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1 Le mardi 22 avril 2008
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 08.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.
6 Monsieur le Greffier d'audience, veuillez citer l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
8 Monsieur les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre
9 Ante Gotovina et consorts.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.
11 Comme je l'avais fait savoir hier, la Chambre souhaite rendre, au moins
12 partiellement, une décision, il s'agit de la décision portant sur la
13 requête déposée par la Défense Gotovina en application de l'article 73,
14 requête in liminae. Nous allons nous prononcer sur une partie de la requête
15 de la Défense Gotovina en application de l'article 73 in liminae.
16 Le 6 mars 2008, la Défense Gotovina a déposé une requête en demandant à la
17 Chambre de délivrer une ordonnance en empêchant l'Accusation de présenter
18 des éléments de témoignage par le biais d'un témoin expert de l'Accusation
19 portant sur le fait de savoir si des cibles sélectionnées et touchées par
20 l'opération Tempête étaient des objectifs militaires légitimes. La Défense
21 Gotovina a également demandé à la Chambre de rendre une ordonnance
22 empêchant l'Accusation : "D'affirmer que les témoins de fait de
23 l'Accusation étaient des experts dans le domaine de l'artillerie et, par
24 conséquent, ils avaient la compétence de dire à la Chambre de première
25 instance si telles ou telles cibles étaient civiles ou militaires."
26 La Défense Markac s'est jointe à cette requête le 25 mars 2008, et
27 l'Accusation a répondu le 20 mars dernier en demandant à la Chambre de
28 rejeter la dépose la requête. La Défense Gotovina a demandé l'autorisation
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1 de répondre et la Chambre a rejeté cette demande hier, le 21 avril 2008.
2 La Chambre se penchera sur la première partie de la requête à un stade
3 ultérieur. Pour ce qui est de la deuxième requête, l'un des témoins
4 concerné est un témoin qui va comparaître aujourd'hui, Andrew Leslie.
5 Le fait de déterminer si telle ou telle cible est de nature civile ou
6 militaire est en dernière instance quelque chose sur quoi doit trancher la
7 Chambre. La Chambre estime qu'il n'y a pas lieu de rendre une ordonnance
8 empêchant l'Accusation de décrire leurs témoins d'une manière spécifique,
9 elle estime qu'il n'y a pas non plus la nécessité de rendre une ordonnance
10 empêchant l'Accusation de demander à leurs témoins factuels d'émettre leurs
11 opinions.
12 Cela dit, la Chambre rappelle aux parties qu'il lui est le plus utile
13 lorsqu'un témoin factuel décrit ce que lui ou elle a eu l'occasion de voir
14 personnellement, même si certaines dépositions ne permettent pas toujours
15 d'opérer une distinction nette entre les faits et les conclusions tirées.
16 Si les dépositions d'un témoin comportent des opinions ou des conclusions,
17 la Chambre s'attendrait à ce que les parties examinent le fondement factuel
18 de l'opinion ou de la conclusion. Ceci serait approprié également, en fait,
19 ce serait le moment où la Défense pourrait soulever des éléments qui font
20 partie de la requête.
21 A ce sujet, la Chambre est pleinement consciente du fait que les témoins
22 ont des histoires personnelles différentes et des parcours professionnels
23 différents, ce qui leur permet de remarquer, de comprendre et d'interpréter
24 des observations de manière différente.
25 Conformément à ce qui vient d'être dit, la Chambre rejette la deuxième
26 requête de la requête de la Défense Gotovina. La Chambre a rendu sa
27 décision.
28 Monsieur Tieger, vous avez un témoin, d'après ce que j'ai compris c'est M.
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1 Andrew Leslie. Vous êtes prêt à le citer.
2 M. TIEGER : [interprétation] Oui, c'est cela, Monsieur le Président.
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Leslie. Avant de
5 témoigner en application de notre Règlement, vous êtes appelé à prononcer
6 une déclaration solennelle vous engageant de dire la vérité, toute la
7 vérité et rien que la vérité.
8 Veuillez le faire.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je déclare solennellement que je dirai la
10 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
11 LE TÉMOIN: ANDREW LESLIE [Assermenté]
12 [Le témoin répond par l'interprète]
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir,
14 Monsieur Leslie.
15 Vous serez peut-être un petit peu étonné de m'entendre m'adresser à vous en
16 vous appelant "Monsieur." Je ne cherche pas à vous manquer de respect eu
17 égard à vos fonctions, ceci n'est nullement cela.
18 Nous nous adressons toujours aux témoins qui comparaissent devant nous en
19 leur qualité de citoyens et c'est la raison pour laquelle je vais vous
20 appeler "Monsieur Leslie" d'autres peuvent choisir de vous appeler
21 autrement.
22 Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.
23 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Interrogatoire principal par M. Tieger :
25 Q. [interprétation] Tout simplement, pouvez-vous vous présenter pour le
26 compte rendu d'audience.
27 R. Je suis Andrew Brook Leslie.
28 Q. Et que faites-vous actuellement, quel est votre emploi, le poste ?
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1 R. Je suis militaire de carrière dans les forces armées canadiennes. Je
2 suis le chef de l'état-major de l'armée de terre ou le commandant de
3 l'armée canadienne.
4 Q. Quel est votre grade ?
5 R. Je suis général de corps d'armée.
6 Q. Général, je voudrais parcourir assez rapidement votre CV. Je vais
7 essayer de le faire aussi vite que possible et vous allez me confirmer si
8 mes éléments d'information sont corrects.
9 Tout d'abord, est-il exact de dire que vous étiez dans l'armée depuis
10 1977, vous êtes devenu membre des forces de réserve dans l'artillerie ?
11 R. Oui.
12 Q. Vous avez fait des études en Angleterre, vous avez été attaché à une
13 compagnie d'artillerie ?
14 R. Oui.
15 Q. Et en 1981, vous avez été transféré dans les forces régulières dans
16 l'artillerie toujours ?
17 R. Oui.
18 Q. Et vous étiez commandant dans l'artillerie ?
19 R. Oui.
20 Q. Vous avez commandé le 1er Régiment royal de l'artillerie montée
21 canadienne ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous avez suivi des cours et des formations sur le plan de
24 l'artillerie. Vous avez participé à de nombreux exercices internationaux
25 portant sur des systèmes d'armement différents ?
26 R. Oui.
27 Q. Il s'agit de différents pays, tels que l'Allemagne, la France et la
28 Grande-Bretagne, la Norvège, les Pays-Bas et d'autres pays ?
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1 R. Oui.
2 Q. Est-il exact de dire que dans l'ensemble de votre carrière, jusqu'au
3 moment où vous êtes allé en mission en Krajina en 1995, vous avez fait
4 votre service dans l'artillerie ?
5 R. J'ai été canonnier et j'ai été officier dans l'artillerie. A deux
6 occasions, à chaque fois pour une durée de deux années, dans les années qui
7 ont précédé ma mission en Krajina, j'ai travaillé comme officier au sein de
8 l'état-major. Donc je n'étais pas spécifiquement dans l'artillerie. J'étais
9 employé comme officier de l'état-major dans différents états-majors.
10 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent qu'il y ait une pause qui sera
11 ménagée entre la question et la réponse.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voyez, Monsieur, les interprètes,
13 en ce qui peut être perçu comme un avantage d'entendre parfois deux
14 personnes parler deux langues différentes, mais ici vous parlez la même
15 langue. Par conséquent, on vous demande de ménager une petite pause entre
16 la question et la réponse et donc je demande à M. Tieger également de faire
17 une petite pause.
18 M. TIEGER : [interprétation]
19 Q. Et ceci s'applique également aux conseils, à tous les conseils
20 présents, aux Juges de la Chambre, et cetera pour éviter qu'il y ait des
21 problèmes d'interprétation.
22 Général Leslie, je vais brièvement évoquer votre mission en Krajina en
23 1995, mais rapidement essayons de faire le tour de votre parcours
24 professionnel.
25 Est-il vrai de dire qu'en 1997, vous étiez commandant de la 1ère
26 Brigade mécanisée canadienne dans un groupement de formation de combat où
27 l'objectif ou le point d'intérêt était mis sur le véritable feu des armes
28 combinées ?
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1 R. Oui.
2 Q. Est-ce qu'en l'an 2000 vous êtes devenu commandant de communication,
3 responsable de commander les groupes sur le terrain et les régiments ?
4 R. Une petite correction. C'était de la taille d'une brigade.
5 Q. En 2002 --
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
7 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi.
8 Je présente mes excuses à tous ceux qui interprètent.
9 Q. En 2002, Général Leslie, vous êtes devenu commandant de la zone
10 centrale responsable de quatre brigades pour l'armée de terre ?
11 R. Oui.
12 Q. Et vous êtes devenu le commandant des forces de terre à Kaboul, à
13 savoir le commandant des forces internationales dont la majorité était des
14 Canadiens ?
15 R. J'étais le commandant de la force conjointe à Kaboul, et ma deuxième
16 casquette était d'être commandant adjoint de la force d'assistance
17 internationale sur le plan de la sécurité.
18 Q. En 2004, vous êtes devenu commandant adjoint de l'armée canadienne ?
19 R. Oui.
20 Q. Est-ce que vous avez été, à plein temps engagé à faire la recherche
21 pour faire une thèse de troisième cycle au Collège militaire royal ?
22 R. Oui.
23 Q. En 2005, vous êtes devenu directeur général de la planification
24 stratégique pour l'armée ?
25 R. Oui, pour les forces armées.
26 Q. Et en 2006, êtes-vous devenu commandant de l'armée ?
27 R. Oui.
28 Q. J'ai dit précédemment que j'allais aborder brièvement votre mission en
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1 Krajina en 1995, ou plutôt, que j'allais y revenir rapidement. Quand est-ce
2 que vous avez été déployé en Krajina et où cela ?
3 R. C'était le 1er mars 1995, et j'étais chef de l'état-major du secteur sud
4 et j'étais basé à Knin.
5 Q. Pour commencer, Général Leslie, -- excusez-moi. Vous étiez chef d'état-
6 major du secteur sud de quelle organisation ?
7 R. Il s'agissait de la force de protection des Nations Unies qui faisait
8 partie du commandement de l'UNCRO qui faisait partie du QG du secteur sud.
9 Q. Et, de manière générale, quelle était la mission de l'UNCRO ? Quelles
10 étaient ses attributions dans le secteur sud ?
11 R. La mission de l'UNCRO était de mettre en application la volonté du
12 Conseil de sécurité des Nations Unies telle qu'exprimée dans une série de
13 résolutions. En substance, il s'agissait de maintenir la zone de
14 séparation, de fournir la surveillance et l'observation dans la zone de
15 séparation pour faire en sorte qu'aucune des factions belligérantes ne
16 rentre, ne pénètre dans la zone de séparation et d'apporter une assistance
17 au secrétaire général ou à l'envoyé spécial du secrétaire général dans
18 l'accomplissement de ses devoirs.
19 Q. Par rapport à l'objectif consistant à garantir que les parties
20 belligérantes ne rentreront pas dans la zone de séparation, ne franchiront
21 pas la ligne, la mission de l'UNCRO était-elle d'empêcher toute
22 infiltration, toute percée indépendamment de leur taille ?
23 R. Non. Les forces de l'UNCRO étaient équipées en principe pour pouvoir se
24 défendre. Il n'y avait pas d'armements lourds, pas de chars. Il n'y avait
25 pas d'artillerie moyenne, pas d'artillerie lourde. Pour ce qui est de
26 l'organisation et de l'équipement des bataillons déployés dans le secteur
27 sud c'était surtout, en fait, des bataillons d'infanterie légère et ils
28 étaient compétents dans le domaine de l'observation, la surveillance et des
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1 patrouilles.
2 Q. Pour que ce soit tout à fait clair, c'est de quel côté qu'était située
3 la zone de séparation du secteur sud de l'UNCRO ?
4 R. Ces forces qui composaient les forces armées du secteur sud étaient
5 déployées du côté des Serbes de Krajina, des Serbes rebelles.
6 Q. Est-ce que vous pouvez nous décrire brièvement quelles ont été vos
7 responsabilités en tant que chef d'état-major du secteur sud ?
8 R. Je répondais directement à mon commandant, en ma qualité de chef
9 d'état-major du secteur sud, lorsque je suis arrivé, c'était le général
10 Kutil de République tchèque, et après, ça a été le général Forand du
11 Canada. En tant que chef d'état-major, je répondais à mon commandant pour
12 ce qui est du fonctionnement efficace et de l'intégration des différents
13 éléments de l'état-major qui composaient le QG du secteur sud. En son nom,
14 je devais l'aider à faire fonctionner au jour le jour le secteur, je devais
15 superviser les activités de l'état-major au sein du QG du secteur sud, et
16 aussi je lui répondais pour ce qui est de la sécurité, de l'administration
17 efficace de l'ensemble des éléments qui étaient stationnés dans la base du
18 secteur sud, l'enceinte de notre camp.
19 Par ailleurs, on me confiait toutes les missions que le commandant
20 jugeait nécessaire de me confier.
21 Q. Brièvement, est-ce que vous pouvez nous dire comment se composait
22 l'UNCRO secteur sud, pouvez-vous nous dire où étaient déployées les unités
23 de l'UNCRO ?
24 R. Le QG du secteur sud était situé en marge sud de la ville de Knin. Les
25 forces se composaient de quatre bataillons; au nord, il y avait le
26 Bataillon tchèque; au nord centre, il y avait le Bataillon jordanien; au
27 sud centre, le Bataillon canadien; et au sud, c'était le Bataillon kényan.
28 Sur la gauche, la zone de séparation se terminait dans le mont de Dinara et
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1 sur la droite s'étendait Velebits et au-delà.
2 Qui plus est, nous avions une série d'unités de soutien, nous avions une
3 unité sanitaire tchèque et nous avions un hôpital de campagne qui était
4 situé auprès du QG du secteur sud. Nous avions une compagnie de police
5 militaire qui était internationale dans sa composition et elle était basée
6 au QG du secteur sud. Nous avions une compagnie du génie et aussi nous
7 avions une compagnie du génie slovaque qui se déplaçait à différents
8 endroits dans le secteur.
9 Et il y avait aussi quelques activités spécialisées, composées de personnel
10 très compétent, des civils des Nations Unies, des employés locaux aussi,
11 dont la plupart étaient basés soit dans soit autour du QG du secteur sud.
12 Q. Pour résumer, le QG du secteur sud était basé à Knin et pour ce qui est
13 des unités que vous venez d'énumérer, elles étaient essentiellement
14 stationnées à différents endroits à l'extérieur de Knin dans différents
15 endroits du secteur sud.
16 R. Oui.
17 Q. Est-il exact de dire, Général Leslie, que vous êtes resté chef de
18 l'état-major du secteur sud jusqu'à peu près le 9 août et c'est à ce
19 moment-là que vous êtes devenu le chef de l'état-major de l'UNCRO à Zagreb
20 ?
21 R. Oui.
22 Q. J'ai quelques questions à vous poser maintenant au sujet de Knin tout
23 de suite après qu'on a lancé l'opération Tempête le 4 août. Tout d'abord,
24 Mon Général, est-ce que vous résidiez à Knin ?
25 R. Oui.
26 Q. Vous connaissiez la ville ? Il vous est arrivé de vous déplacer dans la
27 ville ? Vous avez pratiqué différentes activités dans la ville ?
28 R. Oui, je connaissais relativement bien la ville. Je vivais à l'étage
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1 supérieur d'un immeuble de deux étages au centre-ville. Généralement, je
2 pouvais me déplacer à pied pour me rendre au travail; et si la nuit n'était
3 pas tombée quand je rentrais chez moi, je rentrais également à pied. Et
4 lorsque j'en avais l'occasion, je faisais du fitness, je courais dans la
5 ville et dans les alentours. Donc je connaissais relativement bien la ville
6 et il faut savoir que j'y ai vécu pendant cinq mois.
7 Q. Pourriez-vous nous parler de la composition démographique de la ville.
8 Est-ce que par rapport au nombre d'habitants il y a eu un changement à Knin
9 pendant la période qui a immédiatement précédé l'opération Tempête ?
10 R. Quand je suis arrivé à Knin pour la première fois, c'était en mars, et
11 là je vais vous parler uniquement d'estimations, donc je ne voudrais pas
12 que vous ayez l'impression que ce sont des chiffres définitifs. La
13 population de Knin se montait à peu près à 20 000 à 25 000 personnes. Il y
14 a eu une escalade de tension et il était devenu évident qu'il allait y
15 avoir des hostilités. A ce moment-là, la population de Knin a atteint 35
16 000 pendant les jours qui ont précédé les événements du 4 et du 5 août.
17 Q. Ces personnes qui sont venues s'installer à Knin, elles sont venues
18 d'où ?
19 R. Je pense que pour l'essentiel, c'étaient des familles qui étaient
20 inquiètes et qui se disaient que leurs villages et leurs villes se
21 trouvaient près de la zone de séparation et, par conséquent, que le risque
22 qu'ils couraient était plus important. Donc peu avant le 4 et le 5 août, la
23 ville était peuplée pour l'essentiel de personnes âgées, de femmes,
24 d'enfants. La grosse majorité des hommes en âge de combattre avait été
25 mobilisée et déployée dans la zone de séparation sur toute une série de
26 positions de défense.
27 Q. Pouvez-vous nous dire quelle était l'importance de la présence
28 militaire à Knin pendant la période qui a précédé l'opération Tempête,
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1 s'agissant des militaires, des positions fixes ou d'autres aspects de
2 présence militaire ?
3 R. Je voudrais répartir cette période en deux périodes. En gros, entre le
4 mois de mars et le mois de mai, Knin était un lieu de transit et de
5 rassemblement pour les hommes en âge de porter les armes que l'on pouvait
6 voir en de nombreux endroits à Knin. Le taux de chômage était très élevé,
7 donc il était assez courant de voir un nombre important de soldats. A
8 partir de la fin de mai, ça n'a plus été le cas parce que les soldats
9 avaient été déployés ou la milice a été déployée dans la zone de
10 séparation.
11 La présence militaire à Knin dans la période précédant immédiatement les 4
12 et 5 août, donc les 1, 2 et 3, était très faible en ce sens que quiconque
13 était en mesure de combattre avait été déployé dans la zone de séparation,
14 bien qu'il y ait alors eu à l'occasion du personnel que l'on pouvait voir
15 ici et là, parfois, on apercevait un uniforme à Knin.
16 Q. Est-ce que les soldats venaient périodiquement pour rendre visite à
17 leurs familles ou pour aller à Knin en permission ?
18 R. Oui. Au cours de la période qui précède la fin du mois de juillet et au
19 tout début du mois d'août, c'était souvent le cas. Il y avait de petits
20 groupes de soldats ou de membres de la milice qu'on pouvait voir, qui
21 attendaient les cars qui les ramèneraient à ce qu'ils considéraient comme
22 étant le front, mais ce type d'activité ou de mouvement a cessé en gros
23 vers le 1er août, la grande majorité des hommes en âge de porter les armes
24 avaient été déployés dans la zone de séparation.
25 Q. Qu'avez-vous pu observer du point de vue des préparatifs ou de la
26 préparation militaire précédant l'opération Tempête à Knin proprement dite
27 ?
28 R. Les préparatifs de défense à Knin et autour pour l'essentiel étaient
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1 nuls. Il y avait des préparatifs de défense très développés faits par les
2 Serbes de leur côté de la zone de séparation, mais du point de vue de la
3 ville proprement dite, aucun des itinéraires n'était préparé pour les
4 démolitions. Il n'y avait pas de construction ni de fortifications, ni de
5 casemates ou de bunkers. On n'avait pas enlevé les vitres des fenêtres. On
6 n'y avait pas non plus mis d'adhésif pour se protéger contre les éclats. Il
7 n'y avait pas de tranchées qui étaient creusées, ni d'obus préparés. Il n'y
8 avait pas de bermes préparées contre les forces attaquantes. Il n'y avait
9 aucun de ces préparatifs de routine que l'on fait pour se défendre et dont
10 on s'attendrait qu'ils soient faits dans une zone de combat très
11 importante.
12 Q. Vous avez décrit -- du point de vue de la population civile à Knin au
13 cours de la période qui précède l'opération Tempête. Est-ce que vous avez
14 observé si un certain nombre de la population de Knin avait quitté le
15 secteur dans les jours précédents immédiatement l'opération Tempête, c'est-
16 à-dire immédiatement avant le 4 août 1995 ?
17 R. Il y a eu des éléments de la population locale qui étaient partis, en
18 gros dans la semaine précédant les 4 et 5 août. Quant à savoir combien, je
19 ne le sais pas. Je n'ai pas eu l'impression que ça réduisait de façon
20 importante la grande masse de personnes que je voyais dans les rues de
21 Knin. Nous savions de façon anecdotique qu'un certain nombre de réfugiés
22 serbes de Knin avaient essayé de traverser la frontière pour passer dans
23 les secteurs contrôlés par les Serbes en Bosnie, mais avaient dû rebrousser
24 chemin et avaient été renvoyés à Knin. Mais ceci c'est de l'anecdote; ce
25 n'est pas basé sur des observations actuelles.
26 Q. Général Leslie, quand et comment avez-vous entendu parler pour la
27 première fois du fait que l'opération Tempête aurait lieu ou commencerait ?
28 R. Les premiers éléments d'information qui confirmaient cela et que nous
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1 avons reçus, c'était en gros 20 minutes après 3 heures de l'après-midi le 4
2 août lorsque le quartier général du secteur sud a reçu des renseignements
3 du quartier général de l'UNCRO, notre quartier général supérieur à Zagreb,
4 qu'une attaque par les forces serbes pour reprendre la Krajina était
5 imminente. Au cours des heures qui ont suivi, il y a eu de différentes
6 sources de nombreux autres rapports en ce sens.
7 Q. Quelles mesures ont été prises par l'UNCRO, par l'état-major, pour
8 réagir par rapport à ces informations ?
9 R. Je ne peux pas répondre à cette question, Monsieur. Je n'étais pas
10 présent au quartier général de l'UNCRO à ce moment-là.
11 Q. Excusez-moi. Je vous prie de m'excuser d'avoir posé cette question.
12 Quelles mesures ont été prises au quartier général du secteur sud pour
13 réagir à ces informations ?
14 R. Le commandant et son équipe de commandement ont été immédiatement
15 avisés, et il a été décidé de mettre en œuvre le plan de rappel d'urgence,
16 dont l'objectif était de faire en sorte que tous les effectifs qui se
17 trouvaient à l'extérieur de l'enceinte, reviennent à l'intérieur de
18 l'enceinte et de là puissent gagner les bunkers. Ce processus a pris
19 plusieurs heures.
20 A un moment donné, je ne me rappelle pas exactement l'heure, il faudrait
21 que je me réfère à mes notes, les sirènes d'urgence de rappel ont été
22 utilisées, c'était des sirènes qui étaient très fortes, qui pouvaient être
23 entendues dans presque tout Knin et pouvaient être entendues par toutes les
24 personnes que nous n'avions pas pu contacter par téléphone ou par radio
25 afin qu'elles puissent immédiatement venir se mettre à l'abri au quartier
26 général du secteur sud.
27 Q. Général Leslie, quel a été votre rôle pendant ce processus ? Que
28 faisiez-vous vous-même ?
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1 R. Mon rôle essentiel était de faire en sorte que les gens rentrent dans
2 les bunkers et m'assurer qu'au fur et à mesure que les officiers et les
3 soldats arrivaient, on leur confie des tâches. La raison pour laquelle cela
4 était plus particulièrement compliqué, pour ce qui est du fonctionnement
5 normal du quartier général du secteur sud, c'est qu'il y avait un certain
6 nombre de divisions du personnel qui avaient des tâches administratives de
7 routine à effectuer. Et bien sûr, ce travail de routine administratif
8 n'était plus important de sorte que les gens se trouvaient ou bien à
9 l'intérieur des bunkers ou on leur donnait des tâches de sécurité locale ou
10 ils fallaient qu'ils assistent les effectifs pour les opérations au centre
11 d'opérations où le général Forand et son état-major opération devaient
12 s'occuper de l'ensemble du secteur.
13 Donc, essentiellement, mon travail était de veiller à tout ce qui ne
14 relevait pas du centre d'opération et de m'assurer que le commandant était
15 libre de pouvoir se concentrer sur la gestion de son secteur, le but
16 essentiel étant la protection de notre personnel et s'assurer que les
17 différentes mesures étaient prises pour rappeler nos gens.
18 Q. Est-ce que vous vous rappelez quand l'opération Tempête a commencé,
19 comment est-ce que l'attaque a commencé ?
20 R. Je me rappelle que c'était approximativement à 5 heures 02 du matin le
21 4 août, il y a eu un tir de barrage d'artillerie massif qui s'est déclenché
22 sur Knin et autour; et je crois que ça a bien été le commencement de
23 l'opération.
24 Q. Vous dites "tir de barrage massif d'artillerie", pourriez-vous décrire
25 la nature ou l'intensité de ces tirs pour les membres de la Chambre ?
26 R. Le nombre de détonations se suivait presque de façon simultanée et ceci
27 donnait l'indication sur la question de savoir si des systèmes de tirs
28 indirects avaient été utilisés par rapport à un moment précis. Il y avait
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1 des explosions multiples et ceci créait un bruit continu qui durait pendant
2 une minute ou deux, suivi par un instant de silence d'une minute ou deux,
3 puis le cycle se répétait avec une synchronisation des explosions qui se
4 mêlait les unes aux autres.
5 Ce qui expliquait qu'après les premières minutes, il y avait ce roulement
6 continu et ensuite il y avait à nouveau une pause, et ceci correspondait
7 bien à des tirs d'obus systématiques.
8 Q. Vous parlez de tirs d'obus systématiques après avoir décrit en gros la
9 durée du tir. Pourriez-vous également donner une indication aux membres de
10 la Chambre concernant l'intensité de ces tirs systématiques et continus ?
11 R. Je dirais que l'intensité, ça été en gros de 5 heures du matin le 4
12 jusqu'à approximativement 7 heures pour ce qui est du nombre total des
13 déflagrations, bien qu'il se peut qu'il y eu des différences entre ces
14 explosions qui se sont faites lors de la première salve initiale où toutes
15 les explosions ont eu lieu pratiquement au même moment. Alors qu'avançaient
16 les deux premières heures, il y a eu le même nombre d'explosions
17 relativement, mais ce n'était pas aussi contrôlé.
18 Q. Vous nous avez dit qu'approximativement vers 7 heures, il y a eu un
19 changement dans l'intensité des tirs d'obus. Pourriez-vous décrire, pour
20 les membres de la Chambre, quelles étaient les caractéristiques de cette
21 modification qui s'est produite au bout de deux heures environ de tirs ?
22 R. Vers 7 heures approximativement, ou autour de 7 heures, les tirs ont
23 diminué de façon notable, mais au lieu d'avoir des explosions dans toute la
24 ville avec un caractère systématique, les déflagrations, les tirs d'obus se
25 sont tous regroupés sur des secteurs précis de la ville qui variaient. Vous
26 aviez un obus qui détonnait à une minute ou deux ou trois, puis une ou deux
27 minutes se passaient, puis un autre obus détonnait 2 ou 300 mètres de
28 l'endroit où le premier avait explosé. Ce processus s'est répété plusieurs
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1 fois. Puis vous aviez quatre ou cinq ou six obus qui atterrissaient de
2 façon assez groupée.
3 Ce processus s'est répété essentiellement pendant toute la journée bien que
4 diminuant d'intensité si on compare avec ce qui s'est passé entre 5 heures
5 et 7 heures du matin.
6 Q. Ce processus que vous venez de décrire, d'un obus suivi d'un
7 autre obus, puis un groupe d'obus, est-ce que vous connaissiez ce
8 processus, est-ce que vous pouvez nous dire ce que cela pouvait
9 représenter, quelle était sa signification ?
10 R. Oui, je sais ce que ça veut dire, je connais ce processus. A mon avis,
11 ça voulait dire qu'après les premiers tirs de barrage d'ouverture, qui
12 semblaient être faits un peu au hasard et distribués de façon assez
13 régulière sur l'ensemble de la ville, les artilleurs croates étaient
14 ensuite en train d'engager ce qu'on appellerait une procédure correspondant
15 à une grille d'objectif dans laquelle une batterie de canons, qui pouvait
16 être de deux, trois, quatre, cinq, six canons groupés ensemble, ajusterait
17 en vision optique un objectif précis.
18 Ce processus, à ce moment-là, c'était qu'il y avait ce groupement de tirs,
19 correction ensuite par observation visuelle, ensuite il y avait
20 déplacement; les corrections étaient calculées et transmises aux autres
21 pièces et un autre obus était tiré à partir du canon qui avait tiré le
22 premier pour ajuster plus particulièrement le tir, pour savoir où pouvait
23 se trouver votre objectif. Puis une fois que l'observateur était
24 relativement satisfait du fait que ce premier canon avait bien tiré vers
25 l'objectif parce que l'artillerie s'occupe d'un système d'armes dans un
26 secteur, certainement au cours de ces jours, à ce moment-là, tous les
27 canons de la même batterie tireraient sur cet objectif unique et c'est à ce
28 moment-là que vous aviez trois, quatre, cinq ou six détonations avec une
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1 certaine proximité du point de vue du temps et de l'espace.
2 C'est un processus que j'ai vu des centaines de fois, notamment dans
3 des exercices au Canada et d'autres polygones à l'OTAN.
4 Q. Donc ce processus pour ce qui est de diriger les tirs des armes vers un
5 objectif particulier ?
6 R. Oui, c'est cela.
7 Q. Je vais maintenant vous poser quelques questions concernant les
8 endroits où vous vous trouviez dans le courant de la journée du 4 août et
9 ce que vous avez observé à ce moment-là.
10 Pour commencer, je voudrais vous demander en ce qui concerne -- si nous
11 commençons pendant la période où des efforts ont été déployés pour que le
12 personnel puisse aller se mettre en sûreté peu avant et peu après le
13 commencement de l'attaque, que faisiez-vous, où étiez-vous et qu'avez-vous
14 pu observer ?
15 R. A 3 heures 30 -- à 3 heures 30 du matin le 4 août, je me trouvais dans
16 mon bureau. Je ne crois pas être retourné à mon bureau avant 6 heures
17 environ, bien que je ne puisse pas en être sûr. La plus grande partie du
18 temps entre 3 heures 30 et, disons, 5 heures 30, je l'ai passée à m'assurer
19 qu'on s'organisait pour gagner les casemates qu'il fallait y gagner, pour
20 que les centres d'opération aient bien les effectifs nécessaires avec le
21 personnel nécessaire au fur et à mesure qu'il devenait disponible, et
22 s'assurer que le personnel chargé de la sécurité du secteur sud avait bien
23 commencé le processus consistant à envoyer des véhicules pour aller
24 chercher du personnel, et essayer de contrôler l'activité assez frénétique
25 de ceux qui entraient dans l'enceinte du camp, venant de l'endroit où ils
26 résidaient, dans Knin et autour, se rendant compte qu'il fallait parfois
27 aller les chercher, ce qui était un processus relativement compliqué.
28 Q. Au cours de ce que vous avez décrit comme étant un premier tir de
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1 barrage intensif au cours des deux premières heures de l'attaque, avez-vous
2 pu voir à partir des positions dans lesquelles vous vous trouviez où les
3 obus atterrissaient, où ils frappaient ?
4 R. A partir du moment où a commencé le premier tir de barrage jusqu'à
5 approximativement 6 heures, je ne me rappelle pas avoir eu le temps en fait
6 d'observer où les tirs atterrissaient. Il faisait nuit, et il y avait un
7 grand nombre d'autres questions dont il fallait s'occuper qui m'empêchaient
8 de le faire.
9 Du côté de 6 heures, sans être précis, j'ai rejoint plusieurs autres
10 personnes sur un balcon qui se trouvait juste en face de mon bureau, je
11 crois que c'était au troisième étage du quartier général du secteur sud,
12 pendant un certain temps, mais pas longtemps. A ce moment-là, j'ai pu
13 observer les tirs d'artillerie qui ne suivaient pas un schéma qu'on puisse
14 vraiment discerner, que nous ne connaissions pas, nous ne savions pas quels
15 étaient les objectifs qui étaient finalement pris pour cible à cause du
16 caractère, comment dirais-je, du caractère par hasard, en quelque sorte, de
17 la distribution des tirs.
18 Excusez-moi de vous avoir fait une réponse aussi longue, je vous dis ce que
19 -- c'est la première fois que j'ai pu observer les tirs pendant une période
20 assez brève vers environ 6 heures du matin.
21 Q. De quel secteur de Knin avez-vous pu observer, au cours des deux
22 premières heures, pendant la période que vous avez décrite, en voyant les
23 tirs d'obus ?
24 R. Le quartier général du secteur sud est situé à la frange sud de Knin et
25 mon balcon faisait face au nord. Je dirais que du point de vue
26 d'observation directe, un observateur de ce qui se passait pouvait voir à
27 près de 1 500 mètres avant que l'on voit la première rangée d'immeubles. Et
28 on pouvait voir, à ce moment-là, des immeubles plus grands à l'arrière-
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1 plan. La vue était bloquée sur la gauche par le château et sur la droite
2 par une petite colline ou un élément du terrain. Je dirais que
3 l'observation du côté sud, le tiers sud de la ville, pour ceux qui
4 regardaient au-dessus des toits et autres structures, on avait une assez
5 bonne vue, tout à fait, une bonne vue.
6 Q. Vous avez dit que les tirs d'artillerie que vous avez observés ne
7 suivaient pas un schéma qu'on ait pu discerner. Est-ce que vous avez vu des
8 tentatives visant à corriger le tir de la façon dont vous nous avez décrite
9 tout à l'heure, c'est-à-dire de façon à ce que des objectifs précis
10 puissent être touchés ?
11 R. Non, pas à ce moment-là.
12 Q. Est-ce que les tirs d'obus que vous avez observés, les tirs
13 d'artillerie que vous avez décrits tout à l'heure comme étant répartis sur
14 un secteur assez vaste, est-ce que vous pouvez dire que c'était groupé sur
15 un secteur particulier de Knin, soit pour ce qui est du centre-ville, soit
16 à l'extérieur du centre-ville ?
17 R. Pour l'essentiel --
18 M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je suis
19 désolé d'interrompre, mais je crois que le témoin a dit qu'il ne pouvait
20 pas voir la plus grande partie des secteurs que l'on décrits. Je veux dire
21 que s'il est en train de parler d'un secteur précis que le témoin a
22 observé, ça va bien; mais je dis ceci avec la mise en garde de ce que le
23 témoin vient d'expliquer.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, il a décrit d'une façon très
25 claire de quelle mesure et de quelle manière ses possibilités d'observation
26 étaient limitées. Je crois donc que les questions posées par M. Tieger
27 maintenant concernent ce qu'il pouvait voir.
28 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Excusez-moi.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.
2 M. TIEGER : [interprétation]
3 Q. Général, vous pouvez répondre à la question. Voulez-vous que je la
4 répète ?
5 R. Non. Ce n'est pas nécessaire. Je vous remercie. Je peux la voir ici.
6 Lorsque j'observais les tirs d'artillerie et c'était le cas à Knin,
7 je voudrais faire remarquer, si vous le permettez, il arrivait rarement
8 lorsque nous, dans le secteur sud, nous pouvions voir un obus détonner à
9 terre. Les projectiles tombaient sur les immeubles, et au milieu des
10 immeubles et tout ce qu'on pouvait voir c'était la ligne des toits qui
11 pouvait se briser et à ce moment-là, on voyait de la poussière grise, de la
12 fumée, des débris qui étaient projetés en l'air par la force de
13 l'explosion. Bien que, par exemple, on ait pu avoir une visibilité
14 excellente jusqu'à 1 000 ou 2 000 mètres, dans certains cas davantage, vous
15 pouvez voir où les projectiles atterrissaient en gros, par le fait qu'il y
16 avait un nuage de débris ou de fumée grise qui crevait la ligne des toits.
17 Donc, c'est dans ce contexte que la majorité des projectiles
18 semblaient groupés dans ce que j'appellerais le centre de la ville, mais il
19 y avait des tirs à ce moment-là à peu près partout.
20 Q. Bien. Je vous ai demandé un peu plus tôt en ce qui concernait les
21 quelque deux premières heures de l'attaque pendant lesquelles vous avez dit
22 tout à l'heure qu'il y avait des tirs de barrage. Après les deux premières
23 heures, avez-vous eu la possibilité d'observer les tirs d'artillerie qui
24 avaient lieu; et dans l'affirmative, à partir de quelles positions ?
25 R. A partir de 7 heures environ, il y a eu pendant la journée un cycle
26 presque constant de déplacement entre les casemates, les bunkers, la grille
27 d'entrée, le périmètre de l'enceinte jusqu'à l'installation médicale
28 tchèque juste en dessous du terrain hélicoptère jusqu'à la zone
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1 opérationnelle pour vérifier, à ce moment-là ce cycle se répétait de façon
2 presque continue. Il n'y avait pas de parties de l'état-major ou
3 d'activités que je puisse coordonner, et le général Forand se trouvait,
4 comme il convenait, au centre d'opérations à diriger son secteur.
5 Donc pendant la plus grande partie de la journée, je l'ai passé à
6 l'extérieur, et une grande partie de mon temps a été utilisé --
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous permettez, il peut y avoir
8 quelques confusions concernant la question. On lit à la dernière ligne de
9 la question : "et dans l'affirmative, à partir de quelle position, position
10 au singulier ou position au pluriel."
11 Alors, Monsieur Tieger, je ne sais pas si vous vouliez dire à partir de
12 quelle position au singulier ou pluriel le témoin a observé, ou à partir de
13 quelle position les tirs avaient lieu. J'ai eu l'impression que vous aviez
14 plutôt la deuxième proposition à l'esprit.
15 M. TIEGER : [interprétation] Non. Je vous remercie, Monsieur le Président,
16 de cette possibilité de clarifier les choses. Ma question concernait la
17 possibilité de voir les tirs d'artillerie qui avaient lieu; et si c'était
18 le cas, où se trouvait le témoin au moment où il les observait.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc j'écoutais de la mauvaise
20 oreille.
21 Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dirais que ça dépendait. C'était
23 parfois de la fenêtre de mon bureau ou du balcon du bureau qui se trouvait
24 de l'autre côté de mon bureau en faisant face à la ville et à d'autres
25 points d'observation à l'intérieur du secteur sud de l'enceinte. C'était
26 probablement le meilleur endroit, le meilleur poste d'observation dans le
27 secteur où se trouvait le port pour l'hélicoptère, qui était le point le
28 plus élevé du secteur sud dans l'enceinte du quartier général.
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1 M. TIEGER : [interprétation]
2 Q. Je voudrais maintenant passer à la question que le Juge Président de la
3 Chambre pensait que je posais à ce moment-là. Où avez-vous observé que les
4 tirs d'artillerie avaient lieu; et où était-ce que les projectiles
5 atterrissaient ?
6 R. Entre 6 et 7 heures. Je ne peux pas être très précis pour ce qui est du
7 centre où la plus grande masse des projectiles atterrissait parce que,
8 comme je l'ai dit, d'après l'endroit où je pouvais voir c'était, ils
9 atterrissaient un peu partout.
10 A partir de 7 heures, il était beaucoup plus facile de définir où
11 atterrissait la grande masse des projectiles qui étaient essentiellement
12 sur des quartiers résidentiels groupés au centre de la ville, mais ceci ne
13 veut pas dire que de petits groupes d'immeubles à la périphérie n'étaient
14 pas touchés non plus.
15 Q. Plus tôt, vous avez décrit quelle était la distance d'observation de ce
16 que vous pouviez voir à partir du balcon. Est-ce que vous pourriez voir
17 plus ou moins dans la ville à partir des autres positions de l'enceinte, au
18 cours de la journée, lorsque vous avez fait des observations que vous avez
19 décrites, qu'est-ce que vous pouviez voir ?
20 R. Si on montait sur la colline à partir du quartier général du secteur
21 sud, après les cuisines et dans le secteur de l'unité de l'hôpital tchèque,
22 on pouvait bien voir davantage.
23 M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais demander au greffier de présenter
24 le document 65 ter 403.
25 Q. Mon Général, sur l'écran devant vous, vous devriez voir le
26 document 65 ter 403. C'est un document qui est un document de l'UNCRO. En
27 haut, on peut le voir, l'en-tête d'une lettre de protestation concernant
28 les attaques sur les civils innocents et les installations de l'ONU, et
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1 ceci a été signé par le général Forand. Est-ce que vous connaissez ce
2 document, Monsieur ?
3 R. Oui.
4 Q. Est-ce que vous saviez que ce document existait le 4 août ?
5 R. Oui.
6 Q. A quel moment avez-vous appris pour la première fois la préparation
7 d'un tel document ?
8 R. Je pense que c'était à un moment donné avant midi. Vraiment je ne me
9 souviens pas à quel moment exactement cela a eu lieu puisqu'il y avait
10 beaucoup d'activités à ce moment-là et je ne me souviens pas du moment
11 exact où on a écrit ce document. C'est un officier qui l'a écrit, un
12 excellent officier, le lieutenant-colonel Shaun Tymchuk; il a écrit ça sur
13 la base des rapports qu'il a reçus par le commandant de la zone des
14 opérations, ainsi que sur la base des opérations venues de différents
15 bataillons qui étaient sur le terrain, et aussi sur la base de ce que lui-
16 même a pu voir et il y a des commentaires par rapport à la ville de Knin.
17 Je pense que c'est quelque chose qui a été écrit avant midi le 4 août.
18 Q. En tant que chef d'état-major, est-ce qu'on vous a contacté quant à ce
19 document, quant à vos intentions par rapport à sa distribution, et cetera ?
20 R. J'étais au courant de cela. Je pense que c'était le général Forand qui
21 en a eu l'idée et j'ai très peu participé à l'élaboration du document, à
22 son contenu proprement dit. Je ne peux pas dire que c'est moi qui l'ai
23 écrit. Je sais qu'on l'a envoyé, et qu'on l'a envoyé à l'extérieur du
24 centre des opérations.
25 Q. D'après vous quel était l'objectif de ces documents ?
26 R. L'objectif était d'aboutir à un arrêt immédiat des attaques
27 d'artillerie indirectes pas seulement sur la ville de Knin mais sur les
28 autres villes qui y sont mentionnées, donc d'aboutir à un retrait immédiat
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1 des forces belligérantes à l'extérieur de la zone de séparation.
2 Q. Cette lettre avec protestation, comment -- à qui était-elle envoyée
3 cette lettre ?
4 R. La lettre de protestation a été envoyée par le centre des opérations et
5 aussi par l'officier de liaison hors classe. Les canaux habituels étaient
6 utilisés, moi, je n'y étais pas, c'était l'officier de liaison qui était
7 responsable de toute communication entre l'organisation du général Gotovina
8 et le secteur sud.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe --
10 M. KEHOE : [interprétation] Sur la base de la réponse initiale du témoin,
11 je pense que nous nous engageons sur un terrain glissant, je pense que le
12 témoin doit parler de ce qu'il a vu lui-même. Et dans sa réponse il a dit
13 clairement qu'il ne sait pas ce qui s'est passé avec cette lettre.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, vous devriez peut-être
15 poser quelques questions au témoin par rapport à la réponse qu'il a
16 fournie, à savoir : "Je ne sais pas ce qui s'est passé avec ce document."
17 Il faudrait lui demander d'où il tient cette information et d'autres
18 détails à ce sujet.
19 M. TIEGER : [interprétation] Oui effectivement, je voulais le faire.
20 Q. Général, vous avez dit que ce document est passé par les canaux de
21 communication habituels pour être envoyé à l'armée croate. Est-ce que vous
22 pouvez nous dire ce qui s'est vraiment passé avec ce document concrètement
23 ?
24 R. Oui. Ce document a aussi été communiqué au QG de l'UNCRO, au QG de
25 l'UNPF, à l'organisation du CIVPOL, des OMNU, ceci le plus rapidement
26 possible, et évidemment aux autorités croates compétentes.
27 Q. Est-ce que vous savez si les personnes compétentes de l'armée croate
28 l'ont reçu effectivement ?
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1 R. On me l'a dit effectivement, cela étant dit, je n'ai pas de
2 connaissances personnelles quant à la réception de ce document par les
3 autorités croates.
4 Q. Peut-être que j'ai sauté un pas; par rapport à ce que vous avez décrit
5 comme étant le canal habituel de transmission des documents quand il
6 s'agissait de transmettre les documents aux autorités de l'armée croate, au
7 général Gotovina et autres, pourriez-vous nous dire quel était ce canal de
8 communication utilisé ?
9 R. Il y en avait deux. On passait d'un côté par l'officier de liaison hors
10 classe, qui transmettait les documents, Lukovic, et là il s'agissait des
11 formations de combat du général Gotovina. Et en même temps, nous envoyions
12 un exemplaire aux observateurs militaires des Nations Unies, à leur
13 officier de liaison qui était en contact avec les officiers de liaison de
14 l'armée croate. Ensuite vous avez un troisième canal qui passait par le QG
15 de l'UNCRO, où les documents, quand ils étaient reçus, étaient envoyés à
16 l'officier de liaison de l'armée croate, c'est un certain général Plestina,
17 je pense qu'il s'appelait comme ça, il avait à peu près les mêmes fonctions
18 que Marine Lukovic mais un échelon plus haut.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, le témoin a répondu
20 tout à l'heure ce qui suit : "On a dit que cela a eu lieu, mais je n'ai pas
21 des connaissances personnelles quant à une éventuelle réception par les
22 autorités croates."
23 Pourriez-vous nous dire qui vous a dit cela ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Le général Forand cet après-midi-là voulait
25 être sûr que cette lettre de protestation avait été distribuée à tous les
26 destinataires; et même si je ne suis pas vraiment sûr de cela, je pense que
27 le lieutenant-colonel Tymchuk nous a informés au moment de la conférence
28 d'information qui a eu lieu le soir du 5 -- du 4, que la lettre avait été
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1 envoyée aux observateurs militaires de l'ONU, ainsi qu'à l'équipe de Marine
2 Lukovic, ainsi qu'au chef de l'état-major de l'UNCRO, qui a, quant à lui,
3 confirmé qu'un exemplaire a été envoyé au général Plestina ce soir même.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vous ai pas posé la question au
5 sujet de l'envoi du document, mais de sa réception.
6 Vous nous dites que la lettre a été envoyée, est-ce que vous savez si
7 cette lettre a été réceptionnée ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis désolé, je ne le sais pas.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Si vous ne le savez pas, vous
10 pouvez le dire.
11 Monsieur Tieger, vous pouvez poursuivre.
12 M. TIEGER : [interprétation]
13 Q. Vous avez évoqué un officier de l'armée croate, le capitaine Marine
14 Lukovic. Est-ce que vous le connaissiez, est-ce que vous avez jamais parlé
15 avec lui ?
16 R. Oui. Le capitaine Lukovic m'a gentiment conduit à l'extérieur de Knin
17 le 9 août, nous avons eu à ce moment-là l'occasion de parler. Il était
18 parfaitement au courant de la lettre; mais pour être complètement précis,
19 je dois dire que je ne me souviens pas avoir parlé avec lui de la réception
20 même de la lettre, à savoir s'il m'a dit qu'il avait reçu cette lettre bel
21 et bien le 4 août. Toujours est-il qu'il était au courant de la lettre, de
22 son contenu, il l'avait vue, mais je ne me souviens pas qu'il ait dit :
23 J'ai vu cette lettre à une telle heure, à une telle date, à un tel endroit.
24 Q. Est-ce que vous vous souvenez du contexte de la discussion quand vous
25 avez parlé de la lettre ? Est-ce que vous parliez en général de ce type de
26 lettres ? Est-ce que vous parliez de cette lettre-là en particulier, de la
27 lettre qui avait été envoyée le 4 août ?
28 R. Non, je ne me souviens de ce qui était à l'origine de cette
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1 conversation ou de son contexte. Je le connaissais assez bien, je pouvais
2 lui parler franchement. Nous étions tous les deux des passionnés de
3 bateaux. Je ne peux pas dire que c'était un ami, mais on se connaissait
4 suffisamment bien pour pouvoir se parler ouvertement. Cela étant dit, je ne
5 me souviens pas du contexte de cette discussion au sujet de la lettre.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, vous en avez terminé
7 avec le sujet de la lettre ?
8 M. TIEGER : [interprétation] Vous pouvez poser votre question, Monsieur le
9 Président, bien évidemment.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui parce que -- sûrement, aux écrans on
11 ne voit pas la lettre en entier, on voit qu'il y a eu un échange de
12 télécopies apparemment.
13 Je ne vois pas comment cela a été traduit en B/C/S. Je vois quelque
14 chose d'écrit à la main avant "août" et je ne vois pas ce que cela veut
15 dire exactement. Est-ce que vous pouvez me dire ce que "necitko" veut dire
16 dans la traduction, est-ce que cela veut dire "illisible" ? Et si tel est
17 le cas, il faudrait considérer que l'autre partie "04", ou quoi que cela
18 signifie, n'est pas lisible non plus.
19 Ce n'est pas vraiment une question de traduction, c'est un problème
20 de lisibilité -- je ne sais pas si les parties sont d'accord pour dire ce
21 qui est écrit à la main avant la date, avant le mot "août". En tout cas, on
22 ne peut pas dire que le traducteur considère qu'il s'agit du chiffre "04"
23 puisque les traducteurs ont considéré que c'était quelque chose qui n'était
24 pas lisible pour pouvoir être traduit.
25 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que c'est tout à fait clair, on
26 voit très bien que ce qui est écrit ici, c'est "illisible".
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a un désaccord entre les
28 parties par rapport à cette portion-là, surtout la date, "04" ?
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1 M. KEHOE : [interprétation] Il y en a beaucoup, Monsieur le Président, il
2 s'agit justement de ce chiffre-là, "04" et on va beaucoup en parler. Je
3 pense que pour y voir plus clair il faudrait voir ce qui est écrit tout en
4 bas du document dans la ligne qui correspond à l'envoi du fax.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord, très bien. Là il y a le 12.
6 M. KEHOE : [interprétation] Oui, effectivement.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est vrai que j'aurais pu poser la
8 question en voyant cela. Vous voyez, je n'avais même pas besoin de cela
9 pour être curieux.
10 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Tieger.
11 M. TIEGER : [interprétation]
12 Q. Mon Général, encore une question avant de quitter ce sujet. Il y a
13 toute une série de villes qui figurent dans la première phrase autres que
14 Knin, à savoir Drnis, Medak et autres. Est-ce que vous savez si cette liste
15 était complète, la liste des villes qui ont fait l'objet de cette lettre du
16 général Forand et d'autres officiers supérieurs du QG du secteur sud; est-
17 ce que ce sont les seules villes au sujet desquelles ils avaient des
18 informations ?
19 R. Non. Cette liste n'était pas complète, ce n'était pas son objectif.
20 Elle devait être représentative; il s'agissait d'écrire de toute urgence un
21 document pour faire cesser le feu d'artillerie et pour que les Croates se
22 retirent de la zone de séparation, c'est pour cela qu'on a envoyé le
23 document tel quel. Cela faisait partie des discussions qui ont eu lieu au
24 moment où on a eu l'idée de ce document.
25 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai plus l'intention de poser des
26 questions au sujet de ce document. Je ne sais pas s'il y a des objections,
27 mais nous souhaitons que ce document soit marqué aux fins d'identification.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a des objections ?
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1 M. KEHOE : [interprétation] Oui, effectivement, nous avons une objection.
2 Il n'a pas été prouvé que ce document a jamais été reçu par le général
3 Gotovina. Un autre exemplaire de cette lettre a été envoyé à un autre
4 secteur, au général Norac, mais il n'y a pas de preuve indiquant que cette
5 lettre a été envoyée au général Gotovina et qu'il l'a reçue. Je vais
6 essayer d'explorer cela au cours de mon contre-interrogatoire --
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit d'une question
8 d'admissibilité de ce document ? Est-ce que vous la contestez ou est-ce
9 qu'il s'agit de la valeur probante et du poids à accorder, puisque le
10 témoin a déposé au sujet de cette lettre, et il dit qu'il n'avait pas de
11 connaissances directes et personnelles quant à la façon dont cette lettre a
12 été distribuée, en même temps il en a parlé avec d'autres personnes. Donc
13 je pense que là il s'agit plutôt du poids que de l'admissibilité.
14 M. KEHOE : [interprétation] Je comprends ce que vous voulez dire, Monsieur
15 le Président. Mais si quelqu'un écrit une lettre et qu'il n'y a pas de
16 preuve que cette lettre a été reçue par le destinataire, dans ce cas la
17 lettre n'a aucune valeur probante. Nous considérons que le Procureur ne l'a
18 pas prouvé alors qu'ils auraient pu faire venir des gens qui auraient pu
19 témoigner que le général Gotovina avait reçu la lettre. Je considère qu'il
20 y a pas de valeur probante à accorder à ce document et que le Procureur n'a
21 fourni absolument aucune preuve indiquant que le général Gotovina a reçu la
22 lettre.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les Juges décident que la lettre va être
25 versée au dossier.
26 Monsieur le Greffier.
27 M. LE GREFFIER : [interprétation] En tant que pièce P83, Monsieur le
28 Président.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P83 a été versée au dossier.
2 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Tieger.
3 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
4 Q. Général, vous avez parlé de cette lettre et vous avez parlé des
5 rapports que les QG du secteur sud recevaient des différentes unités des
6 UNCRO partout dans le secteur. Pourriez-vous nous dire quelle était la
7 nature générale de ces informations, nous dire ce que vous n'avez pas déjà
8 dit s'agissant des documents que le secteur sud recevait de toutes ces
9 unités déployées dans le secteur ?
10 R. Nous avions quatre bataillons qui se trouvaient dans la zone de
11 séparation et qui nous envoyaient des rapports plus ou moins concordants
12 sur les événements qui se sont produits le 4, à commencer par les feux
13 d'artillerie sur les positions de la défense serbe dans la zone de
14 séparation, les feux d'artillerie sur les positions d'artillerie serbe, la
15 concentration des troupes juste derrière la zone de séparation, les feux
16 d'artillerie sur un grand nombre des zones résidentielles qui se trouvaient
17 également dans la zone de séparation, ensuite l'avancement des forces
18 armées croates dans la zone de séparation et parfois, l'occupation,
19 arrestation, désarmement des fonctionnaires des Nations Unies et même la
20 prise de contrôle de leurs installations.
21 Q. Général Leslie, est-ce que le 4 août, est-ce que vous avez voyagé à
22 l'extérieur de la base du secteur sud ?
23 R. Oui, en effet.
24 Q. Pourriez-vous nous dire à combien de reprises vous l'avez fait et dans
25 quel but ?
26 R. Je l'ai fait à plusieurs reprises dans un véhicule, parfois sans. Quand
27 on était à bord d'un véhicule, c'était après le 6, et pour une période
28 assez brève, c'était un chaos contrôlé, pour ainsi dire, qui se trouvait
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1 devant notre porte. Il y avait des problèmes avec la police civile des
2 Nations Unies qui n'était pas, enfin, il y avait des gens qui n'étaient pas
3 sur les mêmes listes que les listes de la police civile et du secteur sud.
4 Ensuite, il s'agissait de se rendre sur le terrain et, par exemple, j'y
5 suis allé une fois et le voyage a duré à peu près un quart d'heure. Il n'y
6 avait rien de spécial qui se passait. Il s'agissait de ramasser trois
7 personnes, il n'y avait personne qui était membre de la police onusienne,
8 et ensuite de revenir.
9 Ensuite, le deuxième voyage, c'était à un moment donné pendant la journée.
10 Il y avait des corps à l'extérieur vers la droite, il y avait des gens qui
11 voulaient faire une enquête à ce sujet, les mettre dans des sacs. Donc je
12 suis sorti juste pour arrêter cela.
13 Ensuite, ce soir-là, je me suis rendu au détachement de liaison serbe pour
14 discuter de certains points, et je pense que ce sont toutes les sorties que
15 j'ai effectuées à l'extérieur de la base du secteur sud le 4.
16 Q. Quant au détachement de liaison de l'armée serbe, où est-ce que cela se
17 trouvait, où se trouvait le bâtiment ?
18 R. Je me souviens très bien de leur QG, de la RSK, ce n'était pas la même
19 chose, le même bâtiment que le bâtiment du ministère de la Défense. C'était
20 dans la rue principale et juste avant un rond-point, à peu près 50 mètres
21 vers la gauche, c'est là que se trouvait ce bâtiment.
22 Q. Qu'est-ce que vous avez vu quand vous y êtes allé dans le QG de la RSK
23 ?
24 R. Je me souviens que le bâtiment avait été endommagé. Il y avait des
25 éclats d'obus. C'était le soir du 4, il y avait un corps sans vie, avec un
26 bas de treillis, et le corps était juste laissé à côté, on pouvait le voir
27 en montant l'escalier. Au moment où j'y suis allé, il n'y avait
28 pratiquement personne là-bas.
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1 M. TIEGER : [aucune interprétation]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde l'heure. Est-ce que le moment
3 est opportun pour prendre la pause.
4 M. TIEGER : [interprétation] Effectivement.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais tout d'abord demander à
6 l'huissier d'accompagner M. Leslie qui va sortir du prétoire. Nous allons
7 prendre une pause et nous allons reprendre à peu près dans 25 minutes,
8 Monsieur Leslie.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur.
10 [Le témoin quitte la barre]
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, je pense que ce témoin
12 au début devait déposer pendant 6 heures et demie de vive voix et, si je
13 vous ai bien compris, vous ne pensez pas la même chose maintenant.
14 M. TIEGER : [interprétation] Effectivement. Nous avons essayé justement de
15 communiquer avec le personnel du greffe et de la Défense au sujet du
16 timing, et je pense que je vais pouvoir terminer l'interrogatoire de ce
17 témoin avant la fin de la session prochaine.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela veut dire que vous allez le faire
19 en trois heures. Nous avons dit que la Défense et le Procureur vont
20 disposer de la même quantité de temps pour leurs interrogatoires
21 respectifs. Puisque pratiquement toutes les dépositions jusqu'à présent
22 étaient présentées en vertu de l'article 92 ter, on ne pouvait pas suivre
23 ce modèle par rapport à ce témoin qui va être un témoin très important pour
24 le Procureur et pour la Défense. Je n'espère pas pouvoir respecter ce
25 partage égal.
26 Mais j'ai besoin de savoir si la Défense considère qu'il serait possible de
27 terminer l'interrogatoire de ce témoin aujourd'hui et si M. Tieger finit
28 aujourd'hui, est-ce que nous pourrions terminer ce témoin d'ici jeudi, ça
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1 nous donne plus de deux jours.
2 M. KEHOE : [interprétation] Oui, effectivement, je pense que nous pouvons
3 le faire.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là je parle de tous les conseils de la
5 Défense.
6 M. KEHOE : [interprétation] Nous n'avons pas encore discuté de cela, mais
7 je pense que nous pourrions le faire.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vois que M. Kay fait un
9 signe affirmatif, même si vous n'êtes pas encore sûr ?
10 M. KAY : [interprétation] Effectivement, nous attendons d'entendre la suite
11 de la déposition.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
13 M. KAY : [interprétation] Nous ne savons pas ce que le témoin va dire par
14 la suite puisque c'est une déposition de vive voix.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kuzmanovic.
16 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je vous remercie. Vous savez quand on est
17 troisième, cela a ses avantages et ses désavantages. On va discuter et on
18 va voir ce qu'on peut faire.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Telles que les choses se présentent à ce
20 moment, nous allons continuer à travailler sur la base que ce témoin va
21 terminer sa déposition jeudi. Ensuite, il faudrait savoir comment on va
22 s'organiser.
23 De toute façon, je demande à toutes les parties de s'organiser le
24 mieux possible pour essayer de terminer l'interrogatoire de ce témoin avant
25 vendredi puisqu'il ne pourra pas revenir vendredi.
26 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que ceci est faisable.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce qu'il y a aussi des questions des
28 Juges qui d'habitude ne prennent pas beaucoup de temps, mais bon, cela
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1 prend quand même du temps.
2 M. TIEGER : [interprétation] Je sais que M. Misetic voulait dire quelque
3 chose. De toute façon, je n'aurai peut-être même pas besoin de la session
4 tout entière. J'ai dit que j'avais besoin de la prochaine session, mais
5 peut-être pas tout entière.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Misetic.
7 M. MISETIC : [interprétation] C'est une question administrative que j'ai
8 voulu vous poser. Nous avons reçu une question par rapport au prétoire
9 numéro II et le nombre de personnes qui peuvent y être. Pour nous, cela
10 nous pose un problème, puisqu'il y a plusieurs personnes qui travaillent
11 dans notre équipe et nous allons avoir besoin de ces personnes pour mener à
12 bien notre contre-interrogatoire. Est-ce que vous pouvez peut-être voir de
13 quelle manière nous pourrions résoudre ce problème.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous allons y penser et revenir
15 vers vous.
16 Nous allons reprendre nos travaux à 11 heures.
17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.
18 --- L'audience est reprise à 11 heures 04.
19 [Le témoin vient à la barre]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, Maître Kehoe, la Chambre
21 envisage une solution pour jeudi. Nous essayons de voir ce qui est
22 possible. Nous finirons bien par trouver une solution quelle qu'elle soit.
23 Monsieur Tieger, vous avez la parole.
24 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
25 Q. Général Leslie, vous souvenez-vous du moment où le pilonnage s'est
26 arrêté le 4 août 1995, si jamais il s'est arrêté à un moment donné à Knin ?
27 R. Au mieux de mes souvenirs, le pilonnage s'est pratiquement arrêté à la
28 tombée de la nuit, mais il y avait encore des explosions sporadiques
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1 pendant la nuit.
2 Q. Vous vous souvenez de ce qui en a été de la population civile à Knin,
3 soit pendant la journée soit pendant la soirée du 4 août ?
4 R. Pendant la majeure partie de la journée à partir de 6 heures 45 jusqu'à
5 la soirée, je n'étais pas en train de me déplacer dans la ville de Knin.
6 Donc ce que je veux dire se fonde sur ce que me rapportaient ceux qui
7 étaient sur le terrain, qui étaient dehors dans la ville. En tant que chef
8 d'état-major, j'essayais de faire en sorte que toutes les personnes soient
9 rappelées.
10 Vous pouvez voir que nous avons une des routes principales qui passe juste
11 à côté du QG du secteur sud, en provenance de la zone de séparation, qui
12 entre dans Knin. Et au début de l'après-midi, il y a eu pratiquement un
13 flot ininterrompu de véhicules à bord desquels il y avait des hommes qui
14 étaient en treillis pour certains, pour certains pas, qui ont commencé à
15 influer dans Knin, et partout on a commencé à entendre des rapports sur des
16 civils qui se sont mis à partir dès le début de l'après-midi.
17 Q. Vous-même, vous avez vu des véhicules entrer dans Knin ou quitter Knin
18 dans la deuxième partie de la journée le 4 août ?
19 R. C'était plutôt vers la soirée, vers la tombée de la nuit, Monsieur. Je
20 suis sorti un petit peu. L'officier de liaison serbe, qui n'était pas là
21 quand je suis arrivé, à ce que j'appelle le QG de la RSK, là il y avait
22 encore un nombre considérable de personnes sur la route qui se mettaient en
23 branle, qui allaient sortir; et vous pouvez voir qu'il y avait quasiment un
24 flot ininterrompu de lumière des phares des véhicules qui montaient la
25 route de l'autre côté de Knin, qui allaient s'engager dans les collines au
26 nord et à l'ouest.
27 Q. De quels véhicules il s'agissait ? Qu'est-ce que vous avez vu ?
28 R. Juste à côté du QG du secteur sud, il y avait des véhicules de tous
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1 genres. C'était principalement des camions à bord desquels il y avait des
2 personnes. C'était en fait des tracteurs, et il y avait de temps à autre
3 des chars, mais il n'y en avait pas beaucoup. Il y avait aussi des
4 personnes qui se déplaçaient à pied et qui avançaient vers Knin.
5 La nuit est tombée et il faisait noir à partir d'un certain moment,
6 et depuis l'endroit où se posent les hélicoptères, c'était un peu trop loin
7 pour pouvoir distinguer les types de véhicules qui étaient en partance.
8 Q. Vous avez dit qu'il y avait des tracteurs avec ces espèces de remorques
9 en bois et que ces tracteurs transportaient des gens. Il s'agissait de
10 quelle catégorie de gens ?
11 R. C'était variable. Ça pouvait être des soldats - vers la tombée de la
12 nuit - qui étaient montés sur ces remorques en bois. Et puis parfois, il y
13 avait un groupe mixte de soldats, avec des femmes et des personnes âgées,
14 donc il y avait un peu de tout.
15 Q. Ces personnes entraient dans Knin et restaient dans Knin ?
16 R. Non. Ils entraient dans Knin, et après on a compris qu'ils étaient
17 venus chercher leurs proches ou leurs effets personnels pour sortir en
18 empruntant cette route que j'ai citée précédemment, vers le nord et
19 l'ouest.
20 Q. Vous avez parlé de ce flot de véhicules. Ils passaient par Knin pour
21 aller ailleurs ?
22 R. Quand on ne les voyait plus, lorsqu'ils disparaissaient de vue, je ne
23 sais pas si ce sont les mêmes véhicules ou pas qui sortaient, mais c'est
24 une conclusion qui s'impose logiquement. Encore que parfois, comme il n'y
25 avait pas beaucoup de carburant, ils devaient abandonner leurs véhicules.
26 Q. Alors, avant la matinée du lendemain, on a reçu une information au
27 secteur sud de l'UNCRO portant sur la possibilité ou le fait qu'on
28 anticipait qu'il allait y avoir davantage de pilonnages le lendemain ?
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1 R. Oui. C'est l'information qui est arrivée du centre d'opération. Je
2 pense que le QG de l'UNCRO avait transmis cette information au QG du
3 secteur sud. Je ne me souviens pas exactement du moment où nous avons
4 appris qu'en fait ce qui s'était produit le 4 allait se réitérer le 5, mais
5 c'était quelque chose que tout le monde savait, je pense à minuit, dès
6 minuit du 4. Donc on pouvait s'attendre à des tirs de barrages intenses à
7 partir de 5 heures du matin le 5.
8 Q. Et que s'est-il passé le lendemain matin ?
9 R. Pour être tout à fait précis, sur d'un point de vue militaire, c'est à
10 5 heures du matin le 5 qu'il s'est produit un autre tir de barrage intense,
11 en réitérant pratiquement de toutes les manières exactement ce qui s'était
12 produit la vielle, le 4. Autrement dit, entre 5 heures et à peu près 7
13 heures, il y a eu un tir de barrage intense qui semblait se produire
14 partout.
15 Q. Et après 7 heures ?
16 R. Ce qui s'était produit le 4 s'est reproduit. Il y a eu une réduction de
17 l'intensité dans ces tirs de barrage, une réduction très nette, mais
18 c'était toujours une intensité moyenne, et c'est ce qui s'est maintenu
19 jusqu'à à peu près 10 heures 30 ou 11 heures, avec à peu près les mêmes
20 cibles que ce que j'avais évoqué dans ma déposition précédemment. Donc
21 c'est ce qui a duré de 7 heures à 10 heures 30 ou 11 heures.
22 Q. Est-ce que vous avez pu voir où a eu lieu ce pilonnage du 5 ? Est-ce
23 que c'étaient les mêmes endroits ou est-ce que c'était différent par
24 rapport à la veille ?
25 R. Essentiellement, c'étaient les mêmes endroits que ce que j'avais
26 remarqué le 4, à l'exception du fait que je ne suis pas allé à l'endroit où
27 se posaient les hélicoptères. Je n'y suis pas allé du tout dans la matinée
28 du 5. Mais quand j'y suis arrivé, il n'y avait plus de pilonnage à ce
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1 moment-là. C'était plus tard dans l'après-midi.
2 Q. Dans la matinée du 5, vous êtes sortis de l'enceinte du QG du secteur
3 sud ?
4 R. Oui.
5 Q. Pour quelles raisons ?
6 R. Un médecin serbe nous a demandé de venir aider pour évacuer une
7 trentaine ou une quarantaine de patients qui étaient à ce moment-là
8 hospitalisés à l'hôpital de Knin. J'ai offert de rassembler une équipe. Au
9 départ, c'étaient six véhicules qui allaient se diriger vers l'hôpital pour
10 aider à évacuer ces individus. Nous avons reçu cette demande vers 7 heures,
11 7 heures 30 du matin, et nous avons quitté l'enceinte une heure et demie
12 plus tard.
13 Q. Quand vous avez quitté le QG du secteur sud pour vous rendre à
14 l'hôpital et pendant votre retour, est-ce que vous pourriez dire à la
15 Chambre si vous avez vu ou vécu quelque chose ?
16 R. Notre déplacement a pris à peu près 15 à 20 minutes. Nous sommes partis
17 avec six véhicules, et dans un premier temps mon véhicule allait se placer
18 en tête de la colonne, mais à un moment donné, l'ambulance serbe nous a
19 dépassé et est venue se placer en tête de colonne. Je pense que c'était à
20 un moment où il y a eu des pilonnages. Il y a eu deux moments où il y a eu
21 des projectiles qui sont tombés sur la route. Une fois, c'était là où on
22 arrive au principal rond-point. C'était tout près des véhicules, parce que
23 les véhicules ont été secoués par les détonations.
24 Et puis la deuxième fois, c'était avant le QG du corps de la Dalmatie
25 du nord, c'était après le rond-point. En route vers le centre, la ville
26 semblait être déserte. Il y avait des corps qui gisaient sur la route. Il y
27 en avait dans l'ordre de 15 à 20 à différents endroits lorsqu'on longeait
28 la route. Il y avait énormément de débris le long de la route, il y avait
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1 des bagages, des meubles, jusqu'à ce qu'on arrive à l'endroit où on peut
2 quitter Knin, en tournant à gauche vers le nord et vers l'ouest. La route,
3 à partir de ce moment-là, était à peu près dégagée.
4 Q. Vous avez vu des cadavres le long de la route en avançant vers
5 l'hôpital. Est-ce que vous avez vu des personnes blessées quand vous êtes
6 arrivés à l'hôpital ? Est-ce que vous avez vu des cadavres là-bas également
7 ?
8 R. Quand nous sommes arrivés à l'hôpital, il y avait beaucoup de corps de
9 personnes décédées. Il y avait des hommes, des femmes, des enfants. Ils
10 étaient entassés, et on utilisait une pièce arrière en tant que morgue. Il
11 n'y avait pas d'électricité. Tout le personnel médical était parti à
12 l'exception d'un infirmier qui, de toute évidence, était resté sur place
13 pendant que le médecin serbe est allé nous chercher.
14 Il y avait à peu près 30 à 40 patients, et sur eux, 25 étaient dans un état
15 absolument critique. C'était un groupe mixte. Il y avait des personnes
16 âgées, des femmes âgées, il y avait quelques hommes en âge de porter les
17 armes, et voilà.
18 Q. Pendant --
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait demander au
20 témoin quelque chose ? Il dit : "Il y avait beaucoup d'hommes, femmes,
21 enfants, entassés dans l'hôpital…" Lorsque vous dites beaucoup, est-ce que
22 vous voulez dire "30 à 40 patients, 25 dans un état absolument critique" ?
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'est difficile d'estimer. Je dirais qu'il
24 n'y en avait pas moins de 30 et pas plus que 50 ou 60.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc c'était des dizaines de corps
26 ?
27 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
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1 M. TIEGER : [interprétation]
2 Q. Dans la matinée du 5, vous étiez à l'hôpital, est-ce que vous avez vu
3 des dégâts occasionnés par des projectiles, des mortiers ? Est-ce que vous
4 avez remarqué qu'il y ait eu du pilonnage ?
5 R. Je n'ai pas remarqué qu'il y ait eu des dégâts occasionnés par des
6 mortiers. Je dois dire cependant que je n'ai pas vraiment inspecté
7 l'hôpital de très près. Pendant que nous étions en train de vérifier ce
8 qu'il y avait dans les différentes pièces, un projectile est tombé
9 suffisamment près pour briser et faire éclater plusieurs fenêtres, mais il
10 n'a pas touché l'hôpital. Certains dégâts d'obus l'ont touché cependant. Je
11 ne me souviens pas d'autres dégâts, mis à part ces vitres, ces carreaux des
12 fenêtres. Il y a eu quelques fenêtres qui ont volé aux éclats.
13 Q. Pour que ce soit tout à fait clair, est-ce qu'on a cherché à détruire
14 l'hôpital ou pas ?
15 R. Non, je dirais que c'était le contraire. Je pense que les autorités
16 croates ou l'armée croate a vraiment déployé des efforts considérables pour
17 ne pas viser et ne pas toucher l'hôpital.
18 Q. Pendant que vous étiez à l'hôpital, vous avez vu des véhicules
19 militaires ?
20 R. Oui. Il y avait un char à environ 400 mètres. C'est lorsque nous avons
21 quitté l'hôpital. C'était vers 10 heures, 10 heures 30. Plutôt 10 heures
22 30, un char, 400 mètres au nord, nord-est. Pour vous dire tout à fait
23 franchement, la seule raison pour laquelle je l'ai remarqué c'est parce que
24 nous étions en train de charger les patients dans nos véhicules armés, et
25 si je l'ai remarqué c'était parce qu'il a tiré un projectile sur Knin.
26 Q. Et vous avez pu reconnaître les forces, les forces qui étaient là dans
27 ce char ou avec ce char ?
28 Vous avez pu voir si c'était un char serbe, ou croate, ou autre ?
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1 R. Non, je n'ai pas pu voir ça.
2 Q. Vous savez à peu près à quel moment vous êtes revenu de l'hôpital ?
3 R. Il était à peu près 11 heures, mais c'est vraiment très approximatif.
4 Nous avons déchargé les patients à ce moment-là et nous avons aidé à ce
5 qu'on s'occupe des personnes déplacées, et aussi il a fallu prévoir de
6 l'espace où on allait prendre en charge les patients qui allaient recevoir
7 des soins à l'hôpital tchèque.
8 Q. Je pense que vous avez dit hier que le pilonnage s'est arrêté le 5 août
9 à peu près au moment où l'armée croate est entrée --
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, "hier" me trouble un
11 petit peu. Vous dites : "Je pense que vous avez dit hier…"
12 M. TIEGER : [interprétation] Non, pendant la session précédente -- ou plus
13 tôt ce matin.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
15 M. TIEGER : [interprétation]
16 Q. Je vais reformuler ma question.
17 Vous vous souvenez à peu près à quel moment l'armée croate est entrée dans
18 Knin ?
19 R. Je pense que c'était à peu près vers 11 heures, mais ce que je sais
20 maintenant et ce que je ne savais pas à l'époque, c'est qu'ils sont entrés
21 dans la ville tout d'abord depuis le nord. Donc les éléments avancés, c'est
22 ce que nous pensons, de l'armée croate se sont trouvés dans Knin vers 11
23 heures.
24 Q. Excusez-moi, je n'avance pas d'une manière très linéaire, mais je
25 regarde le compte rendu d'audience et je vois qu'il y a une question qui a
26 à voir avec l'hôpital que j'ai omis de vous poser. Vous avez dit que vous
27 avez vu un char à environ 400 mètres de l'hôpital, vous avez dit qu'il a
28 tiré un projectile sur Knin. Est-ce que vous avez vu des tirs d'artillerie
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1 ou autres tirs dirigés sur le char ?
2 R. Non, je n'en ai pas vu. Il y avait des projectiles qui tombaient
3 lorsque nous sommes arrivés à l'hôpital et des projectiles d'artillerie qui
4 tombaient à 400, 500, 600 mètres vers le nord et l'ouest de l'hôpital.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, vous avez dit qu'un
6 projectile avait été tiré, dans votre question. Je ne vois pas à la page
7 42, ligne 18, où le témoin a dit : "Cela, nous l'avons remarqué uniquement
8 -- nous étions très pris par ce que nous étions en train de faire, à savoir
9 charger les patients dans nos véhicules blindés…"
10 Excusez-moi, je n'ai pas bien lu ce qui est écrit. Veuillez poursuivre.
11 M. TIEGER : [interprétation]
12 Q. Général, les forces de l'armée croate sont entrées dans Knin, et à ce
13 moment-là le personnel de l'UNCRO, est-ce qu'il assurait un suivi de la
14 situation à Knin ? Est-ce que vous avez surveillé l'évolution des
15 événements à Knin ?
16 R. Les forces croates sont entrées dans Knin. Le général Forand a pris la
17 décision de prendre une colonne de véhicules dans la ville et il a
18 rencontré les éléments de tête de l'armée croate arrivant vers le sud
19 pendant que lui il se déplaçait vers le nord, et je pense que c'était vers
20 11 heures 30.
21 Il a été escorté à ce moment-là par l'armée croate dans l'enceinte, donc
22 ramené dans l'enceinte. Et avant qu'il ne revienne dans l'enceinte croate -
23 - de notre camp, vers 11 heures 15 à peu près, mais je dois dire que c'est
24 approximatif, l'armée croate était arrivée à l'entrée de l'enceinte du
25 secteur sud et a refusé de nous permettre de sortir. Donc nous ne pouvions
26 pas suivre ce qui se produisait en ville, à l'exception de cette brève
27 période lorsque le général Forand a rencontré les éléments de tête de
28 l'armée croate.
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1 Q. Est-ce qu'ils ont accompagné ce refus d'une force quelconque ?
2 R. J'ai essayé de voir ce qu'il en était. J'ai pris une petite équipe à
3 l'intersection à 150 mètres à peu près sur la gauche, ne tenant pas compte
4 de l'infanterie croate qui était à notre porte principale. Ce qui s'est
5 passé c'est qu'ils nous ont escortés dans l'enceinte du secteur sud par
6 quelques chars, puis un char s'est garé devant notre porte principale, donc
7 il n'était pas possible de sortir.
8 Q. Ce char ou un autre élément de la force armée, est-il resté dans
9 l'enceinte pour empêcher le personnel de l'UNCRO de quitter l'enceinte ?
10 R. Oui.
11 Q. Qu'était-ce ? Ce char, [inaudible] sur le char pour le moment, pour ne
12 pas vous poser de question composée.
13 Comment est-ce qu'on a placé le char ?
14 R. Il était garé juste devant notre porte d'entrée, orienté face à notre
15 entrée et il visait directement l'enceinte. Il était des deux côtés, à côté
16 du char il y avait des effectifs considérables de ce que j'ai estimé être
17 l'infanterie croate; et 15 à 20 minutes plus tard, un colonel croate est
18 arrivé et nous avons eu un échange de points de vue.
19 Q. Pour que ce soit tout à fait clair, cet échange de points de vue, est-
20 ce que vous avez demandé au nom de l'UNCRO que le personnel de l'UNCRO
21 reçoive l'autorisation de quitter l'enceinte ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous avez expliqué quel était l'objectif de ce
24 déplacement ?
25 R. Oui.
26 Q. Et quel était l'objectif ?
27 R. De faire en sorte que le droit de la guerre était respecté, qu'il n'y
28 avait pas de violations du droit humanitaire, nous permettre l'accès et le
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1 monitoring, comme prévu par les résolutions du Conseil de sécurité des
2 Nations Unies, et j'ai aussi évoqué le fait que nous étions prêts à assumer
3 la responsabilité et le risque encouru.
4 Q. Très bien. Vous vous souvenez quelle a été la réponse que vous avez
5 reçue à cette exigence ?
6 R. On n'a pas eu de cesse de nous dire, non.
7 Q. Pendant combien de temps le char est-il resté à cet endroit, pendant
8 combien de temps le personnel de l'UNCRO a été empêché de quitter le camp ?
9 R. On nous a empêché de quitter notre camp jusqu'au 9 août. Je pense que
10 c'est à ce moment-là que je suis sorti pour la première fois. Il y a eu
11 quelques exceptions très mineures, et j'ai été escorté par le capitaine de
12 la marine, Lukovic, du QG du secteur sud pour pouvoir entrer en fonction de
13 chef d'état-major de l'UNCRO.
14 Je pense que le char est resté en place pendant quelques heures. Je
15 ne me rappelle pas à quel moment il est parti. Je n'étais pas là quand on
16 l'a retiré, mais nous avons reçu les ordres de l'UNCRO nous disant que nous
17 devions rester sur place à l'intérieur jusqu'à qu'il y ait eu toute une
18 série de discussions à haut niveau entre l'UNPF, l'UNCRO et les différentes
19 autorités.
20 Q. Vous n'étiez pas en mesure de quitter l'enceinte, mais est-ce que vous
21 étiez en mesure d'entendre ce qui s'est passé à l'extérieur pendant cette
22 période-là ?
23 R. Oui. De temps à autre il y avait des rafales de tirs, des détonations
24 de grenade sporadique; quelques immeubles, un nombre pas très élevé ont été
25 en flammes; il y avait beaucoup de bruit de chars qui passaient à côté de
26 notre QG vers le nord; sur cette route par laquelle les forces croates
27 entraient dans la ville, donc la route qui se situe juste en dehors du QG
28 du secteur sud.
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1 Q. Vous avez dit plusieurs fois que vous êtes en fonction, vous avez
2 assumé votre poste de chef d'état-major de l'UNCRO à Zagreb à partir du 9.
3 Peu après votre arrivée à Zagreb, est-ce que vous avez rédigé un rapport
4 portant sur ce qui s'était produit le 4 août ?
5 R. Oui.
6 M. TIEGER : [interprétation] La pièce 65 ter 4067, s'il vous plaît,
7 Monsieur le Président.
8 Q. Général Leslie, si vous regardez le 4067, est-ce que c'est bien le
9 rapport dont vous êtes l'auteur que vous aviez déposé le 12 août 1995 ?
10 R. Oui.
11 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'on pourrait
12 lui attribuer une cote et le verser au dossier ?
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.
14 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, j'avais compris que les
15 déclarations de témoin ne devaient pas être versées au dossier, que c'était
16 simplement une déposition en personne de vive voix.
17 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, c'est un rapport qui a
18 été rédigé à ce moment-là, en gros, immédiatement après les événements, qui
19 a été présenté par ce témoin au QG général de l'UNCRO.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est très proche de ce que prévoit
21 l'article 92 ter, au moins, même si c'est rédigé à l'époque.
22 Peut-être, Maître Kehoe, je voudrais tout d'abord vous donner la
23 possibilité, indépendamment de l'aspect formel de cela, de ce que serait
24 une déposition viva voce, indépendamment de cela, si vous auriez des
25 objections à élever sur la base du fait de la teneur également, --
26 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me le permettez.
27 La teneur se passe de commentaires. Certainement, j'ai effectivement des
28 questions à poser en contre-interrogatoire sur la teneur du document, mais
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1 je partais de l'hypothèse que nous étions simplement en train de suivre par
2 rapport au témoin 92 ter et ceci, il s'agit d'un témoin qui dépose en
3 personne. C'est pour ça que je suis quelque peu surpris que --
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais alors quel est l'aspect formel
5 de la pièce et de sa teneur ? Nous, les membres de la Chambre, nous avons
6 vu ce rapport. Il a été remis au personnel. J'ai toujours quelques doutes
7 sur la façon dont on doit régler ces questions.
8 M. TIEGER : [interprétation] Il était également compris sur la liste des
9 pièces, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il autre chose à ce sujet ?
11 M. KEHOE : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Je poserai des
12 questions dans le contre-interrogatoire et la question que j'avais
13 concernait essentiellement l'admissibilité. Je pensais qu'en fait nous
14 agissions sur la base d'une déposition en personne de vive voix, et non pas
15 sur la base de l'article 92 ter.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous voulez que cette
17 déclaration ou ce rapport fasse l'objet de questions lors du contre-
18 interrogatoire ?
19 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il serait donc pratique à ce
21 moment-là de l'avoir comme élément versé au dossier. Je veux dire, M.
22 Tieger pourrait vous laisser le loisir peut-être de le présenter vous-même.
23 Enfin, je me pose la question, bien entendu, pour ce qui est de M. Tieger,
24 ce qu'il faut ajouter en plus de cela, c'est que : ce n'est pas toujours
25 pour moi facile de comprendre.
26 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, si vous permettez.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
28 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que l'importance de ce document, en
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1 partie, c'est le moment où il a été présenté et ceci, évidemment, se
2 rapproche de la remarque qui a été faite par les membres de la Chambre.
3 Mais je pense que ce renseignement, en pratique, ne sert pas à grand-chose,
4 ça ne servira pas à grand-chose que ce document ne soit pas versé donc je
5 n'essaie pas de contourner une procédure.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce que les membres de la Chambre
7 pourraient apprendre de cela, c'est en fait ce que le témoin dit dans sa
8 déposition aujourd'hui -- c'est approximativement la même chose qu'on a eu
9 l'esprit, ce qu'il avait à l'esprit au moment où il a examiné la situation.
10 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, pourrais-je ajouter
11 quelque chose.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Kehoe.
13 M. KEHOE : [interprétation] Mon confrère me rappelle, M. Cayley me
14 rappelle, je pense que l'Accusation nous l'a communiquée, c'est la
15 déclaration du témoin dans la mesure où ceci se rapporte aux prévisions de
16 l'article 92 ter.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai toujours compris les dispositions
18 de l'article 92 ter comme traitant essentiellement des déclarations qui
19 avaient été faites en vue du procès devant ce Tribunal, et pas simplement
20 pour chaque déclaration qui a été recueillie ou rédigée à l'époque. Mais il
21 s'agit là de types différents de déclarations. Si vous vous adressez à un
22 témoin, vous lui posez des questions précises, bien entendu, la question --
23 ceci est du 12 août, c'est la question de la rédaction sur un papier,
24 d'après ce que je comprends, de ce que le témoin a observé à l'époque,
25 plutôt que le fait d'avoir été auditionné par un organe quelconque; je dois
26 admettre que sur la base de ce que j'en ai lu, la question de violations du
27 droit était certainement dans l'esprit du témoin. Ça, ça va sans dire.
28 Je vais simplement --
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1 [La Chambre de première instance se concerte]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre décide d'admettre le document
3 comme élément de preuve au dossier en partant de l'idée que les autres
4 conseils n'ont pas donné la parole, n'ont pas élevé d'objections en plus de
5 ce que Me Kehoe vient déjà de nous dire.
6 Monsieur le Greffier, pouvez-vous nous donner, s'il vous plaît, une cote ?
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P84, Monsieur le
8 Président.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.
10 La P84 est donc versée au dossier comme élément de preuve.
11 Monsieur Tieger, vous pouvez poursuivre.
12 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 Q. Général Leslie, vous avez déjà eu la possibilité de discuter de la
14 lettre de protestation envoyée par le général Forand où il est question
15 d'attaques alléguées contre des civils; et comme on vient de le relever,
16 vous-même vous avez préparé un rapport dès l'arrivée au quartier général de
17 l'UNCRO à Zagreb, dans lequel vous décrivez les événements et vous avez
18 affirmé que les autorités croates, soit sans discrimination, soit de façon
19 délibérée, ont tiré sur des quartiers résidentiels civils.
20 Je voudrais vous demander de bien vouloir expliquer aux membres de la
21 Chambre ce que vous avez vous-même observé qui donnerait l'impression qu'il
22 y ait eu délibérément l'intention de prendre pour cible des civils, le fait
23 qu'on ait eu des tirs d'artillerie sans discrimination sur des civils ?
24 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, voilà le problème.
25 Maintenant, le Procureur est en train d'utiliser ce rapport pour tendre un
26 piège avec cette déposition personnelle. Et si ce témoin va maintenant
27 déposer sur ce que le témoin a entendu, observé, bon, très bien. Mais je
28 veux dire que maintenant il y a là un piège en ce qui concerne ce document,
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1 clairement, il s'agit à ce moment-là de développer --
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il se peut que ceci ait trait à la façon
3 dont la question est posée. Je comprends, bien sûr, la Chambre a vu ces
4 documents et a un très grand nombre de conclusions sont tirées dans ce
5 document; et comme il a été dit dans la décision que la Chambre a rendue ce
6 matin, pas en présence du témoin, mais ceci est certainement pertinent à la
7 situation actuelle, aux questions qui sont posées maintenant.
8 Général Leslie, vous parvenez à toutes sortes de conclusions sur des
9 questions où en fait c'est à la Chambre qu'il appartient de tirer des
10 conclusions. En même temps, bien sûr, vous avez vu, vous avez observé les
11 choses et comme ceci ressort clairement de ce premier rapport, vous aviez à
12 l'esprit, comme vous l'aviez dit, vous aviez pour tâche de voir s'il y
13 avait des violations des lois et coutumes de la guerre, voir s'il y en
14 avait de commises ou s'il y avait d'autres crimes de caractère
15 international.
16 Maintenant, les conclusions, comme je l'ai déjà dit, c'est à la Chambre
17 qu'il appartient de les tirer. En même temps, bien sûr, le cadre juridique,
18 que vous connaissez apparemment, a pu peut-être diriger vos pensées lorsque
19 vous avez fait vos observations à l'époque. Par exemple, juste pour donner
20 un exemple, un médecin pourrait voir essentiellement les blessures d'une
21 personne; un juriste pourrait, par contre, d'abord voir s'il porte des
22 vêtements civils ou militaires. C'est juste une différence de point de vue,
23 d'approche.
24 Alors, ce que je suppose que M. Tieger veut vous demander, c'est si vous
25 pouvez nous communiquer vos observations à la lumière de ce qu'apparemment
26 vous aviez à l'esprit pour la question de savoir si les crimes étaient en
27 train d'être commis ? Donc, nous ne demandons pas vos conclusions, nous
28 n'essayons pas de les connaître, mais si, par exemple, vous dites : j'ai vu
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1 un pourcentage d'environ 99 % de civils qui ont été touchés et 0,1 % de
2 soldats, ça, ça pourrait être une observation pertinente pour pouvoir tirer
3 des conclusions.
4 Je pense que M. Tieger pour le moment est en train d'essayer de savoir ce
5 que vous avez observé factuellement, et peut-être qu'il vous posera des
6 questions pour vous demander davantage de détails, plutôt que de nous dire
7 ce qui étaient vos propres conclusions, en l'occurrence.
8 Monsieur Tieger, vous pouvez poursuivre.
9 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
10 Q. Le Président a raison. Je voudrais que l'on se centre sur ce que vous
11 avez observé à la lumière de votre expérience du point de vue des tirs
12 d'artillerie et de ce que vous savez des systèmes d'armes qui vous ont
13 conduit à tirer des conclusions que vous avez faites.
14 Donc, pour commencer, en ce qui concerne le tir de barrage initial qui a eu
15 lieu le 4 août, qu'est-ce qu'il y a eu dans ces tirs de barrage au début,
16 en l'occurrence, qui vous ont amené à tirer les conclusions que vous avez
17 tirées dans votre rapport du 12 août ?
18 R. Le barrage initial du 4 août depuis environ 5 heures à 7 heures du
19 matin n'avait pas les caractéristiques de concentration de tirs. On ne
20 pouvait pas voir de schéma qui correspondait à un objectif évident ayant un
21 intérêt militaire. Les tirs, du point de vue d'un profane, étaient partout,
22 on tirait dans tous les sens.
23 Q. Bien. Peut-être que c'est évident, mais quelle était l'importance de
24 cela soit pour conclure qu'il y avait des tirs sur des secteurs civils et
25 que c'était délibéré ou que c'était sans discrimination, au hasard ?
26 R. Si les tirs étaient dirigés un peu partout et n'étaient pas concentrés
27 ou semblaient être dirigés vers un point particulier, à ce moment-là, en
28 tant qu'artilleur, il y a toute une série de conclusions auxquelles on
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1 pourrait parvenir. L'une, c'est que ou les tirs sont sans discrimination
2 dans le centre de Knin et que ça devient une zone de tir libre dans
3 laquelle il y a des structures et des résidences civiles ou qu'il y a une
4 tentative délibérée pour distribuer les tirs pour obtenir le même effet.
5 Q. Vous avez également indiqué au cours de votre examen des événements --
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais poser une question.
7 M. TIEGER : [interprétation] Oui.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends que vos réponses sont
9 basées pour le moment sur l'hypothèse qu'il n'y avait pas des objectifs
10 militaires un peu partout, pour employer la même terminologie, parce que
11 sinon vous diriez : je prends délibérément pour objectifs tous les
12 objectifs militaires qui se trouvaient éparpillés dans tous les sens. Je
13 réfléchis d'un point de vue logique et j'essaie de suivre votre logique.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que votre
15 logique est impeccable. Je suis d'accord.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je n'étais pas en train de
17 rechercher ce type de compliment; néanmoins, je vous remercie.
18 Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.
19 M. TIEGER : [interprétation]
20 Q. Général Leslie, vous avez également dit qu'au cours des tirs
21 d'artilleries qui ont eu lieu le 4 et le 5 août, vous avez observé qu'il y
22 avait des corrections de tirs ou des procédures de groupements sur des
23 objectifs; c'est bien cela ?
24 R. C'est exact.
25 Q. Est-ce que ceci indiquerait -- est-ce que ceci traduirait, sur la base
26 de vos observations et de votre expérience, qu'il y avait des efforts
27 visant à toucher un objectif particulier ?
28 R. Oui.
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1 Q. Pour commencer, où avez-vous vu qu'il y avait ces procédures
2 d'objectifs regroupés ou de tirs corrigés ? Vers où étaient dirigés les
3 tirs corrigés ?
4 R. Dans la plupart des points d'où j'ai pu observer, soit du balcon ou
5 peut-être plus précisément dans la région de l'hélizone, la grande majorité
6 de la procédure de tirs pour ce qui était des impacts de masse, c'était
7 dans les structures résidentielles. Il y avait quelques exceptions à cela,
8 et si vous voulez que je rentre dans les détails je peux le faire.
9 Q. Bien sûr. Quelles étaient les exceptions à cela, voulez-vous nous le
10 dire ?
11 R. Les exceptions à cela - ceci n'est pas une liste exhaustive parce que
12 j'aimerais pouvoir me référer à mes notes pour donner une liste - c'était
13 les batteries de défense antiaérienne qui se trouvaient de 400 à 600 mètres
14 au sud et à l'est du quartier général secteur sud et qui, effectivement,
15 étaient couvertes par les tirs des systèmes d'artillerie croates; la partie
16 sud-est des voies de garage des trains; et ce que l'on appelait le complexe
17 d'usine, le toit que l'on pouvait voir de l'hélizone.
18 C'est ce qui me vient immédiatement à l'esprit de ce que je pouvais voir
19 lorsque j'étais dans ce secteur de l'hélizone du secteur sud.
20 Q. Je voudrais vous poser une question - revenant à quelques questions
21 posées plus tôt, en fait - en ce qui concerne les tirs de barrage initiaux
22 au cours des deux premières journées dans les premières heures de la
23 matinée.
24 Est-ce que les tirs que vous avez observés pouvaient viser des objectifs
25 militaires précis dans la mesure où ces objectifs pouvaient, auraient
26 existé; c'est-à-dire en supposant que l'ensemble de la ville n'était pas un
27 objectif militaire, est-ce que la nature des tirs qui ont eu lieu au cours
28 des tirs de barrage initiaux était telle que ça aurait pu être dirigé vers
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1 des objectifs particuliers ou non ?
2 R. Pour être bien au clair, les tirs qui ont eu lieu en gros de 5 heures à
3 6 heures, je n'ai pas pu observer les tirs d'artillerie, donc je ne peux
4 pas vous donner une confirmation oculaire en ce qui concerne cette séquence
5 d'événements. Ce que j'ai vu à 6 heures et après, la réponse à votre
6 question est non. C'était réparti dans toute la ville et il n'y avait pas
7 de concentration des tirs, on ne pouvait pas voir de points d'impact précis
8 de ces obus, et certainement, dans l'ensemble, on voyait des panaches de
9 fumée, des nuages de poussière, la fumée des impacts qui brisaient la ligne
10 des toits.
11 Q. Je vais vous poser une question concernant les cibles militaires, si
12 vous le permettez. Pour commencer, qu'est-ce que c'est qu'une cible
13 militaire légitime, d'une façon générale ?
14 R. Une cible militaire légitime, c'est une cible qui est considérée par un
15 commandant qui attaque comme ayant une valeur militaire importante, pour
16 laquelle sa neutralisation ou sa destruction fournirait un avantage
17 important pour la force qui attaque, il s'agit d'un objectif qui a une
18 utilité militaire certaine à ce moment-là. Il y a d'autres critères, mais
19 il faudrait que je me réfère à mes notes pour être plus précis.
20 Q. A partir du moment où un objectif militaire légitime, pour utiliser ce
21 langage, a été identifié, est-ce que cela veut dire qu'on peut à ce moment-
22 là tirer dessus ?
23 R. Non, absolument pas. Le fait d'identifier un objectif militaire est
24 simplement un premier pas dans un processus. La deuxième étape, c'est de
25 déterminer son importance militaire à ce moment-là, son utilité, la
26 possibilité de dommages collatéraux pour des innocents ou pour des
27 structures civiles, l'utilité militaire qu'il y aurait à essayer d'obtenir
28 cet objectif en le mesurant à ce que prescrit le droit, la possibilité
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1 d'évaluer la valeur de cet objectif pour éviter des dommages collatéraux,
2 et finalement il y a également une vérification en quelque sorte
3 épidermique pour voir si on pense que c'est vraiment la chose qu'il y a à
4 faire en prenant en considération tous les éléments.
5 Q. Je voudrais maintenant appeler votre attention sur les quartiers
6 résidentiels vers lesquels vous dites que vous avez vu que les tirs
7 corrigés étaient dirigés. Par exemple, s'il y avait un élément militaire
8 important qui se trouvait dans un des bâtiments, dans un appartement qui se
9 trouvait dans ce quartier résidentiel, est-ce que cela veut dire que le tir
10 corrigé que vous avez vu diriger vers le quartier résidentiel serait à ce
11 moment-là permis ou est-ce que vous auriez tiré cette conclusion dans la
12 déclaration du 12 août ?
13 R. Je vais vous donner une opinion sur la base d'années d'expérience --
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.
15 M. KEHOE : [interprétation] Il est en train de donner son opinion; ce n'est
16 pas un expert.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit et comme on peut
18 le lire dans la décision de la Chambre, il n'est pas toujours facile de
19 faire une distinction en particulier lorsque ce sont des professionnels qui
20 font une déposition.
21 Monsieur Tieger, ce que je remarque pour le moment c'est ceci : c'est que
22 vous avez commencé à poser au témoin des questions sur ce qu'il considère
23 comme étant une cible militaire légitime. J'avais déjà des doutes à ce
24 moment-là, mais en même temps j'ai pensé qu'il serait bon de savoir si ce
25 témoin comprend si ceci est exact ou non. Et ce qui a été fait c'est que
26 nous sommes passés en fait de ce qui était un objectif militaire légitime
27 dans un processus de prise de décision pour savoir s'il faut attaquer ou
28 non un certain objectif.
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1 Par exemple, le type d'arme qui est utilisé -- bien sûr, ce n'est pas
2 une considération qui peut avoir son importance; en même temps, ça ne
3 change pas l'objectif automatiquement du point de vue d'un objectif
4 militaire légitime.
5 Essayons de nous concentrer maintenant pour commencer, sur les faits,
6 parce que votre question était extrêmement hypothétique au témoin, vous
7 avez choisi de la rendre très hypothétique. Je peux imaginer qu'une
8 question analogue aurait pu être posée au témoin de façon moins
9 hypothétique, mais essayons de ne pas nous perdre dans des hypothèses.
10 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Q. Général Leslie, quel type de systèmes d'armes avez-vous vu employer qui
12 visaient des quartiers résidentiels lorsque vous avez vu qu'il y avait des
13 tirs corrigés ?
14 R. Je n'ai jamais vu le point d'origine d'où les obus étaient tirés. Les
15 explosions correspondaient bien à des tirs provenant de pièces de calibre
16 moyen et de calibre plus lourd de systèmes d'artillerie indirects qui, par
17 définition, tout au moins avec la technologie dont disposait l'armée croate
18 à l'époque, sont des systèmes d'armes mais ne sont pas des systèmes qui
19 permettent des frappes extrêmement précises.
20 Q. Est-ce que ces systèmes d'armes peuvent distinguer entre des objectifs
21 militaires précis, un immeuble ou un bâtiment particulier qui pourrait
22 avoir une valeur militaire suffisante pour en faire un objectif militaire
23 légitime et des immeubles civils qui l'entourent ou qui sont voisins ?
24 R. D'un point de vue simpliste, non. La zone dans laquelle un projectile
25 va atterrir --
26 M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Ceci est
27 clairement une déposition qui serait faite par un expert. Et nous entrons
28 dans un domaine --
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aurais tendance à être d'accord.
2 Monsieur Tieger, ce dont nous parlons maintenant, dans votre question,
3 c'est : "Est-ce que ces systèmes d'armes peuvent distinguer entre les
4 objectifs militaires précis, entre un bâtiment qui pourrait avoir une
5 valeur militaire suffisante pour en faire une cible militaire légitime…"
6 Là encore, c'est un type de question théorique parce que tout cela
7 dépend, n'est-ce pas, de la dimension des locaux en question. Je peux
8 imaginer des immeubles pris individuellement. Je pense par exemple aux
9 ministères de la Défense qui existent et qui pourraient effectivement être
10 éloignés de tout un quartier et donc pourraient avoir une surface très
11 étendue. Donc je pense que ce type de questions, par conséquent, n'aide pas
12 beaucoup les membres de la Chambre.
13 Bien sûr, vous pouvez poser la question, et c'est une question très
14 simple que de savoir quelle est la portée pour certains types d'armement.
15 Quelle est sa précision ? Et à ce moment-là, à savoir s'il s'agit d'une
16 question à poser à un expert ou si c'est quelque chose qui correspond à
17 l'expérience professionnelle, ça permettrait à la Chambre de savoir sur la
18 base de l'expérience -- il faut encore voir si c'est bien le cas.
19 Maître Kehoe.
20 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais demander --
21 c'est la raison pour laquelle, si on veut entrer dans une discussion à ce
22 sujet, le témoin, de façon à pouvoir donner un point de vue à ce sujet,
23 doit connaître les systèmes d'armes parce que chaque système d'armes a une
24 marge d'erreur qui diffère des autres. Et il ne sait pas quel était le
25 système d'armes et quelle était la portée --
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Demandons-lui s'il connaît la
27 portée, ce qu'il sait en tous les cas. Je pense que j'ai été très clair, je
28 suis d'accord avec vous qu'il ne faut pas simplement poser des questions,
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1 et je voudrais qu'on reparte exactement là où nous avons commencé.
2 La question était en fait "ces systèmes d'armes". Donc nous allons
3 nous limiter aux systèmes d'armes sur lesquels le témoin a déposé, et à ce
4 moment-là nous pourrons lui demander s'il a des détails supplémentaires à
5 nous donner concernant ces systèmes d'armes, pour savoir s'il y a des
6 variations du point de vue de la précision, et je pense que ses
7 connaissances et son expérience professionnelle que peut avoir le témoin à
8 ce sujet -- a-t-il des connaissances à ce sujet, il nous le dira.
9 Et voir dans quelle mesure ceci se trouve juste à la limite ou en
10 dehors d'une déposition sur les faits ou d'une déposition d'experts, nous
11 pouvons l'examiner. Mais pour le moment, Monsieur Tieger, vous êtes invité
12 à vous centrer sur ces types de questions qui éviteraient les
13 préoccupations tout à fait légitimes de Me Kehoe.
14 M. TIEGER : [interprétation] Je me rends bien compte de cela, et c'est ce
15 que je ferai, Monsieur le Président. Toutefois, je ne suis pas en train de
16 discuter la décision prise par la Chambre, je voulais simplement clarifier
17 un aspect, et c'est le suivant. Je pense que le témoin a l'information qui
18 convient de façon à être à même d'aider les membres de la Chambre en leur
19 disant ce qu'il a observé et quelles conclusions on pouvait tirer de cela.
20 Il se peut que ma question semble un peu large. Je vais essayer de la
21 centrer sur ses observations, notamment en ce qui concernait les quartiers
22 qu'il a observés les 4 et 5 août pour ce qui était des tirs qui ont été
23 corrigés. C'était un contexte précis plutôt qu'un contexte très large sur
24 lequel il aurait pu répondre --
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
26 M. TIEGER : [interprétation] -- pour une série de responsabilités
27 hypothétiques.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Néanmoins, ceci est une partie du récit,
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1 Monsieur Tieger; c'est-à-dire, nous parlons de tirs corrigés ou ajustés. En
2 même temps, il se peut qu'il y ait une différence à partir de quel système
3 d'armes des obus ont été tirés pour voir si oui ou non ceci permet de tirer
4 des conclusions.
5 Veuillez poursuivre.
6 M. TIEGER : [interprétation]
7 Q. Vous avez, Monsieur, entendu une partie de cette discussion, vous avez
8 pu constater que ce qui nous intéresse, c'est de savoir quelles étaient les
9 armes utilisées dans le cadre de l'attaque sur Knin le 4 et le 5 août. Quel
10 était leur degré de précision ?
11 R. Que je sache, je peux le dire parce que j'ai des années d'expérience de
12 ce genre de tirs, j'ai l'habitude de les entendre. La plupart des obus que
13 j'ai entendus étaient des obus de calibre moyen. Comme je l'ai dit, je n'ai
14 pas vu de canons d'où on tirait ces obus puisqu'ils étaient en dehors de
15 notre champ de vision et ils y sont restés.
16 Quand on regardait l'armée croate avancer sur Knin, vous aviez toutes
17 sortes d'obusiers de 122-millimètres, des canons D33 qui sont passés juste
18 à côté de notre quartier général. Si vous voulez, je peux essayer de faire
19 un effort de mémorisation. C'était les systèmes d'armes que l'armée croate
20 a encore aujourd'hui et qui sont bien connus.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas nous.
22 M. KEHOE : [interprétation] A nous non plus, Monsieur le Président,
23 et M. Munkelien, apparemment, ne le savait même pas, lui non plus. Je parle
24 du témoin de l'autre jour.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est un commentaire, Monsieur Kehoe ?
26 M. KEHOE : [interprétation] Oui. Je vous prie de bien vouloir l'enlever.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
28 Monsieur Tieger, est-ce que vous pouvez demander au témoin ce qu'il sait et
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1 ce que nous ne savons pas ?
2 M. TIEGER : [interprétation] Oui.
3 Q. Monsieur le Général, les Juges souhaitent savoir quels étaient les
4 systèmes d'armes qui, d'après ce que vous avez compris, étaient disponibles
5 à l'époque et utilisés le 4 et le 5 ?
6 M. KEHOE : [interprétation] On lui demande de dire d'"après ses
7 connaissances." Je ne pense pas que c'est de cela que l'on parle.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous savez, quand on sait quelque chose,
9 c'est souvent sur la base de la façon dont on comprend quelque chose. Je
10 pense qu'il faudrait vraiment écouter le fond de la question. Ce n'est pas
11 vraiment la formule qui est tellement importante. Si je comprends quelque
12 chose, je peux aussi expliquer les raisons de mon raisonnement et je peux
13 l'expliquer. Souvent, ce sont justement ces explications qui nous
14 intéressent, nous les Juges.
15 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Tieger.
16 M. TIEGER : [interprétation]
17 Q. Je vais commencer par le début. Est-ce que vous saviez quelles étaient
18 les armes dont disposait l'armée croate ? D'après ce que l'ONU vous a dit,
19 est-ce que vous l'avez vu ailleurs ?
20 R. On nous a dit que l'armée croate avait certaines armes, que j'ai pu
21 voir, moi personnellement, tout au long de la zone de la séparation.
22 C'étaient les mortiers de poids moyen, à peu près de 82-millimètres de
23 diamètre; ensuite les canons de 122 et 130-millimètres; ensuite des canons
24 de 152, ainsi que toute une série de lance-roquettes différents.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin parle des deux côtés, et je
26 pense qu'il faudrait clarifier de quoi il s'agit.
27 M. TIEGER : [interprétation]
28 Q. Mon Général, dans votre réponse vous avez parlé des "deux côtés." S'il
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1 existe des armes et qu'elles n'existaient que d'un côté, qu'elles étaient
2 disponibles seulement pour les uns et pas pour les autres, est-ce que vous
3 pourriez le dire, parce que nous souhaitons connaître les systèmes d'armes
4 qui existaient du côté croate.
5 R. Les Croates avaient tout cela, d'après ce que je sais.
6 Q. Quand vous parlez de toute une série de lance-roquettes différents,
7 est-ce qu'il s'agit de lance-roquettes multiples ?
8 R. Oui.
9 Q. On va revenir sur les armes dont vous avez parlé. Pourriez-vous nous
10 dire quelle est la variation et la précision, et l'objectif général de ces
11 lance-roquettes multiples ?
12 R. Les lance-roquettes multiples sont des systèmes de roquettes qui ne
13 sont pas très précis, donc leur utilité est dans la quantité. C'est-à-dire
14 qu'on va lancer plusieurs roquettes et ensuite couvrir une zone d'un
15 diamètre d'à peu près 400 mètres vers la gauche et vers la droite à partir
16 de la ligne cible, et puis en profondeur de 200 ou 300 mètres.
17 Q. Au cours de votre déposition, vous avez parlé des armes aériens. Est-ce
18 que vous pouvez nous donner d'autres exemples de systèmes d'armes qui
19 existaient et que vous avez énumérés ?
20 R. Il s'agit là de systèmes de feu indirect et ils ne sont pas vraiment
21 très sophistiqués. La précision dépendait de la portée et de la quantité de
22 munition utilisée. Par exemple, si vous tirez avec cette arme sur une
23 distance de 400 mètres, cela va être une arme assez précise. Si vous tirez
24 avec cette arme sur une distance de 400 mètres, il va y avoir une déviation
25 qui va dévier par rapport à votre cible, par rapport au premier tir, et qui
26 va être considérée comme acceptable. Il s'agit d'une déviation de 400
27 mètres à peu près.
28 Q. En ce qui concerne les cibles militaires légitimes que vous avez
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1 identifiées à Knin le 4 août, est-ce que vous avez remarqué qu'on a fait
2 l'effort de tirer uniquement sur ces cibles-là ?
3 R. Effectivement, j'ai vu qu'on a tiré sur ces cibles, et on avait
4 l'impression qu'il s'agissait là d'un effort exclusif où il s'agissait de
5 tirer uniquement sur ces cibles-là.
6 Q. Avec cette procédure de tirs corrigée que vous avez évoquée ?
7 R. Oui.
8 Q. Qu'en est-il du pilonnage généralisé que vous avez pu observer ?
9 R. Entre 5 et 7 heures du matin le 4 et le 5 août, vous avez eu des tirs
10 qui venaient de partout, et apparemment il n'y avait pas vraiment
11 d'objectifs précis; en tout cas, je ne les ai pas remarqués au cours de
12 cette période-là. Ensuite, à partir de 7 heures, quand le feu s'est arrêté,
13 à ce moment-là il a commencé à y avoir des cibles plus précises qui
14 relevaient souvent des cibles militaires, des objectifs militaires
15 légitimes, mais la grande majorité des cibles ne l'était pas.
16 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas d'autres
17 questions.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai quelques questions à vous poser,
19 mais avant cela, je vais laisser la parole à Mme le Juge Gwaunza, qui a des
20 questions à poser elle aussi.
21 Questions de la Cour :
22 Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Monsieur Leslie, vous avez
23 répondu à une question de M. Tieger en disant que la nuit du 4 on a entendu
24 détonation des explosions sporadiques. Etait-il possible de déterminer s'il
25 s'agissait des explosions qui n'avaient pas de cibles ou d'objectifs
26 précis, ou bien qu'il s'agissait là des explosions et des tirs ciblés ?
27 R. Non, nous n'étions pas en mesure de le déterminer puisque nous
28 n'avions pas des moyens d'observation de nuit, et de toute façon, cette
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1 détonation était à l'extérieur de mon champ de vision.
2 Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Vous avez parlé des gens blessés
3 graves que vous alliez chercher à l'hôpital pour les amener dans la base.
4 Etait-ce la même base militaire que celle qui a été barricadée par un char
5 ?
6 R. Oui, effectivement.
7 Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Est-ce que vous pensez que cela a
8 empêché à ce que l'on vienne en aide à ces gens-là ?
9 R. Non, je ne pense pas. Je pense que ces gens avaient bénéficié des soins
10 médicaux corrects de la part de l'unité médicale tchèque, qui ont fait du
11 bon travail en soignant ces gens. Si vous voulez, ils avaient accès à
12 l'unité 2, ce qui veut dire qu'ils peuvent procéder aux opérations de
13 chirurgie quand il s'agit de vie menacée, mais rien de plus compliqué que
14 cela. Cela étant dit, je ne pourrais vous donner une réponse plus complète
15 puisque je ne suis pas un spécialiste de médecine.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez répondu à beaucoup de
17 questions au sujet du pilonnage de la ville de Knin, des impacts, et
18 cetera, et on ne vous a jamais demandé si vous saviez ou si vous avez pu
19 conclure qui tirait ces obus, quelle partie au conflit.
20 R. Je n'ai jamais vu le point de départ d'aucun système de feux indirects
21 qui ont été lancés entre le 4 et le 5 août. Donc je parle à partir de
22 l'hypothèse, comme de nombreuses autres personnes, que ces feux venaient de
23 l'armée croate qui attaquait. C'est une supposition. Nous les avons vus
24 arriver. Cela étant dit, je ne les ai pas vus tirer sur Knin.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez pu remarquer quoi
26 que ce soit qui serait contraire à l'hypothèse que vous venez d'avancer ?
27 R. Non.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que vous avez vu des corps
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1 sans vie quand vous partiez en direction de l'hôpital. Est-ce que vous avez
2 pu remarquer quoi que ce soit au sujet de ces gens, pour nous aider à
3 déterminer s'il s'agissait des civils ou des militaires ?
4 R. Oui.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous expliquer de quoi il
6 s'agit.
7 R. C'était il y a longtemps, mais je pense qu'il y avait quelques enfants
8 qui étaient morts -- en tout cas, de très jeunes personnes. Vous aviez
9 aussi des femmes qui portaient des jupes. Ensuite, vous aviez des hommes en
10 âge de combattre qui portaient cet uniforme très particulier que les
11 militaires serbes portaient à l'époque. Il y avait aussi des vieillards. Si
12 vous voulez, de toute façon c'étaient des scènes difficiles à regarder,
13 sans forme, avec de temps en temps une jambe ou un bras qui sortait du tas.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous n'êtes pas en mesure d'être
15 plus précis que cela ?
16 R. Non.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous avez parlé des soldats qui
18 étaient sur des palettes en bois, sur des tracteurs. Vous avez dit que
19 vous les avez vus côte à côte avec les femmes et les vieillards. Est-ce que
20 vous pouvez être plus précis ? Comment pouvez-vous être sûr qu'il
21 s'agissait là des soldats ?
22 R. Oui, effectivement. A partir de l'après-midi du 4, c'étaient les
23 soldats serbes, et cela a commencé lentement, il s'agissait d'une colonne
24 de véhicules. Mais au bout de quelques heures, c'était une véritable
25 colonne où vous aviez des camions avec deux ou trois soldats, cinq ou six
26 femmes, des enfants; ensuite, un tracteur qui suivait, auquel était attelé
27 d'autres remorques avec des soldats, les femmes et des enfants. Enfin,
28 c'était un mélange complètement chaotique des gens qui passaient par le QG
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1 du secteur sud.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Témoin.
3 Nous allons prendre une pause avant que les conseils de la Défense ne
4 commencent leur contre-interrogatoire. Nous allons reprendre nos travaux à
5 1 heure moins 20.
6 --- L'audience est suspendue à 12 heures 20.
7 --- L'audience est reprise à 12 heures 45.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, est-ce que c'est vous
9 qui allez commencer ?
10 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Leslie, maintenant c'est M.
12 Kehoe qui va procéder à son contre-interrogatoire, il est le conseil de la
13 Défense de M. Gotovina.
14 Vous pouvez continuer.
15 M. KEHOE : [interprétation] Je vous remercie.
16 Contre-interrogatoire par M. Kehoe :
17 Q. [interprétation] Bonjour, Général. Général, vous avez dit que vous avez
18 fait une sortie de votre base le 4 à 6 heures du matin, à peu près. Est-ce
19 exact ?
20 R. Oui.
21 M. KEHOE : [interprétation] Je vais demander que l'on présente la pièce 65
22 ter 4769.
23 Q. On attend, même si vous avez l'impression qu'on ne va pas très vite,
24 j'essaie de laisser les interprètes faire leur travail.
25 M. KEHOE : [interprétation] Pourriez-vous agrandir la deuxième moitié de la
26 carte.
27 Q. Mon Général, sur cette carte on peut voir Knin, et vous allez voir sur
28 la droite, on voit la base des Nations Unies.
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1 Avec l'aide de l'huissier, je vais vous demander d'annoter cette carte en
2 nous montrant quelle était la route que vous avez prise quand vous êtes
3 sorti le 4 août à 6 heures du matin de la base.
4 R. Je ne saurais préciser quand, à l'heure exacte, mais j'ai dit qu'il
5 était à peu près 6 heures du matin.
6 Q. Vous avez marqué avec un feutre bleu la route qui va de la base vers la
7 route principale, et ensuite vous avez fait demi-tour ?
8 R. Oui, effectivement, c'est cela.
9 Q. Combien de temps cela a-t-il duré ?
10 R. A peu près une quinzaine de minutes, pas plus.
11 Q. Est-ce que vous étiez avec quelqu'un ?
12 R. Oui, c'était un véhicule jordanien, avec le chauffeur et un membre de
13 l'équipe jordanienne.
14 Q. Est-ce que vous vous souvenez de leurs noms ?
15 R. Non, malheureusement, non.
16 Q. Vous nous avez dit pourtant que vous êtes allé chercher certains
17 employés de la police civile des Nations Unies ?
18 R. Oui, j'ai participé à cela. Ce n'était pas moi qui essayais d'aller les
19 chercher. C'étaient les véhicules jordaniens qui y allaient, tout cela
20 était organisé par la police civile, à l'entrée principale il y a eu un
21 petit de confusion; comme j'étais là et que je pouvais y aller, j'y suis
22 allé.
23 Q. Cela se trouve à quelle distance par rapport à la base ?
24 R. A vol d'oiseau, à peu près 1 000 mètres.
25 Q. Vous dites que les gens dans ce blindé de transport de troupes
26 jordanien ne savaient pas où cela se trouvait ?
27 R. Oui, c'est exact, en tout cas c'est ce qu'ils ont dit et c'est ce que
28 j'ai cru comprendre.
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1 Q. Vous deviez aller chercher qui là-bas ?
2 R. Des gens de la police civile des Nations Unies. Finalement ce n'est pas
3 eux qu'on a pris, mais trois employés civils -- le jordanien qui était dans
4 l'équipe a baissé la rampe et ensuite on est revenu.
5 Q. Mon Général, qui étaient ces gens de la police civile des Nations Unies
6 que vous deviez prendre ?
7 R. Nous avions une adresse. Il y avait des gens qui étaient là-bas. Je ne
8 me souviens pas de leurs noms.
9 Q. Est-ce que vous vous souvenez quels étaient ces gens que vous avez pris
10 à la fin ?
11 R. C'était trois employés civils, je suis désolé, je ne me souviens pas de
12 leurs noms puisque cela a eu lieu il y a très longtemps.
13 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je vais demander que
14 l'on marque cela aux fins d'identification, et je voudrais verser cela au
15 dossier. Cette carte, quand elle n'est pas annotée, c'est la carte P62;
16 mais je voudrais qu'à présent ceci devienne une pièce à conviction de la
17 Défense précédée par la lettre D.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, vous n'avez pas
19 d'objection ?
20 M. TIEGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D112, Monsieur le
22 Président.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. La pièce D112 est versée au
24 dossier.
25 M. KEHOE : [interprétation]
26 Q. Mon Général, est-ce que vous vous souvenez de l'adresse ?
27 R. Non, je ne m'en souviens pas, et je ne me souviens même pas de
28 l'adresse à laquelle j'ai habité pendant cinq mois.
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1 Q. On va revenir sur une autre version de ce document 65 ter.
2 M. KEHOE : [interprétation] Je voudrais demander que l'on présente la pièce
3 4769, c'est un document 65 ter, et je voudrais qu'on nous montre une carte
4 non annotée.
5 Q. A nouveau, regardez cette carte. Monsieur, vous avez dit que plus tard
6 dans la journée vous êtes sorti à nouveau de la base ?
7 R. Oui, c'est exact.
8 Q. Vous êtes allé où ? Est-ce que vous pourriez nous le montrer sur la
9 carte ? Vous pouvez prendre le stylet et le noter.
10 R. [Le témoin s'exécute]
11 Q. A nouveau, vous avez marqué cela avec un feutre bleu, vous avez pris la
12 même route, vous êtes allé un peu plus loin, et apparemment vous avez fait
13 demi-tour à peu près au nord du "parlement" ?
14 R. Oui.
15 Q. Où est-ce que vous êtes allé ?
16 R. Nous sommes allés rencontrer l'officier de liaison serbe qui a appelé
17 mon bureau et qui voulait discuter de certains détails concernant les
18 personnes déplacées serbes -- les Serbes qui se trouvaient dans notre base.
19 Q. Comment s'appelait cette personne ?
20 R. Si vous me le permettez, je pourrais vérifier cela dans mes notes.
21 Q. Faites donc.
22 Qu'est-ce que vous regardez là, Mon Général ?
23 R. Je suis en train d'examiner la déclaration que j'ai fournie aux
24 enquêteurs de ce Tribunal en 1997 et que j'ai signée en 1999.
25 Je pense que c'était le capitaine Karlopac [phon]. C'est ce que j'ai écrit
26 en tout cas.
27 Q. Capitaine Karlopac. Cette déclaration préalable que vous avez faite en
28 1997 -- soit dit en passant, vous avez fait cette petite excursion en fin
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1 d'après-midi ou début de soirée, n'est-ce pas ?
2 R. Le soir, il faisait noir.
3 Q. Pourriez-vous nous donner les heures à peu près ?
4 R. Non, je ne peux pas.
5 Q. Vous êtes allé avec qui ?
6 R. Je suis allé avec un capitaine jordanien dans un véhicule blindé de
7 transport de troupes, il s'appelait Mohammed, et c'était mon assistant
8 militaire.
9 Q. Est-ce que vous vous souvenez de son nom de famille ?
10 R. C'était Mohammed.
11 Q. C'était son nom de famille ?
12 R. Oui.
13 Q. Mis à part ce voyage, est-ce que vous en avez fait d'autres le 4 ?
14 R. Vous voulez dire dans un véhicule ?
15 Q. Oui, dans un véhicule pour destination Knin.
16 R. C'est surtout le voyage que j'ai fait dans une voiture.
17 Q. Qu'en est-il des sorties qui n'étaient pas celles effectuées dans un
18 véhicule ?
19 R. J'ai fait quelques allées jusqu'à la porte principale et au-delà, cela
20 faisait partie d'une tournée sans fin, le cycle des activités auxquelles
21 j'ai participé pendant toute la journée du 4, où il s'agissait d'aller
22 vérifier ce qui se passe à la porte d'entrée, vérifier comment se passe le
23 plan de retrait, et cetera, mais je ne suis pas allé au-delà de la porte du
24 porche.
25 Q. Vous faisiez des allées et des venues pour aller voir quelle est la
26 situation au niveau du porche, de la base. Les deux voyages que vous avez
27 faits, c'étaient des voyages dans les véhicules, ce que vous venez de
28 décrire ?
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1 R. Oui.
2 Q. Dans ces deux véhicules, vous étiez à l'arrière, n'est-ce pas ?
3 R. Oui, effectivement, à l'arrière du blindé.
4 Q. Pendant cette période, est-ce que vous avez remarqué des pilonnages
5 alors que vous étiez à l'arrière du blindé ?
6 R. Oui, le haut du blindé était ouvert et je pouvais entendre des obus.
7 C'est vrai que moi-même je n'ai pas vu à proximité de là où j'étais, par là
8 où j'ai passé, je n'ai pas vu des explosions.
9 Q. Vous avez dit au bureau du Procureur, en 1997, que vous avez vu
10 personnellement des obus tomber à trois occasions pendant vos voyages à
11 Knin; est-ce exact ?
12 R. [aucune interprétation]
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe.
14 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Que signifie "avoir vu personnellement" ou
17 "avoir été le témoin" de quelque chose ? Si j'entends les explosions
18 d'obus à proximité, si j'entends une détonation à proximité du véhicule, je
19 dirais que j'ai été le témoin de cela.
20 M. KEHOE : [interprétation]
21 Q. Mon Général, vous avez dit au bureau du Procureur --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, faites une pause, s'il
23 vous plaît. A chaque fois que vous avez une question et une réponse, il
24 faut absolument faire une pause. Monsieur Leslie, il en va de même pour
25 vous, essayer d'observer la même règle.
26 M. KEHOE : [interprétation] Oui, effectivement, je vais faire des pauses.
27 Je présente mes excuses aux interprètes.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne peux pas suivre la traduction en
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1 B/C/S. J'écoute l'interprétation en français d'habitude et s'il y a un
2 problème là-bas, il y en a probablement avec le B/C/S aussi, mais bon. Vous
3 pouvez poursuivre.
4 M. KEHOE : [interprétation]
5 Q. Mon Général, quand vous avez dit au bureau du Procureur, dans la
6 déclaration -- enfin, la déclaration que vous avez faite en 1997, vous
7 l'avez dictée, n'est-ce pas ?
8 R. En partie, oui, parce qu'il y avait aussi des gens qui prenaient des
9 notes. Je ne me souviens pas de leurs noms, je ne me souviens pas du nom de
10 l'enquêteur qui était là. Ensuite, on a pris la déclaration et on me l'a
11 faite parvenir deux années plus tard et c'est à ce moment-là que je l'ai
12 signée.
13 Q. Mais vous l'avez lue avant de la signer ?
14 R. Oui, effectivement, et peut-être que je n'ai pas avec suffisamment
15 d'attention.
16 Q. Monsieur, quand vous avez été interviewé en 1997, les événements qui se
17 sont produits en 1995, ils étaient beaucoup plus frais dans votre mémoire,
18 et vous avez signé cela en 1999 ?
19 R. [aucune interprétation]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là c'est une question qui est
21 complètement superflue. On sait très bien comment va la chronologie, on
22 sait très bien que 2000 c'est plus tard que 1998. Tout le monde le sait.
23 M. KEHOE : [interprétation] Comme dit mon collègue, M. Kay, nous sommes le
24 produit des systèmes qui nous ont formés et c'est un des points faibles,
25 mais je vais essayer de les changer.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout le monde le fait, mais il faut
27 s'adapter à une situation nouvelle.
28 M. KEHOE : [interprétation]
Page 2002
1 Q. Général, vous avez dit, en 1997, que vous étiez témoin lors de ces
2 trois occasions pendant le déplacement dans Knin, vous étiez témoin du
3 pilonnage; vous l'avez pas dit ?
4 R. Si, mais comme je l'avais déjà signalé dans ma déposition précédemment,
5 rarement ai-je eu l'occasion de voir l'endroit où il y a eu la détonation.
6 Pour la grande majorité des obus, c'était soit oralement soit parce qu'il y
7 avait des volutes ou des colonnes de fumée et il y avait du bris de vitre.
8 Q. Mais vous avez également expliqué au bureau du Procureur, lorsque vous
9 avez fait cette déclaration, que vous n'avez jamais fait ces trois
10 déplacements dans Knin pendant les pilonnages.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez répondre à présent.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur, je souhaite ajouter que cette
13 déposition que j'ai faite en 1995 avait été prise et elle m'a été renvoyée.
14 Il y avait quelques inexactitudes dans ce témoignage et je suis plus que
15 prêt à admettre que cela existe, qu'il y a lieu de reformuler certaines
16 choses. Je n'ai pas prêté suffisamment attention à l'époque lorsque je l'ai
17 signée deux années plus tard.
18 Je pense qu'à l'époque, j'ai pensé que l'un de ces déplacements et en
19 particulier, le déplacement dans la soirée du 4, s'est déroulé lorsqu'il
20 n'y avait pratiquement pas de mortier et certainement pas le long de notre
21 route.
22 M. KEHOE : [interprétation]
23 Q. Aujourd'hui, vous avez dit que vous vous êtes déplacé à deux
24 occasions à bord de véhicule, déplacé à l'extérieur; et dans la déclaration
25 de 1997, vous dites que vous êtes sorti par trois fois. Je vais vous
26 demander maintenant de vérifier ce qu'il en est de la pièce P84.
27 M. KEHOE : [interprétation] Nous pouvons l'afficher à l'écran.
28 Avant de faire cela, est-ce que je peux demander le versement de la
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1 carte ? Maître Misetic me dit que je ne l'ai pas fait.
2 M. TIEGER : [interprétation] Est-ce que je peux savoir de quelle page il
3 s'agit pour la déclaration de 1997 ?
4 M. KEHOE : [interprétation] 00884726.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez tout d'abord demandé le
6 versement de la photographie aérienne et des marquages, c'est la deuxième
7 photographie aérienne annotée.
8 Monsieur Tieger, vous pourriez nous dire si vous avez une objection ?
9 M. TIEGER : [interprétation] Non, pas d'objection.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous aurons quelle cote ?
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D113.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pièce D113 est versée au dossier.
13 Maître Kehoe, veuillez poursuivre.
14 M. KEHOE : [interprétation] Juste pour que ce soit tout à fait précis,
15 c'est le premier paragraphe complet sur cette page, c'est à peu près la
16 septième ligne, pour que la référence soit précise.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai la référence.
18 M. KEHOE : [interprétation] Je sais que vous l'avez.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Veuillez m'en excuser.
20 M. KEHOE : [interprétation]
21 Q. C'est le document qui a été versé au dossier -- juste un point sur la
22 première page. C'est quelque chose qui a été rédigé plusieurs jours après
23 que vous seriez entré en fonction en tant que chef de l'état-major de
24 l'UNCRO à Zagreb, n'est-ce pas ?
25 R. C'est exact.
26 Q. Et, bien entendu, permettez-moi d'aller un peu plus en avant sur cette
27 page.
28 M. KEHOE : [interprétation] Paragraphe premier.
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1 Q. Quatrième ligne, on voit : "Je suis arrivé à Knin le 1er mars 1995 et
2 j'y suis reparti le 7 août 1995."
3 Vous voyez cela, Monsieur ?
4 R. Oui, je le vois.
5 Q. Cette conversation que vous avez eue, me semble-t-il, avec le capitaine
6 de la marine Lukovic, le 9 août; vous vous en souvenez ?
7 R. Je me souviens de cette conversation parce que le capitaine de la
8 marine est l'officier qui m'a conduit du QG du secteur sud à la côte; et si
9 j'ai fait une erreur de date, je vous prie de m'en excuser.
10 Q. C'est le 7 août que vous avez quitté Knin; c'est exact ?
11 R. Il faudrait que je vérifie dans mes notes et dans les documents. Oui,
12 c'est ce que je pense, le 7 août.
13 M. KEHOE : [interprétation] Voyons maintenant la deuxième page de ce
14 document, le paragraphe 3.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le paragraphe 3 à la page 2. Ceci prête
16 à confusion un petit peu. Juste pour le compte rendu d'audience, je tenais
17 à préciser cela.
18 M. KEHOE : [interprétation] Oui, je vous remercie.
19 Paragraphe 3, est-ce que l'on peut l'agrandir, s'il vous plaît ?
20 Q. Ce paragraphe, Mon Général, précise comment vous vous êtes déplacé vers
21 l'hôpital le 5 août, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Voyons maintenant ce qu'il en est du paragraphe 2 en remontant, cela
24 commence en bas de la première page puis continue page 2.
25 M. KEHOE : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant passer
26 à la page suivante, après avoir vu cette page, Monsieur le Greffier.
27 Q. Mon Général, si on examine ce paragraphe, il y est question des
28 événements qui se sont produits le 4 août, et il y est question d'une
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1 tentative lancée par certains individus qui se trouvaient dans le secteur
2 sud des Nations Unies, d'amener des employés des Nations Unies ?
3 R. Oui.
4 Q. Est-ce que vous abordez dans ce paragraphe le fait que vous êtes sorti
5 le 4 août pour aider à retrouver et évacuer le personnel ?
6 R. Vous avez raison.
7 Q. Il est question de M. Dawes ?
8 R. Oui.
9 Q. Et d'une autre personne qui était chargée de la sécurité pour le
10 secteur sud et c'était M. Dreyer, n'est-ce pas ?
11 R. Oui, tout à fait. Les deux ont fait un travail excellent parce qu'ils
12 se sont trouvés à l'extérieur tout le temps, comme j'en parle dans mon
13 rapport.
14 Q. Mais vous, vous n'êtes pas mentionné, n'est-ce pas ?
15 R. Mais pourquoi est-ce que je l'aurais fait ?
16 Q. Est-ce qu'il y a une mention de vous ?
17 R. Non, je n'ai pas parlé de moi.
18 Q. Général, remontons maintenant à un autre exemplaire de la pièce 65 ter
19 4769.
20 En attendant, Mon Général, s'agissant de ce premier déplacement que
21 vous auriez fait d'après vous dans Knin à un moment donné après 6 heures du
22 matin, est-ce que vous pouvez situer ça mieux dans le temps ?
23 R. Non.
24 Q. Vous avez un témoin qui pourrait corroborer le fait que vous avez fait
25 ce déplacement; vous en avez, ne serait-ce qu'un seul, et si oui, qui ?
26 R. Je suppose que l'équipage de la blindée jordanien, qu'il y avait
27 nécessairement quelqu'un à la porte principale, même si c'était
28 terriblement chaotique, quelqu'un a vu ce qui était en train de se passer
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1 et qui a une idée de la suite des événements. Il y avait des dizaines de
2 véhicules qui quittaient la base toutes les quinze à vingt minutes, qui
3 allaient chercher des gens.
4 J'attends votre question, Monsieur.
5 Q. Excusez-moi. Mon Général, pourriez-vous nous citer ne serait-ce que le
6 nom d'une seule personne qui pourrait corroborer votre version des faits ?
7 R. Non. Non, mais plus que pour mon déplacement vers l'hôpital. Il n'y a
8 pas un seul nom qui me viendrait à l'esprit là, sur-le-champ.
9 Q. Très bien, merci.
10 M. KEHOE : [interprétation] Revenons maintenant à la pièce 65 ter 4769;
11 est-ce que nous pouvons agrandir la zone de la base, s'il vous plaît, c'est
12 la moitié intérieure.
13 Q. Mon Général, vous avez dit que de manière analogue, à un moment donné
14 dans la journée du 4, vous êtes sorti hors de la base dans ses parages de
15 la base et qu'il y a eu là une certaine activité eu égard aux cadavres ?
16 R. Le 4 ou le 5 ?
17 Q. Je pourrais peut-être reprendre le compte rendu d'audience, mais si ma
18 mémoire ne me trompe pas, ce matin vous avez dit, dans le cadre de votre
19 déposition, que c'était le 4 pendant l'un de vos déplacements qui ne sont
20 pas déroulés à bord d'un véhicule. Mais je pourrais retrouver ça, un
21 instant.
22 R. Je vous remercie.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Page 18 [comme interprété], ligne 4 pour
24 ce qui est des déplacements qui n'étaient pas à bord de véhicules.
25 M. KEHOE : [interprétation] 32,11, si vous le voulez bien. Est-ce que vous
26 pourriez juste faire défiler un petit peu pour que je puisse replacer cela
27 dans le contexte.
28 M. KEHOE : [interprétation] 32, 1, si vous voulez bien. Est-ce que vous
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1 pourrez commencer là pour replacer vos propos dans le contexte. La question
2 portait sur les sorties du 4, et je lis la ligne suivante : "Quelquefois à
3 bord de véhicules, quelquefois à pied. A bord de véhicules, c'était peu
4 après 6 heures, pendant très peu de temps, c'était une situation de chaos
5 contrôlé, c'était à la porte principale."
6 R. C'est exact. La porte principale --
7 Q. Général, permettez-moi de terminer.
8 R. Je vous en prie.
9 Q. Je me contente de donner lecture du compte rendu d'audience pour que je
10 puisse vous poser la question. Je poursuis la citation :
11 "Il y a eu quelques questions avec la CIVPOL des Nations Unies. Ils
12 n'étaient pas nécessairement sur la même liste de rappel que le personnel
13 civil des Nations Unies du secteur sud et on cherchait quelqu'un qui savait
14 où la rue était près de la voie de garage. Donc j'ai pris un véhicule. Ce
15 déplacement a duré 15 minutes. Il n'y avait rien d'important à signaler.
16 Ramassé trois personnes, aucun membre de la CIVPOL.
17 Le deuxième déplacement, c'était à un moment pendant la journée. Il y
18 avait des cadavres à l'extérieur sur la droite, et quelques personnes
19 souhaitaient enquêter là-dessus, les placer dans des housses. Donc je suis
20 sorti pour mettre fin à cela."
21 C'est à cet incident que je me réfère, et j'aimerais que vous nous situiez
22 ça sur la carte qui s'affiche à l'écran.
23 M. KEHOE : [interprétation] Un moment, s'il vous plaît.
24 Q. Mon Général, c'est le 4 ou le 5 qu'a eu lieu ce déplacement ?
25 R. Monsieur, je ne m'en souviens pas.
26 Q. Si vous voulez bien vous servir de cette carte qui s'affiche à l'écran,
27 de nouveau de la même manière que nous avons adoptée pour procéder
28 précédemment, est-ce que vous pouvez nous indiquer où étaient situés ces
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1 cadavres ? Montrez-nous cette route.
2 R. Ce n'était pas un déplacement très long.
3 Q. Je vous comprends.
4 R. D'accord, au mieux de mes souvenirs. Je dois dire qu'il y avait des
5 soldats là qui étaient en train d'essayer de placer des cadavres dans des
6 housses. Je pensais que ceci leur faisait courir un risque qui n'était pas
7 nécessaire et donc je les ai ramenés, et je n'ai pas de mérite particulier
8 à avoir fait cela.
9 Q. Mais qui était avec vous à ce moment-là ?
10 R. Je pense que l'un des capitaines canadiens était avec moi, mais je ne
11 suis pas tout à fait certain, le capitaine Berikoff. Il faudrait lui poser
12 la question cependant. C'était il y a 12 années. Beaucoup d'événements se
13 sont produits en très peu de temps. Il faudra me pardonner.
14 Q. Monsieur, avant de venir ici, je suppose que vous avez relu vos cinq
15 déclarations que vous avez données au bureau du Procureur ?
16 R. Oui, j'ai fait cela.
17 Q. Et ceci vous a permis de rafraîchir votre mémoire sur les circonstances
18 de ces événements, n'est-ce pas ?
19 R. Si, c'est vrai.
20 Q. A peu près à quel moment de la journée est-ce que cela s'est passé ?
21 R. C'était au cours de la matinée, mais je suis désolé, je ne me souviens
22 pas du moment précis.
23 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce qu'on peut avoir
24 une cote D pour verser cela au dossier.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Pas d'objection ?
26 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
28 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D114.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D114 est versée au dossier.
2 M. KEHOE : [interprétation] Je voudrais une autre version à présent de la
3 pièce 65 ter 4769. Est-ce qu'on peut l'afficher à l'écran ?
4 Monsieur Monkhouse, pourrions-nous simplement avoir une image un peu plus
5 agrandie de cela, s'il vous plaît. Non, excusez-moi, je voulais dire dans
6 l'autre sens.
7 Q. Alors, Général, le 5, vous avez noté que vous étiez allé à l'hôpital ?
8 R. C'est exact.
9 Q. Approximativement quelle heure ?
10 R. Approximativement 9 heures.
11 Q. Et approximativement, quelle heure est-ce que ce médecin serbe est venu
12 à la porte ?
13 R. Je n'étais pas là lorsqu'il est arrivé. J'ai su qu'il y avait cette
14 question entre 7 et 8 heures, à un moment donné.
15 Q. Donc il serait juste de dire qu'il était là avant cela ?
16 R. Oui.
17 Q. Là encore, si l'on pouvait utiliser cette carte, et si vous prenez le
18 stylet pour indiquer pour nous quel est l'itinéraire que vous avez suivi à
19 l'aller et au retour.
20 R. [Le témoin s'exécute]
21 Q. Vous avez pris le même itinéraire ?
22 R. Oui.
23 Q. Qui était avec vous lorsque vous y êtes allé ?
24 R. Nous avions le médecin serbe dont je ne me rappelle pas le nom. Avec
25 nous aussi, deux transports de personnel blindés M-113, deux transports de
26 personnel APC jordaniens, et deux transports de personnel tchèques blindés.
27 Q. Est-ce que vous savez le nom des personnes qui étaient avec vous ?
28 R. Oui, effectivement. Le sergent Marcotte était un sergent canadien qui
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1 m'a accompagné dans cette séquence d'événements et il a d'ailleurs obtenu
2 la médaille du mérite.
3 Q. Et qui d'autre ?
4 R. Les noms des soldats canadiens, on recherche un petit peu, je pourrai
5 certainement vous les fournir. Je ne me rappelle pas les noms des équipages
6 jordaniens qui, bien sûr, ne parlaient pas anglais, et des équipages de
7 blindés tchèques qui ne parlaient pas anglais non plus. En fait, je ne sais
8 pas s'ils parlaient anglais ou non, mais j'ai eu très peu à voir avec eux.
9 Q. Et lorsque vous étiez plus particulièrement, je crois, dans ce convoi
10 de véhicules, à quel endroit vous trouviez-vous ?
11 R. A l'origine, j'étais dans le véhicule de tête, mais un médecin serbe
12 ensuite, qui était très brave, a pris la tête, donc je me trouvais dans le
13 premier véhicule.
14 Q. Et où vous trouviez-vous dans le véhicule ?
15 R. J'étais à l'endroit où il y a l'ouverture pour le chargement qui était
16 ouverte.
17 Q. Je reviendrai sur ces points lorsque nous reprendrons la séquence elle-
18 même. Je voudrais que nous parlions un petit peu de l'opération elle-même,
19 l'opération Tempête dont vous avez parlé ce matin.
20 M. KEHOE : [interprétation] Donnez-moi un moment, s'il vous plaît.
21 [Le conseil de la Défense se concerte]
22 M. KEHOE : [interprétation] Je crois que nous avons un problème technique
23 pour ce qui est d'aborder ce point.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ne sachant pas quelle est la nature du
25 problème, je n'ai également aucune idée de savoir si vous voulez déjà
26 poursuivre.
27 M. KEHOE : [interprétation] A vrai dire, ceci était une préface à ce que
28 nous allions examiner.
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1 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends qu'il y a eu un problème
3 d'ordinateur pour votre équipe. Y a-t-il peut-être un autre domaine dans
4 lequel vous seriez déjà préparé à poser des questions ?
5 M. KEHOE : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur le Président,
6 l'une dépendait de l'autre, donc malheureusement --
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
8 M. KEHOE : [interprétation] -- la difficulté est là.
9 [Le conseil de la Défense se concerte]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut que nous attendions un moment
11 jusqu'à ce qu'un technicien puisse repérer et résoudre le problème.
12 M. KEHOE : [interprétation] Je crois que ça redémarre, Monsieur le
13 Président.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que j'ai bien compris que le
15 système avait redémarré ?
16 M. KEHOE : [interprétation] Oui.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que vous pourriez nous donner
18 une indication pour savoir combien de temps ça va prendre encore --
19 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
21 M. TIEGER : [interprétation] Je me demande s'il ne serait pas possible
22 simplement d'utiliser une copie papier dans l'intervalle.
23 M. KEHOE : [interprétation] Ce serait bien si on en avait une, mais le
24 problème c'est que --
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bon. Alors nous y sommes, d'après
26 ce que je comprends.
27 M. KEHOE : [interprétation] Avant que nous n'abordions cet aspect, je
28 voudrais que l'on puisse passer de l'écran au dossier, au versement comme
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1 élément de preuve, Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Il s'agit de l'itinéraire suivi
3 pour aller à l'hôpital et en revenir. Pas d'objection, Monsieur Tieger ?
4 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors, Monsieur le Greffier ?
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, ça devient la pièce D115.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D115 est admis au dossier comme élément
8 de preuve.
9 Veuillez poursuivre.
10 M. KEHOE : [interprétation]
11 Q. Général, avant que nous ne passions à ce point-ci, pourriez-vous me
12 donner l'orthographe précise ?
13 R. M-A-R-C-O-T-T-E, et sous réserve, des détails de contact que je vous
14 donnerai demain matin.
15 Q. Je vous remercie. Je vous serais reconnaissant.
16 R. Absolument.
17 Q. Maintenant, Général, je voudrais que l'on puisse présenter cette
18 séquence ID 170388, et c'est une séquence audio de "CBC News."
19 [Diffusion de la cassette audio]
20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
21 "Les officiers de la -- le commandant Andrew Leslie quitte
22 l'Afghanistan et commandera les forces canadiennes. Il a dit qu'il n'avait
23 jamais pensé que l'armée croate avait mené l'opération Tempête seule.
24 Andrew Leslie : 'Il fallait que ce soit par des gens qui, vraiment,
25 faisaient ça seuls, et je ne peux pas voir comment ils auraient pu faire ça
26 en tant qu'experts eux-mêmes.'"
27 [Fin de la diffusion de cassette audio]
28 M. KEHOE : [interprétation]
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1 Q. Mon Général, commençons par parler de cela.
2 M. KEHOE : [interprétation] Juste pour le compte rendu, il s'agit d'une
3 séquence audio CBC du 21 juillet 2003.
4 Q. Alors, Général --
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez.
6 M. KEHOE : [interprétation]
7 Q. Qu'est-ce qu'il y avait de particulier concernant l'opération Tempête
8 qui vous a amené à dire qu'ils savaient vraiment ce qu'ils faisaient ?
9 R. Cette opinion s'est formée au cours des années qui ont suivi, mais il y
10 a eu un très grand nombre de conversations entre militaires de carrière
11 selon le fait qu'un contrat de service d'un certain pays spécialisé dans
12 les opérations et les activités militaires avait joué un rôle pour aider
13 les autorités croates à planifier et à exécuter l'opération Tempête. Je
14 suis le premier à reconnaître que je n'en ai pas de preuves.
15 Q. Et vous voulez parler de quel pays ?
16 R. Maître, je ne suis pas à même de vous le dire.
17 Q. Bien. Alors cette compagnie, les gens à qui vous parliez qui ont aidé
18 les Croates ?
19 R. Maître, à mon sens, en preuve véritable, ce serait de la diffamation de
20 mentionner maintenant cette compagnie.
21 Q. Bon, alors modifions un peu la question. Explorons vos commentaires sur
22 CBC et expliquez pour nous quelles connaissances spécialisées ou expertes
23 ont été utilisées pendant l'opération Tempête dont vous avez parlé dans
24 votre déclaration ?
25 R. Maître, c'était une opinion qui était basée sur un grand nombre de
26 conversations entre militaires de carrière. Il y a certains groupes qui
27 sont d'avis qu'il y a eu des militaires qui avaient des contrats pour
28 obtenir de l'aide pour le gouvernement croate, avec une synchronisation et
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1 une coordination des tirs du point de vue de la tactique, du moment et des
2 séquences.
3 Q. Bon, alors examinons la question. Ce que vous dites, c'est que
4 l'opération Tempête a été menée avec beaucoup d'expertise; c'est bien cela
5 ?
6 R. En tant que militaire de carrière, je serais d'accord avec l'idée que
7 certains éléments de l'opération Tempête ont été menés avec des
8 connaissances très expertes. Si le but était de s'assurer que la population
9 locale était enlevée de la région.
10 Q. Est-ce que c'était --
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.
12 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, excusez-moi.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
14 M. KEHOE : [interprétation]
15 Q. Est-ce ce à quoi vous faisiez référence, de quoi vous parliez dans
16 cette séquence audio lorsque vous avez remarqué que ceci avait été effectué
17 avec un grand niveau d'expertise, qu'en fait ces gens savaient vraiment ce
18 qu'ils faisaient ? De quoi parliez-vous ?
19 R. Excusez-moi, Maître, mais je ne peux pas me rappeler maintenant ce que
20 je pensais alors quand j'ai fait ces commentaires il y a de nombreuses
21 années.
22 Q. Dans ce domaine, Général, parlons, si vous voulez bien, de l'opération
23 proprement dite. Vous êtes au courant, n'est-ce pas, de divers aspects de
24 la stratégie suivie dans le cadre de l'OTAN, n'est-ce pas ?
25 R. Oui, certains aspects.
26 M. KEHOE : [interprétation] Si on pouvait maintenant faire apparaître un
27 document à l'écran, ceci -- bon, avant qu'on fasse ça, on vient de me
28 rappeler que je devrais demander le versement de la séquence audio 1D17-
Page 2016
1 0388 comme élément de preuve au dossier.
2 M. TIEGER : [interprétation] Pas d'objection.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier ?
4 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ceci deviendra la
5 pièce D116.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D116 est admis comme élément de preuve
7 au dossier.
8 M. KEHOE : [interprétation] Pourrait-on maintenant présenter à l'écran la
9 pièce 1D 170100.
10 Q. Nous avons une page sur un document de deux pages. Est-ce qu'on
11 pourrait regarder la première page qui nous permet juste de savoir d'où
12 provient la page suivante, je vous donne ça comme élément de référence.
13 M. KEHOE : [interprétation] C'est tiré d'un lexique de l'OTAN avec termes
14 et définitions. Pourrions-nous aller, s'il vous plaît, à la page suivante,
15 on descend un petit peu au bas de la page, tout à fait en bas. Est-ce qu'on
16 pourrait maintenant agrandir ce qui est dit sur le centre de gravité.
17 Q. Le centre de gravité, selon la définition de l'OTAN d'un centre
18 de gravité : "Les caractéristiques, capacités ou localités à partir
19 desquelles une nation, une alliance, une force militaire ou autre groupe
20 tire sa liberté d'action, sa force matérielle ou sa volonté de combattre."
21 Est-ce que vous connaissez cela, Général ?
22 R. Oui.
23 Q. Est-ce que ceci est une définition qui a été incluse ou incorporée dans
24 la doctrine militaire canadienne ?
25 R. Pour l'essentiel. Il y a des différences mineures, mais il n'y a pas de
26 différences importantes pour ce qui est de la portée de celle-ci.
27 Q. Cette idée du centre de gravité, si on peut neutraliser ou détruire le
28 centre de gravité de l'ennemi, ceci permettra de détruire sa cohérence, sa
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1 cohésion et sa volonté de combattre; c'est bien cela ?
2 R. Oui, pour l'essentiel.
3 Q. Passons maintenant à la Krajina et, plus particulièrement, à Knin. Knin
4 était le cœur pour les Serbes de la Krajina, n'est-ce pas ?
5 R. Oui.
6 Q. Et vous saviez, Général, que si l'armée croate pouvait s'emparer de
7 Knin, elle aurait en quelque sorte décapité les efforts des Serbes de la
8 Krajina, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Vous nous avez dit plusieurs fois que vous étiez un artilleur pendant
11 la plus grande partie de votre carrière. Connaissez-vous la doctrine des
12 Etats-Unis en ce qui concerne l'ordre de bataille pour terre/air ?
13 R. Terre/air 2000 et 2004, oui.
14 Q. Et si nous pouvions -- seriez-vous fondamentalement d'accord sur ce qui
15 est énoncé dans la doctrine de combat air/terre ?
16 R. C'est un document technique compliqué et très détaillé, donc je
17 voudrais quand même subdiviser mon approbation en certaines parties avant
18 de pouvoir dire si je l'approuve.
19 Q. Je voudrais aller plus loin et probablement peut-être limiter les
20 choses, mais il y a un grand nombre de questions qui --
21 M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, mais je voulais demander que l'on
22 porte à l'écran la pièce ID170 [comme interprété].
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, qu'est-ce que nous devons
24 faire du document précédent ? Vous en avez lu l'ensemble, le centre de
25 gravité et --
26 M. KEHOE : [interprétation] Oui. Je voudrais demander que ces deux
27 documents soient déposés au dossier comme éléments de preuve.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous lisez l'ensemble, vous avez
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1 appelé notre attention là-dessus, n'est-ce pas ? Vous en avez donné
2 lecture, donc c'est au compte rendu.
3 M. KEHOE : [interprétation] C'est au compte rendu.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Néanmoins, si vous voulez aussi --
5 M. KEHOE : [interprétation] C'est juste pour que --
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objections, Monsieur Tieger ?
7 Monsieur le Greffier.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D117.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D117 est admis au dossier comme élément
10 de preuve.
11 M. KEHOE : [interprétation]
12 Q. Ce combat air/terre, vous connaissez la question des opérations de
13 combat approfondies ?
14 R. Oui.
15 Q. Qu'est-ce que c'est ?
16 R. Le but, c'est --
17 L'INTERPRÈTE : Il est demandé par la sténographie de bien vouloir ralentir.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi. Je vais essayer à nouveau.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous, s'il vous plaît, répéter
20 votre réponse très lentement.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Personne n'a pu vous suivre.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Les opérations en profondeur sont destinées à
24 annuler la puissance de feu de l'ennemi, faire une rupture des moyens de
25 communication et d'approvisionnement, et dans certains contextes, de
26 dissocier les premier et deuxième échelons, les deuxième et troisième
27 échelons les uns des autres de façon à créer des conditions d'exploitation
28 par des forces de frappe approfondie, et la liste se poursuit. Ce n'est pas
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1 là une analyse exhaustive d'une bataille en profondeur que vous avez devant
2 vous.
3 M. KEHOE : [interprétation]
4 Q. Juste à titre de référence, Général, ce que j'ai là devant vous pour
5 les opérations en profondeur, c'est à la page 146 d'un rapport d'expert qui
6 a été déposé pour le bureau du Procureur par un Monsieur Theunens.
7 De sorte qu'il sorte qu'il s'agit d'un document qui a été présenté à
8 Chambre de première instance.
9 M. KEHOE : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait remonter un petit
10 peu le texte. Maintenant redescendre un petit peu, s'il vous plaît ?
11 Q. Si nous partons de cette phrase, au petit paragraphe I : "Un
12 combat approfondi a pour but d'annihiler la puissance de feu, de
13 désorganiser son système de commandement et de direction, détruire ses
14 approvisionnements, casser son moral. En menant des attaques simultanées en
15 profondeur, des forces armées emploient des moyens de renseignements et
16 d'acquisitions à longue portée, prennent pour objectif des éléments, il y a
17 une utilisation également de guerre électronique de ce qui est connexe à
18 cela pour trouver la situation des forces ennemies, compliquer ses
19 opérations, déterminer les effets de nos propres frappes en profondeur."
20 Donc la notion, ici, Général, c'est de faire en sorte que les combats aient
21 lieu à l'arrière des lignes de confrontation, n'est-ce pas ?
22 R. L'idée, c'est de faire pénétrer les combats de façon aussi profonde que
23 possible parmi les combattants ennemis et pas parmi les civils.
24 Q. Ma question -- est-ce que vous avez compris ma question, Général ?
25 R. Oui.
26 Q. Et la réponse à ma question, c'est de faire entrer le combat à
27 l'intérieur ou au plus profond dans le territoire par rapport à la ligne de
28 confrontation ?
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1 R. S'il vous plaît, sans vouloir donner l'impression qu'on discute trop,
2 est-ce que vous pourriez avoir -- me donner une réponse de façon -- il
3 faudrait définir contre qui on combat.
4 Q. Je vais vous poser une question concernant l'artillerie ?
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, avant que nous ne
6 commencions sur des questions d'artillerie, je regarde la pendule. Nous
7 devons finir dans les deux minutes qui suivent et si vous voulez commencer
8 avec les questions d'artillerie.
9 M. KEHOE : [interprétation] Pour l'artillerie, ce sera assez long, Monsieur
10 le Président, je veux dire, je comprends ce que vous dites.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais vous donner pour
12 instructions, Général Leslie, de ne parler à personne de votre déposition
13 tant ce que vous avez déjà dit que ce que vous allez nous dire. Je peux
14 considérer qu'il est à plus ou moins convenu qu'en essayant de trouver le
15 nom ou tout au moins le lieu où se trouve une certaine personne, à la suite
16 de la déposition faite aujourd'hui, je crois que le témoin a offert de
17 retrouver certains renseignements qui bien sûr dans des circonstances
18 normales pourraient être directement liées à votre déposition, mais le
19 simple fait de rechercher ces renseignements sans discuter plus avant de
20 votre déposition. Je comprends que les parties sont d'accord avec cela.
21 M. KEHOE : [interprétation] Ça va très bien pour la Défense.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. M. Tieger également.
23 Nous souhaitons vous revoir demain, Général Leslie, le 23 avril dans
24 l'après-midi à 2 heures et quart dans la salle d'audience numéro I.
25 Monsieur Leslie, je voudrais ajouter une chose. Vous vous êtes excusé tout
26 à l'heure de ne pas avoir une mémoire très claire des événements qui ont eu
27 lieu il y a déjà pas mal de temps. Il n'est pas nécessaire de vous excuser
28 à ce sujet. La seule chose que vous devez nous dire, c'est répondre aux
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1 questions de votre mieux; et si vous n'avez aucun souvenir il n'est pas
2 nécessaire de vous excuser. C'est un point qui est accepté, vous êtes
3 simplement prié de nous dire si vous ne vous en souvenez pas.
4 Donc même si Me Kehoe immédiatement après cela vous dit quelque chose
5 pour vous rafraîchir la mémoire, il n'y a pas d'inconvénient. Si ce que
6 vous avez vu au cours des dernières journées vous rafraîchit la mémoire,
7 tant mieux. Si ce n'est pas le cas, à ce moment-là ne vous fondez pas - à
8 moins que vous puissiez nous le dire très précisément - sur quelque chose
9 que vous avez lu au cours des récentes journées, quelque chose qui ne vous
10 était pas parvenu à l'esprit.
11 Je vais maintenant lever l'audience jusqu'à demain après-midi à 2 heures et
12 quart.
13 L'audience est levée.
14 --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le mercredi 23 avril
15 2008, à 14 heures 15.
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