Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 20 mars 2009

  2   [Audience Règle 98 bis]

  3   [Audience publique]

  4   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire inscrite au rôle.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Madame, et Messieurs les Juges,

  9   bonjour à tous et à toutes. Affaire IT-06-90-T, le Procureur contre

 10   Gotovina et consorts.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 12   Maître Kay, êtes-vous prêt à poursuivre la présentation de vos arguments

 13   concernant l'article 98 bis ? Soit dit en passant, la Chambre a reçu des

 14   citations que vous avez faites de certains passages du compte rendu. Ce

 15   n'est pas là un dépôt d'écriture en tant que tel, c'est simplement quelque

 16   chose que nous devrions avoir sous la main au cas où nous en aurions

 17   besoin.

 18   M. KAY : [interprétation] Merci. Je suis content que vous ayez reçu ce

 19   document.

 20   Permettez-moi de revenir aux arguments que je présentais en application de

 21   l'article 98 bis au nom de M. Ivan Cermak.

 22   Hier j'en étais arrivé au moment où j'abordais l'article du statut 7(3) aux

 23   allégations visées par cet article dans l'acte d'accusation, au paragraphe

 24   7 surtout dudit acte, et j'avais abordé la question de la situation de

 25   subordination des unités croates, comme le dit l'acte d'accusation,

 26   apparemment ces forces étant subordonnées à M. Cermak. Je parle maintenant

 27   de la police militaire, après quoi, j'aborderai la police civile,

 28   s'agissant de la même question.

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  1   Parlons d'abord de la police militaire. Une chose est claire, Madame et

  2   Messieurs les Juges, quand on voit la hiérarchie de la structure de la

  3   police militaire le général Cermak, chef de garnison en tant que tel, il

  4   n'était pas repris dans l'organigramme de jure. Vous voyez la pièce D785

  5   jusqu'à la pièce D787 [comme interprété], vous verrez la structure de la

  6   police militaire dans ces pièces. Il est tout à fait clair que les ordres

  7   de la structure de la police militaire telle qu'elle opérait à Knin à

  8   l'époque, n'incluait pas le général Cermak dans le fonctionnement de cette

  9   structure. La Chambre a été saisie d'un grand nombre de pièces provenant de

 10   l'administration de la police militaire, documents émis par le général

 11   Lausic, documents provenant du 72e Bataillon, qui se trouvait sous le

 12   contrôle soit du commandant Juric ou du colonel Budimir. Aucun de ces

 13   documents ne mentionne ni n'inclut le général Cermak.

 14   Vous aurez aussi vu les documents relatifs à la compagnie de Knin, laquelle

 15   a été constituée le 5 août établie aux fins du territoire récemment libéré.

 16   Là non plus, vous ne trouverez aucun document, pas le moindre document dans

 17   les instructions de service de cette unité. Or celle-ci est souvent citée

 18   ou expressément citée au paragraphe 7 de l'acte d'accusation. Aucun de ces

 19   documents ne parle du général Cermak.

 20   Nous avions cité en tant que témoin un certain Dzolic. Il était le

 21   commandant de la compagnie de Knin de la police militaire à un moment donné

 22   entre le 5 et le 12 août. L'Accusation avait cité nommément ce témoin pour

 23   débattre de la question de savoir si à un moment donné la compagnie de Knin

 24   était subordonnée au général Cermak. Une chose est intéressante dans la

 25   structure des moyens à charge contre le général Cermak. Si vous voyez la

 26   pièce P875, vous allez le voir, Madame et Messieurs les Juges, dans

 27   l'audition initiale aucun des ordres venant du général Cermak, tels qu'ils

 28   ont été décrits, adressés à la police militaire n'a en fait été soumis à ce

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  1   témoin, de sorte que cet homme qui a été membre de la compagnie de Knin ne

  2   s'est jamais vu poser la question permettant de justifier la thèse

  3   principale présentée par l'Accusation dans son mémoire préalable a un

  4   procès, mais aussi dans sa déclaration liminaire dans ce procès, élément

  5   central de rapport d'expert qui était de savoir si le témoin en question

  6   était subordonné au général Cermak. Aucun de ces ordres ne le fait. Or ce

  7   sont les fameux ordres de l'ONURC, P513, D778 [comme interprété], P512,

  8   D303, D503, et P709 [comme interprété], aucun de ces témoins n'a été soumis

  9   à ce témoin avant sa venue dans ce prétoire afin d'établir, tout d'abord,

 10   s'il les avait reçus, ces ordres, puis quelle était l'attitude qu'il avait

 11   eu égard à ces documents.

 12   Je ne sais pas dans quelles circonstances ces auditions ont été réalisées

 13   par les enquêteurs du bureau du Procureur, mais une chose est certaine le

 14   Parquet avait connaissance de ces documents dès le premier entretien

 15   qu'avait eu le Parquet avec le général Forand. Pourquoi dans les

 16   déclarations n'y avait-il aucune explication sur la chose ? Pourquoi au

 17   paragraphe 37, a-t-on une expression des plus vagues, ce genre d'expression

 18   qui met un avocat de la Défense sur le qui-vive, qui lui met la puce à

 19   l'oreille. Qui dit : Mais qu'est-ce qu'il y a sous roche ?

 20   "Moi, j'ai compris la chose de la façon suivante : je me trouvais

 21   toujours et encore et toujours sous le commandement du colonel Budimir,

 22   mais j'étais aussi," a-t-il dit, "du général Cermak, et je devais obéir

 23   tout ordre donné par le général Cermak."

 24   Aussitôt ce genre de phrase met la puce à l'oreille à un avocat de la

 25   Défense, car c'est là une expression bizarre, sa signification l'est tout

 26   autant, et personne ici ne saisit le taureau par les cornes dans cette

 27   déclaration pour dire : Mais qu'en est-il de cet ordre ? De cet ordre-ci ?

 28   De cet ordre-là ? Autant d'ordres qui posent la base même le socle de la

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  1   thèse de l'Accusation contre le général Cermak.

  2   Creusons davantage le contenu de cette déclaration, là où le témoin donne

  3   un exemple de camions de la Croix-Rouge internationale qui aurait été volé,

  4   paragraphe 44 de la pièce P875. Que dit le témoin à cet endroit ? "A la

  5   réunion, Cermak se trouvait là et m'a dit qu'il avait été informé par la

  6   Croix-Rouge internationale," puis M. Dzolic a du coup informé la police

  7   judiciaire militaire.

  8   Paragraphe 45 : "J'ai été appelé deux ou trois fois dans la même veine dans

  9   le bureau de M. Cermak."

 10   Il parle du 9 août. Et voici ce qu'il dit : "Il m'a dit d'aller effectuer

 11   une visite ou une inspection. Il m'a dit de dresser un procès-verbal de

 12   tout incident d'incendies volontaires que j'aurais vu."

 13   Qu'est-ce qu'il y a d'intéressant de ceci ? C'est la façon dont on

 14   n'utilise pas le mot "ordre," on dit il m'a dit. Lorsque le témoin est venu

 15   déposer viva voce à l'audience et a suivi un contre-interrogatoire de la

 16   Défense, il a informé les Juges de la Chambre du fait qu'il n'était pas

 17   subordonné. Or c'est là un maître mot, un mot- clé dans ce procès. Il

 18   n'était pas, a-t-il dit, subordonné au général Cermak. Et s'agissant des

 19   ordres donnés par les forces des Nations Unies en Croatie, l'ONURC qui

 20   forme la base de la thèse retenue contre le général Cermak, le témoin dit

 21   ceci : "D'abord, je n'ai vu aucun de ces ordres qui lui avaient été

 22   soumis," page 9 020 jusqu'à page 9 025 du compte rendu d'audience. Il a

 23   ajouté à la page 9 028 qu'il "n'était pas obligé d'obéir à ce genre

 24   d'ordres comme si c'était des ordres. Cependant," a-t-il dit, "que c'était

 25   des informations attestant du fait que quelque chose s'était passé." Or

 26   c'est précisément l'élément-clé de ce procès. Car d'une part, dans l'acte

 27   d'accusation, l'Accusation affirme que le général Cermak n'a pris aucune

 28   mesure s'agissant de crimes qui lui auraient été rapportés. Au paragraphe

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  1   44, aux paragraphes 45, 46 de la déclaration préalable de ce témoin, ce

  2   dernier démontre clairement qu'à l'occasion des réunions qu'a eues le

  3   général Cermak dans les premières phases à Knin, lorsque le général Forand

  4   l'avait informé qu'il y avait des incidents d'incendies volontaires, de

  5   maisons brûlées, c'est dit ici exactement. Vous avez le général Cermak qui

  6   transmet cette information non pas parce qu'il avait un poste de

  7   commandement, mais simplement parce qu'il transmettait cette information,

  8   ce que ferait tout officier militaire chargé de certaines responsabilités

  9   et conscient de celles-ci.

 10   Vous avez ici un instantané des éléments retenus par l'Accusation contre le

 11   général Cermak. Le témoin lui-même n'a jamais demandé s'il était subordonné

 12   à M. Cermak. Le témoin n'a jamais eu à voir ces documents. Et lorsque ces

 13   documents lui sont montrés, l'explication qu'il fournit est parfaitement

 14   raisonnable. Elle s'insère parfaitement dans la déclaration préalable qu'il

 15   a fournie, à savoir qu'on lui a dit d'aller voir ce qu'il se passait. Alors

 16   comment ceci cadre-t-il avec l'allégation disant que le général Cermak se

 17   trouvait à Knin, niait qu'il y avait eu des crimes, les minimisait et ait

 18   été membre d'une entreprise criminelle commune ? S'il prend ces mesures-ci

 19   que je viens d'indiquer, dans quelles mesures peut-on parler d'un membre

 20   d'une entreprise criminelle commune ?

 21   Pour moi ici c'est le deuxième élément fort de mes arguments en ce qui

 22   concerne les allégations visées par l'article 7(1) du Statut. Mais puisque

 23   nous en parlons ici, je vous avertis déjà, Madame et Messieurs les Juges,

 24   de ce que je vais présenter dans un instant.

 25   Autre élément sur lequel s'est appuyée l'Accusation pour invoquer une

 26   responsabilité pénale, c'est qu'il était commandant de la police militaire,

 27   et c'est un document qui a été présenté par le témoin expert de

 28   l'Accusation avant l'opération Tempête, l'expert étant M. Theunens. Mais

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  1   tout ceci n'a pas vraiment présenté tous les faits pour ce qui est des

  2   pouvoirs et attributions d'un chef de garnison. Il est intéressant

  3   d'observer qu'il n'y a aucun document consécutif à l'opération Tempête n'a

  4   été montré pour montrer comment fonctionnait la garnison de Split. Or

  5   c'était celle-là qui avait été utilisée par le témoin expert pour faire une

  6   comparaison.

  7   Puis je vous l'ai dit hier il a donné l'exemple d'un chef de garnison qui

  8   imposait des mesures disciplinaires à un membre des militaires croates et

  9   les documents que nous nous avons produits le montraient clairement. En

 10   fait, si l'on creusait davantage, on voyait que c'était là un subordonné du

 11   commandant de la garnison de Split du colonel Zoricic.

 12   L'autre socle sur lequel ou élément socle sur lequel s'est reposé

 13   l'Accusation, c'est le règlement du service de la garnison, ainsi que

 14   l'ordre, la discipline y régnant. On a montré un ordre émis en 1993 et

 15   présenté au général Lausic qui était censé déposer comme témoin à charge.

 16   Il s'est avéré que le général Lausic n'avait pas connaissance de l'ordre

 17   donné en 1993 sur le travail, le fonctionnement, l'organisation et la

 18   discipline de la garnison. Avant qu'on ne lui montre des documents que

 19   l'Accusation ou l'enquêteur, M. Foster, du bureau du Procureur la veille du

 20   début de son audition, ce témoin n'avait pas connaissance dudit ordre. ¨Ça

 21   été visible pendant l'interrogatoire principal. M. Tieger a vraiment passé

 22   très peu de temps à l'examen de ce document, il s'est borné à lui demander

 23   si ce document cadrait ou pas avec le règlement de la police militaire de

 24   1994, articles 8 et 9 de ce règlement; il s'agit de la pièce P880. Et il a

 25   dit que c'était tout à fait conforme dans sa réponse. Je ne sais pas trop

 26   comment il faut comprendre cette réponse. Mais lorsque j'ai procédé au

 27   contre-interrogatoire du témoin et lorsque je lui ai signalé que le

 28   commandant de la garnison n'avait pas vraiment de fonction opérationnelle,

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  1   il a manifestement accepté l'idée que le chef de la garnison n'avait que

  2   des responsabilités très limitées par rapport à la police militaire.

  3   Pourquoi ? Parce que la garnison était responsable du fonctionnement

  4   interne d'une zone où était basée l'armée, les règlements et

  5   réglementations avaient pour vocation de permettre à l'armée de fonctionner

  6   avec ordres à ces rangs, mais aussi dans ses rapports avec la communauté

  7   locale et donner au commandant de la garnison le droit de faire appliquer

  8   ces règlements à lui, vous vous souviendrez, Madame et Messieurs les Juges,

  9   comment j'ai contre-interrogé M. Theunens et comment on a essayé

 10   d'escamoter la question.

 11   Voyons de façon plus détaillée la question des rapports présumés

 12   entre le général Cermak et la police militaire et plus exactement avec la

 13   compagnie de Knin. Le général Lausic l'a concédé, il n'avait vu aucun

 14   document, a-t-il dit, montrant que la compagnie de Knin n'aurait jamais été

 15   subordonnée au général Cermak, ce qu'il aurait fallu avoir en fonction de

 16   son ordre du 14 août 1995, ordre dans lequel il a dit au commandant du 72e

 17   Bataillon de subordonner une compagnie à l'officier militaire croate le

 18   plus haut gradé dans la zone. Je n'ai pas le temps ici d'entrer dans le

 19   détail de ce que dit le règlement, s'agissant des fonctions régulières du

 20   commandement opérationnel quotidien, mot utilisé par le général Lausic, et

 21   pour m'étendre sur la signification de ces différentes exceptions. Mais

 22   nous estimons que ces expressions sont importantes et nous demandons aux

 23   Juges de se pencher sur elles, car ici nous discutons de la question de

 24   savoir si des actes de subordination sont valables ou pas. A cela s'ajoute

 25   une autre question, celle de savoir ce que donne, par sa fonction, le poste

 26   d'officier militaire le plus haut gradé dans cette zone de responsabilité.

 27   C'est aussi une phrase-clé qui, pourtant, a été omise dans la première

 28   traduction qu'on a eue ici devant vous. Après la déposition de Dzolic, la

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  1   version du règlement de la police militaire de 1994, ça a été modifié pour

  2   y ajouter le seul mot important qui avait été omis auparavant. Lausic a

  3   concédé que le général Cermak n'était pas, en vertu de sa fonction,

  4   l'officier le plus haut gradé dans la région.

  5   Mais ça ne s'arrête pas à cela. Voyez les documents présentés à

  6   propos de la compagnie de Knin. Je vous ai déjà mentionné le fait qu'on ne

  7   voit pas ni en original ni en copie, des documents d'ordre au général

  8   Cermak ou à la garnison de Knin, mais regardez le fonctionnement de la

  9   compagnie de Knin après le 12 août. Les ordres donnés par le colonel

 10   Budimir qui nomme un certain lieutenant-colonel Orsulic au poste de

 11   commandant de la compagnie de Knin, ainsi que le roulement ou la relève des

 12   unités formant la compagnie de Knin, cela n'a pas été transmis au général

 13   Cermak.

 14   Alors comment voulez-vous commander quelqu'un si vous ne savez pas

 15   qui est ce quelqu'un ? C'est un principe élémentaire que celui-ci. Il ne

 16   s'agissait pas ici de documents internes, c'étaient des documents portant

 17   désignation de quelqu'un. Ce sont aussi les seuls documents qu'ont les

 18   Juges pour se prononcer. Aucun de ces documents ne fait référence au

 19   général Cermak. A plusieurs reprises, il a été rappelé que le général

 20   Cermak devait demander à d'autres de pouvoir avoir la police militaire pour

 21   lui rendre service. Rappelez-vous la demande qu'il a faite d'obtention

 22   d'hommes pour assurer sa sécurité personnelle.

 23   Si le général Cermak avait été en situation de commandement de la

 24   compagnie de Knin, il aurait simplement pu donner l'ordre d'avoir ces

 25   hommes pour sa sécurité personnelle. Tous les éléments de preuve montrant

 26   le système tel qu'il fonctionnait en vérité, ainsi que la déposition des

 27   témoins, démentissent, contredisent la thèse retenue par l'Accusation

 28   contre le général Cermak.

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  1   Je n'ai pas le temps d'aborder par le menu, de façon très précise,

  2   ces éléments, mais rappelez-vous notre contre-interrogatoire des témoins,

  3   Lausic, Theunens et Dzolic, et de façon plus brève, de Simic même si ce

  4   dernier n'avait pas vraiment eu affaire directement à la compagnie de Knin.

  5   Rappelez-vous les comptes rendus quotidiens qui étaient quelque chose

  6   d'assez curieux, car en fait ils étaient envoyés au chef de la garnison du

  7   Split. Pourquoi ? Le général Lausic l'a expliqué, c'est parce que la

  8   garnison de Split avait un service de permanence. C'est ainsi que la

  9   garnison de Split pouvait informer le commandant du 72e Bataillon, le

 10   colonel Budimir, s'il y avait des incidents qui s'étaient produits. Le

 11   commandement de la garnison de Split se trouvait dans le même bâtiment de

 12   commandement que le commandement du 72e Bataillon.

 13   Là non plus nous n'avons aucun document qui fasse référence au

 14   général Cermak. Or, on demande aux Juges de la Chambre de dire que cet

 15   homme, dans le poste qu'il occupait, avait le commandement de toutes ces

 16   unités, y compris de la police militaire dans cette zone. A notre avis, ça

 17   n'a aucun sens. On ne peut pas dire simplement "CQFD," rien ne vient

 18   appuyer cette affirmation de l'Accusation.

 19   Nous disons ceci : l'Accusation s'est faite une idée des charges à

 20   retenir contre M. Cermak à partir de ce qu'on dit les témoins

 21   internationaux qui n'avaient que des connaissances limitées. Ils ont

 22   produit certains documents, fourni certains renseignements, ce qui explique

 23   les ordres portant sur la récupération des véhicules de l'ONURC. Mais en

 24   fait, si l'enquête préalable au procès s'était concentrée sur la réalité

 25   plutôt que sur une hypothèse, si cette enquête préalable au procès avait

 26   été plus approfondie, avait cherché à savoir comment fonctionnaient le

 27   système militaire et le système civil croate, cette enquête aurait débouché

 28   sur des réponses que nous avons fournies pendant ce procès montrant comment

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  1   fonctionnait ce système.

  2   Et quoi qu'a pu être la raison pour qu'un enquêteur ne présente pas les

  3   ordres cruciaux de la police militaire qui étaient -- la signature de la

  4   déposition de M. Theunens. Parce que souvent quand je lui ai posé la

  5   question, il parlait, il nous renvoyait sur les ordres de l'ONURC. Et vous,

  6   Monsieur le Président, vous avez dit : "Oui, nous sommes au courant de ces

  7   ordres de l'ONURC. Est-ce qu'il y a autre chose ?"

  8   A chaque fois on a parlé à nouveau de ce refrain. On a évoqué ce refrain de

  9   signature, concernant la signature. Mais ce qui étrange, c'est que pour

 10   avoir un fondement pour cette affaire, il fallait évoquer cette question de

 11   signature par rapport aux personnes qui avaient de véritables

 12   connaissances, les témoins croates. Parce qu'on a choisi les éléments qui

 13   ne viennent pas d'une source principale qui est au cœur de ce procès, à

 14   savoir le système militaire croate, les témoins, ceux qui savent comment le

 15   système fonctionne. Donc avant de se lancer à des théories, il aurait fallu

 16   présenter de tels éléments concrets et on est vraiment surpris par cette

 17   démarche.

 18   Mais maintenant je vais parler de la police civile, c'est le troisième

 19   volet du système croate et on a allégué que M. Cermak avait un contrôle

 20   efficace et réel sur ce volet-là. Bien vous avez pu voir les organigrammes

 21   qui démontrent la police militaire - il s'agit là de la pièce D231 - Le

 22   Procureur aussi a présenté une pièce, à savoir la pièce P962, et tout cela

 23   pour démontrer comment fonctionnait le système. Le Témoin 86 a fourni une

 24   liste claire avec les personnes-clés de la zone de Knin et ceci pour le

 25   mois d'août et le mois de septembre. Donc il s'agissait de l'état-major

 26   principal soit de l'administration de Zadar et de Knin de la police ou bien

 27   de Split de Dalmatie ou bien même du ministère de Zagreb, tous ceux qui

 28   étaient sur le terrain qui travaillaient avec lui. Smiljan Relic, la

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  1   transcription au numéro 5531, Franjo Djurica; M. Gledec, 5512. Je ne vais

  2   pas vous énumérer toutes les personnes qui faisaient partie de cette

  3   hiérarchie. Kardum, Batanga, Cetina, Moric, tous ceux-là sont venus à Knin.

  4   Si M. Cermak avait un véritable contrôle de la police civile, quelque chose

  5   se serait produit suite aux visites faites par ces gens. On aurait eu un

  6   document quelque chose qui fait le lien entre lui et ces personnes-là. On a

  7   rien eu. Et pourquoi. C'est bien clair. La structure de gouvernance croate,

  8   du gouvernement et ces organes, avaient une division claire entre le

  9   ministère de la Défense, le ministère de l'Intérieur - il s'agissait de

 10   deux hiérarchies complètement séparées - et chaque témoin pertinent a dit

 11   qu'ils faisaient partie d'une hiérarchie séparée et que l'armée n'avait pas

 12   le contrôle sur eux.

 13   Mais j'ai évoqué aussi la police militaire, on a évoqué un terme par

 14   rapport à cela. Si on avait construit ce moyen, si l'Accusation avait

 15   construit ce moyen à partir de théories formulées par les témoins

 16   internationaux, qui ont pu peut-être influencer le Procureur quand il a

 17   préparé son acte d'accusation. Bien dans ce cas, vous allez peut-être vous

 18   tromper quand il s'agit de proférer des allégations contre un accusé, parce

 19   que ce n'est pas quelque chose qui concerne les témoins internationaux, à

 20   commencer par le général Forand jusqu'au chef des équipes des droits de

 21   l'homme, comme M. Flynn, tous ces témoins ont avoué qu'ils ne savaient pas

 22   comment le système croate fonctionnait. Et si vous regardez à partir de cet

 23   angle-là l'affaire et si vous construisez votre cas à partir de cet angle-

 24   là, vous allez vous tromper dans le choix de l'accusé tout simplement. Vous

 25   ne pouvez pas faire autrement.

 26   On va à nouveau examiner les documents à l'appui, ils sont nombreux qui

 27   viennent de l'administration de la police du Kotar et de Knin, de Zadar-

 28   Knin, ils émanent également de M. Moric, qui était adjoint au ministre de

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  1   l'Intérieur à Zagreb. Aucun de ces documents n'a été envoyé en copie à M.

  2   Cermak et, dans aucun de ces documents, on ne trouve l'information qu'il

  3   aurait eu un contrôle réel sur la police. Comment pouvez-vous avoir un

  4   système qui fonctionne si quelqu'un qui a le contrôle réel de sorte qu'une

  5   institution lui soit subordonnée et que cette même personne ne sait pas ce

  6   qui se passe, parce qu'il ne fait pas partie de tout le système de

  7   l'opération. Nous avons présenté en l'espèce des centaines de documents qui

  8   montrent comment fonctionne le système à partir du nettoyage du terrain,

  9   l'établissement des points de contrôle, les inspections, les contrôles, les

 10   activités conjointes entre la police civile des Nations Unies et la police

 11   locale. Nulle part on a trouvé M. Cermak.

 12   Alors comment se fait-il qu'on a proféré de telles

 13   allégations ? Bien, dans le mémoire préalable au procès on a encore cette

 14   histoire, on évoque encore ce thème des ordres de l'ONURC qui émanent de M.

 15   Cermak par rapport à la perte de véhicules, et cetera, et cetera.

 16   Donc ce qui a été dit à ce sujet par les témoins-clés, parce que ces

 17   témoins-clés étaient là pour corroborer la théorie du Procureur, si le

 18   Procureur souhaite faire valoir la responsabilité au pénal et nous vous

 19   disons que cela, justement, que l'on voit pourquoi ces allégations ne

 20   tiennent pas debout.

 21   Ce qui est intéressant c'est de voir que le Témoin 86 quand on lui a posé

 22   la question à ce sujet et quand on a parlé de sa déposition. Et là encore,

 23   on n'a pas présenté ces ordres de l'ONURC à ce témoin pas dans sa

 24   déposition préalable. Pourquoi ? Bien, ce témoin en réalité, dans sa

 25   déposition préalable a dit : "Le général Cermak ne m'a jamais donné des

 26   ordres directs, mais parfois on est arrivé à des conclusions."

 27   Ensuite le paragraphe 65 de la pièce P487. "J'avais cependant, l'impression

 28   que je devais lui répondre." Comment ceci nous aide de quelque façon que ce

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  1   soit à établir l'existence d'un lien de subordination ou bien d'un contrôle

  2   réel et efficace ? Pourquoi la théorie de cette affaire a échoué ? Pourquoi

  3   elle est parfaitement contraire aux éléments qui ont été présentés ?

  4   Est-ce qu'ensuite, au cours de contre-interrogatoire, les choses se

  5   sont améliorées ? Réponse, oui, oui, pour la Défense, mais les choses se

  6   sont empirées pour les Procureurs. Pourquoi ? Parce qu'à la différence du

  7   Procureur, nous, nous avons présenté chaque ordre au témoin. Ce témoin a

  8   dit : "Ceci était des informations. Moi, je n'avais pas besoin de prendre

  9   les ordres."

 10   Bien, nous sommes ici à dépenser autant d'argent en l'espèce pour ce

 11   procès alors qu'on a un problème de fond, un problème de fond dans la

 12   théorie même des allégations. C'est maintenant à la clôture de la

 13   présentation des moyens de preuve du Procureur que je vais en parler aux

 14   Juges.

 15   Il a choisi de nous dire pour la première fois ici, devant ce Tribunal,

 16   comment il voyait lui la situation. Les Juges ont reçu cette déposition et

 17   d'après ce que j'ai compris, l'objectif de cette procédure est d'extraite

 18   du procès l'accusé qui a été accusé à tort, qui a fait l'objet des

 19   accusations non fondées quand il s'agit de crimes allégués dans l'acte

 20   d'accusation.

 21   Quand on regarde à nouveau cette déclaration préalable, les conseils

 22   de la Défense, à la lecture de cela, auraient été immédiatement alertés -

 23   et là, je parle de pièces P487 et P489, quand il s'agit du contenu de ces

 24   documents par rapport à la théorie du Procureur - ce que ce témoin a dit,

 25   bien, on n'en a jamais parlé directement. Là, il s'agit des impressions, on

 26   tourne autour du pot. On a entendu M. Tieger dans son propos préalable, on

 27   a entendu ses impressions dont on parle. Mais quand on creuse un peu, bien,

 28   cela ne tient pas debout tout simplement. Et il n'y a pas de corroboration

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  1   pour ces éléments de preuve. Vous vous souvenez de deux documents qui ont

  2   été présentés par la Défense émanant de la station de police de Knin où

  3   l'on parle des ordres de l'ONURC, des ordres qui avaient été émis par le

  4   général Cermak. Bien, comment a-t-on décrit cela ? Le commandant Mijic,

  5   dans le premier document - et là, il s'agit d'une mauvaise copie - parle ou

  6   se réfère à cet ordre. Dans le deuxième document, on dit clairement, une

  7   plainte a été déposée par le commandant de la garnison de Knin au sujet des

  8   voitures de l'ONURC. Une complainte. Bien, si vous le faites, ça ne va pas,

  9   si vous ne le faites pas, ça ne va pas non plus, en l'espèce en tout cas.

 10   Vous faites un rapport, parce qu'il y a des choses qui se passent, là, vous

 11   avez l'autorité de commandement du supérieur hiérarchique. Vous ne le

 12   faites pas, et là, on vous dit, vous êtes accusé de minimiser les crimes,

 13   de ne rien faire.

 14   Les Juges doivent examiner cela avec beaucoup d'attention. On ne peut

 15   pas se trouver dans une situation impossible parce que c'est un cauchemar

 16   kafkaïen. Vous ne pouvez pas avoir tort parce que vous faites un rapport,

 17   et là, il s'agit donc du contrôle réel. Si vous ne le faites pas, bien,

 18   qu'est-ce que vous faites et vous dissimulez les choses. Nous avons

 19   vraiment examiné tout cela, toute cette page, et nous avons établi qu'on

 20   n'a pas établi l'existence d'un contrôle réel entre le général Cermak et la

 21   police locale de Knin.

 22   Donc là, je suis à peu près entre l'article 7(3) et l'article 7(1),

 23   et maintenant je vais parler plutôt de l'article 7(1) plus précisément, ou

 24   je vais parler plutôt des allégations concernant l'entreprise criminelle

 25   commune.

 26   Alors quelques points en général. Plusieurs personnes, il faut

 27   plusieurs personnes, plus que l'accusé donc, pour établir qu'il existe une

 28   entreprise criminelle commune. Ce qui est au cœur de cette équation pour

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  1   savoir s'il y a eu ou non une entreprise criminelle commune. Ici en

  2   l'espèce, nous avons un motif de vengeance par la population civile, c'est

  3   assez clair, donc par différents militaires, au cas par cas, et autres

  4   contre les Serbes qui sont restés dans la Krajina serbe, comme ils

  5   l'appelaient, et qui avaient eux-mêmes expulser un grand nombre de Croates

  6   de cette zone en 1991, 1992, et par la suite. C'est à cause d'eux qu'ils

  7   ont dû vivre dans un Etat tronqué. Ils ne pouvaient pas rentrer chez eux,

  8   ils étaient piégés. La vie était dure pour eux. C'est quelque chose qu'il

  9   faut avoir à l'esprit en l'espèce. Nous pensons, nous considérons que les

 10   Juges doivent comprendre que ceux qui ont été nommés au nom du président

 11   Tudjman, le ministre Susak, le général Bobetko, le général Cervenko,

 12   d'autres membres qui figurent dans le tableau de classification, Norac,

 13   Ademi, Crnjac, Lausic, Jarnjak, Rebic, Radic, que eux, ou l'un d'entre eux

 14   avait créé, pensé cette entreprise criminelle commune dont ferait partie

 15   l'accusé. Bien, dans quelle mesure ceci a été prouvé ? Nous avons entendu

 16   la Défense Gotovina à ce sujet hier. Nous disons avec la même véhémence

 17   qu'il faut regarder vraiment les éléments de preuve qui ont été présentés

 18   et quels sont ces éléments de preuve qui pourraient faire en sorte que vous

 19   soyez sûrs de l'existence de cette entreprise criminelle commune.

 20   On a parlé de l'ambassadeur Galbraith. C'est quelqu'un  qui a participé à

 21   des réunions. Il ne venait pas du gouvernement croate. C'est quelqu'un qui

 22   a parlé avec beaucoup de gens et il nous a fait part de ses impressions.

 23   Est-ce la preuve ferme qui peut prouver au-delà de tout doute raisonnable

 24   l'existence de l'entreprise criminelle commune ? Nous affirmons que non. Il

 25   y a autant d'éléments en l'espèce qui indiquent que les civils, les

 26   militaires qui étaient plus d'active, des civils et des militaires, ou

 27   peut-être des militaires réunis, partaient chercher la vengeance, piller,

 28   faire ce qu'ils ont fait. Mais où est cette preuve qui établit qu'il

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  1   existait au-delà de tout doute raisonnable une entreprise criminelle

  2   commune ?

  3   Nous affirmons que là il s'agit à nouveau d'une théorie du Procureur

  4   qui vient de personnalités internationales et qui devait être adoptée par

  5   le Procureur, et il l'a fait. Et parmi d'autres arguments que j'ai avancés

  6   aujourd'hui, je vais vous dire que là il s'agit des éléments qui ont été

  7   importés de l'extérieur dans cette affaire. Et quand vous revenez sur le

  8   travail de l'année dernière et si vous cherchez une réponse quant à

  9   l'existence de cette entreprise criminelle commune, où la trouve-t-on, où

 10   est-elle ? Bien, elle n'y est pas, vous ne la trouverez pas. Vous allez

 11   trouver des milliers de points contradictoires qui vont vous permettre

 12   d'arriver à la conclusion qu'il n'existe pas d'entreprise criminelle

 13   commune. Moi, je parlais, par exemple, du général Cermak qui avait fait un

 14   rapport à Dzolic pour lui dire d'aller voir ce qui se passe avec ces

 15   incendies à l'extérieur de Knin le 9 août. Donc il l'envoie sur le terrain

 16   pour qu'il aille voir, parce qu'il a eu vent de cela du général Forand.

 17   Mais tout simplement cela ne tient pas debout.

 18   Et les Juges tout simplement ne sont pas tenus et ne devraient pas, parce

 19   que là nous avons un doute véritable raisonnable, pas hypothétique. Vous ne

 20   devriez pas, en tant que Juges, embrasser la théorie du Procureur alors

 21   qu'on a d'autres éléments qui disent le contraire. Nous affirmons - et

 22   c'est à la lumière des éléments qui ont été présentés - parce que là il ne

 23   s'agit pas d'un doute hypothétique, c'est un doute raisonnable. C'est cela

 24   que nous affirmons. C'est cela qui existe. Et c'est pour cela que cela

 25   contredit dûment les allégations du Procureur.

 26   Je voudrais aussi vous demander de vous référer à l'appel Brdjanin,

 27   paragraphe 412 où l'on peut lire :

 28   "Pour considérer qu'un membre de l'entreprise criminelle commune est

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  1   responsable de crimes commis par les personnes qui ne faisaient pas partie

  2   de cette entreprise criminelle commune, il s'agit de démontrer, il faut

  3   démontrer que les crimes auraient pu être imputés à un membre de

  4   l'entreprise criminelle commune et que ce membre, alors qu'il utilisait

  5   l'auteur du crime pour les perpétrer, agissait en accord avec le plan

  6   commun. L'existence de ce lien doit être établi au cas par cas."

  7   Comme nous avons vu hier, il faut commencer par discuter de la

  8   légalité de l'opération. Et l'ambassadeur Galbraith a accepté cela. Ensuite

  9   il faut se demander d'où vient cette entreprise criminelle commune ? Est-ce

 10   qu'elle n'a jamais existé ? Et nous, nous considérons, nous affirmons que

 11   les éléments de preuve indiquent clairement que non.

 12   Maintenant je voudrais aussi vous référer à l'appel Haradinaj,

 13   paragraphe 137 :

 14   "Il faut prouver qu'un objectif commun compréhension ou accord

 15   existait entre le participant, un accord comme quoi ils allaient commettre

 16   les crimes couverts par le Statut."

 17   Je ne veux pas m'étendre sur les définitions juridiques, parce que

 18   les Juges sont des Juges professionnels expérimentés qui connaissent très

 19   bien le texte, et je laisse les Juges réfléchir à ces questions-là. Parce

 20   que là ce qu'on dit c'est que tout simplement il n'y a pas eu d'éléments de

 21   présenter pour corroborer les allégations contre le général Cermak. Et

 22   c'est de cela que je vais vous parler. Il y a eu en ce qui me concerne

 23   d'ailleurs, des éléments très positifs concernant le général Cermak, à

 24   savoir qu'il ne faisait pas partie d'aucune entreprise criminelle commune.

 25   Et ça a été dit par des témoins internationaux qui disaient que sa porte

 26   était toujours ouverte. Le général Forand l'a dit au niveau du compte rendu

 27   d'audience 4236, qu'il était toujours prêt à coopérer. Là c'est le général

 28   Leslie qui l'a dit. Ils sont nombreux à l'avoir dit, à avoir dit des

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  1   éléments positifs à son sujet.

  2   Et les Juges sont conscients de l'aide qu'il a fournie à l'ONU, et

  3   vous allez vous rappeler que cela faisait partie de ses fonctions. Ça a été

  4   d'ailleurs démontré par les transcripts présidentiels quant à l'endroit où

  5   l'on discute de Knin. Et le président avait dit : Bien, le général Cermak

  6   est allé là-bas pour aider l'ONU et cela faisait partie de sa fonction, et

  7   c'est ce qu'il faisait. Et l'on peut voir qu'au début, dès le début, il se

  8   rend dans un camp où se trouvent les personnes déplacées où elles se sont

  9   rassemblées dans une base de l'ONU. On a un grand problème avec la

 10   communauté internationale et le gouvernement croate, à savoir qu'est-ce qui

 11   s'était passé avec les gens rassemblés dans la caserne de l'ONURC, il

 12   rencontre ces gens. Je n'ai pas vraiment la citation, mais apparemment il y

 13   avait surtout des Serbes qui étaient là, des Serbes qui vivaient là-bas

 14   dans le cadre du régime précédent.

 15   Le général Cermak dans la pièce P388 demande : "à avoir la liste complète

 16   des réfugiés pour qu'il puisse s'occuper de cela, il demande que des

 17   laissez-passer soient donnés à toutes les personnes qui souhaitent quitter

 18   le camp et qui souhaitent continuer à vivre dans la zone de Knin."

 19   Il s'agit là de la pièce D311. Le général Cermak aide l'ONU quand il s'agit

 20   d'escorter 51 personnes déplacées venues d'autres camps de l'ONU du secteur

 21   sud et jusqu'à la caserne de l'ONURC.

 22   Il s'agit de la pièce D38, on voit que le général Cermak dit aux Serbes

 23   dans le camp de l'ONU de rester, de ne pas quitter la Croatie.

 24   A la pièce P409, D146, D29, nous voyons là que le général Cermak dit à des

 25   membres de la communauté internationale qu'il souhaite que les gens restent

 26   dans leurs villages.

 27   Il y a le document qu'il a remis aux Serbes dans le camp pour leur donner

 28   des droits et soulignant quels sont leurs droits en tant que citoyens en

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  1   Croatie en leur expliquant ce que serait leurs droits en Croatie en tant

  2   que citoyens.

  3   Ce n'était pas là quelque chose d'une personne qui aurait voulu un

  4   déplacement forcé de ces personnes de la région ferait, selon notre thèse,

  5   si c'était l'objectif auquel il s'était attaché et qu'il était en train

  6   d'effectuer. Je parle, parce qu'il n'y a aucun élément de preuve du tout

  7   que le général Cermak lorsqu'il était M. Cermak avant le 5 août, il ait en

  8   quoi que ce soit été mêlé, venir quelconque aux actes, aux réunions, aux

  9   discussions, à la planification des événements avant l'opération Tempête.

 10   Il apparaît, pour la première fois dans cette affaire, de façon tout à fait

 11   séparée et distincte, à partir du 5 août et c'est à ce moment-là qu'il

 12   arrive comme commandant de la garnison et qu'on le voit pour la première

 13   fois dans ce tableau. Il n'y a donc aucun élément de preuve avant cela.

 14   Ceci est très important selon notre thèse. Voilà un homme qui a été placé

 15   dans une situation après que l'opération ait eu lieu. Et si l'on doit en

 16   juger d'après les mesures qu'il prend, ce qu'il fait, s'il était membre

 17   d'une entreprise criminelle commune, irait-il, de façon si publique et si

 18   hardie, dans le camp de l'ONU pour y tenir une conférence de presse, pour

 19   publier le fait que ces gens-là devraient rester. Si tel est le plan et

 20   s'il fait cela en utilisant la chaîne de télévision nationale, les membres

 21   de la Chambre ont vu des éléments de preuve vidéo du fait qu'il parlait

 22   dans le camp et à une conférence de presse pour dire aux gens de rester en

 23   leur disant qu'ils seraient protégés. Pourquoi ferait-il cela, pourquoi

 24   ferait-il cela si --

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kay, il y a quelque chose là

 26   qui est en train de bouger, qui fait un bruit. Je ne sais pas ce que c'est.

 27   Peut-être que c'est près de votre microphone.

 28   M. KAY : [interprétation] Je vais placer le microphone comme ceci.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A ce moment-là, les interprètes pourront

  2   toujours entendre votre voix ainsi que les personnes qui transcrivent.

  3   Veuillez poursuivre.

  4   M. KAY : [interprétation] Je ne demanderai pas si j'ai besoin d'un

  5   microphone. Je reprends.

  6   Pourquoi est-ce qu'il irait se présenter à la télévision croate pour

  7   promouvoir ses idéaux s'il faisait partie d'une entreprise criminelle

  8   commune ? Lorsque vous regardez ses fonctions dans le développement et la

  9   portée de ce qui s'est passé, s'il faisait partie d'un plan visant à faire

 10   expulser ces personnes du secteur, on pourrait penser à de nombreuses

 11   autres démarches s'il faisait partie d'un plan, démarches qu'il

 12   effectuerait et certainement il ne serait pas en train de faire des

 13   déclarations et d'encourager les gens à rester. Tout au moins peut-être se

 14   tairait-il à ce sujet. Mais non, non, les éléments de preuve indiquent bien

 15   le contraire.

 16   Votre Chambre doit être absolument sûre qu'il y aurait eu une sorte

 17   d'opération visant à couvrir cela si elle veut ne pas tenir compte et ne

 18   pas accepter le fait que ces actes et sa conduite à l'époque contredisent

 19   très clairement l'idée de sa participation à une entreprise criminelle

 20   commune. Et voyons, cette allégation a été faite dans le cas où il aurait

 21   nié l'existence de crimes et/ou il aurait, en l'occurrence, ignoré ce que

 22   disait le général Forand. Mais en fait nous avons présenté à la Chambre le

 23   fait qu'il y a eu de nombreuses déclarations du général Cermak où il

 24   reconnaissait que les crimes et délits avaient eu lieu.

 25   Le fait qu'il ne soit pas d'accord avec l'idée d'un plan militaire

 26   organisé, mais il dit que ce sont des civils ou des terroristes, ce n'est

 27   pas un motif qui permette de condamner un homme, parce qu'il n'est pas

 28   d'accord avec le point de vue d'autres personnes qui sont à l'extérieur à

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  1   son pays. Nous n'avons pas là une sorte de critère pour savoir si on a

  2   raison ou tort. Il a admis, tout au long de ces rapports en matière de

  3   droits de l'homme, au général Forand et à tous, qu'il y avait des crimes

  4   qui avaient lieu et il les a condamnés.

  5   Ce qui semble s'être passé ici, c'est qu'aucun ont cru que cet homme était

  6   en mesure de faire bien plus qu'il ne pouvait en véritablement faire et

  7   qu'il avait le pouvoir de réaliser. Et c'est de cela dont il s'agit ici

  8   dans cette affaire. C'est cette impression, impression qui était fausse.

  9   C'était un homme qui, sans aucun doute, avait le respect de la communauté

 10   internationale mais qui, comme on peut le voir par la séquence des éléments

 11   de preuve, est devenu en quelque sorte frustré lorsqu'il a dit avec raison

 12   ce qui se passerait et que ce qui devait s'arrêter ne s'est pas arrêté. Le

 13   fait qu'il ait dit que certaines choses auraient lieu et que certaines

 14   personnes seraient arrêtées. Mais ceci n'a pas eu lieu. Ceci ne revient pas

 15   à dire qu'il soit responsable des crimes qui ont eu lieu, que ces crimes

 16   aient eu lieu non plus si la base de son autorité a été mal comprise, mal

 17   jugée, peut-être à cause des mesures mêmes qu'il a prises en traitant de

 18   façon active dans les Nations Unies. Ce n'est pas cela qui devrait le faire

 19   condamner, c'est la question de savoir, si oui ou non, les actes, les

 20   mesures qu'il prenait faisaient partie d'une entreprise criminelle commune.

 21   Et nous avons ce problème qui se pose dès le début qui est de savoir si le

 22   gouverneur militaire Zborno Mjesto, et commandant de la garnison. D'une

 23   certaine manière les titres n'ont pas beaucoup d'importance. Votre Chambre

 24   le juge d'après ce qu'il a fait, selon ce qu'il a fait. Et lorsqu'on

 25   rappelle aux Juges de la Chambre qu'il a déclaré en public, dans un

 26   interview donné à un journal le 7 septembre, condamne le fait qu'on ait

 27   saisi des appartements, des maisons, qu'il a condamné les crimes et délits

 28   commis, comment est-ce que ceci correspond ou s'adapte avec le fait qu'il

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  1   voudrait que ces crimes aient lieu ? Il n'aurait pas besoin de le faire

  2   cela.

  3   Il était clair que les fonctionnaires internationaux de l'ONU étaient

  4   frustrés, parce que le général Cermak ne pouvait pas faire en sorte que ses

  5   promesses se réalisent. Et que, petit à petit, ils se sont faits un point

  6   de vue selon lequel il n'avait pas vraiment le pouvoir de le faire. Ils ont

  7   eu des doutes à son sujet. Et c'est ça l'essentiel, Monsieur le Président.

  8   Il était là-bas pour les aider en tant que point de contact, en tant que

  9   truchement devant eux et en tant que point de contact, en tant que messager

 10   et en tant que recevant des messages. Il était, ça se comprend, la personne

 11   qui, finalement, a été condamnée parce que des résultats n'étaient pas

 12   réalisés.

 13   Selon nous, ceci est très injuste à son égard et ne devrait pas être

 14   de la façon dont un procès est jugé.

 15   Je voudrais rappeler aux membres de la Chambre ici quel est le

 16   libellé des paragraphes relatifs à l'entreprise criminelle commune qui lui

 17   est reproché ou la participation qui lui est reprochée, en commençant au

 18   paragraphe 19(a) juste pour voir à quoi nous avons dû faire face au cours

 19   de ce procès, savoir si cela a un sens et si ceci correspond bien à ce

 20   résultat.

 21   Regardons 19(a) :

 22   "Le fait d'avoir donné des ordres et des directives concernant

 23   l'administration, la gestion et l'opération de la garnison de Knin."

 24   Comment est-ce que ceci pourrait équivaloir à des mesures prises pour

 25   réaliser une entreprise criminelle commune ? Comment est-ce que le fait de

 26   donner ces ordres-là, qui sont tous de caractère logistique, n'ont aucun

 27   caractère opérationnel, même si vous dites que dire au capitaine Dzolic

 28   d'aller voir pourquoi il y a des incendies le 9 août, comment vraiment est-

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  1   ce que tout ceci pourrait correspondre à des actes visant à réaliser les

  2   objectifs d'une entreprise criminelle commune en ce qui concerne le fait

  3   d'administrer et de faire fonctionner la garnison de Knin ? Bien, nous

  4   avons passé au peigne fin et présenté pratiquement tous les documents dont

  5   on pouvait disposer jusqu'au dernier bout de papier, comme le sait la

  6   Chambre, de la liste des documents 65 ter que nous avons pu trouver et nous

  7   avons posé cette question : Comment est-ce que quoi que ce soit de tout

  8   cela, quoi que ce soit de tout ce qu'il a dit ou de ce qu'il a fait ait pu

  9   en quoi que ce soit favoriser l'entreprise criminelle commune telle que les

 10   choses sont exprimées au paragraphe 19(a).

 11   Passons maintenant au paragraphe 19(b) : "Le fait d'avoir dirigé, facilité,

 12   appuyé et d'avoir émis des ordres à des éléments et/ou à des membres de

 13   l'armée croate, de la police ou à des personnels du ministère de

 14   l'Intérieur croate, y compris la police militaire et la police civile."

 15   Bien, nous avons en fait déjà parlé de vastes passages de ceci dans ma

 16   plaidoirie. La Chambre a vu les ordres qui ont été produits ou émis pendant

 17   la présentation des éléments de preuve. Tous correspondent au fait qu'on

 18   prête assistance aux Nations Unies ou on prête assistance à des personnes

 19   déplacées où on fait le nécessaire pour normaliser la vie à Knin et des

 20   questions de garnison, des questions générales. Alors comment est-ce que

 21   l'une quelconque de ses activités, si on les prend toutes ensemble en tant

 22   que pièces à conviction comme nous l'avons fait, et telles que nous les

 23   avons présentées à votre Chambre au cours du contre-interrogatoire comme

 24   des collections de documents, comment est-ce que les mesures qu'il a prises

 25   pourraient en arriver au point de pouvoir dire qu'il aurait dirigé,

 26   facilité et appuyé et même donner des ordres, et cetera, de telle sorte que

 27   l'objet de l'entreprise criminelle commune, à savoir l'expulsion permanente

 28   de la population serbe serait réalisée ? Selon nous, ceci n'a pas lieu

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  1   d'être, n'existe pas.

  2   Au paragraphe 19(c) : "Le fait de permettre, de refuser et/ou de minimiser

  3   les activités criminelles en cours, y compris la participation à des

  4   rapports qui étaient faux, incomplets ou trompeurs pour les informations de

  5   ce genre concernant les crimes commis en sachant que des destructions très

  6   étendues et du pillage de biens appartenant à des civils serbes avaient

  7   lieu ainsi que des meurtres illicites et des traitements inhumains de

  8   Serbes de la Krajina étaient en cours."

  9   Cette affaire concernant le général Cermak est très différente de l'affaire

 10   Brdjanin où il s'agissait de discours extrêmes et très violents par un

 11   accusé et qui a abouti à une condamnation. L'Accusation doit prouver si

 12   quoi que ce soit qu'il a dit ait pu aider ou favoriser l'entreprise

 13   criminelle commune qu'ils allèguent et que le but commun était l'expulsion

 14   par la force de la population serbe. Comment est-ce que quoi que ce soit

 15   qui ait dit pourrait être considéré comme étant une déclaration simplement

 16   visant à minimiser un autre point de vue, une expression de sa part, juste

 17   parce qu'il n'accepte pas ceci comme étant un plan organisé ou que les

 18   militaires sont responsables d'avoir commis de tels crimes simplement parce

 19   qu'il dit : Bien ici nous avons, il s'agit de vengeance, ce sont des civils

 20   et il dit cela au général Forand ou à M. Flynn ou M. Al-Alfi, comment est-

 21   ce que cela favorise l'entreprise criminelle commune ? C'est une accusation

 22   qui déjà vraiment porte jugement. Nous avons ces structures très

 23   compliquées d'allégations, et nous devons là en fait faire face à un

 24   verbiage très étendu où on accuse quelqu'un de nombre d'activités et,

 25   finalement, on finit par en perdre le fil.

 26   Selon nous, rien de ce qu'il a dit aux fonctionnaires internationaux, qui

 27   n'étaient pas des démentis de crimes. Il se peut qu'il y ait eu un cas ou

 28   deux où il est dit, Je ne suis pas sûr que ceci a eu lieu. Mais ceci n'est

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  1   pas suffisant pour constituer une base permettant de suggérer, parce que

  2   ceci ne correspond pas à ce que voudrait quelqu'un, que soudain il a

  3   participé à une entreprise criminelle commune. Il serait vraiment extrême

  4   de commencer à juger des gens de cette manière.

  5   Selon nous, la construction d'un acte d'accusation de ce genre, qui profère

  6   cette vaste variété d'allégations sans prouver même que quoi que ce soit de

  7   ce qui est évoqué en 19(c) ait obligé des Serbes à partir ou les ait

  8   empêché de rester, c'est un argument qui est totalement vicié. Comment

  9   peut-on y trouver quelque logique ? On ne peut tout simplement pas faire de

 10   telles allégations et dire, Vous l'avez fait, vous avez fait cela, ceci

 11   d'ailleurs correspond au schéma et au tableau d'une entreprise criminelle

 12   commune, ensuite ne pas fournir les raisonnements qui permettent de

 13   démontrer que ceci ait eu un effet et ait même causé l'objectif commun, des

 14   résultats communs qui devaient être réalisés. Selon nous, ceci n'a tout

 15   simplement pas eu lieu de la manière dont c'est exprimé dans cet acte

 16   d'accusation.

 17   Et pourquoi est-ce que cette accusation n'a pas été structurée de

 18   cette manière pour l'établir, à savoir que quoi que ce soit qu'il ait dit,

 19   par exemple, ait obligé les gens à partir ? Tout simplement parce que les

 20   éléments de preuve ne sont pas là, ils ne sont pas là. C'est là prendre une

 21   position de jugement très extrême sur chacune des activités d'un accusé,

 22   ensuite en les magnifiant jusqu'à en faire un type de conduite criminelle

 23   qui, vraiment, n'est pas convenable. Il faudrait quand même avoir un sens

 24   de proportionnalité qui, ici, fait défaut en ce qui me concerne par rapport

 25   à un acte d'accusation tel que celui-ci contre M. Cermak. Peut-être peut-on

 26   le critiquer pour une décision qu'il a prise ou pour une déclaration qu'il

 27   a faite. Mais qu'est-ce qui a été prouvé concernant les raisons pour

 28   lesquelles il a agi ainsi ?

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  1   Prenons l'exemple Grubori. Ce qui a été prouvé concernant ce qu'il

  2   savait sur le moment. Il est intéressant de voir que le premier rapport

  3   complet concernant les meurtres à Grubori ait émané du bureau du capitaine

  4   Dondo de la garnison. Ceci contredit intégralement la théorie selon

  5   laquelle le général Cermak aurait participé ou a été mêlé à une entreprise

  6   criminelle commune, si les gens qui travaillent avec lui rendent compte

  7   dans un rapport complet de cette question à la police. Il n'y a pas que

  8   cela. Les déclarations faites par lui-même le lundi à la télévision, telles

  9   qu'on les a vues à la vidéo, qu'est-ce qui a été prouvé en ce qui concerne

 10   son état d'esprit, les renseignements qui étaient en sa possession à ce

 11   moment-là ? Si vous allez commencer à faire le procès de personnes sur ce

 12   qu'ils ont dit, il faut à ce moment-là aller jusqu'au bout et établir que

 13   ce qu'ils ont dit était un compte rendu trompeur des renseignements qu'ils

 14   avaient en leur possession. Ceci n'a pas été fait en l'espèce.

 15   Le général Cermak était en droit de prendre la position qui lui a été

 16   présentée par la police spéciale du ministère de l'Intérieur. C'est comme

 17   cela que fonctionnait le pays, ce n'était pas une question militaire,

 18   c'était une question de police. Il était rendu compte de quelque chose, un

 19   rapport était présenté. C'était un rapport qui n'était pas pour lui compte

 20   tenu -- il n'appartenait pas à ses fonctions, à son rôle de commencer à se

 21   poser des questions ou de contester les renseignements qu'on lui avait

 22   donnés. Sinon tout porte-parole, par exemple, pour les soldats qui se

 23   trouvent en Afghanistan ou en Iraq ou aux Falklands, où que ce soit, se

 24   trouverait responsable en vertu de ce paragraphe 19(C) pour avoir commis un

 25   délit.

 26   Il faut prouver que ça a été fait avec une intention de tromper, avec

 27   cette intention de causer ce qui était l'objectif de l'entreprise

 28   criminelle commune afin qu'elle puisse être réalisée ou mise en œuvre.

Page 17329

  1   Selon nous, il faut une proportionnalité par rapport à ces allégations pour

  2   que ceci ait un sens.

  3   Pour les trois dernières minutes qui me restent, je voudrais

  4   maintenant passer avant la suspension de séance au paragraphe 19(d) :

  5   "N'ayant pas établi et maintenu l'ordre public et la discipline au

  6   milieu de ses subordonnés, n'ayant ni prévenu ni puni les crimes et délits

  7   commis contre les Serbes de la Krajina."

  8   J'en ai parlé hier déjà dans ma plaidoirie relative à l'article 7(3)

  9   pour ce qui est des questions relatives à la subordination.

 10   Je voudrais simplement faire remarquer que dans le règlement de la

 11   garnison, le mot "loi" pour un ordre public n'est pas présent. Ça a été

 12   quelque chose qui a été ajouté, ça a été ajouté pour ce qui est des

 13   obligations du règlement de la garnison. Il y a également la question de

 14   "l'ordre," ça, c'est une question différente. Quant au mot, subordonnés,

 15   ses subordonnés, nous le savons, il y en avait neuf. C'étaient des unités

 16   de la région militaire de Split qui lui étaient subordonnées. La réponse

 17   donnée hier, c'était non. Quelles étaient ses obligations de prévenir ou de

 18   punir les crimes ou délits commis contre les Serbes de la Krajina ? Il

 19   avait l'obligation de punir ses subordonnés en vertu de l'article 19, 27 du

 20   code de discipline militaire. L'article 26 en tant qu'officier supérieur,

 21   si un délinquant lui est présenté, qui n'appartient pas à son unité

 22   organique, et il est nécessaire - j'ai oublié les mots. Je crois que c'est

 23   nécessaire et raisonnable, nécessaire ou convenable, un mot de ce genre -

 24   pour qu'il puisse prendre des sanctions, des mesures disciplinaires

 25   mineures. Pour cela, il s'agit de l'article 5 du code de discipline

 26   militaire. Il n'y a aucun élément de preuve qui permette d'étayer qu'il y a

 27   un fondement à ceci comme faisant partie d'une entreprise criminelle

 28   commune.

Page 17330

  1   Je vois qu'il est 10 heures 30, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, beaucoup, Monsieur Kay. Je

  3   voudrais simplement vous informer du fait qu'il vous reste

  4   approximativement 45 minutes après la suspension de séance.

  5   Nous allons donc maintenant suspendre la séance et nous reprendrons à 10

  6   heures 55.

  7   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

  8   --- L'audience est reprise à 11 heures 04.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, je voudrais

 10   soulever un point brièvement. On nous a informés du fait qu'il existe un

 11   désaccord quant à l'exactitude de la pièce P461. Il s'agit du transcript de

 12   la traduction de la réunion de Brioni. Nous avons aussi D1453, mais c'est

 13   la page de garde et là il n'y a pas de contestation.

 14   Bien, au lieu de soumettre encore une nouvelle version du transcript, les

 15   Juges demandent aux équipes de la Défense qui contestent la traduction de

 16   ce transcript de soumettre une requête brève par écrit, où ils diraient

 17   après avoir examiné la pièce P461 : Nous souhaitons indiquer que lignes

 18   telles et telles n'ont pas été transcrites correctement. Et d'après la

 19   Défense… ensuite vous pouvez donner votre version de la version correcte de

 20   la traduction ou du transcript.

 21   Donc je ne sais pas si c'est la moitié du document, si c'est juste

 22   quelques lignes, mais si vous faites cela, bien, on va être mis en garde de

 23   l'existence ou de la contestation de l'exactitude du compte rendu de

 24   Brioni. Et si nous souhaitons nous appuyer sur les portions pertinentes de

 25   ce document ou bien sur le document en entier, bien, nous pensons qu'il

 26   serait important pour interpréter. Si on trouve qu'il est vraiment

 27   important d'interpréter ce document, bien, il va falloir qu'on résolve ce

 28   problème. Donc d'un côté on va avoir quelqu'un qui va écouter le texte pour

Page 17331

  1   nous dire si c'est exactement ce qui se trouve dans le transcript qui est

  2   dit sur la bande d'enregistrement, ensuite on aura besoin d'une opinion

  3   supplémentaire au sujet de la qualité de la traduction.

  4   Mais pour commencer nous devons tout d'abord établir le problème, savoir où

  5   il se trouve. Donc si vous n'arrivez pas à vous mettre d'accord avec le

  6   Procureur, si vous le pouvez, c'est toujours bien, et si vous ne pouvez

  7   pas, bien, veuillez nous le dire. Et les Juges, puisque là il ne s'agit pas

  8   d'une pièce qui a été versée, enfin, la pièce P461 est versée au dossier,

  9   mais l'autre non.

 10   Donc on va choisir l'approche qu'on va adopter. Donc nous souhaitons

 11   être informés aussi bien que la Défense que par le Procureur. Et je pense

 12   que pour le Procureur, bien, nous avons déjà refusé la requête qui

 13   demandait à connaître qui avait fait la transcription parce que cela ne

 14   nous intéresse pas, nous avons nos propres raisons. Nous ne souhaitons pas

 15   que l'on nous indique cela. Nous vous avons dit pourquoi.

 16   A moins que l'on nous dise le contraire, les Juges considèrent que le

 17   Procureur considère que le transcript qui a été fourni à l'époque avait été

 18   fourni par le gouvernement croate sans avoir plus de détails.

 19   Bien, s'il y a des contestations de la part de la Défense, nous

 20   devons savoir exactement de quoi il s'agit et s'il s'agit d'un problème de

 21   traduction, qu'est-ce qu'on critique exactement. Donc d'un côté nous avons

 22   le transcript; est-ce qu'on a transcrit ce qu'il a été dit de l'autre côté

 23   de la question de la traduction.

 24   Donc nous souhaitons savoir quelles sont ces lignes contestées et

 25   quel est leur rôle dans l'interprétation, placées dans le contexte du

 26   document en entier. Et les parties peuvent d'ailleurs soumettre leurs

 27   arguments par rapport à l'importance de ces lignes. Ensuite on va se poser

 28   la question de savoir quelle est la bonne version et s'il s'agit de prendre

Page 17332

  1   une décision là-dessus. Bien, il faut savoir ce que l'on conteste, on ne le

  2   sait pas pour l'instant. Ensuite on va s'efforcer de résoudre ce problème.

  3   Est-ce qu'il y a des réactions par rapport à cela ? Bien.

  4   Veuillez réfléchir à la meilleure démarche par rapport à ce problème

  5   et nous nous attendons à recevoir vos arguments. Je pense que c'est la

  6   Défense Gotovina. Je n'en suis pas sûr mais je ne sais pas si c'est la

  7   seule Défense concernée. Donc si ces arguments vont être -- vous allez nous

  8   le dire si c'est la Défense Gotovina ou bien Cermak ou Markac qui vont

  9   soumettre cette requête.

 10   Monsieur Kay, vous pouvez poursuivre.

 11   M. KAY : [interprétation] Bien. Je vous remercie, Monsieur le Président.

 12   Maintenant je vais parler du paragraphe 19(e) : "En représentant de la

 13   communauté internationale de fausses assurances que des mesures avaient été

 14   ou seraient prises pour faire cesser les crimes."

 15   Donc nous affirmons qu'il n'y a pas eu d'élément pour étayer cette

 16   allégation, à savoir qu'Ivan Cermak a fourni de fausses assurances et nous

 17   allons examiner cela plus en détail d'ici quelques instants. Donc il n'y a

 18   pas eu d'élément de présenter pour étayer cette allégation, à savoir que ce

 19   qu'il disait il savait que cela ne correspondait pas à la vérité. Et on va

 20   examiner les mesures concrètes qui ont été prises pour cesser les crimes.

 21   C'est le ministère de l'Intérieur qui a pris ces mesures, c'est aussi

 22   l'armée croate qui a pris ces mesures. Puis on va aussi examiner ce qui

 23   s'est passé quand il s'agit de crimes dont on l'a informé qu'il s'agisse de

 24   la communauté internationale ou qui que ce soit d'autre.

 25   Donc on va tout d'abord placer cela dans l'ordre chronologique, il

 26   s'agit donc des ordres venant des autorités croates de haut niveau, des

 27   ordres qui ont été émis pour faire cesser la criminalité et les crimes. Et

 28   comme nous pouvons le voir, ces ordres contredisent l'allégation de

Page 17333

  1   l'entreprise criminelle commune. Ces ordres deviennent de plus en plus

  2   intenses au fur et à mesure que les troubles s'accentuent. Et il est

  3   intéressant de voir quelle était vraiment la situation sur le terrain à

  4   partir du moment où ces territoires libérés ont été repris par cette

  5   autorité légitime et peut-être qu'ils n'ont pas vraiment planifié que les

  6   choses se déroulent comme cela, qu'ils ne se sont pas vraiment attendus à

  7   cela.

  8   Et c'est peut-être justement de cela qu'il s'agit ici, parce que quand on

  9   regarde l'ordre du général Cervenko, un ordre qui a pour objectif

 10   d'empêcher les vols de biens et le comportement non discipliné. Donc il

 11   s'agit de la pièce D323. Le général Cermak dit que les mesures ont été

 12   prises. Nous avons que, le 6 août, le chef de l'état-major avait donné cet

 13   ordre et là, il s'agissait donc d'une mesure de prise. Nous savons que le 6

 14   août, nous avons un autre ordre, D582, que la police, le ministère de

 15   l'Intérieur, qu'ils ont envoyé des policiers des enquêtes criminelles et

 16   d'enquêtes médico-légales dans les administrations de police pour les aider

 17   de façon temporaire quand il s'agit de mener à bien les missions de

 18   médecine légale et scientifique sur la zone de l'administration de la

 19   police de Zadar et Knin. Donc là nous avons les deux volets du systèmes

 20   croates qui sont en œuvre le 6 août.

 21   Et on peut voir aussi que, le 6 août, le général Gotovina lui-même

 22   donne l'ordre qui demande que l'on contrôle et que l'on enregistre tous les

 23   butins de guerre. Et ceci relève de la pièce D643 et on peut voir aussi

 24   comment le système fonctionne à l'époque.

 25   Le 7 août, le chef de l'état-major, le général Cervenko, pièce D324,

 26   émet un ordre pour prévenir des pillages, incendies et autres actes

 27   illégaux.

 28   Le 8 août, pièce D583, M. Moric fait un ordre qui découle de l'ordre

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  1   du 4 août, qui demande que les mesures de sécurité soient renforcées quand

  2   il s'agit de transport de l'infrastructure et de la défense du pays.

  3   Le 10 août, le général Gotovina émet un ordre portant sur le respect

  4   des mesures relevant de la discipline militaire, pièce D204, où il dit :

  5   "Prendre toutes les mesures nécessaires et mettre en œuvre entièrement la

  6   discipline militaire et le maintien de l'ordre dans la zone de

  7   responsabilité et empêcher les pillages et tout acte illégal. Prendre des

  8   mesures décisives contre toute personne qui ne respecte pas la discipline."

  9   Donc nous connaissons le contexte en l'espèce, nous savons quelle

 10   était la situation dans cette zone-là à l'époque. Mais est-ce que le

 11   général Cermak a vraiment donné des fausses assurances à la lumière de ces

 12   ordres précis qui ont été émis par les autorités et qui correspondaient

 13   précisément aux plaintes formulées par la communauté internationale ?

 14   Pourquoi alors aurait-on émis de tels ordres s'il existait un plan selon

 15   lequel il s'agissait de permettre aux gens d'aller commettre des crimes

 16   avec, pour objectif, l'expulsion ou le déplacement de la population civile

 17   serbe de la région ? Ce n'est pas logique tout simplement. Et le document

 18   que nous avons en l'espèce, parce que nous n'avons pas eu accès à tous les

 19   documents en l'espèce, mais la pièce D325, le 10 août, le commandant Vukic

 20   du groupe opérationnel de Sibenik donne un ordre pour empêcher le vol de

 21   biens et le comportement indiscipliné et pour sauver les vies humaines.

 22   Ensuite la pièce D644, là nous avons un ordre du capitaine Nakic, c'est un

 23   commandant à Drnis, où il utilise exactement les mêmes mots, les mots qui

 24   figurent dans l'ordre précédent, l'ordre du commandant Vukic où il s'agit

 25   de respecter les mesures concernant la discipline militaire pour empêcher

 26   le vol de biens, le comportement indiscipliné et pour protéger les vies

 27   humaines. Là il s'agit donc de la pièce D644.

 28   Donc là on voit que le système fonctionne, on ne peut pas dire que le

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  1   système ne fonctionne pas, au contraire. Là on peut voir que le général

  2   Cermak a donné des assurances que des mesures allaient être prises pour

  3   contrôler les comportements des gens dans la région. On voit bien qu'il ne

  4   s'agit pas là du tout des fausses assurances. Ce sont des éléments de

  5   preuve que nous avons ici.

  6   Et le souci qui existe au plus haut niveau des autorités croates, à

  7   la date du 10 août, qui reflétait dans la pièce D46, on voit que M. Moric

  8   crie au général Lausic, donc le ministère de l'Intérieur s'adresse à la

  9   police militaire et il demande à Lausic, qui est le chef de la direction de

 10   la police militaire, de prendre de mesures pour mettre fin aux incendies,

 11   aux pillages, aux tueries de bétail et pour augmenter la coopération entre

 12   la police civile et militaire au niveau de points de contrôle. Alors

 13   pourquoi, si le ministère, si l'adjoint du ministre de l'Intérieur qui est

 14   responsable de la police fondamentale demande qu'il y ait une coopération

 15   et la coordination du fait avec la police militaire et s'il demande que les

 16   mesures soient prises et ceci d'ailleurs prouve qu'il existait des lignes

 17   hiérarchiques séparées. Et on voit bien que Moric ne pouvait pas donner des

 18   ordres à Lausic, alors pourquoi tout ceci se produirait s'il existait un

 19   plan gigantesque permettant aux gens de commettre des crimes.

 20   Le 12 août, la pièce D205, le commandant Kotlar, à nouveau, cite les

 21   propos qui se trouvent dans l'ordre du général Gotovina du 10 août la pièce

 22   D205 où il dit :

 23   "Prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher les incendies

 24   volontaires, le pillage et d'autres actes illégaux. Prendre des mesures

 25   disciplinaires strictes contre les auteurs de tels actes."

 26   Le 12 août, le District militaire de Split, le SIS, la section chargée des

 27   activités politiques, là il s'agit de la pièce D645, émet une mise en garde

 28   demandant que l'on prenne des mesures pour empêcher l'incendie, la

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  1   destruction des biens, les meurtres, la tuerie du bétail, sans meurtre

  2   [comme interprété], vols, conduites inappropriées, et cetera. Et il dit que

  3   ceci sera la responsabilité des commandants des unités et des officiers

  4   chargés des questions politiques, dans le cadre des unités, que de prendre

  5   les mesures disciplinaires nécessaires le cas échéant.

  6   Le 13 août, pièce D646, un ordre du commandant du District militaire de

  7   Gospic : "Prendre des mesures et fournir des efforts maximals [comme

  8   interprété] pour empêcher le pillage, incendies, et cetera."

  9   Donc comme on n'a pu le voir, les autorités croates des craintes, car

 10   tout ceci avait pour but d'empêcher des sanctions éventuelles contre la

 11   Croatie imposées par la communauté internationale. Alors si ces autorités

 12   croates faisaient tout cela pour empêcher des sanctions, pourquoi alors il

 13   fallait empêcher les crimes, les arrêter ? Pourquoi alors ils auraient

 14   donné des raisons à cela si leur plan était de commettre des crimes afin de

 15   causer le départ de la population serbe ? Cela tout simplement ne tient pas

 16   la route.

 17   Je dois dire que nous avons aussi présenté des éléments dans ce sens.

 18   Maintenant je veux parler d'un autre document. Le 14 août, la pièce D647,

 19   le commandant du District militaire de Drnis. Il s'agit d'une mise en garde

 20   à tous les adjoints commandants chargés des activités politiques de la 142e

 21   Brigade de Domobrani.

 22   Le 14 août, 112e Brigade de Zadar. Mise en œuvre de cette mise en garde du

 23   12 août. La pièce D648.

 24   Le 15 août, Nakic à Drnis, pièce D649, où l'on interdit les incendies des

 25   installations résidentielles et autres en disant que les auteurs allaient

 26   être exposés à des mesures disciplinaires, que c'est le commandant qui

 27   allait s'en occuper.

 28   Ensuite nous avons une autre pièce, le 17 août, M. Moric au ministère de

Page 17337

  1   l'Intérieur. Il s'agissait là d'une pièce que j'ai montrée à M. Flynn, la

  2   pièce D48. Donc c'est un document dans lequel Moric écrit à Lausic où il

  3   demande qu'un nouveau plan soit élaboré afin d'éliminer la criminalité,

  4   parce qu'il dit que les personnes, les auteurs des crimes dans ces régions

  5   sont les personnes qui portent les uniformes de l'armée croate, mais qu'il

  6   y a aussi des personnes qui ne sont pas membres de l'armée croate, mais

  7   portent seulement leur uniforme alors qu'ils n'ont pas le droit, l'uniforme

  8   de l'armée croate."

  9   Donc ici on voit bien qu'il ne s'agit pas là d'une activité organisée. Il

 10   s'agit là d'une activité qui survient parce qu'il n'y plus de tensions, car

 11   les territoires occupés ont été libérés et ces actes sont [inaudible] des

 12   personnes qui se sont retrouvées réfugiées dans leur propre Etat, et c'est

 13   la première fois qu'ils ont droit de regagner leurs foyers, de rentrer chez

 14   eux et à cause de cette liberté regagnée, ces personnes ont pris leur

 15   vengeance.

 16   Mais quand j'ai montré cela, cette pièce où on voit que Moric et Lausic

 17   essayent de s'occuper des crimes, que c'est eux qui font ce travail. C'est

 18   juste un choix. Il y a d'autres arguments venant de la police militaire et

 19   d'ailleurs. Mais quand il s'agit de cette allégation, à savoir de donner

 20   des fausses assurances que des mesures avaient été prises pour faire cesser

 21   la criminalité, pour parler de cela c'est important de mettre la lumière

 22   sur ces éléments, parce que non seulement que cela contredit l'entreprise

 23   criminelle commune et cette pièce montre que M. Cermak disait la vérité,

 24   mais ceci aussi prouve qu'on l'a mal jugé dans ces rapports internationaux,

 25   qu'ils ont donné un avis erroné à son sujet. Et là quand je parle des

 26   internationaux, je parle des membres, des observateurs de l'ONU, de

 27   l'ONURC, et cetera. Quand ils ont dit qu'il faisait des fausses promesses,

 28   qu'il donnait des fausses assurances et que rien ne s'était passé, quand

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  1   ils ont dit cela, quand ils l'ont jugé comme ils l'ont fait, ils l'ont fait

  2   parce qu'ils ne savaient pas quelle était la situation en Croatie à

  3   l'époque. Donc ils se sont dépêchés pour le juger, pour émettre un jugement

  4   qui a fait qu'il a été accusé de ces crimes et là c'est vraiment un terrain

  5   très dangereux, parce que c'est le Procureur a activement condamné à la

  6   hâte, accusé M. Cermak sans avoir fait une véritable enquête là-dessus,

  7   sans avoir cité des véritables témoins, des témoins adéquats qui sont à

  8   même d'aider les Juges à trouver la vérité. Donc ils ont fait cet acte

  9   d'accusation à la hâte en disant que les autorités croates ne se sont pas

 10   occupées de cela.

 11   Nous considérons que les éléments de preuve vont montrer que ce

 12   système essayait de fonctionner, qu'il y a eu des ordres et que la police

 13   militaire et les militaires, tant bien que mal, essayaient de faire cesser

 14   les crimes et arrêter ce qui se passait.

 15   Le problème c'est que s'il y a dans ce système des éléments qui n'écoutent

 16   pas, qui eux-mêmes se mettent hors la loi, que pouvait-on faire ? Qu'est-ce

 17   qu'on peut faire ? Il faut qu'il y ait quand même le principe de

 18   proportionnalité qui s'applique. Le fait qu'il y ait encore des crimes qui

 19   se produisent ne signifie pas qu'il faut nécessairement traduire en justice

 20   telle ou telle personne. Ici vous avez entendu parler des mesures prises

 21   pour essayer d'enrayer les crimes ou qu'ils ne se poursuivent.

 22   Le 20 août, Cetina, pièce D585, qui vient de l'administration de la police

 23   militaire de police de Knin-Zadar, de son chef, qui pose le problème du

 24   transport des marchandises et du bétail qui passe, qui franchit des postes

 25   de contrôle de la police, essaie que des crimes ne se commettent plus, le

 26   fait de prendre du bétail et de la nécessité de protéger des biens civils.

 27   Ici nous ne sommes pas dans un Etat du style de l'OTAN, douter de

 28   tous les éléments nécessaires à assurer le contrôle. Nous parlons ici d'un

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  1   nouvel Etat, de nouveaux ministères, de nouvelles armées qui devaient faire

  2   face à des problèmes suite à la libération, problèmes qu'elle n'était pas à

  3   même de surmonter. Mais ceci n'impose pas une responsabilité pénale. Parce

  4   que les structures n'étaient pas à même d'assumer ce fardeau, ceci ne

  5   déclenche pas une responsabilité pénale. Le pays a pu se libérer, l'armée a

  6   pu assurer la libération, mais elle n'a pas été à même d'appliquer les

  7   principes. Elle a essayé de les appliquer, et nombreux sont les exemples de

  8   poursuites engagées suite à des incidents de plaintes déposées qu'on se

  9   retrouve dans des mains courantes de la police. S'il y avait un plan, si

 10   plan il y avait, bien, tout cela n'aurait pas existé, parce que ce n'est

 11   pas comme ça qu'on s'y prendrait pour réaliser ce plan.

 12   Ces ordres se poursuivent pendant tout le mois d'août, je vais en

 13   choisir quelques-uns. La Chambre a été saisie de tous ces rapports, 22

 14   août, pièce D50, document que j'ai soumis à M. Flynn. M. Moric, ordre de

 15   suivi, instruction ou ordre donné le 18 août suite à des crimes commis, y

 16   compris des demandes d'obtention d'information précise. Tout ceci devant

 17   être géré au niveau suprême. Ça se continue pendant chaque journée du mois

 18   d'août, 22, 24. Vous avez l'administration, l'administration de la police,

 19   le ministère de l'Intérieur, partout ces ordres se donnent. Le temps ne me

 20   permet pas d'examiner chacun de ces rapports jusqu'au mois d'octobre. Mais

 21   vous avez ces documents, Madame et Messieurs les Juges, et à notre avis,

 22   vous devriez en tenir compte, car ceci contredit les éléments à charge. Et

 23   je pense qu'il conviendrait d'en tenir compte, car il s'agit d'éléments de

 24   preuve analytiques si on avait fait un dépôt d'écriture comme l'a fait

 25   l'Accusation juste avant la fin de ces présentations, la présentation de

 26   ses moyens à charge, comme elle l'a fait pour le dossier Kardum où la

 27   Chambre s'est prononcée et a déclaré ce document admissible, recevable.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soyons pratiques. Est-ce que vous

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  1   auriez une objection à ce que la Défense fasse ce genre de

  2   dépôt ?

  3   M. TIEGER : [interprétation] J'aimerais d'abord voir le dossier Kardum pour

  4   me rafraîchir la mémoire. Puis peut-être nous donnerez-vous un peu de temps

  5   pour voir comment nous allons répondre.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eventuellement en fin de journée

  7   aujourd'hui; sinon, lundi.

  8   M. TIEGER : [interprétation] Nous le ferons.

  9   M. KAY : [interprétation] C'était pour aider la Chambre.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais, bien sûr, demander aux autres

 11   équipes de la Défense si elles s'opposeraient à ce genre de dépôt.

 12   Pas d'objection.

 13   M. KEHOE : [interprétation] Pad d'objection

 14   M. MIKULICIC : [interprétation] Non.

 15   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 16   M. KAY : [interprétation] Je remercie mes confrères.

 17   Regardons de plus près certaines plaintes déposées et les mesures prises

 18   suite à celles-ci. Je parle de documents qui sont parvenus jusqu'au général

 19   Cermak.

 20   Ce qui frappe ici c'est qu'il y a eu beaucoup de rapports généraux. On a

 21   présenté comme éléments de preuve venant de la communauté internationale

 22   qu'on lui a soumis, où on se plaignait d'incendies volontaires, de

 23   pillages. Les témoins l'ont dit, c'était évident. Ça se voyait. On le

 24   voyait partout. C'était présent. La Chambre sait que le général Cermak,

 25   dans le cadre de son programme de normalisation de la vie quotidienne à

 26   Knin, avait des réunions quotidiennes pour essayer de coordonner cette

 27   coopération. Et il a parlé avec des gens de tous les horizons à Knin, avec

 28   la police civile, institutions civiles, mais aussi avec la police

Page 17342

  1   militaire, de façon à permettre aux gens d'être informés. Nous avons eu le

  2   carnet, le journal de M. Gambiroza, qui disait que c'était effectivement

  3   des briefings, des réunions d'information sur ce qui se passait.

  4   A notre avis, ça nous semble être une façon très responsable et très

  5   correcte d'agir si on a pour objectif d'assurer la normalisation de la vie

  6   dans la région. Si le fait que des crimes étaient commis, ne vous

  7   embêtaient pas, pourquoi avoir sur place la police, la police militaire ?

  8   Je vous rappelle ce qui s'est dit lors de la réunion au cours de laquelle

  9   la commission de crimes a été évoquée. Témoin 86, compte rendu d'audience

 10   page 5 555.

 11   "On a discuté des questions de crimes commis lors de cette réunion, de

 12   crimes et des questions relevant de la compétence de la police. Les

 13   problèmes s'étant produits à Knin et des localités entourant la ville de

 14   Knin."

 15   Ce passage que je viens de vous signaler c'est quelque chose que nous

 16   savons pour l'avoir entendu du capitaine Dzolic. Il avait dit qu'on lui

 17   avait demandé de mener des enquêtes sur des incidents d'incendies qu'on

 18   voyait depuis Knin dans la nuit du 9 août. Autant de mesures positives, de

 19   mesures prises en vue de transmettre l'information pour permettre aux gens

 20   d'agir suite à la réception de ces informations, pour assurer la

 21   coopération et la coordination, mais pas la subordination. Nous parlons de

 22   transmission d'information qui cherchait à permettre de mieux maîtriser la

 23   région.

 24   Lorsque des crimes d'ordre général sont soumis à quelqu'un, qu'est-ce qu'on

 25   fait ? Si le général Forand dit : Voilà, on incendie, on brûle des maisons

 26   à Drnis, on pille, comment y parer de façon précise, si ce n'est en faisant

 27   rapport, en n'en rendant compte, en transmettant l'information dans des

 28   réunions quotidiennes ? Nous allons examiner les mesures positives prises.

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  1   Vous avez la pièce P875, la déclaration du capitaine Dzolic, qui dit qu'il

  2   est allé voir le commandant pour lui dire qu'il est intolérable de brûler

  3   des maisons et qu'il faut punir les auteurs de ces méfaits.

  4   Le 9 août, nous le savons, le général Forand demande l'aide du général

  5   Cermak, car il veut retrouver les trois véhicules des Nations Unies qui

  6   avaient été volés. Et vous avez vu des documents qui montrent ce qu'on a

  7   fait pour essayer de porter assistance aux Nations Unies. Nous avons aussi

  8   la pièce D303, on parle des véhicules en question. Nous avons revu

  9   l'historique de cet incident.

 10   Puis nous avions la pièce D505, 10 août 1995, une petite entreprise de

 11   petits actionnaires qui dit qu'on a volé des biens sociaux. Et le général

 12   Cermak envoie un rapport auquel il joint au rapport des griefs présentés

 13   par cette petite entreprise d'actionnaires à la police de Knin, il y a

 14   renvoi d'un sujet précis.

 15   Pièce P814, il y a les mauvais traitements infligés par trois soldats de

 16   l'armée croate qui ont malmené un monsieur âgé serbe, Dusan Drpa, qui était

 17   sorti du camp de l'ONURC pour rentrer chez lui, et c'est là qu'il avait

 18   subi des sévices. Ceci a été transmis au général Cermak par la communauté

 19   internationale et M. Cermak a dit  qu'on essayait de trouver une solution.

 20   C'est une question qui avait été sans doute abordée lors d'une réunion

 21   quotidienne.

 22   Il y a eu l'incident de Grubori, où le capitaine ou plutôt le lieutenant

 23   Dundo, il s'agit de la pièce P1044, il rend compte de ce qu'il a découvert

 24   à Grubori. On en a parlé au général Cermak et ceci est transmis au bureau

 25   du général Cermak le 25 août et le général Cermak transmet le dossier à la

 26   police de Knin.

 27   Soyons encore plus précis, le 5 septembre, pièce P383, pièce 230. Le 5

 28   septembre, protestation après l'assassinat de Sava Babic, protestation

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  1   transmise au gouverneur militaire de Knin, comme c'est dit dans le rapport.

  2   D'ailleurs à l'époque, les notes de la réunion avec M. Al-Alfi le 7

  3   septembre le montrent, le général Cermak ne se trouvait pas à Knin.

  4   Cependant, nous avons la pièce D230 du 6 septembre 1995, M. Romanic, chef

  5   de la police de Kotar-Knin, renvoie le dossier à la police de Zadar-Knin

  6   afin de fournir des informations.

  7   Une fois de plus, le 7 septembre 1995, ce jour-là le général Cermak était

  8   rentré à Knin, pièce P37, il fait une déclaration publique par le biais de

  9   la presse, il dit qu'il ne faut pas que des crimes soient commis.

 10   Pièce P829, 14 septembre 1995, on décrit cela comme étant une campagne dans

 11   les médias pour empêcher qu'il y ait occupation illégale d'appartements

 12   vides, laissés vacants par les propriétaires, empêcher des cas de pillages

 13   et d'incendies volontaires.

 14   Puis nous avons la pièce D487, 27 septembre 1995, un rapport envoyé par M.

 15   Romanic, chef de la police ou du poste de police de Kotar-Knin. Ça a été

 16   envoyé au général Cermak, s'agissant d'un incident de viol survenu le 8

 17   août, découvert le 9 août, et par ce rapport, on informe le général Cermak

 18   que l'affaire a été présentée à un juge de Zadar. Il y a d'autres incidents

 19   à Gosic le 27 août, à Brgud le 10 et 11 septembre, et cetera.

 20   Le 3 octobre 1995, il s'agit de la pièce P1169, il y a eu des assassinats à

 21   Varivode, neuf personnes sont tuées le 28 septembre. Ce n'est pas le

 22   général Cermak qui s'en est occupé, car il n'était pas en ville, c'est son

 23   adjoint Gojevic qui s'en charge. Voyons si son adjoint, le commandant

 24   adjoint de la garnison de Knin, prend les mesures qu'il faut. Il dit que

 25   ceci c'est quelque chose qu'il a découvert le 29 septembre et que toutes

 26   les informations sont à demander à la police de Zadar qui a commencé son

 27   enquête le 28 septembre 1995 et on se chargeait de ce genre de questions

 28   quotidiennement.

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  1   Enquête de Varivode, on va la trouver dans la pièce P268, la pièce 278 qui

  2   montrent que ces questions étaient examinées et faisaient l'objet

  3   d'enquêtes.

  4   Et nous avons le 11 octobre 1995, la pièce P1223, une lettre de Cermak

  5   envoyée à Carmen Burger de la Croix-Rouge internationale qui mentionne un

  6   cas précis qui lui a été transmis et qui fait le point de la situation.

  7   Nous savons qu'il n'est pas le responsable de la police civile. Nous savons

  8   qu'il n'est pas à Knin, qu'il n'a aucune autorité, aucune responsabilité,

  9   qu'il n'est pas chargé d'aller sur les lieux et de mener des enquêtes sur

 10   des crimes. Mais ce qu'on lui rapporte comme cas précis et concret, il s'en

 11   charge, les éléments de preuve le montrent à peut-être une ou deux

 12   exceptions près. Mais ici ce qu'il faut garder à l'esprit, c'est la

 13   proportionnalité. Nous savons qu'il y avait des réunions quotidiennes au

 14   cours desquelles il y avait, parmi les points à l'ordre du jour, la

 15   question de la criminalité. Je le répète, à notre avis, ceci démontre que

 16   ces questions étaient prises en charge et ceci est en parfaite

 17   contradiction avec les éléments à charge retenus contre l'accusé.

 18   Pourquoi prendrait-il toutes ces mesures s'il faisait partie d'une

 19   entreprise criminelle commune ? Tout ceci ne tient tout simplement pas la

 20   route à ce stade de la procédure, la Chambre a parfaitement le droit de le

 21   dire et de mettre un terme à ladite procédure. Inutile de pérenniser les

 22   choses et ce procès lorsque les éléments à charge ne correspondent pas du

 23   tout aux charges retenues.

 24   Ici il s'agit de circonstances radicalement différentes que les éléments

 25   présentés, jusqu'à présent ont été présentés, et c'est opposé à ce qu'a dit

 26   l'Accusation dans les moyens ainsi que dans l'acte d'accusation et le

 27   mémoire préalable au procès.

 28   Il reste quelques éléments généraux portant sur l'article 7(1) du Statut en

Page 17346

  1   matière d'entreprise criminelle commune, il n'y a aucune preuve montrant

  2   qu'on aurait aidé et encouragé à commettre et exécuter, car dans l'acte

  3   d'accusation tout ceci est dit de façon très générale, très vague.

  4   Le temps qui m'avait été accordé est maintenant écoulé. Mais je pense que

  5   nous avons montré qu'ici nous avons une situation tout à fait différente,

  6   autre que celle qui a été présentée par l'Accusation qui reproche un

  7   comportement répréhensible à l'accusé. En fait les mesures positives prises

  8   par l'accusé montrent que c'est qu'il faisait, ce que bon nombre de

  9   témoins, les témoins innombrables sont venus dire qu'il faisait, il

 10   essayait d'aider la vie à revenir à la normale, il aidait les autorités

 11   civiles. Et on pensait sans doute que si on mettait un civil en uniforme et

 12   si l'on envoyait dans un rôle non opérationnel, ceci aidait à la

 13   réalisation des objectifs que tout le monde voulait réaliser à l'époque. Si

 14   on lui avait donné un statut, une responsabilité plus importante, si ce

 15   n'est que d'être un civil en uniforme posté à des fonctions non

 16   opérationnelles, on lui aurait donné un titre et un poste de commandement

 17   grand, éloquent. On lui a donné un titre grand éloquent, mais c'est la

 18   communauté internationale qui l'a fait, parce qu'elle n'a pas bien compris

 19   la nature du titre effectif qu'avait l'accusé. Il avait été appelé

 20   gouverneur militaire, mais pour quelqu'un qui est de l'Occident, qui est

 21   international, il pense à tout ce que peux faire un gouverneur militaire

 22   dans une région donnée. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé ici. Ça ne

 23   s'inscrivait pas du tout dans la dotation organique du gouvernement de

 24   Croatie et ça n'existait pas un tel poste opérationnel. Je ne critique pas

 25   les gens qui étaient sur place à l'époque, mais je dirais quand même que,

 26   si on avait fait un peu plus de recherche, si on mieux avait réfléchi à la

 27   situation, de façon plus détaillée en temps et en heure, ceci aurait

 28   entraîné des résultats très différents, aurait permis de mieux comprendre

Page 17347

  1   la nature et le rôle qu'a joué cet homme qui était un civil en uniforme.

  2   C'était mes conclusions au nom de M. Ivan Cermak.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

  4   Nous allons maintenant avoir les avocats de M. Markac, je vois que vous

  5   êtes en train de vous préparer, Maître Kuzmanovic. Est-ce que vous allez

  6   être le seul ou le premier à nous présenter vos conclusions ?

  7   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je serai le seul, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez la parole.

  9   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci.

 10   Je voudrais vous présenter nos conclusions au titre de l'article 98 bis. Je

 11   vais essayer de ne pas répéter ce qu'ont déjà dit mes confrères pour ce qui

 12   est des critères d'examen. Me Akhavan a déjà bien évoqué ces critères et

 13   vous les connaissez, Madame et Messieurs les Juges. J'aimerais à votre

 14   intention mettre en exergue les questions relatives à l'entreprise

 15   criminelle commune, les allégations visées par l'article 7(1) du Statut et

 16   la question de la responsabilité du supérieur hiérarchique reprochées au

 17   général Markac en application de l'article 7(3). S'ajouteront à ceci

 18   d'autres éléments après ma présentation sur la responsabilité du supérieur

 19   hiérarchique, mais je vais surtout parler aujourd'hui de cette

 20   responsabilité du supérieur hiérarchique et de l'entreprise criminelle

 21   commune.

 22   Paragraphe 12 de l'acte d'accusation modifié, il y est dit que le général

 23   Markac a notamment participé à une entreprise criminelle commune de la

 24   première catégorie dont "l'objectif commun était de chasser définitivement

 25   la population serbe de la région de la Krajina."

 26   Ce qui se serait apparemment passé à Brioni le 31 juillet 1995, c'est là

 27   qu'a été mis ce projet qui s'est réalisé par l'opération Tempête. On dit

 28   que ceci se serait passé par des attaques d'artillerie de grande envergure

Page 17348

  1   et aveugles par le fait qu'on a. Le pilonnage, c'est le pilier qui sous-

  2   tend la thèse de l'Accusation pour l'entreprise criminelle commune. Et

  3   apparemment, nous dit-on, après ces pilonnages, il y a eu destruction de

  4   grande envergure, réquisition de biens, vols et d'autres mesures

  5   discriminatoires qui, apparemment, auraient touché des personnes déplacées.

  6   En plus de ces crimes qui relèvent de la première catégorie de l'entreprise

  7   criminelle commune, l'acte d'accusation affirme, aussi des éléments de la

  8   catégorie 3 de cette entreprise, qu'il était prévisible que les crimes de

  9   meurtre, actes inhumains et traitement cruel étaient ou seraient la

 10   conséquence prévisible de l'exécution de cette entreprise.

 11   A notre humble avis, l'Accusation a essayé en vain de prouver le pilonnage

 12   aveugle arbitraire. Mes confrères de la Défense Gotovina l'ont déjà prouvé,

 13   je ne vais pas y revenir. Mais je vais parler de cet aspect du pilonnage

 14   sous l'angle de police spéciale dans ces axes d'attaque. Rien, aucun

 15   élément, pas le moindre élément ne vient à l'appui de cette affirmation

 16   disant que la police spéciale a utilisé l'artillerie, aurait tiré de façon

 17   arbitraire pour ce qui est de ces axes d'attaque.

 18   Voyons tout d'abord le village de Gracac. Rien, aucune preuve, aucun témoin

 19   n'est venu dire qu'il y aurait eu des victimes civiles à la suite de

 20   pilonnage à Gracac. Il n'y a aucun élément de preuve, aucun témoin qui soit

 21   venu quantifier d'éventuels dommages collatéraux à la suite du pilonnage de

 22   Gracac. Pas plus qu'on aurait prouvé que des bâtiments civils ou des civils

 23   eux-mêmes auraient été pris pour cibles à Gracac. Aucun témoin n'est venu

 24   dire que le général Markac eut le moindre rapport avec la préparation de la

 25   planification de ces opérations d'artillerie sur cet axe d'attaque. Aucun

 26   doute la police spéciale n'avait aucune compétence territoriale, ce qui

 27   n'était pas le cas pour la région militaire de Split et Gospic. Il n'y

 28   avait aucune responsabilité territoriale. Il n'y avait aucune zone de

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  1   responsabilité, la police spéciale s'était vu confier des missions bien

  2   précises, bien délimitées, ordonnées par l'état-major de l'armée croate.

  3   C'était des éléments du front qui n'occupaient pas de territoire. Dès que

  4   l'opération "Storm" s'est terminée, ces hommes se sont vu confier d'autres

  5   missions. Revenons à la question de l'artillerie, le seul témoignage

  6   entendu à ce propos, pour ce qui est de Gracac, vient précisément de M.

  7   Turkalj, témoin à charge qui a dit notamment ceci, il avait des

  8   instructions, a-t-il dit, qui étaient de veiller à ce que les civils ne se

  9   trouvent pas sur la trajectoire de tir de l'artillerie. Il a précisé

 10   quelles étaient les cibles militaires à Gracac et le Témoin Rajcic l'a

 11   confirmé. M. Turkalj a dit qu'il n'y avait que des canons de

 12   130-millimètres qui avaient été utilisés, qu'on n'a pas utilisé de lance-

 13   roquettes multiples alors qu'on les avait à disposition et

 14   qu'approximativement, pour la ville même de Gracac, on avait utilisé 15

 15   obus d'artillerie. Compte rendu d'audience pages 13 703 à 13 707.

 16   Nous allons plus loin dans l'axe d'attaque de cette police spéciale pendant

 17   l'opération Tempête, il y a le village de Donji Lapac. La seule déposition

 18   que nous ayons concernant les tirs d'artillerie pour Donji Lapac, c'est que

 19   la police spéciale, d'après M. Turkalj, la seule personne qui ait déposé à

 20   ce sujet concernant l'artillerie employée par la police spéciale, en fait,

 21   n'a pas employé d'artillerie dans les combats pour libérer Donji Lapac. Et

 22   on trouve ceci au compte rendu, 13 717 à 13 16.

 23   Les seuls tirs d'artillerie qui ont eu lieu à Donji Lapac étaient le

 24   résultat de tirs serbes de Bosnie et également de tirs, dits amis, qui tous

 25   deux ont eu lieu le 7 août. A la pièce P614, qui est le journal de la

 26   police spéciale, mentionne ces deux événements, et ce journal de guerre

 27   montre que Donji Lapac le 7 août a été libéré à 13 heures. Et qu'à 14

 28   heures 10, la police spéciale a subi une forte attaque d'artillerie de son

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  1   artillerie du HV qui tirait des positions se trouvant dans le secteur

  2   d'Udbina et qui ont cessé à 14 heures 40. Le P614 continue en disant que la

  3   police spéciale était déjà partie de Donji Lapac à 16 heures 30 ce jour-là

  4   et en direction de Kulen Vakuf en Bosnie. L'artillerie serbe a ouvert le

  5   feu sur Donji Lapac depuis la Bosnie à 19 heures 45.

  6   En ce qui concerne Gracac et Donji Lapac la prétention selon laquelle

  7   Gracac aurait été détruit à 85 % et que Donji Lapac avait été complètement

  8   détruit par les membres des forces de la police spéciale, comme le soutient

  9   l'Accusation dans sa première déclaration, n'a absolument aucune preuve

 10   pour l'étayer en ce qui concerne la police spéciale.

 11   Mais ne nous fondons pas sur la déclaration de l'Accusation.

 12   Entendons plutôt l'expert de l'Accusation en matière d'artillerie, M.

 13   Konings. Que nous a-t-il dit dans sa déposition sur la question des tirs

 14   d'artillerie et de l'axe d'attaque de la police spéciale, plus

 15   particulièrement en ce qui concerne Gracac ? Il n'avait en fait aucune

 16   opinion à ce sujet. Et même une discussion concernant l'utilisation par la

 17   police spéciale de pièces d'artillerie dans l'opération "Storm," dans

 18   l'opération Tempête. Le général Markac aurait utilisé l'artillerie qui

 19   était à sa disposition. Comment cette artillerie est-elle devenue un moyen

 20   dans le cadre d'une entreprise criminelle commune ? C'est quelque chose qui

 21   est discuté dans les éléments présentés par l'Accusation.

 22   L'Accusation, d'après M. Konings lui-même, ne lui a même pas posé des

 23   questions concernant des points précis relatifs à l'emploi de l'artillerie

 24   dans l'opération Tempête par la police spéciale, y compris les questions

 25   des cibles prises comme objectif. Et il y a donc comme éléments de preuve

 26   absolument zéro sur ce pilier des thèses de l'Accusation concernant

 27   l'entreprise criminelle commune à propos de tirs d'artillerie en ce qui

 28   concerne l'ensemble de l'axe d'attaque dans l'opération Tempête.

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  1   En ce qui concerne la réunion de Brioni, outre le fait d'avoir été

  2   présent à la réunion et avoir à établir une question de fond qui était

  3   discutée par lui, bien qu'il y ait eu certaines discussions du général

  4   Markac, comment est-ce que sa présence du général Markac à cette réunion

  5   pourrait constituer le fait d'être membre d'une entreprise criminelle

  6   commune ? Ou sont les éléments de preuve de l'intention coupable, de mens

  7   rea ou de l'élément moral du général Cermak et quel est le crime ? Dans sa

  8   déclaration liminaire, l'Accusation a reconnu, tout au long d'ailleurs de

  9   ce procès, que le droit pour la Croatie de réintégrer les territoires

 10   occupés à l'intérieur de ces frontières reconnues sur le plan international

 11   n'était pas contesté. Pourtant l'Accusation n'a absolument pas réussi à

 12   présenter la moindre preuve dans la manière dont la police spéciale aurait

 13   attaqué avec des pièces d'artillerie son secteur d'opération, son axe

 14   d'attaque et son intention de commettre un crime, et par ce crime

 15   d'apporter une contribution significative à la commission d'une entreprise

 16   criminelle commune.

 17   Regardons des documents spécifiques, des documents précis qui ont

 18   trait à la police spéciale dans le cas de Brioni. Les pièces 535, D535,

 19   D536 et D543 sont des documents qui examinent, qui traitent d'ordres

 20   émanant de l'état-major principal croate adressés à la police spéciale en

 21   ce qui concerne les opérations qu'ils vont mener sur l'axe d'attaque au

 22   cours de l'opération Tempête. Le D535 est daté du 26 juin 1995, à savoir

 23   plus d'un mois avant la réunion de Brioni. Ce document de l'état-major

 24   principal ordonnait à la police spéciale du ministère de l'Intérieur de

 25   lancer des attaques à partir de la base d'opération dans le secteur des

 26   montagnes Velebit avec comme objectif le fait de prendre le contrôle du

 27   secteur de Mali Golic, Sveti Rok, Gracac, et de couper la route Gospic-

 28   Gracac, de prendre le contrôle des installations radio relais de Celavac et

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  1   de passer le col et le tunnel à Prezid, et d'établir un lien avec les

  2   forces de la Région militaire de Split. Cette opération en juin 1995 avait

  3   été effectuée en deux étapes au cours d'une période de trois jours.

  4   Presque immédiatement après cet ordre précis de l'état-major

  5   principal, un autre ordre a été émis, que l'on trouve dans le D536 qui, en

  6   fait, contredisait pour l'essentiel l'ordre précédent du 26 juin. Ce qui se

  7   passe le 29 juillet, le D543 c'est un autre ordre de l'état-major principal

  8   adressé au général Markac indiquant pratiquement exactement la même chose

  9   que l'ordre du 26 juin 1995. Les forces spéciales du MUP vont effectuer une

 10   offensive à partir de la base d'opération dans le secteur du mont Velebit

 11   au nord pour prendre le contrôle du secteur de Mali Golic, Sveti Rok,

 12   Gracac, Prezid. Quels sont les objectifs de cet ordre qui, dit-on, étaient

 13   le résultat d'une entreprise criminelle commune ? Couper la route de

 14   Gospic-Gracac entre Sveti Rok et --

 15   L'INTERPRÈTE : Inaudible.

 16   M. KUZMANOVIC : [interprétation] -- et prendre le col, l'installation à

 17   Celavac et le col ou le tunnel à Prezid de façon à faire une jonction avec

 18   les forces de la Région militaire de Split. Cette opération devant être

 19   effectuée en deux phases pouvant durer au moins trois jours en tout.

 20   Avant la réunion de Brioni, après la réunion de Brioni, l'ordre est

 21   exactement le même. Ceci, Monsieur le Président, en ce qui concerne le

 22   général Markac montre que premièrement il n'a pas été mêlé à la

 23   planification; B, il n'a pas été mêlé à une entreprise criminelle commune

 24   quelconque.

 25   Regardons quel a été véritablement la contribution de la police

 26   spéciale telle que décrite par le général Forand. Nous voyons cela dans le

 27   document P401. Le général Forand a discuté, il a parlé des succès remportés

 28   par la police spéciale et déclare ce qui suit :

Page 17353

  1   "Nous devons reconnaître que les Croates ont remporté un succès

  2   stratégique énorme et que leurs petites unités de police spéciale ont

  3   réussi à accomplir de petites missions."

  4   Il poursuit en disant :

  5   "L'action essentielle lors de la campagne du HV dans la secteur sud

  6   c'était dans les montagnes Velebit à Mali Alan."

  7   La position civile dans cette zone montagneuse par rapport à Mali

  8   Alan équivaut à zéro.

  9   Forant continue :

 10   "Nous savons à partir des rapports des observateurs militaires de l'ONURC

 11   que les bataillons de la police spéciale du HV avaient reçu un

 12   entraînement, une formation et opéraient depuis quelques mois dans la zone

 13   de Velebit. Le 4 août, trois de ces bataillons d'environ 1 000 hommes,

 14   appuyés par un tirs d'artillerie lourde, ont pris le passage par Velebit

 15   suivant la route Mali Alan.". 

 16   "Le HVO a exploité ce succès, puis à l'est, ont coupé, ont isolé Knin et le

 17   sud de la Krajina. C'est là qu'il y avait les intersections des routes, qui

 18   étaient effectivement contrôlées pour toutes les communications nord-sud

 19   dans la Krajina et ceci peut être qualifié de succès stratégique."

 20   Voilà la véritable contribution de la police spéciale dans l'opération

 21   Tempête telle que décrite par le général Forand. Le général Forand dit, de

 22   façon intéressante dans le document P104, en ce qui concerne la population

 23   civile, il ne mentionne rien en ce qui concerne les tirs d'artillerie.

 24   Pourquoi dit-il dans ce rapport :

 25   "Il faut se demander pourquoi la RSK a décidé d'ordonner à la

 26   population civile de s'enfuir, à moins que cela n'ait été une conclusion,

 27   quelque chose de préparé d'avance, d'inévitable."

 28   Encore plus intéressant, lorsque ce n'est pas manipulé par le prisme

Page 17354

  1   du bureau du Procureur, c'est le fait que Forand déclare et je le cite :

  2   "Leur emploi de leur artillerie était excellent, mais la coordination

  3   entre l'artillerie, les chars et l'infanterie n'était pas évidente."

  4   Pour l'opération Tempête, le général Markac opérait dans un axe très

  5   étroit d'attaque. Il était responsable à l'égard de l'état-major principal

  6   des militaires croates à Zagreb, en ce qui concerne les tâches militaires,

  7   les objectifs militaires. Lorsque l'opération Tempête a pris fin, ces

  8   tâches ont changé selon les ordres de l'état-major principal. Ces ordres

  9   figurent spécifiquement dans D550, D551, parce que sa responsabilité allait

 10   seulement jusqu'à Gracac. Mais lorsque la rapidité de l'avance est devenue

 11   telle que le fait de s'arrêter pourrait permettre à la RSK qu'ils aient

 12   retraite d'établir une deuxième ligne de défense, il a reçu l'ordre de

 13   l'état-major principal de continuer sa poursuite et finalement jusqu'à la

 14   frontière de l'Etat de Bosnie-Herzégovine, tâche que la police spéciale a

 15   réalisé avec un plein succès avec le minimum de victimes et le minimum de

 16   dommages collatéraux. Tout ceci faisait partie de l'objectif qui était de

 17   libérer le territoire croate et de restaurer la souveraineté croate.

 18   Sur ce secteur sud du territoire, la police spéciale n'était pas

 19   présente. En vertu de l'ordre de l'état-major principal, comme on le voit

 20   dans le D557, ils ont été retirés vers Petrova Gora dans le secteur nord.

 21   Ils n'y étaient pas présents pendant 11 jours. Le D559 est un ordre de

 22   l'état-major principal pour les militaires croates de procéder à certaines

 23   opérations de nettoyage dues à des résistances armées qui se manifestaient,

 24   mais pas spécifiquement pour la police spéciale, c'était pour l'armée. Le

 25   D561 est un ordre qui donne l'ordre à la police spéciale de revenir dans le

 26   secteur sud pour effectuer certaines opérations de nettoyage.

 27   En ce qui concerne la police spéciale, nous n'avons pas d'éléments de

 28   preuve selon lesquels les déplacements des civils et l'axe d'attaque de la

Page 17355

  1   police spéciale ou quoi que ce d'autre fasse que la police spéciale, où

  2   elle se trouvait, ait eu pour résultat des actions qui ne seraient pas

  3   autorisées en droit international comme l'exige l'article 5(d) et (i). Il

  4   n'y a pas d'éléments de preuve pour soutenir non plus que la théorie de

  5   responsabilité pour une entreprise criminelle commune de l'Accusation à

  6   Brioni avec l'intention de terroriser et d'expulser des civils sur une base

  7   discriminatoire ni pour étayer la thèse de l'Accusation selon laquelle les

  8   crimes de persécution et des attaques illicites et expulsion aient été

  9   commis indépendamment de la question d'une entreprise criminelle commune.

 10   Nous n'avons entendu aucune preuve non plus qui prouve qu'il y ait eu

 11   intention d'effectuer une discrimination en ce qui concerne le général

 12   Markac. Il n'y a aucun document, aucune déclaration, aucun comportement de

 13   sa part. Il n'y a aucune déposition de témoins qui fournisse les moindres

 14   preuves d'une intention d'effectuer une discrimination de la part du

 15   général Markac à l'égard de civils serbes en raison de leur origine

 16   ethnique.

 17   Comme l'a évoqué mon confrère, Me Akhavan, en ce qui concerne le

 18   traitements cruel et meurtres, les traitements inhumains, au titre de

 19   l'article 89, on ne peut pas attribuer ceci au général Markac sans élément

 20   de preuve concernant l'entreprise criminelle commune au point 1.

 21   Si nous regardons l'accusation d'entreprise criminelle commune au

 22   point 3, il n'y a aucun, en ce qui concerne le général Markac, pour ce qui

 23   est de crimes de meurtre, actes inhumains, traitement cruel ayant pour

 24   conséquence possible l'exécution, la mise en œuvre d'une entreprise

 25   criminelle commune. Il n'y a aucune preuve fournie par l'Accusation d'un

 26   état d'esprit commun pour les coauteurs allégués, comme ceci est énoncé

 27   dans Krstic, qui indique :

 28   "Si les crimes reprochés entraient dans l'objectif. L'Accusation

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  1   doit, à ce moment-là, établir que l'accusé a partagé cette intention avec

  2   des personnes qui, personnellement, ont effectué les crimes. C'est dans

  3   l'état d'esprit nécessaire pour commettre ce crime. Avec aucun élément de

  4   preuve sur cet état d'esprit commun, ce mode de responsabilité ne peut être

  5   retenu."

  6   Maintenant l'Accusation, dans ses déclarations préliminaires, a

  7   soutenu que d'emblée le fait que : "Dès l'entrée dans les villes et

  8   villages, la police spéciale avait commencé à commettre des crimes."

  9   Nous n'avons aucun élément de preuve précis, d'aucune source qui

 10   puisse préciser, identifier le fait que la police spéciale ait commis des

 11   crimes lorsqu'ils sont entrés dans des villes et villages ou se soit

 12   engagée ou avait commencé sur une vaste échelle à créer des incendies ou à

 13   faire du pillage. Nous n'avons absolument rien. Ceci donc m'amène à

 14   examiner la partie suivante de mon exposé 98, la question de responsabilité

 15   ou culpabilité par rapprochement.

 16   Dans cette partie, nous avons toute une série de témoins qui ont

 17   attesté qu'ils pensaient avoir vu de la police spéciale et les ont

 18   identifiés d'après leurs uniformes uniquement, pour que l'on voit en fait

 19   qu'il y avait erreur à plusieurs reprises. De plus, l'Accusation parle de

 20   la police spéciale par le truchement de ces témoins dans des villes et des

 21   villages où ils n'ont jamais mis les pieds d'après le journal de guerre

 22   P614.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, vous avez indiqué que

 24   vous alliez passer à votre section suivante concernant l'exposé 98 bis.

 25   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, nous pourrions peut-être suspendre

 26   maintenant, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous pouvez en terminer dans cinq ou

 28   dix minutes, bien. Sinon, il faudra que nous attendions après la suspension

Page 17357

  1   de séance.

  2   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Nous allons suspendre la séance. Je

  3   répéterai simplement mon introduction pour reprendre su cette section,

  4   Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous suspendons la séance et

  6   reprendrons à 12 heures 40.

  7   --- L'audience est suspendue à 12 heures 21.

  8   --- L'audience est reprise à 12 heures 44.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vous présente

 11   mes excuses pour avoir demandé la parole avant Me Kuzmanovic, mais j'ai

 12   pensé qu'il vaudrait mieux répondre maintenant. Ça n'a rien à voir avec les

 13   arguments présentés par M. Kuzmanovic. Je voulais simplement répondre à

 14   l'invitation faite par les membres de la Chambre en ce qui concerne la

 15   thèse proposée par Me Kay.

 16   J'ai la possibilité de trouver quelques renseignements, je ne suis pas

 17   absolument certain d'avoir compris ce qui est proposé, donc je dirais ceci

 18   très rapidement.

 19   Je ne comprends pas que ce soit un argument proposé en ce qui concerne la

 20   thèse Kardum. Je comprends qu'il s'agit d'un argument qui avait à voir avec

 21   la thèse Kardum lorsque nous considérons cette question comme étant close.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je pense que c'est la même chose --

 23   M. KAY : [interprétation] Tout à fait. La Chambre a pris une décision en

 24   disant que c'était la façon qui convenait de procéder.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Après avoir examiné ceci sous ce jour, notre

 26   réaction c'est que ce n'est pas une façon appropriée, ce n'est pas

 27   analogue. Donc à la fois du point de vue du fond et du point de vue du

 28   moment, il semble que nous devions lever une objection. Je me rends bien

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  1   compte du fait qu'il se peut que nous ne soyons pas à même de le faire

  2   jusqu'à ce que -- enfin, on voit exactement quelle est la proposition ou

  3   l'argument présenté. Toutefois, j'ai pensé qu'il serait peut-être approprié

  4   de laisser entendre notre réaction initiale plutôt que de permettre à Me

  5   Kay de procéder en ayant une idée erronée du fait qu'il n'y aurait pas

  6   d'objection.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous êtes invité à montrer

  8   maintenant à M. Tieger ce que vous avez à l'esprit. Et à ce moment-là on

  9   verra si M. Tieger conserve ses objections au titre de 66(a)(1), à ce

 10   moment-là la Chambre pourra prendre une décision définitive. Nous

 11   comprenons bien qu'il ne s'agit pas d'élément de preuve nouveau. Il s'agit

 12   simplement de quelque chose qui a à voir avec Kardum.

 13   M. KAY : [interprétation] Comme vous l'avez dit récemment en ce qui

 14   concerne les documents.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est exactement en ce qui concerne le

 16   dossier.

 17   Maître Kuzmanovic, vous étiez en train de demander la parole, mais vous

 18   vous êtes rassis.

 19   Veuillez poursuivre.

 20   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   Comme je le disais avant la suspension de séance, j'étais sur le point de

 22   venir à cette partie que j'appelle en fait la culpabilité par proximité en

 23   ce qui concerne la police spéciale et ceci reprend ce qu'avait évoqué Me

 24   Kay en ce qui concerne l'évocation de l'acte d'accusation. Il est question

 25   du mémoire préalable au procès de l'Accusation. Dans de nombreux cas il y a

 26   eu discussion du fait que la police spéciale était proche ou tout près des

 27   lieux où des crimes avaient été commis ou se produisaient.

 28   Donc sur ce qui concerne la culpabilité par proximité, cette question

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  1   n'est pas la seule, il y a eu une seule réunion où on ait demandé quelque

  2   chose au général Markac. Les fonctionnaires internationaux, qui ont entendu

  3   ce qui s'est dit à ce sujet dans la salle d'audience, il n'y a pas une

  4   seule personne qui ait su et encore moins que le général Markac se soit vu

  5   demander lors d'une réunion les questions qui ont trait à la culpabilité

  6   par proximité. Notre thèse c'est que la police spéciale n'a pas participé à

  7   aucun type de pillage ni d'incendie, en l'occurrence, la déposition de

  8   nombreux témoins. Je citerai des exemples, comme je l'ai dit plus tôt, on

  9   leur a demandé d'identifier leur propre version de ce qu'ils appellent la

 10   police spéciale en uniforme et ceci ne convenait pas ni au moment ni au

 11   lieu. Nous avons le journal de la police spéciale comme exemple.

 12   Par exemple, le Témoin Hill, on lui a demandé au compte rendu page 3

 13   773, lignes 18 à 21 :

 14   "Question : Et les personnes que vous avez vues dans la ville de

 15   Pecane, c'était donc des personnes qui portaient également ces uniformes

 16   ainsi que d'autres ?

 17   "Réponse : Je crois qu'ils portaient l'uniforme bleu foncé de la

 18   police spéciale qui se trouvait autour de ces véhicules."

 19   Donc nous avons M. Hill qui dit que la police spéciale portait des

 20   uniformes bleu foncé.

 21   Ensuite nous avons M. Williams qui a déposé. Dans sa déclaration, si

 22   vous vous en souvenez, il dit avoir vu des membres de la police spéciale à

 23   Knin le 5 et 6 août. On lui a demandé à la ligne [comme interprété] 9 642,

 24   ligne 13 :

 25   "Est-ce un fait que vous n'avez aucune idée ou vous savez si la

 26   police spéciale croate se trouvait à Knin les 5 et 6 août; c'est

 27   cela ?

 28   "Réponse : Je ne peux pas confirmer que la police spéciale se

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  1   trouvait là, oui ou non, c'est exact."

  2   Plus tard, à la page 9 645, ligne 20.

  3   "Question : En ce qui concerne la police spéciale, ils avaient des

  4   uniformes d'une seule couleur. Quelle était la couleur de ces uniformes ?

  5   "Réponse : D'après mes souvenirs, c'était une sorte de gris, couleur

  6   d'acier.

  7   "Question : Qu'est-ce qu'il portait comme coiffure ?

  8   "Réponse : Des bérets.

  9   "Question : De quelle couleur ?

 10   "Réponse : Noire, d'après mes souvenirs."

 11   Donc nous avons des uniformes gris avec des bérets noirs ?

 12   Ensuite on mentionne un rapport P27 qui a trait à Grubori, que je trouve

 13   très instructif, a la page 12 064, cela a trait au rapport et on dit que :

 14   "Chaque HRAT qui est allé à Grubori dans l'après-midi du 27 août a

 15   reçu un rapport fiable selon lequel un groupe de dix membres de la police

 16   spéciale croate se déplaçait sur la route de Grubori vers le milieu de la

 17   matinée le 25 août."

 18   Le Témoin Al-Alfi, page 13 940 :

 19   "Question : Est-ce que vous avez vous-même vu les forces de police

 20   spéciale.

 21   "Réponse : Oui, mais je ne leur ai pas parlé. Ils avaient un uniforme

 22   spécial.

 23   "Question : Quelle couleur ?

 24   "Réponse : Je ne suis pas sûr. Il se peut que ce soit bleu ou gris foncé,

 25   quelque chose comme ça. Mais je le savais."

 26   Donc nous avons Al-Alfi qui décrit la police spéciale qui est soit en bleu,

 27   soit en gris foncé."

 28   Le Témoin Bellerose à la page 5 875 :

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  1   "Question : Vous avez décrit ces soldats comme étant des membres de la

  2   police croate, de la police spéciale. Pouvez-vous décrire ce qu'ils

  3   portaient ?

  4   "Réponse : Ils portaient un uniforme d'une ou deux pièces qui, d'après ma

  5   mémoire, était gris foncé ou noir. Ils portaient également des gilets

  6   noirs."

  7   Plus tard dans le compte rendu :

  8   "Les soldats portaient des treillis portant des couleurs de

  9   camouflage, et ces personnes qui les ont arrêtés je les appelle police

 10   spéciale, ils portaient un uniforme d'une seule couleur qui était soit gris

 11   très foncé ou noir."

 12   Donc nous avons encore une autre couleur pour décrire les membres de

 13   la police spéciale de par le Témoin Bellerose.

 14   A la page 5 955, le Témoin Bellerose a déclaré, on lui a demandé :

 15   "Question : Pourriez-vous nous dire sur quelle base factuelle vous

 16   êtes arrivé à la conclusion que les personnes qui vous ont arrêté étaient

 17   en fait des membres de la police spéciale croate ?

 18   "Réponse : Je l'ai supposé d'après leur uniforme."

 19   Maintenant le seul témoin qui ait bien identifié les uniformes de la

 20   police spéciale, c'était le Témoin Steenbergen.

 21   Le Témoin Steengergen était à Gracac le 15 août 1995.

 22   Au cours de l'opération Tempête, on lui a demandé, page 5 425 :

 23   "Question : Est-ce que vous avez observé comment étaient vêtues ces

 24   personnes qui faisaient partie de ce groupe lorsque vous avez parlé au

 25   commandant ?

 26   "Réponse : Oui, ils portaient des costumes militaires vert olive. Le

 27   commandant portait un casque et il portait des gilets de la police

 28   spéciale."

Page 17362

  1   Indépendamment de ces images que nous avons vues de la police

  2   spéciale à Gracac, et nous avons des photographies, l'Accusation a présenté

  3   des éléments de preuve soit par des témoins, soit autrement selon lesquels

  4   les personnes identifiées, en tant que des membres de la police spéciale,

  5   en fait, n'en n'étaient pas. Pour convenir à leur théorie que la police

  6   spéciale était présente dans les secteurs dans lesquels il y avait des

  7   incendies et du pillage --

  8   L'INTERPRÈTE : Inaudible.

  9   M. KUZMANOVIC : [interprétation]  -- il n'y a aucune référence faite à la

 10   police spéciale, mais certains des fonctionnaires internationaux avec qui

 11   nous avons discuté en ce qui concerne les incendies et le pillage dans les

 12   villes et villages, en ce qui concerne ces questions, je dois ajouter en ce

 13   qui concerne les uniformes -- l'interview radio Leslie, l'interview radio

 14   Leslie dans laquelle la question a été posée au général Forand concernant

 15   ce point, Leslie a dit : "Il  y avait différentes organisations," à 4433

 16   dans le compte rendu qui sont passées dans la Krajina Serbe. Il y avait des

 17   équipes de police spéciale portant des uniformes bleus très typiques qui

 18   s'occupaient de chasser et de tuer dans les montagnes des civils serbes --

 19   L'INTERPRÈTE : Le reste inaudible.

 20   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Nous avons un autre témoin qui n'avait pas

 21   de renseignements particuliers concernant la police spéciale ni quelle

 22   était l'apparence de leur uniforme. En ce qui concerne les questions

 23   précises relatives à la planification, il n'y a absolument aucune preuve

 24   que le général Markac ait planifié ou participé à la planification de

 25   l'opération Tempête de taille d'artillerie sur un front quelconque et

 26   certainement pas Knin. Aucun élément de preuve qu'il ait été mêlé à des

 27   opérations ou de la planification après l'opération "Storm," si ce n'est

 28   les opérations de nettoyage ordonnées par l'état-major principal de l'armée

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  1   croate après le 21 août. Il n'y a aucun élément de preuve qu'il ait

  2   planifié quelque chose ou ordonné de commettre des crimes; toutes ces

  3   activités en ce qui concerne l'entreprise criminelle et la prétention

  4   d'entreprise criminelle commune contre le général Markac.

  5   Je vais maintenant passer à la question de la responsabilité du

  6   commandement envisagée au titre de l'article 7(3) du Statut.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, avant de faire cela,

  8   est-ce que vous avez une idée de savoir si nous allons terminer tard ou si

  9   vous allez pouvoir conclure d'une façon ou d'une autre ?

 10   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je devrais pouvoir conclure aujourd'hui,

 11   Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Même compte tenu de l'horaire normal ?

 13   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je pense que ça doit pouvoir être fait,

 14   Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez poursuivre.

 16   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci.

 17   Je vais passer maintenant à la question de la responsabilité du commandant,

 18   article 7(3) du Statut.

 19   Le point-clé ici en ce qui concerne le général Markac et la responsabilité

 20   du commandement est la suivante : il n'y a absolument aucun élément de

 21   preuve selon lequel le général Markac a eu connaissance des crimes qui

 22   étaient inconnus par les autorités civiles qui étaient responsables de

 23   prendre des mesures.

 24   Premièrement, en ce qui concerne la responsabilité, en ce qui concerne les

 25   chefs d'accusation --

 26   L'INTERPRÈTE : Inaudible --

 27   M. KUZMANOVIC : [interprétation] -- basés sur la responsabilité du

 28   commandement en vertu de l'article 7(3), il n'y a aucun élément qui puisse

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  1   étayer la théorie de l'Accusation selon laquelle le général Markac n'aurait

  2   pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher ou pour

  3   prévenir ou punir des crimes allégués qui auraient été commis par ses

  4   subordonnés. Il n'y a aucun élément de preuve qui démontre que le général

  5   Markac ait eu la moindre possibilité de procéder à la prévention de ces

  6   crimes ou des enquêtes sur ces crimes ou d'ordonner des poursuites. Il y a

  7   là une distinction à faire, parce qu'à la différence des militaires qui

  8   avaient leur propre police militaire et leurs propres tribunaux militaires,

  9   le général Markac n'avait aucun moyen de ce genre à sa disposition.

 10   Bien au contraire, en ce qui concerne le général Markac, lorsque des

 11   enquêtes au pénal de ce genre ont été portées à son attention par les

 12   autorités civiles pénales compétentes, il a pris des mesures. Je vous prie

 13   de vous référer plus particulièrement à la pièce D530, 531 et D1078. Dans

 14   D1078 on décrit de façon précise ce qui s'est passé dans une situation où

 15   le général Markac a été informé par les autorités civiles compétentes qu'un

 16   membre de la police spéciale était soupçonnées de façon raisonnable d'avoir

 17   commis un acte criminel ou délictuel.

 18   Le D1078 décrit de façon très concrète que : "Puisqu'il y avait un doute

 19   raisonnable indiquant que ladite personne avait commis un acte criminel,

 20   puisqu'il y avait une procédure au pénal qui a été entamée contre lui au

 21   niveau du centre des enquêtes du tribunal du District de Zagreb, ce membre

 22   de la police spéciale a été suspendu."

 23   Quand on examine les pièces D530 et D531, le général Markac a demandé que

 24   l'administration de la police de Knin et de Zadar s'occupe de cela et il en

 25   a été informé par le biais d'une note officielle émanant du poste de police

 26   de Gracac. On lui a dit qu'il existait des indices, qu'il y a eu un

 27   incident d'incendie impliquant les membres de la police spéciale de Zagreb.

 28   Le commandant local a déterminé que les faits, sur l'étude des faits, qu'un

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  1   des membres de l'unité avait commis cet acte et c'est le commandant local

  2   qui a imposé les mesures disciplinaires.

  3   En ce qui concerne Grubori, bien là, la fin justifie les moyens. Et qu'est-

  4   ce que je veux dire par là, nous avons commencé par ce que le Procureur a

  5   dit au sujet de Grubori dans son propos liminaire et c'est la conclusion à

  6   laquelle on arrive. La vraie histoire, d'après ce propos liminaire, est que

  7   :

  8   "La police militaire a assassiné les victimes, a détruit les

  9   villages, ensuite avec les généraux Markac et Cermak, ils ont fait en sorte

 10   que ceci ne se sache jamais."

 11   "Que ceci ne sache jamais." Les membres de la communauté

 12   internationale étaient présents au moment des faits. La moitié du secteur

 13   sud et là, peut-être que j'exagère, mais, "Ils étaient là vraiment le

 14   lendemain de cet incident qui a été transmis dans les médias le lendemain.

 15   Caméras vidéo sont dans le village le jour de l'incident montrant des

 16   foyers en feu."

 17   En ce qui concerne Grubori, le général Markac a envoyé son chef

 18   d'état-major, M. Sacic, sur place après l'événement pour voir ce qui s'est

 19   passé. Vous avez entendu qu'il y a eu une opération de nettoyage dans la

 20   zone où se trouvaient ces villages, qui était placée sous le commandement

 21   du QG de Gracac. Au jour d'aujourd'hui, personne ne sait ce qui s'est

 22   vraiment passé à Grubori. Personne. Pas la police spéciale, pas la police

 23   d'enquête criminelle, pas le gouvernement croate, pas la communauté

 24   internationale. Personne. On ne peut qu'en tirer une conclusion. Cette

 25   conclusion n'est pas appuyée par des faits précis. Vous avez entendu qu'il

 26   y a eu une opération de nettoyage du terrain, c'est une parmi des

 27   nombreuses opérations de la sorte menées à bien par la police militaire.

 28   Nous avons entendu de multiples versions de l'événement présentées par

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  1   différents témoins. Ce qui est intéressant, c'est que les témoins que le

  2   Procureur a choisis, qui sont venus déposer au sujet de la police spéciale,

  3   qu'aucun de ces témoins n'a été présent dans le village pendant l'action.

  4   M. Janic a dit qu'il était pas loin de là, mais qu'il n'est pas allé dans

  5   le hameau lui-même. M. Celic a dit qu'il était pas loin lui non plus. Mais

  6   il n'est pas allé dans le village de Grubori. M. Turkalj, qui était le

  7   commandant de l'Unité Lucko, qui prétendument a participé à l'opération, a

  8   aussi déposé. Il n'y est allé qu'un ou deux jours plus tard. M. Turkalj

  9   était présent. La police civile croate, la police civile de l'ONU, HRAT

 10   étaient présentes, toutes ces instances étaient présentes, mais après

 11   l'événement. Donc quand on dit qu'on a essayé de dissimuler la situation

 12   telle qu'elle était, on s'est posé la question : Qu'est-ce qu'on a essayé

 13   exactement de dissimuler ?

 14    Puisque Grubori était dans l'oeil du cyclone. Vous avez l'image d'un homme

 15   handicapé qui gît par terre dans son sang. Ensuite on a vu un autre homme à

 16   Grubori égorgé. C'est une histoire dont on a parlé absolument partout dans

 17   les médias. La police était au courant, la police croate, la police de

 18   l'ONU, la télévision. C'est même quelque chose qui a été enregistré dans le

 19   journal de la police de Knin. C'est aussi l'information qui a été transmise

 20   à la police de Zadar et Knin, à l'administration de la police civile. C'est

 21   cette administration-là qui avait le pouvoir de faire une enquête sur les

 22   lieux. Donc s'il pensait qu'un crime avait été commis, il devait faire une

 23   enquête.

 24   Donc au jour d'aujourd'hui, il reste encore beaucoup de questions quant à

 25   ce qui s'est passé vraiment à Grubori, mais ce qu'on peut établir c'est que

 26   la police civile n'a pas fait son travail là-bas. Car on n'a pas fourni de

 27   preuve pour indiquer que c'était de la responsabilité du général Markac que

 28   de mener à bien une enquête au pénal ou de poursuivre les auteurs présumés

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  1   des crimes à Grubori. Le seul élément que le Procureur a proposé au sujet

  2   de Grubori c'est que c'était la responsabilité de la police criminelle de

  3   conduire cette enquête. On a entendu de différents témoins, le Témoin 84,

  4   86, et le Témoin Zganjer. Donc il lui appartenait de faire une enquête,

  5   d'emmener un juge d'instruction, d'emmener le Procureur et de s'occuper de

  6   cela. Mais quand le général Markac a été informé de cela, il n'a pas fui sa

  7   responsabilité. Il a demandé à son chef d'état-major d'examiner ce qui

  8   s'est passé, de voir de près ce qui s'est passé.

  9   Et on va voir ce que M. Zganjer a dit à ce sujet. On lui a posé la question

 10   à la page 11 609 :

 11   "Question : Est-ce que vous savez si les membres de la police spéciale sont

 12   ceux dans le cadre de la police qui doivent mener à bien une enquête ?

 13   "Réponse : Oui. C'est clairement leurs missions, ce sont les missions bien

 14   définies où il s'agit de procéder à des entretiens avec les citoyens ou des

 15   suspects, de faire une enquête sur les lieux, de prendre toutes les mesures

 16   nécessaires qui relèvent de la police spéciale."

 17   Quand on parle de dissimuler, le seul fait d'avoir dissimulé, la seule

 18   déposition qu'on a ici, c'est le seul élément qu'on a tangible, c'est qu'il

 19   n'y a aucun élément. La question a été posée à plusieurs reprises, on a

 20   posé la question au Témoin Zganjer :

 21   "Question : Est-ce que vous avez vu des éléments qui indiqueraient

 22   qu'il y avait une tentative de dissimuler ou d'entraver de quelque façon

 23   que ce soit une enquête de quelque côté que ce soit. Et dans ce cas-là est-

 24   ce que vous auriez poursuivi en justice un tel auteur ?

 25   "Réponse : Oui, c'est tout à fait naturel. Dans un tel cas, j'aurais essayé

 26   de tirer au clair les circonstances dans lesquelles ceci se serait passé, à

 27   savoir le fait d'essayer de dissimuler, de couvrir ou empêcher une enquête

 28   ou l'incident."

Page 17368

  1   Question suivante :

  2   "Question : Quand vous vous êtes occupé de l'affaire Grubori alors que vous

  3   étiez procureur de la république à Sibenik, est-ce que vous avez élucidé

  4   des éléments de preuve qui indiqueraient que le général Markac a, de

  5   quelque façon que ce soit, empêcher qu'une enquête se fasse à Grubori ?

  6   Est-ce que vous avez vu des indices qui indiquaient qu'il y a eu de telles

  7   activités de la part du général Markac ?

  8   "Réponse : D'après les documents que j'ai pu examiner, je n'étais pas en

  9   mesure d'établir des faits qui corroboraient une telle conclusion, la

 10   conclusion qui consiste à dire que M. Markac a, de quelque façon que ce

 11   soit, empêché ou obstrué les activités de la police quand il s'agit de

 12   l'incident de Grubori."

 13   Ensuite il y a eu aussi des discussions avec M. Zganjer quant à l'enquête

 14   qu'il a menée en 2002, c'était longtemps après l'incident de Grubori

 15   d'ailleurs. Et qu'est-ce qu'il dit ? Il dit que la police pouvait faire

 16   quelque chose avant de 2001 et il a fait une enquête et il a appris qu'il

 17   n'y a pas eu de plainte au pénal, mais qu'il n'y a pas eu de rapport tout

 18   court au sujet de Grubori. Il a vu qu'on a consigné cette information dans

 19   le registre de la police de Knin, mais que personne n'a fait quoi que ce

 20   soit à ce sujet. Donc là on trouve la même information dans la déposition

 21   du Témoin 84. C'est la personne qui a consigné cette information dans le

 22   registre de Knin. Et les Juges ont posé plusieurs questions à ce témoin, à

 23   la page

 24   11 427 du compte rendu d'audience :

 25   "Question : M. Romassev est venu dans votre bureau et vous a fourni des

 26   informations au sujet de l'incident de Grubori. Est-ce que vous avez

 27   demandé où cela se trouvait sur la carte ?

 28   "Réponse : Non. Il faut que vous ayez quelque chose à l'esprit. A partir du

Page 17369

  1   moment où j'ai reçu cette information, je suis allé immédiatement informer

  2   les coordinateurs et mon chef." Ensuite une pause. "Il paraît que nous

  3   n'avons pas agi comme doit agir une force de police. On devait, on aurait

  4   dû faire notre travail. On aurait dû agir. Maintenant il s'agit d'évaluer

  5   si on l'a fait ou non. A partir du moment où nous avons reçu cette

  6   information de M. Romassev, on aurait dû agir. On ne l'a pas fait, je ne

  7   sais pas pourquoi."

  8   Le Juge Kinis a posé une autre question :

  9   "Question : Est-ce que vous avez reçu des instructions particulières

 10   vous demandant de dissimuler les informations concernant les corps sans vie

 11   dans la zone; est-ce que, au contraire, vous auriez dû respecter les règles

 12   qui régissent le droit pénal dans ce domaine ?

 13   "Réponse : Je considère que ce qu'on aurait dû c'est de faire une enquête

 14   sur chaque incident, surtout quand il s'agit des corps, à chaque fois que

 15   l'on pouvait en arriver à la conclusion qu'il y avait des militaires qui

 16   étaient impliqués. Donc il fallait envoyer une équipe sur place

 17   immédiatement, faire une enquête et envoyer un rapport à l'administration."

 18   Le Juge Orie a posé la question au témoin à la page 11 113 :

 19   "Question : Témoin 84, au moment où vous avez reçu ces informations, à quoi

 20   avez-vous pensé, qu'est-ce que vous pensiez, qu'est-ce que vous avez le

 21   droit de faire, qu'est-ce que vous ne pouviez pas faire ?

 22   "Réponse : Bien, si j'avais la possibilité de m'en occuper, tout d'abord

 23   j'aurais averti de cela l'officier qui est de garde. Ensuite j'aurais

 24   demandé que le ministère de l'Intérieur de Zagreb soit informé ainsi que

 25   l'administration de la police de Zadar et leur service de garde. Puisque à

 26   Zadar j'ai été en charge des enquêtes criminelles, j'aurais demandé qu'une

 27   équipe de médecine légiste soit envoyée ainsi qu'un inspecteur, un

 28   inspecteur chargé de l'assassinat, un policier chargé des enquêtes sur le

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  1   site soient envoyés là-bas. Et là on aurait pu peut-être identifier

  2   l'auteur. Donc ce sont les activités de police de base, on aurait dû le

  3   faire. Pourquoi cela n'a pas été fait, je ne sais pas. Je ne peux vous

  4   fournir une explication précise. Apparemment c'est une affaire

  5   problématique. Mais pourquoi, je n'en sais rien. Pourquoi les choses se

  6   sont passées ainsi, je ne saurais vous fournir une réponse, parce que je ne

  7   saurais que me livrer à des conjectures à ce sujet, je pourrais me

  8   tromper."

  9   Donc la police n'a pas fait son travail. M. Markac n'avait absolument rien

 10   à faire avec la police civile.

 11   Quelles étaient les mesures raisonnables et nécessaires que le général

 12   Markac aurait pu entreprendre par rapport à Grubori ? Il y avait son chef

 13   d'état-major qui est allé voir ce qui se passe sur place, c'est M. Sacic.

 14   Vous vous êtes demandé ce qui en était de Celic ? Il a dit que rien ne

 15   s'est passé là-bas. C'est clair que quelque chose s'est passé à Grubori. Il

 16   est clair qu'à partir du moment où le général Markac a convoqué Celic pour

 17   lui demander de venir le voir, tout ce qu'il souhaitait c'était de savoir

 18   ce qui s'est passé. Sacic, sur la base de son rapport, est arrivé à la

 19   conclusion qu'il y a eu un conflit armé, qu'il y a eu des civils morts.

 20   Qu'est-ce qui est là pour corroborer l'affirmation que Masic ne pouvait pas

 21   se fier aux informations données par Sacic ? Parce que c'est normal pour

 22   lui de lui faire confiance, de faire confiance aux informations fournies

 23   par ses subordonnés.

 24   Vous avez entendu M. Turkaj, il a dit qu'à Grubori, il y avait un conflit

 25   armé en cours et que d'après lui, cela ressemblait à un conflit armé.

 26   L'opération était conduite sous l'autorité du QG de Gracac. Il n'y a pas de

 27   preuve à l'appui de la thèse que le général Markac était à la tête de

 28   l'opération de nettoyage du terrain qui a eu lieu dans la zone de Grubori.

Page 17371

  1   Les membres des unités qui étaient dans la zone de Grubori étaient

  2   responsables auprès de Celic. Ensuite son commandant était Janic. Josip

  3   Turkalj était le commandant de l'unité Lucko. Sacic était le chef d'état-

  4   major qui était en charge de l'opération de nettoyage du terrain dans la

  5   zone. Ce sont donc les commandants qui sont sous Markac au niveau de la

  6   chaîne de commandement jusqu'à quatrième degré.

  7   Le général Markac n'est pas un clairvoyant alors que l'Accusation voudrait

  8   qu'il le soit ou le présente tel quel. Il ne pouvait suspendre personne.

  9   S'il n'y avait pas de chef d'accusation retenu ni de preuve précise que les

 10   personnes suspectées avaient commis des crimes, il ne recevait pas cette

 11   information du chef d'état-major à propos de Grubori. Il aurait pu agir

 12   deux fois : lorsqu'une note de service, une plainte a été déposée par les

 13   autorités civiles compétentes qui avaient compétence pour diligenter des

 14   enquêtes lorsque ceci lui a été remis ou encore lorsqu'il recevait rapport

 15   d'un commandant d'opération qu'il y avait eu des infractions. Mais ça

 16   c'était deux possibilités et aucune d'elle ne s'est présentée.

 17   Le seul qui ait fait quoi que ce soit à cet égard, c'était le général

 18   Markac. Il a demandé que son chef d'état-major étudie la situation. Le fait

 19   est qu'à ce jour, il n'y a toujours pas de réponse à ce qui s'est passé et

 20   que l'enquête n'est toujours pas bouclée. Qu'a fait l'Accusation à propos

 21   de Grubori, elle a dissimulé sa propre incapacité à vous proposer des

 22   éléments de preuve au-delà de tout doute raisonnable qui aurait montré que

 23   le général Markac, qui était le plus éloigné des événements, serait quelque

 24   part responsable de Grubori, parce que soi-disant, il aurait dissimulé ce

 25   qui s'était passé. Rien ne prouve que ce soit lui qui a ordonné ce qui

 26   s'est passé à Grubori ni qu'il ait dissimulé ce qui s'y est passé. Rien ne

 27   prouve qu'il avait l'autorité nécessaire pour sanctionner qui que ce soit

 28   se trouvant sous ses ordres vu ce qu'il savait à l'époque. On ne peut faire

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  1   que ce qu'on reçoit. On ne peut agir que sur ce qu'on reçoit comme

  2   information. Il ne pouvait se baser que sur ce que ses subordonnés lui

  3   donnaient.

  4   Alors on a parlé d'un mécanisme de contrôle interne par lequel il

  5   aurait été en mesure d'imposer des mesures disciplinaires. Voyons de plus

  6   près ce que dit le témoin à charge Janic, qui a longuement parlé de cette

  7   question du mécanisme de contrôle interne, notamment lors de la pièce

  8   P6234. On lui demande ceci :

  9   "Question : Connaissiez-vous le secteur du contrôle interne ? Savez-

 10   vous si celui-ci a entamé des procédures disciplinaires contre des membres

 11   de la police spéciale ?

 12   "Réponse : Non, ça ne faisait pas partie de leurs attributions,

 13   s'agissant de l'ordre régnant au sein du ministère de l'Intérieur. C'est

 14   pareil aujourd'hui. Les mesures disciplinaires sont instituées par des

 15   commandants ou des supérieurs d'unité. Si vous avez un poste de police et

 16   si vous avez un agent qui commet une infraction mineure, à ce moment-là, le

 17   chef du commissariat du poste de police peut diligenter des mesures

 18   disciplinaires."

 19   Dans la même veine, en application du même principe, une personne

 20   habilitée à entamer des mesures disciplinaires dans la police spéciale,

 21   c'était le commandant de l'unité précise donnée. Une des responsabilités de

 22   celui-ci c'était d'engager des mesures ou des procédures disciplinaires

 23   s'il y avait eu violation disciplinaire au sein de son unité. Par exemple,

 24   si je m'étais rendu coupable de ce genre de chose, j'aurais dû faire

 25   l'objet d'une mesure diligentée par le chef du secteur. Mais le secteur du

 26   contrôle interne n'avait pas dans ses attributions ni autorité ni

 27   compétence pour instituer des mesures.

 28   De plus, il a confirmé à la page 6 247, lignes 14 et 15, que la

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  1   police n'avait pas de tribunal disciplinaire ni de cour disciplinaire.

  2   S'agissant de la responsabilité du supérieur hiérarchique, article 7(3) du

  3   Statut, nous estimons que l'Accusation n'a présenté aucun élément qui

  4   aurait attesté du fait que le général Markac aurait eu connaissance de

  5   crimes que ne connaissaient pas les autorités civiles, qu'il avait la

  6   responsabilité de prendre des mesures. C'est ici le point-clé, le point

  7   central. Cette forme de responsabilité doit donc être rejetée et un

  8   acquittement prononcé.

  9   J'aurais voulu évoquer deux points mineurs très rapidement, en l'espace de

 10   quelques phrases. D'abord la question du conflit armé. Au paragraphe 55 de

 11   l'acte d'accusation, l'Accusation affirme qu'à tous les moments couverts

 12   par l'acte d'accusation, il y avait un conflit armé dans cette partie de la

 13   République de Croatie. Nous n'avons pas vu un seul document, pas entendu un

 14   seul témoin ni reçu d'autres formes d'administration de la preuve qui

 15   auraient montré qu'il y avait véritablement un état de conflit armé une

 16   fois les opérations de combat de l'opération Tempête terminée en Croatie. A

 17   toutes fins utiles, cette opération Tempête s'est terminée le 10 août 1995.

 18   C'est-à-dire que pratiquement les opérations de combat s'étaient terminées

 19   ce jour-là. Aucun témoin n'est venu dire qu'il y avait un état de conflit

 20   armé à  la suite de cette date.

 21   Nous en avons longuement parlé de ce point dans le mémoire préalable au

 22   procès. C'est la raison pour laquelle ne veux pas insister maintenant.

 23   Après les incidents de meurtres mentionnés dans l'acte d'accusation, rien

 24   n'indique qu'il aurait participé aux incidents 1, 2, 3, 5, 6, 7, 8, et 9.

 25   J'ai déjà parlé de l'incident numéro 4. Nous remettons à plus tard la

 26   discussion portant sur les 189 victimes supplémentaires supposées, mais je

 27   peux vous dire qu'ici il n'y a pas de lien de subordination entre le

 28   général Markac et quiconque en rapport avec les incidents présumés dont

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  1   j'ai parlé.

  2   Pour conclure, le chef d'accusation 1, persécution, demande comme critère

  3   d'examen le plus haut degré d'attention délictueuse. Une tentative

  4   délibérée de discrimination envers les civils serbes en raison uniquement

  5   de leur appartenance ethnique. Dans l'affaire Kupreskic, il fallait encore

  6   un degré pour parvenir au génocide. Il n'y a pas eu de preuve d'intention

  7   discriminatoire, par conséquent, il faut rejeter le chef 1.

  8   Au chef 2 et chef 3, expulsion et transfert forcé. Le pilonnage c'est la

  9   question fondamentale qui se pose ici pour les chefs 2 et 3. Rien n'est

 10   venu prouver que sur les axes d'opération d'attaque de la police spéciale,

 11   qui que ce soit aurait pris la fuite en raison de pilonnage illicite.

 12   Chefs 4 et 9, destruction arbitraire, pillage et autres actes de pillage,

 13   traitement cruel, assassinat en vertu de l'article 3, le général Markac

 14   n'était pas animé de l'intention de commettre ces crimes contre l'humanité

 15   ou crimes de guerre par la destruction ni le pillage de biens, pas plus

 16   qu'il n'a apporté une contribution significative à la commission de ces

 17   crimes. Personne ne serait venu dire ici quelle contribution significative

 18   il aurait apporté pour les chefs 4 à 9.

 19   Dans toute la zone d'attaque, c'est très clair, s'agissant de la zone qu'il

 20   commandait il n'y a pas eu d'attaques généralisées et dirigées contre les

 21   civils. D'ailleurs la vitesse à laquelle l'avancée s'est faite les a

 22   empêchés de rester dans une ville, dans un village de l'occuper. Ils n'ont

 23   cessé de progresser dans Gracac, à Otric, puis Bruvno, Donji Lapac. Autant

 24   de régions, ça fait 60 kilomètres franchis à pied entre Mali Alan jusqu'à

 25   Donji Lapac, et ce, tout à pied qu'ils ont parcouru cette distance. Ils

 26   n'avaient pas le temps de s'asseoir, d'incendier, de piller, parce qu'ils

 27   étaient sans arrêt en train d'avancer. Ils n'ont pas maintenu la loi,

 28   l'ordre public et la discipline, ils étaient toujours en ligne de front et

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  1   ils ne cessaient d'avancer. Etant donné qu'il n'y a pas eu d'attaques

  2   généralisées contre les civils et sûrement pas dans la zone de

  3   responsabilité de la police spéciale, ça veut dire que toutes les

  4   accusations en vertu de l'article 5 doivent être déboutées.

  5   C'est la raison pour laquelle nous pensons que la Chambre doit, par

  6   une décision orale, elle sera forcée de déférer un jugement d'acquittement

  7   pour tous les chefs d'accusation lorsqu'il n'y a pas d'éléments

  8   susceptibles d'entraîner condamnation. C'est ce que dit l'article 98 bis.

  9   Et il est péremptoire et c'est vrai ici. C'est la raison pour laquelle nous

 10   demandons que la Chambre de première instance déclare le général Markac non

 11   coupable, innocent de tous les chefs, car l'Accusation n'a pas apporté les

 12   preuves au-delà de tout doute raisonnable d'une présumée responsabilité du

 13   général Markac dans l'acte d'accusation modifié.

 14   Je vous remercie.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation]

 16   Monsieur Tieger, il est 13 heures 30. Nous vous avons accordé quatre

 17   heures. Normalement le matin on travaille quatre heures et 45 minutes. Si

 18   tout le monde est très précis, 45 minutes c'est un temps qui est occupé par

 19   deux pauses, ce qui nous donne quatre heures effectives d'audience, et tout

 20   le monde sait qu'on ne commence pas toujours à l'heure pile. Vous avez le

 21   choix. Voulez-vous utiliser les 15 minutes qui restent ce matin, ou pensez-

 22   vous que la Chambre va faire l'impossible quels que soient les événements

 23   qui se déroulent pendant la pause ? Soyez assuré que vous aurez toute la

 24   matinée de lundi.

 25   M. TIEGER : [interprétation] Nous serons à 9 heures précise lundi dans le

 26   prétoire. Ce serait vraiment des économies de bout de chandelles que

 27   d'essayer de commencer maintenant.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'avais quelques questions après avoir

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  1   entendu la Défense.

  2   Maître Kay, j'ai une question à votre intention. Vous avez fait allusion à

  3   une question que j'aurais posée à M. Theunens à propos d'ordres de l'ONURC

  4   ou d'autre chose. Je me souviens bien que je suis intervenu et ça n'a pas

  5   été la seule fois lorsque j'ai eu le sentiment que le contre-interrogatoire

  6   déraillait un peu, c'est-à-dire qu'on s'écartait de la question principale.

  7   Mais je me souviens aussi à cet égard que les ordres de l'ONURC ont été

  8   mentionnés. Etait-ce à cela que vous pensez ? Si c'était le cas, nous nous

  9   arrêterons là. Je n'ai pas besoin d'autres explications. Si ce n'est pas à

 10   cela que vous pensez, parce qu'à ce moment-là j'avais expliqué comment les

 11   choses avaient un peu déraillé, je n'ai pas à ce moment-là dit qu'il

 12   fallait une réponse qui aille au-delà des ordres de l'ONURC. Bon, si c'est

 13   ça que vous vouliez dire, inutile de me donner d'autres informations. Mais

 14   si vous pensiez à d'autres questions que j'aurais posées à ce témoin, s'il

 15   vous plaît, dites-le-moi en quelques mots sous forme de courrier

 16   électronique en indiquant le numéro de page du compte rendu que vous

 17   enverrez au personnel de la Chambre.

 18   M. KAY : [interprétation] Vous avez parfaitement saisi la question. C'est

 19   le résumé que vous aviez fait des ordres de l'ONURC que j'ai évoqué.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ceci n'est pas une question.

 21   M. KAY : [interprétation] Vous saviez, vous, Monsieur le Président, de quoi

 22   je voulais parler.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Fort bien. Merci.

 24   Puisque la question est réglée --

 25   [La Chambre de première instance se concerte]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A moins que les parties ont des

 27   questions qu'elles veulent aborder de façon urgente, ce qui ne semble pas

 28   être le cas, l'audience va être levée et elle reprendra lundi le 23 mars à

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  1   9 heures dans la salle numéro d'audience numéro I.

  2   --- L'audience est levée à 13 heures 33 et reprendra le lundi 23 mars 2009,

  3   à 9 heures 00.

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