Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 22 avril 2008

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 08.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

6 Monsieur le Greffier d'audience, veuillez citer l'affaire.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

8 Monsieur les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre

9 Ante Gotovina et consorts.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

11 Comme je l'avais fait savoir hier, la Chambre souhaite rendre, au moins

12 partiellement, une décision, il s'agit de la décision portant sur la

13 requête déposée par la Défense Gotovina en application de l'article 73,

14 requête in liminae. Nous allons nous prononcer sur une partie de la requête

15 de la Défense Gotovina en application de l'article 73 in liminae.

16 Le 6 mars 2008, la Défense Gotovina a déposé une requête en demandant à la

17 Chambre de délivrer une ordonnance en empêchant l'Accusation de présenter

18 des éléments de témoignage par le biais d'un témoin expert de l'Accusation

19 portant sur le fait de savoir si des cibles sélectionnées et touchées par

20 l'opération Tempête étaient des objectifs militaires légitimes. La Défense

21 Gotovina a également demandé à la Chambre de rendre une ordonnance

22 empêchant l'Accusation : "D'affirmer que les témoins de fait de

23 l'Accusation étaient des experts dans le domaine de l'artillerie et, par

24 conséquent, ils avaient la compétence de dire à la Chambre de première

25 instance si telles ou telles cibles étaient civiles ou militaires."

26 La Défense Markac s'est jointe à cette requête le 25 mars 2008, et

27 l'Accusation a répondu le 20 mars dernier en demandant à la Chambre de

28 rejeter la dépose la requête. La Défense Gotovina a demandé l'autorisation

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1 de répondre et la Chambre a rejeté cette demande hier, le 21 avril 2008.

2 La Chambre se penchera sur la première partie de la requête à un stade

3 ultérieur. Pour ce qui est de la deuxième requête, l'un des témoins

4 concerné est un témoin qui va comparaître aujourd'hui, Andrew Leslie.

5 Le fait de déterminer si telle ou telle cible est de nature civile ou

6 militaire est en dernière instance quelque chose sur quoi doit trancher la

7 Chambre. La Chambre estime qu'il n'y a pas lieu de rendre une ordonnance

8 empêchant l'Accusation de décrire leurs témoins d'une manière spécifique,

9 elle estime qu'il n'y a pas non plus la nécessité de rendre une ordonnance

10 empêchant l'Accusation de demander à leurs témoins factuels d'émettre leurs

11 opinions.

12 Cela dit, la Chambre rappelle aux parties qu'il lui est le plus utile

13 lorsqu'un témoin factuel décrit ce que lui ou elle a eu l'occasion de voir

14 personnellement, même si certaines dépositions ne permettent pas toujours

15 d'opérer une distinction nette entre les faits et les conclusions tirées.

16 Si les dépositions d'un témoin comportent des opinions ou des conclusions,

17 la Chambre s'attendrait à ce que les parties examinent le fondement factuel

18 de l'opinion ou de la conclusion. Ceci serait approprié également, en fait,

19 ce serait le moment où la Défense pourrait soulever des éléments qui font

20 partie de la requête.

21 A ce sujet, la Chambre est pleinement consciente du fait que les témoins

22 ont des histoires personnelles différentes et des parcours professionnels

23 différents, ce qui leur permet de remarquer, de comprendre et d'interpréter

24 des observations de manière différente.

25 Conformément à ce qui vient d'être dit, la Chambre rejette la deuxième

26 requête de la requête de la Défense Gotovina. La Chambre a rendu sa

27 décision.

28 Monsieur Tieger, vous avez un témoin, d'après ce que j'ai compris c'est M.

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1 Andrew Leslie. Vous êtes prêt à le citer.

2 M. TIEGER : [interprétation] Oui, c'est cela, Monsieur le Président.

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Leslie. Avant de

5 témoigner en application de notre Règlement, vous êtes appelé à prononcer

6 une déclaration solennelle vous engageant de dire la vérité, toute la

7 vérité et rien que la vérité.

8 Veuillez le faire.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je déclare solennellement que je dirai la

10 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

11 LE TÉMOIN: ANDREW LESLIE [Assermenté]

12 [Le témoin répond par l'interprète]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir,

14 Monsieur Leslie.

15 Vous serez peut-être un petit peu étonné de m'entendre m'adresser à vous en

16 vous appelant "Monsieur." Je ne cherche pas à vous manquer de respect eu

17 égard à vos fonctions, ceci n'est nullement cela.

18 Nous nous adressons toujours aux témoins qui comparaissent devant nous en

19 leur qualité de citoyens et c'est la raison pour laquelle je vais vous

20 appeler "Monsieur Leslie" d'autres peuvent choisir de vous appeler

21 autrement.

22 Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.

23 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

24 Interrogatoire principal par M. Tieger :

25 Q. [interprétation] Tout simplement, pouvez-vous vous présenter pour le

26 compte rendu d'audience.

27 R. Je suis Andrew Brook Leslie.

28 Q. Et que faites-vous actuellement, quel est votre emploi, le poste ?

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1 R. Je suis militaire de carrière dans les forces armées canadiennes. Je

2 suis le chef de l'état-major de l'armée de terre ou le commandant de

3 l'armée canadienne.

4 Q. Quel est votre grade ?

5 R. Je suis général de corps d'armée.

6 Q. Général, je voudrais parcourir assez rapidement votre CV. Je vais

7 essayer de le faire aussi vite que possible et vous allez me confirmer si

8 mes éléments d'information sont corrects.

9 Tout d'abord, est-il exact de dire que vous étiez dans l'armée depuis

10 1977, vous êtes devenu membre des forces de réserve dans l'artillerie ?

11 R. Oui.

12 Q. Vous avez fait des études en Angleterre, vous avez été attaché à une

13 compagnie d'artillerie ?

14 R. Oui.

15 Q. Et en 1981, vous avez été transféré dans les forces régulières dans

16 l'artillerie toujours ?

17 R. Oui.

18 Q. Et vous étiez commandant dans l'artillerie ?

19 R. Oui.

20 Q. Vous avez commandé le 1er Régiment royal de l'artillerie montée

21 canadienne ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous avez suivi des cours et des formations sur le plan de

24 l'artillerie. Vous avez participé à de nombreux exercices internationaux

25 portant sur des systèmes d'armement différents ?

26 R. Oui.

27 Q. Il s'agit de différents pays, tels que l'Allemagne, la France et la

28 Grande-Bretagne, la Norvège, les Pays-Bas et d'autres pays ?

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1 R. Oui.

2 Q. Est-il exact de dire que dans l'ensemble de votre carrière, jusqu'au

3 moment où vous êtes allé en mission en Krajina en 1995, vous avez fait

4 votre service dans l'artillerie ?

5 R. J'ai été canonnier et j'ai été officier dans l'artillerie. A deux

6 occasions, à chaque fois pour une durée de deux années, dans les années qui

7 ont précédé ma mission en Krajina, j'ai travaillé comme officier au sein de

8 l'état-major. Donc je n'étais pas spécifiquement dans l'artillerie. J'étais

9 employé comme officier de l'état-major dans différents états-majors.

10 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent qu'il y ait une pause qui sera

11 ménagée entre la question et la réponse.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voyez, Monsieur, les interprètes,

13 en ce qui peut être perçu comme un avantage d'entendre parfois deux

14 personnes parler deux langues différentes, mais ici vous parlez la même

15 langue. Par conséquent, on vous demande de ménager une petite pause entre

16 la question et la réponse et donc je demande à M. Tieger également de faire

17 une petite pause.

18 M. TIEGER : [interprétation]

19 Q. Et ceci s'applique également aux conseils, à tous les conseils

20 présents, aux Juges de la Chambre, et cetera pour éviter qu'il y ait des

21 problèmes d'interprétation.

22 Général Leslie, je vais brièvement évoquer votre mission en Krajina en

23 1995, mais rapidement essayons de faire le tour de votre parcours

24 professionnel.

25 Est-il vrai de dire qu'en 1997, vous étiez commandant de la 1ère

26 Brigade mécanisée canadienne dans un groupement de formation de combat où

27 l'objectif ou le point d'intérêt était mis sur le véritable feu des armes

28 combinées ?

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1 R. Oui.

2 Q. Est-ce qu'en l'an 2000 vous êtes devenu commandant de communication,

3 responsable de commander les groupes sur le terrain et les régiments ?

4 R. Une petite correction. C'était de la taille d'une brigade.

5 Q. En 2002 --

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

7 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi.

8 Je présente mes excuses à tous ceux qui interprètent.

9 Q. En 2002, Général Leslie, vous êtes devenu commandant de la zone

10 centrale responsable de quatre brigades pour l'armée de terre ?

11 R. Oui.

12 Q. Et vous êtes devenu le commandant des forces de terre à Kaboul, à

13 savoir le commandant des forces internationales dont la majorité était des

14 Canadiens ?

15 R. J'étais le commandant de la force conjointe à Kaboul, et ma deuxième

16 casquette était d'être commandant adjoint de la force d'assistance

17 internationale sur le plan de la sécurité.

18 Q. En 2004, vous êtes devenu commandant adjoint de l'armée canadienne ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que vous avez été, à plein temps engagé à faire la recherche

21 pour faire une thèse de troisième cycle au Collège militaire royal ?

22 R. Oui.

23 Q. En 2005, vous êtes devenu directeur général de la planification

24 stratégique pour l'armée ?

25 R. Oui, pour les forces armées.

26 Q. Et en 2006, êtes-vous devenu commandant de l'armée ?

27 R. Oui.

28 Q. J'ai dit précédemment que j'allais aborder brièvement votre mission en

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1 Krajina en 1995, ou plutôt, que j'allais y revenir rapidement. Quand est-ce

2 que vous avez été déployé en Krajina et où cela ?

3 R. C'était le 1er mars 1995, et j'étais chef de l'état-major du secteur sud

4 et j'étais basé à Knin.

5 Q. Pour commencer, Général Leslie, -- excusez-moi. Vous étiez chef d'état-

6 major du secteur sud de quelle organisation ?

7 R. Il s'agissait de la force de protection des Nations Unies qui faisait

8 partie du commandement de l'UNCRO qui faisait partie du QG du secteur sud.

9 Q. Et, de manière générale, quelle était la mission de l'UNCRO ? Quelles

10 étaient ses attributions dans le secteur sud ?

11 R. La mission de l'UNCRO était de mettre en application la volonté du

12 Conseil de sécurité des Nations Unies telle qu'exprimée dans une série de

13 résolutions. En substance, il s'agissait de maintenir la zone de

14 séparation, de fournir la surveillance et l'observation dans la zone de

15 séparation pour faire en sorte qu'aucune des factions belligérantes ne

16 rentre, ne pénètre dans la zone de séparation et d'apporter une assistance

17 au secrétaire général ou à l'envoyé spécial du secrétaire général dans

18 l'accomplissement de ses devoirs.

19 Q. Par rapport à l'objectif consistant à garantir que les parties

20 belligérantes ne rentreront pas dans la zone de séparation, ne franchiront

21 pas la ligne, la mission de l'UNCRO était-elle d'empêcher toute

22 infiltration, toute percée indépendamment de leur taille ?

23 R. Non. Les forces de l'UNCRO étaient équipées en principe pour pouvoir se

24 défendre. Il n'y avait pas d'armements lourds, pas de chars. Il n'y avait

25 pas d'artillerie moyenne, pas d'artillerie lourde. Pour ce qui est de

26 l'organisation et de l'équipement des bataillons déployés dans le secteur

27 sud c'était surtout, en fait, des bataillons d'infanterie légère et ils

28 étaient compétents dans le domaine de l'observation, la surveillance et des

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1 patrouilles.

2 Q. Pour que ce soit tout à fait clair, c'est de quel côté qu'était située

3 la zone de séparation du secteur sud de l'UNCRO ?

4 R. Ces forces qui composaient les forces armées du secteur sud étaient

5 déployées du côté des Serbes de Krajina, des Serbes rebelles.

6 Q. Est-ce que vous pouvez nous décrire brièvement quelles ont été vos

7 responsabilités en tant que chef d'état-major du secteur sud ?

8 R. Je répondais directement à mon commandant, en ma qualité de chef

9 d'état-major du secteur sud, lorsque je suis arrivé, c'était le général

10 Kutil de République tchèque, et après, ça a été le général Forand du

11 Canada. En tant que chef d'état-major, je répondais à mon commandant pour

12 ce qui est du fonctionnement efficace et de l'intégration des différents

13 éléments de l'état-major qui composaient le QG du secteur sud. En son nom,

14 je devais l'aider à faire fonctionner au jour le jour le secteur, je devais

15 superviser les activités de l'état-major au sein du QG du secteur sud, et

16 aussi je lui répondais pour ce qui est de la sécurité, de l'administration

17 efficace de l'ensemble des éléments qui étaient stationnés dans la base du

18 secteur sud, l'enceinte de notre camp.

19 Par ailleurs, on me confiait toutes les missions que le commandant

20 jugeait nécessaire de me confier.

21 Q. Brièvement, est-ce que vous pouvez nous dire comment se composait

22 l'UNCRO secteur sud, pouvez-vous nous dire où étaient déployées les unités

23 de l'UNCRO ?

24 R. Le QG du secteur sud était situé en marge sud de la ville de Knin. Les

25 forces se composaient de quatre bataillons; au nord, il y avait le

26 Bataillon tchèque; au nord centre, il y avait le Bataillon jordanien; au

27 sud centre, le Bataillon canadien; et au sud, c'était le Bataillon kényan.

28 Sur la gauche, la zone de séparation se terminait dans le mont de Dinara et

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1 sur la droite s'étendait Velebits et au-delà.

2 Qui plus est, nous avions une série d'unités de soutien, nous avions une

3 unité sanitaire tchèque et nous avions un hôpital de campagne qui était

4 situé auprès du QG du secteur sud. Nous avions une compagnie de police

5 militaire qui était internationale dans sa composition et elle était basée

6 au QG du secteur sud. Nous avions une compagnie du génie et aussi nous

7 avions une compagnie du génie slovaque qui se déplaçait à différents

8 endroits dans le secteur.

9 Et il y avait aussi quelques activités spécialisées, composées de personnel

10 très compétent, des civils des Nations Unies, des employés locaux aussi,

11 dont la plupart étaient basés soit dans soit autour du QG du secteur sud.

12 Q. Pour résumer, le QG du secteur sud était basé à Knin et pour ce qui est

13 des unités que vous venez d'énumérer, elles étaient essentiellement

14 stationnées à différents endroits à l'extérieur de Knin dans différents

15 endroits du secteur sud.

16 R. Oui.

17 Q. Est-il exact de dire, Général Leslie, que vous êtes resté chef de

18 l'état-major du secteur sud jusqu'à peu près le 9 août et c'est à ce

19 moment-là que vous êtes devenu le chef de l'état-major de l'UNCRO à Zagreb

20 ?

21 R. Oui.

22 Q. J'ai quelques questions à vous poser maintenant au sujet de Knin tout

23 de suite après qu'on a lancé l'opération Tempête le 4 août. Tout d'abord,

24 Mon Général, est-ce que vous résidiez à Knin ?

25 R. Oui.

26 Q. Vous connaissiez la ville ? Il vous est arrivé de vous déplacer dans la

27 ville ? Vous avez pratiqué différentes activités dans la ville ?

28 R. Oui, je connaissais relativement bien la ville. Je vivais à l'étage

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1 supérieur d'un immeuble de deux étages au centre-ville. Généralement, je

2 pouvais me déplacer à pied pour me rendre au travail; et si la nuit n'était

3 pas tombée quand je rentrais chez moi, je rentrais également à pied. Et

4 lorsque j'en avais l'occasion, je faisais du fitness, je courais dans la

5 ville et dans les alentours. Donc je connaissais relativement bien la ville

6 et il faut savoir que j'y ai vécu pendant cinq mois.

7 Q. Pourriez-vous nous parler de la composition démographique de la ville.

8 Est-ce que par rapport au nombre d'habitants il y a eu un changement à Knin

9 pendant la période qui a immédiatement précédé l'opération Tempête ?

10 R. Quand je suis arrivé à Knin pour la première fois, c'était en mars, et

11 là je vais vous parler uniquement d'estimations, donc je ne voudrais pas

12 que vous ayez l'impression que ce sont des chiffres définitifs. La

13 population de Knin se montait à peu près à 20 000 à 25 000 personnes. Il y

14 a eu une escalade de tension et il était devenu évident qu'il allait y

15 avoir des hostilités. A ce moment-là, la population de Knin a atteint 35

16 000 pendant les jours qui ont précédé les événements du 4 et du 5 août.

17 Q. Ces personnes qui sont venues s'installer à Knin, elles sont venues

18 d'où ?

19 R. Je pense que pour l'essentiel, c'étaient des familles qui étaient

20 inquiètes et qui se disaient que leurs villages et leurs villes se

21 trouvaient près de la zone de séparation et, par conséquent, que le risque

22 qu'ils couraient était plus important. Donc peu avant le 4 et le 5 août, la

23 ville était peuplée pour l'essentiel de personnes âgées, de femmes,

24 d'enfants. La grosse majorité des hommes en âge de combattre avait été

25 mobilisée et déployée dans la zone de séparation sur toute une série de

26 positions de défense.

27 Q. Pouvez-vous nous dire quelle était l'importance de la présence

28 militaire à Knin pendant la période qui a précédé l'opération Tempête,

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1 s'agissant des militaires, des positions fixes ou d'autres aspects de

2 présence militaire ?

3 R. Je voudrais répartir cette période en deux périodes. En gros, entre le

4 mois de mars et le mois de mai, Knin était un lieu de transit et de

5 rassemblement pour les hommes en âge de porter les armes que l'on pouvait

6 voir en de nombreux endroits à Knin. Le taux de chômage était très élevé,

7 donc il était assez courant de voir un nombre important de soldats. A

8 partir de la fin de mai, ça n'a plus été le cas parce que les soldats

9 avaient été déployés ou la milice a été déployée dans la zone de

10 séparation.

11 La présence militaire à Knin dans la période précédant immédiatement les 4

12 et 5 août, donc les 1, 2 et 3, était très faible en ce sens que quiconque

13 était en mesure de combattre avait été déployé dans la zone de séparation,

14 bien qu'il y ait alors eu à l'occasion du personnel que l'on pouvait voir

15 ici et là, parfois, on apercevait un uniforme à Knin.

16 Q. Est-ce que les soldats venaient périodiquement pour rendre visite à

17 leurs familles ou pour aller à Knin en permission ?

18 R. Oui. Au cours de la période qui précède la fin du mois de juillet et au

19 tout début du mois d'août, c'était souvent le cas. Il y avait de petits

20 groupes de soldats ou de membres de la milice qu'on pouvait voir, qui

21 attendaient les cars qui les ramèneraient à ce qu'ils considéraient comme

22 étant le front, mais ce type d'activité ou de mouvement a cessé en gros

23 vers le 1er août, la grande majorité des hommes en âge de porter les armes

24 avaient été déployés dans la zone de séparation.

25 Q. Qu'avez-vous pu observer du point de vue des préparatifs ou de la

26 préparation militaire précédant l'opération Tempête à Knin proprement dite

27 ?

28 R. Les préparatifs de défense à Knin et autour pour l'essentiel étaient

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1 nuls. Il y avait des préparatifs de défense très développés faits par les

2 Serbes de leur côté de la zone de séparation, mais du point de vue de la

3 ville proprement dite, aucun des itinéraires n'était préparé pour les

4 démolitions. Il n'y avait pas de construction ni de fortifications, ni de

5 casemates ou de bunkers. On n'avait pas enlevé les vitres des fenêtres. On

6 n'y avait pas non plus mis d'adhésif pour se protéger contre les éclats. Il

7 n'y avait pas de tranchées qui étaient creusées, ni d'obus préparés. Il n'y

8 avait pas de bermes préparées contre les forces attaquantes. Il n'y avait

9 aucun de ces préparatifs de routine que l'on fait pour se défendre et dont

10 on s'attendrait qu'ils soient faits dans une zone de combat très

11 importante.

12 Q. Vous avez décrit -- du point de vue de la population civile à Knin au

13 cours de la période qui précède l'opération Tempête. Est-ce que vous avez

14 observé si un certain nombre de la population de Knin avait quitté le

15 secteur dans les jours précédents immédiatement l'opération Tempête, c'est-

16 à-dire immédiatement avant le 4 août 1995 ?

17 R. Il y a eu des éléments de la population locale qui étaient partis, en

18 gros dans la semaine précédant les 4 et 5 août. Quant à savoir combien, je

19 ne le sais pas. Je n'ai pas eu l'impression que ça réduisait de façon

20 importante la grande masse de personnes que je voyais dans les rues de

21 Knin. Nous savions de façon anecdotique qu'un certain nombre de réfugiés

22 serbes de Knin avaient essayé de traverser la frontière pour passer dans

23 les secteurs contrôlés par les Serbes en Bosnie, mais avaient dû rebrousser

24 chemin et avaient été renvoyés à Knin. Mais ceci c'est de l'anecdote; ce

25 n'est pas basé sur des observations actuelles.

26 Q. Général Leslie, quand et comment avez-vous entendu parler pour la

27 première fois du fait que l'opération Tempête aurait lieu ou commencerait ?

28 R. Les premiers éléments d'information qui confirmaient cela et que nous

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1 avons reçus, c'était en gros 20 minutes après 3 heures de l'après-midi le 4

2 août lorsque le quartier général du secteur sud a reçu des renseignements

3 du quartier général de l'UNCRO, notre quartier général supérieur à Zagreb,

4 qu'une attaque par les forces serbes pour reprendre la Krajina était

5 imminente. Au cours des heures qui ont suivi, il y a eu de différentes

6 sources de nombreux autres rapports en ce sens.

7 Q. Quelles mesures ont été prises par l'UNCRO, par l'état-major, pour

8 réagir par rapport à ces informations ?

9 R. Je ne peux pas répondre à cette question, Monsieur. Je n'étais pas

10 présent au quartier général de l'UNCRO à ce moment-là.

11 Q. Excusez-moi. Je vous prie de m'excuser d'avoir posé cette question.

12 Quelles mesures ont été prises au quartier général du secteur sud pour

13 réagir à ces informations ?

14 R. Le commandant et son équipe de commandement ont été immédiatement

15 avisés, et il a été décidé de mettre en œuvre le plan de rappel d'urgence,

16 dont l'objectif était de faire en sorte que tous les effectifs qui se

17 trouvaient à l'extérieur de l'enceinte, reviennent à l'intérieur de

18 l'enceinte et de là puissent gagner les bunkers. Ce processus a pris

19 plusieurs heures.

20 A un moment donné, je ne me rappelle pas exactement l'heure, il faudrait

21 que je me réfère à mes notes, les sirènes d'urgence de rappel ont été

22 utilisées, c'était des sirènes qui étaient très fortes, qui pouvaient être

23 entendues dans presque tout Knin et pouvaient être entendues par toutes les

24 personnes que nous n'avions pas pu contacter par téléphone ou par radio

25 afin qu'elles puissent immédiatement venir se mettre à l'abri au quartier

26 général du secteur sud.

27 Q. Général Leslie, quel a été votre rôle pendant ce processus ? Que

28 faisiez-vous vous-même ?

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1 R. Mon rôle essentiel était de faire en sorte que les gens rentrent dans

2 les bunkers et m'assurer qu'au fur et à mesure que les officiers et les

3 soldats arrivaient, on leur confie des tâches. La raison pour laquelle cela

4 était plus particulièrement compliqué, pour ce qui est du fonctionnement

5 normal du quartier général du secteur sud, c'est qu'il y avait un certain

6 nombre de divisions du personnel qui avaient des tâches administratives de

7 routine à effectuer. Et bien sûr, ce travail de routine administratif

8 n'était plus important de sorte que les gens se trouvaient ou bien à

9 l'intérieur des bunkers ou on leur donnait des tâches de sécurité locale ou

10 ils fallaient qu'ils assistent les effectifs pour les opérations au centre

11 d'opérations où le général Forand et son état-major opération devaient

12 s'occuper de l'ensemble du secteur.

13 Donc, essentiellement, mon travail était de veiller à tout ce qui ne

14 relevait pas du centre d'opération et de m'assurer que le commandant était

15 libre de pouvoir se concentrer sur la gestion de son secteur, le but

16 essentiel étant la protection de notre personnel et s'assurer que les

17 différentes mesures étaient prises pour rappeler nos gens.

18 Q. Est-ce que vous vous rappelez quand l'opération Tempête a commencé,

19 comment est-ce que l'attaque a commencé ?

20 R. Je me rappelle que c'était approximativement à 5 heures 02 du matin le

21 4 août, il y a eu un tir de barrage d'artillerie massif qui s'est déclenché

22 sur Knin et autour; et je crois que ça a bien été le commencement de

23 l'opération.

24 Q. Vous dites "tir de barrage massif d'artillerie", pourriez-vous décrire

25 la nature ou l'intensité de ces tirs pour les membres de la Chambre ?

26 R. Le nombre de détonations se suivait presque de façon simultanée et ceci

27 donnait l'indication sur la question de savoir si des systèmes de tirs

28 indirects avaient été utilisés par rapport à un moment précis. Il y avait

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1 des explosions multiples et ceci créait un bruit continu qui durait pendant

2 une minute ou deux, suivi par un instant de silence d'une minute ou deux,

3 puis le cycle se répétait avec une synchronisation des explosions qui se

4 mêlait les unes aux autres.

5 Ce qui expliquait qu'après les premières minutes, il y avait ce roulement

6 continu et ensuite il y avait à nouveau une pause, et ceci correspondait

7 bien à des tirs d'obus systématiques.

8 Q. Vous parlez de tirs d'obus systématiques après avoir décrit en gros la

9 durée du tir. Pourriez-vous également donner une indication aux membres de

10 la Chambre concernant l'intensité de ces tirs systématiques et continus ?

11 R. Je dirais que l'intensité, ça été en gros de 5 heures du matin le 4

12 jusqu'à approximativement 7 heures pour ce qui est du nombre total des

13 déflagrations, bien qu'il se peut qu'il y eu des différences entre ces

14 explosions qui se sont faites lors de la première salve initiale où toutes

15 les explosions ont eu lieu pratiquement au même moment. Alors qu'avançaient

16 les deux premières heures, il y a eu le même nombre d'explosions

17 relativement, mais ce n'était pas aussi contrôlé.

18 Q. Vous nous avez dit qu'approximativement vers 7 heures, il y a eu un

19 changement dans l'intensité des tirs d'obus. Pourriez-vous décrire, pour

20 les membres de la Chambre, quelles étaient les caractéristiques de cette

21 modification qui s'est produite au bout de deux heures environ de tirs ?

22 R. Vers 7 heures approximativement, ou autour de 7 heures, les tirs ont

23 diminué de façon notable, mais au lieu d'avoir des explosions dans toute la

24 ville avec un caractère systématique, les déflagrations, les tirs d'obus se

25 sont tous regroupés sur des secteurs précis de la ville qui variaient. Vous

26 aviez un obus qui détonnait à une minute ou deux ou trois, puis une ou deux

27 minutes se passaient, puis un autre obus détonnait 2 ou 300 mètres de

28 l'endroit où le premier avait explosé. Ce processus s'est répété plusieurs

Page 1943

1 fois. Puis vous aviez quatre ou cinq ou six obus qui atterrissaient de

2 façon assez groupée.

3 Ce processus s'est répété essentiellement pendant toute la journée bien que

4 diminuant d'intensité si on compare avec ce qui s'est passé entre 5 heures

5 et 7 heures du matin.

6 Q. Ce processus que vous venez de décrire, d'un obus suivi d'un

7 autre obus, puis un groupe d'obus, est-ce que vous connaissiez ce

8 processus, est-ce que vous pouvez nous dire ce que cela pouvait

9 représenter, quelle était sa signification ?

10 R. Oui, je sais ce que ça veut dire, je connais ce processus. A mon avis,

11 ça voulait dire qu'après les premiers tirs de barrage d'ouverture, qui

12 semblaient être faits un peu au hasard et distribués de façon assez

13 régulière sur l'ensemble de la ville, les artilleurs croates étaient

14 ensuite en train d'engager ce qu'on appellerait une procédure correspondant

15 à une grille d'objectif dans laquelle une batterie de canons, qui pouvait

16 être de deux, trois, quatre, cinq, six canons groupés ensemble, ajusterait

17 en vision optique un objectif précis.

18 Ce processus, à ce moment-là, c'était qu'il y avait ce groupement de tirs,

19 correction ensuite par observation visuelle, ensuite il y avait

20 déplacement; les corrections étaient calculées et transmises aux autres

21 pièces et un autre obus était tiré à partir du canon qui avait tiré le

22 premier pour ajuster plus particulièrement le tir, pour savoir où pouvait

23 se trouver votre objectif. Puis une fois que l'observateur était

24 relativement satisfait du fait que ce premier canon avait bien tiré vers

25 l'objectif parce que l'artillerie s'occupe d'un système d'armes dans un

26 secteur, certainement au cours de ces jours, à ce moment-là, tous les

27 canons de la même batterie tireraient sur cet objectif unique et c'est à ce

28 moment-là que vous aviez trois, quatre, cinq ou six détonations avec une

Page 1944

1 certaine proximité du point de vue du temps et de l'espace.

2 C'est un processus que j'ai vu des centaines de fois, notamment dans

3 des exercices au Canada et d'autres polygones à l'OTAN.

4 Q. Donc ce processus pour ce qui est de diriger les tirs des armes vers un

5 objectif particulier ?

6 R. Oui, c'est cela.

7 Q. Je vais maintenant vous poser quelques questions concernant les

8 endroits où vous vous trouviez dans le courant de la journée du 4 août et

9 ce que vous avez observé à ce moment-là.

10 Pour commencer, je voudrais vous demander en ce qui concerne -- si nous

11 commençons pendant la période où des efforts ont été déployés pour que le

12 personnel puisse aller se mettre en sûreté peu avant et peu après le

13 commencement de l'attaque, que faisiez-vous, où étiez-vous et qu'avez-vous

14 pu observer ?

15 R. A 3 heures 30 -- à 3 heures 30 du matin le 4 août, je me trouvais dans

16 mon bureau. Je ne crois pas être retourné à mon bureau avant 6 heures

17 environ, bien que je ne puisse pas en être sûr. La plus grande partie du

18 temps entre 3 heures 30 et, disons, 5 heures 30, je l'ai passée à m'assurer

19 qu'on s'organisait pour gagner les casemates qu'il fallait y gagner, pour

20 que les centres d'opération aient bien les effectifs nécessaires avec le

21 personnel nécessaire au fur et à mesure qu'il devenait disponible, et

22 s'assurer que le personnel chargé de la sécurité du secteur sud avait bien

23 commencé le processus consistant à envoyer des véhicules pour aller

24 chercher du personnel, et essayer de contrôler l'activité assez frénétique

25 de ceux qui entraient dans l'enceinte du camp, venant de l'endroit où ils

26 résidaient, dans Knin et autour, se rendant compte qu'il fallait parfois

27 aller les chercher, ce qui était un processus relativement compliqué.

28 Q. Au cours de ce que vous avez décrit comme étant un premier tir de

Page 1945

1 barrage intensif au cours des deux premières heures de l'attaque, avez-vous

2 pu voir à partir des positions dans lesquelles vous vous trouviez où les

3 obus atterrissaient, où ils frappaient ?

4 R. A partir du moment où a commencé le premier tir de barrage jusqu'à

5 approximativement 6 heures, je ne me rappelle pas avoir eu le temps en fait

6 d'observer où les tirs atterrissaient. Il faisait nuit, et il y avait un

7 grand nombre d'autres questions dont il fallait s'occuper qui m'empêchaient

8 de le faire.

9 Du côté de 6 heures, sans être précis, j'ai rejoint plusieurs autres

10 personnes sur un balcon qui se trouvait juste en face de mon bureau, je

11 crois que c'était au troisième étage du quartier général du secteur sud,

12 pendant un certain temps, mais pas longtemps. A ce moment-là, j'ai pu

13 observer les tirs d'artillerie qui ne suivaient pas un schéma qu'on puisse

14 vraiment discerner, que nous ne connaissions pas, nous ne savions pas quels

15 étaient les objectifs qui étaient finalement pris pour cible à cause du

16 caractère, comment dirais-je, du caractère par hasard, en quelque sorte, de

17 la distribution des tirs.

18 Excusez-moi de vous avoir fait une réponse aussi longue, je vous dis ce que

19 -- c'est la première fois que j'ai pu observer les tirs pendant une période

20 assez brève vers environ 6 heures du matin.

21 Q. De quel secteur de Knin avez-vous pu observer, au cours des deux

22 premières heures, pendant la période que vous avez décrite, en voyant les

23 tirs d'obus ?

24 R. Le quartier général du secteur sud est situé à la frange sud de Knin et

25 mon balcon faisait face au nord. Je dirais que du point de vue

26 d'observation directe, un observateur de ce qui se passait pouvait voir à

27 près de 1 500 mètres avant que l'on voit la première rangée d'immeubles. Et

28 on pouvait voir, à ce moment-là, des immeubles plus grands à l'arrière-

Page 1946

1 plan. La vue était bloquée sur la gauche par le château et sur la droite

2 par une petite colline ou un élément du terrain. Je dirais que

3 l'observation du côté sud, le tiers sud de la ville, pour ceux qui

4 regardaient au-dessus des toits et autres structures, on avait une assez

5 bonne vue, tout à fait, une bonne vue.

6 Q. Vous avez dit que les tirs d'artillerie que vous avez observés ne

7 suivaient pas un schéma qu'on ait pu discerner. Est-ce que vous avez vu des

8 tentatives visant à corriger le tir de la façon dont vous nous avez décrite

9 tout à l'heure, c'est-à-dire de façon à ce que des objectifs précis

10 puissent être touchés ?

11 R. Non, pas à ce moment-là.

12 Q. Est-ce que les tirs d'obus que vous avez observés, les tirs

13 d'artillerie que vous avez décrits tout à l'heure comme étant répartis sur

14 un secteur assez vaste, est-ce que vous pouvez dire que c'était groupé sur

15 un secteur particulier de Knin, soit pour ce qui est du centre-ville, soit

16 à l'extérieur du centre-ville ?

17 R. Pour l'essentiel --

18 M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je suis

19 désolé d'interrompre, mais je crois que le témoin a dit qu'il ne pouvait

20 pas voir la plus grande partie des secteurs que l'on décrits. Je veux dire

21 que s'il est en train de parler d'un secteur précis que le témoin a

22 observé, ça va bien; mais je dis ceci avec la mise en garde de ce que le

23 témoin vient d'expliquer.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, il a décrit d'une façon très

25 claire de quelle mesure et de quelle manière ses possibilités d'observation

26 étaient limitées. Je crois donc que les questions posées par M. Tieger

27 maintenant concernent ce qu'il pouvait voir.

28 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Excusez-moi.

Page 1947

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.

2 M. TIEGER : [interprétation]

3 Q. Général, vous pouvez répondre à la question. Voulez-vous que je la

4 répète ?

5 R. Non. Ce n'est pas nécessaire. Je vous remercie. Je peux la voir ici.

6 Lorsque j'observais les tirs d'artillerie et c'était le cas à Knin,

7 je voudrais faire remarquer, si vous le permettez, il arrivait rarement

8 lorsque nous, dans le secteur sud, nous pouvions voir un obus détonner à

9 terre. Les projectiles tombaient sur les immeubles, et au milieu des

10 immeubles et tout ce qu'on pouvait voir c'était la ligne des toits qui

11 pouvait se briser et à ce moment-là, on voyait de la poussière grise, de la

12 fumée, des débris qui étaient projetés en l'air par la force de

13 l'explosion. Bien que, par exemple, on ait pu avoir une visibilité

14 excellente jusqu'à 1 000 ou 2 000 mètres, dans certains cas davantage, vous

15 pouvez voir où les projectiles atterrissaient en gros, par le fait qu'il y

16 avait un nuage de débris ou de fumée grise qui crevait la ligne des toits.

17 Donc, c'est dans ce contexte que la majorité des projectiles

18 semblaient groupés dans ce que j'appellerais le centre de la ville, mais il

19 y avait des tirs à ce moment-là à peu près partout.

20 Q. Bien. Je vous ai demandé un peu plus tôt en ce qui concernait les

21 quelque deux premières heures de l'attaque pendant lesquelles vous avez dit

22 tout à l'heure qu'il y avait des tirs de barrage. Après les deux premières

23 heures, avez-vous eu la possibilité d'observer les tirs d'artillerie qui

24 avaient lieu; et dans l'affirmative, à partir de quelles positions ?

25 R. A partir de 7 heures environ, il y a eu pendant la journée un cycle

26 presque constant de déplacement entre les casemates, les bunkers, la grille

27 d'entrée, le périmètre de l'enceinte jusqu'à l'installation médicale

28 tchèque juste en dessous du terrain hélicoptère jusqu'à la zone

Page 1948

1 opérationnelle pour vérifier, à ce moment-là ce cycle se répétait de façon

2 presque continue. Il n'y avait pas de parties de l'état-major ou

3 d'activités que je puisse coordonner, et le général Forand se trouvait,

4 comme il convenait, au centre d'opérations à diriger son secteur.

5 Donc pendant la plus grande partie de la journée, je l'ai passé à

6 l'extérieur, et une grande partie de mon temps a été utilisé --

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous permettez, il peut y avoir

8 quelques confusions concernant la question. On lit à la dernière ligne de

9 la question : "et dans l'affirmative, à partir de quelle position, position

10 au singulier ou position au pluriel."

11 Alors, Monsieur Tieger, je ne sais pas si vous vouliez dire à partir de

12 quelle position au singulier ou pluriel le témoin a observé, ou à partir de

13 quelle position les tirs avaient lieu. J'ai eu l'impression que vous aviez

14 plutôt la deuxième proposition à l'esprit.

15 M. TIEGER : [interprétation] Non. Je vous remercie, Monsieur le Président,

16 de cette possibilité de clarifier les choses. Ma question concernait la

17 possibilité de voir les tirs d'artillerie qui avaient lieu; et si c'était

18 le cas, où se trouvait le témoin au moment où il les observait.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc j'écoutais de la mauvaise

20 oreille.

21 Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dirais que ça dépendait. C'était

23 parfois de la fenêtre de mon bureau ou du balcon du bureau qui se trouvait

24 de l'autre côté de mon bureau en faisant face à la ville et à d'autres

25 points d'observation à l'intérieur du secteur sud de l'enceinte. C'était

26 probablement le meilleur endroit, le meilleur poste d'observation dans le

27 secteur où se trouvait le port pour l'hélicoptère, qui était le point le

28 plus élevé du secteur sud dans l'enceinte du quartier général.

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1 M. TIEGER : [interprétation]

2 Q. Je voudrais maintenant passer à la question que le Juge Président de la

3 Chambre pensait que je posais à ce moment-là. Où avez-vous observé que les

4 tirs d'artillerie avaient lieu; et où était-ce que les projectiles

5 atterrissaient ?

6 R. Entre 6 et 7 heures. Je ne peux pas être très précis pour ce qui est du

7 centre où la plus grande masse des projectiles atterrissait parce que,

8 comme je l'ai dit, d'après l'endroit où je pouvais voir c'était, ils

9 atterrissaient un peu partout.

10 A partir de 7 heures, il était beaucoup plus facile de définir où

11 atterrissait la grande masse des projectiles qui étaient essentiellement

12 sur des quartiers résidentiels groupés au centre de la ville, mais ceci ne

13 veut pas dire que de petits groupes d'immeubles à la périphérie n'étaient

14 pas touchés non plus.

15 Q. Plus tôt, vous avez décrit quelle était la distance d'observation de ce

16 que vous pouviez voir à partir du balcon. Est-ce que vous pourriez voir

17 plus ou moins dans la ville à partir des autres positions de l'enceinte, au

18 cours de la journée, lorsque vous avez fait des observations que vous avez

19 décrites, qu'est-ce que vous pouviez voir ?

20 R. Si on montait sur la colline à partir du quartier général du secteur

21 sud, après les cuisines et dans le secteur de l'unité de l'hôpital tchèque,

22 on pouvait bien voir davantage.

23 M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais demander au greffier de présenter

24 le document 65 ter 403.

25 Q. Mon Général, sur l'écran devant vous, vous devriez voir le

26 document 65 ter 403. C'est un document qui est un document de l'UNCRO. En

27 haut, on peut le voir, l'en-tête d'une lettre de protestation concernant

28 les attaques sur les civils innocents et les installations de l'ONU, et

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1 ceci a été signé par le général Forand. Est-ce que vous connaissez ce

2 document, Monsieur ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que vous saviez que ce document existait le 4 août ?

5 R. Oui.

6 Q. A quel moment avez-vous appris pour la première fois la préparation

7 d'un tel document ?

8 R. Je pense que c'était à un moment donné avant midi. Vraiment je ne me

9 souviens pas à quel moment exactement cela a eu lieu puisqu'il y avait

10 beaucoup d'activités à ce moment-là et je ne me souviens pas du moment

11 exact où on a écrit ce document. C'est un officier qui l'a écrit, un

12 excellent officier, le lieutenant-colonel Shaun Tymchuk; il a écrit ça sur

13 la base des rapports qu'il a reçus par le commandant de la zone des

14 opérations, ainsi que sur la base des opérations venues de différents

15 bataillons qui étaient sur le terrain, et aussi sur la base de ce que lui-

16 même a pu voir et il y a des commentaires par rapport à la ville de Knin.

17 Je pense que c'est quelque chose qui a été écrit avant midi le 4 août.

18 Q. En tant que chef d'état-major, est-ce qu'on vous a contacté quant à ce

19 document, quant à vos intentions par rapport à sa distribution, et cetera ?

20 R. J'étais au courant de cela. Je pense que c'était le général Forand qui

21 en a eu l'idée et j'ai très peu participé à l'élaboration du document, à

22 son contenu proprement dit. Je ne peux pas dire que c'est moi qui l'ai

23 écrit. Je sais qu'on l'a envoyé, et qu'on l'a envoyé à l'extérieur du

24 centre des opérations.

25 Q. D'après vous quel était l'objectif de ces documents ?

26 R. L'objectif était d'aboutir à un arrêt immédiat des attaques

27 d'artillerie indirectes pas seulement sur la ville de Knin mais sur les

28 autres villes qui y sont mentionnées, donc d'aboutir à un retrait immédiat

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1 des forces belligérantes à l'extérieur de la zone de séparation.

2 Q. Cette lettre avec protestation, comment -- à qui était-elle envoyée

3 cette lettre ?

4 R. La lettre de protestation a été envoyée par le centre des opérations et

5 aussi par l'officier de liaison hors classe. Les canaux habituels étaient

6 utilisés, moi, je n'y étais pas, c'était l'officier de liaison qui était

7 responsable de toute communication entre l'organisation du général Gotovina

8 et le secteur sud.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe --

10 M. KEHOE : [interprétation] Sur la base de la réponse initiale du témoin,

11 je pense que nous nous engageons sur un terrain glissant, je pense que le

12 témoin doit parler de ce qu'il a vu lui-même. Et dans sa réponse il a dit

13 clairement qu'il ne sait pas ce qui s'est passé avec cette lettre.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, vous devriez peut-être

15 poser quelques questions au témoin par rapport à la réponse qu'il a

16 fournie, à savoir : "Je ne sais pas ce qui s'est passé avec ce document."

17 Il faudrait lui demander d'où il tient cette information et d'autres

18 détails à ce sujet.

19 M. TIEGER : [interprétation] Oui effectivement, je voulais le faire.

20 Q. Général, vous avez dit que ce document est passé par les canaux de

21 communication habituels pour être envoyé à l'armée croate. Est-ce que vous

22 pouvez nous dire ce qui s'est vraiment passé avec ce document concrètement

23 ?

24 R. Oui. Ce document a aussi été communiqué au QG de l'UNCRO, au QG de

25 l'UNPF, à l'organisation du CIVPOL, des OMNU, ceci le plus rapidement

26 possible, et évidemment aux autorités croates compétentes.

27 Q. Est-ce que vous savez si les personnes compétentes de l'armée croate

28 l'ont reçu effectivement ?

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1 R. On me l'a dit effectivement, cela étant dit, je n'ai pas de

2 connaissances personnelles quant à la réception de ce document par les

3 autorités croates.

4 Q. Peut-être que j'ai sauté un pas; par rapport à ce que vous avez décrit

5 comme étant le canal habituel de transmission des documents quand il

6 s'agissait de transmettre les documents aux autorités de l'armée croate, au

7 général Gotovina et autres, pourriez-vous nous dire quel était ce canal de

8 communication utilisé ?

9 R. Il y en avait deux. On passait d'un côté par l'officier de liaison hors

10 classe, qui transmettait les documents, Lukovic, et là il s'agissait des

11 formations de combat du général Gotovina. Et en même temps, nous envoyions

12 un exemplaire aux observateurs militaires des Nations Unies, à leur

13 officier de liaison qui était en contact avec les officiers de liaison de

14 l'armée croate. Ensuite vous avez un troisième canal qui passait par le QG

15 de l'UNCRO, où les documents, quand ils étaient reçus, étaient envoyés à

16 l'officier de liaison de l'armée croate, c'est un certain général Plestina,

17 je pense qu'il s'appelait comme ça, il avait à peu près les mêmes fonctions

18 que Marine Lukovic mais un échelon plus haut.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, le témoin a répondu

20 tout à l'heure ce qui suit : "On a dit que cela a eu lieu, mais je n'ai pas

21 des connaissances personnelles quant à une éventuelle réception par les

22 autorités croates."

23 Pourriez-vous nous dire qui vous a dit cela ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Le général Forand cet après-midi-là voulait

25 être sûr que cette lettre de protestation avait été distribuée à tous les

26 destinataires; et même si je ne suis pas vraiment sûr de cela, je pense que

27 le lieutenant-colonel Tymchuk nous a informés au moment de la conférence

28 d'information qui a eu lieu le soir du 5 -- du 4, que la lettre avait été

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1 envoyée aux observateurs militaires de l'ONU, ainsi qu'à l'équipe de Marine

2 Lukovic, ainsi qu'au chef de l'état-major de l'UNCRO, qui a, quant à lui,

3 confirmé qu'un exemplaire a été envoyé au général Plestina ce soir même.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vous ai pas posé la question au

5 sujet de l'envoi du document, mais de sa réception.

6 Vous nous dites que la lettre a été envoyée, est-ce que vous savez si

7 cette lettre a été réceptionnée ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis désolé, je ne le sais pas.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Si vous ne le savez pas, vous

10 pouvez le dire.

11 Monsieur Tieger, vous pouvez poursuivre.

12 M. TIEGER : [interprétation]

13 Q. Vous avez évoqué un officier de l'armée croate, le capitaine Marine

14 Lukovic. Est-ce que vous le connaissiez, est-ce que vous avez jamais parlé

15 avec lui ?

16 R. Oui. Le capitaine Lukovic m'a gentiment conduit à l'extérieur de Knin

17 le 9 août, nous avons eu à ce moment-là l'occasion de parler. Il était

18 parfaitement au courant de la lettre; mais pour être complètement précis,

19 je dois dire que je ne me souviens pas avoir parlé avec lui de la réception

20 même de la lettre, à savoir s'il m'a dit qu'il avait reçu cette lettre bel

21 et bien le 4 août. Toujours est-il qu'il était au courant de la lettre, de

22 son contenu, il l'avait vue, mais je ne me souviens pas qu'il ait dit :

23 J'ai vu cette lettre à une telle heure, à une telle date, à un tel endroit.

24 Q. Est-ce que vous vous souvenez du contexte de la discussion quand vous

25 avez parlé de la lettre ? Est-ce que vous parliez en général de ce type de

26 lettres ? Est-ce que vous parliez de cette lettre-là en particulier, de la

27 lettre qui avait été envoyée le 4 août ?

28 R. Non, je ne me souviens de ce qui était à l'origine de cette

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1 conversation ou de son contexte. Je le connaissais assez bien, je pouvais

2 lui parler franchement. Nous étions tous les deux des passionnés de

3 bateaux. Je ne peux pas dire que c'était un ami, mais on se connaissait

4 suffisamment bien pour pouvoir se parler ouvertement. Cela étant dit, je ne

5 me souviens pas du contexte de cette discussion au sujet de la lettre.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, vous en avez terminé

7 avec le sujet de la lettre ?

8 M. TIEGER : [interprétation] Vous pouvez poser votre question, Monsieur le

9 Président, bien évidemment.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui parce que -- sûrement, aux écrans on

11 ne voit pas la lettre en entier, on voit qu'il y a eu un échange de

12 télécopies apparemment.

13 Je ne vois pas comment cela a été traduit en B/C/S. Je vois quelque

14 chose d'écrit à la main avant "août" et je ne vois pas ce que cela veut

15 dire exactement. Est-ce que vous pouvez me dire ce que "necitko" veut dire

16 dans la traduction, est-ce que cela veut dire "illisible" ? Et si tel est

17 le cas, il faudrait considérer que l'autre partie "04", ou quoi que cela

18 signifie, n'est pas lisible non plus.

19 Ce n'est pas vraiment une question de traduction, c'est un problème

20 de lisibilité -- je ne sais pas si les parties sont d'accord pour dire ce

21 qui est écrit à la main avant la date, avant le mot "août". En tout cas, on

22 ne peut pas dire que le traducteur considère qu'il s'agit du chiffre "04"

23 puisque les traducteurs ont considéré que c'était quelque chose qui n'était

24 pas lisible pour pouvoir être traduit.

25 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que c'est tout à fait clair, on

26 voit très bien que ce qui est écrit ici, c'est "illisible".

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a un désaccord entre les

28 parties par rapport à cette portion-là, surtout la date, "04" ?

Page 1956

1 M. KEHOE : [interprétation] Il y en a beaucoup, Monsieur le Président, il

2 s'agit justement de ce chiffre-là, "04" et on va beaucoup en parler. Je

3 pense que pour y voir plus clair il faudrait voir ce qui est écrit tout en

4 bas du document dans la ligne qui correspond à l'envoi du fax.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord, très bien. Là il y a le 12.

6 M. KEHOE : [interprétation] Oui, effectivement.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est vrai que j'aurais pu poser la

8 question en voyant cela. Vous voyez, je n'avais même pas besoin de cela

9 pour être curieux.

10 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Tieger.

11 M. TIEGER : [interprétation]

12 Q. Mon Général, encore une question avant de quitter ce sujet. Il y a

13 toute une série de villes qui figurent dans la première phrase autres que

14 Knin, à savoir Drnis, Medak et autres. Est-ce que vous savez si cette liste

15 était complète, la liste des villes qui ont fait l'objet de cette lettre du

16 général Forand et d'autres officiers supérieurs du QG du secteur sud; est-

17 ce que ce sont les seules villes au sujet desquelles ils avaient des

18 informations ?

19 R. Non. Cette liste n'était pas complète, ce n'était pas son objectif.

20 Elle devait être représentative; il s'agissait d'écrire de toute urgence un

21 document pour faire cesser le feu d'artillerie et pour que les Croates se

22 retirent de la zone de séparation, c'est pour cela qu'on a envoyé le

23 document tel quel. Cela faisait partie des discussions qui ont eu lieu au

24 moment où on a eu l'idée de ce document.

25 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai plus l'intention de poser des

26 questions au sujet de ce document. Je ne sais pas s'il y a des objections,

27 mais nous souhaitons que ce document soit marqué aux fins d'identification.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a des objections ?

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1 M. KEHOE : [interprétation] Oui, effectivement, nous avons une objection.

2 Il n'a pas été prouvé que ce document a jamais été reçu par le général

3 Gotovina. Un autre exemplaire de cette lettre a été envoyé à un autre

4 secteur, au général Norac, mais il n'y a pas de preuve indiquant que cette

5 lettre a été envoyée au général Gotovina et qu'il l'a reçue. Je vais

6 essayer d'explorer cela au cours de mon contre-interrogatoire --

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit d'une question

8 d'admissibilité de ce document ? Est-ce que vous la contestez ou est-ce

9 qu'il s'agit de la valeur probante et du poids à accorder, puisque le

10 témoin a déposé au sujet de cette lettre, et il dit qu'il n'avait pas de

11 connaissances directes et personnelles quant à la façon dont cette lettre a

12 été distribuée, en même temps il en a parlé avec d'autres personnes. Donc

13 je pense que là il s'agit plutôt du poids que de l'admissibilité.

14 M. KEHOE : [interprétation] Je comprends ce que vous voulez dire, Monsieur

15 le Président. Mais si quelqu'un écrit une lettre et qu'il n'y a pas de

16 preuve que cette lettre a été reçue par le destinataire, dans ce cas la

17 lettre n'a aucune valeur probante. Nous considérons que le Procureur ne l'a

18 pas prouvé alors qu'ils auraient pu faire venir des gens qui auraient pu

19 témoigner que le général Gotovina avait reçu la lettre. Je considère qu'il

20 y a pas de valeur probante à accorder à ce document et que le Procureur n'a

21 fourni absolument aucune preuve indiquant que le général Gotovina a reçu la

22 lettre.

23 [La Chambre de première instance se concerte]

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges décident que la lettre va être

25 versée au dossier.

26 Monsieur le Greffier.

27 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce P83, Monsieur le

28 Président.

Page 1958

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P83 a été versée au dossier.

2 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Tieger.

3 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

4 Q. Général, vous avez parlé de cette lettre et vous avez parlé des

5 rapports que les QG du secteur sud recevaient des différentes unités des

6 UNCRO partout dans le secteur. Pourriez-vous nous dire quelle était la

7 nature générale de ces informations, nous dire ce que vous n'avez pas déjà

8 dit s'agissant des documents que le secteur sud recevait de toutes ces

9 unités déployées dans le secteur ?

10 R. Nous avions quatre bataillons qui se trouvaient dans la zone de

11 séparation et qui nous envoyaient des rapports plus ou moins concordants

12 sur les événements qui se sont produits le 4, à commencer par les feux

13 d'artillerie sur les positions de la défense serbe dans la zone de

14 séparation, les feux d'artillerie sur les positions d'artillerie serbe, la

15 concentration des troupes juste derrière la zone de séparation, les feux

16 d'artillerie sur un grand nombre des zones résidentielles qui se trouvaient

17 également dans la zone de séparation, ensuite l'avancement des forces

18 armées croates dans la zone de séparation et parfois, l'occupation,

19 arrestation, désarmement des fonctionnaires des Nations Unies et même la

20 prise de contrôle de leurs installations.

21 Q. Général Leslie, est-ce que le 4 août, est-ce que vous avez voyagé à

22 l'extérieur de la base du secteur sud ?

23 R. Oui, en effet.

24 Q. Pourriez-vous nous dire à combien de reprises vous l'avez fait et dans

25 quel but ?

26 R. Je l'ai fait à plusieurs reprises dans un véhicule, parfois sans. Quand

27 on était à bord d'un véhicule, c'était après le 6, et pour une période

28 assez brève, c'était un chaos contrôlé, pour ainsi dire, qui se trouvait

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1 devant notre porte. Il y avait des problèmes avec la police civile des

2 Nations Unies qui n'était pas, enfin, il y avait des gens qui n'étaient pas

3 sur les mêmes listes que les listes de la police civile et du secteur sud.

4 Ensuite, il s'agissait de se rendre sur le terrain et, par exemple, j'y

5 suis allé une fois et le voyage a duré à peu près un quart d'heure. Il n'y

6 avait rien de spécial qui se passait. Il s'agissait de ramasser trois

7 personnes, il n'y avait personne qui était membre de la police onusienne,

8 et ensuite de revenir.

9 Ensuite, le deuxième voyage, c'était à un moment donné pendant la journée.

10 Il y avait des corps à l'extérieur vers la droite, il y avait des gens qui

11 voulaient faire une enquête à ce sujet, les mettre dans des sacs. Donc je

12 suis sorti juste pour arrêter cela.

13 Ensuite, ce soir-là, je me suis rendu au détachement de liaison serbe pour

14 discuter de certains points, et je pense que ce sont toutes les sorties que

15 j'ai effectuées à l'extérieur de la base du secteur sud le 4.

16 Q. Quant au détachement de liaison de l'armée serbe, où est-ce que cela se

17 trouvait, où se trouvait le bâtiment ?

18 R. Je me souviens très bien de leur QG, de la RSK, ce n'était pas la même

19 chose, le même bâtiment que le bâtiment du ministère de la Défense. C'était

20 dans la rue principale et juste avant un rond-point, à peu près 50 mètres

21 vers la gauche, c'est là que se trouvait ce bâtiment.

22 Q. Qu'est-ce que vous avez vu quand vous y êtes allé dans le QG de la RSK

23 ?

24 R. Je me souviens que le bâtiment avait été endommagé. Il y avait des

25 éclats d'obus. C'était le soir du 4, il y avait un corps sans vie, avec un

26 bas de treillis, et le corps était juste laissé à côté, on pouvait le voir

27 en montant l'escalier. Au moment où j'y suis allé, il n'y avait

28 pratiquement personne là-bas.

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1 M. TIEGER : [aucune interprétation]

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde l'heure. Est-ce que le moment

3 est opportun pour prendre la pause.

4 M. TIEGER : [interprétation] Effectivement.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais tout d'abord demander à

6 l'huissier d'accompagner M. Leslie qui va sortir du prétoire. Nous allons

7 prendre une pause et nous allons reprendre à peu près dans 25 minutes,

8 Monsieur Leslie.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur.

10 [Le témoin quitte la barre]

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, je pense que ce témoin

12 au début devait déposer pendant 6 heures et demie de vive voix et, si je

13 vous ai bien compris, vous ne pensez pas la même chose maintenant.

14 M. TIEGER : [interprétation] Effectivement. Nous avons essayé justement de

15 communiquer avec le personnel du greffe et de la Défense au sujet du

16 timing, et je pense que je vais pouvoir terminer l'interrogatoire de ce

17 témoin avant la fin de la session prochaine.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela veut dire que vous allez le faire

19 en trois heures. Nous avons dit que la Défense et le Procureur vont

20 disposer de la même quantité de temps pour leurs interrogatoires

21 respectifs. Puisque pratiquement toutes les dépositions jusqu'à présent

22 étaient présentées en vertu de l'article 92 ter, on ne pouvait pas suivre

23 ce modèle par rapport à ce témoin qui va être un témoin très important pour

24 le Procureur et pour la Défense. Je n'espère pas pouvoir respecter ce

25 partage égal.

26 Mais j'ai besoin de savoir si la Défense considère qu'il serait possible de

27 terminer l'interrogatoire de ce témoin aujourd'hui et si M. Tieger finit

28 aujourd'hui, est-ce que nous pourrions terminer ce témoin d'ici jeudi, ça

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1 nous donne plus de deux jours.

2 M. KEHOE : [interprétation] Oui, effectivement, je pense que nous pouvons

3 le faire.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là je parle de tous les conseils de la

5 Défense.

6 M. KEHOE : [interprétation] Nous n'avons pas encore discuté de cela, mais

7 je pense que nous pourrions le faire.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vois que M. Kay fait un

9 signe affirmatif, même si vous n'êtes pas encore sûr ?

10 M. KAY : [interprétation] Effectivement, nous attendons d'entendre la suite

11 de la déposition.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

13 M. KAY : [interprétation] Nous ne savons pas ce que le témoin va dire par

14 la suite puisque c'est une déposition de vive voix.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kuzmanovic.

16 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je vous remercie. Vous savez quand on est

17 troisième, cela a ses avantages et ses désavantages. On va discuter et on

18 va voir ce qu'on peut faire.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Telles que les choses se présentent à ce

20 moment, nous allons continuer à travailler sur la base que ce témoin va

21 terminer sa déposition jeudi. Ensuite, il faudrait savoir comment on va

22 s'organiser.

23 De toute façon, je demande à toutes les parties de s'organiser le

24 mieux possible pour essayer de terminer l'interrogatoire de ce témoin avant

25 vendredi puisqu'il ne pourra pas revenir vendredi.

26 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que ceci est faisable.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce qu'il y a aussi des questions des

28 Juges qui d'habitude ne prennent pas beaucoup de temps, mais bon, cela

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1 prend quand même du temps.

2 M. TIEGER : [interprétation] Je sais que M. Misetic voulait dire quelque

3 chose. De toute façon, je n'aurai peut-être même pas besoin de la session

4 tout entière. J'ai dit que j'avais besoin de la prochaine session, mais

5 peut-être pas tout entière.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Misetic.

7 M. MISETIC : [interprétation] C'est une question administrative que j'ai

8 voulu vous poser. Nous avons reçu une question par rapport au prétoire

9 numéro II et le nombre de personnes qui peuvent y être. Pour nous, cela

10 nous pose un problème, puisqu'il y a plusieurs personnes qui travaillent

11 dans notre équipe et nous allons avoir besoin de ces personnes pour mener à

12 bien notre contre-interrogatoire. Est-ce que vous pouvez peut-être voir de

13 quelle manière nous pourrions résoudre ce problème.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous allons y penser et revenir

15 vers vous.

16 Nous allons reprendre nos travaux à 11 heures.

17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.

18 --- L'audience est reprise à 11 heures 04.

19 [Le témoin vient à la barre]

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, Maître Kehoe, la Chambre

21 envisage une solution pour jeudi. Nous essayons de voir ce qui est

22 possible. Nous finirons bien par trouver une solution quelle qu'elle soit.

23 Monsieur Tieger, vous avez la parole.

24 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Q. Général Leslie, vous souvenez-vous du moment où le pilonnage s'est

26 arrêté le 4 août 1995, si jamais il s'est arrêté à un moment donné à Knin ?

27 R. Au mieux de mes souvenirs, le pilonnage s'est pratiquement arrêté à la

28 tombée de la nuit, mais il y avait encore des explosions sporadiques

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1 pendant la nuit.

2 Q. Vous vous souvenez de ce qui en a été de la population civile à Knin,

3 soit pendant la journée soit pendant la soirée du 4 août ?

4 R. Pendant la majeure partie de la journée à partir de 6 heures 45 jusqu'à

5 la soirée, je n'étais pas en train de me déplacer dans la ville de Knin.

6 Donc ce que je veux dire se fonde sur ce que me rapportaient ceux qui

7 étaient sur le terrain, qui étaient dehors dans la ville. En tant que chef

8 d'état-major, j'essayais de faire en sorte que toutes les personnes soient

9 rappelées.

10 Vous pouvez voir que nous avons une des routes principales qui passe juste

11 à côté du QG du secteur sud, en provenance de la zone de séparation, qui

12 entre dans Knin. Et au début de l'après-midi, il y a eu pratiquement un

13 flot ininterrompu de véhicules à bord desquels il y avait des hommes qui

14 étaient en treillis pour certains, pour certains pas, qui ont commencé à

15 influer dans Knin, et partout on a commencé à entendre des rapports sur des

16 civils qui se sont mis à partir dès le début de l'après-midi.

17 Q. Vous-même, vous avez vu des véhicules entrer dans Knin ou quitter Knin

18 dans la deuxième partie de la journée le 4 août ?

19 R. C'était plutôt vers la soirée, vers la tombée de la nuit, Monsieur. Je

20 suis sorti un petit peu. L'officier de liaison serbe, qui n'était pas là

21 quand je suis arrivé, à ce que j'appelle le QG de la RSK, là il y avait

22 encore un nombre considérable de personnes sur la route qui se mettaient en

23 branle, qui allaient sortir; et vous pouvez voir qu'il y avait quasiment un

24 flot ininterrompu de lumière des phares des véhicules qui montaient la

25 route de l'autre côté de Knin, qui allaient s'engager dans les collines au

26 nord et à l'ouest.

27 Q. De quels véhicules il s'agissait ? Qu'est-ce que vous avez vu ?

28 R. Juste à côté du QG du secteur sud, il y avait des véhicules de tous

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1 genres. C'était principalement des camions à bord desquels il y avait des

2 personnes. C'était en fait des tracteurs, et il y avait de temps à autre

3 des chars, mais il n'y en avait pas beaucoup. Il y avait aussi des

4 personnes qui se déplaçaient à pied et qui avançaient vers Knin.

5 La nuit est tombée et il faisait noir à partir d'un certain moment,

6 et depuis l'endroit où se posent les hélicoptères, c'était un peu trop loin

7 pour pouvoir distinguer les types de véhicules qui étaient en partance.

8 Q. Vous avez dit qu'il y avait des tracteurs avec ces espèces de remorques

9 en bois et que ces tracteurs transportaient des gens. Il s'agissait de

10 quelle catégorie de gens ?

11 R. C'était variable. Ça pouvait être des soldats - vers la tombée de la

12 nuit - qui étaient montés sur ces remorques en bois. Et puis parfois, il y

13 avait un groupe mixte de soldats, avec des femmes et des personnes âgées,

14 donc il y avait un peu de tout.

15 Q. Ces personnes entraient dans Knin et restaient dans Knin ?

16 R. Non. Ils entraient dans Knin, et après on a compris qu'ils étaient

17 venus chercher leurs proches ou leurs effets personnels pour sortir en

18 empruntant cette route que j'ai citée précédemment, vers le nord et

19 l'ouest.

20 Q. Vous avez parlé de ce flot de véhicules. Ils passaient par Knin pour

21 aller ailleurs ?

22 R. Quand on ne les voyait plus, lorsqu'ils disparaissaient de vue, je ne

23 sais pas si ce sont les mêmes véhicules ou pas qui sortaient, mais c'est

24 une conclusion qui s'impose logiquement. Encore que parfois, comme il n'y

25 avait pas beaucoup de carburant, ils devaient abandonner leurs véhicules.

26 Q. Alors, avant la matinée du lendemain, on a reçu une information au

27 secteur sud de l'UNCRO portant sur la possibilité ou le fait qu'on

28 anticipait qu'il allait y avoir davantage de pilonnages le lendemain ?

Page 1965

1 R. Oui. C'est l'information qui est arrivée du centre d'opération. Je

2 pense que le QG de l'UNCRO avait transmis cette information au QG du

3 secteur sud. Je ne me souviens pas exactement du moment où nous avons

4 appris qu'en fait ce qui s'était produit le 4 allait se réitérer le 5, mais

5 c'était quelque chose que tout le monde savait, je pense à minuit, dès

6 minuit du 4. Donc on pouvait s'attendre à des tirs de barrages intenses à

7 partir de 5 heures du matin le 5.

8 Q. Et que s'est-il passé le lendemain matin ?

9 R. Pour être tout à fait précis, sur d'un point de vue militaire, c'est à

10 5 heures du matin le 5 qu'il s'est produit un autre tir de barrage intense,

11 en réitérant pratiquement de toutes les manières exactement ce qui s'était

12 produit la vielle, le 4. Autrement dit, entre 5 heures et à peu près 7

13 heures, il y a eu un tir de barrage intense qui semblait se produire

14 partout.

15 Q. Et après 7 heures ?

16 R. Ce qui s'était produit le 4 s'est reproduit. Il y a eu une réduction de

17 l'intensité dans ces tirs de barrage, une réduction très nette, mais

18 c'était toujours une intensité moyenne, et c'est ce qui s'est maintenu

19 jusqu'à à peu près 10 heures 30 ou 11 heures, avec à peu près les mêmes

20 cibles que ce que j'avais évoqué dans ma déposition précédemment. Donc

21 c'est ce qui a duré de 7 heures à 10 heures 30 ou 11 heures.

22 Q. Est-ce que vous avez pu voir où a eu lieu ce pilonnage du 5 ? Est-ce

23 que c'étaient les mêmes endroits ou est-ce que c'était différent par

24 rapport à la veille ?

25 R. Essentiellement, c'étaient les mêmes endroits que ce que j'avais

26 remarqué le 4, à l'exception du fait que je ne suis pas allé à l'endroit où

27 se posaient les hélicoptères. Je n'y suis pas allé du tout dans la matinée

28 du 5. Mais quand j'y suis arrivé, il n'y avait plus de pilonnage à ce

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1 moment-là. C'était plus tard dans l'après-midi.

2 Q. Dans la matinée du 5, vous êtes sortis de l'enceinte du QG du secteur

3 sud ?

4 R. Oui.

5 Q. Pour quelles raisons ?

6 R. Un médecin serbe nous a demandé de venir aider pour évacuer une

7 trentaine ou une quarantaine de patients qui étaient à ce moment-là

8 hospitalisés à l'hôpital de Knin. J'ai offert de rassembler une équipe. Au

9 départ, c'étaient six véhicules qui allaient se diriger vers l'hôpital pour

10 aider à évacuer ces individus. Nous avons reçu cette demande vers 7 heures,

11 7 heures 30 du matin, et nous avons quitté l'enceinte une heure et demie

12 plus tard.

13 Q. Quand vous avez quitté le QG du secteur sud pour vous rendre à

14 l'hôpital et pendant votre retour, est-ce que vous pourriez dire à la

15 Chambre si vous avez vu ou vécu quelque chose ?

16 R. Notre déplacement a pris à peu près 15 à 20 minutes. Nous sommes partis

17 avec six véhicules, et dans un premier temps mon véhicule allait se placer

18 en tête de la colonne, mais à un moment donné, l'ambulance serbe nous a

19 dépassé et est venue se placer en tête de colonne. Je pense que c'était à

20 un moment où il y a eu des pilonnages. Il y a eu deux moments où il y a eu

21 des projectiles qui sont tombés sur la route. Une fois, c'était là où on

22 arrive au principal rond-point. C'était tout près des véhicules, parce que

23 les véhicules ont été secoués par les détonations.

24 Et puis la deuxième fois, c'était avant le QG du corps de la Dalmatie

25 du nord, c'était après le rond-point. En route vers le centre, la ville

26 semblait être déserte. Il y avait des corps qui gisaient sur la route. Il y

27 en avait dans l'ordre de 15 à 20 à différents endroits lorsqu'on longeait

28 la route. Il y avait énormément de débris le long de la route, il y avait

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1 des bagages, des meubles, jusqu'à ce qu'on arrive à l'endroit où on peut

2 quitter Knin, en tournant à gauche vers le nord et vers l'ouest. La route,

3 à partir de ce moment-là, était à peu près dégagée.

4 Q. Vous avez vu des cadavres le long de la route en avançant vers

5 l'hôpital. Est-ce que vous avez vu des personnes blessées quand vous êtes

6 arrivés à l'hôpital ? Est-ce que vous avez vu des cadavres là-bas également

7 ?

8 R. Quand nous sommes arrivés à l'hôpital, il y avait beaucoup de corps de

9 personnes décédées. Il y avait des hommes, des femmes, des enfants. Ils

10 étaient entassés, et on utilisait une pièce arrière en tant que morgue. Il

11 n'y avait pas d'électricité. Tout le personnel médical était parti à

12 l'exception d'un infirmier qui, de toute évidence, était resté sur place

13 pendant que le médecin serbe est allé nous chercher.

14 Il y avait à peu près 30 à 40 patients, et sur eux, 25 étaient dans un état

15 absolument critique. C'était un groupe mixte. Il y avait des personnes

16 âgées, des femmes âgées, il y avait quelques hommes en âge de porter les

17 armes, et voilà.

18 Q. Pendant --

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait demander au

20 témoin quelque chose ? Il dit : "Il y avait beaucoup d'hommes, femmes,

21 enfants, entassés dans l'hôpital…" Lorsque vous dites beaucoup, est-ce que

22 vous voulez dire "30 à 40 patients, 25 dans un état absolument critique" ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'est difficile d'estimer. Je dirais qu'il

24 n'y en avait pas moins de 30 et pas plus que 50 ou 60.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc c'était des dizaines de corps

26 ?

27 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

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1 M. TIEGER : [interprétation]

2 Q. Dans la matinée du 5, vous étiez à l'hôpital, est-ce que vous avez vu

3 des dégâts occasionnés par des projectiles, des mortiers ? Est-ce que vous

4 avez remarqué qu'il y ait eu du pilonnage ?

5 R. Je n'ai pas remarqué qu'il y ait eu des dégâts occasionnés par des

6 mortiers. Je dois dire cependant que je n'ai pas vraiment inspecté

7 l'hôpital de très près. Pendant que nous étions en train de vérifier ce

8 qu'il y avait dans les différentes pièces, un projectile est tombé

9 suffisamment près pour briser et faire éclater plusieurs fenêtres, mais il

10 n'a pas touché l'hôpital. Certains dégâts d'obus l'ont touché cependant. Je

11 ne me souviens pas d'autres dégâts, mis à part ces vitres, ces carreaux des

12 fenêtres. Il y a eu quelques fenêtres qui ont volé aux éclats.

13 Q. Pour que ce soit tout à fait clair, est-ce qu'on a cherché à détruire

14 l'hôpital ou pas ?

15 R. Non, je dirais que c'était le contraire. Je pense que les autorités

16 croates ou l'armée croate a vraiment déployé des efforts considérables pour

17 ne pas viser et ne pas toucher l'hôpital.

18 Q. Pendant que vous étiez à l'hôpital, vous avez vu des véhicules

19 militaires ?

20 R. Oui. Il y avait un char à environ 400 mètres. C'est lorsque nous avons

21 quitté l'hôpital. C'était vers 10 heures, 10 heures 30. Plutôt 10 heures

22 30, un char, 400 mètres au nord, nord-est. Pour vous dire tout à fait

23 franchement, la seule raison pour laquelle je l'ai remarqué c'est parce que

24 nous étions en train de charger les patients dans nos véhicules armés, et

25 si je l'ai remarqué c'était parce qu'il a tiré un projectile sur Knin.

26 Q. Et vous avez pu reconnaître les forces, les forces qui étaient là dans

27 ce char ou avec ce char ?

28 Vous avez pu voir si c'était un char serbe, ou croate, ou autre ?

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1 R. Non, je n'ai pas pu voir ça.

2 Q. Vous savez à peu près à quel moment vous êtes revenu de l'hôpital ?

3 R. Il était à peu près 11 heures, mais c'est vraiment très approximatif.

4 Nous avons déchargé les patients à ce moment-là et nous avons aidé à ce

5 qu'on s'occupe des personnes déplacées, et aussi il a fallu prévoir de

6 l'espace où on allait prendre en charge les patients qui allaient recevoir

7 des soins à l'hôpital tchèque.

8 Q. Je pense que vous avez dit hier que le pilonnage s'est arrêté le 5 août

9 à peu près au moment où l'armée croate est entrée --

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, "hier" me trouble un

11 petit peu. Vous dites : "Je pense que vous avez dit hier…"

12 M. TIEGER : [interprétation] Non, pendant la session précédente -- ou plus

13 tôt ce matin.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

15 M. TIEGER : [interprétation]

16 Q. Je vais reformuler ma question.

17 Vous vous souvenez à peu près à quel moment l'armée croate est entrée dans

18 Knin ?

19 R. Je pense que c'était à peu près vers 11 heures, mais ce que je sais

20 maintenant et ce que je ne savais pas à l'époque, c'est qu'ils sont entrés

21 dans la ville tout d'abord depuis le nord. Donc les éléments avancés, c'est

22 ce que nous pensons, de l'armée croate se sont trouvés dans Knin vers 11

23 heures.

24 Q. Excusez-moi, je n'avance pas d'une manière très linéaire, mais je

25 regarde le compte rendu d'audience et je vois qu'il y a une question qui a

26 à voir avec l'hôpital que j'ai omis de vous poser. Vous avez dit que vous

27 avez vu un char à environ 400 mètres de l'hôpital, vous avez dit qu'il a

28 tiré un projectile sur Knin. Est-ce que vous avez vu des tirs d'artillerie

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1 ou autres tirs dirigés sur le char ?

2 R. Non, je n'en ai pas vu. Il y avait des projectiles qui tombaient

3 lorsque nous sommes arrivés à l'hôpital et des projectiles d'artillerie qui

4 tombaient à 400, 500, 600 mètres vers le nord et l'ouest de l'hôpital.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, vous avez dit qu'un

6 projectile avait été tiré, dans votre question. Je ne vois pas à la page

7 42, ligne 18, où le témoin a dit : "Cela, nous l'avons remarqué uniquement

8 -- nous étions très pris par ce que nous étions en train de faire, à savoir

9 charger les patients dans nos véhicules blindés…"

10 Excusez-moi, je n'ai pas bien lu ce qui est écrit. Veuillez poursuivre.

11 M. TIEGER : [interprétation]

12 Q. Général, les forces de l'armée croate sont entrées dans Knin, et à ce

13 moment-là le personnel de l'UNCRO, est-ce qu'il assurait un suivi de la

14 situation à Knin ? Est-ce que vous avez surveillé l'évolution des

15 événements à Knin ?

16 R. Les forces croates sont entrées dans Knin. Le général Forand a pris la

17 décision de prendre une colonne de véhicules dans la ville et il a

18 rencontré les éléments de tête de l'armée croate arrivant vers le sud

19 pendant que lui il se déplaçait vers le nord, et je pense que c'était vers

20 11 heures 30.

21 Il a été escorté à ce moment-là par l'armée croate dans l'enceinte, donc

22 ramené dans l'enceinte. Et avant qu'il ne revienne dans l'enceinte croate -

23 - de notre camp, vers 11 heures 15 à peu près, mais je dois dire que c'est

24 approximatif, l'armée croate était arrivée à l'entrée de l'enceinte du

25 secteur sud et a refusé de nous permettre de sortir. Donc nous ne pouvions

26 pas suivre ce qui se produisait en ville, à l'exception de cette brève

27 période lorsque le général Forand a rencontré les éléments de tête de

28 l'armée croate.

Page 1972

1 Q. Est-ce qu'ils ont accompagné ce refus d'une force quelconque ?

2 R. J'ai essayé de voir ce qu'il en était. J'ai pris une petite équipe à

3 l'intersection à 150 mètres à peu près sur la gauche, ne tenant pas compte

4 de l'infanterie croate qui était à notre porte principale. Ce qui s'est

5 passé c'est qu'ils nous ont escortés dans l'enceinte du secteur sud par

6 quelques chars, puis un char s'est garé devant notre porte principale, donc

7 il n'était pas possible de sortir.

8 Q. Ce char ou un autre élément de la force armée, est-il resté dans

9 l'enceinte pour empêcher le personnel de l'UNCRO de quitter l'enceinte ?

10 R. Oui.

11 Q. Qu'était-ce ? Ce char, [inaudible] sur le char pour le moment, pour ne

12 pas vous poser de question composée.

13 Comment est-ce qu'on a placé le char ?

14 R. Il était garé juste devant notre porte d'entrée, orienté face à notre

15 entrée et il visait directement l'enceinte. Il était des deux côtés, à côté

16 du char il y avait des effectifs considérables de ce que j'ai estimé être

17 l'infanterie croate; et 15 à 20 minutes plus tard, un colonel croate est

18 arrivé et nous avons eu un échange de points de vue.

19 Q. Pour que ce soit tout à fait clair, cet échange de points de vue, est-

20 ce que vous avez demandé au nom de l'UNCRO que le personnel de l'UNCRO

21 reçoive l'autorisation de quitter l'enceinte ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous avez expliqué quel était l'objectif de ce

24 déplacement ?

25 R. Oui.

26 Q. Et quel était l'objectif ?

27 R. De faire en sorte que le droit de la guerre était respecté, qu'il n'y

28 avait pas de violations du droit humanitaire, nous permettre l'accès et le

Page 1973

1 monitoring, comme prévu par les résolutions du Conseil de sécurité des

2 Nations Unies, et j'ai aussi évoqué le fait que nous étions prêts à assumer

3 la responsabilité et le risque encouru.

4 Q. Très bien. Vous vous souvenez quelle a été la réponse que vous avez

5 reçue à cette exigence ?

6 R. On n'a pas eu de cesse de nous dire, non.

7 Q. Pendant combien de temps le char est-il resté à cet endroit, pendant

8 combien de temps le personnel de l'UNCRO a été empêché de quitter le camp ?

9 R. On nous a empêché de quitter notre camp jusqu'au 9 août. Je pense que

10 c'est à ce moment-là que je suis sorti pour la première fois. Il y a eu

11 quelques exceptions très mineures, et j'ai été escorté par le capitaine de

12 la marine, Lukovic, du QG du secteur sud pour pouvoir entrer en fonction de

13 chef d'état-major de l'UNCRO.

14 Je pense que le char est resté en place pendant quelques heures. Je

15 ne me rappelle pas à quel moment il est parti. Je n'étais pas là quand on

16 l'a retiré, mais nous avons reçu les ordres de l'UNCRO nous disant que nous

17 devions rester sur place à l'intérieur jusqu'à qu'il y ait eu toute une

18 série de discussions à haut niveau entre l'UNPF, l'UNCRO et les différentes

19 autorités.

20 Q. Vous n'étiez pas en mesure de quitter l'enceinte, mais est-ce que vous

21 étiez en mesure d'entendre ce qui s'est passé à l'extérieur pendant cette

22 période-là ?

23 R. Oui. De temps à autre il y avait des rafales de tirs, des détonations

24 de grenade sporadique; quelques immeubles, un nombre pas très élevé ont été

25 en flammes; il y avait beaucoup de bruit de chars qui passaient à côté de

26 notre QG vers le nord; sur cette route par laquelle les forces croates

27 entraient dans la ville, donc la route qui se situe juste en dehors du QG

28 du secteur sud.

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1 Q. Vous avez dit plusieurs fois que vous êtes en fonction, vous avez

2 assumé votre poste de chef d'état-major de l'UNCRO à Zagreb à partir du 9.

3 Peu après votre arrivée à Zagreb, est-ce que vous avez rédigé un rapport

4 portant sur ce qui s'était produit le 4 août ?

5 R. Oui.

6 M. TIEGER : [interprétation] La pièce 65 ter 4067, s'il vous plaît,

7 Monsieur le Président.

8 Q. Général Leslie, si vous regardez le 4067, est-ce que c'est bien le

9 rapport dont vous êtes l'auteur que vous aviez déposé le 12 août 1995 ?

10 R. Oui.

11 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'on pourrait

12 lui attribuer une cote et le verser au dossier ?

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

14 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, j'avais compris que les

15 déclarations de témoin ne devaient pas être versées au dossier, que c'était

16 simplement une déposition en personne de vive voix.

17 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, c'est un rapport qui a

18 été rédigé à ce moment-là, en gros, immédiatement après les événements, qui

19 a été présenté par ce témoin au QG général de l'UNCRO.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est très proche de ce que prévoit

21 l'article 92 ter, au moins, même si c'est rédigé à l'époque.

22 Peut-être, Maître Kehoe, je voudrais tout d'abord vous donner la

23 possibilité, indépendamment de l'aspect formel de cela, de ce que serait

24 une déposition viva voce, indépendamment de cela, si vous auriez des

25 objections à élever sur la base du fait de la teneur également, --

26 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le permettez.

27 La teneur se passe de commentaires. Certainement, j'ai effectivement des

28 questions à poser en contre-interrogatoire sur la teneur du document, mais

Page 1975

1 je partais de l'hypothèse que nous étions simplement en train de suivre par

2 rapport au témoin 92 ter et ceci, il s'agit d'un témoin qui dépose en

3 personne. C'est pour ça que je suis quelque peu surpris que --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais alors quel est l'aspect formel

5 de la pièce et de sa teneur ? Nous, les membres de la Chambre, nous avons

6 vu ce rapport. Il a été remis au personnel. J'ai toujours quelques doutes

7 sur la façon dont on doit régler ces questions.

8 M. TIEGER : [interprétation] Il était également compris sur la liste des

9 pièces, Monsieur le Président.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il autre chose à ce sujet ?

11 M. KEHOE : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je poserai des

12 questions dans le contre-interrogatoire et la question que j'avais

13 concernait essentiellement l'admissibilité. Je pensais qu'en fait nous

14 agissions sur la base d'une déposition en personne de vive voix, et non pas

15 sur la base de l'article 92 ter.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous voulez que cette

17 déclaration ou ce rapport fasse l'objet de questions lors du contre-

18 interrogatoire ?

19 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il serait donc pratique à ce

21 moment-là de l'avoir comme élément versé au dossier. Je veux dire, M.

22 Tieger pourrait vous laisser le loisir peut-être de le présenter vous-même.

23 Enfin, je me pose la question, bien entendu, pour ce qui est de M. Tieger,

24 ce qu'il faut ajouter en plus de cela, c'est que : ce n'est pas toujours

25 pour moi facile de comprendre.

26 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, si vous permettez.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

28 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que l'importance de ce document, en

Page 1976

1 partie, c'est le moment où il a été présenté et ceci, évidemment, se

2 rapproche de la remarque qui a été faite par les membres de la Chambre.

3 Mais je pense que ce renseignement, en pratique, ne sert pas à grand-chose,

4 ça ne servira pas à grand-chose que ce document ne soit pas versé donc je

5 n'essaie pas de contourner une procédure.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que les membres de la Chambre

7 pourraient apprendre de cela, c'est en fait ce que le témoin dit dans sa

8 déposition aujourd'hui -- c'est approximativement la même chose qu'on a eu

9 l'esprit, ce qu'il avait à l'esprit au moment où il a examiné la situation.

10 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, pourrais-je ajouter

11 quelque chose.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Kehoe.

13 M. KEHOE : [interprétation] Mon confrère me rappelle, M. Cayley me

14 rappelle, je pense que l'Accusation nous l'a communiquée, c'est la

15 déclaration du témoin dans la mesure où ceci se rapporte aux prévisions de

16 l'article 92 ter.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai toujours compris les dispositions

18 de l'article 92 ter comme traitant essentiellement des déclarations qui

19 avaient été faites en vue du procès devant ce Tribunal, et pas simplement

20 pour chaque déclaration qui a été recueillie ou rédigée à l'époque. Mais il

21 s'agit là de types différents de déclarations. Si vous vous adressez à un

22 témoin, vous lui posez des questions précises, bien entendu, la question --

23 ceci est du 12 août, c'est la question de la rédaction sur un papier,

24 d'après ce que je comprends, de ce que le témoin a observé à l'époque,

25 plutôt que le fait d'avoir été auditionné par un organe quelconque; je dois

26 admettre que sur la base de ce que j'en ai lu, la question de violations du

27 droit était certainement dans l'esprit du témoin. Ça, ça va sans dire.

28 Je vais simplement --

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1 [La Chambre de première instance se concerte]

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre décide d'admettre le document

3 comme élément de preuve au dossier en partant de l'idée que les autres

4 conseils n'ont pas donné la parole, n'ont pas élevé d'objections en plus de

5 ce que Me Kehoe vient déjà de nous dire.

6 Monsieur le Greffier, pouvez-vous nous donner, s'il vous plaît, une cote ?

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P84, Monsieur le

8 Président.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

10 La P84 est donc versée au dossier comme élément de preuve.

11 Monsieur Tieger, vous pouvez poursuivre.

12 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

13 Q. Général Leslie, vous avez déjà eu la possibilité de discuter de la

14 lettre de protestation envoyée par le général Forand où il est question

15 d'attaques alléguées contre des civils; et comme on vient de le relever,

16 vous-même vous avez préparé un rapport dès l'arrivée au quartier général de

17 l'UNCRO à Zagreb, dans lequel vous décrivez les événements et vous avez

18 affirmé que les autorités croates, soit sans discrimination, soit de façon

19 délibérée, ont tiré sur des quartiers résidentiels civils.

20 Je voudrais vous demander de bien vouloir expliquer aux membres de la

21 Chambre ce que vous avez vous-même observé qui donnerait l'impression qu'il

22 y ait eu délibérément l'intention de prendre pour cible des civils, le fait

23 qu'on ait eu des tirs d'artillerie sans discrimination sur des civils ?

24 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, voilà le problème.

25 Maintenant, le Procureur est en train d'utiliser ce rapport pour tendre un

26 piège avec cette déposition personnelle. Et si ce témoin va maintenant

27 déposer sur ce que le témoin a entendu, observé, bon, très bien. Mais je

28 veux dire que maintenant il y a là un piège en ce qui concerne ce document,

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1 clairement, il s'agit à ce moment-là de développer --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il se peut que ceci ait trait à la façon

3 dont la question est posée. Je comprends, bien sûr, la Chambre a vu ces

4 documents et a un très grand nombre de conclusions sont tirées dans ce

5 document; et comme il a été dit dans la décision que la Chambre a rendue ce

6 matin, pas en présence du témoin, mais ceci est certainement pertinent à la

7 situation actuelle, aux questions qui sont posées maintenant.

8 Général Leslie, vous parvenez à toutes sortes de conclusions sur des

9 questions où en fait c'est à la Chambre qu'il appartient de tirer des

10 conclusions. En même temps, bien sûr, vous avez vu, vous avez observé les

11 choses et comme ceci ressort clairement de ce premier rapport, vous aviez à

12 l'esprit, comme vous l'aviez dit, vous aviez pour tâche de voir s'il y

13 avait des violations des lois et coutumes de la guerre, voir s'il y en

14 avait de commises ou s'il y avait d'autres crimes de caractère

15 international.

16 Maintenant, les conclusions, comme je l'ai déjà dit, c'est à la Chambre

17 qu'il appartient de les tirer. En même temps, bien sûr, le cadre juridique,

18 que vous connaissez apparemment, a pu peut-être diriger vos pensées lorsque

19 vous avez fait vos observations à l'époque. Par exemple, juste pour donner

20 un exemple, un médecin pourrait voir essentiellement les blessures d'une

21 personne; un juriste pourrait, par contre, d'abord voir s'il porte des

22 vêtements civils ou militaires. C'est juste une différence de point de vue,

23 d'approche.

24 Alors, ce que je suppose que M. Tieger veut vous demander, c'est si vous

25 pouvez nous communiquer vos observations à la lumière de ce qu'apparemment

26 vous aviez à l'esprit pour la question de savoir si les crimes étaient en

27 train d'être commis ? Donc, nous ne demandons pas vos conclusions, nous

28 n'essayons pas de les connaître, mais si, par exemple, vous dites : j'ai vu

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1 un pourcentage d'environ 99 % de civils qui ont été touchés et 0,1 % de

2 soldats, ça, ça pourrait être une observation pertinente pour pouvoir tirer

3 des conclusions.

4 Je pense que M. Tieger pour le moment est en train d'essayer de savoir ce

5 que vous avez observé factuellement, et peut-être qu'il vous posera des

6 questions pour vous demander davantage de détails, plutôt que de nous dire

7 ce qui étaient vos propres conclusions, en l'occurrence.

8 Monsieur Tieger, vous pouvez poursuivre.

9 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

10 Q. Le Président a raison. Je voudrais que l'on se centre sur ce que vous

11 avez observé à la lumière de votre expérience du point de vue des tirs

12 d'artillerie et de ce que vous savez des systèmes d'armes qui vous ont

13 conduit à tirer des conclusions que vous avez faites.

14 Donc, pour commencer, en ce qui concerne le tir de barrage initial qui a eu

15 lieu le 4 août, qu'est-ce qu'il y a eu dans ces tirs de barrage au début,

16 en l'occurrence, qui vous ont amené à tirer les conclusions que vous avez

17 tirées dans votre rapport du 12 août ?

18 R. Le barrage initial du 4 août depuis environ 5 heures à 7 heures du

19 matin n'avait pas les caractéristiques de concentration de tirs. On ne

20 pouvait pas voir de schéma qui correspondait à un objectif évident ayant un

21 intérêt militaire. Les tirs, du point de vue d'un profane, étaient partout,

22 on tirait dans tous les sens.

23 Q. Bien. Peut-être que c'est évident, mais quelle était l'importance de

24 cela soit pour conclure qu'il y avait des tirs sur des secteurs civils et

25 que c'était délibéré ou que c'était sans discrimination, au hasard ?

26 R. Si les tirs étaient dirigés un peu partout et n'étaient pas concentrés

27 ou semblaient être dirigés vers un point particulier, à ce moment-là, en

28 tant qu'artilleur, il y a toute une série de conclusions auxquelles on

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1 pourrait parvenir. L'une, c'est que ou les tirs sont sans discrimination

2 dans le centre de Knin et que ça devient une zone de tir libre dans

3 laquelle il y a des structures et des résidences civiles ou qu'il y a une

4 tentative délibérée pour distribuer les tirs pour obtenir le même effet.

5 Q. Vous avez également indiqué au cours de votre examen des événements --

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais poser une question.

7 M. TIEGER : [interprétation] Oui.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends que vos réponses sont

9 basées pour le moment sur l'hypothèse qu'il n'y avait pas des objectifs

10 militaires un peu partout, pour employer la même terminologie, parce que

11 sinon vous diriez : je prends délibérément pour objectifs tous les

12 objectifs militaires qui se trouvaient éparpillés dans tous les sens. Je

13 réfléchis d'un point de vue logique et j'essaie de suivre votre logique.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que votre

15 logique est impeccable. Je suis d'accord.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je n'étais pas en train de

17 rechercher ce type de compliment; néanmoins, je vous remercie.

18 Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.

19 M. TIEGER : [interprétation]

20 Q. Général Leslie, vous avez également dit qu'au cours des tirs

21 d'artilleries qui ont eu lieu le 4 et le 5 août, vous avez observé qu'il y

22 avait des corrections de tirs ou des procédures de groupements sur des

23 objectifs; c'est bien cela ?

24 R. C'est exact.

25 Q. Est-ce que ceci indiquerait -- est-ce que ceci traduirait, sur la base

26 de vos observations et de votre expérience, qu'il y avait des efforts

27 visant à toucher un objectif particulier ?

28 R. Oui.

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1 Q. Pour commencer, où avez-vous vu qu'il y avait ces procédures

2 d'objectifs regroupés ou de tirs corrigés ? Vers où étaient dirigés les

3 tirs corrigés ?

4 R. Dans la plupart des points d'où j'ai pu observer, soit du balcon ou

5 peut-être plus précisément dans la région de l'hélizone, la grande majorité

6 de la procédure de tirs pour ce qui était des impacts de masse, c'était

7 dans les structures résidentielles. Il y avait quelques exceptions à cela,

8 et si vous voulez que je rentre dans les détails je peux le faire.

9 Q. Bien sûr. Quelles étaient les exceptions à cela, voulez-vous nous le

10 dire ?

11 R. Les exceptions à cela - ceci n'est pas une liste exhaustive parce que

12 j'aimerais pouvoir me référer à mes notes pour donner une liste - c'était

13 les batteries de défense antiaérienne qui se trouvaient de 400 à 600 mètres

14 au sud et à l'est du quartier général secteur sud et qui, effectivement,

15 étaient couvertes par les tirs des systèmes d'artillerie croates; la partie

16 sud-est des voies de garage des trains; et ce que l'on appelait le complexe

17 d'usine, le toit que l'on pouvait voir de l'hélizone.

18 C'est ce qui me vient immédiatement à l'esprit de ce que je pouvais voir

19 lorsque j'étais dans ce secteur de l'hélizone du secteur sud.

20 Q. Je voudrais vous poser une question - revenant à quelques questions

21 posées plus tôt, en fait - en ce qui concerne les tirs de barrage initiaux

22 au cours des deux premières journées dans les premières heures de la

23 matinée.

24 Est-ce que les tirs que vous avez observés pouvaient viser des objectifs

25 militaires précis dans la mesure où ces objectifs pouvaient, auraient

26 existé; c'est-à-dire en supposant que l'ensemble de la ville n'était pas un

27 objectif militaire, est-ce que la nature des tirs qui ont eu lieu au cours

28 des tirs de barrage initiaux était telle que ça aurait pu être dirigé vers

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1 des objectifs particuliers ou non ?

2 R. Pour être bien au clair, les tirs qui ont eu lieu en gros de 5 heures à

3 6 heures, je n'ai pas pu observer les tirs d'artillerie, donc je ne peux

4 pas vous donner une confirmation oculaire en ce qui concerne cette séquence

5 d'événements. Ce que j'ai vu à 6 heures et après, la réponse à votre

6 question est non. C'était réparti dans toute la ville et il n'y avait pas

7 de concentration des tirs, on ne pouvait pas voir de points d'impact précis

8 de ces obus, et certainement, dans l'ensemble, on voyait des panaches de

9 fumée, des nuages de poussière, la fumée des impacts qui brisaient la ligne

10 des toits.

11 Q. Je vais vous poser une question concernant les cibles militaires, si

12 vous le permettez. Pour commencer, qu'est-ce que c'est qu'une cible

13 militaire légitime, d'une façon générale ?

14 R. Une cible militaire légitime, c'est une cible qui est considérée par un

15 commandant qui attaque comme ayant une valeur militaire importante, pour

16 laquelle sa neutralisation ou sa destruction fournirait un avantage

17 important pour la force qui attaque, il s'agit d'un objectif qui a une

18 utilité militaire certaine à ce moment-là. Il y a d'autres critères, mais

19 il faudrait que je me réfère à mes notes pour être plus précis.

20 Q. A partir du moment où un objectif militaire légitime, pour utiliser ce

21 langage, a été identifié, est-ce que cela veut dire qu'on peut à ce moment-

22 là tirer dessus ?

23 R. Non, absolument pas. Le fait d'identifier un objectif militaire est

24 simplement un premier pas dans un processus. La deuxième étape, c'est de

25 déterminer son importance militaire à ce moment-là, son utilité, la

26 possibilité de dommages collatéraux pour des innocents ou pour des

27 structures civiles, l'utilité militaire qu'il y aurait à essayer d'obtenir

28 cet objectif en le mesurant à ce que prescrit le droit, la possibilité

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1 d'évaluer la valeur de cet objectif pour éviter des dommages collatéraux,

2 et finalement il y a également une vérification en quelque sorte

3 épidermique pour voir si on pense que c'est vraiment la chose qu'il y a à

4 faire en prenant en considération tous les éléments.

5 Q. Je voudrais maintenant appeler votre attention sur les quartiers

6 résidentiels vers lesquels vous dites que vous avez vu que les tirs

7 corrigés étaient dirigés. Par exemple, s'il y avait un élément militaire

8 important qui se trouvait dans un des bâtiments, dans un appartement qui se

9 trouvait dans ce quartier résidentiel, est-ce que cela veut dire que le tir

10 corrigé que vous avez vu diriger vers le quartier résidentiel serait à ce

11 moment-là permis ou est-ce que vous auriez tiré cette conclusion dans la

12 déclaration du 12 août ?

13 R. Je vais vous donner une opinion sur la base d'années d'expérience --

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

15 M. KEHOE : [interprétation] Il est en train de donner son opinion; ce n'est

16 pas un expert.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit et comme on peut

18 le lire dans la décision de la Chambre, il n'est pas toujours facile de

19 faire une distinction en particulier lorsque ce sont des professionnels qui

20 font une déposition.

21 Monsieur Tieger, ce que je remarque pour le moment c'est ceci : c'est que

22 vous avez commencé à poser au témoin des questions sur ce qu'il considère

23 comme étant une cible militaire légitime. J'avais déjà des doutes à ce

24 moment-là, mais en même temps j'ai pensé qu'il serait bon de savoir si ce

25 témoin comprend si ceci est exact ou non. Et ce qui a été fait c'est que

26 nous sommes passés en fait de ce qui était un objectif militaire légitime

27 dans un processus de prise de décision pour savoir s'il faut attaquer ou

28 non un certain objectif.

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1 Par exemple, le type d'arme qui est utilisé -- bien sûr, ce n'est pas

2 une considération qui peut avoir son importance; en même temps, ça ne

3 change pas l'objectif automatiquement du point de vue d'un objectif

4 militaire légitime.

5 Essayons de nous concentrer maintenant pour commencer, sur les faits,

6 parce que votre question était extrêmement hypothétique au témoin, vous

7 avez choisi de la rendre très hypothétique. Je peux imaginer qu'une

8 question analogue aurait pu être posée au témoin de façon moins

9 hypothétique, mais essayons de ne pas nous perdre dans des hypothèses.

10 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 Q. Général Leslie, quel type de systèmes d'armes avez-vous vu employer qui

12 visaient des quartiers résidentiels lorsque vous avez vu qu'il y avait des

13 tirs corrigés ?

14 R. Je n'ai jamais vu le point d'origine d'où les obus étaient tirés. Les

15 explosions correspondaient bien à des tirs provenant de pièces de calibre

16 moyen et de calibre plus lourd de systèmes d'artillerie indirects qui, par

17 définition, tout au moins avec la technologie dont disposait l'armée croate

18 à l'époque, sont des systèmes d'armes mais ne sont pas des systèmes qui

19 permettent des frappes extrêmement précises.

20 Q. Est-ce que ces systèmes d'armes peuvent distinguer entre des objectifs

21 militaires précis, un immeuble ou un bâtiment particulier qui pourrait

22 avoir une valeur militaire suffisante pour en faire un objectif militaire

23 légitime et des immeubles civils qui l'entourent ou qui sont voisins ?

24 R. D'un point de vue simpliste, non. La zone dans laquelle un projectile

25 va atterrir --

26 M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Ceci est

27 clairement une déposition qui serait faite par un expert. Et nous entrons

28 dans un domaine --

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais tendance à être d'accord.

2 Monsieur Tieger, ce dont nous parlons maintenant, dans votre question,

3 c'est : "Est-ce que ces systèmes d'armes peuvent distinguer entre les

4 objectifs militaires précis, entre un bâtiment qui pourrait avoir une

5 valeur militaire suffisante pour en faire une cible militaire légitime…"

6 Là encore, c'est un type de question théorique parce que tout cela

7 dépend, n'est-ce pas, de la dimension des locaux en question. Je peux

8 imaginer des immeubles pris individuellement. Je pense par exemple aux

9 ministères de la Défense qui existent et qui pourraient effectivement être

10 éloignés de tout un quartier et donc pourraient avoir une surface très

11 étendue. Donc je pense que ce type de questions, par conséquent, n'aide pas

12 beaucoup les membres de la Chambre.

13 Bien sûr, vous pouvez poser la question, et c'est une question très

14 simple que de savoir quelle est la portée pour certains types d'armement.

15 Quelle est sa précision ? Et à ce moment-là, à savoir s'il s'agit d'une

16 question à poser à un expert ou si c'est quelque chose qui correspond à

17 l'expérience professionnelle, ça permettrait à la Chambre de savoir sur la

18 base de l'expérience -- il faut encore voir si c'est bien le cas.

19 Maître Kehoe.

20 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander --

21 c'est la raison pour laquelle, si on veut entrer dans une discussion à ce

22 sujet, le témoin, de façon à pouvoir donner un point de vue à ce sujet,

23 doit connaître les systèmes d'armes parce que chaque système d'armes a une

24 marge d'erreur qui diffère des autres. Et il ne sait pas quel était le

25 système d'armes et quelle était la portée --

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Demandons-lui s'il connaît la

27 portée, ce qu'il sait en tous les cas. Je pense que j'ai été très clair, je

28 suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas simplement poser des questions,

Page 1987

1 et je voudrais qu'on reparte exactement là où nous avons commencé.

2 La question était en fait "ces systèmes d'armes". Donc nous allons

3 nous limiter aux systèmes d'armes sur lesquels le témoin a déposé, et à ce

4 moment-là nous pourrons lui demander s'il a des détails supplémentaires à

5 nous donner concernant ces systèmes d'armes, pour savoir s'il y a des

6 variations du point de vue de la précision, et je pense que ses

7 connaissances et son expérience professionnelle que peut avoir le témoin à

8 ce sujet -- a-t-il des connaissances à ce sujet, il nous le dira.

9 Et voir dans quelle mesure ceci se trouve juste à la limite ou en

10 dehors d'une déposition sur les faits ou d'une déposition d'experts, nous

11 pouvons l'examiner. Mais pour le moment, Monsieur Tieger, vous êtes invité

12 à vous centrer sur ces types de questions qui éviteraient les

13 préoccupations tout à fait légitimes de Me Kehoe.

14 M. TIEGER : [interprétation] Je me rends bien compte de cela, et c'est ce

15 que je ferai, Monsieur le Président. Toutefois, je ne suis pas en train de

16 discuter la décision prise par la Chambre, je voulais simplement clarifier

17 un aspect, et c'est le suivant. Je pense que le témoin a l'information qui

18 convient de façon à être à même d'aider les membres de la Chambre en leur

19 disant ce qu'il a observé et quelles conclusions on pouvait tirer de cela.

20 Il se peut que ma question semble un peu large. Je vais essayer de la

21 centrer sur ses observations, notamment en ce qui concernait les quartiers

22 qu'il a observés les 4 et 5 août pour ce qui était des tirs qui ont été

23 corrigés. C'était un contexte précis plutôt qu'un contexte très large sur

24 lequel il aurait pu répondre --

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

26 M. TIEGER : [interprétation] -- pour une série de responsabilités

27 hypothétiques.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Néanmoins, ceci est une partie du récit,

Page 1988

1 Monsieur Tieger; c'est-à-dire, nous parlons de tirs corrigés ou ajustés. En

2 même temps, il se peut qu'il y ait une différence à partir de quel système

3 d'armes des obus ont été tirés pour voir si oui ou non ceci permet de tirer

4 des conclusions.

5 Veuillez poursuivre.

6 M. TIEGER : [interprétation]

7 Q. Vous avez, Monsieur, entendu une partie de cette discussion, vous avez

8 pu constater que ce qui nous intéresse, c'est de savoir quelles étaient les

9 armes utilisées dans le cadre de l'attaque sur Knin le 4 et le 5 août. Quel

10 était leur degré de précision ?

11 R. Que je sache, je peux le dire parce que j'ai des années d'expérience de

12 ce genre de tirs, j'ai l'habitude de les entendre. La plupart des obus que

13 j'ai entendus étaient des obus de calibre moyen. Comme je l'ai dit, je n'ai

14 pas vu de canons d'où on tirait ces obus puisqu'ils étaient en dehors de

15 notre champ de vision et ils y sont restés.

16 Quand on regardait l'armée croate avancer sur Knin, vous aviez toutes

17 sortes d'obusiers de 122-millimètres, des canons D33 qui sont passés juste

18 à côté de notre quartier général. Si vous voulez, je peux essayer de faire

19 un effort de mémorisation. C'était les systèmes d'armes que l'armée croate

20 a encore aujourd'hui et qui sont bien connus.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas nous.

22 M. KEHOE : [interprétation] A nous non plus, Monsieur le Président,

23 et M. Munkelien, apparemment, ne le savait même pas, lui non plus. Je parle

24 du témoin de l'autre jour.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est un commentaire, Monsieur Kehoe ?

26 M. KEHOE : [interprétation] Oui. Je vous prie de bien vouloir l'enlever.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

28 Monsieur Tieger, est-ce que vous pouvez demander au témoin ce qu'il sait et

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1 ce que nous ne savons pas ?

2 M. TIEGER : [interprétation] Oui.

3 Q. Monsieur le Général, les Juges souhaitent savoir quels étaient les

4 systèmes d'armes qui, d'après ce que vous avez compris, étaient disponibles

5 à l'époque et utilisés le 4 et le 5 ?

6 M. KEHOE : [interprétation] On lui demande de dire d'"après ses

7 connaissances." Je ne pense pas que c'est de cela que l'on parle.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez, quand on sait quelque chose,

9 c'est souvent sur la base de la façon dont on comprend quelque chose. Je

10 pense qu'il faudrait vraiment écouter le fond de la question. Ce n'est pas

11 vraiment la formule qui est tellement importante. Si je comprends quelque

12 chose, je peux aussi expliquer les raisons de mon raisonnement et je peux

13 l'expliquer. Souvent, ce sont justement ces explications qui nous

14 intéressent, nous les Juges.

15 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Tieger.

16 M. TIEGER : [interprétation]

17 Q. Je vais commencer par le début. Est-ce que vous saviez quelles étaient

18 les armes dont disposait l'armée croate ? D'après ce que l'ONU vous a dit,

19 est-ce que vous l'avez vu ailleurs ?

20 R. On nous a dit que l'armée croate avait certaines armes, que j'ai pu

21 voir, moi personnellement, tout au long de la zone de la séparation.

22 C'étaient les mortiers de poids moyen, à peu près de 82-millimètres de

23 diamètre; ensuite les canons de 122 et 130-millimètres; ensuite des canons

24 de 152, ainsi que toute une série de lance-roquettes différents.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin parle des deux côtés, et je

26 pense qu'il faudrait clarifier de quoi il s'agit.

27 M. TIEGER : [interprétation]

28 Q. Mon Général, dans votre réponse vous avez parlé des "deux côtés." S'il

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1 existe des armes et qu'elles n'existaient que d'un côté, qu'elles étaient

2 disponibles seulement pour les uns et pas pour les autres, est-ce que vous

3 pourriez le dire, parce que nous souhaitons connaître les systèmes d'armes

4 qui existaient du côté croate.

5 R. Les Croates avaient tout cela, d'après ce que je sais.

6 Q. Quand vous parlez de toute une série de lance-roquettes différents,

7 est-ce qu'il s'agit de lance-roquettes multiples ?

8 R. Oui.

9 Q. On va revenir sur les armes dont vous avez parlé. Pourriez-vous nous

10 dire quelle est la variation et la précision, et l'objectif général de ces

11 lance-roquettes multiples ?

12 R. Les lance-roquettes multiples sont des systèmes de roquettes qui ne

13 sont pas très précis, donc leur utilité est dans la quantité. C'est-à-dire

14 qu'on va lancer plusieurs roquettes et ensuite couvrir une zone d'un

15 diamètre d'à peu près 400 mètres vers la gauche et vers la droite à partir

16 de la ligne cible, et puis en profondeur de 200 ou 300 mètres.

17 Q. Au cours de votre déposition, vous avez parlé des armes aériens. Est-ce

18 que vous pouvez nous donner d'autres exemples de systèmes d'armes qui

19 existaient et que vous avez énumérés ?

20 R. Il s'agit là de systèmes de feu indirect et ils ne sont pas vraiment

21 très sophistiqués. La précision dépendait de la portée et de la quantité de

22 munition utilisée. Par exemple, si vous tirez avec cette arme sur une

23 distance de 400 mètres, cela va être une arme assez précise. Si vous tirez

24 avec cette arme sur une distance de 400 mètres, il va y avoir une déviation

25 qui va dévier par rapport à votre cible, par rapport au premier tir, et qui

26 va être considérée comme acceptable. Il s'agit d'une déviation de 400

27 mètres à peu près.

28 Q. En ce qui concerne les cibles militaires légitimes que vous avez

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1 identifiées à Knin le 4 août, est-ce que vous avez remarqué qu'on a fait

2 l'effort de tirer uniquement sur ces cibles-là ?

3 R. Effectivement, j'ai vu qu'on a tiré sur ces cibles, et on avait

4 l'impression qu'il s'agissait là d'un effort exclusif où il s'agissait de

5 tirer uniquement sur ces cibles-là.

6 Q. Avec cette procédure de tirs corrigée que vous avez évoquée ?

7 R. Oui.

8 Q. Qu'en est-il du pilonnage généralisé que vous avez pu observer ?

9 R. Entre 5 et 7 heures du matin le 4 et le 5 août, vous avez eu des tirs

10 qui venaient de partout, et apparemment il n'y avait pas vraiment

11 d'objectifs précis; en tout cas, je ne les ai pas remarqués au cours de

12 cette période-là. Ensuite, à partir de 7 heures, quand le feu s'est arrêté,

13 à ce moment-là il a commencé à y avoir des cibles plus précises qui

14 relevaient souvent des cibles militaires, des objectifs militaires

15 légitimes, mais la grande majorité des cibles ne l'était pas.

16 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres

17 questions.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai quelques questions à vous poser,

19 mais avant cela, je vais laisser la parole à Mme le Juge Gwaunza, qui a des

20 questions à poser elle aussi.

21 Questions de la Cour :

22 Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Monsieur Leslie, vous avez

23 répondu à une question de M. Tieger en disant que la nuit du 4 on a entendu

24 détonation des explosions sporadiques. Etait-il possible de déterminer s'il

25 s'agissait des explosions qui n'avaient pas de cibles ou d'objectifs

26 précis, ou bien qu'il s'agissait là des explosions et des tirs ciblés ?

27 R. Non, nous n'étions pas en mesure de le déterminer puisque nous

28 n'avions pas des moyens d'observation de nuit, et de toute façon, cette

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1 détonation était à l'extérieur de mon champ de vision.

2 Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Vous avez parlé des gens blessés

3 graves que vous alliez chercher à l'hôpital pour les amener dans la base.

4 Etait-ce la même base militaire que celle qui a été barricadée par un char

5 ?

6 R. Oui, effectivement.

7 Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Est-ce que vous pensez que cela a

8 empêché à ce que l'on vienne en aide à ces gens-là ?

9 R. Non, je ne pense pas. Je pense que ces gens avaient bénéficié des soins

10 médicaux corrects de la part de l'unité médicale tchèque, qui ont fait du

11 bon travail en soignant ces gens. Si vous voulez, ils avaient accès à

12 l'unité 2, ce qui veut dire qu'ils peuvent procéder aux opérations de

13 chirurgie quand il s'agit de vie menacée, mais rien de plus compliqué que

14 cela. Cela étant dit, je ne pourrais vous donner une réponse plus complète

15 puisque je ne suis pas un spécialiste de médecine.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez répondu à beaucoup de

17 questions au sujet du pilonnage de la ville de Knin, des impacts, et

18 cetera, et on ne vous a jamais demandé si vous saviez ou si vous avez pu

19 conclure qui tirait ces obus, quelle partie au conflit.

20 R. Je n'ai jamais vu le point de départ d'aucun système de feux indirects

21 qui ont été lancés entre le 4 et le 5 août. Donc je parle à partir de

22 l'hypothèse, comme de nombreuses autres personnes, que ces feux venaient de

23 l'armée croate qui attaquait. C'est une supposition. Nous les avons vus

24 arriver. Cela étant dit, je ne les ai pas vus tirer sur Knin.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez pu remarquer quoi

26 que ce soit qui serait contraire à l'hypothèse que vous venez d'avancer ?

27 R. Non.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que vous avez vu des corps

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1 sans vie quand vous partiez en direction de l'hôpital. Est-ce que vous avez

2 pu remarquer quoi que ce soit au sujet de ces gens, pour nous aider à

3 déterminer s'il s'agissait des civils ou des militaires ?

4 R. Oui.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous expliquer de quoi il

6 s'agit.

7 R. C'était il y a longtemps, mais je pense qu'il y avait quelques enfants

8 qui étaient morts -- en tout cas, de très jeunes personnes. Vous aviez

9 aussi des femmes qui portaient des jupes. Ensuite, vous aviez des hommes en

10 âge de combattre qui portaient cet uniforme très particulier que les

11 militaires serbes portaient à l'époque. Il y avait aussi des vieillards. Si

12 vous voulez, de toute façon c'étaient des scènes difficiles à regarder,

13 sans forme, avec de temps en temps une jambe ou un bras qui sortait du tas.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous n'êtes pas en mesure d'être

15 plus précis que cela ?

16 R. Non.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous avez parlé des soldats qui

18 étaient sur des palettes en bois, sur des tracteurs. Vous avez dit que

19 vous les avez vus côte à côte avec les femmes et les vieillards. Est-ce que

20 vous pouvez être plus précis ? Comment pouvez-vous être sûr qu'il

21 s'agissait là des soldats ?

22 R. Oui, effectivement. A partir de l'après-midi du 4, c'étaient les

23 soldats serbes, et cela a commencé lentement, il s'agissait d'une colonne

24 de véhicules. Mais au bout de quelques heures, c'était une véritable

25 colonne où vous aviez des camions avec deux ou trois soldats, cinq ou six

26 femmes, des enfants; ensuite, un tracteur qui suivait, auquel était attelé

27 d'autres remorques avec des soldats, les femmes et des enfants. Enfin,

28 c'était un mélange complètement chaotique des gens qui passaient par le QG

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1 du secteur sud.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Témoin.

3 Nous allons prendre une pause avant que les conseils de la Défense ne

4 commencent leur contre-interrogatoire. Nous allons reprendre nos travaux à

5 1 heure moins 20.

6 --- L'audience est suspendue à 12 heures 20.

7 --- L'audience est reprise à 12 heures 45.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, est-ce que c'est vous

9 qui allez commencer ?

10 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Leslie, maintenant c'est M.

12 Kehoe qui va procéder à son contre-interrogatoire, il est le conseil de la

13 Défense de M. Gotovina.

14 Vous pouvez continuer.

15 M. KEHOE : [interprétation] Je vous remercie.

16 Contre-interrogatoire par M. Kehoe :

17 Q. [interprétation] Bonjour, Général. Général, vous avez dit que vous avez

18 fait une sortie de votre base le 4 à 6 heures du matin, à peu près. Est-ce

19 exact ?

20 R. Oui.

21 M. KEHOE : [interprétation] Je vais demander que l'on présente la pièce 65

22 ter 4769.

23 Q. On attend, même si vous avez l'impression qu'on ne va pas très vite,

24 j'essaie de laisser les interprètes faire leur travail.

25 M. KEHOE : [interprétation] Pourriez-vous agrandir la deuxième moitié de la

26 carte.

27 Q. Mon Général, sur cette carte on peut voir Knin, et vous allez voir sur

28 la droite, on voit la base des Nations Unies.

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1 Avec l'aide de l'huissier, je vais vous demander d'annoter cette carte en

2 nous montrant quelle était la route que vous avez prise quand vous êtes

3 sorti le 4 août à 6 heures du matin de la base.

4 R. Je ne saurais préciser quand, à l'heure exacte, mais j'ai dit qu'il

5 était à peu près 6 heures du matin.

6 Q. Vous avez marqué avec un feutre bleu la route qui va de la base vers la

7 route principale, et ensuite vous avez fait demi-tour ?

8 R. Oui, effectivement, c'est cela.

9 Q. Combien de temps cela a-t-il duré ?

10 R. A peu près une quinzaine de minutes, pas plus.

11 Q. Est-ce que vous étiez avec quelqu'un ?

12 R. Oui, c'était un véhicule jordanien, avec le chauffeur et un membre de

13 l'équipe jordanienne.

14 Q. Est-ce que vous vous souvenez de leurs noms ?

15 R. Non, malheureusement, non.

16 Q. Vous nous avez dit pourtant que vous êtes allé chercher certains

17 employés de la police civile des Nations Unies ?

18 R. Oui, j'ai participé à cela. Ce n'était pas moi qui essayais d'aller les

19 chercher. C'étaient les véhicules jordaniens qui y allaient, tout cela

20 était organisé par la police civile, à l'entrée principale il y a eu un

21 petit de confusion; comme j'étais là et que je pouvais y aller, j'y suis

22 allé.

23 Q. Cela se trouve à quelle distance par rapport à la base ?

24 R. A vol d'oiseau, à peu près 1 000 mètres.

25 Q. Vous dites que les gens dans ce blindé de transport de troupes

26 jordanien ne savaient pas où cela se trouvait ?

27 R. Oui, c'est exact, en tout cas c'est ce qu'ils ont dit et c'est ce que

28 j'ai cru comprendre.

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1 Q. Vous deviez aller chercher qui là-bas ?

2 R. Des gens de la police civile des Nations Unies. Finalement ce n'est pas

3 eux qu'on a pris, mais trois employés civils -- le jordanien qui était dans

4 l'équipe a baissé la rampe et ensuite on est revenu.

5 Q. Mon Général, qui étaient ces gens de la police civile des Nations Unies

6 que vous deviez prendre ?

7 R. Nous avions une adresse. Il y avait des gens qui étaient là-bas. Je ne

8 me souviens pas de leurs noms.

9 Q. Est-ce que vous vous souvenez quels étaient ces gens que vous avez pris

10 à la fin ?

11 R. C'était trois employés civils, je suis désolé, je ne me souviens pas de

12 leurs noms puisque cela a eu lieu il y a très longtemps.

13 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je vais demander que

14 l'on marque cela aux fins d'identification, et je voudrais verser cela au

15 dossier. Cette carte, quand elle n'est pas annotée, c'est la carte P62;

16 mais je voudrais qu'à présent ceci devienne une pièce à conviction de la

17 Défense précédée par la lettre D.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, vous n'avez pas

19 d'objection ?

20 M. TIEGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D112, Monsieur le

22 Président.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. La pièce D112 est versée au

24 dossier.

25 M. KEHOE : [interprétation]

26 Q. Mon Général, est-ce que vous vous souvenez de l'adresse ?

27 R. Non, je ne m'en souviens pas, et je ne me souviens même pas de

28 l'adresse à laquelle j'ai habité pendant cinq mois.

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1 Q. On va revenir sur une autre version de ce document 65 ter.

2 M. KEHOE : [interprétation] Je voudrais demander que l'on présente la pièce

3 4769, c'est un document 65 ter, et je voudrais qu'on nous montre une carte

4 non annotée.

5 Q. A nouveau, regardez cette carte. Monsieur, vous avez dit que plus tard

6 dans la journée vous êtes sorti à nouveau de la base ?

7 R. Oui, c'est exact.

8 Q. Vous êtes allé où ? Est-ce que vous pourriez nous le montrer sur la

9 carte ? Vous pouvez prendre le stylet et le noter.

10 R. [Le témoin s'exécute]

11 Q. A nouveau, vous avez marqué cela avec un feutre bleu, vous avez pris la

12 même route, vous êtes allé un peu plus loin, et apparemment vous avez fait

13 demi-tour à peu près au nord du "parlement" ?

14 R. Oui.

15 Q. Où est-ce que vous êtes allé ?

16 R. Nous sommes allés rencontrer l'officier de liaison serbe qui a appelé

17 mon bureau et qui voulait discuter de certains détails concernant les

18 personnes déplacées serbes -- les Serbes qui se trouvaient dans notre base.

19 Q. Comment s'appelait cette personne ?

20 R. Si vous me le permettez, je pourrais vérifier cela dans mes notes.

21 Q. Faites donc.

22 Qu'est-ce que vous regardez là, Mon Général ?

23 R. Je suis en train d'examiner la déclaration que j'ai fournie aux

24 enquêteurs de ce Tribunal en 1997 et que j'ai signée en 1999.

25 Je pense que c'était le capitaine Karlopac [phon]. C'est ce que j'ai écrit

26 en tout cas.

27 Q. Capitaine Karlopac. Cette déclaration préalable que vous avez faite en

28 1997 -- soit dit en passant, vous avez fait cette petite excursion en fin

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1 d'après-midi ou début de soirée, n'est-ce pas ?

2 R. Le soir, il faisait noir.

3 Q. Pourriez-vous nous donner les heures à peu près ?

4 R. Non, je ne peux pas.

5 Q. Vous êtes allé avec qui ?

6 R. Je suis allé avec un capitaine jordanien dans un véhicule blindé de

7 transport de troupes, il s'appelait Mohammed, et c'était mon assistant

8 militaire.

9 Q. Est-ce que vous vous souvenez de son nom de famille ?

10 R. C'était Mohammed.

11 Q. C'était son nom de famille ?

12 R. Oui.

13 Q. Mis à part ce voyage, est-ce que vous en avez fait d'autres le 4 ?

14 R. Vous voulez dire dans un véhicule ?

15 Q. Oui, dans un véhicule pour destination Knin.

16 R. C'est surtout le voyage que j'ai fait dans une voiture.

17 Q. Qu'en est-il des sorties qui n'étaient pas celles effectuées dans un

18 véhicule ?

19 R. J'ai fait quelques allées jusqu'à la porte principale et au-delà, cela

20 faisait partie d'une tournée sans fin, le cycle des activités auxquelles

21 j'ai participé pendant toute la journée du 4, où il s'agissait d'aller

22 vérifier ce qui se passe à la porte d'entrée, vérifier comment se passe le

23 plan de retrait, et cetera, mais je ne suis pas allé au-delà de la porte du

24 porche.

25 Q. Vous faisiez des allées et des venues pour aller voir quelle est la

26 situation au niveau du porche, de la base. Les deux voyages que vous avez

27 faits, c'étaient des voyages dans les véhicules, ce que vous venez de

28 décrire ?

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1 R. Oui.

2 Q. Dans ces deux véhicules, vous étiez à l'arrière, n'est-ce pas ?

3 R. Oui, effectivement, à l'arrière du blindé.

4 Q. Pendant cette période, est-ce que vous avez remarqué des pilonnages

5 alors que vous étiez à l'arrière du blindé ?

6 R. Oui, le haut du blindé était ouvert et je pouvais entendre des obus.

7 C'est vrai que moi-même je n'ai pas vu à proximité de là où j'étais, par là

8 où j'ai passé, je n'ai pas vu des explosions.

9 Q. Vous avez dit au bureau du Procureur, en 1997, que vous avez vu

10 personnellement des obus tomber à trois occasions pendant vos voyages à

11 Knin; est-ce exact ?

12 R. [aucune interprétation]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe.

14 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Que signifie "avoir vu personnellement" ou

17 "avoir été le témoin" de quelque chose ? Si j'entends les explosions

18 d'obus à proximité, si j'entends une détonation à proximité du véhicule, je

19 dirais que j'ai été le témoin de cela.

20 M. KEHOE : [interprétation]

21 Q. Mon Général, vous avez dit au bureau du Procureur --

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, faites une pause, s'il

23 vous plaît. A chaque fois que vous avez une question et une réponse, il

24 faut absolument faire une pause. Monsieur Leslie, il en va de même pour

25 vous, essayer d'observer la même règle.

26 M. KEHOE : [interprétation] Oui, effectivement, je vais faire des pauses.

27 Je présente mes excuses aux interprètes.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne peux pas suivre la traduction en

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1 B/C/S. J'écoute l'interprétation en français d'habitude et s'il y a un

2 problème là-bas, il y en a probablement avec le B/C/S aussi, mais bon. Vous

3 pouvez poursuivre.

4 M. KEHOE : [interprétation]

5 Q. Mon Général, quand vous avez dit au bureau du Procureur, dans la

6 déclaration -- enfin, la déclaration que vous avez faite en 1997, vous

7 l'avez dictée, n'est-ce pas ?

8 R. En partie, oui, parce qu'il y avait aussi des gens qui prenaient des

9 notes. Je ne me souviens pas de leurs noms, je ne me souviens pas du nom de

10 l'enquêteur qui était là. Ensuite, on a pris la déclaration et on me l'a

11 faite parvenir deux années plus tard et c'est à ce moment-là que je l'ai

12 signée.

13 Q. Mais vous l'avez lue avant de la signer ?

14 R. Oui, effectivement, et peut-être que je n'ai pas avec suffisamment

15 d'attention.

16 Q. Monsieur, quand vous avez été interviewé en 1997, les événements qui se

17 sont produits en 1995, ils étaient beaucoup plus frais dans votre mémoire,

18 et vous avez signé cela en 1999 ?

19 R. [aucune interprétation]

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là c'est une question qui est

21 complètement superflue. On sait très bien comment va la chronologie, on

22 sait très bien que 2000 c'est plus tard que 1998. Tout le monde le sait.

23 M. KEHOE : [interprétation] Comme dit mon collègue, M. Kay, nous sommes le

24 produit des systèmes qui nous ont formés et c'est un des points faibles,

25 mais je vais essayer de les changer.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout le monde le fait, mais il faut

27 s'adapter à une situation nouvelle.

28 M. KEHOE : [interprétation]

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1 Q. Général, vous avez dit, en 1997, que vous étiez témoin lors de ces

2 trois occasions pendant le déplacement dans Knin, vous étiez témoin du

3 pilonnage; vous l'avez pas dit ?

4 R. Si, mais comme je l'avais déjà signalé dans ma déposition précédemment,

5 rarement ai-je eu l'occasion de voir l'endroit où il y a eu la détonation.

6 Pour la grande majorité des obus, c'était soit oralement soit parce qu'il y

7 avait des volutes ou des colonnes de fumée et il y avait du bris de vitre.

8 Q. Mais vous avez également expliqué au bureau du Procureur, lorsque vous

9 avez fait cette déclaration, que vous n'avez jamais fait ces trois

10 déplacements dans Knin pendant les pilonnages.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez répondre à présent.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur, je souhaite ajouter que cette

13 déposition que j'ai faite en 1995 avait été prise et elle m'a été renvoyée.

14 Il y avait quelques inexactitudes dans ce témoignage et je suis plus que

15 prêt à admettre que cela existe, qu'il y a lieu de reformuler certaines

16 choses. Je n'ai pas prêté suffisamment attention à l'époque lorsque je l'ai

17 signée deux années plus tard.

18 Je pense qu'à l'époque, j'ai pensé que l'un de ces déplacements et en

19 particulier, le déplacement dans la soirée du 4, s'est déroulé lorsqu'il

20 n'y avait pratiquement pas de mortier et certainement pas le long de notre

21 route.

22 M. KEHOE : [interprétation]

23 Q. Aujourd'hui, vous avez dit que vous vous êtes déplacé à deux

24 occasions à bord de véhicule, déplacé à l'extérieur; et dans la déclaration

25 de 1997, vous dites que vous êtes sorti par trois fois. Je vais vous

26 demander maintenant de vérifier ce qu'il en est de la pièce P84.

27 M. KEHOE : [interprétation] Nous pouvons l'afficher à l'écran.

28 Avant de faire cela, est-ce que je peux demander le versement de la

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1 carte ? Maître Misetic me dit que je ne l'ai pas fait.

2 M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que je peux savoir de quelle page il

3 s'agit pour la déclaration de 1997 ?

4 M. KEHOE : [interprétation] 00884726.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez tout d'abord demandé le

6 versement de la photographie aérienne et des marquages, c'est la deuxième

7 photographie aérienne annotée.

8 Monsieur Tieger, vous pourriez nous dire si vous avez une objection ?

9 M. TIEGER : [interprétation] Non, pas d'objection.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous aurons quelle cote ?

11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D113.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pièce D113 est versée au dossier.

13 Maître Kehoe, veuillez poursuivre.

14 M. KEHOE : [interprétation] Juste pour que ce soit tout à fait précis,

15 c'est le premier paragraphe complet sur cette page, c'est à peu près la

16 septième ligne, pour que la référence soit précise.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai la référence.

18 M. KEHOE : [interprétation] Je sais que vous l'avez.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Veuillez m'en excuser.

20 M. KEHOE : [interprétation]

21 Q. C'est le document qui a été versé au dossier -- juste un point sur la

22 première page. C'est quelque chose qui a été rédigé plusieurs jours après

23 que vous seriez entré en fonction en tant que chef de l'état-major de

24 l'UNCRO à Zagreb, n'est-ce pas ?

25 R. C'est exact.

26 Q. Et, bien entendu, permettez-moi d'aller un peu plus en avant sur cette

27 page.

28 M. KEHOE : [interprétation] Paragraphe premier.

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1 Q. Quatrième ligne, on voit : "Je suis arrivé à Knin le 1er mars 1995 et

2 j'y suis reparti le 7 août 1995."

3 Vous voyez cela, Monsieur ?

4 R. Oui, je le vois.

5 Q. Cette conversation que vous avez eue, me semble-t-il, avec le capitaine

6 de la marine Lukovic, le 9 août; vous vous en souvenez ?

7 R. Je me souviens de cette conversation parce que le capitaine de la

8 marine est l'officier qui m'a conduit du QG du secteur sud à la côte; et si

9 j'ai fait une erreur de date, je vous prie de m'en excuser.

10 Q. C'est le 7 août que vous avez quitté Knin; c'est exact ?

11 R. Il faudrait que je vérifie dans mes notes et dans les documents. Oui,

12 c'est ce que je pense, le 7 août.

13 M. KEHOE : [interprétation] Voyons maintenant la deuxième page de ce

14 document, le paragraphe 3.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le paragraphe 3 à la page 2. Ceci prête

16 à confusion un petit peu. Juste pour le compte rendu d'audience, je tenais

17 à préciser cela.

18 M. KEHOE : [interprétation] Oui, je vous remercie.

19 Paragraphe 3, est-ce que l'on peut l'agrandir, s'il vous plaît ?

20 Q. Ce paragraphe, Mon Général, précise comment vous vous êtes déplacé vers

21 l'hôpital le 5 août, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Voyons maintenant ce qu'il en est du paragraphe 2 en remontant, cela

24 commence en bas de la première page puis continue page 2.

25 M. KEHOE : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant passer

26 à la page suivante, après avoir vu cette page, Monsieur le Greffier.

27 Q. Mon Général, si on examine ce paragraphe, il y est question des

28 événements qui se sont produits le 4 août, et il y est question d'une

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1 tentative lancée par certains individus qui se trouvaient dans le secteur

2 sud des Nations Unies, d'amener des employés des Nations Unies ?

3 R. Oui.

4 Q. Est-ce que vous abordez dans ce paragraphe le fait que vous êtes sorti

5 le 4 août pour aider à retrouver et évacuer le personnel ?

6 R. Vous avez raison.

7 Q. Il est question de M. Dawes ?

8 R. Oui.

9 Q. Et d'une autre personne qui était chargée de la sécurité pour le

10 secteur sud et c'était M. Dreyer, n'est-ce pas ?

11 R. Oui, tout à fait. Les deux ont fait un travail excellent parce qu'ils

12 se sont trouvés à l'extérieur tout le temps, comme j'en parle dans mon

13 rapport.

14 Q. Mais vous, vous n'êtes pas mentionné, n'est-ce pas ?

15 R. Mais pourquoi est-ce que je l'aurais fait ?

16 Q. Est-ce qu'il y a une mention de vous ?

17 R. Non, je n'ai pas parlé de moi.

18 Q. Général, remontons maintenant à un autre exemplaire de la pièce 65 ter

19 4769.

20 En attendant, Mon Général, s'agissant de ce premier déplacement que

21 vous auriez fait d'après vous dans Knin à un moment donné après 6 heures du

22 matin, est-ce que vous pouvez situer ça mieux dans le temps ?

23 R. Non.

24 Q. Vous avez un témoin qui pourrait corroborer le fait que vous avez fait

25 ce déplacement; vous en avez, ne serait-ce qu'un seul, et si oui, qui ?

26 R. Je suppose que l'équipage de la blindée jordanien, qu'il y avait

27 nécessairement quelqu'un à la porte principale, même si c'était

28 terriblement chaotique, quelqu'un a vu ce qui était en train de se passer

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1 et qui a une idée de la suite des événements. Il y avait des dizaines de

2 véhicules qui quittaient la base toutes les quinze à vingt minutes, qui

3 allaient chercher des gens.

4 J'attends votre question, Monsieur.

5 Q. Excusez-moi. Mon Général, pourriez-vous nous citer ne serait-ce que le

6 nom d'une seule personne qui pourrait corroborer votre version des faits ?

7 R. Non. Non, mais plus que pour mon déplacement vers l'hôpital. Il n'y a

8 pas un seul nom qui me viendrait à l'esprit là, sur-le-champ.

9 Q. Très bien, merci.

10 M. KEHOE : [interprétation] Revenons maintenant à la pièce 65 ter 4769;

11 est-ce que nous pouvons agrandir la zone de la base, s'il vous plaît, c'est

12 la moitié intérieure.

13 Q. Mon Général, vous avez dit que de manière analogue, à un moment donné

14 dans la journée du 4, vous êtes sorti hors de la base dans ses parages de

15 la base et qu'il y a eu là une certaine activité eu égard aux cadavres ?

16 R. Le 4 ou le 5 ?

17 Q. Je pourrais peut-être reprendre le compte rendu d'audience, mais si ma

18 mémoire ne me trompe pas, ce matin vous avez dit, dans le cadre de votre

19 déposition, que c'était le 4 pendant l'un de vos déplacements qui ne sont

20 pas déroulés à bord d'un véhicule. Mais je pourrais retrouver ça, un

21 instant.

22 R. Je vous remercie.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Page 18 [comme interprété], ligne 4 pour

24 ce qui est des déplacements qui n'étaient pas à bord de véhicules.

25 M. KEHOE : [interprétation] 32,11, si vous le voulez bien. Est-ce que vous

26 pourriez juste faire défiler un petit peu pour que je puisse replacer cela

27 dans le contexte.

28 M. KEHOE : [interprétation] 32, 1, si vous voulez bien. Est-ce que vous

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1 pourrez commencer là pour replacer vos propos dans le contexte. La question

2 portait sur les sorties du 4, et je lis la ligne suivante : "Quelquefois à

3 bord de véhicules, quelquefois à pied. A bord de véhicules, c'était peu

4 après 6 heures, pendant très peu de temps, c'était une situation de chaos

5 contrôlé, c'était à la porte principale."

6 R. C'est exact. La porte principale --

7 Q. Général, permettez-moi de terminer.

8 R. Je vous en prie.

9 Q. Je me contente de donner lecture du compte rendu d'audience pour que je

10 puisse vous poser la question. Je poursuis la citation :

11 "Il y a eu quelques questions avec la CIVPOL des Nations Unies. Ils

12 n'étaient pas nécessairement sur la même liste de rappel que le personnel

13 civil des Nations Unies du secteur sud et on cherchait quelqu'un qui savait

14 où la rue était près de la voie de garage. Donc j'ai pris un véhicule. Ce

15 déplacement a duré 15 minutes. Il n'y avait rien d'important à signaler.

16 Ramassé trois personnes, aucun membre de la CIVPOL.

17 Le deuxième déplacement, c'était à un moment pendant la journée. Il y

18 avait des cadavres à l'extérieur sur la droite, et quelques personnes

19 souhaitaient enquêter là-dessus, les placer dans des housses. Donc je suis

20 sorti pour mettre fin à cela."

21 C'est à cet incident que je me réfère, et j'aimerais que vous nous situiez

22 ça sur la carte qui s'affiche à l'écran.

23 M. KEHOE : [interprétation] Un moment, s'il vous plaît.

24 Q. Mon Général, c'est le 4 ou le 5 qu'a eu lieu ce déplacement ?

25 R. Monsieur, je ne m'en souviens pas.

26 Q. Si vous voulez bien vous servir de cette carte qui s'affiche à l'écran,

27 de nouveau de la même manière que nous avons adoptée pour procéder

28 précédemment, est-ce que vous pouvez nous indiquer où étaient situés ces

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1 cadavres ? Montrez-nous cette route.

2 R. Ce n'était pas un déplacement très long.

3 Q. Je vous comprends.

4 R. D'accord, au mieux de mes souvenirs. Je dois dire qu'il y avait des

5 soldats là qui étaient en train d'essayer de placer des cadavres dans des

6 housses. Je pensais que ceci leur faisait courir un risque qui n'était pas

7 nécessaire et donc je les ai ramenés, et je n'ai pas de mérite particulier

8 à avoir fait cela.

9 Q. Mais qui était avec vous à ce moment-là ?

10 R. Je pense que l'un des capitaines canadiens était avec moi, mais je ne

11 suis pas tout à fait certain, le capitaine Berikoff. Il faudrait lui poser

12 la question cependant. C'était il y a 12 années. Beaucoup d'événements se

13 sont produits en très peu de temps. Il faudra me pardonner.

14 Q. Monsieur, avant de venir ici, je suppose que vous avez relu vos cinq

15 déclarations que vous avez données au bureau du Procureur ?

16 R. Oui, j'ai fait cela.

17 Q. Et ceci vous a permis de rafraîchir votre mémoire sur les circonstances

18 de ces événements, n'est-ce pas ?

19 R. Si, c'est vrai.

20 Q. A peu près à quel moment de la journée est-ce que cela s'est passé ?

21 R. C'était au cours de la matinée, mais je suis désolé, je ne me souviens

22 pas du moment précis.

23 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'on peut avoir

24 une cote D pour verser cela au dossier.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Pas d'objection ?

26 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D114.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D114 est versée au dossier.

2 M. KEHOE : [interprétation] Je voudrais une autre version à présent de la

3 pièce 65 ter 4769. Est-ce qu'on peut l'afficher à l'écran ?

4 Monsieur Monkhouse, pourrions-nous simplement avoir une image un peu plus

5 agrandie de cela, s'il vous plaît. Non, excusez-moi, je voulais dire dans

6 l'autre sens.

7 Q. Alors, Général, le 5, vous avez noté que vous étiez allé à l'hôpital ?

8 R. C'est exact.

9 Q. Approximativement quelle heure ?

10 R. Approximativement 9 heures.

11 Q. Et approximativement, quelle heure est-ce que ce médecin serbe est venu

12 à la porte ?

13 R. Je n'étais pas là lorsqu'il est arrivé. J'ai su qu'il y avait cette

14 question entre 7 et 8 heures, à un moment donné.

15 Q. Donc il serait juste de dire qu'il était là avant cela ?

16 R. Oui.

17 Q. Là encore, si l'on pouvait utiliser cette carte, et si vous prenez le

18 stylet pour indiquer pour nous quel est l'itinéraire que vous avez suivi à

19 l'aller et au retour.

20 R. [Le témoin s'exécute]

21 Q. Vous avez pris le même itinéraire ?

22 R. Oui.

23 Q. Qui était avec vous lorsque vous y êtes allé ?

24 R. Nous avions le médecin serbe dont je ne me rappelle pas le nom. Avec

25 nous aussi, deux transports de personnel blindés M-113, deux transports de

26 personnel APC jordaniens, et deux transports de personnel tchèques blindés.

27 Q. Est-ce que vous savez le nom des personnes qui étaient avec vous ?

28 R. Oui, effectivement. Le sergent Marcotte était un sergent canadien qui

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1 m'a accompagné dans cette séquence d'événements et il a d'ailleurs obtenu

2 la médaille du mérite.

3 Q. Et qui d'autre ?

4 R. Les noms des soldats canadiens, on recherche un petit peu, je pourrai

5 certainement vous les fournir. Je ne me rappelle pas les noms des équipages

6 jordaniens qui, bien sûr, ne parlaient pas anglais, et des équipages de

7 blindés tchèques qui ne parlaient pas anglais non plus. En fait, je ne sais

8 pas s'ils parlaient anglais ou non, mais j'ai eu très peu à voir avec eux.

9 Q. Et lorsque vous étiez plus particulièrement, je crois, dans ce convoi

10 de véhicules, à quel endroit vous trouviez-vous ?

11 R. A l'origine, j'étais dans le véhicule de tête, mais un médecin serbe

12 ensuite, qui était très brave, a pris la tête, donc je me trouvais dans le

13 premier véhicule.

14 Q. Et où vous trouviez-vous dans le véhicule ?

15 R. J'étais à l'endroit où il y a l'ouverture pour le chargement qui était

16 ouverte.

17 Q. Je reviendrai sur ces points lorsque nous reprendrons la séquence elle-

18 même. Je voudrais que nous parlions un petit peu de l'opération elle-même,

19 l'opération Tempête dont vous avez parlé ce matin.

20 M. KEHOE : [interprétation] Donnez-moi un moment, s'il vous plaît.

21 [Le conseil de la Défense se concerte]

22 M. KEHOE : [interprétation] Je crois que nous avons un problème technique

23 pour ce qui est d'aborder ce point.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ne sachant pas quelle est la nature du

25 problème, je n'ai également aucune idée de savoir si vous voulez déjà

26 poursuivre.

27 M. KEHOE : [interprétation] A vrai dire, ceci était une préface à ce que

28 nous allions examiner.

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1 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends qu'il y a eu un problème

3 d'ordinateur pour votre équipe. Y a-t-il peut-être un autre domaine dans

4 lequel vous seriez déjà préparé à poser des questions ?

5 M. KEHOE : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur le Président,

6 l'une dépendait de l'autre, donc malheureusement --

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

8 M. KEHOE : [interprétation] -- la difficulté est là.

9 [Le conseil de la Défense se concerte]

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut que nous attendions un moment

11 jusqu'à ce qu'un technicien puisse repérer et résoudre le problème.

12 M. KEHOE : [interprétation] Je crois que ça redémarre, Monsieur le

13 Président.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que j'ai bien compris que le

15 système avait redémarré ?

16 M. KEHOE : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que vous pourriez nous donner

18 une indication pour savoir combien de temps ça va prendre encore --

19 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

21 M. TIEGER : [interprétation] Je me demande s'il ne serait pas possible

22 simplement d'utiliser une copie papier dans l'intervalle.

23 M. KEHOE : [interprétation] Ce serait bien si on en avait une, mais le

24 problème c'est que --

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bon. Alors nous y sommes, d'après

26 ce que je comprends.

27 M. KEHOE : [interprétation] Avant que nous n'abordions cet aspect, je

28 voudrais que l'on puisse passer de l'écran au dossier, au versement comme

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1 élément de preuve, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Il s'agit de l'itinéraire suivi

3 pour aller à l'hôpital et en revenir. Pas d'objection, Monsieur Tieger ?

4 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors, Monsieur le Greffier ?

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, ça devient la pièce D115.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D115 est admis au dossier comme élément

8 de preuve.

9 Veuillez poursuivre.

10 M. KEHOE : [interprétation]

11 Q. Général, avant que nous ne passions à ce point-ci, pourriez-vous me

12 donner l'orthographe précise ?

13 R. M-A-R-C-O-T-T-E, et sous réserve, des détails de contact que je vous

14 donnerai demain matin.

15 Q. Je vous remercie. Je vous serais reconnaissant.

16 R. Absolument.

17 Q. Maintenant, Général, je voudrais que l'on puisse présenter cette

18 séquence ID 170388, et c'est une séquence audio de "CBC News."

19 [Diffusion de la cassette audio]

20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

21 "Les officiers de la -- le commandant Andrew Leslie quitte

22 l'Afghanistan et commandera les forces canadiennes. Il a dit qu'il n'avait

23 jamais pensé que l'armée croate avait mené l'opération Tempête seule.

24 Andrew Leslie : 'Il fallait que ce soit par des gens qui, vraiment,

25 faisaient ça seuls, et je ne peux pas voir comment ils auraient pu faire ça

26 en tant qu'experts eux-mêmes.'"

27 [Fin de la diffusion de cassette audio]

28 M. KEHOE : [interprétation]

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1 Q. Mon Général, commençons par parler de cela.

2 M. KEHOE : [interprétation] Juste pour le compte rendu, il s'agit d'une

3 séquence audio CBC du 21 juillet 2003.

4 Q. Alors, Général --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez.

6 M. KEHOE : [interprétation]

7 Q. Qu'est-ce qu'il y avait de particulier concernant l'opération Tempête

8 qui vous a amené à dire qu'ils savaient vraiment ce qu'ils faisaient ?

9 R. Cette opinion s'est formée au cours des années qui ont suivi, mais il y

10 a eu un très grand nombre de conversations entre militaires de carrière

11 selon le fait qu'un contrat de service d'un certain pays spécialisé dans

12 les opérations et les activités militaires avait joué un rôle pour aider

13 les autorités croates à planifier et à exécuter l'opération Tempête. Je

14 suis le premier à reconnaître que je n'en ai pas de preuves.

15 Q. Et vous voulez parler de quel pays ?

16 R. Maître, je ne suis pas à même de vous le dire.

17 Q. Bien. Alors cette compagnie, les gens à qui vous parliez qui ont aidé

18 les Croates ?

19 R. Maître, à mon sens, en preuve véritable, ce serait de la diffamation de

20 mentionner maintenant cette compagnie.

21 Q. Bon, alors modifions un peu la question. Explorons vos commentaires sur

22 CBC et expliquez pour nous quelles connaissances spécialisées ou expertes

23 ont été utilisées pendant l'opération Tempête dont vous avez parlé dans

24 votre déclaration ?

25 R. Maître, c'était une opinion qui était basée sur un grand nombre de

26 conversations entre militaires de carrière. Il y a certains groupes qui

27 sont d'avis qu'il y a eu des militaires qui avaient des contrats pour

28 obtenir de l'aide pour le gouvernement croate, avec une synchronisation et

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1 une coordination des tirs du point de vue de la tactique, du moment et des

2 séquences.

3 Q. Bon, alors examinons la question. Ce que vous dites, c'est que

4 l'opération Tempête a été menée avec beaucoup d'expertise; c'est bien cela

5 ?

6 R. En tant que militaire de carrière, je serais d'accord avec l'idée que

7 certains éléments de l'opération Tempête ont été menés avec des

8 connaissances très expertes. Si le but était de s'assurer que la population

9 locale était enlevée de la région.

10 Q. Est-ce que c'était --

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

12 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, excusez-moi.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

14 M. KEHOE : [interprétation]

15 Q. Est-ce ce à quoi vous faisiez référence, de quoi vous parliez dans

16 cette séquence audio lorsque vous avez remarqué que ceci avait été effectué

17 avec un grand niveau d'expertise, qu'en fait ces gens savaient vraiment ce

18 qu'ils faisaient ? De quoi parliez-vous ?

19 R. Excusez-moi, Maître, mais je ne peux pas me rappeler maintenant ce que

20 je pensais alors quand j'ai fait ces commentaires il y a de nombreuses

21 années.

22 Q. Dans ce domaine, Général, parlons, si vous voulez bien, de l'opération

23 proprement dite. Vous êtes au courant, n'est-ce pas, de divers aspects de

24 la stratégie suivie dans le cadre de l'OTAN, n'est-ce pas ?

25 R. Oui, certains aspects.

26 M. KEHOE : [interprétation] Si on pouvait maintenant faire apparaître un

27 document à l'écran, ceci -- bon, avant qu'on fasse ça, on vient de me

28 rappeler que je devrais demander le versement de la séquence audio 1D17-

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1 0388 comme élément de preuve au dossier.

2 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier ?

4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ceci deviendra la

5 pièce D116.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D116 est admis comme élément de preuve

7 au dossier.

8 M. KEHOE : [interprétation] Pourrait-on maintenant présenter à l'écran la

9 pièce 1D 170100.

10 Q. Nous avons une page sur un document de deux pages. Est-ce qu'on

11 pourrait regarder la première page qui nous permet juste de savoir d'où

12 provient la page suivante, je vous donne ça comme élément de référence.

13 M. KEHOE : [interprétation] C'est tiré d'un lexique de l'OTAN avec termes

14 et définitions. Pourrions-nous aller, s'il vous plaît, à la page suivante,

15 on descend un petit peu au bas de la page, tout à fait en bas. Est-ce qu'on

16 pourrait maintenant agrandir ce qui est dit sur le centre de gravité.

17 Q. Le centre de gravité, selon la définition de l'OTAN d'un centre

18 de gravité : "Les caractéristiques, capacités ou localités à partir

19 desquelles une nation, une alliance, une force militaire ou autre groupe

20 tire sa liberté d'action, sa force matérielle ou sa volonté de combattre."

21 Est-ce que vous connaissez cela, Général ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce que ceci est une définition qui a été incluse ou incorporée dans

24 la doctrine militaire canadienne ?

25 R. Pour l'essentiel. Il y a des différences mineures, mais il n'y a pas de

26 différences importantes pour ce qui est de la portée de celle-ci.

27 Q. Cette idée du centre de gravité, si on peut neutraliser ou détruire le

28 centre de gravité de l'ennemi, ceci permettra de détruire sa cohérence, sa

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1 cohésion et sa volonté de combattre; c'est bien cela ?

2 R. Oui, pour l'essentiel.

3 Q. Passons maintenant à la Krajina et, plus particulièrement, à Knin. Knin

4 était le cœur pour les Serbes de la Krajina, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Et vous saviez, Général, que si l'armée croate pouvait s'emparer de

7 Knin, elle aurait en quelque sorte décapité les efforts des Serbes de la

8 Krajina, n'est-ce pas ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous nous avez dit plusieurs fois que vous étiez un artilleur pendant

11 la plus grande partie de votre carrière. Connaissez-vous la doctrine des

12 Etats-Unis en ce qui concerne l'ordre de bataille pour terre/air ?

13 R. Terre/air 2000 et 2004, oui.

14 Q. Et si nous pouvions -- seriez-vous fondamentalement d'accord sur ce qui

15 est énoncé dans la doctrine de combat air/terre ?

16 R. C'est un document technique compliqué et très détaillé, donc je

17 voudrais quand même subdiviser mon approbation en certaines parties avant

18 de pouvoir dire si je l'approuve.

19 Q. Je voudrais aller plus loin et probablement peut-être limiter les

20 choses, mais il y a un grand nombre de questions qui --

21 M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, mais je voulais demander que l'on

22 porte à l'écran la pièce ID170 [comme interprété].

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, qu'est-ce que nous devons

24 faire du document précédent ? Vous en avez lu l'ensemble, le centre de

25 gravité et --

26 M. KEHOE : [interprétation] Oui. Je voudrais demander que ces deux

27 documents soient déposés au dossier comme éléments de preuve.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous lisez l'ensemble, vous avez

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1 appelé notre attention là-dessus, n'est-ce pas ? Vous en avez donné

2 lecture, donc c'est au compte rendu.

3 M. KEHOE : [interprétation] C'est au compte rendu.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Néanmoins, si vous voulez aussi --

5 M. KEHOE : [interprétation] C'est juste pour que --

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objections, Monsieur Tieger ?

7 Monsieur le Greffier.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D117.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D117 est admis au dossier comme élément

10 de preuve.

11 M. KEHOE : [interprétation]

12 Q. Ce combat air/terre, vous connaissez la question des opérations de

13 combat approfondies ?

14 R. Oui.

15 Q. Qu'est-ce que c'est ?

16 R. Le but, c'est --

17 L'INTERPRÈTE : Il est demandé par la sténographie de bien vouloir ralentir.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Je vais essayer à nouveau.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter

20 votre réponse très lentement.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Personne n'a pu vous suivre.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Les opérations en profondeur sont destinées à

24 annuler la puissance de feu de l'ennemi, faire une rupture des moyens de

25 communication et d'approvisionnement, et dans certains contextes, de

26 dissocier les premier et deuxième échelons, les deuxième et troisième

27 échelons les uns des autres de façon à créer des conditions d'exploitation

28 par des forces de frappe approfondie, et la liste se poursuit. Ce n'est pas

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1 là une analyse exhaustive d'une bataille en profondeur que vous avez devant

2 vous.

3 M. KEHOE : [interprétation]

4 Q. Juste à titre de référence, Général, ce que j'ai là devant vous pour

5 les opérations en profondeur, c'est à la page 146 d'un rapport d'expert qui

6 a été déposé pour le bureau du Procureur par un Monsieur Theunens.

7 De sorte qu'il sorte qu'il s'agit d'un document qui a été présenté à

8 Chambre de première instance.

9 M. KEHOE : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait remonter un petit

10 peu le texte. Maintenant redescendre un petit peu, s'il vous plaît ?

11 Q. Si nous partons de cette phrase, au petit paragraphe I : "Un

12 combat approfondi a pour but d'annihiler la puissance de feu, de

13 désorganiser son système de commandement et de direction, détruire ses

14 approvisionnements, casser son moral. En menant des attaques simultanées en

15 profondeur, des forces armées emploient des moyens de renseignements et

16 d'acquisitions à longue portée, prennent pour objectif des éléments, il y a

17 une utilisation également de guerre électronique de ce qui est connexe à

18 cela pour trouver la situation des forces ennemies, compliquer ses

19 opérations, déterminer les effets de nos propres frappes en profondeur."

20 Donc la notion, ici, Général, c'est de faire en sorte que les combats aient

21 lieu à l'arrière des lignes de confrontation, n'est-ce pas ?

22 R. L'idée, c'est de faire pénétrer les combats de façon aussi profonde que

23 possible parmi les combattants ennemis et pas parmi les civils.

24 Q. Ma question -- est-ce que vous avez compris ma question, Général ?

25 R. Oui.

26 Q. Et la réponse à ma question, c'est de faire entrer le combat à

27 l'intérieur ou au plus profond dans le territoire par rapport à la ligne de

28 confrontation ?

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1 R. S'il vous plaît, sans vouloir donner l'impression qu'on discute trop,

2 est-ce que vous pourriez avoir -- me donner une réponse de façon -- il

3 faudrait définir contre qui on combat.

4 Q. Je vais vous poser une question concernant l'artillerie ?

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, avant que nous ne

6 commencions sur des questions d'artillerie, je regarde la pendule. Nous

7 devons finir dans les deux minutes qui suivent et si vous voulez commencer

8 avec les questions d'artillerie.

9 M. KEHOE : [interprétation] Pour l'artillerie, ce sera assez long, Monsieur

10 le Président, je veux dire, je comprends ce que vous dites.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais vous donner pour

12 instructions, Général Leslie, de ne parler à personne de votre déposition

13 tant ce que vous avez déjà dit que ce que vous allez nous dire. Je peux

14 considérer qu'il est à plus ou moins convenu qu'en essayant de trouver le

15 nom ou tout au moins le lieu où se trouve une certaine personne, à la suite

16 de la déposition faite aujourd'hui, je crois que le témoin a offert de

17 retrouver certains renseignements qui bien sûr dans des circonstances

18 normales pourraient être directement liées à votre déposition, mais le

19 simple fait de rechercher ces renseignements sans discuter plus avant de

20 votre déposition. Je comprends que les parties sont d'accord avec cela.

21 M. KEHOE : [interprétation] Ça va très bien pour la Défense.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. M. Tieger également.

23 Nous souhaitons vous revoir demain, Général Leslie, le 23 avril dans

24 l'après-midi à 2 heures et quart dans la salle d'audience numéro I.

25 Monsieur Leslie, je voudrais ajouter une chose. Vous vous êtes excusé tout

26 à l'heure de ne pas avoir une mémoire très claire des événements qui ont eu

27 lieu il y a déjà pas mal de temps. Il n'est pas nécessaire de vous excuser

28 à ce sujet. La seule chose que vous devez nous dire, c'est répondre aux

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1 questions de votre mieux; et si vous n'avez aucun souvenir il n'est pas

2 nécessaire de vous excuser. C'est un point qui est accepté, vous êtes

3 simplement prié de nous dire si vous ne vous en souvenez pas.

4 Donc même si Me Kehoe immédiatement après cela vous dit quelque chose

5 pour vous rafraîchir la mémoire, il n'y a pas d'inconvénient. Si ce que

6 vous avez vu au cours des dernières journées vous rafraîchit la mémoire,

7 tant mieux. Si ce n'est pas le cas, à ce moment-là ne vous fondez pas - à

8 moins que vous puissiez nous le dire très précisément - sur quelque chose

9 que vous avez lu au cours des récentes journées, quelque chose qui ne vous

10 était pas parvenu à l'esprit.

11 Je vais maintenant lever l'audience jusqu'à demain après-midi à 2 heures et

12 quart.

13 L'audience est levée.

14 --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le mercredi 23 avril

15 2008, à 14 heures 15.

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