Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 1er octobre 2008

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous dans le prétoire et ses

  6   environs.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez citer le numéro de l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour à tous dans le prétoire. Bonjour,

  9   Monsieur le Président. Il s'agit de

 10   l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre Ante Gotovina et consorts.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Greffier.

 12   Qui est votre témoin suivant ?

 13   M. DU-TOIT : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Je suis

 14   responsable de l'interrogatoire du témoin suivant, M. Rajko Gusa. Il jouit

 15   de mesures de protection et est à la disposition de la Chambre.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Madame l'Huissière, pourriez-vous,

 17   je vous prie, faire entrer le témoin dans le prétoire.

 18   Puisque nous avons quelques instants à notre disposition, quelle est la

 19   meilleure prononciation de votre nom, Monsieur

 20   Du-Toit ?

 21   M. DU-TOIT : [interprétation] C'est Du Toué, Monsieur le Président, en

 22   français, bien sûr, on dit Du-Toit. Mais--

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Du Toué. Très bien.

 24   M. DU-TOIT : [interprétation] Merci.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être pourrions-nous déjà commencer

 26   nos débats. Je vois qu'il n'y a aucune objection contre l'admission de la

 27   déclaration 92 ter du témoin; ceci est-il exact ? Bien sûr, des

 28   attestations ont été reçues et constituent désormais des annexes à la

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  1   déclaration.

  2   M. DU-TOIT : [interprétation] Il s'agit d'une carte, surtout, une carte que

  3   j'aimerais ajouter à la documentation --

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

  5   M. DU-TOIT : [interprétation] -- à la documentation 65 ter, Monsieur le

  6   Président.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce sera ajouté à la liste

  8   65 ter.

  9   M. DU-TOIT : [interprétation] Document 54090 [comme interprété] de la liste

 10   65 ter. J'en demande l'ajout à la liste.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objection contre l'ajout de ce

 12   document à la liste 65 ter.Ceci est déjà au compte rendu.

 13   Vous souhaitez que ce document devienne une annexe ou souhaitez-vous le

 14   verser séparément ?

 15   M. DU-TOIT : [interprétation] J'aimerais l'introduire au dossier. Il pourra

 16   en être question à la fin de la déposition une nouvelle fois.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 18   M. DU-TOIT : [interprétation] Je vous remercie.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Témoin, Monsieur

 20   Gusa. M'entendez-vous dans une langue que vous comprenez ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demanderais de vous lever. Avant

 23   que vous ne commenciez votre déposition, le Règlement de procédure et de

 24   preuve de ce Tribunal exige de vous que vous prononciez une déclaration

 25   solennelle. Le texte de cette déclaration vous est tendu à l'instant par

 26   Mme l'Huissier sur un carton. Je vous demanderais de la prononcer.

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous prierais de bien vouloir lire à

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  1   haute voix les mots prononcés sur ce carton.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  3   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  4   LE TÉMOIN: RAJKO GUSA [Assermenté]

  5   [Le témoin répond par l'interprète]

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Gusa.

  7   Veuillez vous asseoir. Monsieur Gusa, vous allez d'abord être interrogé par

  8   M. Du-Toit qui représente l'Accusation.

  9   Veuillez procéder.

 10   M. DU-TOIT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 11   Interrogatoire principal par M. Du-Toit :

 12   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Gusa. Je vous prierais de bien

 13   vouloir décliner vos nom et prénom pour le compte rendu d'audience.

 14   R.  Rajko Gusa.

 15   Q.  Est-il exact que vous avez fait deux déclarations devant des

 16   représentants du bureau du Procureur ?

 17   R.  Oui.

 18   M. DU-TOIT : [interprétation] Monsieur le Greffier, je demande l'affichage

 19   du document 5431 de la liste 65 ter sur les écrans.

 20   Q.  Monsieur Gusa, vous avez à présent sous les yeux devant vous la

 21   première déclaration faite par vous devant les représentants du bureau du

 22   Procureur en date des 27 et 28 mai 1997. Pouvez-vous confirmer que c'est

 23   bien votre signature qui figure au bas de la

 24   page ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Monsieur Gusa, passons, si vous le voulez bien, à la page 2 de cette

 27   déclaration.

 28   M. DU-TOIT : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais faire

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  1   consigner au compte rendu d'audience - et vous le voyez en page 2 de la

  2   déclaration - qu'on trouve une numérotation des paragraphes sur la gauche

  3   du texte. Ceci ne faisait pas partie du texte original, mais lorsque le

  4   témoin a revu sa déclaration en 2008, cette numérotation des paragraphes a

  5   été ajoutée. Voilà pourquoi désormais vous avez les numéros des paragraphes

  6   sur la gauche du texte. Je voulais que ceci soit consigné au compte rendu

  7   d'audience. Je vous remercie.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Les numéros ont donc été ajoutés

  9   ultérieurement. Très bien. Veuillez procéder.

 10   M. DU-TOIT : [interprétation] Je vous remercie.

 11   Monsieur le Greffier, je demande l'affichage du document 5432 de la liste

 12   65 ter à présent.

 13   Q.  Monsieur Gusa, est-il exact que ce texte est la deuxième déclaration

 14   recueillie par des membres du bureau du Procureur le

 15   19 février 2008 auprès de vous ?

 16   R.  Oui.

 17   M. DU-TOIT : [interprétation] Je demande maintenant l'affichage de la page

 18   2 de ce document.

 19   Q.  Monsieur Gusa, je vous prierais de bien vouloir lire le paragraphe 3 de

 20   ce texte. Le passage qui m'intéresse se trouve à peu près au milieu du

 21   document, je cite : "Il y avait environ dix maisons dans mon quartier que

 22   je voyais et elles ont toutes été touchées par des obus."

 23   Vous rappelez-vous si ces maisons ont été touchées au moment des faits ou

 24   au moment des incendies ou après, donc le 4 août ou après ?

 25   R.  Après.

 26   Q.  Je vous remercie. Monsieur Gusa, est-il exact que lorsque vous êtes

 27   arrivé à La Haye, vous avez eu une nouvelle possibilité de lire les

 28   versions B/C/S de ces deux déclarations ?

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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Ces déclarations rendent-elles compte fidèlement des renseignements que

  3   vous avez communiqués au représentant du bureau du Procureur à deux

  4   reprises ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Les renseignements contenus dans ces deux déclarations sont-elles

  7   véridiques et exactes pour autant que vous le sachiez ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Si aujourd'hui dans ce prétoire on vous posait les mêmes questions que

 10   celles qui vous ont été posées à l'époque ou vous avez fait ces deux

 11   déclarations, répondriez-vous de la même façon qu'à l'époque ?

 12   R.  Je crois que oui.

 13   M. DU-TOIT : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

 14   versement au dossier des deux déclarations.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, une cote, je vous

 16   prie.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 65 ter numéro 05431 devient

 18   la pièce P959 et le document 65 ter numéro 05432 devient la pièce à

 19   conviction P960.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les pièces P959, c'est-à-dire la

 21   déclaration 1997 et la pièce P960, qui est la déclaration de février 2008,

 22   sont admises en tant que pièces à conviction.

 23   Monsieur Du-Toit, une question au sujet du paragraphe 3 que vous venez

 24   d'évoquer. Vous avez parlé d'un incident et vous avez commencé votre

 25   lecture en disant : "Il y avait dix maisons de mon quartier que je voyais

 26   et elles ont été touchées par des obus."

 27   Monsieur le Témoin, avez-vous vu de vos yeux les obus tomber sur ces

 28   maisons ou avez-vous vu ces maisons à une date ultérieure et constaté

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  1   qu'elles portaient la trace de dommages dus à des obus ?

  2   R.  Je n'ai vu que la première, c'est-à-dire la mienne. Les autres, je les

  3   ai vues plus tard. En octobre, on m'a conduit dans le village. Un de leurs

  4   inspecteurs m'a emmené deux jours de suite dans le village et j'ai vu que

  5   tout avait été incendié et détruit. Dix maisons environ étaient encore

  6   debout

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez semé la confusion dans mon

  8   esprit lorsque vous avez parlé de voir l'incident plutôt que de constater

  9   les conséquences du pilonnage apparemment.

 10   Veuillez poursuivre, Monsieur Du-Toit.

 11   M. DU-TOIT : [hors micro]

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois le dire.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Du-Toit va maintenant donner

 14   lecture d'un résumé de vos déclarations préalables de façon à ce que le

 15   public sache sur quoi portera votre déposition.

 16   Veuillez procéder, Monsieur Du-Toit.

 17   M. DU-TOIT : [interprétation]

 18   Le témoin vivait dans le village de Zemunik Gornji, dans la municipalité de

 19   Zadar, à l'époque de l'opération Tempête. A partir de 10 heures du matin le

 20   4 août 1995, son village a été pilonné par l'armée croate, et sa maison a

 21   été touchée par plusieurs obus. A la fin du pilonnage, aux environs de 22

 22   heures, le témoin a fui vers le village de Bukovic. Près de 300 soldats

 23   croates ont pénétré dans Bukovic après quoi, immédiatement cinq ou six

 24   maisons se sont trouvées en flammes.

 25   Le témoin a fui Bukovic pour se cacher dans la forêt sur les pentes du mont

 26   Zmistak. A partir de l'endroit où il se trouvait, le témoin pouvait voir

 27   les villages de Kistanje et d'Ervenik. Il a vu que tout le village de

 28   Kistanje était en feu alors qu'une circulation intense avait lieu dans tout

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  1   le village. Les plus petits villages de Biovicino Selo et Kolasac étaient

  2   également en feu.

  3   Il a également vu brûler des maisons dans le village d'Ervenik et a vu des

  4   soldats croates se livrer à des actes de pillage dans les maisons et les

  5   fermes de la zone. Des camions chargés de biens pillés et de têtes de

  6   bétail volées étaient conduits à bord de véhicules hors du secteur par des

  7   soldats le long de la grand-route, les chargements étant clairement

  8   visibles.

  9   Au début du mois d'octobre 1995, le Témoin W-23 s'est rendu à un policier

 10   croate qui était un ami d'une famille serbe d'Ervenik. Il a été amené à

 11   Knin, puis plus loin à Zadar. Dans les lieux de détention de Zadar, il a

 12   été frappé. Il a été détenu à Zadar pendant trois ou quatre jours, puis

 13   amené à la prison de Split où il est resté emprisonné jusqu'à octobre 1996.

 14   Ceci est la fin du résumé des déclarations du témoin, Monsieur le

 15   Président.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 17   M. DU-TOIT : [interprétation] Monsieur le Président, je demande l'affichage

 18   du document 0490 [comme interprété], à savoir une carte qui a été vue par

 19   le témoin.

 20   Comme vous pouvez le voir, Monsieur le Témoin, ce document a été préparé

 21   par des membres de notre bureau de façon à permettre au témoin de

 22   s'orienter par rapport aux différents lieux évoqués par lui dans ses

 23   déclarations et, notamment, dans la première qui vient d'être versée au

 24   dossier. Comme vous le voyez, les numéros qui vont de 1 à 9 désignent des

 25   lieux importants que le témoin a évoqués dans sa déposition. Et à gauche de

 26   la carte, vous trouvez une légende qui indique les noms de ces endroits et

 27   apporte quelques détails au sujet de ce qui est dit dans les paragraphes de

 28   la déclaration du 28 mai 1997.

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  1   J'aimerais demander le versement au dossier de cette carte.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, il n'y a pas d'objections.

  3   Monsieur le Greffier.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P961, Monsieur le

  5   Président.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P961 est admise en tant

  7   qu'élément de preuve.

  8   M. DU-TOIT : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  9   C'est tout ce que j'avais à demander au témoin au sujet de ce document.

 10   Pour le moment, je vous remercie.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui est-ce qui sera le premier à contre-

 12   interroger le témoin, Maître Misetic ?

 13   M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vous demande

 14   un instant.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gusa, dans une seconde, Me

 16   Misetic qui est le conseil de M. Gotovina va vous contre-interroger. Il est

 17   assis sur votre gauche dans le prétoire -- ou plutôt debout sur votre

 18   gauche.

 19   M. MISETIC : [interprétation] Je vous demande un instant, Monsieur le

 20   Président, le temps qu'il faut pour transmettre les documents à

 21   l'Accusation.

 22   Merci de votre patience, Monsieur le Président.

 23   Contre-interrogatoire par M. Misetic : 

 24   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Gusa.

 25   R.  Bonjour.

 26   Q.  J'aimerais que nous parlions d'abord du service militaire que vous avez

 27   accompli dans les rangs de l'armée de la République serbe de Krajina. Vous

 28   avez été soldat de 1991 jusqu'à la date de l'opération Tempête, n'est-ce

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  1   pas ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges quel a été éventuellement le rôle joué par

  4   vous dans la défense organisée par ce qu'il est convenu d'appeler l'armée

  5   de la Republika --

  6   R.  Au début, je l'étais, mais je voulais partir, puis j'ai été emprisonné

  7   à Knin; et plus tard j'ai appris que je me trouvais dans la Défense

  8   territoriale de mon village, et ce, pendant toute la période qui a précédé

  9   l'opération Tempête. Je ne me suis jamais trouvé sur les lignes, les lignes

 10   entre notre armée et l'armée croate se trouvait à une centaine de mètres

 11   d'un endroit où je me trouvais. Voilà c'est ça.

 12   Q.  Mais votre village est bien sur le front, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Excusez-moi -- était sur le front. Donc si vous montiez la garde dans

 15   votre village et que votre village se trouvait sur le front, vous montiez

 16   la garde sur le front, n'est-ce pas ?

 17   R.  Je n'étais pas sur le front, j'étais derrière. C'est une chose d'être

 18   en première ligne sur le front, et c'est autre chose que d'être derrière,

 19   dans le village, à la maison.

 20   Q.  Bon, mais le commandement -- il y avait un poste de commandement dans

 21   votre village, n'est-ce pas ? Ce n'est pas là que vous montiez la garde ?

 22   R.  Oui, il y avait un poste de commandement.

 23   Q.  Le poste de commandement se composait de quoi ?

 24   R.  C'était le poste d'observation, le poste de commandement là d'où on

 25   pouvait voir --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous, je vous prie, répéter ce

 27   que vous venez de dire.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Je vais reposer ma question, Monsieur le

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  1   Président.

  2   Q.  De quoi se composait le poste de commandement, ce poste commandait quoi

  3   ? Les interprètes n'ont pas entendu, pourriez-vous répéter votre réponse.

  4   R.  C'était de l'armée, de l'armée serbe.

  5   Q.  Apparemment, dans votre déclaration écrite, vous distinguez entre votre

  6   apparence à la Défense territoriale que vous considérez comme autre chose

  7   que l'appartenance à l'armée. Pourriez-vous expliquer la distinction que

  8   vous établissez entre ces deux choses ?

  9   R.  La différence réside en ce que, en première ligne on trouve des vrais

 10   soldats et dans la Défense territoriale on trouvait ceux qui n'étaient pas

 11   aptes à faire la guerre, la vraie guerre; par exemple, vite que j'y aille,

 12   des gens comme ça n'allaient pas en première ligne.

 13   Q.  D'accord.

 14   M. MISETIC : [interprétation] Je demande, Monsieur le Président,

 15   l'affichage de la pièce 1D47-0030.

 16   Q.  Monsieur Gusa, je vais vous demander de jeter un coup d'œil à ce

 17   document qui émane de la 180e Brigade mécanisée et qui date du 13 mars

 18   1992. Il est adressé par la police militaire à la 180e Brigade mécanisée et

 19   il y est question de ce qui suit : "Des missions de sécurité se menaient

 20   dans la caserne avec des perquisitions." Et si vous lisez ce qui est écrit

 21   au niveau du paragraphe 2, vous voyez que votre nom apparaît, Gusa Rajko,

 22   avec un numéro associé à votre nom.

 23   Est-ce que vous faisiez réellement partie de la 180e Brigade mécanisée en

 24   1992 ?

 25   R.  Moi, non.

 26   M. MISETIC : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 27   document.

 28   M. DU-TOIT : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document

  3   devient la pièce D823.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D823 est admise en tant

  5   qu'élément de preuve.

  6   M. MISETIC : [interprétation] Je demande que l'on affiche la page suivante

  7   du même document, Monsieur le Greffier.

  8   Q.  Monsieur Gusa, regardez ce qui est écrit au niveau du numéro 9 dans

  9   cette page, 25 août 1956. Il s'agit d'une date de naissance. S'agit-il bien

 10   de votre date de naissance ? Il est indiqué que la personne à laquelle

 11   appartient cette date de naissance est née à Zemunik Gornji.

 12   R.  Oui.

 13   Q.  D'accord. Est-ce qu'effectivement vous avez été simple soldat dans les

 14   rangs de la 180e Brigade mécanisée le 3 mars 1992 ?

 15   R.  Moi, non.

 16   Q.  D'accord.

 17   R.  Je ne sais pas non plus quelle était cette brigade.

 18   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, je demande maintenant

 19   l'affichage du document 1D47-0034.

 20   Q.  Il s'agit --

 21   M. MISETIC : [interprétation] J'attends que la version anglaise soit

 22   affichée.

 23   Q.  Il s'agit à nouveau d'un document de la police militaire. Au numéro 2,

 24   vous voyez qu'il est question de la réaffectation des conscrits suivants au

 25   1er mars 1992, et au numéro 2, disais-je, vous voyez que le nom qui y

 26   figure est "Gusa, Petar Rajko."

 27   Est-ce que vous vous souvenez avoir été réaffecté ? Vous vous souvenez de

 28   cela ?

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  1   R.  Oui. J'ai été réaffecté, et en fait réaffecté au village de --

  2   L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine anglaise n'a pas saisi le nom du

  3   village.

  4   M. MISETIC : [interprétation]

  5   Q.  Mais regardez le bas du document où il est dit : "Les conscrits

  6   militaires se verront donner des armes ou des munitions, des explosifs et

  7   des mines et seront envoyés à la caserne de Benkovac."

  8   Vous vous souvenez avoir été envoyé à la caserne de Benkovac le 1er mars

  9   1992 ou aux environs de cette date-là ?

 10   R.  Oui. En fait, ils m'ont détenu.

 11   Q.  Est-ce que vous vous souvenez que le 1er mars 1992, vous avez d'abord

 12   été emmené à l'officier supérieur de la 1re Brigade motorisée, ensuite vous

 13   avez été transporté par bus ? Vous vous souvenez de cela ?

 14   R.  Je ne me souviens pas de cela.

 15   M. MISETIC : [interprétation] Je souhaiterais que cette pièce, Monsieur le

 16   Président, soit versée au dossier.

 17   M. DU-TOIT : [interprétation] Pas d'objection.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Monsieur le Greffier.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela deviendra la pièce D824.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. La pièce D824 est versée au

 21   dossier.

 22   Maître Misetic, visiblement, vous voyez le 1er mars, le témoin a été

 23   certes réaffecté, mais il a été réaffecté du 4810/84 à l'unité 4810/7. Le

 24   13 mars, toutefois, le témoin se trouve à 4810/10. J'aimerais savoir si

 25   cela fait partie du mystère ou est-ce que c'est une pièce manquante au

 26   puzzle ?

 27   M. MISETIC : [interprétation] C'est en partie un mystère, je vous

 28   l'accorde, mais je vais, de toute façon, lui poser un peu plus de questions

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  1   à propos de cela dans une minute.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Poursuivez.

  3   M. MISETIC : [interprétation] Je souhaiterais que la pièce 1D47-0037 soit

  4   affichée à l'écran, je vous prie.

  5   Monsieur le Président, nous n'avons pas été en mesure de télécharger cela

  6   dans le système à temps hier soir, ce qui fait que nous avons un document

  7   papier que nous aimerions présenter au témoin, et ensuite le document sera

  8   montré par le système Sanction.

  9   Q.  Monsieur Gusa, il s'agit d'un document, qui, comme vous le voyez, porte

 10  la date du 1er juin 1992, il est intitulé mesure disciplinaire. Il s'agit de

 11   mesures disciplinaires qui ont été prises à votre encontre par le capitaine

 12   de première classe Vuruna Branko. Et au deuxième paragraphe, vous voyez

 13   qu'il est indiqué : "Le sergent Gusa Rajko, fils de Petar, né le 25 août

 14   1956 à Gornji Zemunik." Ensuite, au troisième paragraphe, il est indiqué

 15   que vous vous trouviez en état d'ébriété la nuit du 31 mai 1992 ainsi que

 16   le jour suivant, à savoir le 1er juin 1992, et que vous étiez "dans un tel

 17   état d'ébriété" que vous n'aviez "aucune maîtrise" de vos actes ou de votre

 18   comportement, et le texte se poursuit.

 19   Il est indiqué que vous aviez déjà été appréhendé. Est-ce qu'il est exact

 20   que vous aviez déjà été arrêté alors que vous vous trouviez de service,

 21   vous vous êtes trouvé en état d'ébriété, et donc des mesures disciplinaires

 22   ont été prises à votre encontre à la suite de cela ? Vous vous souvenez de

 23   tout cela ?

 24   R.  Non. Non.

 25   M. MISETIC : [interprétation] Je souhaiterais que cette pièce soit versée

 26   au dossier. Il s'agit, je répète, de la pièce 1D47-0037.

 27   M. DU-TOIT : [interprétation] Pas d'objection.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Monsieur le Greffier.

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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce D825.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D825 est versée au dossier.

  3   M. MISETIC : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur Gusa, vous avez indiqué que --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais juste indiquer que je

  6   souhaiterais que les documents restent affichés à l'écran tant qu'ils ne

  7   sont pas remplacés par un document suivant, parce qu'ainsi cela nous donne

  8   la possibilité d'écouter et de suivre toujours, mais tout en lisant.

  9   M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 10   Q.  Monsieur Gusa --

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, il fait partie du système Sanction,

 12   donc de toute façon ce que je viens de dire n'est pas valable. Poursuivez.

 13   M. MISETIC : [interprétation]

 14   Q.  Monsieur Gusa --

 15   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai un document

 16   papier si vous le souhaitez.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Tant qu'il se trouve affiché à

 18   l'écran, cela ne me pose pas de problème.

 19   M. MISETIC : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Gusa, vous avez indiqué dans votre déclaration que vous vous

 21   êtes rendu aux autorités croates en octobre 1995.

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Il est exact que dans un premier temps vous avez été conduit au poste

 24   de police de Kistanje; c'est exact, n'est-ce pas ?

 25   R.  A Knin.

 26   Q.  Est-ce que vous vous souvenez, lorsque vous vous trouviez à Knin, est-

 27   ce que vous avez été interrogé par des officiers de police dans le poste de

 28   police de Knin ?

Page 9842

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Bien.

  3   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, je souhaiterais avoir

  4   la pièce 1D47-0001.

  5   Je dirais, aux fins du compte rendu d'audience, que l'interrogatoire de ce

  6   témoin commence dans la deuxième partie de cette page en version croate.

  7   Merci.

  8   Q.  Monsieur Gusa, vous voyez qu'il s'agit de la note de service officielle

  9   de cet entretien ou de cet interrogatoire à Knin.

 10   Regardez au troisième paragraphe. Il est indiqué : "Il a, qui plus est,

 11   indiqué qu'il a été mobilisé dans l'armée de la SAO Krajina le 28 octobre

 12   1991, et qu'un uniforme militaire ainsi qu'un fusil avec 150 balles lui ont

 13   été délivrés à la caserne de Benkovac, où il est resté jusqu'au 4 novembre

 14   1991. Ils ont été transférés de la caserne à Tinj. Les personnes

 15   intéressées ou la personne intéressée, plutôt, déclare qu'il était soldat

 16   d'infanterie."

 17   Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela à ces officiers de police à

 18   Knin, là où vous avez été conduit --

 19   R.  Oui, oui.

 20   Q.  -- et --

 21   R.  Est-ce que je peux avoir un verre d'eau, je vous prie ?

 22   Q.  Oui, oui, tout à fait.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Madame l'Huissière, est-ce qu'il y

 24   a de l'eau ?

 25   M. MISETIC : [interprétation]

 26   Q.  Vous avez dit aux officiers croates que vous aviez été mobilisé dans

 27   l'armée de la SAO de la Krajina le 28 octobre 1991; c'est cela, n'est-ce

 28   pas ?

Page 9843

  1   R.  Oui, oui.

  2   Q.  Regardez la suite du texte. Il est indiqué que : "A leur arrivée à

  3   Tinj, ils ont été affectés au service de faction de garde. Le commandant de

  4   cette unité d'infanterie était le capitaine de réserve Lalic de Polace, et

  5   l'unité était composée de 40 soldats."

  6   Est-ce que vous vous souvenez avoir été placé sous le commandement du

  7   capitaine Lalic ?

  8   R.  Oui. Oui, je m'en souviens.

  9   Q.  Puis toujours un peu plus bas, il est indiqué : "L'intéressé déclare

 10   qu'il se trouvait au poste de garde à Tinj jusqu'au 22 mars 1992, date à

 11   laquelle il a été dégagé de ses responsabilités. Donc il est reparti à Sem

 12   Gornji, où il est resté jusqu'au 13 avril 1992. Puis, il fut transféré à

 13   Crno, où il a occupé un poste de garde à Musaptan, jusqu'au 17 juin 1992.

 14   Son commandant était Vodicarski Ljupko, un officier d'active de la JNA qui

 15   était commandant, dont le grade était commandant …"

 16   Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela à la police, aux officiers

 17   croates ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Tous les renseignements que je viens de donner, est-ce qu'ils sont

 20   exacts ?

 21   R.  Oui, oui.

 22   Q.  Puis il est indiqué : "L'intéressé déclare que des chars ont tiré à

 23   Zadar, des chars, 54. Lorsque la question lui a été posée pour savoir à

 24   partir de quelle direction l'on a tiré sur Zadar, l'intéressé déclare que

 25   des chars, 54, des canons et des mortiers de 60-millimètres ont été

 26   déployés à Musaptan, près du système d'adduction d'eau, et ainsi que près

 27   du bunker, et que des obusiers et des mortiers de 120-millimètres ont été

 28   déployés à Jagodnja, endroit à partir duquel ils ont tiré sur Biograd et

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  1   sur la zone environnante."

  2   Est-ce qu'il s'agit d'autant de renseignements que vous avez fourni aux

  3   officiers croates ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Puis vous poursuivez et vous indiquez que vous avez ensuite été

  6   démobilisé, et ce, à partir du 17 juin 1992, puis que vous vous êtes livré

  7   et que vous avez travaillé dans une exploitation agricole, puis que vous

  8   avez été remobilisé en décembre 1992, que vous êtes "allé sur le terrain à

  9   Vocnjak Zemunik Gornji," là où vous avez occupé un poste de garde. "Il

 10   s'agissait, en fait, d'assurer la sécurité de la route passant par Vocnjak,

 11   PK Zadar, Vlacine Zadar, et ce, la route qui allait en direction de

 12   Smokovic."

 13   Est-ce que cela est exact ?

 14   R.  Oui, tout à fait.

 15   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que vous pouvez tourner la page, je

 16   vous prie.

 17   Q.  Le texte se poursuit : "Le bus Smokovic-Benkovac empruntait cet

 18   itinéraire. Il est resté à cet endroit jusqu'au 22 janvier 1993, date à

 19   partir de laquelle il s'est rendu à Bare, à Zemunik Gornji, et il a été mis

 20   au service de garde, et ce, jusqu'à l'opération Tempête."

 21   Est-ce exact ?

 22   R.  Je me trouvais à Vocnjak. J'assurais la sécurité de cette route.

 23   Lorsque je suis reparti à Bare, ma maison se trouvait à 300 mètres. Je me

 24   trouvais dans le village. La position se trouvait à 800 mètres de l'endroit

 25   où se trouvait l'armée. Moi, j'étais dans le village, donc je n'étais pas

 26   sur la ligne de front, et tout ce qui a été dit avant est absolument exact.

 27   J'ai été posté au village. Il faut savoir que Vocnjak se trouve à

 28   environ 500 mètres de la position de Bare. Je me trouvais dans le village à

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  1   l'arrière-garde, à quelque 500 mètres. La ligne de front se trouvait en

  2   dessous, à Goles. Goles, c'est le nom du village en question. La ligne de

  3   front se trouvait face à l'armée croate, et l'armée croate se trouvait à

  4   800 mètres de l'armée serbe.

  5   Q.  Certes, mais est-il exact que vous vous trouviez à Bare, à

  6   Zemunik Gornji, et que vous avez monté la garde, et ce, jusqu'à l'opération

  7   Tempête ?

  8   R.  Oui, oui, je m'y trouvais, mais je n'étais pas à Bare. J'étais dans le

  9   village. J'étais dans le village où se trouve ma maison, à 500 mètres à

 10   l'arrière. J'étais chez moi, bien sûr. Nous montions la garde pendant la

 11   nuit. J'y étais. Il y avait des personnes âgées. Tout le monde était là.

 12   C'était normal. Nous montions la garde. Nous montions la garde pour nous-

 13   mêmes et pour les autres également.

 14   Q.  Paragraphe suivant, je vous prie. Voilà ce qui est écrit : "Le

 15   commandant de la JNA en retraite, le commandant Djuro Maricic de Zemunik

 16   Gornji, a fourni et distribué des armes à la population locale de Zemunik

 17   Gornji."

 18   Cela est vrai d'ailleurs, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui. Oui, oui, c'est vrai.

 20   Q.  Est-ce que vous pourriez nous fournir un peu plus de détails à ce

 21   sujet. Comment est-ce que Djuro Maricic a distribué ces armes à la

 22   population locale de Zemunik Gornji ? Quand est-ce que cela s'est passé ?

 23   Comment est-ce qu'il a procédé ?

 24   R.  Je pense que cela s'est passé au début du mois d'octobre. C'est au

 25   début du mois d'octobre qu'il a distribué les armes. C'est ce que je pense.

 26   Je ne connais pas la date exacte. Je pense que cela s'est passé le 1er ou le

 27   2, avant véritablement que la guerre ne commence à faire rage. Mais tout le

 28   monde n'a pas reçu des armes. Il a donné des armes seulement à certaines

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  1   personnes. Ce n'est que par la suite que nous avions tant d'armes que nous

  2   pouvions véritablement les donner à tout le monde.

  3   Q.  Est-ce que ces armes ont été données seulement aux villageois ?

  4   R.  Oui. Oui, oui. Oui, oui, dans tous les hameaux, mais pas à tout le

  5   monde, parce qu'il n'y avait pas suffisamment d'armes au départ.

  6   Q.  Vous voyez qu'il poursuit. Il indique de surcroît que les

  7   fortifications les plus solides avaient été établies près des maisons de

  8   Zupanovi et Milkovic, ainsi qu'à Viduka où les canons étaient déployés. Des

  9   M-84 ont été déployés au niveau des fortifications à Bare. L'artilleur

 10   principal était Gusa, Gajo, fils de feu Nikola, né en 1965."

 11   Est-ce que tout cela est exact ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Lorsque vous dites que ces fortifications ont été établies près des

 14   maisons de Zupanovi et Milkovic, de quelles maisons s'agit-il ?

 15   R.  Il s'agissait de maisons qui étaient, pour la plupart, démolies ou

 16   incendiées. C'est ce qu'avait fait l'armée serbe. Dès que les Croates sont

 17   partis, ils ont démoli et incendié toutes les maisons, y compris l'église.

 18   C'est ce que l'armée serbe a fait.

 19   Q.  Est-ce que ces fortifications ont été établies autour de maisons

 20   particulières dans les villages ?

 21   R.  Oui, autour des villages et autour des maisons, parce que les maisons

 22   se trouvaient dans les forêts. C'est là où elles se trouvaient et c'est là

 23   où se trouvaient les fortifications.

 24   Q.  Puis le texte se poursuit en indiquant que : "Les chars

 25   M-54 ont été positionnés auprès des maisons de Milkovic et près de l'école

 26   à Zemunik Gornji."

 27   Est-ce que cela est exact ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Est-ce que vous pouvez nous parler un peu plus du positionnement de ces

  2   chars M-54 qui ont été visiblement placés près des maisons de Milkovic.

  3   Est-ce que vous pourriez nous expliquer

  4   cela ?

  5   R.  Lorsque vous allez à pied vers Skabrnja, c'est là où se trouve la

  6   frontière, et jusqu'à cette frontière il y avait des maisons serbes. A

  7   Milkovici ainsi qu'à Brkovici également, il y avait des maisons croates.

  8   Alors, bien entendu, les chars étaient positionnés près de Milkovici ainsi

  9   que près de l'école. C'est là que se trouvaient ces chars. On pouvait les

 10   voir. Parfois ils se déplaçaient dans le village. Les Croates pouvaient les

 11   voir.

 12   M. MISETIC : [interprétation] Je voudrais juste préciser quelque chose. On

 13   me dit qu'il faut que je précise quelque chose pour le compte rendu

 14   d'audience. Un petit moment.

 15   Q.  Il y avait des chars autour de l'école; c'est cela ?

 16   R.  Oui, c'est ce que j'ai dit, autour de l'école.

 17   Q.  D'accord.

 18   R.  Les maisons à Milkovici se trouvent à 1 kilomètre de distance de

 19   l'école.

 20   Q.  Bien. Si vous prenez le dernier paragraphe de cette page, voilà ce qui

 21   est écrit : "L'intéressé déclare qu'il s'est débarrassé de son fusil

 22   automatique au niveau de sa position, ainsi que de son uniforme, et qu'il

 23   est arrivé à Benkovac sur un tandem. Il n'a pas pu trouver sa famille et

 24   alors il a passé la nuit à Bukovic."

 25   Est-ce que cette information est exacte ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Donc vous recherchiez votre famille à Benkovac ?

 28   R.  Oui.

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  1   Q.  Puis le texte se poursuit : "Lorsqu'il s'est réveillé, la HV avait déjà

  2   investi Benkovac. Il s'est échappé avec Slavko Rnjak, ils se sont échappés

  3   dans la forêt, où il s'est caché jusqu'au jour d'aujourd'hui".

  4   Comment est-ce que vous avez appris que la HV était entrée dans Benkovac ?

  5   R.  Suis-je censé vous dire cela ? Je les ai vus, c'est comme ça que je

  6   l'ai appris. Lorsque je me suis retourné, ils étaient à 300 mètres. Très

  7   heureusement, ils ne nous ont pas vus. Nous avons réussi à nous échapper.

  8   Nous nous sommes cachés dans un vignoble, mais nous n'avons pas pu

  9   traverser la route, parce qu'il y avait leurs chars et il y avait leurs

 10   soldats qui étaient sur la route. Donc on ne pouvait pas passer là. Nous

 11   avons attendu la tombée de la nuit. Lorsque les nuages ont caché la lune,

 12   très, très, très lentement, nous avons traversé la route en évitant leurs

 13   soldats et nous sommes allés à Karine. C'est là que nous avons passé la

 14   nuit.

 15   Puis nous avons marché à travers les bois après minuit. Le matin, nous

 16   sommes arrivés à Bukora. Nous avions très, très soif, donc nous avons

 17   trouvé de l'eau. Puis il y a un homme qui est arrivé et nous avions aussi

 18   peur de lui qu'il avait peur de nous. Il était Serbe et il nous a dit :

 19   "N'ayez pas peu. Moi aussi je suis Serbe." Il nous a donné à manger. Il

 20   nous a donné un peu de viande de mouton grillée, du jambon et du vin. Nous

 21   avons passé une journée là. A partir de ce moment-là, nous sommes allés --

 22   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu le nom du lieu où ils se sont

 23   rendus.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, je suppose que vous

 25   allez certainement vérifier cela. Je dirais qu'il y a une partie de la

 26   ligne 23, page 19, qui fait défaut dans nos comptes rendus d'audience. J'ai

 27   l'impression que le témoin a parlé de distances, il nous a donné une

 28   précision à ce sujet. Est-ce que vous pourriez lui faire préciser la

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  1   réponse.

  2   Je vous laisse le soin de le faire.

  3   M. MISETIC : [interprétation] Oui.

  4   Q.  Quelle était la distance entre l'école -- ou plutôt, est-ce que vous

  5   pourriez nous dire où se trouvait l'école à Zemunik Gornji, l'école où

  6   s'étaient positionnés les chars ?

  7   R.  L'école se trouvait au centre du village, entre ma maison d'ailleurs,

  8   qui était appelée -- en fait, il y avait le hameau de Guse, puis il y avait

  9   Markici, un peu plus loin il y avait Banci, Misele, Banici, Omici [phon],

 10   Trove. Puis un peu plus en contrebas il y avait Racovici, Kovacevici, il y

 11   avait un autre Gusa. C'est mon nom de famille d'ailleurs, Gusa. Les Croates

 12   se trouvaient dans trois villages. Il s'agissait plutôt de hameaux croates,

 13   mais ils étaient partis dès le début de la guerre.

 14   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que vous essayez d'obtenir davantage

 15   de précisions, Monsieur le Président ?

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que vous nous avez parlé des

 17   maisons qui se trouvaient à Milkovici.

 18   Est-ce que vous pourriez nous dire à propos de ces maisons, donc si

 19   vous alliez à pied à partir à de ces maisons jusqu'aux chars qui se

 20   trouvaient près de l'école, combien de temps environ est-ce qu'il vous

 21   fallait pour marcher depuis ces maisons de Milkovici jusqu'à l'école où se

 22   trouvaient les chars ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Si vous marchez lentement, environ un quart

 24   d'heure, je dirais, enfin c'est une route d'environ

 25   1 kilomètre. Voilà la distance.

 26   M. MISETIC : [interprétation]

 27   Q.  Et juste pour préciser quelque chose. Il y avait des chars à la fois

 28   autour de l'école et autour des maisons à Milkovici; c'est cela ?

Page 9851

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Je voudrais maintenant revenir sur le tout dernier paragraphe qui

  3   figure à l'écran parce que je vous avais posé une question. Voilà ce que je

  4   vous avais demandé donc : Vous étiez à Bukovic, lorsque vous avez appris

  5   que la HV est arrivée à Benkovac; c'est cela. Donc vous avez marché pendant

  6   300 mètres, vous avez dit, donc à partir de l'endroit où se trouvait

  7   l'armée croate. Mais Bukovic ne se trouve pas à 300 mètres de Benkovac,

  8   n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui. Il y a environ 2 kilomètres entre Bukovic et Benkovic. Mais

 10   lorsque je me suis réveillé ce matin-là à Bukovic, ils étaient à 300

 11   mètres. Il y avait un autre homme là, et nous lui avons dit : "Est-ce qu'il

 12   s'agit de l'armée croate ?" Et il nous a dit : "Mais ce n'est pas la peine

 13   de vous échapper." Son gendre lui avait dit de ne pas quitter son foyer.

 14   C'était un Croate. Et s'il y avait d'autres personnes là-bas - enfin, il

 15   avait dit qu'il reviendrait et qu'il viendrait préparer le déjeuner pour le

 16   groupe. Il a dit que personne ne toucherait personne. Il a dit à quelques

 17   jeunes qui étaient restés que s'ils avaient des armes ou des uniformes, il

 18   leur a recommandé de jeter leurs armes, de changer de vêtements et de les

 19   attendre en tenue de civil. Voilà, voilà. Cet homme, il ne voulait pas

 20   partir. Et Slavko et moi-même, nous avons attend, ensuite nous nous sommes

 21   cachés.

 22   M. MISETIC : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

 23   dossier de cette pièce.

 24   M. DU-TOIT : [interprétation] Pas d'objection.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D826.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D826 est versée au dossier.

 28   M. MISETIC : [interprétation]

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  1   Q.  Monsieur Gusa, après avoir été interrogé au poste de police de Knin,

  2   vous avez ensuite été conduit à l'administration de la police de Zadar;

  3   c'est exact ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Et on ne vous a jamais conduits à un centre de détention destiné aux

  6   prisonniers de guerre, n'est-ce pas, on vous a juste conduits au bâtiment

  7   de la police, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui. On y a passé deux ou trois jours. Et de là, on nous amenés à la

  9   prison de Split. Moi, j'ai été passé à tabac à Zadar. D'ailleurs ils m'ont

 10   donné un coup dans la tête et aussi dans les dents. Je sais exactement qui

 11   a fait cela.

 12   Q.  On va en parler dans quelques instants.

 13   M. MISETIC : [interprétation] Mais avant je voudrais vous montrer le

 14   document 1D47-0006, c'est un document Sanction, et nous avons un exemple

 15   papier pour le témoin.

 16   Q.  Ceci est un procès-verbal officiel. Est-ce que vous vous souvenez que

 17   vous avez été aussi interrogé à Zadar par les enquêteurs de la police

 18   croate ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Ceci est donc une note officielle de cet entretien. Nous avons un

 21   document de 12 pages. Nous allons faire parcourir toutes les pages de ce

 22   document.

 23   M. MISETIC : [interprétation] La page 2 en anglais, s'il vous plaît.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous avez aussi un exemple

 25   papier pour le témoin, pour les Juges aussi, parce que si vous l'avez, cela

 26   me permettrait de le garder, de l'examiner par la suite.

 27   M. MISETIC : [interprétation] Non, nous ne l'avons pas pour l'instant. J'en

 28   suis désolé.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

  2   M. MISETIC : [interprétation] Si ceci n'est pas dans le système de

  3   présentation électronique d'ici la pause, nous allons vous fournir des

  4   photocopies papier.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On vous remercie.

  6   M. DU-TOIT : [interprétation] Est-ce que le Procureur peut aussi recevoir

  7   un exemplaire.

  8   M. MISETIC : [interprétation] On m'a dit que le Procureur a la version

  9   électronique de ce document.

 10   Q.  La page 2, donc là on répète ce que vous avez dit dans un poste de

 11   police de Knin. Dans l'avant-dernier paragraphe en partant d'en bas du

 12   document. C'est à la page 2 de votre version, dans la partie qui commence

 13   par : "Pendant un certain temps, au début du mois de décembre 1992…"

 14   Dans ce paragraphe, on peut lire : "Lui, personnellement, il était à la

 15   position de Vlacine, il était de garde pendant la journée alors que eux,

 16   ils étaient libres pendant la nuit. Les autres habitants de Zemunik Gornji

 17   étaient sur cette position aussi, ils faisaient partie d'un groupe," et là,

 18   vous avez toute une série de noms, le premier de la liste étant Erceg

 19   Rajko.

 20   Est-ce que vous voyez ça ?

 21   R.  [aucune interprétation] 

 22   Q.  Regardez les noms, et dites-nous si ce sont les noms des gens qui ont

 23   été de garde avec vous.

 24   M. MISETIC : [interprétation] C'est la page suivante en anglais.

 25   Q.  Est-ce que vous avez compris la question que je vous ai posée, Monsieur

 26   ? Je vais vous poser la question différemment. Est-ce que vous avez été de

 27   garde avec Erceg Rajko, Maricic Mirko, Miricic Mile, Banic Mirko, Olujic

 28   Milan, Kosovic Radoje et Vukcevic Petar ?

Page 9854

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Si on regarde ce qui est écrit plus loin, on peut lire : "Ils sont

  3   restés sur cette position jusqu'au 22 janvier 1993 quand la garde a été

  4   rappelée, l'équipe de la garde. Rajko a été affecté au 2e Peloton de la 3e

  5   Compagnie du 2e Bataillon. A partir du moment où il a été affecté dans ce

  6   bataillon, il a été sous le commandement du capitaine de première clase,

  7   Branko Vuruna, qui, peu de temps après, a été remplacé par le capitaine

  8   Janko Maricic. Lui, il est resté à cette position jusqu'au début de

  9   l'opération Tempête."

 10   Monsieur Gusa, vous avez été membre, n'est-ce pas, du 2e Peloton de la 3e

 11   Compagnie du 2e Bataillon jusqu'au début de l'opération Tempête ?

 12   R.  Oui, j'y étais. Mais tout ce qui est écrit ici, de toute façon, c'est

 13   vrai. Je connais tous ces gens, c'est vrai. Là, il n'y a pas de mensonge.

 14   Ils ont tous été là, tous ceux dont on voit le nom. On voit bien quelles

 15   sont leurs familles, de quels villages ils viennent. On voit les années de

 16   naissance. Tout ça, c'est exact. D'ailleurs, on m'a posé des questions là-

 17   dessus à Zadar. J'ai été interrogé pendant cinq heures, et tout ça, c'est

 18   exact. Et c'est bien ça.

 19   Q.  Permettez-moi de récapituler. Donc à partir du moment où l'opération

 20   Tempête a commencé, votre commandant était Janko

 21   Maricic ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Ensuite, à la suite de ce paragraphe, on peut lire : "Mis à part les

 24   deux personnes susnommées, les personnes suivantes faisaient partie du

 25   bataillon," et là, on a trois noms qui suivent : Marko Subotic, Zoran Erceg

 26   et Miroslav Mizdalo; est-ce que ceci est exact ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Mizdalo Miroslav, ici vous dites : "Il avait été policier à Sibenik, et

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  1   que pendant un certain temps il a été au commandement à Zemunik Gornji."

  2   Est-ce que vous dites ici que ces personnes faisaient partie aussi du

  3   commandement du bataillon ? Est-ce que cela veut dire que le commandement

  4   du bataillon se trouvait à Zemunik Gornji ?

  5   R.  Oui.

  6   M. MISETIC : [interprétation] Si l'on regarde le bas de cette bas, la page

  7   4.

  8   Q.  Dans la version en B/C/S, Monsieur Gusa - c'est la page 4, et on peut

  9   lire : "Sur cette position, ils avaient été séparés en deux groupes."

 10   M. MISETIC : [interprétation] Je vais demander à Mme l'Huissière d'indiquer

 11   le paragraphe qui commence juste au-dessus du nom Milorad Pucar.

 12   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 13   M. MISETIC : [interprétation]

 14   Q.  On peut y lire : "Ils avaient été séparés en deux groupes sur cette

 15   position. Ils étaient de garde pendant quatre jours, ensuite ils étaient

 16   libres pendant quatre jours. Ils faisaient partie de cette unité jusqu'au

 17   début de l'opération Tempête, quand le commandant du bataillon, Janko

 18   Maricic, les a visités en leur disant qu'il fallait qu'ils se retirent, si

 19   toutefois cela était possible. Déjà le 3 août 1995, une partie de la

 20   population avait été transférée en direction de Benkovac. C'étaient, pour

 21   la plupart, les personnes âgées. Ensuite, la deuxième partie a été évacuée

 22   le 4 août. Les enfants avaient été évacués au mois de janvier 1993, et

 23   hébergés dans les villages aux alentours profondément dans le territoire de

 24   ce qui était avant la municipalité de Benkovac."

 25   Il est exact, n'est-ce pas, qu'au début de l'opération Tempête, le

 26   commandant du bataillon, Janko Maricic, vous a ordonné de vous retirer;

 27   est-ce exact ?

 28   R.  Oui.

Page 9856

  1   Q.  Est-ce que vous vous souvenez à quelle heure il vous a dit cela ?

  2   R.  Non, je ne sais pas vraiment. C'était dans l'après-midi vers 4 heures,

  3   5 heures de l'après-midi, parce qu'à 6 heures déjà, ils avaient pris ces

  4   positions de nuit à Zemunik. Il faisait encore jour, ils ont commencé à

  5   incendier nos maisons. Ils n'étaient pas bien loin. Ils étaient à une

  6   centaine de mètres là, on pouvait les voir. Ils nous ont appelés. C'est

  7   vrai qu'ils n'ont pas tiré. Ils étaient nombreux. Ils ne voulaient pas

  8   tirer. Ils disaient que ceux qui avaient les armes, il fallait qu'ils les

  9   déposent et qu'il fallait qu'on se rassemble tous à un endroit et qu'on

 10   n'allait pas nous faire du mal.

 11   C'est ce qu'ils nous disaient, mais c'est vrai qu'ils ne nous ont pas

 12   tiré dessus. Mais il y avait pas mal d'obus qui tombaient autour de nous.

 13   Mais c'est vrai que ceux qui étaient là, ils n'ont pas tiré sur nous, mais

 14   ils ont commencé à incendier les maisons immédiatement. Ça c'est vrai. Dès

 15   qu'ils sont entrés dans les premières maisons, ils les ont incendiées.

 16   Voilà.

 17   Q.  Pouvez-vous nous dire davantage sur ce qui figure dans votre

 18   déclaration, à savoir que : "Le 3 août 1995, une partie de la population,

 19   les personnes âgées pour la plupart, avaient été transférées vers

 20   Benkovac."

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Pouvez-vous nous donner plus d'informations là-dessus ? Comment sont-

 23   ils partis ?

 24   R.  Ils ont été amenés par les tracteurs, dans des carrosses, camions, donc

 25   ils n'étaient pas en danger. C'est vrai que la plupart d'entre eux sont

 26   partis à pied. Il y en a pas mal qui ont été tués en marchant, parce que

 27   c'étaient des colonnes de Serbes, des réfugiés, et ces colonnes ont été

 28   bombardées.

Page 9857

  1   Q.  Ici, vous dites qu'on a commencé à transférer une partie de la

  2   population déjà le 3 août. Vous souvenez-vous si cela a commencé avant

  3   l'attaque, avant le début de l'attaque ?

  4   R.  Je ne sais pas. Pas dans mon village. Nous, on a commencé à partir le

  5   4, dans mon village. C'est là qu'on a commencé à quitter notre village

  6   natal. On ne savait pas de quoi il s'agissait, alors que ceux qui étaient à

  7   Benkovac, ils ont commencé à partir même avant. Ils sont partis même le 2,

  8   déjà le 2.

  9   Peut-être qu'on leur a dit quelque chose, mais nous, on ne savait

 10   absolument pas de quoi il s'agissait. On aurait pu tous se faire tuer. Pour

 11   qui ? Pour rien. Pour personne, pour rien. Ils auraient pu nous tuer tous

 12   s'ils l'avaient voulu. Voilà, c'est ça.

 13   Q.  Merci. Je voudrais que l'on explique quelque chose. Je ne vous demande

 14   pas à quel moment on a pris la décision de quitter le village pour

 15   toujours. La question que je vous pose est comme suit : est-ce que les

 16   personnes âgées avaient été transférées dans des territoires derrière la

 17   ligne de front le 3 août ?

 18   R.  Oui, c'est vrai, mais ils n'étaient pas nombreux. Ceux-là, on les a

 19   amenés, c'est vrai. Mais de toute façon, il n'y avait pas beaucoup de

 20   personnes âgées, parce que pendant la guerre ils étaient en général à

 21   proximité de Benkovac ou Knin. C'étaient que des réfugiés en 1993 déjà.

 22   Donc c'est à ce moment-là que les personnes âgées, les femmes et les

 23   enfants - moi, j'en avais trois, des petits, et on était séparés. Ils

 24   étaient une trentaine de kilomètres de là où j'étais. Il fallait que j'y

 25   aille à pied pour les voir, que je m'y rende à pied. Je leur apportais de

 26   la nourriture et je faisais tout cela à pied.

 27   C'était à Bukovici, c'est près de Benkovac.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je propose ce

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  1   document, 1D47-0006, je voudrais demander que ceci soit versé au dossier.

  2   M. DU-TOIT : [aucune interprétation]

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D827.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D827 a été versé au dossier.

  6   M. MISETIC : [interprétation] Je vais revenir sur ce document, mais je

  7   voudrais maintenant présenter un autre document, ensuite je vais revenir

  8   sur ce document que je viens de verser au dossier.

  9   Je vais demander au greffier de montrer le document 65 ter 4607.

 10   Q.  Monsieur Gusa, saviez-vous que le commandant de la brigade dont

 11   dépendait votre unité s'appelait Mirko Uzelac ?

 12   R.  J'ai entendu parler de lui, mais je ne l'ai jamais vu. Mais j'ai

 13   entendu parler de lui, il doit être de Benkovac, mais je ne sais pas d'où

 14   il est exactement. C'est vrai que je suis allé de temps en temps. Moi,

 15   j'étais à Zadar parce que c'était ma municipalité, alors qu'à Benkovac - et

 16   je n'y suis allé que trois ou quatre fois avant la guerre - je ne

 17   connaissais pas très bien --

 18   Q.  Pouvez-vous répéter la réponse ? Vous avez dit que vous le connaissiez

 19   de Benkovac. Ensuite les interprètes n'ont pas entendu ce que vous avez dit

 20   par la suite. Vous avez dit qu'il devait être originaire de Benkovac.

 21   Ensuite, qu'est-ce que vous avez dit ?

 22   R.  Je ne le voyais pas vraiment, mais je pense qu'il était originaire de

 23   Benkovac, de ce coin-là. Mais il n'était pas vraiment un officier d'active.

 24   C'était un officier de réserve. Il faisait partie de l'armée de réserve en

 25   temps de paix, d'où le grade. Il n'avait pas fait vraiment des études

 26   militaires. Vous savez, il avait fait son service militaire et on lui a

 27   donné ce grade.

 28   Il y en a qui reçoivent le grade de sergent, d'autres de capitaine.

Page 9859

  1   C'est un officier de réserve. Il y en a qui sont affectés à la réserve de

  2   la police, et moi, du temps de la Yougoslavie, je faisais partie de la

  3   police de réserve. C'est là que j'étais censé aller, mais si on était resté

  4   dans le cadre de la Yougoslavie. Vous savez, quand vous faites votre

  5   service militaire, après on vous dit où vous devez servir en cas de guerre.

  6   Voilà.

  7   Q.  Bien. Moi, j'affirme que M. Maricic, pour lequel vous dites qu'il était

  8   votre commandant, que son commandant au niveau de la brigade était M. Mirko

  9   Uzelac, et ce que je suis en train de vous montrer, c'est un rapport que le

 10   lieutenant-colonel Uzelac a envoyé au quartier général principal de l'armée

 11   serbe de la Krajina le 25 août 1995, rapportant tout ce qui s'est passé

 12   pendant l'opération Tempête.

 13   M. MISETIC : [interprétation] Je vais vous demander de regarder la page 3

 14   en anglais.

 15   Q.  A peu près au milieu de la page, on parle de la date du 4 août, et on

 16   dit : "A 18 heures 30, j'ai reçu l'ordre du commandement de me rendre au

 17   poste de commandement." Il s'agit du quartier général principal. "Il

 18   fallait que je vienne assister à une réunion qui devait avoir lieu à 20

 19   heures le 4 août 1995."

 20   Ensuite, deux paragraphes plus loin, on peut lire : "A 19 heures, nous

 21   avons reçu des organes du pouvoir l'information qu'il était nécessaire de

 22   procéder à l'évacuation de la population. On transmet cette information aux

 23   personnes chargées de l'évacuation."

 24   Est-il possible, Monsieur, que quand vous parliez avec M. Maricic, qu'il

 25   vous a dit qu'il fallait vous retirer, que c'était à peu près vers 19

 26   heures le 4 ?

 27   Monsieur Gusa, cela ne figure pas dans le document que vous avez sous les

 28   yeux. C'est sur l'écran que vous avez devant vous.

Page 9860

  1   La question que je vous ai posée, Monsieur, était comme suit : "Est-il

  2   possible que votre commandant Maricic vous a dit qu'il fallait que vous

  3   vous retiriez et qu'il a fait cela vers 19 heures le 4 août ?

  4   R.  Oui, c'était autour du 18 heures 30, 19 heures. Il avait été dans le

  5   village, et il est resté là jusqu'à ce que tout le monde se retire. Il nous

  6   a dit qu'il n'y avait rien à faire dans le village encore et qu'il fallait

  7   qu'on parte tous.

  8   Q.  Ensuite, l'information suivante parle de la réunion qui a eu lieu à 20

  9   heures, la réunion avec le général Mrksic dans le quartier général

 10   principal de Knin, et là vous avez une phrase qui commence comme suit :

 11   "Il" - et là on fait référence à M. Mrksic - "a donné l'ordre que la zone

 12   de responsabilité du corps d'armée…"

 13   M. MISETIC : [interprétation] Et là, je vous prie de passer à la page

 14   suivante en anglais.

 15   Q.  "… soit réduite, et que les zones de responsabilité des brigades soient

 16   réduites en tenant compte de la situation. J'ai réagi en disant au

 17   commandant que la 92e Brigade motorisée tenait ses positions de combat avec

 18   beaucoup de succès, qu'il n'y avait pas d'Oustachi dans notre zone de

 19   responsabilité."

 20   Voici la question que je veux vous poser : jusqu'au territoire de Gornji

 21   Zemunik et de la 92e Brigade motorisée de Benkovac, est-ce que le

 22   lieutenant-colonel Uzelac a raison quand il dit que "jusqu'à 20 heures le 4

 23   août, l'armée croate n'avait aucun succès dans ce territoire" ? Est-ce que

 24   vous savez cela ? Est-ce que vous étiez au courant ?

 25   R.  Qu'est-ce que vous voulez que je sache ? Vers 5 heures, comme je l'ai

 26   déjà dit, ils étaient déjà dans ce village avant que la nuit commence, je

 27   parle de l'armée croate. Donc ils sont entrés dans notre village, ils ont

 28   commencé à incendier tout de suite, et ils peuvent en être fiers. On peut

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  1   le voir encore aujourd'hui. Ils peuvent y aller. Ils peuvent aller visiter

  2   cela, parce qu'ils n'ont pas reconstruit plus qu'une dizaine de maisons.

  3   Donc on peut les voir, ces maisons, c'est très joli pour les touristes. Les

  4   touristes peuvent voir ce qu'ils ont fait.

  5   Q.  On va voir ce qui figure à la fin de la page en anglais, et ce qui est

  6   écrit pour 23 heures : "Avant 23 heures le 4 août, d'après les rapports des

  7   subordonnés, nous avions une personne de tuée, quatre personnes de

  8   blessées. Toutes les lignes sont stables."

  9   Ensuite, à 24 heures : "J'ai été appelé par le commandant de la 3e PBR,

 10   Djurica, pour me dire qu'il était en train de se retirer vers la ligne de

 11   réserve jusqu'à Benkovac.

 12   "Et je ne l'ai pas autorisé de retrait avant que les derniers civils ne

 13   sortent."

 14   Est-ce que vous aviez le droit de vous retirer de Zemunik Gornji avant que

 15   tous les civils ne se retirent ?

 16   R.  Il a fallu rassembler de la nourriture. On s'est dit qu'on allait aller

 17   jusqu'à Benkovac, peut-être qu'ils allaient s'arrêter parce que cela ne va

 18   pas être facile de nous chasser tous.

 19   M. MISETIC : [interprétation] Je vais vous demander de passer à la page

 20   suivante, s'il vous plaît.

 21   Q.  "A 14 heures 15, j'ai donné l'ordre que les unités se préparent pour se

 22   retirer vers les lignes de réserve, que tout le matériel soit ramassé, le

 23   matériel technique devait être examiné et il fallait tenir les hommes sous

 24   un commandement ferme."

 25   Si l'on regarde aujourd'hui ce qui est écrit à 6 heures : "A 6 heures, les

 26   Oustachi sont en activité à Benkovac et dans la zone de responsabilité de

 27   la brigade. Puisque toutes les unités du 3e BPR sont parties bien avant en

 28   direction d'Ervenik, j'ai ordonné le retrait de toutes les unités en

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  1   direction de Debelo Brdo-Bukovici Gaj, et du village de Bruska."

  2   Ensuite, ce qui est écrit au-dessous du sceau rond, des archives militaires

  3   de Belgrade, on peut lire : "J'ai demandé à la base de suivre la citerne en

  4   direction de Bukovic, Bruska, Medvedje.

  5   Dans votre déclaration, Monsieur, vous dites - c'est la déclaration de 1997

  6   dans le paragraphe 9 - vous dites que vous vous êtes dirigé en direction de

  7   Bukovic : "En arrivant là-bas à 3 heures le 5 août, vous avez vu que votre

  8   famille n'y était plus."

  9   Le colonel Uzelac a dit qu'à 2 heures 15 il a ordonné le retrait des

 10   unités, et au-dessous, il dit qu'on avait ordonné le retrait des unités en

 11   direction de Debelo Brdo-Bukovic Gaj et le village de Bruska.

 12   Est-il vrai que vous êtes parti en direction de Bukovic Gaj parce que votre

 13   commandant vous a ordonné de vous retirer dans cette direction ?

 14   R.  Il y a beaucoup de tout ça dont je ne me souviens pas.

 15   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président --

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 17   Je vais essayer de reposer la question. Monsieur, est-ce que vous êtes allé

 18   à Bukovic sur votre propre initiative pour y retrouver votre famille

 19   simplement; ou aviez-vous reçu l'ordre de battre en retraite, vos

 20   supérieurs vous ont-ils ordonné de battre en retraite dans la direction de

 21   Bukovic ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était ma volonté personnelle, autonome.

 23   C'est tout seul que j'ai décidé cela. Et d'ailleurs, je n'ai vu personne.

 24   Comme je l'ai déjà dit, je suis allé là-bas et je n'ai pas pu trouver les

 25   enfants qui étaient déjà partis, qui avaient déjà déserté l'endroit et

 26   avaient été amenés au bon endroit.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ils [comme interprété] sont allés là-

 28   bas en compagnie d'autres membres de votre unité ?

Page 9863

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, j'étais tout seul. Je suis parti tout

  2   seul. Je suis tombé sur cet homme, Urnjak, et c'est tout ce que j'ai vu.

  3   Quoi d'autre ? Dès que nous nous sommes rencontrés, nous avons vu les

  4   Oustachi. Qu'est-ce que nous pouvions faire d'autre que fuir à ce moment-

  5   là.

  6   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

  7   versement au dossier de ce document avant la pause et j'informe les Juges

  8   que tous les documents sont désormais téléchargés dans le prétoire

  9   électronique, donc vous pouvez les voir.

 10   M. DU-TOIT : [interprétation] Pas d'objection.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document

 13   devient la pièce D828.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais demander à Mme l'Huissière

 15   d'accompagner le témoin hors du prétoire.

 16   Monsieur, nous allons maintenant faire une pause et nous retrouver dans une

 17   demi-heure environ. Veuillez suivre, Mme l'Huissière.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien. Merci.

 19   [Le témoin quitte la barre]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les parties pourraient-elles me donner

 21   une indication du temps dont elles auront besoin pour la suite des contre-

 22   interrogatoires.

 23   M. MISETIC : [interprétation] J'ai encore besoin d'une heure au maximum,

 24   une heure, une heure et demie, Monsieur le Président, sans doute moins,

 25   peut-être une heure.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc cela nous amène à midi.

 27   Maître Kay.

 28   M. KAY : [interprétation] Je n'aurai pas de questions, Monsieur le

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  1   Président.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic.

  3   M. MIKULICIC : [interprétation] Cela dépendra, bien sûr, de ce qui se

  4   passera au cours du contre-interrogatoire de Me Misetic, mais je n'en aurai

  5   pas pour plus de 30 minutes.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Ceci nous donne une

  7   indication. Donc deux heures au total.

  8   Bien. Nous faisons une pause et reprendrons nos débats à 11 heures.

  9   --- L'audience est suspendue à 10 heures 34.

 10   --- L'audience est reprise à 11 heures 04.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic, veuillez poursuivre.

 12   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Monsieur le Président, à titre d'information, je vous annonce que nous

 14   venons de transmettre à la Chambre une vidéo que nous aimerions faire

 15   diffuser. Nous l'avons communiquée à l'Accusation. C'est une vidéo qui

 16   montre des images du village de Zeminuk Gornji avant l'opération Tempête.

 17   Elle n'a pas de date, et pour le moment je voudrais vérifier si elle

 18   comporte une date.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Elle est arrivée. Je crois

 20   comprendre, Monsieur Du-Toit, que vous n'avez aucune objection.

 21   M. DU-TOIT : [interprétation] Nous ne l'avons pas encore vue, mais je vous

 22   fais confiance, Monsieur le Président.

 23   M. MISETIC : [interprétation] Pas de son nécessaire pour cette vidéo,

 24   Monsieur le Président, mais nous avons transmis la vidéo avec la bande-son

 25   à l'Accusation.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons baisser le son et donc

 27   les interprètes n'auront pas de problème.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Parfait.

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  1   Q.  Monsieur Gusa, j'aimerais vous montrer des images tirées d'une vidéo de

  2   la télévision de la RSK avant l'opération Tempête, qui montrent le village

  3   de Zeminuk Gornji. Ce ne sera qu'une séquence de cette bande vidéo, et je

  4   vous demanderais si vous reconnaissez le village, après quoi je vous

  5   poserai quelques questions.

  6   Mais d'abord, nous regarderons à peu près une minute de la séquence

  7   vidéo, qui commence au code temps 6 minutes à peu près, et va jusqu'au code

  8   temps 7 minutes.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   M. MISETIC : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Gusa, reconnaissez-vous ces lieux, les lieux qui sont montrés

 12   sur ces images ?

 13   R.  A peu près.

 14   Q.  Est-ce que vous avez vu cette image où on voit une personne qui porte

 15   ce qui ressemble à un lance-roquettes portable ?

 16   R.  Je ne suis pas sûr de l'endroit où cela se passait, mais je dirais que

 17   c'était peut-être à Goles.

 18   Q.  Goles est un hameau de Zemunik Gornji ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  L'endroit où on voit en fin de séquence les images d'une explosion,

 21   est-ce que cet endroit représentait les positions tenues par les Croates ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  Alors qu'est-ce qu'il y avait en face, de l'autre côté ?

 24   R.  Des maisons croates, je dirais, aux environs de Razici, et on voyait un

 25   seul homme qui s'appelle Alanjia [phon]. On l'appelait Gare. Je ne sais pas

 26   quel est son vrai nom. On l'appelait Gare. Il est de Dornji Zemunik. Je le

 27   vois là, sur les images.

 28   Q.  C'est ce lieu-là qui m'intéresse. Savez-vous ce qu'on voit à l'image

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  1   maintenant ?

  2   R.  Vraiment, je ne saurais vous le dire.

  3   M. MISETIC : [interprétation] Le lieu dont je parle pour le compte rendu

  4   d'audience se trouve au code temps, 6 minutes 20 secondes sur la vidéo.

  5   Monsieur le Président, je demande le versement au dossier de la vidéo

  6   1D47-0094. Pour l'instant, je ne demande le versement que de la séquence

  7   que nous avons vue. C'est sans doute préférable de lui donner un numéro MFI

  8   pour le moment, car l'Accusation peut demander à visionner des parties plus

  9   importantes de la vidéo.

 10   M. HEDARALY : [interprétation] Monsieur le Président, comme il n'y a pas de

 11   date, je n'ai pas d'information au sujet de la date, je ne sais pas quand

 12   la vidéo était tournée.

 13   M. MISETIC : [interprétation] Je vais vérifier, Monsieur le Président, si

 14   nous avons une date à communiquer.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. La séquence a été téléchargée sous

 16   ce numéro.

 17   M. MISETIC : [interprétation] Elle le sera.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Elle sera téléchargée et la vidéo

 19   intégrale, dites-vous -- non, vous dites qu'il est sans doute préférable de

 20   ne verser que la séquence pour le moment.

 21   M. MISETIC : [interprétation] Oui.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document

 24   devient la pièce D829, enregistrée aux fins d'identification.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette pièce conservera ce statut pour le

 26   moment.

 27   J'aimerais poser une autre question au témoin par rapport à la vidéo.

 28   Monsieur le Témoin, vous avez dit qu'apparemment les roquettes tirées par

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  1   le lance-roquettes multiples étaient tirées dans la direction de Rasici.

  2   Rasici, c'est un groupe de maisons, si je vous ai bien compris, un groupe

  3   de maisons habitées par des Croates ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, pas Rasici, Monsieur le Président.

  5   Excusez-moi. C'est Drazici. C'était un hameau croate. Il y avait là aussi

  6   deux ou trois maisons habitées par des Serbes dont le patronyme était Gusa,

  7   mais ils étaient entourés par des maisons habitées par des Croates dans ce

  8   hameau de Drazici. Sinon, il y a l'endroit qui s'appelle Goles.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est l'endroit d'où étaient tirées les

 10   roquettes; c'est bien cela ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les villages ou hameaux croates et la

 13   population mixte dont vous venez de parler se trouvaient-ils sur le

 14   territoire contrôlé par la République de Krajina serbe, ou se trouvaient-

 15   ils sur le territoire contrôlé par les forces croates à l'époque ?

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Les villages dont j'ai donné les noms étaient

 17   contrôlés par l'armée serbe, par la Republika Srpska.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qui signifie, par conséquent, que la

 19   roquette a été tirée à l'intérieur du territoire contrôlé par la RSK. Est-

 20   ce que ce que j'ai rapidement compris est exact ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître.

 23   M. MISETIC : [interprétation] Je demande que l'on revienne à la pièce D827.

 24   Page 5 du document, je vous prie, page 5 de la version anglaise qui

 25   correspond à la page 4 de la version que le témoin a sous les yeux.

 26   Q.  Ce document est une note officielle de l'entretien que vous avez

 27   accordé à la police croate de Zadar. Ici, en haut de page, nous lisons, je

 28   cite : "Rajko a laissé son fusil automatique près de la maison, où se

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  1   trouvait sa position. Il s'est changé, a ingéré quelques aliments et est

  2   parti pour Bukovic à bord d'un tandem pour y retrouver sa femme et ses

  3   enfants."

  4   Vous voyez ce passage ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Bien. On lit ici que vous êtes parti à bord d'un tandem en direction du

  7   Bukovic. Avec qui étiez-vous ?

  8   R.  J'étais seul et avec mon chien.

  9   Q.  D'accord. Pourquoi vous êtes-vous changé ?

 10   R.  Pardon ?

 11   Q.  Pourquoi avez-vous enlevé votre uniforme ?

 12   L'INTERPRÈTE : Réponse inaudible.

 13   M. MISETIC : [interprétation]

 14   Q.  Les interprètes n'ont pas entendu votre réponse. Pourriez-vous répéter,

 15   pourquoi avez-vous enlevé votre uniforme ?

 16   R.  Pour qu'on ne m'arrête pas, par hasard, et que ce ne soit pas encore

 17   pire. Mais enfin, ça dépendait. Ça dépendait des gens sur qui on tombait.

 18   Il y avait des gens, des vraies personnes et d'autres qui étaient de la

 19   partie d'en face, de l'autre côté. Ça dépendait de sur qui on tombait.

 20   Q.  Bien. Au milieu de ce paragraphe, on voit le nom de "Jovo Subotic" en

 21   lettres majuscules. Vous voyez ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  On lit ici que vous étiez en train de vous reposer quelques instants et

 24   que "Jovo Subotic, originaire d'Ervenik, les a rencontrés et qu'il leur a

 25   expliqué qui se trouvait dans le village, que le village était encerclé et

 26   qu'ils ne pourraient aller nulle part. Après cette conversation, ils ont

 27   décidé de rester sur place avec l'agrément de Jovo."

 28   Puis il est écrit que : "Pendant la journée, ils se cachaient dans la

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  1   forêt, que pendant la nuit ils venaient manger quelque chose. Le père de

  2   Jovo, prénommé Todor; et sa mère Marta, ainsi que son plus jeune fils

  3   Damir, vivaient avec Jovo dans cette maison. Ils ont continué à vivre dans

  4   cette maison tous ensemble jusqu'au 4 octobre 1995, date à laquelle le

  5   frère de Jovo, prénommé Bozo, qui résidait à Sibenik, les a dénoncés à la

  6   police."

  7   Alors, votre déclaration indique qu'un ami que vous aviez dans la police

  8   vous a aidé, ou en tout cas conseillé, de vous rendre. Dans le texte que

  9   nous avons ici sous les yeux, dans cette déclaration que vous avez faite à

 10   la police croate, vous dites que Todor et Marta et leur fils Bozo vous ont

 11   dénoncés à la police. C'est bien ça, n'est-ce pas

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Vous savez aussi dit que Bozo était à l'époque membre de la 113e

 14   Brigade de l'armée croate, n'est-ce pas ?

 15   R.  Je n'ai pas de certitude quant à ce qu'il était. Pendant toute la

 16   guerre, il a été de leur côté à Sibenik. En fait, il était policier

 17   d'active déjà avant, et ce Jovo -- ou plutôt, non, ce Bozo et cet Ivica

 18   étaient de bons amis. Je crois qu'il était originaire, je ne sais pas

 19   exactement d'où, mais enfin je crois qu'il vient des environs de Drnis. Il

 20   était très bien. Il s'est bien comporté.

 21   Ils  nous ont donné à manger, à boire, des cigarettes, des vêtements.

 22   Ils nous ont tout donné. Quand on a pris la route, ils nous ont donné tout

 23   un sac rempli d'objets, quand ils nous ont emmenés à Knin. Ils nous ont

 24   donné aussi des "kuna", de l'argent et des cigarettes, et ils nous ont dit

 25   de ne dire à personne qui nous avait donné tout cela. Voilà. C'est ça.

 26   Q.  D'accord. Donc, pendant que vous étiez dans la maison de Marta et de

 27   Todor, et voici ma question : saviez-vous qu'ils avaient un fils qui

 28   faisait partie de l'armée croate ?

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  1   R.  Quand on était là-bas, ils racontaient qu'ils avaient un fils Bozo à

  2   Sibenik, et qu'ils avaient un autre fils à Mali Losin [phon], qui est aussi

  3   du côté croate. Je ne sais pas quel est le prénom du deuxième, mais le

  4   premier, je sais que son prénom était Bozo, et lui, il a appris, je ne sais

  5   pas comment, peut-être par Belgrade, que sa mère et son père étaient restés

  6   là-bas avec le frère Jovo et le petit Damir, qui avait 12 ans.

  7   Quand ils sont arrivés, moi, je regardais ce qui se passait depuis la

  8   forêt où j'étais. J'ai tout vu. J'étais à 20 mètres à peine quand ils sont

  9   entrés dans la maison. J'étais caché derrière un buisson. La mère pleurait,

 10   et disait : "Ne fais pas ça, ne fais pas ça," et eux essayaient de la

 11   rassurer, et j'ai entendu leur conversation. Il a posé des questions au

 12   sujet du frère Bozo, et ils ont dit : "Il est quelque part dans la forêt,

 13   il se cache, et Damir aussi." Et quand on a demandé s'il y avait quelqu'un

 14   d'autre avec lui, elle a répondu qu'il y avait deux hommes bizarres.

 15   Puis la police a souhaité savoir comment nous étions arrivés là, si

 16   nous avions des uniformes ou des armes, et elle leur a dit que nous étions

 17   arrivés avec simplement un short sur le corps et un

 18   tee-shirt, sans aucun autre vêtement, et que nous n'avions que très peu de

 19   vivres sur nous, que nous n'avions aucun uniforme et pas d'armes. Et Ivica

 20   lui a en fait demandé si elle savait si nous étions dans la forêt et si on

 21   pouvait nous trouver là, et elle a dit qu'il pouvait aller nous chercher et

 22   nous dire qu'il n'y avait pas de raison d'avoir peur.

 23   Cette vieille femme qui était à moitié paralysée, elle marchait avec

 24   une canne, est venue nous retrouver. Elle nous a dit que Jovo et trois ou

 25   quatre hommes en uniforme et qui portaient des fusils de grande taille

 26   étaient arrivés dans la maison, mais qu'ils avaient dit qu'on pouvait venir

 27   sans problème.

 28   Qu'est-ce que je pouvais faire d'autre ? Il faisait affreusement

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  1   froid et j'ai dit que le mieux serait d'y aller pour voir ce qui allait se

  2   passer, car de toute façon ils pouvaient nous arrêter à tout moment. Il

  3   était donc mieux pour nous de nous rendre, car si quelqu'un nous attaquait

  4   dans la forêt, on pouvait nous dévaliser.

  5   Jovo avait peur, Slavko avait peur, mais j'ai dit : "Moi, j'y vais.

  6   J'ai un peu de courage." Le petit Damir m'a accompagné. Ils étaient assis

  7   sous un noisetier. J'ai vu ces hommes en uniforme qui portaient des fusils.

  8   Ils m'ont dit : "Il n'y a rien à craindre. Nous ne sommes pas des loups."

  9   Puis Jovo à ce moment-là a jeté --

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, une seconde. Une seconde, s'il

 11   vous plaît. Est-ce que c'est dans ces conditions que vous vous êtes rendus

 12   ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Ils se sont très bien comportés. Ils

 14   ont dit : "Nous ne sommes pas des animaux. Nous ne sommes pas des loups.

 15   Nous n'assassinons pas comme vous le pensez." Ils ont apporté de la viande,

 16   de la bière, des cigarettes. Ils nous ont donné tout ça et ils sont restés

 17   avec nous pendant deux ou trois heures à discuter. Jovo et Slavko sont

 18   arrivés une heure plus tard. Ils ont dit : "On parle avec vous, mais

 19   donnez-nous des renseignements exacts."

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gusa, si Me Misetic a besoin de

 21   détails complémentaires quant au déroulement exact de votre reddition, il

 22   vous posera des questions. Veuillez, je vous prie, écouter sa question

 23   suivante.

 24   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, je demande l'affichage

 25   du document 1D47-0052.

 26   Q.  Ce document, Monsieur Gusa, est une note interne de la 113e Brigade de

 27   Sibenik. Les deux premières pages sont une lettre d'accompagnement qui

 28   vient du commandant de cette brigade et qui s'adresse d'abord au

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  1   département des affaires juridiques de la région militaire de Split. Il y

  2   est question de mesures disciplinaires décidées contre Jovo Subotic.

  3   M. MISETIC : [interprétation] Je demande maintenant l'affichage de la page

  4   3 du document.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai entendu dire "Bozo Subotic,"

  6   alors qu'au compte rendu d'audience on lit "Jovo Subotic."

  7   M. MISETIC : [interprétation] Bozo, oui.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela risque de créer pas mal de

  9   problèmes.

 10   M. MISETIC : [interprétation] Oui, oui.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, c'est bien "Bozo" que vous ave dit

 12   ?

 13   M. MISETIC : [interprétation] Oui, et il y a une page supplémentaire dans

 14   la version croate.

 15   Q.  Donc nous lisons mesures disciplinaires. La date est celle du 26 août

 16   1995. Il est question d'une incarcération de 30 jours décidée par l'armée à

 17   l'encontre du soldat Bozo Subotic, fils de Todor, né le 15 janvier 1953,

 18   membre de la composante de réserve d'un peloton du 1er Bataillon

 19   d'infanterie de la 113e Brigade de Sibenik.

 20   Les motifs : "Le 19 août 1995, le soldat dont le nom figure ci-dessus,

 21   pendant l'exécution de diverses missions dans un entrepôt, s'est emparé

 22   d'un pistolet qu'il a pris à un employé en refusant d'avouer le crime en

 23   question. Après avoir été jugé, le soldat ci-dessus a reconnu avoir pris le

 24   pistolet, après quoi, des mesures disciplinaires lui ont été imposées.

 25   Puis il est question de diverses pièces à conviction qui sont

 26   énumérées dans ce document comme adressées à la police militaire.

 27   Alors, ce Bozo Subotic, fils de Todor, est en fait le Bozo Subotic

 28   que vous avez rencontré en octobre de cette année-là et qui vous a remis

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  1   entre les mains de la police, n'est-ce pas ?

  2   R.  Je ne sais pas s'il était incarcéré, mais je l'ai vu. Il est arrivé là.

  3   Il savait que je me trouvais là avec Slavko, et ils ont envoyé cette

  4   vieille femme nous demander si nous souhaitions nous rendre. Voilà ce qui

  5   s'est passé. Nous ne risquions rien aussi longtemps que nous étions sous

  6   son contrôle.

  7   Q.  D'accord.

  8   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

  9   versement au dossier de ce document.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Du-Toit ?

 11   M. DU-TOIT : [interprétation] Pas d'objection.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objection. Monsieur le Greffier.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document, Monsieur le Président,

 14   devient la pièce D830.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D830 est admise en tant

 16   qu'élément de preuve.

 17   J'aimerais, Monsieur, vous poser encore une question. Ce Bozo

 18   Subotic, quel était à peu près son âge ? Il avait à peu près le même âge

 19   que vous ou bien était-il plus âgé ou plus jeune ? Pourriez-vous me

 20   répondre ? Ce Bozo --

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Il avait à peu près le même âge que moi.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je vous remercie.

 23   Veuillez poursuivre, Maître Misetic.

 24   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   Q.  Monsieur Gusa, dans votre déclaration vous parlez de bétail qui a été

 26   pris à la maison Subotic. J'aimerais, dans un premier temps, vous poser une

 27   question : est-ce que vous savez comment ce bétail est arrivé chez les

 28   Subotic pour commencer ?

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  1   R.  Il s'agissait de leur bétail, et cela a dû se passer l'après-midi. Le

  2   bétail était en train de paître dans le jardin à Avli, et deux hommes qui

  3   sont arrivés. Moi, je me trouvais dans les bois, mais tout près. J'ai

  4   entendu un bruit. J'ai vu ces gens arriver. Ils ont amené du café à la

  5   vieille dame. En fait, il s'agissait de pilleurs.

  6   Ils ont demandé au vieil homme : "Est-ce que vous pourriez nous

  7   donner cinq ou six animaux ?" Il a dit : "Oui, bien sûr." Puis, l'autre a

  8   dit : "Non, non, non, on les prend tous." Donc ils ont tout pris, les

  9   moutons, ils ont pris environ 140 chèvres, donc tous les moutons, 140

 10   chèvres, une vache et son veau. Puis, il y avait une truie. Je suppose

 11   qu'ils n'ont pas voulu la prendre, cette truie ou ce cochon.

 12   Lorsqu'ils ont commencé à prendre avec eux la vache et le veau, la

 13   femme a commencé à crier, à hurler. Puis il y avait un troisième homme, un

 14   troisième homme qui se trouvait près du camion. Il a pris un fusil et il se

 15   trouvait à environ 3 mètres de cette femme. Il a fait feu, et pendant qu'il

 16   le faisait -- alors, très heureusement, il n'a pas atteint, il n'a pas

 17   touché la femme, puisqu'en fait la balle a fait un ricochet, ce qui fait

 18   que la balle a fini par atterrir contre la porte. Il y a un éclat du bas de

 19   la porte qui a touché la femme au niveau de la main.

 20   Lorsqu'ils sont partis, je me suis rapproché. J'ai vu que cette femme

 21   saignait. C'était une vieille femme. J'ai enlevé ce morceau de bois de sa

 22   blessure. Nous sommes partis en direction du bois. Ce sont des gens qui

 23   pillaient. Ils pillaient. Ils prenaient le bétail. En fait, ils prenaient

 24   tout ce qu'ils pouvaient, tout ce qui leur tombait sous la main, du bois de

 25   combustible, le foin, le fumier, enfin, tout ce qu'ils trouvaient.

 26   Q.  Monsieur Gusa, je vous pose la question : est-ce que vous savez si Bozo

 27   Subotic a amené ce bétail chez ses parents, et est-ce que vous savez si le

 28   même Bozo Subotic faisait partie des personnes qui ont pris ce bétail ?

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  1   R.  Non, non, ce n'était pas lui. C'était un groupe différent. Il n'était

  2   même pas chez lui ce jour-là. Son groupe d'ailleurs ne se trouvait pas là,

  3   son groupe à lui. Lorsqu'ils sont arrivés, lorsqu'ils sont venus nous

  4   chercher, Bozo n'était pas là. Ce n'est que le troisième jour, lorsque nous

  5   avons dit que nous allions nous rendre, c'est là qu'il nous a dit : "Non,

  6   non, non, il vaut mieux que vous vous cachiez. Nous viendrons vous prendre,

  7   ensuite nous demanderons à notre commandement - nous verrons en fait quel

  8   est le but, puis nous vous conduirons à Sibenik ou à Knin.

  9   En fait, ils sont revenus. Ils sont revenus le deuxième ou le

 10   troisième jour. C'était samedi, c'était un samedi. Ils ont amené des

 11   vivres. Ils nous ont amené à boire. Ils nous ont amené des cigarettes. Nous

 12   avons commencé à parler. Puis ils nous ont dit qu'ils ne pouvaient pas nous

 13   emmener à Sibenik. Ils nous ont dit qu'on leur avait dit de nous conduire à

 14   Knin, mais comme c'était un samedi, ils n'allaient le faire que le lundi,

 15   parce qu'il y avait beaucoup de personnes là-bas qui n'étaient pas

 16   officiers, qui n'étaient pas des commandants, qui n'avaient pas de pouvoir.

 17   Ils ont dit : "Il y a peut-être quelqu'un qui commencera à vous rouer de

 18   coups, donc ce serait peut-être mieux que nous revenions lundi et que nous

 19   venions vous chercher lundi." Ils nous ont dit : "Soyez prêts, soyez prêts

 20   à 6 heures, mais n'oubliez pas de vous cacher jusqu'à ce que nous revenions

 21   et jusqu'à ce que la femme vous dise qu'il s'agit bien de nous."

 22   C'est ainsi que les choses se sont passées. Finalement, ils sont

 23   venus à 9 heures. Ils sont venus avec un camion, à bord d'un camion. Dans

 24   le camion se trouvaient une trentaine ou 35 cochons qui pesaient chacun

 25   entre 120 et 140 kilogrammes. Ils ont chargé les cochons dans les camions

 26   et ils nous ont demandé de les aider. D'ailleurs nous les avons aidés à

 27   faire ceci. Cela nous a pris deux à trois heures. Après nous nous sommes

 28   assis sous le noyer. Nous nous sommes restaurés, nous avons bu, nous avons

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  1   fumé une cigarette. Ils ont appelé Knin. Alors il y a des hommes qui sont

  2   venus avec deux voitures depuis Knin et qui sont venus nous chercher. Donc

  3   ils sont venus dans deux voitures, à raison d'un chauffeur par voiture.

  4   Je me trouvais dans l'un des véhicules et Slavko se trouvait dans

  5   l'autre. Et Bozo -- non, non, non, je m'excuse. En fait, Bozo, il est

  6   resté, lui. Mais on nous a conduits à Knin. Et en chemin, l'homme qui

  7   conduisait ma voiture, enfin, la voiture où je me trouvais, m'a dit : "Tu

  8   veux  une cigarette ? Bien, voilà, tu peux fumer une cigarette, en voilà

  9   une."

 10   Q.  Je vous remercie, Monsieur Gusa.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Je souhaiterais, Monsieur le Greffier, que

 12   l'on affiche à nouveau la pièce D827. Est-ce que la page 6 de la version

 13   anglaise pourrait être affichée. Voilà, c'est la page qu'il me faut.

 14   Q.  Vous voyez, il y a un paragraphe qui commence comme suit : "Il

 15   n'a pas fourni de nombreux détails eu égard aux crimes contre l'humanité et

 16   contre le droit international…" --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De quel paragraphe s'agit-il ?

 18   M. MISETIC : [interprétation] C'est le premier paragraphe dans la version

 19   anglaise --

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 21   M. MISETIC : [interprétation] -- et cela correspond au troisième paragraphe

 22   de la version B/C/S.

 23   Q.  Mais -- il est indiqué que vous avez indiqué ce qui suit : "Il a

 24   entendu que l'attaque avait été exécutée par l'ancienne JNA et les

 25   réservistes venant des villages avoisinants et parmi ces personnes il y

 26   avait plusieurs habitants de Zemunik Gornji."

 27   Voilà ce que vous avez également dit : "Ce qu'il sait, et il

 28   l'affirme avec certitude, c'est que Stevo Maricic a tué Stura Bozo et

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  1   Draginja ainsi que trois femmes dont le nom de famille était Brkic, et il a

  2   par la suite avoué avoir tué quatre autres personnes qui n'étaient pas

  3   connues de Rajko et qui étaient probablement de Skabrnja."

  4   J'aimerais savoir ce qui suit : Stevo Maricic, est-ce qu'il était de

  5   Zemunik Gornji ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Et vous saviez que beaucoup d'habitants de Zemunik Gornji ont participé

  8   aux pillages et aux exécutions, assassinats et incendies qui se sont

  9   déroulés entre l'année 1991 et l'année 1995. Vous saviez cela, n'est-ce pas

 10   ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  En fait, au paragraphe suivant, voilà ce qui est dit : "Il connaît les

 13   noms des personnes qui ont le plus participé aux pillages et à l'incendie

 14   de maisons de Croates expulsés, et il a notamment mis l'accent sur les

 15   personnes suivantes…"

 16   Si vous prenez, par exemple, il s'agit des noms que vous avez

 17   énumérés, Erceg Rajko. Voilà ce qui est dit : "Cet homme est le diable lui-

 18   même. Il a brûlé et pillé à Zemunik Gornji."

 19   Il brûlait et pillait des maisons croates, n'est-ce pas, à Zemunik

 20   Gornji ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Et pour Erceg Ljuban, vous dites, il est indiqué : "D'après ce que sait

 23   Rajko, il n'a pas été mobilisé et s'est occupé pendant toute cette période

 24   à vendre des biens volés."

 25   Est-ce que cela est exact ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Javor Drago : "Juste avant le début de la guerre, il conduisait un

 28   camion de type Mercedes qui appartenait à la société PK Zadar, qu'il a par

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  1   la suite utilisé pour transporter des biens volés."

  2   Est-ce bien cela ?

  3   R.  Oui.

  4   M. MISETIC : [interprétation] Si vous prenez la page suivante en version

  5   anglaise.

  6   Q.  Vous voyez ce qui correspond à Erceg Slobodan, voilà ce qui est

  7   dit : "A récupéré des tracteurs, des voitures, du bétail et des

  8   moissonneuses-batteuses et les a revendus à des prix défiant toute

  9   concurrence.

 10   "Pour ce qui est du pillage des biens des Croates expulsés, il a

 11   indiqué qu'il y avait de nombreux objets qui ont été transportés en Bosnie

 12   et en Serbie, et même en Monténégro, où ils étaient vendus à des prix très

 13   bas. Les pilleurs ont placé ces biens quelque part en Serbie au cas où ils

 14   auraient dû s'enfuir de Croatie."

 15   Vous vous souvenez avoir dit tout cela à la police de Zadar ?

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Vous semblez détenir de nombreux renseignements à propos des pillages

 18   dans cette zone. Peut-on dire qu'en 1995, les foyers des Croates dans le

 19   secteur où vous résidiez avaient été complètement pillés ?

 20   R.  Oui, ces foyers ont été complètement pillés, détruits, incendiés. Il

 21   n'y a pas une seule maison, en fait, qui était intacte, et je peux vous

 22   dire que je vous dis la vérité.

 23   Q.  Mais vous comprenez que lorsque certaine de ces personnes qui avaient

 24   été expulsées sont revenues et lorsqu'elles se sont rendu compte qu'elles

 25   ne trouvaient plus leurs biens et leurs propriétés, à leur tour, elles ont

 26   commencé à prendre des biens dans les foyers de vos voisins qui étaient

 27   Serbes, n'est-ce pas ?

 28   R.  Ils n'ont pas pu le faire chez nous. Mais ce qu'ils ont fait, c'est

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  1   qu'ils ont brûlé les maisons immédiatement. Et je dois dire qu'il

  2   s'agissait de réfugiés, c'étaient mes voisins, c'étaient de braves gens. Et

  3   je peux vous dire -- je suis sûr que si eux étaient revenus, ils n'auraient

  4   pas incendié notre maison, c'était d'autres personnes, j'en suis absolument

  5   sûr et certain. Je suis sûr que ces personnes, mes voisins, n'ont pas mis

  6   le feu à des maisons serbes, même si tout le village a été réduit en

  7   cendres. Mais les voisins c'étaient véritablement de braves gens.

  8   Q.  Bien. Nous allons passer à un autre sujet, Monsieur Gusa. Est-ce que

  9   vous savez si le capitaine Dragan avait un camp d'entraînement dans la zone

 10   de Bukovic ?

 11   R.  Non, je ne pense pas que cela se trouvait à Bukovic, d'après ce que je

 12   sais, cela se trouvait à Bruska.

 13   Q.  Mais est-ce que Bruska se trouve dans la zone de Bukovic ?

 14   R.  Je pense que les deux se trouvent dans la même municipalité, mais ce

 15   n'était pas très proche de Bukovic. Il y avait à la fois des Serbes et des

 16   Croates dans ce village, mais la majorité était quand même Croate. Mais je

 17   ne suis jamais allé là-bas, je n'y suis jamais allé avant la guerre et je

 18   n'y suis jamais allé pendant la guerre. Je sais tout simplement plus ou

 19   moins où ce village se trouve, parce qu'il y avait également des gens qui

 20   travaillaient avec moi et qui étaient originaires de Bruska, c'étaient des

 21   Croates.

 22   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, je souhaiterais que la

 23   pièce 1D47-0047 soit affichée. Première page pour la version croate -- ou

 24   plutôt page 2. Je m'excuse.

 25   Q.  Il s'agit d'une analyse menée à bien par le service du

 26   Renseignement, vous voyez, le 9 février 1995.

 27   C'est le deuxième paragraphe de la version croate qui m'intéresse --

 28   oui, c'est ça il s'agit bien du deuxième paragraphe.

Page 9881

  1   Vous voyez ce qui est écrit : "La 92e Brigade motorisée effectue la défense

  2   le long de la ligne de l'axe suivant : Novigradsk More-Pridraga-Paljuv-

  3   Drace-Zemunik Gornji.

  4   M. MISETIC : [interprétation] Et si nous pouvons passer à la page 4 --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic, la deuxième page n'a

  6   pas été affichée en anglais.

  7   M. MISETIC : [interprétation] Non, tout se trouve sur une seule et même

  8   page. Nous avons effectué une traduction très rapide parce que nous n'avons

  9   pas besoin de l'intégralité du document --

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois.

 11   M. MISETIC : [interprétation] -- en fait, c'est la deuxième page -- ou la

 12   quatrième page qui est importante pour cette analyse.

 13   Q.  Et là, vous voyez qu'il est indiqué, "Redéploiement d'une

 14   compagnie mécanisée blindée, dix chars T-55 et quatre BOV, véhicules

 15   blindés de combat, qui ont été trouvés dans la caserne de Benkovac dans la

 16   zone de Bukovic Gaj, et une section mécanisée blindée dans la zone de

 17   Mehani [phon].

 18   J'aimerais savoir si à Bukovic, Monsieur, il y avait juste avant

 19   l'opération Tempête des compagnies mécanisées blindées.

 20   Oui, Monsieur ?

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gusa, pourriez-vous répondre à

 22   la question qui vous a été posée ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Quelle est cette question ? Est-ce que vous

 24   pourriez répéter votre question ?

 25   Q.  Est-ce qu'il y avait des unités mécanisées blindées à Bukovic avant

 26   l'opération Tempête ?

 27   R.  Je n'en sais absolument rien. D'ailleurs je ne comprends pas ceci et je

 28   n'en sais rien.

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  1   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que cette pièce pourrait être

  2   enregistrée, et je souhaiterais demander son versement au dossier.

  3   M. DU-TOIT : [interprétation] Je dois dire qu'en regardant la version

  4   B/C/S, je ne vois pas de signature du document. Hormis ceci, je n'ai pas

  5   d'objection.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pourriez le faire dans le système

  7   électronique, Monsieur Du-Toit ?

  8   Je dois dire que lorsque l'on voit le document original, c'est un peu

  9   surprenant, Maître Misetic. Il a été dit qu'il s'agissait d'un document de

 10   quatre pages, la dernière page -- non, je vois que l'on voit au bas de la

 11   dernière page que vous avez le chiffre 5.

 12   Donc vous avez les pages 1 à 4, puis 5. C'est un peu surprenant --

 13   M. MISETIC : [interprétation] Je vérifierai tout cela pendant la prochaine

 14   pause. Parce que je ne vois pas ce qui s'est passé.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. La première page semble  être la

 16   page de garde, mais en plus vous avez la page 1, puis la page 4, puis la

 17   page 5.

 18   M. MISETIC : [interprétation] Je vérifierai tout cela.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc je suppose que nous allons

 20   l'enregistrer aux fins d'identification pour le moment en attendant que

 21   vous expliquiez cela.

 22   M. MISETIC : [interprétation] Oui, tout à fait.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce enregistrée aux

 25   fins d'identification, pièce D831.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon, nous attendrons vos

 27   explications.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Je souhaiterais que la pièce

Page 9883

  1   1D-47-0088 soit affichée à l'écran, Monsieur le Greffier.

  2   Q.  Monsieur Gusa, il s'agit de l'itinéraire approximatif que vous avez

  3   emprunté, d'après votre déclaration de témoin.

  4   R.  Oui, je vois tout cela.

  5   Q.  J'aimerais savoir si la ligne jaune reprend exactement l'itinéraire que

  6   vous avez parcouru. Est-ce que cette ligne suit cet itinéraire ?

  7   R.  Oui, oui.

  8   Q.  Si vous regardez Benkovac, vous voyez la ligne blanche qui descend vers

  9   Kistanje sur la carte, ensuite à partir de Kistanje, elle se poursuit en

 10   direction de Knin ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Il s'agit de la route principale entre Benkovac et Kistanje, ensuite la

 13   route qui va vers Knin ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Je ne sais pas si vous savez ceci, mais la ligne rouge correspond aux

 16   principales positions de combat de l'armée de la République de la Krajina

 17   serbe le 3 août 1995; c'est cela ?

 18   R.  Je ne sais pas si cette ligne rouge correspond aux positions. Je ne

 19   sais pas grand-chose.

 20   Q.  Est-ce que vous voyez Zemunik Gornji dans le coin supérieur gauche ?

 21   R.  Oui, je le vois.

 22   Q.  Est-ce qu'il est indiqué à juste titre que la ligne, fondamentalement,

 23   passe par Zemunik Gornji ?

 24   R.  Oui.

 25   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que la page suivante pourrait être

 26   affichée, je vous prie.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'est-ce que cela signifie lorsque vous

 28   dites "la ligne passe directement" ?

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  1   M. MISETIC : [interprétation] Je n'essayais pas de --

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Mais on a l'impression qu'il y a

  3   certaines maisons et certains immeubles qui se trouvaient un peu vers le

  4   nord. Ce n'est pas très clair, c'est un peu flou, en fait.

  5   Poursuivez.

  6   M. MISETIC : [interprétation]

  7   Q.  Sur cette carte, nous avons mis les distances approximatives entre

  8   l'endroit où vous vous trouviez. Zmistak c'est l'endroit où vous nous avez

  9   dit que vous vous trouviez, jusqu'à Biovicino Selo, ensuite Kistanje. Cela

 10   correspond à ce que vous avez dit dans votre déclaration.

 11   Il y a environ à vol d'oiseau 13 kilomètres entre Zmistak et

 12   Kistanje, 13, 15 kilomètres; c'est exact ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Vous nous avez dit ce que vous avez vu à Kistanje, et cela, vous l'avez

 15   vu à une distance de 13 kilomètres; c'est cela ?

 16   R.  Je ne sais pas s'il s'agit de 13 kilomètres, mais c'était assez loin,

 17   bien que l'on puisse voir les choses brûler, surtout la nuit. Avec la nuit,

 18   on pouvait voir les lueurs des flammes, parce que nous nous nous trouvions

 19   sur une colline, donc nous voyions tout cela de très haut.

 20   Q.  Vous avez également dit que vous avez vu des soldats dans des camions

 21   sur la route entre Benkovac et Kistanje.

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Donc ce que vous avez vu, en fait, c'est des voitures sur cette route,

 24   et ce, à une distance de 13 kilomètres, voire plus ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Monsieur le Président, je souhaiterais demander le versement au dossier

 27   de cette pièce.

 28   M. DU-TOIT : [interprétation] Pas d'objection.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur le Greffier.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D832.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D832 est versée au dossier.

  4   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

  5   souhaiterais que la pièce 1D47-0092 soit affichée maintenant.

  6   Q.  Il s'agit d'Ervenik où vous vous trouviez avec tous les hameaux. Est-ce

  7   que vous reconnaissez les noms des hameaux

  8   d'Ervenik ?

  9   R.  Oui. Kistanje, Kolasac, Biovicino Selo, Djevrska. Oui, ce sont des noms

 10   que je connais. Je connais ce secteur, effectivement. Et un peu plus près

 11   vous avez Medvedje, Bruska, et cetera. Oui, ça se trouve dans ce secteur.

 12   Q.  Oui, mais ce que j'aimerais savoir -- vous avez parlé de maisons qui

 13   ont brûlé à Ervenik. J'aimerais savoir si vous serez en mesure de nous dire

 14   pour tous ces hameaux, est-ce que vous pourriez nous dire dans quel hameau

 15   est-ce que les maisons ont été

 16   incendiées ?

 17   R.  A Ervenik, le hameau de Subotici; puis Brekici, ça, c'est aussi le nom

 18   de famille d'une famille; puis dans le centre de ce hameau il y avait une

 19   école. Tout cela a été brûlé et pillé d'ailleurs également aussi.

 20   Puis Kistanje, puis toute cette zone, cela était complètement

 21   incendié. Et je pense que d'ailleurs rien n'a été fait jusqu'à nos jours

 22   pour reconstruire cela. Il y a des Croates du Kosovo qui ont emménagé là et

 23   qui vivent dans ce secteur de Kistanje, et qui vivent dans ce qui n'a pas

 24   été brûlé, d'ailleurs. Il s'agit d'un endroit autour de Kistanje et

 25   Djevrska.

 26   Pour ce qui est de Knin, Knin n'a pas été détruit, Knin n'a pas été

 27   incendié. C'est là où habitent le Croates maintenant.

 28   Q.  Nous parlons d'Ervenik, Monsieur. Vous avez identifié Subotici. Vous

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  1   nous avez donné un autre nom de hameau. Quel était ce nom ?

  2   R.  Il y avait également le hameau de Travica. Là il y avait des Croates

  3   qui habitaient là-bas. Pour ce qui est de Subotici et de Brekici, il s'agit

  4   de villages d'Ervenik. C'étaient des hameaux très proches. Je dois dire que

  5   c'est là qu'ils ont le plus souffert des incendies. Moi, je me suis trouvé

  6   dans ce secteur pendant quasiment deux mois. C'est tout le temps j'ai passé

  7   dans ce secteur.

  8   Q.  Bien.

  9   M. MISETIC : [interprétation] Je souhaiterais que la pièce P66 soit

 10   affichée, Monsieur le Greffier, et -- oui, oui, bien entendu. Je

 11   souhaiterais que cela soit enregistré et versé au dossier.

 12   M. DU-TOIT : [interprétation] Pas d'objection.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela deviendra la pièce D833.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. La pièce D833 est

 16   versée au dossier.

 17   Maître Misetic, vous avez dit un peu plus tôt que le témoin avait identifié

 18   ou avait reconnu Subotici, et je vois qu'il y a quelques hameaux qui

 19   figurent deux fois.

 20   M. MISETIC : [interprétation] Oui, mais c'est parce que Subotici va jusqu'à

 21   ces deux hameaux.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ça ne va pas dire qu'ils sont

 23   séparés, ces deux hameaux. Ils sont liés en quelque sorte. Ça prête un peu

 24   à confusion, parce que vous dites le secteur de Subotici, c'est ça, il

 25   couvre ces deux hameaux; c'est cela ?

 26   M. MISETIC : [interprétation] Oui, oui, tout à fait.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 28   M. MISETIC : [interprétation] A présent, je vais demander que le greffier

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  1   nous montre le document P66, et la page 9 de ce document.

  2   Q.  Monsieur Gusa, c'est un tableau qui a été préparé au mois d'octobre

  3   1995 par les observateurs militaires des Nations Unies. Si l'on examine les

  4   tableaux pour Ervenik et tous les hameaux, le seul hameau mentionné comme

  5   hameau qui a subi des dégâts, c'est le hameau que vous venez de mentionner,

  6   à savoir Subotici.

  7   M. MISETIC : [interprétation] Pourriez-vous nous montrer la page 9 en

  8   anglais.

  9   Q.  Ici, Subotici est le huitième hameau à partir d'en bas. On peut voir

 10   qu'au mois d'octobre 1995, les observateurs des Nations Unies ont noté les

 11   chiffres, et on peut voir qu'il y a une maison qui a été entièrement

 12   détruite à Subotici, et il y en a quatre qui ont été partiellement

 13   détruites.

 14   Est-ce que cela correspond à ce dont vous vous souvenez ?

 15   R.  Il y en avait plus, parce qu'il y avait des boutiques aussi, des fonds

 16   de commerce qui ont été détruits ainsi que l'école.

 17   Q.  Est-ce que vous savez si ces commerces avaient été brûlés avant

 18   l'opération Tempête ou après ?

 19   R.  Après. Ce n'est pas possible qu'on les ait brûlés avant parce que c'est

 20   nous qui contrôlions ce territoire. C'est à partir du moment où ils nous

 21   ont chassés qu'ils ont incendié tout cela, quand ils essayaient d'expulser

 22   les Serbes.

 23   Q.  Tout à l'heure vous avez mentionné les maisons des Croates à Gornji

 24   Zemunik qui avaient été complètement détruites. Il y avait combien de

 25   Croates qui habitaient à Ervenik en 1991 ? Il y en avait combien qui

 26   habitaient là-bas ?

 27   R.  A Ervenik ? On ne peut pas dire qu'il y avait des Croates là-bas, mais

 28   il y en avait dans un hameau, le hameau de Travica. C'est à peu près à 3 ou

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  1   4 kilomètres de là, en direction de Kistanje ou Knin. C'est là qu'il y

  2   avait des Croates, mais pas à Subotici. Vous aviez Subotici le haut, que

  3   l'on appelait les Tavani. C'est en direction de Bistak [phon]. Mais il n'y

  4   avait pas de Croates là-bas que je sache. Il n'y en avait pas. J'en suis

  5   sûr à Dubica Sor [phon] qu'il y avait des Croates, mais il y en avait moins

  6   que des Serbes. C'est dans un autre hameau.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic, est-ce que je peux

  8   vous poser une question. Les coordonnées que l'on voit ici, les cotes, est-

  9   ce qu'elles correspondent aux carrés, parce qu'on voit les cotes

 10   différentes pour Subotici, et dans votre carte on voit deux carrés.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Je vais vérifier cela. Mais si j'ai bien

 12   compris, là vous avez un carré qui correspond à la cote, puis ici vous en

 13   avez deux, parce que le village est plus grand. Sa superficie dépasse 1

 14   kilomètre sur 1 kilomètre.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que ces coordonnées sont

 16   mentionnées quelque part sur la liste ?

 17   M. MISETIC : [interprétation] Non.

 18   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 19   M. MISETIC : [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

 21   M. MISETIC : [interprétation] Maintenant, je voudrais demander la pièce

 22   1D46-007 [comme interprété].

 23   Q.  C'est un extrait de l'administration de la police de Zadar. On parle du

 24   fait que vous avez été reçu -- ce rapport est daté du 10 octobre 1995. On

 25   peut y lire que vous avez été placé en détention, parce que : "il y avait

 26   un avis de recherche de la police qui émanait de la même administration de

 27   la police, de Zadar et de Knin, en date du 27 octobre 1993, en vertu de

 28   l'article 1 de la Loi sur les crimes représibles [phon] de subversion et

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  1   des activités contre l'intégrité territoriale de la République de Croatie."

  2   Quand on vous a arrêté, on vous a dit qu'il y avait un avis de

  3   recherche vous concernant depuis 1993 ?

  4   R.  Il n'y avait pas d'avis de recherche depuis 1993. D'ailleurs, vous

  5   pouvez vérifier cela. Ils n'avaient pas de raison pour faire cela.

  6   Q.  Est-ce que vous comprenez que par le fait même que vous étiez un garde

  7   pour les autorités de la République serbe de la Krajina, vous étiez en

  8   train finalement de commettre un crime contre la République de Croatie ?

  9   R.  Mais non, c'est pas -- il faut se protéger.

 10   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande que cette

 11   pièce soit versée au dossier.

 12   M. DU-TOIT : [interprétation] Pas d'objection.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agit de la pièce D834.

 15   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, je vais vous demander

 16   de voir la pièce 1D47 --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez. J'essaie de comprendre cette

 18   question de Subotici.

 19   Monsieur le Témoin, à Subotici -- vous parlez de Subotici. Il y avait

 20   combien de familles serbes qui y habitaient ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un grand bourg, mais je ne saurais vous

 22   donner le nombre exact de maisons là-bas.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous savez s'il y avait plus

 24   d'une maison habitées par des Serbes là-bas ?

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais bien sûr que oui. Bien sûr. Il y en avait

 26   plusieurs, plusieurs foyers.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Misetic, c'est peut-être clair

 28   pour vous pourquoi je pose la question. J'essaie de lire les informations

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  1   sur la population, sur la gauche où on parle des maisons détruites.

  2   J'essaie de comprendre la réponse pour voir si on parle de la même

  3   chose quand le témoin parle de Subotici. Est-ce que c'est le même Subotici

  4   que ce que l'on voit sur la liste ? Je vois que sur la gauche on voit la

  5   population.

  6   Monsieur le Témoin, les maisons que vous avez vues, les maisons détruites,

  7   est-ce que, d'après ce que vous savez, est-ce que c'étaient les maisons des

  8   Serbes, les maisons des Croates ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] C'étaient les maisons des Serbes.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez vu combien de ces maisons qui

 11   étaient détruites ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Presque toutes ces maisons.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il y avait combien de maisons serbes de

 14   détruites ?

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Quatre-vingt pour cent, 80 %.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quatre-vingt pour cent. Cinq maisons,

 17   dix maisons, 40 maisons, 100 maisons ? Je dois comprendre la taille du

 18   village.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Pas mal de choses ont été détruites. J'ai vu

 20   une centaine de maisons au moins qui ont été détruites. En plus, ce qu'il y

 21   a autour des maisons, parce que moi, j'avais du temps, je me cachais dans

 22   le bois. J'ai été là dans le coin tout le temps en essayant de sauver ma

 23   tête.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand vous parlez d'une centaine de

 25   maisons, est-ce que vous parlez d'une centaine de maisons à Subotici ou

 26   dans une région au sens large, plus large que celle-ci ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, la région au sens large du terme, même à

 28   Travici. C'était un petit peu plus loin. On les voyait en train de

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  1   l'incendier. Mais là-bas vous aviez des Serbes et des Croates qui y

  2   habitaient.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si l'on se limitait à Subotici même, il

  4   y avait combien de maisons que vous avez vues détruites à Subotici ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y avait pas une seule maison où on

  6   pouvait emménager. Il y en avait pas mal, une vingtaine, une trentaine de

  7   maisons, dans le centre de Subotici.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

  9   Vous pouvez poursuivre, Monsieur Misetic.

 10   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, je voudrais demander de

 11   voir la pièce 1D47-0079.

 12   Je suis en train de lire les transcripts et je ne suis vraiment pas

 13   sûr qu'on parlait de 140. Ce n'est pas cela.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je lisais les colonnes 1, 2 et 4.

 15   J'ai dû dire "1, 2 et 4."

 16   M. MISETIC : [interprétation] Je vois.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous savez, on lit les lignes,

 18   ensuite il faut revenir. De toute façon, je n'aurais pas indiqué un

 19   chiffre.

 20   C'est tout à fait possible que j'aie parlé de "un" et "quatre," parce

 21   que vous avez dit qu'une maison était détruite et quatre maisons ont été

 22   endommagées. J'essaie de lire les informations sur la population sur la

 23   gauche où on parle des maisons détruites. Peut-être que je me suis référé

 24   sur ce qui figure à la première colonne où on parle d'une maison détruite

 25   ou à la quatrième où on parle de quatre maisons endommagées. En tout cas,

 26   je n'en suis pas sûr.

 27   M. MISETIC : [interprétation] Très bien, je comprends. Je comprends d'où

 28   vient la confusion.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je m'excuse.

  2   M. MISETIC : [interprétation]

  3   Q.  Monsieur Gusa, ceci est un extrait d'un journal. Ce n'est pas cela qui

  4   m'intéresse vraiment; c'est plutôt le document qui vient avec cet article

  5   où on voit la liste des personnes qui ont été libérées, amnistiées suite à

  6   la loi sur l'amnistie.

  7   M. MISETIC : [interprétation] Au niveau du chiffre 55.

  8   Q.  On voit votre nom, parce que vous avez apparemment profité de la

  9   promulgation de cette loi sur l'amnistie générale qui a été promulguée en

 10   Croatie au mois de septembre 1996.

 11   Est-ce que vous le saviez, au moment où vous avez été libéré en

 12   octobre 1996, que vous avez été libéré grâce à cette loi sur l'amnistie qui

 13   avait été votée dans le parlement croate ?

 14   R.  Je l'ai appris le jour où ils sont venus me voir pour me dire que

 15   j'étais libéré. Mais je me suis dit qu'ils allaient me libérer et je me

 16   suis dit qu'ils n'allaient pas me tuer, parce que j'ai été enregistré par

 17   les Nations Unies. Il ne fallait pas que je manque, parce qu'avant cela,

 18   ils pouvaient me tuer, avant que je sois enregistré. Parce qu'ils peuvent

 19   vous tuer comme un animal. Parce que toutes sortes de choses se sont

 20   produites à l'époque.

 21   Q.  A partir du moment où vous avez été libéré, est-ce que vous avez appris

 22   que vous avez été amnistié ?

 23   R.  Mais bien sûr que oui.

 24   M. MISETIC : [interprétation] Je demande que cette pièce soit versée au

 25   dossier.

 26   M. DU-TOIT : [interprétation] Pas d'objection.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ceci devient la

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  1   pièce D835.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D835 est versée au dossier.

  3   M. MISETIC : [interprétation]

  4   Q.  Monsieur Gusa, dans votre déclaration de 1997, vous dites que vous

  5   pouviez être contacté par l'organisation Veritas.

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Quel est le genre de contact que vous avez eu avec cette organisation,

  8   l'organisation Veritas ? Pourriez-vous nous expliquer cela ?

  9   R.  Je peux le faire. C'était Savo Strbac. Il est avocat, lui aussi. C'est

 10   lui qui travaille là-bas. Il est venu en Australie à deux reprises. Il est

 11   venu chez nous. Il est venu nous voir. Il est avocat et il travaille pour

 12   Veritas. C'est comme cela qu'ils m'ont fait venir en 1997 là-bas, dans le

 13   Tribunal de La Haye à Belgrade. J'y ai passé deux jours. J'ai été interrogé

 14   pendant deux jours, deux journées entières.

 15   Q.  Comment se fait-il que M. Strbac savait ce dont vous pourriez parler ?

 16   R.  C'est lui qui est responsable de toute cette question, des personnes

 17   portées disparues et tout cela. C'est son travail. Et quand on est arrivé

 18   de Croatie, quand on a été libérés, c'est lui qui nous a accueillis à

 19   Belgrade. Il avait sa résidence à Belgrade, au cinquième étage, dans la rue

 20   Fransisko, le numéro 4. C'est à Belgrade, tout près de l'ambassade de

 21   l'Australie.

 22   Q.  Vous avez été libéré de la prison, vous l'avez rencontré, et vous avez

 23   parlé de quoi exactement avec M. Strbac ?

 24   R.  On a parlé de tout, mais pour l'essentiel, du traitement qui m'a été

 25   réservé dans la prison, de comment on a été traité là-bas. Puis, il m'a

 26   demandé s'il voulait faire une déclaration, et qu'il allait faciliter cela,

 27   et que les Nations Unies pourraient éventuellement venir me rencontrer pour

 28   avoir un entretien avec moi; ils étaient prêts à venir à Belgrade. J'ai dit

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  1   qu'il n'y avait pas de problème.

  2   A l'époque, j'étais avec mes enfants. On était au Kosovo, à Prizren,

  3   à 700 kilomètres de Belgrade. Il m'a appelé à 9 heures du soir au

  4   téléphone. Je lui ai dit : "Je ne peux pas venir ce soir, il n'y a pas

  5   d'autobus." Il m'a dit : "Ce n'est pas grave, tu peux venir un jour plus

  6   tard." Je lui ai dit : "D'accord, pas de problème."

  7   Donc je me suis levé le matin, je suis parti à Belgrade, et quand je suis

  8   arrivé à Belgrade - j'ai une sœur qui habite là-bas - donc j'ai dormi là-

  9   bas. J'ai appelé Savo Strbac et je lui ai dit que je suis arrivé. Il m'a

 10   appelé et il m'a dit, Est-ce que tu peux venir untel jour me voir dans mon

 11   bureau ? J'ai dit que je pouvais, et donc je suis allé le voir. Il était

 12   là, et il y en avait un autre qui était avec lui, un gars qui travaille

 13   avec lui. Je ne le connaissais pas.

 14   Il m'a dit : "Asseye-toi, je vais arriver." Ils m'ont dit aussi "qu'ils

 15   allaient me conduire à Novi Belgrade et que les Juges de La Haye allaient

 16   m'accueillir là-bas et qu'il allait y avoir des interprètes." J'y suis

 17   allé, et c'est vrai, c'était comme cela.

 18   J'y ai passé deux jours à être interrogé. Ensuite, à nouveau, ils m'ont

 19   ramené, ils m'ont payé le voyage, l'hôtel, tout. On mangeait ensemble,

 20   autour de la même table, moi, les Juges et les interprètes; pendant les

 21   pauses évidemment. Et voilà, c'est tout.

 22   Q.  Et avant de venir --

 23   M. DU-TOIT : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre. Concernant

 24   l'adresse qui a été communiquée par le témoin à la page 63, ligne 24, peut-

 25   être faudrait-il expurger éventuellement cette adresse, parce que je dois

 26   contacter la personne pour voir si c'est une adresse qui peut être

 27   communiquée.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez, je vais vérifier cela.

Page 9896

  1   L'adresse que vous avez donnée à Belgrade, c'est l'adresse d'un bureau ou

  2   c'est l'adresse ou quelqu'un habite ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais non, c'est l'adresse de Veritas. C'est le

  4   bureau de Veritas. C'est un grand immeuble, et les bureaux se trouvent au

  5   cinquième étage. Je pense que c'est une institution d'Etat.

  6    M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, si c'est le bureau de Veritas à

  7   Belgrade, les locaux, je pense qu'il n'y a pas besoin de faire ce que vous

  8   avez demandé.

  9   M. DU-TOIT : [interprétation] Je suis d'accord.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Q.  Est-ce que vous avez rencontré M. Strbac avant de venir déposer ici ?

 13   R.  Non.

 14   Q.  Est-ce que vous lui avez parlé ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Vous lui avez parlé quand pour la dernière fois ?

 17   R.  Il y a un an, à peu près, quand il est venu en Australie. C'était dans

 18   le club des Serbes en Australie. Chaque nationalité a son club, et il est

 19   venu dans ce club. Je pense qu'il est resté un mois. On a eu des contacts.

 20   Q.  Su cours de ces contacts en Australie, vous parliez de quoi exactement

 21   ?

 22   R.  Rien de particulier, des questions, comment ça va, qu'est-ce que tu

 23   fais. On n'a pas parlé de ça, pas de cette affaire. Non, pas vraiment.

 24   Q.  Mais vous avez sûrement parlé de la possibilité de déposer en l'espèce

 25   ?

 26   R.  Bien, vous voyez, il m'a demandé si j'irais déposer à La Haye, et je

 27   lui ai dit : "Pourquoi pas ?" Puis, voilà, c'est tout ce qu'on s'est dit.

 28   Q.  Au cours de cet entretien, vous avez parlé du Procureur qui avait

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  1   besoin d'avoir quelques témoins au sujet du pilonnage, non ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Et M. Strbac a dit qu'il avait besoin d'avoir quelques témoins au sujet

  4   du pilonnage des civils ?

  5   R.  Strbac voulait qu'il y ait le plus de témoins possibles; qu'ils

  6   allaient venir à Belgrade, tout comme moi. Donc il y avait des gens de La

  7   Haye qui voulaient parler avec nous, surtout nous, les gens qui avons été

  8   emprisonnés. Donc il a appelé toutes les personnes pour lesquelles il

  9   savait qu'elles avaient été là pour savoir si on connaissait quelqu'un

 10   d'autre, et cetera.

 11   Q.  Bien. Mais je vous ai posé une question concrète : Vous avez parlé avec

 12   lui quand il vous a dit que c'était important de déposer au sujet du

 13   pilonnage des zones résidentielles habitées par les civils pour qu'il

 14   puisse prouver que les Serbes avaient fait l'objet d'un nettoyage ethnique

 15   ?

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Là, vous avez mis cinq éléments dans une

 17   même question. Je sais comment conduire un contre-interrogatoire.

 18   Monsieur, quand vous avez parlé avec M. Strbac, est-ce qu'il vous a dit :

 19   "Je veux que vous déposiez au sujet du pilonnage ou au sujet du mauvais

 20   traitement que vous avez subi dans la prison," ou de quoi ? Est-ce qu'il

 21   vous a dit de quoi il voulait que vous parliez, que vous déposiez à La Haye

 22   ? Est-ce qu'il vous a posé une question précise ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'a dit qu'il fallait que je dise la vérité

 24   au sujet du pilonnage et du traitement que j'ai reçu dans la prison, qu'il

 25   fallait que je dise la vérité, comment cela s'est passé des deux côtés. Il

 26   m'a dit de "dire ce que je savais, ce que je pouvais dire. Ce que je ne

 27   savais pas, il ne fallait pas que j'en parle."

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il vous a dit qu'il voulait

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  1   que vous déposiez au sujet de votre présence et participation aux forces

  2   armées ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, il ne m'a jamais dit cela. Cela, il ne me

  4   l'a pas dit.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il a mentionné le pilonnage

  6   comme le domaine dont il voulait que vous déposiez ?

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Cela, oui.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A-t-il dit pilonnage ou a-t-il dit

  9   davantage pilonnage, par exemple --

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, il a parlé du pilonnage, des incendies,

 11   puis des gens qui ont été tués. Malheureusement, il y en a eu beaucoup.

 12   Vous savez, rien que dans mon hameau, vous avez 32 personnes qui se sont

 13   fait tuer, puis 32 personnes ont été blessées, et deux sont restées des

 14   handicapés graves, 80 %. Trente-deux personnes jeunes se sont fait tuer.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc quand il a parlé avec vous du

 16   pilonnage, a-t-il dit concrètement que ce qui l'intéressait, c'était les

 17   pilonnages de maisons où habitaient les gens, les civils ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Est-ce qu'il vous a dit qu'il y

 20   avait des questions dont il ne fallait pas parler ?

 21   R.  Non, non.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Misetic.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Il m'a juste dit de "dire la vérité, de ce que

 24   j'ai vu et de ce que j'ai vécu, et que quand je ne savais pas quelque

 25   chose, c'est bien, c'était normal." Voilà, c'est ce qu'il a dit.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur

 27   Misetic.

 28   M. MISETIC : [interprétation]

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  1   Q.  Est-ce qu'il vous a dit que vous ne devriez pas parler de votre service

  2   militaire ?

  3   R.  Non, il ne m'en a pas parlé.

  4   Q.  Aujourd'hui, vous avez parlé de ce qui s'est passé à Kistanje par la

  5   suite, que Kistanje n'a pas été reconstruit, et cetera. Est-ce que c'est M.

  6   Strbac qui vous a dit cela ?

  7   R.  Non. Cela vient des gens qui habitent en Australie et qui sont allés,

  8   qui sont nés là-bas. Comme ça, ils l'ont vu. Ils étaient au courant.

  9   Aujourd'hui, dans les maisons serbes, celles qui sont restées entières, ce

 10   sont les Croates qui y habitent, alors que les autres maisons étaient

 11   détruites et incendiées.

 12   Q.  Bien. La dernière question : M. Strbac, était-il venu en Australie pour

 13   réunir les fonds nécessaires pour la défense du capitaine Dragan ?

 14   R.  Bien, je ne saurais répondre à cette question-là. Ce que je sais, c'est

 15   qu'après lui, on a essayé de réunir les fonds pour la défense du capitaine

 16   Dragan. D'ailleurs, ils m'ont demandé à contribuer. Ils ont demandé à tous

 17   les Serbes s'ils voulaient donner de l'argent pour la défense du capitaine

 18   Dragan. C'est vrai, cela. Mais je n'ai pas voulu donner un centime, parce

 19   que je n'avais pas d'argent. Ma femme est décédée. On a dépensé 25 000 $

 20   pour l'enterrement. Vous savez, c'est cher là-bas, l'enterrement.

 21   D'ailleurs pourquoi voulez-vous -- même si j'avais eu de l'argent, je ne

 22   l'aurais pas donné, parce que celui qui est coupable, il doit répondre de

 23   ce qu'il a fait; c'est tout.  

 24   Q.  Merci, Monsieur Gusa.

 25   M. MISETIC : [interprétation] Je n'ai plus de questions, Monsieur le

 26   Président, pour ce témoin.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Misetic.

 28   Nous allons devoir commencer par faire la pause. Je me demandais si ma

Page 9900

  1   conclusion selon laquelle nous pouvons terminer l'audition de ce témoin

  2   aujourd'hui est valable. Nous essaierons.

  3   Maître Mikulicic.

  4   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je n'en aurai

  5   sans doute pas pour plus que 15 minutes.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons d'abord faire la pause,

  7   après quoi, nous reprendrons nos débats un peu plus tard que d'habitude.

  8   Nous reprendrons à 13 heures.

  9   --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.

 10   --- L'audience est reprise à 13 heures 01.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, êtes-vous prêt ?

 12   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gusa, vous allez maintenant

 14   être contre-interrogé par Me Mikulicic, qui est le conseil de M. Markac.

 15   Veuillez procéder, Maître Mikulicic.

 16   Contre-interrogatoire par M. Mikulicic : 

 17   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Gusa.

 18   R.  Bonjour.

 19   Q.  Vous avez passé votre vie entière en Australie, vous êtes né et avez

 20   passé toute votre vie à Zemunik Gornji jusqu'à votre immigration, votre

 21   départ pour l'Australie, n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Dites-nous, je vous prie, quelles étaient les installations militaires

 24   qui se trouvaient au voisinage de votre village, y compris des

 25   installations aériennes ?

 26   R.  Il n'y avait pas grand-chose, pas beaucoup d'armée là-bas.

 27   Q.  Mais qu'en est-il d'une piste d'atterrissage militaire ?

 28   R.  L'aérodrome se trouvait à 6 kilomètres à peu près.

Page 9901

  1   Q.  Mais avant les événements, c'était l'armée de la République serbe de

  2   Krajina qui tenait cet aérodrome, n'est-ce pas ?

  3   R.  Ils l'ont tenu jusqu'en 1992 - je parle de l'armée serbe - jusqu'au 22

  4   janvier 1993 après quoi il a été repris par l'armée croate.

  5   Q.  C'est là que se trouvait la ligne de démarcation, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Monsieur Gusa, dans votre déposition jusqu'à présent, vous avez dit que

  8   le nom de famille "Gusa" était un nom de famille assez courant dans une

  9   partie de la région. Pouvez-vous nous dire quel est le hameau qui est

 10   habité par les familles Gusa ?

 11   R.  C'est un endroit à une centaine de mètres qui s'appelle Goles. Il y

 12   avait là trois ou quatre maisons habitées par des gens qui s'appelaient

 13   Gusa et qui étaient de ma famille. Juste à côté, il y avait Dragic, Rogic

 14   et Buljot, trois autres hameaux habités par des Croates. C'étaient des gens

 15   très bien.

 16   Q.  Vous connaissez les membres de votre famille éloignée, les Gusa ?

 17   R.  On se voyait tous les jours. On allait sur notre lieu de travail

 18   ensemble dans le même autobus.

 19   Q.  Connaissez-vous Radojka Gusa qui est née en 1952 ?

 20   R.  Oui. Elle est de Tinski Lisani [phon]. Elle était mariée à un de mes

 21   cousins Gusa. Ils habitaient juste à 30 mètres de ma maison.

 22   Q.  Est-il exact qu'elle était membre actif de l'armée de la République

 23   serbe de Krajina ?

 24   R.  Ça, non. Je l'ai connue toute ma vie. Je dis avec fermeté que ce

 25   n'était pas vrai. Elle avait trois enfants. Son mari est décédé. Il n'est

 26   pas mort pendant la guerre, mais avant la guerre dans un accident de

 27   voiture. Elle était dans la même voiture que lui, mais elle n'est pas

 28   morte. Elle n'avait pas d'uniforme et rien à voir avec l'armée.

Page 9902

  1   Q.  Sinisa Gusa, c'était bien son fils ?

  2   R.  Oui. Il était mentalement handicapé.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gusa, une fois qu'une question

  4   vous a été posée, je vous demande d'attendre quelques brefs instants avant

  5   de commencer à répondre, au cas où le conseil oublierait de respecter cette

  6   pause.

  7   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Je

  8   vais respecter cette pause.

  9   Q.  Monsieur Gusa, est-ce que vous fréquentiez Radojka Gusa, est-ce que

 10   vous la rencontriez ?

 11   R.  Oui, oui.

 12   Q.  Avant 1991, quel était le nombre de familles croates dans votre

 13   village, à peu près ?

 14   R.  Dans mon village ?

 15   Q.  Et dans les environs.

 16   R.  A Gornji Zemunik, il y avait 30 % de Croates, je crois, et 70 % de

 17   Serbes. Dans les environs, derrière cette frontière marquée par Skabrnja,

 18   les hameaux étaient habités uniquement par des Croates. Ils étaient tous

 19   Croates. Skabrnja, c'est dans la municipalité de Zadar, et la majorité de

 20   la population est croate.

 21   Q.  Connaissiez-vous Jela Prendza, une Croate de votre

 22   village ?

 23   R.  Jela Prendza, oui.

 24   Q.  Est-il exact qu'au mois de mars 1992, en même temps que Radojka Gusa et

 25   Mile Graca, vous êtes allé chez elle et lui avez dit qu'il fallait qu'elle

 26   parte ?

 27    R.  Moi, non. Moi, je n'y suis pas allé, et Radojka non plus. Ce n'est pas

 28   la vérité. S'il y a des preuves, qu'ils montrent les preuves. Moi, je parie

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  1   ma vie en disant que ce n'est pas la vérité.

  2   Q.  Votre voisin était un certain Ante Stura, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  C'était quelqu'un qui vous a frappé quand vous étiez dans la prison de

  5   Zadar, n'est-ce pas, et vous a fait tomber plusieurs dents, vous a frappé

  6   avec un bâton ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Pourquoi a-t-il fait cela ?

  9   R.  Je vais vous dire la vérité, c'est parce que j'étais Serbe, uniquement

 10   pour ça.

 11   Q.  Est-ce qu'il a quitté Gornji Zemunik lui aussi ?

 12   R.  Oui, il est parti, comme moi. Nous sommes allés ensemble à Zadar à bord

 13   du même autobus.

 14   Q.  Savez-vous qui l'a forcé à quitter Zemunik ?

 15   R.  Ça, je ne sais pas. Il y avait encore la JNA qui s'était emparée du

 16   village. Ils les appelaient Istok. Ils ont pris Bakarici, Zemunik d'abord,

 17   puis Zupane, Bakavuca, Stura et un autre hameau encore, Skabrnja.

 18   L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi un certain nombre de hameaux.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Tous ces hameaux étaient habités par des

 20   Croates. Il y avait des villages mixtes là-bas où il y avait et des Croates

 21   et des Serbes, mais en tout cas, les villages étaient tous voisins les uns

 22   des autres. A Gornji Zemunik, on était mixte.

 23   Q.  Tous les Croates ont dû quitter leurs maisons ?

 24   R.  Oui, c'est vrai. Leurs maisons ont toutes été détruites, pratiquement

 25   toutes.

 26   Q.  Revenons quelques instants à la période où vous étiez caché dans la

 27   forêt, ces deux mois dont vous avez parlé.

 28   Dites-nous, pendant que vous étiez dans la forêt, pendant que vous

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  1   vous cachiez dans la forêt, y avait-il d'autres personnes qui, comme vous,

  2   se cachaient dans la forêt ?

  3   R.  Moi, j'étais avec Slavko, qui, malheureusement, est mort plus tard à

  4   Belgrade, c'était Slavko Rnjak. Il y avait aussi Djedi [phon] et Baba

  5   [phon]. Djedi avait 70 ans, Baba 71. Il y avait Jovo Subotic et son fils de

  6   12 ans, ainsi que les deux vieux dont j'ai parlé qui étaient les grands-

  7   parents du garçon. Ils ont vécu là. 

  8   Ils avaient peur aussi qu'on leur prenne leur bétail et qu'on les

  9   vole, alors nous, on allait manger dans leur maison et on retournait dans

 10   les bois pour y dormir. On ne dormait pas dans la maison parce qu'on avait

 11   peur d'être découvert.

 12   Voilà.

 13   Q.  Dites-nous, je vous prie, qui vous donnait des vêtements ?

 14   R.  En général, quand il y avait une maison qui était inhabitée, on

 15   rentrait dedans. Je rentrais dedans, je trouvais quelque chose et je le

 16   mettais sur moi. Voilà comment je vivais. Des vêtements, il y en avait

 17   autant que vous vouliez.

 18   Q.  Et alors ?

 19   R.  Normalement, je changeais de vêtements. Il fallait être bien, et des

 20   vêtements, il y en avait autant qu'on voulait.

 21   Q.  Vous vous êtes rendu, vous êtes arrivé dans une prison de Split,

 22   ensuite on vous a amnistié, on vous a libéré, vous êtes parti pour Belgrade

 23   et Savo Strbac vous y attendait.

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Après Belgrade, vous êtes allé à Prizren au Kosovo, n'est-ce pas ?

 26   R.  Vérité.

 27   Q.  Qui vous a envoyé à Prizren au Kosovo ?

 28   R.  Depuis Belgrade, parce que mes trois enfants qui étaient petits et feue

Page 9905

  1   mon épouse - elle est décédée depuis un an malheureusement - avaient quitté

  2   Belgrade pour le Kosovo, et ils sont restés au Kosovo jusqu'au moment où

  3   ils sont partis pour l'Australie. Au début, ils ne savaient pas ce qu'il

  4   était advenu de moi. Pendant huit mois, ils sont restés sans nouvelle de

  5   moi. On leur avait dit que j'avais été tué dès le début dans le village, et

  6   c'est seulement huit mois plus tard que par les Nations Unies ou par une

  7   autre organisation, ils ont appris que j'étais en vie.

  8   Q.  Votre déplacement jusqu'à cet endroit était organisé, n'est-ce pas ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Savez-vous quelle était l'organisation qui s'est chargée de cela ?

 11   R.  Ça je ne le sais pas, vraiment. Mais il y avait une grande maison

 12   nouvelle où étaient logés les étudiants avant la guerre. C'était pour les

 13   étudiants, parce que d'un côté, quand tout ce qui est arrivé est arrivé, il

 14   y avait des étudiants dans la moitié du bâtiment et l'autre moitié était

 15   occupée par nous, les réfugiés.

 16   Q.  Y avait-il d'autres habitants de votre région, de la Krajina, qui ont

 17   été amenés au Kosovo de façon organisée ?

 18   R.  Vous savez, on était dans plusieurs endroits au Kosovo. On était peut-

 19   être, d'après mes calculs, je pense qu'on était au total 1 500.

 20   Q.  Après cela, quelque temps plus tard, vous êtes parti pour l'Australie,

 21   n'est-ce pas ?

 22   R.  Oui, j'allais à Belgrade de temps à autre pour aller voir les gens à

 23   l'ambassade. Finalement, Dieu merci, je suis arrivé en Australie. On

 24   m'envoyait en Amérique dans les quelques jours qui ont suivi ma sortie de

 25   la prison, on m'a proposé l'Amérique, moi je n'ai pas voulu.

 26   On m'a dit il faudra attendre plus longtemps pour l'Australie. J'ai

 27   attendu et j'ai été emmené en Australie, j'y étais avec ma femme et mes

 28   trois enfants. Mais en Australie, j'ai reçu trois autres enfants, des

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  1   jumeaux et un troisième qui est un petit bébé aujourd'hui. Il a à peine

  2   quatre à six mois. Donc maintenant, j'ai six enfants.

  3   Q.  Monsieur Gusa, est-ce que vous avez reçu de l'aide pour partir pour

  4   l'Australie ? Est-ce que Savo Strbac est intervenu ?

  5   R.  Non. Il ne m'a pas aidé du tout pour être franc. L'Australie nous a

  6   acceptés, 73 % de nous. Il y en a d'autres qui sont venus ici en Hollande.

  7   Il y en a pas mal aussi au Canada. Il y en a en Italie, il y en a en

  8   Allemagne. On est partout. Donc il reste très peu d'entre nous là-bas en

  9   Serbie. 

 10   Dans mon village, peut-être uniquement des vieux, mais même ma mère

 11   qui a 81 ans est revenue. Jusque-là elle vivait en Serbie près de Novi Sad.

 12   Là-bas, il y a aussi ma sœur qui a déménagé.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gusa, la question qui vous a

 14   été posée visait à savoir si Savo Strbac vous avait aidé. Vous avez répondu

 15   à cette question. Donc est-ce que vous pourriez peut-être vous concentrer

 16   davantage sur le sens des questions qui vous sont posées.

 17   Maître Mikulicic, pourriez-vous poser votre question suivante ?

 18   M. MIKULICIC : [interprétation] Ce sera ma dernière question.

 19   Q.  Monsieur Gusa, est-ce que quelqu'un vous a aidé à aller en Australie ?

 20   R.  Non, non. Il ne m'a pas du tout aidé.

 21   Q.  Non, mais je parlais de quelqu'un d'autre, hormis Savo Strbac.

 22   R.  Ecoutez, il y avait beaucoup de membres de ma famille qui se trouvaient

 23   en Australie. Ils y étaient allés il y a 30 ou 40 ans, donc ce sont eux qui

 24   m'ont parrainé pour que je puisse moi-même aller en Australie.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, je suppose que vous

 26   avez dit que vous en avez terminé avec votre contre-interrogatoire. J'ai

 27   écouté l'interprétation, je vois que cela ne figure pas au compte rendu,

 28   mais c'est parce que je suppose que vous l'avez dit cela alors que la

Page 9907

  1   production n'était pas terminée.

  2   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais d'après - puisque vous êtes rassis,

  4   je suppose que vous n'avez plus de questions à poser.

  5   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui. Tout à fait, je n'ai pas d'autres

  6   questions à poser.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Du-Toit.

  8   M. DU-TOIT : [interprétation] Oui, oui, tout à fait.

  9   Est-ce que nous pourrions, je vous prie, afficher la pièce D833.

 10   Nouvel interrogatoire par M. Du-Toit : 

 11   Q.  [interprétation] Monsieur Gusa, vous avez répondu à certaines questions

 12   qui vous ont été posées par mon estimé confrère. Il s'agissait de questions

 13   qui portaient sur le village d'Ervenik. Est-ce que vous vous souvenez de

 14   cela ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Vous avez également témoigné et indiqué que vous êtes resté dans ce

 17   secteur pendant environ deux mois.

 18   R.  C'est exact.

 19   Q.  Est-ce que vous pourriez peut-être nous fournir quelques explications.

 20   Il s'agissait d'une zone montagneuse, et dans quelle mesure est-ce que

 21   cette zone était accessible ? Est-ce que vous pouvez vous y rendre en

 22   voiture ? Est-ce que vous pouvez y aller qu'à pied ou est-ce que vous ne

 23   pouviez aller qu'à cheval, par exemple, je ne sais pas. Donc dans quelle

 24   mesure est-ce qu'une personne normalement constituée pouvait avoir accès à

 25   cet endroit ?

 26   R.  Non. L'accès était bon, il y avait une route goudronnée, donc il n'y

 27   avait absolument pas de problème. Pour ce qui est des routes l'accès était

 28   parfait. Il y avait des autobus qui empruntaient cette route, des voitures

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  1   qui empruntaient cette route également parce qu'il y avait des routes

  2   bitumées partout.

  3   Q.  Puis une toute dernière chose, mon estimé confrère vous a montré deux

  4   déclarations, la D826 et la D827. Alors notamment, la D827 correspond à une

  5   très longue déclaration que vous avez fournie en octobre 1995, le 11

  6   octobre 1995, pour être plus précis, et que vous avez fournie, disais-je, à

  7   l'administration de la police de Kotar-Knin. Vous vous en souvenez de cela

  8   ?

  9   R.  Ecoutez, pour vous dire la vérité, je ne m'en souviens pas. C'est

 10   difficile.

 11   Q.  Mais Me Misetic vous a donné lecture d'une partie de votre déclaration,

 12   déclaration que vous avez faite à la police le 11 octobre 1995; est-ce que

 13   cela est exact ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Dans cette déclaration, vous fournissez moult renseignements sur vous-

 16   même et sur d'autres --

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Ecoutez la fin de ma question. Et vous parlez également d'autres

 19   Serbes, des endroits où se trouvent ces personnes, ces Serbes qui faisaient

 20   partie de votre communauté; c'est cela, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  J'aimerais savoir si vous avez été interrogé à propos de ce que vous

 23   avez vu lorsque - et je parle de ce qui a été commis par des membres de

 24   l'armée croate ou par la police - est-ce que des questions vous ont été

 25   posées à propos de cet incident du mois d'octobre [comme interprété] ou

 26   plus tard ?

 27   R.  Ils n'ont pas posé cette question.

 28   M. DU-TOIT : [interprétation] Je vous remercie.

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  1   [La Chambre de première instance se concerte] 

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gusa, j'aimerais vous poser une

  3   question.

  4   Questions de la Cour :

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous avez dit que vos voisins

  6   étaient de braves gens, des gens très bien et, par conséquent, ils

  7   n'auraient pas pu piller --

  8   R.  Oui. Oui. Il s'agissait de personnes très, très, très honnêtes. Et je

  9   peux absolument vous garantir que eux n'ont rien brûlé du tout. Leur maison

 10   entière a été pillée et incendiée, mais ce n'est pas eux qui nous ont fait

 11   cela, ce sont d'autres Croates qui l'ont fait.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous avez dit, ils n'auraient pas

 13   pu faire cela lorsqu'ils sont revenus. Mais est-ce que vous savez s'ils

 14   sont revenus et s'ils sont revenus, comment est-ce qu'ils auraient pu --

 15   une seconde, je vous prie. Comment est-ce qu'ils auraient pu -- est-ce que

 16   vous pourriez peut-être me laisser finir ma phrase. Comment, disais-je,

 17   auraient-ils pu revenir puisque toutes leurs maisons avaient été détruites

 18   ?

 19   R.  Bien, ils sont revenus chez eux et c'est là où j'habite. Ma mère, elle

 20   habite là-bas aussi. On a plus ou moins réparé les choses. Lorsque je lui

 21   parle au téléphone, elle est très, très âgée, elle me dit qu'ils sont très,

 22   très, très aimables, très serviables, qu'ils lui amènent tout ce dont elle

 23   a besoin. Elle a 86 ans, ma mère.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous dites : "Ils sont revenus,"

 25   je suppose ce que vous entendez c'est qu'ils sont revenus après l'opération

 26   Tempête, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Je n'ai plus de

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  1   questions à vous poser.

  2   Souhaitez-vous poser d'autres questions ?

  3   M. MISETIC : [interprétation] Oui, oui, j'aimerais poser une question.

  4   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Misetic : 

  5   Q.  [interprétation] Vous nous dites, Monsieur, que vos voisins n'étaient

  6   pas le genre de personnes qui feraient ce genre de choses, mais maintenant

  7   vous avez dit à Me Mikulicic que l'un de vos voisins était la personne qui

  8   vous a frappé, ce qui a fait tomber vos dents.

  9   Donc est-ce que vous ne pensez pas qu'il y avait peut-être un

 10   sentiment de revanche de la part de vos voisins lorsqu'ils sont revenus ?

 11   R.  Ce voisin dont vous parlez, il venait de l'autre côté, ce n'est pas les

 12   mêmes voisins -- ce n'est pas ce dont je parlais. Les autres, ils sont à

 13   l'est, ils habitaient à l'est vers Skabrnja. Moi, je parlais de mes voisins

 14   les plus proches. Ces Croates, c'étaient véritablement des gens très, très

 15   bien.

 16   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gusa, nous n'avons plus de

 18   questions à vous poser.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous en avez terminé avec votre

 21   déposition. J'aimerais vous remercier beaucoup, Monsieur, car vous êtes

 22   venu véritablement de très, très, très loin, et vous êtes venu répondre à

 23   toutes ces questions qui vous ont été posées par les parties ainsi que par

 24   les Juges, et je vous souhaite un bon retour chez vous.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci beaucoup.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame l'Huissière, est-ce que

 27   vous pourriez escorter le témoin hors du prétoire, je vous prie.

 28   [Le témoin se retire]

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que nous avons réglé le sort de

  2   toutes les pièces à conviction, hormis --

  3   Oui, Maître Misetic.

  4   M. MISETIC : [interprétation] Nous avons envoyé à l'Accusation le document

  5   de 11 pages qui a un nom en bas à la fin du document. Je ne sais pas

  6   comment la Chambre souhaite procéder, soit je peux télécharger les 11 pages

  7   en B/C/S ou nous pouvons nous en tenir aux pages pertinentes qui ont été

  8   traduites en anglais.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela dépend en fait de ce qu'y trouvera

 10   l'Accusation. Si l'Accusation pense qu'il y a des éléments pertinents dans

 11   ce contexte, nous verrons. Je suppose - enfin, Monsieur Du-Toit, ce n'est

 12   pas la peine de me répondre de suite, mais quand serez-vous en mesure de

 13   nous fournir une réponse, Monsieur Du-Toit.

 14   M. DU-TOIT : [interprétation] Vendredi au plus tard. Est-ce que cela vous

 15   convient, Monsieur le Président ?

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui. Et si vendredi vous pouviez

 17   également ou si vendredi au plus tard, vous pouviez également regarder

 18   toute la vidéo pour que nous puissions être informés des éléments qui

 19   seront versés au dossier. Et la date de la vidéo, ce n'est toujours pas

 20   très clair, en fait. Je suppose que vous allez vous pencher sur la

 21   question, Maître Misetic.

 22   M. MISETIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président. Nous

 23   n'avons pas pu le trouver pendant la dernière pause.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends, je comprends. Mais

 25   est-ce que vous pourriez peut-être m'indiquer ce qu'il en est au plus tard

 26   vendredi ?

 27   M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, ou même plus tôt

 28   d'ailleurs.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Bien, alors nous allons lever

  2   l'audience. Et d'après ce que je crois comprendre, vous n'avez pas de

  3   témoins qui attendent, Monsieur Du-Toit; c'est ça ?

  4   M. DU-TOIT : [interprétation] Oui, c'est le cas, Monsieur le Président.

  5   Tout à fait.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc je suppose que nous allons lever

  7   l'audience jusqu'à lundi; c'est cela ?

  8   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent] 

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc nous allons lever l'audience

 10   et nous reprendrons lundi 13 octobre à 9 heures du matin dans la salle

 11   d'audience numéro I.

 12   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je ne pense pas que lundi soit le 13

 13   octobre, Monsieur le Président. Ce serait merveilleux d'ailleurs. Je vous

 14   l'accorde, ça serait merveilleux si c'était le 13, mais ce n'est pas le 13.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. le Greffier ne fait jamais d'erreur.

 16   C'est moi qui ai certainement mal lu.

 17   M. LE GREFFIER : [aucune interprétation]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non, ce sera le 6 octobre, bien

 19   sûr.

 20   --- L'audience est levée à 13 heures 28 et reprendra le lundi 6 octobre

 21   2008, à 14 heures 15.

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