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1 Le lundi 23 juin 2008
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.
6 Monsieur le Greffier, veuillez appeler l'affaire.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
8 Monsieur les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre
9 Ante Gotovina et consorts.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
11 Avant que je n'invite l'Accusation à appeler son témoin suivant, j'aimerais
12 juste m'enquérir à propos d'une écriture présentée par la Défense Markac.
13 Nous avons reçu une requête de la part de la Défense de M. Mladen Markac,
14 il s'agit de considérer que l'une des déclarations de témoin ne peut pas
15 être considérée comme recevable. Mais en fait, il s'agit plutôt d'élargir
16 la portée de la déposition du Témoin 116. Il y a deux témoins différents. A
17 la première page, nous voyons que le défenseur, M. Mladen Markac,
18 souhaiterait considérer l'une des déclarations de témoin non recevable,
19 ensuite le texte se poursuit et il s'agit du Témoin 116.
20 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois comprendre d'ailleurs que même
22 si la date est la date du 20 juin, je crois comprendre que cela a été
23 déposé ce matin.
24 Alors, Maître Kuzmanovic, est-ce que vous avez une explication à nous
25 fournir à ce sujet ? Pourquoi est-ce que les deux ont été mélangés ?
26 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, oui. Ce qui s'est passé, c'est que
27 lorsque cela a été envoyé, la page de garde a été mal consignée, nous
28 allons rectifier cela. Me Misetic vous parlera du deuxième volet du
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1 problème.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il ne s'agit pas seulement de
3 la page de garde, il s'agit également de la première page.
4 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, je comprends, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je supposer que c'est une requête
6 qui porte sur le Témoin 116, n'est-ce pas, Maître Misetic ?
7 M. MISETIC : [interprétation] Oui, oui. Pour ce qui --
8 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, pour ce qui est de notre requête,
9 oui.
10 M. MISETIC : [interprétation] Nous allons présenter une requête au nom de
11 M. Gotovina pour supprimer la deuxième déclaration 92 ter à laquelle il est
12 fait référence, et nous espérons pouvoir le faire demain ou après demain.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc la deuxième déclaration 92 ter du
14 Témoin 116, c'est cela ?
15 M. MISETIC : [interprétation] Non.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors du Témoin 81, c'est ça ?
17 M. MISETIC : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Aujourd'hui nous allons avoir le Témoin
19 116, donc nous allons attendre. Ce n'est pas le Témoin 81 qui va
20 comparaître aujourd'hui ?
21 M. MISETIC : [interprétation] Non, non, nous attendrons.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, nous attendrons alors.
23 Je crois également comprendre qu'il n'y a pas d'objection à ce que soient
24 versées au dossier les déclarations et les pièces à conviction hormis les
25 deux dernières pièces. Il s'agit de deux cartes qui vont être versées au
26 dossier, il me semble que c'est la Défense de M. Gotovina qui indique que
27 ces cartes ne sont pas pertinentes; et si elles venaient à être versées au
28 dossier, il faudrait envisager plus d'une journée de contre-interrogatoire.
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1 Monsieur Tieger, je sais que vous avez déjà répondu en avançant le fait que
2 la carte était pertinente. Il semblerait que ce qui est essentiel -- ce que
3 vous avancez plutôt, c'est que quelle que soit la politique qui a été prise
4 en considération en Bosnie, cela n'a aucune pertinence pour cette affaire.
5 M. KEHOE : [interprétation] Oui, tout à fait puisque vous avez le compte
6 rendu d'audience du 29 octobre -- ou plutôt le texte du 29 octobre 1993.
7 Permettez-moi de vous dire qu'à différents niveaux, je dirais que l'année
8 1993 n'a rien à voir ou très peu à voir avec cette affaire. De toute façon
9 cela n'a absolument aucun lien direct avec notre client, le général
10 Gotovina, et probablement ce qui est le plus important ici à ce sujet,
11 c'est qu'il s'agit d'une question qui va récuser le témoin de l'Accusation,
12 M. l'ambassadeur Galbraith.
13 Parce que si la théorie à ce sujet, je pense notamment à toute la
14 discussion, à tout le débat à l'époque en 1993 invoquant le fait que le
15 président Tudjman avait des idées de nettoyage ou de ratissage de la
16 région, pour ce qui est des Serbes, il s'est lancé -- enfin il y a toute
17 une méthodologie qui a sous-tendu cela, et je suppose que c'est ce que
18 l'Accusation va essayer de faire valoir, mais cela est quasiment laminé
19 pour ne pas dire saboté par ce témoin au paragraphe 81 où il est dit que la
20 première ligne, il est dit : "Je ne pense pas que Tudjman avait comme plan
21 d'expulser tous les Serbes de la Croatie." Puis vous avez l'avant-dernier
22 paragraphe de sa déclaration.
23 Ce qui, Monsieur le Président, dans un premier temps prouve que cela
24 dépasse le cadre ou la période prévue pour cet acte d'accusation; puis
25 deuxièmement il n'y a absolument pas de lien qui a été établi entre les
26 commentaires avancés par le président Tudjman et le général Gotovina; puis
27 troisièmement, les moyens de preuve présentés par ce témoin vont permettre
28 de récuser leur propre témoin, alors très franchement, au titre de
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1 l'article 90 on ne peut pas procéder de la sorte. Ce que j'entends, c'est
2 que l'Accusation a tout à fait le droit de choisir ses moyens à charge et
3 elle peut évoquer plusieurs témoins.
4 Mais je dirais tout simplement que si vous prenez la première ligne
5 du paragraphe 91, vous comprenez qu'il n'y a absolument aucune pertinence
6 pour ce qui est des commentaires proférés par le président Tudjman à propos
7 de la Bosnie.
8 Monsieur le Président, je sais que pour tout ce qui est du sujet du
9 président Tudjman en Bosnie cela a déjà été étudié ou cela est
10 véritablement au cœur de l'affaire Prlic qui, si je ne m'abuse, a commencé
11 à étudier la question en 2007, et cela va se terminer à la fin de l'année
12 2009. Donc c'est une question extrêmement complexe et je ne pense pas
13 qu'ici nous devrions nous pencher là-dessus.
14 Parce que cela n'a absolument aucune pertinence pour cette affaire, et ce
15 témoin qui va être appelé à la barre indique au paragraphe 91 ce que je
16 vous ai déjà dit, à savoir Tudjman n'avait pas pour plan l'expulsion de
17 tous les Serbes de la Croatie. Voilà ce qui est dit.
18 Puis il y a un autre aspect, une autre dimension, Monsieur le Président,
19 lorsque l'on évoque cette question. Il s'agit de l'article 93(H) [comme
20 interprété] car il ne faut pas oublier qu'elle est la valeur probante des
21 dépositions. Quelle est la valeur probante de tout cela pour ce qui est de
22 notre client, d'autant plus que l'Accusation n'a absolument aucun moyen
23 d'établir le lien entre ce qui a été dit et le général Gotovina.
24 Ce n'est pas la bonne période par rapport à l'acte d'accusation, il y a un
25 manque total de pertinence, ce propre témoin est en train de se couper
26 l'herbe sous les pieds, je pense notamment à la théorie qui est invoquée,
27 par rapport l'opération Tempête, donc je ne vois vraiment pas pourquoi il
28 serait autorisé à présenter ces moyens à charge.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
2 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, je vois qu'au
4 compte rendu d'audience il est question de paragraphe 91. Il me semble que
5 je vous ai entendu mentionner le paragraphe 81, d'ailleurs ce qui est
6 beaucoup plus conforme à votre raisonnement, Maître. Je ne pense pas que le
7 plan de Tudjman peut être trouvé au paragraphe 81 de la déclaration.
8 M. KEHOE : [interprétation] Non, si j'ai dit 81, je m'en excuse, c'était le
9 paragraphe 91 ou plutôt le paragraphe 18.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maître Kehoe, poursuivez. Je pense
11 que je me suis exprimé un peu trop vite.
12 M. KEHOE : [interprétation] Permettez-moi de corriger quelque chose.
13 Lorsque j'ai parlé de préjudice - là c'est moi qui est commis une erreur -
14 j'ai évoqué l'article 90, en fait c'est l'article 89(D); 89(D) je répète.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
16 M. TIEGER : [interprétation] Oui, je vous remercie. La Défense présente ces
17 arguments en déclinant plusieurs aspects. Je vais essayer de démêler
18 l'écheveau si j'y arrive rapidement.
19 Par exemple, l'allégation suivant laquelle, pour ce qui est du texte de
20 1993 cela ne correspond pas à la période de l'acte d'accusation parce que
21 c'est beaucoup trop tôt, ou parce que cela ne permet pas de prouver qu'il y
22 a des liens explicites avec l'accusé. C'est fort bien, mais cela ne nous
23 permet pas de poser la question à propos du document. Pourquoi est-ce que
24 ce document a été présenté et pourquoi est-ce que le témoin a fait ces
25 observations à ce sujet. Le témoin nous présente un témoignage assez
26 important à propos de la l'attitude, du comportement de la direction croate
27 vis-à-vis de la présence continue des Serbes en Krajina. Il expliquera
28 d'ailleurs à la Chambre pourquoi il comprend ainsi cette situation.
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1 Notamment, il parlera de son interaction avec la direction croate dès le
2 début de sa nomination d'ambassadeur.
3 Puis ce document également fait état d'un état d'esprit ou de points de vue
4 qui ont été exprimés et qui sont tout à fait conformes et qui, en plus,
5 font partie de la base de l'évaluation avancée par le président Tudjman à
6 propos, par exemple, d'un Etat multinational ou d'Etats multinationaux; à
7 propos, par exemple, du besoin d'homogénéité ethnique pour un Etat et ces
8 conséquences pour la mise en œuvre de mesures prises qui ont un rapport
9 avec cette affaire.
10 Il ne s'agit pas d'une tentative d'essayer de trouver quelle était la
11 responsabilité pénale pour des actions ou des mesures prises en Bosnie
12 centrale, ou pour savoir qui avait cette responsabilité pour ces actions en
13 Bosnie centrale. Mais le fait est c'est qu'il y a quand même certains
14 chevauchements avec d'autres affaires. Cela ne doit pas empêcher la Chambre
15 d'entendre des éléments qui ont leur pertinence en l'espèce.
16 Je pense, par exemple, à des éléments de preuve très clairs tel que le
17 point de vue exprimé par le président Tudjman, le point de vue des
18 dirigeants croates à propos de thèmes tels que l'homogénéité ethnique, à
19 propos de transferts de population, et d'autres choses de ce style, je
20 pense que tout cela a son importance pour la Chambre.
21 De toute façon il ne s'agit pas du témoin qui se récuse, alors bien
22 entendu la Défense a cité un passage de la déclaration du témoin, certes.
23 Mais il est absolument évident qu'il n'a pas commencé en 1991 à faire cela.
24 Puis il indique également que : si la population serbe décidait de rester,
25 il y avait une politique qui pourrait être mise en place pour qu'ils
26 partent. Il y a également d'autres extraits de la déclaration et la
27 déposition à laquelle on peut s'attendre de sa part qui indiqueront très
28 clairement que les politiques qui ont été mises en œuvre en Krajina
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1 permettaient d'assurer que les Serbes ne reviendraient justement pas et le
2 but était d'assurer qu'il y ait un Etat qui soit en quelque sorte créé.
3 Donc comme je vous l'ai déjà dit, il faudra mettre en parallèle tous
4 les éléments de preuve, mais il n'y a aucune tentative de parler de
5 responsabilité pénale en Bosnie centrale.
6 La Chambre est tout à fait et même plus que capable de faire la part
7 des choses et de voir, parmi les informations qui seront données par le
8 témoin, ce qui a sa pertinence pour cette affaire. Et comme je l'ai
9 indiqué, il y a les points de vue et les comportements de la direction
10 croate, du président Tudjman vis-à-vis des Serbes, vis-à-vis de cette
11 homogénéité ethnique, cela a sa pertinence dans cette affaire et devrait
12 pouvoir être entendu ici par cette Chambre de première instance.
13 La Chambre sera tout à fait à même, comme je l'ai dit, de faire la part des
14 choses, notamment au vu du fait que l'accent va être mis sur les questions
15 que je viens maintenant de mentionner, il ne sera pas question de
16 responsabilité pénale pour des actions menées en Bosnie centrale.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
18 M. KEHOE : [interprétation] Permettez-moi de réagir. J'enfonce un peu des
19 portes ouvertes, mais il est évident que ce n'est pas le président Tudjman
20 qui est incriminé ici. Mais si l'Accusation souhaite établir un lien - je
21 ne sais pas très bien comment - avec le général Gotovina et veut que cela
22 soit présenté ici pour que l'on puisse envisager les dérapages pour le
23 général Gotovina sans qu'il n'y ait absolument aucun élément de preuve sera
24 apporté. Il me semble que cela est envisagé par l'article 89, lorsque l'on
25 dit que le préjudice est plus important que la valeur probante. Que veut
26 faire l'Accusation ? Tout simplement elle veut happer le général Gotovina
27 là-dedans, alors qu'il n'y a absolument aucun élément de preuve vis-à-vis
28 de lui ?
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1 Alors ce que je voudrais dire, c'est qu'il y a eu des points de vue qui ont
2 été exprimés par le président Tudjman à propos de Bosnie, alors s'il faut
3 que nous répondions à tout cela c'est une tâche herculéenne. Je sais que
4 cela n'est pas votre problème, mais du point de vue logistique ici pour le
5 moment, nous, nous ne pouvons pas le faire.
6 Si nous allons de l'avant ainsi, si nous allons de l'avant comme le
7 souhaite l'Accusation, comme elle le propose, je pense que cela va
8 certainement rallonger les débats et il faudra de toute façon convoquer à
9 nouveau ce témoin à un autre moment, mais cela aura des conséquences et des
10 incidences sur les comparutions d'autres témoins. Je ne sais pas jusqu'où
11 cela pourra aller.
12 Mais il me suffit de vous dire que lorsqu'on lit le paragraphe 81 - il ne
13 faut pas oublier que cette affaire porte sur l'opération Tempête. C'est
14 tout. Il ne s'agit pas d'action en Bosnie centrale ou ailleurs. Il s'agit
15 tout simplement de l'opération Tempête et Tudjman n'avait absolument pas
16 l'intention de procéder à un nettoyage ethnique et d'expulser les Serbes de
17 la Croatie tout simplement.
18 Nous abordons l'opération Tempête, il n'y a pas eu d'intention
19 d'exclure les Serbes de la Croatie, et ça c'est une question à laquelle
20 devra répondre le général Gotovina, mais j'aimerais savoir quelle est la
21 pertinence pour le général Gotovina ? Non pas pour le président Tudjman,
22 non pas pour d'autres dirigeants; je parle du général Gotovina. Quelle est
23 la pertinence ? Dans tout ce que vient de dire l'Accusation, qui vient de
24 se lancer dans un long discours, elle n'a pas répondu à la question
25 essentielle : quels sont les liens avec le général Gotovina et comment est-
26 ce que le général Gotovina devra répondre.
27 Cela dépasse de loin la simple présentation des moyens de preuve
28 puisque vous ne pouvez pas établir le lien entre le général Gotovina et la
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1 notion d'expulsion des Serbes de la Croatie.Si l'Accusation dispose de ce
2 genre d'éléments de preuve, présentez-les. Abattez vos cartes et ainsi le
3 général Gotovina, par l'entremise de son conseil de Défense, pourra
4 répondre; mais ce n'est pas la peine de présenter des allégations et des
5 conversations qui ont eu lieu en 1993, et qui seront présentées par
6 l'ambassadeur Galbraith qui en plus a dit qu'à l'époque le président
7 Tudjman n'avait absolument pas cette intention pour ce qui est de
8 l'opération Tempête en tout cas.
9 Il s'agit d'une tâche herculéenne qu'il lance à la figure quasiment de la
10 Chambre de première instance et si nous nous engageons sur cette voie, il
11 va falloir déployer des efforts gigantesques pour répondre. Et je ne veux
12 pas me lancer dans ce genre d'arguments hyperboliques, en quelque sorte,
13 cela concerne l'affaire Prlic, c'est ce qu'ils font depuis deux ans.
14 Lorsque l'on se pose la question de la pertinence, tout revient au général
15 Gotovina; et je dirais que pour ce qui est du général Gotovina et compte
16 tenu de ce qu'a avancé l'ambassadeur Galbraith, il n'y avait aucune
17 intention de la part du général Tudjman d'exclure les Serbes de Croatie,
18 c'est un problème qui n'existe pas pour ce qui est du général Gotovina.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic.
20 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais pouvoir apporter mon grain de
21 sel à la discussion, voilà ce que j'aimerais dire : j'aimerais savoir quand
22 fut prise la décision d'avoir cette discussion, quand est-ce que
23 l'Accusation a décidé d'utiliser des cartes ethniques par le truchement de
24 l'ambassadeur Galbraith parce que la première fois que nous en avons été
25 informés ce fut le 20 juin, justement à propos de cette pièce, nous avons
26 reçu un courriel, il y a un échange de courriels entre le conseil du
27 général Gotovina et M. Tieger.
28 Ce n'est pas comme si nous avions été informés de cela et que nous avions
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1 eu amplement le temps de nous préparer à la question. C'est quelque chose
2 qui a été quasiment jeté dans notre direction à la toute dernière minute.
3 C'est un thème particulièrement volumineux et important, comme l'a dit Me
4 Kehoe, cela fait référence à une pléthore de faits extrêmement compliqués,
5 d'opinions et d'une personne qui n'est même pas jugée.
6 D'ailleurs, vous savez, cette affaire porte sur l'opération Tempête,
7 sur les responsabilités pertinentes dans le cadre de l'opération Tempête et
8 il s'agit des actes qui sont présentés dans l'acte d'accusation; pas
9 quelque chose qui s'est passé en Bosnie, de discussions en 1993 présentées
10 par le biais d'un témoin, parce que là il s'agit d'informations de base en
11 quelque sorte, qui ne sont pas véritablement nécessaires. En ce qui me
12 concerne cela dépasse, mais vraiment de loin, la portée de l'acte
13 d'accusation ainsi que la période reprise par l'acte d'accusation.
14 Je vous remercie.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'en pense la Défense de Cermak ?
16 M. KAY : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble
17 qu'effectivement la portée de ce que veut faire l'Accusation dépasse l'acte
18 d'accusation et la période prise en considération pendant l'acte
19 d'accusation et l'opération Tempête. D'après ce qu'ils font, il est
20 manifeste qu'ils essaient de présenter des bases qui ne sont pas inscrites
21 dans le cadre de cette affaire et ils essaient d'établir le lien entre cela
22 et l'opération Tempête mais il faut savoir qu'il n'y a pas de liens directs
23 avec cette affaire précise.
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre va devoir délibérer pendant
26 un certain temps à ce sujet.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
28 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas eu la possibilité de répondre et
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1 je m'en excuse.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je suis d'accord, mais je voulais
3 également demander aux autres conseils de la Défense d'indiquer leurs
4 points de vue, ce qu'ils ont fait d'ailleurs. Mais si une objection est
5 présentée, et vous avez répondu à Me Kehoe, mais en général, Maître Kehoe,
6 vous n'auriez pas dû répondre. Mais ce n'est pas tragique.
7 M. KEHOE : [interprétation] Je m'excuse de cela, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ceci étant, je pense qu'il n'est
9 que juste de donner la parole à M. Tieger pour qu'il nous présente son
10 point de vue; je vous demanderais d'avoir l'amabilité d'être bref et
11 succinct, Monsieur Tieger, puisque vous n'allez pas présenter un nouvel
12 argument.
13 M. TIEGER : [interprétation] Trois choses : dans un premier temps, on
14 essaie de dissocier le président Tudjman de cette affaire, alors je ne
15 pense pas véritablement que cela puisse être fait puisqu'il y a une
16 allégation d'entreprise criminelle commune.
17 Deuxièmement, une partie de l'argumentation présentée par Me Kehoe se
18 fonde sur le fait que le témoin a indiqué qu'il n'y avait pas d'intention
19 d'exclure les Serbes de la Croatie. Alors que je pense que les éléments de
20 preuve qu'il va présenter vont nous indiquer le contraire.
21 Troisièmement, il s'agit de cette carte, il s'agit de la notification qui a
22 été fournie. Elle faisait partie de la liste des pièces à conviction, nous
23 avons essayé de fournir une explication à la Chambre, et bien entendu, il
24 ne s'agit pas d'un nouvel élément mais cela émane de la déclaration 92 ter
25 du témoin, des éléments supplémentaires d'information.
26 Ce que nous voulions faire, c'était fournir en quelque sorte une aide
27 visuelle à la Chambre pour qu'elle comprenne davantage les éléments qui
28 sont indiqués dans la déposition, et puisqu'il y a des lieux qui sont
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1 mentionnés, puisque le témoin s'est déplacé, il n'y a pas véritablement de
2 nouvelle idée qui a été présentée.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de vous poser une
4 question, car la Chambre n'a pas vu la carte, est-ce qu'il s'agit du type
5 de cartes qui ont été présentées sur la base du recensement de l'année 1991
6 que nous avons déjà d'ailleurs vues dans d'autres affaires, c'est une carte
7 qui donne des pourcentages ? C'est cela ?
8 M. TIEGER : [interprétation] C'est tout à fait cela.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. La Chambre va se pencher sur
10 cette question.
11 --- La pause est prise à 9 heures 28.
12 --- La pause est terminée à 9 heures 35.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre rejette les objections qui se
14 fondent sur le manque de pertinence et la décrédibilisation [comme
15 interprété] du témoin.
16 Monsieur Tieger, en même temps, ceux qui ont participé à l'entreprise
17 criminelle commune lors des étapes précédentes, leur état d'esprit n'est
18 pas d'importance cruciale. Nous devons nous concentrer sur le contexte
19 général, mais il ne faut pas que celui-ci prenne le devant. Par conséquent,
20 la Chambre n'est pas intéressée à entendre une déposition concernant tout
21 ce qui s'est passé en Bosnie.
22 En ce qui concerne le fait d'enlever certaines parties, notamment si vous
23 vous penchez sur le paragraphe 91, M. Kehoe a souligné la première phrase
24 de ce paragraphe; et bien sûr, ce paragraphe parle plus par rapport au plan
25 de M. Tudjman, que ce qui est écrit dans l'acte d'accusation qui le
26 mentionne en tant que l'un des participants à l'entreprise criminelle
27 commune.
28 Bien sûr, il n'est pas un accusé dans cette affaire, mais selon l'acte
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1 d'accusation il fait partie de l'entreprise criminelle commune. Donc ses
2 pensées et ce qu'il a fait par la suite, et après il va falloir établir si
3 ceci a été fait avec les accusés ou pas, ça n'est pas quelque chose qui est
4 sans pertinence.
5 Puis, finalement, s'agissant des cartes. En ce qui concerne les cartes,
6 nous allons accorder votre demande et les ajouter à la liste 65 ter. En
7 même temps, la Chambre prendra en considération la pertinence de ces cartes
8 au moment de la déposition et seront introduites par le biais de ce témoin.
9 Comme je l'ai déjà dit, la Chambre n'a pas vu les cartes. Entre-temps, nous
10 avons examiné un exemplaire, apparemment il s'agit de la composition
11 ethnique de la Bosnie-Herzégovine; par conséquent, nous souhaitons établir
12 un lien clair avec cette affaire. Je veux dire nous sommes plus près de la
13 frontière de la Bosnie-Herzégovine. S'agissant des cartes, ceci s'est passé
14 dans cette région-là.
15 Donc, la Chambre réserve sa position à cet égard jusqu'au versement
16 au dossier des cartes.
17 Y a-t-il d'autres questions en ce moment ? Sinon, tout d'abord, je
18 vois que Mme Schildge est présente dans le prétoire. C'est conformément à
19 la décision et une requête qui a été déposée. Peut-être une question pour
20 Mme Schildge.
21 La Chambre a décidé la semaine dernière, sur la base d'une lettre
22 présentée par la Défense Gotovina, que l'étendue du contre-interrogatoire
23 serait élargie par rapport à une décision précédente. Je vois que vous
24 faites un signe approbatif de la tête.
25 Nous n'avons pas pris en considération le fait que cette lettre
26 n'émanait pas vraiment du gouvernement américain; donc nous y faisons droit
27 sur la base d'une confiance. Nous avons adopté cette décision.
28 Monsieur Tieger, vous pouvez citer à la barre le témoin prochain.
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1 M. TIEGER : [interprétation] Merci.
2 L'Accusation cite à la barre l'ambassadeur Peter Galbraith.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En attendant, je vois qu'un corrigendum
4 a été déposé le 20 [comme interprété] juin, concernant une question que
5 j'avais soulevée précédemment, et peut-être je me suis trompé lorsque j'ai
6 dit que ceci avait été déposé le 23 juin, je n'ai peut-être pas vu la
7 première page originale, je vois maintenant que ce corrigendum a
8 effectivement été déposé le 23.
9 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Galbraith.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous invite à mettre les écouteurs
13 car parfois on a des messages des interprètes.
14 Avant que vous commenciez votre déposition, veuillez lire la
15 déclaration solennelle que vous direz la vérité que l'huissier va vous
16 tendre.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
18 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
19 LE TÉMOIN: PETER GALGRAITH [Assermenté]
20 [Le témoin répond par l'interprète]
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir,
22 Ambassadeur Galbraith.
23 Monsieur Galbraith, si je m'adresse à vous en ne disant pas "Ambassadeur
24 Galbraith", moi j'ai pris l'habitude que toutes les personnes qui viennent
25 déposer ici déposent simplement en tant que personne humaine simple, ça ne
26 marque pas un manque de respect de ma part, tout le monde choisit la
27 manière dont il va s'adresser aux personnes ici.
28 Monsieur Tieger, vous pouvez commencer l'interrogatoire principal.
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1 M. TIEGER : [interprétation] Oui.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez être examiné par M. Tieger.
3 Interrogatoire principal par M. Tieger :
4 Q. [interprétation] Eh bien, je vais violer cette règle d'égalité et je
5 vais vous dire, bonjour, Monsieur l'Ambassadeur.
6 R. Bonjour. Vous savez comment c'est avec les titres. Un titre plus deux
7 euros et je peux devenir chauffeur de tram.
8 Q. Est-ce que vous pouvez dire votre nom et prénom pour le compte rendu
9 d'audience ?
10 R. Peter Woodward Galbraith.
11 Q. Je souhaite simplement que l'on se penche sur les éléments principaux
12 concernant votre biographie.
13 Vous avez fait vos études à Harvard, Oxford et Georgetown, et vous
14 avez une maîtrise d'Oxford et un diplôme de loi de Georgetown University,
15 alors que la licence vient de Harvard. Est-ce exact ?
16 R. Oui.
17 Q. Votre carrière concerne le Sénat des Etats-Unis au sein du comité
18 chargé des relations étrangères de 1972 à 1993 ?
19 R. Oui.
20 Q. Au cours de la période qui a suivi, vous avez travaillé en tant que
21 conseiller haut placé, vous avez eu comme mandat de traiter des
22 emplacements difficiles à travers le monde. Bien sûr, vous êtes allé quatre
23 fois dans la région de l'ex-Yougoslavie en 1991 et 1992 ?
24 R. C'est exact.
25 Q. Le résultat de cela a été votre rapport soumis au comité concernant les
26 nettoyages ethniques en Bosnie-Herzégovine ?
27 R. C'est exact.
28 Q. Vous avez été nommé au poste d'Ambassadeur des Etats-Unis en Croatie,
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1 vous étiez le premier ambassadeur au sein de la République indépendante de
2 Croatie en juin 1992, et vous y êtes resté jusqu'en janvier 1998 ?
3 R. Oui.
4 Q. Vous avez enseigné pendant plusieurs années aux Etats-Unis, n'est-ce
5 pas ?
6 R. Pardon. Vous avez dit juin 1992 ? C'était juin 1993.
7 Q. Merci. Je me suis mal exprimé, merci de cette correction.
8 Vous avez enseigné au Collège de guerre national des Etats-Unis de
9 1998 à 2003 ?
10 R. Oui. Je l'ai fait pendant une certaine période, mais j'ai passé
11 une période au Timor oriental.
12 Q. Ce travail concernait le cabinet électoral et constitutionnel des
13 membres chargés des affaires politiques au sein du gouvernement intérimaire
14 pendant sa constitution; est-ce exact ?
15 R. Oui, c'est exact.
16 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on présenter
17 maintenant au témoin la pièce à conviction 5206 en vertu de l'article 65
18 ter. Je veux dire -- l'huissier me devance.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose qu'il n'y a pas de problème
20 pour que l'on remette les déclarations au témoin pour qu'il les ait devant
21 lui.
22 M. TIEGER : [interprétation]
23 Q. Monsieur l'Ambassadeur, nous avons un problème de débit, et c'est moi
24 qui en suis coupable. Donc je souhaite vous rappeler qu'il faut faire une
25 pause entre les questions et les réponses pour permettre aux interprètes de
26 vous suivre. Je vais essayer de faire un effort délibéré afin de parler
27 plus lentement. Ça va leur faciliter la tâche ça aussi.
28 Monsieur l'Ambassadeur, si l'on examine cette pièce à conviction qui est
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1 devant nous, s'agit-il d'une déclaration que vous avez fournie au bureau du
2 Procureur ?
3 R. Oui.
4 Q. Avez-vous parcouru ce document avant de venir déposer ici ?
5 R. Oui.
6 Q. Est-ce que ceci reflète de façon exacte les informations que vous avez
7 fournies au bureau du Procureur ?
8 R. Oui.
9 Q. Est-ce que les informations contenues dans cette déclaration sont
10 exactes et correctes au mieux de vos connaissances ?
11 R. Oui, sous réserve de certaines corrections qui ont été apportées dans
12 la déclaration supplémentaire qui a été préparée lors des entretiens avec
13 vous.
14 Q. Merci. Et si on vous posait les mêmes questions au sujet des mêmes
15 sujets aujourd'hui, sous réserve de ce que vous venez de dire, est-ce que
16 les informations auraient été les mêmes ?
17 R. Oui.
18 M. TIEGER : [interprétation] Je souhaite à présent présenter la feuille
19 d'information supplémentaire au témoin. Il s'agit du document 5235 en vertu
20 de l'article 65 ter.
21 Q. Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que ce document contient les corrections
22 apportées à votre déclaration précédente que vous avez mentionnée, de même
23 que les informations supplémentaires concernant cette déclaration ?
24 R. Oui.
25 Q. Est-ce que vous avez eu l'occasion de parcourir ce document avant de
26 venir déposer ?
27 R. Oui.
28 Q. Est-ce que ceci reflète de façon exacte les informations que vous avez
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1 fournies au bureau du Procureur ?
2 R. Oui.
3 Q. Est-ce que les informations contenues dans ce document sont exactes et
4 correctes au mieux de vos connaissances ?
5 R. Oui.
6 Q. Si on vous posait les mêmes questions au sujet des mêmes sujets ici
7 dans ce prétoire aujourd'hui, est-ce que vos réponses auraient été les
8 mêmes ?
9 R. Oui.
10 M. TIEGER : [interprétation] Je souhaite proposer le versement au dossier
11 des deux documents.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe.
13 M. KEHOE : [interprétation] J'ai une question par rapport à la déclaration
14 principale du témoin. La question est de savoir à quel moment elle a été
15 terminée. Evidemment, ceci n'a pas été signé. Je ne pense pas qu'une date a
16 jamais été fournie. Et il n'y a pas de date de finalisation de ce document.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A la première page, page de garde, M.
18 Tieger dit que c'est le 5 février, pardon le 22 février 2007 -- non. C'est
19 le 5 février 2008, et nous avons la date de l'entretien en tant que 22
20 février et 13 avril 2007. Je ne sais pas ce qui est impliqué par la date du
21 5 février 2008 que nous avons à la page de garde.
22 M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, en ce qui concerne
23 la finalisation, apparemment ça a eu lieu plus ou moins à la date qui
24 figure sur le document. L'ambassadeur a parcouru et approuvé le contenu du
25 document à un moment donné, un peu avant cela. Effectivement une certaine
26 période de temps s'est écoulée entre les deux, une période relativement
27 longue entre la date du dernier entretien et la finalisation du document.
28 Le témoin n'en est pas responsable. Simplement ceci est dû au fait que l'on
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1 espérait avoir d'autres occasions de traiter de ces questions. Ensuite,
2 lorsque le procès commençait déjà, le document devait être finalisé.
3 M. KEHOE : [interprétation] Normalement nous avons une page indiquant que
4 le témoin a signé le document à un moment donné.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que le témoin a déposé au sujet
6 du fait que c'est la déclaration qu'il a faite, et ceci remplace la
7 signature à mon avis.
8 M. KEHOE : [interprétation] Je comprends cela, mais la question est
9 simplement de savoir à quel moment ce document a été finalisé. En réalité,
10 si c'est après le 13 avril 2007, je souhaite savoir quand.
11 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas la date précise, mais je pense que
12 c'était fin janvier lorsque le témoin a finalisé cela ou peut-être à un
13 autre moment du mois de janvier. Ensuite, nous avons la feuille
14 supplémentaire.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque l'on parle de la "finalisation"
16 du texte vous voulez dire, après avoir parcouru le texte écrit et compte
17 tenu de ce que le témoin a dit lors de l'entretien; et ensuite après avoir
18 trouvé un accord sur cela comme texte de sa déclaration ?
19 M. TIEGER : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
21 M. KEHOE : [interprétation] La seule autre question concerne le fait que
22 l'on réserve le droit d'exprimer nos objections, droit que nous avons
23 évoqué tout à l'heure. Je n'ai pas d'objection. Concernant la déclaration
24 supplémentaire, je vais parler avec les conseils à ce sujet et
25 effectivement certains sujets soulevés avant l'arrivée du témoin y sont
26 mentionnés. Bien sûr, notre objection exprimée précédemment est maintenue.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
28 Les autres équipes de la Défense ?
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1 Monsieur Kuzmanovic.
2 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'ai la même attitude que ce que Me Kehoe
3 a dit au sujet des objections.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kay.
5 M. KAY : [interprétation] Non.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc la position est la même s'agissant
7 des trois équipes de la Défense. Nous parlons tout d'abord de la
8 déclaration du 5 février 2008 à la page de garde, nous y trouvons les dates
9 des entretiens, le 22 février et le 13 avril 2007.
10 Il s'agit du document 5206 en vertu de l'article 65 ter. Le numéro
11 n'apparaît pas sur la dernière liste. C'est ce dont on parle, Maître Kehoe
12 ? Et la Chambre a reçu un exemplaire de cela seulement à 9 heures moins 11,
13 ce matin. Donc nous devons vérifier si nous ne l'avons pas encore vu.
14 Est-ce qu'il y a des objections ou bien est-ce que votre position
15 inclut la feuille d'information supplémentaire ?
16 M. KEHOE : [interprétation] Ma position inclut l'autre feuille
17 supplémentaire.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que les autres conseils de
19 la Défense ne font pas objection à cette position.
20 Donc il s'agit du document 5235, en vertu de l'article 65 ter.
21 Monsieur le Greffier, quel sera le numéro
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] P445.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P445 est versé au dossier.
24 Vous pouvez poursuivre.
25 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
26 Je souhaite que l'on traite aussi vite que possible des pièces à
27 conviction. Je propose comme suit : s'agissant des pièces à conviction dont
28 il a été question et qui ont été mentionnées dans la déclaration, il
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1 s'agirait -- en fait je vais les décrire au fur et à mesure : il y a P 2
2 [comme interprété], c'est un télégramme chiffré, 07-0037; numéro 5201 en
3 vertu de l'article 65 ter, c'est un télégramme chiffré de l'ambassade
4 américaine, 07-70-0079; ensuite le numéro 4028 en vertu de l'article 65
5 ter, les transcriptions présidentielles du 7 août 95; 2222 en vertu de
6 l'article 65 ter, les transcriptions présidentielles en date du 3 août
7 1995; ensuite le document 650 en vertu du 65 ter, les transcriptions
8 présidentielles en date du 18 août 1995; ensuite 2814 en vertu de l'article
9 65 ter, conversation interceptée électronique des dirigeants de la RSK en
10 date du 4 août 1995; ensuite les extraits du livre intitulé les "Etats-Unis
11 et la Croatie, une histoire documentaire" en date du 2 juin 1994 et 29 juin
12 1994. Le numéro de pièce à conviction s'agissant de ce livre est 2575 en
13 vertu de l'article 65 ter.
14 Donc compte tenu du versement au dossier de la déclaration, je demande
15 également le versement au dossier de ces documents-là.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il des objections ?
17 M. KEHOE : [interprétation] Tout d'abord, Monsieur le Président, je pense
18 que s'agissant du document dont le numéro 65 ter est 4028, il a déjà été
19 versé au dossier.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il apparaît sur ma liste en tant
21 que D256 [comme interprété].
22 M. KEHOE : [interprétation] Puis l'Accusation a parlé des extraits du
23 livre, mais j'ai juste deux extraits mentionnés sur la liste 65 ter, il
24 s'agit de 2575 alors qu'il a mentionné six aspects. Si le conseil ne
25 souhaite proposer que les deux premiers --
26 M. TIEGER : [interprétation] J'accepte tout à fait que tous les extraits
27 soient admis, mais ces deux-là ont été précisément mentionnés dans la
28 déclaration.
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1 M. KEHOE : [interprétation] Bien.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous avez quand même mentionné les
3 dates du 2 juin et du 29 juin, donc par la suite est-ce que vous pourriez
4 proposer le versement au dossier des autres quatre ?
5 M. TIEGER : [interprétation] C'est une très bonne idée.
6 M. KEHOE : [interprétation] En ce qui concerne le reste des documents, je
7 pense qu'il faut les traiter comme une seule pièce à conviction.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et je vois que les autres conseils
9 de la Défense sont d'accord.
10 M. KEHOE : [interprétation] En ce qui concerne les transcriptions
11 présidentielles, nous faisons nos recherches concernant la question liée à
12 ces transcriptions et nous pouvons continuer l'interrogatoire de ce témoin,
13 mais nous réservons notre position concernant le versement au dossier
14 pendant sept jours. Nous allons vous faire part de nos conclusions lundi
15 suivant.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Monsieur Tieger, je ne sais pas
17 dans quelle mesure vous allez être dérangé si nous n'avons pas d'indice
18 concernant les transcriptions s'agissant de deux transcriptions
19 présidentielles mentionnées par M. Kehoe. Il s'agit de 2222 en vertu du 65
20 ter. L'autre n'a pas été versé au dossier, celui du 29 octobre 1993.
21 Vous ne l'avez pas mentionné.
22 M. TIEGER : [interprétation] Oui je pense que je ne l'ai pas fait. Ça doit
23 être 816 de la liste 65 ter.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que je me trompe, mais je
25 crois que vous n'avez pas mentionné celui-ci ? Je vois du moins que mon
26 personnel est d'accord avec moi, c'est rassurant. Bon.
27 M. TIEGER : [interprétation] En accord avec votre suggestion concernant les
28 extraits du livre, je demanderais également que d'autres transcripts
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1 présidentiels qui sont sur la liste, les entretiens ont été enregistrés et
2 ensuite transcrits et auxquels le témoin a participé, je ne vais pas
3 évidemment pouvoir les traiter tous, mais je pense que ce n'est pas
4 contestable et que je pourrais pour la raison de sa participation demander
5 leur versement à l'exception de celui du 11 août.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sur ma liste, j'ai d'autres transcripts
7 présidentiels, y compris 816. Est-ce que vous demanderez son versement
8 également ?
9 M. TIEGER : [interprétation] Oui, ensuite 3347 --
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- puis 2368. En tout, quatre ?
11 M. TIEGER : [interprétation] Le 4053 également.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais 4053, l'indication ici n'est
13 pas un transcript présidentiel, mais le PV de la réunion du 10 août.
14 M. TIEGER : [interprétation] Oui, mais cela tombe dans la même catégorie de
15 documents, seulement le nom a été différemment indiqué. Voilà. Et le
16 dernier également, c'est le procès-verbal de la réunion du 11 août.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Compte tenu des documents qui ont
18 été mentionnés auparavant et de ces documents qui ont été rajoutés
19 ultérieurement, donc 816; 4053 du 10 août; puis 3347, transcript
20 présidentiel, celui-ci date du 16 août 1995; et 2368, du 14 septembre 1995.
21 Y a-t-il des objections ?
22 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi. Encore un, s'il vous plaît.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que votre liste se
24 rallonge.
25 M. TIEGER : [interprétation] Il y a également 4476 [comme interprété], qui
26 est le transcript présidentiel du 17 janvier 1995.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et c'est celui qui a été rajouté.
28 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que ce document a été communiqué à la
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1 Défense, et j'espère que la Chambre a reçu un exemplaire de ce document.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous n'avons pas reçu de copie de ce
3 document, mais l'annonce que vous pourriez bien l'utiliser.
4 M. TIEGER : [interprétation] Oui, je vois que dans la description du
5 document on parle du 17 juillet, et non pas du 17 janvier. Alors que le
6 numéro de référence est le même.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est juillet ou janvier ?
8 M. TIEGER : [interprétation] Janvier.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. C'est dans votre message
10 électronique que cette erreur s'est glissée. Bien.
11 Maintenant, sur votre liste précédente, nous avons rajouté 816, 4053,
12 4064, 3347, 2368 et 4476 -- qu'avez-vous à dire ?
13 M. KEHOE : [interprétation] Je crois qu'il s'agit du document 4474,
14 Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est moi qui ai fait une erreur. Ou
16 plutôt c'est M. Tieger qui l'a faite, parce que c'est ce qui est indiqué
17 dans le compte rendu, ce que j'ai noté ici correspond tout à fait à ce qui
18 est dans le compte rendu.
19 Vous avez bien dit 4474, Monsieur Tieger.
20 M. TIEGER : [interprétation] Ça devrait être 4474 et non pas 76.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors maintenant enfin on a tout
22 ça comme il faut.
23 Y a-t-il des objections ?
24 M. KEHOE : [interprétation] Je maintiens le même commentaire comme par
25 rapport à d'autres pièces à conviction dont on a parlé, donc je me réserve
26 le droit de faire mes commentaires ultérieurement. Je pense que cela
27 n'empêchera pas d'interroger le témoin, tout en utilisant les cotes
28 provisoires aux fins d'identification de ces transcripts pour les besoins
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1 de l'interrogatoire, en attendant la décision.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est très bien. Parfois on accepte cela
3 en l'absence d'une objection tout à fait claire, ce qui nous permet ensuite
4 de revoir notre décision. La Chambre peut parfois se décider à déterminer
5 une cote provisoire, parfois même à verser les documents, c'est une
6 solution pratique en attendant éventuellement d'examiner la décision, le
7 cas échéant.
8 M. KEHOE : [interprétation] Bien. Les documents seront versés, mises à côté
9 les questions liées à l'authenticité des documents --
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
11 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Maintenant le greffier va nous
13 lire les numéros.
14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Alors 5200 deviendra P446; ensuite 5201
15 sera P447; puis 2222 sera P448; ensuite 650 sera 449; puis 2814 sera P450;
16 ensuite 2575 sera P451; ensuite 816 sera P452; puis 3347 deviendra P453; et
17 2368 sera P454; et 4053 sera 455; 4064 sera P456; et enfin 4474 sera P457.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Toutes ces pièces sont versées au
19 dossier. J'aimerais juste dire que la pièce P451 comprend six extraits du
20 livre.
21 Allez-y, Monsieur Tieger.
22 M. TIEGER : [interprétation] Bien.
23 Avant, je dois dire que je n'ai pas tout à fait compris l'objection
24 de la Défense ou dans quelle mesure il est nécessaire pour moi d'examiner
25 en profondeur avec le témoin ces documents. Par exemple, le transcript du
26 11 août, ce sont les procès-verbaux des réunions que le témoin a eu
27 l'occasion d'examiner et de réfléchir sur des thèmes qui avaient été
28 abordés. Peut-être que je pourrais pendant la pause rencontrer mon confrère
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1 et voir ce qu'il souhaite exactement.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Le problème, c'est que la Défense
3 est encore en train d'établir quels pourront être les problèmes et
4 difficultés, c'est ça qui fait que peut-être la situation n'est pas tout à
5 fait claire.
6 Si Me Kehoe a quelque chose à nous dire qui pourrait nous être utile
7 et s'il considère qu'il y a quelque chose qui pourrait être un document qui
8 pourrait être versé par le témoin, évidemment qu'il ne faudrait pas perdre
9 l'occasion de le faire.
10 M. KEHOE : [interprétation] Oui. Je pense que cela ne bloquera pas
11 inutilement l'interrogatoire de l'ambassadeur. De toute façon nous allons
12 nous rencontrer pendant la pause pour déterminer notre position.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Merci.
14 M. TIEGER : [interprétation] Maintenant j'aimerais lire le résumé de la
15 déclaration en application de l'article 92 ter.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Allez-y. C'est pour le
17 public.
18 M. TIEGER : [interprétation] Peter Galbraith était l'ambassadeur des Etats-
19 Unis en Croatie entre le 24 juin 1993 et le 3 janvier 1998. En cette
20 qualité, il a eu des contacts nombreux avec des membres des dirigeants
21 croates, des dirigeants des Serbes de Krajina, des représentants de la
22 communauté internationale, et toutes autres sortes de contacts dans la
23 région en question.
24 L'ambassadeur Galbraith a participé activement dans la recherche d'une
25 solution pacifique entre les Croates et les Serbes de Krajina, y compris en
26 essayant de convaincre les deux côtés d'accepter le plan Z-4. Mais quand
27 l'opération Tempête est devenue imminente, il a rencontré le président
28 Tudjman le 1er août 1995 à Brioni et il a conseillé le président Tudjman de
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1 veiller à protéger les civils serbes et le personnel des Nations Unies en
2 cas d'une attaque.
3 Le 2 août, il a rencontré Milan Babic en essayant de le convaincre
4 d'accepter le plan Z-4 afin d'éviter la guerre. Babic a accepté les
5 conditions. Et le 3 août, au moment où les négociations se déroulaient à
6 Genève, il a rencontré le président Tudjman afin de lui expliquer sa
7 réunion avec Babic et la possibilité de trouver une solution pacifique --
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.
9 M. TIEGER : [interprétation] Le président Tudjman a exprimé son
10 scepticisme, il ne s'attendait pas à ce que Babic tienne ses engagements et
11 il était clair pour l'ambassadeur Galbraith que l'attaque allait se
12 poursuivre.
13 Dans le cadre de son travail l'ambassadeur Galbraith a eu des
14 contacts réguliers et approfondis avec Franjo Tudjman et d'autres
15 dirigeants croates, et il a pu apprendre quelles étaient leurs positions,
16 leurs avis concernant la présence de Serbes en Croatie. Le président
17 Tudjman croyait que les Etats devaient être ethniquement homogènes ou
18 presque homogènes.
19 Il en était convaincu et il disait que les Serbes en Croatie et
20 notamment en Krajina étaient trop nombreux et représentaient une menace
21 stratégique pour la Croatie. Il était pour les transferts de population
22 afin de créer des Etats ou des régions ethniquement homogènes, par exemple,
23 en échangeant -- il a également eu les mêmes positions à l'égard des
24 Musulmans. Il considérait que les arguments qu'il avait par rapport aux
25 Serbes et aux Musulmans étaient incontestables et qu'il n'y avait pas
26 besoin d'essayer de les déguiser.
27 Après l'opération Tempête, le président Tudjman a clairement expliqué à
28 l'ambassadeur Galbraith que les Serbes qui étaient partis ne devaient plus
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1 revenir. Les mesures ont été imposées afin de s'assurer que les Serbes ne
2 devront plus de fait retourner, y compris en introduisant les lois
3 permettant la confiscation de la propriété ou empêchant les habitants de
4 retourner après leur avoir accordé seulement 30 jours à peu près. Même si
5 les délais ont été prolongés sous pression, il y a eu d'autres moyens qui
6 ont été imposés afin de prévenir les Serbes de réagir dans les délais et
7 rendant impossible une action afin de récupérer leurs propriétés. Entre-
8 temps, une grande partie des propriétés serbes a été systématiquement
9 détruite par les forces armées croates. L'ambassadeur Galbraith a reçu des
10 informations de plusieurs sources sur des crimes et sur la destruction
11 systématique et à grande échelle des propriétés serbes et des meurtres. Ce
12 qu'il a pu observer lui-même était consistant avec ce qu'il a entendu.
13 L'ambassadeur Galbraith était d'avis que ces destructions n'auraient pas dû
14 avoir lieu et qu'elles ne pouvaient pas avoir lieu sans ordre, autorisation
15 ou accord de la direction croate. Il a sans cesse essayé d'en discuter avec
16 les dirigeants croates, discuter des crimes contre les Serbes et les biens
17 serbes et les obstacles qui ont été posés afin d'empêcher le retour des
18 Serbes.
19 En réponse, tout d'abord, il y a eu le déni, puis reconnaissance que
20 cela ait pu avoir lieu, mais tout en disant que c'était l'œuvre des civils
21 croates revenant dans cette région et que c'était en dehors du contrôle de
22 la direction. Bien que la pression de la communauté internationale a eu des
23 effets positifs pendant cette période-là, concernant notamment le droit de
24 retour et les destructions qui se sont réduites, à la fin quasiment tout a
25 été a été pillé ou détruit.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ça pourrait être important, page 29,
27 ligne 7, peut-être dans le compte rendu en français il n'a pas été dit que
28 : "Les meurtres ont été de grande envergure." Voilà, c'est tout simplement
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1 pour les besoins du compte rendu.
2 Allez-y, maintenant, vous pouvez poursuivre.
3 M. KEHOE : [interprétation] J'aimerais soulever une objection. Je ne le
4 fais pas d'habitude s'agissant de résumé, mais étant donné qu'à mon avis
5 cela ne reflète pas tout à fait précisément ce que l'ambassadeur a déclaré
6 au sujet de l'opération Tempête.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je vous suggère la chose suivante
8 : vous pouvez informer M. Tieger pendant la pause, ce que vous avez à lui
9 dire au sujet de ce résumé, quels sont les points de désaccord. Ensuite
10 vous voyez, vous et M. Tieger, s'il est d'accord ou pas. Vous pouvez nous
11 faire une proposition conjointe portant sur des modifications éventuelles
12 de ce résumé, ou sinon informez tout simplement la Chambre que vous n'êtes
13 pas d'accord. Bien évidemment, je suis tout à fait d'accord avec vous que
14 le public doit être informé précisément du contenu de sa déclaration.
15 M. KEHOE : [interprétation] Merci.
16 M. TIEGER : [interprétation]
17 Q. Bonjour, bienvenue, Monsieur l'Ambassadeur.
18 R. Bonjour.
19 Q. Nous avons déjà dit que vous avez commencé votre mandat d'ambassadeur
20 en juin 1993. Pourriez-vous, s'il vous plaît, décrire à la Chambre quelles
21 étaient les conditions qui prévalaient à l'époque et quels étaient leurs
22 effets sur vos activités et sur vos priorités ?
23 R. La guerre en ex-Yougoslavie durait déjà depuis deux ans, 29 % des
24 territoires de la République de Croatie étaient occupés par des rebelles
25 serbes soutenus par la Serbie. En Bosnie-Herzégovine, il y avait une guerre
26 entre les trois parties, les Serbes de Bosnie, le gouvernement de Bosnie et
27 le HVO. Des centaines de milliers de réfugiés se trouvaient en Croatie,
28 peut-être même 600 ou 700 000 réfugiés qui ont traversé la Croatie. Le
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1 comité international et mon pays y compris ne savaient plus que faire. Je
2 suis arrivé là-bas en tant que premier ambassadeur dans des conditions qui
3 étaient telles que les Etats-Unis avaient failli ne pas envoyer un
4 ambassadeur en signe de protestation pour ce que la Croatie faisait en
5 Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire à cause de son soutien au HVO qui
6 combattait et commettait des atrocités contre les Musulmans de Bosnie et le
7 gouvernement bosniaque.
8 Je devrais tout d'abord vous dire que j'ai compris immédiatement qu'il n'y
9 allait pas y avoir de solution pour ce conflit si l'on n'arrive pas à
10 mettre un terme aux combats entre les Musulmans et les Croates. Donc
11 c'était ça mon premier objectif au début. Avant d'y parvenir, évidemment
12 pendant l'été 1993, j'ai coopéré avec des dirigeants croates en essayant de
13 faire sortir des prisonniers des camps et afin que moins d'atrocités soient
14 commises. En 1994, alors le gros de mes activités a été concentré sur les
15 accords de paix entre le gouvernement de Bosnie et les Croates de Bosnie.
16 Nous avons réussi, fin février ou début mars 1994, à faire accepter
17 l'accord de Washington par lequel la fédération de Bosnie-Herzégovine a été
18 créée et par lequel un terme a été immédiatement mis à la guerre entre les
19 Musulmans et les Croates.
20 A ce moment-là, sur demande du président Tudjman, je me suis
21 concentré sur les négociations entre Zagreb et les Serbes de Knin afin
22 d'essayer de trouver une solution politique pour cette situation en
23 Croatie. Cela s'est passé sous les auspices des Nations Unies. Ensuite j'ai
24 créé un groupe avec les représentants des Nations Unies de la Russie et de
25 l'Union européenne connue sous le nom Z-4. Nous avons suivi un processus
26 tripartite ayant pour objectif de trouver une solution pacifique pour la
27 Croatie. Tout d'abord un cessez-le-feu qui a été négocié avec succès en
28 mars 1994. Ensuite un accord sur établissement de confiance en décembre
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1 1994. Ensuite des mesures de nature politique qui en toutes fait partie de
2 plan Z-4 et qui devait fournir une autonomie considérable aux Serbes de
3 Krajina, à l'intérieur des frontières internationales et connues comme
4 frontière de Croatie. Alors ce plan a été présenté à toutes les parties, et
5 non pas seulement comme un document dont on devait négocier en janvier
6 1995. Le président Tudjman a accepté ce document difficilement, mais il a
7 accepté de négocier, mais Milan Martic a refusé de toucher le document, il
8 a refusé de le recevoir et à ce moment-là les tentatives de négociations
9 ont tout simplement échoué. J'ai essayé évidemment de les relancer plus
10 tard, mais sans succès.
11 Ensuite, pendant la période de mai à juillet 1994, la situation s'est
12 vraiment détériorée, des membres des forces des Nations Unies, des forces
13 de maintien de paix, ont été pris pour otages, ensuite il y a eu en juillet
14 les attaques contre les enclaves de Srebrenica et Zepa, la chute de ces
15 enclaves; puis l'attaque contre Bihac menée par la VRS, l'armée des Serbes
16 de Bosnie puis par l'armée de la Republika Srpska Krajina, ce sont les
17 rebelles croates.
18 A ce moment-là, le gouvernement croate a décidé que c'était le bon
19 moment d'engager une action militaire pour récupérer le territoire croate.
20 Cela a été le début de toute une série d'événements qui ont conduit à
21 l'opération Tempête.
22 Q. Peut-être qu'il y a une erreur, Monsieur l'Ambassadeur.
23 Ligne 32 -- ou plutôt page 32, lignes 20 à 21 où vous avez fait référence
24 aux rebelles croates. Je pense que vous vouliez dire l'armée des rebelles
25 serbes. C'est ce que vous vouliez dire ?
26 R. Oui, oui, je pensais aux rebelles serbes, mais qui étaient citoyens de
27 la République de Croatie.
28 Q. Vous souvenez-vous à quel moment vous avez appris l'existence des plans
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1 de la République de Croatie portant sur des opérations militaires en
2 direction de la Krajina ? A ce propos, il serait peut-être bien que vous
3 examiniez un autre document qui figure sur notre liste de pièces à
4 conviction, c'est le numéro 5231 de la liste 65 ter.
5 M. TIEGER : [interprétation] C'est le journal diplomatique de l'ambassadeur
6 Galbraith. Peut-on afficher ce document à l'écran, s'il vous plaît ?
7 Q. Je pense que c'est dans le classeur qu'on vous a passé, derrière le
8 troisième intercalaire.
9 R. Je l'ai trouvé.
10 Q. Bien. Maintenant on voit des notes qui portent de juin à novembre 1995.
11 C'est sûr que vous connaissez bien ce document. Pourriez-vous nous dire à
12 quel moment ces annotations ont été faites ?
13 R. En général, au quotidien; c'était soit le soir même, soit le lendemain
14 des événements qui sont décrits dans ce journal. Parfois il est arrivé
15 qu'un peu plus de temps se soit écoulé entre l'événement lui-même et les
16 annotations, parce que tout simplement j'étais absent de la ville ou que
17 j'étais trop occupé ou je ne sais pas. Mais bon, parfois quelques jours
18 pouvaient passer entre les deux.
19 Q. Bien. Peut-on passer à la 20 de ce document ? Il s'agit en fait du mois
20 de juillet, du 24 juillet 199.
21 R. Oui.
22 Q. Il est indiqué à la première phrase "Guerre imminente. Le plan croate
23 consistait à se déplacer demain vers 4 heures du matin vers Bosanska
24 Grahovo. Les Croates semblent vouloir se déplacer demain, cela contre
25 l'artillerie dans le secteur sud. Il y a des plans d'attaque des villes,
26 des plans d'attaque des villes de la côte, ensuite de bifurquer sur la
27 gauche à Grahovo et de se déplacer jusqu'à Knin."
28 Ça c'est la page 20 du document.
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1 Monsieur l'Ambassadeur, à ce moment-là il y avait un plan qui
2 envisageait une opération en Krajina; est-ce que vous en étiez informé à
3 cette époque-là ?
4 R. Moi, j'ai été informé avant ce moment-là. Je pense -- ou plutôt la
5 première fois que l'on m'avait parlé d'une opération, que l'on m'a dit
6 qu'il y allait y avoir une opération, c'est le jour où j'ai emmené
7 l'attaché de la Défense, le colonel Rick Herrick; en fait il allait
8 remplacer son prédécesseur et c'est là que l'on m'a parlé de ce plan
9 d'attaque militaire pour la Krajina.
10 M. KEHOE : [interprétation] Je dirais qu'il est indiqué que dans le journal
11 de bord, justement pour être un peu plus précis il est question du 10 juin.
12 Il s'agit du deuxième paragraphe, page 12.
13 L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète: il s'agit de la fête du départ
14 du colonel Rick Herrick qui avait été remplacé par John Sadler.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai su avant le 10 juin, d'ailleurs cela a
16 été consigné dans de nombreux documents. Le plan de Tudjman en 1994
17 consistait à s'emparer militairement de la Krajina, et c'est vrai que cela
18 a été écrit ce jour-là. Nous, nous pensions qu'il allait le faire à la fin
19 du mandat des Nations Unies, à savoir 30 novembre. Pourquoi ? Parce que
20 c'était une période de l'année où pour des raisons climatiques il aurait
21 été très difficile à la Serbie de réapprovisionner la Krajina tout en étant
22 encore relativement facile pour les forces croates d'envisager des attaques
23 à partir de la Croatie; en plus cela n'aurait pas trop quand même causé de
24 dégâts pour les activités touristiques en Croatie.
25 Alors cela a été plus tard qu'en juillet parce qu'il y avait ce qui
26 s'était passé à Srebrenica et à Zepa, puis il y avait la crise de Bihac.
27 Donc ces plans ont été avancés pour deux raisons : premièrement, parce
28 qu'il y avait Bihac. Et la dernière chose que les Croates souhaitaient
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1 c'était la chute de Bihac, ensuite vous auriez eu une seule entité serbe,
2 la Krajina et la Bosnie. Vous auriez également eu 160 000 personnes qui se
3 seraient rendues en Croatie comme des réfugiés, et je peux vous dire que
4 c'était véritablement la dernière chose que les Etats-Unis voulaient voir
5 d'ailleurs.
6 Mais la décision de le faire ou de prendre des mesures en juillet, en
7 fait ce que je dirais ce n'est pas que la Croatie a avancé la date de
8 l'opération jusqu'après Srebrenica et jusqu'à la crise de Bihac, moi, j'ai
9 été informé très peu de temps après que la Croatie ait pris une décision;
10 et c'était une décision prise de façon provisoire. Ce n'était même pas une
11 décision définitive. D'ailleurs si vous regardez le texte, vous verrez que
12 même la veille, en fait je dirais que c'est le 20 juillet qu'ils ont
13 commencé à prendre la décision que c'était le moment d'agir.
14 M. TIEGER : [interprétation] Je ne sais pas, je remarque l'heure, je ne
15 sais pas si vous souhaitez faire la pause mais je voulais quand même
16 préciser certaines choses à l'intention du greffier, parce que je pense
17 qu'il y a une question qui a été posée à propos des numéros de pages
18 auxquelles a fait référence le conseil, il s'agit en fait de la date du 10
19 juin, et cela figure à la page 12 du journal de bord.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, moi je l'ai trouvé. Oui, oui, page
21 12, deuxième paragraphe, il s'agit effectivement du 10 juin. Mais de toute
22 façon ce document ne va pas être versé au dossier. Est-ce que vous avez
23 l'intention, Monsieur, de le faire ?
24 M. TIEGER : [interprétation] Oui.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, vous avez des objections ?
26 M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Pas d'objection de la part de la
28 Défense.
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1 Donc vous avez les inscriptions dans le journal de bord de juin-
2 novembre 1995 pour ce témoin, Monsieur le Greffier.
3 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça deviendra la pièce P458.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P458 est versée au dossier.
5 Monsieur Tieger, je pense que nous devrons faire la première pause.
6 Nous allons avoir une pause de 25 minutes et nous reprendrons à 11
7 heures.
8 --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.
9 --- L'audience est reprise à 11 heures 13.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, je vous en prie.
11 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
12 Avant que nous ne commencions, j'aimerais indiquer à la Chambre qu'il
13 semblerait que l'une des pages du journal de bord diplomatique n'a pas été
14 copiée dans le système électronique, il s'agit de la page où est indiqué
15 29. Il semblerait que c'est une page qui aurait été montrée entre la page
16 22 et la page 23, pour la version électronique j'entends. Et les pages ou
17 la numérotation du journal de bord ne correspond pas exactement à la
18 numérotation retenue par le système électronique.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et apparemment, on a le même problème
20 pour les copies papier.
21 M. TIEGER : [interprétation] Oui, j'ai des exemplaires de cela. Bien
22 entendu, j'ai vérifié cela auprès de M. Kehoe et il a un exemplaire de
23 cette page qui a été copiée au journal de bord. Mais si les autres conseils
24 ont besoin de ces pages, je pourrais leur donner la page qui fait défaut.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ça nous évitera de l'imprimer.
26 Maître Kehoe.
27 M. KEHOE : [interprétation] Je voulais parler d'autre chose. J'en ai
28 d'ailleurs déjà parlé avec M. Tieger. Il s'agit du compte rendu d'audience.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne s'agit pas en quelque sorte
2 d'authenticité, mais plutôt d'une erreur ?
3 M. KEHOE : [interprétation] Oui. En fait lorsque j'aurai obtenu de plus
4 amples renseignements, vous serez informé.
5 Mais j'aimerais dire pour préciser la situation, Monsieur le
6 Président, qu'à la page 34, ligne 19, je pense que certaines préoccupations
7 ont été exprimées à propos de la date qui figure à cette ligne. Je pense à
8 la date, année y compris. Il se peut que je n'ai pas très bien entendu le
9 témoin, mais --
10 M. TIEGER : [interprétation] Je ne sais pas s'il s'agit d'une erreur, mais
11 je pense qu'on pourrait poser la question au témoin, ce serait peut-être la
12 meilleure méthode.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien entendu, c'est effectivement
14 la meilleure méthode; sinon Me Kehoe aura toujours la possibilité de lui
15 poser la question pendant le contre-interrogatoire.
16 M. TIEGER : [interprétation]
17 Q. J'aimerais que nous revenions sur cette partie du compte rendu
18 d'audience. Il s'agit de la page 34. Une question vous avait été posée à
19 propos de la date. On vous a demandé de préciser la date, quand est-ce que
20 vous avez entendu pour la première fois qu'il y aurait une opération
21 militaire en Krajina, et vous avez dit à la ligne 17 : "Laissez-moi
22 préciser quelque chose. Je l'ai su avant le 10 juin, ce qui figure dans de
23 nombreux documents. Il y avait ce plan de Tudjman en 1994 qui voulait
24 investir militairement la Krajina."
25 Et pour ce qui correspond à cette date, il est indiqué : "Nous avons
26 pensé que cela se ferait à la fin du mandat des Nations Unies après le 30
27 novembre."
28 La question, Monsieur l'Ambassadeur : est-ce que vous vouliez parler
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1 de 1994 véritablement ?
2 R. Je vous remercie. Non, je voulais parler de l'année 1995, car le mandat
3 des Nations Unies était un mandat de huit mois me semble-t-il. Donc à
4 partir du mois de mars jusqu'à la fin du mois de novembre. Et c'est à la
5 fin de ce mois de novembre 1995 que Tudjman avait prévu d'investir la
6 Krajina.
7 Puisque nous parlons de cela, je pense que je pourrais apporter une
8 autre précision justement à ce sujet.
9 C'est le 21 juillet que je suis allé à Brioni - toujours de l'année
10 1995 - je suis allé dîner avec le président et c'est là que Susak, le
11 ministre de la Défense, m'a indiqué qu'il allait y avoir une opération
12 militaire. C'est un peu plus tard, le 22 juillet, que j'ai eu ce déjeuner
13 avec le colonel Sadler et le colonel Herrick. C'est à ce moment-là que
14 Susak nous a donné la date. Mais c'est le 21 que la première fois il m'en a
15 parlé, et d'après les propos de Tudjman, il était évident que Tudjman avait
16 pris la décision d'aller de l'avant pour ce qui était de cette opération
17 militaire qui avait des liens avec la crise de Bihac.
18 Q. Merci, Monsieur l'Ambassadeur.
19 Justement, à propos de la crise de Bihac, il est également mentionné
20 dans votre déclaration, je pense au paragraphe 19 -- il s'agit de votre
21 déclaration 92 ter, pièce P444, paragraphes 19 et 20, vous aviez indiqué
22 que pendant la même période, il y avait des menaces qui avaient été
23 exercées sur Bihac. Vous dites au paragraphe 20 : "Il y avait une
24 hiérarchie parmi tous ces maux."
25 Vous parlez de la diminution de la menace pour Bihac, est-ce que vous
26 pourriez parler des efforts qui ont été faits pour œuvrer pour la paix ?
27 R. Oui. Voilà fondamentalement ce qui s'est passé. Le 13 juillet
28 Srebrenica est tombée; puis cela a été suivi par la disparition et le
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1 massacre de 20 % de la population des hommes et des jeunes hommes; ensuite
2 cela a été suivi par la chute de Zepa, le 26 juillet, attaque d'ailleurs
3 qui avait duré un certain temps; ensuite le 17, vous avez eu l'attaque
4 contre Bihac.
5 Nous avons constaté qu'il y avait des efforts concertés de la part
6 des Serbes de Bosnie, il s'agissait d'effacer ces enclaves de la carte et
7 dans le cas de Bihac les Croates s'étaient joints aux Serbes.
8 C'est la raison pour laquelle je dois dire que nous avons vu d'un bon
9 œil en quelque sorte l'offensive croate militaire, parce qu'ils voulaient
10 rejoindre la vallée de la Livno pour exercer des pressions sur les Serbes.
11 Nous n'avons pas soulevé d'objection à une action militaire qui serait
12 passée par la Krajina pour en quelque sorte désenclaver le siège de Bihac.
13 Mais justement parce que les actions militaires croates allaient avoir un
14 impact important sur les Serbes, la perspective de la chute de Bihac à la
15 fin du mois de juillet a commencé à être une perspective beaucoup moins
16 importante. Je pensais encore à l'époque qu'il y avait la possibilité
17 d'envisager une négociation.
18 Je n'étais pas sûr que cela pourrait fonctionner mais il y avait
19 cette possibilité, et je pensais qu'il fallait absolument saisir cette
20 possibilité qui s'offrait. C'est pour cela que j'ai essayé à la toute
21 dernière minute d'aller à Belgrade et j'ai essayé d'obtenir quelque chose
22 qui aurait peut-être permis de faire en sorte que l'opération Tempête se
23 déroule.
24 Q. Dans votre déclaration, au paragraphe 22, il s'agit de la pièce P444,
25 vous dites que vous avez rencontré le président Tudjman le 1er août; je
26 pense également qu'en sus de votre journal de bord, à la page 28 de votre
27 journal de bord, qui me semble-t-il correspond à la page 22 pour le système
28 électronique, vous faites référence à cette réunion.
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1 Lors de cette réunion avec le président Tudjman, Monsieur
2 l'Ambassadeur, j'aimerais savoir si vous avez expliqué la proposition
3 visant à faire progresser le processus de paix, est-ce que vous avez
4 présenté les préoccupations des Etats-Unis à propos d'une opération
5 militaire, est-ce que vous avez présenté le point de vue des Etats-Unis par
6 rapport à cette possibilité ?
7 R. Oui.
8 Q. Dans votre déclaration ainsi que dans votre journal, vous indiquez le
9 point de vue que vous avez fait valoir au nom des Etats-Unis par rapport à
10 cette opération militaire, n'est-ce pas ?
11 R. Oui.
12 Q. Quels étaient ces points de vue ?
13 R. Dans un premier temps, les Etats-Unis voulaient obtenir une solution
14 pacifique face aux problèmes de la Krajina, et que rien de ce que nous
15 allions dire ne devait être considéré comme l'aval donné par les Etats-Unis
16 pour une opération militaire.
17 Deuxièmement, et là nous avons véritablement mis cela en exergue,
18 nous leur avons dit que s'il y avait une opération militaire, la population
19 civile serbe devait être protégée; que les prisonniers de guerre devraient
20 être bien traités; et que si les atrocités qui avaient été commises dans la
21 poche de Medak en 1993 venaient à être répétées, cela aurait des
22 conséquences très graves pour les relations croato-américaines. Nous leur
23 avons dit que cela allait véritablement battre en brèche nos relations avec
24 la Croatie.
25 Troisièmement, si la Croatie se lançait dans une opération militaire, elle
26 ferait cavalier seul. Elle ne devrait pas s'attendre à ce que les Etats-
27 Unis leur prêtent main-forte si les choses ne se déroulaient pas comme
28 prévues.
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1 Quatrièmement, j'ai également évoqué la sécurité des forces de maintien de
2 la paix des Nations Unies, que cela était absolument capital et que la
3 Croatie devrait faire de son mieux pour ne pas faire courir des dangers aux
4 forces de maintien de la paix et au personnel des Nations Unies.
5 Q. Toujours à la pièce P444, paragraphe 23, vous expliquez les raisons
6 pour lesquelles vous avez mis en garde à propos du besoin de protéger les
7 civils serbes.
8 Voilà ce que vous dites : "Je les ai mis en garde et leur ai dit
9 qu'il fallait qu'ils protègent les civils serbes parce qu'il y avait un
10 certain nombre de raisons d'être préoccupé parce que nous pensions que les
11 persécutions de civils étaient très vraisemblables. Je savais que le
12 président Tudjman considérait les Serbes comme une menace. Il voulait une
13 Croatie homogène du point de vue ethnique. Je savais également que les
14 civils serbes avaient été attaqués lors d'opérations militaires croates
15 précédentes telles que dans la poche de Medak et lors de l'opération
16 Eclair."
17 J'aimerais savoir si ce paragraphe reprend de façon exacte les raisons que
18 vous avez invoquées pour les mettre en garde et pour leur expliquer quelles
19 étaient les préoccupations des Etats-Unis à propos du sort éventuel des
20 civils. Est-ce que cela correspondait à ce que vous avez dit ?
21 R. Oui.
22 Q. Lors de la réunion du 1er août, j'aimerais savoir si le président
23 Tudjman vous a expliqué les conditions que la Croatie souhaitaient avoir
24 pour résoudre de façon pacifique le problème, et ce, parce que vous alliez
25 avoir une réunion avec Milan Babic ?
26 R. Je dois dire qu'il m'a expliqué les conditions d'une solution
27 pacifique, qui se trouve dans le journal de bord diplomatique. Cela est
28 comme suit : "Repli immédiat de Bihac, réouverture de l'oléoduc vers le
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1 secteur nord, négociations immédiates pour ce qui est de la réouverture de
2 la voie ferroviaire Zagreb-Split, des négociations immédiates pour la
3 réintégration politique de la Krajina en Croatie."
4 C'étaient des conditions qui ont été présentées comme un ultimatum
5 lors d'une réunion qui fut convoquée le 3 août à Genève sous l'égide de la
6 conférence pour l'ancienne Yougoslavie, et ce, sous la présidence de M.
7 Stoltenberg.
8 A ce moment-là, je lui ai dit que Babic souhaitait me voir, et à cela
9 il a dit : "Bien, cela serait intéressant." Je pense que Babic avait
10 proposé la date du jeudi ou du vendredi et il a dit : "N'attendez pas
11 jusqu'à jeudi ou vendredi, rencontrez-le beaucoup plus tôt. Mais il faut
12 savoir que ces éléments n'avaient rien à voir avec ma réunion avec Babic,
13 il s'agissait en fait de l'ultimatum de la Croatie et ce qu'ils ciblaient,
14 c'était la réunion du 3 août.
15 Q. Est-ce que vous avez ensuite eu cette réunion avec Milan Babic ?
16 R. Je l'ai rencontré le 2 août à Belgrade.
17 Q. Quels furent les résultats de cette réunion ? Est-ce que vous lui avez
18 exposé les conditions qui vous avaient été présentées, et quelle fut sa
19 réaction ?
20 R. J'ai commencé la réunion en lui décrivant de la façon la plus lugubre
21 ce qui se passerait très probablement, et j'ai véritablement pointé un
22 doigt accusateur vers les Serbes de la Krajina qui avaient fait deux
23 choses. Dans un premier temps, ils avaient franchi la frontière
24 internationale vers Bihac; et deuxièmement, ils avaient refusé de négocier
25 la proposition qui avait été présentée par l'Union européenne, la Russie et
26 les Etats-Unis, qui étaient les institutions les plus puissantes du monde
27 pour ce qui est de cette partie de la planète.
28 Et je lui ai présenté les conditions croates, et sa réaction fut très
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1 intéressante. Je m'attendais à ce qu'il se lance dans des récriminations.
2 Ce n'est pas ce qu'il a fait. Il a dit : "Je comprends tout à fait pourquoi
3 les Croates sont sur le point de nous attaquer." Mais je ne peux pas
4 comprendre pourquoi nos dirigeants se sont comportés tel qu'ils l'ont fait.
5 Il m'a dit qu'il acceptait l'ultimatum lancé par Tudjman, tous les éléments
6 de l'ultimatum. Il m'a dit : "J'ai quelque problème à dire publiquement que
7 j'accepterais des négociations qui envisageraient la réintégration de la
8 Krajina en Croatie."
9 Et je lui ai dit : "Bien, je pense que ce que vous pourrez faire, c'est que
10 vous pourrez dire publiquement que vous accepterez les négociations sur la
11 base du plan Z-4 parce que ce plan Z-4 est un plan de réintégration de la
12 Krajina en Croatie. Mais je dois dire à Tudjman en privé que vous comprenez
13 que vous n'obtiendrez jamais le degré d'autonomie qui a été discuté par le
14 plan Z-4, donc ce qui aurait pu être possible en janvier 1995 n'est plus
15 possible en août 1995." Et il m'a dit qu'il comprenait parfaitement cela.
16 Q. Ambassadeur, peut-être que j'aurais dû vous demander cela, est-ce que
17 vous pourriez indiquer à la Chambre qui était Milan Babic et pourquoi vous
18 avez eu des entretiens avec lui ?
19 R. Milan Babic était le premier ministre de ladite Republika Srpska
20 Krajina; c'était un leader des Serbes rebelles. Et il était à la tête d'un
21 parti politique aussi qui avait probablement le plus de soutien au sein de
22 la Krajina et qui avait la majorité au sein du parlement. Cependant, il
23 était un opposant politique de Milan Martic, le président qui contrôlait
24 l'armée et, par conséquent, avait beaucoup plus de pouvoirs que Babic.
25 Q. Dans votre déclaration supplémentaire, et je crois que -- ou plutôt la
26 feuille d'information supplémentaire dont le numéro est P445. Je crois
27 qu'au paragraphe 18 vous avez dit que vous avez passé en revue le compte
28 rendu du 3 août.
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1 M. TIEGER : [interprétation] J'aurais dû indiquer que l'ambassadeur a eu
2 l'occasion de voir le transcript, le compte rendu, qui confirme que cette
3 question a été soulevée lors de la déclaration liminaire et contient la
4 traduction révisée du compte rendu en B/C/S. Q. Comme je l'ai déjà dit,
5 dans la pièce P445, Ambassadeur, il est indiqué que ce dont vous avez
6 parlé, je dois le dire pour vous, il s'agit là d'un compte rendu d'une
7 réunion avec le président Tudjman où vous avez parlé de votre discussion
8 avec Milan Babic et on vous cite comme disant que vous savez très bien que
9 beaucoup de Serbes vivent là-bas et que probablement la majorité devra
10 partir.
11 Est-ce que vous vous souvenez avoir indiqué au président Tudjman et Milan
12 Babic auparavant cela; est-ce que vous pouvez expliquer pourquoi vous avez
13 dit à Babic que beaucoup de Serbes, probablement la majorité, allaient
14 devoir quitter la Krajina ? Je vous indique qu'il s'agit du paragraphe 18
15 de la pièce 445.
16 R. Oui, c'est ce que je voulais faire comprendre à Babic c'est que si la
17 population des Serbes de Krajina partait il n'y aurait jamais de solution
18 politique, donc qu'il était bien meilleur pour eux d'accepter une solution
19 négociée avec la Croatie maintenant, même si cette solution était loin
20 d'être idéale, plutôt que d'avoir l'ensemble de la population qui devrait
21 partir.
22 Pourquoi est-ce que j'ai dit à Babic que l'ensemble de la population
23 allait partir ? Car tout au long du conflit dans l'ex-Yougoslavie lorsqu'un
24 territoire passait des mains d'un camp entre les mains d'un autre, la
25 population partait ou était expulsée, car lorsque la Croatie a repris le
26 contrôle de la Slavonie occidentale les 1er et 2 mai 1995, juste quelques
27 mois auparavant, 10 000 à 13 000 Serbes sont partis; car compte tenu du
28 comportement de la Croatie lors des opérations précédentes dans la poche de
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1 Medak, il faut savoir que des atrocités ont été commises. Donc je savais
2 que la population allait ressentir une peur bien fondée par rapport à ce
3 qui risquait de leur arriver.
4 Je savais quelles étaient les déclarations faites par Tudjman lui-
5 même et son opinion selon laquelle les Serbes de Krajina étaient une menace
6 stratégique pour la Croatie. Je savais aussi quelle était la propagande
7 serbe en continu et c'est la raison pour laquelle j'ai dit à Babic que la
8 population serbe allait partir, mais je ne devais pas le convaincre il
9 comprenait tout à fait que ceci risquait d'arriver, que ceci allait
10 arriver.
11 Lorsque le 3 août j'ai vu Tudjman, simplement je lui redisais quel
12 était l'ensemble du contenu de ma discussion avec Babic pour qu'il
13 comprenne comment cette solution négociée a vu le jour, et pourquoi Babic
14 allait, à mon avis, accepter son ultimatum.
15 Q. Vous avez mentionné votre réunion avec le président Tudjman suite à la
16 discussion que vous avez eue avec Milan Babic. Comment avez-vous présenté
17 la situation telle qu'il existait à l'époque au président Tudjman et quelle
18 a été sa réaction ?
19 Je crois que ceci figure ou au moins vous en traitez dans une
20 certaine mesure dans le paragraphe 26 et pages 31 et 32 de votre journal.
21 En ce qui concerne les pages marquées de votre journal, il s'agit des pages
22 31 à 32, et je pense qu'il s'agirait de la page 24 de la version
23 électronique portant sur la réunion du 3 août.
24 R. Bien sûr, les mots sont reflétés dans le journal, et comme vous le
25 savez, dans le transcript. Mon message de base était que Babic avait
26 accepté l'ultimatum de Tudjman, et que nous ne pouvions pas savoir si Babic
27 allait être capable de tenir sa promesse par rapport aux leaders des Serbes
28 de Krajina, mais qu'il valait la peine d'attendre un peu pour le savoir.
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1 Au fond c'est ce dont j'ai essayé de convaincre Tudjman. Moi j'ai
2 décrit mes propres négociations, et j'ai également entrepris une démarche
3 au nom des Etats-Unis.
4 Je pense que j'ai vu Tudjman à 5 heures 45 et j'ai compris clairement
5 que Tudjman n'avait aucune compréhension pour ce que je disais. Il n'était
6 pas du tout à l'écoute. Je pense qu'il avait déjà pris la décision d'aller
7 en guerre. Moi je trouve cela intéressant de lire la transcription du
8 compte rendu de la réunion qui a eu lieu par la suite du conseil de
9 sécurité national qui a commencé à 6 heures et ils ont longuement parlé de
10 la question qui avait été soulevée avec moi, ils ont pris en considération
11 la proposition américaine et ce que j'ai eu à dire.
12 Mais certainement lors de cette réunion une décision a été prise et
13 la question était résolue pour eux.
14 Q. Est-ce que par la suite par rapport à cette question vous avez tenu une
15 conférence de presse - je crois que vous en traitez aux pages 208 et 210 du
16 livre "Les Etats-Unis et la Croatie, une histoire documentaire" - donc une
17 conférence de presse au sujet de l'opportunité qui a été présentée en tant
18 que résultat de vos discussions avec Babic ?
19 R. Je considérais qu'il fallait faire tout ce qui était possible pour
20 avoir la paix, donc typiquement lorsque j'allais voir Tudjman, les
21 représentants de la presse se regroupaient devant le bureau présidentiel.
22 En fait, je me suis assuré par le biais de notre attaché de presse pour
23 qu'ils soient là. Ensuite j'ai fait une déclaration indiquant que Babic --
24 ou plutôt, il ne s'agissait pas d'une déclaration, mais j'ai fait part de
25 mes observations selon lesquelles Babic allait respecter les termes de
26 l'ultimatum de la Croatie; et qu'à mon avis, il n'y avait pas de raison
27 d'avoir une guerre. Je n'ai pas dit qu'il n'y aurait pas de guerre, même si
28 ceci a été mal interprété par la suite, mais j'ai dit qu'il n'y avait pas
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1 de raison d'avoir une guerre.
2 Pour moi c'était une question éthique, j'avais l'impression que je le
3 devais à Babic, c'est-à-dire de dire publiquement que les Etats-Unis le
4 soutenaient et que nous espérions qu'il y aurait une opportunité pour la
5 paix.
6 Q. Monsieur l'Ambassadeur, vous avez fait référence aux raisons pour
7 lesquelles vous avez proféré des avertissements au président Tudjman au
8 sujet des civils serbes et je crois que plus tôt lors de votre déposition,
9 vous avez parlé également des opinions du président Tudjman au sujet de la
10 présence des Serbes en Croatie.
11 Je voudrais vous poser une question préliminaire au sujet de la fréquence
12 et de la régularité de vos rencontres avec le président Tudjman pendant
13 votre mandat d'ambassadeur ?
14 R. Au cours des premières deux années et demie, je le rencontrais
15 fréquemment, je dirais plusieurs fois par semaine et parfois plusieurs fois
16 par jour. Il ne s'agissait pas à chaque fois des réunions dans son bureau,
17 parfois on se rencontrait ailleurs. Lorsqu'il était en vacances à Brioni,
18 j'y allais de temps en temps pour le rencontrer.
19 Q. Est-ce que vous pouvez nous décrire aussi la fréquence de vos réunions
20 avec d'autres hauts officiels croates et certains de leurs dirigeants ?
21 R. Mes contacts les plus proches étaient avec Gojko Susak qui était le
22 ministre de la Défense, lui je le voyais simplement sans cesse pour ainsi
23 dire. Il s'agissait d'une situation qui changeait fréquemment et je le
24 voyais quatre à cinq fois par semaine, parfois plus. On se parlait souvent
25 au téléphone, puis le premier ministre, Mate Granic, dans le ministère se
26 trouvait juste en face du parc, à une minute de l'ambassade américaine. Lui
27 aussi je le voyais quatre à cinq fois par semaine, on se parlait au
28 téléphone tout le temps.
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1 L'autre officiel, enfin l'un des autres avec qui j'ai eu affaire,
2 c'était Hrvoje Sarinic qui était le chef de cabinet de Tudjman et qui est
3 devenu le négociateur principal croate s'agissant de la Slavonie orientale
4 et de l'accord de paix pour cette région, il s'agissait là d'une série de
5 négociations qui ont suivi l'opération Tempête dans le cadre desquelles
6 j'ai fait office de médiateur; ensuite, Miro Tudjman, le fils de Tudjman
7 qui était le chef du service de renseignements croate, je le voyais un peu
8 moins souvent; Djurdja Susak, Mme Susak qui était la femme du ministre de
9 la Défense.
10 Bien sûr il y en avait bien d'autres, mais les trois grands noms se
11 serait Granic, Susak, et Sarinic.
12 Q. Dans la pièce P444, votre déclaration en vertu de l'article 92
13 ter, au paragraphe 31 et 33, vous parlez des opinions du président Tudjman
14 au sujet de plusieurs sujets liés à celui-ci, y compris sa conviction selon
15 laquelle il faudrait que ce territoire soit plutôt homogène ethnique ou au
16 moins ainsi dans la mesure du possible. Vous parlez de ce qu'il dit par
17 rapport aux menaces à la Croatie, de ses opinions au sujet des transferts
18 de population et de ses opinions selon lesquelles les Serbes de Krajina
19 représentaient une menace stratégique.
20 Est-ce que vous pouvez décrire à la Chambre, en détail si nécessaire,
21 à quoi ressemblaient ces opinions, à la fois au sujet de la présence
22 continue de Serbes de Croatie et au sujet des transferts de population et
23 partage ethnique ?
24 R. Tout d'abord, je dirais un mot au sujet de Tudjman. C'était un
25 dirigeant très sûr de lui, très sûr de ses propres capacités. Il était
26 historien de vocation. C'était un stratège, mais il se considérait comme un
27 stratège à haut niveau. Il avait des opinions et des convictions profondes
28 qui, à son avis, devaient être évidentes dans les yeux d'un occidental
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1 rationnel, tel qu'un ambassadeur américain. Il considérait donc qu'il était
2 évident que les Etats européens fonctionnaient bien mieux s'ils étaient
3 homogènes sur le plan ethnique. Argument assez bizarre dans les yeux de
4 quelqu'un de notre pays, mais il considérait que j'allais simplement
5 accepter cela.
6 Il a considéré qu'en raison de la géographie, les Serbes de Krajina
7 constituaient une menace particulière, ils étaient situés après tout de
8 façon à pratiquement diviser la partie nord de la Croatie nord par rapport
9 à la côte. C'était un historien et il parlait des transferts de population,
10 notamment transferts qui ont eu lieu après la guerre gréco-turque de 1923,
11 lorsque la population grecque de l'Anatolie a été renvoyée de la Turquie.
12 Même si je m'opposais à cela et que je lui disais que ceci allait
13 provoquer des bouleversements énormes pendant des décennies à venir, ça ne
14 le faisait pas du tout changer d'avis.
15 Il croyait également, et ceci était conforme à cette même opinion,
16 opinion selon laquelle il fallait partager la Bosnie entre une partie
17 homogène serbe à l'est et une partie croate. Parfois ses opinions
18 différaient, soit il parlait d'une partie croate ou des parties croates qui
19 incluent aussi les Musulmans à l'ouest. Dans ce contexte, il voyait d'un
20 œil tout à fait bienveillant l'idée expliquée par des raisons géographiques
21 d'échange de Banja Luka - en 1995 c'était pratiquement une ville
22 entièrement serbe en raison du nettoyage ethnique - eh bien de l'échanger
23 contre Tuzla qui était une ville à prédominance musulmane.
24 Q. Est-ce que vous avez entendu des opinions semblables exprimées par
25 d'autres dirigeants croates avec lesquels vous étiez en contact ?
26 R. Parmi les dirigeants haut placés croates que j'ai rencontrés, les
27 opinions de Tudjman, c'était plutôt ses propres opinions, c'était la
28 personne qui croyait à la Grande-Croatie qui allait inclure aussi les
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1 Musulmans de Bosnie. Il y avait d'autres croates qui croyaient en une
2 Grande-Croatie plus petite, comme par exemple celle avec l'Herzégovine.
3 C'était certainement le cas du ministre de la Défense, Gojko Susak, et de
4 bien d'autres personnes que je rencontrais.
5 Mais je dirais qu'à cette époque-là, 90 % ou plus de la population croate
6 rejetait, que ce soit l'idée d'une Grande-Croatie. Je pense qu'il y n'y
7 avait aucun soutien pour le partage de la Bosnie conformément à la manière
8 souhaitée par Tudjman. Dans l'ensemble, les gens d'Herzégovine n'étaient
9 pas populaires en Croatie. Même si les gens avaient de la compassion par
10 rapport aux Croates de Bosnie, ils n'avaient pas véritablement un désir
11 fort pour annexer ce territoire de Bosnie à la Croatie.
12 Q. Dans le paragraphe 65 de votre déclaration P444 en vertu de l'article
13 92 ter, vous parlez de M. Sarinic qui a décrit les Serbes comme un cancer
14 dans le ventre de la Croatie.
15 Est-ce que vous pouvez décrire cela à la Chambre. Comment avez-vous
16 compris cette réflexion au sujet de ses opinions concernant la présence
17 continue des Serbes en Croatie ?
18 R. Lorsque les Serbes ont quitté la Croatie, ni Tudjman ni les hauts
19 officiels de son gouvernement ne souhaitaient qu'ils reviennent. Sarinic
20 était quelqu'un qui représentait Tudjman, qui l'imitait quelque part. Je
21 pense que Susak et Granic avaient leur propre personnalité et exprimaient
22 parfois des opinions différentes de celles de Tudjman, mais Sarinic souvent
23 répétait ce que le président souhaitait qu'il dise.
24 A cette époque-là, c'était quelques semaines après l'opération
25 Tempête, j'ai reçu des instructions de mon gouvernement, et j'ai critiqué
26 la Croatie en raison des violations des droits de l'homme qui étaient
27 commises en Krajina, et j'ai insisté pour dire qu'il était fondamental dans
28 le cadre des droits de l'homme de permettre aux Serbes de retourner dans
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1 leurs foyers et de reprendre leurs biens.
2 Nous essayions aussi de faire annuler la décision selon laquelle les
3 Serbes de Krajina se verraient dépourvus de leur citoyenneté et selon
4 laquelle ils allaient confisquer leurs biens dans un délai de 30 jours.
5 Lors de cette conversation, en août 1995, il a dit : "Nous ne pouvons pas
6 nous attendre à ce qu'ils reviennent, car ils représentent un cancer dans
7 le ventre de la Croatie."
8 Pour moi, c'était une métaphore tout à fait choquante au sujet des
9 personnes qui, selon nous, étaient des citoyens de ce pays-là et qu'ils
10 avaient les mêmes droits que les autres citoyens de ce même pays.
11 Q. Monsieur l'Ambassadeur, je souhaite maintenant attirer votre attention
12 sur la période qui a débuté après l'opération Tempête et après que la
13 plupart des Serbes n'étaient plus dans la Krajina.
14 Au paragraphe 42 de votre déclaration en vertu de l'article 92 ter,
15 vous avez indiqué qu'immédiatement après la fuite de grande ampleur des
16 Serbes de la Krajina, vous avez exprimé l'opinion selon laquelle il ne
17 s'agissait pas d'un nettoyage ethnique conforme à celui décrit lors de
18 votre déposition dans l'affaire Milosevic.
19 Peut-être il serait plus utile si cette déclaration incluait cela,
20 c'est-à-dire votre explication dans l'affaire Milosevic. Est-ce que vous
21 pourriez dire à la Chambre ce à quoi vous faisiez référence en parlant du
22 nettoyage ethnique dans ce contexte, à la fois le contexte dans lequel vous
23 l'avez dit et peut-être ce que vous vouliez dire lorsque vous avez dit
24 qu'il ne s'agissait pas d'un nettoyage ethnique de la même nature ?
25 R. Le nettoyage ethnique, d'après la manière dont je vois les choses,
26 impliquait des actions visant à expulser une population par le biais
27 d'attaques militaires, la terreur, les viols en masse, les meurtres, afin
28 de s'assurer que tous les survivants partent, aussi les incendies
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1 volontaires des maisons. Au fond, le nettoyage ethnique a eu lieu en
2 Croatie en 1991, en Slavonie orientale et dans la Krajina où les Serbes ont
3 ethniquement nettoyé le territoire des Croates, et c'est ce qui s'est passé
4 en Bosnie en 1992 lorsque l'armée des Serbes de Bosnie a eu recours aux
5 meurtres en masse, ensuite ils ont placé les gens dans les camps de
6 concentration, ils ont détruit leurs maisons, et ils ont expulsé les masses
7 de population afin de créer un territoire ethniquement pur dont une grande
8 partie de la Bosnie qui n'était pas serbe et qui par la suite est devenue
9 serbe.
10 A mon avis, la Croatie n'a pas fait cela lors de l'opération Tempête,
11 car les forces croates sont arrivées lorsque les Serbes étaient déjà
12 partis. Donc vous ne pouvez pas nettoyer ethniquement quelqu'un qui n'est
13 plus là. Je ne veux pas dire par là qu'ils ne l'auraient pas fait si la
14 population était restée. Mais le fait est que la population n'était pas là
15 au moment où les forces croates sont arrivées.
16 C'est ce que j'ai voulu dire dans cette déclaration. Je dois dire
17 qu'au cours des années, j'ai eu des regrets d'avoir fait cette déclaration,
18 puisqu'elle a été mal interprétée. On avait l'impression que je trouvais
19 des excuses pour cette action militaire croate. Or, ceci ne faisait pas
20 partie de mon intention. Il s'agissait simplement d'une explication
21 technique des raisons pour lesquelles il ne s'agissait pas là d'un
22 nettoyage ethnique.
23 Q. Par rapport à la fuite des Serbes, je souhaite vous poser une
24 question au sujet des informations que vous avez reçues concernant l'effet
25 psychologique de cette opération ou de la guerre électronique.
26 R. J'ai parlé avec le ministre de la Défense Susak, il a été très
27 fier de l'effet psychologique des opérations et du fait que la population
28 avait reçu les instructions concernant la manière de partir et d'autres
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1 mesures dont j'ai oublié les détails.
2 Bien sûr, nous avions des informations de nos propres sources, par
3 exemple de l'attaché de la défense chargé des opérations psychologiques, et
4 ceci est devenu un sujet de controverse par la suite.
5 Q. Dans votre déclaration, au paragraphe 61, vous parlez aussi de vos
6 discussions avec le ministre Susak, et vous dites, au paragraphe 61 : "A un
7 moment donné, il a dit qu'ils ont réussi à donner l'ordre à la population
8 serbe de partir par le biais de leur guerre électronique."
9 Est-ce que le ministre Susak a décrit l'ordre en particulier qui a été
10 donné à la population serbe pour qu'ils partent ?
11 R. Je ne me souviens pas qu'il l'ait fait. Si mes souvenirs sont bons, il
12 parlait des routes que les gens devaient emprunter, mais si j'ai bien
13 compris les autorités serbes avaient donné un ordre à la population pour
14 que celle-ci parte. Comme je l'ai dit dans cette déclaration, il était
15 connu qu'il exagérait. Donc il s'attribuait le mérite pour quelque chose
16 qui a eu lieu, pour un ordre donné aux Serbes.
17 Un autre point, qui n'est pas contenu ici et que je souhaite ajouter. Les
18 renseignements des Serbes par rapport aux Serbes étaient extrêmement bons.
19 Il était tout à fait possible que les Croates savaient que les Serbes
20 allaient recevoir un ordre d'évacuation et ensuite, soit ils ont dit cela
21 en anticipation ou ils ont essayé de provoquer une confusion.
22 Q. Je pense que ceci existe également dans votre journal, à la date du 9
23 août. Ceci est marqué à la page correspondante à la date du 9 août, c'est à
24 la page 38 du journal.
25 M. TIEGER : [interprétation] C'est la page 31 dans la version électronique.
26 Q. C'est le deuxième paragraphe entier. En bas on voit : "Susak a
27 été également très fier des opérations psychologiques", et cetera.
28 Ce qui m'intéresse, c'est l'endroit dans votre journal où il est
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1 indiqué que le ministre Susak a déclaré que ses avions avaient bombardé une
2 colonne de réfugiés, mais par erreur.
3 J'aimerais que vous nous disiez si vous avez reçu cette information
4 du général Cervenko portant sur les attaques sur la colonne des réfugiés. A
5 ce sujet-là, je vous demanderais d'examiner les annotations pour le 19
6 septembre, page 57 du journal. Je pense que c'est la page 50 de la version
7 électronique.
8 Le deuxième paragraphe pour le 19 septembre, vous parlez d'une
9 conversation avec le général Cervenko; vous parlez d'abord d'un incident
10 spécifique, puis vous dites : "C'est encore un signe de tension entre
11 Cervenko et Susak et il est très franc à ce sujet-là. Il y a quelques
12 semaines il a montré à Clark les ordres émanant de Susak d'ouvrir le feu
13 d'artillerie sur 40 000 civils concentrés sur la zone de Topusko parce
14 qu'il y avait des unités de l'armée de la Krajina parmi eux" --
15 M. KEHOE : [interprétation] Je dois interrompre. Cela sort de l'acte
16 d'accusation parce que cela concerne le secteur nord.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
18 M. TIEGER : [interprétation] Nous avons déjà mentionné cela à plusieurs
19 reprises. Il y a une différence entre les moyens qu'on présente pour
20 prouver l'existence du motif, ou d'un modèle, ou d'un type de conduite par
21 rapport aux preuves qu'on présente pour un incident particulier ou pour un
22 événement particulier. Il est tout à fait clair que ce type d'information
23 est pertinent et utile à la Chambre pour évaluer les événements qui se sont
24 passés dans la zone couverte par l'acte d'accusation et dans la période
25 couverte par l'acte d'accusation.
26 M. KEHOE : [interprétation] Je pense que j'ai déjà répondu à plusieurs
27 reprises à cela.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que le problème est avec cette
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1 déclaration.
2 M. TIEGER : [interprétation] Cette déclaration a été recueillie à l'époque
3 où je ne disposais pas de ce journal de bord. Le document a été communiqué
4 déjà depuis un moment à la Défense. Je dois également indiquer que cela est
5 mentionné dans la feuille supplémentaire au paragraphe -- je ne sais pas,
6 peut-être que je serai obligé de retirer cela. Je n'arrive pas à le
7 retrouver.
8 De toute façon, nous essayons toujours d'inclure tous les documents
9 qui nous sont disponibles dans les déclarations supplémentaires. Au moment
10 où la déclaration a été faite, le journal n'était pas disponible, donc il
11 n'était pas possible d'y inclure tous les aspects pertinents pour cette
12 affaire, qu'il s'agisse de la déclaration 92 ter ou de faits
13 supplémentaires.
14 De toute façon, je ne pense pas que cela pourrait être suffisant pour
15 exclure cette partie de moyens de preuve.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Combien de temps avez-vous eu pour
17 examiner ces documents, ce n'est pas une question pertinente pour nous pour
18 décider du poids à accorder à cela.
19 [La Chambre de première instance se concerte]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, la Chambre est bien
21 consciente que cela est déjà versé au dossier. La Chambre ne pense pas
22 qu'il serait d'une grande utilité de poursuivre sur cette question.
23 M. TIEGER : [interprétation] Merci.
24 Q. Monsieur l'Ambassadeur, vous avez déjà commencé à parler de la question
25 que j'ai l'intention d'aborder maintenant au moment où vous avez parlé de
26 vos discussions avec M. Sarinic. Mais comme vous l'avez déjà dit lors de
27 votre déposition, ainsi que dans plusieurs paragraphes de votre déclaration
28 92 ter, la position du président Tudjman sur le retour des Serbes de
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1 Krajina était tout simplement qu'ils ne devaient pas retourner.
2 Dans les paragraphes 34, 36 et 75 de votre déclaration, vous avez dit
3 qu'il a établi plusieurs objectifs qui devaient lui permettre cela. Des
4 obstacles qui devaient empêcher les Serbes de retourner ou de remplir les
5 conditions nécessaires pour le retour de leurs biens. La prorogation du
6 délai à 95 jours était toujours insuffisante. Et dans le paragraphe 75,
7 vous dites que le plan initial du président Tudjman était de les empêcher
8 entièrement de retourner, d'annuler chaque aide possible aux personnes
9 souhaitant retourner, mais que la pression des Etats-Unis a fait qu'il a dû
10 y renoncer.
11 Pourriez-vous nous dire ce dont vous vous souvenez à ce sujet-là ?
12 R. Il y avait là des aspects juridiques et des aspects pratiques.
13 Tudjman considérait qu'il s'agissait là de personnes qui avaient
14 renoncé à la Croatie en la quittant. Et initialement, en août, Tudjman
15 avait déclaré que toute personne n'étant pas retournée dans un délai de 30
16 jours et n'ayant pas demandé la nationalité croate ne pouvait plus rentrer.
17 Dans ce cas-là, la confiscation de leurs biens devait commencer et cela
18 était considéré comme une sorte de dédommagement pour tout ce qui avait été
19 détruit ou confisqué par les Serbes en Slavonie orientale.
20 Sous la pression des Etats-Unis, le délai a été prorogé pour 90
21 jours, ça tombait quelque part en septembre. Mais ensuite le délai a été
22 tout simplement annulé. Puis en 1996 sous la pression extrêmement forte des
23 Etats-Unis, les Croates ont accepté que les Serbes pouvaient rentrer.
24 Mais en fait ça n'a servi à rien, parce que personne n'est rentré ou
25 quasiment personne. Quelques-uns qui ont essayé de retourner se sont rendus
26 compte qu'ils n'arrivaient pas à obtenir des visas s'ils se trouvaient en
27 Serbie. Et s'ils essayaient de récupérer leurs biens, alors ils
28 n'arrivaient pas à contourner l'administration locale. Donc, tout
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1 simplement le système a été créé de la manière que de garantir qu'il n'y
2 aurait plus de personnes qui seraient de retour; et jusqu'à 2000, il n'y a
3 quasiment pas de personnes qui sont rentrées ou très peu.
4 S'agissant maintenant de l'aspect juridique, il y avait des efforts, des
5 tentatives de les dépouiller de leurs biens par des moyens juridiques,
6 c'est-à-dire que les autorités croates avaient ordonné ou autorisé la
7 destruction systématique d'une plus grande partie des biens serbes.
8 Vous savez si votre maison est brûlée, incendiée, si votre bétail a
9 été tué ou volé, vos terres, vos biens pillés, alors vous n'avez pas où
10 rentrer, c'est tout simplement comme ça. Cette région croate déjà avait un
11 revenu très, très, très faible. C'était une région assez isolée, et si en
12 plus dans une région sous-développée, vous arrachez aux habitants leur
13 bétail, leurs biens, alors ils n'ont pas vraiment de raisons pour rentrer.
14 M. KEHOE : [interprétation] S'agissant de cette réponse, je dois
15 intervenir.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ça la réponse du témoin. Vous
17 pourrez ensuite lui demander pourquoi et comment il est arrivé à son avis,
18 mais vous devez le laisser répondre.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Donc soit les autorités ont donné des ordres à
20 cet effet, soit elles ont autorisé ou elles ont laissé les choses se passer
21 ainsi parce qu'elles servaient leurs intérêts, leurs objectifs.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, pourriez-vous
23 maintenant demander quels sont les faits sur lesquels le témoin base son
24 avis.
25 M. TIEGER : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président.
26 Q. Monsieur l'Ambassadeur, la Chambre souhaiterait entendre quels sont les
27 faits sur lesquels vous fondez votre avis que les destructions étaient
28 intentionnelles, c'est-à-dire quelles ont été commises soit en exécution
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1 des ordres, soit parce qu'on a laissé faire ?
2 R. Oui. Tout d'abord, il s'agissait d'une région sans population parce que
3 les seuls qui s'y trouvaient étaient des militaires croates, immédiatement
4 après l'opération Tempête, c'est-à-dire que c'étaient eux qui avaient le
5 contrôle sur ce territoire. On ne peut pas dire, ce n'était pas comme
6 l'armée des Serbes de Krajina ou quelques autres forces armées. Cette
7 armée-là était l'armée la plus disciplinée et la meilleure du point de vue
8 militaire de l'ex-Yougoslavie, à mon avis.
9 Donc ils avaient le contrôle sur cette région et dès le début il y a
10 eu des pillages, des incendies. Par exemple, j'ai vu Petrinja, je pense que
11 c'était le 6 août, quelques heures après sa chute les militaires croates
12 avaient le contrôle entier sur cette zone et le 9 il y avait de plus en
13 plus de signes de pillages.
14 Vous allez trouver dans mon journal les dates précises où, à Drnis,
15 on a pu voir des signes de destruction. A Knin, dans les banlieues on a vu
16 aussi des installations incendiées et un de nos officiers est parti voir
17 les soldats croates pour leur dire : "Ecoutez, vous voyez il y a des
18 maisons qui sont en train de brûler, pourriez-vous faire quelque chose pour
19 arrêter l'incendie"; et il s'est rendu compte que c'étaient eux qui
20 incendiaient les maisons.
21 En plus, compte tenu de l'échelle de ces événements, compte tenu du
22 fait qu'il ne s'agissait pas des incidents isolés, vous savez, et peut-être
23 que je pourrais dire encore plus. Par exemple, Donji Lapac, le 20
24 septembre, Donji Lapac c'était une ville peuplée par 98 % de Serbes, donc
25 c'était la municipalité en Croatie qui avait le plus d'habitants serbes, 98
26 %, il y avait des blocs -- des quartiers résidentiels entiers qui avaient
27 été absolument incendiés alors qu'ils n'ont absolument pas soufferts
28 pendant les combats.
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1 Compte tenu de la nature de l'armée croate très disciplinée qui
2 agissait d'une manière efficace et organisée, je ne peux pas accepter qu'il
3 s'agissait là des événements qui sont survenus d'une manière tout à fait
4 spontanée. Je pense que ces événements ont eu lieu parce que les autorités
5 de l'Etat croate, Tudjman et sa clique, ont tout simplement souhaité que
6 cela arrive.
7 Ensuite, je mets tout cela dans le contexte du désir exprimé par Tudjman de
8 créer une Croatie ethniquement pure dans le contexte de son idée sur les
9 Etats ethniquement homogènes, de ces lois qui devaient empêcher les
10 habitants de retourner dans leurs foyers dans le contexte de tous ceux que
11 j'ai entendu dire par des Croates que les Serbes étaient le cancer dans le
12 ventre de la Croatie. Enfin, si l'on examine les transcripts présidentiels
13 on voit très bien que, par exemple, Susak à un moment se vante en disant :
14 Grahovo est ethniquement pur maintenant.
15 Tout cela ensemble fait que je crois qu'il s'agissait là soit des
16 ordres, soit de laisser-aller parce que bien évidemment je n'ai pas là un
17 ordre sous les yeux, une preuve flagrante que cela s'est passé mais tout ce
18 que j'ai vu par ailleurs me fait croire que cela a dû se passer de cette
19 manière-ci.
20 M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais le
21 témoin de toute évidence a eu l'occasion d'examiner plusieurs transcripts
22 présidentiels auxquels il fait référence. Il faudrait peut-être qu'on nous
23 dise de quels transcripts il s'agit.
24 M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit des transcripts, particulièrement
25 maintenant il s'agit de celui du 12 août dont on a parlé ce matin.
26 M. KEHOE : [interprétation] Oui, mais vous savez ce témoin n'a pas
27 participé à cette réunion et vous avez montré ce transcript présidentiel au
28 témoin malgré cela.
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1 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que la Défense a reçu la liste de
2 tous les transcripts que nous avons montrés au témoin et d'ailleurs ils
3 sont déjà versés au dossier.
4 M. KEHOE : [interprétation] Oui, c'est justement ça le problème.
5 M. TIEGER : [interprétation] La question concerne les transcripts
6 présidentiels qui ont été versés ce matin au dossier. Peut-être que Me
7 Kehoe ne s'en est pas rendu compte immédiatement mais vous savez c'est le
8 transcript du 11.
9 M. KEHOE : [interprétation] Vous savez, il ne s'agit pas d'une omission de
10 ma part. Vous savez tout simplement il s'agit de la chose suivante : le
11 général Gotovina a le droit de savoir quels sont les faits et les
12 circonstances sur lesquels l'Ambassadeur va déposer que ça se trouve dans
13 sa déclaration 92 ter ou dans la feuille supplémentaire.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais pourquoi vous ne demandez pas à M.
15 Galbraith de vous dire quel est le transcript auquel il fait référence --
16 M. KEHOE : [interprétation] Mais c'est une question qui est beaucoup plus
17 large.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais dans ce cas, la question on
19 peut la réduire à cela.
20 M. KEHOE : [interprétation] Oui, mais bon il y a encore une autre question.
21 Vous savez, de quelle manière sommes-nous censés nous préparer pour la
22 déposition de l'ambassadeur si nous ne savons pas quels sont les documents
23 qui lui ont été montrés et sur quoi il va déposer. Vous savez ce transcript
24 porte sur une réunion à laquelle il n'a pas été présent donc --
25 M. KAY : [interprétation] J'essaie de retrouver ce transcript du 11 août
26 mais je n'y arrive pas.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de la réunion du 11 août 1995,
28 c'est le document P456.
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1 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais me
2 joindre aux commentaires de Me Kehoe. Ce qui se passe ici, très brièvement,
3 est qu'on présente à l'ambassadeur une liste de procès-verbaux de réunions,
4 et il n'a pas été présent à la plupart de ces réunions. Tout ce qu'on lui
5 demande c'est de nous donner son opinion sur la teneur de ce transcript
6 alors que ce n'est absolument pas le sujet de nos débats. Il n'est pas
7 censé déposer sur ça, pas de cette manière-là.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
9 M. TIEGER : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec la Chambre,
10 j'ai l'impression qu'on est ici en train de déformer mes propos et
11 l'intention que nous avons s'agissant de ces transcripts présidentiels. La
12 Défense connaissait les positions du témoin s'agissant de la destruction
13 systématique et des faits sur lesquels il base cela.
14 La Défense a pu entendre la réponse du témoin, elle a été très
15 claire, il a exposé plusieurs faits et à la fin de sa réponse il a fait
16 référence à quelque chose qui figure dans un transcript présidentiel tout
17 simplement pour corroborer ce qu'il avait dit.
18 La manière de procéder de la Défense dans ce cas concret n'est
19 vraiment pas appropriée parce que le témoin a déjà exposé des raisons qui
20 l'ont emmené à ses conclusions d'une manière indépendante de ces
21 transcripts présidentiels.
22 Mais il n'y a rien d'inapproprié dans notre manière de procéder avec
23 ce témoin.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Nous allons voir si c'est la peine
25 de continuer à discuter de cela encore.
26 [La Chambre de première instance se concerte]
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre rejette l'objection.
28 Le témoin a émis quelques jugements, quelques opinions qui sont
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1 toujours de nature un peu mixte, donc nous allons demander à M. Tieger
2 d'établir la base factuelle de ces opinions. C'est le témoin lui-même qui
3 nous a fait part de ce qu'il a pu voir, de quelques faits qui lui ont été
4 rapportés, par exemple, par ce soldat, et cetera, et cetera.
5 Je suppose que M. Galbraith n'était pas à côté de ce soldat à
6 l'époque où cela s'était passé.
7 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
9 Quand le témoin nous fait part de son opinion, évidemment il peut faire
10 référence aux sources qui étaient en sa possession à l'époque, et tout cela
11 vous pouvez l'explorer davantage lors du contre-interrogatoire. Vous savez,
12 les informations que les gens apprennent dans un contexte donné leur
13 permettent d'arriver à une opinion, à une conclusion, et à partir de là,
14 d'agir.
15 Donc votre objection est rejetée.
16 M. KEHOE : [interprétation] Encore une chose --
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vous autorise pas à discuter ma
18 décision.
19 M. KEHOE : [interprétation] Non, non, il ne s'agit pas de cela.
20 C'est juste les lignes 23 à 25, où on parle quelles sont les sources qu'il
21 a utilisées - je pense que vous avez dit exactement les sources qu'il a
22 utilisées, qui étaient en sa disposition - comment pouvons-nous savoir
23 quelles sont les sources qu'il a utilisées alors que ces sources n'ont pas
24 été communiquées ? Evidemment, on ne le savait pas non plus avant quels
25 étaient les transcripts qui avaient été présentés au témoin lors de la
26 séance de récolement par l'Accusation. En l'absence de toute information
27 sur ces choses-là, je ne sais absolument pas comment nous sommes censés
28 agir.
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1 J'ai examiné les déclarations faites par le témoin et à aucun moment
2 je n'ai pu avoir la moindre idée sur ce transcript présidentiel, je n'ai
3 même pas pensé une seconde qu'on allait présenter des transcripts
4 présidentiels dans la lumière de cette déclaration.
5 Alors peut-être qu'il y a une procédure spéciale établie au bureau du
6 Procureur concernant les séances de récolement, mais en ce qui nous
7 concerne, nous n'avons aucun moyen de savoir quelles sont les sources
8 utilisées pour cela pour les besoins de notre contre-interrogatoire.
9 Je pense en plus que le problème vient du fait que ce document a été
10 montré au témoin avant qu'il ne soit versé au dossier.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, peut-être que vous
12 pourriez expliquer à Me Kehoe quels sont les documents que vous utilisez
13 lors des séances de récolement avec le témoin avant le début de sa
14 déposition.
15 M. TIEGER : [interprétation] Oui.
16 Tout d'abord, je ne sais pas s'il s'agit là de quelque chose qu'on
17 devrait faire à l'avenir seulement, ou c'est tout simplement un
18 commentaire, ou si on est en train d'enchaîner sur le débat de tout à
19 l'heure. De toute façon, la Défense avait et a la possibilité d'examiner
20 les bases factuelles pourquoi le témoin est arrivé à ses conclusions et de
21 voir les documents qui ont été montrés, et cetera. Ils peuvent évidemment
22 examiner cette même question.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr.
24 Maître Kehoe, vous avez entendu dire que ces documents étaient montrés à
25 M. Galbraith, vous pouvez lui demander s'il s'agit bien de ce document-là,
26 s'il pense qu'il y a eu d'autres documents ou pas, de toute façon la
27 plupart de ces documents ont déjà été versés au dossier.
28 M. KEHOE : [interprétation] Oui, je comprends tout à fait, Monsieur le
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1 Président. Je comprends que c'est le point de vue adopté vis-à-vis de ce
2 témoin. Cela fait un certain temps que le procès a commencé, je n'étais pas
3 au courant pour les témoins qui sont venus auparavant. Mais pour ce qui est
4 de ce témoin -- il n'empêche que pour tous les dossiers ou tous les
5 éléments qui ont été présentés, cela nous pose des problèmes de préparation
6 au fur à mesure que nous avançons.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Maître Tieger.
8 Je ne sais pas, peut-être qu'il faudra se repencher sur la question, mais
9 ce que je peux vous dire d'ores et déjà, Maître Kehoe, c'est que quels que
10 soient les documents que vous obteniez, si vous voulez prendre en
11 considération toutes les impressions, tous les avis, tous les documents du
12 témoin au cours de deux ans, par exemple, puisque ce témoin a été partie
13 prenante dans de nombreuses choses, vous vous bercez d'illusions en quelque
14 sorte si vous pensez que vous allez pouvoir retrouver la trace de tout
15 cela.
16 M. KEHOE : [interprétation] Oui, j'en suis tout à fait conscient, Monsieur
17 le Président, et je sais quel est le point de vue de M. l'Ambassadeur et je
18 sais qu'il a une très longue expérience, je sais que ce sont des points de
19 vue qui ont été formulés depuis très longtemps. Moi ce qui me préoccupe,
20 c'est qu'il y a des documents qui sont montrés à ce témoin, par exemple,
21 avant qu'il n'arrive ici. Cela me surprend parce que ce sont des documents
22 qui ont été montrés au témoin, qui sont utilisés pour en quelque sorte
23 présenter son point de vue. Voilà ce qui me préoccupe et nous ne les avons
24 pas vus.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Tieger.
26 Maintenant je regarde l'horloge, enfin la pendule et je me dis qu'il
27 serait peut-être plus judicieux de faire l'autre pause.
28 D'ailleurs je dois vous présenter mes excuses, car lors de la
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1 pause précédente, j'ai tout simplement oublié que le temps passait,
2 ce que je ne vous encourage pas à faire, je m'adresse à tout le
3 monde. Par contre je vous encourage vivement à tous revenir à 12
4 heures 50.
5 [Le témoin quitte la barre]
6 --- L'audience est suspendue à 12 heures 32.
7 --- L'audience est reprise à 12 heures 51.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, j'ai entendu dire que
9 vous souhaiteriez que quelque chose soit consigné au compte rendu
10 d'audience.
11 M. KEHOE : [interprétation] Oui, oui.
12 Je voulais dire à la Chambre que ce témoin est en train de témoigner comme
13 un témoin expert compte tenu de ses avis et opinions. Nous n'avions pas été
14 informés, vous avez par exemple l'article 94 bis. Mais je dirais que depuis
15 qu'il a commencé sa déposition, ce qu'il avance se fonde sur des faits
16 certes, mais ensuite il analyse ces faits et il avance des conclusions. Ce
17 qui correspond au témoignage d'un témoin expert. Donc nous avons une
18 objection vis-à-vis de cela parce que premièrement il ne nous a pas été
19 indiqué comme témoin expert, et deuxièmement cela est en contradiction,
20 pour ne pas dire en violation, flagrante de l'article 94 bis.
21 [La Chambre de première instance se concerte]
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre objection a été consignée au
23 compte rendu d'audience, mais ne donne pas pour le moment à la Chambre
24 d'argument lui permettant de ne pas entendre le témoin.
25 Je souhaiterais que le témoin entre dans le prétoire maintenant.
26 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
28 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'adresse aux parties, je ne sais pas
2 si je me suis mal exprimé à la ligne 25, page 67. J'ai dit que nous allions
3 entendre les moyens de preuve du témoin, c'est ce que j'ai dit, alors que
4 ce n'est pas ce qui est écrit au compte rendu d'audience. Je ne sais pas si
5 l'erreur vient de moi ou si l'erreur s'est glissée après.
6 Mais en tout cas si c'est moi qui ai fait l'erreur, je m'en excuse.
7 M. TIEGER : [interprétation] Oui, je vous remercie.
8 Je souhaiterais maintenant que l'on examine la pièce P446.
9 Q. Monsieur l'Ambassadeur, j'aimerais attirer votre attention sur la pièce
10 P446. Il s'agit d'un télégramme encodé qui, me semble-t-il, porte la date
11 du mois d'août 1995.
12 Je dirais que vous pourrez identifier la date du document car vous voyez,
13 il y a une annotation qui est indiquée. Vous voyez qu'il est indiqué, vous
14 avez le titre non classé ?
15 R. Oui, c'est exact.
16 Q. Donc vous avez le mois, la date ?
17 R. Vous avez 31 août 1995, mais vous avez également l'heure qui est
18 indiquée dans ce code. Il me semble que c'est 11 heures 15, attendez j'ai
19 un problème de lunettes. C'est cela, 15 août [comme interprété].
20 Q. Je pense que cela se trouve à l'intercalaire 5 de votre classeur, ce
21 sera peut-être une lecture plus facile. Vous avez décrit un peu plus tôt,
22 lors de votre déposition, les points de vue exprimés à propos d'une Croatie
23 essentiellement homogène du point de vue ethnique, ainsi que les mesures ou
24 concepts pris en considération pour éviter que les Serbes ne reviennent.
25 J'aimerais vous demander si vous saviez ce que souhaitaient faire après
26 l'opération Tempête les dirigeants croates, et je pense toujours à l'aspect
27 démographique de la Krajina.
28 C'est la pièce P446 qui m'intéresse, plus particulièrement le paragraphe
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1 43, puisque là vous indiquez : "L'offensive et les déplacements des
2 populations qui en ont résulté ont provoqué un problème de réfugiés de
3 taille. L'annonce publique croate permettant d'offrir des garanties de
4 sécurité pour ce qui est du 'nettoyage ethnique' ou 'après le nettoyage
5 ethnique' permettra de faire de l'espace pour", vous avez une virgule, mais
6 on a l'impression qu'il s'agit de 100 000 réfugiés croates qui
7 s'installeront dans le secteur.
8 Ensuite, vous voyez la description se poursuit, il est indiqué :
9 "Prendre les Serbes et de les mener vers des camps de transition ou des
10 camps de transit."
11 Alors premièrement, Monsieur l'Ambassadeur, j'aimerais vous poser une
12 question, d'après vous, à l'époque cet objectif qui consistait à créer de
13 l'espace pour les réfugiés croates au lieu des Serbes de la Krajina qui
14 s'étaient enfuis, comment est-ce que vous entendiez cela ?
15 R. La première chose que j'aimerais dire c'est que Tudjman,
16 lorsqu'on lui posait des questions, parlait peut-être de 10 % de la
17 population serbe qui se trouvait là. En fait, lui, il envisageait que les
18 Croates de la diaspora pourraient peut-être venir s'installer en Krajina.
19 Il est possible que les dirigeants croates aient évoqué ce chiffre de
20 100 000 réfugiés croates qui étaient réfugiés à la suite des combats en
21 Bosnie, puis il y avait également la Slavonie orientale. Il se peut qu'il
22 s'attendait à ce que certains reviennent mais il pensait également à la
23 diaspora, qui serait revenue et qui se serait installée dans ce secteur.
24 Q. J'aimerais maintenant que nous prenions le document P447, qui se trouve
25 à l'intercalaire 6 de votre classeur. Il s'agit d'un télégramme chiffré qui
26 date du 11 décembre 1995. Est-ce qu'il s'agit d'un télégramme que vous avez
27 envoyé, Monsieur l'Ambassadeur ?
28 R. C'est un télégramme que j'ai envoyé et c'est un télégramme que j'ai
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1 rédigé personnellement. Vous le voyez puisque j'utilise la première
2 personne. Cela était envoyé par une filière qui permettait d'envoyer
3 directement cela au secrétaire d'Etat, et cela, en prévision de sa visite à
4 Zagreb.
5 Q. Je demande une petite minute.
6 Monsieur l'Ambassadeur, ce télégramme indique au paragraphe 3 : "La Croatie
7 continue à empêcher les Serbes de Krajina de revenir chez eux et a
8 confisqué de façon arbitraire leurs biens. Loin de présenter des excuses,
9 Tudjman a dit hier, à des représentants du congrès qui étaient venus le
10 trouver, qu'il serait impossible que ces Serbes reviennent à l'endroit où
11 leurs familles ont vécu depuis des siècles. La mise à feu de Sipovo, vous
12 avez d'ailleurs mis Tudjman sur la sellette à ce sujet à juste titre, fait
13 partie d'une stratégie plus globale visant à créer un cordon sanitaire
14 exempt de tout Serbe autour de la patrie croate. Les incendies
15 systématiques des foyers serbes ont suivi la capture en août de la Krajina
16 et la capture en septembre des villes serbes en Bosnie occidentale. Il ne
17 s'agissait pas" - comme l'a indiqué Tudjman à votre intention - "d'actes
18 isolés d'hommes en colère."
19 Est-ce que vous pourriez essayer d'indiquer à la Chambre ce que vous
20 essayiez de relayer comme information ?
21 R. J'ai essayé de ne pas répondre avant la pause - il a été question
22 d'opinions que je m'étais forgées en 1995, et cela se retrouve dans ce
23 télégramme - mais la destruction systématique de la Krajina, était soit
24 quelque chose qui était planifié, soit quelque chose qui était autorisé,
25 mais de toute façon c'est quelque chose que Tudjman et les autorités
26 croates avaient l'intention de voir se produire. Ce n'était pas parce qu'il
27 y avait des Croates courroucés qui revenaient et qui se vengeaient sur les
28 bien serbes. Il ne s'agissait pas de ce genre d'actes. Il s'agissait en
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1 fait d'une politique de l'Etat. C'est le message que j'ai essayé de relayer
2 au secrétaire d'Etat, et c'est une opinion que je me suis forgée bien avant
3 l'envoi de ce télégramme, comme vous pourrez voir dans d'autres
4 télégrammes.
5 Q. J'aimerais savoir si vous avez envoyé un message semblable -- j'ai
6 oublié de ménager un temps d'arrêt entre les questions et les réponses.
7 Je voulais savoir si vous aviez envoyé un message semblable au secrétaire
8 un peu plus tôt ?
9 R. Oui, le 11 septembre -- je devrais peut-être expliquer à la Chambre de
10 première instance qu'il existe une filière qui permet à un ambassadeur
11 d'envoyer directement des messages au secrétaire d'Etat, soit il s'agit de
12 messages qui portent sur des questions extrêmement névralgiques, mais en
13 général il s'agit de questions politiques, ce n'est pas une filière qui est
14 utilisée fréquemment.
15 Mais le 11 septembre, j'ai envoyé un télégramme qui portait sur ce
16 sujet précis, et j'ai à nouveau réitéré la destruction de ce qui se passait
17 en Krajina, j'ai dit que cette destruction faisait partie d'un système qui
18 rendait le retour aux Serbes absolument impossible, et que les Etats-Unis
19 devraient prescrire des conditions auprès des Croates pour que les Croates
20 permettent aux Serbes de rentrer chez eux, qu'ils pourraient leur octroyer
21 la citoyenneté et que les Serbes pourraient récupérer leurs biens ou qu'ils
22 pourraient obtenir des compensations pour les biens qui avaient été
23 détruits, et que des conditions de sécurité devraient être mises en place
24 pour que ces personnes puissent rentrer chez elles. Et si la Croatie
25 n'obtempérait pas, il faudrait que nous prenions toute une série de mesures
26 très fermes, que nous allions entraver et mettre des bâtons dans les roues
27 à la Croatie qui voulait intégrer les structures occidentales et qui
28 commençait à parler de la voie européenne, et que nous allions tout faire
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1 pour les garder à l'extérieur de ces structures, et très certainement hors
2 des structures de l'OTAN, à moins que la Croatie ne fasse ce qui pourrait
3 permettre cette réintégration de la Slavonie orientale. En d'autres termes,
4 toute notre relation était fondamentalement tributaire d'un changement de
5 politique de la part de la Croatie, ce qui une fois mise en place, cette
6 politique j'entends, empêchait le retour des Serbes dans la région de la
7 Krajina.
8 Q. Vous faites référence dans ce télégramme à ce cordon sanitaire exempt
9 de Serbes. Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce que vous entendiez
10 par cette expression ?
11 R. Oui, tout à fait. Dans la zone qui se trouve située à l'ouest de la
12 région de la Krajina en Bosnie qui avait été peuplée de Serbes, la Croatie
13 s'était emparée de cela lors de l'offensive 1995 qui avait suivi
14 l'opération Tempête, et la Croatie avait autorisé ou avait donné l'ordre de
15 brûler systématiquement les propriétés et les biens serbe, ce qui fait que
16 les Serbes ne pouvaient pas revenir. L'idée étant que cette région
17 deviendrait une région croate, une région qui servirait de zone tampon avec
18 la Croatie, je pense que cela faisait partie des idées de Tudjman, car il
19 pensait que ce secteur ainsi que l'Herzégovine pourraient être annexés à la
20 Croatie et cela faisait partie de son plan de la Grande-Croatie.
21 Q. Vous faites référence -- dans le paragraphe 23 de la pièce P445, je
22 voulais vous demander si vous avez personnellement été témoin oculaire de
23 ces exemples et est-ce que vous avez reçu ces rapports également, vous-même
24 personnellement ?
25 R. Oui.
26 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je dirais à l'intention
27 de la Chambre de première instance que je souhaiterais que soit affichée la
28 pièce de la liste 65 ter 5233, donc pièce 5233.
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1 Q. Il s'agit de l'intercalaire 17 de votre classeur, Monsieur
2 l'Ambassadeur.
3 Ça prend un peu plus de temps pour afficher les cartes à l'écran.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, vous savez qu'il y a
5 potentiellement des objections à ce sujet-là.
6 Nous avons déjà parlé tout à l'heure de cette carte et de la possibilité de
7 la rajouter sur la liste 65 ter, et à ce moment-là je vous ai annoncé que
8 la Chambre allait réserver sa décision concernant cette carte.
9 Il serait peut-être bien qu'on établisse immédiatement la pertinence de
10 cette carte et des questions à poser au témoin au sujet de cette carte,
11 pour que la Défense puisse s'exprimer.
12 [Le conseil de l'Accusation se concerte]
13 M. TIEGER : [interprétation]
14 Q. Monsieur l'Ambassadeur, au paragraphe 23 de la feuille supplémentaire,
15 vous décrivez ce qui s'est passé au moment où le HVO a pris le contrôle des
16 villes en Bosnie occidentale parmi lesquelles Mrkonjic Grad. Pourriez-vous
17 nous montrer cela sur la carte ?
18 R. Cela se situe en Bosnie occidentale; plus précisément, au nord-ouest.
19 M. TIEGER : [interprétation] Peut-on agrandir cela, la partie à gauche.
20 Merci.
21 Peut-on maintenant déplacer le curseur un peu à droite ?
22 Q. Monsieur l'Ambassadeur, peut-être que vous pourriez diriger ce
23 mouvement -- voilà. Vous avez fait référence à l'endroit qui est maintenant
24 indiqué par le curseur ?
25 R. Oui. Et juste en dessous, on voit Sipovo.
26 Q. Bien. Et quand vous avez parlé du cordon sanitaire, vous avez fait
27 référence à la région qui est indiquée en rouge sur la frontière croate.
28 M. KEHOE : [interprétation] S'agissant de cet aspect-là du territoire qui
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1 n'était pas sous le contrôle du HV, est-ce qu'on affirme ici que ce
2 territoire-là était sous le contrôle de l'ABiH ?
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
4 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que ce n'est pas la peine
5 d'approfondir cela. Le témoin a tout simplement fait référence à plusieurs
6 endroits. Je pensais qu'il serait utile qu'on indique où ces endroits se
7 situent à la Chambre. Cette carte-là reflète les zones peuplées en 1991,
8 c'est tout.
9 M. KEHOE : [interprétation] Oui, mais est-ce qu'il faudra d'abord établir
10 que ces zones n'étaient pas sous le contrôle du HV ?
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger -- ou plutôt Maître
12 Kehoe, vous êtes en train de formuler une objection sur la base d'une
13 supposition; c'est-à-dire que je n'ai toujours pas entendu cette question
14 posée par M. Tieger, il n'a pas demandé si cette zone était sous le
15 contrôle du HV ou pas.
16 Le témoin a tout simplement fait mention de certains endroits. M.
17 Tieger lui a demandé de montrer ces endroits sur une carte. Alors, est-ce
18 que vous n'êtes pas d'accord avec l'utilisation de cette carte-ci ? Si
19 c'est ça le problème, on peut peut-être essayer de retrouver une autre
20 carte. Je n'arrive pas à savoir dans quelle mesure la composition ethnique
21 est pertinente pour la question posée par M. Tieger. Mais pour l'instant,
22 la Chambre est plutôt encline à ce qu'on utilise cette carte seulement pour
23 permettre au témoin de nous indiquer l'emplacement de ces endroits.
24 Je vais ignorer entièrement les couleurs indiquées sur la carte.
25 M. KEHOE : [interprétation] Vous savez à cet instant-là --
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne faut pas témoigner maintenant, il
27 faut laisser ça au témoin.
28 M. TIEGER : [interprétation] Bien. J'aimerais également dire que nous avons
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1 entendu plusieurs témoignages à ce sujet-là, au sujet par exemple de
2 Grahovo et de ce point de vue, la composition ethnique nous paraît
3 pertinente.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si cette source est
5 contestée ou pas, on dirait au premier coup d'œil qu'il s'agit d'une carte
6 représentant la composition ethnique de la population de Bosnie-
7 Herzégovine. Ici nous ne parlons que des zones frontalières, cette carte-là
8 est censée refléter les résultats du recensement de la population de 1991.
9 Cela est-il contesté ou accepté ?
10 M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit d'une carte qu'on produit typiquement
11 suite à un recensement, ça ne me gêne pas du tout, elle est tout à fait
12 acceptable quant à moi.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Déjà ça c'est clair. Maintenant y
14 a-t-il des problèmes quant à la manière dont la carte reflète le résultat
15 du recensement ? Est-ce que la carte reflète correctement les résultats du
16 recensement ou pas ?
17 La seule chose qu'on ait à ce sujet-là, c'est ce qu'a dit M. Tieger,
18 mais c'est lui qui témoigne et ce n'est pas à lui de le faire, il faudra
19 qu'il laisse ça à quelqu'un d'autre. M. Tieger a fait référence à Grahovo,
20 à Glamac. Je pense que vous avez dit, Monsieur Tieger, qu'il s'agissait là
21 des régions à prédominance serbe, peut-être que je me trompe.
22 M. TIEGER : [hors micro]
23 [interprétation] J'ai dit que ce qui est représenté sur cette carte
24 peut être relié à quelques dépositions que nous avons déjà entendues au
25 sujet de ces endroits-là, et que de ce point de vue-là, ça pourrait nous
26 être utile.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Passons maintenant à la suite.
28 M. TIEGER : [interprétation] Juste un instant. Je suis en train d'essayer
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1 de voir si je peux d'une certaine manière raccourcir l'interrogatoire.
2 Q. Monsieur l'Ambassadeur, au paragraphe 46 de votre déclaration, les
3 paragraphes 46 et 56, vous faites référence aux critiques adressées par les
4 Etats-Unis et vous-même au sujet des crimes qui ont eu lieu et les
5 réactions des gens croates, notamment dans le paragraphe 56, vous dites :
6 "Sans cesse, je soulevais cette question d'atrocités en présence de
7 dirigeants divers." Et vous parlez de leurs réponses.
8 Ensuite paragraphe 13 de la feuille supplémentaire, qui est P445, vous
9 faites référence à une réponse donnée par le ministre des Affaires
10 étrangères, M. Granic, du 13 octobre où vous avez dit que vous avez exprimé
11 votre désaccord avec ce qui se passait en Krajina, et que vous vouliez être
12 sûr qu'il ait bien compris. Il vous a dit également qu'il était en
13 désaccord avec cela et qu'il ne s'était pas associé avec ceci.
14 Est-ce que la teneur de votre discussion avec M. Granic est décrite
15 également dans votre journal à cette date-là ?
16 R. Oui.
17 Q. Bien. Alors, après l'opération Tempête et les événements que vous avez
18 décrits qui ont eu lieu pendant les semaines et les mois qui ont suivi
19 cette opération, avez-vous poursuivi avec vos efforts pour trouver une
20 solution au conflit en Croatie ?
21 R. Oui, oui. J'étais le médiateur principal avec Stoltenberg, l'envoyé des
22 Nations Unies, pour l'accord Erdut qui prévoyait la réintégration pacifique
23 de la Slavonie orientale.
24 Q. L'accord Erdut a été conclu à quelle date ?
25 R. Le 12 novembre 1995.
26 Q. Avez-vous ensuite travaillé sur les accords de Dayton pour mettre une
27 fin définitive à la guerre en Yougoslavie ?
28 R. Au tout début et à toute la fin de cette période des négociations, des
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1 préparations des accords de Dayton, mais je faisais un peu la navette entre
2 Zagreb et les autres, afin de réussir à rencontrer les Serbes et les autres
3 et de résoudre ce problème.
4 Les pourparlers de Dayton ont commencé le 1er novembre, donc cela se
5 passait en même temps.
6 Q. La signature des accords d'Erdut a marqué la fin du conflit en Croatie
7 entre les Croates et les Serbes de Krajina, ou y a-t-il eu d'autres clashs,
8 combats par la suite ?
9 R. Non, je dois dire que c'était peut-être le début de la fin, mais pas
10 vraiment la fin parce qu'il y a eu une période de transition de deux ans
11 qui avait été prévue où les Nations Unies devaient assurer le contrôle
12 pendant deux années pendant lesquelles les autorités croates devaient se
13 préparer pour reprendre le contrôle. Il y a eu aussi des parties de la
14 population croate qui avaient été expulsées en 1991 qui sont retournées à
15 ce moment-là, mais c'était la première fois pendant cette période-là qu'un
16 territoire a changé de contrôle.
17 Il y a autre chose que j'aimerais rajouter -- que nous avons dû convaincre
18 les Serbes de Slavonie orientale qu'ils pouvaient continuer à vivre en
19 Croatie, et être des citoyens à part entière de ce pays. Et c'était très,
20 très difficile parce qu'il y avait à l'époque des lois qui prévoyaient que
21 si on ne retournait pas sous les 30 jours, qu'on perdait ses biens. Et la
22 question qui se posait à cette époque-là pour nous, c'était comment gérer
23 tout cela.
24 Parce qu'on devait faire en sorte que la Croatie se plie aux normes
25 internationales dans le domaine des droits de l'homme. Et cela était d'une
26 importance cruciale pour nous parce que réussir le processus de paix en
27 Slavonie orientale était une condition sine qua non pour le succès de
28 l'accord de Dayton.
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1 Voilà, donc c'était d'une très grande importance.
2 Q. Merci.
3 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, juste un instant.
4 Monsieur le Juge, Madame le Juge, j'ai fini, je n'ai plus de
5 questions.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
7 M. TIEGER : [interprétation] Juste autre chose, je demande le versement de
8 cette carte et j'annonce que je demanderai le versement de quelques autres
9 documents sans passer par le témoin. Peut-être que la Défense aura besoin
10 de quelque temps pour examiner ces documents avant que je ne demande leur
11 versement.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous avons reçu une copie de cette
13 liste. Pour nous, nous n'avons rien trouvé de -- tout va bien.
14 Peut-être que la Défense a des objections.
15 M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit d'une liste qui est très, très longue
16 et nous n'avons pas eu assez de temps pour les examiner.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Monsieur Tieger.
18 M. TIEGER : [interprétation] C'est vrai. Mais en ce qui nous concerne, le
19 temps nécessaire pour examiner ces documents ne nous pose aucun problème.
20 On peut attendre.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais vous n'avez pas fait référence
22 à ces documents avec le témoin. Ça aurait été peut-être utile à la Défense
23 pour leur contre-interrogatoire.
24 Mais de toute façon l'Accusation n'insiste pas à ce que la décision
25 soit prise avant une semaine, comme le demande la Défense.
26 M. TIEGER : [interprétation] Non, non, on ne demande pas une décision
27 immédiate. Nous sommes conscients que cela ne serait pas juste.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. La Chambre aimerait entendre la
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1 Défense dès que possible afin de rendre une décision sur le versement de
2 ces documents.
3 M. TIEGER : [interprétation] Bien. J'aimerais seulement demander que la
4 Défense, si elle sait déjà qu'elle aura des objections sur un quelconque de
5 ces documents et pour lequel la présence de ce témoin pourrait nous être
6 utile, de nous informer dès que possible parce que comme ça on pourrait
7 peut-être résoudre des problèmes s'ils sont liés à cet aspect-là.
8 M. KEHOE : [interprétation] Très bien. J'ai reçu ces documents vendredi. Il
9 s'agit de documents très volumineux et nous allons être confrontés à des
10 difficultés. Si on les avait reçus un peu plus tôt, ça aurait été beaucoup
11 plus facile, mais bon.
12 On m'informe de quelque chose, juste un instant.
13 M. KUZMANOVIC : [interprétation] En attendant, Monsieur le Président, nous
14 avons reçu un message électronique le 20, et deux classeurs plein de
15 documents pendant la pause, donc cela signifie que nous avons besoin d'un
16 peu de temps.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ce que je vous demanderais c'est
18 dès que quelque chose vous traverse l'esprit d'en informer M. Tieger et la
19 Chambre. N'attendez pas d'avoir examiné tous les documents pour nous
20 informer des objections que vous connaissez déjà.
21 Oui, Maître Kehoe.
22 M. KEHOE : [interprétation] M. Misetic souligne le fait qu'une question qui
23 a été soulevée concerne le huitième transcript du 3 août, nous n'avons pas
24 d'objection à cela, et nous allons verser au dossier un enregistrement
25 audio de cela, de cette discussion avec l'Accusation. Mais je pense que
26 c'est le seul de cette nature.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le 8 ?
28 M. KEHOE : [interprétation] Le 3 août.
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1 M. KUZMANOVIC : [interprétation] P448.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P448. D'accord, vous allez être le
3 premier, Maître Kehoe. Il nous reste encore 15 jours.
4 Monsieur l'Ambassadeur, vous allez être contre-interrogé maintenant par Me
5 Kehoe qui représente le général Gotovina.
6 Contre-interrogatoire par M. Kehoe :
7 Q. [interprétation] Bonjour de nouveau.
8 R. Bonjour.
9 Q. Je souhaite que l'on revienne à votre déclaration 92 bis dont le numéro
10 est 444, je crois. Et je souhaite que l'on revienne à certaines des
11 discussions que vous avez eues au sujet des Serbes de Krajina et aller un
12 petit peu plus loin dans le temps par rapport à vos discussions avec M.
13 Babic à Belgrade. Et je souhaite que l'on parle de certaines choses avec un
14 peu plus de détails.
15 Je souhaite maintenant attirer votre attention sur le paragraphe 6 de votre
16 déclaration 92 ter, vous savez que Slobodan Milosevic était le maître de
17 tout ce qui se passait au sujet des Serbes de Krajina : "Entre autres
18 choses, y compris ce que j'ai vu par rapport au contrôle lors des
19 négociations, Milosevic était impliqué même au paiement des soldes des
20 membres de l'ARSK et peut-être de la police. Certains d'entre eux venaient
21 de la Serbie et il était de toute façon évident que les Serbes de Krajina
22 dépendaient largement de la Serbie."
23 J'attends l'interprétation.
24 Monsieur l'Ambassadeur, dites-nous un peu plus au sujet du contrôle
25 qu'exerçait Slobodan Milosevic sur les Serbes de Krajina, si possible ?
26 R. C'était très important. Il avait manipulé les élections en Krajina en
27 1994 afin de provoquer la défaite de Babic et de placer Martic au pouvoir.
28 C'est lui qui payait les salaires et qui les approvisionnait en carburant
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1 et je crois, ou plutôt je suis sûr que c'était lui qui avait obstrué le
2 plan Z-4 pour des raisons qui concernent peu la Krajina mais plutôt ses
3 préoccupations vis-à-vis du Kosovo et il essayait de trouver un accord avec
4 Tudjman qui était ouvert à une telle possibilité, un accord selon lequel la
5 Serbie pouvait s'approprier une partie du territoire croate.
6 Donc je pense que oui, il était le numéro un dans une grande mesure
7 en Krajina. C'était ma conclusion.
8 Q. Est-ce qu'il contrôlait les militaires aussi ?
9 R. Oui, certainement. Il a changé le général après que des requêtes ont
10 été envoyées à Zagreb les 2 et 3 mai 1995. Je pense que c'était en partie
11 en raison de cette attaque de roquettes contre Zagreb.
12 Q. Donc il a remplacé des généraux ?
13 R. C'est exact.
14 Q. Lorsque les Serbes de Krajina ont établi leur territoire en 1991, il
15 recevait déjà des rapports de Slobodan Milosevic, des instructions ?
16 R. Oui, c'est ce que je crois. Visiblement moi-même je suis arrivé sur le
17 terrain en juin 1993.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.
19 M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi.
20 Q. Excusez-moi, Monsieur l'Ambassadeur.
21 Vous avez indiqué que vous croyez qu'il avait manipulé les élections en
22 1994. Est-ce que vous pouvez vous étendre un peu plus là-dessus ?
23 R. Oui. Babic était, je pense, la personne la plus populaire, la plus
24 soutenue en Krajina et il était le seul leader qui avait un peu, et je
25 souligne "un peu" de préoccupations par rapport à la population et il avait
26 un certain degré d'indépendance par rapport à Milosevic. Et celui-ci
27 n'était pas favorable à cela.
28 Donc il y avait les élections, ensuite il faut vérifier les archives,
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1 je ne me souviens pas tout à fait, mais c'était tout à fait extraordinaire
2 car lors du premier tour, Martic avait eu 24 % et Babic, 48 ou 49 % et
3 d'une certaine manière, on ne sait pas comment lors du deuxième tour des
4 élections, c'est Martic qui a gagné. Je pense que c'est pratiquement une
5 situation sans précédent dans l'histoire d'avoir un tel changement entre
6 les deux tours, pratiquement tous les votes sont allés à Martic lors du
7 deuxième tour.
8 Donc il faut vérifier les pourcentages. Ai-je bien compris ?
9 Q. Votre conclusion à l'époque était que même en 1995 c'était lui qui
10 dirigeait les choses en Krajina ?
11 R. Oui, c'est exact, c'était ma conclusion.
12 Q. Nous allons revenir maintenant à l'an 1991, je souhaite vous poser
13 quelques questions au sujet de la Grande-Serbie et de la participation de
14 Milosevic à cela. Nous n'allons pas en traiter en détail.
15 Mais nous allons traiter aussi de votre déposition lors de l'affaire
16 Milosevic. A la page 23 081, vous avez dit que vous croyez que Slobodan
17 Milosevic était un architecte de la politique de la création d'une Grande-
18 Serbie et que peu de choses se déroulaient sans sa connaissance et sa
19 participation.
20 Est-ce que vous pouvez nous l'expliquer un peu plus en détail ?
21 R. Ceci contient beaucoup d'aspects. Entre autres, le fait que la JNA qui
22 était l'armée populaire yougoslave, l'armée du peuple yougoslave et qui
23 était responsable, ou plutôt, Milosevic était effectivement en charge de la
24 JNA. Lorsque le soulèvement de la Krajina a commencé, à l'époque la Krajina
25 faisait partie de la Yougoslavie encore, et à ce moment-là la JNA n'a pas
26 pris une position neutre, mais aidait les Serbes à s'approprier certaines
27 terres croates.
28 Ensuite en Bosnie en 1992, c'était encore plus flagrant, c'est-à-dire
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1 Milosevic et la JNA ont organisé que les Serbes de Bosnie au sein de la JNA
2 soient en Bosnie, et à un certain moment, je crois que c'était en mai 1992,
3 la JNA s'est retirée de la Bosnie. Je pense qu'à ce moment-là elle a changé
4 de nom pour devenir l'armée yougoslave et ce qui est resté en Bosnie
5 c'était la JNA avec tous les moyens logistiques et les équipements, et ceci
6 est devenu l'armée des Serbes de Bosnie.
7 Je peux continuer et dire que lors des négociations de paix à Dayton,
8 c'était avec Milosevic que l'on négociait même s'il s'agissait là des
9 négociations de paix qui théoriquement concernaient l'Etat souverain de la
10 Bosnie-Herzégovine. Les dirigeants Serbes de Bosnie étaient présents, nous
11 n'avons pas du tout parlé avec eux. Nous sommes arrivés à un accord en
12 parlant avec Milosevic.
13 Q. Donc c'était lui qui les représentait ?
14 R. Oui.
15 Q. Donc il est clair n'est-ce pas, Monsieur l'Ambassadeur, que lorsque les
16 Serbes de Krajina ont établi leur gouvernement, que leur idée était de, à
17 la fin, commencer à faire partie de la Serbie ?
18 R. Oui. C'était le cas au moment de leur constitution.
19 Q. Je vais vous montrer une carte. Il s'agit de la pièce 1D33-0001.
20 Pardon peut-on montrer la carte 1D33-0002.
21 Mais nous allons traiter de cela tout d'abord. Veuillez examiner
22 d'abord cela; et ensuite passez à la carte suivante, 1D33-0002.
23 Monsieur l'Ambassadeur, il s'agit ici des frontières de la Grande-Serbie
24 suivant le mémorandum de l'Académie serbe des sciences et des arts.
25 Monsieur l'Ambassadeur, est-ce la manière dont vous avez compris les
26 aspirations de ceux qui oeuvraient pour la Grande-Serbie, y compris
27 Slobodan Milosevic par rapport à leur but définitif de la création d'une
28 Grande-Serbie ?
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1 R. Je ne pense pas. Je ne sais pas si cette carte en particulier reflète
2 ces aspirations.
3 J'ai déjà dit lors de ma déposition que Tudjman réfléchissait d'une manière
4 très stratégique même s'il n'était peut-être pas, peut-être on peut ne pas
5 être d'accord avec cette stratégie, mais c'est comme ça qu'il
6 réfléchissait. Alors que Milosevic n'était pas du tout un stratège, à mon
7 avis, il réfléchissait plutôt au niveau tactique. Ses buts ne cessaient de
8 changer car il ne pensait pas de manière stratégique. Il souhaitait
9 effectivement avoir une Grande-Serbie.
10 Mais une partie de ce territoire aurait certainement fait partie de
11 cela, mais visiblement Split ou la Slavonie, ça aurait été trop loin. Mais
12 il souhaitait avoir la Grande-Serbie et certainement une bonne partie de ce
13 qui est présenté sur cette carte.
14 Q. Peut-on continuer, et voyons quel était l'effet de la République
15 sécessionniste, ladite République de Krajina serbe.
16 Est-ce que vous pouvez nous dire quel a été l'effet de cela ?
17 R. Tout d'abord, l'effet était la division de la Croatie et la séparation
18 de la Croatie continentale de la côte. Lorsque j'ai pris mes fonctions
19 d'ambassadeur, il n'y a pas eu de lien terrestre entre Split, qui est la
20 deuxième ville la plus grande de Croatie, et Zagreb, qui est la capitale et
21 la ville la plus grande. La raison en est que le territoire serbe était
22 entre les deux jusqu'au pont de Maslenica, mais ce pont a été détruit. Peu
23 de temps après mon arrivée, un pont a été construit mais la Serbie l'a
24 pilonné.
25 En juin 1992 [comme interprété], le pays a été divisé. Les gens
26 devaient voyager de façon compliquée pour aller jusqu'à Split, il fallait
27 prendre un ferry à l'île de Pag pour contourner cette région.
28 Q. Et cette situation en particulier existait de 1991 jusqu'en 1995, plus
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1 ou moins ?
2 R. Oui, je peux dire oui, mais la situation s'était effectivement
3 améliorée en 1993 avec l'ouverture du pont de Maslenica, et ceci s'est
4 amélioré de manière significative après 1994, après le cessez-le-feu qui
5 était la première phase du processus Z-4, le cessez-le-feu du 29 mars 1994.
6 Q. C'est une question pratique -- excusez-moi, je dois arrêter.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde l'heure, Maître Kehoe, il est
8 2 heures moins le quart. Mais peut-être je vais d'abord demander quelque
9 chose au témoin. Monsieur Galbraith, je souhaite vous donner des
10 instructions de ne pas parler avec qui que ce soit au sujet de la
11 déposition que vous avez déjà faite aujourd'hui ou la suite de votre
12 déposition au cours des journées qui viennent.
13 Nous allons reprendre notre travail demain matin à 9 heures, et si je
14 ne me trompe, ce sera dans ce même prétoire.
15 M. KEHOE : [interprétation] Je pense que d'après le programme, nous
16 travaillons demain après-midi, dans le prétoire II.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, je ne me trompe pas
18 seulement sur un front mais sur les deux, si ça vous console, Maître Kehoe.
19 M. KEHOE : [interprétation] En fait, non, Monsieur le Président.
20 Monsieur l'Ambassadeur, nous échangeons un peu de plaisanteries, là.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous convoque ici demain après-midi
22 dans la salle d'audience III -- non, la salle d'audience II. Vous verrez,
23 c'est une salle d'audience bien plus petite que celle-ci.
24 Monsieur l'Huissier, est-ce que vous pourriez escorter M. Galbraith à
25 l'extérieur du prétoire.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite simplement
27 attirer votre attention sur une question de calendrier. Je ne sais pas
28 pendant combien de temps ça va durer. Je suppose qu'il s'agit des sessions
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1 du matin, mais je dois revenir auprès de mes enfants qui sont en Norvège
2 avant jeudi soir, car ma femme est partie --
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Justement j'ai demandé à M. l'Huissier
4 de vous escorter en dehors pour en traiter. Vous allez être informé dès que
5 possible, même si parfois des choses inattendues arrivent.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends. Mais tout simplement après jeudi
7 soir, les choses deviendront compliquées pour moi.
8 [Le témoin se retire]
9 [La Chambre de première instance se concerte]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Tieger, une petite question. La
11 Chambre se demande si ce que l'on a entendu au cours des dernières 15
12 minutes, lorsqu'il a été question de la Grande-Serbie et bien d'autres
13 choses, si ceci était contesté par la Défense, notamment la plus grande
14 partie du rôle de Milosevic.
15 M. TIEGER : [interprétation] Non, pas pour autant que je le sache.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Ça c'était le premier point.
17 Maître Kehoe, vous avez soulevé la question de la pertinence de la période
18 du temps et du territoire en question. Maintenant, nous nous retrouvons
19 dans une situation où apparemment vous avez demandé et sollicité des
20 réponses de ce témoin concernant les éléments de preuve qui ne sont
21 nullement contestés et qui vont surtout au-delà de l'acte d'accusation et
22 aussi de l'étendue géographique.
23 Bien sûr, le contexte est le contexte, mais il ne doit pas prendre le
24 devant de la scène. Donc je ne dis pas que vous ne pouvez pas traiter de
25 cette question du tout, mais peut-être qu'il serait bien de vérifier avec
26 M. Tieger dans quelle mesure vous avez des opinions différentes concernant
27 la Grande-Serbie. Peut-être qu'il existe un moyen mécanique de suivi.
28 Mais lorsque l'on évalue le temps et la façon dont le temps est
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1 utilisé lors du contre-interrogatoire, soit à la fin de la journée demain
2 ou le lendemain, la Chambre va certainement prendre en considération la
3 question de savoir si vous vous êtes concentré sur les points cruciaux ou
4 si l'on a passé beaucoup de temps sur des questions de contexte qui
5 commencent à prendre le devant de la scène.
6 M. KEHOE : [interprétation] Oui, puis-je répondre ?
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Brièvement.
8 M. KEHOE : [interprétation] J'en ai parlé pendant 15 minutes et j'ai parlé
9 de ces questions-là en raison du fait que clairement, d'après la déposition
10 de ce témoin vis-à-vis de M. Babic et ces négociations qui ont eu lieu au
11 cours des premières journées du mois d'août 1995, l'Accusation essaie de
12 contester la nécessité du lancement de l'opération Tempête.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce exact, Monsieur Tieger ? Par
14 rapport à la nécessité, car j'ai toujours considéré qu'une opération
15 militaire en tant que telle est lancée seulement lorsqu'il n'y a pas
16 d'autres issues, que ce soit justifié ou non pas justifié de regagner le
17 territoire croate.
18 Monsieur Tieger.
19 M. TIEGER : [interprétation] Cette position, justement, Monsieur le
20 Président, n'a pas changé, cependant ceci est pertinent.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je comprends même si ceci n'est pas
22 contesté, mais le témoin a dit quelques mots, a consacré quelques lignes de
23 sa déclaration, de façon un peu redondante, y compris aujourd'hui, en
24 disant qu'il y avait d'autres options à leur disposition, les 2 et 3 et le
25 4 août.
26 M. KEHOE : [interprétation] Mais si ceci ne fait pas l'objet des débats,
27 pourquoi est-ce qu'il en a été question lors de l'interrogatoire principal;
28 pendant 45 minutes, il a été question de ces négociations avec Babic et
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1 Tudjman.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si c'est une
3 caractérisation exacte de ce qui s'est passé. Comme je l'ai déjà dit, le
4 contexte doit rester contexte. Peut-être effectivement, Maître Kehoe, et
5 c'est la raison pour laquelle je m'exprime de façon prudente, il faut avoir
6 un contexte mais il ne faut pas qu'il prenne le devant de la scène.
7 Cependant, je dois dire que vous vous êtes éloigné du conflit, alors que M.
8 Tieger a au moins respecté l'année.
9 M. KEHOE : [interprétation] Deux ans, 1992, 1991.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Il ne peut pas changer la date de
11 la nomination de l'ambassadeur Galbraith. La seule chose que je souhaite
12 vous dire c'est qu'il existe un risque que votre temps s'épuise et je vous
13 le dis simplement pour que vous soyez conscient du fait que c'est notre
14 impression provisoire.
15 M. KEHOE : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois, je dois
16 m'opposer à cela, compte tenu du fait que la Chambre n'a pas arrêté
17 l'Accusation lorsqu'elle traitait de ce sujet, alors que maintenant on nous
18 le dit de le faire, j'essayais simplement de répondre par rapport à cette
19 question. C'est ainsi que j'ai commencé mon contre-interrogatoire de
20 l'ambassadeur.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne souhaite pas avoir tout un débat à
22 ce sujet en ce moment, Maître Kehoe.
23 M. TIEGER : [interprétation] Puis-je répondre et clarifier ma réponse par
24 rapport aux questions soulevées jusqu'à maintenant; c'est que l'on s'est
25 lancé sur les fondements juridiques et légaux du lancement de l'opération
26 Tempête. Mais nous avons considéré que les informations fournies lors de
27 l'interrogatoire principal étaient utiles à la Chambre pour évaluer les
28 situations. Je pense que la Chambre a déjà entendu des dépositions de
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1 témoins, des témoins réguliers qui étaient conscients de cette situation,
2 ceci jette une lumière supplémentaire sur tout cela et est utile en raison
3 de cela.
4 Bien sûr, c'est une histoire différente par rapport à la question de
5 savoir si l'Accusation conteste le rôle de Slobodan Milosevic dans la
6 Krajina, et si la Chambre souhaite connaître la position de l'Accusation à
7 cet égard, je pense que toutes les parties le savent, compte tenu des
8 affaires que nous avons eues jusqu'à maintenant.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois qu'il y a des divergences entre
10 commencer son interrogatoire avec les questions sur la Grande-Serbie et les
11 derniers jours avant l'opération Tempête, s'agissant de contexte, l'un et
12 l'autre peuvent être des questions liées au contexte. Mais ce qui s'est
13 passé pendant les quelques jours qui ont précédé l'opération est peut-être
14 plus directement lié.
15 Maître Kehoe, je vois que vous n'êtes pas d'accord avec moi au sujet de
16 cette question principale que je souhaitais soulever. Mais si jamais nous
17 étions préoccupés par la possibilité que votre temps soit épuisé et que
18 vous n'ayez pas fini votre interrogatoire, mais maintenant vous m'avez
19 rassuré, vous m'avez dit qu'il y a très peu de risque de ne pas avoir assez
20 de temps, et que vous souhaitez utiliser un peu plus de votre temps pour
21 des questions liées au contexte.
22 M. TIEGER : [interprétation] Je sais qu'on n'a plus de temps. Mais je
23 voudrais juste dire quelque chose au sujet du planning, pour l'instant nous
24 allons peut-être avoir besoin d'une session jeudi après-midi.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. On peut voir ça. Alors quelle est
26 la situation quant à vous, Maître Kehoe ?
27 M. KEHOE : [interprétation] Nous allons continuer les transcripts, et
28 cetera. Nous allons avoir besoin d'un plus de temps.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je sais que vous vous en
2 occupez mais je vous demande ce qui se passe --
3 M. KEHOE : [interprétation] Je ne peux pas vous dire. Je ne peux pas dire,
4 par exemple, s'agissant de la question de la Grande-Serbie, ça je sais
5 combien de temps j'aurai besoin, mais pour le reste je ne peux pas vraiment
6 vous le dire. Mais pour ceux que je sais déjà c'est à peu près six heures.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Et les autres Défense ?
8 M. KAY : [interprétation] Pas plus de 20 minutes.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maître Kuzmanovic ?
10 M. KUZMANOVIC : [interprétation] En fonction de ce qui se passera avant,
11 mais pour l'instant, au moins deux heures.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Au moins deux heures. Bien. Bon.
13 Dans ce cas-là, je pense qu'il faudra qu'on réfléchisse sur une audience
14 supplémentaire jeudi après-midi.
15 Bien. Alors nous reprenons nos travaux demain à 2 heures et quart.
16 --- L'audience est levée à 13 heures 57 et reprendra le mardi 24 juin 2008,
17 à 14 heures 15.
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