ou d'autres immeubles de cette nature-là, je parle des

23 immeubles, maisons particulières dans la vieille ville par exemple, avez-

24 vous vu d'importantes destructions, oui ou non?

25 Réponse: Non.

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1 Question: Si vous n'avez pas vu de telles importantes destructions, avez-

2 vous, lors de votre séjour, entendu dans ce quartier, dans cette Sarajevo

3 intérieure, avez-vous, de vos oreilles, entendu le bruit des explosions de

4 grenades en ville et non pas sur les quartiers périphériques?

5 Réponse: Non, je ne les ai pas entendues.

6 M. Piletta-Zanin: Avez-vous dans cette période, Monsieur le Témoin,

7 entendu le bruit caractéristique de ce que l'on appelle les "PAT" ou, en

8 français, les canons "anti-avions" tirer sur la ville?

9 M. Stamp (interprétation): Avant que le témoin ne réponde à cette

10 question, je pense qu'il faudrait tout d'abord demander au témoin s'il

11 sait de quoi il s'agit? Est-ce qu'il sait ce que sont ces canons

12 antiaériens, "PAT"?

13 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Piletta-Zanin, je pense

14 qu'il faudrait tout d'abord demander au témoin s'il voit la différence

15 entre les bruits que font les différents canons.

16 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Témoin, je m'en excuse, c'est mon erreur,

17 j'aurais dû commencer par là.

18 Etes-vous capable, avec votre expérience, de distinguer à l'oreille le

19 bruit que fait par exemple un tir de tank, d'un canon de tank, d'une

20 mitrailleuse lourde ou d'un tir de ces canons antiaériens? Est-ce qu'on

21 peut le distinguer, Monsieur le Témoin?

22 M. Kacalin (interprétation): Bien sûr.

23 M. Piletta-Zanin: Comment peut-on les distinguer? Pouvez vous nous dire,

24 peut-être même par onomatopée, alors qu'il n'y a pas de traduction me dit-

25 on, mais que la réponse était oui…

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1 M. le Président (interprétation): On vous prie de faire des pauses plus

2 longues pendant votre interrogatoire.

3 M. Piletta-Zanin: Volontiers.

4 (L'interprète au témoin: Le Président demande de faire des pauses plus

5 longues au cours de votre interrogatoire.)

6 Afin de clarifier cela, Monsieur le Témoin, pouvez-vous indiquer, s'il

7 vous plaît, comment on peut distinguer un tir de canon d'une mitrailleuse

8 lourde ou d'un canon antiaérien, à l'oreille?

9 M. Kacalin (interprétation): Tout d'abord, d'après ce que je sais, un char

10 utilise des grenades assez volumineuses et donc le bruit est assez lourd;

11 donc il est possible de faire la distinction entre ces différences du

12 point de vue de ce qu'on entend, assez facilement.

13 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, je pense que je

14 vous ai demandé de demander au témoin si, lui, s'il pouvait identifier ces

15 bruits, s'il était en mesure de faire la distinction entre différents tirs

16 que l'on pouvait entendre, tirs émanant des différentes armes.

17 Vous le savez sans doute, mais je vous demande si, vous, si vous étiez en

18 mesure de le faire?

19 M. Kacalin (interprétation : Oui, je peux le faire, oui.

20 M. Piletta-Zanin: Par conséquent, Monsieur le Témoin, durant votre séjour

21 1993, avez-vous entendu:

22 1) tirer du canon sur la ville,

23 2) tirer à la mitrailleuse lourde sur la ville et

24 3) tirer au canon antiaérien sur la ville?

25 Oui ou non?

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1 M. Kacalin (interprétation): Non.

2 Question: Tout à l'heure, j'ai cru entendre que vous parliez serbe.

3 Pouvez-vous le confirmer?

4 Réponse: Oui, je parle serbe.

5 Question: Merci. Avez-vous eu la possibilité de parler directement sans

6 interprète avec les gens qui habitaient Sarajevo à l'époque?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Avez-vous pu ou plutôt, de quoi avez-vous parlé avec ces gens,

9 de façon générale?

10 Réponse: Nous parlions… nous, en tant que journalistes, nous avons posé

11 des questions aux habitants de Sarajevo pour leur demander comment

12 vivaient-ils? On leur a demandé la raison de la guerre, comment se

13 présentait leur vie quotidienne? Et souvent, nous recevions des réponses

14 types de la population, quelle que soit leur origine ethnique. D'habitude,

15 ils nous répondaient qu'ils manquaient d'eau, d'électricité, de gaz, mais

16 qu'en revanche, ils avaient ce désir de préserver des conditions de vie

17 normales dans leur ville.

18 Question: Merci, Monsieur le Témoin. Si vous deviez décrire leur état

19 d'esprit, quel mot pourriez-vous utiliser pour décrire ce que ces gens

20 ressentaient à Sarajevo à l'époque de la guerre? Selon votre propre

21 expérience et les contacts personnels que vous avez eus avec eux?

22 Réponse: Je peux dire que ces gens étaient assez déprimés par ce qui s'est

23 passé dans la ville, mais ils avaient quand même une envie de survivre qui

24 était très forte.

25 Question: Vous a-t-on dit, par exemple, si les gens venaient à se suicider

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1 plus fréquemment? Oui ou non?

2 Réponse: Non, je n'ai pas remarqué cela, mais je l'ai appris plus tard.

3 Question: Concernant également les gens à Sarajevo, avez-vous vu, lors de

4 votre séjour, des blessés ou peut-être des personnes décédées, non pas

5 dans le cadre d'hôpitaux mais dans les rues de Sarajevo, oui ou non?

6 Réponse: Non, pas dans les rues.

7 M. Piletta-Zanin: Merci.

8 M. le Président (interprétation): (Pas de traduction.)

9 M. Kacalin (interprétation): Plus tard, quand je suis revenu à Sarajevo,

10 je me suis entretenu avec mes collègues. J'ai reçu beaucoup d'informations

11 de mes collègues de l'Ouest, et ils m'ont dit que les cas de suicides à

12 Sarajevo étaient assez fréquents. Mais pendant que j'y étais, pendant que

13 j'étais à Sarajevo, on n'en a pas parlé.

14 M. Piletta-Zanin: Merci.

15 J'aimerais revenir sur les rues de Sarajevo. Vous a-t-il été possible de

16 voir -je pense que oui- des personnes; mais ces personnes se

17 distinguaient-elles entre civils et militaires, lors de votre visite des

18 quartiers de Sarajevo?

19 M. Kacalin (interprétation): Les gens qui portaient des uniformes et qui

20 étaient armés étaient des soldats, et les gens qui portaient des vêtements

21 civils étaient des civils. Les deux types de personnes cohabitaient dans

22 les rues.

23 M. Piletta-Zanin: Lorsque vous nous parlez de personnes en uniforme à

24 Sarajevo et que vous nous dites qu'elles avaient des armes, quels types

25 d'armes avaient-elles?

Page 13682

1 M. Stamp (interprétation): Objection!

2 M. Kacalin (interprétation): Il m'est difficile de répondre.

3 M. Stamp (interprétation): J'ai une objection.

4 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous utiliser votre microphone

5 de sorte que je puisse vous entendre?

6 M. Stamp (interprétation): Je suis désolé. Je soulève une objection peut-

7 être trop tard, puisque le conseil a posé une question qui guide le

8 Témoin, une question directrice, et le Témoin a répondu. Mais ceci figure

9 dans le compte rendu d'audience. Je pense que le Témoin a dit qu'il a vu

10 des personnes armées. Je le vois sur le compte rendu d'audience. Et je

11 vois que Me Piletta-Zanin dit: "Puisque vous dites qu'ils étaient armés",

12 et moi, je ne vois pas ceci dans le compte rendu d'audience.

13 M. le Président (interprétation): Monsieur Stamp, page 16, ligne 10, on

14 parle de gens portant des uniformes, armés; je pense que ceci a été

15 compris par Me Piletta-Zanin comme des gens portant des armes, c'est pour

16 cela qu'il a posé la question.

17 M. Stamp (interprétation): Très bien. Merci, Monsieur le Président.

18 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas que votre interruption

19 était nécessaire, mais faites attention dorénavant.

20 M. Piletta-Zanin: Bon.

21 M. le Président (interprétation): Vous avez demandé au Témoin quelles

22 étaient ces armes que ces gens portaient.

23 M. Piletta-Zanin: Je ne suis pas sûr d'avoir bien entendu sa réponse.

24 Monsieur le Témoin, quelle était précisément votre réponse à la question

25 légitime que j'ai posée avant d'être interrompu? Quels types d'armes

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1 portaient-ils? Je vous aide: étaient-ce de grosses armes ou des armes

2 personnelles, etc.?

3 M. Kacalin (interprétation): J'ai vu des gens qui portaient des revolvers,

4 des pistolets. On les appelait des pistolets "TT" de fabrication

5 yougoslave. On me les a montrés. J'ai vu aussi des fusils automatiques.

6 Question: Pouvez-vous nous dire quels types de fusils automatiques, si

7 vous le pouvez?

8 Réponse: Eh bien, c'étaient des Kalachnikov en général. C'est un fusil

9 automatique très connu dans le monde.

10 Question: Du type AK-47?

11 Réponse: Je ne sais pas, je ne vois pas la différence entre... Je ne vois

12 pas à quoi ressemble le 47, mais, en tout cas, c'était une Kalachnikov.

13 Question: Monsieur le Témoin, est-ce que, selon votre meilleur souvenir,

14 tous les soldats que vous avez pu voir en ville étaient armés?

15 Réponse: Eh bien, il est difficile de dire aujourd'hui s'ils étaient tous

16 armés. Ils n'étaient pas probablement tous armés. Mais je me suis

17 entretenu avec les officiers de l'armée bosniaque et avec leurs généraux.

18 Il y avait des gens armés à cet endroit. Là où j'habitais, il y avait des

19 soldats de l'armée bosniaque, ils étaient armés et je les ai vus.

20 Question: Merci beaucoup. Ces gens que vous avez vus, toujours en ville de

21 Sarajevo, étaient-ils visibles isolément -un soldat et peut-être un autre

22 plus loin- ou étaient-ils visibles en petits groupes ou en groupes plus

23 gros? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

24 Réponse: Eh bien, je ne me souviens pas si j'ai vu des groupes, mais il

25 est vrai que j'ai rencontré des soldats. Je ne saurais vous dire si

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1 c'étaient des officiers ou bien des soldats, de simples soldats, mais il

2 est vrai qu'on les rencontrait dans la ville; on en a vu pas mal dans les

3 casernes, je peux vous le confirmer en tout cas.

4 Question: Merci. Ces soldats, comment se déplaçaient-ils, à pied? Ou en

5 avez-vous vu parfois, si tel est le cas, avec d'autres moyens de

6 locomotion?

7 Réponse: En général, ils se déplaçaient à pied. Ces soldats marchaient.

8 Mais c'est vrai que nous n'avons pas beaucoup circulé dans la ville pour

9 pouvoir voir beaucoup de gens dans la ville.

10 Question: Merci. Témoin, vous avez pu néanmoins, je pense, voir plusieurs

11 quartiers de la ville; est-ce que c'est exact? Oui? Non?

12 Réponse: Oui.

13 Question: Merci. Avez-vous pu constater, Monsieur le Témoin, que cette

14 ville comportait un certain nombre de monuments culturels ou religieux?

15 Réponse: Nous avons visité la mosquée, la mosquée principale qui a été

16 reconstruite plus tard. Elle n'a été endommagée que très peu. Nous sommes

17 entrés dans la mosquée, nous avons vu des gens en train de prier à

18 l'intérieur. Nous nous sommes aussi rendus dans l'église catholique, nous

19 avons rencontré le cardinal de l'église de Sarajevo et nous avons aussi

20 rencontré M. Ceric qui était le Mufti principal de la ville.

21 Question: Merci. Monsieur le Témoin, vous nous parlez de mosquées. Avez-

22 vous pu voir de vos propres yeux d'éventuels -je dis bien d'éventuels-

23 exemples de mosquées qui auraient été détruites, c'est-à-dire bombardées,

24 etc., oui ou non?

25 Réponse: Non, je ne pense pas.

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1 Question: Lorsque vous étiez à Sarajevo, est-ce que les minarets étaient

2 endommagés en tant que tels, de façon générale j'entends bien, ou de façon

3 importante?

4 Réponse: Il y avait des dommages partiels, des destructions partielles.

5 Mais en ce qui concerne la mosquée principale, tout allait bien, il y

6 avait quelques traces, quelques impacts de balles ou d'obus. Mais il est

7 difficile de dire combien de minarets avaient été détruits parce qu'il y

8 en avait vraiment beaucoup à Sarajevo.

9 Question: Mais avez-vous, vous-même, eu connaissances d'un seul minaret

10 qui aurait été détruit à Sarajevo?

11 Réponse: Malheureusement, je ne m'en souviens pas.

12 Question: Bien. Je reviens sur les destructions des immeubles. Savez-vous,

13 Monsieur le Témoin, ce qu'on appelait parfois à Sarajevo ou ce à quoi

14 correspond ce qu'on appelait à Sarajevo "une rose des trottoirs"?

15 Réponse: Oui. J'en ai vu, j'ai vu de telles traces.

16 Question: Voulez-vous peut-être confirmer, si tel est bien le cas, ce

17 qu'est pour vous une "rose de trottoir", que nous parlions de la même

18 chose?

19 Réponse: Eh bien, c'est comme une cavité sur la chaussée, je ne sais pas

20 si je pourrais appeler cela des branches d'un rosier qui partent dans

21 différentes directions. Mais il s'agit tout simplement d'un impact, d'un

22 impact d'obus sur la chaussée qui s'éclate dans différentes directions.

23 Question: Lors de votre séjour en 1993 dans les quartiers que vous avez

24 visités, avez-vous vu beaucoup de telles roses de trottoir en ville? Oui

25 ou non?

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1 Réponse: Non.

2 Question: Avez-vous prêté attention à l'état des maisons environnantes et

3 tout particulièrement des toits, Monsieur le Témoin? Comment se

4 présentaient en juillet 1993, à un observateur, les toits des quartiers

5 que vous avez visités? J'exclus les grands bâtiments officiels, j'entends

6 les maisons normales dites "régulières" et que sais-je, dans les vieux

7 quartiers.

8 Réponse: Si l'on exclut les grands immeubles, je vous ai déjà parlé de la

9 route, de la route qui mène à Sarajevo, il y avait beaucoup de maisons

10 détruites le long de cette route, il y en avait beaucoup qui n'avaient pas

11 de toit et je ne saurais vous donner le nombre exact puisque nous sommes

12 passés par cette route assez rapidement, mais il est vrai qu'il y avait de

13 telles maisons, des maisons détruites.

14 Question: Bien. Monsieur le Témoin, votre réponse que vous me donnez porte

15 sur les quartiers périphériques, ceux qu'il faut traverser pour aller au

16 centre; c'est bien exact?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Merci. Je vous pose maintenant la question pour les quartiers du

19 centre de Sarajevo, c'est-à-dire relativement loin des zones de combat

20 pour par exemple Bascarsija ou d'autres quartiers. Comment étaient ces

21 toits, comment apparaissaient-ils?

22 Réponse: Eh bien, il me semble qu'au centre-ville il n'y avait pas

23 tellement de petites maisons et il n'y avait aucune maison dont le toit

24 avait disparu, avait été détruit. Mais quand on regardait à partir de

25 l'Holiday Inn, on pouvait voir dans les collines des maisons qui avaient

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1 été endommagées. Effectivement, si on regardait depuis l'hôtel, on voyait

2 de tels immeubles à l'horizon, à distance.

3 Question: Est-ce que, par conséquent, on pouvait à l'époque faire sur le

4 plan des destructions une distinction entre les zones dites périphériques

5 et la zone centrale, oui ou non, Monsieur le Témoin?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Monsieur le Témoin, selon vous, cette distinction s'effectuerait

8 de quelle façon? En d'autres termes, où se trouvaient les zones de

9 destruction majeure: dans la zone périphérique ou dans la zone centrale?

10 Réponse: Moi, les impressions les plus fortes que j'ai eues, c'étaient des

11 zones périphériques qui se trouvaient près de l'aérodrome et au centre-

12 ville. Pour certains des grands bâtiments, il y avait certains grands

13 bâtiments qui ont été touchés par des obus dont les vitres avaient été

14 détruites, ils portaient également des impacts de fusils automatiques, de

15 mitraillettes, etc. Mais si on parle de dégâts qui empêcheraient les gens

16 d'habiter dans de tels bâtiments, eh bien, les gens se débrouillaient, ils

17 fermaient tant bien que mal les orifices au moyen de toutes sortes de

18 matériaux: plastique, polyéthylène, etc. Ils continuaient à vivre dans ces

19 bâtiments.

20 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Témoin, j'y reviendrai peut-être tout à

21 l'heure, mais ces grands bâtiments dont vous nous parlez, ce sont des

22 bâtiments officiels notamment?

23 M. Kacalin (interprétation): Je vous parle de bâtiments résidentiels.

24 M. le Président (interprétation): Monsieur Stamp?

25 M. Stamp (interprétation): Non, non, j'allais me...

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1 M. le Président (interprétation): Vous alliez vous plaindre du caractère

2 directif de la question?

3 M. Stamp (interprétation): Oui, mais le témoin a répondu.

4 M. le Président (interprétation): Vu la réponse du témoin, cette objection

5 ne tient plus. Maître Piletta-Zanin, allez-y.

6 M. Piletta-Zanin: Je reviens sur les bâtiments, vous nous parliez de ces

7 bâtiments d'habitation. Où situez-vous ces bâtiments: en zone périphérique

8 ou en zone non périphérique?

9 M. Kacalin (interprétation): Je vous parle maintenant des lieux qui se

10 trouvaient à proximité ou non loin de l'Holiday Inn. En fait, l'impression

11 que j'ai eue de Sarajevo, c'était d'une sorte d'une seule rue qui allait à

12 partir du centre ou qui allait vers le centre. Et les zones dont je vous

13 parle sont Alipasino Polje, le "champ d'Ali Pasah", où se trouve

14 actuellement le quartier général de l'ONU, et je parle des bâtiments qui

15 se trouvaient le long de cette artère. Certains des immeubles résidentiels

16 que j'ai vus à cet endroit étaient endommagés. Je ne sais pas dans le

17 cadre de quelle bataille, mais, en tout cas, les vitres avaient été

18 détruites; on pouvait voir des impacts de balle sur les murs de ces

19 bâtiments.

20 Il y avait deux bâtiments qui avaient été détruits et qui ont fait une

21 impression extrêmement forte et désagréable sur moi, le bâtiment de l'Unis

22 -une société-, ainsi qu'un bâtiment officiel qui est toujours debout. Je

23 suis allé en mars de cette année à Sarajevo, dans le cadre d'un

24 déplacement professionnel pour faire un reportage au sujet du 10e

25 anniversaire des Accords de Dayton, je m'y suis rendu sur place et j'ai vu

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1 ce que j'avais vu en 1993: il y a toujours des bâtiments qui sont debout,

2 tels que je les avais vus en 1993.

3 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Témoin, quand vous nous parlez d'Alipasino

4 Polje, mais en indiquant que cela se trouve face à l'actuel bâtiment des

5 Nations Unies, est-ce qu'il ne s'agit peut-être pas -et là je dois être

6 directif, Monsieur le Président, parce que je n'ai pas d'autre façon de le

7 dire- d'une autre région qu'on aurait appelée Vojnicko Polje?

8 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, je me souviens

9 quant à moi, et je vois au compte rendu d'audience que le témoin n'a pas

10 dit qu'Alipasino Polje se trouvait en face du quartier général de l'ONU.

11 Ce qu'il nous a dit, c'est que Alipasino Polje -et je cite-: "Là où se

12 trouve actuellement le quartier général de l'ONU".

13 Vous ai-je bien compris, Monsieur le Témoin, avez-vous bien dit que le

14 quartier général de l'ONU se trouve dans une zone que vous connaissez sous

15 l'appellation "Alipasino Polje"?

16 M. Kacalin (interprétation): Je n'affirme pas qu'il s'agit d'Alipasino

17 Polje, je dis simplement que ce terrain de Sarajevo où se trouve

18 actuellement le quartier général de l'ONU et, qu'à côté, ils sont en train

19 de construire une nouvelle mosquée. Je parle d'une zone résidentielle,

20 c'est là que nous avions vu des dégâts à l'époque.

21 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, continuez, s'il

22 vous plaît.

23 M. Piletta-Zanin: Et à part ces immeubles d'habitation sur la partie

24 située plus à l'Est, si je ne me trompe, c'est-à-dire plus vers Stari

25 Grad, après Alipasino Polje vers le centre, avez-vous trouvé d'autres

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1 destructions comparables à celles-ci, oui ou non? Je parle des immeubles

2 d'habitation.

3 M. Kacalin (interprétation): Non.

4 Question: Merci beaucoup. Ces immeubles d'habitation, combien d'étages à

5 peu près?

6 Réponse: 15 à 20. Il s'agissait de bâtiments élevés.

7 Question: Savez-vous s'il aurait été possible de tirer à travers avec une

8 arme légère, quelle qu'elle soit -arme de sniper, arme d'épaule, fusil de

9 chasse, etc.-, de tirer à travers ces bâtiments, oui ou non?

10 Réponse: Je pense que c'était tout à fait possible.

11 M. Piletta-Zanin: Je reformule ma question: je n'ai pas indiqué "tirer à

12 partir de ces bâtiments", mais de "traverser le bâtiment avec des tirs".

13 Pensez-vous qu'avec une arme légère…?

14 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, en premier lieu,

15 j'ai une question pour le Témoin.

16 Monsieur le Témoin, la question qu'on vous a posée, c'était celle de

17 savoir si, au moyen d'un fusil de chasse ou d'un fusil de tireur embusqué,

18 il aurait été possible de tirer à travers ces bâtiments; c'est du moins ce

19 que je lis au compte rendu d'audience. Et, à cela, vous avez répondu: "Je

20 pense que c'était tout à fait possible". S'agit-il de quelque chose que

21 vous auriez mal compris?

22 M. Kacalin (interprétation): Bien entendu que j'ai mal compris parce que,

23 avec un fusil de chasse, il est parfaitement impossible de tirer et de

24 parvenir à transpercer le mur d'un bâtiment. Peut-être avec une arme plus

25 lourde cela aurait été effectivement possible.

Page 13691

1 M. le Président (interprétation): Ce qui veut dire que vous avez cru que

2 cela signifiait qu'on aurait tiré à travers un bâtiment non endommagé,

3 parce que, en fait, si j'ai bien compris, vous, vous avez parlé de tirer à

4 travers un bâtiment, à travers les fenêtres, les murs, tout ce qui se

5 trouve dans le bâtiment. C'est ce que vous avez dit, vous avez dit: "Ça,

6 c'est impossible".

7 M. Kacalin (interprétation): Oui, c'est exact.

8 M. le Président (interprétation): Allez-y, Maître Piletta-Zanin.

9 M. Piletta-Zanin: Bien. Merci, Monsieur le Témoin. La question portait sur

10 un fusil de chasse, mais dois-je recevoir votre question comme valant pour

11 toute arme légère, c'est-à-dire des armes d'épaule, personnelles, quel que

12 soit le type de fusil? Je parle d'armes légères. Oui ou non?

13 M. Kacalin (interprétation): Oui.

14 Question: Merci. J'aimerais que nous nous déplacions, Monsieur le Témoin,

15 et que nous allions du côté de l'hôpital que vous avez visité, c'est-à-

16 dire l'hôpital de Sarajevo -vous l'avez appelé "central". Vous avez dit

17 qu'il était à Kosevo. Nous, nous l'appelons "l'hôpital Kosevo".

18 S'agissait-il d'un hôpital entouré d'un parc, oui ou non?

19 Réponse: Oui.

20 Question: Y avait-il plusieurs bâtiments?

21 Réponse: Oui.

22 Question: Avez-vous pu observer plusieurs ou un seul de ces bâtiments de

23 l'hôpital dit Kosevo?

24 Réponse: Je crois qu'il y en a seulement un. On nous a emmenés dans un des

25 services où il y avait des malades. Nous nous sommes entretenus avec le

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1 médecin en chef qui s'est présenté comme étant le chef du département de

2 neurologie; c'était un chirurgien, il avait été blessé peu de temps

3 auparavant, il venait juste de reprendre ses fonctions à l'hôpital.

4 Question: Lorsque vous êtes allé dans ce bâtiment, était-ce le premier

5 dans le parc, était-ce le deuxième, le troisième, etc., que sais-je? Vous

6 en souvenez-vous?

7 Réponse: Je crois que nous étions dans le bâtiment central. On nous a

8 emmenés au service consacré aux enfants parce que, là où nous sommes

9 allés, les patients étaient des enfants malades.

10 Question: S'agit-il de la maternité, ce qu'on appelle la maternité?

11 Réponse: Non, non, ce n'était pas la maternité. C'étaient des enfants qui

12 avaient 6 à 7, voire 10 ans.

13 Question: Bien. Lors de votre visite des lieux, Monsieur le Témoin, avez-

14 vous pu observer la qualité et l'état des bâtiments? C'est-à-dire

15 s'agissait-il de bâtiments qui auraient été, par exemple, totalement

16 détruits ou que sais-je… ou le contraire? Que pouvez-vous nous dire sur ce

17 que vous avez vu sur ces bâtiments de l'hôpital?

18 Réponse: Eh bien, pratiquement tous les bâtiments étaient intacts. Je n'ai

19 remarqué aucun dégât. L'hôpital fonctionnait normalement, il y avait là

20 des médecins qui soignaient les patients, l'hôpital fonctionnait comme en

21 temps de paix, dans des conditions tout à fait normales.

22 Question: Qu'entendez-vous par là?

23 Réponse: Ce que j'entends par là, c'est qu'il y avait des patients, des

24 personnes malades, il y avait des médecins, des gens qui demandaient à

25 bénéficier de soins médicaux et à qui on les prodiguait sous la forme de

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1 traitements habituels, d'opérations etc., de la même façon que tous les

2 hôpitaux fonctionnent partout dans le monde, à La Haye, à Moscou, peut-

3 être un peu mieux ici que là, mais, en tout cas, c'était un hôpital en

4 état de marche.

5 Question: Est-ce que, par exemple, il y avait des choses non ordinaires?

6 Je ne sais pas, je dis par exemple des salles bondées de patients, des

7 patients dans les couloirs, etc., ou non, au niveau de l'intérieur du

8 fonctionnement?

9 Réponse: Non.

10 Question: Voulez-vous maintenant, je vous prie, nous exposer ce que vous

11 avez vu sur l'extérieur? Est-ce que le parc autour, par exemple de

12 l'hôpital ou des bâtiments, paraissait ravagé? Est-ce que les bâtiments

13 eux-mêmes paraissaient fortement endommagés, etc., ce que vous avez vu,

14 vous, lors de votre visite de 1993?

15 Réponse: Non, non. Il n'y avait rien de tel. Je dirai encore une fois que

16 le bâtiment -mais nous n'avons pas observé en profondeur le fonctionnement

17 de l'hôpital-, mais, en tout cas, l'impression à première vue était que

18 c'était un hôpital normal, qui fonctionnait normalement, qui recevait des

19 patients normaux, des gens blessés. Nous avons également visité un service

20 où il y avait des enfants blessés. Nous n'avons pas vu de couloirs bondés.

21 Tout le monde était dans des lits d'hôpitaux normaux et recevait les soins

22 dispensés par les infirmières et le personnel médical habituel. Ils ont

23 dit effectivement qu'ils souffraient d'un certain nombre de pénuries en

24 matière d'approvisionnement médical, qu'ils ne disposaient pas

25 d'installation pour la transfusion sanguine, mais, à part ça, ils

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1 travaillaient normalement.

2 Question: Quel était généralement l'état des toits du bâtiment ou des

3 bâtiments?

4 Réponse: Les toits étaient dans un état normal et n'étaient pas

5 endommagés. Quand on entre dans un hôpital, on ne regarde pas

6 particulièrement avec attention le toit; on constate que l'hôpital

7 fonctionne normalement et on ne remarque rien d'autre.

8 Question: Avez-vous constaté, Monsieur, la présence d'un cimetière sous

9 cet hôpital, oui ou non?

10 Réponse: Je n'en suis pas certain, sans doute que oui, mais je n'en suis

11 pas sûr parce que, à l'époque, dans beaucoup de rues de Sarajevo, il y

12 avait des cimetières. On n'a pas fait la différence entre le cimetière de

13 Kosevo et d'autres cimetières, mais il y en avait beaucoup.

14 Question: Vous nous avez, Monsieur, parlé du fait que vous n'aviez pas

15 entendu de grenades tomber sur la ville durant votre séjour. Je précise

16 maintenant: cela vaut également durant la nuit, ma question vaut sur 24

17 heures.

18 Réponse: La nuit, quand on est rentrés à notre hôtel, on a entendu des

19 tirs automatiques qui provenaient de très près en direction de la rivière.

20 Mais nos fenêtres ne donnaient pas sur la rue centrale, sur l'autre côté.

21 Difficile de vous décrire la chose, mais en tout cas, nous avons entendu

22 des tirs automatiques qui venaient de ce côté-là et nous avons pu nous

23 rendre compte qu'il y avait des tirs. Il y avait des combats dans la rue;

24 il y avait quelqu'un qui avait ouvert le feu au moyen d'une arme

25 automatique et j'ai entendu des rafales plusieurs fois.

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1 Question: Nous parlons là de rafales d'armes légères, est-ce que c'est

2 cela ce que vous nous dites, ou d'armes lourdes?

3 Réponse: Uniquement d'armes légères.

4 Question: Lors de votre séjour en 1993, Monsieur, avez-vous rencontré des

5 personnalités politiques de Sarajevo, et si oui, lesquelles par ordre

6 d'importance?

7 Réponse: Eh bien, tout d'abord, il y a M. Alija Izetbegovic qui était

8 président de Bosnie-Herzégovine, qui était le dirigeant. Le deuxième que

9 nous avons rencontré était Silajdzic. Nous avons également rencontré des

10 représentants du clergé, j'ai déjà évoqué M. Ceric. Et puis il y avait

11 également le cardinal catholique de Sarajevo. Nous avons également

12 rencontré des représentants de la communauté juive, des Juifs séfarades.

13 Et voilà à peu près tout.

14 Question: Merci. Pouvez-vous nous dire quel a été le contenu de la réunion

15 que vous avez eue avec M. Alija Izetbegovic? Comment cela s'est-il passé,

16 où et comment?

17 Réponse: Cette réunion a eu lieu dans le bâtiment de la présidence. C'est

18 un grand bâtiment où se trouve toujours aujourd'hui la totalité de la

19 direction de la Fédération de Bosnie. Nous avons passé beaucoup de temps à

20 attendre avant de pouvoir entrer. Il s'agit d'un bâtiment où se trouve un

21 grand réseau de couloirs, beaucoup de portes et il y avait beaucoup

22 d'hommes armés à l'intérieur, mais j'ai trouvé normal que la sécurité soit

23 à un si haut niveau puisque, après tout, c'était la présidence où se

24 trouvait également le président.

25 La réunion a été plutôt longue. Il y avait moi, M. Nakasine(phon.). Nous

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1 étions les deux seuls à nous entretenir avec M. Izetbegovic. Nous lui

2 avons demandé quel était l'objet de la guerre, pourquoi la guerre s'était

3 déclarée. Nous lui avons demandé ce qui se passait en Bosnie, pendant

4 combien de temps Sarajevo allait rester dans l'état où elle se trouvait,

5 comment la population de Sarajevo faisait face, comment était la vie à

6 Sarajevo, comment M. Izetbegovic et ses collaborateurs parvenaient à

7 garder le contact avec le monde extérieur? Il nous a dit qu'il était

8 toujours possible de partir, mais qu'ils revenaient toujours, parce que

9 c'est là qu'ils vivaient, c'est là qu'ils habitaient, que cela faisait

10 partie intégrante de leur vie.

11 La réunion a été finalement fort intéressante, parce que M. Izetbegovic

12 est un interlocuteur fort intéressant. C'est quelqu'un qui va toujours au

13 fond des choses et qui entre dans les détails. Je ne me souviens pas de

14 tout cela maintenant, mais je sais que cela a duré une heure et demie.

15 Question: Puisque vous nous indiquez que M. Izetbegovic allait dans les

16 détails, vous a-t-il dit dans le détail ce dont souffrait la population

17 précisément? Et si oui, pourriez-vous nous l'indiquer?

18 Réponse: Il parlait du fait que, à Sarajevo, il y avait beaucoup de gens

19 qui mouraient de la faim, qui mouraient suite à des blessures. Il a dit

20 que la ville était encerclée, qu'il était impossible de mettre un terme à

21 ce siège, qu'on souffrait d'une pénurie d'électricité, d'eau, de pain, que

22 la ville était sous blocus. Et il a dit: "Nous allons tout faire pour

23 supprimer ce blocus, pour mettre un terme à ce blocus par nos propres

24 moyens ou avec l'aide de l'extérieur mais, en tout cas, nous n'allons pas

25 partir." Monsieur Izetbegovic, en fait, répétait ce que d'autres personnes

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1 nous avaient déjà dit, ce que l'homme de la rue disait, puisqu'il parlait

2 en tant que dirigeant du pays.

3 M. Piletta-Zanin: Avez-vous -je sais que c'est "here say", Monsieur le

4 Président, mais cela peut être utile-, avez-vous, puisque vous nous parlez

5 d'électricité, entendu dire dans le milieu des journalistes que peut-être

6 les propres forces de Sarajevo, c'est-à-dire les politiques auraient eux-

7 mêmes provoquer partiellement ces interruptions? Qu'en savez-vous?

8 M. Kacalin (interprétation): (Pas de traduction.)

9 M. le Président (interprétation): Monsieur Stamp?

10 M. Stamp (interprétation): Il s'agit... Je m'interroge au sujet du

11 caractère par ouï-dire, mais aussi il s'agit d'une question qui guide le

12 témoin au sujet des hommes politiques.

13 M. le Président (interprétation): Souvent c'est de la nature à partir de

14 la réponse que l'on peut déterminer si la question est directive ou pas,

15 s'il s'agit d'éléments de preuve par ouï-dire plutôt.

16 Mais veuillez continuer, s'il vous plaît.

17 M. Piletta-Zanin: Lorsque vous nous avez parlé, Monsieur le Témoin, de

18 blocus, cela signifie blocus évidemment dans tous les sens, c'est-à-dire à

19 la fois de l'extérieur vers l'intérieur comme de l'intérieur vers

20 l'extérieur. Sommes-nous d'accord?

21 M. Kacalin (interprétation): La ville était coupée du reste du monde, donc

22 on peut convenir qu'il s'agissait effectivement d'un blocus et les

23 dirigeants de la ville affirmaient qu'il était impossible de sortir,

24 qu'eux-mêmes ne pouvaient sortir, et que la population de manière générale

25 ne pouvait pas non plus sortir. Et ils ont dit qu'il fallait entreprendre

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1 des efforts considérables avec l'aide des Nations Unies, s'il s'agissait

2 pour eux de se rendre quelque part, par le mont Igman pour aller ailleurs,

3 pour aller même à l'autre bout du pays, et que c'était encore plus

4 difficile s'il s'agissait d'aller à l'étranger.

5 Question: Avez-vous posé à M. Alija Izetbegovic des questions de nature

6 plus stratégique? Par exemple, comment s'organisait la défense, comment on

7 se produisait des armements, que sais-je, etc.?

8 Réponse: S'agissant de la défense, je ne pouvais pas poser de questions

9 parce que ce n'est pas mon domaine. Mais tout le monde, non seulement moi

10 mais aussi mon collègue, souhaitait savoir comment Sarajevo parvenait à se

11 défendre sans bénéficier de son propre approvisionnement en armes, sans

12 bénéficier de nouvelles armes.

13 Monsieur Izetbegovic nous a dit qu'il avait la possibilité de fabriquer un

14 certain nombre de munitions, un certain nombre d'obus, qu'ils pouvaient

15 tenir encore un petit peu. C'est à peu près ce qu'il a dit, je ne peux pas

16 jurer sur la Bible qu'il a effectivement dit ça dans ces termes, mais, en

17 tout cas, il a dit quelque chose allant dans ce sens, disant qu'ils

18 avaient la possibilité de se procurer des armes.

19 M. Piletta-Zanin: Bien.

20 Avez-vous jamais, Monsieur le Témoin -puisque vous nous parlez de la

21 possibilité de se procurer des armes-, entendu parler -et ce sera une

22 question dernière avant la pause sans doute- d'opérations spécifiques

23 liées à l'importation d'armes en ville de manière illégale?

24 M. Kacalin (interprétation): A l'époque, on l'ignorait, on n'en savait

25 rien. Mais plus tard, au fil des ans à Sarajevo, non seulement 1993 mais

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1 aussi en 1994 et 1995, et Dayton s'est produit à la fin de l'année 1995,

2 les Accords ont été signés plus tard à Paris. Donc, pendant toute cette

3 période, on a beaucoup parlé du fait que les Bosniens avaient souvent la

4 possibilité d'acheter des armes à l'extérieur. Cependant, je ne peux rien

5 affirmer de la sorte, rien affirmer de la sorte parce c'étaient des

6 informations qui venaient de sources tierces, mais il est très probable

7 que cela se soit passé effectivement de la sorte.

8 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, vous avez indiqué

9 qu'il s'agissait de votre dernière question avant la pause.

10 M. Piletta-Zanin: Oui, avant la pause, c'est ce que je disais, bien

11 entendu.

12 M. le Président (interprétation): Je demande à l'huissier de bien vouloir

13 raccompagner le témoin, car, très brièvement, je souhaite m'entretenir

14 avec les parties du reste de l'après-midi d'audience.

15 (Le témoin, M. Konstantin Kacalin, est reconduit hors du prétoire.)

16 Nous avons passé 70 minutes à interroger ce témoin au principal. Il nous

17 reste 2 heures 20 d'audience cet après-midi.

18 J'en appelle aux parties. Je leur demande de faire en sorte de terminer

19 l'audition de ce témoin aujourd'hui.

20 Maître Piletta-Zanin, avez-vous une idée, quelle qu'elle soit, du temps

21 dont vous avez encore besoin pour en arriver à la fin de notre

22 interrogatoire principal?

23 M. Piletta-Zanin: Ce sera plus bref que ce que nous avions annoncé,

24 Monsieur le Président, étant précisé, je le dis, que mon débit -vous

25 l'aurez constaté- est plus lent que d'habitude pour des raisons

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1 techniques. Et s'il n'y a pas d'autres interruptions, ce sera encore plus

2 bref que ce que je peux indiquer.

3 M. le Président (interprétation): Oui, mais de combien de temps, parce que

4 j'aimerais bien pouvoir planifier l'après-midi? 2vez-vous encore besoin de

5 20 minutes, de 30 minutes?

6 M. Piletta-Zanin: 30 minutes.

7 M. le Président (interprétation): Je pars donc du principe de 30 minutes

8 pour la défense, ce qui fait en tout une heure 40 minutes pour la défense

9 pour ce témoin.

10 Je me tourne vers l'accusation. De combien de temps avez-vous besoin pour

11 contre-interroger ce témoin?

12 M. Stamp (interprétation): En tout cas pas plus que ça.

13 M. le Président (interprétation): Pas plus.

14 Je peux raisonnablement m'attendre de la défense à ce qu'elle utilise 30

15 minutes, si bien que nous pourrons en terminer avec l'audition du témoin

16 aujourd'hui.

17 Nous allons faire une pause de 30 minutes, jusqu'à 16 heures 20.

18 (L'audience, suspendue à 15 heures 47, est reprise à 16 heures 22.)

19 Maître Piletta-Zanin, vous pouvez poursuivre l'interrogatoire du témoin.

20 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Témoin, j'aimerais revenir sur votre

21 interrogatoire.

22 J'aimerais que nous procédions comme cela. Avant la pause, nous avions

23 parlé de votre discussion avec M. Alija Izetbegovic. Est-ce que quelqu'un

24 lui a posé peut-être des questions sur l'existence de prisons, par exemple

25 à Sarajevo?

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1 M. Kacalin (interprétation): De telles questions n'ont pas été posées,

2 même s'il y a eu quelques questions de posées là-dessus, mais pas cette

3 fois-là. Je ne me souviens pas si l'on a posé la question à M. Alija

4 Izetbegovic là-dessus, mais nous savions qu'il y avait de telles prisons à

5 Sarajevo, même avant la réunion.

6 Question: Vous dites que vous étiez au courant de l'existence de telles

7 prisons. S'agissait-il, Monsieur le Témoin, de prisons pour Serbes?

8 Réponse: Non, je ne peux pas prétendre ou affirmer qu'il y avait des

9 prisons pour les Serbes, seulement qu'il y avait des Serbes également dans

10 les prisons. Mais il y a certainement, comme dans tous les Etats, des

11 personnes qui ont commis des crimes pour quelque chose et donc nous

12 savions qu'il y avait des Serbes qui avaient violé la loi et qui se sont

13 retrouvés tout à coup dans des prisons.

14 Question: Bien. Vous nous parlez de criminels. Avez-vous jamais entendu

15 si, à Sarajevo, en quelque sorte quelque chose de comparable à une guerre

16 des gangs se produisait? Et si oui, que pourriez-vous nous en dire?

17 Réponse: De nouveau, nos collègues les journalistes en avaient parlé; les

18 personnes qui vivaient à Sarajevo depuis un bon nombre d'années en

19 parlaient également. Je crois que c'était le correspondant de

20 "Libération", un Français ou il était peut-être belge, je ne me souviens

21 pas, beaucoup d'événements se sont déroulés depuis l'époque en question,

22 mais ils nous ont dit qu'il n'y avait pas seulement la guerre entre les

23 Serbes et les Musulmans à Sarajevo, mais qu'il y avait également des

24 règlements de compte, comme on dirait en Russie; c'est-à-dire qu'il y a

25 des gens qui combattent à l'intérieur même de Sarajevo. Pour ce qui est de

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1 la partie musulmane de la ville, oui il y avait des groupes qui

2 combattaient entre eux-mêmes.

3 M. Piletta-Zanin: Afin qu'on vous comprenne bien, lorsque vous parlez de

4 groupes qui se combattaient entre eux-mêmes, parlez-vous de groupes

5 isolés, individuels ou au contraire, par exemple, de groupes structurés

6 qui auraient fait partie de l'organisation peut-être armée de la défense?

7 M. le Président (interprétation): Je vous écoute, Monsieur Stamp.

8 M. Stamp (interprétation): Tout comme la question précédente, cette

9 question-ci est directive également.

10 M. le Président (interprétation): Oui, effectivement, Maître Piletta-

11 Zanin. Non seulement, il s'agit d'une question directive, mais c'est

12 également une question qui est importante pour la défense si la Chambre a

13 bien compris. Je vous demanderai de bien vouloir faire attention lorsque

14 vous posez des questions si directives, pour ce qui est de ces questions

15 particulièrement.

16 Et je demanderai au témoin de répondre à cette question-ci: que savez-vous

17 personnellement de ces règlements de compte? Quelle est votre connaissance

18 de ces événements-là, des gangs qui se battaient entre eux? Vous nous avez

19 dit à l'instant que vous aviez entendu quelque chose de la part d'un Belge

20 ou d'un Français. Pourriez-vous nous dire ce que vous savez

21 personnellement? Qu'avez-vous pu observer vous-même et quels sont les

22 incidents dont vous avez pu entendre parler par d'autres personnes?

23 M. Kacalin (interprétation): Si je puis, je vais décrire un incident. Nous

24 nous trouvions à l'intérieur d'un hôtel et nous avons entendu des coups de

25 feu pendant la nuit, tout juste à côté de l'hôtel. Il s'agissait de coups

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1 tirés par une arme automatique. Moi, j'ai demandé à un collègue: "Vous

2 êtes ici depuis bien longtemps, est-ce que cela arrive souvent que, tout

3 près d'un hôtel, l'on tire de la sorte?", et mon collègue a répondu,

4 c'était un journaliste, il a dit: "Je ne le sais pas." C'était peut-être

5 un Belge, je ne sais pas, mais je sais que nous nous sommes entretenus en

6 français.

7 Je peux parler la langue française, c'est la raison pour laquelle je me

8 suis adressé à lui en français et il m'a dit que de tels incidents étaient

9 assez fréquents, qu'il y avait des gens qui réglaient leurs comptes entre

10 eux, non pas que c'étaient des règlements de compte entre les Musulmans et

11 les Serbes, mais entre les Musulmans eux-mêmes. Donc je ne peux pas dire

12 que c'était ce qui se passait tout le temps, mais cela se passait dans la

13 partie musulmane de la ville et je l'ai entendu de mes propres oreilles.

14 Nous pouvions également voir cela puisqu'ils utilisaient des balles

15 lumineuses et nous pouvions voir et suivre la trace des balles et c'est ce

16 que mon collègue, qui était français ou belge m'a confirmé.

17 C'est tout ce que je peux dire. Je ne veux pas dire que c'étaient des

18 événements qui se déroulaient tout le temps. C'étaient des balles

19 traçantes.

20 M. le Président (interprétation): Savez-vous si ces groupes de personnes,

21 ces gangs participaient également aux combats qui se déroulaient entre les

22 parties en litige? Est-ce que vous avez une connaissance personnelle de

23 cela?

24 M. Kacalin (interprétation): Non, non, non.

25 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, comme vous le

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1 savez, de façon générale, cette Chambre de première instance permet aux

2 parties d'interroger les témoins. Si, toutefois, il s'avère que des

3 questions très directrices sont posées sur des questions comme celles-ci,

4 il est possible que la Chambre, à ce moment-là, décide de poser des

5 questions additionnelles. Mais je vous prie de poursuivre.

6 M. Piletta-Zanin: Pourrait-on appeler un technicien, puisque j'ai fermé

7 mon ordinateur pour faire comprendre qu'il ne fonctionnait plus. Merci.

8 Monsieur le Témoin, vous venez de nous parler de l'existence de ces balles

9 traçantes. En avez-vous vu vous-même?

10 M. Kacalin (interprétation): Nous étions au huitième étage de l'hôtel,

11 donc nous pouvions apercevoir les balles traçantes.

12 Question: Lorsque vous voyez ces balles, pouviez-vous identifier

13 géographiquement leur provenance et géographiquement leur destination?

14 Réponse: Je répète: mes fenêtres ne faisaient pas face à la rue principale

15 du Holiday Inn, mais plus au sud. Et les tireurs embusqués, il était

16 difficile de voir derrière d'où ils provenaient et où ces échanges se

17 déroulaient. Et il n'était pas très recommandé de se tenir tout près des

18 fenêtres pour essayer d'éviter des conséquences indésirables. C'est la

19 raison pour laquelle je n'ai pas vraiment suivi à chaque fois qu'il y

20 avait eu des coups de feu tirés.

21 Question: Mais saviez-vous si ces coups partaient de la ville? Je dis

22 bien: puisque les balles sont traçantes, pouviez-vous le voir?

23 Réponse: C'était devant l'hôtel et il y avait la colline qui commençait

24 juste là et ça se passait là. Ce que je peux confirmer, c'est que cela se

25 déroulait dans la partie de la ville dans laquelle nous séjournions et

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1 c'était non loin de là. Je sais que le tout se déroulait devant l'hôtel,

2 tout près de l'hôtel et non pas très loin.

3 Question: Merci. Monsieur le Témoin, savez-vous si ces affrontements ont

4 occasionné des victimes et, dans l'affirmative, des victimes peut-être

5 civiles? Qu'en savez-vous?

6 Réponse: Je ne sais rien de ce qui s'est passé plus loin de l'hôtel. Je

7 sais seulement… je connais les événements qui se sont déroulés devant les

8 fenêtres de l'hôtel, mais je n'ai pas l'information me permettant de dire

9 combien de personnes avaient été tuées au cours d'une nuit particulière.

10 Question: Je reviens, Monsieur le Témoin, sur votre visite des vieux

11 quartiers. Lors de celle-ci, auriez-vous vu des signes récents démontrant

12 que des attaques auraient été perpétrées en ville? Par signes récents,

13 j'entends tout ce que l'on peut voir d'habitude comme marques présentes

14 sur les lieux, etc.? Avez-vous vu cela?

15 Réponse: Pour ce qui est de la ville même, plusieurs bâtiments portaient

16 des traces de balles car les adversaires tiraient les uns en direction des

17 autres. Il arrivait très souvent que les balles touchent les bâtiments. Je

18 pouvais donc apercevoir les traces de balles à plusieurs endroits, au

19 centre-ville, pas partout, mais il y avait certainement des traces

20 laissées par les balles qui pouvaient attester du fait qu'une guerre avait

21 lieu.

22 Question: Merci. Lorsque vous êtes retourné sur Sarajevo après cette

23 première visite, pouvez-vous nous indiquer à quelle époque cela se

24 situait, je vous prie? Quelle année? Quelle époque?

25 Réponse: Vous voulez dire quand je me suis rendu à Sarajevo après 1993?

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1 Question: C'est exact.

2 Réponse: A partir de 1995, je me suis rendu à Sarajevo à plusieurs

3 reprises. A l'époque, j'étais déjà correspondant pour les Balkans pour le

4 poste de Radio Maik. Je me suis donc rendu à Sarajevo soi moi-même, tout

5 seul ou accompagné d'un groupe de journalistes. Je me souviens d'être allé

6 une fois avec l'équipe de la télévision de Moscou, un cameraman, et

7 d'autres membres de l'équipe. A cette époque-là, nous avons fait une

8 émission de télévision et, en 1995, j'ai visité Sarajevo à plusieurs

9 reprises. Ensuite, en 1996, j'ai également visité Sarajevo à plusieurs

10 reprises. Je crois même qu'en 1995 le ministre des Affaires étrangères et

11 M. Sergejev, l'adjoint donc du ministre des Affaires étrangères s'y est

12 rendu. Il s'est entretenu avec Silajdzic, Izetbegovic. Il s'est entretenu

13 avec ces derniers pour le poste de Radio Maik, le poste de télévision. Ce

14 qui m'a permis, bien sûr, de parler également à bon nombre de politiciens

15 bosniens, Silajdzic ainsi que des autres.

16 Question: (Inaudible)… à Sarajevo en 1995, pouvez-vous nous dire, je vous

17 prie, concernant l'état des destructions physiques dans la ville de

18 Sarajevo, s'il s'en trouve, s'il s'en est et s'il s'en trouve -pardonnez

19 moi- des différences entre la situation en juillet 1993 et votre retour

20 quelques mois plus tard, en 1995?

21 Réponse: Pratiquement rien n'avait changé. Cette partie-là de Sarajevo

22 était détruite, également le bâtiment d'Oslobodjenje avait été détruit.

23 Pour ce qui est de la tour Unis, elle avait également été détruite. Les

24 bâtiments gouvernementaux se trouvaient dans le même état. Et ce que j'ai

25 vu en 1993 s'est répété en 1995 et 1996; j'ai tout revu les années

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1 suivantes.

2 Et au mois de mars, cette année, je suis retourné à Sarajevo. J'ai parlé

3 avec M. Petrisch, avec M. Klein. Nous avons beaucoup parlé de la paix,

4 comment mettre en place la paix. Ce que j'ai vu en 1993 avait été réparé

5 maintenant, mais il est vrai qu'en 1996 tous les bâtiments étaient dans le

6 même état que lorsque je m'étais rendu à Sarajevo pour la première fois;

7 on aurait dit que tout avait été gelé.

8 Question: Bien. Vous dites le "même état" -afin qu'on vous comprenne bien-

9 entre 1996 ou 1995 plutôt et 1993; est-ce là le sens de votre déposition?

10 Réponse: Oui.

11 M. Piletta-Zanin: Merci. Monsieur le Témoin, avez vous eu l'opportunité…

12 je retire, je formule différemment.

13 Comment les gens, si vous le savez, qui vivaient dans les autres districts

14 de Sarajevo, c'est-à-dire ceux qui n'étaient pas en main dite musulmane,

15 comment est-ce que ces gens la vivaient dans la guerre, comment est-ce

16 qu'ils en souffraient peut-être, etc.? Qu'en savez-vous en votre qualité

17 de journaliste, que pouvez-vous en dire à cette Chambre? Je parle des

18 autres districts que vous connaissez, des districts par exemple de

19 Grbavica, d'Ilijas, les districts extérieurs en mains serbes.

20 M. le Président (interprétation): Je vous écoute, Monsieur Stamp?

21 M. Stamp (interprétation): Cette question est composée de plusieurs

22 questions et chaque partie, chaque volet de la question, qui est à

23 plusieurs volets, comporte des segments directeurs. Je ne suis pas

24 intervenu jusqu'à présent, mais je crois qu'il me faut intervenir à ce

25 moment-ci car on pose une question au témoin, à savoir ce qui se déroulait

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1 dans la partie qui était à l'extérieur de la partie qui était contrôlée

2 par les Musulmans.

3 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin...

4 M. Piletta-Zanin: En quoi cette question serait directrice? J'ai demandé à

5 ce témoin s'il savait comment les gens qui étaient dans les autres

6 quartiers de Sarajevo souffraient. "Comment", ça veut bien dire qu'il peut

7 me répondre: beaucoup, pas du tout, tout allait très bien ou, au

8 contraire, tout allait très mal.

9 Je ne vois pas en quoi c'est directeur que de s'intéresser au côté serbe.

10 Si ça c'est directeur, alors la défense ne posera plus de question.

11 M. le Président (interprétation): Il faudrait peut-être d'abord demander

12 au témoin s'il s'est rendu dans ces districts, s'il les connaît. Et

13 ensuite, lorsqu'on parle de souffrances, oui, c'est du type directeur dans

14 le sens où l'expression neutre serait de demander au témoin quelle est sa

15 connaissance personnelle des circonstances qui prévalaient à telle époque,

16 à quoi ressemblait la vie à l'époque.

17 Mais de poser une question à quel point ils souffraient, cela pré-inclut

18 le fait que ces derniers souffraient. Donc c'est pour cela que cette

19 question est effectivement directive, puisque je n'ai absolument aucune

20 objection à ce que vous parliez de ces questions, les questions que vous

21 voulez soulever en posant cette question, mais c'est la façon dont vous

22 l'avez posée qui la rend directive.

23 M. Piletta-Zanin: Bon, merci.

24 Monsieur le Témoin, tout d'abord, savez-vous si Sarajevo était divisée en

25 plusieurs zones? Mais je crois que vous nous l'avez dit. Essayez de

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1 répondre, s'il vous plaît, par oui ou par non.

2 M. Kacalin (interprétation): Oui.

3 Question: Monsieur le Témoin, que pouvez-vous nous dire de façon générale

4 de la guerre en relation aux autres districts de Sarajevo, si, bien sûr,

5 vous pouvez nous en dire quelque chose?

6 Réponse: Je peux vous dire qu'en 1993, je le répète, je n'ai visité que la

7 partie musulmane de Sarajevo alors que, plus tard, j'ai visité la partie

8 serbe de Sarajevo; c'était pour rendre visite au Bataillon russe car ils

9 étaient là et nous pouvions voir que non seulement les Musulmans étaient

10 les victimes de la guerre, mais également que les Serbes avaient été

11 victimes de la guerre. Ils vivaient également dans des conditions très

12 difficiles, ils comptaient des morts parmi eux, des blessés, ils n'avaient

13 pas assez de médicaments et ainsi de suite.

14 Comme je l'ai dit plus tôt, c'était en 1995. Mais en 1993, je le répète de

15 nouveau, nous étions seulement dans la partie musulmane et ce n'est que

16 plus tard que j'ai pu voir comment les choses… à quoi ressemblait la vie

17 dans la partie qui était contrôlée par les Serbes.

18 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Témoin, puisque vous nous indiquez qu'eux

19 aussi souffraient, si j'ai bien compris, de la guerre, et cela même

20 jusqu'à la fin de celle-ci, pourriez-vous être plus éloquent? Pourriez-

21 vous nous dire concrètement ce que vous avez vu à l'époque qui nous sera

22 sans doute utile plus tard, mais ce que vous, vous avez vu de votre

23 propre...

24 M. le Président (interprétation): Je vous écoute, Monsieur Stamp.

25 M. Stamp (interprétation): Les conditions qui prévalaient dans les régions

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1 qui se trouvent à l'extérieur des zones couvertes par l'Acte d'accusation

2 ne sont pas pertinentes pour ce qui est de la période visée par l'Acte

3 d'accusation. Cela deviendrait pertinent si l'on avait parlé des zones qui

4 se trouvaient à l'extérieur de la période couverte par l'Acte

5 d'accusation.

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Stamp, la Chambre a exprimé à

7 plusieurs reprises la position suivante: c'est que lorsqu'on parle des

8 événements qui se situent à l'extérieur de la période visée par l'Acte

9 d'accusation, il y a toujours une certaine pertinence. La pertinence n'est

10 peut-être pas directe, mais il y a néanmoins certains éléments qui peuvent

11 être pertinents. Si la défense veut bien tenir compte du fait qu'il s'agit

12 d'une pertinence qui est un peu différente, je vous prie de poursuivre.

13 M. Piletta-Zanin: Je note en l'état qu'il m'apparaît qu'il y a aujourd'hui

14 un changement, semble-t-il, de l'Acte d'accusation puisqu'on nous parle

15 d'une restriction territoriale avant tout et non pas une restriction

16 d'ordre chronologique. La défense fait cette remarque pour des raisons

17 purement formelles.

18 Monsieur le Témoin, lorsque vous retournez en 1995, tout d'abord, pouvez-

19 vous nous dire quelle époque? A quelle époque vous allez à Sarajevo:

20 printemps, été, automne, hiver?

21 M. Kacalin (interprétation): Nous y étions au mois d'août 1995. Et après

22 cela, eh bien, c'était difficile de s'y rendre car nous voyagions en

23 voiture ou en bus de Split, nous avons été escortés par un convoi de

24 l'ONU. Nous avons traversé le Mont Igman.

25 Question: (Hors micro.) Je dois vous arrêter pour des raisons de temps,

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1 mais simplement merci. Mais indiquez-nous, si vous le savez, quelles sont

2 les communautés que vous avez visitées? Les quartiers, les districts

3 visités par vous-même?

4 Réponse: En 1996, nous pouvions circuler librement puisque nous y étions

5 escortés par nos représentants de l'ONU, c'est-à-dire le Bataillon russe.

6 Donc nous pouvions sans aucun problème circuler dans la ville puisque nous

7 étions dans les véhicules de l'ONU. Donc nous avons pu tout enregistrer

8 par des caméras. Nous avons fait des interviews avec des représentants, ce

9 qui était très intéressant pour la Russie puisque nous vendions du gaz en

10 Yougoslavie. Donc des questions étaient posées, à savoir pour quelles

11 raisons la Russie ne délivrait-elle pas le gaz à Sarajevo, et c'est pour

12 cela que nous avons décidé de faire une interview avec l'entreprise…

13 Question: Je vous ai posé une question en relation à 1995, 9-5. Est-ce que

14 vous parlez de cette période ou vous parlez d'une autre période

15 maintenant?

16 Réponse: Je parle de l'année 1995, au mois de novembre 1995. Je m'en

17 souviens très bien parce que le 7 novembre...

18 Question: Merci. Si je vous ai posé la question, c'est pour une raison de

19 transcript puisqu'il y a sans doute une erreur de traduction en page 43-6,

20 Monsieur le Président.

21 Cela dit, quelles sont, je vous prie, les zones que vous avez visitées,

22 vous en souvenez-vous, à cette époque?

23 Réponse: Pour commencer, à l'époque la guerre touchait à sa fin et il y a

24 eu des négociations. Les Accords de Dayton se précisaient. A Moscou, on

25 voulait savoir ce qui était en train de se passer à Sarajevo à l'époque.

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1 On voulait savoir quelle était la situation. Est-ce qu'il y avait un

2 cessez-le-feu, est-ce qu'on respectait le cessez-le-feu? Donc nous y

3 sommes allés pour dire à l'opinion publique russe quelle était la

4 situation sur le terrain.

5 Question: Merci. Vous avez parlé des souffrances de la guerre.

6 Brièvement, car j'ai encore deux ou trois petites questions, brièvement:

7 comment avez-vous pu ressentir cela? Comment cela se manifestait dans ces

8 quartiers de Sarajevo? Pouvez-vous nous le dire?

9 Réponse: Comment voulez-vous qu'on se sente dans une ville où il y a la

10 guerre, où la guerre dure depuis un certain moment déjà? Comment parler à

11 ces gens qui se trouvent bloqués, de quelque côté qu'ils soient? Il s'agit

12 d'une tragédie, d'une véritable tragédie nationale. Donc, moi, ce que je

13 voyais, c'étaient des gens simples, des gens ordinaires, quel que soit le

14 degré de patriotisme car, ce qui nous intéressait, c'était ce qui se

15 passait dans la ville. Les gens s'occupaient de leur ville. Chacun, chaque

16 citoyen a eu quelqu'un de perdu, de tué dans sa famille: un frère, un

17 enfant. Parfois, ces gens mouraient dans leurs bras. Et donc il y a eu

18 tellement de tragédies absolument partout, de tragédies humaines…

19 M. Piletta-Zanin: (Hors micro.)

20 M. Kacalin (interprétation): Et on avait, on ressentait cette tragédie

21 absolument partout, surtout en 1993. En 1993, on voyait bien que la vie

22 qui prévalait, qui se déroulait dans la ville n'était pas normale. Il y

23 avait quelque chose de pas normal qui était en train de se produire dans

24 la ville. On savait que, de l'autre côté, il y avait quelqu'un qui

25 combattait. Donc il y avait l'action et contre-action.

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1 Je dois dire que les Russes étaient plus ou moins neutres par rapport aux

2 Musulmans et aux Serbes. Et nous, nous sommes arrivés là comme des

3 journalistes. Nous avons pris des risques. Je connais des collègues de

4 CNN, des collègues français qui ont travaillé...

5 M. le Président (interprétation): (Inaudible.)

6 M. Piletta-Zanin: Merci. Monsieur le Président, simplement pour le

7 transcript, en ligne semble-t-il 14 ou 15 de la page 44, quelque chose est

8 absent. Je crois que nous parlons ici de "blocade"; je crois que le témoin

9 a parlé à chaque fois et pour les deux côtés de blocage, de blocus en

10 fait. Je ne sais pas si l'on pourra le retrouver ou s'il faut que je

11 repose la question. Je pense qu'on pourra le retrouver en cassette audio.

12 M. le Président (interprétation): Oui, je pense que nous devrions tout

13 d'abord demander au témoin s'il a utilisé ce terme "blocus", et si oui,

14 dans quel contexte puisque ce mot, ce terme ne figure pas au compte rendu

15 d'audience.

16 Maître Piletta-Zanin, comme vous avez utilisé ce terme, pourriez-vous

17 élaborer à ce sujet… est-ce que vous avez utilisé ce terme, et si oui,

18 dans quel contexte? Si vous l'avez fait évidemment, si vous l'avez

19 utilisé.

20 M. Kacalin (interprétation): Oui, effectivement. J'ai utilisé le terme

21 "blocus", j'ai dit que mon grand-père avait été tué pendant la Deuxième

22 Guerre mondiale. Il était en train d'apporter des vivres à Leningrad qui

23 se trouvait sous blocus et il est tombé à cause du froid. Donc le blocus

24 de Leningrad, pour moi, cela me rappelle le blocus de Sarajevo. Les gens,

25 qui se trouvaient bloqués dans des villes dans de telles circonstances se

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1 trouvaient dans des situations extraordinaires; ils manquaient de tout,

2 ils manquaient de vivres, ils manquaient de médicaments. C'est à cela que

3 je pense quand je parle du blocus. Je pense aussi bien aux blocus de

4 Sarajevo que de Leningrad.

5 M. le Président (interprétation): Un des Juges a un problème audio. Moi,

6 je reçois l'interprétation sur le canal 4 mais aussi sur le canal 5.

7 (Intervention de l'huissier.)

8 Pourrions-nous vérifier si tout va bien? Apparemment, le Juge Nieto-Navia

9 reçoit aussi le son sur le canal 4.

10 Monsieur le Témoin, est-ce que je peux vous poser une question

11 supplémentaire suite à votre réponse? Vous avez parlé du blocus. Vous avez

12 parlé de la situation à Sarajevo qui vous a rappelé ce blocus de

13 Leningrad. Mais est-ce que vous pourriez nous dire qui était l'auteur de

14 ce blocus, qui a bloqué qui, car vous n'avez pas été très clair à ce

15 sujet? Comment avez-vous vu, vécu cela?

16 M. Kacalin (interprétation): Je crois que ce blocus était réciproque,

17 c'est-à-dire que les Serbes ont combattu les Musulmans, les Musulmans ont

18 combattu les Serbes. La ville était fermée de tous les côtés et je ne sais

19 pas si les Serbes étaient en mesure de quitter le territoire qui était

20 sous leur contrôle, tout comme les Musulmans qui n'étaient pas en mesure

21 de quitter le territoire sous leur contrôle. Et c'est le lien, la seule

22 liaison de Sarajevo qui allait jusqu'à Split, passait par un tunnel. Et

23 d'après ce que je sais, on entrait dans ce tunnel et on se retrouvait dans

24 le Mont Igman. Donc la seule façon d'accéder à la ville ou d'y apporter

25 des vivres était de passer par le Mont Igman, donc il s'agissait d'un

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1 blocus des deux côtés.

2 M. le Président (interprétation): (Pas de traduction.)

3 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Témoin, j'aimerais très rapidement, car il

4 nous reste que quelques minutes, je voudrais savoir si vous avez assisté

5 -et là je vais être très directeur pour une fois-, est-ce que vous avez

6 assisté à un ou plusieurs événements dit de "sniping" à Sarajevo, lorsque

7 vous y étiez à Sarajevo?

8 M. Kacalin (interprétation): Malheureusement je n'en ai pas vu de mes

9 propres yeux, pas personnellement, mais mes collègues ont assisté à des

10 funérailles d'enfants à Sarajevo à l'époque. Un journaliste turc s'est

11 fait tuer lors de telles funérailles. Il a été dit qu'il s'est fait tuer

12 par un tireur embusqué, mais nous ne savions pas qui était l'auteur de ce

13 crime. Irina Vogonina et Nagrasov qui sont des collègues à moi pourraient

14 le confirmer puisqu'ils étaient présents lors de ces funérailles.

15 Question: Je parle de vos connaissances personnelles, Monsieur le Témoin,

16 et non pas de ce que vous auriez pu entendre, nous avons tous pu entendre

17 des choses. Mais vous-même, avez-vous pu, lors de votre séjour, assister à

18 un cas de sniping, oui ou non?

19 Réponse: Non, moi, je n'ai pas été témoin de cela. Mais je me souviens

20 maintenant: pendant que nous attendions une interview avec M. Izetbegovic,

21 je me souviens que ces bâtiments étaient protégés de tous les côtés par

22 d'autres bâtiments du quartier. Donc, moi, j'étais là avec un collègue

23 russe qui travaillait pour un journal russe. Nous voulions prendre des

24 photographies, nous prendre en photo, et il y avait une partie qui était

25 exposée. Quand nous avons traversé cette partie qui n'était pas protégée,

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1 qui était exposée, nous avons entendu un tir de tireur embusqué et c'est

2 la seule chose que je puisse vous dire. C'est le seul témoignage personnel

3 que je peux vous apporter.

4 Question: Quelle a été votre impression de ces faits, non pas

5 nécessairement sur le moment mais après, en y réfléchissant?

6 Réponse: L'impression que j'ai eue, c'est d'avoir été très chanceux de

7 revenir à Moscou, vivant en bonne santé, sans avoir été blessé et le fait

8 que j'ai passé un peu de temps dans une ville où il y avait une guerre où

9 des gens se détestaient au point où ils étaient prêts à s'exterminer

10 mutuellement. Eh bien, j'ai eu l'impression que tout cela ce n'était pas

11 naturel puisque ces gens, ils étaient amis à l'époque, et, tout d'un coup,

12 ils ont commencé à se battre, à s'entre-tuer.

13 Question: Ma question portait sur cet événement dit de "sniping" que vous

14 avez connu et non pas sur l'ensemble de votre voyage. Avez-vous pu

15 interpréter ce tir de "sniping" d'une certaine façon, oui ou non?

16 Réponse: Pratiquement non puisque, quand nous avons demandé qui a fait

17 cela, on nous a répondu que quelqu'un tirait depuis une colline, et

18 c'était difficile de poser des questions. Si vous avez fait l'objet

19 récemment d'un tir de tireur embusqué, eh bien, c'était difficile de faire

20 des enquêtes à ce sujet. Je me suis dit tout simplement que j'étais

21 chanceux, c'est tout.

22 M. Piletta-Zanin: Savez-vous, Monsieur le Témoin, s'il y avait des

23 provocations de la part d'une ou l'autre des parties, notamment en

24 relation à des voyages de journalistes?

25 M. Stamp (interprétation): Question directrice. J'objecte, je trouve que

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1 cette question est directrice.

2 M. le Président (interprétation): Oui.

3 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je croyais que la procédure était

4 que, lorsqu'il y avait des choses qui n'étaient plus guère contestées

5 entre nous, nous pouvions le faire pour gagner du temps, et je crois que

6 ce n'est pas la première fois. Mais si vous estimez que c'est une question

7 trop directrice, je veux bien la reposer.

8 M. le Président (interprétation): Monsieur Stamp, je pense que ce point

9 n'était pas contesté, mais vous avez soulevé une objection.

10 M. Stamp (interprétation): (Pas de traduction.)

11 M. le Président (interprétation): Si vous souhaitez que l'on en parle en

12 l'absence du témoin, dites-le.

13 M. Stamp (interprétation): D'un point de vue général, à savoir que quelque

14 chose aurait pu se passer à un certain moment, eh bien, ceci n'est pas

15 contesté. Mais par rapport à ce témoin précis qui a passé à peu près une

16 semaine à Sarajevo, eh bien, lui mettre dans la bouche une situation

17 particulière, nous considérons qu'il faut objecter à ce sujet.

18 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous reformuler votre question,

19 Maître Piletta-Zanin?

20 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Témoin, avez-vous fait l'objet d'autres tirs

21 semblables d'autres groupes, d'autre tir semblable à celui dont vous nous

22 parlez dans d'autres circonstances, c'est-à-dire ailleurs que -si j'ai

23 bien compris-, à quelques mètres des locaux de la présidence, oui ou non?

24 M. Kacalin (interprétation): Cela ne s'est produit qu'une seule fois,

25 pendant que nous attendions d'obtenir une interview d'Izetbegovic. A part

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1 cet incident, nous n'avons jamais fait l'objet d'autres tirs, ni moi ni

2 mes collègues.

3 Question: Etiez-vous avec des accompagnants de Sarajevo? A ce moment,

4 étiez-vous avec des personnes qui vous accompagnaient, qui étaient des

5 gardes ou des officiels de Sarajevo?

6 Réponse: Il y avait le ministre de l'Information de Bosnie-Herzégovine qui

7 était avec nous. Il était en train de nous escorter. On nous a dit que

8 nous devions nous tenir dans des endroits protégés, pas dans des espaces

9 exposés.

10 Question: Bien. Ces personnes qui vous accompagnaient, à ce moment-là,

11 avaient-elles l'air particulièrement affolées par ce coup de feu?

12 Couraient-elles par exemple dans tous les sens, etc.? Bref, quelle était

13 leur attitude au moment du coup de feu?

14 Réponse: Non, on ne peut pas vraiment parler de panique là-bas; les gens

15 se sont habitués à ces échanges de tirs. Il s'agissait d'une situation

16 tout à fait habituelle, mais...

17 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Témoin, cette placidité de vos accompagnants

18 ne vous a pas paru étonnante après coup? Je reformule cette question.

19 Je reformule. Je reformule. Je reformule.

20 M. le Président (interprétation): Oui. Si vous posez une question

21 directive au témoin et si, ensuite, vous la reformulez, eh bien, vous

22 devriez savoir que le mal est peut-être déjà fait. Donc je vous ai déjà

23 dit que quand vous utilisez des questions directives, si l'on objecte, eh

24 bien, le témoin va devoir peut-être subir des questions supplémentaires.

25 La question qui s'est posée était de savoir si vous avez été surpris par

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1 la réaction des personnes qui étaient en train de vous escorter?

2 M. Kacalin (interprétation): Non, je n'étais pas vraiment surpris. Je vais

3 me répéter si vous voulez, peut-être que la traduction n'était pas bonne.

4 Les gens se sont habitués à ces choses-là, donc cela ne les surprenait pas

5 du tout, alors que pour nous c'était quand même surprenant.

6 M. le Président (interprétation): L'interprétation était bonne, je vous ai

7 très bien compris.

8 Maître Piletta-Zanin, vous nous avez de dit que vous aviez besoin de 30

9 minutes à peu près. Maintenant, cela fait 50 minutes à peu près que cela

10 dure. Donc…

11 M. Piletta-Zanin: J'ai oublié de vous dire que c'était ma toute dernière

12 question, Monsieur le Président.

13 M. le Président (interprétation): Oui, très bien. Puisque nous parlons de

14 surprise, eh bien, je dois dire que nous avons été surpris par la réponse

15 à la dernière question posée par Me Piletta-Zanin. Mais restons sérieux.

16 Monsieur Stamp, c'est à vous.

17 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Konstantin Kacalin, par M. Stamp.)

18 M. Stamp (interprétation): Monsieur, est-ce que vous vous souvenez de la

19 semaine au cours de l'été 1993, au cours de laquelle vous vous êtes rendu

20 à Sarajevo?

21 M. Kacalin (interprétation): C'est difficile de le dire maintenant. Je ne

22 me souviens plus très bien. Je sais que cela s'est produit au mois de

23 juillet mais, vous savez, cela s'est produit aussi il y a 9 ans; je ne

24 suis pas allé seulement à Sarajevo, j'ai voyagé partout dans le monde, et

25 donc c'est difficile de donner les dates exactes de mon séjour. Mais je

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1 sais que c'était au mois de juillet 1993, c'est à ce moment-là que j'ai

2 été à Sarajevo.

3 Question: Vous souvenez-vous du nombre de jours que vous avez passés à

4 Sarajevo?

5 Réponse: Eh bien, c'étaient six jours, soit une semaine.

6 Question: Et à combien de reprises avez-vous visité l'hôpital de Kosevo?

7 Une fois ou plusieurs fois?

8 Réponse: Une seule fois.

9 Question: Et vous avez passé combien de temps là-bas?

10 Réponse: A peu près deux heures.

11 Question: Et les deux heures que vous y avez passées, est-ce que vous les

12 avez passées dans le département de pédiatrie?

13 Réponse: Non. Nous n'étions pas seulement dans le secteur de pédiatrie,

14 nous avons aussi interviewé le chirurgien en chef de l'hôpital qui nous a

15 expliqué le fonctionnement de l'hôpital.

16 Question: Donc vous avez fait une interview de ce médecin principal dans

17 son bureau?

18 Réponse: Oui.

19 Question: Et pendant que vous étiez dans cet hôpital, vous étiez donc dans

20 le service de pédiatrie et dans le bureau du docteur, du chirurgien en

21 chef de l'hôpital?

22 Réponse: Non, non, non. Nous n'étions pas seulement dans le service de

23 pédiatrie. Mais je dois vous dire que j'ai du mal à me rappeler exactement

24 de tous les endroits où nous sommes allés. Ce qui m'a le plus

25 impressionné, c'était le service de pédiatrie. Et ensuite, nous sommes

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1 allés dans d'autres services, mais nous avons aussi passé du temps à

2 interviewer le médecin en chef.

3 Question: Et quand vous circuliez dans Sarajevo, comment le faisiez-vous?

4 Réponse: Eh bien, nous circulions dans une très vieille voiture; en fait,

5 c'était une camionnette, une Volkswagen ou une Ford de fabrication

6 polonaise, qui n'avait pratiquement pas de fenêtres à part le pare-brise,

7 donc on peut dire que toutes les fenêtres étaient occultées. Nous

8 circulions très rapidement avec un chauffeur local qui connaissait très

9 bien ce quartier. Et c'était lui notre escorte principale.

10 M. Stamp (interprétation): Et au cours de ces cinq jours ou de cette

11 semaine que vous avez passée à Sarajevo, est-ce que vous les avez passés

12 du côté de la présidence ou bien est-ce que vous avez visité les deux

13 côtés?

14 M. le Président (interprétation): Monsieur Stamp, cette question a déjà

15 été posée et le témoin y a répondu de façon implicite. Si vous lui

16 demandez si, en 1993, s'il était uniquement du côté de la présidence et

17 ensuite il est revenu en 1995, il suffit de lui demander s'il se trouvait

18 sous l'escorte de Russes. Eh bien, cela voulait dire que, là, il pouvait

19 visiter l'autre côté.

20 Est-ce que je vous ai bien compris parce que vous faites des signes de

21 tête?

22 M. Piletta-Zanin: Navré pour M. Stamp, mais je dois interrompre parce que

23 je ne suis pas sûr de bien comprendre, c'est-à-dire je ne suis pas sûr

24 d'avoir bien entendu. L'expression "legal driver" me paraît surprenante;

25 je ne sais pas ce que l'on peut dire par là, à voir?

Page 13722

1 M. le Président (interprétation): Je n'ai pas entendu cela, je n'ai pas

2 entendu cela mais je n'ai pas lu le transcript.

3 M. Stamp (interprétation): Il a dit "local".

4 M. le Président (interprétation): Oui, qu'est-ce que vous avez entendu?

5 M. Stamp (interprétation): J'ai entendu un "chauffeur local".

6 M. le Président (interprétation): Très bien. Vous pouvez continuer,

7 Monsieur Stamp.

8 M. Stamp (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

9 Monsieur le Témoin, vous avez dit qu'en 1993 en particulier vous aviez

10 l'impression que les gens avaient l'impression que, de l'autre côté, on

11 vivait et c'est ceux-là qui les combattaient. Et voici ma question: qui

12 sont ces gens dont vous parlez? Ces gens qui avaient l'impression que, de

13 l'autre côté, il y avait des gens qui étaient en train de les combattre?

14 Est-ce que vous faites référence aux civils ordinaires de Sarajevo?

15 M. Kacalin (interprétation): Moi, ce à quoi je pensais, ce n'étaient pas

16 des gens ordinaires. Je savais qu'il y avait des deux côtés une armée. Les

17 armées se combattaient, les gens ordinaires en souffraient.

18 M. Stamp (interprétation): Vous avez dit que les gens étaient prêts à

19 s'exterminer mutuellement, que c'était votre impression. Avez-vous eu

20 l'impression que les gens à Sarajevo, ceux que vous avez rencontrés en

21 1993 étaient les victimes d'une tentative d'extermination? Est-ce que

22 c'est ce que vous vouliez dire? Je reprends simplement vos propos.

23 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président...

24 M. le Président (interprétation): Oui, allez-y, Maître Piletta-Zanin.

25 M. Piletta-Zanin: (Hors micro.)… sont possibles en contre-examen, nous

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1 sommes d'accord. Mais ici, je pense qu'avec une telle question nous allons

2 beaucoup plus loin que ce qui est admissible puisque le témoin a utilisé

3 des termes par rapport aux deux parties. On voit bien qu'il s'agit d'un

4 déchirement des jeux entre eux, et non pas de l'une qui voudrait

5 exterminer l'autre qui n'aurait rien fait donc.

6 Je trouve que la question, là, va beaucoup beaucoup trop loin.

7 M. le Président (interprétation): Oui, ce n'est pas... Enfin, du point de

8 vue juridique, demander confirmation du volet d'une réponse qui en compte

9 deux n'est peut-être pas impossible.

10 Mais, Monsieur Stamp, vous nous parlez des gens de Sarajevo, c'est cela?

11 C'est un terme fort général: votre impression sur les gens de Sarajevo que

12 vous avez rencontrés en 1993.

13 Je vais vous poser une question, moi, Monsieur le Témoin. Nous avons donc

14 deux parties en présence: avez-vous eu l'impression que ces deux parties

15 en présence étaient sur le point, avaient l'intention, le désir de

16 s'exterminer mutuellement? Aviez-vous eu l'impression que les Serbes

17 désiraient exterminer la partie adverse que je définirai comme étant les

18 Musulmans et peut-être les Croates de la ville de Sarajevo, alors que les

19 habitants de la ville de Sarajevo étaient sur le point ou souhaitaient

20 exterminer les Serbes qui contrôlaient les autres parties de la ville?

21 Est-ce que c'est ce que vous vouliez dire en donnant la réponse que vous

22 avez faite?

23 M. Kacalin (interprétation): Oui, c'est ce que je voulais dire. Il y avait

24 une guerre qui opposait deux parties.

25 M. le Président (interprétation): Continuez, Monsieur Stamp.

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1 M. Stamp (interprétation): Je comprends bien qu'il y avait une guerre,

2 mais moi, ce que je voudrais savoir, c'est ce que vous entendez lorsque

3 vous nous avez dit ce que vous nous avez dit. Avez-vous eu l'impression

4 que les personnes ordinaires des deux côtés de la ligne de confrontation

5 avaient le sentiment que la partie adverse était prête à les exterminer et

6 qu'ils étaient ciblés par ceux qui se trouvaient de l'autre côté, par la

7 partie adverse?

8 M. Kacalin (interprétation): Je peux simplement répéter que, moi, je ne

9 suis allé que d'un des côtés. Je me suis seulement entretenu avec les

10 habitants de Sarajevo qui habitaient dans la partie musulmane de la ville,

11 et les gens disaient qu'on menait la guerre contre eux et qu'ils étaient

12 prêts à lutter, à se battre avec l'aide de l'armée et avec les armes, et

13 ceci jusqu'au bout.

14 M. Stamp (interprétation): Quand vous dites que les gens sentaient bien

15 qu'il y avait de l'autre côté des gens qui luttaient contre eux et que les

16 gens se haïssaient tellement qu'ils étaient prêts à s'exterminer

17 mutuellement, est-ce que vous voulez dire par là qu'en 1993 les gens de

18 Sarajevo avaient le sentiment qu'ils étaient ciblés par des gens qui se

19 trouvaient de l'autre côté?

20 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président...

21 M. le Président (interprétation): Oui.

22 M. Piletta-Zanin: Cela fait deux fois que M. Stamp pose cette question et

23 je pense que l'on n'est pas autorisé à répéter toujours les mêmes

24 questions lorsqu'il y a été répondu. Cette question a été formulée un peu

25 plus haut et le témoin y a répondu. Je parle tout précisément du fait que

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1 des gens auraient été visés. Merci.

2 (Les Juges se concertent sur le siège.)

3 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, il semble y avoir un

4 malentendu s'agissant d'une de vos réponses au moins, puisqu'une des

5 parties nous dit que la réponse était très claire et l'autre partie nous

6 dit, qu'en fait, on n'a pas vraiment répondu à la question posée. Je vais

7 essayer de voir si j'ai bien compris jusqu'à présent les réponses que vous

8 nous avez données.

9 Avez-vous répondu en disant que vous aviez eu l'impression qu'il y avait

10 une guerre qui faisait rage et que, des deux côtés, les gens se battraient

11 jusqu'au bout, et que, en 1993, vous avez eu cette impression après votre

12 séjour dans la ville? Ce qui signifie qu'à l'époque vous vous êtes forgé

13 l'impression que les habitants de la ville, qui se trouvaient dans la

14 ville, avaient le sentiment de faire l'objet d'une attaque de par le fait

15 de ceux qui se trouvaient à l'extérieur de la ville? Et peut-être, plus

16 tard, avez-vous eu la même impression lorsque vous vous êtes rendu dans

17 d'autres zones de la ville?

18 M. Kacalin (interprétation): Oui, oui vous m'avez bien compris, c'est bien

19 ce que je voulais dire.

20 M. le Président (interprétation): Monsieur Stamp, veuillez passer s'il

21 vous plaît, à un autre sujet.

22 M. Stamp (interprétation): Pendant votre séjour à Sarajevo, avez-vous eu

23 connaissance d'allégations, de déclarations selon lesquelles des civils

24 faisaient l'objet de tirs embusqués, des civils qui se trouvaient à

25 l'intérieur de Sarajevo et qui faisaient l'objet de ces tirs de par des

Page 13726

1 tireurs qui se trouvaient à l'extérieur de la ligne de confrontation?

2 Avez-vous entendu de tels propos pendant votre séjour sur place?

3 M. Kacalin (interprétation): Eh bien, avant mon départ pour Sarajevo, on

4 m'avait prévenu, on m'avait dit qu'à Sarajevo il y avait une guerre de

5 tireurs embusqués.

6 M. Stamp (interprétation): Pendant votre séjour à Sarajevo, on vous a dit

7 qu'il y avait une guerre où intervenaient des tireurs embusqués. Moi, ce

8 que je vous demandais, c'était: pendant votre séjour, est-ce qu'on vous a

9 dit que des civils, qui se trouvaient à Sarajevo, faisaient l'objet de

10 tirs qui venaient de personnes qui se situaient à l'extérieur de la ligne

11 de confrontation?

12 M. Kacalin (interprétation): Eh bien, moi, j'étais civil et j'ai été visé

13 par un tireur, que ce soit intentionnellement ou pas, mais en tout cas

14 cela s'est passé, ça s'est passé, ça m'est arrivé à moi, puisque j'ai

15 failli être la victime d'un tel tir et j'étais civil.

16 M. le Président (interprétation): Oui, mais la question, en fait, c'est de

17 savoir si vous avez entendu dire que d'autres personnes, en plus de vous,

18 si vous avez entendu dire par d'autres qu'il y avait des tirs de ce genre

19 qui visaient les civils dans la ville de Sarajevo, des tirs qui

20 provenaient de personnes situées à l'extérieur. Avez-vous entendu de tels

21 propos? Et je ne parle donc pas de ce que vous avez vécu vous-même,

22 personnellement.

23 M. Kacalin (interprétation): Oui, M. Izetbegovic, M. Silajdzic, le Mufti,

24 tous en ont parlé. Tout le monde en parlait.

25 M. le Président (interprétation): Oui, continuez, Monsieur Stamp.

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1 M. Stamp (interprétation): Je suis désolé, mais je ne suis pas sûr d'avoir

2 compris votre réponse. Vous avez donné le nom d'un certain nombre de

3 personnes d'un certain niveau, eux, et vous avez dit qu'ils en ont parlé.

4 Et puis, ensuite, vous avez continué en disant: "Tout le monde, tout le

5 monde en parlait." Est-ce que les journalistes, est-ce que l'homme de la

6 rue à Sarajevo, est-ce que les gens avec qui vous vous êtes entretenus en

7 parlaient, en ont parlé?

8 M. Kacalin (interprétation): Oui, y compris les journalistes et les

9 civils.

10 Question: Et bien entendu, dans les médias et à CNN notamment, on parlait

11 de cela?

12 Réponse: MOui, les journalistes en parlaient sur CNN, à la BBC, on en

13 parlait et puis il y avait des journalistes sur place bien sûr, des

14 représentants des Nations Unies, et ces informations étaient corroborées

15 par des organisations internationales, par toutes les parties en présence,

16 par les habitants de Sarajevo et par les représentants officiels de la

17 Bosnie-Herzégovine.

18 M. Stamp (interprétation): Et ces informations au sujet des tirs embusqués

19 dont vous nous dites qu'elles étaient confirmées par tous, je voudrais

20 savoir si ces informations, si vous avez reçu des informations allant dans

21 le même sens au sujet du pilonnage visant les civils à Sarajevo?

22 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je fais une objection relative à

23 l'expression "by all sides" qui me paraît extrêmement ambigu. Il

24 semblerait par exemple, si je la comprends comme je la lis ou si je la lis

25 comme je la comprends, que ce "all sides" puisse inclure par exemple

Page 13728

1 l'acception de la partie serbe.

2 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, la question

3 faisait référence à la réponse qui venait d'être donnée. Et je pense qu'on

4 y explique bien ce que l'on entend par "tous les côtés", et qu'il n'y a

5 pas de confusion. Veuillez continuer, Monsieur le Procureur.

6 M. Stamp (interprétation): Ma question était de savoir si ces informations

7 que vous avez reçues au sujet des tirs embusqués, dont vous nous dites

8 qu'elles étaient confirmées par tous et rapportées dans la presse

9 internationale, je voudrais savoir si vous avez reçu des informations

10 semblables au sujet de pilonnages visant des civils pendant votre séjour à

11 Sarajevo en 1993?

12 M. Kacalin (interprétation): Non, il n'y a pas eu d'incidents de ce genre

13 pendant la période que j'ai passée sur place. J'ai déjà dit que je n'étais

14 pas présent lors des attaques d'artillerie contre la ville, donc on n'en a

15 pas parlé. Mais tous mes collègues occidentaux, et je le répéterai

16 maintenant, il y avait une guerre et, des deux côtés on tirait; c'était

17 donc très difficile: quand une partie tirait contre l'autre

18 silencieusement, l'autre réagissait bruyamment. Je le répète, c'était la

19 guerre et il y avait des combats.

20 Question: Et pendant votre séjour à Sarajevo en 1993, avez-vous eu des

21 informations au sujet du pilonnage des civils? Avez-vous reçu des

22 informations dans ce sens à Sarajevo? C'est la même question que celle que

23 je viens de vous poser et si vous y répondez, je passerai à autre chose.

24 Réponse: Pendant notre séjour, il n'y a pas eu d'incidents de ce genre, on

25 en a parlé, on a parlé du fait que certains incidents de ce genre étaient

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1 survenus avant notre arrivée.

2 Question: Avez-vous entendu parler d'un incident qui aurait eu lieu le 12

3 juillet 1993 et à l'issue duquel des civils ont été tués, où il y a eu

4 beaucoup de blessés? C'est un endroit qui se trouvait au niveau de la

5 pompe en haut de Dobrinja à Sarajevo?

6 Réponse: On en a parlé. Les gens qui en parlaient ont raconté que cela

7 s'était passé. On en a parlé sur CNN, nos confrères en parlaient, mais

8 moi, je n'ai pas été témoin de cet incident. Tout ce que j'ai vu, ce sont

9 les images qui sont passées à la télévision.

10 Question: Etes-vous allé à Dobrinja pendant votre séjour à Sarajevo en

11 1993?

12 Réponse: Je ne sais pas ce que c'est Dobrinja, parce que la zone de la

13 ville où nous avons passé la plupart du temps, nous y sommes allés depuis

14 l'aéroport au centre en passant par le village qui avait été pratiquement

15 détruit. Donc nous sommes restés essentiellement au centre-ville, nous ne

16 nous sommes pas déplacés autrement car, à ce moment-là, la possibilité de

17 se déplacer était plutôt limitée; on ne pouvait pas déambuler dans la

18 ville en toute simplicité.

19 Question: Je vous entends bien quand vous nous dites que vous ne vous êtes

20 pas tellement déplacé en dehors du centre, que vous êtes essentiellement

21 resté au centre-ville. Mais ce que je voudrais que vous m'expliquiez,

22 c'est ce que vous entendez par "déplacement limité"? Voulez-vous dire par

23 là qu'il était périlleux de se déplacer dans d'autres zones de la ville?

24 Réponse: Si on est allés à l'hôtel en véhicules blindés -transports de

25 troupes du Bataillon ukrainien- et même chose pour retourner à l'aéroport,

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1 ça voulait bien dire qu'il était dangereux de se déplacer.

2 Question: Vous nous dites avoir vu des gens être enterrés à côté de

3 certaines rues. Pouvez-vous nous dire où? Ou plutôt, pouvez-vous nous dire

4 pourquoi ceci avait lieu?

5 Réponse: Je n'ai pas vu de gens être enterrés dans les rues. Je disais

6 qu'on nous avait dit qu'il existait un certain nombre de cimetières

7 partout en ville parce qu'il y avait beaucoup de gens qui mouraient ou qui

8 étaient tués, mais je n'ai assisté à aucun enterrement; donc c'est

9 difficile à dire. Et puis, ce n'était pas dans la rue où j'étais, c'était

10 un ancien boulevard, et à côté du stade. Mais les Musulmans ne cessaient

11 de dire que beaucoup de monde mourait ou se faisait tuer en ville et que

12 c'était pour cela qu'il y avait beaucoup de cimetières dans la ville.

13 M. Stamp (interprétation): Je n'ai plus de questions pour le témoin.

14 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin?

15 M. Piletta-Zanin: Avec votre permission, il y a peut-être une nécessité de

16 reposer rapidement trois questions, si cela est possible?

17 M. le Président (interprétation): Ceci dépend. Puisque vous êtes autorisé

18 à poser des questions au sujet d'éléments qui découlent du contre-

19 interrogatoire, il n'est pas possible de revenir sur ce qui a été abordé

20 dans le cadre de l'interrogatoire principal. Veuillez donc nous faire

21 savoir l'objet de vos questions et nous expliquer la mesure dans laquelle

22 vos questions se rapportent au contre-interrogatoire. A ce moment-là, nous

23 pourrons vous répondre.

24 M. Piletta-Zanin: Bien. Mais mes questions portent...

25 M. le Président: Votre microphone ne fonctionne pas parfaitement.

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1 M. Piletta-Zanin: Je ne sais pas s'il ne fonctionne pas, mais il devrait

2 fonctionner.

3 M. le Président (interprétation): Oui, je vois bien qu'il y a une petite

4 lumière rouge au niveau de votre micro, donc il devrait fonctionner. Est-

5 ce que les interprètes vous entendent bien? Oui, bien.

6 (Interrogatoire principal supplémentaire du témoin, M. Konstantin Kacalin,

7 par Me Piletta-Zanin.)

8 M. Piletta-Zanin: Merci.

9 Nous avons trois questions, Monsieur le Président, et elles nous

10 paraissent résulter du contre-interrogatoire.

11 Première question: vous avez répondu, Monsieur le Témoin, avoir vu des

12 reportages télévisés de l'incident du 12 juillet 1993, c'est-à-dire un

13 bombardement de personnes faisant la queue pour l'eau. Pouvez-vous nous

14 dire ce qui a été filmé? Par exemple, s'agissait-il de quelque chose...

15 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, est-ce que vous

16 pouvez simplement demander au témoin ce qu'il a vu?

17 M. Piletta-Zanin: Tout à fait. Dites-nous simplement ce que vous avez vu

18 de ces reportages?

19 M. Kacalin (interprétation): Sur CNN, ils ont dit que des gens qui

20 attendaient dans une file d'attente pour obtenir de l'eau ont été

21 bombardés, ou plutôt, qu'ils avaient été pris dans des tirs, qu'ils

22 avaient été tués. Donc on n'a pas vu le moment où les bombardements

23 s'étaient produits, mais on a vu les résultats. On a vu les gens qui

24 avaient été tués parce qu'il y avait eu un tir de mortier. Et c'est ça

25 donc qu'on a vu sur cette chaîne américaine de télévision.

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1 Question: Vous nous parlez de personnes décédées, avez-vous vu d'autres

2 personnes dans ce reportage Que des personnes décédées?

3 Réponse: Pour être très franc, je ne me souviens plus de tous les détails,

4 mais je ne me souviens que l'essentiel de ce reportage, c'est que des gens

5 qui faisaient la file d'attente, ils étaient dans une file d'attente parce

6 qu'on manquait d'eau, donc ces gens s'étaient fait tuer. Et c'était un

7 reportage très caractéristique du journalisme à l'américaine, on nous a

8 montré les événements, un commentaire sur ce qui c'était passé, et puis

9 voilà.

10 Question: Le Procureur vous a posé des questions tout à l'heure sur des

11 sources d'information en citant notamment CNN et BCC. Quelle était votre

12 impression sur ces sources d'information, c'est-à-dire sur les médias à

13 l'époque de la guerre?

14 Réponse: Etant donné qu'il n'y avait pas d'autres sources d'information,

15 puisqu'il n'y avait que des journalistes occidentaux qui travaillaient à

16 Sarajevo, ils parlaient uniquement de ce qui se passait à l'intérieur de

17 la ville et ils présentaient les choses de leur point de vue, de la

18 manière dont ils le voyaient. Un de mes confrères grecs était là depuis

19 longtemps à Sarajevo, il a reçu un certain nombre de décorations et de

20 récompenses pour son travail. Donc les gens travaillaient là et montraient

21 ce qui se passait à Sarajevo, et ceux qui travaillaient du côté serbe

22 montraient ce qui se passait du côté serbe. Voilà ce que je sais.

23 Les autres sources d'information, à savoir les journalistes russes, il n'y

24 en avait pas puisqu'il n'y avait pas de journalistes russes, là, qui

25 travaillaient pour nos chaînes de télévision. Christiane Amanpour, la

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1 correspondante de CNN Sarajevo, y est restée pas mal de temps

2 Et puis, il y avait des journalistes qui ont… par exemple Vladimir

3 Solovjov avec un caméraman qui a travaillé du côté serbe; c'étaient des

4 gens qui allaient depuis Belgrade dans la partie serbe de Sarajevo. Ils

5 ont montré l'évolution de la situation du côté serbe à Sarajevo et les

6 journalistes occidentaux ne fournissaient des informations que sur ce qui

7 se passait du côté bosniaque de Sarajevo. Nous, nous sommes allés sur

8 place, l'émission "Vreme"(phon) afin de montrer quelle était la situation

9 à l'intérieur même de Sarajevo, mais ça, c'était en 1995. C'est en 1995 je

10 que je suis allé sur place pour réaliser des images pour cette émission

11 précise.

12 M. Piletta-Zanin: Vous avez utilisé tout à l'heure, Monsieur le Témoin,

13 les termes "d'exterminer". Je crois que vous avez finalement parfaitement

14 expliqué ce que vous vouliez penser. Connaissez-vous éventuellement un

15 objet symbolique quelconque à Sarajevo -je parle surtout d'immeuble ici-,

16 qui aurait pu faire l'objet de destructions telles qu'il justifierait cet

17 emploi "d'exterminer"? J'entends par là d'objets culturels ou autres. Par

18 oui ou par non, je vous prie.

19 Je retire ma question.

20 M. le Président (interprétation): Monsieur Stamp?

21 M. Stamp (interprétation): (…)

22 M. Piletta-Zanin: Plus d'autres questions.

23 M. le Président (interprétation): Plus d'autres questions. J'ignore quelle

24 aurait été l'objection présentée par M. Stamp, mais j'aimerais attirer

25 votre attention sur le fait que le terme de "exterminer" a été utilisé

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1 pour la première fois dans le cadre de l'interrogatoire principal, et que

2 la deuxième partie de votre question n'avait pratiquement rien à faire

3 avec le contre-interrogatoire. Mais étant donné que vous avez retiré cette

4 question, peu importe.

5 (Les Juges se concertent sur le siège.)

6 Etant donné que les Juges n'ont pas une mais plusieurs questions à vous

7 poser, le moment est bien choisi pour faire la pause, et c'est après cette

8 pause que les Juges vous poseront leurs questions. Cela ne prendra pas

9 beaucoup de temps, rassurez-vous. Nous reprendrons à 18 heures 05.

10 (La séance, suspendue à 17 heures 47, est reprise à 18 heures 07.)

11 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, M. le Juge Nieto-

12 Navia souhaiterait vous poser une question.

13 (Questions au témoin, M. Konstantin Kacalin, par M. le Juge Nieto-Navia.)

14 M. Nieto-Navia (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

15 Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que, lorsque vous êtes arrivé à

16 Sarajevo, on vous a fait aller de l'aéroport jusqu'à l'hôtel dans un

17 véhicule appartenant à un véhicule blindé de transport de troupes avec des

18 soldats ukrainiens.

19 J'ai une question à ce sujet: j'aimerais savoir si ce véhicule blindé de

20 transports de troupe avait des vitres et s'il s'agissait de vitres de

21 grande ou de petite dimension. Et je voudrais savoir si vous avez été en

22 mesure, facilement, de voir la ville.

23 M. Kacalin (interprétation): Un véhicule blindé de transport de troupes

24 russe, c'est un grand véhicule, nous avons tous pu entrer dedans; nous

25 avons pu voir, par l'intermédiaire de la petite fenêtre qui sert à tirer.

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1 Et à un moment, ils ont même ouvert une portière, ce qui nous a permis de

2 pouvoir regarder. C'était un moment où l'on passait dans une zone sûre si

3 bien que nous avons eu, à moult reprises, la possibilité de voir ce qui se

4 passait.

5 M. le Président (interprétation): Merci, Monsieur.

6 M. Nieto-Navia (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

7 M. le Président (interprétation): M. le Juge El Mahdi a également une

8 question à vous poser.

9 (Questions au témoin, M. Konstantin Kacalin, par M. le Juge El Mahdi.)

10 M. El Mahdi: Merci, Monsieur le Président.

11 S'il vous plaît, Monsieur, si je comprends bien, votre visite à Sarajevo

12 de 1993, la première visite était une visite consacrée à la ville de

13 Sarajevo. Durant votre témoignage, vous avez évoqué quelque chose d'une

14 ville complètement détruite. Vous avez dit "à part un village complètement

15 détruit". Si je comprends bien: est-ce que c'est un quartier ou c'est une

16 zone dans la ville ou bien, c'est un village à côté de la ville que vous

17 avez eu l'occasion de visiter?

18 Si je me réfère à la page 60 du transcript, je vous cite en anglais: "Le

19 village qui était complètement détruit". Est-ce que vous pouvez m'informer

20 un peu plus? Merci.

21 M. Kacalin (interprétation): Oui, je peux vous expliquer. Lorsque nous

22 avons emprunté ce véhicule blindé de transport de troupes ukrainien, nous

23 avons vu à côté de l'aéroport un quartier de Sarajevo ou une banlieue de

24 Sarajevo où toutes les maisons étaient pratiquement détruites; certaines

25 n'avaient plus de toits. Il y avait certaines maisons qui avaient été

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1 complètement détruites, d'autres qui avaient été gravement endommagées.

2 J'ai également dit que le bâtiment du Journal "Oslobodjenje", lui aussi

3 avait été détruit. J'ai également pu constater que les vitres du bâtiment

4 Unis étaient brisées. Le bâtiment de l'Unis n'était pas détruit, mais il

5 avait été incendié. Voici un exemple des dégâts que j'ai pu constater.

6 J'ai également parlé de l'hôtel Europe qui, lui aussi, a été détruit.

7 Cet itinéraire, donc, qui nous amenait de l'aéroport à Sarajevo, je ne

8 sais pas vraiment comment s'appelle cet endroit; en tout cas, c'est cela

9 que j'ai vu et j'ai également vu un certain nombre de bâtiments à

10 l'intérieur de Sarajevo, bâtiments qui avaient été détruits.

11 Question: Merci beaucoup. Donc, par village, vous voulez dire "quartier",

12 un quartier de la ville?

13 Réponse: Oui, c'est exact, parce que c'était une partie de Sarajevo, la

14 partie qui se trouvait à côté de l'aéroport Butmir.

15 Question: Merci, Monsieur. Une autre question si vous le voulez.

16 Vous avez parlé des enfants blessés que vous avez vus à l'hôpital durant

17 votre visite à l'hôpital. Est-ce que vous savez de quoi ils étaient

18 blessés? Par qui? Dans quelles circonstances? Et à quel âge? Ils avaient

19 enfin entre quel âge et quel âge? Et leur nombre? Enfin, est-ce que vous

20 pouvez m'informer un peu plus, s'il vous plaît?

21 Réponse: J'ai dit qu'il y avait des enfants qui avaient jusqu'à l'âge de

22 10 ans et ils avaient des blessures diverses. On nous a dit qu'ils avaient

23 été blessés au cours des combats, au cours des pilonnages, qu'il y avait

24 des obus qui s'étaient écrasés dans des aires de jeux réservés aux

25 enfants. J'ai vu des enfants qui n'avaient plus de bras, j'ai vu des

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1 enfants qui avaient été blessés à l'abdomen. C'est les enfants qu'on nous

2 a montrés. Quant à vous dire où exactement ces enfants avaient été

3 blessés, je ne saurais vous le dire. Il nous a suffi de voir ces enfants

4 blessés pour nous faire une idée de la tragédie qui se déroulait dans

5 cette ville.

6 Question: Et à propos de leur nombre, vous pouvez nous informer un peu

7 plus?

8 Réponse: Je ne sais pas combien il y avait d'enfants dans ce service, 7,

9 8, 9, je ne saurais le dire avec précision, mais il y avait un nombre

10 important d'enfants. Et ces enfants portaient des blessures telles que

11 cela a créé en moi une impression fort tragique.

12 Question: Merci, Monsieur. Vous avez dit aussi que le chirurgien de

13 l'hôpital qui vous a reçu a été lui-même blessé. Est-ce qu'il vous a

14 parlé? Il a été blessé pendant sa fonction à l'hôpital ou à l'extérieur?

15 Réponse: En premier lieu, il s'agissait d'un homme et pas d'une femme. Un

16 homme qui avait 45 à 50 ans et qui ne m'a pas dit comment il avait été

17 blessé. Il m'a simplement dit qu'il n'était revenu que peu de temps

18 auparavant au travail. Il m'a parlé de son travail, il m'a parlé du

19 fonctionnement de l'hôpital ensuite.

20 Question: Merci. Ma dernière question, je m'excuse, mais il s'agit de ce

21 que vous avez évoqué dans votre témoignage en parlant -je vous cite-, vous

22 avez dit: "La ville souffrait et spécialement en 1993." Donc, si je

23 comprends bien, en 1993, vous n'avez visité que la partie de la ville sous

24 contrôle de la présidence. Donc vous voulez bien dire que la ville que

25 vous voulez décrire comme souffrante, c'est la ville sous la présidence

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1 mais pas d'autres zones qui peuvent être du côté serbe?

2 Réponse: Je me suis trouvé dans la partie musulmane de Sarajevo. Pour ce

3 que je sache, c'est que, lorsque nous nous déplacions de l'aéroport vers

4 l'hôtel, on m'a dit plus tard, on m'a informé qu'il s'agissait de la zone

5 serbe. Donc, s'agissant de destructions qui avaient eu lieu, que j'ai

6 trouvées à l'époque, les dégâts ne s'étaient pas déroulés en 1993 mais une

7 année auparavant, en 1992; c'est ce que mes collègues m'ont dit.

8 Question: Oui, alors une petite vérification, s'il vous plaît: quand vous

9 dites "la ville souffrait", vous voulez dire la ville que vous avez vue ou

10 la partie de la ville qui était sous l'autorité serbe ou la ville dans le

11 sens large du mot, la ville des deux côtés? Parce que vous avez parlé de

12 1993.

13 Réponse: Au sens plus large du terme, des deux côtés cela se déroulait.

14 M. El Mahdi: Merci, Monsieur. Merci, Monsieur le Président.

15 (Questions au témoin, M. Konstantin Kacalin, de M. le Président.)

16 M. le Président (interprétation): Monsieur Kacalin, j'ai deux questions à

17 votre endroit, et les deux questions concernent l'hôpital. Vous avez

18 décrit l'hôpital y inclus le service des enfants. Vous nous avez dit que

19 les choses se déroulaient de façon relativement normale. Vous nous avez

20 également parlé d'enfants blessés, vous n'avez pas le nombre exact. Mais

21 est-ce que vous pourriez nous donner une idée du nombre ou du pourcentage

22 de patients dans le service consacré aux enfants qui étaient traités pour

23 des blessures, après avoir été blessés? Et quel était le pourcentage de

24 maladies, le pourcentage d'enfants malades qui ne comportaient pas de

25 blessures qu'un visiteur pouvait voir de façon apparente?

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1 M. Kacalin (interprétation): Il nous ont simplement montré le service des

2 enfants blessés. Pour ce qui est du nombre de patients qui s'y trouvaient,

3 on ne nous a pas parlé de cela.

4 Question: Non, je vous ai simplement posé une question concernant les

5 étages ou les services que vous aviez vus, il s'agissait peut-être

6 d'autres enfants ailleurs, mais quel était le pourcentage des enfants à

7 qui l'on administrait des soins pour des blessures? Donc qui avaient des

8 blessures que vous pouviez voir, qui étaient visibles? Je ne parle pas

9 bien sûr de patients que vous n'avez pas vus.

10 Réponse: Il nous ont montré l'étage consacré aux personnes qui étaient les

11 plus grièvement blessées.

12 Question: Si je vous ai bien compris, vous avez dit que le service auquel

13 vous vous êtes rendu au sein de la clinique était un service qui

14 administrait des soins aux personnes qui étaient blessées, plutôt que

15 d'administrer des soins aux patients qui étaient malades.

16 Réponse: Il s'agissait d'un service qui était simplement consacré aux

17 enfants blessés. Ils nous ont montré ce service car ils voulaient que l'on

18 voit qu'il y avait un bon nombre d'enfants qui avaient été blessés

19 grièvement.

20 Question: Vous nous avez dit que vous n'aviez pas remarqué des dégâts sur

21 le toit, mais ce n'était pas bien sûr la première chose que vous regardiez

22 lorsque vous visitiez un hôpital. Est-ce que vous savez s'il s'agissait de

23 toits en pente ou étaient-ce des toits plats?

24 Réponse: Il s'agissait de bâtiments modernes et ils étaient tous munis de

25 toits plats. Ce n'étaient pas des toits en tuiles céramique.

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1 Question: Bien. Je vois. Donc est-ce que ça voudrait dire que, si vous

2 vous trouviez par exemple au rez-de-chaussée et que s'il y avait eu des

3 dégâts causés au toit, vous ne l'auriez pas vu car les toits étaient

4 plats? Et même si vous aviez porté attention au toit, vous ne les auriez

5 pas vus, vous n'auriez pas vu les dégâts causés au toit?

6 Réponse: Nous n'avions pas vraiment porté attention. Mais je répète de

7 nouveau, car je me souviens maintenant d'une chose: il était fort probable

8 que les toits, que le toit de l'hôpital n'avait pas été détruit parce que

9 l'hôpital continuait de fonctionner de façon normale, comme d'habitude, et

10 administrait des soins aux patients malades, aux enfants blessés ainsi

11 qu'aux adultes.

12 M. le Président (interprétation): Merci, pour vos réponses.

13 Je vous écoute, Maître Piletta-Zanin.

14 M. Piletta-Zanin: Merci, Monsieur le Président. Une seule question qui

15 résulte d'une question.

16 M. le Président (interprétation): Vous connaissez la façon de procéder.

17 (Questions supplémentaires au témoin, M. Konstantin Kacalin, par Me

18 Piletta-Zanin.)

19 M. Piletta-Zanin: Je vais vous demander de bien vouloir répéter parce que

20 je n'ai pas... Bien, merci beaucoup, merci.

21 Monsieur le Témoin, à une question de son excellence, M. le Juge El Mahdi,

22 vous avez répondu que vous étiez passé à travers ou à côté d'une zone

23 serbe à partir de l'aéroport. Ma question est la suivante, elle s'articule

24 en deux volets.

25 Premièrement, cette zone serbe contenait-elle des états de destruction

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1 très importants, ce que je crois avoir compris chez vous?

2 Et deuxièmement, savez-vous s'il s'agissait du quartier que l'on appelle

3 Nedzarici?

4 M. Kacalin (interprétation): Je répète que du côté gauche, alors qu'on

5 arrive depuis l'aéroport, on rencontrait d'abord un village. Ensuite, j'ai

6 appris des officiers ukrainiens qu'il s'agissait d'une zone serbe et qu'on

7 avait détruit plusieurs demeures à cet endroit-là. Les maisons étaient

8 d'un étage ou deux étages. Je vais répéter de nouveau: donc, lorsque nous

9 avons dû passer par une partie de la ville -et je ne connais pas le nom de

10 cette partie de la ville.

11 M. Piletta-Zanin: Merci beaucoup.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Kacalin, cela met fin à votre

13 témoignage dans cette salle d'audience. Je sais que vous êtes venu de très

14 loin. Je vous remercie de vous être déplacé, d'avoir répondu aux questions

15 posées par les deux parties ainsi que par les Juges et je vous souhaite un

16 bon voyage.

17 M. Kacalin (interprétation): Merci.

18 (Le témoin, M. Konstantin Kacalin, est reconduit hors du prétoire.)

19 M. le Président (interprétation): Monsieur l'huissier, je vous prie

20 d'escorter le témoin à l'extérieur de la salle d'audience et, en même

21 temps, je me tourne vers la défense. Je souhaiterais savoir si la défense

22 est prête à faire appeler le prochain témoin?

23 (Signe affirmatif de la défense.)

24 Monsieur l'huissier, veuillez, s'il vous plaît, donc faire entrer le

25 prochain témoin.

Page 13742

1 (La Greffière s'entretient avec le Président.)

2 (Le témoin, M. Miodrag Lazic, est introduit dans le prétoire.)

3 M. le Président (interprétation): Bonjour. Pouvez-vous m'entendre dans une

4 langue que vous comprenez?

5 M. Lazic (interprétation): Très bien.

6 M. le Président (interprétation): Vous êtes le Docteur Lazic, je présume?

7 M. Lazic (interprétation): Oui.

8 M. le Président (interprétation): Docteur Lazic, avant de témoigner devant

9 ce Tribunal, le Règlement de procédure et de preuves exige que vous

10 fassiez une déclaration solennelle, disant que vous allez dire la vérité,

11 toute la vérité et rien que la vérité. Le texte de cette déclaration

12 solennelle vous sera remis par l'huissier et je vous demanderai de faire

13 cette déclaration solennelle.

14 M. Lazic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

15 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

16 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Docteur Lazic. Je vous

17 prie de vous asseoir.

18 Ce sera d'abord au tour de la défense de vous poser des questions, je ne

19 sais pas s'il s'agira de Me Pilipovic ou de Me Piletta-Zanin.

20 M. Piletta-Zanin: Si vous m'y autorisez, Monsieur le Président, votre

21 serviteur, puis Me Pilipovic dès lors que nous avons dû travailler

22 différemment. Merci.

23 M. le Président (interprétation): Je vous prie de commencer.

24 (Interrogatoire principal du témoin, M. Miodrag Lazic, par Me Piletta-

25 Zanin.)

Page 13743

1 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Témoin, bonjour.

2 M. Lazic (interprétation): Bonjour.

3 M. Piletta-Zanin: Je vous serais gré, dans la mesure du possible, de me

4 répondre par des questions brèves si vous le pouvez; oui ou non par

5 exemple.

6 Monsieur le Témoin, quelle est votre formation professionnelle en quelques

7 mots?

8 M. Lazic (interprétation): Je suis chirurgien. Je travaille au centre

9 hospitalier de Nis, je suis le chef du département de traumatologie de la

10 clinique consacrée à la chirurgie. Je suis primarius, et j'ai terminé mes

11 études en chirurgie en 1986. Et voilà, ce sont les détails principaux.

12 Question: Vous nous indiquez que vous avez des fonctions à Nis. Pouvez-

13 vous nous indiquer, avant Nis, quels ont été les différents endroits où

14 vous avez travaillé?

15 Réponse: Juste un instant. Je vois que l'on voit ici, à l'écran, en langue

16 anglaise, 1976, alors que j'ai terminé mes études en chirurgie en 1986.

17 J'ai terminé mes études à Nis. Je me suis spécialisé également à Nis, et

18 j'ai toujours été à Nis, j'ai toujours travaillé à Nis à l'exception d'un

19 court laps de temps où j'ai vécu à Sarajevo et où j'ai travaillé en tant

20 que chirurgien également.

21 Question: (Inaudible)… où avez-vous travaillé à Sarajevo?

22 Réponse: J'ai travaillé à Sarajevo depuis le 1er novembre 1992 jusqu'au 1er

23 février 1996.

24 Question: Pouvez-vous nous dire comment s'est prise cette décision d'aller

25 travailler à Sarajevo? Comment et pourquoi?

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1 Réponse: Nous parlons maintenant de la Bosnie-Herzégovine et de Sarajevo.

2 Il y a eu une guerre à cet endroit puisqu'il y a eu beaucoup de victimes,

3 et je voyais le tout à la télévision et à la radio. Les médias disaient

4 qu'il n'y avait pas assez de chirurgiens, qu'il y avait une pénurie de

5 chirurgiens. Comme je suis médecin, je suis un homme humanitaire et je

6 voulais venir en aide aux hommes qui, à la fin du XXe siècle, mouraient

7 car il n'y avait pas assez de chirurgiens. Ces gens saignaient à mort,

8 perdaient leur vie.

9 Outre cela, le ministère de la Santé de la République de Serbie a fait un

10 appel lancé à l'endroit de tous les chirurgiens, aux anesthésistes et aux

11 médecins de venir travailler en tant que volontaires à Sarajevo. J'ai

12 répondu à l'appel et je me suis rendu à Sarajevo vers la fin du mois

13 d'octobre. Je me suis rendu à Pale et ensuite, de là, je suis allé dans

14 une partie de Sarajevo qui était entre les mains des Serbes; il n'y avait

15 pas d'hôpital, il n'y avait pas de chirurgiens.

16 Question: Excusez-moi. Vous avez utilisé le terme de "volontaire". Quel

17 était votre statut, pouvez-vous le préciser? J'entends le statut

18 administratif. Etiez-vous, par exemple, un volontaire à caractère civil ou

19 un volontaire à caractère militaire?

20 Réponse: J'étais un volontaire civil. Je travaillais à l'hôpital d'Ilidza.

21 Je n'étais pas rémunéré pour faire ce travail et j'ai effectué le travail

22 de chirurgien de façon volontaire et pour le bien de l'Humanité.

23 Question: Vous nous avez parlé de Sarajevo et d'Ilidza. Pouvez-vous

24 indiquer à cette Chambre si vous avez visité d'autres zones que le

25 quartier dit de Ilidza?

Page 13745

1 Réponse: L'hôpital qui se trouvait dans la municipalité d'Ilidza couvrait

2 ou regroupait cinq municipalités de Sarajevo: c'est Vogosca, Ilijas,

3 Rajlovac, Hadzici, et le hameau de Nedzarici. C'est à ce moment-là,

4 pendant cette période-là, il y avait environ 100.000 habitants qui

5 vivaient à cet endroit, il y avait un seul hôpital. Et lorsque je me suis

6 trouvé sur les lieux, j'ai été pendant un an le seul chirurgien qui

7 faisait des opérations chirurgicales d'ordre général. Je suis le seul

8 chirurgien qui pouvait opérer au thorax, et j'ai donc dû me rendre sur

9 place et je me suis rendu dans les cinq municipalités dans le territoire

10 de Sarajevo.

11 Question: Avez-vous eu également l'occasion de visiter la zone que l'on

12 appelle Grbavica?

13 Réponse: S'agissant de Grbavica, je n'y ai été qu'une fois, vers la fin de

14 1995. Après la signature des Accords de Dayton, peut-être dix à quinze

15 jours à près. Avant cela, il m'était impossible de me rendre à Grbavica et

16 je ne pouvais pas non plus me rendre dans les municipalités de Sarajevo

17 autour de Grbavica qui étaient tenues par les forces serbes, car il était

18 impossible d'y accéder. La route qui passait à ces endroits, la route qui

19 devait passer par l'aéroport était fermée, on ne pouvait pas traverser, et

20 pour faire un détour il m'aurait fallu de huit à dix heures; c'était un

21 itinéraire très dangereux, je n'avais donc pas de raison de m'y rendre.

22 Question: Merci. Docteur, pouvez-vous nous dire quel est le type de

23 chirurgie que vous aviez à opérer dans votre hôpital pendant votre période

24 de volontariat?

25 Réponse: J'étais chirurgien en temps de guerre et en temps de paix. Si

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1 l'on parle de chirurgie menée en temps de guerre, alors c'est toutes les

2 blessures au thorax, au ventre, aux organes internes. Donc j'ai traité les

3 personnes qui avaient des blessures de guerre. Outre cela, il m'arrivait

4 également d'opérer et d'administrer des soins aux citoyens qui habitaient

5 dans cette zone, donc des gens qui souffraient de maladies telles qu'on

6 peut avoir en temps de paix. Donc je parle d'une pathologie en temps de

7 paix, car je n'étais pas, je ne travaillais pas au sein d'un hôpital qui

8 se spécialisait dans les maladies en temps de guerre ou dans les maladies

9 en temps de paix.

10 Question: Si je vous ai bien compris, vous avez travaillé en tant que

11 volontaire civil. Qu'en était-il de vos patients? Etaient-ils d'une

12 catégorie ou d'une certaine autre catégorie? Que pouvez-vous nous en dire?

13 Réponse: Nous avions des patients qui étaient des militaires et des

14 patients qui étaient des civils. Je parle de toutes les personnes qui

15 étaient blessées dans le territoire de la ville en question qui venaient

16 chez nous. Les militaires et les civils, donc je parle d'enfants, de

17 vieillards, de femmes et de militaires, de soldats, je parle de toutes les

18 catégories, toutes les personnes, tous les citoyens qui habitaient à cet

19 endroit-là.

20 Question: Afin de préciser les choses, vous avez distingué la chirurgie

21 médicale, la médecine civile en quelque sorte.

22 Réponse: Oui, puisque la spécificité d'une chirurgie de guerre est

23 particulière. Très souvent les gens sont blessés par diverses armes à feu,

24 de sorte qu'il s'agit d'un champ de chirurgie assez spécifique et,

25 normalement, les blessures dépendent de l'arme en question. Si on parle

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1 d'armes lourdes, les blessures seront beaucoup plus énormes, beaucoup plus

2 massives et c'est beaucoup plus difficile à ce moment-là puisqu'on parle

3 de malades qui sont polytraumatisés; ce qui veut dire qu'il s'agit de

4 patients qui ont plusieurs systèmes, qui souffrent, dont plusieurs

5 systèmes sont atteints et c'est cela qui est difficile.

6 Question: Bien. Vous nous parlez de tirs d'artillerie, d'autres armes,

7 mais lorsque vous nous parlez de chirurgie de guerre, était-elle limitée à

8 tel ou tel type de patients?

9 Réponse: Lorsqu'on parle de blessures causées par diverses pièces

10 d'artillerie ou des armes à feu, vous ne choisissez pas les patients ni

11 par sexe ni par âge. Il y avait un grand nombre de civils et de militaires

12 qui vivaient sur ce territoire, de sorte qu'on pouvait trouver des

13 patients qui étaient des enfants et qui étaient des civils jusqu'aux

14 soldats, jusqu'aux militaires.

15 Question: Docteur, pourriez-vous nous indiquer, si vous le savez, le

16 pourcentage des blessés dans votre hôpital entre les personnes strictement

17 militaires et les autres? J'entends par exemple année par année, s'il y a

18 eu des évolutions dans le temps. S'il y a eu...

19 Réponse: Je peux dire, puisque je me suis trouvé là de 1995 jusqu'en 2002,

20 j'ai écrit de nombreux travaux concernant la chirurgie de guerre, je peux

21 vous dire que dans l'hôpital, s'agissant de la période entre 1992 à 1995,

22 nous avons eu 8.123 blessés, 68% d'entre eux étaient des soldats alors que

23 32% étaient des civils blessés. De ce nombre de civils, environ 470

24 étaient des enfants blessés. Et selon la classification médicale, je les

25 classifie jusqu'à l'âge de quatorze ans. Donc cela veut dire que chaque

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1 cinquième civil blessé était un enfant.

2 En moyenne, par jour, on avait sept blessés. Il ne s'agit que d'une

3 moyenne; donc ça veut dire qu'il y avait des journées où on avait un ou

4 deux blessés, alors que d'autres journées, il y avait des dizaines de

5 blessés, mais il n'y avait pas de jour sans blessés.

6 M. Piletta-Zanin: Merci beaucoup. Je voudrais vous répéter si vous le

7 voulez...

8 M. le Président (interprétation): Puis-je intervenir?

9 Est-ce que le témoin pourrait répéter le nombre de patients? Si j'ai bien

10 compris la traduction en langue française, j'aimerais savoir quel était le

11 nombre de personnes blessées; le transcript dit qu'il s'agit de 1.723

12 personnes blessées. Est-ce que c'est bien le bon chiffre? Si j'ai bien

13 compris, c'étaient des blessés.

14 M. Piletta-Zanin: Oui, merci beaucoup. Voilà qui clarifie la... Je vous en

15 prie, continuez.

16 M. Lazic (interprétation): Le nombre de blessés s'élevait à 8.123

17 personnes, donc des blessés, sans compter les maladies du temps de paix.

18 Donc il y avait 60% de soldats et 32% de civils. Donc il y avait une

19 erreur car il y avait sept blessés par jour, mais cela ne veut pas dire

20 qu'on ne traitait que sept patients par jour. Parfois, il y en avait

21 moins, parfois il y en avait plus. Moi, je parle uniquement des personnes

22 blessées, je ne parle pas des personnes souffrant de différentes maladies.

23 M. Piletta-Zanin: Merci. Simplement, je voudrais juste pour clarifier la

24 chose. Actuellement, si je lis le transcript, pour clarifier la chose,

25 Monsieur le Témoin, si je lis le transcript actuellement, j'ai 60% de

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1 militaires et 32% de civils; ça me fait, si je compte bien, un total de

2 92. Les autres, qu'étaient-ils? Est-ce qu'il n'y a pas une erreur dans vos

3 chiffres?

4 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, je ne sais pas de

5 quelle façon vous fonctionnez, mais 68 plus 32, pour moi, cela fait 100.

6 Donc je me dis que vous vous trompez.

7 M. Piletta-Zanin: (Hors micro.)

8 M. le Président (interprétation): Oui, mais cela a été corrigé car il a

9 dit ensuite qu'il s'agissait de 68%. C'est vrai qu'au début il a dit 60 et

10 32.

11 M. Piletta-Zanin: Mais, excusez-moi, j'aimerais que nous revenions aux

12 enfants. Que pouvez-vous nous dire (inaudible) y compris à votre hôpital

13 si (inaudible.)

14 M. Stamp (interprétation): Je suis désolé, mais je n'ai pas eu

15 d'interprétation de la question.

16 M. le Président (interprétation): La question n'a pas été traduite,

17 pourriez-vous la répéter?

18 M. Piletta-Zanin: Volontiers. La question était: vous nous avez parlé

19 également d'enfants? Que pouvez-vous nous dire sur les patients "enfants"

20 que vous avez traités durant votre séjour à Sarajevo, de façon générale?

21 M. Lazic (interprétation): Je vous ai dit tout à l'heure que, d'après la

22 classification médicale, les enfants sont les personnes âgées jusqu'à 14

23 ans. Je vous ai dit qu'il y avait à peu près 470 enfants de blessés par

24 armes d'infanterie ou par les armes d'artillerie. Donc les enfants ont été

25 des victimes très fréquentes. Un civil sur cinq blessés était un enfant.

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1 Vers la fin de l'année dernière, lors de la conférence internationale sur

2 les souffrances des enfants qui avaient été organisée par ce Tribunal,

3 sous la protection de ce Tribunal à Sarajevo l'année dernière -je pense

4 qu'un des sponsors était le Gouvernement hollandais- et donc, moi, j'ai

5 présenté mon travail concernant les souffrances des enfants. Il y a eu

6 plus de cents intervenants et moi j'en ai été un. Donc je peux dire que

7 ces enfants ont été blessés par les deux types d'armes à feu. C'étaient

8 des enfants qui ont péri, qui ont été blessés surtout dans les aires

9 urbaines. Et on peut dire que cela s'est produit le plus souvent dans la

10 rue.

11 Question: Merci. Docteur, comment explique-t-on, si tel est le cas, le

12 nombre de blessures liées à ce que vous appelez des armes d'artillerie;

13 c'est-à-dire, en d'autres termes, je pense, des bombardements. A quoi cela

14 tient-il?

15 Réponse: Chaque médecin peut faire la différence entre une arme qui

16 provient des armes d'artillerie ou bien des armes d'infanterie. Donc on

17 peut voir la différence entre une blessure par balle ou bien une blessure

18 due à un éclat d'obus. Donc les médecins peuvent aussi discerner entre

19 différents types de blessures. On peut voir par quelle arme d'artillerie

20 cette blessure a été provoquée. On peut faire la différence entre les

21 pièces d'artillerie ou bien par les armes à feu. C'est…

22 M. Piletta-Zanin: Pardonnez-moi de vous interrompre. Essayez d'être

23 attentif, je vous prie, à la question que je vous pose.

24 Je reformule la question. Essayez d'être attentif, je vous prie, à la

25 question que je vous pose, qui est la suivante: comment explique t-on le

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1 nombre de ces enfants blessés par des armes que vous appelez "armes

2 d'artillerie"? Comment ce nombre se justifie t-il?

3 M. le Président (interprétation): Monsieur Stamp?

4 M. Stamp (interprétation): J'ai essayé d'être patient, mais je voudrais

5 qu'il soit consigné au compte rendu d'audience le fait que j'objecte à

6 toute cette série de questions. Mon confrère pose des questions concernant

7 les personnes qui ont été blessées en dehors de la région qui nous

8 concerne, qui concerne ce procès, et je pense qu'on a déjà soulevé des

9 objections quant à la pertinence de telles questions.

10 Et ensuite, sur la base du témoignage que nous avons reçu jusqu'à

11 maintenant, je pense qu'il faudrait poser le fondement.

12 M. le Président (interprétation): (Hors micro.)

13 M. Piletta-Zanin: Oui, Monsieur le Président. J'ai posé des questions sur

14 Sarajevo. Alors si ce n'est pas sur Sarajevo, qu'on retire Sarajevo de

15 l'Acte d'accusation et que le général Galic retourne à la maison demain.

16 Sarajevo est Sarajevo. Ce médecin a travaillé à Sarajevo, et vous me dites

17 que ce n'est pas l'objet de l'Acte d'accusation, très bien. Dites-le moi

18 et demain nous repartons tous à la maison. Tous.

19 M. le Président (interprétation): A part de nous proposer de rentrer chez

20 nous, je pense que la raison pour laquelle M. Stamp a soulevé son

21 objection, c'est à cause du principe du tu quoque.

22 M. Piletta-Zanin: Non, Monsieur le Président, absolument pas. Je ne

23 l'avais pas compris comme cela dans l'expression de M. Stamp, mais

24 absolument pas. Nous ne soulevons pas et nous ne soulèverons pas le

25 principe du tu quoque. Ce que nous voulons indiquer -et c'est le but de

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1 cette question: comment se fait-il que ce médecin a connu autant d'enfants

2 qui ont été blessés par des éclats d'obus? Il y a peut-être à cela des

3 raisons techniques qu'un homme de l'art, qu'un médecin peut expliquer.

4 J'aimerais que l'on puisse nous l'indiquer. Il ne s'agit pas, je tiens à

5 le dire clairement, d'invoquer ici le tu quoque, absolument pas.

6 M. Stamp (interprétation): Je voudrais dire quelque chose brièvement,

7 c'est-à-dire que nos objections à toutes les questions qui ont été posées

8 au sujet des questions qui vont au-delà de la région couverte par l'Acte

9 d'accusation... Je ne sais pas si les Juges ont reçu le résumé du conseil.

10 M. le Président (interprétation): Non, nous ne l'avons pas reçu. Nous

11 n'avons pas reçu ce résumé que vous avez entre vos mains en ce moment.

12 Nous avons reçu un résumé très très court et les Juges de la Chambre ont

13 demandé aux conseils de la défense de nous fournir un résumé plus

14 détaillé.

15 M. Stamp (interprétation): Donc, je n'ai pas parlé de ce type de blessures

16 et de ce type de victimes. Mais ensuite, il a été dit dans ce résumé que

17 le témoin va parler des patients venant de Croatie, des régions comme

18 Kiseljak, la Bosnie centrale, etc., car on a soigné ces patients aussi

19 dans l'hôpital. Je considère que ceci n'est pas pertinent et je ne vois

20 pas de quelle façon nous allons en parler.

21 M. le Président (interprétation): Très bien. Je vois. Donc si on évoque

22 les pourcentages, si on dit que 32% des personnes blessées étaient des

23 civils, que 470 personnes d'entre ces blessés étaient des enfants, eh

24 bien, le Procureur le conteste.

25 M. Stamp (interprétation): C'est tout simplement que nous ne savons pas si

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1 nous pouvons le contester ou non puisque nous considérons que ceci n'est

2 pas pertinent, puisque nous ne savons pas d'où viennent ces enfants, nous

3 ne connaissons pas leurs origines. Car, apparemment, ces enfants

4 pourraient venir de partout en Bosnie.

5 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, c'est dans votre

6 résumé. Vous dites que les patients viennent des régions qui sont

7 éloignées de Sarajevo. Est-ce que vous le dites dans votre résumé?

8 M. Piletta-Zanin: Je n'ai pas entendu, je n'avais pas de casque et mon

9 ordinateur se refuse à aller plus loin... Ah, pardonnez-moi.

10 Non, évidemment, Monsieur le Président. Nous n'indiquons pas qu'il y ait

11 eu des patients, c'est peut-être le cas, mais nous ne l'indiquons pas

12 qu'il y ait eu des patients provenant d'ailleurs que du Grand Sarajevo.

13 M. le Président (interprétation): Dans ce cas-là, je souhaiterais examiner

14 ce résumé.

15 M. Piletta-Zanin: Je voudrais que l'accusation vous remette tous les

16 résumés, y compris le dernier que je leur ai adressé personnellement tout

17 à l'heure, et dont, sciemment, M. Stamp n'a pas fait état. Et cela je ne

18 l'apprécie pas beaucoup. Et j'aimerais savoir pourquoi M. Stamp n'en fait

19 pas état, lorsque ce document lui a été remis.

20 M. Stamp (interprétation): (Pas de traduction.)

21 M. le Président (interprétation): La question de procédure qui se pose en

22 ce moment est de savoir que M. Stamp soulève une objection à un certain

23 nombre de questions qui ont été posées, car, dans le résumé, il est

24 indiqué que le médecin pourrait parler de patients venant de régions qui

25 sont éloignées de Sarajevo, c'est ce que dit M. Stamp. Donc, c'est pour

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1 cela que je demande à la défense de me répondre si ceci faisait partie du

2 résumé. La défense dit qu'apparemment ceci ne figure pas dans le résumé.

3 Eh bien, puisqu'il y a un désaccord quant au contenu du résumé, je

4 voudrais examiner ce document, je voudrais qu'on me le présente, que ce

5 soit Me Piletta-Zanin ou M. Stamp, puisqu'il s'agit du même document,

6 j'imagine.

7 M. Piletta-Zanin: Je voudrais que M. Stamp présente les deux documents et

8 pas qu'un seul.

9 M. le Président (interprétation): S'il y en a deux, les Juges de la

10 Chambre voudront examiner les deux résumés, les deux documents.

11 (Intervention de l'huissier.)

12 Est-ce qu'il y en a un qui est plus ancien que l'autre? Comment dois-je

13 comprendre cela?

14 M. Piletta-Zanin: J'ai fourni un résumé complémentaire aujourd'hui par

15 télécopie à l'accusation.

16 M. le Président (interprétation): Donc vous voulez dire qu'il y en avait

17 un et que, ensuite, vous en avez ajouté un autre?

18 Monsieur Stamp, est-ce que vous avez cet exemplaire, le document que vous

19 avez reçu en premier?

20 M. Stamp (interprétation): Je voudrais vous dire que le premier document,

21 nous l'avons reçu en vertu de l'Article 65ter.

22 M. le Président (interprétation): Oui, très bien, j'ai compris. Mais je

23 n'ai pas ce document sous mes yeux.

24 M. Stamp (interprétation): Et le deuxième document ne diffère pas vraiment

25 du premier. Je l'ai ici entre mes mains.

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1 M. le Président (interprétation): Je ne comprends pas très bien...

2 (Les Juges se concertent sur le siège.)

3 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président,...

4 M. le Président (interprétation): J'ai besoin d'un instant pour lire ces

5 documents.

6 (Les Juges se concertent sur le siège.)

7 M. le Président (interprétation): Docteur Lazic, apparemment, il y a un

8 malentendu. Et donc nous allons essayer de voir si vous êtes en mesure de

9 nous éclaircir cela. Quand vous parlez des blessés, vous n'avez pas donné

10 de détails quant à leurs lieux d'origine. Pourriez-vous nous dire d'où

11 venaient ces patients?

12 M. Lazic (interprétation): Si on parle des enfants…

13 M. le Président (interprétation): Mais tout d'abord, je parle en général,

14 mais tout d'abord, Kiseljak et Vojnica, à quelle distance ces endroits se

15 trouvent-ils de Sarajevo, de la ville de Sarajevo? Est-ce que vous avez

16 une idée à ce sujet?

17 M. Lazic (interprétation): Fojnica! Fojnica!

18 M. le Président (interprétation): Oui, Fojnica.

19 M. Lazic (interprétation): Eh bien, je vais tout d'abord répondre à la

20 deuxième question si vous le voulez bien, et ensuite à la première. Eh

21 bien, Kiseljak...

22 M. le Président (interprétation): Oui, d'abord nous allons parler des

23 distances et ensuite nous allons parler des origines des patients.

24 M. Lazic (interprétation): Kiseljak, je ne suis pas sûr à 100%, on peut

25 vérifier cela. Avant la guerre et pendant la guerre, Kiseljak faisait

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1 partie de la municipalité de Sarajevo qui se trouve à une dizaine de

2 kilomètres d'Ilidza.

3 M. le Président (interprétation): Donc à une dizaine de kilomètres

4 d'Ilidza?

5 M. Lazic (interprétation): Oui, c'est une approximation.

6 M. le Président (interprétation): Et Fojnica?

7 M. Lazic (interprétation): Eh bien, je ne saurais vous répondre, mais

8 Fojnica est un petit peu plus loin que Kiseljak, mais je ne sais pas

9 exactement à combien de kilomètres de Kiseljak.

10 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous ensuite répondre à ma

11 première question. La première question que je vous ai posée, à savoir

12 d'où venaient ces patients, les patients dont vous venez de nous parler.

13 Je parle des patients en général.

14 M. Lazic (interprétation): Quand je dis que nous avons eu 8.123 blessés,

15 eh bien, je parle des blessés venant des municipalités de Sarajevo sous le

16 contrôle des forces serbes. Ilidza, Hadzici, Nedzarici, Rajlovac et

17 Vogosca. Donc il faudrait ajouter entre 150 et 170 blessés d'origine de

18 Kiseljak et d'autres régions placées sous contrôle croate, qui sont venus

19 se faire soigner chez nous dans notre hôpital parce qu'ils ne pouvaient

20 pas le faire là-bas; il n'y avait pas d'hôpitaux dans ces endroits. Donc,

21 sur ce chiffre, le chiffre des 8.123 blessés, il y en avait à peu près 150

22 ou 170 qui étaient originaires des régions sous contrôle croate.

23 En ce qui concerne les enfants, eh bien, ce chiffre est parfaitement

24 clair, puisqu'il s'agit des enfants de Sarajevo, 470 enfants blessés à

25 Sarajevo, je suis absolument sûr à ce sujet parce que j'en ai parlé lors

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1 de cette conférence qui traitait uniquement des enfants de Sarajevo. Donc,

2 comme je vous l'ai dit, il y avait à peu près 150 ou 170 blessés venant

3 des municipalités croates. Je peux vous en donner les noms, si cela vous

4 dit quelque chose.

5 M. le Président (interprétation): Je pense que la question a été

6 clarifiée.

7 Et je pense que nous pouvons à présent remettre ces documents aux parties.

8 (Intervention de l'huissier.)

9 M. Piletta-Zanin: Je sais que c'est l'heure, simplement nous reprendrons

10 demain. Mais j'aimerais, si tel est bien le cas, confirmer que toute cette

11 ligne -puisqu'il s'agissait d'une ligne d'objections à toutes les

12 questions que nous allons poser autour de Sarajevo, du Grand Sarajevo- est

13 rejetée pour que, à chaque fois, on ne revienne pas sur le même problème;

14 c'est-à-dire que les questions vont porter sur les cinq municipalités

15 autour de Sarajevo. J'aimerais que la Chambre puisse nous dire si la ligne

16 d'objections soulevée par M. Stamp est ou non acceptée ou rejetée, comme

17 nous le proposons.

18 M. le Président (interprétation): Nous allons vous répondre à cette

19 question demain matin, Maître Piletta-Zanin, à 9 heures, et ceci à nouveau

20 dans la salle d'audience n°2.

21 M. Piletta-Zanin: Merci par avance.

22 M. le Président (interprétation): Docteur Lazic, il est 19 heures passées.

23 Nous allons continuer nos travaux demain matin, à 9 heures, pas dans le

24 même prétoire mais dans un autre prétoire, mais ils vont vous aider à vous

25 y rendre.

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1 Donc, nous levons la séance jusqu'à demain.

2 M. Stamp (interprétation): Juste pour être sûr, je voudrais savoir si nous

3 travaillons demain matin?

4 M. le Président (interprétation): Oui, oui, demain matin. Nous avons

5 changé l'ordre du jour aujourd'hui à cause des problèmes d'interprétation.

6 Donc, sinon, nous aurions dû travailler aujourd'hui aussi pendant la

7 matinée. Donc nous continuons nos travaux le matin pour la semaine en

8 cours, à l'exception d'aujourd'hui.

9 (L'audience est levée à 19 heures 05.)

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