Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 23 juin 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous et à toutes.

  6   Monsieur le Greffier, veuillez appeler l'affaire.

  7   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  8   Monsieur les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre

  9   Ante Gotovina et consorts.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 11   Avant que je n'invite l'Accusation à appeler son témoin suivant, j'aimerais

 12   juste m'enquérir à propos d'une écriture présentée par la Défense Markac.

 13   Nous avons reçu une requête de la part de la Défense de M. Mladen Markac,

 14   il s'agit de considérer que l'une des déclarations de témoin ne peut pas

 15   être considérée comme recevable. Mais en fait, il s'agit plutôt d'élargir

 16   la portée de la déposition du Témoin 116. Il y a deux témoins différents. A

 17   la première page, nous voyons que le défenseur, M. Mladen Markac,

 18   souhaiterait considérer l'une des déclarations de témoin non recevable,

 19   ensuite le texte se poursuit et il s'agit du Témoin 116.

 20   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois comprendre d'ailleurs que même

 22   si la date est la date du 20 juin, je crois comprendre que cela a été

 23   déposé ce matin.

 24   Alors, Maître Kuzmanovic, est-ce que vous avez une explication à nous

 25   fournir à ce sujet ? Pourquoi est-ce que les deux ont été mélangés ?

 26   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, oui. Ce qui s'est passé, c'est que

 27   lorsque cela a été envoyé, la page de garde a été mal consignée, nous

 28   allons rectifier cela. Me Misetic vous parlera du deuxième volet du

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  1   problème.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il ne s'agit pas seulement de

  3   la page de garde, il s'agit également de la première page.

  4   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, je comprends, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis-je supposer que c'est une requête

  6   qui porte sur le Témoin 116, n'est-ce pas, Maître Misetic ?

  7   M. MISETIC : [interprétation] Oui, oui. Pour ce qui --

  8   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, pour ce qui est de notre requête,

  9   oui.

 10   M. MISETIC : [interprétation] Nous allons présenter une requête au nom de

 11   M. Gotovina pour supprimer la deuxième déclaration 92 ter à laquelle il est

 12   fait référence, et nous espérons pouvoir le faire demain ou après demain.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc la deuxième déclaration 92 ter du

 14   Témoin 116, c'est cela ?

 15   M. MISETIC : [interprétation] Non.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors du Témoin 81, c'est ça ?

 17   M. MISETIC : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Aujourd'hui nous allons avoir le Témoin

 19   116, donc nous allons attendre. Ce n'est pas le Témoin 81 qui va

 20   comparaître aujourd'hui ?

 21   M. MISETIC : [interprétation] Non, non, nous attendrons.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, nous attendrons alors.

 23   Je crois également comprendre qu'il n'y a pas d'objection à ce que soient

 24   versées au dossier les déclarations et les pièces à conviction hormis les

 25   deux dernières pièces. Il s'agit de deux cartes qui vont être versées au

 26   dossier, il me semble que c'est la Défense de M. Gotovina qui indique que

 27   ces cartes ne sont pas pertinentes; et si elles venaient à être versées au

 28   dossier, il faudrait envisager plus d'une journée de contre-interrogatoire.

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  1   Monsieur Tieger, je sais que vous avez déjà répondu en avançant le fait que

  2   la carte était pertinente. Il semblerait que ce qui est essentiel -- ce que

  3   vous avancez plutôt, c'est que quelle que soit la politique qui a été prise

  4   en considération en Bosnie, cela n'a aucune pertinence pour cette affaire.

  5   M. KEHOE : [interprétation] Oui, tout à fait puisque vous avez le compte

  6   rendu d'audience du 29 octobre -- ou plutôt le texte du 29 octobre 1993.

  7   Permettez-moi de vous dire qu'à différents niveaux, je dirais que l'année

  8   1993 n'a rien à voir ou très peu à voir avec cette affaire. De toute façon

  9   cela n'a absolument aucun lien direct avec notre client, le général

 10   Gotovina, et probablement ce qui est le plus important ici à ce sujet,

 11   c'est qu'il s'agit d'une question qui va récuser le témoin de l'Accusation,

 12   M. l'ambassadeur Galbraith.

 13   Parce que si la théorie à ce sujet, je pense notamment à toute la

 14   discussion, à tout le débat à l'époque en 1993 invoquant le fait que le

 15   président Tudjman avait des idées de nettoyage ou de ratissage de la

 16   région, pour ce qui est des Serbes, il s'est lancé -- enfin il y a toute

 17   une méthodologie qui a sous-tendu cela, et je suppose que c'est ce que

 18   l'Accusation va essayer de faire valoir, mais cela est quasiment laminé

 19   pour ne pas dire saboté par ce témoin au paragraphe 81 où il est dit que la

 20   première ligne, il est dit : "Je ne pense pas que Tudjman avait comme plan

 21   d'expulser tous les Serbes de la Croatie." Puis vous avez l'avant-dernier

 22   paragraphe de sa déclaration.

 23   Ce qui, Monsieur le Président, dans un premier temps prouve que cela

 24   dépasse le cadre ou la période prévue pour cet acte d'accusation; puis

 25   deuxièmement il n'y a absolument pas de lien qui a été établi entre les

 26   commentaires avancés par le président Tudjman et le général Gotovina; puis

 27   troisièmement, les moyens de preuve présentés par ce témoin vont permettre

 28   de récuser leur propre témoin, alors très franchement, au titre de

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  1   l'article 90 on ne peut pas procéder de la sorte. Ce que j'entends, c'est

  2   que l'Accusation a tout à fait le droit de choisir ses moyens à charge et

  3   elle peut évoquer plusieurs témoins.

  4   Mais je dirais tout simplement que si vous prenez la première ligne

  5   du paragraphe 91, vous comprenez qu'il n'y a absolument aucune pertinence

  6   pour ce qui est des commentaires proférés par le président Tudjman à propos

  7   de la Bosnie.

  8   Monsieur le Président, je sais que pour tout ce qui est du sujet du

  9   président Tudjman en Bosnie cela a déjà été étudié ou cela est

 10   véritablement au cœur de l'affaire Prlic qui, si je ne m'abuse, a commencé

 11   à étudier la question en 2007, et cela va se terminer à la fin de l'année

 12   2009. Donc c'est une question extrêmement complexe et je ne pense pas

 13   qu'ici nous devrions nous pencher là-dessus.

 14   Parce que cela n'a absolument aucune pertinence pour cette affaire, et ce

 15   témoin qui va être appelé à la barre indique au paragraphe 91 ce que je

 16   vous ai déjà dit, à savoir Tudjman n'avait pas pour plan l'expulsion de

 17   tous les Serbes de la Croatie. Voilà ce qui est dit.

 18   Puis il y a un autre aspect, une autre dimension, Monsieur le Président,

 19   lorsque l'on évoque cette question. Il s'agit de l'article 93(H) [comme

 20   interprété] car il ne faut pas oublier qu'elle est la valeur probante des

 21   dépositions. Quelle est la valeur probante de tout cela pour ce qui est de

 22   notre client, d'autant plus que l'Accusation n'a absolument aucun moyen

 23   d'établir le lien entre ce qui a été dit et le général Gotovina.

 24   Ce n'est pas la bonne période par rapport à l'acte d'accusation, il y a un

 25   manque total de pertinence, ce propre témoin est en train de se couper

 26   l'herbe sous les pieds, je pense notamment à la théorie qui est invoquée,

 27   par rapport l'opération Tempête, donc je ne vois vraiment pas pourquoi il

 28   serait autorisé à présenter ces moyens à charge.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, je vois qu'au

  4   compte rendu d'audience il est question de paragraphe 91. Il me semble que

  5   je vous ai entendu mentionner le paragraphe 81, d'ailleurs ce qui est

  6   beaucoup plus conforme à votre raisonnement, Maître. Je ne pense pas que le

  7   plan de Tudjman peut être trouvé au paragraphe 81 de la déclaration.

  8   M. KEHOE : [interprétation] Non, si j'ai dit 81, je m'en excuse, c'était le

  9   paragraphe 91 ou plutôt le paragraphe 18.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maître Kehoe, poursuivez. Je pense

 11   que je me suis exprimé un peu trop vite.

 12   M. KEHOE : [interprétation] Permettez-moi de corriger quelque chose.

 13   Lorsque j'ai parlé de préjudice - là c'est moi qui est commis une erreur -

 14   j'ai évoqué l'article 90, en fait c'est l'article 89(D); 89(D) je répète.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Oui, je vous remercie. La Défense présente ces

 17   arguments en déclinant plusieurs aspects. Je vais essayer de démêler

 18   l'écheveau si j'y arrive rapidement.

 19   Par exemple, l'allégation suivant laquelle, pour ce qui est du texte de

 20   1993 cela ne correspond pas à la période de l'acte d'accusation parce que

 21   c'est beaucoup trop tôt, ou parce que cela ne permet pas de prouver qu'il y

 22   a des liens explicites avec l'accusé. C'est fort bien, mais cela ne nous

 23   permet pas de poser la question à propos du document. Pourquoi est-ce que

 24   ce document a été présenté et pourquoi est-ce que le témoin a fait ces

 25   observations à ce sujet. Le témoin nous présente un témoignage assez

 26   important à propos de la l'attitude, du comportement de la direction croate

 27   vis-à-vis de la présence continue des Serbes en Krajina. Il expliquera

 28   d'ailleurs à la Chambre pourquoi il comprend ainsi cette situation.

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  1   Notamment, il parlera de son interaction avec la direction croate dès le

  2   début de sa nomination d'ambassadeur.

  3   Puis ce document également fait état d'un état d'esprit ou de points de vue

  4   qui ont été exprimés et qui sont tout à fait conformes et qui, en plus,

  5   font partie de la base de l'évaluation avancée par le président Tudjman à

  6   propos, par exemple, d'un Etat multinational ou d'Etats multinationaux; à

  7   propos, par exemple, du besoin d'homogénéité ethnique pour un Etat et ces

  8   conséquences pour la mise en œuvre de mesures prises qui ont un rapport

  9   avec cette affaire.

 10   Il ne s'agit pas d'une tentative d'essayer de trouver quelle était la

 11   responsabilité pénale pour des actions ou des mesures prises en Bosnie

 12   centrale, ou pour savoir qui avait cette responsabilité pour ces actions en

 13   Bosnie centrale. Mais le fait est c'est qu'il y a quand même certains

 14   chevauchements avec d'autres affaires. Cela ne doit pas empêcher la Chambre

 15   d'entendre des éléments qui ont leur pertinence en l'espèce.

 16   Je pense, par exemple, à des éléments de preuve très clairs tel que le

 17   point de vue exprimé par le président Tudjman, le point de vue des

 18   dirigeants croates à propos de thèmes tels que l'homogénéité ethnique, à

 19   propos de transferts de population, et d'autres choses de ce style, je

 20   pense que tout cela a son importance pour la Chambre.

 21   De toute façon il ne s'agit pas du témoin qui se récuse, alors bien

 22   entendu la Défense a cité un passage de la déclaration du témoin, certes.

 23   Mais il est absolument évident qu'il n'a pas commencé en 1991 à faire cela.

 24   Puis il indique également que : si la population serbe décidait de rester,

 25   il y avait une politique qui pourrait être mise en place pour qu'ils

 26   partent. Il y a également d'autres extraits de la déclaration et la

 27   déposition à laquelle on peut s'attendre de sa part qui indiqueront très

 28   clairement que les politiques qui ont été mises en œuvre en Krajina

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  1   permettaient d'assurer que les Serbes ne reviendraient justement pas et le

  2   but était d'assurer qu'il y ait un Etat qui soit en quelque sorte créé.

  3   Donc comme je vous l'ai déjà dit, il faudra mettre en parallèle tous

  4   les éléments de preuve, mais il n'y a aucune tentative de parler de

  5   responsabilité pénale en Bosnie centrale.

  6   La Chambre est tout à fait et même plus que capable de faire la part

  7   des choses et de voir, parmi les informations qui seront données par le

  8   témoin, ce qui a sa pertinence pour cette affaire. Et comme je l'ai

  9   indiqué, il y a les points de vue et les comportements de la direction

 10   croate, du président Tudjman vis-à-vis des Serbes, vis-à-vis de cette

 11   homogénéité ethnique, cela a sa pertinence dans cette affaire et devrait

 12   pouvoir être entendu ici par cette Chambre de première instance.

 13   La Chambre sera tout à fait à même, comme je l'ai dit, de faire la part des

 14   choses, notamment au vu du fait que l'accent va être mis sur les questions

 15   que je viens maintenant de mentionner, il ne sera pas question de

 16   responsabilité pénale pour des actions menées en Bosnie centrale.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 18   M. KEHOE : [interprétation] Permettez-moi de réagir. J'enfonce un peu des

 19   portes ouvertes, mais il est évident que ce n'est pas le président Tudjman

 20   qui est incriminé ici. Mais si l'Accusation souhaite établir un lien - je

 21   ne sais pas très bien comment - avec le général Gotovina et veut que cela

 22   soit présenté ici pour que l'on puisse envisager les dérapages pour le

 23   général Gotovina sans qu'il n'y ait absolument aucun élément de preuve sera

 24   apporté. Il me semble que cela est envisagé par l'article 89, lorsque l'on

 25   dit que le préjudice est plus important que la valeur probante. Que veut

 26   faire l'Accusation ? Tout simplement elle veut happer le général Gotovina

 27   là-dedans, alors qu'il n'y a absolument aucun élément de preuve vis-à-vis

 28   de lui ?

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  1   Alors ce que je voudrais dire, c'est qu'il y a eu des points de vue qui ont

  2   été exprimés par le président Tudjman à propos de Bosnie, alors s'il faut

  3   que nous répondions à tout cela c'est une tâche herculéenne. Je sais que

  4   cela n'est pas votre problème, mais du point de vue logistique ici pour le

  5   moment, nous, nous ne pouvons pas le faire.

  6   Si nous allons de l'avant ainsi, si nous allons de l'avant comme le

  7   souhaite l'Accusation, comme elle le propose, je pense que cela va

  8   certainement rallonger les débats et il faudra de toute façon convoquer à

  9   nouveau ce témoin à un autre moment, mais cela aura des conséquences et des

 10   incidences sur les comparutions d'autres témoins. Je ne sais pas jusqu'où

 11   cela pourra aller.

 12   Mais il me suffit de vous dire que lorsqu'on lit le paragraphe 81 - il ne

 13   faut pas oublier que cette affaire porte sur l'opération Tempête. C'est

 14   tout. Il ne s'agit pas d'action en Bosnie centrale ou ailleurs. Il s'agit

 15   tout simplement de l'opération Tempête et Tudjman n'avait absolument pas

 16   l'intention de procéder à un nettoyage ethnique et d'expulser les Serbes de

 17   la Croatie tout simplement.

 18   Nous abordons l'opération Tempête, il n'y a pas eu d'intention

 19   d'exclure les Serbes de la Croatie, et ça c'est une question à laquelle

 20   devra répondre le général Gotovina, mais j'aimerais savoir quelle est la

 21   pertinence pour le général Gotovina ? Non pas pour le président Tudjman,

 22   non pas pour d'autres dirigeants; je parle du général Gotovina. Quelle est

 23   la pertinence ? Dans tout ce que vient de dire l'Accusation, qui vient de

 24   se lancer dans un long discours, elle n'a pas répondu à la question

 25   essentielle : quels sont les liens avec le général Gotovina et comment est-

 26   ce que le général Gotovina devra répondre.

 27   Cela dépasse de loin la simple présentation des moyens de preuve

 28   puisque vous ne pouvez pas établir le lien entre le général Gotovina et la

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  1   notion d'expulsion des Serbes de la Croatie.Si l'Accusation dispose de ce

  2   genre d'éléments de preuve, présentez-les. Abattez vos cartes et ainsi le

  3   général Gotovina, par l'entremise de son conseil de Défense, pourra

  4   répondre; mais ce n'est pas la peine de présenter des allégations et des

  5   conversations qui ont eu lieu en 1993, et qui seront présentées par

  6   l'ambassadeur Galbraith qui en plus a dit qu'à l'époque le président

  7   Tudjman n'avait absolument pas cette intention pour ce qui est de

  8   l'opération Tempête en tout cas.

  9   Il s'agit d'une tâche herculéenne qu'il lance à la figure quasiment de la

 10   Chambre de première instance et si nous nous engageons sur cette voie, il

 11   va falloir déployer des efforts gigantesques pour répondre. Et je ne veux

 12   pas me lancer dans ce genre d'arguments hyperboliques, en quelque sorte,

 13   cela concerne l'affaire Prlic, c'est ce qu'ils font depuis deux ans.

 14   Lorsque l'on se pose la question de la pertinence, tout revient au général

 15   Gotovina; et je dirais que pour ce qui est du général Gotovina et compte

 16   tenu de ce qu'a avancé l'ambassadeur Galbraith, il n'y avait aucune

 17   intention de la part du général Tudjman d'exclure les Serbes de Croatie,

 18   c'est un problème qui n'existe pas pour ce qui est du général Gotovina.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic.

 20   M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais pouvoir apporter mon grain de

 21   sel à la discussion, voilà ce que j'aimerais dire : j'aimerais savoir quand

 22   fut prise la décision d'avoir cette discussion, quand est-ce que

 23   l'Accusation a décidé d'utiliser des cartes ethniques par le truchement de

 24   l'ambassadeur Galbraith parce que la première fois que nous en avons été

 25   informés ce fut le 20 juin, justement à propos de cette pièce, nous avons

 26   reçu un courriel, il y a un échange de courriels entre le conseil du

 27   général Gotovina et M. Tieger.

 28   Ce n'est pas comme si nous avions été informés de cela et que nous avions

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  1   eu amplement le temps de nous préparer à la question. C'est quelque chose

  2   qui a été quasiment jeté dans notre direction à la toute dernière minute.

  3   C'est un thème particulièrement volumineux et important, comme l'a dit Me

  4   Kehoe, cela fait référence à une pléthore de faits extrêmement compliqués,

  5   d'opinions et d'une personne qui n'est même pas jugée.

  6   D'ailleurs, vous savez, cette affaire porte sur l'opération Tempête,

  7   sur les responsabilités pertinentes dans le cadre de l'opération Tempête et

  8   il s'agit des actes qui sont présentés dans l'acte d'accusation; pas

  9   quelque chose qui s'est passé en Bosnie, de discussions en 1993 présentées

 10   par le biais d'un témoin, parce que là il s'agit d'informations de base en

 11   quelque sorte, qui ne sont pas véritablement nécessaires. En ce qui me

 12   concerne cela dépasse, mais vraiment de loin, la portée de l'acte

 13   d'accusation ainsi que la période reprise par l'acte d'accusation.

 14   Je vous remercie.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'en pense la Défense de Cermak ?

 16   M. KAY : [interprétation] Monsieur le Président, il me semble

 17   qu'effectivement la portée de ce que veut faire l'Accusation dépasse l'acte

 18   d'accusation et la période prise en considération pendant l'acte

 19   d'accusation et l'opération Tempête. D'après ce qu'ils font, il est

 20   manifeste qu'ils essaient de présenter des bases qui ne sont pas inscrites

 21   dans le cadre de cette affaire et ils essaient d'établir le lien entre cela

 22   et l'opération Tempête mais il faut savoir qu'il n'y a pas de liens directs

 23   avec cette affaire précise.

 24   [La Chambre de première instance se concerte]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre va devoir délibérer pendant

 26   un certain temps à ce sujet.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas eu la possibilité de répondre et

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  1   je m'en excuse.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je suis d'accord, mais je voulais

  3   également demander aux autres conseils de la Défense d'indiquer leurs

  4   points de vue, ce qu'ils ont fait d'ailleurs. Mais si une objection est

  5   présentée, et vous avez répondu à Me Kehoe, mais en général, Maître Kehoe,

  6   vous n'auriez pas dû répondre. Mais ce n'est pas tragique.

  7   M. KEHOE : [interprétation] Je m'excuse de cela, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais ceci étant, je pense qu'il n'est

  9   que juste de donner la parole à M. Tieger pour qu'il nous présente son

 10   point de vue; je vous demanderais d'avoir l'amabilité d'être bref et

 11   succinct, Monsieur Tieger, puisque vous n'allez pas présenter un nouvel

 12   argument.

 13   M. TIEGER : [interprétation] Trois choses : dans un premier temps, on

 14   essaie de dissocier le président Tudjman de cette affaire, alors je ne

 15   pense pas véritablement que cela puisse être fait puisqu'il y a une

 16   allégation d'entreprise criminelle commune.

 17   Deuxièmement, une partie de l'argumentation présentée par Me Kehoe se

 18   fonde sur le fait que le témoin a indiqué qu'il n'y avait pas d'intention

 19   d'exclure les Serbes de la Croatie. Alors que je pense que les éléments de

 20   preuve qu'il va présenter vont nous indiquer le contraire.

 21   Troisièmement, il s'agit de cette carte, il s'agit de la notification qui a

 22   été fournie. Elle faisait partie de la liste des pièces à conviction, nous

 23   avons essayé de fournir une explication à la Chambre, et bien entendu, il

 24   ne s'agit pas d'un nouvel élément mais cela émane de la déclaration 92 ter

 25   du témoin, des éléments supplémentaires d'information.

 26   Ce que nous voulions faire, c'était fournir en quelque sorte une aide

 27   visuelle à la Chambre pour qu'elle comprenne davantage les éléments qui

 28   sont indiqués dans la déposition, et puisqu'il y a des lieux qui sont

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  1   mentionnés, puisque le témoin s'est déplacé, il n'y a pas véritablement de

  2   nouvelle idée qui a été présentée.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de vous poser une

  4   question, car la Chambre n'a pas vu la carte, est-ce qu'il s'agit du type

  5   de cartes qui ont été présentées sur la base du recensement de l'année 1991

  6   que nous avons déjà d'ailleurs vues dans d'autres affaires, c'est une carte

  7   qui donne des pourcentages ? C'est cela ?

  8   M. TIEGER : [interprétation] C'est tout à fait cela.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. La Chambre va se pencher sur

 10   cette question.

 11   --- La pause est prise à 9 heures 28.

 12   --- La pause est terminée à 9 heures 35.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre rejette les objections qui se

 14   fondent sur le manque de pertinence et la décrédibilisation [comme

 15   interprété] du témoin.

 16   Monsieur Tieger, en même temps, ceux qui ont participé à l'entreprise

 17   criminelle commune lors des étapes précédentes, leur état d'esprit n'est

 18   pas d'importance cruciale. Nous devons nous concentrer sur le contexte

 19   général, mais il ne faut pas que celui-ci prenne le devant. Par conséquent,

 20   la Chambre n'est pas intéressée à entendre une déposition concernant tout

 21   ce qui s'est passé en Bosnie.

 22   En ce qui concerne le fait d'enlever certaines parties, notamment si vous

 23   vous penchez sur le paragraphe 91, M. Kehoe a souligné la première phrase

 24   de ce paragraphe; et bien sûr, ce paragraphe parle plus par rapport au plan

 25   de M. Tudjman, que ce qui est écrit dans l'acte d'accusation qui le

 26   mentionne en tant que l'un des participants à l'entreprise criminelle

 27   commune.

 28   Bien sûr, il n'est pas un accusé dans cette affaire, mais selon l'acte

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  1   d'accusation il fait partie de l'entreprise criminelle commune. Donc ses

  2   pensées et ce qu'il a fait par la suite, et après il va falloir établir si

  3   ceci a été fait avec les accusés ou pas, ça n'est pas quelque chose qui est

  4   sans pertinence.

  5   Puis, finalement, s'agissant des cartes. En ce qui concerne les cartes,

  6   nous allons accorder votre demande et les ajouter à la liste 65 ter. En

  7   même temps, la Chambre prendra en considération la pertinence de ces cartes

  8   au moment de la déposition et seront introduites par le biais de ce témoin.

  9   Comme je l'ai déjà dit, la Chambre n'a pas vu les cartes. Entre-temps, nous

 10   avons examiné un exemplaire, apparemment il s'agit de la composition

 11   ethnique de la Bosnie-Herzégovine; par conséquent, nous souhaitons établir

 12   un lien clair avec cette affaire. Je veux dire nous sommes plus près de la

 13   frontière de la Bosnie-Herzégovine. S'agissant des cartes, ceci s'est passé

 14   dans cette région-là.

 15   Donc, la Chambre réserve sa position à cet égard jusqu'au versement

 16   au dossier des cartes.

 17   Y a-t-il d'autres questions en ce moment ? Sinon, tout d'abord, je

 18   vois que Mme Schildge est présente dans le prétoire. C'est conformément à

 19   la décision et une requête qui a été déposée. Peut-être une question pour

 20   Mme Schildge.

 21   La Chambre a décidé la semaine dernière, sur la base d'une lettre

 22   présentée par la Défense Gotovina, que l'étendue du contre-interrogatoire

 23   serait élargie par rapport à une décision précédente. Je vois que vous

 24   faites un signe approbatif de la tête.

 25   Nous n'avons pas pris en considération le fait que cette lettre

 26   n'émanait pas vraiment du gouvernement américain; donc nous y faisons droit

 27   sur la base d'une confiance. Nous avons adopté cette décision.

 28    Monsieur Tieger, vous pouvez citer à la barre le témoin prochain.

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  1   M. TIEGER : [interprétation] Merci.

  2   L'Accusation cite à la barre l'ambassadeur Peter Galbraith.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En attendant, je vois qu'un corrigendum

  4   a été déposé le 20 [comme interprété] juin, concernant une question que

  5   j'avais soulevée précédemment, et peut-être je me suis trompé lorsque j'ai

  6   dit que ceci avait été déposé le 23 juin, je n'ai peut-être pas vu la

  7   première page originale, je vois maintenant que ce corrigendum a

  8   effectivement été déposé le 23.

  9   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Galbraith.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous invite à mettre les écouteurs

 13   car parfois on a des messages des interprètes.

 14   Avant que vous commenciez votre déposition, veuillez lire la

 15   déclaration solennelle que vous direz la vérité que l'huissier va vous

 16   tendre.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 18   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 19   LE TÉMOIN: PETER GALGRAITH [Assermenté]

 20   [Le témoin répond par l'interprète]

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir,

 22   Ambassadeur Galbraith.

 23   Monsieur Galbraith, si je m'adresse à vous en ne disant pas "Ambassadeur

 24   Galbraith", moi j'ai pris l'habitude que toutes les personnes qui viennent

 25   déposer ici déposent simplement en tant que personne humaine simple, ça ne

 26   marque pas un manque de respect de ma part, tout le monde choisit la

 27   manière dont il va s'adresser aux personnes ici.

 28   Monsieur Tieger, vous pouvez commencer l'interrogatoire principal.

Page 4901

  1   M. TIEGER : [interprétation] Oui.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez être examiné par M. Tieger.

  3   Interrogatoire principal par M. Tieger : 

  4   Q.  [interprétation] Eh bien, je vais violer cette règle d'égalité et je

  5   vais vous dire, bonjour, Monsieur l'Ambassadeur.

  6   R.  Bonjour. Vous savez comment c'est avec les titres. Un titre plus deux

  7   euros et je peux devenir chauffeur de tram.

  8   Q.  Est-ce que vous pouvez dire votre nom et prénom pour le compte rendu

  9   d'audience ?

 10   R.  Peter Woodward Galbraith.

 11   Q.  Je souhaite simplement que l'on se penche sur les éléments principaux

 12   concernant votre biographie.

 13   Vous avez fait vos études à Harvard, Oxford et Georgetown, et vous

 14   avez une maîtrise d'Oxford et un diplôme de loi de Georgetown University,

 15   alors que la licence vient de Harvard. Est-ce exact ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Votre carrière concerne le Sénat des Etats-Unis au sein du comité

 18   chargé des relations étrangères de 1972 à 1993 ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Au cours de la période qui a suivi, vous avez travaillé en tant que

 21   conseiller haut placé, vous avez eu comme mandat de traiter des

 22   emplacements difficiles à travers le monde. Bien sûr, vous êtes allé quatre

 23   fois dans la région de l'ex-Yougoslavie en 1991 et 1992 ?

 24   R.  C'est exact.

 25   Q.  Le résultat de cela a été votre rapport soumis au comité concernant les

 26   nettoyages ethniques en Bosnie-Herzégovine ?

 27   R.  C'est exact.

 28   Q.  Vous avez été nommé au poste d'Ambassadeur des Etats-Unis en Croatie,

Page 4902

  1   vous étiez le premier ambassadeur au sein de la République indépendante de

  2   Croatie en juin 1992, et vous y êtes resté jusqu'en janvier 1998 ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Vous avez enseigné pendant plusieurs années aux Etats-Unis, n'est-ce

  5   pas ?

  6   R.  Pardon. Vous avez dit juin 1992 ? C'était juin 1993.

  7   Q.  Merci. Je me suis mal exprimé, merci de cette correction.

  8   Vous avez enseigné au Collège de guerre national des Etats-Unis de

  9   1998 à 2003 ?

 10   R.  Oui. Je l'ai fait pendant une certaine période, mais j'ai passé

 11   une période au Timor oriental.

 12   Q.  Ce travail concernait le cabinet électoral et constitutionnel des

 13   membres chargés des affaires politiques au sein du gouvernement intérimaire

 14   pendant sa constitution; est-ce exact ?

 15   R.  Oui, c'est exact.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, peut-on présenter

 17   maintenant au témoin la pièce à conviction 5206 en vertu de l'article 65

 18   ter. Je veux dire -- l'huissier me devance.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose qu'il n'y a pas de problème

 20   pour que l'on remette les déclarations au témoin pour qu'il les ait devant

 21   lui.

 22   M. TIEGER : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, nous avons un problème de débit, et c'est moi

 24   qui en suis coupable. Donc je souhaite vous rappeler qu'il faut faire une

 25   pause entre les questions et les réponses pour permettre aux interprètes de

 26   vous suivre. Je vais essayer de faire un effort délibéré afin de parler

 27   plus lentement. Ça va leur faciliter la tâche ça aussi.

 28   Monsieur l'Ambassadeur, si l'on examine cette pièce à conviction qui est

Page 4903

  1   devant nous, s'agit-il d'une déclaration que vous avez fournie au bureau du

  2   Procureur ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Avez-vous parcouru ce document avant de venir déposer ici ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce que ceci reflète de façon exacte les informations que vous avez

  7   fournies au bureau du Procureur ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Est-ce que les informations contenues dans cette déclaration sont

 10   exactes et correctes au mieux de vos connaissances ?

 11   R.  Oui, sous réserve de certaines corrections qui ont été apportées dans

 12   la déclaration supplémentaire qui a été préparée lors des entretiens avec

 13   vous.

 14   Q.  Merci. Et si on vous posait les mêmes questions au sujet des mêmes

 15   sujets aujourd'hui, sous réserve de ce que vous venez de dire, est-ce que

 16   les informations auraient été les mêmes ?

 17   R.  Oui.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Je souhaite à présent présenter la feuille

 19   d'information supplémentaire au témoin. Il s'agit du document 5235 en vertu

 20   de l'article 65 ter.

 21   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, est-ce que ce document contient les corrections

 22   apportées à votre déclaration précédente que vous avez mentionnée, de même

 23   que les informations supplémentaires concernant cette déclaration ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion de parcourir ce document avant de

 26   venir déposer ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Est-ce que ceci reflète de façon exacte les informations que vous avez

Page 4904

  1   fournies au bureau du Procureur ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Est-ce que les informations contenues dans ce document sont exactes et

  4   correctes au mieux de vos connaissances ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Si on vous posait les mêmes questions au sujet des mêmes sujets ici

  7   dans ce prétoire aujourd'hui, est-ce que vos réponses auraient été les

  8   mêmes ?

  9   R.  Oui.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Je souhaite proposer le versement au dossier

 11   des deux documents.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe.

 13   M. KEHOE : [interprétation] J'ai une question par rapport à la déclaration

 14   principale du témoin. La question est de savoir à quel moment elle a été

 15   terminée. Evidemment, ceci n'a pas été signé. Je ne pense pas qu'une date a

 16   jamais été fournie. Et il n'y a pas de date de finalisation de ce document.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A la première page, page de garde, M.

 18   Tieger dit que c'est le 5 février, pardon le 22 février 2007 -- non. C'est

 19   le 5 février 2008, et nous avons la date de l'entretien en tant que 22

 20   février et 13 avril 2007. Je ne sais pas ce qui est impliqué par la date du

 21   5 février 2008 que nous avons à la page de garde. 

 22   M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, en ce qui concerne

 23   la finalisation, apparemment ça a eu lieu plus ou moins à la date qui

 24   figure sur le document. L'ambassadeur a parcouru et approuvé le contenu du

 25   document à un moment donné, un peu avant cela. Effectivement une certaine

 26   période de temps s'est écoulée entre les deux, une période relativement

 27   longue entre la date du dernier entretien et la finalisation du document.

 28   Le témoin n'en est pas responsable. Simplement ceci est dû au fait que l'on

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  1   espérait avoir d'autres occasions de traiter de ces questions. Ensuite,

  2   lorsque le procès commençait déjà, le document devait être finalisé.

  3   M. KEHOE : [interprétation] Normalement nous avons une page indiquant que

  4   le témoin a signé le document à un moment donné.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que le témoin a déposé au sujet

  6   du fait que c'est la déclaration qu'il a faite, et ceci remplace la

  7   signature à mon avis.

  8   M. KEHOE : [interprétation] Je comprends cela, mais la question est

  9   simplement de savoir à quel moment ce document a été finalisé. En réalité,

 10   si c'est après le 13 avril 2007, je souhaite savoir quand.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas la date précise, mais je pense que

 12   c'était fin janvier lorsque le témoin a finalisé cela ou peut-être à un

 13   autre moment du mois de janvier. Ensuite, nous avons la feuille

 14   supplémentaire.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque l'on parle de la "finalisation"

 16   du texte vous voulez dire, après avoir parcouru le texte écrit et compte

 17   tenu de ce que le témoin a dit lors de l'entretien; et ensuite après avoir

 18   trouvé un accord sur cela comme texte de sa déclaration ?

 19   M. TIEGER : [interprétation] Oui.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 21   M. KEHOE : [interprétation] La seule autre question concerne le fait que

 22   l'on réserve le droit d'exprimer nos objections, droit que nous avons

 23   évoqué tout à l'heure. Je n'ai pas d'objection. Concernant la déclaration

 24   supplémentaire, je vais parler avec les conseils à ce sujet et

 25   effectivement certains sujets soulevés avant l'arrivée du témoin y sont

 26   mentionnés. Bien sûr, notre objection exprimée précédemment est maintenue.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 28   Les autres équipes de la Défense ?

Page 4907

  1   Monsieur Kuzmanovic.

  2   M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'ai la même attitude que ce que Me Kehoe

  3   a dit au sujet des objections.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kay.

  5   M. KAY : [interprétation] Non.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc la position est la même s'agissant

  7   des trois équipes de la Défense. Nous parlons tout d'abord de la

  8   déclaration du 5 février 2008 à la page de garde, nous y trouvons les dates

  9   des entretiens, le 22 février et le 13 avril 2007.

 10   Il s'agit du document 5206 en vertu de l'article 65 ter. Le numéro

 11   n'apparaît pas sur la dernière liste. C'est ce dont on parle, Maître Kehoe

 12   ? Et la Chambre a reçu un exemplaire de cela seulement à 9 heures moins 11,

 13   ce matin. Donc nous devons vérifier si nous ne l'avons pas encore vu.

 14   Est-ce qu'il y a des objections ou bien est-ce que votre position

 15   inclut la feuille d'information supplémentaire ?

 16   M. KEHOE : [interprétation] Ma position inclut l'autre feuille

 17   supplémentaire.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que les autres conseils de

 19   la Défense ne font pas objection à cette position.

 20   Donc il s'agit du document 5235, en vertu de l'article 65 ter.

 21   Monsieur le Greffier, quel sera le numéro

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] P445.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P445 est versé au dossier.

 24   Vous pouvez poursuivre.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 26   Je souhaite que l'on traite aussi vite que possible des pièces à

 27   conviction. Je propose comme suit : s'agissant des pièces à conviction dont

 28   il a été question et qui ont été mentionnées dans la déclaration, il

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  1   s'agirait -- en fait je vais les décrire au fur et à mesure : il y a P 2

  2   [comme interprété], c'est un télégramme chiffré, 07-0037; numéro 5201 en

  3   vertu de l'article 65 ter, c'est un télégramme chiffré de l'ambassade

  4   américaine, 07-70-0079; ensuite le numéro 4028 en vertu de l'article 65

  5   ter, les transcriptions présidentielles du 7 août 95; 2222 en vertu de

  6   l'article 65 ter, les transcriptions présidentielles en date du 3 août

  7   1995; ensuite le document 650 en vertu du 65 ter, les transcriptions

  8   présidentielles en date du 18 août 1995; ensuite 2814 en vertu de l'article

  9   65 ter, conversation interceptée électronique des dirigeants de la RSK en

 10   date du 4 août 1995; ensuite les extraits du livre intitulé les "Etats-Unis

 11   et la Croatie, une histoire documentaire" en date du 2 juin 1994 et 29 juin

 12   1994. Le numéro de pièce à conviction s'agissant de ce livre est 2575 en

 13   vertu de l'article 65 ter.

 14   Donc compte tenu du versement au dossier de la déclaration, je demande

 15   également le versement au dossier de ces documents-là.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il des objections ?

 17   M. KEHOE : [interprétation] Tout d'abord, Monsieur le Président, je pense

 18   que s'agissant du document dont le numéro 65 ter est 4028, il a déjà été

 19   versé au dossier.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, il apparaît sur ma liste en tant

 21   que D256 [comme interprété].

 22   M. KEHOE : [interprétation] Puis l'Accusation a parlé des extraits du

 23   livre, mais j'ai juste deux extraits mentionnés sur la liste 65 ter, il

 24   s'agit de 2575 alors qu'il a mentionné six aspects.  Si le conseil ne

 25   souhaite proposer que les deux premiers --

 26   M. TIEGER : [interprétation] J'accepte tout à fait que tous les extraits

 27   soient admis, mais ces deux-là ont été précisément mentionnés dans la

 28   déclaration.

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  1   M. KEHOE : [interprétation] Bien.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous avez quand même mentionné les

  3   dates du 2 juin et du 29 juin, donc par la suite est-ce que vous pourriez

  4   proposer le versement au dossier des autres quatre ?

  5   M. TIEGER : [interprétation] C'est une très bonne idée.

  6   M. KEHOE : [interprétation] En ce qui concerne le reste des documents, je

  7   pense qu'il faut les traiter comme une seule pièce à conviction.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et je vois que les autres conseils

  9   de la Défense sont d'accord.

 10   M. KEHOE : [interprétation] En ce qui concerne les transcriptions

 11   présidentielles, nous faisons nos recherches concernant la question liée à

 12   ces transcriptions et nous pouvons continuer l'interrogatoire de ce témoin,

 13   mais nous réservons notre position concernant le versement au dossier

 14   pendant sept jours. Nous allons vous faire part de nos conclusions lundi

 15   suivant.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Monsieur Tieger, je ne sais pas

 17   dans quelle mesure vous allez être dérangé si nous n'avons pas d'indice

 18   concernant les transcriptions s'agissant de deux transcriptions

 19   présidentielles mentionnées par M. Kehoe. Il s'agit de 2222 en vertu du 65

 20   ter. L'autre n'a pas été versé au dossier, celui du 29 octobre 1993.

 21   Vous ne l'avez pas mentionné.

 22   M. TIEGER : [interprétation] Oui je pense que je ne l'ai pas fait. Ça doit

 23   être 816 de la liste 65 ter.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que je me trompe, mais je

 25   crois que vous n'avez pas mentionné celui-ci ? Je vois du moins que mon

 26   personnel est d'accord avec moi, c'est rassurant. Bon.

 27   M. TIEGER : [interprétation] En accord avec votre suggestion concernant les

 28   extraits du livre, je demanderais également que d'autres transcripts

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  1   présidentiels qui sont sur la liste, les entretiens ont été enregistrés et

  2   ensuite transcrits et auxquels le témoin a participé, je ne vais pas

  3   évidemment pouvoir les traiter tous, mais je pense que ce n'est pas

  4   contestable et que je pourrais pour la raison de sa participation demander

  5   leur versement à l'exception de celui du 11 août.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sur ma liste, j'ai d'autres transcripts

  7   présidentiels, y compris 816. Est-ce que vous demanderez son versement

  8   également ?

  9   M. TIEGER : [interprétation] Oui, ensuite 3347 --

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- puis 2368. En tout, quatre ?

 11   M. TIEGER : [interprétation] Le 4053 également.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais 4053, l'indication ici n'est

 13   pas un transcript présidentiel, mais le PV de la réunion du 10 août.

 14   M. TIEGER : [interprétation] Oui, mais cela tombe dans la même catégorie de

 15   documents, seulement le nom a été différemment indiqué. Voilà. Et le

 16   dernier également, c'est le procès-verbal de la réunion du 11 août.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Compte tenu des documents qui ont

 18   été mentionnés auparavant et de ces documents qui ont été rajoutés

 19   ultérieurement, donc 816; 4053 du 10 août; puis 3347, transcript

 20   présidentiel, celui-ci date du 16 août 1995; et 2368, du 14 septembre 1995.

 21   Y a-t-il des objections ?

 22   M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi. Encore un, s'il vous plaît.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que votre liste se

 24   rallonge.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Il y a également 4476 [comme interprété], qui

 26   est le transcript présidentiel du 17 janvier 1995.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et c'est celui qui a été rajouté.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Je pense que ce document a été communiqué à la

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  1   Défense, et j'espère que la Chambre a reçu un exemplaire de ce document.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous n'avons pas reçu de copie de ce

  3   document, mais l'annonce que vous pourriez bien l'utiliser.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Oui, je vois que dans la description du

  5   document on parle du 17 juillet, et non pas du 17 janvier. Alors que le

  6   numéro de référence est le même.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est juillet ou janvier ?

  8   M. TIEGER : [interprétation] Janvier.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. C'est dans votre message

 10   électronique que cette erreur s'est glissée. Bien.

 11   Maintenant, sur votre liste précédente, nous avons rajouté 816, 4053,

 12   4064, 3347, 2368 et 4476 -- qu'avez-vous à dire ?

 13   M. KEHOE : [interprétation] Je crois qu'il s'agit du document 4474,

 14   Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est moi qui ai fait une erreur. Ou

 16   plutôt c'est M. Tieger qui l'a faite, parce que c'est ce qui est indiqué

 17   dans le compte rendu, ce que j'ai noté ici correspond tout à fait à ce qui

 18   est dans le compte rendu.

 19   Vous avez bien dit 4474, Monsieur Tieger.

 20   M. TIEGER : [interprétation] Ça devrait être 4474 et non pas 76.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors maintenant enfin on a tout

 22   ça comme il faut.

 23   Y a-t-il des objections ?

 24   M. KEHOE : [interprétation] Je maintiens le même commentaire comme par

 25   rapport à d'autres pièces à conviction dont on a parlé, donc je me réserve

 26   le droit de faire mes commentaires ultérieurement. Je pense que cela

 27   n'empêchera pas d'interroger le témoin, tout en utilisant les cotes

 28   provisoires aux fins d'identification de ces transcripts pour les besoins

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  1   de l'interrogatoire, en attendant la décision.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est très bien. Parfois on accepte cela

  3   en l'absence d'une objection tout à fait claire, ce qui nous permet ensuite

  4   de revoir notre décision. La Chambre peut parfois se décider à déterminer

  5   une cote provisoire, parfois même à verser les documents, c'est une

  6   solution pratique en attendant éventuellement d'examiner la décision, le

  7   cas échéant.

  8   M. KEHOE : [interprétation] Bien. Les documents seront versés, mises à côté

  9   les questions liées à l'authenticité des documents --

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 11   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Maintenant le greffier va nous

 13   lire les numéros.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Alors 5200 deviendra P446; ensuite 5201

 15   sera P447; puis 2222 sera P448; ensuite 650 sera 449; puis 2814 sera P450;

 16   ensuite 2575 sera P451; ensuite 816 sera P452; puis 3347 deviendra P453; et

 17   2368 sera P454; et 4053 sera 455; 4064 sera P456; et enfin 4474 sera P457.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Toutes ces pièces sont versées au

 19   dossier. J'aimerais juste dire que la pièce P451 comprend six extraits du

 20   livre.

 21   Allez-y, Monsieur Tieger.

 22   M. TIEGER : [interprétation] Bien.

 23   Avant, je dois dire que je n'ai pas tout à fait compris l'objection

 24   de la Défense ou dans quelle mesure il est nécessaire pour moi d'examiner

 25   en profondeur avec le témoin ces documents. Par exemple, le transcript du

 26   11 août, ce sont les procès-verbaux des réunions que le témoin a eu

 27   l'occasion d'examiner et de réfléchir sur des thèmes qui avaient été

 28   abordés. Peut-être que je pourrais pendant la pause rencontrer mon confrère

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  1   et voir ce qu'il souhaite exactement.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Le problème, c'est que la Défense

  3   est encore en train d'établir quels pourront être les problèmes et

  4   difficultés, c'est ça qui fait que peut-être la situation n'est pas tout à

  5   fait claire.

  6   Si Me Kehoe a quelque chose à nous dire qui pourrait nous être utile

  7   et s'il considère qu'il y a quelque chose qui pourrait être un document qui

  8   pourrait être versé par le témoin, évidemment qu'il ne faudrait pas perdre

  9   l'occasion de le faire.

 10   M. KEHOE : [interprétation] Oui. Je pense que cela ne bloquera pas

 11   inutilement l'interrogatoire de l'ambassadeur. De toute façon nous allons

 12   nous rencontrer pendant la pause pour déterminer notre position.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Merci.

 14   M. TIEGER : [interprétation] Maintenant j'aimerais lire le résumé de la

 15   déclaration en application de l'article 92 ter.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Allez-y. C'est pour le

 17   public.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Peter Galbraith était l'ambassadeur des Etats-

 19   Unis en Croatie entre le 24 juin 1993 et le 3 janvier 1998. En cette

 20   qualité, il a eu des contacts nombreux avec des membres des dirigeants

 21   croates, des dirigeants des Serbes de Krajina, des représentants de la

 22   communauté internationale, et toutes autres sortes de contacts dans la

 23   région en question.

 24   L'ambassadeur Galbraith a participé activement dans la recherche d'une

 25   solution pacifique entre les Croates et les Serbes de Krajina, y compris en

 26   essayant de convaincre les deux côtés d'accepter le plan Z-4. Mais quand

 27   l'opération Tempête est devenue imminente, il a rencontré le président

 28   Tudjman le 1er août 1995 à Brioni et il a conseillé le président Tudjman de

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  1   veiller à protéger les civils serbes et le personnel des Nations Unies en

  2   cas d'une attaque.

  3   Le 2 août, il a rencontré Milan Babic en essayant de le convaincre

  4   d'accepter le plan Z-4 afin d'éviter la guerre. Babic a accepté les

  5   conditions. Et le 3 août, au moment où les négociations se déroulaient à

  6   Genève, il a rencontré le président Tudjman afin de lui expliquer sa

  7   réunion avec Babic et la possibilité de trouver une solution pacifique --

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Le président Tudjman a exprimé son

 10   scepticisme, il ne s'attendait pas à ce que Babic tienne ses engagements et

 11   il était clair pour l'ambassadeur Galbraith que l'attaque allait se

 12   poursuivre.

 13   Dans le cadre de son travail l'ambassadeur Galbraith a eu des

 14   contacts réguliers et approfondis avec Franjo Tudjman et d'autres

 15   dirigeants croates, et il a pu apprendre quelles étaient leurs positions,

 16   leurs avis concernant la présence de Serbes en Croatie. Le président

 17   Tudjman croyait que les Etats devaient être ethniquement homogènes ou

 18   presque homogènes.

 19   Il en était convaincu et il disait que les Serbes en Croatie et

 20   notamment en Krajina étaient trop nombreux et représentaient une menace

 21   stratégique pour la Croatie. Il était pour les transferts de population

 22   afin de créer des Etats ou des régions ethniquement homogènes, par exemple,

 23   en échangeant -- il a également eu les mêmes positions à l'égard des

 24   Musulmans. Il considérait que les arguments qu'il avait par rapport aux

 25   Serbes et aux Musulmans étaient incontestables et qu'il n'y avait pas

 26   besoin d'essayer de les déguiser.

 27   Après l'opération Tempête, le président Tudjman a clairement expliqué à

 28   l'ambassadeur Galbraith que les Serbes qui étaient partis ne devaient plus

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  1   revenir. Les mesures ont été imposées afin de s'assurer que les Serbes ne

  2   devront plus de fait retourner, y compris en introduisant les lois

  3   permettant la confiscation de la propriété ou empêchant les habitants de

  4   retourner après leur avoir accordé seulement 30 jours à peu près. Même si

  5   les délais ont été prolongés sous pression, il y a eu d'autres moyens qui

  6   ont été imposés afin de prévenir les Serbes de réagir dans les délais et

  7   rendant impossible une action afin de récupérer leurs propriétés. Entre-

  8   temps, une grande partie des propriétés serbes a été systématiquement

  9   détruite par les forces armées croates. L'ambassadeur Galbraith a reçu des

 10   informations de plusieurs sources sur des crimes et sur la destruction

 11   systématique et à grande échelle des propriétés serbes et des meurtres. Ce

 12   qu'il a pu observer lui-même était consistant avec ce qu'il a entendu.

 13   L'ambassadeur Galbraith était d'avis que ces destructions n'auraient pas dû

 14   avoir lieu et qu'elles ne pouvaient pas avoir lieu sans ordre, autorisation

 15   ou accord de la direction croate. Il a sans cesse essayé d'en discuter avec

 16   les dirigeants croates, discuter des crimes contre les Serbes et les biens

 17   serbes et les obstacles qui ont été posés afin d'empêcher le retour des

 18   Serbes.

 19   En réponse, tout d'abord, il y a eu le déni, puis reconnaissance que

 20   cela ait pu avoir lieu, mais tout en disant que c'était l'œuvre des civils

 21   croates revenant dans cette région et que c'était en dehors du contrôle de

 22   la direction. Bien que la pression de la communauté internationale a eu des

 23   effets positifs pendant cette période-là, concernant notamment le droit de

 24   retour et les destructions qui se sont réduites, à la fin quasiment tout a

 25   été a été pillé ou détruit.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ça pourrait être important, page 29,

 27   ligne 7, peut-être dans le compte rendu en français il n'a pas été dit que

 28   : "Les meurtres ont été de grande envergure." Voilà, c'est tout simplement

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  1   pour les besoins du compte rendu.

  2   Allez-y, maintenant, vous pouvez poursuivre.

  3   M. KEHOE : [interprétation] J'aimerais soulever une objection. Je ne le

  4   fais pas d'habitude s'agissant de résumé, mais étant donné qu'à mon avis

  5   cela ne reflète pas tout à fait précisément ce que l'ambassadeur a déclaré

  6   au sujet de l'opération Tempête.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je vous suggère la chose suivante

  8   : vous pouvez informer M. Tieger pendant la pause, ce que vous avez à lui

  9   dire au sujet de ce résumé, quels sont les points de désaccord. Ensuite

 10   vous voyez, vous et M. Tieger, s'il est d'accord ou pas. Vous pouvez nous

 11   faire une proposition conjointe portant sur des modifications éventuelles

 12   de ce résumé, ou sinon informez tout simplement la Chambre que vous n'êtes

 13   pas d'accord. Bien évidemment, je suis tout à fait d'accord avec vous que

 14   le public doit être informé précisément du contenu de sa déclaration.

 15   M. KEHOE : [interprétation] Merci.

 16   M. TIEGER : [interprétation]

 17   Q.  Bonjour, bienvenue, Monsieur l'Ambassadeur.

 18   R.  Bonjour.

 19   Q.  Nous avons déjà dit que vous avez commencé votre mandat d'ambassadeur

 20   en juin 1993. Pourriez-vous, s'il vous plaît, décrire à la Chambre quelles

 21   étaient les conditions qui prévalaient à l'époque et quels étaient leurs

 22   effets sur vos activités et sur vos priorités ?

 23   R.  La guerre en ex-Yougoslavie durait déjà depuis deux ans, 29 % des

 24   territoires de la République de Croatie étaient occupés par des rebelles

 25   serbes soutenus par la Serbie. En Bosnie-Herzégovine, il y avait une guerre

 26   entre les trois parties, les Serbes de Bosnie, le gouvernement de Bosnie et

 27   le HVO. Des centaines de milliers de réfugiés se trouvaient en Croatie,

 28   peut-être même 600 ou 700 000 réfugiés qui ont traversé la Croatie. Le

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  1   comité international et mon pays y compris ne savaient plus que faire. Je

  2   suis arrivé là-bas en tant que premier ambassadeur dans des conditions qui

  3   étaient telles que les Etats-Unis avaient failli ne pas envoyer un

  4   ambassadeur en signe de protestation pour ce que la Croatie faisait en

  5   Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire à cause de son soutien au HVO qui

  6   combattait et commettait des atrocités contre les Musulmans de Bosnie et le

  7   gouvernement bosniaque.

  8   Je devrais tout d'abord vous dire que j'ai compris immédiatement qu'il n'y

  9   allait pas y avoir de solution pour ce conflit si l'on n'arrive pas à

 10   mettre un terme aux combats entre les Musulmans et les Croates. Donc

 11   c'était ça mon premier objectif au début. Avant d'y parvenir, évidemment

 12   pendant l'été 1993, j'ai coopéré avec des dirigeants croates en essayant de

 13   faire sortir des prisonniers des camps et afin que moins d'atrocités soient

 14   commises. En 1994, alors le gros de mes activités a été concentré sur les

 15   accords de paix entre le gouvernement de Bosnie et les Croates de Bosnie.

 16   Nous avons réussi, fin février ou début mars 1994, à faire accepter

 17   l'accord de Washington par lequel la fédération de Bosnie-Herzégovine a été

 18   créée et par lequel un terme a été immédiatement mis à la guerre entre les

 19   Musulmans et les Croates.

 20   A ce moment-là, sur demande du président Tudjman, je me suis

 21   concentré sur les négociations entre Zagreb et les Serbes de Knin afin

 22   d'essayer de trouver une solution politique pour cette situation en

 23   Croatie. Cela s'est passé sous les auspices des Nations Unies. Ensuite j'ai

 24   créé un groupe avec les représentants des Nations Unies de la Russie et de

 25   l'Union européenne connue sous le nom Z-4. Nous avons suivi un processus

 26   tripartite ayant pour objectif de trouver une solution pacifique pour la

 27   Croatie. Tout d'abord un cessez-le-feu qui a été négocié avec succès en

 28   mars 1994. Ensuite un accord sur établissement de confiance en décembre

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  1   1994. Ensuite des mesures de nature politique qui en toutes fait partie de

  2   plan Z-4 et qui devait fournir une autonomie considérable aux Serbes de

  3   Krajina, à l'intérieur des frontières internationales et connues comme

  4   frontière de Croatie. Alors ce plan a été présenté à toutes les parties, et

  5   non pas seulement comme un document dont on devait négocier en janvier

  6   1995. Le président Tudjman a accepté ce document difficilement, mais il a

  7   accepté de négocier, mais Milan Martic a refusé de toucher le document, il

  8   a refusé de le recevoir et à ce moment-là les tentatives de négociations

  9   ont tout simplement échoué. J'ai essayé évidemment de les relancer plus

 10   tard, mais sans succès.

 11   Ensuite, pendant la période de mai à juillet 1994, la situation s'est

 12   vraiment détériorée, des membres des forces des Nations Unies, des forces

 13   de maintien de paix, ont été pris pour otages, ensuite il y a eu en juillet

 14   les attaques contre les enclaves de Srebrenica et Zepa, la chute de ces

 15   enclaves; puis l'attaque contre Bihac menée par la VRS, l'armée des Serbes

 16   de Bosnie puis par l'armée de la Republika Srpska Krajina, ce sont les

 17   rebelles croates.

 18   A ce moment-là, le gouvernement croate a décidé que c'était le bon

 19   moment d'engager une action militaire pour récupérer le territoire croate.

 20   Cela a été le début de toute une série d'événements qui ont conduit à

 21   l'opération Tempête.

 22   Q.  Peut-être qu'il y a une erreur, Monsieur l'Ambassadeur.

 23   Ligne 32 -- ou plutôt page 32, lignes 20 à 21 où vous avez fait référence

 24   aux rebelles croates. Je pense que vous vouliez dire l'armée des rebelles

 25   serbes. C'est ce que vous vouliez dire ?

 26   R.  Oui, oui, je pensais aux rebelles serbes, mais qui étaient citoyens de

 27   la République de Croatie.

 28   Q.  Vous souvenez-vous à quel moment vous avez appris l'existence des plans

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  1   de la République de Croatie portant sur des opérations militaires en

  2   direction de la Krajina ? A ce propos, il serait peut-être bien que vous

  3   examiniez un autre document qui figure sur notre liste de pièces à

  4   conviction, c'est le numéro 5231 de la liste 65 ter.

  5   M. TIEGER : [interprétation] C'est le journal diplomatique de l'ambassadeur

  6   Galbraith. Peut-on afficher ce document à l'écran, s'il vous plaît ?

  7   Q.  Je pense que c'est dans le classeur qu'on vous a passé, derrière le

  8   troisième intercalaire.

  9   R.  Je l'ai trouvé.

 10   Q.  Bien. Maintenant on voit des notes qui portent de juin à novembre 1995.

 11   C'est sûr que vous connaissez bien ce document. Pourriez-vous nous dire à

 12   quel moment ces annotations ont été faites ?

 13   R.  En général, au quotidien; c'était soit le soir même, soit le lendemain

 14   des événements qui sont décrits dans ce journal. Parfois il est arrivé

 15   qu'un peu plus de temps se soit écoulé entre l'événement lui-même et les

 16   annotations, parce que tout simplement j'étais absent de la ville ou que

 17   j'étais trop occupé ou je ne sais pas. Mais bon, parfois quelques jours

 18   pouvaient passer entre les deux.

 19   Q.  Bien. Peut-on passer à la 20 de ce document ? Il s'agit en fait du mois

 20   de juillet, du 24 juillet 199.

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Il est indiqué à la première phrase "Guerre imminente. Le plan croate

 23   consistait à se déplacer demain vers 4 heures du matin vers Bosanska

 24   Grahovo. Les Croates semblent vouloir se déplacer demain, cela contre

 25   l'artillerie dans le secteur sud. Il y a des plans d'attaque des villes,

 26   des plans d'attaque des villes de la côte, ensuite de bifurquer sur la

 27   gauche à Grahovo et de se déplacer jusqu'à Knin."

 28   Ça c'est la page 20 du document.

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  1   Monsieur l'Ambassadeur, à ce moment-là il y avait un plan qui

  2   envisageait une opération en Krajina; est-ce que vous en étiez informé à

  3   cette époque-là ?

  4   R.  Moi, j'ai été informé avant ce moment-là. Je pense -- ou plutôt la

  5   première fois que l'on m'avait parlé d'une opération, que l'on m'a dit

  6   qu'il y allait y avoir une opération, c'est le jour où j'ai emmené

  7   l'attaché de la Défense, le colonel Rick Herrick; en fait il allait

  8   remplacer son prédécesseur et c'est là que l'on m'a parlé de ce plan

  9   d'attaque militaire pour la Krajina.

 10   M. KEHOE : [interprétation] Je dirais qu'il est indiqué que dans le journal

 11   de bord, justement pour être un peu plus précis il est question du 10 juin.

 12   Il s'agit du deuxième paragraphe, page 12.

 13   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète: il s'agit de la fête du départ

 14   du colonel Rick Herrick qui avait été remplacé par John Sadler.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai su avant le 10 juin, d'ailleurs cela a

 16   été consigné dans de nombreux documents. Le plan de Tudjman en 1994

 17   consistait à s'emparer militairement de la Krajina, et c'est vrai que cela

 18   a été écrit ce jour-là. Nous, nous pensions qu'il allait le faire à la fin

 19   du mandat des Nations Unies, à savoir 30 novembre. Pourquoi ? Parce que

 20   c'était une période de l'année où pour des raisons climatiques il aurait

 21   été très difficile à la Serbie de réapprovisionner la Krajina tout en étant

 22   encore relativement facile pour les forces croates d'envisager des attaques

 23   à partir de la Croatie; en plus cela n'aurait pas trop quand même causé de

 24   dégâts pour les activités touristiques en Croatie.

 25   Alors cela a été plus tard qu'en juillet parce qu'il y avait ce qui

 26   s'était passé à Srebrenica et à Zepa, puis il y avait la crise de Bihac.

 27   Donc ces plans ont été avancés pour deux raisons : premièrement, parce

 28   qu'il y avait Bihac. Et la dernière chose que les Croates souhaitaient

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  1   c'était la chute de Bihac, ensuite vous auriez eu une seule entité serbe,

  2   la Krajina et la Bosnie. Vous auriez également eu 160 000 personnes qui se

  3   seraient rendues en Croatie comme des réfugiés, et je peux vous dire que

  4   c'était véritablement la dernière chose que les Etats-Unis voulaient voir

  5   d'ailleurs.

  6   Mais la décision de le faire ou de prendre des mesures en juillet, en

  7   fait ce que je dirais ce n'est pas que la Croatie a avancé la date de

  8   l'opération jusqu'après Srebrenica et jusqu'à la crise de Bihac, moi, j'ai

  9   été informé très peu de temps après que la Croatie ait pris une décision;

 10   et c'était une décision prise de façon provisoire. Ce n'était même pas une

 11   décision définitive. D'ailleurs si vous regardez le texte, vous verrez que

 12   même la veille, en fait je dirais que c'est le 20 juillet qu'ils ont

 13   commencé à prendre la décision que c'était le moment d'agir.

 14   M. TIEGER : [interprétation] Je ne sais pas, je remarque l'heure, je ne

 15   sais pas si vous souhaitez faire la pause mais je voulais quand même

 16   préciser certaines choses à l'intention du greffier, parce que je pense

 17   qu'il y a une question qui a été posée à propos des numéros de pages

 18   auxquelles a fait référence le conseil, il s'agit en fait de la date du 10

 19   juin, et cela figure à la page 12 du journal de bord.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, moi je l'ai trouvé. Oui, oui, page

 21   12, deuxième paragraphe, il s'agit effectivement du 10 juin. Mais de toute

 22   façon ce document ne va pas être versé au dossier. Est-ce que vous avez

 23   l'intention, Monsieur, de le faire ?

 24   M. TIEGER : [interprétation] Oui.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, vous avez des objections ?

 26   M. KEHOE : [interprétation] Pas d'objection.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Pas d'objection de la part de la

 28   Défense.

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  1   Donc vous avez les inscriptions dans le journal de bord de juin-

  2   novembre 1995 pour ce témoin, Monsieur le Greffier.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça deviendra la pièce P458.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P458 est versée au dossier.

  5    Monsieur Tieger, je pense que nous devrons faire la première pause.

  6   Nous allons avoir une pause de 25 minutes et nous reprendrons à 11

  7   heures.

  8   --- L'audience est suspendue à 10 heures 37.

  9   --- L'audience est reprise à 11 heures 13.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, je vous en prie.

 11   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 12   Avant que nous ne commencions, j'aimerais indiquer à la Chambre qu'il

 13   semblerait que l'une des pages du journal de bord diplomatique n'a pas été

 14   copiée dans le système électronique, il s'agit de la page où est indiqué

 15   29. Il semblerait que c'est une page qui aurait été montrée entre la page

 16   22 et la page 23, pour la version électronique j'entends. Et les pages ou

 17   la numérotation du journal de bord ne correspond pas exactement à la

 18   numérotation retenue par le système électronique.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et apparemment, on a le même problème

 20   pour les copies papier.

 21   M. TIEGER : [interprétation] Oui, j'ai des exemplaires de cela. Bien

 22   entendu, j'ai vérifié cela auprès de M. Kehoe et il a un exemplaire de

 23   cette page qui a été copiée au journal de bord. Mais si les autres conseils

 24   ont besoin de ces pages, je pourrais leur donner la page qui fait défaut.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, ça nous évitera de l'imprimer.

 26   Maître Kehoe.

 27   M. KEHOE : [interprétation] Je voulais parler d'autre chose. J'en ai

 28   d'ailleurs déjà parlé avec M. Tieger. Il s'agit du compte rendu d'audience.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne s'agit pas en quelque sorte

  2   d'authenticité, mais plutôt d'une erreur ?

  3   M. KEHOE : [interprétation] Oui. En fait lorsque j'aurai obtenu de plus

  4   amples renseignements, vous serez informé. 

  5   Mais j'aimerais dire pour préciser la situation, Monsieur le

  6   Président, qu'à la page 34, ligne 19, je pense que certaines préoccupations

  7   ont été exprimées à propos de la date qui figure à cette ligne. Je pense à

  8   la date, année y compris. Il se peut que je n'ai pas très bien entendu le

  9   témoin, mais --

 10   M. TIEGER : [interprétation] Je ne sais pas s'il s'agit d'une erreur, mais

 11   je pense qu'on pourrait poser la question au témoin, ce serait peut-être la

 12   meilleure méthode.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien entendu, c'est effectivement

 14   la meilleure méthode; sinon Me Kehoe aura toujours la possibilité de lui

 15   poser la question pendant le contre-interrogatoire.

 16   M. TIEGER : [interprétation]

 17   Q.  J'aimerais que nous revenions sur cette partie du compte rendu

 18   d'audience. Il s'agit de la page 34. Une question vous avait été posée à

 19   propos de la date. On vous a demandé de préciser la date, quand est-ce que

 20   vous avez entendu pour la première fois qu'il y aurait une opération

 21   militaire en Krajina, et vous avez dit à la ligne 17 : "Laissez-moi

 22   préciser quelque chose. Je l'ai su avant le 10 juin, ce qui figure dans de

 23   nombreux documents. Il y avait ce plan de Tudjman en 1994 qui voulait

 24   investir militairement la Krajina."

 25   Et pour ce qui correspond à cette date, il est indiqué : "Nous avons

 26   pensé que cela se ferait à la fin du mandat des Nations Unies après le 30

 27   novembre."

 28   La question, Monsieur l'Ambassadeur : est-ce que vous vouliez parler

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  1   de 1994 véritablement ?

  2   R.  Je vous remercie. Non, je voulais parler de l'année 1995, car le mandat

  3   des Nations Unies était un mandat de huit mois me semble-t-il. Donc à

  4   partir du mois de mars jusqu'à la fin du mois de novembre. Et c'est à la

  5   fin de ce mois de novembre 1995 que Tudjman avait prévu d'investir la

  6   Krajina.

  7   Puisque nous parlons de cela, je pense que je pourrais apporter une

  8   autre précision justement à ce sujet.

  9   C'est le 21 juillet que je suis allé à Brioni - toujours de l'année

 10   1995 - je suis allé dîner avec le président et c'est là que Susak, le

 11   ministre de la Défense, m'a indiqué qu'il allait y avoir une opération

 12   militaire. C'est un peu plus tard, le 22 juillet, que j'ai eu ce déjeuner

 13   avec le colonel Sadler et le colonel Herrick. C'est à ce moment-là que

 14   Susak nous a donné la date. Mais c'est le 21 que la première fois il m'en a

 15   parlé, et d'après les propos de Tudjman, il était évident que Tudjman avait

 16   pris la décision d'aller de l'avant pour ce qui était de cette opération

 17   militaire qui avait des liens avec la crise de Bihac.

 18   Q.  Merci, Monsieur l'Ambassadeur.

 19   Justement, à propos de la crise de Bihac, il est également mentionné

 20   dans votre déclaration, je pense au paragraphe 19 -- il s'agit de votre

 21   déclaration 92 ter, pièce P444, paragraphes 19 et 20, vous aviez indiqué

 22   que pendant la même période, il y avait des menaces qui avaient été

 23   exercées sur Bihac. Vous dites au paragraphe 20 : "Il y avait une

 24   hiérarchie parmi tous ces maux."

 25   Vous parlez de la diminution de la menace pour Bihac, est-ce que vous

 26   pourriez parler des efforts qui ont été faits pour œuvrer pour la paix ?

 27   R.  Oui. Voilà fondamentalement ce qui s'est passé. Le 13 juillet

 28   Srebrenica est tombée; puis cela a été suivi par la disparition et le

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  1   massacre de 20 % de la population des hommes et des jeunes hommes; ensuite

  2   cela a été suivi par la chute de Zepa, le 26 juillet, attaque d'ailleurs

  3   qui avait duré un certain temps; ensuite le 17, vous avez eu l'attaque

  4   contre Bihac.

  5   Nous avons constaté qu'il y avait des efforts concertés de la part

  6   des Serbes de Bosnie, il s'agissait d'effacer ces enclaves de la carte et

  7   dans le cas de Bihac les Croates s'étaient joints aux Serbes. 

  8   C'est la raison pour laquelle je dois dire que nous avons vu d'un bon

  9   œil en quelque sorte l'offensive croate militaire, parce qu'ils voulaient

 10   rejoindre la vallée de la Livno pour exercer des pressions sur les Serbes.

 11   Nous n'avons pas soulevé d'objection à une action militaire qui serait

 12   passée par la Krajina pour en quelque  sorte désenclaver le siège de Bihac.

 13   Mais justement parce que les actions militaires croates allaient avoir un

 14   impact important sur les Serbes, la perspective de la chute de Bihac à la

 15   fin du mois de juillet a commencé à être une perspective beaucoup moins

 16   importante. Je pensais encore à l'époque qu'il y avait la possibilité

 17   d'envisager une négociation.

 18   Je n'étais pas sûr que cela pourrait fonctionner mais il y avait

 19   cette possibilité, et je pensais qu'il fallait absolument saisir cette

 20   possibilité qui s'offrait. C'est pour cela que j'ai essayé à la toute

 21   dernière minute d'aller à Belgrade et j'ai essayé d'obtenir quelque chose

 22   qui aurait peut-être permis de faire en sorte que l'opération Tempête se

 23   déroule.

 24   Q.  Dans votre déclaration, au paragraphe 22, il s'agit de la pièce P444,

 25   vous dites que vous avez rencontré le président Tudjman le 1er août; je

 26   pense également qu'en sus de votre journal de bord, à la page 28 de votre

 27   journal de bord, qui me semble-t-il correspond à la page 22 pour le système

 28   électronique, vous faites référence à cette réunion.

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  1   Lors de cette réunion avec le président Tudjman, Monsieur

  2   l'Ambassadeur, j'aimerais savoir si vous avez expliqué la proposition

  3   visant à faire progresser le processus de paix, est-ce que vous avez

  4   présenté les préoccupations des Etats-Unis à propos d'une opération

  5   militaire, est-ce que vous avez présenté le point de vue des Etats-Unis par

  6   rapport à cette possibilité ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Dans votre déclaration ainsi que dans votre journal, vous indiquez le

  9   point de vue que vous avez fait valoir au nom des Etats-Unis par rapport à

 10   cette opération militaire, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Quels étaient ces points de vue ?

 13   R.  Dans un premier temps, les Etats-Unis voulaient obtenir une solution

 14   pacifique face aux problèmes de la Krajina, et que rien de ce que nous

 15   allions dire ne devait être considéré comme l'aval donné par les Etats-Unis

 16   pour une opération militaire.

 17   Deuxièmement, et là nous avons véritablement mis cela en exergue,

 18   nous leur avons dit que s'il y avait une opération militaire, la population

 19   civile serbe devait être protégée; que les prisonniers de guerre devraient

 20   être bien traités; et que si les atrocités qui avaient été commises dans la

 21   poche de Medak en 1993 venaient à être répétées, cela aurait des

 22   conséquences très graves pour les relations croato-américaines. Nous leur

 23   avons dit que cela allait véritablement battre en brèche nos relations avec

 24   la Croatie.

 25   Troisièmement, si la Croatie se lançait dans une opération militaire, elle

 26   ferait cavalier seul. Elle ne devrait pas s'attendre à ce que les Etats-

 27   Unis leur prêtent main-forte si les choses ne se déroulaient pas comme

 28   prévues.

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  1   Quatrièmement, j'ai également évoqué la sécurité des forces de maintien de

  2   la paix des Nations Unies, que cela était absolument capital et que la

  3   Croatie devrait faire de son mieux pour ne pas faire courir des dangers aux

  4   forces de maintien de la paix et au personnel des Nations Unies.

  5   Q.  Toujours à la pièce P444, paragraphe 23, vous expliquez les raisons

  6   pour lesquelles vous avez mis en garde à propos du besoin de protéger les

  7   civils serbes.

  8   Voilà ce que vous dites : "Je les ai mis en garde et leur ai dit

  9   qu'il fallait qu'ils protègent les civils serbes parce qu'il y avait un

 10   certain nombre de raisons d'être préoccupé parce que nous pensions que les

 11   persécutions de civils étaient très vraisemblables. Je savais que le

 12   président Tudjman considérait les Serbes comme une menace. Il voulait une

 13   Croatie homogène du point de vue ethnique. Je savais également que les

 14   civils serbes avaient été attaqués lors d'opérations militaires croates

 15   précédentes telles que dans la poche de Medak et lors de l'opération

 16   Eclair."

 17   J'aimerais savoir si ce paragraphe reprend de façon exacte les raisons que

 18   vous avez invoquées pour les mettre en garde et pour leur expliquer quelles

 19   étaient les préoccupations des Etats-Unis à propos du sort éventuel des

 20   civils. Est-ce que cela correspondait à ce que vous avez dit ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Lors de la réunion du 1er août, j'aimerais savoir si le président

 23   Tudjman vous a expliqué les conditions que la Croatie souhaitaient avoir

 24   pour résoudre de façon pacifique le problème, et ce, parce que vous alliez

 25   avoir une réunion avec Milan Babic ?

 26   R.  Je dois dire qu'il m'a expliqué les conditions d'une solution

 27   pacifique, qui se trouve dans le journal de bord diplomatique. Cela est

 28   comme suit : "Repli immédiat de Bihac, réouverture de l'oléoduc vers le

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  1   secteur nord, négociations immédiates pour ce qui est de la réouverture de

  2   la voie ferroviaire Zagreb-Split, des négociations immédiates pour la

  3   réintégration politique de la Krajina en Croatie."

  4   C'étaient des conditions qui ont été présentées comme un ultimatum

  5   lors d'une réunion qui fut convoquée le 3 août à Genève sous l'égide de la

  6   conférence pour l'ancienne Yougoslavie, et ce, sous la présidence de M.

  7   Stoltenberg.

  8   A ce moment-là, je lui ai dit que Babic souhaitait me voir, et à cela

  9   il a dit : "Bien, cela serait intéressant." Je pense que Babic avait

 10   proposé la date du jeudi ou du vendredi et il a dit : "N'attendez pas

 11   jusqu'à jeudi ou vendredi, rencontrez-le beaucoup plus tôt. Mais il faut

 12   savoir que ces éléments n'avaient rien à voir avec ma réunion avec Babic,

 13   il s'agissait en fait de l'ultimatum de la Croatie et ce qu'ils ciblaient,

 14   c'était la réunion du 3 août. 

 15   Q.  Est-ce que vous avez ensuite eu cette réunion avec Milan Babic ?

 16   R.  Je l'ai rencontré le 2 août à Belgrade.

 17   Q.  Quels furent les résultats de cette réunion ? Est-ce que vous lui avez

 18   exposé les conditions qui vous avaient été présentées, et quelle fut sa

 19   réaction ?

 20   R.  J'ai commencé la réunion en lui décrivant de la façon la plus lugubre

 21   ce qui se passerait très probablement, et j'ai véritablement pointé un

 22   doigt accusateur vers les Serbes de la Krajina qui avaient fait deux

 23   choses. Dans un premier temps, ils avaient franchi la frontière

 24   internationale vers Bihac; et deuxièmement, ils avaient refusé de négocier

 25   la proposition qui avait été présentée par l'Union européenne, la Russie et

 26   les Etats-Unis, qui étaient les institutions les plus puissantes du monde

 27   pour ce qui est de cette partie de la planète.

 28   Et je lui ai présenté les conditions croates, et sa réaction fut très

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  1   intéressante. Je m'attendais à ce qu'il se lance dans des récriminations.

  2   Ce n'est pas ce qu'il a fait. Il a dit : "Je comprends tout à fait pourquoi

  3   les Croates sont sur le point de nous attaquer." Mais je ne peux pas

  4   comprendre pourquoi nos dirigeants se sont comportés tel qu'ils l'ont fait.

  5   Il m'a dit qu'il acceptait l'ultimatum lancé par Tudjman, tous les éléments

  6   de l'ultimatum. Il m'a dit : "J'ai quelque problème à dire publiquement que

  7   j'accepterais des négociations qui envisageraient la réintégration de la

  8   Krajina en Croatie."

  9   Et je lui ai dit : "Bien, je pense que ce que vous pourrez faire, c'est que

 10   vous pourrez dire publiquement que vous accepterez les négociations sur la

 11   base du plan Z-4 parce que ce plan Z-4 est un plan de réintégration de la

 12   Krajina en Croatie. Mais je dois dire à Tudjman en privé que vous comprenez

 13   que vous n'obtiendrez jamais le degré d'autonomie qui a été discuté par le

 14   plan Z-4, donc ce qui aurait pu être possible en janvier 1995 n'est plus

 15   possible en août 1995." Et il m'a dit qu'il comprenait parfaitement cela.

 16   Q.  Ambassadeur, peut-être que j'aurais dû vous demander cela, est-ce que

 17   vous pourriez indiquer à la Chambre qui était Milan Babic et pourquoi vous

 18   avez eu des entretiens avec lui ?

 19   R.  Milan Babic était le premier ministre de ladite Republika Srpska

 20   Krajina; c'était un leader des Serbes rebelles. Et il était à la tête d'un

 21   parti politique aussi qui avait probablement le plus de soutien au sein de

 22   la Krajina et qui avait la majorité au sein du parlement. Cependant, il

 23   était un opposant politique de Milan Martic, le président qui contrôlait

 24   l'armée et, par conséquent, avait beaucoup plus de pouvoirs que Babic.

 25   Q.  Dans votre déclaration supplémentaire, et je crois que -- ou plutôt la

 26   feuille d'information supplémentaire dont le numéro est P445. Je crois

 27   qu'au paragraphe 18 vous avez dit que vous avez passé en revue le compte

 28   rendu du 3 août.

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  1   M. TIEGER : [interprétation] J'aurais dû indiquer que l'ambassadeur a eu

  2   l'occasion de voir le transcript, le compte rendu, qui confirme que cette

  3   question a été soulevée lors de la déclaration liminaire et contient la

  4   traduction révisée du compte rendu en B/C/S. Q.  Comme je l'ai déjà dit,

  5   dans la pièce P445, Ambassadeur, il est indiqué que ce dont vous avez

  6   parlé, je dois le dire pour vous, il s'agit là d'un compte rendu d'une

  7   réunion avec le président Tudjman où vous avez parlé de votre discussion

  8   avec Milan Babic et on vous cite comme disant que vous savez très bien que

  9   beaucoup de Serbes vivent là-bas et que probablement la majorité devra

 10   partir.

 11   Est-ce que vous vous souvenez avoir indiqué au président Tudjman et Milan

 12   Babic auparavant cela; est-ce que vous pouvez expliquer pourquoi vous avez

 13   dit à Babic que beaucoup de Serbes, probablement la majorité, allaient

 14   devoir quitter la Krajina ? Je vous indique qu'il s'agit du paragraphe 18

 15   de la pièce 445.

 16   R.  Oui, c'est ce que je voulais faire comprendre à Babic c'est que si la

 17   population des Serbes de Krajina partait il n'y aurait jamais de solution

 18   politique, donc qu'il était bien meilleur pour eux d'accepter une solution

 19   négociée avec la Croatie maintenant, même si cette solution était loin

 20   d'être idéale, plutôt que d'avoir l'ensemble de la population qui devrait

 21   partir.

 22   Pourquoi est-ce que j'ai dit à Babic que l'ensemble de la  population

 23   allait partir ? Car tout au long du conflit dans l'ex-Yougoslavie lorsqu'un

 24   territoire passait des mains d'un camp entre les mains d'un autre, la

 25   population partait ou était expulsée, car lorsque la Croatie a repris le

 26   contrôle de la Slavonie occidentale les 1er et 2 mai 1995, juste quelques

 27   mois auparavant, 10 000 à 13 000 Serbes sont partis; car compte tenu du

 28   comportement de la Croatie lors des opérations précédentes dans la poche de

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  1   Medak, il faut savoir que des atrocités ont été commises. Donc je savais

  2   que la population allait ressentir une peur bien fondée par rapport à ce

  3   qui risquait de leur arriver.

  4   Je savais quelles étaient les déclarations faites par Tudjman lui-

  5   même et son opinion selon laquelle les Serbes de Krajina étaient une menace

  6   stratégique pour la Croatie. Je savais aussi quelle était la propagande

  7   serbe en continu et c'est la raison pour laquelle j'ai dit à Babic que la

  8   population serbe allait partir, mais je ne devais pas le convaincre il

  9   comprenait tout à fait que ceci risquait d'arriver, que ceci allait

 10   arriver.

 11   Lorsque le 3 août j'ai vu Tudjman, simplement je lui redisais quel

 12   était l'ensemble du contenu de ma discussion avec Babic pour qu'il

 13   comprenne comment cette solution négociée a vu le jour, et pourquoi Babic

 14   allait, à mon avis, accepter son ultimatum.

 15   Q.  Vous avez mentionné votre réunion avec le président Tudjman suite à la

 16   discussion que vous avez eue avec Milan Babic. Comment avez-vous présenté

 17   la situation telle qu'il existait à l'époque au président Tudjman et quelle

 18   a été sa réaction ?

 19   Je crois que ceci figure ou au moins vous en traitez dans une

 20   certaine mesure dans le paragraphe 26 et pages 31 et 32 de votre journal.

 21   En ce qui concerne les pages marquées de votre journal, il s'agit des pages

 22   31 à 32, et je pense qu'il s'agirait de la page 24 de la version

 23   électronique portant sur la réunion du 3 août.

 24   R.  Bien sûr, les mots sont reflétés dans le journal, et comme vous le

 25   savez, dans le transcript. Mon message de base était que Babic avait

 26   accepté l'ultimatum de Tudjman, et que nous ne pouvions pas savoir si Babic

 27   allait être capable de tenir sa promesse par rapport aux leaders des Serbes

 28   de Krajina, mais qu'il valait la peine d'attendre un peu pour le savoir.

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  1   Au fond c'est ce dont j'ai essayé de convaincre Tudjman. Moi j'ai

  2   décrit mes propres négociations, et j'ai également entrepris une démarche

  3   au nom des Etats-Unis.

  4   Je pense que j'ai vu Tudjman à 5 heures 45 et j'ai compris clairement

  5   que Tudjman n'avait aucune compréhension pour ce que je disais. Il n'était

  6   pas du tout à l'écoute. Je pense qu'il avait déjà pris la décision d'aller

  7   en guerre. Moi je trouve cela intéressant de lire la transcription du

  8   compte rendu de la réunion qui a eu lieu par la suite du conseil de

  9   sécurité national qui a commencé à 6 heures et ils ont longuement parlé de

 10   la question qui avait été soulevée avec moi, ils ont pris en considération

 11   la proposition américaine et ce que j'ai eu à dire.

 12   Mais certainement lors de cette réunion une décision a été prise et

 13   la question était résolue pour eux.

 14   Q.  Est-ce que par la suite par rapport à cette question vous avez tenu une

 15   conférence de presse - je crois que vous en traitez aux pages 208 et 210 du

 16   livre "Les Etats-Unis et la Croatie, une histoire documentaire"  - donc une

 17   conférence de presse au sujet de l'opportunité qui a été présentée en tant

 18   que résultat de vos discussions avec Babic ?

 19   R.  Je considérais qu'il fallait faire tout ce qui était possible pour

 20   avoir la paix, donc typiquement lorsque j'allais voir Tudjman, les

 21   représentants de la presse se regroupaient devant le bureau présidentiel.

 22   En fait, je me suis assuré par le biais de notre attaché de presse pour

 23   qu'ils soient là. Ensuite j'ai fait une déclaration indiquant que Babic --

 24   ou plutôt, il ne s'agissait pas d'une déclaration, mais j'ai fait part de

 25   mes observations selon lesquelles Babic allait respecter les termes de

 26   l'ultimatum de la Croatie; et qu'à mon avis, il n'y avait pas de raison

 27   d'avoir une guerre. Je n'ai pas dit qu'il n'y aurait pas de guerre, même si

 28   ceci a été mal interprété par la suite, mais j'ai dit qu'il n'y avait pas

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  1   de raison d'avoir une guerre.

  2   Pour moi c'était une question éthique, j'avais l'impression que je le

  3   devais à Babic, c'est-à-dire de dire publiquement que les Etats-Unis le

  4   soutenaient et que nous espérions qu'il y aurait une opportunité pour la

  5   paix.

  6   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous avez fait référence aux raisons pour

  7   lesquelles vous avez proféré des avertissements au président Tudjman au

  8   sujet des civils serbes et je crois que plus tôt lors de votre déposition,

  9   vous avez parlé également des opinions du président Tudjman au sujet de la

 10   présence des Serbes en Croatie.

 11   Je voudrais vous poser une question préliminaire au sujet de la fréquence

 12   et de la régularité de vos rencontres avec le président Tudjman pendant

 13   votre mandat d'ambassadeur ?

 14   R.  Au cours des premières deux années et demie, je le rencontrais

 15   fréquemment, je dirais plusieurs fois par semaine et parfois plusieurs fois

 16   par jour. Il ne s'agissait pas à chaque fois des réunions dans son bureau,

 17   parfois on se rencontrait ailleurs. Lorsqu'il était en vacances à Brioni,

 18   j'y allais de temps en temps pour le rencontrer.

 19   Q.  Est-ce que vous pouvez nous décrire aussi la fréquence de vos réunions

 20   avec d'autres hauts officiels croates et certains de leurs dirigeants ?

 21   R.  Mes contacts les plus proches étaient avec Gojko Susak qui était le

 22   ministre de la Défense, lui je le voyais simplement sans cesse pour ainsi

 23   dire. Il s'agissait d'une situation qui changeait fréquemment et je le

 24   voyais quatre à cinq fois par semaine, parfois plus. On se parlait souvent

 25   au téléphone, puis le premier ministre, Mate Granic, dans le ministère se

 26   trouvait juste en face du parc, à une minute de l'ambassade américaine. Lui

 27   aussi je le voyais quatre à cinq fois par semaine, on se parlait au

 28   téléphone tout le temps.

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  1   L'autre officiel, enfin l'un des autres avec qui j'ai eu affaire,

  2   c'était Hrvoje Sarinic qui était le chef de cabinet de Tudjman et qui est

  3   devenu le négociateur principal croate s'agissant de la Slavonie orientale

  4   et de l'accord de paix pour cette région, il s'agissait là d'une série de

  5   négociations qui ont suivi l'opération Tempête dans le cadre desquelles

  6   j'ai fait office de médiateur; ensuite, Miro Tudjman, le fils de Tudjman

  7   qui était le chef du service de renseignements croate, je le voyais un peu

  8   moins souvent; Djurdja Susak, Mme Susak qui était la femme du ministre de

  9   la Défense.

 10   Bien sûr il y en avait bien d'autres, mais les trois grands noms se

 11   serait Granic, Susak, et Sarinic.

 12   Q.  Dans la pièce P444, votre déclaration en vertu de l'article 92

 13   ter, au paragraphe 31 et 33, vous parlez des opinions du président Tudjman

 14   au sujet de plusieurs sujets liés à celui-ci, y compris sa conviction selon

 15   laquelle il faudrait que ce territoire soit plutôt homogène ethnique ou au

 16   moins ainsi dans la mesure du possible. Vous parlez de ce qu'il dit par

 17   rapport aux menaces à la Croatie, de ses opinions au sujet des transferts

 18   de population et de ses opinions selon lesquelles les Serbes de Krajina

 19   représentaient une menace stratégique.

 20   Est-ce que vous pouvez décrire à la Chambre, en détail si nécessaire,

 21   à quoi ressemblaient ces opinions, à la fois au sujet de la présence

 22   continue de Serbes de Croatie et au sujet des transferts de population et

 23   partage ethnique ?

 24   R.  Tout d'abord, je dirais un mot au sujet de Tudjman. C'était un

 25   dirigeant très sûr de lui, très sûr de ses propres capacités. Il était

 26   historien de vocation. C'était un stratège, mais il se considérait comme un

 27   stratège à haut niveau. Il avait des opinions et des convictions profondes

 28   qui, à son avis, devaient être évidentes dans les yeux d'un occidental

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  1   rationnel, tel qu'un ambassadeur américain. Il considérait donc qu'il était

  2   évident que les Etats européens fonctionnaient bien mieux s'ils étaient

  3   homogènes sur le plan ethnique. Argument assez bizarre dans les yeux de

  4   quelqu'un de notre pays, mais il considérait que j'allais simplement

  5   accepter cela.

  6   Il a considéré qu'en raison de la géographie, les Serbes de Krajina

  7   constituaient une menace particulière, ils étaient situés après tout de

  8   façon à pratiquement diviser la partie nord de la Croatie nord par rapport

  9   à la côte. C'était un historien et il parlait des transferts de population,

 10   notamment transferts qui ont eu lieu après la guerre gréco-turque de 1923,

 11   lorsque la population grecque de l'Anatolie a été renvoyée de la Turquie.

 12   Même si je m'opposais à cela et que je lui disais que ceci allait

 13   provoquer des bouleversements énormes pendant des décennies à venir, ça ne

 14   le faisait pas du tout changer d'avis.

 15   Il croyait également, et ceci était conforme à cette même opinion,

 16   opinion selon laquelle il fallait partager la Bosnie entre une partie

 17   homogène serbe à l'est et une partie croate. Parfois ses opinions

 18   différaient, soit il parlait d'une partie croate ou des parties croates qui

 19   incluent aussi les Musulmans à l'ouest. Dans ce contexte, il voyait d'un

 20   œil tout à fait bienveillant l'idée expliquée par des raisons géographiques

 21   d'échange de Banja Luka - en 1995 c'était pratiquement une ville

 22   entièrement serbe en raison du nettoyage ethnique - eh bien de l'échanger

 23   contre Tuzla qui était une ville à prédominance musulmane.

 24   Q.  Est-ce que vous avez entendu des opinions semblables exprimées par

 25   d'autres dirigeants croates avec lesquels vous étiez en contact ?

 26   R.  Parmi les dirigeants haut placés croates que j'ai rencontrés, les

 27   opinions de Tudjman, c'était plutôt ses propres opinions, c'était la

 28   personne qui croyait à la Grande-Croatie qui allait inclure aussi les

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  1   Musulmans de Bosnie. Il y avait d'autres croates qui croyaient en une

  2   Grande-Croatie plus petite, comme par exemple celle avec l'Herzégovine.

  3   C'était certainement le cas du ministre de la Défense, Gojko Susak, et de

  4   bien d'autres personnes que je rencontrais.

  5   Mais je dirais qu'à cette époque-là, 90 % ou plus de la population croate

  6   rejetait, que ce soit l'idée d'une Grande-Croatie. Je pense qu'il y n'y

  7   avait aucun soutien pour le partage de la Bosnie conformément à la manière

  8   souhaitée par Tudjman. Dans l'ensemble, les gens d'Herzégovine n'étaient

  9   pas populaires en Croatie. Même si les gens avaient de la compassion par

 10   rapport aux Croates de Bosnie, ils n'avaient pas véritablement un désir

 11   fort pour annexer ce territoire de Bosnie à la Croatie.

 12   Q.  Dans le paragraphe 65 de votre déclaration P444 en vertu de l'article

 13   92 ter, vous parlez de M. Sarinic qui a décrit les Serbes comme un cancer

 14   dans le ventre de la Croatie.

 15   Est-ce que vous pouvez décrire cela à la Chambre. Comment avez-vous

 16   compris cette réflexion au sujet de ses opinions concernant la présence

 17   continue des Serbes en Croatie ?

 18   R.  Lorsque les Serbes ont quitté la Croatie, ni Tudjman ni les hauts

 19   officiels de son gouvernement ne souhaitaient qu'ils reviennent. Sarinic

 20   était quelqu'un qui représentait Tudjman, qui l'imitait quelque part. Je

 21   pense que Susak et Granic avaient leur propre personnalité et exprimaient

 22   parfois des opinions différentes de celles de Tudjman, mais Sarinic souvent

 23   répétait ce que le président souhaitait qu'il dise.

 24   A cette époque-là, c'était quelques semaines après l'opération

 25   Tempête, j'ai reçu des instructions de mon gouvernement, et j'ai critiqué

 26   la Croatie en raison des violations des droits de l'homme qui étaient

 27   commises en Krajina, et j'ai insisté pour dire qu'il était fondamental dans

 28   le cadre des droits de l'homme de permettre aux Serbes de retourner dans

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  1   leurs foyers et de reprendre leurs biens.

  2   Nous essayions aussi de faire annuler la décision selon laquelle les

  3   Serbes de Krajina se verraient dépourvus de leur citoyenneté et selon

  4   laquelle ils allaient confisquer leurs biens dans un délai de 30 jours.

  5   Lors de cette conversation, en août 1995, il a dit : "Nous ne pouvons pas

  6   nous attendre à ce qu'ils reviennent, car ils représentent un cancer dans

  7   le ventre de la Croatie."

  8   Pour moi, c'était une métaphore tout à fait choquante au sujet des

  9   personnes qui, selon nous, étaient des citoyens de ce pays-là et qu'ils

 10   avaient les mêmes droits que les autres citoyens de ce même pays.

 11   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, je souhaite maintenant attirer votre attention

 12   sur la période qui a débuté après l'opération Tempête et après que la

 13   plupart des Serbes n'étaient plus dans la Krajina.

 14   Au paragraphe 42 de votre déclaration en vertu de l'article 92 ter,

 15   vous avez indiqué qu'immédiatement après la fuite de grande ampleur des

 16   Serbes de la Krajina, vous avez exprimé l'opinion selon laquelle il ne

 17   s'agissait pas d'un nettoyage ethnique conforme à celui décrit lors de

 18   votre déposition dans l'affaire Milosevic.

 19   Peut-être il serait plus utile si cette déclaration incluait cela,

 20   c'est-à-dire votre explication dans l'affaire Milosevic. Est-ce que vous

 21   pourriez dire à la Chambre ce à quoi vous faisiez référence en parlant du

 22   nettoyage ethnique dans ce contexte, à la fois le contexte dans lequel vous

 23   l'avez dit et peut-être ce que vous vouliez dire lorsque vous avez dit

 24   qu'il ne s'agissait pas d'un nettoyage ethnique de la même nature ?

 25   R.  Le nettoyage ethnique, d'après la manière dont je vois les choses,

 26   impliquait des actions visant à expulser une population par le biais

 27   d'attaques militaires, la terreur, les viols en masse, les meurtres, afin

 28   de s'assurer que tous les survivants partent, aussi les incendies

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  1   volontaires des maisons. Au fond, le nettoyage ethnique a eu lieu en

  2   Croatie en 1991, en Slavonie orientale et dans la Krajina où les Serbes ont

  3   ethniquement nettoyé le territoire des Croates, et c'est ce qui s'est passé

  4   en Bosnie en 1992 lorsque l'armée des Serbes de Bosnie a eu recours aux

  5   meurtres en masse, ensuite ils ont placé les gens dans les camps de

  6   concentration, ils ont détruit leurs maisons, et ils ont expulsé les masses

  7   de population afin de créer un territoire ethniquement pur dont une grande

  8   partie de la Bosnie qui n'était pas serbe et qui par la suite est devenue

  9   serbe.

 10   A mon avis, la Croatie n'a pas fait cela lors de l'opération Tempête,

 11   car les forces croates sont arrivées lorsque les Serbes étaient déjà

 12   partis. Donc vous ne pouvez pas nettoyer ethniquement quelqu'un qui n'est

 13   plus là. Je ne veux pas dire par là qu'ils ne l'auraient pas fait si la

 14   population était restée. Mais le fait est que la population n'était pas là

 15   au moment où les forces croates sont arrivées.

 16   C'est ce que j'ai voulu dire dans cette déclaration. Je dois dire

 17   qu'au cours des années, j'ai eu des regrets d'avoir fait cette déclaration,

 18   puisqu'elle a été mal interprétée. On avait l'impression que je trouvais

 19   des excuses pour cette action militaire croate. Or, ceci ne faisait pas

 20   partie de mon intention. Il s'agissait simplement d'une explication

 21   technique des raisons pour lesquelles il ne s'agissait pas là d'un

 22   nettoyage ethnique.

 23   Q.  Par rapport à la fuite des Serbes, je souhaite vous poser une

 24   question au sujet des informations que vous avez reçues concernant l'effet

 25   psychologique de cette opération ou de la guerre électronique.

 26   R.  J'ai parlé avec le ministre de la Défense Susak, il a été très

 27   fier de l'effet psychologique des opérations et du fait que la population

 28   avait reçu les instructions concernant la manière de partir et d'autres

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  1   mesures dont j'ai oublié les détails.

  2   Bien sûr, nous avions des informations de nos propres sources, par

  3   exemple de l'attaché de la défense chargé des opérations psychologiques, et

  4   ceci est devenu un sujet de controverse par la suite.

  5   Q.  Dans votre déclaration, au paragraphe 61, vous parlez aussi de vos

  6   discussions avec le ministre Susak, et vous dites, au paragraphe 61 : "A un

  7   moment donné, il a dit qu'ils ont réussi à donner l'ordre à la population

  8   serbe de partir par le biais de leur guerre électronique."

  9   Est-ce que le ministre Susak a décrit l'ordre en particulier qui a été

 10   donné à la population serbe pour qu'ils partent ?

 11   R.  Je ne me souviens pas qu'il l'ait fait. Si mes souvenirs sont bons, il

 12   parlait des routes que les gens devaient emprunter, mais si j'ai bien

 13   compris les autorités serbes avaient donné un ordre à la population pour

 14   que celle-ci parte. Comme je l'ai dit dans cette déclaration, il était

 15   connu qu'il exagérait. Donc il s'attribuait le mérite pour quelque chose

 16   qui a eu lieu, pour un ordre donné aux Serbes.

 17   Un autre point, qui n'est pas contenu ici et que je souhaite ajouter. Les

 18   renseignements des Serbes par rapport aux Serbes étaient extrêmement bons.

 19   Il était tout à fait possible que les Croates savaient que les Serbes

 20   allaient recevoir un ordre d'évacuation et ensuite, soit ils ont dit cela

 21   en anticipation ou ils ont essayé de provoquer une confusion.

 22   Q.  Je pense que ceci existe également dans votre journal, à la date du 9

 23   août. Ceci est marqué à la page correspondante à la date du 9 août, c'est à

 24   la page 38 du journal. 

 25   M. TIEGER : [interprétation] C'est la page 31 dans la version électronique.

 26   Q.  C'est le deuxième paragraphe entier. En bas on voit : "Susak a

 27   été également très fier des opérations psychologiques", et cetera.

 28   Ce qui m'intéresse, c'est l'endroit dans votre journal où il est

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  1   indiqué que le ministre Susak a déclaré que ses avions avaient bombardé une

  2   colonne de réfugiés, mais par erreur.

  3   J'aimerais que vous nous disiez si vous avez reçu cette information

  4   du général Cervenko portant sur les attaques sur la colonne des réfugiés. A

  5   ce sujet-là, je vous demanderais d'examiner les annotations pour le 19

  6   septembre, page 57 du journal. Je pense que c'est la page 50 de la version

  7   électronique.

  8   Le deuxième paragraphe pour le 19 septembre, vous parlez d'une

  9   conversation avec le général Cervenko; vous parlez d'abord d'un incident

 10   spécifique, puis vous dites : "C'est encore un signe de tension entre

 11   Cervenko et Susak et il est très franc à ce sujet-là. Il y a quelques

 12   semaines il a montré à Clark les ordres émanant de Susak d'ouvrir le feu

 13   d'artillerie sur 40 000 civils concentrés sur la zone de Topusko parce

 14   qu'il y avait des unités de l'armée de la Krajina parmi eux" --

 15   M. KEHOE : [interprétation] Je dois interrompre. Cela sort de l'acte

 16   d'accusation parce que cela concerne le secteur nord.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Nous avons déjà mentionné cela à plusieurs

 19   reprises. Il y a une différence entre les moyens qu'on présente pour

 20   prouver l'existence du motif, ou d'un modèle, ou d'un type de conduite par

 21   rapport aux preuves qu'on présente pour un incident particulier ou pour un

 22   événement particulier. Il est tout à fait clair que ce type d'information

 23   est pertinent et utile à la Chambre pour évaluer les événements qui se sont

 24   passés dans la zone couverte par l'acte d'accusation et dans la période

 25   couverte par l'acte d'accusation.

 26   M. KEHOE : [interprétation] Je pense que j'ai déjà répondu à plusieurs

 27   reprises à cela.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que le problème est avec cette

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  1   déclaration.

  2   M. TIEGER : [interprétation] Cette déclaration a été recueillie à l'époque

  3   où je ne disposais pas de ce journal de bord. Le document a été communiqué

  4   déjà depuis un moment à la Défense. Je dois également indiquer que cela est

  5   mentionné dans la feuille supplémentaire au paragraphe -- je ne sais pas,

  6   peut-être que je serai obligé de retirer cela. Je n'arrive pas à le

  7   retrouver.

  8   De toute façon, nous essayons toujours d'inclure tous les documents

  9   qui nous sont disponibles dans les déclarations supplémentaires. Au moment

 10   où la déclaration a été faite, le journal n'était pas disponible, donc il

 11   n'était pas possible d'y inclure tous les aspects pertinents pour cette

 12   affaire, qu'il s'agisse de la déclaration 92 ter ou de faits

 13   supplémentaires.

 14   De toute façon, je ne pense pas que cela pourrait être suffisant pour

 15   exclure cette partie de moyens de preuve.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Combien de temps avez-vous eu pour

 17   examiner ces documents, ce n'est pas une question pertinente pour nous pour

 18   décider du poids à accorder à cela.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, la Chambre est bien

 21   consciente que cela est déjà versé au dossier. La Chambre ne pense pas

 22   qu'il serait d'une grande utilité de poursuivre sur cette question.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Merci.

 24   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, vous avez déjà commencé à parler de la question

 25   que j'ai l'intention d'aborder maintenant au moment où vous avez parlé de

 26   vos discussions avec M. Sarinic. Mais comme vous l'avez déjà dit lors de

 27   votre déposition, ainsi que dans plusieurs paragraphes de votre déclaration

 28   92 ter, la position du président Tudjman sur le retour des Serbes de

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  1   Krajina était tout simplement qu'ils ne devaient pas retourner. 

  2   Dans les paragraphes 34, 36 et 75 de votre déclaration, vous avez dit

  3   qu'il a établi plusieurs objectifs qui devaient lui permettre cela. Des

  4   obstacles qui devaient empêcher les Serbes de retourner ou de remplir les

  5   conditions nécessaires pour le retour de leurs biens. La prorogation du

  6   délai à 95 jours était toujours insuffisante. Et dans le paragraphe 75,

  7   vous dites que le plan initial du président Tudjman était de les empêcher

  8   entièrement de retourner, d'annuler chaque aide possible aux personnes

  9   souhaitant retourner, mais que la pression des Etats-Unis a fait qu'il a dû

 10   y renoncer.

 11   Pourriez-vous nous dire ce dont vous vous souvenez à ce sujet-là ?

 12   R.  Il y avait là des aspects juridiques et des aspects pratiques.

 13   Tudjman considérait qu'il s'agissait là de personnes qui avaient

 14   renoncé à la Croatie en la quittant. Et initialement, en août, Tudjman

 15   avait déclaré que toute personne n'étant pas retournée dans un délai de 30

 16   jours et n'ayant pas demandé la nationalité croate ne pouvait plus rentrer.

 17   Dans ce cas-là, la confiscation de leurs biens devait commencer et cela

 18   était considéré comme une sorte de dédommagement pour tout ce qui avait été

 19   détruit ou confisqué par les Serbes en Slavonie orientale.

 20   Sous la pression des Etats-Unis, le délai a été prorogé pour 90

 21   jours, ça tombait quelque part en septembre. Mais ensuite le délai a été

 22   tout simplement annulé. Puis en 1996 sous la pression extrêmement forte des

 23   Etats-Unis, les Croates ont accepté que les Serbes pouvaient rentrer.

 24   Mais en fait ça n'a servi à rien, parce que personne n'est rentré ou

 25   quasiment personne. Quelques-uns qui ont essayé de retourner se sont rendus

 26   compte qu'ils n'arrivaient pas à obtenir des visas s'ils se trouvaient en

 27   Serbie. Et s'ils essayaient de récupérer leurs biens, alors ils

 28   n'arrivaient pas à contourner l'administration locale. Donc, tout

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  1   simplement le système a été créé de la manière que de garantir qu'il n'y

  2   aurait plus de personnes qui seraient de retour; et jusqu'à 2000, il n'y a

  3   quasiment pas de personnes qui sont rentrées ou très peu.

  4   S'agissant maintenant de l'aspect juridique, il y avait des efforts, des

  5   tentatives de les dépouiller de leurs biens par des moyens juridiques,

  6   c'est-à-dire que les autorités croates avaient ordonné ou autorisé la

  7   destruction systématique d'une plus grande partie des biens serbes. 

  8   Vous savez si votre maison est brûlée, incendiée, si votre bétail a

  9   été tué ou volé, vos terres, vos biens pillés, alors vous n'avez pas où

 10   rentrer, c'est tout simplement comme ça. Cette région croate déjà avait un

 11   revenu très, très, très faible. C'était une région assez isolée, et si en

 12   plus dans une région sous-développée, vous arrachez aux habitants leur

 13   bétail, leurs biens, alors ils n'ont pas vraiment de raisons pour rentrer. 

 14   M. KEHOE : [interprétation] S'agissant de cette réponse, je dois

 15   intervenir.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ça la réponse du témoin. Vous

 17   pourrez ensuite lui demander pourquoi et comment il est arrivé à son avis,

 18   mais vous devez le laisser répondre.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Donc soit les autorités ont donné des ordres à

 20   cet effet, soit elles ont autorisé ou elles ont laissé les choses se passer

 21   ainsi parce qu'elles servaient leurs intérêts, leurs objectifs.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, pourriez-vous

 23   maintenant demander quels sont les faits sur lesquels le témoin base son

 24   avis.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président.

 26   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, la Chambre souhaiterait entendre quels sont les

 27   faits sur lesquels vous fondez votre avis que les destructions étaient

 28   intentionnelles, c'est-à-dire quelles ont été commises soit en exécution

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  1   des ordres, soit parce qu'on a laissé faire ?

  2   R.  Oui. Tout d'abord, il s'agissait d'une région sans population parce que

  3   les seuls qui s'y trouvaient étaient des militaires croates, immédiatement

  4   après l'opération Tempête, c'est-à-dire que c'étaient eux qui avaient le

  5   contrôle sur ce territoire. On ne peut pas dire, ce n'était pas comme

  6   l'armée des Serbes de Krajina ou quelques autres forces armées. Cette

  7   armée-là était l'armée la plus disciplinée et la meilleure du point de vue

  8   militaire de l'ex-Yougoslavie, à mon avis. 

  9   Donc ils avaient le contrôle sur cette région et dès le début il y a

 10   eu des pillages, des incendies. Par exemple, j'ai vu Petrinja, je pense que

 11   c'était le 6 août, quelques heures après sa chute les militaires croates

 12   avaient le contrôle entier sur cette zone et le 9 il y avait de plus en

 13   plus de signes de pillages.

 14   Vous allez trouver dans mon journal les dates précises où, à Drnis,

 15   on a pu voir des signes de destruction. A Knin, dans les banlieues on a vu

 16   aussi des installations incendiées et un de nos officiers est parti voir

 17   les soldats croates pour leur dire : "Ecoutez, vous voyez il y a des

 18   maisons qui sont en train de brûler, pourriez-vous faire quelque chose pour

 19   arrêter l'incendie"; et il s'est rendu compte que c'étaient eux qui

 20   incendiaient les maisons.

 21   En plus, compte tenu de l'échelle de ces événements, compte tenu du

 22   fait qu'il ne s'agissait pas des incidents isolés, vous savez, et peut-être

 23   que je pourrais dire encore plus. Par exemple, Donji Lapac, le 20

 24   septembre, Donji Lapac c'était une ville peuplée par 98 % de Serbes, donc

 25   c'était la municipalité en Croatie qui avait le plus d'habitants serbes, 98

 26   %, il y avait des blocs -- des quartiers résidentiels entiers qui avaient

 27   été absolument incendiés alors qu'ils n'ont absolument pas soufferts

 28   pendant les combats.

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  1   Compte tenu de la nature de l'armée croate très disciplinée qui

  2   agissait d'une manière efficace et organisée, je ne peux pas accepter qu'il

  3   s'agissait là des événements qui sont survenus d'une manière tout à fait

  4   spontanée. Je pense que ces événements ont eu lieu parce que les autorités

  5   de l'Etat croate, Tudjman et sa clique, ont tout simplement souhaité que

  6   cela arrive.

  7   Ensuite, je mets tout cela dans le contexte du désir exprimé par Tudjman de

  8   créer une Croatie ethniquement pure dans le contexte de son idée sur les

  9   Etats ethniquement homogènes, de ces lois qui devaient empêcher les

 10   habitants de retourner dans leurs foyers dans le contexte de tous ceux que

 11   j'ai entendu dire par des Croates que les Serbes étaient le cancer dans le

 12   ventre de la Croatie. Enfin, si l'on examine les transcripts présidentiels

 13   on voit très bien que, par exemple, Susak à un moment se vante en disant :

 14   Grahovo est ethniquement pur maintenant. 

 15   Tout cela ensemble fait que je crois qu'il s'agissait là soit des

 16   ordres, soit de laisser-aller parce que bien évidemment je n'ai pas là un

 17   ordre sous les yeux, une preuve flagrante que cela s'est passé mais tout ce

 18   que j'ai vu par ailleurs me fait croire que cela a dû se passer de cette

 19   manière-ci.

 20   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, mais le

 21   témoin de toute évidence a eu l'occasion d'examiner plusieurs transcripts

 22   présidentiels auxquels il fait référence. Il faudrait peut-être qu'on nous

 23   dise de quels transcripts il s'agit.

 24   M. TIEGER : [interprétation] Il s'agit des transcripts, particulièrement

 25   maintenant il s'agit de celui du 12 août dont on a parlé ce matin.

 26   M. KEHOE : [interprétation] Oui, mais vous savez ce témoin n'a pas

 27   participé à cette réunion et vous avez montré ce transcript présidentiel au

 28   témoin malgré cela.

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  1   M. TIEGER : [interprétation] Je pense que la Défense a reçu la liste de

  2   tous les transcripts que nous avons montrés au témoin et d'ailleurs ils

  3   sont déjà versés au dossier.

  4   M. KEHOE : [interprétation] Oui, c'est justement ça le problème.

  5   M. TIEGER : [interprétation] La question concerne les transcripts

  6   présidentiels qui ont été versés ce matin au dossier. Peut-être que Me

  7   Kehoe ne s'en est pas rendu compte immédiatement mais vous savez c'est le

  8   transcript du 11.

  9   M. KEHOE : [interprétation] Vous savez, il ne s'agit pas d'une omission de

 10   ma part. Vous savez tout simplement il s'agit de la chose suivante : le

 11   général Gotovina a le droit de savoir quels sont les faits et les

 12   circonstances sur lesquels l'Ambassadeur va déposer que ça se trouve dans

 13   sa déclaration 92 ter ou dans la feuille supplémentaire.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais pourquoi vous ne demandez pas à M.

 15   Galbraith de vous dire quel est le transcript auquel il fait référence --

 16   M. KEHOE : [interprétation] Mais c'est une question qui est beaucoup plus

 17   large.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais dans ce cas, la question on

 19   peut la réduire à cela.

 20   M. KEHOE : [interprétation] Oui, mais bon il y a encore une autre question.

 21   Vous savez, de quelle manière sommes-nous censés nous préparer pour la

 22   déposition de l'ambassadeur si nous ne savons pas quels sont les documents

 23   qui lui ont été montrés et sur quoi il va déposer. Vous savez ce transcript

 24   porte sur une réunion à laquelle il n'a pas été présent donc --

 25   M. KAY : [interprétation] J'essaie de retrouver ce transcript du 11 août

 26   mais je n'y arrive pas.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de la réunion du 11 août 1995,

 28   c'est le document P456.

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  1   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais me

  2   joindre aux commentaires de Me Kehoe. Ce qui se passe ici, très brièvement,

  3   est qu'on présente à l'ambassadeur une liste de procès-verbaux de réunions,

  4   et il n'a pas été présent à la plupart de ces réunions. Tout ce qu'on lui

  5   demande c'est de nous donner son opinion sur la teneur de ce transcript

  6   alors que ce n'est absolument pas le sujet de nos débats. Il n'est pas

  7   censé déposer sur ça, pas de cette manière-là.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

  9   M. TIEGER : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord avec la Chambre,

 10   j'ai l'impression qu'on est ici en train de déformer mes propos et

 11   l'intention que nous avons s'agissant de ces transcripts présidentiels. La

 12   Défense connaissait les positions du témoin s'agissant de la destruction

 13   systématique et des faits sur lesquels il base cela.

 14   La Défense a pu entendre la réponse du témoin, elle a été très

 15   claire, il a exposé plusieurs faits et à la fin de sa réponse il a fait

 16   référence à quelque chose qui figure dans un transcript présidentiel tout

 17   simplement pour corroborer ce qu'il avait dit.

 18   La manière de procéder de la Défense dans ce cas concret n'est

 19   vraiment pas appropriée parce que le témoin a déjà exposé des raisons qui

 20   l'ont emmené à ses conclusions d'une manière indépendante de ces

 21   transcripts présidentiels.

 22   Mais il n'y a rien d'inapproprié dans notre manière de procéder avec

 23   ce témoin.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. Nous allons voir si c'est la peine

 25   de continuer à discuter de cela encore.

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre rejette l'objection.

 28   Le témoin a émis quelques jugements, quelques opinions qui sont

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  1   toujours de nature un peu mixte, donc nous allons demander à M. Tieger

  2   d'établir la base factuelle de ces opinions. C'est le témoin lui-même qui

  3   nous a fait part de ce qu'il a pu voir, de quelques faits qui lui ont été

  4   rapportés, par exemple, par ce soldat, et cetera, et cetera.

  5   Je suppose que M. Galbraith n'était pas à côté de ce soldat à

  6   l'époque où cela s'était passé.

  7   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

  9   Quand le témoin nous fait part de son opinion, évidemment il peut faire

 10   référence aux sources qui étaient en sa possession à l'époque, et tout cela

 11   vous pouvez l'explorer davantage lors du contre-interrogatoire. Vous savez,

 12   les informations que les gens apprennent dans un contexte donné leur

 13   permettent d'arriver à une opinion, à une conclusion, et à partir de là,

 14   d'agir.

 15   Donc votre objection est rejetée.

 16   M. KEHOE : [interprétation] Encore une chose --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vous autorise pas à discuter ma

 18   décision.

 19   M. KEHOE : [interprétation] Non, non, il ne s'agit pas de cela.

 20   C'est juste les lignes 23 à 25, où on parle quelles sont les sources qu'il

 21   a utilisées - je pense que vous avez dit exactement les sources qu'il a

 22   utilisées, qui étaient en sa disposition - comment pouvons-nous savoir

 23   quelles sont les sources qu'il a utilisées alors que ces sources n'ont pas

 24   été communiquées ? Evidemment, on ne le savait pas non plus avant quels

 25   étaient les transcripts qui avaient été présentés au témoin lors de la

 26   séance de récolement par l'Accusation. En l'absence de toute information

 27   sur ces choses-là, je ne sais absolument pas comment nous sommes censés

 28   agir.

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  1   J'ai examiné les déclarations faites par le témoin et à aucun moment

  2   je n'ai pu avoir la moindre idée sur ce transcript présidentiel, je n'ai

  3   même pas pensé une seconde qu'on allait présenter des transcripts

  4   présidentiels dans la lumière de cette déclaration.

  5   Alors peut-être qu'il y a une procédure spéciale établie au bureau du

  6   Procureur concernant les séances de récolement, mais en ce qui nous

  7   concerne, nous n'avons aucun moyen de savoir quelles sont les sources

  8   utilisées pour cela pour les besoins de notre contre-interrogatoire.

  9   Je pense en plus que le problème vient du fait que ce document a été

 10   montré au témoin avant qu'il ne soit versé au dossier.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, peut-être que vous

 12   pourriez expliquer à Me Kehoe quels sont les documents que vous utilisez

 13   lors des séances de récolement avec le témoin avant le début de sa

 14   déposition.

 15   M. TIEGER : [interprétation] Oui.

 16   Tout d'abord, je ne sais pas s'il s'agit là de quelque chose qu'on

 17   devrait faire à l'avenir seulement, ou c'est tout simplement un

 18   commentaire, ou si on est en train d'enchaîner sur le débat de tout à

 19   l'heure. De toute façon, la Défense avait et a la possibilité d'examiner

 20   les bases factuelles pourquoi le témoin est arrivé à ses conclusions et de

 21   voir les documents qui ont été montrés, et cetera. Ils peuvent évidemment

 22   examiner cette même question.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr.

 24   Maître Kehoe, vous avez entendu dire que ces documents étaient  montrés à

 25   M. Galbraith, vous pouvez lui demander s'il s'agit bien de ce document-là,

 26   s'il pense qu'il y a eu d'autres documents ou pas, de toute façon la

 27   plupart de ces documents ont déjà été versés au dossier.

 28   M. KEHOE : [interprétation] Oui, je comprends tout à fait, Monsieur le

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  1   Président. Je comprends que c'est le point de vue adopté vis-à-vis de ce

  2   témoin. Cela fait un certain temps que le procès a commencé, je n'étais pas

  3   au courant pour les témoins qui sont venus auparavant. Mais pour ce qui est

  4   de ce témoin -- il n'empêche que pour tous les dossiers ou tous les

  5   éléments qui ont été présentés, cela nous pose des problèmes de préparation

  6   au fur à mesure que nous avançons.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Maître Tieger.

  8   Je ne sais pas, peut-être qu'il faudra se repencher sur la question, mais

  9   ce que je peux vous dire d'ores et déjà, Maître Kehoe, c'est que quels que

 10   soient les documents que vous obteniez, si vous voulez prendre en

 11   considération toutes les impressions, tous les avis, tous les documents du

 12   témoin au cours de deux ans, par exemple, puisque ce témoin a été partie

 13   prenante dans de nombreuses choses, vous vous bercez d'illusions en quelque

 14   sorte si vous pensez que vous allez pouvoir retrouver la trace de tout

 15   cela.

 16   M. KEHOE : [interprétation] Oui, j'en suis tout à fait conscient, Monsieur

 17   le Président, et je sais quel est le point de vue de M. l'Ambassadeur et je

 18   sais qu'il a une très longue expérience, je sais que ce sont des points de

 19   vue qui ont été formulés depuis très longtemps. Moi ce qui me préoccupe,

 20   c'est qu'il y a des documents qui sont montrés à ce témoin, par exemple,

 21   avant qu'il n'arrive ici. Cela me surprend parce que ce sont des documents

 22   qui ont été montrés au témoin, qui sont utilisés pour en quelque sorte

 23   présenter son point de vue. Voilà ce qui me préoccupe et nous ne les avons

 24   pas vus.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Monsieur Tieger.

 26   Maintenant je regarde l'horloge, enfin la pendule et je me dis qu'il

 27   serait peut-être plus judicieux de faire l'autre pause.

 28   D'ailleurs je dois vous présenter mes excuses, car lors de la

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  1   pause précédente, j'ai tout simplement oublié que le temps passait,

  2   ce que je ne vous encourage pas à faire, je  m'adresse à tout le

  3   monde. Par contre je vous encourage vivement à tous revenir à 12

  4   heures 50.

  5   [Le témoin quitte la barre]

  6   --- L'audience est suspendue à 12 heures 32.

  7   --- L'audience est reprise à 12 heures 51.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, j'ai entendu dire que

  9   vous souhaiteriez que quelque chose soit consigné au compte rendu

 10   d'audience.

 11   M. KEHOE : [interprétation] Oui, oui.

 12   Je voulais dire à la Chambre que ce témoin est en train de témoigner comme

 13   un témoin expert compte tenu de ses avis et opinions. Nous n'avions pas été

 14   informés, vous avez par exemple l'article 94 bis. Mais je dirais que depuis

 15   qu'il a commencé sa déposition, ce qu'il avance se fonde sur des faits

 16   certes, mais ensuite il analyse ces faits et il avance des conclusions. Ce

 17   qui correspond au témoignage d'un témoin expert. Donc nous avons une

 18   objection vis-à-vis de cela parce que premièrement il ne nous a pas été

 19   indiqué comme témoin expert, et deuxièmement cela est en contradiction,

 20   pour ne pas dire en violation, flagrante de l'article 94 bis.

 21   [La Chambre de première instance se concerte]

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre objection a été consignée au

 23   compte rendu d'audience, mais ne donne pas pour le moment à la Chambre

 24   d'argument lui permettant de ne pas entendre le témoin.

 25   Je souhaiterais que le témoin entre dans le prétoire maintenant.

 26   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'adresse aux parties, je ne sais pas

  2   si je me suis mal exprimé à la ligne 25, page 67. J'ai dit que nous allions

  3   entendre les moyens de preuve du témoin, c'est ce que j'ai dit, alors que

  4   ce n'est pas ce qui est écrit au compte rendu d'audience. Je ne sais pas si

  5   l'erreur vient de moi ou si l'erreur s'est glissée après.

  6   Mais en tout cas si c'est moi qui ai fait l'erreur, je m'en excuse.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Oui, je vous remercie.

  8   Je souhaiterais maintenant que l'on examine la pièce P446.

  9   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, j'aimerais attirer votre attention sur la pièce

 10   P446. Il s'agit d'un télégramme encodé qui, me semble-t-il, porte la date

 11   du mois d'août 1995.

 12   Je dirais que vous pourrez identifier la date du document car vous voyez,

 13   il y a une annotation qui est indiquée. Vous voyez qu'il est indiqué, vous

 14   avez le titre non classé ?

 15   R.  Oui, c'est exact.

 16   Q.  Donc vous avez le mois, la date ?

 17   R.  Vous avez 31 août 1995, mais vous avez également l'heure qui est

 18   indiquée dans ce code. Il me semble que c'est 11 heures 15, attendez j'ai

 19   un problème de lunettes. C'est cela, 15 août [comme interprété].

 20   Q.  Je pense que cela se trouve à l'intercalaire 5 de votre classeur, ce

 21   sera peut-être une lecture plus facile. Vous avez décrit un peu plus tôt,

 22   lors de votre déposition, les points de vue exprimés à propos d'une Croatie

 23   essentiellement homogène du point de vue ethnique, ainsi que les mesures ou

 24   concepts pris en considération pour éviter que les Serbes ne reviennent.

 25   J'aimerais vous demander si vous saviez ce que souhaitaient faire après

 26   l'opération Tempête les dirigeants croates, et je pense toujours à l'aspect

 27   démographique de la Krajina.

 28   C'est la pièce P446 qui m'intéresse, plus particulièrement le paragraphe

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  1   43, puisque là vous indiquez : "L'offensive et les déplacements des

  2   populations qui en ont résulté ont provoqué un problème de réfugiés de

  3   taille. L'annonce publique croate permettant d'offrir des garanties de

  4   sécurité pour ce qui est du 'nettoyage ethnique' ou 'après le nettoyage

  5   ethnique' permettra de faire de l'espace pour", vous avez une virgule, mais

  6   on a l'impression qu'il s'agit de 100 000 réfugiés croates qui

  7   s'installeront dans le secteur.

  8   Ensuite, vous voyez la description se poursuit, il est indiqué :

  9   "Prendre les Serbes et de les mener vers des camps de transition ou des

 10   camps de transit."

 11   Alors premièrement, Monsieur l'Ambassadeur, j'aimerais vous poser une

 12   question, d'après vous, à l'époque cet objectif qui consistait à créer de

 13   l'espace pour les réfugiés croates au lieu des Serbes de la Krajina qui

 14   s'étaient enfuis, comment est-ce que vous entendiez cela ?

 15   R.  La première chose que j'aimerais dire c'est que Tudjman,

 16   lorsqu'on lui posait des questions, parlait peut-être de 10 % de la

 17   population serbe qui se trouvait là. En fait, lui, il envisageait que les

 18   Croates de la diaspora pourraient peut-être venir s'installer en Krajina.

 19   Il est possible que les dirigeants croates aient évoqué ce chiffre de

 20   100 000 réfugiés croates qui étaient réfugiés à la suite des combats en

 21   Bosnie, puis il y avait également la Slavonie orientale. Il se peut qu'il

 22   s'attendait à ce que certains reviennent mais il pensait également à la

 23   diaspora, qui serait revenue et qui se serait installée dans ce secteur.

 24   Q.  J'aimerais maintenant que nous prenions le document P447, qui se trouve

 25   à l'intercalaire 6 de votre classeur. Il s'agit d'un télégramme chiffré qui

 26   date du 11 décembre 1995. Est-ce qu'il s'agit d'un télégramme que vous avez

 27   envoyé, Monsieur l'Ambassadeur ?

 28   R.  C'est un télégramme que j'ai envoyé et c'est un télégramme que j'ai

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  1   rédigé personnellement. Vous le voyez puisque j'utilise la première

  2   personne. Cela était envoyé par une filière qui permettait d'envoyer

  3   directement cela au secrétaire d'Etat, et cela, en prévision de sa visite à

  4   Zagreb.

  5   Q.  Je demande une petite minute.

  6   Monsieur l'Ambassadeur, ce télégramme indique au paragraphe 3 : "La Croatie

  7   continue à empêcher les Serbes de Krajina de revenir chez eux et a

  8   confisqué de façon arbitraire leurs biens. Loin de présenter des excuses,

  9   Tudjman a dit hier, à des représentants du congrès qui étaient venus le

 10   trouver, qu'il serait impossible que ces Serbes reviennent à l'endroit où

 11   leurs familles ont vécu depuis des siècles. La mise à feu de Sipovo, vous

 12   avez d'ailleurs mis Tudjman sur la sellette à ce sujet à juste titre, fait

 13   partie d'une stratégie plus globale visant à créer un cordon sanitaire

 14   exempt de tout Serbe autour de la patrie croate. Les incendies

 15   systématiques des foyers serbes ont suivi la capture en août de la Krajina

 16   et la capture en septembre des villes serbes en Bosnie occidentale. Il ne

 17   s'agissait pas" - comme l'a indiqué Tudjman à votre intention - "d'actes

 18   isolés d'hommes en colère."

 19   Est-ce que vous pourriez essayer d'indiquer à la Chambre ce que vous

 20   essayiez de relayer comme information ?

 21   R.  J'ai essayé de ne pas répondre avant la pause - il a été question

 22   d'opinions que je m'étais forgées en 1995, et cela se retrouve dans ce

 23   télégramme - mais la destruction systématique de la Krajina, était soit

 24   quelque chose qui était planifié, soit quelque chose qui était autorisé,

 25   mais de toute façon c'est quelque chose que Tudjman et les autorités

 26   croates avaient l'intention de voir se produire. Ce n'était pas parce qu'il

 27   y avait des Croates courroucés qui revenaient et qui se vengeaient sur les

 28   bien serbes. Il ne s'agissait pas de ce genre d'actes. Il s'agissait en

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  1   fait d'une politique de l'Etat. C'est le message que j'ai essayé de relayer

  2   au secrétaire d'Etat, et c'est une opinion que je me suis forgée bien avant

  3   l'envoi de ce télégramme, comme vous pourrez voir dans d'autres

  4   télégrammes.

  5   Q.  J'aimerais savoir si vous avez envoyé un message semblable -- j'ai

  6   oublié de ménager un temps d'arrêt entre les questions et les réponses.

  7   Je voulais savoir si vous aviez envoyé un message semblable au secrétaire

  8   un peu plus tôt ?

  9   R.  Oui, le 11 septembre -- je devrais peut-être expliquer à la Chambre de

 10   première instance qu'il existe une filière qui permet à un ambassadeur

 11   d'envoyer directement des messages au secrétaire d'Etat, soit il s'agit de

 12   messages qui portent sur des questions extrêmement névralgiques, mais en

 13   général il s'agit de questions politiques, ce n'est pas une filière qui est

 14   utilisée fréquemment.

 15   Mais le 11 septembre, j'ai envoyé un télégramme qui portait sur ce

 16   sujet précis, et j'ai à nouveau réitéré la destruction de ce qui se passait

 17   en Krajina, j'ai dit que cette destruction faisait partie d'un système qui

 18   rendait le retour aux Serbes absolument impossible, et que les Etats-Unis

 19   devraient prescrire des conditions auprès des Croates pour que les Croates

 20   permettent aux Serbes de rentrer chez eux, qu'ils pourraient leur octroyer

 21   la citoyenneté et que les Serbes pourraient récupérer leurs biens ou qu'ils

 22   pourraient obtenir des compensations pour les biens qui avaient été

 23   détruits, et que des conditions de sécurité devraient être mises en place

 24   pour que ces personnes puissent rentrer chez elles. Et si la Croatie

 25   n'obtempérait pas, il faudrait que nous prenions toute une série de mesures

 26   très fermes, que nous allions entraver et mettre des bâtons dans les roues

 27   à la Croatie qui voulait intégrer les structures occidentales et qui

 28   commençait à parler de la voie européenne, et que nous allions tout faire

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  1   pour les garder à l'extérieur de ces structures, et très certainement hors

  2   des structures de l'OTAN, à moins que la Croatie ne fasse ce qui pourrait

  3   permettre cette réintégration de la Slavonie orientale. En d'autres termes,

  4   toute notre relation était fondamentalement tributaire d'un changement de

  5   politique de la part de la Croatie, ce qui une fois mise en place, cette

  6   politique j'entends, empêchait le retour des Serbes dans la région de la

  7   Krajina.

  8   Q.  Vous faites référence dans ce télégramme à ce cordon sanitaire exempt

  9   de Serbes. Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce que vous entendiez

 10   par cette expression ?

 11   R.  Oui, tout à fait. Dans la zone qui se trouve située à l'ouest de la

 12   région de la Krajina en Bosnie qui avait été peuplée de Serbes, la Croatie

 13   s'était emparée de cela lors de l'offensive 1995 qui avait suivi

 14   l'opération Tempête, et la Croatie avait autorisé ou avait donné l'ordre de

 15   brûler systématiquement les propriétés et les biens serbe, ce qui fait que

 16   les Serbes ne pouvaient pas revenir. L'idée étant que cette région

 17   deviendrait une région croate, une région qui servirait de zone tampon avec

 18   la Croatie, je pense que cela faisait partie des idées de Tudjman, car il

 19   pensait que ce secteur ainsi que l'Herzégovine pourraient être annexés à la

 20   Croatie et cela faisait partie de son plan de la Grande-Croatie.

 21   Q.  Vous faites référence -- dans le paragraphe 23 de la pièce P445, je

 22   voulais vous demander si vous avez personnellement été témoin oculaire de

 23   ces exemples et est-ce que vous avez reçu ces rapports également, vous-même

 24   personnellement ?

 25   R.  Oui.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, je dirais à l'intention

 27   de la Chambre de première instance que je souhaiterais que soit affichée la

 28   pièce de la liste 65 ter 5233, donc pièce 5233.

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  1   Q.  Il s'agit de l'intercalaire 17 de votre classeur, Monsieur

  2   l'Ambassadeur.

  3   Ça prend un peu plus de temps pour afficher les cartes à l'écran.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, vous savez qu'il y a

  5   potentiellement des objections à ce sujet-là.

  6   Nous avons déjà parlé tout à l'heure de cette carte et de la possibilité de

  7   la rajouter sur la liste 65 ter, et à ce moment-là je vous ai annoncé que

  8   la Chambre allait réserver sa décision concernant cette carte.

  9   Il serait peut-être bien qu'on établisse immédiatement la pertinence de

 10   cette carte et des questions à poser au témoin au sujet de cette carte,

 11   pour que la Défense puisse s'exprimer.

 12   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 13   M. TIEGER : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, au paragraphe 23 de la feuille supplémentaire,

 15   vous décrivez ce qui s'est passé au moment où le HVO a pris le contrôle des

 16   villes en Bosnie occidentale parmi lesquelles Mrkonjic Grad. Pourriez-vous

 17   nous montrer cela sur la carte ?

 18   R.  Cela se situe en Bosnie occidentale; plus précisément, au nord-ouest.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Peut-on agrandir cela, la partie à gauche.

 20   Merci.

 21   Peut-on maintenant déplacer le curseur un peu à droite ?

 22   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, peut-être que vous pourriez diriger ce

 23   mouvement -- voilà. Vous avez fait référence à l'endroit qui est maintenant

 24   indiqué par le curseur ?

 25   R.  Oui. Et juste en dessous, on voit Sipovo.

 26   Q.  Bien. Et quand vous avez parlé du cordon sanitaire, vous avez fait

 27   référence à la région qui est indiquée en rouge sur la frontière croate.

 28   M. KEHOE : [interprétation] S'agissant de cet aspect-là du territoire qui

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  1   n'était pas sous le contrôle du HV, est-ce qu'on affirme ici que ce

  2   territoire-là était sous le contrôle de l'ABiH ?

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

  4   M. TIEGER : [interprétation] Je pense que ce n'est pas la peine

  5   d'approfondir cela. Le témoin a tout simplement fait référence à plusieurs

  6   endroits. Je pensais qu'il serait utile qu'on indique où ces endroits se

  7   situent à la Chambre. Cette carte-là reflète les zones peuplées en 1991,

  8   c'est tout.

  9   M. KEHOE : [interprétation] Oui, mais est-ce qu'il faudra d'abord établir

 10   que ces zones n'étaient pas sous le contrôle du HV ?

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger -- ou plutôt Maître

 12   Kehoe, vous êtes en train de formuler une objection sur la base d'une

 13   supposition; c'est-à-dire que je n'ai toujours pas entendu cette question

 14   posée par M. Tieger, il n'a pas demandé si cette zone était sous le

 15   contrôle du HV ou pas.

 16   Le témoin a tout simplement fait mention de certains endroits. M.

 17   Tieger lui a demandé de montrer ces endroits sur une carte. Alors, est-ce

 18   que vous n'êtes pas d'accord avec l'utilisation de cette carte-ci ? Si

 19   c'est ça le problème, on peut peut-être essayer de retrouver une autre

 20   carte. Je n'arrive pas à savoir dans quelle mesure la composition ethnique

 21   est pertinente pour la question posée par M. Tieger. Mais pour l'instant,

 22   la Chambre est plutôt encline à ce qu'on utilise cette carte seulement pour

 23   permettre au témoin de nous indiquer l'emplacement de ces endroits.

 24   Je vais ignorer entièrement les couleurs indiquées sur la carte.

 25   M. KEHOE : [interprétation] Vous savez à cet instant-là --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il ne faut pas témoigner maintenant, il

 27   faut laisser ça au témoin.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Bien. J'aimerais également dire que nous avons

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  1   entendu plusieurs témoignages à ce sujet-là, au sujet par exemple de

  2   Grahovo et de ce point de vue, la composition ethnique nous paraît

  3   pertinente.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si cette source est

  5   contestée ou pas, on dirait au premier coup d'œil qu'il s'agit d'une carte

  6   représentant la composition ethnique de la population de Bosnie-

  7   Herzégovine. Ici nous ne parlons que des zones frontalières, cette carte-là

  8   est censée refléter les résultats du recensement de la population de 1991.

  9   Cela est-il contesté ou accepté ?

 10   M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit d'une carte qu'on produit typiquement

 11   suite à un recensement, ça ne me gêne pas du tout, elle est tout à fait

 12   acceptable quant à moi.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Déjà ça c'est clair. Maintenant y

 14   a-t-il des problèmes quant à la manière dont la carte reflète le résultat

 15   du recensement ? Est-ce que la carte reflète correctement les résultats du

 16   recensement ou pas ?

 17   La seule chose qu'on ait à ce sujet-là, c'est ce qu'a dit M. Tieger,

 18   mais c'est lui qui témoigne et ce n'est pas à lui de le faire, il faudra

 19   qu'il laisse ça à quelqu'un d'autre. M. Tieger a fait référence à Grahovo,

 20   à Glamac. Je pense que vous avez dit, Monsieur Tieger, qu'il s'agissait là

 21   des régions à prédominance serbe, peut-être que je me trompe.

 22   M. TIEGER : [hors micro]

 23   [interprétation] J'ai dit que ce qui est représenté sur cette carte

 24   peut être relié à quelques dépositions que nous avons déjà entendues au

 25   sujet de ces endroits-là, et que de ce point de vue-là, ça pourrait nous

 26   être utile.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Passons maintenant à la suite.

 28   M. TIEGER : [interprétation] Juste un instant. Je suis en train d'essayer

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  1   de voir si je peux d'une certaine manière raccourcir l'interrogatoire.

  2   Q.  Monsieur l'Ambassadeur, au paragraphe 46 de votre déclaration, les

  3   paragraphes 46 et 56, vous faites référence aux critiques adressées par les

  4   Etats-Unis et vous-même au sujet des crimes qui ont eu lieu et les

  5   réactions des gens croates, notamment dans le paragraphe 56, vous dites :

  6   "Sans cesse, je soulevais cette question d'atrocités en présence de

  7   dirigeants divers." Et vous parlez de leurs réponses.

  8   Ensuite paragraphe 13 de la feuille supplémentaire, qui est P445, vous

  9   faites référence à une réponse donnée par le ministre des Affaires

 10   étrangères, M. Granic, du 13 octobre où vous avez dit que vous avez exprimé

 11   votre désaccord avec ce qui se passait en Krajina, et que vous vouliez être

 12   sûr qu'il ait bien compris. Il vous a dit également qu'il était en

 13   désaccord avec cela et qu'il ne s'était pas associé avec ceci.

 14   Est-ce que la teneur de votre discussion avec M. Granic est décrite

 15   également dans votre journal à cette date-là ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Bien. Alors, après l'opération Tempête et les événements que vous avez

 18   décrits qui ont eu lieu pendant les semaines et les mois qui ont suivi

 19   cette opération, avez-vous poursuivi avec vos efforts pour trouver une

 20   solution au conflit en Croatie ?

 21   R.  Oui, oui. J'étais le médiateur principal avec Stoltenberg, l'envoyé des

 22   Nations Unies, pour l'accord Erdut qui prévoyait la réintégration pacifique

 23   de la Slavonie orientale.

 24   Q.  L'accord Erdut a été conclu à quelle date ?

 25   R.  Le 12 novembre 1995.

 26   Q.  Avez-vous ensuite travaillé sur les accords de Dayton pour mettre une

 27   fin définitive à la guerre en Yougoslavie ?

 28   R.  Au tout début et à toute la fin de cette période des négociations, des

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  1   préparations des accords de Dayton, mais je faisais un peu la navette entre

  2   Zagreb et les autres, afin de réussir à rencontrer les Serbes et les autres

  3   et de résoudre ce problème.

  4   Les pourparlers de Dayton ont commencé le 1er novembre, donc cela se

  5   passait en même temps.

  6   Q.  La signature des accords d'Erdut a marqué la fin du conflit en Croatie

  7   entre les Croates et les Serbes de Krajina, ou y a-t-il eu d'autres clashs,

  8   combats par la suite ?

  9   R.  Non, je dois dire que c'était peut-être le début de la fin, mais pas

 10   vraiment la fin parce qu'il y a eu une période de transition de deux ans

 11   qui avait été prévue où les Nations Unies devaient assurer le contrôle

 12   pendant deux années pendant lesquelles les autorités croates devaient se

 13   préparer pour reprendre le contrôle. Il y a eu aussi des parties de la

 14   population croate qui avaient été expulsées en 1991 qui sont retournées à

 15   ce moment-là, mais c'était la première fois pendant cette période-là qu'un

 16   territoire a changé de contrôle.

 17   Il y a autre chose que j'aimerais rajouter -- que nous avons dû convaincre

 18   les Serbes de Slavonie orientale qu'ils pouvaient continuer à vivre en

 19   Croatie, et être des citoyens à part entière de ce pays. Et c'était très,

 20   très difficile parce qu'il y avait à l'époque des lois qui prévoyaient que

 21   si on ne retournait pas sous les 30 jours, qu'on perdait ses biens. Et la

 22   question qui se posait à cette époque-là pour nous, c'était comment gérer

 23   tout cela.

 24   Parce qu'on devait faire en sorte que la Croatie se plie aux normes

 25   internationales dans le domaine des droits de l'homme. Et cela était d'une

 26   importance cruciale pour nous parce que réussir le processus de paix en

 27   Slavonie orientale était une condition sine qua non pour le succès de

 28   l'accord de Dayton.

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  1   Voilà, donc c'était d'une très grande importance.

  2   Q.  Merci.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, juste un instant.

  4   Monsieur le Juge, Madame le Juge, j'ai fini, je n'ai plus de

  5   questions.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  7   M. TIEGER : [interprétation] Juste autre chose, je demande le versement de

  8   cette carte et j'annonce que je demanderai le versement de quelques autres

  9   documents sans passer par le témoin. Peut-être que la Défense aura besoin

 10   de quelque temps pour examiner ces documents avant que je ne demande leur

 11   versement.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous avons reçu une copie de cette

 13   liste. Pour nous, nous n'avons rien trouvé de -- tout va bien. 

 14   Peut-être que la Défense a des objections.

 15   M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit d'une liste qui est très, très longue

 16   et nous n'avons pas eu assez de temps pour les examiner.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Monsieur Tieger.

 18   M. TIEGER : [interprétation] C'est vrai. Mais en ce qui nous concerne, le

 19   temps nécessaire pour examiner ces documents ne nous pose aucun problème.

 20   On peut attendre.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais vous n'avez pas fait référence

 22   à ces documents avec le témoin. Ça aurait été peut-être utile à la Défense

 23   pour leur contre-interrogatoire. 

 24   Mais de toute façon l'Accusation n'insiste pas à ce que la décision

 25   soit prise avant une semaine, comme le demande la Défense.

 26   M. TIEGER : [interprétation] Non, non, on ne demande pas une décision

 27   immédiate. Nous sommes conscients que cela ne serait pas juste.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. La Chambre aimerait entendre la

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  1   Défense dès que possible afin de rendre une décision sur le versement de

  2   ces documents.

  3   M. TIEGER : [interprétation] Bien. J'aimerais seulement demander que la

  4   Défense, si elle sait déjà qu'elle aura des objections sur un quelconque de

  5   ces documents et pour lequel la présence de ce témoin pourrait nous être

  6   utile, de nous informer dès que possible parce que comme ça on pourrait

  7   peut-être résoudre des problèmes s'ils sont liés à cet aspect-là.

  8   M. KEHOE : [interprétation] Très bien. J'ai reçu ces documents vendredi. Il

  9   s'agit de documents très volumineux et nous allons être confrontés à des

 10   difficultés. Si on les avait reçus un peu plus tôt, ça aurait été beaucoup

 11   plus facile, mais bon.

 12   On m'informe de quelque chose, juste un instant.

 13   M. KUZMANOVIC : [interprétation] En attendant, Monsieur le Président, nous

 14   avons reçu un message électronique le 20, et deux classeurs plein de

 15   documents pendant la pause, donc cela signifie que nous avons besoin d'un

 16   peu de temps.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ce que je vous demanderais c'est

 18   dès que quelque chose vous traverse l'esprit d'en informer M. Tieger et la

 19   Chambre. N'attendez pas d'avoir examiné tous les documents pour nous

 20   informer des objections que vous connaissez déjà.

 21   Oui, Maître Kehoe.

 22   M. KEHOE : [interprétation] M. Misetic souligne le fait qu'une question qui

 23   a été soulevée concerne le huitième transcript du 3 août, nous n'avons pas

 24   d'objection à cela, et nous allons verser au dossier un enregistrement

 25   audio de cela, de cette discussion avec l'Accusation. Mais je pense que

 26   c'est le seul de cette nature.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le 8 ?

 28   M. KEHOE : [interprétation] Le 3 août.

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  1   M. KUZMANOVIC : [interprétation] P448.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P448. D'accord, vous allez être le

  3   premier, Maître Kehoe. Il nous reste encore 15 jours.

  4   Monsieur l'Ambassadeur, vous allez être contre-interrogé maintenant par Me

  5   Kehoe qui représente le général Gotovina.

  6   Contre-interrogatoire par M. Kehoe : 

  7   Q.  [interprétation] Bonjour de nouveau.

  8   R.  Bonjour.

  9   Q.  Je souhaite que l'on revienne à votre déclaration 92 bis dont le numéro

 10   est 444, je crois. Et je souhaite que l'on revienne à certaines des

 11   discussions que vous avez eues au sujet des Serbes de Krajina et aller un

 12   petit peu plus loin dans le temps par rapport à vos discussions avec M.

 13   Babic à Belgrade. Et je souhaite que l'on parle de certaines choses avec un

 14   peu plus de détails.

 15   Je souhaite maintenant attirer votre attention sur le paragraphe 6 de votre

 16   déclaration 92 ter, vous savez que Slobodan Milosevic était le maître de

 17   tout ce qui se passait au sujet des Serbes de Krajina : "Entre autres

 18   choses, y compris ce que j'ai vu par rapport au contrôle lors des

 19   négociations, Milosevic était impliqué même au paiement des soldes des

 20   membres de l'ARSK et peut-être de la police. Certains d'entre eux venaient

 21   de la Serbie et il était de toute façon évident que les Serbes de Krajina

 22   dépendaient largement de la Serbie."

 23   J'attends l'interprétation.

 24   Monsieur l'Ambassadeur, dites-nous un peu plus au sujet du contrôle

 25   qu'exerçait Slobodan Milosevic sur les Serbes de Krajina, si possible ?

 26   R.  C'était très important. Il avait manipulé les élections en Krajina en

 27   1994 afin de provoquer la défaite de Babic et de placer Martic au pouvoir.

 28   C'est lui qui payait les salaires et qui les approvisionnait en carburant

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  1   et je crois, ou plutôt je suis sûr que c'était lui qui avait obstrué le

  2   plan Z-4 pour des raisons qui concernent peu la Krajina mais plutôt ses

  3   préoccupations vis-à-vis du Kosovo et il essayait de trouver un accord avec

  4   Tudjman qui était ouvert à une telle possibilité, un accord selon lequel la

  5   Serbie pouvait s'approprier une partie du territoire croate.

  6   Donc je pense que oui, il était le numéro un dans une grande mesure

  7   en Krajina. C'était ma conclusion. 

  8   Q.  Est-ce qu'il contrôlait les militaires aussi ?

  9   R.  Oui, certainement. Il a changé le général après que des requêtes ont

 10   été envoyées à Zagreb les 2 et 3 mai 1995. Je pense que c'était en partie

 11   en raison de cette attaque de roquettes contre Zagreb.

 12   Q.  Donc il a remplacé des généraux ?

 13   R.  C'est exact.

 14   Q.  Lorsque les Serbes de Krajina ont établi leur territoire en 1991, il

 15   recevait déjà des rapports de Slobodan Milosevic, des instructions ?

 16   R.  Oui, c'est ce que je crois. Visiblement moi-même je suis arrivé sur le

 17   terrain en juin 1993.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

 19   M. KEHOE : [interprétation] Excusez-moi.

 20   Q.  Excusez-moi, Monsieur l'Ambassadeur.

 21   Vous avez indiqué que vous croyez qu'il avait manipulé les élections en

 22   1994. Est-ce que vous pouvez vous étendre un peu plus là-dessus ?

 23   R.  Oui. Babic était, je pense, la personne la plus populaire, la plus

 24   soutenue en Krajina et il était le seul leader qui avait un peu, et je

 25   souligne "un peu" de préoccupations par rapport à la population et il avait

 26   un certain degré d'indépendance par rapport à Milosevic. Et celui-ci

 27   n'était pas favorable à cela.

 28   Donc il y avait les élections, ensuite il faut vérifier les archives,

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  1   je ne me souviens pas tout à fait, mais c'était tout à fait extraordinaire

  2   car lors du premier tour, Martic avait eu 24 % et Babic, 48 ou 49 % et

  3   d'une certaine manière, on ne sait pas comment lors du deuxième tour des

  4   élections, c'est Martic qui a gagné. Je pense que c'est pratiquement une

  5   situation sans précédent dans l'histoire d'avoir un tel changement entre

  6   les deux tours, pratiquement tous les votes sont allés à Martic lors du

  7   deuxième tour.

  8   Donc il faut vérifier les pourcentages. Ai-je bien compris ?

  9   Q.  Votre conclusion à l'époque était que même en 1995 c'était lui qui

 10   dirigeait les choses en Krajina ?

 11   R.  Oui, c'est exact, c'était ma conclusion.

 12   Q.  Nous allons revenir maintenant à l'an 1991, je souhaite vous poser

 13   quelques questions au sujet de la Grande-Serbie et de la participation de

 14   Milosevic à cela. Nous n'allons pas en traiter en détail.

 15   Mais nous allons traiter aussi de votre déposition lors de l'affaire

 16   Milosevic. A la page 23 081, vous avez dit que vous croyez que Slobodan

 17   Milosevic était un architecte de la politique de la création d'une Grande-

 18   Serbie et que peu de choses se déroulaient sans sa connaissance et sa

 19   participation.

 20   Est-ce que vous pouvez nous l'expliquer un peu plus en détail ?

 21   R.  Ceci contient beaucoup d'aspects. Entre autres, le fait que la JNA qui

 22   était l'armée populaire yougoslave, l'armée du peuple yougoslave et qui

 23   était responsable, ou plutôt, Milosevic était effectivement en charge de la

 24   JNA. Lorsque le soulèvement de la Krajina a commencé, à l'époque la Krajina

 25   faisait partie de la Yougoslavie encore, et à ce moment-là la JNA n'a pas

 26   pris une position neutre, mais aidait les Serbes à s'approprier certaines

 27   terres croates. 

 28   Ensuite en Bosnie en 1992, c'était encore plus flagrant, c'est-à-dire

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  1   Milosevic et la JNA ont organisé que les Serbes de Bosnie au sein de la JNA

  2   soient en Bosnie, et à un certain moment, je crois que c'était en mai 1992,

  3   la JNA s'est retirée de la Bosnie. Je pense qu'à ce moment-là elle a changé

  4   de nom pour devenir l'armée yougoslave et ce qui est resté en Bosnie

  5   c'était la JNA avec tous les moyens logistiques et les équipements, et ceci

  6   est devenu l'armée des Serbes de Bosnie.

  7   Je peux continuer et dire que lors des négociations de paix à Dayton,

  8   c'était avec Milosevic que l'on négociait même s'il s'agissait là des

  9   négociations de paix qui théoriquement concernaient l'Etat souverain de la

 10   Bosnie-Herzégovine. Les dirigeants Serbes de Bosnie étaient présents, nous

 11   n'avons pas du tout parlé avec eux. Nous sommes arrivés à un accord en

 12   parlant avec Milosevic.

 13   Q.  Donc c'était lui qui les représentait ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Donc il est clair n'est-ce pas, Monsieur l'Ambassadeur, que lorsque les

 16   Serbes de Krajina ont établi leur gouvernement, que leur idée était de, à

 17   la fin, commencer à faire partie de la Serbie ?

 18   R.  Oui. C'était le cas au moment de leur constitution.

 19   Q.  Je vais vous montrer une carte. Il s'agit de la pièce 1D33-0001. 

 20   Pardon peut-on montrer la carte 1D33-0002.

 21   Mais nous allons traiter de cela tout d'abord. Veuillez examiner

 22   d'abord cela; et ensuite passez à la carte suivante, 1D33-0002.

 23   Monsieur l'Ambassadeur, il s'agit ici des frontières de la Grande-Serbie

 24   suivant le mémorandum de l'Académie serbe des sciences et des arts.

 25   Monsieur l'Ambassadeur, est-ce la manière dont vous avez compris les

 26   aspirations de ceux qui oeuvraient pour la Grande-Serbie, y compris

 27   Slobodan Milosevic par rapport à leur but définitif de la création d'une

 28   Grande-Serbie ?

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  1   R.  Je ne pense pas. Je ne sais pas si cette carte en particulier reflète

  2   ces aspirations. 

  3   J'ai déjà dit lors de ma déposition que Tudjman réfléchissait d'une manière

  4   très stratégique même s'il n'était peut-être pas, peut-être on peut ne pas

  5   être d'accord avec cette stratégie, mais c'est comme ça qu'il

  6   réfléchissait. Alors que Milosevic n'était pas du tout un stratège, à mon

  7   avis, il réfléchissait plutôt au niveau tactique. Ses buts ne cessaient de

  8   changer car il ne pensait pas de manière stratégique. Il souhaitait

  9   effectivement avoir une Grande-Serbie.

 10   Mais une partie de ce territoire aurait certainement fait partie de

 11   cela, mais visiblement Split ou la Slavonie, ça aurait été trop loin. Mais

 12   il souhaitait avoir la Grande-Serbie et certainement une bonne partie de ce

 13   qui est présenté sur cette carte.

 14   Q.  Peut-on continuer, et voyons quel était l'effet de la République

 15   sécessionniste, ladite République de Krajina serbe.

 16   Est-ce que vous pouvez nous dire quel a été l'effet de cela ?

 17   R.  Tout d'abord, l'effet était la division de la Croatie et la séparation

 18   de la Croatie continentale de la côte. Lorsque j'ai pris mes fonctions

 19   d'ambassadeur, il n'y a pas eu de lien terrestre entre Split, qui est la

 20   deuxième ville la plus grande de Croatie, et Zagreb, qui est la capitale et

 21   la ville la plus grande. La raison en est que le territoire serbe était

 22   entre les deux jusqu'au pont de Maslenica, mais ce pont a été détruit. Peu

 23   de temps après mon arrivée, un pont a été construit mais la Serbie l'a

 24   pilonné.

 25   En juin 1992 [comme interprété], le pays a été divisé. Les gens

 26   devaient voyager de façon compliquée pour aller jusqu'à Split, il fallait

 27   prendre un ferry à l'île de Pag pour contourner cette région. 

 28   Q.  Et cette situation en particulier existait de 1991 jusqu'en 1995, plus

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  1   ou moins ?

  2   R.  Oui, je peux dire oui, mais la situation s'était effectivement

  3   améliorée en 1993 avec l'ouverture du pont de Maslenica, et ceci s'est

  4   amélioré de manière significative après 1994, après le cessez-le-feu qui

  5   était la première phase du processus Z-4, le cessez-le-feu du 29 mars 1994.

  6   Q.  C'est une question pratique -- excusez-moi, je dois arrêter.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde l'heure, Maître Kehoe, il est

  8   2 heures moins le quart. Mais peut-être je vais d'abord demander quelque

  9   chose au témoin. Monsieur Galbraith, je souhaite vous donner des

 10   instructions de ne pas parler avec qui que ce soit au sujet de la

 11   déposition que vous avez déjà faite aujourd'hui ou la suite de votre

 12   déposition au cours des journées qui viennent.

 13   Nous allons reprendre notre travail demain matin à 9 heures, et si je

 14   ne me trompe, ce sera dans ce même prétoire. 

 15   M. KEHOE : [interprétation] Je pense que d'après le programme, nous

 16   travaillons demain après-midi, dans le prétoire II.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, je ne me trompe pas

 18   seulement sur un front mais sur les deux, si ça vous console, Maître Kehoe.

 19   M. KEHOE : [interprétation] En fait, non, Monsieur le Président.

 20   Monsieur l'Ambassadeur, nous échangeons un peu de plaisanteries, là.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous convoque ici demain après-midi

 22   dans la salle d'audience III -- non, la salle d'audience II. Vous verrez,

 23   c'est une salle d'audience bien plus petite que celle-ci.

 24   Monsieur l'Huissier, est-ce que vous pourriez escorter M. Galbraith à

 25   l'extérieur du prétoire.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite simplement

 27   attirer votre attention sur une question de calendrier. Je ne sais pas

 28   pendant combien de temps ça va durer. Je suppose qu'il s'agit des sessions

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  1   du matin, mais je dois revenir auprès de mes enfants qui sont en Norvège

  2   avant jeudi soir, car ma femme est partie --

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Justement j'ai demandé à M. l'Huissier

  4   de vous escorter en dehors pour en traiter. Vous allez être informé dès que

  5   possible, même si parfois des choses inattendues arrivent.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends. Mais tout simplement après jeudi

  7   soir, les choses deviendront compliquées pour moi.

  8   [Le témoin se retire]

  9   [La Chambre de première instance se concerte]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Tieger, une petite question. La

 11   Chambre se demande si ce que l'on a entendu au cours des dernières 15

 12   minutes, lorsqu'il a été question de la Grande-Serbie et bien d'autres

 13   choses, si ceci était contesté par la Défense, notamment la plus grande

 14   partie du rôle de Milosevic.

 15   M. TIEGER : [interprétation] Non, pas pour autant que je le sache.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Ça c'était le premier point.

 17   Maître Kehoe, vous avez soulevé la question de la pertinence de la période

 18   du temps et du territoire en question. Maintenant, nous nous retrouvons

 19   dans une situation où apparemment vous avez demandé et sollicité des

 20   réponses de ce témoin concernant les éléments de preuve qui ne sont

 21   nullement contestés et qui vont surtout au-delà de l'acte d'accusation et

 22   aussi de l'étendue géographique. 

 23   Bien sûr, le contexte est le contexte, mais il ne doit pas prendre le

 24   devant de la scène. Donc je ne dis pas que vous ne pouvez pas traiter de

 25   cette question du tout, mais peut-être qu'il serait bien de vérifier avec

 26   M. Tieger dans quelle mesure vous avez des opinions différentes concernant

 27   la Grande-Serbie. Peut-être qu'il existe un moyen mécanique de suivi.

 28   Mais lorsque l'on évalue le temps et la façon dont le temps est

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  1   utilisé lors du contre-interrogatoire, soit à la fin de la journée demain

  2   ou le lendemain, la Chambre va certainement prendre en considération la

  3   question de savoir si vous vous êtes concentré sur les points cruciaux ou

  4   si l'on a passé beaucoup de temps sur des questions de contexte qui

  5   commencent à prendre le devant de la scène.

  6   M. KEHOE : [interprétation] Oui, puis-je répondre ?

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Brièvement.

  8   M. KEHOE : [interprétation] J'en ai parlé pendant 15 minutes et j'ai parlé

  9   de ces questions-là en raison du fait que clairement, d'après la déposition

 10   de ce témoin vis-à-vis de M. Babic et ces négociations qui ont eu lieu au

 11   cours des premières journées du mois d'août 1995, l'Accusation essaie de

 12   contester la nécessité du lancement de l'opération Tempête.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce exact, Monsieur Tieger ? Par

 14   rapport à la nécessité, car j'ai toujours considéré qu'une opération

 15   militaire en tant que telle est lancée seulement lorsqu'il n'y a pas

 16   d'autres issues, que ce soit justifié ou non pas justifié de regagner le

 17   territoire croate.

 18   Monsieur Tieger.

 19   M. TIEGER : [interprétation] Cette position, justement, Monsieur le

 20   Président, n'a pas changé, cependant ceci est pertinent.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je comprends même si ceci n'est pas

 22   contesté, mais le témoin a dit quelques mots, a consacré quelques lignes de

 23   sa déclaration, de façon un peu redondante, y compris aujourd'hui, en

 24   disant qu'il y avait d'autres options à leur disposition, les 2 et 3 et le

 25   4 août.

 26   M. KEHOE : [interprétation] Mais si ceci ne fait pas l'objet des débats,

 27   pourquoi est-ce qu'il en a été question lors de l'interrogatoire principal;

 28   pendant 45 minutes, il a été question de ces négociations avec Babic et

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  1   Tudjman.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si c'est une

  3   caractérisation exacte de ce qui s'est passé. Comme je l'ai déjà dit, le

  4   contexte doit rester contexte. Peut-être effectivement, Maître Kehoe, et

  5   c'est la raison pour laquelle je m'exprime de façon prudente, il faut avoir

  6   un contexte mais il ne faut pas qu'il prenne le devant de la scène.

  7   Cependant, je dois dire que vous vous êtes éloigné du conflit, alors que M.

  8   Tieger a au moins respecté l'année.

  9   M. KEHOE : [interprétation] Deux ans, 1992, 1991.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Il ne peut pas changer la date de

 11   la nomination de l'ambassadeur Galbraith. La seule chose que je souhaite

 12   vous dire c'est qu'il existe un risque que votre temps s'épuise et je vous

 13   le dis simplement pour que vous soyez conscient du fait que c'est notre

 14   impression provisoire.

 15   M. KEHOE : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois, je dois

 16   m'opposer à cela, compte tenu du fait que la Chambre n'a pas arrêté

 17   l'Accusation lorsqu'elle traitait de ce sujet, alors que maintenant on nous

 18   le dit de le faire, j'essayais simplement de répondre par rapport à cette

 19   question. C'est ainsi que j'ai commencé mon contre-interrogatoire de

 20   l'ambassadeur.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne souhaite pas avoir tout un débat à

 22   ce sujet en ce moment, Maître Kehoe.

 23   M. TIEGER : [interprétation] Puis-je répondre et clarifier ma réponse par

 24   rapport aux questions soulevées jusqu'à maintenant; c'est que l'on s'est

 25   lancé sur les fondements juridiques et légaux du lancement de l'opération

 26   Tempête. Mais nous avons considéré que les informations fournies lors de

 27   l'interrogatoire principal étaient utiles à la Chambre pour évaluer les

 28   situations. Je pense que la Chambre a déjà entendu des dépositions de

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  1   témoins, des témoins réguliers qui étaient conscients de cette situation,

  2   ceci jette une lumière supplémentaire sur tout cela et est utile en raison

  3   de cela.

  4   Bien sûr, c'est une histoire différente par rapport à la question de

  5   savoir si l'Accusation conteste le rôle de Slobodan Milosevic dans la

  6   Krajina, et si la Chambre souhaite connaître la position de l'Accusation à

  7   cet égard, je pense que toutes les parties le savent, compte tenu des

  8   affaires que nous avons eues jusqu'à maintenant. 

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois qu'il y a des divergences entre

 10   commencer son interrogatoire avec les questions sur la Grande-Serbie et les

 11   derniers jours avant l'opération Tempête, s'agissant de contexte, l'un et

 12   l'autre peuvent être des questions liées au contexte. Mais ce qui s'est

 13   passé pendant les quelques jours qui ont précédé l'opération est peut-être

 14   plus directement lié.

 15   Maître Kehoe, je vois que vous n'êtes pas d'accord avec moi au sujet de

 16   cette question principale que je souhaitais soulever. Mais si jamais nous

 17   étions préoccupés par la possibilité que votre temps soit épuisé et que

 18   vous n'ayez pas fini votre interrogatoire, mais maintenant vous m'avez

 19   rassuré, vous m'avez dit qu'il y a très peu de risque de ne pas avoir assez

 20   de temps, et que vous souhaitez utiliser un peu plus de votre temps pour

 21   des questions liées au contexte.

 22   M. TIEGER : [interprétation] Je sais qu'on n'a plus de temps. Mais je

 23   voudrais juste dire quelque chose au sujet du planning, pour l'instant nous

 24   allons peut-être avoir besoin d'une session jeudi après-midi.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. On peut voir ça. Alors quelle est

 26   la situation quant à vous, Maître Kehoe ?

 27   M. KEHOE : [interprétation] Nous allons continuer les transcripts, et

 28   cetera. Nous allons avoir besoin d'un plus de temps.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je sais que vous vous en

  2   occupez mais je vous demande ce qui se passe --

  3   M. KEHOE : [interprétation] Je ne peux pas vous dire. Je ne peux pas dire,

  4   par exemple, s'agissant de la question de la Grande-Serbie, ça je sais

  5   combien de temps j'aurai besoin, mais pour le reste je ne peux pas vraiment

  6   vous le dire. Mais pour ceux que je sais déjà c'est à peu près six heures.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Et les autres Défense ?

  8   M. KAY : [interprétation] Pas plus de 20 minutes.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maître Kuzmanovic ?

 10   M. KUZMANOVIC : [interprétation] En fonction de ce qui se passera avant,

 11   mais pour l'instant, au moins deux heures.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Au moins deux heures. Bien. Bon.

 13   Dans ce cas-là, je pense qu'il faudra qu'on réfléchisse sur une audience

 14   supplémentaire jeudi après-midi.

 15   Bien. Alors nous reprenons nos travaux demain à 2 heures et quart.

 16   --- L'audience est levée à 13 heures 57 et reprendra le mardi 24 juin 2008,

 17   à 14 heures 15.

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