Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 30 novembre 2006

2 [Jugement en appel]

3 [Audience publique]

4 [L'appelant est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 16 heures 14.

6 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je souhaiterais commencer par souhaiter

7 le bonjour à toutes et à tous.

8 Je vais demander à la Greffière de bien vouloir donner le numéro de

9 l'affaire.

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

11 Messieurs les Juges, affaire IT-98-29-A, le Procureur contre Stanislav

12 Galic.

13 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

14 Monsieur Galic, êtes-vous en mesure d'entendre et de comprendre la

15 traduction ?

16 L'APPELANT : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

17 Juges. Oui, je suis en mesure d'entendre très distinctement et de

18 comprendre la traduction.

19 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

20 Je vais maintenant demander aux parties de se présenter, à commencer par la

21 Défense.

22 Mme PILIPOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

23 les Juges. M. Stanislav Galic est représenté aujourd'hui par moi-même, Mara

24 Pilitovic, Stephane Pitella-Zanin et notre assistant, Aleksandar Momirov.

25 Merci.

26 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

27 Maintenant, pour l'Accusation.

28 Mme BRADY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

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1 Juges. Helen Brady, je représente l'Accusation aujourd'hui avec Michelle

2 Jarvis et Anna Kotzeva. Merci.

3 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci.

4 Ainsi que l'a annoncé la greffière, c'est à l'affaire le Procureur

5 contre Stanislav Galic qu'est consacrée la présente audience. Comme indiqué

6 dans l'ordonnance portant calendrier du

7 16 novembre 2006, la Chambre d'appel est réunie pour rendre son arrêt en

8 l'espèce.

9 Conformément à l'usage du Tribunal international, je ne donnerai pas

10 lecture du texte de l'arrêt, à l'exception de son dispositif. Je

11 rappellerai les questions soulevées dans le cadre de la procédure d'appel

12 ainsi que les conclusions de la Chambre d'appel. Je tiens à souligner que

13 le résumé qui suit ne fait pas partie intégrante de l'arrêt, seul fait

14 autorité l'exposé des conclusions et motifs de la Chambre d'appel que l'on

15 trouve dans le texte écrit de l'arrêt dont les copies seront mises à la

16 disposition des parties et du public à l'issue de l'audience.

17 La présente affaire concerne les événements qui ont eu lieu dans la ville

18 de Sarajevo en Bosnie-Herzégovine, du 10 septembre 1992 au 10 août 1994.

19 Pendant cette période, Stanislav Galic commandait en droit le Corps

20 Romanija de Sarajevo. Ses supérieurs étaient le chef d'état-major de la

21 VRS, le général Ratko Mladic et le commandant suprême de la VRS, armée des

22 Serbes de Bosnie, Radovan Karadzic.

23 Le 5 décembre 2003, la Chambre de première instance a reconnu Stanislav

24 Galic coupable d'actes de violence, dont le but principal était de répandre

25 la terreur parmi la population civile, une violation des lois ou coutumes

26 de la guerre énoncées à l'article 51 du Protocole additionnel I aux

27 conventions de Genève de 1949.

28 Chef 1, assassinat, un crime contre l'humanité sous la forme de tirs

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1 isolés.

2 Chef 2, actes inhumains autres que l'assassinat, un crime contre l'humanité

3 sous la forme de tirs isolés.

4 Chef 3, assassinat, un crime contre l'humanité sous la forme de

5 bombardement.

6 Chef 5, actes inhumains autres que l'assassinat, un crime contre l'humanité

7 sous la forme de bombardement.

8 Chef 6.

9 Stanislav Galic a été condamné à une peine unique de 20 ans

10 d'emprisonnement. L'Accusation et Stanislav Galic ont tous deux interjeté

11 appel du jugement. Le 4 mai 2004, Stanislav Galic a déposé un acte d'appel

12 faisant état de 19 moyens d'appel concernant diverses erreurs de droit et

13 de fait. L'Accusation, quant à elle, a déposé son acte d'appel le 18

14 décembre 2003. Elle conteste la peine prononcée la qualifiant de

15 manifestement inappropriée vu la gravité des crimes commis et le degré de

16 responsabilité pénale de Stanislav Galic. La Chambre d'appel a ouï les

17 exposés des parties lors du procès en appel tenu le 29 août 2006.

18 Nous allons maintenant brièvement passer en revue les moyens d'appel

19 soulevés en l'espèce, en commençant par ceux de Stanislav Galic, suivis de

20 ceux de l'Accusation.

21 Dans son premier moyen d'appel, Stanislav Galic affirme que la Chambre de

22 première instance a commis une erreur de droit qui invalide le jugement en

23 exigeant que s'il décide de témoigner, son témoignage soit entendu avant

24 que la Défense ne fasse comparaître ses témoins experts. Stanislav Galic

25 avance que cette décision constituait une violation de son droit à un

26 procès équitable. La Chambre d'appel conclut qu'en application de l'article

27 90(F) du Règlement, les Chambres de première instance ont le pouvoir

28 discrétionnaire de décider à quel moment un accusé peut témoigner pour sa

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1 propre défense. Il convient cependant d'exercer ce pouvoir avec

2 circonspection afin de garantir le respect des droits de l'accusé. En

3 l'espèce, la Chambre de première instance a seulement exigé que Stanislav

4 Galic, s'il souhaitait déposer, le fasse avant les témoins experts. La

5 Chambre de première instance a exposé les motifs de sa décision. Elle a

6 estimé que l'établissement de la vérité serait favorisé si tous les témoins

7 des faits, dont l'appelant, déposaient avant les témoins experts afin que

8 ces derniers puissent s'appuyer dans leur témoignage sur tous les éléments

9 présentés, y compris ceux présentés par Stanislav Galic.

10 De plus, la Chambre de première instance a déclaré que si l'appelant était

11 entendu avant les témoins experts, il lui serait loisible de demander à

12 compléter sa déposition après ceci. Ainsi, toute impossibilité qui lui

13 aurait été faite de déposer sur l'ensemble des preuves produites au procès

14 serait contrebalancée. Ceci étant, la Chambre d'appel n'est pas convaincue

15 que les conditions dont la Chambre de première instance a assorti le droit

16 de Stanislav Galic de déposer pour sa propre défense, constituait une

17 entrave déraisonnable à son droit de témoigner et portait par la même

18 atteinte à son droit à un procès équitable. En conséquence, le premier

19 moyen d'appel de Stanislav Galic est rejeté.

20 Dans son second moyen d'appel, Stanislav Galic conteste l'équité de la

21 procédure suivie par le Tribunal international pour statuer sur les

22 demandes de dessaisissement des Juges. La procédure de dessaisissement est

23 régie par l'article 15(B) du Règlement. A l'époque de la procédure d'appel,

24 celui-ci prévoyait que toute demande de dessaisissement devait être

25 renvoyée au Président de la Chambre de première instance afin qu'il confère

26 avec le Juge concerné. Après ladite consultation, il appartenait au

27 Président de la Chambre en application de l'article 15(B), de décider s'il

28 convenait de saisir le bureau. Même si le Président de la Chambre décidait

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1 qu'il n'y avait pas lieu de le faire, le Président du Tribunal était tenu

2 de renvoyer la question devant le bureau en cas de contestation par

3 l'accusé de la décision du Président de la Chambre.

4 S'il est vrai que ni les décisions rendues par le Président de la Chambre

5 en application de l'article 15(B) du Règlement ni celles du bureau ne

6 peuvent faire l'objet d'un appel interlocutoire, la Chambre d'appel

7 constate néanmoins que lorsqu'il était saisi d'une requête aux fins de

8 dessaisissement, le bureau procédait à un nouvel examen de ces écritures.

9 Par contre, même si une décision rendue en application de l'article 15(B)

10 du Règlement ne peut faire l'objet d'un appel interlocutoire, dans la

11 pratique, le bureau offrait une deuxième possibilité aux accusés de voir

12 leurs arguments en faveur du dessaisissement examinés à nouveau dans leur

13 intégralité par un collège indépendant de Juges. De surcroît, le fait

14 qu'une décision relative au dessaisissement ne puisse faire l'objet d'un

15 appel en première instance ne signifie pas forcément que l'impartialité du

16 Juge ne puisse être examinée au stade de la procédure d'appel.

17 La Chambre d'appel conclut par conséquent que l'absence d'appel

18 interlocutoire d'une décision relative au dessaisissement d'un Juge rendue

19 en application de l'article 15(B) du Règlement ne constitue pas une

20 violation du droit de l'accusé à un procès équitable.

21 Dans ce moyen d'appel, Stanislav Galic fait également valoir que

22 l'impartialité et l'apparence d'impartialité du Juge Orie, le Président de

23 la Chambre de première instance, était compromise puisque celui-ci avait

24 confirmé un acte d'accusation établi contre Ratko Mladic. La Chambre

25 d'appel juge sans fondement les affirmations de l'appelant concernant le

26 manque d'impartialité du Juge Orie. Le deuxième moyen d'appel de Stanislav

27 Galic est donc rejeté.

28 Dans son troisième moyen d'appel, Stanislav Galic avance que la Chambre de

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1 première instance a commis une erreur de droit en estimant dans sa décision

2 relative au transport de la Chambre de première instance datée du 4 février

3 2003 qu'il n'était pas utile de se rendre à Sarajevo pour visiter les lieux

4 des crimes allégués. Les décisions de gestion, notamment celles de procéder

5 ou non à un transport sur les lieux, sont laissées à l'appréciation de la

6 Chambre de première instance. La Chambre d'appel a entrepris de déterminer

7 si la Chambre de première instance avait abusé de son pouvoir

8 discrétionnaire en concluant que le rejet de la requête aux fins de

9 transport de Stanislav Galic n'affectait aucun des droits de ce dernier,

10 pas plus qu'il n'affectait la capacité de la Chambre à juger l'espèce. Au

11 vu des arguments présentés par l'appelant dans son mémoire et lors du

12 procès en appel, la Chambre d'appel conclut que Stanislav Galic n'a pas

13 démontré que la Chambre de première instance avait abusé de son pouvoir

14 discrétionnaire en rejetant sa requête. Le troisième moyen d'appel de

15 Stanislav Galic est rejeté.

16 Nous allons maintenant examiner les troisième, quatrième et onzième moyens

17 d'appel de Stanislav Galic.

18 Dans ces quatrième et treizième moyens d'appel, l'appelant développe des

19 arguments relatifs aux pièces supplémentaires communiquées par l'Accusation

20 après la clôture du procès, dont il affirme qu'elles auraient pu constituer

21 des éléments de preuve à décharge relevant de l'article 68 du Règlement. La

22 Chambre d'appel constate que les arguments présentés par Stanislav Galic

23 dans ces moyens d'appel ont déjà été examinés par la Chambre de première

24 instance dans le jugement. Etant donné que l'appelant n'a pas établi qu'une

25 réparation était justifiée au stade de l'appel, ces moyens d'appel sont

26 rejetés.

27 S'agissant de l'argument présenté par l'appelant dans son onzième moyen

28 d'appel selon lequel la Chambre de première instance a commis une erreur de

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1 méthodologie dans l'appréciation des preuves et des témoignages puisque

2 c'est à partir d'éléments de preuve de nature générale qu'elle a déduit que

3 certains faits précis avaient été prouvés, la Chambre d'appel conclut que

4 la lecture du jugement montre que la Chambre de première instance a

5 clairement indiqué qu'elle avait apprécié les preuves pour chacun des

6 épisodes recensés.

7 S'agissant de l'argument soulevé dans ce moyen d'appel concernant

8 l'appréciation erronée des dépositions des témoins de la FORPRONU, la

9 Chambre d'appel remarque que dans son mémoire d'appel, Stanislav Galic

10 évoque les éléments de preuve rapportés par nombre de ces témoins sans pour

11 autant faire référence à des passages précis de leur déposition. Il se

12 contente d'affirmer de manière générale que leur témoignage se résume à des

13 hypothèses ou qu'ils n'ont fait référence à aucun incident particulier. Ils

14 n'ont fourni aucun exemple concret à l'appui de ces dires. La seule

15 référence précise se trouve dans le mémoire en réplique de la Défense dans

16 lequel l'appelant présente la déposition du témoin Harding comme

17 symptomatique de l'ambiguïté des preuves rapportées par ces témoins.

18 Cependant, l'appelant ne met en évidence aucune constatation qui sera mise

19 à mal par l'absence de la déposition du témoin Harding.

20 Quant à l'argument de l'appelant selon lequel la Chambre de première

21 instance a commis une erreur en le déclarant coupable de crimes

22 s'inscrivant dans le cadre d'une seule et même campagne menée sur un

23 territoire géographiquement réduit durant une période ininterrompue, alors

24 que l'accord relatif à la zone d'exclusion totale a été appliqué avec

25 efficacité à Sarajevo en février 1994 et le bombardement de la ville était,

26 pour reprendre ses propres termes, rendu pratiquement impossible.

27 La Chambre d'appel note que contrairement à ce qu'affirme Stanilas

28 Galic, bien qu'aucun des bombardements recensés se trouve au cours de la

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1 période antérieure à juin 1993, de nombreux éléments de preuve ont

2 néanmoins démontré que le pilonnage était particulièrement intense en 1992

3 et en 1993. En outre, la conclusion de la Chambre de première instance ne

4 concernait pas uniquement les bombardements, mais aussi les tirs isolés au

5 titre desquels, en dehors du tir isolé numéro 2 du 13 décembre 1992, un

6 très grand nombre d'éléments de preuve ont également été rapportés. Pour

7 ces motifs et pour ceux exposés dans l'arrêt, le onzième moyen d'appel de

8 Stanilas Galic est rejeté.

9 Nous allons maintenant examiner plus en détail les cinquième, septième et

10 seizième moyens d'appel de Stanilas Galic, au sujet du crime dont il doit

11 répondre au titre du Chef 1 de l'acte d'accusation, un crime punissable aux

12 termes de l'article 3 du Statut et sur la base de l'article 51(2) du

13 Protocole additionnel I et de l'article 13(2) du Protocole additionnel II,

14 à savoir l'infraction constituée par des actes ou menaces de violence, dont

15 le but principal est de répandre la terreur parmi la population civile.

16 S'agissant de ces moyens d'appel, le jugement envisage cette infraction

17 comme recouvrant uniquement l'intention de répandre la terreur, lorsque les

18 agissements concernés sont le fait de combattants en période de conflit

19 armé. En conséquence, le jugement n'envisage aucune autre forme de

20 terrorisation.

21 Dans son cinquième moyen d'appel, l'appelant fait valoir qu'il a été

22 déclaré coupable d'une infraction pour laquelle il n'avait pas été mis en

23 accusation. La Chambre d'appel conclut cependant que la Chambre de première

24 instance a simplement décrit les éléments qu'il convient de prouver pour

25 que l'infraction soit constituée. Si à l'origine l'Accusation avançait dans

26 sa description des faits reprochés dans l'acte d'accusation que

27 l'infraction de terrorisation de la population civile comprenait le fait de

28 répandre effectivement la terreur, la Chambre de première instance a estimé

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1 dans le cadre de ses compétences que les éléments constitutifs de cette

2 infraction n'englobent pas le fait de répandre effectivement la terreur.

3 Contrairement à ce qu'il affirme, l'appelant a été dûment informé de la

4 nature des accusations portées contre lui, lui permettant ainsi de préparer

5 sa défense de manière adéquate. La Chambre d'appel rejette le cinquième

6 moyen d'appel de Stanilas Galic.

7 Dans son seizième moyen d'appel, l'appelant fait valoir que la prétendue

8 requalification de l'infraction constituée par des actes ou menaces de

9 violence, dont le but principal est de répandre la terreur parmi la

10 population civile, bafoue le principe in dubio pro reo. En l'espèce, pour

11 établir s'il aurait pu exister des doutes sur la culpabilité de Stanilas

12 Galic, il faut déterminer si le fait de répandre effectivement la terreur

13 est bel et bien un élément constitutif de l'infraction qui lui est reproché

14 au Chef 1. La Chambre d'appel conclut que le fait de répandre effectivement

15 la terreur n'est pas un élément constitutif de l'infraction constituée par

16 des actes ou menaces de violence, dont le but principal est de répandre la

17 terreur parmi la population civile, figurant au Chef 1 de l'acte

18 d'accusation. En conséquence, l'argument de l'appelant selon lequel le

19 principe de in dubio pro reo a été bafoué est sans fondement.

20 Nous allons maintenant examiner le septième moyen d'appel de Stanilas Galic

21 : l'infraction constituée par des actes ou menaces de violence, dont le but

22 principal est de répandre la terreur parmi la population civile, est-elle

23 sanctionnée par l'article 3 du Statut. Dans ce moyen d'appel, Galic soulève

24 plusieurs arguments que nous allons examiner successivement.

25 Au titre de son premier argument, il affirme que la Chambre de première

26 instance s'est trompée en estimant le droit conventionnel suffisant pour

27 établir la compétence du Tribunal international qui ne peut connaître que

28 des infractions relevant du droit international coutumier. A ce sujet, la

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1 Chambre d'appel rappelle que lorsqu'il a été saisi pour la première fois de

2 la question de la portée de sa compétence ratione materiae - dans l'arrêt

3 Tadic relatif à la compétence du 2 octobre 1995 - le Tribunal international

4 a interprété son mandat comme s'appliquant non seulement aux violations du

5 droit international humanitaire fondé sur le droit international coutumier

6 mais aussi aux infractions aux accords internationaux conclus par les

7 parties belligérantes. La Chambre d'appel note également que si le droit

8 conventionnel constitue le fondement de la compétence du Tribunal

9 international, une analyse de sa jurisprudence démontre que les Juges ont

10 systématiquement fait en sorte de s'assurer que les crimes allégués dans

11 les actes d'accusation dont ils sont saisis constituaient des infractions

12 sanctionnées par le droit international coutumier au moment où ils ont été

13 perpétrés et étaient suffisamment définis dans ce corpus de droit.

14 L'argument de l'appelant sur ce point est rejeté.

15 Au titre du second argument de son septième moyen d'appel, l'appelant

16 avance que l'accord du 22 mai 1992 n'avait aucun caractère contraignant

17 pour les parties. La Chambre d'appel ne juge pas utile d'examiner cet

18 argument étant donné qu'elle est convaincue que l'interdiction de la

19 terrorisation de la population civile consacrée par l'article 51(2) du

20 Protocole additionnel I et l'article 13(2) du Protocole additionnel II

21 constituait une règle du droit international coutumier depuis le moment ou

22 elle a été inscrite dans ces deux traités.

23 En ce qui concerne l'interdiction de la terrorisation de la population

24 civile, dans le droit international coutumier, la Chambre d'appel confirme

25 la conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle

26 l'interdiction de répandre la terreur, telle qu'elle figure dans les

27 deuxièmes phrases de l'article 51(2) du Protocole additionnel I et

28 l'article 13(2) du Protocole additionnel II, constitue une interdiction

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1 particulière qui entre dans le cadre de l'interdiction générale coutumière

2 des attaques contre des civils. Les principes sous-tendant l'interdiction

3 des attaques contre les civils, à savoir la distinction et la protection,

4 sont présents de longue date dans le droit international humanitaire dont

5 il forme incontestablement la pierre angulaire et constitue également des

6 principes intangibles du droit international coutumier. Conformément à la

7 jurisprudence de la Chambre d'appel, l'interdiction conventionnelle des

8 attaques contre les civils inscrite à l'article 51 du Protocole additionnel

9 I et à l'article 13 du Protocole additionnel II constitue une règle du

10 droit international coutumier.

11 En ce qui concerne la criminalisation de l'interdiction de la

12 terrorisation de la population civile, la Chambre d'appel conclut à la

13 majorité, le Juge Schomburg étant en désaccord, que le droit international

14 coutumier imposait la mise en cause de la responsabilité pénale

15 individuelle de l'appelant pour violation de l'interdiction des actes

16 consistant à répandre la terreur parmi la population civile, consacrée par

17 l'article 51(20) du Protocole additionnel I et de l'article 13(2) du

18 Protocole additionnel II, ceci au moins à partir du début de la période

19 visée à l'acte d'accusation.

20 Nous allons maintenant nous pencher sur les éléments constitutifs de

21 l'infraction constituée par des actes ou menaces de violence, dont le but

22 principal est de répandre la terreur parmi la population civile. Ayant

23 conclu que l'interdiction des actes consistant à répandre la terreur parmi

24 la population civile dictée dans les Protocoles additionnels était

25 déclarative des principes du droit international coutumier, la Chambre

26 d'appel a fondé son analyse des éléments constitutifs de l'infraction visée

27 au Chef 1 sur la définition qu'on trouve dans ces textes, à savoir je cite

28 : "Actes ou menaces de violence, dont le but principal est de répandre la

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1 terreur parmi la population civile." Sur cette base, la Chambre d'appel

2 conclut ce qui suit :

3 S'agissant de l'élément matériel, la Chambre d'appel conclut que

4 l'infraction constituée par des actes ou menaces de violence, dont le but

5 principal est de répandre la terreur parmi la population civile, peut

6 englober des attaques ou des menaces d'attaques contre la population

7 civile. Ces actes ou ces menaces ne se limitent pas cependant à des actes

8 directs, à des attaques directes menées contre les civils ou à des menaces

9 dans ce sens, mais cela peut inclure des attaques indiscriminées ou

10 disproportionnées ou des menaces dans ce sens. La nature des actes ou

11 menaces de violence, dont le but principal est de répandre la terreur parmi

12 la population civile, peut varier. L'essentiel est que ces actes ou menaces

13 de violence aient été commis avec l'intention spécifique de répandre la

14 terreur parmi la population civile. De plus, l'infraction constituée par

15 des actes ou menaces de violence, dont le but principal est de répandre la

16 terreur parmi la population civile, ne correspond pas au cas de figure d'un

17 engin explosif actionné hors du cadre d'une attaque militaire. Il s'agit

18 plutôt, pour reprendre la formulation de l'acte d'accusation, de

19 traumatismes et de troubles psychologiques graves causés par des attaques

20 destinées à maintenir les habitants dans un état de terreur constant. Ces

21 traumatismes et ces troubles psychologiques graves font partie des actes ou

22 menaces de violence.

23 S'agissant de l'élément moral et de la condition des résultats, la

24 Chambre d'appel, se fondant sur les libellés sans équivoque de l'article

25 51(2) du Protocole additionnel I, de même que sur son objectif et sa

26 finalité ainsi que sur les travaux préparatoires du Protocole additionnel

27 I, conclut que le fait de terroriser effectivement la population civile

28 n'est pas un élément constitutif de l'infraction. L'élément moral de

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1 l'infraction constitué par des actes ou menaces de violences, dont le but

2 principal est de répandre la terreur parmi la population civile, est

3 l'intention spécifique de répandre la terreur parmi la population civile.

4 En outre, la Chambre d'appel conclut qu'une simple lecture de

5 l'article 51(2) tend à indiquer qu'un objectif des actes illicites ou des

6 menaces de commettre ces actes illicites n'est pas nécessairement unique.

7 Le fait qu'il n'ait pu exister d'autres objectifs que celui de répandre la

8 terreur parmi la population civile n'a pas pour conséquence de réfuter

9 cette accusation, du moment que l'intention de répandre la terreur parmi la

10 population civile était l'un des principaux objectifs recherchés. Cette

11 intention peut être déduite des circonstances des actes ou des menaces,

12 c'est-à-dire de leur nature, modalité, chronologie et durée.

13 Nous allons maintenant examiner le dernier argument présenté par

14 Galic Stanislav dans son septième moyen d'appel, à savoir qu'il n'était pas

15 animé de l'intention de répandre la terreur parmi la population civile. A

16 cet égard, la Chambre d'appel remarque que la Chambre de première instance

17 s'est fondée sur une grande quantité d'éléments de preuve pour démontrer

18 que la terrorisation de la population civile constituait l'objectif premier

19 de la campagne de tir isolé et de bombardement et que l'appelant a ordonné

20 que soient perpétrés les actes sous-jacents en étant animé de la même

21 intention spécifique. Pour les motifs exposés dans l'arrêt, la Chambre

22 d'appel conclut que l'appelant n'a pas démontré qu'aucun juge du fait

23 n'aurait pu raisonnablement conclure, tout comme la Chambre de première

24 instance, qu'il était animé de l'intention de répandre la terreur parmi la

25 population civile. En conséquence, la Chambre d'appel rejette le septième

26 moyen d'appel de Stanislav Galic.

27 Nous allons maintenant examiner l'argument développé par Stanislav

28 Galic dans son sixième moyen d'appel, selon lequel la Chambre de première

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1 instance a commis une erreur de droit s'agissant de l'infraction d'attaque

2 contre des civils. En premier lieu, l'appelant soulève plusieurs arguments

3 relatifs à l'applicabilité de l'article 3 du Statut au chef d'attaque

4 contre les civils. A cet égard, la Chambre d'appel conclut que Stanislav

5 Galic n'a pas démontré que la Chambre de première instance avait commis une

6 erreur sur un point de droit qui invalide la décision. La Chambre de

7 première instance était tenue, comme elle l'a fait, d'appliquer le ratio

8 decidendi des décisions pertinentes de la Chambre d'appel, à commencer par

9 l'arrêt Tadic relatif à la compétence et l'analyse des conditions Tadic,

10 qui y figurent. L'appelant ne présente aucun nouvel argument expliquant

11 pourquoi il serait dans l'intérêt de la justice pour la Chambre d'appel de

12 déroger à son interprétation de l'article 3 du Statut. Son argument est

13 donc rejeté.

14 En deuxième lieu, l'appelant avance plusieurs arguments relatifs à

15 l'analyse par la Chambre de première instance des éléments constitutifs du

16 crime d'attaque contre des civils en tant que violations des lois aux

17 coutumes de la guerre. S'agissant de l'affirmation de Stanislav Galic selon

18 laquelle la Chambre de première instance s'est fourvoyée en concluant que

19 la prise pour cible de civils ne saurait être justifiée par la nécessité

20 militaire, la Chambre d'appel a de par le passé souligné que le fait de

21 prendre des civils pour cible est absolument prohibé en droit international

22 coutumier, et qu'il ne saurait être dérogé à l'interdiction des attaques

23 contre des civils et des biens de caractères civils en raison de nécessité

24 militaire. L'argument de Stanislav Galic est dès lors rejeté.

25 S'agissant de l'affirmation de l'appelant selon laquelle la Chambre

26 de première instance a commis une erreur de droit en estimant que les

27 attaques indiscriminées, c'est-à-dire les attaques frappant indistinctement

28 des personnes civiles ou des biens de caractères civils et des objectifs

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1 militaires, peuvent être qualifiées d'attaques directes contre des civils,

2 la Chambre d'appel note que la Chambre de première instance n'a pas jugé

3 que de telles attaques constituent toujours des attaques directes, mais

4 qu'elles peuvent être qualifiées de telles. La Chambre d'appel conclut que

5 loin d'amalgamer les deux infractions, la Chambre de première instance dans

6 la conclusion contestée soutient l'idée selon laquelle une attaque directe

7 peut être déduite du caractère indiscriminé de l'arme employée. En

8 principe, la Chambre de première instance était en droit de décider au cas

9 par cas que le caractère indiscriminé d'une attaque peut lui permettre de

10 déterminer si l'attaque était dirigée contre la population civile.

11 L'argument de l'appelant est dès lors rejeté.

12 S'agissant de l'argument de Stanislav Galic selon lequel la Chambre

13 de première instance a commis une erreur de droit en jugeant que certaines

14 attaques apparemment disproportionnées peuvent laisser supposer que des

15 civils étaient effectivement visés, la Chambre d'appel observe que la

16 Chambre de première instance a clairement déclaré que cette appréciation

17 devait se faire au cas par cas à la lumière des éléments de preuve

18 disponibles. La conclusion de la Chambre de première instance selon

19 laquelle des attaques disproportionnées peuvent laisser supposer qu'il

20 s'agit d'attaques directes contre des civils étaient donc une prise encore

21 justifiée de l'impact des constatations factuelles et pas un amalgame

22 d'infractions différentes. La Chambre de première instance a clairement

23 indiqué qu'elle se limitait aux attaques contre les civils relevant de

24 l'article 51(2) du Protocole additionnel I, qui envisage uniquement les

25 attaques directes contre la population civile. La définition de

26 l'infraction qu'elle a adoptée est tout aussi claire. Il n'est fait aucune

27 mention d'attaques indiscriminées ou disproportionnées pour fonder la

28 déclaration de culpabilité. En conséquence, cette branche du moyen d'appel

Page 213

1 de Stanislav Galic est rejetée.

2 Pour ce qui est de l'argument de l'appelant selon lequel la Chambre de

3 première instance a mal interprété le droit quand elle a jugé que la

4 présence au sein de la population civile de combattants isolés ne change

5 rien à son caractère civil, la Chambre d'appel conclut que la jurisprudence

6 du Tribunal international à cet égard est claire. La présence au sein de la

7 population attaquée de combattants isolés ne change pas nécessairement le

8 fait que le caractère de la population reste fondamentalement civil, dans

9 une perspective juridique. S'il peut sembler que la Chambre de première

10 instance a appliqué un critère plus strict que celui établi par la

11 jurisprudence du Tribunal international, elle a reconnu les nuances de sa

12 position dans les références figurant en note de bas de page. La Chambre

13 d'appel conclut en conséquence que la Chambre de première instance a

14 correctement interprété le droit en reconnaissant les considérations

15 évolutives à prendre en compte pour déterminer le caractère d'une

16 population donnée. L'argument de l'appelant est donc rejeté.

17 Enfin, s'agissant de l'argument de l'appelant selon lequel la Chambre de

18 première instance a commis une erreur de droit en incluant en tant

19 qu'élément subjectif de l'infraction d'attaque contre les civils le concept

20 de l'imprudence ou une autre attitude de l'individu commettant l'acte ou

21 tout autre chose que la volonté d'entraîner la conséquence effective, la

22 Chambre d'appel note que dans son examen de l'élément moral de l'infraction

23 concernée, la Chambre de première instance a conclu que l'auteur devait

24 entreprendre l'attaque intentionnellement. La Chambre de première instance

25 s'est appuyée sur le commentaire du CICR, de l'article 85 du Protocole

26 additionnel I qui définit l'intention au regard de l'article 51(2) et fait

27 clairement la distinction entre le dol éventuel, soit l'attitude d'un

28 auteur qui, sans être certain de la survenance du résultat, l'accepte au

Page 214

1 cas où il se produirait et l'imprudence, imprudence qui correspond au cas

2 d'un individu qui agit sans se rendre compte de son acte ou de ses

3 conséquences. Le raisonnement de la Chambre de première instance est

4 correct sur ce point et l'appelant n'avance aucun argument à l'appui de son

5 affirmation selon laquelle la Chambre de première instance a commis une

6 erreur de droit. Pourtant, dans la mesure où l'appelant attaque cette

7 conclusion précise, son argumentation est sans fondement et donc rejetée.

8 Le sixième moyen d'appel de Stanislav Galic est donc rejeté.

9 Dans son huitième moyen d'appel, l'appelant allègue des erreurs de droit

10 concernant les crimes sanctionnés par l'article 5 du Statut. En premier

11 lieu, l'appelant soutient que la Chambre de première instance n'a pas

12 correctement défini le terme civil dans le contexte d'une attaque dirigée

13 contre la population civile. Lorsqu'elle s'est penchée sur les conditions

14 requises pour qu'une population soit qualifiée de civile, la Chambre de

15 première instance a estimé que la définition du terme civil est large

16 puisqu'elle englobe aussi bien des personnes qui à un certain moment ont

17 fait de la résistance que des personnes hors de combat au moment des faits.

18 La Chambre de première instance n'a pas cherché là à définir ce qu'était un

19 civil. En effet, contrairement à ce que pourrait laisser entendre la

20 formulation choisie par la Chambre de première instance, une personne hors

21 de combat n'est pas automatiquement considérée comme un civil en droit

22 international humanitaire. La Chambre d'appel estime que la Chambre de

23 première instance n'a fait que rappeler la jurisprudence bien établie

24 concernant la condition énoncée dans le chapeau de l'article 5 à propos de

25 la population civile. A cet égard, la Chambre de première instance a

26 précédemment conclu que la présence au sein de la population civile de

27 membres de groupes de résistance ou de combattants qui ont déposé les armes

28 ne change rien à son caractère civil. De même, la présence au sein de la

Page 215

1 population civile de soldats ou de personnes hors de combat ne change pas

2 nécessairement pas son caractère civil. L'argument avancé par Stanislav

3 Galic sur ce point est donc rejeté.

4 L'appelant fait également valoir qu'il n'avait pas connaissance des

5 attaques menées contre les civils, mais il se contente, ce faisant, de

6 réitérer les arguments présentés à ce sujet en première instance sans

7 expliquer en quoi son appel devrait aboutir sur ce point. Les constations

8 faites à cet égard par la Chambre de première instance étant analysées par

9 l'appelant de manière plus détaillée dans ses dix-septième et dix-huitième

10 moyen d'appel, les arguments qu'il avance à ce sujet sont également

11 examinés dans la partie consacrée à ces moyens.

12 Nous en venons à présent aux arguments de l'appelant concernant

13 l'assassinat et les actes inhumains. S'agissant de l'affirmation selon

14 laquelle un assassinat ne saurait être commis par le moyen d'une omission,

15 la Chambre d'appel rappelle que l'assassinat peut être constitué par une

16 acte ou une omission, et qu'il n'est pas indispensable que la personne mise

17 en cause ait commis un acte positif pour que sa responsabilité pénale soit

18 engagée. Le même raisonnement s'applique aux actes inhumains à propos

19 desquels l'appelant avance un argument semblable.

20 Quant à l'argument selon lequel un acte ne saurait être qualifié

21 d'assassinat s'il est commis par une autre personne, la Chambre d'appel

22 fait remarquer que le Statut prévoit expressément la possibilité de tenir

23 un accusé pénalement responsable du fait d'autrui, ce qu'a d'ailleurs fait

24 le Tribunal international à maintes reprises. L'argument de Stanislav Galic

25 sur ce point est donc rejeté.

26 En ce qui concerne l'argument selon lequel la Chambre de première instance

27 s'est trompée en définissant l'élément moral de l'assassinat, la Chambre de

28 première instance note que Stanislav Galic n'a pas été reconnu coupable

Page 216

1 pour avoir commis les assassinats reprochés mais pour les avoir ordonnés au

2 sens de l'article 7(1) du Statut, seul importe le fait qu'il ait eu

3 conscience de la l'improbabilité que des assassinats résulteraient de ses

4 ordres. Par conséquent, point n'est besoin d'examiner à fond les arguments

5 de l'appelant concernant l'élément moral requis pour le fait de commettre

6 des assassinats ni ceux concernant l'élément moral des actes inhumains.

7 Cette branche du moyen d'appel est rejetée. En conséquence, la Chambre

8 d'appel rejette le huitième moyen d'appel de Stanislav Galic.

9 Passons maintenant au neuvième moyen d'appel. Compte tenu de la

10 jurisprudence constante en la matière, la Chambre d'appel rejette

11 l'argument de Stanislav Galic selon lequel un accusé ne saurait être mis en

12 cause sur la base de plusieurs qualifications en raison des mêmes faits.

13 S'agissant de l'affirmation selon laquelle la Chambre de première instance

14 a commis une erreur de droit en le déclarant coupable, à la fois sur la

15 base de l'article 3, actes de violence, dont le but principal était de

16 répandre la terreur parmi la population civile, et sur la base de l'article

17 5 du Statut, assassinat et actes inhumains à raison des mêmes faits, la

18 Chambre d'appel est d'accord avec la Chambre de première instance pour dire

19 que le cumul de déclarations de culpabilité est en l'occurrence possible

20 puisque les articles 3 et 5 du Statut exigent chacun la preuve d'éléments

21 nettement distincts. Quant à l'affirmation de l'appelant selon laquelle la

22 Chambre de première instance a eu tort de le déclarer coupable, à la fois

23 sur la base de l'article 5(A), assassinat, et sur la base de l'article 5(I)

24 du Statut, actes inhumains, lorsque les mêmes faits ont entraîné la mort de

25 la victime, la Chambre d'appel estime que Stanislav Galic n'a pas démontré

26 que la Chambre de première instance l'avait déclaré coupable cumulativement

27 pour avoir blessé et tué les mêmes victimes. Le neuvième moyen d'appel de

28 Stanislav Galic est rejeté.

Page 217

1 Nous allons maintenant nous pencher sur le dixième moyen d'appel, lequel

2 porte sur certaines conclusions tirées par la Chambre de première instance

3 concernant le droit applicable à la responsabilité pénale au regard des

4 articles 7(1) et 7(3) du Statut. L'appelant reproche à la Chambre de

5 première instance d'avoir conclu que toutes les formes de responsabilité

6 pénale peuvent être établies au moyen de preuves directes ou indirectes. A

7 cet égard, la Chambre d'appel observe qu'il est de jurisprudence constante

8 que les faits peuvent être prouvés au moyen de preuves tant directes

9 qu'indirectes. L'appelant soutient que les personnes accusées sur la base

10 de l'article 7(1) ne sauraient être tenues responsables d'actes commis par

11 omission coupable, et que la Chambre de première instance a donc commis une

12 erreur de droit sur ce point. A cet égard, la Chambre d'appel confirme que

13 toute omission, lorsqu'elle constitue un manquement à l'obligation d'agir

14 prévue par la loi, peut engager la responsabilité pénale individuelle en

15 application de l'article 7(1) du Statut. En l'espèce, la Chambre de

16 première instance n'a pas déclaré Stanislav Galic coupable pour avoir

17 ordonné les crimes du fait de son absence de réaction ou par omission

18 coupable. Autrement dit, elle n'a pas déduit des preuves produites que

19 Stanislav Galic avait omis d'agir et que cette omission constituait un

20 ordre. Lorsque la Chambre de première instance mentionne l'absence de

21 réaction de sa part, c'est au titre de preuves indirectes permettant

22 d'établir la forme de responsabilité découlant du fait d'ordonner. Aussi,

23 la Chambre d'appel conclut-elle que la forme de responsabilité découlant du

24 fait d'ordonner, au même titre que toutes les autres formes de

25 responsabilité pénale, peut être établie au moyen de preuves directes ou

26 indirectes en tenant compte des preuves relatives aux actes et aux

27 omissions de l'accusé. La question de savoir si la Chambre de première

28 instance aurait pu déduire des preuves présentées au procès que Stanislav

Page 218

1 Galic avait ordonné les crimes reprochés est une question de fait qui sera

2 examiné dans le cadre du dix-huitième moyen d'appel.

3 S'agissant de l'argument de l'appelant, selon lequel la Chambre de

4 première instance n'a pas appliqué le critère qui convient pour déterminer

5 s'il avait des raisons de savoir au sens de l'article 7(3) du Statut, la

6 Chambre d'appel note qu'il ressort de la jurisprudence du Tribunal

7 international que le simple fait de démontrer qu'un supérieur hiérarchique

8 disposait d'informations de nature de le mettre en garde contre les

9 agissements de ses subordonnés suffit à établir qu'il avait des raisons de

10 le savoir. Contrairement à ce qu'affirme l'appelant, il n'est pas

11 nécessaire que ces informations se présentent sous la forme de rapports

12 précis soumis conformément à un système de surveillance ni qu'elles

13 fournissent des renseignements précis au sujet des actes illicites qui ont

14 été commis ou sont sur le point de l'être.

15 En ce qui concerne le grief formulé par l'appelant concernant

16 l'application simultanée des articles 7(1) et 7(3) du Statut, la Chambre

17 d'appel estime que contrairement à ce qu'affirme ce dernier, la Chambre de

18 première instance n'a pas dit qu'il était possible de déclarer un accusé

19 coupable sur la base à la fois de l'article 7(1) et de l'article 7(3), mais

20 que dans les cas où les conditions requises par l'un et par l'autre sont

21 remplies, la Chambre de première instance peut choisir sur quelle base elle

22 tiendra l'accusé responsable. Comme l'a fait observé la Chambre d'appel

23 dans l'arrêt Blaskic, il convient alors de prononcer une déclaration de

24 culpabilité sur la seule base de l'article 7(1) et de retenir la place de

25 l'accusé dans la hiérarchie comme une circonstance aggravante. Par contre,

26 la Chambre de première instance n'a commis aucune erreur sur ce point. Le

27 dixième moyen d'appel soulevé par Stanislav Galic est rejeté.

28 Dans son douzième moyen d'appel, l'appelant avance que la Chambre de

Page 219

1 première instance ne s'est pas penchée sur la question des dommages

2 collatéraux. A cet égard, la Chambre d'appel note que l'appelant ne renvoie

3 à aucune conclusion précise dans le jugement à l'appui de son argument. Il

4 n'a donc pas satisfait à l'obligation qui lui a été faite d'exposer

5 clairement son moyen d'appel. En conséquence, plutôt que de repasser en

6 revue tous les épisodes recensés dans le jugement, la Chambre d'appel s'est

7 demandée si la Chambre de première instance avait apprécié comme elle

8 devait le faire la légalité des attaques et les preuves s'y rapportant. La

9 Chambre d'appel se déclare convaincue que la Chambre de première instance a

10 correctement énoncé le droit en application. De plus, pour les motifs

11 exposés dans l'arrêt, la Chambre d'appel estime que la méthode utilisée par

12 la Chambre de première instance pour apprécier la légalité des attaques

13 s'agissant des épisodes recensés ou non dans le jugement est conforme au

14 droit applicable tel qu'il a été énoncé. Le douzième moyen d'appel soulevé

15 par Stanislav Galic est rejeté.

16 Nous allons brièvement examiner à présent le quatorzième moyen

17 d'appel dans lequel Stanislav Galic reproche à la Chambre de première

18 instance d'avoir commis une erreur en ne définissant pas certains termes ou

19 en en donnant une définition erronée. Pour les motifs exposés dans l'arrêt,

20 la Chambre d'appel est d'avis que l'appelant n'explique pas en quoi il

21 était nécessaire de définir expressément les termes en question ni en quoi

22 la Chambre de première instance aurait commis une erreur en s'abstenant de

23 le faire. Qui plus est, l'appelant ne précise aucunement en quoi les

24 erreurs alléguées auraient influé sur le jugement. Le quatorzième moyen

25 d'appel soulevé par Stanislav Galic est rejeté.

26 Dans son quinzième moyen d'appel, l'appelant conteste l'approche

27 adoptée par la Chambre de première instance dans son appréciation des

28 éléments de preuve qui l'ont amenée à conclure qu'une campagne d'attaques

Page 220

1 était dirigée contre les civils. En premier lieu, l'appelant allègue des

2 erreurs de droit dans le raisonnement qu'a suivi la Chambre de première

3 instance pour conclure à l'existence d'une telle campagne. Cependant, pour

4 les motifs exposés dans l'arrêt, la Chambre d'appel ne relève aucune erreur

5 dans le raisonnement suivi par la Chambre de première instance sur ce

6 point. En second lieu, l'appelant conteste les conclusions de la Chambre de

7 première instance concernant 12 des 23 tirs isolés et trois des cinq

8 bombardements recensés, au motif que ces épisodes n'ont pu être prouvés au-

9 delà de tout doute raisonnable, le Juge Nieto-Navia dans son opinion

10 dissidente ayant exprimé un doute raisonnable à leur sujet. La Chambre

11 d'appel estime néanmoins que l'existence d'une opinion dissidente portant

12 sur des questions de fait n'invalide pas pour autant un jugement sachant

13 qu'il suffit que la décision soit rendue à la majorité. En se bornant à

14 souligner l'existence d'une opinion dissidente, l'appelant n'a pas

15 satisfait à ses obligations en ce sens qu'il n'a pas démontré que la

16 majorité des Juges de la Chambre de première instance s'étaient montrés

17 déraisonnables dans l'appréciation des preuves. Aussi, la Chambre d'appel

18 rejette-t-elle cette branche du moyen d'appel. Dans le cadre de son

19 quinzième moyen d'appel, Stanislav Galic allègue par ailleurs que de

20 nombreuses erreurs de fait se sont glissées dans le jugement. Les arguments

21 qu'il avance à ce propos sont résumés et analysés dans l'arrêt. Il s'agit

22 pour la plupart d'affirmations que rien ne vient étayer. La Chambre d'appel

23 les a donc rejetées sans motiver en détail sa décision, car elles ne

24 remplissaient pas les conditions requises en appel. Le quinzième moyen

25 d'appel soulevé par Stanislav Galic est rejeté.

26 Dans son dix-septième moyen d'appel, l'appelant fait valoir que la Chambre

27 de première instance aurait fait plusieurs constatations erronées et commis

28 des erreurs dans l'appréciation des preuves lorsqu'elle a tiré ses

Page 221

1 conclusions concernant l'existence d'une campagne de tirs isolés et de

2 bombardements dirigés contre la population civile de Sarajevo. Pour les

3 motifs exposés dans l'arrêt, les arguments avancés par l'appelant sur ce

4 point sont rejetés, seuls seront examinés les arguments de l'appelant se

5 rapportant aux attaques contre le marché de Markale et de l'hôpital Kosevo.

6 S'agissant de l'épisode du marché de Markale, la Chambre d'appel souligne

7 la complexité des témoignages entendus à ce sujet par la Chambre de

8 première instance, compte tenu des éléments techniques mis en avant, des

9 conclusions divergentes auxquelles sont parvenus les experts et des

10 incertitudes concernant l'exactitude de ces conclusions. Pour les motifs

11 exposés dans l'arrêt, la Chambre d'appel estime que les constatations de la

12 Chambre de première instance relatives à l'azimut de l'origine du tir, à

13 l'angle de chute de l'obus et la profondeur du cratère sont telles qu'un

14 juge du fait aurait pu raisonnablement faire. Bien que la Chambre d'appel

15 estime que la Chambre de première instance se soit trompée en constatant

16 que l'obus visait délibérément le marché de Markale, elle considère qu'en

17 tout état de cause, ce bombardement visait délibérément des civils. La

18 Chambre d'appel n'infirme donc pas la déclaration de culpabilité prononcée

19 à l'encontre de Stanislav Galic concernant cet épisode.

20 Nous en venons maintenant à l'argument de l'appelant, selon lequel les

21 forces de la RSK n'ont pas commis d'actes illicites en tirant sur l'hôpital

22 de Kosevo puisque celui-ci servait de base militaire aux forces de l'ABiH.

23 Après avoir déterminé quelles sont les exceptions faites à l'interdiction

24 d'attaquer les hôpitaux dans la

25 Quatrième convention de Genève et de ses Protocoles additionnels, et après

26 s'être penchée sur les conclusions de la Chambre de première instance sur

27 ce point, la Chambre d'appel estime que la Chambre de première instance a

28 eu tort de ne pas conclure qu'un certain nombre d'attaques menées par la

Page 222

1 RSK visaient un objectif militaire légitime. Toutefois, il ressort

2 également des preuves présentées que d'autres attaques de la RSK, en raison

3 du moment où elles se sont produites ou du type d'armement utilisé, ne

4 sauraient être considérées comme des attaques visant un objectif militaire

5 légitime. Par contre, en appliquant le critère juridique qui convient, la

6 Chambre d'appel estime que seules certaines attaques menées par la RSK

7 contre l'hôpital constituent des exemples de la campagne d'attaques visant

8 des civils. D'autres attaques, en revanche, visaient un objectif militaire

9 légitime. La Chambre de première instance ne s'est donc trompée qu'en

10 partie et la conclusion qu'elle a tirée sur ce point est réformée en

11 conséquence. Le dix-septième moyen d'appel soulevé par Stanislav Galic est

12 rejeté.

13 Dans son dix-huitième moyen d'appel, l'appelant relève de nombreuses

14 erreurs de fait concernant son rôle et sa responsabilité pénale vu le

15 nombre d'allégations formulées à cet égard par l'appelant, la Chambre

16 d'appel limitera ses remarques au point suivant.

17 S'agissant des arguments avancés par l'appelant concernant les

18 constatations de la Chambre de première instance relatives au contrôle

19 qu'il exerçait sur les tirs isolés, les bombardements et l'armement de la

20 RSK, la Chambre d'appel estime pour les motifs exposés dans l'arrêt que

21 l'appelant n'a pas démontré qu'aucun juge du fait n'aurait pu

22 raisonnablement parvenir aux mêmes constatations.

23 Quant à l'argument de l'appelant selon lequel il n'était pas en

24 mesure de punir ses subordonnés, la Chambre d'appel est d'avis que, comme

25 l'appelant l'a reconnu lui-même, il avait le pouvoir de prendre des mesures

26 lorsque des actes illicites avaient été commis par ses subordonnés. Ainsi,

27 il n'a pas démontré qu'aucun juge du fait n'aurait pu raisonnablement

28 conclure, tout comme la Chambre de première instance que, je cite : "La

Page 223

1 Défense ne conteste pas que le général Galic fut en mesure d'empêcher que

2 des crimes soient commis ou d'en punir les auteurs, mais elle soutient

3 qu'il n'a pas eu besoin de le faire."

4 S'agissant de l'argument de l'appelant selon lequel il n'avait pas

5 connaissance des tireurs isolés et des bombardements illicites dont les

6 civils étaient victimes dans la ville de Sarajevo et ses environs, la

7 Chambre d'appel estime, pour les motifs exposés dans l'arrêt, que

8 l'appelant n'a pas démontré qu'aucun juge du fait n'aurait pu

9 raisonnablement parvenir aux mêmes constatations que la Chambre de première

10 instance. Des protestations lui ont été remises en main propre ou ont été

11 communiquées à ses subordonnées, qui plus est l'appelant ne renvoie à aucun

12 passage du jugement dans lequel la Chambre de première instance aurait

13 commis une erreur sur ce point.

14 S'agissant de l'affirmation de l'appelant selon laquelle l'artillerie n'a

15 pas été utilisée abusivement, la Chambre d'appel fait remarquer que

16 l'appelant passe sous silence les nombreuses preuves se rapportant aux tirs

17 isolés et aux bombardements illicites. Enfin, pour ce qui est du caractère

18 raisonnable des mesures prises par l'appelant, la Chambre d'appel note que

19 la Chambre de première instance a bel et bien tenu compte des preuves

20 montrant qu'il a donné des instructions relatives au respect des

21 conventions de Genève de 1949, tout en constatant que ces instructions ne

22 décrivaient pas de manière suffisamment précise et fiable les obligations

23 prescrites par les conventions. La Chambre d'appel n'est pas d'avis

24 qu'aucun juge du fait n'aurait pu raisonnablement parvenir aux mêmes

25 constatations. Le 18e moyen d'appel soulevé par Stanislav Galic est rejeté.

26 Nous en venons à présent au moyen d'appel soulevé par Stanislav Galic et

27 par l'Accusation concernant la peine de 20 ans d'emprisonnement prononcée

28 par la Chambre de première instance.

Page 224

1 Dans son 19e moyen d'appel, Stanislav Galic fait valoir que la

2 Chambre de première instance a mal appliqué le droit en fixant la peine et

3 affirme qu'une peine plus douce s'imposait. Quant à l'argument selon lequel

4 la grille des peines appliquées en ex-Yougoslavie donne à penser que la

5 peine la plus sévère que le Tribunal international puisse prononcer en

6 l'espèce est une peine de 20 ans d'emprisonnement, la Chambre d'appel

7 rappelle que le Tribunal international doit certes prendre en considération

8 la grille des peines appliquées en ex-Yougoslavie, mais qu'il n'est pas

9 tenu par celle-ci. La Chambre d'appel estime par ailleurs que contrairement

10 à ce que prétend Stanislav Galic, la Chambre de première instance a dûment

11 examiné les dispositions applicables du code pénal de RSFY et conclut à bon

12 droit que les crimes reprochés en l'espèce étaient passibles de la peine

13 maximale en ex-Yougoslavie.

14 S'agissant de l'argument de Stanislav Galic selon lequel la Chambre de

15 première instance a tenu compte de ses fonctions de commandant de corps de

16 la VRS pour déterminer sa responsabilité dans les crimes reprochés et en

17 tant que circonstances aggravantes pour fixer la peine, la Chambre d'appel

18 estime que même si la forme de responsabilité découlant du fait d'ordonner

19 suppose nécessairement que la personne qui donne l'ordre en question

20 jouisse d'une autorité, le degré d'autorité exercé peut également entrer en

21 ligne de compte dans la fixation de la peine puisqu'il n'est pas nécessaire

22 pour tenir un accusé responsable pour le fait d'ordonner, que celui-ci

23 occupe un rang élevé dans la hiérarchie et exerce par-là même, une autorité

24 importante. La Chambre de première instance n'a pas retenu comme une

25 circonstance aggravante le fait que Stanislav Galic avait le pouvoir de

26 donner des ordres; elle a cependant tenu compte d'autres éléments liés à

27 l'autorité qu'il exerçait en tant que commandant et conclut qu'il avait à

28 maintes reprises manqué à l'obligation qui découlait de cette très haute

Page 225

1 fonction, ce qui constituait un abus de pouvoir de sa part. Cette branche

2 du moyen d'appel est donc rejetée.

3 Quant à l'argument de Stanislav Galic selon lequel la Chambre de première

4 instance aurait dû retenir comme une circonstance atténuante le fait qu'il

5 s'était vu confier le commandement des unités de la RSK qui était alors

6 totalement désorganisé, la Chambre d'appel considère que Stanislav Galic en

7 sa qualité de chef militaire avait l'autorité et la capacité requise pour

8 ordonner que les opérations de combat soient menées en toute légalité. Il

9 avait également le devoir d'assurer le bon fonctionnement de la chaîne de

10 commandement. La Chambre de première instance n'avait donc pas à prendre

11 cet argument en considération. En ce qui concerne la question connexe de la

12 dissolution des unités paramilitaires, la Chambre d'appel observe que la

13 Chambre de première instance a mentionné les arguments avancés à cet égard

14 par Stanislav Galic et a tenu compte de ce facteur. Toutefois, elle avait

15 toute latitude pour ne pas le retenir comme une circonstance atténuante et

16 l'appelant n'a pas démontré qu'elle avait de ce fait outrepassé ses

17 pouvoirs.

18 S'agissant de l'argument de Stanislav Galic selon lequel les conditions de

19 la guerre en milieu urbain atténuent considérablement sa responsabilité

20 pénale. La Chambre d'appel note que la Chambre de première instance a

21 visiblement pris cet élément en compte. De plus, cet argument n'a pas été

22 avancé au titre des circonstances atténuantes lors du procès en première

23 instance. La Chambre d'appel rappelle que le procès en appel ne saurait

24 fournir l'occasion d'exit pour la première fois des circonstances

25 atténuantes si les preuves y afférant pouvaient être obtenues sans

26 difficulté lors du procès en première instance. En tout état de cause,

27 l'appelant n'a pas démontré en quoi la Chambre de première instance aurait

28 commis une erreur manifeste sur ce point.

Page 226

1 Stanislav Galic avance également que la Chambre de première instance n'a

2 pas tenu compte du fait qu'il se serait livré volontairement s'il avait eu

3 la possibilité de le faire. La Chambre d'appel considère que la Chambre de

4 première instance n'a pas commis d'erreur manifeste sur ce point puisque

5 rien ne vient étayer cette thèse.

6 En ce qui concerne l'argument de Stanislav Galic selon lequel il n'a

7 jamais eu de comportements discriminatoires à l'égard de qui que ce soit,

8 la Chambre d'appel juge cet argument infondé. Nous sommes tous censés

9 respecter notre prochain indépendamment de sa nationalité, de son

10 appartenance ethnique ou de sa confession. Un tel comportement ne saurait

11 être retenu comme circonstance atténuante. Aussi, la Chambre de première

12 instance a-t-elle eu raison de conclure que la situation de Stanislav Galic

13 n'est pas atypique au point de constituer une circonstance atténuante ?

14 S'agissant de l'argument selon lequel la Chambre de première instance

15 n'a pas tenu compte du fait que Stanislav Galic s'était montré très

16 coopératif avec la FORPRONU, la Chambre d'appel note que la Chambre de

17 première instance a mentionné cet argument et elle l'a pris en

18 considération. De l'avis de la Chambre d'appel, l'appelant n'a pas démontré

19 en quoi la Chambre de première instance aurait outrepassé ses pouvoirs en

20 ne retenant pas sa coopération avec la FORPRONU comme une circonstance

21 atténuante. A propos de sa coopération, même après la guerre, avec des

22 représentants de la communauté internationale, Stanislav Galic lui-même

23 déclare avoir exercé ses fonctions de manière professionnelle. Si, en sa

24 qualité de militaire de carrière, Stanislav Galic a fait montre de

25 coopération avec la communauté internationale, la Chambre de première

26 instance n'avait pas à retenir cet élément comme une circonstance

27 atténuante. En outre, la Chambre d'appel fait remarquer que cet argument

28 n'a pas été avancé lors du procès en première instance. Aucun appelant ne

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1 devrait s'attendre à ce que la Chambre d'appel prenne en considération des

2 circonstances atténuantes si les preuves y afférant pouvaient être obtenues

3 lors du procès en première instance et n'ont pas été présentées à cette

4 occasion.

5 Quant à la coopération que Stanislav Galic affirme avoir fournie à

6 l'Accusation, la Chambre d'appel observe que rien dans le mémoire d'appel

7 de la Défense ne vient étayer cet argument. Tout au plus, y est-il fait

8 mention d'un nombre important de documents militaires sans la moindre

9 précision concernant leurs intitulés ou leur teneur. En tout état de cause,

10 la Chambre d'appel note que Stanislav Galic n'a avancé aucun argument sur

11 ce point dans son mémoire en clôture.

12 En ce qui concerne l'argument selon lequel ses problèmes de santé et son

13 comportement exemplaire en détention devraient être retenus comme

14 circonstances atténuantes, la Chambre d'appel estime que Stanislav Galic

15 n'a pas démontré que son état de santé était tout particulièrement mauvais.

16 De plus, n'ayant jamais fait valoir cet élément lors du procès en première

17 instance, s'agissant de la fixation de la peine, il est malvenu qu'il en

18 exit pour la première fois lors du procès en appel. Le même raisonnement

19 s'applique mutatis mutandis à l'argument relatif à son comportement

20 exemplaire en détention.

21 Stanislav Galic avance par ailleurs que si la Chambre d'appel venait à le

22 déclarer coupable sur la seule base de l'article 7(3) du statut, sa

23 responsabilité s'en trouverait considérablement atténuée, et que partant,

24 la peine devrait être révisée en conséquence. La Chambre d'appel ne juge

25 pas nécessaire d'analyser cet argument, puisqu'elle a retenu la forme de

26 responsabilité découlant de l'article 7(1). Le dix-neuvième moyen d'appel

27 soulevé par Stanislav Galic concernant la peine est rejeté.

28 Nous en arrivons maintenant à l'unique moyen d'appel soulevé par

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1 l'Accusation. Avant de se pencher sur les principaux griefs de

2 l'Accusation, qui soutient que la peine infligée est manifestement

3 inappropriée, que la Chambre de première instance a commis une erreur

4 manifeste en ce sens que la peine ne rend pas pleinement compte de la

5 gravité des crimes et de la place élevée de Stanislav Galic dans la

6 hiérarchie, la Chambre d'appel s'est d'abord intéressée aux autres

7 arguments soulevés par l'Accusation, à savoir que : premièrement, l'affaire

8 concernant Stanislav Galic relève de la catégorie des affaires les plus

9 graves; et deuxièmement, la comparaison avec la pratique suivie dans les

10 juridictions internes révèlent que les crimes commis en l'espèce sont

11 universellement qualifiés de crimes particulièrement graves. S'agissant du

12 premier argument, la Chambre d'appel réaffirme que les affaires ne

13 sauraient être classées systématiquement en fonction de catégories. Les

14 Chambres de première instance ont l'obligation impérieuse de personnaliser

15 la peine pour tenir compte de la situation de l'accusé et de la gravité du

16 crime. Comme l'a indiqué la Chambre de première instance l'élément

17 principal à prendre en compte dans la sentence est la gravité de

18 l'infraction.

19 Quant à la référence faite par l'Accusation à la pratique suivie dans les

20 juridictions internes, la Chambre d'appel rappelle que si les grilles des

21 peines appliquées dans les juridictions autres que celles de l'ex-

22 Yougoslavie peuvent fournir quelques indications, il convient de ne pas

23 leur accorder un poids excessif étant donné que les Chambres de première

24 instance ne sont pas liées par les peines d'emprisonnement maximales

25 prévues dans les systèmes de droit interne. Encore une fois, la gravité du

26 crime doit être appréciée en fonction des circonstances propres à l'espèce,

27 ainsi que du mode et du degré de participation de l'accusé à ce crime. Les

28 arguments avancés par l'Accusation sur ce point sont rejetés.

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1 A l'appui de son argument selon lequel la peine prononcée par la Chambre de

2 première instance était déraisonnable, l'Accusation renvoi à l'appréciation

3 faite par celle-ci de la gravité du crime, des circonstances aggravantes et

4 de l'absence de circonstances atténuantes. L'Accusation ne conteste pas les

5 constatations de la Chambre de première instance, mais cherche plutôt à

6 démontrer que, compte tenu des faits, la peine infligée par celle-ci était

7 manifestement inappropriée.

8 La Chambre d'appel a pris en compte comme il se doit les éléments mis en

9 avant par l'Accusation, tels qu'ils ont été mentionnés dans le jugement, et

10 en a cité d'autres importants qui montrent le caractère particulièrement

11 odieux et cruel des crimes commis par Stanislav Galic. Compte tendu des

12 conclusions de la Chambre de première instance à ce sujet, la Chambre

13 d'appel, le Juge Pocar étant partiellement en désaccord et le Juge Meron

14 étant en désaccord, estime que la Chambre de première instance a commis une

15 erreur manifeste en appréciant les éléments concernant la gravité du crime,

16 le rôle et la participation de Stanislav Galic, l'abus que celui-ci a fait

17 de son autorité qui a été retenu comme circonstance aggravante, ainsi que

18 son comportement tout au long du procès considéré comme la seule

19 circonstance atténuante. Bien que la Chambre de première instance n'ait

20 commis aucune erreur dans ses constations et qu'elle ait correctement

21 énoncé les principes régissant la fixation de la peine, elle a commis une

22 erreur en estimant qu'elle avait fixé une juste peine, compte tenu de la

23 gravité des crimes commis par Stanislav Galic et de la part qu'il avait

24 prise dans ces crimes.

25 Partant, la Chambre d'appel conclut que la peine infligée par la

26 Chambre de première instance à Stanislav Galic n'entre pas dans la

27 fourchette des peines qu'elle aurait pu infliger vu les circonstances de

28 l'espèce. La Chambre d'appel estime que la peine prononcée contre Stanislav

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1 Galic de 20 ans d'emprisonnement seulement était à ce point déraisonnable

2 et tout simplement injuste, en ce sens qu'elle ne rendait pas pleinement

3 compte de la gravité des agissements de celui-ci, que la Chambre d'appel

4 peut en conclure que la Chambre de première instance n'a pas exercé son

5 pouvoir discrétionnaire à bon escient. En conséquence, la Chambre d'appel

6 accueille l'appel de l'Accusation.

7 Je vais à présent donner lecture du dispositif de l'arrêt.

8 Monsieur Galic, veuillez vous lever.

9 [L'appelant se lève]

10 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Voici le dispositif. Par ces motifs, la

11 Chambre d'appel, en application de l'article 25 du Statut et des articles

12 117 et 118 du Règlement de procédure et de preuve, vu les écritures

13 respectives des parties et leurs exposés au procès en appel le 29 août

14 2006;

15 Siégeant en audience publique;

16 Rejette l'appel de Stanislav Galic;

17 Accueille, à la majorité, le Juge Pocar étant partiellement en désaccord et

18 le Juge Meron étant en désaccord, l'appel de l'Accusation, révise la peine

19 de 20 ans d'emprisonnement infligée à Stanislav Galic par la Chambre de

20 première instance;

21 Et le condamne à une peine d'emprisonnement à vie, le temps passé en

22 détention préventive étant à déduire de la durée totale de la peine comme

23 le prévoit l'article 101(C) du Règlement;

24 Ordonne en application des articles 103(C) et 107 du Règlement que

25 Stanislav Galic reste sous la garde du Tribunal international jusqu'à ce

26 que soient arrêtées les dispositions nécessaires pour son transfert vers

27 l'Etat dans lequel il purgera sa peine.

28 Le Juge Fausto Pocar joint une opinion partiellement dissidente.

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1 Le Juge Mohamed Shahabuddeen joint une opinion individuelle.

2 Le Juge Theodor Meron joint une opinion individuelle et partiellement

3 dissidente.

4 Le Juge Wolfgang Schomburg joint une opinion individuelle et partiellement

5 dissidente.

6 Monsieur Galic, vous pouvez vous asseoir.

7 [L'appelant s'assied]

8 Madame la Greffière, veuillez distribuer des exemplaires de l'arrêt aux

9 parties.

10 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

11 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Je vous remercie.

12 L'audience est levée.

13 --- L'audience du jugement en appel est levée à 17 heures 28.

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