Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 9 juin 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous. Monsieur le

  6   Greffier, veuillez annoncer l'affaire.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et

  8   Monsieur les Juges. Il s'agit de l'affaire

  9   IT-06-90-T, le Procureur contre Ante Gotovina et consorts.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

 11   L'Accusation était-elle prête à appeler à la barre le témoin suivant ?

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, l'Accusation

 13   appelle à la barre M. Jovan Vujinovic.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. J'ai cru comprendre qu'aucune

 15   mesure de protection n'a été demandée.

 16   Mme GUSTAFSON : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

 17   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Vujinovic.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vujinovic, avant de déposer

 21   devant ce Tribunal, vous devez prononcer une déclaration solennelle par

 22   laquelle vous vous engagez à dire toute la vérité, toute la vérité et rien

 23   que le vérité.

 24   Veuillez vous lever et prononcer cette déclaration solennelle, je vous

 25   prie.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 27   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 28   LE TÉMOIN : JOVAN VUJINOVIC [Assermenté]

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  1   [Le témoin répond par l'interprète]

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Vujinovic. Veuillez

  3   prendre place.

  4   Monsieur Vujinovic, c'est Mme Gustafson qui va vous interroger en premier.

  5   Elle se trouve à votre droite. La voilà.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je la vois.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y, Madame Gustafson.

  8   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Interrogatoire principal par Mme Gustafson : 

 10   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin. Veuillez décliner

 11   votre identité pour les besoins du compte rendu d'audience.

 12   R.  Jovan Vujinovic, mon père, qui est décédé aujourd'hui, s'appelait

 13   Jovan, il venait d'Oton.

 14   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci. Peut-on remettre au témoin sa

 15   déclaration en B/C/S et peut-on montrer au témoin le document numéro 4920

 16   dans la liste 65 ter.

 17   R.  Je l'ai déjà lu. Ce n'est pas très grave. Allez-y.

 18   Q.  Monsieur Vujinovic, devant vous à l'écran il y a un document. S'agit-il

 19   d'une déclaration que vous avez faite et signée le 20 janvier 1999 ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  A la page 2 de cette déclaration, au milieu de la page, vous dites que

 22   des soldats vous ont emmené dans un bâtiment auprès de la gare ferroviaire

 23   d'Oton le matin du 18 août 1995. Je souhaiterais vous donner lecture d'un

 24   passage de votre déclaration afin que vous puissiez la corriger.

 25   Dans votre déclaration vous dites : "Lorsque ces soldats sont partis ils

 26   m'ont emmené avec eux. Ils m'ont emmené jusqu'à leur QG sur le terrain. Ce

 27   QG se trouvait dans un bâtiment connu sur le nom de halte d'Oton. Là, j'ai

 28   vu un certain nombre d'officiers, un fax, un téléphone portable, de

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  1   nombreux d'autres soldats. J'ai également vu de nombreux véhicules

  2   militaires avec des plaques d'immatriculation de la H [comme interprété]."

  3   A l'époque, est-ce que vous pensiez que ce bâtiment abritait le QG de

  4   l'armée ou le QG sur le terrain à l'époque ?

  5   R.  Je n'ai pas compris votre question.

  6   Q.  Vous avez dit dans votre déclaration que l'on vous avait conduit dans

  7   un QG, dans un bâtiment près d'un arrêt de train. A l'époque est-ce que

  8   vous pensiez qu'il s'agissait d'un QG ou d'autre chose ?

  9   R. Ce n'était pas dans le QG. Lorsque tous les villageois se sont enfuis,

 10   ils ont récupéré du bétail dans les maisons. Donc il ne s'agissait pas

 11   vraiment d'un centre pour les soldats, mais ils s'en servaient de logement

 12   pour dormir la nuit. Il ne s'agissait pas vraiment d'un commandement, je

 13   l'appelle commandement, mais ce n'était pas vraiment un commandement.

 14   Q.  Je vous remercie. Maintenant que vous avez apporté cette correction,

 15   est-ce que vous estimez que la déclaration que vous avez faite en 1999 est

 16   précise et véridique, pour autant que vous le sachiez ?

 17   R.  Ce que je viens de dire, c'est la vérité.

 18   Q.  Maintenant que vous avez apporté cette correction, est-ce que la

 19   déclaration que vous avez faite en 1999, la déclaration qui se trouve sur

 20   l'écran devant vous, cette déclaration est-elle véridique et précise et

 21   correspond-elle à ce que vous savez ?

 22   R.  Oui, les choses étaient ainsi. Il ne s'agissait pas, dirais-je, de

 23   pillage, mais ils nettoyaient le village. Tout était abandonné. Les Serbes,

 24   les paramilitaires, tout a été nettoyé. Ils ont pris des choses et c'est

 25   tout.

 26   Q.  Merci.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vujinovic, je pense qu'il

 28   serait préférable que vous regardiez Mme Gustafson parce que c'est elle qui

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  1   vous pose des questions.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je sais. Je le sais.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que cela facilitera la

  4   communication entre vous. Veuillez poursuivre.

  5   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci.

  6   Q.  Cette déclaration que vous avez faite en 1999, qui se trouve à l'écran,

  7   est-ce qu'elle correspond à ce que vous avez déclaré à l'époque ?

  8   R.  Oui, les choses étaient ainsi. En bref.

  9   Q.  Si aujourd'hui je vous posais les mêmes questions que celles qui vous

 10   ont été posées à l'époque où vous avez faites votre déclaration, vos

 11   réponses seraient-elles les mêmes ?

 12   R.  Peut-être que j'apporterais quelques petites corrections. Je ne sais

 13   pas. Ça dépend. Tout dépend de ce que vous allez me demander.

 14   Q.  Monsieur Vujinovic, avez-vous relu cette déclaration ces jours-ci ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Hormis la correction que nous venons de mentionner, si je vous posais

 17   aujourd'hui à l'audience les mêmes questions qu'à l'époque, est-ce que vos

 18   réponses seraient les mêmes ?

 19   R.  Tout à fait. A l'exception de l'erreur que j'ai mentionnée tout à

 20   l'heure. J'ai dit qu'il s'agissait d'un commandement, mais ce n'était pas

 21   vraiment un commandement. Il n'y avait pas vraiment de troupes d'active. Il

 22   s'agissait simplement de nettoyage des maisons, de pillage. Il n'y a pas eu

 23   de meurtres. Il ne s'agissait pas d'une armée. Ils nettoyaient tout ça. Ils

 24   ont pris du bétail. Disons, qu'ils se sont livrés à des pillages. Appelons

 25   cela des pillages.

 26   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Peut-on montrer au témoin le document 65

 27   ter 4921, s'il vous plaît.

 28   Q.  Monsieur Vujinovic, reconnaissez-vous cette déclaration comme étant une

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  1   déclaration que vous avez faite et signée le 12 octobre 2004 ?

  2   R.  Je ne vois pas très bien sans mes lunettes, mais allez-y, posez-moi

  3   votre question.

  4   Q.  Est-ce que vous avez vos lunettes avec vous ?

  5   R.  Posez-moi votre question. C'est tout.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question est la

  7   suivante : est-ce que vous reconnaissez cette déclaration ? Est-ce que vous

  8   la reconnaissez ? Apparemment, vous ne pouvez pas répondre à cette question

  9   sans vos lunettes. Est-ce que vous avez vos lunettes ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà lu tout cela. Tout était correct.

 11   Rien n'a été ajouté.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais la dernière question était : est-ce

 13   que vous avez vos lunettes avec vous ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne les ai pas. Il n'y a rien à lire.

 15   J'ai déjà lu tout cela, hier, avant-hier, et même avant cela lorsqu'ils

 16   sont venus chez moi en Croatie. Je l'ai lu aussi à l'époque.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Enfin, vous pensez que c'est la même

 18   chose, en tout cas et selon toute vraisemblance, c'est la même chose. Mais

 19   nous souhaiterions que vous examiniez quand même ce document. Est-ce que

 20   vous pouvez nous dire où se trouvent vos lunettes ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Chez moi, à la maison.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez pas de lunettes ici à La

 23   Haye ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est inutile, mais bon, si vous insistez,

 25   oui. Je vais lire ça.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 27   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Peut-être que l'on pourrait donner au

 28   témoin la version papier de cette déclaration. Peut-être qu'il pourrait

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  1   essayer de l'identifier.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, allez-y, Monsieur l'Huissier.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Pourquoi est-ce que vous ne liriez pas ce

  4   document, puis je vous répondrai. Si vous l'avez, lisez cela simplement.

  5   Vous lisez le document, puis je vous dirai si c'est correct ou pas.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, Monsieur Vujinovic. Ce que nous

  7   essayons de faire ici, c'est justement d'éviter de revoir tout cela. Donc

  8   si vous examinez cette déclaration et si vous reconnaissez qu'il s'agit de

  9   la vôtre, alors nous pourrons aller de l'avant. Nous parlons maintenant de

 10   la déclaration de 1990 -- non. Non, cette deuxième déclaration --

 11   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Il s'agit du document 65 ter 4921.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, la déclaration du 12 octobre.

 13   Monsieur l'Huissier, avez-vous vérifié que le témoin dispose bien de la

 14   déclaration du 12 octobre.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je le vois.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est votre déclaration,

 17   Monsieur Vujinovic ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais ça serait la déclaration de qui ? Il n'y

 19   a personne avec moi.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il vous plaît, s'il vous plaît.

 21   M. MISETIC : [interprétation] Je voulais simplement apporter une petite

 22   correction. Je signale que le patronyme du témoin est mal orthographié sur

 23   cette déclaration. Il doit y avoir une petite correction.

 24   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est vrai.Il y a la question du

 26   nom. Si j'ai bien compris, le témoin ne porte pas le même nom que le reste

 27   de sa famille. Il y a eu une petite erreur administrative.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Le témoin a dit qu'il s'appelait Vujinovic.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vérifions cela.

  2   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Cette erreur a été corrigée dans la

  3   troisième déclaration.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que vous pourrez évoquer cela

  5   lorsque nous parlerons de la troisième déclaration.

  6   Monsieur Vujinovic, même question. Si les mêmes sujets étaient abordés, si

  7   l'on vous posait les mêmes questions aujourd'hui, est-ce que vous

  8   apporteriez les mêmes réponses ? Est-ce qu'il y a quelque chose à ajouter,

  9   Madame Gustafson, des corrections à faire ?

 10   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Là aussi il est fait référence à un QG,

 11   mais j'estime que cette erreur a été corrigée.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 13   Monsieur Vujinovic, est-ce que si l'on vous posait les mêmes questions

 14   aujourd'hui, vos réponses seraient les mêmes ? Nous parlons maintenant de

 15   votre deuxième déclaration.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de mon nom, ce n'est pas

 17   vraiment mon nom, c'est mon patronyme, mon nom de famille. Il manque un

 18   "I". Parfois on peut lire Vujnovic, et parfois on peut lire Vujinovic. En

 19   fait, il faut lire Vujinovic. Mais le reste de ma famille, elle s'appelle

 20   Vujnovic sans "I". Par la suite, nous avons essayé de corriger cela, mais

 21   sinon, c'est le même nom. Il s'agit simplement d'une petite erreur qui a

 22   été commise par les services administratifs.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On vient de vous montrer un document et

 24   vous avez dit, mais à qui d'autre que moi pourrait correspondre cette

 25   déclaration. Donc si les mêmes questions vous étaient posées aujourd'hui,

 26   est-ce que vous fourniriez les mêmes réponses que dans ce document ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

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  1   Mme GUSTAFSON : [interprétation] La troisième déclaration porte la

  2   référence 4922 dans la liste 65 ter. Est-ce que M. l'Huissier pourrait

  3   remettre au témoin sa déclaration de 2007.

  4   Q.  Monsieur le Témoin, s'agit-il bien d'une déclaration que vous avez

  5   faite et signée le 4 avril 2007 ?

  6   R.  Tout ce qui est dit dedans est exact. Si vous avez d'autres questions à

  7   me poser, allez-y.

  8   Q.  Je veux simplement m'en assurer --

  9   M. CAYLEY : [interprétation] Excusez-moi. Un peu plus tôt, vous avez posé

 10   une question au témoin et la réponse n'a pas été interprétée en anglais,

 11   donc on ne voit ni oui ni non.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais j'ai entendu le témoin dire "da,"

 13   ce qui veut dire oui, mais je dois voir si c'est dans le compte rendu.

 14   M. CAYLEY : [interprétation] Ça ne figure pas dans le compte rendu.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si tout le monde est d'accord là-dessus,

 16   si on peut se mettre d'accord que le témoin a dit "da," très bien.

 17   Poursuivons.

 18   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 19   Q.  Monsieur Vujinovic, veuillez examiner cette déclaration et nous dire si

 20   vous la reconnaissez. Est-ce qu'il s'agit bien de votre déclaration ?

 21   R.  Oui, c'est ma déclaration.

 22   Q.  Est-elle correcte et véridique pour autant que vous le sachiez ?

 23   R.  En principe, oui. Enfin, je n'ai pu vous dire que ce que j'ai vu. Je

 24   suis resté tout seul dans le village. Personne n'a levé la main sur moi. Le

 25   24 septembre, j'étais à Knin. Ma maison a été incendiée. Il y avait des

 26   incendies partout. Ce n'était pas vraiment la faute de l'armée croate, ils

 27   n'ont tué personne. Mais il y avait des idiots de tous les côtés. Ma mère a

 28   été tuée le 17, mais ce n'était pas l'armée croate. C'était les pillards,

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  1   ces idiots. Ils m'ont dit : vous devriez partir. Il y a des idiots partout,

  2   mais je ne voulais pas partir. Et personne n'a jamais levé la main sur moi.

  3   Le 24 septembre, j'ai continué à travailler jusqu'au 1er août 1995, je

  4   travaillais pour les chemins de fer, puis le 24 septembre 1995 je suis

  5   arrivé au bureau. Je cherchais des papiers. Bien.

  6   Q.  Veuillez vous concentrer sur les questions précises que je vous pose et

  7   répondre en conséquence.

  8   R.  Allez-y.

  9   Q.  Cette déclaration de 2007 que vous avez sous les yeux, si je vous

 10   posais aujourd'hui les mêmes questions qu'à l'époque, est-ce que vos

 11   réponses seraient identiques ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Merci, Monsieur. Je demande le versement au dossier de ces trois

 14   déclarations, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 65 ter 4920 se verra

 17   attribuer la cote P412.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de la déclaration de 1999.

 19   P412 est versé au dossier.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 65 ter 4921, qui correspond à

 21   la déclaration faite en 2004, devient la pièce P413.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P413 est versé au dossier.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Et le document 4922 de la liste 65 ter,

 24   qui correspond à la déclaration faite en 2007, devient la pièce P414.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P414 est versé au dossier.

 26   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   Q.  Monsieur Vujinovic, la Chambre possède vos déclarations et dispose de

 28   toutes les informations qui s'y trouvent. Donc, je vais vous poser quelques

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  1   questions afin de préciser certains points qui ne se trouvent pas dans vos

  2   déclarations. Veuillez vous concentrer sur les questions que je vous pose

  3   et répondre de façon directe et concise.

  4   R.  Merci. Allez-y.

  5   Q.  Vous dites dans votre déclaration qu'environ 200 personnes habitaient à

  6   Oton Polje avant l'opération Tempête. Quelle était leur appartenance

  7   ethnique ?

  8   R.  Ils étaient tous Serbes. Il n'y avait pas un seul Croate. Mais pendant

  9   la guerre, personne n'a été blessé ou tué dans mon village. Personne.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vujinovic, essayez de vous

 11   concentrer sur les questions qui vous sont posées. On ne vous a pas demandé

 12   si des gens avaient été tués, mais quelle était l'appartenance ethnique des

 13   villageois. Si Mme Gustafson souhaite en savoir davantage, elle vous posera

 14   des questions complémentaires.

 15   Allez-y.

 16   Mme GUSTAFSON : [interprétation]

 17   Q.  A quelle distance se trouvait votre maison du bâtiment situé près de la

 18   gare ferroviaire d'Oton où se trouvaient les

 19   soldats ?

 20   R.  A 356 mètres environ. Enfin, j'ai mesuré le tuyau, parce que je suis

 21   allé chercher de l'eau dans une fontaine qui se trouvait là.

 22   Q.  Je souhaiterais vous poser quelques questions au sujet de Stevo

 23   Vujnovic d'Oton Polje, vous évoquez son décès dans vos déclarations, et je

 24   souhaiterais obtenir quelques renseignements concernant Stevo Vujnovic.

 25   Est-il né à Oton ou est-il né ailleurs ?

 26   R.  A Oton.

 27   Q.  Comment s'appelait son père ?

 28   R.  Ivan.

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  1   Q.  Avait-il un frère qui habitait à Zagreb ?

  2   R.  Oui, oui, à Zagreb, mais je ne sais pas où ils habitaient. Je n'en suis

  3   pas sûr. Ils sont tous morts. Seul Momcilo le frère est vivant. Les autres

  4   sont morts.

  5   Q.  Comment s'appelait le frère qui habitait à Zagreb ?

  6   R.  Juro. Il s'appelait également Vujnovic.

  7   Q.  En août 1995, est-ce que Stevo Vujnovic était un civil ou était-il un

  8   soldat ?

  9   R.  Il était un civil. Il ne faisait partie d'aucune armée.

 10   Q.  Au paragraphe 3 de votre déclaration de l'année 2004, vous avez

 11   expliqué comment vous avez trouvé le corps de Stevo Vujnovic dans la cour

 12   de sa maison et vous avez expliqué comment sept jours plus tard vous avez

 13   conduit des policiers dans sa maison où son corps gisait encore au même

 14   endroit.

 15   Ce jour-là, lorsque vous avez montré aux policiers l'endroit où se trouvait

 16   le corps de Stevo Vujnovic, est-ce que ces policiers vous ont posé des

 17   questions sur la façon dont Stevo Vujnovic était

 18   décédé ?

 19   R.  Non, ils ne m'ont pas posé cette question, parce que cela se trouve à

 20   une distance de 1,5 à 2 kilomètres de ma maison. Donc rien n'a été dit sur

 21   la façon dont il a été tué. Je l'ai entendu parler par la suite. Je suis

 22   allé voir. Je l'ai vu. J'ai vu qu'il était mort, qu'il était devant sa

 23   maison. J'en ai parlé à la police. Ensuite il y a cette organisation, la

 24   Croix-Rouge ou quelque chose de ce style-là. Ils l'ont pris -- en fait, ils

 25   l'ont enveloppé, puis ils ont pris son corps. Voilà. Voilà ce qui s'est

 26   passé.

 27   Q.  Au paragraphe 5 de votre déclaration de 2007, vous expliquez comment

 28   tout le monde à votre hameau, à l'exception de vous-même et de deux autres

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  1   personnes qui étaient infirmes, donc tout le monde à l'exception de vous et

  2   de ces deux personnes avaient quitté Oton Polje le 21 août 1995, grâce à

  3   l'aide d'un observateur ukrainien qui s'appelait Pero. J'aimerais vous

  4   demander en fait si vous avez pu vous entretenir avec Pero lorsqu'il est

  5   revenu dans votre hameau ?

  6   R.  Oui, Pero, oui, je l'ai vu lorsqu'il est revenu une ou deux fois, mais

  7   il buvait du vin, il buvait du Schnapps. Je lui ai

  8   dit : Mais tu bois comme un Russe, tu connais cette expression ? Parce

  9   qu'en fait, lorsqu'ils sont partis le 5, lorsque ce groupe, le dernier

 10   groupe qui est parti le 5, ensuite nous étions le 21 mai, il s'est rendu

 11   dans le village, ensuite il est allé à la caserne de Knin.

 12   Q.  Vous venez d'évoquer le 21 mai. Est-ce que vous vouliez parler du 21

 13   août ?

 14   R.  Oui, bien sûr, le 21 août. Oui, c'est une erreur.

 15   Q.  Merci. J'aimerais maintenant que vous réfléchissiez aux conversations

 16   que vous avez eues avec Pero. Est-ce que vous avez relaté à Pero ce qu'il

 17   était advenu de votre mère ?

 18   R.  Oui, oui. Oui, il était là. Il est venu me rendre visite une ou deux

 19   fois, ils habitaient à Knin, ensuite il venait au village et il s'arrêtait

 20   chez moi pour boire un verre. Il y avait les soldats qui s'arrêtaient

 21   également, ils s'arrêtaient, ils se restauraient. Personne n'a levé la main

 22   sur moi, personne ne m'a jamais rien fait, mais ce jour-là il y a eu ce

 23   pillage qui s'est produit. Voilà.

 24   Q.  Est-ce que vous avez jamais indiqué à la police croate ce qu'il était

 25   advenu de votre mère ?

 26   R.  Je n'avais rien à dire. Les gens allaient ici et là. Qu'est-ce que je

 27   pouvais faire ? J'en ai parlé seulement lorsque je l'ai lu quelque part -

 28   j'ai toujours en fait cela chez moi, ils demandaient des compensations.

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  1   Donc j'ai pris contact avec un avocat de Split et elle a rédigé ma requête,

  2   puis lorsque le moment est venu, ils ont juste déclaré que ma mère avait

  3   été tuée. C'est tout.

  4   Q.  Est-ce qu'un représentant de la police croate ou de l'armée croate a

  5   jamais pris une déposition ou vous a jamais demandé ce qu'il était arrivé à

  6   votre mère ?

  7   R.  Je n'en sais rien, personne ne m'a posé de questions. En fait non, la

  8   police est venue ainsi que les gens de La Haye, ils sont venus, ils ont

  9   pris de photographies et ils m'ont dit de toucher à rien à l'endroit où

 10   elle a été tuée. D'ailleurs je n'ai jamais rien touché, c'est toujours là,

 11   les choses sont restées en l'état, à l'endroit derrière la maison à 80

 12   mètres environ. Rien n'a été touché.

 13   Q.  Vous dites la police est venue et les gens de La Haye sont venus.

 14   J'aimerais vous demander une petite précision à ce sujet. Est-ce que ce

 15   sont des enquêteurs de La Haye qui sont venus s'entretenir avec vous ?

 16   J'aimerais savoir si des membres de la police croate sont venus vous

 17   trouver ?

 18   R.  Je n'ai pas parlé à la police, je n'ai pas présenté de rapport à la

 19   police.

 20   Q.  Est-ce qu'il y a un hameau qui s'appelle Oton Brdo et qui se trouve

 21   près d'Oton Polje ?

 22   R.  Oui, oui, c'est un village, enfin c'est un hameau. Vous avez Oton

 23   Polje, vous avez Oton Brdo et Oton Bender. En fait, il s'agit d'un village,

 24   d'un gros village, et là je vous ai donné les noms des différents hameaux.

 25   Q.  Très bien. Oton Brdo et Oton Bender, est-ce qu'il s'agit également de

 26   hameaux serbes ?

 27   R.  Oui. Oton Brdo était un hameau où il y avait trois maisons croates,

 28   mais ils sont partis également avec les réfugiés serbes.

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  1   Q.  Combien de personnes résidaient à Oton Brdo environ avant l'opération

  2   Tempête ?

  3   R.  Je ne peux pas vraiment vous le dire. Brdo et Bender sont des hameaux

  4   plus petits que le hameau d'Oton Polje.

  5   Q.  Merci. Et combien de personnes sont restées à Oton Brdo après

  6   l'opération Tempête ?

  7   R.  J'y étais avec la commission de la municipalité de Knin, lorsqu'ils ont

  8   répertorié les chiffres à Plavno. Il y avait 131; à  Oton Bndr, il y avait

  9   14; Oton Brdo 33, Oton Polje où je me trouvais, il y avait justement une

 10   grand-mère, elle était malade et la communauté internationale lui a donné à

 11   manger. Il y en avait 16 dans un village, 26 dans un autre. A Daducici, 27.

 12   Mais c'est là où j'y suis allé lorsqu'ils ont répertorié les chiffres avec

 13   un avocat de la municipalité de Knin, puis il y avait également deux

 14   avocats de Split.

 15   Q.  Je vous remercie, Monsieur, mais j'aimerais vous demander d'essayer de

 16   répondre dans la mesure du possible aux questions précises que je vous

 17   pose.

 18   Est-ce que vous connaissez Branko Sudar et Ilija Sudar d'Oton Brdo.

 19   Vous les connaissez ?

 20   R.  Oui, oui, nous nous connaissons. Ceci étant, je ne sais pas quand

 21   est-ce qu'ils ont été tués.

 22   Q.  Est-ce qu'ils sont restés après l'opération Tempête ?

 23   R.  Je pense qu'ils sont restés. En fait, je ne sais pas, je ne sais pas

 24   s'ils sont restés finalement. Tout ce que je sais, c'est qu'ils ont été

 25   tués, je ne l'ai pas vu, mais j'en ai entendu parler et je le sais.

 26   Q.  Quand est-ce que vous en avez entendu parler environ ?

 27   R.  J'en ai entendu parler plus tard, 15 jours plus tard ou un mois plus

 28   tard, je n'en suis pas sûr.

Page 4561

  1   Q.  Alors vous nous dites 15 jours plus tard, un mois plus tard, mais de

  2   quel mois et de quelle année s'agissait-il ?

  3   R.  C'était après l'opération Tempête. Mais pour ce qui est de savoir quand

  4   exactement, je n'en sais rien. Tout ce que j'ai entendu, c'est qu'ils

  5   avaient été tués, ensuite j'ai pu déterminer qu'effectivement ils avaient

  6   été tués.

  7   Q.  Est-ce que vous savez ce qu'il est advenu de leurs corps ?

  8   R.  Il y en a un qui a été inhumé au cimetière. Pour ce qui est de l'autre,

  9   je n'en sais rien. Vous savez, ça s'est passé à Brdo et Bender, ce sont les

 10   hameaux avoisinants, donc je ne le sais pas précisément. Tout ce que je

 11   sais précisément, c'est qu'ils ont été tués -- ou plutôt, enfin je ne l'ai

 12   pas vu moi-même, j'en ai entendu parler, je sais, c'est comme ça que j'ai

 13   entendu qu'ils avaient été tués.

 14   Q.  Vous savez quel était leur âge à l'époque ?

 15   R.  Pasic et Sudar - enfin, Branko il avait 26 ans, l'autre je ne sais pas,

 16   je pense qu'il était plus jeune. Sudar, Ilija, enfin, maintenant je ne sais

 17   plus quel était son nom, enfin il était plus vieux, lui.

 18   Q.  Est-ce que vous connaissez une femme d'Oton Bndr [comme interprété] qui

 19   répond au nom de Djuka Zunic ?

 20   R.  Non, je ne le connaissais pas, c'était une femme âgée. Je ne sais pas

 21   si quelqu'un l'a jetée dans un puits ou si elle s'est noyée elle-même, je

 22   n'en sais rien. Personne n'a vraiment véritablement établi ou déterminé ce

 23   qui s'était passé.

 24   Q.  Vous venez de dire "Je ne sais pas si quelqu'un l'a jetée dans un puits

 25   ou si elle s'est noyée." Mais est-ce que son corps a été trouvé dans un

 26   puits ?

 27   R.  Oui, oui. C'est ainsi qu'ils se sont rendu compte qu'elle s'était

 28   noyée.

Page 4562

  1   Q.  Quand est-ce que cela s'est passé environ ?

  2   R.  Je ne pourrais pas vous le dire, c'était pendant cette période. Je ne

  3   le sais pas exactement moi-même, j'en ai entendu parler seulement, je ne

  4   l'ai pas vu moi-même.

  5   Q.  Lorsque vous dites, "pendant cette période," est-ce que vous pourriez

  6   être un peu plus précis, donner un mois ou en tout cas une année ?

  7   R.  C'était en 1995. Pour ce qui est du mois, je ne sais pas si cela s'est

  8   passé en août ou septembre. Je n'en ai aucune idée.

  9   Q.  Est-ce que vous connaissez quelqu'un qui répond au nom de Nikola Pasic

 10   originaire d'Oton Bendr ?

 11   R.  Oui. Oui, oui. Il était forgeron. Je vais commencer -- enfin il

 12   travaillait pour les chemins de fer. C'est tout ce que je sais de lui.

 13   Q.  Est-ce que vous savez ce qui lui est arrivé après l'opération Tempête.

 14   R.  J'ai entendu qu'il avait été tué. Je ne l'ai pas vu moi-même, mais j'ai

 15   entendu cela.

 16   Q.  Est-ce que c'est quelque chose que vous avez également entendu pendant

 17   les mois d'août et septembre ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Je vous remercie Monsieur Vujinovic, je n'ai plus de questions à vous

 20   poser.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame Gustafson.

 22   En règle générale le résumé est lu. Je ne sais si vous vous êtes

 23   abstenue de le faire pour une raison bien particulière, Madame.

 24   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président,

 25   c'est un oubli de ma part, je peux le faire maintenant.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vujinovic, étant donné

 27   que le public n'a pas été informé de la teneur de votre déclaration, hormis

 28   ce que vous venez de nous dire maintenant,

Page 4563

  1   Mme Gustafson va nous donner lecture d'un résumé. Vous n'avez pas à

  2   répondre. Il ne s'agit pas de questions qui vous sont posées, c'est tout

  3   simplement pour que tout le monde soit au courant de ce qui ce trouvait

  4   dans votre déclaration.

  5   Ensuite vous répondrez aux questions posées par les conseils.

  6   Madame Gustafson.

  7   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le

  8   Président. Merci de me l'avoir rappelé.

  9   Jovan Vujinovic résidait dans le hameau d'Oton Polje dans la municipalité

 10   d'Ervenik au moment de l'opération Tempête. Avant l'opération Tempête, 200

 11   personnes environ vivaient dans 60 foyers dans ce hameau. La plupart de ces

 12   personnes ont quitté le hameau entre le 4 et le 5 août 1995, notamment

 13   toutes les personnes qui faisaient partie de la famille de ce témoin, à

 14   l'exception du témoin et de sa mère âgée.

 15   La plupart des 17 personnes environ qui sont restées étaient des personnes

 16   âgées. Le 5 août 1995, des soldats croates sont entrés dans le hameau et

 17   ont commencé à le piller. Ce pillage s'est poursuivi pendant plusieurs

 18   semaines.

 19   Le 18 août 1995, le témoin s'est absenté de son domicile pendant quelques

 20   heures. Lorsqu'il est revenu chez lui, sa maison avait été incendiée et

 21   détruite et il a trouvé sa mère morte à 80 mètres environ de son domicile

 22   et sa mère avait trois balles dans le visage. Onze maisons dans le hameau

 23   ont été incendiées ce jour-là.

 24   Le 21 ou le 22 août 1995, le témoin a trouvé le cadavre d'un autre

 25   villageois, Stevo Vujnovic qui gisait devant sa maison dans une flaque de

 26   sang. Sept ou huit jours plus tard, son corps se trouvait toujours là et le

 27   témoin a conduit des policiers qui se trouvaient dans le secteur à

 28   l'endroit où se trouvait le corps. Les policiers n'ont pas pris le corps ce

Page 4564

  1   jour-là.

  2   Le 21 août 1995, toutes les personnes qui restaient dans Oton Polje, à

  3   l'exception du témoin et de deux autres personnes qui étaient toutes les

  4   deux infirmes, ont quitté Oton Polje avec l'aide des observateurs

  5   internationaux. Le témoin a par la suite entendu qu'ils avaient été

  6   conduits à la caserne des Nations Unies à Knin puis plus tard transportés

  7   en Serbie.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vujinovic, vous allez

  9   maintenant répondre aux questions qui vont vous être posées par Me Misetic,

 10   conseil de M. Gotovina.

 11   Maître Misetic, je m'adresse également aux autres conseils, je pense au

 12   raisonnement abstrait et théorique par opposition aux faits, et je

 13   m'attends à ce que vous ne posiez pas de questions trop abstraites et

 14   hasardeuses.

 15   M. MISETIC : [interprétation] Oui, c'est ce que je ferai, Monsieur le

 16   Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 18   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie.

 19   Contre-interrogatoire par M. Misetic :

 20   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Vujinovic.

 21   R.  Bonjour.

 22   Q.  Je vais vous poser quelques questions à propos du premier jour de

 23   l'opération Tempête, à savoir le 4 août 1995. Dans votre déclaration vous

 24   avez déclaré que votre famille était partie vers

 25   13 heures le 4 août. Vous vous souvenez avoir dit cela ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Vous avez également indiqué dans votre déclaration qu'ils étaient

 28   partis, parce qu'il y avait des représentants de l'ARSK dont certains

Page 4565

  1   portaient un uniforme militaire, qui disaient à la population de partir

  2   parce que les forces oustachi arrivaient. Est-ce que vous vous souvenez

  3   d'avoir dit cela dans votre déclaration ?

  4   R.  Oui, c'est ce qu'ils ont dit.

  5   Q.  Vous avez dit, toujours dans votre déclaration, que ces représentants

  6   de l'ARSK qui portaient un uniforme militaire ont commencé à distribuer du

  7   carburant pour que les gens puissent partir. Vous souvenez-vous de cela ?

  8   R.  Oui, je me souviens. Vous savez, il y avait cette organisation qui se

  9   trouvait là qui distribuait cela. Ils distribuaient cela à la population

 10   civile, aux gens qui portaient l'uniforme. Je ne sais pas exactement

 11   comment les choses se sont passées, mais quoi qu'il en soit ils

 12   distribuaient le carburant, il y avait des menaces indiquant qu'ils

 13   fallaient qu'ils partent. Personne ne les a forcés et contraint à partir,

 14   ils sont tous partis de leur propre gré, tous, personne n'a forcé quiconque

 15   à partir par la force.

 16   Q.  Lorsque vous dites ils sont partis de leur propre gré, à qui faites-

 17   vous référence ?

 18   R.  A toutes ces personnes, à tous ces civiles qui sont partis. A mon avis,

 19   ils sont tous partis de leur plein gré. Moi, j'en faisais partie de ces

 20   civils. Personne ne m'a forcé à partir. Je suppose qu'ils écoutaient ces

 21   organisations, quelques organisations chetniks qui se trouvaient là, puis

 22   c'est pour ça qu'ils sont partis. Pourquoi est-ce qu'ils sont partis,

 23   personne ne les a forcés à partir.

 24   Q.  Ces représentants de l'ARSK, dont certains portaient l'uniforme

 25   militaire, est-ce que vous les avez reconnus ?

 26   R.  Vous savez, nous nous connaissions tous.

 27   Q.  Et ces représentant officiels, est-ce qu'il s'agissait de personnes

 28   originaires de votre région, de votre secteur ?

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  1   R.  Oui, la plupart, oui.

  2   Q.  Mais votre village il n'a pas été pilonné le 4 août, n'est-ce pas ?

  3   R.  Non, non, pas du tout. Personne n'a été tué pendant la guerre, personne

  4   n'a été blessé. Il n'y a pas eu de guerre, il n'y a pas eu de combat dans

  5   ce secteur.

  6   Q.  Alors, nous allons aller de l'avant et nous allons parlé du village où

  7   se trouvait Pero l'Ukrainien. Vous avez dit dans votre déclaration que Pero

  8   l'Ukrainien avait encouragé les villageois à partir mais que vous, vous

  9   avez décidé de rester et dans votre déclaration de l'année 2007 à la page

 10   5, vous avez dit que vous vous sentiez en sécurité, parce que la police

 11   croate que vous connaissiez avant l'opération Tempête --

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, mais

 13   une référence a été faite à Pero l'Ukrainien qui avait encouragé les

 14   villageois à partir. Je ne suis pas très sûr de savoir où cela figure dans

 15   les déclarations du témoin.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose, Maître Misetic, que vous

 17   serez en mesure de répondre à cette question de

 18   Mme Gustafson.

 19   M. MISETIC : [interprétation] Un petit moment, je vous prie.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation]  Merci beaucoup.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, j'ai lu ce qu'il en

 22   était à propos de cette aide mais…

 23   M. MISETIC : [interprétation] Oui, un petit moment, Monsieur le

 24   Président. Voilà, cela se trouve dans la fiche de données complémentaires

 25   que nous avons reçues du Procureur et là il est dit : "Pero a demandé au

 26   témoin de quitté le village avec les autres villageois qui sont partis mais

 27   le témoin n'a pas voulu le faire."

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle est cette fiche de données

Page 4568

  1   complémentaires.

  2   M. MISETIC : [interprétation] Je ne pense pas que cela ait été versé au

  3   dossier, Monsieur le Président.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais alors cela n'a pas été

  5   utilisé. Vous ne pouvez pas poser des questions directrices comme cela. Je

  6   ne pense pas que ce soit la meilleure façon de procéder. La seule chose

  7   c'est que si vous faites référence à une déclaration, la Chambre va essayer

  8   de trouver votre référence dans la déclaration et se rendra compte qu'il

  9   n'y a pas de base de ce que vous venez dire.

 10   M. MISETIC : [interprétation] Je m'excuse. Cela se trouvait dans la fiche

 11   de données complémentaires.

 12   Q.  Lors de vos discussions avec le bureau du Procureur au cours des

 13   derniers jours, vous avez dit à l'Accusation que Pero vous avait demandé de

 14   quitter le village avec les autres villageois mais que vous aviez décidé de

 15   rester.

 16   R.  C'est exact.

 17   Q.  Et dans votre déclaration de l'année 2007, à la page 5 -- non au

 18   paragraphe 5, plutôt, vous dites : "Je n'avais pas peur de rester au

 19   village. La police croate que je connaissais avant l'opération Tempête

 20   venait très souvent boire un verre chez moi, donc je me sentais en

 21   sécurité."

 22   Est-ce exact, vous vous sentiez en sécurité du fait de la présence de

 23   la police croate ?

 24   R.  L'armée croate venait chez moi tous les jours, tous les jours ils

 25   venaient boire un verre, la police s'arrêtait également. Personne n'a levé

 26   un doigt contre moi. Après l'opération Tempête, ils m'ont cherché, ils

 27   m'ont donné un appartement. Et là j'ai pris ma retraite. Personne ne m'a

 28   touché. Les soldats, la police, venaient chez moi, les représentants de la

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  1   communauté internationale le faisaient également. Ils venaient chez moi.

  2   C'était un peu comme si c'était le commandement militaire. Moi, j'étais

  3   tout seul. J'étais le dernier à rester dans le village. Nous nous

  4   restaurions, nous nous parlions, nous buvions ensemble.

  5   Q.  Merci.

  6   M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais maintenant demander le versement

  7   au dossier de cette pièce de l'Accusation 65 ter. Il s'agit de la pièce

  8   4132, rapport d'incident établi par la police civile.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez le verser au dossier

 10   directement, parce que cela est pertinent par rapport à ce dont parle le

 11   témoin.

 12   M. MISETIC : [interprétation] Oui, je vais lui demander de faire quelques

 13   observations à ce sujet. Je pensais que l'Accusation allait demander son

 14   versement au dossier, mais si cela n'a pas été fait, je le ferai.

 15   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je pense que cela fait déjà l'objet de la

 16   pièce P234.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc est-ce que nous pouvons avoir la

 18   pièce P234 à l'écran.

 19   M. MISETIC : [interprétation]

 20   Q.  Est-ce que vous vous souvenez si le nom de Pero était en fait Petro ou

 21   est-ce que vous l'appeliez Pero ?

 22   R.  Il s'est présenté à moi comme Pero l'Ukrainien. Il parlait six langues

 23   étrangères. Il m'a dit qu'il avait fait partie de la légion étrangère. Il

 24   s'exprimait parfaitement en croate, donc tout le monde le comprenait. Mais

 25   toujours est-il qu'à moi il m'a dit qu'il parlait six langues, mais il

 26   parlait croate comme moi.

 27   Q.  Bien. Pero a rédigé un rapport le 24 août - enfin la personne dont je

 28   suppose qu'il s'agit Pero - et dans le rapport il indique que d'après les

Page 4570

  1   informations qu'il détenait, Stevo Vujnovic a été trouvé par des personnes

  2   du village, mort avec sa mère Marija Vujnovic dans leur domicile environ le

  3   12 août 1995. Est-ce que vous vous souvenez si ces personnes ont été

  4   trouvées le 12 et non pas sept ou huit jours après que votre mère a été

  5   tuée ?

  6   R.  Ils ont été trouvés - en fait, il y a une vieille femme qui passait par

  7   là. Elle a vu Stevo Vujnovic mort, puis par la suite, lorsque je suis allé

  8   vérifier, moi aussi je l'ai vu mort. Il gisait allongé sur le ventre. Sa

  9   mère, elle était malade, elle était alitée. Donc personne n'est allé à

 10   l'intérieur de la maison. Personne n'y est allé. Personne ne s'est occupé

 11   d'elle. De toute façon même lorsqu'il a voulu la chercher, il y avait une

 12   puanteur qui s'échappait dans la maison, donc personne n'est entré dans la

 13   maison. Et lorsque son fils Momcilo est revenu de Serbie, il a dit qu'il

 14   était entré dans la maison, il l'avait trouvée morte dans son lit, il a dit

 15   qu'elle était morte, mais comme personne n'y était allé avant, je ne peux

 16   pas vous dire si les choses se sont passées comme cela ou non.

 17   Q.  Je vous remercie.

 18   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, je souhaiterais

 19   demander l'affichage et le versement au dossier de la pièce 1D29-009. Il

 20   s'agit du rapport d'autopsie établi pour Stevo Vujnovic.

 21   Il se peut qu'il s'agisse de la pièce 1D29-0003. Je m'excuse.

 22   Est-ce que nous pourrions afficher la page suivante ? Et encore une

 23   fois la page suivante ?

 24   Monsieur le Président, je demanderais le versement au dossier de

 25   cette pièce directement. Il faudrait que j'obtienne un numéro

 26   d'identification.

 27   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Nous pensons qu'il s'agit bien du

 28   rapport d'autopsie qui correspond à Stevo Vujnovic, donc pas d'objection.

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  1   M. MISETIC : [interprétation] Bien.

  2   Alors est-ce que nous pouvons afficher à nouveau la première page de

  3   ce rapport. Vous voyez ce qui est écrit pour cause du décès.

  4   La cause du décès n'a pas été établie, Monsieur le Président, n'a pas

  5   été déterminée. Donc je demanderais que cela soit enregistré et versé au

  6   dossier. Il s'agit du rapport d'autopsie de Stevo Vujnovic.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson.

  8   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pas d'objection.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce D383.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors la pièce D383 est versée au

 12   dossier.

 13   M. MISETIC : [interprétation] Merci.

 14   Monsieur le Greffier, peut-on présenter maintenant la pièce 1D29-0027, s'il

 15   vous plaît.

 16   Q.  Monsieur Vujinovic, je vais vous montrer maintenant une carte de la

 17   région d'où vous venez. Vous avez travaillé dans les chemins de fer, donc

 18   je suppose que vous connaissez la région et les cartes la représentant.

 19   Corrigez-moi si je me trompe. Je ne me trompe pas, n'est-ce pas ?

 20   R.  Je ne sais pas de quoi il s'agit.

 21   M. MISETIC : [interprétation] D'accord. Peut-on afficher à l'écran la page

 22   2 de cette pièce. Excusez-moi, la version B/C/S de ce document est 1D29-

 23   0024 pour permettre au témoin de voir aussi.

 24   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous voyez Knin en bas à droite ?

 25   R.  Je vois Oton.

 26   Q.  Bien. Puis après cette ligne se prolonge jusqu'à Knin. Est-ce que vous

 27   voyez cela ?

 28   R.  Oui.

Page 4572

  1   Q.  Bien. Peut-on s'il vous plaît - merci. Oton est en haut à gauche; est-

  2   ce exact ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Au milieu de la page, j'ai marqué un cercle rouge Padjine, vous voyez ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce l'endroit où avant l'opération Tempête se trouvait la caserne à

  7   Padjine ?

  8   R.  A Padjene, c'était à Stara Straza. Il y en avait une à Padjene et une

  9   autre à Stara Straza.

 10   M. MISETIC : [interprétation]

 11   Q.  Il s'agit de deux cercles rouges que j'ai apposés sur cette carte. A

 12   droite, nous voyons la caserne Stara Straza ?

 13   R.  Oui.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez. Monsieur le Témoin, est-ce que

 15   vous dites oui, car vous lisez sur la carte Stara Straza ou parce que vous

 16   reconnaissez cela sur la carte ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vois. Je regarde, je vois, et je connais

 18   cela personnellement, à la fois personnellement et sur la carte.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, poursuivez.

 20   M. MISETIC : [interprétation] Peut-on passer à la page suivante, s'il vous

 21   plaît.

 22   Q.  Nous avons maintenant une partie élargie montrant votre hameau.

 23   R.  Oui, Oton Polje, ou Oton.

 24   Q.  Est-ce que vous voyez au milieu un cercle ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Je l'ai marqué comme gare dont vous avez parlé dans votre déclaration.

 27   S'agit-il effectivement de l'emplacement de la gare ?

 28   R.  Oui, c'est la gare encore aujourd'hui. C'était le cas avant, c'est le

Page 4573

  1   cas aujourd'hui. C'est exact.

  2   Q.  A gauche de cet endroit, là où il y a un grand cercle, est-ce que c'est

  3   la zone générale où se trouvait votre propriété à Oton ?

  4   R.  A gauche où mon nom et mon prénom sont inscrits ?

  5   Q.  Oui.

  6   R.  C'est de ça que vous parlez ?

  7   Q.  Oui.

  8   R.  Oui, c'est ici.

  9   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Peut-on marquer

 10   cette pièce et la verser au dossier ?

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson.

 12   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pas d'objection.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce D384.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D384 est versé au dossier.

 16   M. MISETIC : [interprétation]

 17   Q.  Est-ce qu'au cours de l'opération Tempête vous avez vu des soldats

 18   serbes qui prenaient des positions à l'emplacement connu comme Debelo Brdo

 19   vers le 5 août ?

 20   R.  Je ne me souviens pas de cela.

 21   Q.  Dans votre déclaration de 1999, Monsieur le Témoin, vous dites : "Entre

 22   le 5 août 1995 et le 18 août 1995, il n'y a pas eu d'incidents tragiques

 23   dans notre hameau, juste les pillages." 

 24   R.  Rien d'autre.

 25   Q.  Aucune maison n'a été incendiée entre le 5 août et le 18 août dans

 26   votre hameau, n'est-ce pas ?

 27   R.  C'était à peu près cela, mais peut-être il y en avait avant aussi. Je

 28   pense qu'au total il y en avait 13 ou 17. Je ne suis pas tout à fait sûr.

Page 4574

  1   Q.  Dans une de vos déclarations, vous avez dit qu'il y avait 60 foyers

  2   dans votre hameau. Lorsque vous dites 60 foyers, vous voulez dire 60

  3   maisons ? Est-ce que vous savez effectivement quel était le nombre exact de

  4   maisons dans votre hameau ?

  5   R.  A peu près 50, 60. Je ne suis pas sûr. Avant 50, je dirais.

  6   Q.  Bien. Lorsque vous avez trouvé votre mère, vous l'avez immédiatement

  7   enterrée; est-ce exact ?

  8   R.  Je l'ai trouvée le 17, au cours de la nuit. Elle était morte, et nous

  9   l'avons enterrée le 21 août. Une odeur commençait déjà à s'en répandre.

 10   Q.  Bien. Vous n'avez pas relaté, ou plutôt, vous avez informé la police de

 11   la mort de Stevo Vujnovic, comme vous l'avez dit à Mme Gustafson, mais vous

 12   ne les avez pas informés de la mort de votre mère, n'est-ce pas ?

 13   R.  Nous n'avons fait que les informer de lui, de Stevo, non pas de ma

 14   mère. Nous ne savions même pas que ma mère était morte.

 15   Q.  D'accord.

 16   R.  Nous ne l'avions pas vue. Nous ne sommes pas entrés. Il n'y avait

 17   personne qui pouvait entrer et voir.

 18   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je me demande si l'on peut clarifier la

 19   dernière réponse. Peut-être il y a une confusion quant à la question de

 20   savoir de la mère de qui il s'agit.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les trois dernières réponses de

 22   préférence. Le témoin ne savait pas que sa mère a été morte. Enfin, à un

 23   moment donné, il l'a su.

 24   M. MISETIC : [interprétation]

 25   Q.  Après que vous avez enterré votre mère, est-ce que vous n'avez toujours

 26   pas informé la police croate de sa mort; est-ce

 27   exact ?

 28   R.  Il y avait la police. Ils faisaient l'inventaire des maisons qui

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  1   avaient été incendiées et de ce qui avaient été pillé. Quand voulez-vous

  2   les en informer ? Vous savez, c'était à l'époque un district de la

  3   municipalité de Zadar-Knin. Ils sont venus à Knin seulement vers 14 heures.

  4   Après 14 heures, ils sont rentrés et il n'y avait personne pour les

  5   informer. Je me suis présenté auprès d'eux simplement lorsque j'ai demandé

  6   dommages et intérêts et c'est à ce moment-là que je les ai informés de sa

  7   mort et qu'elle a été proclamée morte. Jusqu'à ce moment-là, elle était

  8   vivante.

  9   M. MISETIC : [interprétation] D'accord. Monsieur le Greffe, pour donner

 10   suite à cette réponse, est-ce que vous pourriez afficher la pièce 1D29-

 11   0018.

 12   Q.  Monsieur le Témoin, est-ce que vous souvenez avoir assisté à une

 13   enquête sur les lieux menée par la police croate à l'endroit où votre mère

 14   a été enterrée, environ le 17 avril 2007 ?

 15   R.  La police est venue plusieurs fois et ils ont dit qu'ils ne pouvaient

 16   rien faire à ce sujet.

 17   Q.  Est-ce que vous vous souvenez d'un enquêteur de la police croate qui

 18   s'appelait Robert Badzim [phon] ?

 19   R.  Je ne m'en souviens pas.

 20   Q.  Est-ce que vous souvenez avoir fourni des informations à un enquêteur

 21   de la police croate au sujet de la mort de votre mère en 2007 ?

 22   R.  Ils sont venus plusieurs fois. Je ne me souviens pas exactement de la

 23   date, ils sont venus et ils m'ont posé des questions.

 24   Q.  Merci.

 25   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, --

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas de commentaires à faire à ce

 27   sujet-là.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Peut-on marquer la pièce à conviction qui est

Page 4576

  1   à l'écran et la verser au dossier.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson.

  3   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Pas d'objection.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] D385.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D385 est versé au dossier.

  7   Monsieur Vujinovic, vous avez dit que la police est venue à plusieurs

  8   reprises. Est-ce que vous pouvez nous dire à quel moment ils sont venus

  9   pour la première fois approximativement ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne m'en souviens pas.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que ceci, c'était l'année

 12   dernière, ou bien --

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ceci s'est passé au cours de la même

 14   année. Il y avait les policiers ou les soldats de l'armée. Tout le monde

 15   savait qu'elle avait été tuée. Je ne sais pas qui ils étaient exactement.

 16   Ils portaient tous un uniforme. Ils étaient tous en uniforme, mais la

 17   police et l'armée, ils étaient au courant, car ceci avait été organisé à

 18   l'époque.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ai-je bien compris ce que vous dites, si

 20   vous voulez dire que la première fois qu'ils sont venus était au cours de

 21   l'été pendant lequel ceci se déroulait ?

 22   M. MISETIC : [interprétation] Non, ce n'est pas ce qu'il a dit dans sa

 23   déposition.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, je lis le compte rendu

 25   d'audience. Il a dit c'était la même année. Tout le monde savait, la police

 26   savait, donc j'essaie de clarifier.

 27   M. MISETIC : [interprétation] Je ne souhaite pas que le témoin devienne

 28   perplexe. Je pense qu'il avait dit qu'ils avaient commencé à venir après

Page 4577

  1   qu'il a demandé des dommages et intérêts.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends. Mais je souhaite

  3   poser mes questions à ma manière.

  4   Vous avez dit : "Tout le monde savait qu'elle avait été tuée." Vous parlez

  5   de l'année dernière. Vous parlez de l'été pendant lequel ça s'est passé ou

  6   des années entre les deux ? Quand est-ce que ça a eu lieu pour la première

  7   fois ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était la même année, le même mois.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le même mois ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ne venaient pas seulement chez moi. En

 11   1995 sans cesse, et l'armée et la police venaient chez moi, et les gens

 12   faisaient des commentaires. Ils disaient : elle a été tuée sans aucun

 13   sentiment, comme s'il s'agissait d'un animal qui avait été tué. C'est comme

 14   cela qu'ils faisaient des commentaires.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous leur avez parlé de cela --

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Ils le savaient. Vous savez, ce n'était pas de

 17   leur faute. C'est un idiot qui l'a fait. Ce n'était pas l'armée croate.

 18   Vous savez, peut-être celui qui a fait ça, peut-être sa maison aussi avait

 19   été incendiée. Peut-être on lui a tué quelqu'un aussi. On ne peut pas

 20   savoir. Personne ne savait qui l'a tuée ni pourquoi.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ceci faisait partie de vos

 22   conversations avec les soldats et les policiers qui venaient chez vous au

 23   cours de l'été pendant lequel ça s'est passé ? C'est ce que vous nous dites

 24   ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Tous les jours et l'armée, la police étaient

 26   chez moi. Il y avait peu de jours où ils n'y étaient pas, donc, je ne vois

 27   pas. C'était à partir de 1995 et par la suite. Car ils venaient, c'était

 28   organisé, il y avait de l'aide de l'extérieur de la Suisse, et tous ceux

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  1   qui venaient, venaient chez moi, et je devais aller voir, montrer là où il

  2   y avait encore des voisins au village. Il y avait des gens des Pays-Bas, de

  3   la Suisse.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vujinovic, voici ce qui

  5   m'intéresse en ce moment, et veuillez écouter très attentivement ma

  6   question. Au cours de l'été, l'été pendant lequel votre mère est morte,

  7   est-ce que déjà, au cours de cet été-là, quand vous dites :  la police est

  8   venue dans votre maison, est-ce que vous avez déjà parlé de la mort de

  9   votre mère avec les policiers qui sont venus vous voir ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Poursuivez, Maître Misetic.

 12   M. MIKULICIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 14   M. MIKULICIC : [interprétation] Je suivais l'interprétation des réponses du

 15   témoin et je pense qu'à la page 29 --

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Mikulicic. Ça ne me pose pas

 17   de problème si vous indiquez dans quelle ligne, selon vous, une erreur

 18   d'interprétation a été faite, mais ne nous dites pas ce que le témoin a dit

 19   car ceci pourrait être directeur. Il est toujours possible de vérifier les

 20   interprétations sur la base de l'original. Donc si vous dites qu'il y a un

 21   problème, veuillez indiquer la page et la ligne.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] Je n'allais pas dire ce que le témoin avait

 23   dit. Je voulais simplement dire qu'il s'agissait de la page 29, ligne 7. La

 24   réponse du témoin à la question de Me Misetic, qui était : qu'est-ce qui

 25   s'est passé lorsque la police est venue sur le site de la mort de sa mère ?

 26   Sa réponse, d'après mes meilleurs souvenirs et d'après ma

 27   connaissance de la langue croate, a été mal interprétée. Donc peut-être par

 28   le biais d'une autre question sur ce même sujet il serait possible de

Page 4579

  1   clarifier cela avec le témoin.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je voir ?

  3   M. MIKULICIC : [interprétation] Le témoin a dit, selon le compte rendu

  4   d'audience : la police est venue plusieurs fois et ne pouvait rien faire à

  5   ce sujet. Ce n'est pas ce que le témoin a dit.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vujinovic, il y a un doute par

  7   rapport à votre réponse à la question suivante : "Est-ce que vous souvenez,

  8   Monsieur le Témoin, avoir assisté à une enquête menée sur les lieux par la

  9   police croate à l'endroit où votre mère a été enterrée le 17 avril 2007, ou

 10   aux alentours de cette date ?"

 11   Est-ce que vous vous souvenez de ce que vous avez répondu à cela ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] La police est venue et je suppose que

 13   c'étaient les gens d'ici, de La Haye, vos employés qui sont venus, puis une

 14   femme a appelé de Sibenik. Ils m'ont dit que l'organisation de La Haye

 15   était venue. Je n'étais pas chez moi, mais ils étaient déjà venus plusieurs

 16   fois avant. Je ne sais pas. Ils étaient tous venus chez moi. Et le matin,

 17   ils ont rien dit : "Ne touche à rien." Mais bien sûr que je n'allais pas

 18   toucher à rien. Elle gisait dans le sol de sa propre terre, la Croatie.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci de cette réponse. Il s'agit d'une

 20   question de procédure, Maître Mikulicic, et je le dis très précisément, car

 21   souvent quelqu'un dit ce que le témoin était censé avoir dit et c'est la

 22   procédure que je souhaite éviter dans la mesure du possible.

 23   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, je n'allais pas faire ça, Monsieur le

 24   Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 26   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, sur la base de votre

 27   dernière question, je souhaite poser une question. Nous souhaitons que l'on

 28   affiche la feuille des informations supplémentaires du témoin à l'écran.

Page 4580

  1   Q.  Est-ce que vous avez parlé avec le bureau du Procureur, Monsieur

  2   Vujinovic, il y a quelques jours; vous vous en souvenez ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Est-ce que vous vous souvenez du fait qu'on vous a demandé de lire et

  5   signer une autre correction de votre -- et clarification de vos

  6   déclarations préalables ? Est-ce que vous souvenez avoir signé un autre

  7   document ?

  8   R.  Ces derniers jours ?

  9   Q.  Oui.

 10   R.  Oui, bien sûr que je me souviens.

 11   Q.  Je vais vous lire une partie de ce document qui comporte votre

 12   signature, où il est dit : "Le témoin a dit qu'il n'a jamais informé la

 13   police croate de la mort de sa mère. A un moment donné, les autorités

 14   croates sont venues et ont dressé la liste des personnes qui étaient

 15   restées dans les villages, et le témoin leur a dit ce qui était arrivé à sa

 16   mère. Bien plus tard, plusieurs années plus tard, il a informé les

 17   autorités croates de Knin de la mort de sa mère."

 18   Est-ce que vous souvenez avoir dit cela au bureau du Procureur, au cours de

 19   ces quelques derniers jours ?

 20   R.  Oui.

 21   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, lorsque ceci sera

 22   affiché dans le prétoire électronique, nous verrons. Mais il s'agit là de

 23   la feuille d'information supplémentaire du témoin du 4 juin, et nous

 24   souhaitons avoir une cote et verser cela au dossier.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson.

 26   Mme GUSTAFSON : [interprétation] La partie qui vient d'être lue au témoin a

 27   été confirmée par le témoin, et je ne vois pas sur quelle base on demande

 28   le versement au dossier de l'ensemble de la feuille supplémentaire.

Page 4581

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vois pas de différence entre ce

  2   qu'il dit maintenant et avant, car il n'a jamais informé la police

  3   officiellement. C'est ce qu'il a dit dans sa déposition. Maintenant les

  4   gens sont venus, ils ont dressé des listes et il a dit ça dans sa

  5   déposition aussi aujourd'hui. D'après ce que j'ai compris en écoutant la

  6   déposition du témoin, apparemment il a eu des conversations officieuses au

  7   cours de cette période lorsque les gens venaient le voir, non pas en leur

  8   qualité officielle, mais apparemment venaient le voir chez lui.

  9   M. MISETIC : [interprétation] Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas

 10   verser au dossier cette clarification supplémentaire.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas d'objection, Madame

 12   Gustafson ?

 13   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président, mais je pense

 14   qu'il suffit ce qui lui a été dit et soumis. Je ne pense pas qu'il n'est

 15   nécessaire de verser au dossier l'ensemble de la déclaration.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de D386.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D386 sera versé au dossier.

 19   M. MISETIC : [interprétation] Puis-je avoir un instant, s'il vous plaît,

 20   Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 22   [Le conseil de la Défense se concerte]

 23   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur Vujinovic, merci d'être venu

 24   déposer. Je n'ai plus de questions pour vous.

 25   Merci, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Défense Cermak.

 27   M. CAYLEY : [interprétation] Je n'ai pas de questions, Monsieur le

 28   Président.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic ?

  2   M. MIKULICIC : [interprétation] Pas de questions, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Gustafson, avez-vous besoin de

  4   poser des questions supplémentaires au témoin ?

  5   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  6   [La Chambre de première instance se concerte]

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est fini ?

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est justement ce que j'allais dire,

  9   Monsieur Vujinovic, comme ça a eu lieu plusieurs fois aujourd'hui, vous

 10   avez anticipé de façon tout à fait habile ce qui allait nous arriver.

 11   Monsieur Vujinovic, c'est exact, ainsi se termine votre déposition devant

 12   ce Tribunal. Je souhaite vous remercier d'avoir fait tout ce voyage pour

 13   venir à La Haye et pour répondre aux questions que les parties vous ont

 14   posées et les membres de la Chambre de première instance.

 15   Je vous souhaite un bon voyage de retour.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci et je vous souhaite bonne continuation à

 17   vous C'est fini ?

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fini.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais fumer une cigarette alors.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vujinovic, il est permis de

 21   fumer seulement à l'extérieur.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous souhaite une très bonne santé.

 23   [Le témoin se retire]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suggère que l'on prenne une pause dès

 25   à présent. Est-ce que l'Accusation pourrait citer à la barre le témoin

 26   suivant après la pause ? Monsieur Waespi.

 27   M. WAESPI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, nous allons prendre une

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  1   pause et nous allons reprendre à 11 heures moins 05.

  2   --- L'audience est suspendue à 10 heures 25.

  3   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, êtes-vous prêt à citer

  5   à la barre le témoin suivant ?

  6   M. WAESPI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Bonjour à tous.

  7   L'Accusation appelle à la barre M. Peter Marti.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, j'ai été informé que M.

  9   Marti parlait bien anglais, mais qu'il ne le parlait pas parfaitement. Il

 10   n'est pas le seul dans cette salle d'audience.

 11   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En cas de problème, nous nous

 13   efforcerons d'aider le témoin dans sa langue maternelle si c'est possible.

 14   M. KEHOE : [interprétation] Oui, j'en ai parlé avec M. Waespi, et c'est lui

 15   qui comprend sans doute le mieux ce que dit le témoin.  J'ai demandé à M.

 16   Waespi d'intervenir en cas de besoin s'il estime que des précisions sont

 17   nécessaires.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Marti. Avant de

 19   déposer devant cette Chambre, le Règlement de procédure et de preuve exige

 20   que vous prononciez une déclaration solennelle par laquelle vous vous

 21   engagez à dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 23   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 24   LE TÉMOIN: PETER MARTI [Assermenté]

 25   [Le témoin répond par l'interprète]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Marti.

 27   Veuillez prendre place.

 28   Monsieur Marti, vous allez témoigner en anglais. Si à quelque moment que ce

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  1   soit, vous avez des problèmes à comprendre les questions qui vous sont

  2   posées ou à vous exprimer en anglais, demandez de l'aide. Je reconnais que

  3   mon suisse allemand n'est pas aussi bon qu'il devrait l'être, mais M.

  4   Waespi est Suisse- germanophone. Je comprends bien la langue. Je ne vous

  5   invite pas à vous exprimer dans votre langue maternelle car les interprètes

  6   ne pourraient pas vous suivre, mais si vous cherchez un mot à un moment

  7   donné, si vous n'arrivez pas à le retrouver, dites-le peut-être dans votre

  8   langue maternelle, et nous verrons quoi faire à ce moment-là.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, allez-y.

 11   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Interrogatoire principal par M. Waespi : 

 13   Q.  [interprétation] Monsieur Marti, veuillez décliner votre identité pour

 14   les besoins du compte rendu d'audience.

 15   R.  Je m'appelle Peter Marti.

 16   Q.  Vous souvenez-vous avoir fait trois déclarations aux représentants du

 17   TPIY, l'une en date du 13 février 1996, une autre enregistrée en date du 29

 18   juin 1997 et une troisième datée des 13 et 14 décembre 2007 ?

 19   R.  Oui, je m'en souviens.

 20   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre

 21   autorisation, je souhaiterais remettre au témoin un exemplaire de ces trois

 22   déclarations.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je demande à M. l'Huissier de bien

 24   vouloir s'en charger.

 25   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, pour que les choses

 26   soient bien claires, la première déclaration, en date de février 1996,

 27   porte la référence 65 ter 5176. La transcription de l'entretien réalisé en

 28   allemand le 29 juin 1997 porte la référence 5177 dans la liste 65 ter. Et

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  1   la troisième déclaration porte la référence numéro 5178.

  2   Q.  Monsieur Marti, avez-vous eu la possibilité de revoir ces trois

  3   déclarations avant de venir témoigner aujourd'hui ?

  4   R.  Oui. Au cours des jours passés nous avons parcouru tous ces documents

  5   et ajouté quelques petits éléments ou apporté quelques petites corrections.

  6   Q.  Parlons-en de ces corrections. L'une d'entre elles porte sur

  7   l'entretien enregistré numéro 5177 de la liste 65 ter. A la page 9 de la

  8   version en anglais de ce document, lignes 32 à 34. En B/C/S, cela se trouve

  9   à la page 9, ligne 17.

 10   Je vais lire ce qui y est dit en anglais. Je cite : "Donc, par exemple, le

 11   8 août lorsque nous avons traversé Kistanje en voiture, nous avons vu la

 12   ville, les rues en flammes et à côté nous avons vu de nombreux uniformes

 13   croates qui étaient là…" et le texte se poursuit.

 14   Monsieur Marti, est-ce que le 8 août est la bonne date, ou bien est-ce que

 15   cet incident s'est produit un autre jour ?

 16   R.  Non, la date est inexacte. En fait, c'était le 11 août. Ce jour-là nous

 17   sommes rentrés de Sibenik et nous sommes allés en patrouille. Donc il

 18   s'agissait d'une erreur. C'était le 11 et non pas le 8.

 19   Q.  Merci. Nous apporterons d'autres précisions ce matin plutôt que des

 20   corrections. Mais compte tenu de la correction que vous venez de dire, est-

 21   ce que les déclarations présentées à la Chambre ce matin sont, d'après

 22   vous, précises et juridiques pour autant que vous le sachiez ?

 23   R.  Oui, elles le sont ?

 24   Q.  Est-ce qu'elles reflètent ce que vous avez dit lorsque vous avez été

 25   entendu à ces trois occasions ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Si aujourd'hui à l'audience on vous posait les mêmes questions vos

 28   réponses seraient-elles identiques que celles qui figurent dans ces trois

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  1   déclarations ?

  2   R.  Oui.

  3   M. WAESPI : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait verser au dossier ces

  4   trois déclarations, Monsieur le Président ?

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] La première déclaration qui porte la

  7   référence 05176 dans la liste 65 ter devient la pièce P415. Il s'agit de la

  8   déclaration de 1996.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P415 est versée au dossier car il n'y

 10   avait pas d'objection indiquée dans les écritures des parties.

 11   Monsieur le Greffier, deuxième déclaration.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] La deuxième déclaration qui porte la

 13   référence 05177 dans la liste 65 ter devient la pièce P416.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors pour autant que je le sache, la

 15   même remarque s'applique pour cette déclaration, P416 est donc versé au

 16   dossier.

 17   Poursuivez, Monsieur le Greffier.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pour ce qui est de la troisième

 19   déclaration qui porte la référence 5178 dans la liste 65 ter, elle devient

 20   la pièce P417. Il s'agit de la déclaration de 2007.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etant donné qu'à la lecture des

 22   écritures des parties je n'ai remarqué aucune objection contre le versement

 23   au dossier de ce document, P417 est versé au dossier.

 24   Poursuivez, Monsieur Waespi.

 25   M. WAESPI : [interprétation] Je vais lire le résumé des déclarations faites

 26   pour le témoin.

 27   Peter Marti était un observateur militaire de l'ONU au sein de l'équipe

 28   Podkonje dans le secteur sud des Nations Unies à partir du 19 juin 1995. Il

Page 4588

  1   a été nommé à la tête de l'équipe Podkonje du 6 septembre au 7 octobre

  2   1995. Entre le 8 octobre et le 27 novembre 1995 il était l'officier de

  3   liaison principale chargée des activités dans le domaine des droits de

  4   l'homme, également basé à Knin.

  5   Avant l'opération Tempête, M. Marti a observé des pilonnages dans les

  6   environs de Cetina et a procédé à des analyses de cratère à plusieurs

  7   reprises. Les 4 et 5 août, il a observé le pilonnage de Knin, tout d'abord

  8   depuis sa maison de Podkonje, puis depuis la base du QG des Nations Unies.

  9   Après l'opération Tempête, M. Marti s'est rendu dans de nombreux secteurs

 10   du secteur sud dans le cadre de ses activités habituelles d'observateur

 11   militaire. Il a vu des maisons et des villages en flammes où se trouvaient

 12   des soldats croates.

 13   M. Marti a rencontré les autorités croates afin de débattre de certaines

 14   questions, notamment l'installation de postes de contrôle.

 15   M. Marti est également devenu membre d'une équipe chargée de l'action dans

 16   le domaine des droits de l'homme qui a fait rapport au sujet des incidents

 17   de pillage, de destruction et de meurtres qui ont suivi l'opération

 18   Tempête. Ses observations et ses conclusions sont consignées dans divers

 19   rapports des observateurs militaires des Nations Unies ainsi que dans son

 20   journal personnel.

 21   Ceci met un terme au résumé, Monsieur le Président.

 22   Q.  Monsieur Marti, s'agissant de votre journal, est-ce que vous l'avez

 23   avec vous aujourd'hui ?

 24   R.  Oui. Il s'agit de ce document.

 25   Q.  Merci, Monsieur Marti.

 26   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs

 27   les Juges, nous avons communiqué l'original de ce journal à la Défense. Il

 28   est rédigé en allemand ainsi que la traduction de certains passages

Page 4589

  1   pertinents. Donc ces passages ont été traduits en anglais et communiqués à

  2   la Défense. Mais je n'en demande pas le versement au dossier même si le

  3   témoin se référera peut-être à cette source pendant l'interrogatoire.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Marti, lorsque vous souhaiterez

  5   vous appuyer sur vos notes, dites-le-nous. Je ne vois pas ce qui se trouve

  6   sur votre bureau, mais précisez-nous lorsque vous répondez aux questions si

  7   vous vous appuyez sur vos souvenirs ou votre journal.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

 10   M. WAESPI : [interprétation]

 11   Q.  Je souhaiterais revenir sur certaines questions abordées dans vos

 12   déclarations. Tout d'abord, je souhaiterais que l'on parle de votre

 13   déclaration de 2007. Il s'agit du document P417, troisième déclaration. Au

 14   paragraphe 24 qui se trouve à la page 4 en anglais, page 5 en B/C/S, vous

 15   parlez de l'analyse d'un cratère que vous ainsi qu'un autre observateur

 16   militaire avez réalisé le 9 juillet 1995 dans le village de Vukovici et il

 17   était question de quatre femmes âgées. Vous souvenez-vous de cet incident,

 18   Monsieur Marti ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Pourriez-vous expliquer en quelques mots ce que vous avez vu à l'époque

 21   et quelles conclusions éventuelles vous avez tiré pour ce qui est du

 22   pilonnage ?

 23   R.  Lorsque l'on nous a demandé d'analyser ce cratère dans le village de

 24   Vukovici, village qui se trouve près de Cetina, nous nous sommes rendu

 25   compte que le pilonnage avait visé non pas un terrain mais un village.

 26   C'est une maison qui a été touchée, cette maison, surtout la cuisine de

 27   cette maison a été détruite. Je me souviens des quatre femmes âgées qui se

 28   sont plaintes de cet incident, et je me souviens encore que lorsque l'obus

Page 4590

  1   est arrivé dans la maison, l'horloge sur le mur s'est arrêtée.

  2   Q.  Je souhaiterais encore vous poser quelques questions, et   pour cela je

  3   souhaiterais que l'on affiche le document P211 à l'écran. Il s'agit d'une

  4   carte de la région de Cetina. Je souhaiterais que vous nous indiquiez où se

  5   trouve Vukovici.

  6   En attendant que ce document soit affiché, dites-nous si vous vous souvenez

  7   avoir vu des activités militaires ou des objectifs militaires dans ce

  8   village ce jour-là ?

  9   R.  Non. Dans ce village, nous n'avons vu aucun objectif militaire ni

 10   présence de troupes militaires qui auraient pu être prises pour cibles par

 11   ces pilonnages.

 12   M. WAESPI : [interprétation] Excusez-moi. Nous avons une carte de meilleure

 13   qualité, je pense, il s'agit du document 4938 dans la liste 65 ter.

 14   Q.  Dites-nous, Monsieur Marti, qui procédait à ces pilonnages ce jour-là ?

 15   Avez-vous pu le déterminer ?

 16   R.  Non, nous n'avons pas pu déterminer qui était responsable de

 17   pilonnages, nous avons tout simplement pu établir d'où provenaient les

 18   pilonnages.

 19   Q.  D'où provenaient-ils ?

 20   R.  Du sud-est, sud sud-est.

 21   Q.  Pourriez-vous nous indiquer sur cette carte affichée à l'écran où se

 22   trouve le village de Vukovici ?

 23   R.  Il se trouve ici, à côté de Cetina. Des pilonnages provenaient de cette

 24   direction.

 25   Q.  Est-ce que vous pourriez nous indiquer cela ?

 26   R.  [Le témoin s'exécute]

 27   Q.  Et ces obus ont été tirés depuis la direction sud-est; c'est bien

 28   cela ?

Page 4591

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Merci.

  3   R.  Parce que c'était inhabituel, cette analyse était inhabituelle,

  4   l'obus a touché un mur. Donc en voyant la maison on voit clairement d'où

  5   venait l'obus. C'était plus facile d'analyser ce cratère-ci qu'un cratère

  6   dans un terrain dégagé.

  7   Q.  Connaissez-vous le nom de cette chaîne de montagnes d'où

  8   provenait le pilonnage ?

  9   R.  Vous voulez parler du nom de la montagne ? Il s'agissait de la

 10   montagne Dinara.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous avez

 12   indiqué la direction d'où provenaient ces tirs et vous avez dit un peu plus

 13   tôt, sud sud-est. Mais ce que vous avez indiqué sur la carte c'est l'est,

 14   est sud-est.

 15   R. Oui.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, par rapport -- enfin ça ressemble

 17   plutôt à 4 heures que 5 heures, donc pour moi c'est plutôt est sud-est que

 18   sud sud-est. J'essaie simplement de préciser les choses.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] En fait, si l'on s'appuie sur un cadran c'est

 20   plutôt 4 heures.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc est sud-est plutôt que sud

 22   sud-est.

 23   Poursuivez, Monsieur Waespi.

 24   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Q.  Savez-vous qui à l'époque, donc à l'été 1995, qui contrôlait le mont

 26   Dinara ?

 27   R.  Non, nous ne le savions pas. Bien entendu, nous avons entendu des

 28   rumeurs, mais je n'ai jamais vu quelqu'un là-bas, donc je ne peux pas vous

Page 4592

  1   dire qui s'y trouvait.

  2   Q.  Je vous remercie, Monsieur Marti.

  3   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on verser au

  4   dossier ce document.

  5   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objections.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Greffier.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P418.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P418 est versé au dossier. Veuillez

  9   poursuivre.

 10   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Je souhaiterais revenir sur votre déclaration de 2007, il s'agit de la

 12   pièce P417 paragraphe 110. A la page 17 du document en anglais, page 19 en

 13   B/C/S. Je cite ce que vous dites dans votre déclaration. "S'agissant de la

 14   question des opérations militaires, le volet militaire, il faut dire

 15   qu'avant l'opération Tempête il y avait des pilonnages sporadiques dans les

 16   environs du secteur de Cetina qui empêchaient les agriculteurs de procéder

 17   aux moissons, ce qui n'avait rien à voir avec les activités militaires. Il

 18   n'y avait pas de cibles militaires. Le seul but de ce pilonnage était

 19   d'intimider la population et de la pousser à quitter le secteur, ce qu'elle

 20   a fait."

 21   Monsieur Marti, sur quoi vous êtes-vous fondé pour dire ce que vous dites à

 22   propos des moissons, lorsque vous dites que le but était d'empêcher les

 23   agriculteurs de moissonner. Sur quoi vous appuyez-vous pour dire cela ?

 24   Q.  Si je puis m'expliquer : je dirais que j'ai également une certaine

 25   expérience militaire car j'ai commandé une compagnie de mortiers. Donc je

 26   connais un peu la manière dont on procède à ces tirs d'artillerie. Et ces

 27   tirs d'artillerie ne respectaient aucune norme traditionnelle, donc il y

 28   avait un obus tiré, ensuite rien. Puis, un autre impact d'obus ailleurs,

Page 4593

  1   puis plus rien. Parfois ça s'arrêtait pour le restant de la journée. Et

  2   parfois, il arrivait que le lendemain, généralement le soir, les pilonnages

  3   reprennent. Mais on ne pouvait pas savoir où. Nous ne pouvions pas imaginer

  4   qu'il y avait des cibles militaires visées par l'artillerie véritablement.

  5   Donc pour nous - enfin et c'est ce qui c'est passé, le but c'était

  6   d'effrayer les gens. Lorsque vous avez des enfants et que vous ne savez pas

  7   s'ils sont en sécurité, alors il faut déplacer les enfants, leur famille,

  8   puis vous finissez par partir vous aussi.

  9   Puis nous avons eu des conversations avec le commandant de Vrlika, il

 10   nous a dit que l'ONU devait mettre un terme à ce pilonnage, parce que

 11   l'armée serbe allait continuer à pilonner Dubrovnik et d'autres endroits.

 12   Q.  Lorsque vous dites que l'ONU devait mettre un terme à ce

 13   pilonnage, qu'est-ce que vous voulez dire par là ?

 14   R.  J'ai rencontré deux ou trois fois le commandant Popovic à 

 15   Vrlika. Pour lui, s'agissant de la population, le problème principal c'est

 16   que les agriculteurs ne pouvaient plus moissonner, parce qu'ils avaient

 17   peur de déployer [phon] dans les champs pendant la journée parce qu'ils ne

 18   savaient pas s'il y aurait un obus ou pas. Pour moi un engin agricole,

 19   bien, selon mon avis, n'est pas une cible militaire.

 20   Q.  Ce commandant Popovic appartenait à quelle armée ?

 21   R.  Il commandait à l'armée serbe de Krajina dans cette région.

 22   Q.  Une dernière question sur ce point. Est-ce que l'ONU a effectué

 23   des contrôles afin de protéger les agriculteurs ?

 24   R.   Oui, nous avons mis sur pied une patrouille chargée de la

 25   protection des agriculteurs. Nous avons fait ça en coordination avec la

 26   POLCIV. Alors pendant la moitié de la journée il y avait une patrouille des

 27   observateurs militaires qui patrouillaient dans le secteur de Cetina, dans

 28   les champs, on mettait un drapeau et on espérait qui -- enfin au cas où il

Page 4594

  1   y aurait un observateur de l'artillerie dans le camp adverse et nous

  2   espérions alors qu'il verrait notre véhicule de l'ONU et qu'il n'y aurait

  3   pas de tirs sur nous. Puis la deuxième moitié de la journée c'est la police

  4   civile, la POLCIV qui faisait la même chose.

  5   Q.  Revenons-en aux responsables de pilonnages, pilonnages dont se

  6   sont plaints les agriculteurs et M. Popovic. Est-ce que vous pouvez dire

  7   qui est à l'origine de ces pilonnages qui perturbaient les agriculteurs ?

  8   R.  Lorsque nous avons procédé à cette analyse de cratère, on a pu

  9   déterminer précisément d'où venait les tirs, quel était le calibre, mais

 10   nous n'avons jamais pu établir précisément qui était responsable, car nous

 11   n'avions pas accès à ce qui ce passait de l'autre côté, s'il y avait des

 12   obusiers ou autre chose, nous n'avons pas pu voir cela. Dans nos rapports,

 13   nous avons indiqué d'où provenaient les pilonnages, de quelle direction.

 14   Nous avons pu dire : les tirs ont touché tel ou tel endroit mais nous

 15   n'avons pas pu déterminer qui était responsable de ces tirs, car nous

 16   n'avons pas pu avoir accès au camp adverse pour déterminer où se trouvaient

 17   positionnés les canons, les obusiers ou autres de l'autre côté.

 18   Q.  Merci.

 19   Est-ce que l'on pourrait afficher le document 5189 de la liste 65

 20   ter. Dans votre déclaration de 2007, qui porte maintenant la cote P417,

 21   paragraphe 28, page 5 que ce soit en anglais ou en B/C/S, vous décrivez un

 22   autre pilonnage survenu le 30 juillet et dont vous avez été le témoin.

 23   Des éléments de preuve ont été présentés dans ce prétoire au sujet de cet

 24   incident.

 25   Au paragraphe 28 vous dites que vous étiez en chemin pour procéder à une

 26   analyse de cratère près de Strmica lorsque vous avez essuyé cinq ou six

 27   obus.

 28   Vous en souvenez-vous ?

Page 4595

  1   R.  Oui, je m'en souviens très bien, parce que c'est à ce moment-là que

  2   j'ai eu le plus peur de toute l'année que j'ai passée en tant

  3   qu'observateur militaire des Nations Unies. Nous nous sommes retrouvés au

  4   milieu. C'était un dimanche. On nous a demandé d'aller ce dimanche matin

  5   tôt procéder à une analyse de cratère près de Strmica. Nous sommes allés

  6   chercher l'officier de liaison serbe à Knin. Nous avons pris la route en

  7   direction de Strmica, puis près de Strmica, nous avons garé la voiture et

  8   l'officier de liaison a essayé d'entrer en contact avec le commandant serbe

  9   ou enfin, ceux qui se trouvaient là, parce qu'il y avait un poste de

 10   contrôle à Strmica.

 11   Puis soudain le pilonnage a repris alors que cet homme n'était plus

 12   avec nous et c'était juste à côté de nous. Tellement près d'ailleurs que

 13   j'ai senti les impacts dans mon estomac. J'avais le corps qui tremblait.

 14   Nous sommes rentrés rapidement dans la voiture pour aller trouver refuge

 15   près d'une étable. Je me souviens très bien qu'en rebroussant chemin,

 16   l'interprète m'a dit qu'il fallait attendre l'officier de liaison serbe,

 17   parce qu'il courait vers nous, puis il y avait une petite distance à

 18   parcourir jusqu'à l'étable, et à côté de cette étable nous nous sommes

 19   efforcés de trouver un abri, de nous protéger, et à ce moment-là il y a eu

 20   cinq ou six impacts dans le champ qui se trouvait à côté. Je m'en souviens

 21   très bien. J'ai eu très peur, car je ne savais pas si des obus tomberaient

 22   plus près, si c'était la fin, s'il y avait un observateur de l'artillerie

 23   quelque part, s'ils nous avaient vu ou pas, ou s'il s'agissait simplement

 24   d'un pilonnage impromptu près de Strmica.

 25   Q.  Merci, Monsieur Marti.

 26   A l'écran, vous voyez un extrait d'une vue aérienne près de Strmica. Nous

 27   en avons parlé pendant la séance de récolement. A l'aide d'un stylet, qui

 28   va vous être remis par M. l'Huissier, est-ce que vous pouvez nous indiquer

Page 4596

  1   où vous avez garé la voiture et où l'officier de liaison est sorti pour,

  2   comme vous l'avez dit, établir un contact avec le poste de contrôle serbe ?

  3   R.  Cela devait se trouver par là.

  4   Q.  Est-ce que vous pourriez apposer la lettre A à côté ?

  5   R.  [Le témoin s'exécute]

  6   Q.  Deuxièmement, pourriez-vous nous indiquer l'endroit où vous avez pensé

  7   à l'époque que se trouvait le poste de contrôle serbe ?

  8   R.  Je pense que le contact était quelque part par là. Mais si je me

  9   souviens bien, le poste de contrôle était un peu plus loin. Le poste de

 10   contrôle n'était pas tout de suite ici. Enfin, je ne me souviens pas très

 11   bien si c'était par là. Je me souviens qu'il y avait deux rues qui se

 12   rejoignaient, mais au vu de cette image je ne peux pas dire s'il s'agissait

 13   de ces deux routes-là.

 14   Q.  Donc, le petit cercle en haut, ce serait le cercle C ?

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez apposer un

 16   point d'interrogation à côté de ce cercle, puisque vous ne savez pas où se

 17   trouvait le poste de contrôle…

 18   LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute]

 19   M. WAESPI : [interprétation]

 20   Q.  Vous pensez que le poste de contrôle se trouvait à cet endroit ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Puis pour terminer, pourriez-vous si possible indiquer l'endroit où à

 23   l'époque vous avez pensé que les obus étaient tombés ?

 24   R.  [Le témoin s'exécute]

 25   Q.  Pourriez-vous apposer la lettre D ?

 26   R.  D ou C ?

 27   Q.  D comme Daniel.

 28   M. WAESPI : [interprétation] Pourrait-on attribuer une cote à cette image.

Page 4597

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] P419.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il n'y a pas d'objections, P419 est

  4   versé au dossier. Veuillez poursuivre.

  5   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Peut-on maintenant afficher le document D224. Il s'agit d'un extrait du

  7   journal de M. Marti. Ce document a été présenté par la Défense à un autre

  8   témoin.

  9   Q.  En attendant que ce document soit affiché, je souhaiterais vous poser

 10   la question suivante : dans la vallée de Cetina, avez-vous vu une présence

 11   de système d'armements appartenant à l'armée serbe de Krajina ?

 12   R.  Non.

 13   Q.  Merci, Monsieur Marti.

 14   La seule chose qui m'intéresse, ce sont les notes qui correspondent au

 15   dimanche 30 juillet 1995, ce qui se trouve en bas de la page. Je vais vous

 16   donner lecture de ce qui commence par la ligne numéro 5, et je cite : "Nous

 17   avons récupéré l'officier de liaison au Corps de la Dalmatie du Nord, mais

 18   ensuite il y avait un pilonnage d'artillerie à partir de Strmica vers le

 19   flanc ouest de la colline, et ce, à environ 1 kilomètre."

 20   Est-ce qu'il s'agit d'une traduction anglaise exacte de votre journal de

 21   bord ?

 22   R.  Non, elle n'est pas tout à fait exacte, cette traduction. Est-ce que

 23   peux ouvrir mon carnet de bord ?

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous pouvez. Je suppose qu'il a été

 25   rédigé en allemand. Je suppose que vous allez vouloir nous en donner

 26   lecture dans votre propre langue, n'est-ce pas ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, pour être très précis.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela ne sera pas traduit, parce que nous

Page 4598

  1   n'avons pas d'interprète assurant l'allemand à l'anglais. Toutefois, il me

  2   semble que cela doit être consigné au compte rendu d'audience. Je ne sais

  3   pas dans quelle mesure cela va poser un problème à la sténotypiste. Si le

  4   témoin s'exprime en allemand, cela ne pourra pas être peut-être consigné au

  5   compte rendu d'audience, mais cela sera quand même enregistré par la bande

  6   ou par la cassette, et je pense que maintenant j'ai fourni assez

  7   d'explications pour que l'on comprenne pourquoi il va y avoir en quelque

  8   sorte un trou au niveau du compte rendu d'audience.

  9   Est-ce que vous pouvez en donner lecture très lentement ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais juste lire cette phrase :

 11   [en allemand]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous en

 13   redonner lecture, je vous prie, pour que j'essaie de suivre.

 14   LE TÉMOIN : [en allemand]

 15   [interprétation] cela signifie que ce n'était pas près de Strmica

 16   mais avant que nous n'arrivions à Strmica.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc lorsqu'il y a en anglais,

 18   "from Strmica," à partir de Strmica, ce n'est pas exact.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous lisez en allemand, c'est avant que

 20   nous arrivions à Strmica.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous avez donc lu en allemand le mot

 22   "vor" "avant."

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, v-o-r-.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vor. Oui.

 25   Est-ce que cela requiert de plus amples précisions, d'après ce que je

 26   sais de la langue allemande, le terme "v-o-r", signifie "avant que" et non

 27   pas "à partir de."

 28   Poursuivez, Monsieur Waespi.

Page 4599

  1   M. WAESPI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. J'en

  2   ai terminé avec cette partie de mon interrogatoire principal qui porte sur

  3   les événements qui se sont déroulés avant l'opération Tempête.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, Bien sûr qu'il est

  5   toujours utile d'avoir un témoin qui lit le document original et qui

  6   connaît la traduction et qui se rend compte qu'il y a une erreur de

  7   traduction, mais ce n'est pas la meilleure façon que de remplacer la

  8   traduction. Parce que si vous aviez fait cela, vous auriez pu indiquer

  9   qu'il y avait un amendement qui devait être apporté à la traduction, et

 10   ainsi nous n'aurions plus besoin d'embêter le témoin et nous n'aurions pas

 11   passé ce temps précieux à le faire au sein du prétoire.

 12   M. WAESPI : [interprétation] Oui, c'est ce que nous ferons, Monsieur le

 13   Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

 15   M. WAESPI : [interprétation]

 16   Q.  Je vais vous montrer six cartes. En fait, je vais vous montrer

 17   seulement la première de ces six cartes, Monsieur. En attendant à ce que

 18   cela ne soit affiché - parce que cela va prendre un certain temps pour que

 19   cela soit téléchargé - j'aimerais vous poser une question : est-ce que des

 20   enquêteurs du bureau du Procureur sont venus vous trouver pour vous

 21   demander d'apposer certaines annotations sur certaines cartes ? Le numéro

 22   est le numéro 4442, numéro de la liste 35 ter.

 23   R.  Parce que je me trouvais à Zagreb, j'étais toujours un observateur

 24   militaire des Nations Unies, j'ai été muté à Zagreb. Je n'ai pas vraiment

 25   été muté, mais nous attendions de voir quel allait être le sort réservé à

 26   la mission des Nations Unies en Slavonie orientale, donc pendant ce moment-

 27   là je me suis trouvé à Zagreb.

 28   Q.  Je vous remercie, Monsieur Marti.

Page 4600

  1   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Greffier, j'aimerais vous demander

  2   de bien vouloir agrandir le bas de cette carte, voilà.

  3   Q.  Monsieur Marti, est-ce que vous voyez des initiales au bas de la carte

  4   ?

  5   R.  Oui, c'est exact. Cela correspond à ma signature.

  6   Q.  J'aimerais que l'on fasse défiler le document vers le haut et nous

  7   pouvons voir qu'il y a des annotations en jaune, où les noms de villages

  8   ont été surlignés en jaune. Est-ce que vous pourriez nous dire qui a fait

  9   cela et est-ce que vous pouvez nous dire à quoi cela correspond ?

 10   R.  C'est moi qui ai surligné ces noms lors de mes entretiens avec les

 11   représentants du Tribunal et pour autant que je m'en souvienne j'ai ainsi

 12   indiqué tous les lieux où il y avait eu des patrouilles des Nations Unies

 13   où elles avaient remarqué quelque chose, où elles avaient trouvé certaines

 14   personnes.

 15   Q.  De quelle période s'agit-il lorsque vous parlez de ces patrouilles des

 16   Nations Unies ?

 17   R.  Il s'agissait de la période qui a suivi l'opération jusqu'au mois de

 18   novembre 1995.

 19   Q.  Vous savez, d'après votre déclaration, que vous étiez chef d'équipe de

 20   l'équipe de Podkonje. Est-ce que votre équipe et vous- même avez participé

 21   à ces patrouilles également ?

 22   R.  Oui, tout à fait.

 23   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, il y a cinq autres

 24   cartes qui correspondent au secteur sud et à d'autres secteurs du secteur

 25   sud. Le témoin les a annotées. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de les

 26   examiner. J'aimerais pouvoir les verser au dossier avec votre aval,

 27   Monsieur le Président.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais savoir ce qu'en pense

Page 4601

  1   l'équipe de la Défense. Il semblerait qu'il s'agisse essentiellement de

  2   cartes et d'annotations. Est-ce que cette première carte ne vous pose pas

  3   de problèmes, Maître ? Est-ce que vous pouvez considérer que les autres

  4   cartes ont été également annotées par ce témoin ? Est-ce que vous

  5   souhaiteriez --

  6   M. KEHOE : [interprétation] Je n'ai pas d'objection à ce que ce genre de

  7   carte soit versé au dossier. Il s'agit d'annotations, on sait ensuite que

  8   l'on va revenir sur les autres cartes. Nous pourrions peut-être en parler,

  9   peut-être que la Chambre serait intéressée par ce que nous avons à dire.

 10   S'il s'agit tout simplement d'enregistrer un document --

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais lorsque vous enregistrez un

 12   document, cela signifie quelque chose. Il s'agit de villages où ils se sont

 13   rendus, ils ont observé certaines choses pendant cette période. Voilà,

 14   c'est ce à quoi correspondent ces cartes. Nous n'avons davantage de détails

 15   d'ailleurs à ce sujet. Bien sûr, si vous souhaitiez avoir davantage de

 16   détails, bien sûr que nous pourrions vérifier ces cartes afin de voir si

 17   tel village, par exemple, est indiqué comme un village où la patrouille des

 18   Nations Unies s'est rendue.

 19   M. KEHOE : [interprétation] Je suppose qu'en ce sens, Monsieur le

 20   Président, je ne comprends pas très bien la pertinence des cinq autres

 21   cartes.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, c'est ainsi que je vous ai

 23   compris, Monsieur Waespi. Il s'agit de la zone où - comment pourrais-je

 24   m'exprimer ? - Où, disais-je, il y a eu quand même un certain nombre

 25   d'observations, donc les observations ont été fréquentes si vous avez tant

 26   d'annotations sur votre carte. C'est ce que vous souhaitez déterminer, je

 27   suppose ?

 28   M. WAESPI : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président. Puis

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  1   il y a également une légère différence dont va parler d'ailleurs le témoin.

  2   Parce qu'il y a ce qu'ont dit les observateurs des Nations Unies et les

  3   autres représentants de la communauté internationale.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de ce qu'on vu les

  5   observateurs militaires des Nations Unies et les observateurs en question

  6   se sont rendus dans ces villages. Voilà, voilà le but recherché. Je ne sais

  7   pas, vous avez des objections, Maître Kehoe ?

  8   Maître Mikulicic ? Maître Cayley ? Je n'ai pas l'impression que vous ayez

  9   des objections. Très bien.

 10   Maître Kehoe, est-ce que vous pourriez nous donner les numéros de la liste

 11   65 ter des cinq. Nous avons déjà un premier, bien entendu. Les prochains

 12   numéros pour que M. le Greffier puisse y attribuer des cotes.

 13   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois comprendre que tout le jeu de

 15   cartes a été enregistré sous une seule et même cote. Le greffier a

 16   maintenant attribué une cote à ce jeu de documents sur lequel le témoin a

 17   apposé des annotations hors du prétoire.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, la pièce 04442 de la liste 65 ter

 19   devient la pièce P420.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P420 est maintenant versée au

 21   dossier.

 22   Poursuivez.

 23   M. WAESPI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 24   Je souhaiterais maintenant que soit affiché le document 5187 de la liste 65

 25   ter. Il s'agit d'une liste de corps.

 26   Q.  En attendant que cela ne soit affiché, Monsieur Marti, j'aimerais

 27   savoir si vous vous souvenez de la liste que vous voyez maintenant sur

 28   votre écran ?

Page 4603

  1   R.  Oui, je m'en souviens.

  2   Q.  Est-ce que vous pourriez dire à la Chambre ce que représente cette

  3   liste ?

  4   R.  Cette liste qui porte la date du 29 novembre nous donne la liste des

  5   corps qui ont été trouvés par l'ONU dans Knin et autour de Knin dans

  6   l'ancien secteur sud. Ce n'est pas moi qui ai rédigé cette liste, c'est le

  7   bureau des affaires politiques des Nations Unies qui l'a fait. Sur cette

  8   liste, d'ailleurs vous pouvez le voir, vous pouvez voir sur la droite de la

  9   liste que la liste n'est pas complète, il y a une autre colonne qui

 10   correspond aux noms des témoins. C'est une colonne qui a été en quelque

 11   sorte caviardée pour des raisons de sécurité.

 12   Donc lorsque j'ai obtenu cette liste de Judy Jacobs, il [comme

 13   interprété] m'a dit : je ne peux pas vous remettre cette liste, parce que

 14   les remarques des témoins sont beaucoup trop sensibles. Il faut absolument

 15   être très prudent et il faut que cette liste reste secrète. Je ne peux pas

 16   vous donner la liste avec ces noms, et cetera. Là il s'agissait du lieu où

 17   l'on avait trouvé les gens, des gens que nous avions trouvés, ça, ça

 18   allait, mais la dernière colonne, elle a été supprimée.

 19   M. WAESPI : [interprétation] Cette nouvelle pièce à conviction appartient à

 20   une ancienne pièce, la pièce P177 qui d'ailleurs est une copie beaucoup

 21   plus lisible pour ce qui est du côté droit. Donc avec votre aval, je

 22   demanderais que cette partie de la pièce P177, page 14 à la page 24, ce

 23   sont ces pages-là que je souhaiterais voir afficher car il s'agit d'une

 24   copie identique. Vous avez donc cette copie, l'exemplaire qui correspond à

 25   l'exemplaire qu'a reçu le témoin, et ce n'est pas l'exemplaire dont

 26   disposait M. Anttila qui a été versé au dossier. Il s'agissait de la pièce

 27   P177.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dois-je comprendre que ces dix pages de

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  1   la pièce P177 contiennent cette même liste, nous n'allons pas remplacer la

  2   pièce P177, nous allons seulement remplacer une partie de la pièce P177.

  3   Je ne sais pas dans quelle mesure cela suscite des problèmes

  4   techniques. Premièrement, j'aimerais savoir si vous avez des objections à

  5   ce que nous remplacions une partie de la pièce P177 par un exemplaire

  6   beaucoup plus lisible, de meilleure qualité, ou est-ce que l'on peut tout

  7   simplement considérer cette liste comme

  8   recevable ?

  9   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Normalement

 10   je ne soulève pas d'objection dans ce genre de situation. Mais là j'ai une

 11   objection parce que c'est différent. Ce qui est important, Monsieur le

 12   Juge, c'est qu'il faut que vous compreniez que la Défense ne peut

 13   absolument pas comprendre tout ce qui sous-tend ce document puisqu'il y a

 14   des éléments qui ont été supprimés. Quelle est la source du document ? Où

 15   est-ce que ces renseignements ont été compilés ?

 16   Là, je veux dire que c'est la pertinence de ce document qui est

 17   importante. En fait, je pense que c'est un document dont on a déjà parlé

 18   avec M. Ermolaev ainsi qu'avec M. Anttila, mais là je dirais que c'est un

 19   document qui est tout à fait différent, donc la Défense devrait pouvoir

 20   avoir la possibilité de consulter l'intégralité du document.

 21   M. WAESPI : [interprétation] Ce que nous avons ici, c'est 11 pages,

 22   et d'après ce que je peux en constater, ces 11 pages sont absolument

 23   identiques aux 11 pages qui figurent dans le document P177. La seule

 24   différence, ou plutôt, il y a deux différences. Il y a une différence,

 25   c'est que le document est beaucoup plus lisible, puis deuxièmement, vous

 26   avez les circonstances dans lesquelles M. Marti a reçu cet exemplaire. Et

 27   la Défense, bien entendu, a tout à fait le droit d'étudier les

 28   circonstances, de se pencher sur ce qui pourrait faire défaut. M. Marti,

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  1   d'ailleurs, nous a déjà expliqué les circonstances en question. Voilà.

  2   Voilà tout ce que je peux vous dire à ce sujet.

  3   M. KEHOE : [interprétation] Si vous prenez la pièce P177, c'est un document

  4   qui est vraiment radicalement différent de l'autre.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec vous, parce

  6   que là je vois que c'est un document avec trois ou quatre colonnes

  7   seulement. La structure du document semblait être différente.

  8   Donc, à part le fait que la Chambre se range plutôt de votre avis

  9   pour ce qui est de ne pas considérer ce document comme recevable, mais le

 10   document est différent, Monsieur Waespi, est-ce que vous en convenez ? Si

 11   je regarde la dixième page de ces 24 pages sur le P177, premièrement, c'est

 12   assez difficile à comprendre parce qu'il y a neuf pages qui semblent être

 13   exactement les mêmes donc je ne comprends pas pourquoi ce n'est que de la

 14   page 10 à la page 14.

 15   La liste est structurée de façon tout à fait différente, n'est-ce pas

 16   ?

 17   M. WAESPI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Alors vous avez la

 18   liste dont parlait le témoin, la liste 5187. Ça c'est la liste que le

 19   témoin a reçue, il ne nous a pas dit quel jour, mais il l'a reçue de M.

 20   Jacobs [comme interprété] qui s'occupait des affaires humanitaires pour les

 21   Nations Unies.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ne nous compliquons pas la vie.

 23   [La Chambre de première instance se concerte]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oublions cette histoire de

 25   remplacer la liste. Nous allons parler de recevabilité plutôt parce

 26   qu'apparemment c'est ce qu'il faut régler.

 27   M. KEHOE : [interprétation] Permettez-moi. Il y a une question

 28   supplémentaire lorsque ce document a été présenté par M. Anttila. Lorsqu'il

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  1   a été présenté il a été transmis à la Défense. Personne ne nous a jamais

  2   dit qu'il y avait une colonne qui avait été supprimée et qu'il y avait une

  3   partie du document qui ne nous avait pas été fournie.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais hormis ceci, Maître Kehoe,

  5   alors il s'agit, bien entendu, d'un document qui porte la date du 4 août,

  6   n'est-ce pas, je ne sais pas s'il faisait partie d'un autre document dont

  7   une partie a été supprimé ou ça a été notre façon de présenter les mêmes

  8   données, mais pour le moment --

  9   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour le moment, disais-je, ce n'est pas

 11   la peine de réétudier le document qui a déjà été versé au dossier, mais

 12   concentrons-nous plutôt sur la recevabilité du document présent.

 13   Apparemment, il y a deux colonnes qui ont été supprimées dans ce document,

 14   n'est-ce pas ?

 15   Est-ce que nous pourrions, dans un premier temps, vous poser une question

 16   M. Marti ? Lorsque vous avez reçu cette liste, liste qui se trouve

 17   maintenant sur votre écran, les deux colonnes qui ont été supprimées, est-

 18   ce qu'elles avaient déjà été supprimées ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'ai reçu ce

 20   document en novembre à Knin, ou plutôt, à Zagreb, je m'excuse, lorsque je

 21   me trouvais au QG des Nations Unies et je l'ai obtenu de Judy Jacobs qui

 22   travaillait pour les Nations Unies avec le bureau des affaires politiques.

 23   Je ne me souviens plus exactement où elle travaillait, mais toujours est-il

 24   que c'est elle qui m'a remis cette liste et elle m'a dit qu'il y avait des

 25   éléments particulièrement névralgiques et sensibles sur la liste originale.

 26   Elle m'a dit : Je ne peux pas vous remettre tout le document pour des

 27   raisons de sécurité.

 28   A ce moment-là, elle m'avait dit que son ordinateur avait été volé à

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  1   l'intérieur du QG des Nations Unies. Comme elle le faisait à la fin de

  2   chaque journée de travail, elle prenait le document parce que c'était un

  3   document qui était mis à jour quotidiennement. Chaque jour, elle prenait

  4   une copie sur un disque --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous avez dit que ça avait été

  6   volé. Très bien.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, mais elle l'a pris dans son sac à main.

  8   Elle l'a inséré dans un nouvel ordinateur et elle a pu poursuivre ses

  9   travaux.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement à l'époque il y avait

 11   encore des diskettes.

 12   Monsieur Kehoe, vous avez des objections. J'aimerais donner la possibilité

 13   à M. Waespi de répondre maintenant que nous avons obtenu de plus amples

 14   renseignements de la part du témoin.

 15   Maître Kehoe, vous souhaitez étoffer votre objection ?

 16   M. KEHOE : [interprétation] Oui, première objection. Premièrement, le

 17   document n'est pas complet, ça c'est évident. Deuxièmement, nous avons M.

 18   Marti qui ne peut même pas avancer que ce document est exact et est juste,

 19   parce qu'il émane de Mme Jacobs des affaires politiques. Puis pour ce qui

 20   est des informations particulièrement sensibles, je suppose que cela a eu

 21   une incidence sur la teneur des autres colonnes parce que sinon cela

 22   n'aurait pas été supprimé. Je pense que cela mérite une certaine

 23   discussion. Si le bureau du Procureur a l'intégralité du document, ce que

 24   je ne sais pas, Monsieur le Président, il faudrait peut-être pouvoir

 25   vérifier tous les documents afin de voir quelle serait la procédure à

 26   suivre.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, est-ce que vous avez

 28   vérifié, êtes-vous en mesure de nous dire si vous disposez de l'intégralité

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  1   du document, à savoir avec les colonnes qui ont été supprimées -

  2   d'ailleurs, je ne sais pas si ces colonnes ont été supprimées

  3   électroniquement ou est-ce qu'elles ont vraiment été supprimées. Je vois

  4   que le témoin semble faire un geste, un geste qui semblerait indiquer que

  5   cela a été fait au moyen de ciseaux, plutôt que par des moyens

  6   électroniques.

  7   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, on nous a donné ce

  8   document, un document où les deux colonnes avaient été supprimées

  9   physiquement. C'est le témoin qui nous l'a donné samedi. Nous avons pu

 10   établir la ressemblance avec le document 177. Nous avons pensé qu'il était

 11   important et pertinent d'ailleurs. Le témoin vient de vous dire comment il

 12   a reçu la liste, de qui il a reçu la liste. Pour ce qui est de savoir des

 13   renseignements supplémentaires, il se peut que nous ayons d'autres témoins

 14   des Nations Unies.

 15   M. Al-Alfi, par exemple, figure sur notre liste de témoins. Lui, pourra

 16   éclairer notre lanterne à propos de ce document. Nous n'avons pas les

 17   colonnes qui ont été supprimées dans le document. Je pense que le témoin

 18   peut nous dire de qui il a reçu cette liste, comment il a reçu la liste. Il

 19   nous a déjà expliqué ce qu'il avait fait de cette liste, et je pense que

 20   nous avons déjà eu des cas de documents qui avaient été versés au dossier,

 21   alors que le lien avec le témoin par lequel le document a été présenté

 22   était encore plus ténu.

 23   M. KEHOE : [interprétation] Le document qu'a obtenu ce témoin est un

 24   document où il y a des renseignements extrêmement sensibles, ce que je

 25   comprends, ces renseignements ont été supprimés. La personne qui a compilé

 26   ce document n'est pas M. Marti. Je suppose que cette personne a conclu que

 27   les renseignements qui étaient supprimés avaient une pertinence par rapport

 28   aux éléments présentés dans ce document.

Page 4610

  1   Lorsque cela a été présenté par M. Anttila - et je ne suis pas en train de

  2   pointer un doigt accusateur vers le Procureur - je ne sais pas quand est-ce

  3   qu'ils ont été informés, mais toujours est-il, la version qui a été

  4   présentée par M. Anttila disposait également de renseignements qui avaient

  5   été supprimés.

  6   Monsieur le Président, ce document -- on vient de dire à la Défense qu'il y

  7   a d'autres renseignements qui appartiennent à ce document. Cela nous met

  8   dans une situation assez difficile pour ce qui est de poser des questions à

  9   propos de la source du document et pour ce qui est d'essayer de sérier les

 10   allégations sans pour autant que les renseignements sensibles soient

 11   présentés. Le Procureur ne peut pas nous présenter un document qui n'est

 12   pas complet, et il ne peut pas décider de supprimer certains

 13   renseignements, parce qu'on ne sait pas en fait ce qui ne figure pas dans

 14   le document.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- vous dire présenter un document qui a

 16   été coupé --

 17   M. KEHOE : [interprétation] Non, ce n'est pas ce que je suis en train de

 18   laisser entendre. Je fais tout à fait confiance à M. Waespi, qui nous dit

 19   comment il a reçu le document. Je ne veux surtout pas que l'on croie --

 20   j'ai tout à fait confiance en lui et je ne veux pas que l'on comprenne

 21   autre chose. Ce n'est pas ce que j'entendais d'ailleurs.

 22   Ce que je vous dis, c'est que lorsqu'il va falloir examiner ce document, il

 23   n'empêche que ce document n'est pas un document complet et exhaustif, alors

 24   que la Défense avant que ce document ne soit versé au dossier devrait avoir

 25   la possibilité de vérifier l'intégralité du document, parce que Mme Jacobs

 26   ou d'autres personnes ont décidé de faire certaines choses, mais cela a

 27   quand même une incidence sur le reste du document.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que nous n'allons pas poser

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  1   une question au témoin, mais nous allons lui demander. Voilà.

  2   Monsieur Marti, vous nous avez fourni une explication. Vous nous avez dit

  3   que la liste n'était pas complète. Vous nous avez dit qu'il y avait une

  4   autre colonne. Ensuite j'ai eu l'impression qu'il y avait deux colonnes qui

  5   faisaient défaut. Je ne sais pas si vous le savez d'ailleurs cela.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas combien

  7   de colonnes figuraient sur le document, mais si vous voyez, d'après la

  8   taille du document, vous pouvez imaginer ce qui a été coupé au document. Si

  9   vous savez quelle est la taille, ou vous imaginez la taille de la page,

 10   vous pouvez imaginer qu'il y a deux colonnes qui ont été supprimés.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il s'agit d'un document sur

 12   deux pages. Ce sont vos conclusions. Vous nous dites qu'il y a quelque

 13   chose qui fait défaut sur le côté droit du document.

 14   Puis vous nous avez également dit : "Elle m'a dit qu'elle ne pouvait

 15   pas me remettre ces renseignements, parce qu'il y avait deux remarques à

 16   propos des témoins et que cela est beaucoup trop sensible…" Je ne sais pas

 17   si vous vous souvenez des explications précises qu'elle vous a fournies. Il

 18   est question d'éléments sensibles. Est-ce qu'elle vous a donné de plus

 19   amples détails à ce sujet ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Elle m'a dit à la dernière rangée, il y

 21   a des remarques ou des noms à propos de la personne qui avait été témoin

 22   des événements et qui avait vu ces personnes se faire tuer, lorsqu'il y a

 23   ce nombre de 180 personnes qui ont été tuées, qui les avait trouvées en

 24   premier.

 25   Parce qu'au niveau d'une des rangées, vous n'avez que les sources

 26   d'information, vous avez le numéro 4, par exemple, vous avez "villageois,"

 27   les villageois les avaient trouvés, mais vous n'avez pas les noms desdits

 28   villageois.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le caractère sensible de ces

  2   renseignements, voilà comment je comprends ce que vous dites maintenant.

  3   Est-ce que vous avez compris la même chose ? Le but, c'était de ne pas

  4   révéler l'identité des personnes qui avaient indiqué ce qui s'était passé

  5   ou est-ce qu'il y avait d'autres types d'éléments sensibles dans la partie

  6   qui a été coupée ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je pense qu'il s'agissait de ne pas

  8   divulguer le nom de ces personnes. Il s'agissait de personnes qui ont fait

  9   des déclarations aux Nations Unies.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je vous remercie de votre réponse.

 11   M. KEHOE : [interprétation] Si vous m'y autorisez, Monsieur le Président,

 12   je dirais que pour ce qui est de l'identité, vous avez source d'information

 13   à propos de ce que disait Marti, donc villageois, vous voyez que les noms

 14   font partie des fichiers. Donc cela semblerait indiquer qu'il y a un autre

 15   fichier où se trouvent les noms de ces personnes par opposition aux noms

 16   des individus en question qui figurent dans le document.

 17   Mais même si tel était le cas et s'il s'agit tout simplement des noms des

 18   villageois, au vu de certains éléments de preuve que nous avons déjà vus,

 19   il faudrait pouvoir corroborer tout cela, parce qu'il s'agit d'allégations

 20   qui sont très, très graves qui sont présentées. Il faut savoir qui est

 21   l'auteur de ces allégations. Tout cela est très sérieux, parce que nous

 22   avons eu devant cette Chambre un témoin au moins qui a fait une déclaration

 23   au bureau du Procureur et qui a dit qu'il avait pu observer à tel et tel

 24   endroit des corps et des cadavres pendant la période pertinente, à savoir

 25   la première semaine du mois d'août 1995, puis lorsqu'il est venu ici il

 26   avait fini par dire qu'il n'avait pas vu les corps en question.

 27   Donc je reprends ce que disait M. Marti. Si tel est le cas, cela est tout

 28   aussi important et il va falloir essayer d'étoffer certaines des

Page 4613

  1   allégations qui figurent dans ce document.

  2   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, nous pouvons

  3   certainement vérifier si la liste existe dans le système de l'ONU. Nous

  4   allons contacter Mme Jacobs et vous en informer. Mais pour le moment, je

  5   maintiens ce que j'ai proposé, à savoir le versement au dossier de ce

  6   document en tant que document que M. Marti a reçu directement de la part de

  7   Mme Jacobs, et il a expliqué les circonstances. Après il s'agira de la

  8   question du poids à donner à ce document, si effectivement il y a des

  9   colonnes qui manquent, mais il faut le verser au dossier.

 10   M. KEHOE : [interprétation] Je crois, Monsieur le Président, que M. Marti

 11   n'a pas préparé ce document. Il n'a pas de connaissances au sujet de son

 12   exactitude. Il l'a simplement reçu sous forme incomplète, alors que peut-

 13   être il peut avoir une idée de ce qui manque et de ce qui ne manque pas. Le

 14   fait est qu'il ne sait pas quelle est la partie du document qui manque,

 15   combien c'est. Et je comprends qu'il s'agit de la question du poids à

 16   donner au document, mais dans de telles circonstances, je pense que nous ne

 17   pouvons pas verser au dossier un document qui n'a pas été préparé par ce

 18   témoin concernant lequel il ne sait rien au sujet de son exactitude. Je

 19   pense qu'un tel document tout simplement ne peut pas être recevable.

 20   [La Chambre de première instance se concerte] 

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre va prendre une pause

 22   afin de décider de la recevabilité. Je ne sais pas, Monsieur Waespi, si

 23   vous allez avoir d'autres questions par rapport à ce document, car dans ce

 24   cas-là peut-être nous prendrons une pause plus tôt que d'habitude, mais si

 25   vous n'avez pas d'autres questions sur ce document, pour le moment on va le

 26   marquer aux fins d'identification et la Chambre décidera de sa recevabilité

 27   après.

 28   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

Page 4614

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  2   Monsieur le Greffier d'audience.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P421 marquée aux

  4   fins d'identification.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  6   Poursuivez, Monsieur Waespi.

  7   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Peut-on maintenant passer à un document probablement moins controversé dont

  9   le numéro en vertu du 65 ter est 2023. Il s'agit d'un document du 10

 10   septembre 1995. Peut-on passer rapidement à la dernière page de ce bref

 11   document.

 12   Q.  Nous voyons ici, Monsieur Marti, votre nom qui apparaît et si on peut

 13   passer de nouveau à la première page. Monsieur Marti, est-ce que vous

 14   reconnaissez ce document ?

 15   R.  Oui, je le reconnais.

 16   Q.  Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, expliquer à la Chambre de

 17   quoi il s'agit ?

 18   R.  Il s'agissait d'un rapport rédigé le 10 septembre 1995, juste quelques

 19   jours après ma nomination en tant que chef d'équipe à Podkonje et nous

 20   avons enregistré certaines personnes qui vivaient encore dans la région, et

 21   j'ai également décrit les problèmes que nous avions rencontrés en raison du

 22   fait qu'il était presque impossible pour moi en tant que chef d'équipe, et

 23   au mieux on avait trois équipes, mais il nous était impossible de couvrir

 24   toute la région et d'essayer d'établir qui y vivait encore.

 25   Q.  Je souhaite maintenant que l'on traite d'une partie spécifique du

 26   document. Il s'agit de la page 1 à la fois en anglais et en B/C/S où il est

 27   question de deux volets, "Deux problèmes : d'un côté, l'aide humanitaire ne

 28   fait pas partie des tâches habituelles des observateurs de l'ONU…" Ensuite

Page 4615

  1   il est écrit à la page suivante : "Que font d'autres organisations

  2   internationales en réalité sur le terrain mis à part de conduire le long

  3   des routes goudronnées principales."

  4   Est-ce que vous pouvez expliquer ce que vous vouliez dire par là ?

  5   R.  A l'époque, il y avait des organisations différentes à Knin comme le

  6   HCR, la Mission de la Commission européenne, et même des ONG, de même que

  7   la Croix-Rouge. Mais nous avons réalisé que le long des routes principales,

  8   le reste des gens, les gens qui sont restés recevaient parfois plusieurs

  9   fois des visites de la part des organisations internationales, mais dans

 10   des petits hameaux dans les montagnes personne n'y allait, et nous ne

 11   savions pas exactement qui y vivait encore. Les observateurs de la Mission

 12   de l'ONU étaient les seuls qui pouvaient aller jusqu'à ces villages et ces

 13   hameaux en raison du fait que nous avions des véhicules 4X4 et nous avions

 14   toutes les cartes, et nous étions les seuls qui pouvions voyager dans tous

 15   les petits endroits, mais la tâche était presque impossible car nous étions

 16   très peu nombreux. Je veux dire que j'avais huit, neuf personnes dans mon

 17   équipe et lorsque quelqu'un était en congé, au mieux je pouvais organiser

 18   deux patrouilles. La tâche était d'avoir une idée générale de ce qui se

 19   passait dans la région, mais c'était presque impossible à faire.

 20   Q.  Pour en terminer pour ce qui est de ce document, est-ce que vous pouvez

 21   brièvement à la Chambre si les gens que vous avez rencontrés, les

 22   villageois, appréciaient votre présence ?

 23   R.  Oui, ils l'ont appréciée beaucoup, car souvent nous étions les seuls à

 24   avoir été en contact avec eux. Je me souviens s'agissant de Mrkic qui est

 25   près d'Otric, nous avions trouvé dans les montagnes un vieux couple qui

 26   n'avait même pas réalisé qu'une guerre s'était déroulée en bas dans la

 27   vallée. Ils s'étaient rendu compte du fait qu'il n'y avait plus

 28   d'électricité, mais c'était tout. Donc nous étions les premiers à les

Page 4616

  1   informer qu'une guerre avait eu lieu. Dans un autre cas, je me souviens

  2   très bien un petit hameau dans la vallée de Plavno où une femme a dit :

  3   "Vous êtes comme le soleil," lorsque nous venions, et il y avait des

  4   situations très émotionnelles car ils nous prenaient dans leurs bras, ils

  5   nous embrassaient même. Vous avez pu voir que ce n'était pas seulement la

  6   nourriture qui leur manquait, mais le contact humain et les informations au

  7   sujet de ce qui se déroulait.

  8   Q.  Merci, Monsieur Marti. Je pense que vous avez fait référence au soleil.

  9   En croate c'est "sunce," et c'est mentionné à la page 2 du document en

 10   anglais, au 3, au point 3, commentaire.

 11   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on verser au

 12   dossier ce document.

 13   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objection de la part de Défense.

 15   Le Greffier d'audience.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce à conviction P422.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P422 est versé au dossier.

 18   M. WAESPI : [interprétation] Merci. Peut-on passer maintenant au document

 19   suivant qui existe déjà en tant que pièce à conviction P68 à la page 17,

 20   deuxième paragraphe en allant du fond du document en anglais, et il s'agit

 21   de la page 14 en B/C/S, le troisième paragraphe en allant du fond du

 22   document.

 23   Q.  Il s'agit ici, Monsieur Martic, d'une référence faite à une visite

 24   effectuée par votre équipe à un endroit, à plusieurs villages, y compris

 25   Biskupija le 26 août 1995. Est-ce que vous vous souvenez de cette

 26   patrouille, Monsieur Marti ?

 27   R.  Oui, je me souviens très bien parce que ce jour-là était mon

 28   anniversaire.

Page 4617

  1   Q.  Si l'on examine ce qui est écrit dans ce paragraphe, il y est dit que -

  2   et je cite à partir de la troisième ligne, "… et observé que la plupart des

  3   maisons avaient été pillées, beaucoup avaient brûlé. Le peu de villageois

  4   qui restent ont peur de la présence des soldats de la HV et certains ont un

  5   besoin immédiat de l'aide médicale."

  6   Est-ce que vous pouvez décrire à la Chambre de première instance quel était

  7   l'aspect physique de ces soldats de la HV ?

  8   R.  Ils étaient en partie vêtus --

  9   M. KEHOE : [interprétation] Est-ce que nous parlons de cette situation en

 10   particulier ou en général, car je ne pense pas que le témoin a dit que les

 11   soldats de la HV y étaient à ce moment-là.

 12   M. WAESPI : [interprétation] Oui, nous avons parlé de --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez clarifier si

 14   vous parlez de manière générale ou bien s'agissant de cet incident

 15   spécifique.

 16   Monsieur Marti, peut-être vous avez réalisé certains des problèmes car vous

 17   mentionnez les soldats de la HV, mais est-ce que vous décrivez des soldats

 18   de la HV que vous avez vus à ce moment-là, s'il y en avait ou bien est-ce

 19   que vous décrivez les soldats de la HV d'une manière plus générale ?

 20   M. WAESPI : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur Marti, ce qui m'intéresse c'est de savoir si vous vous

 22   souvenez de la présence de ces soldats de la HV le jour de votre

 23   anniversaire en 1995 dans un quelconque de ces villages ?

 24   R.  Je pense qu'en rentrant, lorsqu'on faisait partie de la patrouille sur

 25   le chemin de retour et lorsque nous étions près d'Ocestovo nous avons été

 26   arrêtés par - je les appelais soldats - quatre soldats, car ils avaient des

 27   fusils militaires et ils avaient encore une partie de l'uniforme militaire.

 28   Pour moi, il s'agissait d'une espèce de soldats et je me souviens mon

Page 4618

  1   collègue kényan était le chauffeur, j'étais le chef de la patrouille et

  2   c'était près d'Ocestovo dans une petite forêt. C'est là que nous avons été

  3   arrêtés sur le chemin par ces quatre hommes. Tout d'abord je me suis dit

  4   que peut-être il fallait que l'on essaye de continuer notre chemin, car

  5   nous étions dans un véhicule blindé, mais après je me suis dit je ne suis

  6   pas le chauffeur et je ne peux pas dire à mon collègue kényan d'accélérer.

  7   Lorsque vous avez un véhicule blindé vous ne pouvez pas ouvrir les fenêtres

  8   pour parler avec ces gens-là et j'ai dû ouvrir ma portière et j'étais très

  9   nerveux, car je ne savais pas ce qui allait m'arriver et j'ai simplement

 10   utilisé le peu de mots que je connaissais à l'époque en croate pour

 11   expliquer à ces hommes qui j'étais, ce que je faisais, je lui ai montré la

 12   carte et je lui ai dit en utilisant mes doigts que je voulais passer par

 13   ici et par là et à ce moment-là ils m'ont simplement laissé passer.

 14   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Greffier, peut-on afficher

 15   maintenant à l'écran la pièce dont le numéro en vertu de l'article 65 ter

 16   est 5192. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, il s'agit d'un

 17   extrait de journal que nous avons reçu de la part du témoin samedi et que

 18   nous avons communiqué à la Défense. Il s'agit d'un document de quatre pages

 19   je crois, et ce qui m'intéresse ce sont deux photographies. Le témoin nous

 20   a expliqué au cours de la séance de récolement de quoi il s'agissait dans

 21   ces photos.

 22   Q.  Mais tout d'abord, Monsieur le Témoin, dites-nous si vous reconnaissez

 23   ce document.

 24   R.  Le 10 août juste après l'opération Oluja, notre commandant lieutenant-

 25   colonel Hjertnes nous a donné une journée de repos. Il nous a dit que mon

 26   équipe avait l'occasion d'aller à Sibenik rejoindre l'équipe de l'ONU là-

 27   bas afin de prendre une douche au bout de tellement de jours et tout

 28   simplement se détendre pour revenir le lendemain. En raison de mon ancienne

Page 4619

  1   profession, je m'intéressais beaucoup aux journaux. Ce jour-là à Sibenik

  2   même si je ne pouvais rien comprendre, j'ai essayé d'acheter autant de

  3   journaux de ce jour-là que possible et parmi ces journaux se trouvaient ces

  4   pages.

  5   Q.  Est-ce que la photo ou l'un des soldats que l'on voit sur cette photo

  6   vous a fait penser aux soldats que vous avez vus au cours des activités de

  7   patrouille.

  8   R.  Oui, et notamment le premier soldat en avant, parce que d'après la

  9   manière dont je comprenais à l'époque la façon dont une armée devait se

 10   présenter, je ne comprenais pas, parce que pour moi ces soldats

 11   ressemblaient plus à des pirates qu'aux membres d'une unité militaire.

 12   Q.  Où avez-vous vu ces soldats pirates, comme vous les

 13   appelez ?

 14   R.  Ils ressemblaient fortement à ceux que j'ai déjà mentionnés et qui

 15   étaient près de Ocestovo le 26 août.

 16   Q.  Peut-on passer à la page suivante ou je suppose que c'est la page 3.

 17   Est-ce que c'est la seule photo qui peut-être affichée ? La page suivante,

 18   s'il vous plaît. Merci, Monsieur le Greffier d'audience.

 19   Est-ce qu'il y a une autre photo ici qui vous fait penser aux soldats

 20   pirates ?

 21   R.  Oui, la photo en haut qui montre l'homme qui se fait allumer le feu de

 22   sa cigarette par un autre soldat.

 23   M. WAESPI : [interprétation] Merci.

 24   Je souhaite demander le versement au dossier de cette pièce à conviction.

 25   En fait, ce qui m'intéresse ce sont seulement les deux photos que le témoin

 26   a décrites et non pas le texte.

 27   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection.

 28   M. MIKULICIC : [interprétation] Je souhaite dire quelque chose,

Page 4620

  1   Monsieur le Président. Est-ce que ces photographies et leur versement au

  2   dossier inclut aussi le texte au-dessous, car je pense que le texte est

  3   très important.

  4   M. WAESPI : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.

  5   M. MIKULICIC : [interprétation] Dans ce cas-là, je n'ai pas

  6   d'objection au versement au dossier de ces photographies mais je souhaite

  7   que le texte aussi soit versé au dossier.

  8   M. WAESPI : [interprétation] Visiblement, le témoin ne lit pas ou pas

  9   suffisamment la langue pour pouvoir comprendre, c'est écrit par rapport à

 10   ce jour du 10 août, mais ça ne me pose aucun problème.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous savez ce qui est

 12   écrit dans ce texte, Monsieur Waespi ?

 13   M. WAESPI : [interprétation] Oui, j'ai vu la ligne où il est écrit

 14   Kijevo et puis Knin et puis quelques explications.

 15   M. MIKULICIC : [interprétation] Je faisais référence surtout à la

 16   première photo.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La première photo.

 18   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, le texte au-dessous.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le texte au-dessous.

 20   M. MIKULICIC : [interprétation] Le texte au-dessous.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que M. Waespi n'a aucune

 22   objection, en même temps vous n'avez pas de traduction, vous n'avez pas

 23   préparé de traduction ?

 24   M. WAESPI : [interprétation] Non, c'est la raison principale pour laquelle

 25   j'ai proposé le versement au dossier que des photographies.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mis à part cela et, bien sûr, c'est ce

 27   qui rend important cet élément de preuve et c'est en raison de cela que son

 28   importance est très relative. C'est que ce que l'on voit sur cette photo

Page 4621

  1   ressemble plus ou moins au type des militaires que vous avez vus ce jour-

  2   là. Il s'agit d'une pièce à conviction assez impressionniste.

  3   Si nous ajoutons à cela le texte - et je n'ai aucune idée de ce que

  4   le texte signifie, si c'est favorable ou pas à l'une ou l'autre des

  5   parties. Mais dans ce cas là, bien sûr, nous avons une photographie au

  6   sujet de laquelle nous ne savons pas quand elle a été prise, où elle a été

  7   prise et nous savons tous aussi que les médias n'ont pas toujours été

  8   neutres à 100 % lorsqu'ils décrivaient les situations de guerre - si l'on

  9   tient compte de tout cela, mais si vous souhaitez néanmoins toujours verser

 10   au dossier le texte…

 11   [La Chambre de première instance se concerte]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre n'a aucune raison de ne pas

 13   admettre les photos, au moins les deux photos avec le texte, mais en

 14   signalant clairement que s'agissant du poids à donner à ce texte ça

 15   dépendra, ça peut avoir trait à la guitare ou à l'accordéon sur l'autre

 16   photo, nous n'avons aucune idée mais nous espérons recevoir la traduction

 17   aussi sous forme électronique.

 18   Je suppose qu'il s'agit seulement des textes concernant ces deux

 19   photos, sinon, nous allons vraiment trop loin.

 20   M. MIKULICIC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P423.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P423 est versé au dossier. On demande à

 24   l'Accusation de fournir une traduction du texte au-dessous de la

 25   photographie à la première page, et à la troisième, la photographie qui

 26   inclut un accordéon.

 27   Poursuivez, s'il vous plaît.

 28   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

Page 4622

  1   Q.  Je souhaite maintenant passer à un autre document --

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous passez à un autre sujet aussi ?

  3   M. WAESPI : [interprétation] Oui.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, il vaut mieux prendre

  5   une pause. Mis à part cela, Monsieur Waespi, je pense qu'il avait été prévu

  6   que le témoin dépose pendant deux heures et demie. Je pense que pour le

  7   moment, il y a eu un petit incident de procédure, mais vous avez utilisé,

  8   je pense, trois quarts d'heure. Est-ce que vous pensez que vous terminerez

  9   d'ici la fin de la journée ?

 10   M. WAESPI : [interprétation] Oui, je pense qu'il me faudra encore une

 11   heure.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc nous allons prendre la pause

 13   maintenant et reprendre à une heure moins le quart précisément, pour vous

 14   permettre de bénéficier d'encore une heure.

 15   --- L'audience est suspendue à 12 heures 23.

 16   --- L'audience est reprise à 12 heures 47.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document enregistré aux fins

 18   d'identification P421, à savoir la liste est versée au dossier. Monsieur

 19   Waespi, vous avez également indiqué que l'Accusation se renseignerait pour

 20   savoir s'il existait une version complète de cette liste déjà disponible.

 21   Vous avez également indiqué que vous alliez vous renseigner afin de savoir

 22   si la source qui a communiqué cette liste au témoin pourrait nous

 23   communiquer une liste complète. Nous vous invitons à nous tenir au courant.

 24   Combien de temps il vous faudra pour faire cela ?

 25   M. WAESPI : [interprétation] Cela doit passer par New York, il nous faut

 26   donc deux semaines.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Deux semaines. Bien. Dans deux semaines,

 28   il vous faudra nous dire ce que cela a donné.

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  1   La Chambre, bien entendu, se penchera sur toute objection éventuelle

  2   concernant l'admission de ce document. La Chambre en tiendra compte en

  3   général pour ce qui est du poids accordé à ce document.

  4   Veuillez poursuivre.

  5   M. WAESPI : [interprétation] Merci.

  6   Peut-on maintenant afficher à l'écran la pièce P176.

  7   Q.  Monsieur Marti, à la lecture de vos déclarations écrites, j'ai cru

  8   comprendre que l'équipe de Podkonje devait évaluer les dégâts occasionnés

  9   par l'opération Tempête aux maisons de la région; est-ce exact ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Je souhaiterais vous montrer un document maintenant, page 2, s'il vous

 12   plaît. Je suppose que vous connaissez M. Anttila, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui, je reconnais ce document.

 14   Q.  Que nous montre ce document ?

 15   R.  Il nous donne un aperçu des dégâts occasionnés dans divers villages de

 16   la région de Krajina.

 17   Q.  Passons maintenant à la page 7 de ce document, page 7 dans les deux

 18   versions. Peut-on un peu agrandir l'image pour ce qui est de la version

 19   anglaise ?

 20   Monsieur Marti, nous voyons ici, dans la deuxième partie du document, qu'il

 21   est indiqué "Equipe Podkonje." On répertorie certaines activités, et comme

 22   il ressort de ce document, enfin nous constatons qu'il y a d'autres

 23   colonnes avec des données. Pour ce qui est de l'intitulé "Nombre de

 24   bâtiments", c'est l'une des rubriques, il n'y a plus de données

 25   correspondant à l'équipe Podkonje dans cette rubrique.

 26   Est-ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi l'équipe Podkonje

 27   n'a pas fait de rapport aussi complet que les autres équipes pour ce qui

 28   est du nombre de bâtiments se trouvant dans certains villages et hameaux ?

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  1   R.  Oui, j'ai une explication. Nous nous intéressions essentiellement non

  2   pas aux destructions partielles ou complètes des bâtiments, nous nous

  3   intéressions surtout aux gens qui restaient dans les secteurs. Nous avons

  4   essayé de retrouver des gens qui se trouvaient encore sur les lieux plutôt

  5   que de compter le nombre de maisons partiellement endommagées ou pas. Nous

  6   avons essayé de mettre en place un système pour avoir une idée d'ensemble

  7   de la situation dans toute la région de Krajina. Certaines des équipes se

  8   sont concentrées davantage sur les bâtiments et l'état dans lequel se

  9   trouvaient ces bâtiments. Pour ce qui est de notre équipe, nous nous

 10   intéressions surtout à la population.

 11   Q.  Passons à la dernière page de ce document si vous le voulez bien. Nous

 12   voyons le total, les chiffres totaux. Est-ce que l'on pourrait agrandir un

 13   peu. Merci. Alors constatons qu'on a compté plus de 22 000 maisons et deux

 14   tiers des bâtiments ont été entièrement endommagés ou partiellement

 15   endommagés.

 16   Vous étiez dans cette région, vous avez assisté à de nombreuses

 17   patrouilles, vous étiez chef d'équipe. Pourriez-vous expliquer aux Juges de

 18   la Chambre si ce taux que nous voyons ici dans l'étude de

 19   M. Anttila, est exact ? Est-ce que cela correspond avec votre évaluation ?

 20   M. KEHOE : [interprétation]  Il n'y a pas de fondement à cette

 21   question. Il faut se baser sur les chiffres véritables. On ne peut pas

 22   s'intéresser au dénominateur, il faut obtenir le pourcentage exact.

 23   M. WAESPI : [interprétation] Ce n'est pas le pourcentage exact qui

 24   m'intéresse. Je souhaiterais que le témoin explique aux Juges, en se

 25   fondant sur ses connaissances personnelles, ses qualités de chef d'équipe,

 26   s'il peut nous dire si cela correspond grosso modo à ce qui est dit dans

 27   cette analyse.

 28   M. KEHOE : [interprétation] Je maintiens mon objection.

Page 4625

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous demander au témoin s'il

  2   pourrait nous donner une idée générale du pourcentage de bâtiments

  3   endommagés en tout ou en partie, inutile de lui mettre la réponse dans la

  4   bouche sinon cela serait tendancieux.

  5   Est-ce que vous pourriez nous donner une idée du pourcentage de maisons

  6   partiellement ou totalement endommagées ou détruites ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux essayer, parce que dans certains

  8   villages toutes les maisons ont quasiment été détruites, mais dans certains

  9   petits hameaux des montagnes, il n'y avait eu quasiment pas de dégâts

 10   occasionnés par la guerre. Mais dans l'ensemble, environ 60 % des bâtiments

 11   avaient été partiellement ou complètement détruits. Mais nous avons établi

 12   une distinction, parce que dans la région il y avait des bâtiments qui

 13   avaient été détruits en tout ou en partie bien plus tôt, c'est-à-dire avant

 14   l'opération Tempête [comme interprété].

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Poursuivez.

 16   M. WAESPI : [interprétation]  Merci.

 17   Pièce suivante, numéro 620 dans la liste 65 ter. Pour que tout le monde

 18   comprenne bien, il s'agit d'une note datée du 16 septembre 1995, mais le

 19   rapport lui-même qui commence à la page 2 est une note datée du 15

 20   septembre 1995. Peut-on afficher la page 2 dans les deux versions de ce

 21   document, s'il vous plaît.

 22   Q.  Monsieur Marti, reconnaissez-vous ce document, de quoi est-il question

 23   ici ?

 24   R.  Oui, je reconnais ce document, il s'agit de l'affaire -- en fait, l'ONU

 25   a organisé le transport des personnes qui étaient restées dans la région

 26   mais qui voulaient être conduites en Serbie pour retrouver leurs proches ou

 27   autres. Car à chaque fois que nous rencontrions des gens, nous leur

 28   demandions quels étaient leurs problèmes, s'ils souhaitaient rester ou

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  1   partir. A chaque fois que ces personnes souhaitaient partir, on installait

  2   dans l'école de Knin une espèce de centre de point de rassemblement où les

  3   gens devaient se retrouver et ce jour-là on a organisé très rapidement,

  4   d'après moi, un transport de ces personnes depuis Knin vers Belgrade.

  5   Q.  A la ligne 3 du premier paragraphe, il est dit Plavno. "Ces gens

  6   avaient été menacés par l'armée, et leurs maisons pillées -- de nombreuses

  7   maisons avaient été endommagées."

  8   Vous souvenez-vous des menaces proférées par les membres de l'armée et des

  9   maisons pillées ?

 10   R.  Ce dont je me souviens, c'est que les gens que nous avons trouvés là se

 11   sont plaints que personne ne les aidait, que personne ne les protégeait.

 12   Ils avaient peur. Ils voulaient simplement partir en toute sécurité.

 13   M. WAESPI : [interprétation] Merci. Est-ce que l'on pourrait verser ce

 14   document au dossier.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objections. Monsieur le Greffier.

 16   M. LE GREFFIER : [interprétation] P424.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P424 est versé au dossier.

 18   Monsieur Waespi, lorsque vous vous appuyez sur cet inventaire des bâtiments

 19   et autres, avez-vous vérifié, cela ressemble à un tableau, au bas des

 20   colonnes. Nous voyons le nombre total, la case n'est pas remplie, soit on

 21   indique en chiffre les dommages occasionnés aux bâtiments, parfois c'est

 22   l'inverse, donc nous avons un nombre total de bâtiments, mais on ne voit

 23   pas combien de bâtiments ont été partiellement ou complètement détruits.

 24   Bien entendu, on ne comprend pas très bien ce que nous dit ce document.

 25   Alors est-ce que vous vous êtes efforcé de vérifier ces chiffres ? C'est le

 26   total de quoi exactement que l'on retrouve ici ? Parce qu'il y a plusieurs

 27   données qui sont indiquées.

 28   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, nous allons nous

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  1   pencher sur la question. Je pense qu'au moins quatre témoins ont témoigné

  2   au sujet de ce document.

  3   M. Ermolaev, M Anttila, M. Munkelien, puis ce témoin. Je suis d'accord avec

  4   vous pour dire qu'il y a peut-être suffisamment d'informations pour

  5   apprécier la fiabilité de ce document.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il m'importe peu que d'autres

  7   témoins aient fait des commentaires sur la question, peut-être qu'ils ne

  8   savaient pas comment ce tableau avait été organisé. Mais j'appelle votre

  9   attention là-dessus, parce qu'à la dernière ligne, il est question du

 10   nombre total, mais je souhaiterais savoir qu'est-ce qu'on additionne.

 11   M. KEHOE : [interprétation] Pour ce qui est de ce document, pour ce qui est

 12   de la teneur du document P176, il n'y a que

 13   M. Anttila qui en ait parlé, il a dit qu'il avait reçu ce document car

 14   c'est lui qui en a été l'un des auteurs.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaiterais simplement savoir ce que

 16   l'on a exactement additionné. Sinon, on ne comprendra pas bien la

 17   situation.

 18   M. KEHOE : [interprétation] Mais dans ces sommes, ces totaux, on inclut les

 19   dommages occasionnés avant l'opération Tempête.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ça c'est autre chose. J'en suis

 21   bien conscient. Mais cela va même plus loin. Mais eu égard aux commentaires

 22   qui se glissent comme ça sans que personne ne le remarque.

 23   Poursuivez.

 24   M. WAESPI : [interprétation]

 25   Pourrait-on afficher à l'écran le document numéro 2038 dans la liste 65

 26   ter.

 27   Q.  Monsieur Marti, dans la déclaration que vous avez faite en 2007, qui

 28   porte maintenant la cote P417, paragraphe 12, vous indiquez que vous avez

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  1   rencontré une fois un dénommé Milan Marcetic et vous dites que vous avez

  2   été informé du fait qu'il avait été tué plus tard. Peut-on examiner ce

  3   document, ce qui m'intéresse plus particulièrement c'est la page 2, il

  4   s'agit d'un rapport de la police civile en date du 12 octobre 1995.

  5   Voyez-vous, il est fait mention du décès de Milan Marcetic ?

  6   R.  Oui, oui, je le vois.

  7   Q.  Dans votre journal, vous souvenez-vous s'il est fait référence au fait

  8   que le décès de M. Marcetic a été signalé ? Vous en souvenez-vous ?

  9   R.  Oui, j'en parle dans mon journal, car j'ai appris quelques jours plus

 10   tard qu'il avait été tué. Je l'avais vu alors qu'il était encore en vie.

 11   Lorsque je l'ai rencontré je me suis posé des questions. Il était toujours

 12   là, c'était un homme, et les hommes serbes en principe avaient fui, il

 13   était encore une vie. Et je lui ai demandé, mais comment se fait-il que

 14   vous soyez en vie, que vous soyez encore là ? Personne ne vous a jamais

 15   fait de mal ? Il m'a répondu qu'il n'avait jamais été membre de l'armée

 16   yougoslave car il avait des problèmes de vision. Et on voyait que le verre

 17   de ses lunettes était très épais, donc il n'avait jamais fait son service

 18   militaire. Il m'a même montré un papier, mais c'était en alphabet

 19   cyrillique, donc je n'ai pas pu le lire. Mais il m'a dit que ce document

 20   prouvait qu'il n'avait jamais été membre de l'armée. Il a montré ce

 21   document aux soldats à leur arrivée, et c'est la raison pour laquelle ils

 22   l'ont laissé tranquille.

 23   Puis quelques jours plus tard, lorsque j'ai appris qu'il avait été

 24   tué, j'ai été très déçu. Parce que nous essayons de protéger les gens, puis

 25   nos efforts ne garantissaient pas que ces gens seraient protégés. Mais on

 26   s'est dit qu'on pourrait au moins établir une liste des gens qui restaient

 27   là. Cela leur offrait une certaine protection. Tout le monde savait que

 28   nous dressions des listes de ces personnes qu'ils ne pouvaient pas tout

Page 4630

  1   simplement disparaître. Mais pour ce qui est de Milan Marcetic, nous

  2   n'avons pas pu le protéger.

  3   Q.  Au paragraphe 12 de la pièce P417 vous mentionnez le décès d'une autre

  4   personne. Vous souvenez-vous qui était cette deuxième personne ?

  5   R.  Il faudrait que je consulte mon journal pour trouver ce nom.

  6   M. WAESPI : [interprétation] Oui, avec l'aval de M. le Président.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, faites donc.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] De quelle date s'agit-il ?

  9   M. WAESPI : [interprétation]

 10   Q.  De la date du 8 octobre.

 11   Q.  Oui. Voilà j'ai écrit : le 8 octobre j'ai appris que Milan Marcetic et

 12   Dusan Suica ont été tués.

 13   R.  Bien. Monsieur Marti, vous avez déjà reconnu le nom de M. Marcetic sur

 14   l'écran. Est-ce que vous trouvez également le nom de cette deuxième

 15   personne ?

 16   R.  Oui, je pense que c'est l'avant-dernier paragraphe.

 17   Q.  Je vous remercie, Monsieur Marti.

 18   M. WAESPI : [interprétation] Je souhaiterais que ce document soit versé au

 19   dossier.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objection, je suppose.

 21   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais dire que

 22   cela ne correspond pas à la période précisée dans l'acte d'accusation, et

 23   je pense que vous avez rendu une ordonnance à ce sujet.

 24   Deuxièmement, il ne s'agit pas d'une des zones de responsabilité qui

 25   correspond à mon client. Donc cela ne faisait pas partie de sa région

 26   militaire, parce que je pense que si vous prenez la première page, le haut

 27   de la première page de ce document, il est question de villages qui se

 28   trouvent dans la zone de Gracac.

Page 4631

  1   Alors, pour ce qui est de la valeur probante d'une déclaration qui a

  2   été faite à la police civile des Nations Unies, visiblement il n'a pas

  3   l'air d'en savoir grand-chose.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que les autres conseils de la

  5   Défense partagent ce point de vue ? Je vois que la Défense de M. Cermak

  6   hoche du chef. Qu'en est-il de vous, Maître Mikulicic.

  7   M. MIKULICIC : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre microphone n'était pas branché. Je

  9   pense avoir compris toutes les fois que la Défense de Markac n'a pas

 10   d'objection, qu'en est-il de la Défense de Cermak ?

 11   M. MIKULICIC : [interprétation] Je disais que je partageais les objections

 12   avancées par Me Kehoe. Je n'en ai pas, pour ou contre des objections.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc les trois équipes de la Défense ont

 14   des objections à ce que cela soit versé au dossier.

 15   Monsieur Waespi.

 16   M. WAESPI : [interprétation] Je pense que le décès, d'après le paragraphe

 17   12 de la pièce P147, le décès s'est produit le 29 septembre 1995, aux

 18   environs de cette date, ce qui correspond à la période de prise en

 19   considération dans l'acte d'accusation d'après ce que je crois comprendre.

 20   Puis pour ce qui est du lieu, je dois vérifier, mais il s'agit de l'ancien

 21   secteur sud tel que cela a été défini par les Nations Unies, sinon, ce

 22   témoin n'en parlerait pas. Donc a priori, je dirais, que ce document semble

 23   être tout à fait authentique. Vous pourrez poser des questions dans le

 24   cadre du contre-interrogatoire au témoin.

 25   M. KEHOE : [interprétation] Je ne peux pas poser de questions dans le cadre

 26   du contre-interrogatoire, parce que M. Marti ne semble rien savoir à propos

 27   de ce document. Le fait est que ce secteur ne correspond pas à la zone de

 28   responsabilité de mon client, et c'est un fait qui est particulièrement

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  1   connu du Procureur. Donc il s'agit d'un autre homicide dans une zone qui

  2   n'était pas sa zone de responsabilité, donc je pense que cela peut tout à

  3   fait le léser. Nous avons une objection.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Qu'en est-il de la période ?

  5   M. KEHOE : [interprétation] Bien, regardez, si vous prenez la première

  6   page, vous voyez qu'il est question du 7 octobre, du 7 octobre 1995. Je

  7   pense en fait que cela dépasse le cadre de cette enquête, parce que si vous

  8   prenez la troisième page de ce document, activités du HRAT, cela commence -

  9   - ou plutôt il y a la date du 9 octobre qui est prise en considération,

 10   donc il n'est pas question du 29 septembre. Donc je ne peux pas poser de

 11   questions à M. Marti à propos des faits sous-jacents parce qu'il n'en sait

 12   rien. Donc si vous voyez exactement quand est-ce que ces renseignements ont

 13   été transmis, il se peut que cela ne corresponde pas à la période.

 14   Apparemment, a priori, on a l'impression que tel est le cas, mais on a

 15   l'impression que cela est pris en considération par l'acte d'accusation.

 16   Mais je prendrais contact avec mon confrère pour ce qui est de la période

 17   et nous verrons s'il convient de reprendre la période qui a été précisée

 18   par la Chambre de première instance.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que nous pourrions avoir une cote

 20   enregistrée aux fins d'identification ?

 21   Monsieur le Greffier.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui. Ce sera la pièce P425 enregistrée

 23   aux fins d'identification.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, vous êtes invité à voir

 25   dans quelle mesure vous pourrez parvenir à un accord avec Me Kehoe, et

 26   j'espère que d'ici à demain, à la prochaine audience de demain matin, nous

 27   verrons si cela pourrait être versé au dossier.

 28   Poursuivez.

Page 4633

  1   Bien entendu, à moins que vous nous indiquiez dès le début nous avons

  2   reçu d'autres informations.

  3   M. KEHOE : [interprétation] Bien sûr.

  4   M. WAESPI : [interprétation]

  5   Nous allons maintenant parler du pilonnage de Knin.

  6   Vous avez donné trois déclarations, fait trois déclarations, Monsieur

  7   Marti. Dans ces déclarations, vous indiquez quelles sont vos observations

  8   du pilonnage de Knin le 4 et le 5 août et nous reviendrons là-dessus.

  9   Mais j'aimerais savoir où vous vous trouviez lorsque Knin a fait

 10   l'objet de pilonnage le 4 et le 5 août ?

 11   R.  Le 4 août 1995, j'étais à Podkonje et j'y ai passé toute la

 12   journée. Le 5 août, je me trouvais au QG des Nations Unies à Knin.

 13   Q.  J'aimerais vous demander de bien vouloir consulter votre

 14   déclaration du mois de décembre 2007, pièce P417, paragraphe 110 qui se

 15   trouve à la page 17 dans la version ainsi qu'à la page 19 dans la version

 16   B/C/S. 

 17   Nous avons d'ailleurs déjà cité ce paragraphe pour ce qui est du pilonnage

 18   de Cetina, alors j'aimerais vous demander de bien vouloir prendre la

 19   sixième ligne et je vais citer : "Il en va de même pour le pilonnage de

 20   Knin qui représentait manifestement une violation des droits et des

 21   coutumes de la guerre. Car il est interdit de pilonner une ville civile.

 22   Bien sûr, d'aucuns auraient pu supposer qu'il y avait une présence de

 23   personnel militaire dans la ville, mais il n'y avait pas de véritables

 24   cibles militaires. La seule chose qui aurait pu s'y trouver était un camp à

 25   côté du camp des Nations Unies, à un endroit où il y avait quelques chars

 26   et un entrepôt de réparation. Mais il était si proche du camp des Nations

 27   Unies que le cibler aurait été superflu. Le pilonnage, en fait, s'est

 28   déroulé dans véritablement d'objectifs. Il a été effectué de façon

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  1   arbitraire et aveugle. Il a surtout été effectué pour intimider la

  2   population et pour la forcer à partir, ce qui a fini par se passer. Ils ont

  3   également tiré sur les réfugiés, car on a pu voir par la suite sur la route

  4   des cratères, des cratères d'artillerie sur la route, alors que sur la

  5   route il n'y a pas de cibles militaires seulement s'il y a des chars dans

  6   la rue, toutefois des chars, des chars détruits n'ont quasiment pas été vus

  7   alors que l'on pouvait voir de nombreuses voitures de particuliers."

  8   Et j'ajouterais qu'il s'agit d'un extrait de votre déclaration enregistrée,

  9   déclaration que vous avez faite en 1997 au départ en allemand. Alors,

 10   j'aimerais savoir ce que vous avez à nous dire à ce sujet. Premièrement,

 11   sur quoi vous êtes-vous fondé pour procéder à cette évaluation dont je

 12   viens de donner lecture ?

 13   R.  En 1997, j'ai relaté ceci. Il s'agissait de mon expérience, de mon

 14   expérience pendant que je me trouvais à Knin et dans les environs de Knin,

 15   je n'ai jamais vu de cibles militaires. Je n'y ai jamais vu des cibles

 16   militaires qui auraient pu essuyer des tirs d'artillerie, parce que lorsque

 17   vous ciblez quelque chose, il faut que ça soit un char, quelque chose

 18   d'important, une structure importante, non pas seulement un bâtiment

 19   immeuble.

 20   Donc cette attaque contre Knin a commencé le 4 août, ce qui

 21   d'ailleurs nous a un tant soit peu surpris, parce que nous ne savions pas

 22   ce qui se passait. Nous ne comprenions pas ce qui se passait, puis il ne

 23   s'agissait pas de pilonnage d'artillerie traditionnel. Il y avait un tir,

 24   ensuite suivi d'un autre tir. Nous ne voyions pas directement depuis

 25   Podkonje vers Knin, parce qu'il y avait une petite colline entre les deux.

 26   Mais d'après ce que nous pouvions voir, nous voyions qu'il y avait de la

 27   fumée qui s'élevait de plusieurs endroits, de différents endroits. A ce

 28   moment-là, la population n'était pas en proie à la panique. Nous, nous

Page 4635

  1   avions vécu avec les gens dans ce petit village de Podkonje et nous ne

  2   comprenions pas ce qui se passait. Il y avait donc juste pilonnage pendant

  3   la journée, un pilonnage qui s'est poursuivi d'ailleurs sur Knin pendant la

  4   journée, mais il n'y avait pas de cibles évidentes.

  5   Puis un peu plus tard, lorsqu'on nous a autorisés à sortir du camp, du camp

  6   des Nations Unies à Knin, j'entends, nous avons vu en fait essentiellement

  7   sur la rue qui va vers Otric, qu'il y avait des traces de tirs d'artillerie

  8   dans la rue. Nous avons vu donc des véhicules de civils qui avaient été

  9   détruits. Nous avons vu des objets laissés par la population, des meubles

 10   et des vêtements qui jonchaient la rue, ce qui signifie qu'il y avait eu

 11   des civils qui avaient été pilonnés par l'artillerie.

 12   Q.  Parmi les observateurs militaires, est-ce que vous avez parlé de ce

 13   genre de chose, de l'observation que vous venez de nous livrer ?

 14   R.  Oui, oui, nous avons parlé de cela plusieurs fois parmi les

 15   observateurs militaires, mais je dirais qu'à la fin de l'opération,

 16   lorsqu'elle s'est terminée, comme je l'ai déjà indiqué, notre souci

 17   essentiel était de voir ce qu'il allait advenir des gens qui n'avaient pas

 18   été capables de s'enfuir, qui ne pouvaient pas s'enfuir. Est-ce qu'ils

 19   étaient protégés ? Est-ce que ces personnes étaient protégées ? Qu'est-ce

 20   qui allait leur arriver ? C'est ce que nous faisions essentiellement. Il

 21   fallait voir si après l'opération, une sécurité était mise en place pour

 22   ces personnes. Si un gouvernement a été évincé, il fallait voir s'il y

 23   avait un nouveau contrôle qui avait été établi sur le terrain et nous

 24   n'avons pas vu grand-chose. En tout cas, nous n'avons pas vu que quoi que

 25   ce soit ait été fait pour assurer la sécurité de la population.

 26   Q.  Nous aborderons l'aspect du contrôle dans un petit moment, mais

 27   j'aimerais maintenant vous montrer le document 5188 de la liste 65 ter.

 28   Est-ce que vous avez vu des maisons brûler après l'opération Tempête ?

Page 4636

  1   R.  Oui, dans différents endroits.

  2   Q.  Regardez ces photographies. Est-ce que vous pourriez nous dire ce que

  3   cette photo représente ?

  4   R.  Il s'agit d'une étable qui est la proie des flammes. Je l'ai vue avec

  5   mon collègue suédois, Berteo [comme interprété] Svendsen, alors que nous

  6   faisons partie d'une patrouille.

  7   Q.  Est-ce que vous pourriez dire à la Chambre quand vous avez pris cette

  8   photo ?

  9   R.  Oui, mais il va falloir que je m'en réfère à mon journal de bord.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, faites donc. Consultez votre

 11   journal.

 12   M. WAESPI : [interprétation]

 13   Q.  La Chambre aimerait également savoir où se trouvait cette maison qui

 14   est en train de brûler.

 15   R.  Oui, je l'ai trouvé. C'était le 4 octobre.

 16   Q.  Où est-ce que cela se trouvait ?

 17   R.  Ivosevci.

 18   Q.  Ivosevci, vous voulez dire ?

 19   R.  Oui, Ivosevci.

 20   Q.  Vous savez quelle est sa distance par rapport à Kistanje ?

 21   R.  Cela se trouve -- ou plutôt, c'était à quelques kilomètres au nord de

 22   Kistanje.

 23   Q.  Est-ce que vous avez vu des maisons, Monsieur Marti, qui avaient

 24   échappé aux incendies, parce qu'elles avaient été indiquées comme étant des

 25   maisons croates ?

 26   R.  Non. Non, je n'ai pas vu ce genre de maisons. Je me souviens juste que

 27   dans notre quartier à Knin, lorsque nous nous sommes installés là-bas - la

 28   voisine, en fait, a peint un jour sur ma maison "kuca hrvatska," ou quelque

Page 4637

  1   chose de ce style-là, qui signifie qu'il s'agissait d'une maison croate.

  2   Q.  Est-ce que vous savez à quoi cela a servi, le fait d'indiquer que sa

  3   maison était croate ?

  4   R.  Je pense qu'indiquer cela sur sa maison, c'était en quelque sorte un

  5   geste d'autoprotection. Mais je ne sais pas si cela donnait toujours les

  6   résultats escomptés. Ce que je vous dire, c'est que ça fonctionnait

  7   visiblement dans notre quartier, parce que la maison de cette femme n'a pas

  8   été détruite.

  9   Q.  Pour que tout soit clair, pourquoi est-ce qu'elle a indiqué et elle a

 10   marqué sur sa maison qu'il s'agissait d'une maison croate, si vous le savez

 11   ?

 12   R.  Ecoutez, cette voisine, elle était Croate.

 13   Q.  Pourquoi est-ce qu'elle a fait ça ?

 14   R.  Juste pour montrer aux pilleurs qu'ils ne devraient pas piller et

 15   détruire cette maison.

 16   Q.  Je vous remercie, Monsieur Marti.

 17   Il nous reste quelques minutes. J'aimerais que nous parlions du contrôle et

 18   des mesures de contrôle dans votre déclaration de témoin, déclaration qui a

 19   été enregistrée, qui est la pièce P416. J'aimerais que cela soit affiché à

 20   l'écran.

 21   Mais avant de ce faire, je voudrais avoir une cote pour cette photo,

 22   Monsieur le Président.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objections ?

 24   M. KEHOE : [interprétation] Non, pas d'objections.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objections. Monsieur le Greffier.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P426.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P426 est versée au dossier.

 28   Poursuivez.

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  1   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Alors pièce

  2   P416, page 13 pour la version anglaise et page 12 pour la version B/C/S.

  3   Dans la version anglaise, il s'agit de la ligne 28, à la fin. Je vais vous

  4   citer cela : "La question de savoir si le pillage aurait pu être prévenu et

  5   empêché, à cette question je répondrais par l'affirmative, car il aurait

  6   été possible aux autorités croates qui, après tout, avançaient que ce

  7   territoire leur appartenait et qui agissaient comme si c'était leur

  8   territoire, il leur aurait été possible, pour ces autorités, disais-je, de

  9   faire en sorte que l'ordre règne mieux. Il aurait été possible de placer

 10   des policiers aux carrefours et aux postes de contrôle et ils auraient pu

 11   ainsi faire un exemple dissuasif avec les médias qui auraient pu ainsi

 12   présenter des rapports afin d'empêcher que ces pillages se passent et que

 13   les personnes âgées ne soient menacées. Cela aurait réduit le nombre

 14   d'incidents, mais comme cela a déjà été mentionné, rien ne s'est produit,

 15   quasiment rien ne s'est produit."

 16   Est-ce que vous pourriez développer un peu cela, Monsieur

 17   Marti ? Pourquoi est-ce que vous dites que les autorités croates auraient

 18   pu faire davantage en la matière ?

 19   R.  Comme je l'ai déjà dit, faire notre travail était presque impossible.

 20   Nous avons essayé de protéger d'une certaine manière les gens qui

 21   restaient, mais il y avait peu de patrouilles qui ne faisaient que

 22   remarquer les noms de ceux qui étaient encore là. Et on se demandait

 23   toujours pourquoi les autorités croates, que ce soit la police ou l'armée

 24   ou d'autres, enfin peut-être ils ont pris le contrôle de Krajina, donc

 25   maintenant ils étaient aussi responsables pour la sécurité là-bas. On se

 26   demandait pourquoi ils n'ont pas fait plus pour assurer la sécurité.

 27   Par exemple, lorsque l'on voyait des pillages dans la vallée de Plavno,

 28   c'est une vallée encerclée de montagnes et il y a seulement une ou deux

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  1   routes qui mènent à cette vallée, et un point de contrôle aurait suffit

  2   pour arrêter les pillages dans la vallée de Plavno. Peut-être un point de

  3   contrôle sur le croisement de routes à Kistanje, ça aurait au moins réduit

  4   les pillages. Un point de contrôle à Vrlika et ainsi de suite, avec très

  5   peu de moyens, ils auraient pu établir un peu d'ordre.

  6   Bien sûr, on se demandait ce que nous on pouvait faire contre les pilleurs,

  7   je veux dire, on était sur le terrain avec notre véhicule de l'ONU et ils

  8   disparaissaient à ce moment-là, ou bien parfois on arrivait même à entrer

  9   en discussion avec eux. Une fois, j'ai demandé à un pilleur ce qu'il

 10   faisait là-bas et il m'a dit qu'il cherchait quelque chose. Donc je veux

 11   dire que pour eux, piller c'était comme faire les courses sans payer.

 12   A d'autres moments, on a commencé à parler aussi en allemand, car beaucoup

 13   d'entre eux avaient été auparavant en Allemagne ou en Suisse et ils nous

 14   ont dit, l'ONU avait déjà été là, et en 1991, lorsque nous avons été

 15   repoussés de la Krajina. Je veux dire, je comprenais qu'il s'agissait aussi

 16   d'une vengeance et ils revenaient chez eux au bout de quelques années, ils

 17   se disaient "Maintenant, je suis chez moi."

 18   Mais ce que j'ai dit dans cette déclaration est que s'il y avait une

 19   autorité, et il y avait une autorité qui prétendait être responsable pour

 20   la Krajina, car comme vous le savez, le 26 août ils ont fait une grande

 21   fête lorsque Tudjman est venu en train à travers Knin pour aller à Split.

 22   Et ça aussi c'était, soit dit en passant, mon anniversaire. Je veux dire,

 23   ils auraient pu prendre le contrôle -- s'ils ont pu prendre le contrôle de

 24   l'ensemble de la région, alors ça veut dire qu'ils étaient responsables de

 25   la sécurité aussi. Et où est allée cette brigade qui avait attaqué Knin et

 26   Krajina avant ?

 27   Je me souviens d'une carte publiée dans un journal, il était question

 28   d'environ cinq brigades qui avaient attaqué Krajina. Qu'est-ce qu'ils ont

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  1   fait par la suite ? Pourquoi ils n'ont pas assuré la sécurité là-bas ? Il

  2   n'aurait pas été difficile d'établir des points de contrôle différents. A

  3   ce moment-là, si les gens réalisaient qu'il existait un certain contrôle,

  4   j'ose espérer qu'ils auraient changé de comportement.

  5   Un seul détail que je vais vous donner.

  6   Nous avons pensé qu'on pouvait faire quelque chose, donc on a remarqué des

  7   plaques d'immatriculation sur les voitures qui venaient et pillaient des

  8   villages. On les a données aux autorités croates. Mais quelques jours plus

  9   tard, ce qui s'est passé c'est que les voitures venaient simplement sans

 10   plaque d'immatriculation, donc ça veut dire que quelqu'un a réalisé au

 11   moins que quelqu'un d'autre effectuait un petit contrôle. Donc ils ont

 12   réalisé qu'ils étaient contrôlés, mais ça ne suffisait pas. Je me souviens

 13   qu'on a parlé de cela aussi avec les autorités croates. Ensuite, au bout de

 14   quelques jours, il y avait un barrage routier là où la route sort de la

 15   vallée de Plavno et on s'est dit, "D'accord, on a au moins atteint quelque

 16   chose, un petit peu de sécurité." Au bout de quelques jours, ce point de

 17   contrôle était vide encore une fois. Qu'est-ce qu'on pouvait

 18   faire ?

 19   Q.  Dans votre déclaration de témoin que j'ai citée tout à l'heure, vous

 20   parlez de la nécessité de donner un exemple dissuasif avec des rapports

 21   appropriés dans les médias. Est-ce que vous pouvez expliquer ce que vous

 22   voulez dire par là ?

 23   R.  Je suis tout à fait sûr que les officiers croates auraient dit

 24   publiquement qu'il n'est pas permis de piller et que les pilleurs vont être

 25   punis et peut-être même qu'ils en feraient des exemples publics en disant,

 26   "O.K, on va attraper cette personne qui pille et maintenant il va rendre ce

 27   qu'il a pillé, et cetera," mais il n'y a eu rien de tel qui a été fait.

 28   C'était étrange, c'était comme des procédures de pillage. A la première

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  1   vague, ce qu'ils prenaient c'était des voitures qui restaient, des télés,

  2   des lave-linge, et on voyait qu'ils chargeaient tout cela dans leurs

  3   voitures. Au bout d'un certain temps, vous les voyiez sortir avec des

  4   meubles, avec du bois et à la fin ils prenaient tout. Vous voyiez les

  5   maisons où il n'y avait plus de porte, plus de cadre de porte en bois, plus

  6   de fenêtre. Tout était pillé.

  7   J'ai réalisé cela très bien lorsque j'étais à l'endroit où j'avais été

  8   précédemment hébergé à Podkonje. Finalement, il y avait juste un mur

  9   dénudé, même le tapis qui avait été fixé sur le mur a été pillé. La maison

 10   était totalement vide, mais encore une fois, il s'agissait comme des vagues

 11   qui déferlaient sur les villages.

 12   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur Marti.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je peux vous poser une

 14   question de clarification.

 15   Vous dites que dans la vallée de Plavno, à un moment donné il y avait un

 16   barrage routier, un point de contrôle, qui a été écarté au bout de quelques

 17   jours. Est-ce que vous avez remarqué lorsque ce point de contrôle était là,

 18   est-ce que vous avez pu observer des changements par rapport à l'intensité

 19   des pillages ou bien est-ce que les choses sont restées les mêmes ou bien

 20   peut-être vous ne pouviez pas faire ce genre d'observation ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, à cette époque-là, je

 22   n'étais pas dans la vallée de Plavno tous les jours, mais je recevais des

 23   messages de la part de d'autres patrouilles qu'ils avaient établi un point

 24   de contrôle au bout de quelques jours, lorsque je suis arrivé il n'y avait

 25   plus de point de contrôle.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Donc vous ne savez pas si quelque

 27   chose a été atteint par le biais de ce point de contrôle.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Poursuivez.

  2   M. WAESPI : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Marti, est-ce que les autorités croates, civiles ou

  4   militaires, vous ont jamais demandé ce que vous aviez observé et soumis

  5   dans vos rapports au cours de votre mission en Krajina ?

  6   R.  Non, on ne m'a jamais posé ce genre de question. Je veux dire que les

  7   seuls contacts que j'avais avec les autorités croates, étaient avec

  8   l'équipe de Husein Al-Alfi et à chaque fois on allait voir les autorités

  9   croates, mais personne d'eux ne venait nous contacter nous.

 10   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur Marti.

 11   Monsieur le Président, ainsi se termine mon interrogatoire principal.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Waespi. Nous

 13   allons lever l'audience du coup dix minutes avant. En même temps, souvent

 14   nous terminons un peu plus tard, est-ce que vous pourriez me dire qui va

 15   être le premier à contre-interroger le témoin.

 16   M. KEHOE : [interprétation] C'est moi, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que nous devrions tout

 18   simplement utiliser les dix minutes, donc j'espère que vous pourrez trouver

 19   des questions appropriées.

 20   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Marti, maintenant c'est M.

 22   Kehoe qui va vous contre-interroger, qui représente M. Gotovina, mais ça va

 23   durer seulement dix minutes.

 24   M. KEHOE : [interprétation] Puis-je continuer, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 26   Contre-interrogatoire par M. Kehoe : 

 27   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Marti. Je souhaite vous poser

 28   quelques questions non seulement sur la base de ce que M. Waespi vous a

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  1   demandé, mais certaines autres questions qui ont été soulevées dans votre

  2   déclaration de témoin. Je ne sais pas si vous les avez devant vous mais

  3   nous pouvons prendre notre temps pour les examiner.

  4   Je vais tout d'abord vous poser une question concrète qui concerne une

  5   partie de la déposition lorsque vous avez parlé de certaines régions et de

  6   votre impression par rapport aux militaires.

  7   A la page 2 de votre déclaration de 1997, il s'agit de la pièce P416,

  8   veuillez passer à la page 2. Nous pouvons passer à la ligne 12. Est-ce que

  9   vous voyez la ligne 12, Monsieur Marti ? Il est écrit : "Personnellement,

 10   j'avais l'impression que les forces serbes étaient très mal équipées."

 11   Je souhaite vous montrer la pièce P401, page 10. Il s'agit là d'une

 12   présentation qui a été versée au dossier, qui avait été faite par le

 13   général Forand. Je souhaite attirer votre attention sur le deuxième

 14   paragraphe. Excusez-moi, je pense que c'est à la page suivante. C'est là.

 15   Le troisième paragraphe qui commence par les mots "L'armée de la République

 16   de Krajina serbe." Voyez-vous ?

 17   R.  Je vois.

 18   Q.  Il y est écrit que : "L'armée de la République de Krajina serbe ou

 19   l'ARSK était mieux connue par nous car on avait des contacts avec eux au

 20   jour le jour. Cependant, nous avons eu seulement une appréciation

 21   superficielle de leurs forces et faiblesses car ils imposaient des

 22   restrictions sur nos mouvements. Suite à l'attaque du 1er mai contre le

 23   secteur ouest, ils avaient retiré tous leurs équipements de la zone de

 24   dépôt d'armes et ont, par conséquent, empêché nos efforts de compter et de

 25   vérifier leurs possessions."

 26   Est-ce qu'il est exact, Monsieur, de dire que lorsque vous, en tant

 27   qu'observateur de la mission de l'ONU, vous avez essayé de vérifier

 28   l'arsenal de l'ARSK, que des restrictions ont été imposées sur vos

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  1   mouvements par l'ARSK, n'est-ce pas ?

  2   R.  Je peux simplement donner la réponse par rapport à ce que j'ai vu, au

  3   début de mon mandat en Krajina, je pense que c'était le 4 juillet et je

  4   vais vérifier cela dans mon journal, nous nous sommes rendus à un de ces

  5   entrepôts entre Knin et Drnis et à l'époque, l'entrepôt était vide. Donc

  6   nous n'avons pas subi de restrictions, mais il n'y avait pas de raison

  7   d'imposer des restrictions car c'était vide.

  8   Q.  Oui, si j'ai bien compris, l'armée de la République serbe de Krajina

  9   vous a permis d'aller voir ce dépôt et il était vide.

 10   R.  On est allé même sans leur demander de faire cela. On a simplement

 11   vérifié cet endroit et il était vide et je pense que c'était le 4 juillet.

 12   Mais c'était le seul entrepôt dans lequel je me suis rendu moi-même.

 13   Q.  Le général Forand dit que : "L'armée de la République serbe de Krajina

 14   avait retiré tout leur équipement des entrepôts." Est-ce que vous savez,

 15   Monsieur Marti, ce que l'ARSK a fait avec ces armes ?

 16   R.  Non, je ne le sais pas. Je ne sais même pas où ils les avaient

 17   retirées, même si ils l'ont fait car je n'ai pas vu.

 18   Q.  Vous avez dit que vous êtes allé dans cet entrepôt et qu'il était vide.

 19   Est-ce que vous avez eu l'occasion d'aller ou plutôt je vais reformuler ma

 20   question. Est-ce que vous savez, est-ce que vous connaissez le village ou

 21   la ville de Golubic entre Knin et Strmica ?

 22   R.  Oui, je connais.

 23   Q.  Je pense que vous nous avez dit dans votre déclaration de 1997, à la

 24   page 13, lignes 1 à 6, c'est en haut de la page, vous avez dit que l'église

 25   à Golubic, et c'était une église orthodoxe ?

 26   R.  Je ne me souviens pas.

 27   Q.  De toute façon, l'église de Golubic avait un grillage de camouflage au-

 28   dessus ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  C'est exact.

  3   R.  Oui, et des rumeurs circulaient sur lesquelles dans cette église on

  4   avait caché des canons antiaériens. Mais je ne suis jamais allé à

  5   l'intérieur de cette église.

  6   Q.  Est-ce que d'autres observateurs de l'ONU vous l'ont dit ?

  7   R.  Non, les autres observateurs de l'ONU.

  8   Q.  Justement c'est ce que je vous disais, c'est eux qui vous ont dit qu'il

  9   y avait une arme antiaérienne à l'intérieur ?

 10   R.  Peut-être ils y sont allés, peut-être pas. Mais moi, je n'ai pas vu de

 11   mes propres yeux.

 12   Q.  Vous pouvez noter également le fait que dans la ligne 5 et 6 de votre

 13   déclaration - et là je parle de la pièce P416 - que par la suite, vous

 14   dites : "On a supposé que ceci pouvait être un dépôt de munitions serbe."

 15   R.  Je n'ai pas vu ça moi-même, c'étaient des rumeurs qui circulaient au

 16   sein des autres observateurs de l'ONU.

 17   Q.  Mais vous et les autres observateurs de l'ONU, vous supposiez qu'il

 18   s'agissait là d'un dépôt de munitions serbe ? J'attire votre attention sur

 19   les lignes 5 et 6.

 20   R.  Oui, mais comme il est écrit, il s'agit d'une supposition.

 21   Q.  Je comprends. Est-ce que vous saviez que l'ARSK utilisait d'autres

 22   sites religieux afin d'y entreposer les armes et les munitions ?

 23   R.  Non, pas dans la région dans laquelle nous avons effectué nos

 24   patrouilles avant l'opération.

 25   Q.  Qu'en est-il de la période après ? Est-ce que vous avez constaté si

 26   l'ARSK avait utilisé les sites religieux afin d'y stocker les armes et les

 27   munitions ?

 28   R.  Non.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, nous avons entendu la

  2   suggestion selon laquelle ils ont utilisé les sites religieux afin d'y

  3   stocker les munitions alors que j'ai compris la déposition de ce témoin

  4   comme disant qu'il y avait des rumeurs. Il y a une différence.

  5   M. KEHOE : [interprétation] Je comprends. En fait, il existe une séquence

  6   vidéo là-dessus.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il faudrait --

  8   M. KEHOE : [interprétation] Je comprends.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde l'heure aussi. Donc je pense

 10   que ça suffit pour la journée.

 11   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Marti, nous allons lever

 13   l'audience pour aujourd'hui et puisque d'autres Chambres utilisent ce

 14   prétoire dans l'après-midi, vous devez attendre jusqu'à demain pour la fin

 15   de votre déposition, et je souhaite vous donner l'instruction selon

 16   laquelle vous ne devez parler à qui que ce soit au sujet de votre

 17   déposition, qu'il s'agisse de la déposition jusqu'à maintenant ou de la

 18   suite de votre déposition qui se fera demain.

 19   Nous allons lever l'audience jusqu'à demain matin, le 10 juin à 9 heures du

 20   matin, encore une fois dans le prétoire numéro II.

 21   --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le mardi 10 juin

 22   2008, à 9 heures 00.

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