Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mardi 4 mars 2003.)

2 (Audience publique.).

3 (L'audience est ouverte à 14 heures 24.)

4 M. le Président (interprétation): Madame la Greffière d'audience,

5 veuillez, s'il vous plaît, donner le numéro de l'affaire.

6 Mme Philpott (interprétation): Affaire IT-98-29-T, le Procureur contre

7 Stanislav Galic.

8 M. le Président (interprétation): Merci.

9 (Matière relative aux éléments de preuve.)

10 Avant de laisser la défense citer à la barre son témoin expert suivant,

11 nous souhaiterions revenir aux documents qui ont été versés au dossier par

12 l'intermédiaire du témoin expert précédent, le professeur Vilicic.

13 Vous avez la parole, Madame la Greffière d'audience.

14 Mme Philpott (interprétation): Pièce C5, pièce de la Chambre, diagrammes

15 réalisés par le docteur Vilicic.

16 MFI30: diagramme du Juge Orie.

17 D1848: photographie, documentation photographique, pièce P3801, rapport du

18 laboratoire national Sandia.

19 Pièce P3802: fragmentation d'un obus de mortier.

20 Pièce P3800: enregistrement de l'explosion d'un projectile de type HEG.

21 Pièce 3799: photocopie annotée d'une partie de la pièce à conviction C2.

22 Pièce P3806: photographie de fusée.

23 Pièces P3803, P3804 et P3805: cartes présentant les lignes de

24 confrontation.

25 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous, s'il vous plaît, me

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1 présenter les éléments qui ont été communiqués le plus récemment? Je pense

2 à MFI30 notamment.

3 (La Greffière s'exécute.)

4 Oui, il s'agit bien de MFI30.

5 Je ne vois pas d'objection. Ces documents sont soit versés au dossier,

6 soit identifiés s'ils ont simplement reçu une cote aux fins

7 d'identification.

8 Nous parlerons plus tard, dans la semaine, des vidéos dès que les copies

9 seront prêtes. Les extraits de vidéo fournis par M. Gray, bien sûr, tout

10 le monde l'a compris.

11 Est-ce qu'il y a des questions de procédure dont il conviendrait que nous

12 traitions tout de suite?

13 Je sais que vendredi dernier lorsque, vous, Monsieur Ierace, avez demandé

14 de traiter un certain nombre de questions, dont l'une était urgente, je ne

15 vous ai pas donné la possibilité de vous exprimer. S'il y a donc des

16 questions que vous souhaitez évoquer, je vous en donne la possibilité

17 maintenant.

18 (Questions relatives à la procédure.)

19 M. Stamp (interprétation): Avant de laisser M. Ierace prendre la parole,

20 est-ce que je peux me retirer moi-même?

21 M. le Président (interprétation): Oui.

22 (M. Stamp quitte le prétoire.)

23 M. Ierace (interprétation): Merci, Monsieur le Président, de me permettre

24 de m'exprimer.

25 Etant donné que nous avançons de la fin de la présentation des moyens à

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1 décharge, il y a deux questions qu'on peut considérer comme n'ayant pas

2 encore trouvé de solution; non seulement maintenant, mais quel que soit le

3 verdict qui sera rendu peut-être en fin de compte par la Chambre d'appel,

4 si cette question devait lui être renvoyée.

5 La première question a trait à la demande présentée par la défense aux

6 fins de délivrance d'injonctions à comparaître pour certains témoins.

7 Je sais que certaines mesures ont déjà été prises pour garantir la

8 comparution de ces témoins. S'ils ne se présentent pas, ou si l'un ou

9 l'autre d'entre eux ne se présente pas, cette demande, elle figure au

10 dossier sans avoir apparemment reçu de réponse officielle.

11 La deuxième question a trait à la décision rendue oralement par la Chambre

12 de première instance, le 22 janvier 2003.

13 Il s'agissait du moment dans le procès où l'accusé pouvait déposer. Je

14 note que le moment qui a été indiqué pour que l'accusé, éventuellement,

15 soit cité à la barre, ce moment s'est écoulé, et que la présentation des

16 moyens à décharge va bientôt se terminer à peu près la semaine prochaine,

17 sauf si on cite à la barre un certain nombre de témoins des Nations Unies

18 qui déposeraient sur les faits.

19 Je remarque également qu'un témoin sur les faits a déjà déposé pendant la

20 présentation des moyens à décharge consacrée au témoin expert; je pense à

21 M. Richard Gray.

22 Il est possible que la défense estime qu'étant donné les termes de

23 l'ordonnance rendue oralement et la décision de la Chambre de première

24 instance de ne pas délivrer de certificats aux fins d'appel, la défense

25 pourrait estimer qu'aucun aspect relatif à ces questions ne peut plus être

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1 discuté.

2 J'avance, quant à moi, que la défense devrait nous indiquer de façon tout

3 à fait claire, elle devrait indiquer à la Chambre de première instance

4 avant la fin de la présentation des moyens à décharge quel préjudice

5 effectif -s'il y en a eu un- a été causé à l'accusé par la décision de la

6 Chambre de première instance lorsqu'elle a décidé à quel moment l'accusé

7 aurait pu éventuellement être cité à la barre. Et par préjudice effectif,

8 je n'entends pas ici de violation du droit de l'accusé à garder le

9 silence, tel que semble le penser la défense. Je pense plutôt à tout

10 impact sur le fond au niveau de la présentation des éléments de preuve -vu

11 ce que l'accusé aurait pu nous dire- ou les éléments, les sujets qu'il

12 aurait pu évoquer s'il avait été amené à déposer pour la première fois au

13 début ou à la fin de la partie du procès consacré à la présentation des

14 témoins experts de la défense, et ce à quoi il ne pouvait pas

15 raisonnablement s'attendre au début des dépositions des témoins experts.

16 Si la défense nous répond et présente sa position, à ce moment-là,

17 l'accusation pourra réfléchir à sa propre position et la Chambre de

18 première instance sera en mesure d'éventuellement voir sa décision rendue

19 oralement, si elle estime que cela est nécessaire.

20 Il y a une troisième question, Monsieur le Président, qui découle d'une

21 observation qui a été faite hier soir, vers la fin de la déposition de M.

22 Vilicic, au sujet d'un document que M. Stamp voulait montrer au témoin.

23 Vous avez-vous-même dit, Monsieur le Président -je cite-: "Les

24 déclarations ne sont pas versées au dossier, je pense qu'il est tout à

25 fait clair que la défense a présenté des éléments qui n'étaient pas versés

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1 au dossier, qui ne faisaient pas partie des éléments de preuve, et la

2 Chambre a fait clairement savoir par le passé qu'un témoin expert n'est

3 pas un instrument par le biais duquel on peut verser au dossier de

4 nouveaux éléments de preuve qui n'ont pas fait l'objet d'un contre-

5 interrogatoire par la partie adverse." (Fin de citation.)

6 Monsieur le Président, vu la déposition de M. Radinovic et ce qu'on peut

7 s'attendre de cette déposition, la défense a fourni des centaines de

8 documents à l'accusation, et beaucoup de ces documents sont en annexe du

9 rapport d'expert.

10 Nous ne disposerons pas de suffisamment de temps, quant à nous, de contre-

11 interroger M. Radinovic au sujet de la totalité de ces documents et au

12 sujet des documents sur lesquels nous souhaiterions nous appuyer lors de

13 notre réquisitoire et dans la préparation de notre mémoire en clôture.

14 Pour nous, nous avions l'impression que, pour beaucoup de ces documents,

15 il n'était pas nécessaire de demander au témoin de s'exprimer, puisque

16 c'étaient des documents qui, finalement, se passaient de commentaires

17 -sous réserve bien entendu de garantir leur authenticité.

18 En conséquence, nous avions l'intention d'inclure ces documents ou d'en

19 tenir compte dans notre mémoire en clôture, mais nous n'avions pas

20 l'intention de demander au témoin de s'exprimer au sujet de ces documents.

21 C'est pourquoi je vous serais extrêmement reconnaissant de nous donner une

22 indication, avant le contre-interrogatoire de M. Radinovic, si la démarche

23 que je vous ai expliquée est acceptable pour vous. Ceci nous permettra de

24 mieux préparer le contre-interrogatoire de ce témoin. Je vous précise

25 qu'il s'agit de documents qui sont en annexe du rapport déposé pour ce

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1 témoin. Et donc, en vertu de la décision de la Chambre de première

2 instance, ces documents ont déjà, si j'ai bien compris, étaient versés au

3 dossier.

4 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin?

5 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, tout cela est un peu abscons.

6 Première chose, il conviendrait que l'on soit un peu plus clair et un peu

7 moins prolixe, parce que nous allons devoir revoir précisément toute

8 l'exposition de M. Ierace.

9 Cela précisé, Monsieur le Président, sur le premier point et pour être

10 bref, la défense voudrait que M. Ierace nous indique, ou plutôt nous

11 indiquât sur quelles dispositions légales il se base pour inviter la

12 défense à faire l'exercice qu'il aurait voulu qu'on fasse; c'est-à-dire

13 quel est le texte qui voudrait que l'on puisse d'ores et déjà dire quelles

14 sont les violations présumées dont parlait l'accusation. Nous n'avons pas

15 le temps...

16 M. le Président (interprétation): Si j'ai bien compris, vous faites

17 référence au deuxième point de l'exposé de M. Ierace.

18 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, j'ai de la peine à les classer,

19 mais on nous demande de dire par avance quelles seraient les violations

20 subies compte tenu de l'ordre de présentation de témoins et des experts.

21 Est-ce le premier ou le dix-huitième point, je ne sais pas, mais sur cela

22 il est évident que la défense n'a pas le temps de s'amuser à cela

23 maintenant, alors qu'elle est en grande préparation. Lui demander cela, ce

24 n'est pas très honnête.

25 Concernant les autres problèmes, la question des documents versés par M.

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1 Stamp de manière surprenante, je ne fais aucun commentaire. Il est clair

2 que la défense n'accepte pas cela et je crois que ça n'a pas besoin d'être

3 souligné.

4 Les autres points concernant notamment le témoignage de M. Radinovic, nous

5 avons...

6 Monsieur le Président?

7 M. le Président (interprétation): Vous parlez des documents versés au

8 dossier par M. Stamp; de quels documents parlez-vous, s'il vous plaît?

9 M. Piletta-Zanin: Du document versé dans la nuit dont on nous parlait. Je

10 fais référence à ce qu'a indiqué M. Ierace tout à l'heure par rapport à

11 l'interrogatoire et contre-interrogatoire de l'expert, M. Vilicic.

12 L'accusation doit en savoir plus que moi, puisqu'elle a elle-même

13 mentionné ces documents tout à l'heure, c'est-à-dire in fine -pour autant

14 que j'ai bien compris ce qu'a voulu dire l'accusation.

15 Et concernant, Monsieur le Président, maintenant, en dernier lieu, le

16 problème des documents qui sont relatifs à l'expertise de M. Radinovic, la

17 défense tient à souligner ceci: ces documents sont en possession de

18 l'accusation depuis très longtemps, à l'exception peut-être d'une carte

19 qui a été faite par le général Radinovic lui-même, mais les documents de

20 base sont en possession depuis très longtemps. Nous nous sommes vus tout à

21 l'heure et, tout à l'heure, la défense a aimablement proposé de donner à

22 l'accusation un schéma chronologique de ces pièces afin qu'ils puissent

23 mieux travailler et mieux se retrouver.

24 Nous voulons bien le faire et engager notre temps pour cela, mais si

25 l'accusation dispose de plus de temps en préparation que nous-mêmes, alors

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1 il faut être logique. Il conviendrait, à ce moment-là, que nous donnions

2 une pause maintenant pour chacune des deux parties, que chacune des deux

3 parties en profitent et en bénéficient; ce serait le meilleur moyen de

4 respecter l'équilibre des forces en présence.

5 Ces annexes, ces quelque 130 documents, sont des documents -je le répète-

6 qui ont été pratiquement, de tous temps, connus de l'accusation puisque

7 pour une grande partie ils nous ont été donnés, transmis par l'accusation

8 elle-même.

9 Voilà pour ce que nous pensions dire relativement brièvement, Monsieur le

10 Président. Evidemment, s'il y a d'autres questions, nous pourrions les

11 examiner plus tard, mais nous ne pensons pas que ce soit lieu de le faire

12 ici. Merci.

13 M. le Président (interprétation): Une question. Vous parlez de documents

14 versés au dossier par M. Stamp ou dont il demande le versement au dossier.

15 Ce qu'a dit M. Ierace, c'est que l'autre question avait relevé d'un

16 commentaire fait à la fin de la déposition du professeur Vilicic au sujet

17 des documents que M. Stamp souhaitait produire par le biais de ce témoin;

18 la Chambre avait observé que ces documents n'étaient pas versés au

19 dossier, c'est cela qui a été dit. Il a été dit par la Chambre qu'un

20 témoin expert n'était pas un instrument par l'intermédiaire duquel on

21 pouvait présenter et produire de nouvelles dépositions, déclarations de

22 témoins.

23 Votre position à ce sujet, je ne l'ai pas près très bien saisie, Maître

24 Piletta-Zanin.

25 M. Piletta-Zanin: Non, Monsieur le Président, disons que je marche dans

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1 les pas de la Chambre. Simplement. Et j'en profite pour indiquer, d'ores

2 et déjà, que les 130 documents en annexe à l'expertise qui sont mentionnés

3 dans ce document -nous parlons maintenant de l'expertise du général

4 Radinovic- sont considérés par la défense comme faisant partie de

5 l'expertise elle-même et, donc, comme devant être soumis au titre de

6 documents de preuve à votre Chambre.

7 M. le Président (interprétation): Bien. Je comprends bien votre point de

8 vue à ce sujet, mais je ne vous ai pas entendu répondre à la première

9 question évoquée par le Bureau du Procureur; il s'agissait de la requête

10 aux fins de délivrance d'injonction à comparaître pour certains témoins.

11 M. Piletta-Zanin: Oui, Monsieur le Président. J'aurais voulu, avant que

12 nous examinions la possibilité d'une requête en subpoena, que nous

13 épuisions littéralement toutes les possibilités d'actions qui sont à notre

14 disposition…

15 M. le Président (interprétation): Non, il y a un malentendu. Il existe une

16 requête, il y a déjà une requête aux fins de produire des injonctions à

17 comparaître pour des témoins. On n'a pas évoqué la possibilité d'une

18 demande dans ce sens. On a parlé d'une requête qui avait été présentée, à

19 laquelle il n'a pas encore été répondu.

20 M. Piletta-Zanin: Bien. Je pense, Monsieur le Président, -si j'ose dire-

21 qu'il est urgent d'attendre, dans la mesure où nous aimerions voir avec la

22 défense et le général Galic, ce qu'il en est maintenant de la situation au

23 regard des pièces qui ont déjà été versées et des témoignages entendus. Et

24 nous pourrions apporter réponse, je pense, très prochainement. Merci.

25 M. le Président (interprétation): Réponse de la Chambre à cette première

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1 question tout de suite. Et pour l'instant, s'agissant des autres questions

2 qui ont été présentées par M. Ierace, nous y répondrons en temps utile.

3 Bien.

4 Cette requête, donc, aux fins de produire des injonctions à comparaître

5 pour certains témoins, comme ont pu le voir les parties, par le passé, la

6 Chambre a tout fait pour essayer d'aider la défense à faire venir ces

7 témoins dans le prétoire sans examiner sur le fond de la requête, parce

8 que nous estimons qu'il est de notre devoir d'aider au maximum les parties

9 à faire venir leurs témoins dans le prétoire, et en l'occurrence, les

10 témoins que la défense souhaite citer.

11 Nos efforts n'ont pas été couronnés de succès. Deux témoins ne sont pas

12 venus et leurs noms n'ont pas été retirés de la liste par la défense.

13 M. Ierace (interprétation): Je voudrais intervenir, s'il vous plaît. Vu ce

14 que vient de nous dire la défense, puis-je faire une suggestion avant que

15 vous ne poursuiviez?

16 M. le Président (interprétation): Mais veuillez, s'il vous plaît, me

17 laisser terminer; j'en ai pour une seconde, Monsieur Ierace.

18 Je sais que cela signifie donc qu'il y a deux témoins dont nous ne savons

19 pas encore si vous avez encore l'intention de les entendre. Nous ne savons

20 pas si vous allez retirer votre demande les concernant, demande aux fins

21 de produire une injonction à comparaître pour ces deux témoins.

22 Il y a deux possibilités: soit vous insistez pour que la Chambre prenne

23 une décision et, à ce moment-là, nous le ferons. Et je comprends bien que

24 vous ayez besoin d'un petit peu de temps pour essayer d'étudier votre

25 position. Si vous insistez, à ce moment-là, cela ne restera pas une

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1 requête en suspens, une requête en souffrance. Nous rendrons une décision

2 sur la base du fond de la requête.

3 Si vous retirez votre requête, bien entendu il n'y aura pas de décision

4 qui sera rendue au sujet de cette requête. Mais la Chambre souhaiterait

5 dans la journée qui suit, dans les un ou deux jours qui suivent, pouvoir

6 savoir quelle est votre position au sujet de ces deux témoins. Il y en a

7 un qui est Canadien et un qui est Indien.

8 M. Ierace (interprétation): Simplement pour dire, Monsieur le Président,

9 qu'il me semble, vu les observations faites par Me Piletta-Zanin, que cela

10 revient pour lui à voir retirer sa requête. Pour moi, cela revient à cela.

11 M. le Président (interprétation): Mais si j'ai bien compris, d'abord il

12 veut s'entretenir avec l'accusé, et ensuite…

13 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, Monsieur le Président, je

14 remercie infiniment l'accusation de se lancer dans ce bel effort

15 herméneutique qui est celui d'être mon propre "glosateur", mais je pense

16 que j'y arriverai par moi-même. Merci beaucoup.

17 M. le Président (interprétation): Les parties font tout ce qui est en leur

18 pouvoir pour s'aider mutuellement, c'est remarquable, et la Chambre leur

19 en est fort reconnaissante.

20 Les autres questions, nous les étudierons en temps utile, Monsieur Ierace.

21 La défense est-elle prête à citer son témoin expert suivant? J'imagine

22 qu'il s'agit de M. Terzic. Bien.

23 Monsieur l'Huissier, veuillez, s'il vous plaît, faire entre le témoin dans

24 le prétoire.

25 (Les Juges se concertent sur le siège.)

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1 (Le témoin, M. Slavenko Terzic, est introduit dans le prétoire.)

2 M. le Président (interprétation): Bonjour. Vous êtes bien le docteur

3 Terzic, n'est-ce pas?

4 M. Terzic (interprétation): Bonjour.

5 M. le Président (interprétation): Avant qu'un témoin ne dépose, ici, au

6 Tribunal, le Règlement de procédure et de preuve exige qu'il prononce une

7 déclaration solennelle aux termes de laquelle il s'engage à dire la

8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité. On va vous remettre ce

9 texte et je vais vous demander de bien vouloir prononcer cette déclaration

10 solennelle.

11 M. Terzic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

12 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

13 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup. Veuillez prendre place.

14 Avant de laisser le conseil de la défense vous poser ses questions, je

15 dois vous dire que nous savons, qu'hier, vous avez attendu très longtemps

16 et en vain, puisque nous n'avons pas été en mesure d'entamer votre

17 déposition hier. Nous compatissons avec vous pour cette longue attente et

18 pour le fait que vous ayez dû attendre si longtemps.

19 M. Terzic (interprétation): Malheureusement, vendredi aussi.

20 M. le Président (interprétation): Oui, oui, il faut que j'insiste encore

21 là-dessus. Nous sommes vraiment confus.

22 Maître Pilipovic vous avez la parole.

23 (Interrogatoire principal du témoin, M. Slavenko Terzic, par Me

24 Pilipovic.)

25 Mme Pilipovic (interprétation): Bonjour, Docteur Terzic.

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1 M. Terzic (interprétation): Bonjour.

2 Question: Avant que je ne vous pose des questions au sujet de la

3 déclaration que vous avez préparée à la demande de la défense, je voudrais

4 qu'en quelques mots vous nous parliez de votre parcours professionnel,

5 sachant qu'un curriculum vitae a été joint à votre déclaration.

6 Où êtes-vous né?

7 Réponse: Je suis né en 1949 au Monténégro, à Pandurica près de Pljevlja.

8 J'ai été à l'école secondaire à Gorazde, Pljevlja, et j'ai suivi des

9 études à l'université de Belgrade. J'ai été diplômé en histoire nationale

10 et commune. J'ai fait un doctorat à l'université de Belgrade et je me suis

11 intéressé à l'histoire des Serbes et à l'histoire des zones de la région

12 yougoslave, de la région des Balkans.

13 J'ai réalisé des recherches dans des centres importants de recherche

14 partout dans le monde, en Grèce, en Russie, en Allemagne. J'ai fait

15 beaucoup de recherches dans de nombreuses archives en ex-Yougoslavie, à

16 l'extérieur également, et j'ai fait beaucoup de recherches dans les

17 archives de la Bosnie-Herzégovine.

18 Je voudrais vous dire que je vous ai fourni mon curriculum vitae dans

19 lequel sont référencés un certain nombre de mes travaux. J'ai réalisé

20 quelque 150 études, de nombreux articles et je n'ai pas inclus ceci, ce

21 que je tiens en main. J'étais l'éditeur de ce livre "Histoire de la

22 Bosnie-Herzégovine du Moyen Age jusqu'à l'ère moderne", et je suis tout à

23 fait prêt à fournir ce livre comme cadeau à la Chambre de première

24 instance.

25 J'ai également servi d'éditeur à la préparation de nombreux ouvrages dont,

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1 notamment, un atlas sur le génocide oustachi contre les Serbes de 1941 à

2 1945.

3 Je souhaite également souligner que j'ai fait partie d'une réunion

4 internationale d'historiens en 1955-1956 en Allemagne, organisée par la

5 conférence épiscopale allemande. Il s'agissait d'une réunion d'historiens

6 serbes, croates et musulmans. J'ai été également membre de la commission

7 historique…

8 Question: Mais je crois qu'il y a une erreur au compte rendu d'audience.

9 Le docteur Terzic n'a pas parlé de 1955 à 1956.

10 Réponse: Effectivement, c'est de 1995 à 1996 que j'ai participé à ce

11 groupe de travail.

12 Question: Nous n'avons que 10 minutes pour vous interroger, Monsieur le

13 Témoin, je vais donc vous demander d'être bref et nous dire où vous

14 travaillez actuellement.

15 Réponse: J'ai travaillé comme professeur de lycée pendant deux ans.

16 Mme Pilipovic (interprétation): Mais où travaillez-vous maintenant?

17 M. le Président (interprétation): Là, on va un petit peu vite pour les

18 interprètes.

19 Veuillez, Monsieur le Témoin, faire une petite pause avant de répondre aux

20 questions posées. Le mieux est encore de diriger votre regard sur l'écran,

21 et dès que le curseur s'arrête de bouger, cela signifie que les

22 interprètes ont été en mesure de traduire vos propos.

23 Veuillez continuer, Maître Pilipovic.

24 Mme Pilipovic (interprétation): Où travaillez-vous actuellement?

25 M. Terzic (interprétation): Je travaille à l'Institut historique de

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1 Belgrade, l'Institut d'histoire. Il y a plus de 25 ans que je travaille

2 dans cet Institut. Pendant longtemps il a fait partie de l'Académie serbe

3 des sciences et des arts, mais, depuis six mois, ce n'est plus le cas.

4 J'étais directeur de l'Institut historique pour les sciences serbes et

5 ceci, depuis 15 ans.

6 Question: Merci. A la demande de la défense, vous nous avez fourni une

7 déclaration, un exposé dans lequel vous parlez de l'histoire de la Bosnie-

8 Herzégovine en vous concentrant exclusivement ou, plus précisément sur

9 Sarajevo.

10 Réponse: C'est exact?

11 Question: Est-ce que vous maintenez tout ce qui figure dans ce rapport?

12 Réponse: Oui, je maintiens tout ce que j'ai fait figurer dans ce rapport,

13 mais il y a trois éléments que je souhaiterais ajouter, si vous me le

14 permettez.

15 En premier lieu, au moment où ceci a été dactylographié, où le document a

16 été dactylographié, il y a une petite erreur dans les notes de bas de page

17 ou plutôt dans la pagination; donc j'aimerais que cela soit modifié.

18 Question: Soyez très bref, s'il vous plaît, Monsieur le Témoin.

19 Pourriez-vous nous dire à quelle page il convient de faire ces

20 modifications?

21 Réponse: Note de bas de page n°56: là, il faut lire page 87.

22 Question: Il s'agit de la page 24 en anglais.

23 Réponse: Je pense qu'on peut suivre aussi les notes de bas de page. Donc

24 notes de bas de page 58, là il faudrait lire page 132.

25 Note de bas de page 59 page 133.

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1 Notes de bas de page 62, page 65 jusqu'à la page 76.

2 Note de bas de page 63, pages 72-73.

3 Et note de bas de page 64, là ça devrait être pages 135 à 137.

4 Ça, c'est une correction que je tenais à apporter.

5 Deuxième chose, deuxième modification: elle concerne les tableaux relatifs

6 à la structure de la population de Sarajevo, la répartition de la

7 population de Sarajevo en fonction du recensement de 1981.

8 Mme Pilipovic (interprétation): Page 21, dans la version en anglais.

9 M. Terzic (interprétation): Au moment où le document a été dactylographié,

10 il y a eu des informations de deux municipalités qui ont été omises. Donc

11 il faudrait ajouter des informations sur la municipalité de Hadzici et sur

12 la municipalité d'Ilijas.

13 (Les interprètes demandent à ce que le document soit placé sur le

14 rétroprojecteur, car les interprètes ne disposent pas du document.)

15 M. le Président (interprétation): Je pense que le témoin va ajouter des

16 éléments qui ne figurent pas dans le document, mais pour les interprètes,

17 nous allons cependant placer la feuille en question sur le

18 rétroprojecteur, à votre droite. De cette manière, nous serons tous en

19 mesure de voir ce à quoi vous faites référence.

20 (Intervention de l'huissier.)

21 (Le témoin montre avec le pointeur.)

22 M. Terzic (interprétation): Oui. Donc, en plus des informations au sujet

23 des huit municipalités de Sarajevo que vous voyez ici, il ne figurait

24 aucune information au sujet de la municipalité de Hadzici. Et sur celle

25 d'Ilijas non plus.

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1 Pour Hadzici, on obtient les informations suivantes…

2 M. le Président (interprétation): Est-ce que le mieux, ce ne serait pas de

3 faire une copie de ce document afin de ne pas demander aux interprètes de

4 traduire tous ces chiffres avec le risque, bien compréhensible, de faire

5 des erreurs.

6 Est-ce que vous seriez prêt, Monsieur, à nous remettre une copie corrigée

7 de cette page et la remettre au Greffe, de façon à ce que l'on puisse

8 faire des photocopies et qu'on n'ait pas besoin de donner lecture à haute

9 voix de l'ensemble de ces chiffres? Est-ce que cela vous conviendrait? Ne

10 pensez-vous pas que cela serait une façon plus efficace de procéder?

11 M. Terzic (interprétation): Oui.

12 M. le Président (interprétation): Bien entendu, vous avez tout à fait le

13 droit de faire des commentaires sur ces nouveaux chiffres. Cela, c'est

14 autre chose.

15 Donc, à moins que vous n'ayez besoin de ce document, là, tout de suite,

16 dans l'instant, et à moins que vous ne souhaitiez ajouter quelque chose…

17 Non? Allez-y, oui.

18 M. Terzic (interprétation): J'aimerais formuler une observation au sujet

19 de la structure démographique de la population. Je vous remettrai par la

20 suite ce document afin que vous puissiez en faire une photocopie.

21 Par ailleurs, il y a une addition au sujet de la page 50. Je crois qu'il

22 s'agit également de la page 50 dans la version anglaise. J'ai dit qu'en

23 Bosnie-Herzégovine, au cours de la période de 1992 à 1995, pendant la

24 guerre, il y avait au moins 400 prisons et camps de détention qui avaient

25 été enregistrés. Par ailleurs, j'ai poursuivi mon enquête et conclu que le

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1 nombre de camps et de prisons pour les Serbes en Bosnie-Herzégovine

2 s'élevaient à 536.

3 Je dispose ici d'une carte où figurent les camps. Il s'agit d'une liste

4 des camps et des prisons, que je pourrais également remettre afin que ceci

5 soit photocopié -pour autant que le Président en décide ainsi.

6 Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Monsieur le Témoin.

7 Vous faisiez allusion à toutes les erreurs qui figurent dans votre

8 déclaration et vous nous avez également dit que vous mainteniez votre

9 déclaration.

10 La question que je vous pose est la suivante: compte tenu du fond de votre

11 déclaration, pouvez-vous nous dire, s'agissant de la démographie du point

12 de vue de l'Histoire, quelle est votre conclusion s'agissant des

13 caractéristiques de base de la structure ethnique et religieuse en Bosnie-

14 Herzégovine, plus particulièrement concernant Sarajevo?

15 M. Terzic (interprétation): Il s'agit là d'une question importante que

16 j'ai essayé de couvrir de façon détaillée. En tant qu'historien, je pense

17 qu'il est fondamental de bien comprendre le contexte historique pour

18 comprendre les événements politiques quotidiens. L'expérience historique,

19 les traumatismes de l'Histoire, le passé d'une manière générale expliquent

20 et déterminent le comportement politique d'un individu, d'un groupe ou de

21 nations.

22 S'agissant de la Bosnie-Herzégovine, si l'on suit les processus qui ont eu

23 lieu au cours des 150 dernières années, la population de Bosnie-

24 Herzégovine, depuis le milieu du XIXe siècle, c'est à partir de cette

25 période -et ceci jusqu'à la fin du XXe siècle- que l'on peut dire que les

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1 Serbes orthodoxes représentaient 47 à 48%. Les Musulmans représentaient

2 quelque 34%. Bien sûr, je dispose d'informations détaillées, mais il

3 s'agit d'une moyenne. Il s'agissait donc d'un montant de 34%.

4 S'agissant des Catholiques romans, vers le milieu du XIXe siècle, c'est-à-

5 dire avant l'occupation de la Bosnie-Herzégovine, ces Catholiques

6 représentaient 14 à 15%. Au cours de l'occupation austro-hongroise, c'est-

7 à-dire entre 1878 et 1914, cela a changé. Cela représentait un pourcentage

8 de 44% de la population orthodoxe. Le nombre de Musulmans est tombé de 36

9 à 32%, suite à l'immigration des Musulmans de la Bosnie-Herzégovine, suite

10 à l'occupation austro-hongroise en 1878, et le nombre de Catholiques a

11 augmenté en 1910; il s'agissait de 22%.

12 Entre les deux guerres mondiales, il n'y a pas eu de changement essentiel

13 s'agissant de la structure de la population en Bosnie-Herzégovine; c'est-

14 à-dire que les Serbes orthodoxes représentaient 44%, les Musulmans 32%, et

15 les Catholiques romans quelque 22%.

16 Des changements plus fondamentaux ont commencé à être imprimés dans la

17 structure de la population de la Bosnie-Herzégovine dès les années 1920,

18 suite à l'évolution politique sur le territoire de l'ancienne Yougoslavie

19 et en Bosnie-Herzégovine elle-même. Suite à la désintégration de l'Etat

20 yougoslave et suite à l'accélération de la désintégration au cours des

21 années 1970 et 1980.

22 Question: Monsieur le Témoin, je vous présente mes excuses. Vous parlez de

23 1970, puis de 1920. Je crois qu'il s'agit de 1920. Je crois que vous

24 pouvez nous expliquer ou nous répondre de façon détaillée, mais nous ne

25 disposons que de peu de temps. Pouvez-vous nous dire quelle est la

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1 situation aujourd'hui?

2 Réponse: Il est fondamental de bien comprendre ce qui se passe aujourd'hui

3 et se replacer d'abord vers la fin du XXe siècle. C'est pourquoi je parle

4 des pertes du point de vue démographique. Je parle plus particulièrement

5 des pertes s'agissant de la population de la Bosnie-Herzégovine,

6 essentiellement de la population serbe, étant donné que cette diminution

7 était tellement drastique qu'elle a provoqué des traumatismes collectifs.

8 D'après les recherches que nous avons effectuées, il s'agissait de Milorad

9 Ekmecic. Au cours de la Première Guerre mondiale, 19% de la population de

10 Bosnie a péri. Les premiers camps de concentration ont été créés pour les

11 Serbes au cours de la Première Guerre mondiale; 25% de la population de

12 Bosnie-Herzégovine est décédée au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Il

13 s'agit là de données atroces, il s'agit de pertes majeures du point de vue

14 de la démographie, étant donné la lutte des Serbes de créer leur propre

15 Etat ethnique comme l'avaient fait les Allemands et les autres peuples

16 européens dans la lutte qu'ils avaient menée pour essayer de défendre leur

17 Etat, suite à ces expériences horribles.

18 Tout ceci a donné lieu à des traumatismes horribles, à un sentiment de

19 frustration. C'est la raison pour laquelle ils ont vous voulu continuer de

20 vivre dans un Etat fédéral de la Yougoslavie en craignant que, s'il y

21 avait un autre Etat, ils connaîtraient une expérience une fois de plus

22 s'agissant de ces crimes horribles qu'ils ont connus au cours des deux

23 guerres mondiales.

24 Question: Merci, Docteur Terzic. Compte tenu de vos réponses et de la

25 teneur de votre déclaration, on peut conclure que la politique des grandes

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1 puissances a eu une influence sur la politique et sur l'évolution de la

2 situation dans les Balkans, et que cela a permis la création d'un

3 sentiment national. Est-ce exact?

4 Réponse: Malheureusement, c'est exact. Je suis partisan d'un principe que

5 l'on qualifie très fréquemment de "balkanisme", à savoir une lutte de

6 tribus. Je pense que le "balkanisme" est en fait la lutte d'aujourd'hui où

7 le coupable principal est la puissance principale, non pas en se fondant

8 sur des principes qui régissent de tels mouvements en Allemagne, en Italie

9 ou peut-être d'autres parties, mais tout dépend de leur propre intérêt.

10 C'est par conséquent pour cela qu'ils ont dessiné les propres frontières

11 de leurs Etats pour répondre à leurs propres intérêts stratégiques dans

12 les Balkans.

13 Question: Je vous prie de m'excuser, Monsieur le Témoin, mais j'aimerais

14 vous poser une question très brève. Une telle politique, celle que vous

15 nous avez décrite, est-ce qu'elle reflète la situation en Bosnie-

16 Herzégovine, c'est-à-dire à Sarajevo?

17 Réponse: Cela reflète essentiellement ce qui s'est passé sur le territoire

18 de la Bosnie-Herzégovine. Il s'agit d'une situation quelque peu ironique,

19 on peut parler de "paradoxe".

20 En 1907, les Serbes et les Musulmans de la Bosnie-Herzégovine

21 représentaient 71 signatures, y compris 3 musulmanes. En 1907, ils ont

22 adressé un mémorandum à la conférence internationale de la paix à La Haye,

23 en demandant à ce que l'on mette un terme à l'occupation austro-hongroise

24 en Bosnie-Herzégovine, étant donné que cette occupation avait échoué.

25 Et j'aimerais rajouter une phrase de plus: il y a certains historiens -et

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1 je suis parmi les partisans de telles positions-, selon lesquels la guerre

2 en Bosnie-Herzégovine, en 1992 jusqu'en 1995, a en fait commencé en 1878,

3 lorsque des dizaines de milliers d'Austro-hongrois, des soldats ont occupé

4 par la force la Bosnie-Herzégovine suivant le mandat du congrès de Berlin.

5 Et ceci jusqu'en 1918, c'est-à-dire jusqu'à la création d'un Etat

6 yougoslave. L'Autriche, la Hongrie a exacerbé les positions ethniques

7 raciales, religieuses, et ceci remonte à l'époque austro-hongroise.

8 Mme Pilipovic (interprétation): Je vous remercie.

9 M. Terzic (interprétation): Merci.

10 M. le Président (interprétation): Madame Mahindaratne, est-ce que

11 l'accusation est prête à procéder au contre-interrogatoire de ce témoin

12 expert?

13 Mme Mahindaratne (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

14 M. le Président (interprétation): Bien, je vous invite à poursuivre.

15 Monsieur le Témoin, vous allez être à présent interrogé par l'accusation.

16 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Slavenko Terzic, par Mme

17 Mahindaratne.)

18 Mme Mahindaratne (interprétation): Bonjour, Monsieur le Témoin.

19 M. Terzic (interprétation): Bonjour.

20 Question: Monsieur le Témoin, votre rapport est intitulé "Histoire de la

21 Bosnie-Herzégovine avec l'accent sur Sarajevo". (Fin de citation.)

22 Ce titre ne fait aucune référence spécifique concernant les compositions

23 ethniques qui vivaient en Bosnie-Herzégovine, y compris à Sarajevo au

24 début du conflit. Est-ce que vous vouliez, est-ce que votre intention

25 était que votre rapport soit un examen de l'histoire de toutes ces

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1 communautés ethniques?

2 M. Terzic (interprétation): Bien évidemment, tel était mon devoir. Et j'ai

3 essayé de donner les informations au sujet de l'histoire du peuple serbe

4 et l'histoire des Musulmans et des Croates, bien évidemment en fonction de

5 leur nombre, et si les Serbes étaient le groupe le plus important du point

6 de vue de la population étant donné qu'il s'agissait du groupe qui

7 représentait les éléments les plus importants.

8 J'ai essentiellement porté mon analyse sur les Serbes. Peut-être que je me

9 suis moins attardé sur les Musulmans ou sur les Croates catholiques, étant

10 donné que leur participation au niveau de la population de la Bosnie était

11 de 14 ou de 15%. Mais, en tout état de cause, je voulais concentrer mon

12 attention et la diviser entre les Serbes, les Musulmans et les Croates.

13 M. le Président (interprétation): Monsieur le Témoin, je vous invite à

14 ralentir. Je trouve que votre débit est tellement rapide que nous ne

15 pouvons pas vous suivre. Peut-être que vous pourriez marquer des pauses

16 entre les questions et les réponses.

17 M. Terzic (interprétation): Je vous présente mes excuses.

18 M. le Président (interprétation): Veuillez poursuivre.

19 Mme Mahindaratne (interprétation): Monsieur le Témoin, est-ce que votre

20 objectif était de dresser une histoire impartiale s'agissant de ces

21 communautés?

22 M. Terzic (interprétation): Il est devoir de tout historien de parler sine

23 ira et studio -"sans colère et sans partialité". Moi, j'ai fait de mon

24 mieux pour le faire sans colère, sans passion, et surtout de façon

25 impartiale.

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1 Mme Mahindaratne (interprétation): Je pense que, dans votre rapport, il

2 s'agit en fait d'un examen de la communauté de la Bosnie-Herzégovine qui

3 ne traite pas du tout de la partie musulmane ni croate. Quelle est votre

4 position à cet égard?

5 M. Terzic (interprétation): Je ne me propose pas de faire de commentaires

6 au sujet de l'impression qui est la vôtre. Mais qu'il me soit permis de

7 dire tout d'abord comme suit: tous les hommes de science d'Europe, vers la

8 fin du XIXe siècle, considéraient que la Bosnie-Herzégovine représentait

9 un pays, une terre serbe. Je pourrais peut-être vous citer des gens de

10 grande réputation, des hommes de sciences.

11 Par exemple, en premier lieu, citons le nom de Léopold Von Ranke, allemand

12 de nationalité. Dans son œuvre "Les révolutions serbes", publiée en 1829,

13 de même que dans sa seconde œuvre "La Turquie et la Serbie", Léopold Von

14 Ranke considère quant à lui que la Bosnie-Herzégovine représentait un pays

15 et des terres serbes.

16 Ami Boué le pensait également et partageait son avis.

17 Ensuite, Alexander Guilferding, un diplomate et auteur de récits de

18 voyage. De même que de nombreux chercheurs britanniques, français et

19 autres. Entre autres, "le Pacte de Londres" datant du mois d'août 1915 au

20 moment où les grandes puissances, à savoir la Grande Bretagne, la France

21 et l'Italie, ont pris une décision sur la base de laquelle lorsqu'il y

22 aurait un règlement vers la fin de la grande guerre -au cas où les forces

23 alliées auraient remporté la victoire-, l'ensemble des terres serbes

24 devait être rattaché à la Serbie. Seul Edward Gray disait, lui, que ceci

25 devait correspondre au principe de parité ethnique.

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1 Par conséquent, ceci pourrait être considéré comme justifié et justifiable

2 du fait que l'ensemble des hommes de science d'Europe, comme je l'ai dit,

3 considéraient que les terres de Bosnie-Herzégovine étaient serbes parce

4 que peuplées par une population serbe. Or une population musulmane qui y

5 habite, qui y réside, est à bien des égards et pour la plupart d'une

6 origine ethnique serbe.

7 M. Piletta-Zanin: Je ne suis…(inaudible) pas la cabine anglaise, mais la

8 cabine serbe actuellement; j'ai eu un peu de peine à suivre la question de

9 mon éminent confrère, même si je suis parvenu à la deviner, mais,

10 formellement, il faudrait qu'on l'ait au transcript puisqu'elle n'apparaît

11 pas texto au transcript.

12 M. le Président (interprétation): Oui, il y a eu des problèmes qui sont

13 liés à la vitesse de l'élocution, et ces problèmes se sont manifestés non

14 seulement pour les interprètes, mais également pour les sténotypistes. Le

15 compte rendu d'audience indique de façon très claire "veuillez ralentir la

16 cadence".

17 En fait, l'idée était de poser la question suivante: c'était une histoire

18 sympathique de la communauté de la Bosnie-Herzégovine. Je crois qu'il

19 s'agissait là de la question qui avait été posée, ceci simplement pour le

20 compte rendu d'audience.

21 Mme Mahindaratne (interprétation): Monsieur le Président, il s'agissait de

22 la communauté serbe de Bosnie.

23 M. le Président (interprétation): Par conséquent, la communauté serbe de

24 Bosnie en Bosnie-Herzégovine, oui. Ceci, c'était simplement pour rectifier

25 le compte rendu.

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1 Docteur Terzic, je vous invite une fois de plus à ralentir votre cadence;

2 nous n'arrivons pas à vous suivre

3 Mme Mahindaratne (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le

4 Président.

5 M. Terzic (interprétation): Puis-je dire un mot?

6 M. le Président (interprétation): Allez-y.

7 M. Terzic (interprétation): Je crois que, du point de vue historique, il

8 est beaucoup plus juste -et en littérature cela se fait plus fréquent- de

9 parler de peuples serbes en Bosnie-Herzégovine sans parler d'une

10 communauté des Serbes de Bosnie.

11 M. le Président (interprétation): Oui, je vous remercie de cet

12 éclaircissement.

13 Madame Mahindaratne, veuillez poursuivre.

14 Mme Mahindaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

15 Au chapitre 9 de la table des matières figurent plusieurs sections où vous

16 parlez des instituts serbes en Bosnie. Vous parlez de domaines d'activité

17 et d'événements historiques majeurs.

18 Par exemple, la première section traite des Serbes dans la culture urbaine

19 de Sarajevo et leur contribution à l'environnement multiculturel.

20 Dans quelle partie de votre rapport trouve-t-on une considération

21 similaire des résultats et de la contribution auxquels est parvenue la

22 communauté croate de Bosnie ou ceux de confession musulmane?

23 M. Terzic (interprétation): Dans les parties qui concernent la vie au

24 temps de l'occupation austro-hongroise, à savoir depuis 1878 à 1918, j'ai

25 surtout prêté une attention à des institutions musulmanes et catholiques.

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1 Et, à bien des égards, à bien des endroits, feuilletant et parcourant ce

2 rapport, vous allez voir que nous parlons évidemment d'institutions qui

3 ont été dirigées par des Musulmans.

4 Lorsqu'il s'agit par exemple de périodiques, de revues, j'ai cité par

5 exemple le "Journal de Bosnie-Herzégovine" de Omer-Beg Sulejman Pasic; ou

6 par exemple, l'autogestion d'Osman Djikic; ou par exemple, (inaudible dit

7 l'interprète.)

8 J'ai parlé également de certaines institutions croates, certaines

9 institutions culturelles et économiques croates. Lorsqu'il s'agit par

10 exemple de la Bosansko-Hercegovacka Deonicarska Banka, qui a été fondée en

11 1878, j'ai dit que, parmi les 17 fondateurs de cette banque, outre les

12 Musulmans et Juifs, il y avait sept Serbes.

13 Ensuite, lorsqu'il s'agit de circonstances politiques, après les élections

14 en Bosnie en 1910, j'ai dit que, parmi les élus, il y avait trois élus

15 serbes, mais il y avait quatre élus musulmans et un député qui a été le

16 représentant de la communauté croate catholique croate, etc.

17 Question: Au chapitre 9, il y a plusieurs sections qui comprennent

18 notamment toutes les institutions serbes, toutes les activités serbes et

19 des événements historiques majeurs qui ont trait à la communauté serbe.

20 Vous avez plus particulièrement traité dans des sections distinctes qui

21 parlent ou qui ont le titre d'institutions serbes ou événements, activités

22 serbes. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous vous êtes attaché sur ces

23 aspects particuliers de la communauté serbe en excluant les contributions,

24 les institutions, etc., qui ont trait aux autres deux communautés

25 principales?

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1 Pourquoi vous êtes-vous uniquement attardé sur les communautés, les

2 activités et les institutions serbes? D'autant plus si votre rapport

3 devait être soumis dans le cadre d'une analyse impartiale et objective.

4 Réponse: Il va de soi que j'ai surtout apprécié l'effort fait et la part

5 du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine, ayant en vue le caractère de ce

6 procès, le caractère de ces débats juridiques, ici. Je n'ai surtout pas

7 voulu sous-estimer les Musulmans et les Croates cela faisant. Mais, pour

8 parler de la part qu'ont eue les Croates et les Musulmans dans le

9 développement de la Bosnie-Herzégovine, nous ne pouvons pas dire qu'elle

10 était identique et adéquate à celle apportée par les Serbes de Bosnie-

11 Herzégovine. Tout simplement parce qu'il y avait en Bosnie-Herzégovine de

12 14 à 16 ou 17% de Croates dans la totalité de la population. Pour parler

13 des Musulmans, il y avait de l'ordre de 32%, alors qu'il y avait 44% de

14 Serbes, du total des habitants de Bosnie-Herzégovine.

15 Lorsqu'il s'agit maintenant de parler de la création d'une société selon

16 un concept économique moderne; lorsqu'on parle d'institutions culturelles,

17 économiques, de banques; lorsqu'on parle de périodiques, littéraires,

18 culturels; lorsqu'on parle de sociétés d'actions culturelles, etc., alors

19 ce sont les Serbes notamment qui ont apporté le vrai et le bon cachet du

20 développement de la Bosnie-Herzégovine. Ainsi dit l'Histoire, ainsi j'en

21 ai parlé notamment, sans -bien entendu- vouloir sous-estimer la véritable

22 contribution faite par toutes les populations de la Bosnie-Herzégovine.

23 J'ai voulu présenter les réalités telles qu'elles existaient et telles

24 qu'elles existent dans le pays.

25 Question: Bien. Dans votre rapport vous consacrez 44 pages à la version en

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1 serbe. Or, sur ces nombres, seules cinq pages…?

2 Réponse: Excusez-moi?

3 Question: Seules cinq pages, essentiellement les deux dernières pages

4 traitent d'événements qui ont eu lieu à Sarajevo à partir de 1981. Pouvez-

5 vous en convenir avec moi qu'il en est ainsi?

6 Réponse: Oui, pour ce qui est de l'ensemble de cette période historique de

7 Bosnie-Herzégovine considérée par moi, cette partie dite moderne datant

8 depuis les années 1990 semble être moins importante que les époques qui

9 précédaient. Et je pourrais vous expliquer tout cela si cela vous

10 intéresse, le pourquoi de tout cela si le Président le permet.

11 Mme Mahindaratne (interprétation): Je vais vous interrompre, Monsieur le

12 Témoin. Etant donné le temps qui nous fait défaut, ceci n'est pas

13 nécessaire.

14 J'aimerais appeler à présent votre attention à la page 33 de votre

15 rapport. Je fais allusion à la version en anglais.

16 M. le Président (interprétation): Avant de poursuivre, le témoin s'est

17 adressé à moi, Madame Mahindaratne.

18 Mme Mahindaratne (interprétation): Je vous présente mes excuses, Monsieur

19 le Président.

20 M. le Président (interprétation): La question qui vous a été posée était

21 de savoir si vous pouviez accepter que la partie de votre rapport qui

22 concerne l'histoire de Sarajevo récente est beaucoup plus courte que

23 l'autre partie. Si vous avez posé cette question au témoin, cela signifie

24 que vous aviez un intérêt dans la réponse. Par conséquent, si le témoin

25 souhaite expliquer, il devrait peut-être avoir l'occasion de répondre de

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1 façon très brève.

2 Mme Mahindaratne (interprétation): Non, Monsieur le Président. Je ne

3 comptais pas lui poser d'autres questions à ce sujet.

4 M. le Président (interprétation): Bien. Mais si un historien écrit un

5 élément qui concerne l'histoire récente ou plus récente du quartier de

6 Sarajevo, et si vous lui posez une question, qu'il a convenu avec vous

7 qu'effectivement il s'agissait d'une petite partie de son rapport qui

8 concernait cette question, à ce moment-là, on devrait l'autoriser à

9 expliquer pourquoi il n'a consacré que quelques pages à ce sujet.

10 Donc, Monsieur le Témoin, je vous invite à répondre à cette question. Mais

11 veuillez répondre de façon concise, je vous prie.

12 M. Terzic (interprétation): Monsieur le Président, je vous remercie.

13 De toute évidence, nous voyons et nous considérons ce problème sous des

14 angles différents. Les années 1990 du siècle dernier, je les ai présentées

15 en grand traits, de façon grossière. En tant qu'historien, je considère

16 qu'étant donné l'activité de ce Tribunal nous manquons toujours, en tant

17 qu'historiens, de ce qui devrait être considéré comme documentation

18 historique pertinente sur la base de laquelle nous devrions établir la

19 vérité.

20 Il s'agit d'un problème de grande échelle cette fois-ci, lorsque nous

21 parlons de vérités, et qu'il convient d'établir. Nous ne pouvons pas le

22 faire uniquement en nous basant sur des mémoires, sur des souvenirs ou sur

23 des écrits de presse. Il s'agit des sources de valeurs sporadiques. Nous

24 n'avons toujours pas de procès-verbaux, nous n'avons toujours pas de

25 procès-verbaux de négociations qui étaient tout à fait secrètes, nous ne

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1 disposons toujours pas des archives des services secrets spéciaux, etc. Et

2 nous manquons encore des textes de décisions prises par des gouvernements

3 mis en présence. Le tout étant -je dirais douloureusement- important pour

4 chacun qui veut comprendre ce qui s'était passé en Bosnie-Herzégovine, en

5 1990.

6 Par conséquent, sur la base de ce dont nous disposons, nous ne pouvons pas

7 vraiment porter des jugements de valeur valables, encore qu'ils se font

8 peu nombreux. Un jour, lorsque mes collègues auront à écrire là-dessus,

9 l'image de l'ensemble de ces événements se présentera tout à fait

10 différente.

11 M. le Président (interprétation): Je vous avais demandé à être concis. Je

12 comprends que votre préoccupation concerne les sources de l'Histoire

13 récente qui ne sont pas encore accessibles, et qu'il serait par conséquent

14 difficile d'écrire une histoire complète des années 1990 à Sarajevo.

15 Veuillez poursuivre, Madame Mahindaratne.

16 Mme Mahindaratne (interprétation): Monsieur le Témoin, une partie

17 importante de votre rapport -à savoir sept pages de la version en BCS et

18 neuf pages en anglais- traite des persécutions qui ont été exercées sous

19 une forme ou une autre à l'encontre des Serbes de Sarajevo au cours de la

20 Première Guerre mondiale, c'est-à-dire pendant la période de 1914 à 1918.

21 Comment comprenez-vous le traitement qui a été réservé à la communauté

22 serbe au cours de la Première Guerre mondiale? Comment cette histoire

23 contribue à comprendre les événements qui se sont déroulés à Sarajevo,

24 entre 1992 et 1994?

25 M. Terzic (interprétation): Madame le Procureur, je considère cette

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1 question comme fort importante. Je suis désolé si vous ne parvenez pas à

2 comprendre l'extrême importance de cette question. Le comportement

3 politique des hommes, le monde qui est le leur, eh bien, ils sont composés

4 également de souvenirs, de traumatismes vécus, subis. Dans les années 1990

5 du siècle dernier, encore toujours étaient en vie les gens dont les pères

6 se trouvaient victimes dans des massacres de masse perpétrés contre eux,

7 dans les camps de concentration au cours de la Grande Guerre.

8 Au cours de la Seconde Guerre mondiale, plus de 100.000 enfants, dont

9 l'âge allait jusqu'à 14 ans, étaient décédés. Il s'agit de traces

10 profondes qui se sont profondément gravées dans la conscience, dans l'âme

11 et la tradition du peuple serbe.

12 Ceci peut être évidemment quelque chose de fort lointain pour quelqu'un,

13 mais pour une vie d'homme, ceci n'est pas vraiment une période beaucoup

14 trop longue. Encore, tout cela s'était réitéré en quelque sorte lors de la

15 Seconde Guerre mondiale, et cela d'une façon encore plus dramatique.

16 Par conséquent, les faits concernant les Serbes, leur calvaire au cours de

17 la Grande Guerre dans des camps de concentration, l'extermination dont ils

18 ont fait l'objet, les grands procès politiques dont ils ont fait l'objet,

19 pendant ces temps-là, il y avait des dizaines de procès politiques qui ont

20 été improvisés à l'encontre des Serbes. Je parle de l'un des plus

21 importants de ces procès à Banja Luka en 1915, 1916, lorsque 156 Serbes

22 furent jugés et condamnés; l'ensemble de l'intelligentsia serbe de Bosnie-

23 Herzégovine: des professeurs, des députés et élus, des représentants des

24 clergés, des paysans. Et tout simplement, la principale allégation à leur

25 encombre était leur aspiration à la Grande Serbie.

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1 Voilà pourquoi je considère que cette expérience de la Grande Guerre se

2 trouve à la base des traumatismes profonds ressentis par le peuple serbe.

3 Mme Mahindaratne (interprétation): Pensez-vous que cette histoire et ces

4 traumatismes ont pu motiver certains membres de la communauté serbe de

5 Bosnie en 1992 -et par la suite-, afin de tout mettre en oeuvre pour

6 parvenir à leur indépendance et à leur autonomie?

7 M. Terzic (interprétation): Ce facteur, celui qui date de la Grande

8 Guerre, était fort important. Important était également l'expérience faite

9 lors de la Seconde Guerre Mondiale, car ils sont à la base d'une véritable

10 panique, d'une peur de se voir rester sans son Etat, car les crimes

11 perpétrés contre ces gens lors de la Grande Guerre et lors de la Seconde

12 Guerre mondiale -lors de la Grande Guerre, c'était perpétré par des

13 autorités austro-hongroises, lors de la Seconde Guerre mondiale, c'était

14 l'œuvre de la Croatie nazie-, et il y avait une peur de voir se produire

15 une troisième fois, dans un autre Etat que le sien, donc on pouvait

16 s'attendre à un tel génocide.

17 Voilà la raison de cette grande peur pour les Serbes au cours des années

18 1990, du siècle dernier.

19 Si, Monsieur le Président, vous me permettez d'ajouter un mot?

20 (Le Banc de l'accusation se concerte.)

21 M. le Président (interprétation): Vous souhaitiez rajouter quelque chose,

22 mais vous avez attendu que Mme Mahindaratne ait terminé ses consultations.

23 Qu'est-ce que vous aimeriez dire, je vous en prie?

24 M. Terzic (interprétation): Madame le Procureur a concentré toute son

25 attention sur la Grande Guerre. Je voulais qu'elle le fasse autant pour

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1 parler de la Seconde Guerre mondiale. Il s'agit d'une expérience terrible

2 et terrifiante.

3 Je voudrais citer quelques sources allemandes. Le commissaire de Hitler

4 pour le Sud-Est, pour l'automne-hiver 1942, Hermann Neubacher -dans son

5 journal publié en 1958 à Göttingen- disait que "les crimes perpétrés

6 contre les Serbes en Croatie indépendante étaient les meurtres de masse

7 les plus terrifiants dans l'Histoire.". (Fin de citation.)

8 Neubacher disait qu'au cours de la Seconde Guerre mondiale, dans l'Etat

9 indépendant croate, environ 750.000 Serbes ont été tués. Un autre

10 Allemand, Alexander Von Löhr, commandant des forces allemandes du Sud-Est,

11 disait que, depuis avril 1941 jusqu'en automne 1942, dans l'Etat

12 indépendant croate, environ 400.000 Serbes furent exécutés.

13 Nous ne pouvons pas connaître maintenant les données avec fiabilité, mais

14 le nombre de Serbes qui se sont fait tuer au cours de la Seconde Guerre

15 mondiale, dans l'Etat indépendant de Croatie, variait de 800.000 à un

16 million de personnes. Cela dit, nous pensons que ce chiffre comprend

17 plusieurs dizaines de milliers d'enfants.

18 Après ce terrible génocide, il ne peut y avoir de familles qui n'aient pas

19 vécu de profonds traumatismes, des douleurs lancinantes. Il n'y avait lieu

20 que de parler de réfugiés qui se retrouvaient de part et d'autre et qui

21 servaient de témoins oculaires pour ceux qui voulaient les entendre au XXe

22 siècle.

23 Pour parler de ces événements, pour parler maintenant à la

24 lumière des années 90, il faut surtout avoir en vue ce contexte historique

25 -et je dirais psychologique, socio-psychologique général- qui fait que les

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1 gens ont eu tel ou tel comportement. Chez les Serbes, il y a eu cette peur

2 de voir, dans les années 90, dans un autre Etat que le leur -des Musulmans

3 ou des Croates-, se répercuter une fois de plus et se reproduire le même

4 phénomène de massacres dont ils ont fait l'objet lors de la Grande Guerre

5 et de la Seconde Guerre mondiale.

6 Ils voulaient qu'après le démantèlement de la Yougoslavie ils puissent

7 vivre sur un même pied d'égalité avec les autres peuples de Yougoslavie.

8 Question: Bien. Nous allons à présent passer à un autre sujet.

9 J'appelle votre attention à la page 49 de votre rapport en langue

10 anglaise.

11 A la quatrième ligne, vous déclarez -et je vais vous en donner lecture-,

12 la clause stipulant que "les parties de la Bosnie-Herzégovine à l'auto-

13 détermination des deux tiers de la population par référendum pourraient

14 faire sécession et rejoindre les républiques voisines" a été supprimée.

15 (Fin de citation.)

16 Quelle est la disposition constitutionnelle dans la constitution de 1974 à

17 laquelle vous faites référence, et qui aurait été supprimée suite à une

18 modification en 1990?

19 Réponse: Madame le Procureur, je me réfère à l'article 5 de la

20 Constitution de 1974 qui se lit comme suit: "L'article 5 de la

21 Constitution de Bosnie-Herzégovine de 1974 -je cite-: 'Le territoire de la

22 République socialiste de Bosnie-Herzégovine était composé par les

23 territoires des communes. Le territoire, c'est-à-dire les limites de la

24 République peuvent être modifiées en vertu de la décision adoptée par

25 l'assemblée de la République socialiste de Bosnie-Herzégovine, uniquement

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1 conformément à la volonté exprimée par la population du territoire

2 correspondant, et conformément aux intérêts généraux de la République et

3 sur la base d'un accord auquel la République serait parvenue avec la

4 République voisine". (Fin de citation.)

5 Voilà comment se lit l'article 5 de la Constitution.

6 Mme Mahindaratne (interprétation): Je dispose de copies de cet article

7 précis de la Constitution. Si vous le souhaitez, je peux distribuer ces

8 divers documents.

9 M. le Président (interprétation): Bien, Madame.

10 Mme Mahindaratne (interprétation): Je dispose également de cet exemplaire

11 en BCS ainsi qu'en anglais.

12 M. le Président (interprétation): Vous ne souhaitez pas verser ce

13 document? Il s'agit simplement d'une référence.

14 Mme Mahindaratne (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

15 Monsieur le Témoin, est-ce que votre position est la suivante, à savoir

16 que vous interprétez l'article 5 comme étant une base constitutionnelle de

17 la sécession par une majorité des deux tiers lors d'un référendum.

18 Est-ce là votre interprétation de cet article?

19 (Intervention de l'huissier.)

20 M. Terzic (interprétation): Je ne suis pas juriste pour commencer, mais

21 j'ose interpréter cet article tel qu'il est libellé, tel qu'il est écrit.

22 Ce qui veut dire que la Constitution de 1974 a permis cette possibilité à

23 certaines régions ou districts de Bosnie-Herzégovine, comme nous pouvons

24 le lire, à savoir conformément à l'accord adopté par l'assemblée de la

25 République. Ces régions et districts pouvaient être rattachés à des

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1 régions et districts d'autres républiques. C'est comme cela que je

2 l'interprète. Et je ne parle pas de sécession, il s'agit du même Etat.

3 Madame le Procureur, vous perdez de vue le fait qu'il s'agit d'un seul

4 Etat, il s'agit de la République socialiste fédérative de Yougoslavie. Les

5 républiques n'étaient que des membres, que des unités fédérées de cet

6 Etat. Par l'amendement 69.7, datant de 1990, c'est-à-dire après

7 modification et révision de la Constitution de 1974, il a été, entre

8 autres, interdit toute activité politique et agissement politique ayant

9 pour but de saper les fondements constitutionnels et juridiques de la

10 République socialiste fédérative de Yougoslavie. Voilà ce qui a été rendu

11 conforme à la constitution de la RSFY.

12 Il s'agit de dire, Madame, que des parties d'une république pouvaient être

13 rattachées à une autre république conformément et sur la base de la

14 volonté exprimée par la population des deux républiques, et cela, dans le

15 cadre d'un seul et même Etat, à savoir celui de Yougoslavie.

16 Mme Mahindaratne (interprétation): Par conséquent, si on lit l'article 5,

17 n'est-il pas vrai de dire que cette disposition permet simplement de

18 modifier les frontières, ce qui s'éloigne de la sécession, ce qui

19 permettrait de se joindre à d'autres républiques? Et c'est ce que vous

20 avez affirmé à la page 49 de votre rapport, à la ligne 4.

21 M. Terzic (interprétation): Excusez-moi. Je n'affirme que ce que l'on peut

22 lire dans le cadre de l'article 5. J'insiste à ce qu'une nouvelle lecture

23 soit donnée de cet article pour oublier toute interprétation. On dit que

24 "le territoire, c'est-à-dire les limites des républiques peuvent être

25 modifiées sur la base d'une décision prise par l'assemblée de la

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1 République socialiste de Bosnie-Herzégovine, uniquement lorsque celle-ci

2 est conforme à la volonté exprimée par la population d'une région donnée

3 et aux intérêts généraux de la République, et cela, en vertu d'un accord

4 préalablement conclu avec les républiques voisines".

5 Il s'agit donc de parler de modifications possibles des limites d'une

6 république dans le cadre d'un Etat internationalement reconnu; il s'agit

7 de la RSFY.

8 Permettez-moi de dire une autre chose. Les limites des républiques étaient

9 des limites administratives; elles n'étaient pas internationalement

10 reconnues tant qu'elles ne le seront pas par les grandes puissances. Je

11 saisis cette occasion, si vous le permettez…

12 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je suis simplement un peu confus.

13 Je voulais vérifier... Est-ce que mon éminent confrère nous parle de

14 "cessation" ou de "sécession"? Ce qui ne veut pas dire la même chose.

15 Sa question en anglais porte sur "cessation" et j'ai l'impression qu'on

16 élabore autre chose, là.

17 M. le Président (interprétation): Je crois, Madame Mahindaratne, que vous

18 vouliez parler de "sécession", n'est-ce pas?

19 Mme Mahindaratne (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président.

20 M. le Président (interprétation): Oui, vous parliez de "sécession" et non

21 pas de "cessation". N'étant pas moi-même de langue maternelle anglaise,

22 j'ai parfois du mal à prononcer certains mots. Toutefois, je pense qu'en

23 l'occurrence les choses étaient claires. Il n'y a pas eu de malentendu.

24 Je crois également que, pour les cabines, on parlait de "sécession" et non

25 pas de "cessation", n'est-ce pas?

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1 Mme Mahindaratne (interprétation): Oui.

2 Je vois que l'heure passe. Est-ce qu'il est temps de marquer une

3 suspension d'audience?

4 M. le Président (interprétation): Est-ce que je peux vous poser une

5 question? Vous avez utilisé un peu plus de 30 minutes. De combien de temps

6 souhaitez-vous encore disposer?

7 Mme Mahindaratne (interprétation): Peut-être 15 ou 20 minutes.

8 M. le Président (interprétation): Je crois me souvenir que vous aviez reçu

9 45 minutes.

10 Mme Mahindaratne (interprétation): Non, une heure.

11 M. le Président (interprétation): Eh bien, comme vous voyez, j'essaie

12 toujours de diligenter la procédure. Nous allons reprendre notre audience

13 à 16 heures 15.

14 (Le témoin, M. Slavenko Terzic, est reconduit hors du prétoire.)

15 (L'audience, suspendue à 15 heures 46, est reprise à 14 heures 20.)

16 J'invite l'huissier à escorter le témoin à l'intérieur du prétoire.

17 (Le témoin, M. Slavenko Terzic, est introduit dans le prétoire.)

18 Madame Mahindaratne, veuillez poursuivre votre contre-interrogatoire.

19 Mme Mahindaratne (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

20 Bien, nous allons à présent revenir à la question de la phrase qui

21 apparaît à la page 49, ligne 4. Vous faites allusion à une modification

22 qui a été adoptée en 1990 et qui confirme la suppression d'une clause qui

23 est mentionnée dans l'article 5. J'aimerais à présent vous poser la

24 question suivante: à quelle modification faites-vous référence ici?

25 M. Terzic (interprétation): Je ne me suis pas occupé d'une analyse

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1 juridique de ce procès, mais l'essentiel, pour moi, c'est que les

2 amendements à la Constitution datant de 1990 ont apporté des changements à

3 la Constitution de 1974. Notamment par l'amendement 69.7 et .10. Ces deux-

4 points là, je les ai en vue.

5 En effet, par l'amendement 69.7 de 1990, les changements se lisent comme

6 suit: "Entre autres est interdite l'organisation et l'activité politique

7 ayant pour but de saper la souveraineté territoriale de l'ensemble de la

8 RSFY".

9 Question: Si je peux vous interrompre. Je me réfère à la modification qui

10 remplace l'article 5, et vous avez fait allusion à cela à la page 49 de la

11 version anglaise de votre rapport. Est-ce qu'il s'agissait de la

12 modification ou de l'amendement n°62?

13 Réponse: Non, il s'agit des amendements 60 et 72, aux termes desquels se

14 trouve accentué le fait que la Bosnie-Herzégovine serait un Etat

15 inaliénable en Yougoslavie. Je voulais attirer votre attention au point

16 n°10 de l'amendement 69 qui apporte un fait substantiellement nouveau à la

17 Constitution de 74.

18 En effet c'est au point 10 de l'amendement 69 que se trouve formé un

19 conseil chargé de surveiller la réalisation des droits des nations et

20 nationalités, lequel conseil se trouve constitué sur une parité prenant en

21 considération et faisant entrer en ligne de compte tous les représentants,

22 toutes les ethnies. Par conséquent, aucune modification importante pour le

23 destin de la République n'aurait pu être apportée sans l'accord des trois

24 nations: serbe, croate, et musulmane.

25 Question: Si je peux vous interrompre, dans la phrase à laquelle je fais

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1 allusion, vous parlez d'une majorité des deux tiers, d'un vote qui a eu

2 lieu lors d'un référendum. A quel endroit, dans l'article 5, pouvez-vous

3 conclure que des changements ont été apportés aux limites du territoire

4 suite à la majorité des deux tiers qui a été obtenue lors du référendum?

5 Où pouvez-vous trouver cette référence à l'article 5?

6 (Les Juges se consultent sur le siège.)

7 Réponse: Madame le Procureur, vous avez en vue l'article 5 de la

8 Constitution de 1974?

9 Question: C'est exact.

10 Réponse: Pour parler de cet article-là, je ne disais pas là qu'il

11 s'agissait de la majorité des deux tiers. Je voudrais que vous me suiviez

12 de très près.

13 Mme Mahindaratne (interprétation): Si je peux vous interrompre, je

14 voudrais vous ramener sur votre rapport. Je vais vous lire la ligne n°4 à

15 la page 49 de votre rapport et vous préciser: "La clause stipulant que les

16 parties de la Bosnie-Herzégovine par l'autodétermination des deux tiers de

17 la population à un référendum peut faire sécession et se joindre aux

18 républiques voisines a été supprimée." (Fin de citation.) Bien.

19 A présent, il y a une référence au terme "clause". Vous faites allusion à

20 une disposition de la Constitution de 1974, et je vous pose une question

21 lorsque vous parlez de l'article 5. La question que je vous pose est de

22 savoir à quel endroit, dans l'article 5, pouvez-vous trouver une référence

23 à la majorité des deux tiers et à un référendum? Est-ce qu'il s'agit d'une

24 affirmation de votre part? Et je vous pose cette question.

25 M. Terzic (interprétation): Excusez-moi, Madame le Procureur, vous êtes en

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1 train de parler de quelque chose que je n'ai pas affirmé. Je n'ai pas dit

2 que, dans l'article 5, nous pouvons lire une disposition concernant la

3 majorité des deux tiers. Je vous ai parlé de l'article 5, ce dont je

4 voudrais vous donner lecture une fois de plus.

5 M. le Président (interprétation): Il semblerait qu'il y ait une confusion.

6 Madame Mahindaratne fait référence à une partie de votre rapport à propos

7 de laquelle elle vous a posé une question. Il semble qu'à présent elle

8 soit confrontée à un problème, à savoir: où trouve-t-elle une référence à

9 la majorité des deux tiers dans un référendum qui permettrait de parvenir

10 à l'autodétermination? Parce que je pense que, suite à la question à

11 laquelle vous avez répondu, il ne s'agissait pas de faire une référence à

12 l'article 5 mais à quelque chose d'autre. Où peut-elle trouver une

13 référence à la majorité des deux tiers?

14 Mme Mahindaratne (interprétation): Monsieur le Président, ma position

15 concerne la ligne 4.

16 M. Terzic (interprétation): Certainement. Il s'agit de l'amendement 69

17 apporté à la Constitution de 1974. Il s'agit de parler de l'année 1990;

18 notamment je lis le point 10 qui traite "de la formation d'un conseil

19 chargé de la réalisation des droits des nations, des peuples et des

20 nationalités, lequel conseil se trouve constitué comme suit: 20 membres

21 sont à désigner par chacune des ..."

22 Mme Mahindaratne (interprétation): (Pas d'interprétation.)

23 M. Terzic (interprétation): Si vous me permettez de terminer, Madame.

24 "…à au moins 20 élus du conseil, lorsqu'il considère qu'un peuple, une

25 nation se trouvait mise en minorité. Alors, l'assemblée de Bosnie-

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1 Herzégovine, au terme de la procédure prévue par la loi, décide par une

2 décision apportée avec deux tiers de voix exprimées."

3 Il s'agit là du point 10 de l'amendement de 1990. Cela veut dire

4 l'amendement 69 au référendum de Bosnie-Herzégovine, donc...

5 M. le Président (interprétation): Je vous interromps. La seule question

6 que je voulais vous poser est: à quel endroit est-ce que Mme Mahindaratne

7 peut trouver une référence à la majorité des deux tiers?

8 Mme Mahindaratne (interprétation): Mais peut-être que je pourrais

9 reformuler ma question?

10 M. le Président (interprétation): Je vous invite à le faire.

11 Mme Mahindaratne (interprétation): Monsieur le Témoin, à la page 49 -et je

12 vais vous donner lecture, veuillez me corriger dès que vous le pensez

13 nécessaire-, vous faites référence à la Constitution de 1974 et vous

14 continuez à dire: "La clause qui stipule que les parties de la Bosnie-

15 Herzégovine par autodétermination des deux tiers de la population lors

16 d'un référendum peut faire sécession et se joindre aux républiques

17 voisines a été biffée". (Fin de citation.)

18 De cela, j'en déduis que vous faites référence à une disposition de la

19 Constitution de l'année 1974, qui prévoit la sécession par une majorité

20 des deux tiers lors d'un référendum qui a été supprimé suite à un

21 amendement en 1990.

22 Est-ce que c'est là bien ce que vous vouliez dire? Parce que c'est ainsi

23 que cela figure dans votre rapport, c'est libellé ainsi?

24 M. Terzic (interprétation): Oui, en effet. J'ai écrit dans mon rapport que

25 l'article 5 de 1990 apporte changement dans ce sens-là, où les limites des

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1 républiques pouvaient être modifiées au sein de la République socialiste

2 fédérative de Yougoslavie par plébiscite de la population de la région,

3 avec accord de l'assemblée de Bosnie-Herzégovine et accord également de la

4 république voisine.

5 Question: Dans cette phrase, vous faites référence à la possibilité qu'un

6 tel changement soit rendu effectif par le truchement d'un référendum où il

7 faudra que les deux tiers des votants se prononcent en faveur de ce qui

8 leur sera proposé. C'est ce que vous dites dans cette phrase, n'est-ce

9 pas?

10 Réponse: Oui. Je dis que, vu l'article 5, si la population d'une zone

11 donnée se prononce en ce sens, il peut y avoir des changements par le

12 truchement d'un plébiscite ou d'un référendum. C'est de cette façon qu'on

13 suivait les désirs de la population, si l'on peut dire.

14 Mme Mahindaratne (interprétation): Mais ma question est la suivante: où

15 dans l'article 5 de la Constitution de 1974, avant qu'elle ne soit

16 modifiée, où trouve-t-on une disposition prévoyant que les changements de

17 frontière seront approuvés par une majorité des deux tiers lors d'un

18 référendum, que c'est comme cela qu'ils auront lieu? Où est-ce que vous

19 trouvez ce terme de majorité des deux tiers pour un référendum et dans

20 l'article 5?

21 M. Terzic (interprétation): A l'article 5, il n'est pas dit explicitement

22 "majorité des deux tiers", mais on peut y lire que le territoire ne peut

23 être modifié qu'en fonction de la volonté de la population d'une

24 république donnée. Et il est entendu, sans qu'il soit besoin de le dire,

25 que cela se fera par le biais d'un référendum. Il était habituel que,

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1 lorsque de telles décisions devaient être rendues, on s'appuie sur une

2 décision ou une majorité des deux tiers des votes exprimés.

3 M. Nieto-Navia (interprétation): Je vais poser une question au témoin moi-

4 même. Toujours à la même page, page 49 du rapport en langue anglaise, à la

5 fin du même paragraphe, on peut lire la chose suivante -je cite-:

6 "Cependant, la disposition constitutionnelle sur le statut de la Bosnie-

7 Herzégovine n'a pas été respectée, et qui prévoit que le statut ne peut

8 être changé qu'avec un vote ou une majorité des deux tiers lors d'un

9 référendum de la population." (Fin de citation.)

10 Ici, vous parlez non pas du droit coutumier mais vous parlez d'une

11 disposition constitutionnelle. Alors, quelle est cette disposition

12 constitutionnelle à laquelle vous faites référence ici?

13 M. Terzic (interprétation): Je parle de la disposition qui figure au point

14 10, amendement n°69 de la Constitution en 1990, amendement de la

15 Constitution de 1974. Et je le répète encore une fois: cela concerne le

16 conseil chargé de l'égalité entre les nations et les nationalités qui

17 stipule que si une communauté ethnique s'oppose à une question donnée, à

18 ce moment-là, c'est l'assemblée de Bosnie-Herzégovine qui statuera avec un

19 vote où il faudra obtenir une majorité des deux tiers. Je le répète, c'est

20 l'article 69.10, amendement de la Constitution qui date de 1990.

21 En d'autres termes, cela signifie que lors du référendum pour

22 l'indépendance du 29 février et du 1er mars, pour que la décision soit

23 définitive, il fallait que 66% de l'ensemble des électeurs de la Bosnie-

24 Herzégovine se prononcent en faveur de la proposition présentée.

25 M. Nieto-Navia (interprétation): Donc vous nous parlez d'un amendement de

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1 la Constitution qui date de 1990, mais cela ne figure pas dans la

2 Constitution de 1974. C'est bien cela?

3 M. Terzic (interprétation): C'est cela. Amendement n°69.10, adopté en

4 1990.

5 (Le Banc de l'accusation se concerte.)

6 (Les Juges se concertent sur le siège.)

7 Mme Mahindaratne (interprétation): Monsieur, à la même page et au même

8 paragraphe, 4e ligne, à partir du bas du paragraphe, vous déclarez que les

9 résultats du référendum n'ont pas été publiés de manière officielle. Sur

10 la base de quoi affirmez-vous que les résultats du référendum n'ont pas

11 fait l'objet d'une publication officielle?

12 M. Terzic (interprétation): Je l'affirme tout d'abord sur la base d'un

13 entretien informel avec Alija Izetbegovic, Président de l'Action

14 démocratique. Parce que, tout de suite après le référendum, il a dit que

15 presque 63% des votants ou des électeurs s'étaient exprimés lors du

16 référendum. Et j'ai dit cela sur la base de l'ouvrage de Noël Malcom,

17 "Brève histoire de la Bosnie", un ouvrage dans lequel il déclare à la page

18 231, il déclare -et je le cite-: "Près de 64% …

19 (Note de l'interprète: le reste de la réponse du témoin est inaudible.)

20 M. le Président (interprétation): Merci de vouloir répéter votre réponse.

21 Vous avez dit 64%, mais, ensuite, on n'a pas été en mesure de vous suivre.

22 M. Terzic (interprétation): Eh bien, Noël Malcom, auteur de l'ouvrage

23 intitulé "Brève histoire de la Bosnie", évoque les résultats du référendum

24 pour l'indépendance. Il dit que cela était -et je cite-: "Une victoire de

25 64% environ". (Fin de citation.)

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1 Page 231, dans son livre: "Et pour que le référendum soit couronné de

2 succès, il fallait obtenir 66,6% des votes exprimés".

3 Mme Mahindaratne (interprétation): Est-ce que cela vous amène à conclure

4 que les résultats du référendum n'ont pas été publiés officiellement?

5 M. Terzic (interprétation): Eh bien, l'auteur du livre le dit, c'est pour

6 cela, c'est parce qu'il dit qu'il y a environ 64%. Et quand on dit "à peu

7 près" ou "environ 64%", cela n'est pas un chiffre exact; cela signifie

8 qu'il n'a peut-être pas une source fiable.

9 Deuxièmement, ce pourcentage qu'il nous donne, ce pourcentage d'environ

10 64%, cela n'est pas la même chose que 66,6%, qui est le seul chiffre, le

11 seul résultat qui pourrait valider ce référendum.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur, je vais vous demander

13 d'écouter avec beaucoup d'attention les questions qui vous sont posées et

14 de répondre de manière très précise. Parce qu'on vous a posé la question

15 suivante, on vous a demandé: qu'est-ce qui vous amène à la conclusion que

16 les résultats du référendum n'ont pas fait l'objet d'une publication

17 officielle?

18 C'est la question qui vous a été posée. Or, vous, vous avez répondu au

19 sujet du résultat du référendum, mais vous n'avez pas donné de réponse sur

20 ce qui vous a amené à conclure que ces résultats n'avaient jamais fait

21 l'objet d'une publication officielle.

22 En d'autres termes, la question est: qu'est-ce qui vous amène à penser

23 qu'il n'y a pas eu de publication officielle de ces résultats?

24 M. Terzic (interprétation): Eh bien, je vais encore une fois le répéter.

25 J'en suis arrivé à cette conclusion par les conclusions de mon confrère,

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1 Noël Malcom, dans son ouvrage "Brève histoire de la Bosnie", ouvrage dans

2 lequel il déclare...

3 M. le Président (interprétation): Inutile de répéter votre réponse. Si

4 vous dites qu'il n'y a pas eu publication officielle puisque la seule

5 source qui permet d'avoir des informations sur les résultats, c'est un

6 ouvrage émanant de M. "X", "Y" ou "Z", à ce moment-là, nous considérerons

7 cela comme une réponse de votre part. Mais vous n'êtes pas ici pour nous

8 donner des commentaires au sujet de cet ouvrage.

9 Mme Mahindaratne (interprétation): Est-ce qu'on pourrait présenter un

10 document au témoin? Nous avons préparé suffisamment de copies pour tout le

11 monde.

12 (Intervention de l'huissier.)

13 M. le Président (interprétation): Monsieur l'Huissier, est-ce qu'on

14 pourrait disposer une copie sur le rétroprojecteur?

15 Mme Mahindaratne (interprétation): Mais je pensais qu'il y avait

16 suffisamment de copies pour les interprètes également. Nous avons procédé

17 à la distribution hier.

18 Mme Philpott (interprétation): Sinon j'ai une copie, ici, supplémentaire.

19 M. le Président (interprétation): Faites en sorte, Madame, de fournir une

20 copie aux interprètes, si cela est nécessaire.

21 (Intervention de l'huissier.)

22 Monsieur, de quoi s'agit-il ici? Pouvez-vous nous donner le titre de ce

23 document?

24 M. Terzic (interprétation): Mais de quel page me parlez-vous?

25 Mme Mahindaratne (interprétation): En haut de la page, c'est la page 200,

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1 il y a un intitulé au centre de cette page. Et dans la partie supérieure

2 de la page, le titre.

3 M. Terzic (interprétation): C'est le Journal officiel de la République

4 socialiste de Bosnie-Herzégovine.

5 Question: Et la date qui figure sur ce document?

6 Réponse: 27 mars 1992.

7 Question: Sur la deuxième page de cet ensemble de document, page 201, vous

8 constatez qu'il y a là une proclamation des résultats officiels du

9 référendum?

10 Réponse: Oui, je vois. Mais je remarque également ce que je viens de vous

11 dire. Et si vous me le permettez, je vais vous donner lecture -je cite-:

12 "Sur le nombre total de votants, 3.253.847..."

13 Mme Mahindaratne (interprétation): Je vous interromps. Est-ce que vous

14 reconnaissez maintenant que vous avez fait une erreur quand vous avez dit

15 que les résultats du référendum n'ont pas fait l'objet d'une publication

16 officielle? Ce n'est pas exact, n'est-ce pas?

17 M. Terzic (interprétation): Non. A ce moment-là, je ne connaissais pas les

18 résultats officiels, mais c'est moins important que le fait essentiel que

19 j'essaie de vous transmettre...

20 M. le Président (interprétation): Docteur Terzic, il ne vous appartient

21 pas à vous de décider ce qui est important ou pas. Le Procureur vous

22 interroge au sujet de l'extrait de votre rapport dans lequel vous dites

23 que les résultats n'ont jamais fait l'objet d'une publication officielle.

24 C'est à ce sujet qu'elle souhaite vous interroger pour l'instant. Et elle

25 vous demande si vous convenez que ce document nous montre que les

Page 20657

1 résultats ont fait l'objet d'une publication officielle.

2 M. Terzic (interprétation): Je reconnais que, dans ce texte, je ne me suis

3 pas appuyé sur les résultats du Journal officiel de la Bosnie-Herzégovine;

4 j'ai utilisé les résultats figurant dans l'ouvrage de Noël Malcom.

5 M. le Président (interprétation): Mais vous avez écrit que ces résultats

6 n'avaient jamais été publiés. C'est cela, c'est là-dessus qu'on vous

7 interroge. On ne vous interroge pas sur le fait de savoir s'il s'agit des

8 chiffres exacts ou pas. La question que pose et que soulève le Procureur,

9 c'est que vous avez dit que ces résultats n'avaient jamais été publiés.

10 J'imagine, qu'ici, elle veut faire apparaître que vous vous êtes trompé,

11 qu'en fait, ces résultats ont fait l'objet d'une publication officielle.

12 Voilà l'essentiel de son questionnement pour l'instant.

13 M. Terzic (interprétation): Je m'excuse, mais c'est-à-dire que je n'ai pas

14 écrit que ces résultats n'avaient jamais été publiés officiellement, je

15 n'ai jamais écrit que ces résultats n'avaient jamais fait l'objet d'une

16 publication officielle, mais, à ce moment-là, ils n'avaient pas encore été

17 publiés. Mais comme on le voit ici, dans cet extrait du Journal officiel,

18 ils ont été publiés près d'un mois après. Donc, dans mon texte, je n'ai

19 pas dit qu'ils n'avaient jamais fait l'objet d'une publication officielle.

20 M. le Président (interprétation): Vous pouvez continuer, Madame le

21 Procureur.

22 Mme Mahindaratne (interprétation): Monsieur, quand avez-vous rédigé votre

23 rapport?

24 M. Terzic (interprétation): J'ai rédigé ce rapport en l'an 2002.

25 Question: Et cette publication officielle date de 1992?

Page 20658

1 Réponse: Oui, bien sûr. Mais j'étais en train de vous expliquer la

2 situation ayant trait au référendum. J'étais en train de vous expliquer

3 que, suite au référendum, il n'y a pas eu de résultats officiels publiés.

4 Ils ont été publiés un mois après seulement.

5 Mme Mahindaratne (interprétation): Passons maintenant à un autre sujet.

6 M. le Président (interprétation): Si vous souhaitez vraiment aborder un

7 autre sujet, Madame le Procureur...

8 Mme Mahindaratne (interprétation): Non, Monsieur le Président, une seule

9 question encore.

10 M. le Président (interprétation): Fort bien, une question.

11 Mme Mahindaratne (interprétation): Dans la même page, 2e paragraphe, ligne

12 6 paragraphe… plutôt ligne 5, vous dites -je cite-: "Les Etats-Unis

13 d'Amérique et la communauté européenne ont émis un ultimatum pour obtenir

14 le retrait de la JNA." (Fin de citation.)

15 Monsieur, à quel ultimatum faites-vous référence ici? Quelles ont été les

16 menaces proférées par les Etats-Unis et la communauté européenne au cas où

17 la JNA ne se retirerait pas?

18 M. Terzic (interprétation): Il s'agit de faits notoirement connus. On a

19 tous lu des documents à ce sujet. Je crois que le secrétaire d'Etat

20 américain, Henry Kissinger, a eu tout à fait raison lorsque, le 21 février

21 1993, il a déclaré à La Stampa -et je cite-: "L'erreur la plus

22 irresponsable qui a entraîné la tragédie a été commise lorsque l'Etat

23 bosniaque, sous le gouvernement musulman d'Alija Izetbegovic, a été

24 reconnu par la communauté internationale." (Fin de citation.)

25 M. le Président (interprétation): Monsieur, je vais vous répéter ce que je

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1 vous ai déjà dit: vous devez écouter la question et y répondre. Que

2 quelqu'un ait fait une erreur dramatique, là n'est pas ce qui nous

3 intéresse pour l'instant. La question qui vous a été posée, c'était de

4 savoir si les Etats-Unis et la communauté européenne, ou plutôt, la nature

5 des menaces proférées par les Etats-Unis et la communauté européenne… que

6 devait-il se passer si la JNA ne se retirait pas? Voilà la question qui

7 vous a été posée.

8 Est-ce que vous pouvez y répondre, s'il vous plaît?

9 M. Terzic (interprétation): Oui, ils lançaient des menaces pratiquement

10 tous les jours.

11 M. le Président (interprétation): Non, la question qui vous a été posée

12 était: quelle était la nature des menaces? Vous nous dites qu'il

13 s'agissait de menaces de nature générale. Bien. A ce moment-là, on vous

14 demandera peut-être de vous expliquer, mais… Ou alors, répondez plus

15 précisément si vous connaissez la nature des menaces. Mais la question

16 c'était: quelles étaient ces menaces? Qu'allait-il se passer si la JNA ne

17 se retirait pas?

18 M. Terzic (interprétation): Eh bien, les sanctions, les mises en place de

19 sanctions contre le reste du territoire de la Yougoslavie, la République

20 fédérale de Yougoslavie, c'est effectivement ce qui s'est passé en 1992.

21 M. le Président (interprétation): Merci, votre réponse est claire. Ils ont

22 menacé de mettre en place des sanctions. Si Mme Mahindaratne a envie de

23 savoir de quelles sanctions il s'agit, elle vous le demandera, je n'en

24 doute pas. Et l'existence des sanctions et leur nature, ça, c'est quelque

25 chose de différent. Donc essayez de répondre aux questions de la manière

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1 la plus précise possible.

2 Donc vous avez répondu: les menaces, c'était la mise en place de

3 sanctions.

4 Mme Mahindaratne (interprétation): Monsieur, n'est-il pas exact que c'est

5 le conseil des Nations Unies qui a exigé le retrait de la JNA et non pas

6 les Etats-Unis ou la communauté européenne? Ces sanctions, elles ont été

7 invoquées dans le contexte de l'exigence posée par le Conseil de sécurité

8 des Nations Unies, exigence de retrait de la JNA. Est-ce que ce n'est pas

9 là le cas?

10 M. Terzic (interprétation): Le Conseil de sécurité n'était qu'un

11 instrument, un outil dans les mains des politiciens de l'Union européenne

12 et des Etats-Unis d'Amérique.

13 Mme Mahindaratne (interprétation): J'en ai terminé de mes questions.

14 M. le Président (interprétation): Merci.

15 Est-ce que vous souhaitez poser des questions supplémentaires, Maître

16 Pilipovic?

17 Mme Pilipovic (interprétation): Non, Monsieur le Président.

18 (Les Juges se consultent sur le siège.)

19 (Questions au témoin, M. Slavenko Terzic, par M. le Président.)

20 M. le Président (interprétation): J'ai une question à vous poser, les

21 autres Juges n'ayant pas de questions. Il s'agit de votre dernière

22 réponse. Vous nous avez dit que le Conseil de sécurité était un

23 instrument, c'était l'instrument des hommes politiques de l'Union

24 européenne et des Etats-Unis d'Amérique.

25 Estimez-vous que les Etats-Unis et l'Union européenne étaient en mesure

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1 d'imposer leur volonté au Conseil de sécurité?

2 M. Terzic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Oui, et je suis

3 sûr qu'il en était ainsi. Les événements, au cours des dernières années,

4 des dix et vingt dernières années, nous ont montré que malheureusement le

5 Conseil de sécurité est devenu un jouet, un instrument au service des

6 Etats-Unis et de certains Etats européens. Malheureusement. Et la

7 sécession et la reconnaissance de la sécession de la République socialiste

8 de Yougoslavie a été un précédent dans le droit international.

9 Nous voyons qu'à la fin du XXe siècle, on se trouvait avec un système de

10 droit international complètement perverti, parce que ce sont les grandes

11 puissances qui ont poursuivi ou qui ont mené des politiques complètement

12 irresponsables et qui ont entraîné la tragédie sanglante qui a fait rage

13 sur les terres yougoslaves.

14 En tant qu'historien, je peux vous dire qu'au XIXe siècle, certes, il y a

15 eu sur la scène politique, sur la scène européenne, de nombreux hommes

16 politiques fort sages, de grands hommes, des diplomates extraordinaires.

17 Mais au XXe siècle, on a vu apparaître des gens beaucoup plus médiocres

18 qui n'étaient pas à la hauteur des problèmes et qui se sont efforcés de

19 résoudre les problèmes sans bien les connaître.

20 Nous sommes maintenant face à une crise continue et je ne suis pas sûr

21 qu'on puisse la résoudre dans un futur proche. Malheureusement, c'est là

22 une tragique vérité.

23 Question: Est-ce que l'utilisation du droit de veto par l'un ou l'autre

24 des membres permanents du Conseil de sécurité n'aurait pas pu mettre un

25 terme aux visées des Etats-Unis et de l'Union européenne, parce que tous

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1 les membres permanents peuvent s'élever contre les résolutions, n'est-ce

2 pas?

3 Réponse: Oui, vous avez raison. Moi, je ne suis pas un diplomate. Mais si

4 vous me permettez de faire une prévision, je vous dirai que, en dehors du

5 principe que même avec le veto cela aurait quand même eu lieu.

6 Malheureusement, la reconnaissance malheureuse de la sécession des

7 républiques yougoslaves, avant même de bien comprendre le problème

8 politique, a entraîné la grande tragédie que nous connaissons.

9 Question: Mais cela ce n'est pas ma question. Je dis qu'il y a trois

10 membres permanents du Conseil de sécurité dans le groupe que vous avez

11 mentionné. Mais il y a également deux membres permanents du Conseil de

12 sécurité qui ne font pas partie du groupe d'Etats que vous venez

13 d'évoquer. Et puisqu'il semble que vous êtes en train d'accuser l'Union

14 européenne et les Etats-Unis d'Amérique, je me demande ce que vous pensez

15 du fait que les autres Etats, les autres membres permanents du Conseil de

16 sécurité n'aient pas fait usage de leur droit de veto.

17 Réponse: Oui, elle est fort logique, votre question, Monsieur le

18 Président. Je pense que vous faites référence à la Russie ou à la Chine.

19 Mais une fois encore, à cette occasion, il a été prouvé que les grandes

20 puissances ne poursuivent que la défense de leurs propres intérêts, et

21 que, pour ce faire, elles sont prêtes à sacrifier les intérêts des petits

22 peuples. C'est une des leçons tragiques que l'on peut tirer de l'Histoire.

23 M. le Président (interprétation): Oui, cela, c'est effectivement une

24 réponse à ma question. Bien. Docteur Terzic, s'il n'y a pas de question du

25 côté de la défense, suite à celles du Juge…?

Page 20663

1 M. Piletta-Zanin: Non, non, non. Simplement pour préciser que, très

2 justement, le témoin avait dit: "Vous pensez à la Chine et à l'URSS, et

3 non pas à la Chine ou à l'URSS", comme cela ressort du transcript

4 évidemment. Mais sinon, aucun complément. Merci beaucoup.

5 M. le Président (interprétation): Oui. Mais je ne pense pas que cela fasse

6 une grande différence, qu'on les prenne l'un et l'autre ou l'un avec

7 l'autre. Il s'agit toujours du droit de veto de chacun des membres

8 permanents du Conseil de sécurité.

9 Monsieur le Témoin, nous sommes arrivés à la fin de votre déposition. Vous

10 avez répondu à un nombre limité de questions de la part de la défense, ils

11 nous ont soumis le rapport, le rapport que vous avez préparé pour nous.

12 Vous avez répondu ensuite aux questions de l'accusation et des Juges. Je

13 vous remercie beaucoup d'être venu déposer ici, et je vous souhaite un bon

14 retour.

15 M. Terzic (interprétation): Merci à vous.

16 M. le Président (interprétation): Monsieur l'Huissier, veuillez, s'il vous

17 plaît, faire sortir le témoin.

18 Oui, au sujet de ce livre, j'aurais peut-être dû répondre dès le début. Il

19 n'est pas usuel que les Juges d'une Chambre statuant dans une affaire

20 acceptent des cadeaux. Mais, bien entendu, la Chambre vous est très

21 reconnaissante, se réjouit de voir que vous souhaitez nous fournir autant

22 d'informations que possible. Et si je ne me trompe, la bibliothèque du

23 Tribunal a, par le passé, accepté des ouvrages permettant un meilleur

24 travail du Tribunal. Je ne sais pas s'il existe des règles bien

25 spécifiques s'agissant des cadeaux aux Juges et de la possibilité, pour

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1 eux, de les accepter, mais je crois que c'est plutôt à la bibliothèque

2 qu'il faudrait s'adresser où nous disposons déjà d'un grand nombre

3 d'ouvrages. Je ne sais pas d'ailleurs si celui-ci se trouve déjà dans nos

4 rayonnages.

5 En tout cas, merci beaucoup.

6 Et, Monsieur l'Huissier, je vous demande encore une fois de bien vouloir

7 ramener le témoin.

8 M. Terzic (interprétation): Mais c'est ce que je voulais dire, je voulais

9 donner ce livre pour la bibliothèque.

10 M. le Président (interprétation): Veuillez donc vous munir de l'ouvrage

11 que vous avez amené et demandez aux membres du service de protection des

12 victimes et des témoins s'ils veulent bien vous montrer le chemin de la

13 bibliothèque pour aller y offrir cet ouvrage.

14 Nous vous sommes très reconnaissants de votre intention, mais nous ne

15 pouvons pas accepter, quant à nous, cet ouvrage pour nous, parce que dans

16 un prétoire, lors d'un procès, ce sont les parties qui présentent les

17 éléments de preuve sur lesquels se penchent ensuite les Juges de la

18 Chambre. En tout cas, merci beaucoup.

19 Il semblerait que vous ayez manqué une partie de mon explication. En fait,

20 il incombe aux parties de communiquer des matériaux, des documents au

21 Tribunal et, parfois, ils remettent également des ouvrages. Je vous

22 remercie.

23 M. Terzic (interprétation): Je vous remercie.

24 (Le témoin, M. Slavenko Terzic, est reconduit hors du prétoire.)

25 (Questions relatives à la procédure.)

Page 20665

1 Mme Mahindaratne (interprétation): Monsieur le Président, si vous le

2 permettez, j'aimerais aborder une question.

3 M. le Président (interprétation): Je vous en prie.

4 Mme Mahindaratne (interprétation): Il y a plusieurs annexes qui ont été

5 jointes à ce rapport; la plupart de ces annexes ont été formulées en

6 langue BCS ou en russe. Nous avons à plusieurs reprises demandé à la

7 défense de nous remettre une version en langue anglaise de ces annexes; à

8 ce jour, nous ne les avons pas reçues. Compte tenu de ce fait,

9 l'accusation demande que ces annexes soient retirées du document versé au

10 dossier pour les raisons que j'ai déjà évoquées, à savoir que l'accusation

11 n'a pas eu l'occasion de consulter ces annexes.

12 M. le Président (interprétation): Maître Pilipovic, je vous en prie.

13 Mme Pilipovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

14 Mon impression est la suivante: à savoir que ce n'est que maintenant que

15 mon collègue demande à pouvoir bénéficier de ces documents. Nous avons eu

16 de nombreuses réunions et, au cours d'une de ces réunions, Mme

17 Mahindaratne était présente. Mais la seule demande qui avait été formulée

18 au sujet du témoin Terzic était son curriculum vitae. On n'avait jamais

19 évoqué la question des annexes.

20 Mme Mahindaratne (interprétation): Ceci n'était pas le cas. Lors de cette

21 réunion, l'accusation avait demandé à pouvoir bénéficier de toutes les

22 annexes, l'ensemble des rapports présentés par M. Terzic et par le docteur

23 Guskova.

24 Nous avons également présenté une requête par écrit au sujet de ces

25 documents, en demandant à pouvoir bénéficier d'une version en langue

Page 20666

1 anglaise. Et nous avons déposé cette requête il y a quelques semaines

2 déjà.

3 M. le Président (interprétation): Oui, je me souviens de cela. Nous avons

4 également examiné cette requête dans ce prétoire. Et j'avais invité les

5 parties à s'entraider afin de veiller à ce que ces documents soient

6 traduits. Je ne dispose pas de toutes les données. Je me souviens

7 simplement de la ligne générale concernant plus particulièrement le

8 rapport du docteur Terzic.

9 Maître Pilipovic, la demande de l'accusation est la suivante, à savoir que

10 l'on retire les annexes.

11 Mme Pilipovic (interprétation): Monsieur le Président, c'est la première

12 fois que l'accusation présente cette requête. Lors de cette réunion que

13 nous avons eue il y a un mois et demi, une demande avait été présentée

14 concernant la traduction des notes de bas de page qui figuraient dans le

15 rapport de Mme Guskova. Nous avions remis une traduction de ces notes de

16 bas de page en temps utile. Et plus particulièrement, s'agissant du

17 rapport du docteur Terzic, aucune demande de cette nature n'avait été

18 formulée.

19 Je vais essayer de vérifier mes sources, mes documents, mais je ne pense

20 pas avoir été saisie d'une telle demande, s'agissant de ce rapport précis.

21 M. Ierace (interprétation): Monsieur le Président, si vous me le

22 permettez, je dois préciser que, personnellement, j'étais présent lors de

23 cette réunion. En fait, il s'agit là de la problématique de nos réunions,

24 étant donné que nous n'avons pas de compte rendu. Mais l'accusation, au

25 cours de cette réunion, avait demandé une traduction officielle. Maître

Page 20667

1 Piletta-Zanin était également présent et avait précisé qu'il se rendait à

2 Genève et qu'il procéderait à des recherches afin de voir s'il existait

3 une version en traduction. Nous n'avons plus rien entendu de la part de la

4 défense s'agissant de la traduction des annexes.

5 Par la suite, nous avons reçu une traduction des notes de bas de page, et

6 c'est la dernière communication que nous avons eue avec la défense.

7 Auparavant, nous avions officiellement soulevé cette question et peut-être

8 que la Chambre avait souligné la nécessité, pour les parties, d'essayer de

9 régler ce problème. Je crois que ce sont là mes souvenirs.

10 M. le Président (interprétation): Je tiens à souligner que les Juges de

11 cette Chambre n'étaient pas présents lors de cette réunion. Par

12 conséquent, il est difficile pour moi de trancher. Je viens d'entendre que

13 M. Ierace était présent. Apparemment, Maître Piletta-Zanin, vous y étiez

14 également. Par conséquent, peut-être que vous pourriez brièvement

15 expliquer votre position?

16 M. Piletta-Zanin: Oui, Monsieur le Président, très volontiers. Monsieur

17 Ierace a tout à fait raison. Il a raison quand il dit que j'étais là, et

18 voilà où s'arrête sa raison. Parce que, ce que j'ai dit à cette réunion à

19 M. Ierace, c'est la chose suivante: relativement à l'expert russe dont

20 nous parlions, le docteur que nous avons entendu, j'ai dit à M. Ierace

21 dans sa langue maternelle la chose suivante, nous étions donc en fin de

22 semaine: "Je vais prochainement rentrer à Genève, je vais voir si je peux

23 trouver là-bas des interprètes et vous le saurez, si tel est le cas,

24 immédiatement, la semaine prochaine."

25 Il va de soi que je n'ai pas voulu déranger M. Ierace à quelque heure que

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1 ce soit pour lui dire que je n'avais rien trouvé. Monsieur Ierace pouvait

2 très bien comprendre que, sur cette question-là, trouver immédiatement un

3 interprète du russe vers l'anglais -ou voire vers le français, pourquoi

4 pas-; je ne lui ai pas apporté réponse dès le début de la semaine

5 suivante, c'est parce que, malheureusement, j'étais rentré bredouille. Si

6 M. Ierace ne peut pas comprendre l'évidence de la chose, eh bien, à chaque

7 fois nous devrons écrire, mais nous allons perdre un temps considérable.

8 Donc, oui, j'y étais. Ma position n'a été exprimée que pour l'expert

9 Guskova et rien d'autre. Merci.

10 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Piletta-Zanin.

11 Les Juges de la Chambre n'étaient pas présents. Par conséquent, la

12 situation demeure inchangée. Il s'agit ici d'éléments importants,

13 pertinents, il n'en demeure pas moins qu'aucun membre de cette Chambre

14 n'est en mesure de lire un document libellé en langue BCS. Par conséquent,

15 tout ce qui vaut pour le contre-interrogatoire s'applique également pour

16 les Juges de la Chambre, étant donné qu'ils ne pourront pas lire un

17 document qui n'a pas été traduit en langue française ou anglaise. Je

18 suggère par conséquent aux parties d'essayer de parvenir à un compromis,

19 sinon, il incombera à la Chambre de se prononcer à cet égard.

20 Cela étant dit, je pense que Mme Mahindaratne, c'était là la que question

21 vous vouliez soulever.

22 Y a-t-il des documents que vous souhaitez verser au dossier?

23 Mme Mahindaratne (interprétation): Oui, uniquement les documents qui ont

24 été utilisés lors du contre-interrogatoire.

25 M. le Président (interprétation): Bien, donc ceux qui ont été utilisés.

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1 Par conséquent, je tiens à informer les parties que, s'agissant des

2 documents qui ont été versés au sujet du docteur Vilicic, les Juges de la

3 Chambre souhaitent verser d'autres documents hormis ceux qui ont été

4 versés par les parties. Il s'agit plus particulièrement des tableaux, mais

5 je propose de revenir sur cette question demain afin de pouvoir faire le

6 point. Nous reviendrons sur cette question demain. Je ne tiens pas à

7 perdre trop de temps. Je faisais particulièrement allusion à toute une

8 série de croquis et de tableaux.

9 Comme nous avons à présent traité de cette question, est-ce que le conseil

10 de la défense est prêt à citer le témoin suivant?

11 M. Piletta-Zanin: Volontiers, Monsieur le Président.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur l'Huissier, veuillez faire

13 entrer le témoin suivant dans le prétoire.

14 Mme Mahindaratne (interprétation): Je souhaite recevoir l'autorisation de

15 quitter le prétoire.

16 M. le Président (interprétation): Je vous en prie, Madame.

17 (Madame Mahindaratne quitte le prétoire.)

18 (Le témoin, M. Blagoje Kuljic, est introduit dans le prétoire.)

19 M. le Président (interprétation): Bonjour. Je crois que vous vous appelez

20 Monsieur Kuljic.

21 Monsieur Kuljic, avant de faire votre déposition dans le cadre de ce

22 Tribunal, notre Règlement intérieur vous demande que vous prononciez une

23 déclaration solennelle aux termes de laquelle vous vous engagez à dire la

24 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

25 Ce texte vous est remis à présent par l'huissier. Je vous invite à

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1 prononcer cette déclaration solennelle.

2 M. Kuljic (interprétation): Tout d'abord, bonjour à tout le monde.

3 Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien

4 que la vérité.

5 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

6 Monsieur le Docteur Kuljic, veuillez prendre place.

7 Maître Piletta-Zanin, est-ce que c'est vous-même qui allez procéder à

8 l'interrogatoire de ce témoin?

9 M. Piletta-Zanin: Eh bien, c'est moi-même qui vais commencer, Monsieur le

10 Président.

11 M. le Président (interprétation): Je vous invite à poursuivre.

12 (Interrogatoire principal du témoin, M. Blagoje Kuljic, par Me Piletta-

13 Zanin.)

14 M. Piletta-Zanin: Docteur, bonjour.

15 M. Kuljic (interprétation): Bonjour.

16 Question: J'aimerais tout d'abord que vous puissiez nous dire brièvement

17 quel est… que vous vous présentiez à cette Chambre et quel est votre

18 cursus scientifique et professionnel? En quelques mots, je vous prie.

19 Réponse: Je suis docteur en médecine, spécialiste en psychiatrie,

20 titulaire d'un mémoire de maîtrise et de doctorat. Je travaille à

21 l'Institut de santé mentale chargé de la coordination d'un dispensaire, je

22 m'occupe des affaires de psychiatre.

23 Pour ce qui est de l'expérience scientifique qui est la mienne, j'ai pu

24 prendre part à la préparation et publication et présentation de plusieurs

25 communications ou contributions et oeuvres présentées à des congrès dans

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1 le monde et en Europe, publiées dans des périodiques. Mon mémoire de

2 maîtrise et ma thèse de doctorat traitent du stress.

3 Question: Merci. Pouvez-vous nous donner le titre de votre thèse?

4 Réponse: Ma thèse de doctorat se lit comme "Les facteurs de risque dans le

5 développement du stress chez des personnes blessées ou ayant un trouble

6 psychologique".

7 Question: Si vous pouvez me répondre par oui ou non, Docteur,

8 j'apprécierais.

9 Avez-vous eu l'occasion dans votre cursus, et notamment en relation à

10 votre thèse, d'élaborer des questionnaires scientifiques, de procéder à

11 des échantillonnages de population? Ce type de travail?

12 Réponse: Oui.

13 M. Piletta-Zanin: Merci. Professeur, nous allons maintenant revenir

14 concrètement sur votre travail.

15 Vous avez rendu, en date du 14 janvier 2003, une opinion d'expert…

16 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin...

17 M. Piletta-Zanin: …une question technique d'un rapport d'expert que j'ai

18 maintenant...

19 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, une des questions

20 rituelles au début de la déposition d'un témoin expert est de lui poser la

21 question concernant son nom, sa date de naissance, etc., afin de vérifier

22 que, effectivement, la personne que l'on appelle le Docteur Kuljic est en

23 effet lui.

24 M. Piletta-Zanin: Mes immenses excuses.

25 M. le Président (interprétation): Pas de problème de notre côté. Veuillez

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1 poursuivre.

2 M. Piletta-Zanin: Docteur, j'espère que vous me pardonnerez cette

3 impardonnable erreur de ma part. Veuillez nous dire, je vous prie, quels

4 sont vos nom, prénom et date et lieu de naissance?

5 M. Kuljic (interprétation): Donc je m'appelle Blagoje, nom de famille

6 Kuljic. Je suis né le 24 avril 1966.

7 Question: A quel endroit? Je n'ai pas entendu.

8 Réponse: Je suis né à Skopje.

9 M. Piletta-Zanin: Merci.

10 Monsieur le Président, voici qui est réparé, je pense. Puis-je continuer?

11 M. le Président (interprétation): Oui, et ne pensez pas qu'on ne puisse

12 pas vous pardonner.

13 M. Piletta-Zanin: Je retiens, merci.

14 Docteur, vous avez donc rendu le 14 janvier 2003 cette opinion que j'ai

15 devant moi. Ma question est la suivante: est-ce que vous en confirmez le

16 contenu, par exemple in extenso? Est-ce que vous voudriez modifier quelque

17 chose, ajouter quelque chose -qu'en sais-je? Je ne parle que du document

18 en l'état.

19 M. Kuljic (interprétation): Je confirme tout ce que j'ai écrit. Et ce sera

20 pour moi un plaisir de pouvoir apporter des éclaircissements et

21 explications si on me les demande.

22 Question: Bien, merci. Professeur, je voudrais maintenant que nous nous

23 intéressions à la méthodologie. Et si je vous ai appelé "professeur", je

24 n'ai fait qu'anticiper, ce qui sera le cas dans l'avenir. Mes excuses à

25 nouveau.

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1 Docteur, j'aimerais que nous examinions maintenant la méthodologie.

2 Lorsque vous devez faire un travail impliquant le questionnement d'un

3 certain nombre de gens, c'est-à-dire une étude présentant un aspect en

4 quelque sorte statistique, quelles sont les bases méthodologiques qu'il

5 faut impérativement respecter?

6 Réponse: Puis-je commencer?

7 Lors de l'élaboration de toute étude, nous devons savoir ce que nous

8 voulons étudier. D'abord, quel est le phénomène que nous voulons étudier

9 auprès d'une population donnée.

10 Cela dit, nous devons nous informer de ce qui a déjà été connu grâce à des

11 sources de littérature, des sources bibliographiques concernant le

12 domaine. Ensuite, il faut préciser quel est le facteur que nous voulons

13 étudier auprès de telle ou telle population. Conformément à cela, nous

14 devons mettre en place un plan concret, adéquat.

15 Cela dit, faisant un plan, nous devons prendre en considération toutes les

16 erreurs possibles: facteur A qui se répercute sur facteur B par exemple.

17 Nous devons être sûrs que, dans la mesure du prévisible et du plausible,

18 il y aurait lieu de parler du seul facteur capable d'avoir des incidents

19 sur tel ou tel phénomène, car, souvent, nous obtenons des résultats qui

20 n'étaient pas dus au phénomène étudié par nous, alors que, ceci peut-être

21 comme une espèce de corrélatif (sic) à titre d'exemple.

22 Etant donné toutes ces possibilités, il est étudié par exemple l'incidence

23 de différentes nuisances, différents bruits, etc., sur les capacités de

24 travail des ouvriers. Par conséquent, il n'a pas été constaté que le bruit

25 ou la lumière se seraient répercutés sur leur capacité de travail, mais

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1 l'étude en tant que telle a entraîné pas mal de perturbations. Les gens

2 étant conscients qu'ils étaient objet d'études ont procédé autrement que

3 normalement lors de leurs opérations de travail.

4 Question: Je vous arrête ici, merci. Vous pouvez parfaitement prendre un

5 débit un peu moins rapide, de façon que nous puissions tout saisir, je

6 vous prie.

7 Vous nous avez parlé, Docteur, d'un plan. Nous y reviendrons tout à

8 l'heure. Mais j'aimerais que vous nous donniez quelques informations de

9 base relativement à la formation de ce qu'on appelle "l'échantillon".

10 Réponse: Lorsque nous étudions, nous examinons tel ou tel phénomène au

11 niveau d'un certain échantillon, nous devons être conscients du fait que,

12 toutes les fois qu'on examine un phénomène auprès d'une population

13 nombreuse, nous ne pouvons pas prendre en considération toutes les

14 personnes enquêtées. Donc nous prenons un certain nombre de personnes

15 comme étant un nombre suffisant pour se faire un échantillon

16 représentatif.

17 Il y a deux règles: d'abord, l'échantillon doit être suffisamment

18 important et doit être fait de façon au hasard. Si ceci n'est pas

19 respecté, il y a là deux erreurs; les résultats obtenus peuvent être

20 différents par rapport à ce qui est obtenu auprès d'une population réelle,

21 examinée par nous. C'est-à-dire il y a des imprimés, des formules qui

22 concernent les volumes de population, les variables à prendre en compte.

23 Et c'est sur cette base-là que nous obtenons le nombre de personnes

24 enquêtées à impliquer par notre étude.

25 Puis-je dire que, d'ordinaire -et cela j'en parle grosso modo, ne me

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1 prenez pas au mot-, il s'agit de 1 à 5% que nous prenons en considération

2 dans différentes études, auprès de la population donnée. L'essentiel,

3 c'est que l'échantillon doit être fait au hasard, de façon aléatoire.

4 Moi, qui suis enquêteur, je ne peux pas dire "je vais prendre telle ou

5 telle personne pour l'enquêter parce que je le veux ainsi", parce que

6 c'est dans ce cas-là où je risquerais de faire preuve de partialité.

7 Souvent, il arrive que l'enquêteur lui-même, lors de la formation de son

8 étude, avec sa subjectivité, fasse entrer quelque chose qui évidemment

9 n'est pas sans se répercuter sur le résultat final de l'enquête.

10 Question: Docteur, merci pour cet élément de réponse. J'aimerais

11 maintenant que vous essayiez de décliner cette réponse que vous nous avez

12 donnée, qui porte sur les principes, au cas de Sarajevo et, plus

13 particulièrement, des problèmes liés à la terreur à Sarajevo. C'est-à-

14 dire, comment aurait-il fallu qu'on procédât au niveau, je dirais

15 simplement des applications méthodologiques?

16 Avez-vous saisi la question?

17 Réponse: Oui, oui. Donc il faut réfléchir à ce que nous voulons examiner,

18 étudier dans Sarajevo. S'agit-il de dire, comme M. Turner l'a dit,

19 d'étudier la terreur, qui est une étape ultime de la peur auprès de la

20 population de Sarajevo? Nous parlons de la population de Sarajevo. Ou il

21 convient de poser plusieurs questions d'ordre méthodologique, à savoir

22 comment notamment aboutir à la réponse à la question?

23 Nous devons savoir et voir quels sont les facteurs et les circonstances

24 susceptibles d'être la cause du phénomène de peur, c'est-à-dire la façon

25 dont les gens sont en mesure de réaliser de façon cognitive la situation

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1 dans laquelle ils ressentent la peur. Nous devons réfléchir à la situation

2 où nous devons savoir qu'il s'agit vraiment de peur.

3 En effet, à titre de référence, nous devons faire des comparaisons, nous

4 devons prendre en considération une autre ville qui a été en proie à la

5 guerre, faire des mesures nécessaires en matière de peur pour ensuite

6 comparer les résultats obtenus de nos enquêtes à Sarajevo. Après quoi,

7 nous pouvons répondre pour dire qu'enfin, le niveau de cette peur était le

8 même ou plus grand. C'est-à-dire toutes les fois où nous avons rencontré

9 un phénomène que nous ne connaissions pas, nous, nous devions toujours

10 nous informer pour savoir comment aboutir à une valeur de référence. Parce

11 que quelque chose qui aurait pu être considéré comme étant la peur des

12 gens de Sarajevo en temps de guerre, pour d'aucuns, serait beaucoup trop

13 grave et pour d'autres ne le serait pas.

14 Lorsqu'il s'agit de phénomènes que nous ignorons, je vais illustrer, si

15 vous le voulez bien. Si, par exemple, un extraterrestre faisait apparition

16 dans ce prétoire et qu'il mesurait par exemple 3 mètres, nous devrions

17 dire: comme grand il est cet extraterrestre, dans dix minutes par la

18 suite, cinq de ses parents proches arrivent qui, chacun d'eux, mesure de 5

19 à 6 mètres.

20 A ce moment-là, le premier extraterrestre nous semblerait de moindre

21 taille, pas de si grosse taille, parce que nous avons de quoi faire une

22 comparaison. Nous devions donc toujours avoir une source de référence.

23 Ainsi en est-il lorsqu'il s'agit de parler du choix à faire des personnes

24 à faire impliquer par une étude pour savoir quelle était la façon dont ils

25 ont subi ou ressenti la peur. Nous devons faire en sorte que ces gens

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1 soient aussi représentatifs que possible. Par leur nombre, ils doivent

2 être aussi nombreux que possible. Nous devons tenir compte du fait qu'il

3 convient de respecter les caractéristiques de base susceptibles de nous

4 dresser le tableau de Sarajevo d'avant-guerre. C'est-à-dire nous nous

5 occupons évidemment du domaine que nous sommes en train d'examiner lorsque

6 lié à la guerre, à savoir nous pensons aux différentes tranches d'âge, à

7 la structure des sexes et évidemment à la structure professionnelle de nos

8 enquêtés, de notre population.

9 Il nous faut également prendre en considération l'ensemble du territoire

10 de Sarajevo, de même que prendre en considération le fait que, de chacune

11 des régions de Sarajevo, il nous faudra bien choisir nos personnes à

12 enquêter, nos sujets d'enquête

13 Question: A ce sujet, je vous remercie. Nous allons peut-être voir

14 maintenant cette question géographique: J'avoue que je ne fréquente pas,

15 comme vous, les extraterrestres mais je fréquente un peu la bicyclette et

16 j'aimerais à mon tour utiliser un exemple pour vous poser une question.

17 Si nous représentons Sarajevo sous la forme d'une roue de bicyclette avec

18 le pneu figurant la zone du front et les rayons aboutissant sur le centre,

19 le centre où il y a moins de combats que sur la ligne de front par

20 hypothèse, est-ce que la mesure, si elle est possible, de la terreur le

21 long d'un des rayons de la roue comme le long de plusieurs de ces rayons,

22 serait possible, c'est-à-dire en fonction de la localisation des

23 populations relativement aux événements, soit au front?

24 Avez-vous compris la question?

25 Réponse: J'ai compris. C'est de cela qu'il s'agit notamment. Voilà la

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1 raison pour laquelle je disais qu'il fallait, qu'il nous a fallu prendre

2 en considération l'ensemble du territoire de Sarajevo parce que nous

3 étions en train de parler de l'ensemble des résidents, des habitants de

4 Sarajevo. Cela veut dire que là aussi, une fois de plus, nous devons

5 observer la règle selon laquelle doivent être pris en considération ceux

6 qui se trouvaient plus près de la ligne de front, de même que ceux qui en

7 étaient éloignés. Car, disais-je, pour disposer d'un échantillon

8 représentatif, voilà l'une des causes, et surtout à prendre en

9 considération et conditions à respecter.

10 Question: Merci. J'aimerais que maintenant vous appliquiez cette

11 connaissance des principes que vous avez au travail de votre confrère, M.

12 l'expert Turner.

13 D'abord, ma question est la suivante: avez-vous pris une connaissance,

14 avez-vous plutôt, pardonnez-moi, une connaissance approfondie du rapport

15 de M. Turner? Avez-vous eu la possibilité de le lire de fond en comble

16 avec ses annexes, etc.?

17 Réponse: Oui.

18 Question: Merci. Veuillez maintenant, Docteur, répondre à la question: que

19 pouvez-vous nous dire de la méthodologie utilisée par le rapport Turner en

20 termes de constitution d'échantillons et de respect ou non des notions que

21 vous venez de nous indiquer?

22 Réponse: J'ai expliqué tout cela par écrit dans mon rapport. Je tâcherai

23 d'être aussi succinct que possible. En effet, il n'a pas été respecté

24 cette forme qui concerne un choix aléatoire des personnes à enquêter. Les

25 enquêtés ont été choisis suivant les critères adoptés par l'accusation.

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1 C'est-à-dire c'est sur la base des déclarations des enquêtés qu'il a pris

2 des positions et porté un jugement.

3 Ensuite, j'ai parlé tout à l'heure de ces structures qui concernent l'âge,

4 le sexe, l'éducation des enquêtés, eh bien, cette structure doit être

5 prise en considération également.

6 Ensuite, la façon de mener les enquêtes, lorsque l'on cite les témoins à

7 la barre devant ce Tribunal, nous permet de voir que le psychiatre ne

8 dispose pas d'instruments adéquats, tel un chirurgien qui n'aurait pas

9 d'instruments adéquats. Autrement dit, n'ont pas été appliqués des tests

10 en psychiatrie susceptibles d'être quantifiés lorsqu'il s'agit de peur.

11 Il n'y avait pas non plus d'interviewes menées par des psychiatres où l'on

12 aurait pu déterminer avec davantage de précision ce qui aurait pu être

13 obtenu moyennant les tests. Encore que j'ai expliqué qu'une interview

14 menée par un psychiatre serait davantage méritoire, alors que les tests,

15 quant à eux, sont appliqués parce qu'étant évidemment plus commodes et

16 nécessitant moins de dépenses.

17 Ensuite, n'ont pas été faites non plus de comparaisons avec une autre

18 ville, qui elle aussi aurait été comprise par une guerre, en proie à une

19 guerre, pour pouvoir procéder à des différences, à des comparaisons.

20 Puis-je continuer par dire, par exemple… Si, par exemple, nous voulons

21 examiner un phénomène, sans prendre en considération tous les facteurs de

22 risque qui sont à la base du phénomène en question, par exemple, si vous

23 me posez , la question maintenant de savoir si je suis quelqu'un qui suit

24 le basket-ball, je pourrais vous dire: "Oui, de temps en temps, ça

25 m'arrive". Or, après cela, vous pouvez conclure que c'est du fait que,

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1 dans mon pays, nous avons des champions du monde en basket que je suis

2 quelqu'un qui aime le basket. Ceci pourrait être une conclusion.

3 Mais vous n'avez pas posé d'autres questions pour savoir si c'était un

4 phénomène que je connaissais d'avant, si je pouvais avoir une idée là-

5 dessus d'avant. Et puis, après, vous pourriez dire: "Ah! Oui, je connais

6 mieux le basket parce que j'ai un neveu qui, lui, s'entraîne au basket. Et

7 tout simplement, pour ne pas être ignorant en la matière, me voilà obligé

8 de suivre ce qui se fait dans le monde du basket un peu plus qu'avant".

9 Cela dit, nous devons prendre en considération tous les faits susceptibles

10 de causer la peur de façon objective. Dans mon rapport d'expertise, j'ai

11 dit que le plus méritoire aurait été de mettre d'abord sur pied, de

12 charpenter un bon plan de recherche où une équipe de chercheurs serait

13 saisie pour procéder à des enquêtes adéquates et aboutir à des résultats

14 tout à fait valides.

15 Question: Docteur, merci. Simplement, vous venez de nous indiquer que dans

16 le rapport de M. Turner il n'y a pas eu de test qui a été mis au point

17 pour mesurer l'intensité de la terreur -si terreur il y a bien évidemment.

18 Est-ce qu'il existe dans la pratique qui est la vôtre, la pratique

19 psychiatrique, un test ou une procédure qui aurait pu permettre de

20 réellement quantifier -dans une forme que j'ignore-, mais de quantifier

21 cette notion qu'on appelle ici "la terreur"?

22 Réponse: En psychiatrie, il existe des tests nous permettant d'examiner le

23 phénomène de peur ou de terreur pour voir si une personne a pu avoir

24 l'expérience de quelque chose qui, par sa teneur, dépasse toute expérience

25 de tous les jours et qui cause la peur et un stress. C'est dans ce cas-là

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1 que l'on peut formuler, dresser une liste, compte tenu de la situation des

2 circonstances, moyennant quoi les enquêtés peuvent, par exemple,

3 s'exprimer pour dire dans quelle mesure et quand ils ont pu sentir une

4 terreur, une peur.

5 Ensuite, il y a également des tests moyennant lesquels on peut s'occuper

6 des conséquences dues à la terreur, c'est-à-dire ce dont on écrit beaucoup

7 en psychiatrie moderne; il s'agit de troubles aigus dus au stress et il

8 s'agit de troubles dus au stress provoqué par un phénomène post

9 traumatique. De même qu'il y a eu des tests qui peuvent évidemment

10 permettre de quantifier la peur et la terreur.

11 Question: Est-ce que, n'étant pas un expert, je peux déduire de votre

12 réponse qu'il existe de tels tests qu'on peut quantifier? Mais la question

13 qui s'enchaîne est: quelle est l'échelle? Comment est-ce que, si vous en

14 avez l'expérience, on peut quantifier? Y a-t-il en particulier une échelle

15 comme si l'on doit mettre des notes à quelqu'un; on peut le faire de 1 à

16 10, je ne sais pas. Y a-t-il un système?

17 Réponse: D'une manière générale, en médecine, c'est-à-dire en méthodologie

18 médicale, en matière de recherches médicales, il y a des phénomènes qui

19 sont tout à fait quantifiables. Nous pouvons mesurer, par exemple, le

20 poids d'un tel ou tel, faire le décompte du nombre d'érythrocytes,

21 globules rouges dans son sang. Et cela est tout à fait certain. Mais

22 lorsqu'il s'agit de prendre d'autres mesures qui, auprès des enquêtés,

23 nécessitent une certaine subjectivité, certaines échelles ont été mises au

24 point. C'est grâce à cela qu'on utilise les termes "quelquefois", "des

25 fois", "souvent", "toujours", "jamais".

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1 Voilà comment on procède à la mise au point d'échelles où un tel s'exprime

2 au sujet de tel ou tel phénomène. Ainsi en est-il de parler du sentiment

3 de terreur ou de peur, c'est-à-dire de l'utilisation de tests dans ce

4 domaine-là.

5 M. Piletta-Zanin: Merci. Docteur, en résulte t-il...

6 Monsieur le Président?

7 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, je pense qu'il

8 serait peut-être bon de trouver un moment où l'on pourrait marquer une

9 pause. J'aimerais poser une question afin de préciser une réponse qui a

10 été donnée par le témoin.

11 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, si cette question prend moins de

12 deux ou trois minutes, vous êtes le bienvenu.

13 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, Maître Piletta-Zanin.

14 Docteur Kuljic, pouvez-vous nous expliquer -en ne dépassant pas eux ou

15 trois minutes-, quels sont les critères auxquels vous pensiez lorsque vous

16 avez dit que, dans le rapport du docteur Turner, des critères retenus par

17 l'accusation avaient été utilisés? De quels critères parliez-vous? A quoi

18 faisiez-vous allusion plus précisément?

19 M. Kuljic (interprétation): Eh bien, lorsqu'il s'agit de choix de

20 témoins... Est-ce que nous nous sommes bien compris? Est-ce que vous vous

21 référiez à la façon dont les témoins ont été choisis?

22 M. le Président (interprétation): Cela pourrait être le cas. Vous avez

23 parlé des critères qui ont été retenus par l'accusation et qui figurent

24 dans le rapport du Dr Turner. Mais si votre réponse est que le Dr Turner a

25 procédé à une sélection des témoins retenus par l'accusation et n'a

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1 examiné que leur déclaration, à ce moment-là, cela constitue une réponse

2 très claire. Mais je ne sais pas si telle était votre intention.

3 Quelles étaient les sources, en fait, qui ont été utilisées par

4 l'accusation? Est-ce que l'accusation a pensé aux victimes ou y avait-il

5 d'autres critères?

6 M. Kuljic (interprétation): Il s'agit notamment de cela. Il s'agit de

7 critères à retenir suivant lesquels certaines personnes devraient faire

8 l'objet d'enquête, l'enquête menée par l'accusation. Et il s'agit de voir

9 quelle serait la façon dont l'accusation procédera pour les enquêtés.

10 Excusez-moi, je vous parle maintenant à titre de médecin. Je vous parle

11 comme quelqu'un qui s'occupe de la partie scientifique, professionnelle,

12 de la matière s'y rattachant. Nous devons d'abord disposer d'une interview

13 adéquate, un questionnaire adéquat sur la base duquel nous apportons nos

14 conclusions à nous.

15 M. le Président (interprétation): Oui, j'ai bien compris votre réponse.

16 Donc vous avez parlez de la sélection et du choix des sujets lors des

17 enquêtes. Y a-t-il d'autres éléments qui interviennent?

18 M. Kuljic (interprétation): Il est un autre fait. Par exemple, le Dr

19 Turner, lui, se réfère à certains résultats qu'il a pu repérer dans des

20 sources bibliographiques disponibles. Qui dit sources bibliographiques

21 disponibles, il lui faudra avoir pour point de départ le fait qu'il ne

22 s'agit pas seulement d'échantillons représentatifs mais plutôt des

23 échantillons de circonstances.

24 Quant à moi, j'ai voulu apprendre le plus possible sur la base et au sujet

25 des sources bibliographiques, et j'ai pu repérer des données qui ne

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1 correspondent pas à celles évoquées par le Dr Turner.

2 Par la même occasion puis-je dire qu'il s'agit notamment là de quelque

3 chose que je considère comme étant le produit d'échantillons faits au

4 hasard et qui peuvent être représentés comme tels: un échantillon qui nous

5 semble être le plus près de la vérité.

6 M. le Président (interprétation): Par conséquent, le troisième critère est

7 qu'il a utilisé les sources bibliographiques afin d'asseoir son opinion?

8 M. Kuljic (interprétation): Je ne sais pas quelle était la documentation

9 dont il a pu se servir. Mais, disais-je, certaines citations que nous

10 pouvons retrouver dans son rapport nous permettent de voir qu'il

11 s'agissait de faits et d'affirmations contraires. Je pourrais vous donner

12 des exemples.

13 M. le Président (interprétation): Par conséquent, vous dites qu'il n'a

14 peut-être pas couvert toutes les sources bibliographiques, qu'il y aurait

15 d'autres sources qu'il aurait pu consulter.

16 M. Kuljic (interprétation): Voyez-vous, personne n'est en mesure d'avoir

17 une vue d'ensemble et de couvrir l'ensemble des sources bibliographique.

18 Mais ce que lui a pu évoquer, repérant des sources bibliographique, me

19 permet de dire qu'il y a d'autres sources bibliographiques qui permettent

20 de dire que les résultats ne correspondaient pas.

21 M. le Président (interprétation): Voilà, votre réponse est suffisamment

22 claire pour moi. Vous avez parlé des critères de l'accusation. Peut-être

23 qu'il y a d'autres critères, mais il serait peut-être bon de marquer une

24 pause. Nous reprendrons à 18 heures 05.

25 (Le témoin, M. Blagoje Kuljic, est reconduit hors du prétoire.)

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1 (L'audience, suspendue à 17 heures 44, est reprise à 18 heures 08.)

2 Monsieur l'Huissier, veuillez faire rentrer le docteur Kuljic dans le

3 prétoire.

4 (Le témoin, M. Blagoje Kuljic, est introduit dans le prétoire.)

5 (La Greffière s'entretient avec le Président.)

6 M. le Président (interprétation): Monsieur Kuljic, Maître Piletta-Zanin va

7 poursuivre son interrogatoire.

8 Maître Piletta-Zanin, je vous en prie.

9 M. Piletta-Zanin: Merci, Monsieur le Président.

10 Docteur, tout à l'heure à la suite d'une question de M. le Président, vous

11 avez indiqué que vous aviez pu trouver dans la littérature d'autres

12 éléments qui viendraient ajouter quelque chose à vos conclusions.

13 Que pouvez-vous nous en dire, je vous prie?

14 M. Kuljic (interprétation): La situation se présente comme suit: comme je

15 l'ai déjà dit auparavant, il existe diverses conclusions selon les sources

16 bibliographiques utilisées. Le Dr Turner, dans son rapport, a fait

17 allusion aux travaux de "Prato(?) et consorts". Et je crois que Begovic a

18 dit que, pendant la période considérée à Sarajevo, il y avait 119 blessés

19 et victimes.

20 J'ai trouvé ces travaux, il s'agissait là des résultats qui ont été

21 communiqués par les deux hôpitaux principaux. J'ai trouvé une autre source

22 bibliographique qui se réfère à l'hôpital de l'Etat d'une part, et j'ai

23 également trouvé un document qui parle de la clinique du dispensaire à

24 Sarajevo. Et comme vous le savez, il s'agit des deux principaux hôpitaux à

25 Sarajevo qui ont été mentionnés par Prato(?). Toutefois, si l'on analyse

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1 le numéro, le nombre des personnes qui ont été enregistrées pour un des

2 hôpitaux, si l'on divise cela par le nombre de jours au cours desquels il

3 y avait une enquête, il y avait 13 personnes par jour, alors que pour

4 l'autre hôpital il s'agissait de 18. Ce qui fait un écart manifeste par

5 rapport à 119. Nous avons 13 plus 18, c'est-à-dire 31. Donc, plus ou moins

6 une personne, un patient, parce que, statistiquement parlant, on ne peut

7 pas procéder à la division d'un patient. Il s'agissait là donc d'un des

8 résultats importants.

9 Je veux faire allusion…

10 M. Piletta-Zanin: Tout à l'heure, Docteur, si vous le voulez.

11 Eh bien, simplement, indiquez-nous où avez-vous trouvé ces résultats? Et

12 comment pouvez-vous être certain qu'ils sont bien ces documents d'origines

13 auxquels se référait votre confrère, le Dr Turner?

14 M. Kuljic (interprétation): J'ai également trouvé un des documents auquel

15 faisait allusion le Dr Turner, et j'ai trouvé deux autres documents sur le

16 même site; mes collègues et moi-même les utilisons fréquemment. Il s'agit

17 d'un site qui, en réalité, relève du Département de la santé et des

18 ressources humaines des Etats-Unis d'Amérique -je pense que ce Département

19 s'appelle ainsi. Par le biais de ce site, on peut avoir accès aux bases de

20 données en ligne, et c'est de cette façon-là que l'on peut peu avoir accès

21 aux extraits d'un certain nombre de documents...

22 M. Ierace (interprétation): J'aimerais soulever une objection en l'absence

23 du témoin, Monsieur le Président.

24 M. le Président (interprétation): Oui.

25 M. Ierace (interprétation): J'aimerais soulever une objection en l'absence

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1 du témoin. Mais peut-être qu'avant que le témoin ne quitte le prétoire, il

2 serait bon de préciser si cette source bibliographique a pu être consultée

3 par le biais de l'internet.

4 M. le Président (interprétation): Faisiez-vous allusion à un site

5 Internet?

6 M. Kuljic (interprétation): Oui. Il s'agit d'un site Internet qui contient

7 une base de données. Si vous voulez, je peux vous en donner son adresse.

8 M. le Président (interprétation): Par conséquent, nous savons qu'il s'agit

9 d'un site Internet.

10 M. Ierace (interprétation): Bien. Cela suffit pour l'objection, Monsieur

11 le Président.

12 M. le Président (interprétation): Bien. Et vous souhaitez soulever

13 l'objection en l'absence du témoin?

14 M. Ierace (interprétation): Oui.

15 M. le Président (interprétation): Par conséquent, Docteur Kuljic, je vous

16 invite à suivre l'huissier, je vous prie.

17 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président...

18 M. le Président (interprétation): Devons-nous attendre encore un moment,

19 que le témoin ait quitté le prétoire?

20 (Le témoin, M. Blagoje Kuljic, est reconduit hors du prétoire.)

21 En règle générale, s'agissant d'une objection, on estime d'abord qu'il est

22 juste d'écouter l'objection. Si vous souhaitez par la suite y répondre,

23 vous pouvez le faire. Mais si vous estimez qu'il est nécessaire

24 d'intervenir dès à présent… Sinon, j'aimerais tout d'abord écouter

25 l'objection soulevée par M. Ierace.

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1 M. Piletta-Zanin: Oui, Monsieur le Président. Ce que je voulais dire,

2 c'est que je m'étonne du temps mis à soulever cette objection, c'est tout.

3 Le témoin a longtemps déposé et, tout d'un coup, au milieu de sa réponse,

4 voilà une objection qu'il y a. Qu'on la fasse au début car c'est la règle

5 en général ou qu'on ne la fasse pas. Merci.

6 M. le Président (interprétation): Je ne sais pas quelle est la nature de

7 l'objection. Par conséquent, je ne sais pas s'il aurait dû prendre la

8 parole au début ou au milieu de la déposition du témoin.

9 M. Ierace (interprétation): Il y avait un autre réunion qui a eu lieu

10 entre la défense et l'accusation, qui a commencé aujourd'hui, à 12 heures

11 30, et au cours de laquelle de nombreuses questions ont été examinées.

12 J'avais invité le conseil de la défense à soulever toutes les questions

13 qu'il souhaiterait, et Me Piletta-Zanin avait répondu de façon assez

14 cryptique que M. Kuljic avait découvert d'autres sources par le biais de

15 l'Internet et qu'il pourrait y faire référence. Je lui ai demandé de quel

16 type de matériel il s'agissait et il a refusé d'y répondre.

17 A présent, je ne sais pas si les sources auxquelles faisaient allusion le

18 témoin avaient un trait à ce qu'avait en tête Me Piletta-Zanin ou non. Je

19 ne sais pas s'il s'agit d'un site Internet que l'on peut consulter

20 aisément, mais, Monsieur le Président, si le conseil de la défense sait ou

21 connaît l'existence de documents qui, dans l'esprit du témoin expert,

22 avant son entrée dans ce box, ne figuraient pas dans son rapport, et si ce

23 conseil de la défense souhaite y faire allusion et qu'il s'agit de

24 documents de caractère technique qui exigent des recherches, je pense

25 qu'un des principes fondamentaux, c'est que ces documents auraient dû être

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1 communiqués.

2 Compte tenu de ces circonstances, je fais valoir que ces documents, qui

3 ont déjà été remis par ce témoin, ne se voient accordés aucun point et que

4 la défense doit recevoir des instructions très claires, à savoir qu'il

5 faut que le conseil de la défense s'appuie sur la teneur du rapport du

6 témoin expert. Voilà, c'est ce que je voulais dire.

7 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin.

8 M. Piletta-Zanin: Bien, Monsieur le Président. Il a échappé en tout ou

9 partie -mais je pense en tout qu'en partie- à l'accusation que c'est à la

10 suite d'une de vos questions que j'ai posé cette continuation, en quelque

11 sorte, de la question.

12 Effectivement, ce témoin expert est allé très loin. Il m'a dit, pas plus

13 tard qu'il y a quelques heures, il m'a dit: "Et en plus, j'ai trouvé

14 confirmation, ce qui est une bonne chose pour la justice, de ce que j'ai

15 dit sur les sites Internet". Et, loyalement, je m'en suis ouvert à

16 l'accusation aussitôt que j'ai pu le faire, c'est-à-dire quelques minutes

17 après cela. Et voilà la façon dont on nous traite, c'est-à-dire, en

18 quelque sorte, selon l'expression bien française "comme des chiens dans un

19 jeu de quilles"; il n'est pas d'autres termes. Et on nous refuse cette

20 information qui n'est pas basée sur des documents mais sur une

21 consultation.

22 En d'autres termes, Monsieur le Président…

23 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin.

24 M. Piletta-Zanin: Un instant, Monsieur le Président, que je termine,

25 laissez-moi terminer...

Page 20690

1 M. le Président (interprétation): Maître Piletta-Zanin, je propose de ne

2 pas continuer à utiliser des termes aussi véhéments. Je pense qu'il faut

3 s'attarder sur la question.

4 La question qui est posée est la suivante: en premier lieu, est-ce que

5 votre intention est de continuer à poser des questions au sujet des

6 sources auxquelles on vient de faire allusion?

7 M. Piletta-Zanin: Pas au sujet des sources, Monsieur le Président…

8 M. le Président (interprétation): Mais s'agissant de la teneur?

9 M. Piletta-Zanin: Mais s'agissant du contenu, très certainement.

10 M. le Président (interprétation): Bien. Alors la question que je vous pose

11 à présent est la suivante, à savoir que si vous faites allusion à des

12 sources nouvellement découvertes sur le site Internet lors de votre

13 réunion avec M. Ierace, est-il vrai qu'il vous a demandé quelle était

14 l'origine de cette source Internet? Ce sont là les propos qu'il a utilisés

15 à notre égard.

16 M. Piletta-Zanin: C'est à nouveau totalement faux. C'est à nouveau

17 totalement faux.

18 M. le Président (interprétation): Bien. Si tel est le cas, à ce moment-

19 là...

20 M. Piletta-Zanin: Mais ce n'est pas la première fois.

21 M. le Président (interprétation): J'ai entendu votre réponse. Je pense

22 qu'effectivement, il y a un malentendu au sujet de la situation. Nous

23 avons entendu préalablement que, au cours d'une autre occasion, M. Ierace

24 et vous-même, vous vous êtes mal entendus au sujet d'un événement précis.

25 Est-ce que vous avez indiqué la source à M. Ierace?

Page 20691

1 M. Piletta-Zanin: Non, Monsieur le Président.

2 M. le Président (interprétation): Avez-vous communiqué cette adresse à

3 Internet à M. Ierace?

4 M. Piletta-Zanin: Non, Monsieur le Président. Parce que, lorsque nous

5 étions en réunion ce matin, je n'avais pas nécessairement cette

6 information en question. Et ça n'a pas été la question que m'a posée M.

7 Ierace. Monsieur Ierace m'a posé la question de savoir, car tel est mon

8 souvenir, si ces informations avaient fait l'objet d'une divulgation

9 régulière selon les normes auxquelles nous sommes tenus. Or M. Ierace

10 savait que tel n'était pas le cas dans la mesure où il s'agissait de

11 quelque chose que le témoin venait de m'indiquer et venait de nous

12 indiquer. Donc je n'avais pas pu lui faire part de cela d'une autre façon

13 qu'oralement. Et voilà quelle était la question de M. Ierace.

14 Il s'agissait d'une question relative à la communication des informations,

15 ce que j'ai fait oralement, aussitôt que j'ai pu le faire.

16 M. le Président (interprétation): Vous avez dit à M. Ierace que de

17 nouvelles sources avaient été exploitées par le témoin expert, et vous

18 saviez qu'il s'agissait de sources de sites Internet. Aviez-vous

19 connaissance de la teneur de ces sites?

20 M. Piletta-Zanin: C'est exact. Non, Monsieur le Président...

21 M. le Président (interprétation): J'aimerais vous poser une question,

22 Maître Piletta-Zanin: si vous dites que "mon témoin expert a trouvé de

23 nouvelles sources dans un ouvrage", et si vous savez quelle est la teneur

24 de ce que vous avez trouvé dans cet ouvrage, pensez-vous être dans

25 l'obligation d'informer l'autre partie de ce que vous avez trouvé, compte

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1 tenu de l'obligation qui est la vôtre de communiquer les informations?

2 M. Piletta-Zanin: C'est la question que vous me posez à moi, Monsieur le

3 Président?

4 M. le Président (interprétation): Oui, c'est à vous que je pose cette

5 question.

6 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, sur le principe oui, dans la

7 mesure où j'ai le temps de le faire. Si je sais le jour même pour le jour

8 même, je n'arrive pas peut-être à faire tout ce qu'il faudrait pour

9 informer. J'informe en disant simplement: ce témoin a trouvé des choses.

10 Et au demeurant, ce qu'il a dit dans sa déposition, c'est simplement qu'il

11 a vérifié en définitive les articles scientifiques auxquels se référait M.

12 Turner qu'il a retrouvé sur un site Internet. Il a donc certifié qu'il a

13 fait son travail jusqu'au bout et, pour moi, cela découle de l'évidence.

14 M. le Président (interprétation): Bien. Il y a deux aspects. En premier

15 lieu, parle-t-on d'informations supplémentaires que l'on peut trouver sur

16 ce site Internet? Ou est-ce que l'on doit considérer ce site Internet

17 comme un site assez douteux, étant donné que l'on peut y trouver des

18 sources qui ne sont pas toujours dignes de foi, suite à la vérification

19 d'un article qui a été mentionné par le Dr Turner. Si ce dernier a précisé

20 un article et qu'il a précisé l'endroit où l'on pouvait trouver cet

21 article, si vous voulez vérifier la teneur de cet article, à ce moment-là,

22 que vous trouviez cette source dans une librairie, sur un site Internet,

23 peu importe, vous devez simplement vérifier la source des références de M.

24 Turner. S'il y a quoi que ce soit en plus, s'il y a d'autres informations

25 qui figurent sur ce site Internet et qui sont pertinentes, à ce moment-là,

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1 la situation pourrait être tout à fait autre.

2 Permettez-moi de consulter mes confrères afin de voir comment nous allons

3 trancher cette question.

4 (Les Juges se concertent sur le siège.)

5 M. le Président (interprétation): Il y a en fait deux problèmes. Le

6 premier concerne une référence de nature générale à un site Internet: le

7 fait que l'on puisse trouver des références et que le témoin peut

8 consulter cela pour vérifier les propos, les dire du rapport du Dr Turner.

9 Ensuite, il y a un deuxième problème, à savoir que, sur ce site Internet,

10 l'on pourrait trouver d'autres informations qui pourraient être exploitées

11 par ce témoin expert.

12 Jusqu'à ce moment-ci, rien de plus n'a été dit qu'une simple référence à

13 un site Internet sur lequel il a trouvé un article du Dr Turner, bien

14 qu'il ait rajouté que cela permettrait de procéder à une interprétation

15 sur la qualité du site Internet. Mais je ne me propose pas de m'engager

16 dans cette voie. Peu importe la source.

17 Si des questions supplémentaires sont posées qui débouchent sur des

18 nouvelles sources qui vont au-delà de l'article qui a été trouvé sur le

19 site Internet, cela aurait dû être communiqué et aucune question ne sera,

20 ne pourra être posée, du moins à ce stade-ci étant donné que cette

21 obligation de communication s'impose de façon continue. Ce qui signifie

22 que, s'il y a des documents pertinents sur lesquels le conseil de la

23 défense souhaite s'attarder, ils doivent en informer directement l'autre

24 partie immédiatement après 19 heures, de telle sorte que l'accusation ait

25 le temps de se préparer. Et si le temps de préparation aura été suffisant,

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1 à ce moment-là, je ne m'attends pas à ce qu'il y ait une objection qui

2 soit soulevée à cet égard. Et sinon, je pense que, d'ici demain, nous en

3 entendrons parler. Donc, par conséquent, on ne peut faire aucune allusion

4 à une référence supplémentaire pour le moment.

5 Voilà, c'est ce que je tenais à préciser.

6 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, merci. Il se peut que j'aie très

7 mal compris ce que vous avez dit, cela ne m'étonnerait qu'à moitié. Mais

8 ce témoin n'a pas trouvé un article du Dr Turner, comme j'ai cru que vous

9 l'aviez dit; ça n'apparaît pas dans le transcript. En fait, il y a un

10 signe cabalistique nous indiquant que ça n'a pas été prévu. Mais j'ai cru

11 vous entendre dire qu'il avait trouvé un article du Dr Turner. Tel n'est

12 pas le cas.

13 M. le Président (interprétation): Oui.

14 M. Piletta-Zanin: Tel n'est pas le cas, tel n'est pas ce qu'a dit le

15 témoin. Si cela change en quoi que ce soit votre position, quoi que j'en

16 doute…

17 M. Nieto-Navia (interprétation): Je peux donner lecture, ligne 69, ou

18 plutôt ligne 16, page 69 du compte rendu d'audience. En réponse à votre

19 question, question relative aux sources, on peut lire -je cite-: "J'ai

20 trouvé également un des documents mentionnés par le Dr Turner et ces deux

21 documents, je les ai retrouvés sur la même source ou plutôt sur le même

22 site, qui est utilisé", etc.

23 Et ensuite, il nous parle du site. Il nous dit que ses collègues accèdent

24 au même site, etc.

25 M. Piletta-Zanin: Tout à fait, tout à fait, Monsieur le Juge Nieto-Navia.

Page 20695

1 Mais j'ai cru comprendre que M. le Président a parlé tout à l'heure d'un

2 article écrit par le Dr Turner. Or ce n'est pas…

3 M. le Président (interprétation): Non, non, non. Si c'est ce que j'ai dit,

4 j'ai commis une erreur. Je ne sais pas exactement ce que j'ai dit. Mais,

5 quant à moi, je faisais référence à un site Internet sur lequel le Dr

6 Kuljic avait trouvé un article qui était mentionné dans le rapport.

7 M. Piletta-Zanin: D'accord, d'accord.

8 M. le Président (interprétation): Donc toute question relative à cet

9 article étant une des sources connues, trouvées sur Internet, les

10 questions sont possibles. Mais tout le reste n'est pas acceptable pour

11 l'instant; toutes les autres questions ne sont pas acceptables. Si les

12 parties ont bien compris, je vais demander à l'huissier de bien vouloir

13 faire rentrer le témoin.

14 M. Piletta-Zanin: Bien, Monsieur le Président, je ne sais pas si j'ai bien

15 compris, mais nous allons passer à autre chose. Et puis, demain matin,

16 nous reviendrons en charge sur cette question, une fois que nous aurons

17 délivré à l'accusation tout ce qu'elle aura voulu recevoir; et elle en

18 recevra.

19 M. le Président (interprétation): Monsieur l'Huissier, veuillez, s'il vous

20 plaît, faire entrer le témoin.

21 (Le témoin, M. Blagoje Kuljic, est introduit dans le prétoire.)

22 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, peut-être... Oui.

23 M. le Président (interprétation): Le mieux serait peut-être de demander au

24 témoin… Bien que, maintenant, nous n'allons pas tout de suite vous poser

25 des questions supplémentaires au sujet de ce site Internet que vous avez

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1 mentionné.

2 Est-ce que vous pourriez cependant nous donner d'ores et déjà l'adresse

3 Internet où vous avez trouvé l'un des articles auquel a fait référence le

4 Dr Turner? Vous avez dit que cela relevait du ministère américain de la

5 Santé, etc. Est-ce que vous disposez de l'adresse Internet de ce site?

6 M. Kuljic (interprétation): Oui.

7 M. le Président (interprétation): Dans ce cas-là, pouvez-vous nous en

8 faire part, s'il vous plaît? Pouvez vous nous dire?

9 M. Kuljic (interprétation): Oui.

10 M. le Président (interprétation): Ah, vous n'avez pas appris cette adresse

11 par cœur?

12 M. Kuljic (interprétation): Je serais tout à fait prêt à vous expliquer

13 comment tout fonctionne.

14 M. le Président (interprétation): Quoi? Un site Internet?

15 M. Kuljic (interprétation): Oui.

16 M. le Président (interprétation): Je pense que les Juges, comme toutes les

17 parties, sont au fait de ce genre de technologie. A moins qu'il y ait une

18 technologie bien particulière qui entre ici en jeu.

19 (Les Juges se concertent sur le siège.)

20 Est-ce qu'il s'agit d'un lien entre plusieurs sites? C'est à ce type de

21 technologie que vous faites référence? A quoi pensez-vous très exactement?

22 M. Kuljic (interprétation): Je voulais simplement vous dire qu'il s'agit

23 d'une base de données, et qu'il faut choisir un terme clé pour faire des

24 recherches. Et sur la base de ce terme clé, à ce moment-là, on trouve les

25 passages où apparaît ce mot. Par exemple, si vous cherchez quelque chose

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1 au sujet d'une "crise cardiaque", vous indiquez ce mot "crise cardiaque"

2 et, à ce moment-là, on va vous indiquer tous les articles dans lesquels ce

3 sujet est mentionné; de cette façon, vous pouvez trouver tous les articles

4 qui vous intéressent.

5 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Ierace?

6 M. Ierace (interprétation): Puis-je faire une suggestion? Si le témoin a

7 imprimé le document en question, peut-être pourrait-il remettre cela à la

8 Greffière d'audience? Ce serait la façon la plus pratique d'obtenir le

9 document.

10 M. le Président (interprétation): Ce que vous avez en main, est-ce que

11 c'est le document que vous avez trouvé? Est-ce que c'est le résultat de

12 vos recherches? De quoi s'agit-il exactement?

13 M. Kuljic (interprétation): Il s'agit de la première page, ça c'est la

14 page d'accueil du site. Ici, vous avez le moteur de recherche sur cette

15 page d'accueil. Et l'article lui-même, je l'ai là en main. J'espère que le

16 fait que j'ai souligné certains passages ne posera pas de problème. En

17 tout cas, je peux vous le remettre.

18 M. le Président (interprétation): Ce n'est peut-être pas un problème pour

19 ceux qui liront ce document, mais peut-être pour vous. Non seulement vous

20 remettez là un document que vous avez trouvé vous-même, mais, en plus,

21 vous révélerez peut-être des choses que vous ne souhaitiez peut-être pas

22 révéler, car, lorsqu'on souligne certains passages, cela indique un

23 certain centre d'intérêt. Donc vous ne souhaitez peut-être pas procéder de

24 la sorte.

25 Est-ce qu'il y a d'autres documents que vous avez trouvés sur ce site et

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1 qui vous paraissent avoir une importance dans le cadre de votre travail

2 d'expert, pour notre procès?

3 M. Kuljic (interprétation): Il y a ici d'autres résultats, mais cela n'a

4 rien de secret. Toute personne se rendant sur ce site peut avoir accès à

5 ces documents. C'est un site d'accès gratuit. Tout le monde peut avoir

6 accès à ces documents. Donc, moi, j'ai procédé dans la logique suivante:

7 je me suis dit qu'il fallait aborder toute cette question en adoptant la

8 bonne méthodologie et que les sources, les articles pertinents devaient

9 être présentés, comme je l'ai dit, dans les périodes que nous avons

10 examinées. Avec ces trois études, on trouve des informations qui ne sont

11 pas compatibles mutuellement.

12 M. le Président (interprétation): Je vous comprends. Si vous acceptez de

13 remettre une copie de ce document à la Greffière d'audience, elle pourra

14 en faire des photocopies. Ainsi, on pourra remettre ce document aussi bien

15 à la défense qu'à l'accusation qui pourront, de ce fait, vous poser des

16 questions si elles le souhaitent.

17 Mais vous avez répondu à ma question en disant qu'il y avait une page

18 d'accueil, ensuite il y avait le moteur de recherche. Vous dites avoir

19 trouvé là un article que vous avez imprimé. Est-ce que vous avez trouvé

20 d'autres articles que vous avez imprimés dont vous pensez qu'ils peuvent

21 avoir une certaine importance pour nous?

22 (Le témoin brandit des articles.)

23 M. le Président (interprétation): Bien, dans ces conditions, pouvez-vous,

24 s'il vous plaît, les remettre au Greffe? De cette façon on pourra faire

25 des photocopies qui pourront être remises aux parties et on pourra vous

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1 remettre ces documents demain. Cela vous irait?

2 M. Kuljic (interprétation): Ici, j'ai des articles effectivement, mais je

3 ne sais pas si on en aura vraiment besoin. Je ne sais pas si, dans le

4 cadre de cette audience, on abordera ces articles parce qu'il y a beaucoup

5 d'articles ici. Cela ne représente qu'une sélection. On peut très bien

6 discuter de tous ces sujets. Je pourrais très bien amener mon ordinateur

7 portable, on pourrait faire des recherches en direct.

8 M. le Président (interprétation): Non, si vous avez trouvé des articles

9 sur ce site qui sont intéressants, veuillez les remettre au Greffe; on

10 fera des photocopies qu'on remettra aux parties. Et si les parties

11 estiment que ces articles présentent un intérêt pour elles, à ce moment-là

12 elles vous poseront des questions.

13 Oui, Maître Piletta-Zanin?

14 M. Piletta-Zanin: Oui, Monsieur le Président, je vous remercie de votre

15 intervention. Peut-on demander au témoin qu'il fournisse tous les articles

16 qu'il a pu trouver récemment sur ce site Internet pour qu'on puisse les

17 copier et, à ce moment-là, les remettre directement à l'accusation dans la

18 mesure où il a fait cette recherche tout à fait dernièrement, je crois.

19 M. Kuljic (interprétation): Est-ce que je peux parler, s'il vous plaît?

20 Est-ce que je peux parler à la Chambre?

21 Il y a d'autres articles. Comme je l'ai dit, le nombre d'articles est

22 considérable quand on entre le mot clé "Sarajevo"; on obtient 577 articles

23 qui ont trait à Sarajevo, c'est un chiffre considérable. J'ai ici d'autres

24 articles, mais je ne sais pas si on va les aborder ou pas. Mais moi, ça ne

25 me gêne pas, je peux vous remettre ces articles, ceux que vous m'avez

Page 20700

1 demandés.

2 M. le Président (interprétation): Je ne pense pas qu'il soit d'une

3 quelconque utilité de nous remettre une centaine d'articles, mais je

4 voudrais savoir si vous avez discuté de la teneur de certains de ces

5 articles avec le conseil de la défense. Je n'y vois rien à redire, bien

6 entendu, mais en avez-vous parlé, de certains de ces articles, avec le

7 conseil de la défense?

8 M. Kuljic (interprétation): Il y a ici des articles qui présentent un

9 intérêt plus grand. Comme je l'ai dit, j'ai travaillé là-dessus récemment.

10 Je cherchais un certain nombre d'éléments sur des articles ou des

11 documents qui ont été publiés le mois dernier.

12 Moi, j'étais en train de me préparer pour ma déposition dans un esprit de

13 recherche de la vérité, et, pour ce faire, j'ai essayé de retrouver un

14 maximum d'informations.

15 M. le Président (interprétation): Du point de vue de la procédure... Mais,

16 s'il vous plaît, laissez-moi finir. Du point de vue de la procédure, il

17 est important que tous les articles que vous avez évoqués, dont vous avez

18 discuté avec le conseil de la défense, soient portés à la connaissance

19 également de la partie adverse.

20 Vous venez de nous remettre donc les synthèses, les résumés, l'intégralité

21 des trois articles. Bien.

22 Est-ce qu'il y a d'autres synthèses d'articles, d'autres résumés dont vous

23 avez discuté avec le conseil de la défense ou que vous avez signalé à son

24 intention?

25 M. Kuljic (interprétation): Je peux vous remettre également les autres

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1 articles, mais ce sont des résumés, des synthèses. Ce ne sont pas des

2 extraits.

3 M. le Président (interprétation): Et cela représentera la totalité, au

4 moins la totalité des articles sur lesquels vous avez attiré l'attention

5 du conseil de la défense. C'est cela?

6 M. Kuljic (interprétation): Oui, certains des résultats les plus

7 intéressants dont je dispose ici et que je peux vous remettre.

8 M. le Président (interprétation): Mais du contenu de combien d'articles

9 avez-vous parlé avec le conseil de la défense? Est-ce qu'il s'agit de cent

10 articles ou… De combien d'articles avez-vous parlé avec lui?

11 M. Kuljic (interprétation): J'ai imprimé environ 20 articles, je crois.

12 Mais comme je l'ai dit, je ne sais pas exactement. Peut-être ferais-je

13 plus tard référence à des articles que je n'ai même pas imprimés mais que

14 j'ai à l'esprit, parce que je n'ai pas été en mesure de tout inclure dans

15 mon rapport.

16 M. le Président (interprétation): Bien entendu, vous ne pouvez pas nous

17 remettre des articles que vous n'auriez pas imprimés, cela, ça tombe sous

18 le sens. Mais je voudrais savoir combien d'articles vous avez évoqués, de

19 combien d'articles avez-vous parlé avec le conseil de la défense? Parce

20 que nous voulons être sûrs que toutes les sources que vous aurez évoquées,

21 discutées avec le conseil de la défense, soient également communiquées à

22 l'accusation. Pour nous, c'est la priorité à ce stade.

23 M. Piletta-Zanin: Puis-je prier le témoin de sortir un instant afin de

24 clarifier cette question? Parce que je crois comprendre quel est son

25 trouble. Puis-je? J'en aurai pour 30 secondes.

Page 20702

1 M. le Président (interprétation): Oui, si cela peut nous faire avancer,

2 effectivement.

3 Veuillez, Monsieur l'Huissier, faire sortir le témoin.

4 Je suis désolé, Docteur Kuljic.

5 (Le témoin, M. Blagoje Kuljic, est reconduit hors du prétoire.)

6 Oui, Maître?

7 M. Piletta-Zanin: Je comprends très bien l'émotivité, si j'ose dire, du

8 témoin sur cette question pour plusieurs raisons que je me dois

9 d'expliquer à la Chambre.

10 La première chose, c'est que nous avons discuté, le témoin et moi-même,

11 d'articles qui sont très connus mais qui n'ont pas été publiés. Je pense

12 aux travaux sur le chien de Pavlov ou des choses comme cela qui sont très

13 connues dans le public, n'est-ce pas? Je pense au syndrome de Stockholm.

14 Et nous avons parlé de cela. Mais cela fait partie, je pense, de la

15 connaissance commune que devrait avoir tout un chacun. Donc nous en avons

16 parlé sur une base purement abstraite, sans référence à des articles.

17 La deuxième chose, et nous avons parlé de beaucoup de choses comme cela –

18 Pavlov, on pourrait en citer d'autres- du comportementaliste, du

19 "behavioriste" ou d'autres. On en a cité, mais sur une base purement je

20 dirais abstraite, presque intellectuelle et sans rapport à des articles

21 quels qu'ils soient concrètement.

22 L'autre chose, Monsieur le Président -et c'est plus important-, c'est que,

23 dans les extraits dont le docteur va nous parler, il m'a exposé sa

24 méthodologie et il m'a dit: "Voilà, il y a par exemple ici 386 articles",

25 mais sur ces 386 articles, pour des raisons qu'il pourrait expliquer, j'ai

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1 fait des croisements et il ne s'en trouve pas qui parle du problème qui

2 nous intéresse; c'est-à-dire Sarajevo et la terreur. Donc il m'a parlé de

3 386 articles à peu près et je n'ai pas retenu les noms de tous ces

4 articles. Donc il m'a dit: "Si je fais cette recherche, je tombe sur

5 environ 400 références." Et il m'en a parlé mais sans me les indiquer.

6 Donc, cela, ce n'est pas quelque chose que je dois donner à l'accusation

7 puisque c'est négatif. Et, en pratique, il en a trouvé six.

8 M. le Président (interprétation): Mais sur ces articles… Il ne s'agit pas

9 là de la teneur des articles. Vous nous dites "il m'a parlé de 400

10 articles", mais vous n'avez pas discuté de la teneur. Ce n'est pas la

11 réponse. Moi, ce que je veux savoir, c'est le nombre d'articles dont vous

12 avez parlé.

13 M. Piletta-Zanin: Mais j'y viens. Il m'en a parlé. Il m'a dit: "Il y a 300

14 articles mais ceux-ci ne rentrent pas en ligne de compte". Par contre nous

15 avons parlé, je crois, de quelque chose comme six articles dont le docteur

16 nous a…

17 M. le Président (interprétation): (Pas d'interprétation.)

18 M. Piletta-Zanin: …où le témoin nous a dit: ceux-ci existent, sachez-le".

19 Et surtout, autre question, j'aimerais qu'on sache quand j'ai su cela car

20 je peux vous le dire. J'ai travaillé avec ce médecin pas plus tard que ce

21 matin, et c'est ce matin qu'il m'en a parlé, et c'est ce matin que j'en ai

22 parlé à l'accusation. Donc je crois que, là, nous coupons un peu les

23 cheveux en quatre. Merci beaucoup.

24 M. le Président (interprétation): Monsieur l'Huissier, veuillez, s'il vous

25 plaît, faire entrer le témoin.

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1 (Le témoin, M. Blagoje Kuljic, est introduit dans le prétoire.)

2 Docteur Kuljic, si j'ai bien compris, vous avez dû consulter de nombreuses

3 sources et vous avez évoqué, discuté de certains des articles trouvés sur

4 Internet avec le conseil de la défense. Vous avez parlé de la teneur de

5 ces articles. Pourriez-vous nous donner le nombre approximatif ou le

6 nombre précis, qui sait, d'articles sur lesquels vous avez attiré

7 l'attention du conseil de la défense?

8 S'agit-il de deux, quatre, six, huit, vingt, cinquante articles?

9 M. Kuljic (interprétation): Lors d'un entretien avec le conseil de la

10 défense, j'ai fait mention des recherches. J'ai mentionné 577 articles

11 concernant Sarajevo. Cela faisant, cela disant, j'ai parlé plus peut-être

12 de cinq ou six thèmes qui me semblent plus importants et il y avait des

13 articles qui corroborent tout cela.

14 M. le Président (interprétation): Oui, eh bien, justement, nous

15 souhaiterions avoir une copie de ces cinq ou six articles, si vous en avez

16 la synthèse. Est-ce que vous disposez de ces articles? Bien, veuillez les

17 remettre, s'il vous plaît, à la Greffière d'audience afin que l'on puisse

18 en faire des photocopies et que les parties en disposent et puissent avoir

19 accès aux sources sur lesquelles vous vous êtes appuyé pour préparer votre

20 rapport. J'ai déjà ici trois articles en main, j'imagine qu'il s'agit des

21 trois premiers.

22 M. Kuljic (interprétation): Oui, je disais qu'il s'agissait de cinq à six

23 thèmes et je parlais des articles qui corroborent tout cela. Il devrait y

24 en avoir plusieurs, mais il y a évidemment de ces articles-là qui semblent

25 toucher aux thèmes dont nous nous occupons.

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1 M. le Président (interprétation): J'en ai trois, veuillez, s'il vous

2 plaît, prendre les autres articles.

3 (Intervention de l'huissier.)

4 M. Kuljic (interprétation): Pour être plus précis, il y en a sept au

5 total. Sept articles qui, par groupe, traitent différents sujets. Toujours

6 pour un sujet vous êtes capable de trouver différents articles, lorsque

7 vous êtes branché sur Internet.

8 M. le Président (interprétation): Même les juristes savent pertinemment

9 que sur Internet on trouve pratiquement un nombre incalculable de sources.

10 Si on vous pose des questions au sujet de ces documents trouvés sur

11 Internet, ce ne sera pas aujourd'hui, mais peut-être demain.

12 Maître Piletta-Zanin, je vous redonne la parole.

13 M. Piletta-Zanin: Très volontiers. Donc je saute à pied joint ces

14 questions, Monsieur le Président, pour poser une autre question.

15 Y a-t-il, Monsieur le Docteur, dans le contexte yougoslave, un problème

16 que l'on pourrait appeler celui des "vétérans", relativement à la Bosnie,

17 comme on parle par exemple des vétérans pour le Vietnam?

18 M. Kuljic (interprétation): Oui, le syndrome du Vietnam est celui que l'on

19 considère appartenant à ce groupe de troubles dû au stress post

20 traumatique. Cela veut dire, en termes de diagnostiques retenus par ICD-10

21 de l'Organisation mondiale de la santé, et lorsqu'il s'agit évidemment des

22 autres recherches faites aux Etats-Unis d'Amérique, nous parlons de stress

23 post traumatique.

24 Question: Je dois vous interrompre. Vous nous parlez d'ICD-10 et de SM4:

25 je vous prie de considérer que nous sommes humblement des profanes et de

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1 nous expliquer ce que veut dire ICD-10 et DSM-IV.

2 Réponse: Il s'agit de cette classification internationale des maladies et

3 de manuels de diagnostiques et de statistiques de DSM

4 Question: Merci beaucoup. Avez-vous eu l'occasion de travailler

5 relativement aux questions liées au syndrome post traumatique, ce qu'on

6 appelle, je crois, le PTDS anglais, dans votre carrière professionnelle?

7 Réponse: Oui.

8 Question: Pouvez-vous indiquer à cette Chambre quelles ont été dans ce

9 champ d'activités vos propres expériences?

10 Réponse: Pour ce qui est de mon expérience professionnelle, cela m'emmène

11 à parler de mes travaux auprès des patients. Pour ce qui est des

12 recherches, j'ai pu prendre part à des recherches, notamment en faisant

13 partie d'une équipe qui étudiait les facteurs de risque dans le domaine du

14 syndrome post-traumatique auprès des combattants de Bosnie, lequel travail

15 a été présenté à un congrès de psychiatres d'Europe, à Genève.

16 J'ai pu donc travailler dans le cadre de ma thèse de doctorat, dans le

17 domaine de ces troubles dus au stress post-traumatique que nous pouvons

18 considérer comme un trouble de la cognition, ce qui préparait les bases de

19 mon doctorat. Il s'agissait d'étudier les facteurs de risque. Nous avons

20 voulu savoir quelles étaient les raisons pour lesquelles certaines

21 personnes développent ce trouble et d'autres ne le font pas, alors que les

22 uns et les autres ont été exposés aux mêmes expériences.

23 Question: Bien. Professeur, à un certain stade de votre expertise, vous

24 prenez une position assez tranchée sur les raisons pour lesquelles

25 certaines personnes développent et d'autres ne développent pas de tels

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1 syndromes, alors qu'il apparaît qu'elles sont placées dans, apparemment,

2 les mêmes situations, par exemple la même ville -Sarajevo pour prendre un

3 exemple.

4 Pouvez-vous en quelque sorte résumer vos conclusions mais, en même temps,

5 les expliciter pour qu'on les saisisse mieux?

6 Réponse: Donc il s'agit de certains facteurs de risque pour que ce

7 phénomène du trouble aigu -dû à un syndrome, à un traumatisme- se

8 développe. Cela comprend les caractères de la personnalité. On doit parler

9 d'une dimension de la personnalité qui a tendance à la névrose, ce qui

10 fait qu'il y a eu une prédisposition auprès de certaines personnes pour

11 développer un tel trouble par rapport à d'autres qui ne le font pas, où il

12 n'y a pas cette tendance à la névrose.

13 Ensuite, il y a cette anxiété en cours qui présente la même dimension de

14 la personnalité, mais celle-ci est mesurée par d'autres et moyennant

15 d'autres critères, et a été mentionnée sous d'autres formes par des

16 auteurs. De l'un et de l'autre, j'en parle comme étant des facteurs de

17 risque essentiels.

18 D'une façon hypothétique, nous pouvons dire que, auprès d'autres

19 populations, ceci pourrait désigner un facteur de risque pour qu'il y ait

20 développement du phénomène. Nous pouvons dire "pourrait être" parce que,

21 quant à mes recherches à moi, mes recherches concernaient un échantillon

22 dont j'ai pu disposer et sur la base de quoi j'ai pu aboutir aux

23 conclusions qui étaient les miennes.

24 De même, il y a des facteurs qui concernent par exemple la situation

25 familiale, le niveau de compétence, c'est-à-dire d'étude.

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1 Ensuite, il y a le niveau d'antécédents de maladies psychiatriques.

2 Ensuite, il y a lieu de parler de ces troubles au niveau de la structure

3 de la personnalité. De même, ce phénomène se trouve un petit peu

4 développé.

5 Voilà les facteurs qui peuvent avoir leur incidence. Le facteur de risque

6 s'avère être le traumatisme même qu'on a subi. Cette expérience due à un

7 stress. L'intensité de ce facteur, etc.

8 Ensuite, de nombreuses recherches ont été faites pour déterminer des

9 corrélations d'ordre biologique qui font que de tels troubles se

10 développent, à commencer par des caractéristiques concernant le statut

11 hormonal, l'état des transmetteurs neuronaux, l'activité de l'ensemble du

12 système nerveux comme tel.

13 Question: Merci. Nous reviendrons éventuellement sur l'aspect biologique,

14 mais, pour l'instant, j'aurais voulu que vous répondiez à cette question.

15 Est-ce que, concernant maintenant l'appréciation de la terreur à Sarajevo,

16 le rapport du docteur Turner prend suffisamment en compte les éléments que

17 vous venez de mentionner, les facteurs que vous venez de mentionner; oui,

18 non? Fallait-il qu'il les prenne? Pourquoi? Pouvez-vous développer, je

19 vous prie?

20 (La Greffière s'entretient avec le Président.)

21 Non, je n'ai pas demandé "d'être précis", j'ai demandé de "développer"

22 pour la cabine serbe. Merci.

23 Réponse: Donc, dans les travaux du docteur Turner, on ne trouve pas les

24 données concernant d'autres facteurs de risque, parce qu'il lui a été

25 offert pratiquement ce qui s'était passé dans le prétoire. Par conséquent,

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1 il faut comprendre que les juristes n'ont pas été éduqués dans ce sens-là,

2 c'est-à-dire d'être capables de rassembler de telles… de requérir de

3 telles informations. Voilà ce qui manque dans ses recherches à lui.

4 Ensuite, il manquait aussi ce que l'on peut rencontrer dans d'autres

5 grandes études, par exemple des "questions témoins" devraient être posées,

6 ce qu'on peut appeler comme une échelle de mensonge; à savoir on pose des

7 questions à un patient qui devrait peut-être susciter des réponses

8 socialement parlant désirables, souhaitables, pour que l'on puisse voir

9 dans quelle mesure l'enquêté a fourni des réponses de façon sincère ou

10 tout simplement pour répondre à ce à quoi on s'attendait. C'est ainsi

11 qu'on peut dire, par exemple, quelle était la crédibilité des enquêtés que

12 nous avons pu couvrir par une étude.

13 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, je regarde comme vous l'heure:

14 j'en constate la même chose, qu'il faudra que nous revenions avec ce

15 témoin en deuxième journée.

16 M. le Président (interprétation): Oui, de combien de temps aurez-vous

17 encore besoin, Maître?

18 M. Piletta-Zanin: Eh bien, Monsieur le Président, je ne peux pas le dire,

19 puisque cela dépend de vous.

20 M. le Président (interprétation): Vous savez combien de temps vous a été

21 accordé, n'est-ce pas? 45 minutes.

22 M. Piletta-Zanin: Oui, mais je ne sais pas combien de temps je vais avoir

23 besoin pour poser des questions en termes de vérification Internet ou non.

24 Donc, si vous me dites, vous pouvez le faire…

25 M. le Président (interprétation): Les parties se verront remettre des

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1 copies des documents dans quelques instants, si bien que ce soir vous

2 aurez ces documents à votre disposition pour lire ces documents qui ne me

3 paraissent pas très volumineux, il s'agit de synthèses de ces articles.

4 Sans tenir compte du temps passé, malheureusement pour lui, par le témoin

5 en dehors de ce prétoire, vous avez d'ores et déjà utilisé 47 minutes. Or

6 on vous avait accordé au départ 45 minutes. Bien.

7 Partant du principe que des informations supplémentaires vont apparaître,

8 que des questions vont être soulevées par ces articles trouvés sur

9 Internet...

10 (Les Juges se concertent sur le siège.)

11 Demain vous aurez encore 20 minutes et on verra, à ce moment-là, si ce qui

12 émane des documents trouvés sur Internet présente une pertinence

13 quelconque.

14 M. Piletta-Zanin: Merci, Monsieur le Président.

15 M. le Président (interprétation): Docteur Kuljic, nous devons nous

16 interrompre pour aujourd'hui. Nous nous retrouverons demain après-midi,

17 ici même, à 14 heures 15. Je vais vous demander de ne parler à personne,

18 que ce soit les Juges, les conseils de la défense ou de l'accusation, les

19 autres personnes qui logent dans le même hôtel que vous, de ne parler à

20 personne donc de votre déposition et de ce que vous avez encore à nous

21 dire. Je pense que vous pourrez encore attendre trois ou quatre minutes et

22 on vous remettra les originaux des documents que vous nous avez donnés. Et

23 je vais demander aux parties de faire preuve de la même patience, et elles

24 aussi se verront remettre les documents.

25 Audience suspendue jusqu'à demain, 14 heures 15.

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1 M. Piletta-Zanin: Monsieur le Président, juste une remarque que le général

2 Galic voulait que nous fassions. Je crois que le général Galic voulait que

3 l'on intervienne -j'en suis navré- maintenant. Vu l'heure, Me Pilipovic va

4 le faire. J'en suis navré, mais il faut le faire.

5 M. le Président (interprétation): Oui, l'audience avait été suspendue,

6 mais s'il y a quelque chose qu'il est absolument nécessaire de porter à

7 notre attention, à ce moment-là, il faudra rouvrir l'audience tout de

8 suite, sinon on attendra demain.

9 M. Piletta-Zanin: Comme il n'y a pas eu de traduction, je vais juste

10 traduire cela, trente secondes.

11 (Le Banc de la défense se concerte.)

12 Aucun problème, Monsieur le Président. Merci beaucoup.

13 M. le Président (interprétation): Cela attendra donc demain.

14 (L'audience est levée à 19 heures 05.)

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