Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 23 mars 2009

  2   [Audience Règle 98 bis]

  3   [Audience publique]

  4   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 01.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  7   Monsieur le Greffier, pourriez-vous, s'il vous plaît, donner le numéro de

  8   l'affaire.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. C'est

 10   l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre M. Gotovina et consorts.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 12   Monsieur Tieger, la Chambre suppose que l'Accusation veut répondre aux

 13   arguments 98 bis présentés par la Défense.

 14   M. TIEGER : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. Merci

 15   beaucoup.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous avez maintenant la possibilité

 17   de le faire.

 18   M. TIEGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Merci. Nous

 19   sommes heureux d'avoir cette occasion de pouvoir nous exprimer sur la

 20   requête de la Défense concernant l'article 98 bis. Au cours de la journée,

 21   vous allez entendre un certain nombre des membres de l'Accusation, qui

 22   parleront de différents aspects de la requête. Et je commencerai par

 23   certaines remarques préliminaires et me centrerai sur l'entreprise

 24   criminelle commune dont la mise en œuvre sera examinée de façon plus

 25   détaillée par ceux qui me suivront.

 26   M. Russo, par exemple, me suivra et parlera du pilonnage illicite de

 27   civils.

 28   M. Hedaraly parlera également du but commun des meurtres et des

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  1   persécutions, des incendies, du pillage, de détention visant les Serbes.

  2   Mme Gustafson parlera du commandement et de la direction du contrôle

  3   exercés par le général Gotovina, sa contribution à l'entreprise criminelle

  4   commune en ce qui concerne les troupes du HV sous son commandement, et le

  5   fait qu'il n'ait pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour

  6   prévenir ou punir.

  7   M. Margetts parlera également du rôle du général Cermak dans l'entreprise

  8   criminelle commune et sa participation ainsi que son rôle par rapport au

  9   type de responsabilité 7(3) du Statut.

 10   Quelques remarques préliminaires, avant que je ne discute des aspects

 11   d'entreprise criminelle commune, en ce qui concerne les critères juridiques

 12   qui doivent être appliqués pour un certain nombre de questions.

 13   Pour commencer, notre discussion se centrera aujourd'hui sur

 14   l'entreprise criminelle commune 7(3), en particulier parce qu'il s'agit là

 15   de modes de responsabilité qui ont été particulièrement discutés par la

 16   Défense. D'autres modes de responsabilité dans l'acte d'accusation,

 17   toutefois, tels que le fait d'ordonner, d'encourager et d'aider demeurent

 18   et fournissent une base supplémentaire pour le rejet de la requête 98 bis.

 19   Néanmoins, dans le contexte de cette requête 98 bis et de cet article, il

 20   n'est pas nécessaire que ça représente une partie spécifique de notre

 21   exposé de façon à déterminer s'ils sont ou non soutenus par des éléments de

 22   preuve.

 23   Depuis l'amendement apporté en décembre 2004, l'article 98 bis ne

 24   permet pas de rendre un jugement d'acquittement sur certaines parties des

 25   chefs d'accusation. Par conséquent, la Défense de Gotovina évoquant

 26   l'article 98 bis devra voir comment expressément modifier la façon dont est

 27   construit chaque chef d'accusation. Pour commencer, la Chambre de première

 28   instance ne peut rendre un jugement d'acquittement qu'en ce qui concerne un

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  1   chef d'accusation complet dans l'acte d'accusation. Ceci ressort de la

  2   récente décision Prlic sur l'article 98 bis. Si un chef d'accusation

  3   comprend plusieurs parties et qu'il n'y a pas d'éléments de preuve sur une

  4   partie de ces chefs d'accusation mais qu'il y a des éléments de preuve

  5   susceptibles d'étayer une culpabilité pour d'autres parties de la requête

  6   98 bis, celles-ci ne peuvent pas être accueillies et c'est ce que nous

  7   avons pu voir dans Lukic et Lukic.

  8   En plus de notre observation concernant la Défense de Gotovina, la

  9   Défense a déclaré de façon erronée, et nous notons également que la Défense

 10   a eu tort d'affirmer qu'il y avait l'élément concernant les expulsions.

 11   J'appellerais également l'attention de la Chambre de première instance sur

 12   le jugement d'arrêt rendu par la Chambre d'appel dans l'affaire Stakic et

 13   dans l'affaire Krajisnik.

 14   De même, contrairement à l'affirmation de la Défense, les éléments de

 15   preuve étayent la conclusion selon laquelle un état de conflit armé a

 16   perduré tout au long dans l'Etat de Croatie jusqu'à la conclusion d'un

 17   règlement pacifique qui a été réalisé en novembre 1995, et dont on peut

 18   voir les éléments au compte rendu page 4 967, ligne 17, jusqu'à 4 968.

 19   Pour finir, un mot concernant les critères juridiques pour l'appréciation

 20   des conditions de l'article 98 bis. La décision prise sur l'article 98 bis

 21   n'implique pas le fait d'apprécier les éléments de preuve ou compte tenu

 22   d'un degré de force ou de faiblesse de la contradiction, et ceci peut être

 23   vu dans la récente décision Martic.

 24   Maintenant, la Défense a expressément reconnu certains aspects de ces

 25   critères, en notant, par exemple, l'appréciation de la crédibilité comme

 26   n'étant pas un facteur à retenir, mais en même temps, ils ont renversé ou

 27   inversé ce critère à certains égards, soit citant un élément de preuve qui

 28   voudrait contredire un argument ou une thèse comme démontrant que la

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  1   requête, il devrait y être fait droit, ou pour prier la Chambre de première

  2   instance de s'engager dans une appréciation des éléments de preuve de façon

  3   à conclure en faveur de la Défense. Et discutant de l'entreprise criminelle

  4   commune, je tenterai d'identifier ceci par un certain nombre d'exemples.

  5   Là encore, le critère n'est pas de savoir si la Défense peut citer des

  6   éléments de preuve à l'appui de sa théorie. Le critère, bien entendu, est

  7   de savoir si tout élément de preuve pris comme étant particulièrement

  8   important peut étayer une reconnaissance de culpabilité pour chacun des

  9   chefs d'accusation.

 10   Je voudrais, pour commencer, passer à l'entreprise criminelle commune

 11   visant à expulser de force des Serbes du secteur, les chasser par des

 12   moyens tels que des tirs d'artillerie, des destructions, des pillages,

 13   l'intimidation et des violences.

 14   Je commencerais par noter ce que nous savons concernant l'intention

 15   qui a trait à l'entreprise criminelle commune. Pour résumer, les dirigeants

 16   croates voulaient que les Serbes s'en aillent et ont planifié leur départ

 17   par des moyens illégaux, et ont fait ce qu'il fallait pour qu'ils ne

 18   puissent pas revenir, pris toute une série de mesures, y compris des

 19   mesures illégales, de façon à ce qu'ils ne reviennent plus, et se sont

 20   vantés des avantages qu'il devait avoir une Croatie libre de tout Serbe, et

 21   finalement ceux qui ont vu ce qui se passait sur le terrain et ce qui s'est

 22   passé reconnaissaient que cela avait pour but de forcer les civils serbes à

 23   partir. Je voudrais discuter de façon assez détaillée d'un de ces aspects.

 24   Premièrement, pour commencer chronologiquement avec les tirs d'artillerie.

 25   Vous le savez, ceux qui étaient présents tandis que les obus

 26   tombaient ici et là, les personnes d'expérience qui ont pu observer tout

 27   cela se sont rendu compte que le but de tels tirs d'artillerie était de

 28   créer la panique et de chasser la population civile. Je prie les Juges de

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  1   regarder la pièce P926, paragraphe 3, M. Williams; M. Hendriks; P695,

  2   paragraphe 30, M. Dangerfield. Ceci est étayé par ce qu'a dit le colonel

  3   Konings lorsqu'on lui a parlé des tirs à des intervalles irréguliers,

  4   rappelés à Sarajevo, à de tels intervalles pour harceler une population

  5   civile pour la forcer à s'enfuir.

  6   Ces conclusions basées sur l'expérience acquise à l'époque

  7   présupposent qu'il y a un désir sous-jacent de faire que les Serbes s'en

  8   aillent, et tous ces témoins savent, nous connaissons quelle était la base

  9   d'éléments de preuve et à quel point ils avaient raison. Le président

 10   Tudjman, dirigeant de la Croatie, ne voulait pas de Serbes en Croatie, on

 11   non plus ceux qui l'entouraient et qui avaient des convictions analogues;

 12   tout comme lui, ils voulaient dire que la Croatie était dans une meilleure

 13   situation sans les Serbes. Les Etats ayant plusieurs groupes ethniques, le

 14   président Tudjman avait insisté, étaient instables, ne tenaient pas, et il

 15   pensait qu'ils représentaient une menace. Je cite l'ambassadeur Galbraith

 16   dans la pièce P444, paragraphes 68 et 70, compte rendu page 4 929, et

 17   également P452 du compte rendu présidentiel du 29 octobre 1993.

 18   Le chef d'état-major du président Tudjman avait dit à l'ambassadeur

 19   Galbraith que les Serbes constituaient un cancer dans l'estomac de la

 20   Croatie. Ceci à P444. Et la réponse, pour des pays qui souffraient d'avoir

 21   une société multiethnique, d'après le juge chargé de la mise en état,

 22   c'était des transferts de population dont il a parlé à M. Galbraith. On

 23   peut voir ça dans la pièce T4936, où on a parlé de façon peut-être moins

 24   directe, peut-être plus cachée à d'autres nationalistes, tels que des

 25   dirigeants serbes de Bosnie Nikola Koljevic en 1992. Vous voyez ça à la

 26   pièce P459.

 27   L'intention de l'entreprise criminelle commune concernant les Serbes peut

 28   se voir également lorsqu'on voit les barrages et les obstacles qui ont été

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  1   mis au retour des Serbes. Comme le président Tudjman l'a dit directement à

  2   l'ambassadeur Galbraith, il ne serait pas possible pour les Serbes de

  3   revenir. Nous ne pouvons pas, a-t-il dit, accepter que ces gens reviennent.

  4   Ceci à P444, paragraphe 33.

  5   Le président Tudjman avait donc planifié le retour de Croates d'Amérique du

  6   Sud, du Canada, et avait préparé des lois, ces lois ont été d'ailleurs

  7   publiées dans un journal de façon à ce qu'on s'assure que les Serbes

  8   perdraient confiance et ne seraient pas en mesure de revenir. Voir P477. Le

  9   président Tudjman et les fonctionnaires croates ont œuvré de façon à

 10   assurer que le plus petit nombre possible de Serbes puisse échapper. "Si on

 11   laissait 204 personnes venir ici, demain vous en auriez 1 204 et en dix

 12   jours 12 000, que ce soit maintenant ou plus tard." P466.

 13   Donc, la situation politique et militaire fin juillet 1995 causée par le

 14   président Tudjman et par d'autres pour conclure que la possibilité était

 15   bonne pour une solution militaire, vu la situation de blocage du conflit,

 16   le président Tudjman s'est réuni avec ses conseillers pour discuter de

 17   l'opération du 31 juillet.

 18   La Défense a suggéré que le compte rendu Brioni était "hautement

 19   ambigu". Là encore, le fait doit être résolu par rapport à une requête 98

 20   bis. Il est important également dans ce contexte offert par la Défense, et

 21   en particulier les passages sur lesquels l'Accusation s'était fondée mais

 22   en omettant certains passages importants, vous en entendrez davantage

 23   concernant la réunion Brioni par M. Russo dans peu de temps. Mais je

 24   voudrais simplement rappeler un certain nombre d'éléments-clés qui n'ont

 25   pas été mentionnés.

 26   Premièrement, le président Tudjman a rappelé à ses subordonnés que les

 27   villes croates qui ont été détruites, et le fait qu'il y avait maintenant

 28   une possibilité de frapper Knin avec des pièces d'artillerie.

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  1   Deuxièmement, le président Tudjman a fait remarquer que ce n'était

  2   pas simplement une possibilité de contrôler la situation, mais de donner

  3   aux Serbes un avant-goût de ce qu'ils avaient fait eux-mêmes aux Croates,

  4   et de leur rendre la monnaie de leur pièce.

  5   Troisièmement, il était important que les civils s'enfuient.

  6   L'armée suivrait, et ceci aurait un effet psychologique, une mesure

  7   par rapport à l'autre. L'intention de faire en sorte que les civils s'en

  8   aillent était également traduite dans l'utilisation de dépliants et autres

  9   formes d'opérations psychologiques, comme vous l'avez entendu dire. Ces

 10   moyens supplémentaires de les faire partir, comme l'a dit le président

 11   Tudjman, "tout en prétendant garantir des droits civils, comme il l'a dit à

 12   la radio et la télévision, mais également dans les dépliants."

 13   Ça, c'est le P461.

 14   Le ministre Susak par la suite s'est vanté auprès de l'ambassadeur

 15   Galbraith en évoquant le fait que des civils seraient expulsés, et le

 16   général Gotovina a confirmé l'utilisation de dépliants dans son livre, pour

 17   que la population locale s'en aille. P113, partie 2, page 197. Vous voyez

 18   le dépliant RSK avec une erreur très claire sur le tampon, qui ordonnerait

 19   à la population civile de se retirer. Il y a le P408 [comme interprété],

 20   ainsi que le rapport du MUP révélant que ceci avait été jeté par des

 21   avions. P484. Et vous verrez que ce processus a été si efficace qu'il a été

 22   repris par la suite dans l'opération "Southern Move", où un faux dépliant

 23   qui prétendait venir de l'armée de la Republika Srpska ordonnait aux civils

 24   de quitter. P1113 [comme interprété] partie 2, page 206.

 25   Maintenant en ce qui concerne les violences, meurtres, pillages,

 26   destructions, incendies, ainsi que les tirs d'artillerie, il y a eu

 27   reconnaissance à ce moment-là par les observateurs sur le terrain que ces

 28   événements traduisaient une politique ou tout au moins un acquiescement

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  1   officiel à ces actes. Je rappelle le P446, un code mentionnant que

  2   l'objectif était de réaliser une purification ethnique de la région,

  3   purification des Serbes P447, se référant à des pillages et des incendies

  4   systématiques de biens appartenant à des Serbes.

  5   La Défense a affirmé que parce qu'il n'y a pas de référence explicite à la

  6   réunion de Brioni à sa transcription pour recourir à des incendies et du

  7   pillage comme moyen de forcer les Serbes à s'en aller ne pouvait pas faire

  8   partie de l'entreprise criminelle commune. Il n'y a aucune base à cela, que

  9   ce soit du point de vue du bon sens ou de ce qui était le cadre général de

 10   ces événements pour soutenir un tel point de vue. La journée qui précédait,

 11   les forces du général Gotovina étaient en train d'incendier et de brûler

 12   Grahovo "de façon organisée", tandis que les Serbes s'enfuyaient vers Knin.

 13   Je voudrais rappeler le P461; P71, les journaux d'opération entre le 28

 14   juillet et le 31 juillet; le P1113, partie 2, pages 61 jusqu'à 66; et la

 15   transcription page 16 484, lignes 8 jusqu'à 12.

 16   Comme le général Gotovina l'a dit au président Tudjman, il allait ensuite

 17   faire venir les mêmes troupes à Knin, troupes dont on disait qu'elles

 18   étaient difficiles à tenir en laisse, il n'était pas nécessaire de

 19   spécifier chaque moyen, tous les moyens n'avaient pas besoin d'être

 20   spécifié pour réaliser l'expulsion de Serbes et certainement pas ces moyens

 21   particuliers.

 22   La Défense est également centrée sur les ordres concernant les incendies,

 23   les violences et les pillages comme appuyant leur requête 98 bis. La

 24   Défense du général Gotovina, par exemple, a affirmé que la position de

 25   l'Accusation était intenable, parce que ceci signifierait que ses ordres

 26   n'étaient pas censés être suivis et ont affirmé le fait qu'ils avaient posé

 27   "cette question particulière" à l'ambassadeur Galbraith.

 28   Pour l'essentiel, j'ai demandé -- citation de la Défense à l'ambassadeur

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  1   Galbraith :

  2   "Est-ce que M. Jarnjak et M. Susak ont donné des ordres qu'ils

  3   entendaient ne pas avoir suivi ?", et la réponse a été non.

  4   Indépendamment du fait qu'elle a demandé à la Chambre d'écarter certains

  5   éléments qui n'auraient pas de place dans une décision 98 bis, c'est un

  6   fait qu'il y a un élément de preuve qui ne tient pas compte de la position

  7   du témoin, et je vous demanderais à ce moment-là de vous reporter à ce qu'à

  8   dit l'ambassadeur Galbraith. On lui a demandé -- c'est un échange qui

  9   commence à 5077, 5076 et continue. On lui a demandé : "Est-ce que vous

 10   étiez au courant d'ordres donnés par le ministre de la Défense…", et il a

 11   dit à ce moment-là qu'on lui avait parlé de tels ordres, pour certains de

 12   ces ordres.

 13   L'échange se poursuit : "Monsieur l'Ambassadeur, si les ordres

 14   étaient donnés de commencer les activités criminelles dans la Krajina, le

 15   fait de permettre ces activités n'était pas une politique de l'Etat, n'est-

 16   ce pas ?" C'était l'essentiel de la question, et ici il y a certains

 17   éléments de ce qu'a dit l'ambassadeur Galbraith.

 18   "Je ne suis pas d'accord avec ce que vous venez de dire. J'ai suffisamment

 19   d'expérience au cours des années en Serbie et en Croatie avec des officiels

 20   croates et des officiels serbes disant qu'ils avaient donné des ordres, et

 21   faisant des promesses qu'ils n'avaient aucune intention de tenir. Je ne

 22   crois pas que le gouvernement croate ait vraiment sérieusement tenté de

 23   contrôler ces destructions jusqu'au moment où, à l'essentiel, il ne restait

 24   plus rien pour que les Serbes puissent y revenir."

 25   Il continue dans cette veine pour pratiquement une page : "Ce que je veux

 26   dire, et je crois cela est ceci, est basé sur de nombreuses observations

 27   par nous et les rapports de l'ambassade et bien d'autres sources selon

 28   lesquelles les destructions qui ont eu lieu étaient quelque chose que la

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  1   Croatie a choisi de ne pas empêcher parce qu'en fait elle servait les buts

  2   des dirigeants de la Croatie."

  3   C'est la réponse de l'ambassadeur Galbraith pour savoir si les ordres

  4   donnés ne devaient pas être suivis. Ça rend la position de l'Accusation

  5   intenable, mais soutient ce qu'on dit les témoins comme Elisabeth Rehn, qui

  6   a déposé, P595, en disant qu'elle n'avait aucun doute que les crimes commis

  7   par les forces croates l'étaient en vertu d'ordres donnés ou d'une

  8   approbation silencieuse.

  9   C'est encore d'autres exemples de l'inversion du standard que j'ai

 10   mentionné tout à l'heure.

 11   Le témoignage de Peter Marti également appuie le fait que cette destruction

 12   est discriminatoire. Il disait que "parfois le fait de marquer sur une

 13   maison qu'elle était croate ne l'empêchait pas d'être détruite". A part le

 14   fait que l'utilisation du mot "parfois" indique des exceptions qui prouvent

 15   la règle, on peut voir à T7915 ou à T14922 à 23 que cela ne tient pas

 16   compte du fait que certains moyens de preuve de maisons marquées comme

 17   croates n'ont pas été touchées. Je parle de P61, paragraphe 21.

 18   La Défense a également fait référence au fait que le pillage n'avait pas

 19   été ordonné, "parce qu'il n'y avait pas de profil systématique à part le

 20   fait que c'était plus ou moins une destruction totale." P415, page 4.

 21   La Chambre pourrait très bien déduire qu'une destruction pratiquement

 22   totale était suffisamment systématique pour qu'on puisse imaginer qu'il y

 23   ait des ordres, ou au moins l'accord tacite des autorités. Cela ne tient

 24   pas non plus compte de moyens de preuve comme P740, rapport selon lequel la

 25   plupart des édifices ont été détruits, et qu'il y avait systématiquement

 26   des pillages; P477, une fois encore référence à un pillage systématique et

 27   des incendies; P807 avec le commentaire qu'il s'agissait "sans aucun doute

 28   d'un acte criminel de guerre : L'incendie systématique de biens, de

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  1   maisons, d'écuries, et cetera". P2151, avec une référence à la dévastation

  2   et la destruction systématique.

  3   Egalement une référence au fait que les centres de collection ne

  4   constituaient pas un transfert forcé. J'attire l'attention de la Chambre au

  5   témoignage de l'ambassadeur Galbraith dans P444, qui a indiqué qu'il

  6   considérait les centres de détention comme des "camps de transitions"

  7   menant les Serbes en dehors de la Croatie pour convaincre ces derniers que

  8   c'était dans leur meilleur intérêt de quitter le pays. Pendant qu'ils

  9   étaient détenus on incendiait leur maison, on tuait leur bétail d'une

 10   manière tout à fait similaire à ce qu'il avait constaté après l'opération

 11   "Flash". Paragraphe 66.

 12   J'ai parlé, Messieurs les Juges, tout à l'heure du fait que des membres de

 13   la direction croate à la fois politique et militaire sous la direction du

 14   président Tudjman, y compris l'accusé, voulaient que les Serbes s'en

 15   aillent, et ont mis en place des moyens pour que ceux-ci quittent le pays

 16   et restent en dehors de celui-ci, et ont exprimé leur satisfaction lorsque

 17   cette tâche était bien accomplie. Je n'ai pas parlé de ce dernier point,

 18   mais je voudrais finir en citant pour la Chambre un certain nombre de

 19   moyens de preuve.

 20   Il y a deux discours tout de suite après l'opération Tempête du 26 août du

 21   président Tudjman. Je voudrais que la Chambre lise ce discours dans son

 22   intégralité, car cela donne une bonne idée de l'attitude qu'il avait vis-à-

 23   vis des Serbes et quelle était l'intention de la direction.

 24   Je vais vous en lire quelques lignes :

 25   "Il ne s'agit pas simplement de libérer des territoires jusqu'ici occupés,

 26   il s'agit de la création des fondements d'un Etat croate souverain,

 27   indépendant pour les siècles à venir. Tant que Knin avait été occupé,

 28   l'avenir de la Croatie n'était pas en sécurité, mais après l'opération

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  1   Tempête elle l'est. Personne ne pourra plus jamais mettre la patrie en

  2   danger."

  3   Le président Tudjman continue en décrivant le fait que lorsque Knin a été

  4   capturée par le conquérant turc les --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, j'essaie

  6   continuellement de vous -- de régler votre vitesse pour que celle-ci soit

  7   gérable par les interprètes.

  8   M. TIEGER : [interprétation] Je suis désolé.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci de veiller à ceci.

 10   M. TIEGER : [interprétation] Aujourd'hui il s'agit de la Knin croate et

 11   plus jamais elle ne reviendra à son état précédent, lorsque le cancer qui

 12   s'étend détruisait la nation croate et qui ne permettait pas au peuple

 13   croate d'être véritablement seul. Désormais la Croatie est capable de

 14   devenir un Etat souverain et indépendant."

 15   Le président Tudjman parle également de la population et du fait qu'il y

 16   avait une grosse population serbe en plein centre du territoire croate, il

 17   continue en disant :

 18   "Mais pour gérer ceci, mes chers sœurs et frères, il nous a fallu nous

 19   unifier."

 20   Ensuite il y a une interruption dans l'enregistrement. Il continue en

 21   disant :

 22   "Toutes les décisions de notre direction qui ont été prises depuis deux ou

 23   trois jours -- ils sont partis en quelques jours seulement comme si ils

 24   n'avaient jamais été ici, comme je l'ai dit… ils n'ont même pas eu le temps

 25   de rassembler leur linge sale et leur sale argent."

 26   Lors du premier anniversaire de la libération de Knin, le président Tudjman

 27   redit la même chose clairement disant : "Les résultats que nous avons

 28   obtenus sont d'importance historique. Nous avons repris la ville croate

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  1   Zvonimir," à savoir Knin, "et elle est redevenue désormais aussi pure

  2   qu'elle l'était au temps de Zvonimir."

  3   Je vais maintenant donner la parole à M. Russo qui, comme je l'ai déjà dit,

  4   va traiter de pilonnage.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  6   Monsieur Russo.

  7   M. RUSSO : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

  8   merci.

  9   Comme vous le savez, je vais parler de l'attaque illégale.

 10   Mais tout d'abord, il faut que je parle de deux erreurs juridiques dans les

 11   arguments de la Défense de Gotovina relatives à leurs arguments selon

 12   lesquels la détermination d'une violation en vertu de l'article 5 doit être

 13   dictée par le droit et les coutumes de guerre en vertu de l'article 3.

 14   Tout d'abord, ils disent de manière erronée que l'Accusation doit prouver

 15   qu'il y a eu une attaque illégale qui a été "de grande envergure et

 16   systématique." Ce n'est pas vrai. Tout d'abord, les éléments peuvent être

 17   ou de grande envergure ou systématiques. En tout cas, pour ce qui est du

 18   chef numéro 1, l'Accusation allègue une attaque d'artillerie illégale comme

 19   étant l'un des nombreux actes de persécution, et non pas comme un crime

 20   séparé en vertu de l'article 3. L'Accusation n'a donc pas besoin d'établir

 21   que ce seul acte est ou de grande envergure ou systématique. On peut se

 22   référer à certains jugements en appel, par exemple, la décision Vasiljevic.

 23   Deuxièmement, ils disent de manière erronée que l'Accusation se doit

 24   de prouver les morts ou les victimes civiles du fait d'une attaque

 25   illégale. Mais ceci est erroné. Le jugement Kordic, paragraphe 105, dit

 26   spécifiquement qu'une attaque illégale contre des civils peut constituer un

 27   crime de persécution sans qu'il y ait besoin nécessairement d'obtenir un

 28   résultat spécifique.

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  1   Cela étant dit, l'attaque illégale a eu comme résultat de tuer ou de

  2   blesser des civils.

  3   La Défense de Gotovina a également dit à tort que l'attaque illégale est au

  4   cœur de la théorie de l'Accusation contre le général Gotovina, et que si

  5   cette attaque n'est pas établie, toute la théorie de l'entreprise

  6   criminelle commune ne peut pas être reçue. Comme l'a mentionné M. Tieger,

  7   l'Accusation a allégué tous les types de responsabilités, y compris le fait

  8   d'aider et d'encourager en fonction de 7(1), le commandement en vertu de

  9   l'article 7(3) pour les crimes qui font l'objet de l'acte d'accusation.

 10   Contrairement à ce que dit la Défense, les questions reprochées au

 11   général Gotovina ne comptent pas sur l'allégation de l'entreprise

 12   criminelle commune ni sur les allégations concernant l'attaque illégale.

 13   Je veux rentrer dans le détail en ce qui concerne ce dernier.

 14   La Défense Gotovina dit qu'il n'y a pas de preuve quant à l'existence

 15   d'une seule attaque illégale. On ne peut tirer cette conclusion que s'il on

 16   fait fi du témoignage des témoins qui ont eux-mêmes vu ou qui ont été

 17   l'objet de pilonnages ordonnés par le général Gotovina, de même qu'ordres

 18   ou actions provenant du général Gotovina lui-même.

 19   Les moyens de preuve montrent que le général Gotovina a ordonné une

 20   attaque sur des centres très peuplés dont la Krajina, et que cette attaque

 21   était dirigée contre la population civile serbe. Grâce à l'ordre du général

 22   Gotovina, des zones habitées seulement par des civils ont fait l'objet de

 23   pilonnages, dont les villes de Knin, Benkovac, Obrovac, et Gracac.

 24   Je voudrais vous montrer sur le prétoire électronique ces moyens. On

 25   peut voir les zones qui ont fait l'objet de tirs d'après les témoins Mira

 26   Grubor, Andries Dreyer, Joseph Bellerose, Roland Dangerfield, Eric Widen,

 27   tous ces témoins ont témoigné que des obus ont atterri partout à Knin, y

 28   compris dans des zones qui n'avaient proche d'elles aucune cible militaire.

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  1   En particulier, le côté nord-est de la ville, c'est-à-dire le voisinage de

  2   l'hôpital de même que la partie orientale de la ville, où il n'y avait pas

  3   d'artillerie ou de moyens d'artillerie présents depuis l'opération Tempête.

  4   Nous le savons d'après le témoignage de Marko Rajic, à savoir la personne

  5   qui a supervisé l'attaque d'artillerie contre Knin, de même que d'après ce

  6   qu'a dit Phil Berikoff et Kosta Novakovic.

  7   Regardons maintenant quel était le profil de ces pilonnages lorsqu'il

  8   s'agit des cibles qui ont été identifiées par M. Rajcic à proprement

  9   parler.

 10   Je vous donne ici les mêmes zones où ont atterri les obus, et j'ai

 11   surligné les zones que M. Rajic a identifiées comme étant ce qui étaient

 12   les cibles des forces croates, à savoir des cibles prédéterminées.

 13   Tous ces moyens se trouvent au compte rendu page 16 369 à 380, 16

 14   391, et cetera, et la pièce P2330 jusqu'à la pièce 2335 et 2337.

 15   L'Accusation n'est pas du tout d'accord avec M. Rajcic quant au fait

 16   qu'il s'agissait en réalité de cibles militaires qui pouvaient faire

 17   l'objet de tirs d'artillerie légaux. Cependant, pour ce qui est de

 18   l'article 98 bis, ces moyens sont suffisants pour démontrer le contraire de

 19   ce qu'affirme M. Rajcic, et le contraire de ce qu'affirme la Défense

 20   Gotovina, l'attaque d'artillerie sur Knin était une opération précise qui

 21   ciblait, selon eux, seulement des cibles militaires. D'après ces moyens,

 22   ces obus ont touché toute la ville, et comme on peut facilement le

 23   constater, toute la ville était prise pour cible par ces obus.

 24   Elle a fait l'objet de pilonnage en dépit du fait qu'il n'y avait

 25   aucune défense militaire de Knin, pas de troupes de combat, pas de

 26   tranchées, pas de tranchées anti-char, pas d'armes lourdes et pas de tirs

 27   provenant de la ville. Absolument rien qui pouvait indiquer que l'ARSK

 28   avait comme projet de défendre Knin depuis l'intérieur. Ces moyens

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  1   proviennent de Robert Williams et Roland Dangerfield, et Phil Berikoff.

  2   Si on prend tout ceci ensemble, ces moyens montrent que les attaques

  3   d'artillerie contre Knin n'ont pas étés mises en œuvre pour, soi-disant,

  4   "mettre à mal" la structure de commandement et de contrôle de l'ARSK, mais

  5   qu'elles étaient en réalité dirigées contre la population civile.

  6   D'autres moyens montrent que des tirs ont ciblé simplement les zones

  7   civiles des villes de Benkovac, Obrovac, et Gracac. A Benkovac, Dusan

  8   Sinobad et le Témoin 56 ont témoigné qu'il y a eu le pilonnage de zones

  9   habitées seulement par des civils. On peut le voir ici.

 10   Dusan Sinobad a témoigné qu'il n'y avait aucune cible militaire dans

 11   Benkovac, peut-être avec l'exception de la caserne qui était à plus d'un

 12   kilomètre de la ville, mais il a également témoigné que cette caserne ne

 13   tenait aucun soldat de l'ARSK le 4 août.

 14   Ceci a été appuyé par le Témoin 56 et par Kosta Novakovic, qui

 15   faisait partie de l'état-major de la l'ARSK, qui ont tous les deux témoigné

 16   qu'il n'y avait pas de troupes de combat à Benkovac parce que pendant

 17   l'opération Tempête, on les avait tous envoyés aux lignes de front.

 18   Il y a un autre rapport du régiment patriotique numéro 134; ce

 19   rapport à la page 2 dit que la zone générale de Benkovac avait fait l'objet

 20   de tirs par les forces d'artillerie de l'OG Zadar, et je cite, "sans

 21   surveillance" et ils ont reçu ce message de cette unité disant : "Est-ce

 22   qu'il y a quelque chose qui tombe sur Benkovac ?"

 23   Nous allons passer maintenant à Obrovac.

 24   A Obrovac, il y a le témoignage de Jovan Dopuc qui a témoigné que

 25   divers voisinages dans la ville ont fait l'objet de tirs. En tant qu'ancien

 26   commandant de l'ARSK dans cette zone, il a dit qu'il n'y avait aucune cible

 27   militaire dans cette ville d'Obrovac, aucun centre de communication ou de

 28   commandement, pas de troupes de combat ni d'équipements militaires dans la

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  1   ville. P548 paragraphe 2.

  2   Cependant, les impacts sont diffus dans cette ville, et cela indique

  3   que des obus sont tombés partout dans la ville.

  4   Maintenant passons à Gracac. A Gracac, Mile Sovilj, Vida Gacesa, UNMO

  5   Herman Steenbergen ont tous témoigné que des obus ont atterri dans les

  6   zones purement résidentielles de la ville. Et ce qui est également

  7   important à Gracac, c'est qu'il y avait Marko Rajic lui-même qui a témoigné

  8   qu'à part l'intersection en périphérie de la ville, il n'y avait aucune

  9   cible militaire de valeur suffisante à Gracac pour justifier de pouvoir

 10   obtenir un avantage militaire aux moyens d'artillerie. On peut retrouver

 11   ceci au compte rendu à la page 16.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, je réitère ce que

 13   j'ai dit à M. Tieger, à savoir qu'il faut ralentir. Deuxièmement, quand

 14   vous avez parlé d'Obrovac, nous l'avons vu sur notre écran, mais cela a

 15   disparu lorsqu'on a parlé de Gracac. Donc si vous voulez qu'on vous suive,

 16   le mieux c'est d'avoir à l'écran ce dont vous parlez, ce qui cause un autre

 17   problème. Comment voulez-vous présenter vos moyens sur l'écran ? Nous avons

 18   vu une vue aérienne de Knin avec des parties en vert et des endroits où,

 19   selon vous, des témoins avaient dit qu'il y avait eu des obus. On pourrait,

 20   bien entendu -- la Chambre pourrait regarder les enregistrements de la

 21   séance d'aujourd'hui et puis les revoir sur nos écrans, mais ce n'est peut-

 22   être pas très efficace.

 23   M. RUSSO : [interprétation] Bien sûr, je pourrais donner ceci à la

 24   Chambre et à la Défense pour qu'on puisse les comparer avec les cibles

 25   alléguées identifiées par la Défense dans ces villes. Mais je voulais

 26   surtout que nous ayons une idée des zones où sont tombés ces obus.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, mais la mémoire humaine est un

 28   peu limitée lorsqu'il s'agit de garder à l'esprit certaines images.

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  1   Je m'adresse également à la Défense. Nous savons tous que c'est

  2   simplement une interprétation visualisée des moyens de preuve par

  3   l'Accusation. Est-ce que vous avez un problème si ceci était présenté à la

  4   Chambre de cette façon-là ?

  5   M. KEHOE : [interprétation] Pas de problème.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, ça serait donc peut-être

  7   une bonne idée d'avoir des exemplaires papiers. Je pense que les originaux

  8   se trouvent désormais dans le dossier, du moins, dans le dossier audio de

  9   ces audiences. Il ne s'agit pas de moyens de preuve, simplement des

 10   interprétations de moyens de preuve. Donc si aucune des parties n'estime

 11   qu'il est absolument nécessaire d'avoir des MFI pour ces éléments, on va

 12   s'abstenir et s'en servir de la manière que nous considérons la plus

 13   appropriée. Nous avançons en fait avec les images de la Défense.

 14   M. KEHOE : [interprétation] Non. Nous n'avons pas besoin de copies. On peut

 15   procéder de la sorte.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'imagine que M. Kehoe parle au nom de

 17   tout le conseil de la Défense. Je vois que c'est confirmé.

 18   Continuez, Monsieur Russo.

 19   M. RUSSO : [interprétation] Merci. Je vous suis très gré d'avoir obtenu cet

 20   accord.

 21   Le témoignage de Marko Rajic selon lequel il n'y avait pas de cible digne

 22   de tir d'artillerie à l'exception de l'intersection, on le trouve au compte

 23   rendu à la page 16 365.

 24   De plus, Zdravko Janic, le commandant de la police spéciale qui était

 25   chargé de l'axe d'attaque qui comprenait Gracac, a également témoigné qu'il

 26   n'y avait aucune cible militaire à l'intérieur de Gracac à proprement

 27   parler. On peut le voir au compte rendu 6 355 à 6 356, et à 6 392.

 28   Puisque la zone de Gracac est sous la responsabilité de la police spéciale

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  1   pendant l'opération Tempête, je reviendrai tout à l'heure à propos de la

  2   contribution de M. Markac à l'entreprise criminelle conjointe et à

  3   l'attaque illégale.

  4   En tout cas, le pilonnage des zones civiles à l'intérieur de centre

  5   de la population de la Krajina constitue un moyen de preuve sur lequel la

  6   Chambre peut se baser pour trouver que l'attaque d'artillerie était en

  7   réalité dirigée contre la population civile serbe.

  8   Mais en dehors de cela, il y a d'autres moyens qui montrent que la

  9   population civile était le véritable sujet des attaques d'artillerie parce

 10   que les civils, dans les principales villes, n'ont pas été les seules

 11   victimes d'un pilonnage. Ceux qui vivaient dans les petits villages et les

 12   hameaux autour de la Krajina, là où il n'y avait aucune présence militaire

 13   ont également fait l'objet de tirs d'artillerie. On peut le voir selon le

 14   témoignage du Témoin 54, P186, page 5, compte rendu 2 856 à 2 857, de même

 15   que la déposition de M. Jovan Dopudj, 5 999 à 6 000, et P548, paragraphe 4,

 16   et P551 aussi. De même que le témoignage de Sava Mirkovic, à D720 compte

 17   rendu 7418.

 18   Des moyens selon lesquels ces tirs d'artillerie sont dirigés contre les

 19   civils ne proviennent pas simplement des témoins des endroits qui ont été

 20   pilonnés mais également les méthodes et les moyens d'attaque qui ont été

 21   choisis par le général Gotovina. Knin a fait l'objet de pilonnage pendant

 22   19 heures le 4 août, suivi par six heures de pilonnage le lendemain à des

 23   débits qui variaient entre un bombardement intense et quatre ou cinq tirs

 24   par heure pendant le jour et la nuit. Ceci est vérifié par le témoignage

 25   d'Alain Gilbert, Geoff Hill, Robert Williams, et Phil Berikoff.

 26   La Chambre a pu visionner une vidéo de l'attaque d'artillerie le 4

 27   août, P1278, et on peut entendre le débit des tirs. En particulier, les

 28   impacts simples, singuliers qui arrivent à intervalle non régulier. Nous

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  1   savons que de tels tirs sporadiques sont intentionnels, d'après les ordres

  2   du général Gotovina à P1125, P2350, et les rapports du commandant Bruno

  3   Milin, TS-4 à P1268.

  4   Comme l'a déjà dit, M. Tieger --

  5   L'INTERPRÈTE : L'interprète interrompt en demandant à M. Russo de ralentir.

  6   M. RUSSO : [interprétation] Je suis désolé.

  7   Le lieutenant-colonel Konings a témoigné en disant que ces tirs aléatoires

  8   n'auraient aucun effet sur une cible militaire et ne pourraient procurer

  9   aucun avantage militaire, mais pourraient très bien avoir un effet

 10   psychologique très efficace sur la population civile, car elle serait

 11   obligée de se demander quand est-ce que le prochain tir allait arriver. Et

 12   c'est un fait que c'est la population civile, Messieurs les Juges, qui

 13   était le but auquel voulaient parvenir le général Gotovina et les autres

 14   participants à l'entreprise criminelle commune, ce qui est évident dans la

 15   réunion dont je vais vous parler tout à l'heure.

 16   Il y a également le type d'armement qui a été utilisé, le type d'arme. Ceci

 17   nous éclaire également quant à la véritable intention de cette attaque

 18   d'artillerie.

 19   M. Akhavan justement signalait qu'une attaque sans discrimination a été

 20   adressée directement sur la population civile. L'article 51 du protocole

 21   additionnel I définit une attaque sans discrimination comme étant "une

 22   attaque qui définit une méthode de combat dont les effets ne peuvent être

 23   limités tels qu'exigés au titre du protocole, et donc dans chaque cas est

 24   de nature à frapper des objectifs militaires et civils ou des objets civils

 25   sans distinction."

 26   Malgré les arguments avancés par la Défense de Gotovina,

 27   l'application de l'article 51 dépend entièrement des circonstances propres

 28   à chaque cas d'espèce, et dans les zones peuplées par des civils dans ce

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  1   cas, le général Gotovina a choisi d'utiliser des systèmes de lance-

  2   roquettes multiples non guidées et une arme qui est sans contexte sans

  3   discrimination dans les circonstances. Nous trouvons ça à la pièce D1425,

  4   paragraphe 16, référence dans le compte rendu d'audience étant 16 278 à 16

  5   279, 16 282 à 16 285.

  6   Marko Rajic lui-même a reconnu que l'utilisation de lance-

  7   roquettes multiples contre des cibles se trouvant dans une zone

  8   résidentielle serait de nature à enfreindre les règles de distinction et de

  9   proportionnalité. Il a affirmé cela à la page 16 592 du compte rendu. Tout

 10   autre témoin qui a également déposé concernant ces bataillons militaires,

 11   et notamment le chef de la police spéciale d'artillerie Josip Turkalj, a

 12   également témoigné quant à leur imprécision extrême et l'énorme zone de

 13   couverture. Nous trouvons ça également dans les dépositions d'Andrew

 14   Leslie, Harry Konings, dans la forme d'observation de l'ONU, Kari Anttila

 15   et Tor Munkelien.

 16   Encore pire que le bataillon militaire est la preuve que des munitions à

 17   fragmentation furent utilisées. Des preuves également que des munitions à

 18   fragmentation ont été utilisées contre Knin, et là, je réfère la Chambre

 19   aux éléments de preuve de M. Murray Dawes, P980, P981, P984, D863, et la

 20   référence du compte rendu de décision 10 500.

 21   Enfin, l'absence quasi totale de dégât aux cibles militaires alléguées à

 22   Knin souligne que les civils furent l'objet principal de l'attaque. A des

 23   fins d'économie, Messieurs les Juges, je mettrai l'accent uniquement sur

 24   les cibles militaires de haute valeur entre guillemets identifiées par

 25   Marko Rajic.

 26   Le QG de l'ARSK. Après 25 heures de pilonnage, la cible alléguée par

 27   excellence, selon M. Racjic, a subi un tir d'obus qui a atterri, nous le

 28   savons, dans le parc de stationnement qui se trouvait derrière le bâtiment.

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  1   Nous le savons d'après les éléments de preuve fournis par Kosta Novakovic,

  2   Geoff Hill, et Alain Forand.

  3   En effet, les preuves montrent que le général Cermak s'est lui-même

  4   installé dans le bâtiment aussitôt après le tir d'artillerie et a commencé

  5   à l'utiliser.

  6   La garnison nord, autre cible prétendue, faisait apparaître pratiquement

  7   aucun signe de dégât, et a été immédiatement utilisé par les forces croates

  8   dès leur entrée à Knin. Nous le savons d'après les éléments de preuve

  9   fournis par Murray Dawes, Geoff Hill, Andrew Leslie, et Stig Marker Hansen.

 10   La résidence de Milan Martic, même si celle-ci se trouvait dans le bâtiment

 11   où M. Martic habitait, a fait l'objet de cibles, Marko Rajcic a reconnu que

 12   le bâtiment lui-même ne constituait pas une cible militaire, mais

 13   uniquement -- M. Rajcic qui a également souligné qu'il n'y avait absolument

 14   aucune information quant à la cible qui a fait l'objet de tirs. Il ne

 15   savait pas combien d'appartements se trouvaient dans le bâtiment, combien

 16   d'étages il avait, combien de personnes y habitaient ou qui s'y trouvaient

 17   le 4 août. Il a également reconnu que la possibilité, soit de blesser ou de

 18   tuer M. Martic en tirant sur ce bâtiment, était "extrêmement faible."

 19   Le Tribunal trouvera cela au compte rendu d'audience 16 446 à 16 447.

 20   Alors que M. Rajcic a nié que des lance-roquettes multiples du

 21   bataillon militaire ont été utilisées contre le tir de la résidence de

 22   Milan Martic, il a également témoigné suite à l'analyse de cratères des six

 23   impacts de bataillon militaire dans la même zone résidentielle que les

 24   bâtiments, et que des voitures étaient endommagées. Le Tribunal trouvera

 25   ces éléments de preuve aux pièces P60, D166, D167, et D1261.

 26   M. Rajcic a également témoigné que des tirs sur "l'ancien bâtiment

 27   d'hôpital" au centre-ville de Knin pour le seul objectif qu'il avait

 28   entendu que M. Martic s'y trouvait. C'est au compte rendu d'audience 16

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  1   396. Chasser M. Martic autour de la ville avec une pièce d'artillerie ou

  2   une lance-roquettes qui serait située à des kilomètres de distance et en

  3   tirant contre tout bâtiment où il pourrait se trouver, constitue, me

  4   semble-t-il, l'exemple type d'une attaque disproportionnée et sans

  5   discrimination.

  6   La Défense de Gotovina a fait également valoir qu'il n'y avait aucune

  7   victime civile ni de civils blessés par suite de l'attaque d'artillerie

  8   lancée par le général Gotovina. Comme je l'ai indiqué, bien qu'il n'y ait

  9   pas de nécessité à démontrer un tel résultat, les éléments de preuve

 10   montrent qu'il y avait entre 50 et 75 civils tués, et entre 30 et 40 furent

 11   blessés au cours de l'attaque d'artillerie lancée contre Knin.

 12   Ces éléments de preuve peuvent se trouver dans les dépositions de

 13   Phil Berikoff, P740, paragraphe 2; D284, pages 7 à 9; P747; et la pièce

 14   P744 également d'après les éléments de preuve de Mila Grubor, qui était

 15   également infirmière de permanence à l'hôpital, ainsi que les éléments de

 16   preuve de M. Hussein Al-Alfi, Robert Williams, et la pièce P220.

 17   Il y a également des éléments de preuve attestant de dégâts

 18   importants infligés contre les structures civiles, par suite d'une attaque

 19   d'artillerie lancée, malgré les thèses arguant du contraire. A Knin, les

 20   registres de la force de l'ONU montrent comment 110 bâtiments à Knin

 21   étaient soit endommagés ou détruits par le pilonnage. Ces éléments

 22   proviennent de P64, P67.

 23   M. Berikoff a également indiqué qu'il avait lui-même constaté qu'il y avait

 24   au moins 100 maisons à Knin détruites au cours de l'attaque d'artillerie,

 25   et qu'il y avait des dégâts importants infligés à ces 100 maisons qu'il n'a

 26   pas spécifiquement enregistré.

 27   Ces éléments peuvent se trouver aux pièces P7601 à 7602, 7782 à 7783.

 28   Les témoins à Benkovac, Obrovac, et Gracac ont également indiqué que le

Page 17402

  1   pilonnage a provoqué des dégâts aux structures résidentielles et civiles

  2   dans ces villes. Je renvoie à la Cour les éléments de preuve du Témoin 56,

  3   Dusan Sinobad, Jovan Dopudj, Vida Gacesa, et Hermann Steenbergen.

  4   La Défense Gotovina affirme encore qu'il n'y avait aucune preuve indiquant

  5   que l'attaque d'artillerie a incité les civils à se sauver. Là encore, les

  6   éléments de preuve montrent qu'il n'en est rien. Les témoins de chaque

  7   ville qui ont subi des pilonnages ont également témoigné que les civils

  8   étaient partis en raison des tirs d'artillerie, les villages de plus

  9   petites tailles avoisinants, il y a également le témoignage du Témoin 54, à

 10   Benkovac, dans les villages avoisinants, il y a le témoignage du Témoin 56

 11   et Dusan Sinobad.

 12   A Obrovac, il y a Jovan Dopudj. A Gracac, le témoignage de Mile

 13   Sovilj, et Vida Gacesa. Quant aux arguments faisant état du souhait

 14   d'évacuer les femmes et les enfants comme la cause de cette exode de masse,

 15   je renvoie la Chambre aux éléments de preuve de M. Martic indiquant que sa

 16   décision a été omise en raison de l'attaque d'artillerie illégale et des

 17   éléments de preuve attestant que les civils quittaient également leurs

 18   villes avant que M. Martic ait pris cette décision, et encore moins qu'il

 19   l'ait communiquait à quiconque. En tout état de cause, les éléments de

 20   preuve démontrent qu'ils seraient partis même en l'absence d'un tel ordre.

 21   Le Tribunal peut trouver ces éléments de preuve à D933, D928, D929, D930,

 22   les pages du compte rendu d'audience 11 968, 11 973 à 11 978.

 23   Tous ces éléments de preuve qui précèdent sont parfaitement capables

 24   de démontrer que le général Gotovina a mené des attaques illégales contre

 25   la population civile afin de les chasser de la Krajina. En effet, ce sont

 26   apparemment ceux qui ont souffert et qui ont assisté aux attaques

 27   d'artillerie, l'intention de chasser la population serbe par un pilonnage

 28   illégal apparaît clairement du fait que les villes elles-mêmes étaient

Page 17403

  1   pilonnées. Les dégâts infligés aux cibles militaires prétendues sont

  2   pratiquement nuls par rapport aux dégâts infligés sur les maisons et les

  3   bâtiments dont les civils ont quitté, et les morts qu'ils ont laissés

  4   derrière eux. Ces éléments montrent, en plus des éléments de preuve,

  5   montrent amplement que l'intention de l'attaque était de chasser les

  6   civils.

  7   Il n'en demeure pas moins que la Chambre ne doit pas nécessairement

  8   déduire ce qui a été manifestement exprimé. Le général Gotovina a donné

  9   l'ordre pour que la majeure partie des centres de population de la Krajina

 10   subisse des tirs d'artillerie. Il l'a fait suivant le plan reflété lors de

 11   la réunion de Brioni.

 12   Lors de cette réunion, le président Tudjman a annoncé que la

 13   situation politique présentait une occasion de se venger de la destruction

 14   des villes et villages croates, et il a clairement fait comprendre à tout

 15   un chacun l'importance d'obliger la population serbe à partir, de façon à

 16   ce que les militaires suivent. C'est le général Gotovina qui a réagi à

 17   cette affirmation en assurant le président que s'ils maintenaient la

 18   pression il n'y aurait pas un très grand nombre de civils qui resteraient.

 19   Nous savons d'après la déposition de Marko Rajcic que l'utilisation

 20   de ce terme "pression" constitue un euphémisme pour l'emploi d'artillerie.

 21   Cela se trouve à la page 16 601 du compte rendu d'audience.

 22   La pression auquel faisait référence le général Gotovina lors de la

 23   réunion de Brioni était les attaques d'artillerie qu'il menait à l'époque

 24   contre les zones peuplées de civils à Cetina et Strmica, qui chassaient les

 25   civils de ces régions vers Kotar-Knin, en provoquant la panique parmi la

 26   population civile s'y trouvant. Le Tribunal trouvera ça dans les preuves du

 27   témoin de l'UNMO Peter Marti, et des éléments du témoin Alexander

 28   Tchernetsky, ainsi que les éléments de preuve de 666 à 67, 797 à 798.

Page 17404

  1   En tout état de cause, le président Tudjman, le général Gotovina, le

  2   général Markac, et tous ceux qui participaient à la réunion de Brioni

  3   étaient pleinement conscients de l'effet que les tirs d'artillerie avaient

  4   sur les civils serbes dans les régions qu'ils pilonnaient, pas simplement

  5   sur leurs actions à Cetina et Strmica, mais également pour leurs attaques

  6   d'artillerie récentes sur Grahovo et Glamoc. Le président Tudjman a rappelé

  7   tout un chacun comment tous les civils avaient quitté ces villes lorsque

  8   les forces du général Gotovina leur "mettait la pression". Nous savons

  9   d'après Marko Rajcic que certains de ces civils sont partis vers Knin, sans

 10   doute ajoutant à la panique propagée par les réfugiés de Strmica et Cetina.

 11   Le président Tudjman a assuré tout un chacun qu'une panique encore

 12   plus grande serait déclenchée à Knin une fois l'attaque lancée, et que le

 13   prétexte d'une éventuelle contre-attaque de Knin constituerait un bon

 14   prétexte pour l'utilisation d'artillerie contre la ville. Le message était

 15   clair, Messieurs les Juges, le plan était explicite. Leur offrir une voie

 16   de sortie, bombarder les villes afin de déclencher le départ des civils, et

 17   que les militaires les suivraient. C'est exactement ce qu'ils ont fait,

 18   c'est précisément ce qui s'est passé. L'ordre du général Gotovina qui était

 19   de placer la population civile des villes sous des feux d'artillerie est

 20   évidemment un ordre illégal de façon patente pour ce qui est des principes

 21   de proportionnalité et la distinction qu'il faut faire entre les objectifs

 22   des villes pour les tirs d'artillerie.

 23   Je voudrais maintenant brièvement traiter de la responsabilité du

 24   général Markac pour les attaques d'artillerie illicites contre Gracac et

 25   Donji Lapac.

 26   Les forces de police spéciale du général Markac, responsable de l'axe

 27   d'attaque qui comprenait Gracac et Donji Lapac, le général Markac a donné

 28   l'ordre d'attaquer et d'engager des batteries de requête de la police

Page 17405

  1   spéciale et des batteries de l'artillerie. On peut retrouver ça aux pièces

  2   P2385, P614, P552.

  3   Comme je l'ai exposé précédemment, les tirs contre des zones purement

  4   civiles à Gracac proprement dites étaient une attaque illégale. En plus de

  5   ces éléments de preuve, d'autres montrent le caractère aveugle des tirs

  6   effectués par les forces de police spéciale. Le chef de l'artillerie de la

  7   police spéciale, Josip Turkalj, et le commandant, Zdravko Janjic, ont tous

  8   deux témoigné que la police spéciale n'avait pas d'observateurs avancés. On

  9   voit ça à la pièce P1150, pages 89 et 90; P1151, pages 23, 24;

 10   transcription 13 597 et la page 136 de P553.

 11   Konings a déposé selon lequel on ne devrait jamais utiliser

 12   l'artillerie dans les zones peuplées de civils sans observateurs en poste

 13   avancé.

 14   L'attaque d'artillerie contre Donji Lapac est la même chose. Le

 15   général Markac a ordonné aux forces de police spéciale de s'emparer de

 16   Donji Lapac, qui ont utilisé l'artillerie pour le faire. On peut voir cela

 17   d'après les éléments de preuve que le général Markac lui-même a donnés dans

 18   un rapport, P585, ainsi que les éléments de preuve par les dépositions de

 19   Zdravko Janjic, P552, paragraphe 34; D556, page 1; et la déposition de

 20   Josip Turkalj, P1151, pages 10, 23 et 32, et compte rendu page 13 611 à

 21   612. Il n'y avait pas d'objectifs militaires, pas de présence militaire à

 22   Donji Lapac non plus. Ensuite Turkalj indique au compte rendu d'audience

 23   P1151, page 27, Zdravko Janjic, P552, paragraphes 35 [comme interprété] et

 24   37, P553, pages 138 et 150 à 154.

 25   Un résident de Donji Lapac a témoigné que Donji Lapac avait été pilonnée

 26   pendant plusieurs heures le 7 août 1995, et qu'il avait quitté la ville à

 27   cause des tirs d'artillerie, qu'il pouvait voir que des maisons avait été

 28   détruites par ces tirs d'artillerie alors qu'il quittait la ville, ainsi

Page 17406

  1   que le fait qu'il n'y avait pas de présence militaire à Donji Lapac. Ceci

  2   est en P725, page 1; P726, paragraphe 5.

  3   La Défense de Markac fait valoir de façon intéressante qu'il n'y a aucun

  4   témoin qui ait témoigné que le général Markac ait eu quoi que ce soit à

  5   voir avec la planification et la préparation des opérations d'artillerie

  6   sur son axe d'attaque. Ceci semble être une tentative assez évidente pour

  7   plaider en ce qui concerne sa présence à la réunion de Brioni, en ce qui

  8   concerne le plan d'utiliser l'artillerie pour faire partir des civils de la

  9   Krajina. Le fait que les attaques de l'artillerie sur Gracac et Donji Lapac

 10   ont suivi le même schéma de tirs aveugles et indiscriminés, tels qu'ils ont

 11   été effectués par les forces du général Gotovina, prouve que le général

 12   Markac a également mis en œuvre le même plan criminel commun.

 13   Les éléments de preuve qui précèdent étayent le fait que le général

 14   Gotovina et le général Markac ont contribué de façon significative à

 15   l'objectif criminel commun de l'entreprise criminelle commune en exécutant

 16   des attaques illégales contre des civils serbes, ce qui établit leur

 17   responsabilité pour les chefs d'accusation 1 à 3 de l'acte d'accusation.

 18   Subsidiairement, les éléments suffiraient à établir leur responsabilité

 19   pour les mêmes infractions en ordonnant, ainsi qu'en aidant et en

 20   encourageant ces actes, ceci comme visé à l'article 7, paragraphe 1 du

 21   Statut et 7, paragraphe 3 du Statut en ce qui concerne la responsabilité du

 22   commandement.

 23   Ceci conclut la présentation concernant les attaques illicites. Je passe

 24   maintenant la parole à M. Hedaraly.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Russo.

 26   Monsieur Hedaraly.

 27   M. HEDARALY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, Monsieur le

 28   Président, Messieurs les Juges.

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  1   L'Accusation a présenté un grand nombre d'éléments de preuve en ce qui

  2   concerne ce qui a eu lieu dans le secteur sud après les quelques premières

  3   journées de l'opération Tempête. L'incendie et le pillage de biens serbes,

  4   les tueries et le harcèlement de civils serbes et d'une façon générale les

  5   conditions intenables de vie pour ces Serbes, ceux qui restaient ou

  6   souhaitaient revenir. Ces éléments de preuve comprenaient à la fois les

  7   observations générales et de l'époque et les conclusions des témoins qui

  8   étaient sur le terrain, ainsi que les détails relatifs à des incidents

  9   précis. Bien entendu, je ne pourrais pas passer en revue tous ces éléments

 10   de preuve aujourd'hui, mais je n'en donnerai que quelques instantanés.

 11   Je commence par les destructions. Les rapports des organisations

 12   internationales et dépositions des nombreux témoins correspondent tous en

 13   ce qui concerne les destructions étendues qui ont eu lieu dans l'ancien

 14   secteur sud.

 15   Les observateurs militaires de la Communauté européenne, fin 1995, dans le

 16   document P2151, témoignent que 60 à 80 % des maisons auraient été en partie

 17   ou complètement détruites. Les observateurs militaires de l'ONU ont rendu

 18   compte de 73 % le 13 septembre, il s'agit du P97. L'un des membres de la

 19   mission de la FORPRONU, Roland Dangerfield, qui voyageait pendant 14 heures

 20   par jour dans le secteur, a indiqué que les 80 à 90 % des villages avaient

 21   subi une forme ou une autre d'incendie. Il a dit dans sa déposition que "la

 22   plus grande partie du secteur était en feu."

 23   Ces destructions allaient d'une extrémité du secteur sud à l'autre

 24   extrémité, pour les municipalités de Drnis à Donji Lapac, Benkovac à Knin,

 25   ainsi que Gracac et Obrovac. Selon les termes employés par M. Vanderostyne

 26   en ce qui concerne les secteurs qu'il a visités, lorsqu'on lui a demandé de

 27   préciser ce qu'il voulait dire par incendier sur une vaste échelle, il a

 28   dit -- et ceci est corroboré par d'autres témoins, il a dit :

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  1   "Oui, certainement, je peux le faire. Les pillages, les incendies sur une

  2   grande échelle, ce n'était pas des incidents isolés. Entre Gospic et

  3   Gracac, l'ensemble du pays, la campagne était en feu, et je me rappelle,

  4   Monsieur le Président, qu'à un moment donné, alors que nous étions en train

  5   de passer près d'une très petite colline, on pouvait voir la campagne à

  6   perte de vue et partout, partout chaque ferme, chaque grange, chaque

  7   annexe, chaque maison à la campagne, je veux dire, pas dans les villages,

  8   mais chaque bâtiment dans la campagne était en feu, et c'est ça que je veux

  9   dire par une vaste échelle."

 10   C'était à la page 4046 à 4047 du compte rendu.

 11   Les destructions ont commencé dès que le HV a pris le contrôle du

 12   territoire le 5 août 1995 lorsqu'on a vu des maisons serbes qui brûlaient,

 13   par exemple, à Zagrovic, Knin, Bukovic, Benkovac municipalité, Kakanj

 14   municipalité, Kistanje, et Amanovici municipalité d'Orlic.

 15   Les villes de Kistanje, Dzeverske, Cetina, Donji Lapac, ont été détruite à

 16   plus de 95 %. Les éléments ont été présentés prouvant que ces incendies ont

 17   eu lieu après la fin des opérations de combat. Donji Lapac, qui était à 99

 18   % Serbe avant la guerre, a été décrite de la manière suivante par le

 19   ministre Susak lors d'une réunion qu'il a eue avec le président Tudjman et

 20   d'autres : "Donji Lapac, en tant que tel, n'existe pas. Il n'y a que son

 21   nom sur la carte, tout est détruit, absolument tout."

 22   P470, page 53 et 54.

 23   Dans certains cas, seule l'église a été laissée intacte, parfois avec des

 24   soldats ou des policiers qui la gardaient. On vous en dira davantage, ce

 25   sera M. Waespi qui en dira davantage à ce sujet.

 26   Les seuls lieux qui ont été épargnés de telles destructions ont été les

 27   villes plus grandes, de façon à ce qu'elles puissent être repeuplées par

 28   des Croates déplacés ou des villages qui étaient peuplés par des Croates.

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  1   Je citerai, par exemple, D820, P935, et les positions d'Eric Hendriks, 9747

  2   à 48 et 9671 à 72, et Stig Marker Hansen 14 933 à 934.

  3   Les éléments de preuve présentés par l'Accusation ont également démontré

  4   que les destructions systématiques et étendues ont été effectuées dans de

  5   nombreux lieux par des forces croates. Je ne reprendrai pas tous les

  6   éléments des dépositions des témoins qui ont identifié des soldats en train

  7   de brûler ou de personnes en uniforme qui brûlaient certaines maisons, mais

  8   je ferai quelques observations générales et je donnerai quelques exemples.

  9   Le HV lui-même a noté que ses membres commettaient des incendies criminels.

 10   Un rapport du coordonnateur de l'administration politique, Ivan Zelic, du

 11   13 août 1995, dans la pièce D810, indique :

 12   "Il y a lieu de remarquer que le plus grand nombre d'incendies ont eu lieu

 13   un jour ou deux après l'entrée d'unités du HV dans les villages

 14   nouvellement libérés." Les cas d'incendie ont été le plus souvent effectués

 15   par des membres de régiment des Gardes qui avaient été déplacés des zones

 16   récemment libérées appartenant à des personnes déplacées. Le pillage et les

 17   incendies ont également été effectués par la police spéciale, et ceci sera

 18   examiné plus tard par Mme Mahindaratne.

 19   Les observateurs internationaux ont également remarqué, à P223, rapport du

 20   20 août 1995 :

 21   "Une autre tendance très brutale dans le secteur sud sont les

 22   incendies très étendus de maisons abandonnées dans le voisinage de

 23   Benkovac, Kistanje, Gracac, Knin. Les militaires croates ont vu sur les

 24   lieux du crime des éléments qui suggéraient qu'ils étaient les auteurs, et

 25   même qu'on ne trouvait personne d'autre à qui on peut imputer le blâme. La

 26   destruction des maisons accompagnée de pillages et des biens qui se

 27   trouvaient à l'intérieur, l'étendue de ces activités indique que ceci est

 28   une campagne officiellement acceptée."

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  1   Deux brefs exemples du caractère systématique de ces destructions. A

  2   Kistanje, une ville que je viens de mentionner il y a quelques instants, le

  3   6 août, M. Gojanovic a dit qu'il était allé voir et avait vu que les

  4   soldats du HV avaient commencé à la brûler.

  5   M. Dawes a également observé la ville de Kistanje dont on commençait

  6   l'incendie le 6 août. Le 9 août elle a été observée par M. Berikoff qu'elle

  7   était détruite à 95 %.

  8   Comme écrit par le journaliste Robert Fisk, qui visitait le secteur avec

  9   Alun Roberts, P684 :

 10   "Chacune des maisons à Kistanje a été détruite par l'armée croate,

 11   les petits pavillons, des villas à deux étages, des bâtiments soit

 12   hongrois, en pierres de taille, des ruines brûlées; il y a encore des

 13   arbres, mais dont les feuilles ont été jaunies par les feux. Aucun Serbe ne

 14   reviendra jamais là."

 15   Le 10 août dans la vallée Kosovo, un groupe de soldats en uniforme a été vu

 16   allant de maison à maison avec un camion de carburant mettant

 17   systématiquement en feu les maisons qui s'y trouvaient. Le même jour, une

 18   équipe de patrouille des observateurs militaires de l'ONU a observé 30 à 35

 19   maisons qui brûlaient sur la route de Knin à Kosovo. La patrouille a

 20   également observé le même nombre de maisons qui avaient été brûlées dans le

 21   secteur.

 22   Sur la même route à la même époque, des témoins ont vu des canons

 23   antiaériens utilisés par des véhicules du HV pour incendier des maisons sur

 24   la route entre Knin et Drnis. Un de ces témoins, Switbertus Dijkstra, a

 25   remarqué un insigne Puma sur le côté d'un des camions militaires. Comme

 26   plusieurs observateurs internationaux l'ont noté, il est difficile

 27   d'établir une distinction entre incendie et pillage. D'habitude, les

 28   soldats allaient de pair avec la présence des camions militaires et le

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  1   pillage était également systématique et effectué de façon très patente,

  2   très ouverte.

  3   Là encore, sans entrer dans trop de détails, ceci a commencé dès que les

  4   soldats croates sont entrés dans le secteur.

  5   Le 5 août, le témoin Dawes a vu clairement qu'il y avait des soldats

  6   croates en train de piller d'une façon patente, juste à l'extérieur de

  7   l'enceinte de l'ONU. Un témoin, Stig Marker Hansen, a déposé disant que ces

  8   biens qui avaient été pillés étaient réunis le lendemain et emmenés par un

  9   camion.

 10   Le pillage et les incendies se sont poursuivis. Le 22 août, M. Hendriks a

 11   observé deux personnes en uniforme de la police militaire, membres du HV,

 12   qui portaient des insignes et qui se trouvaient avec un petit camion

 13   quittant une maison à Guglete dans la municipalité d'Obrovac qui venait

 14   juste d'être brûlée. Il y a une photographie de cette maison qui a été

 15   admise comme élément de preuve. Ceci, c'est le P948. Il y a également eu

 16   des incidents d'incendie au cours des mois de septembre, par exemple, le 4

 17   septembre notés par le HRAT, et le 10 septembre par la police civile de

 18   l'ONU pièce; D179.

 19   Le pillage, également dans l'ensemble de la zone, s'est poursuivi

 20   tout au long de la période visée par l'acte d'accusation. Par exemple, les

 21   rapports du 23 et 27 septembre notant et remarquant les pillages par des

 22   personnels en uniforme respectivement dans la vallée de Plavno et à Orlic.

 23   P1249 [comme interprété] et P267.

 24   La raison pour laquelle les observateurs internationaux ont été en mesure

 25   d'observer ces actes, c'est qu'ils étaient commis de façon publique et en

 26   toute impunité. Le P933 indique que des unités étaient en train d'incendier

 27   des maisons pendant que les militaires et la police civile observaient tout

 28   cela, et notre présence ne semblait même pas les déranger. Par ce simple

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  1   fait, le pillage doit être organisé et le pillage des maisons donne

  2   l'impression qu'il y a un nettoyage ethnique.

  3   Un des rapports, P1287, a noté que dans un des cas, lorsqu'on a demandé

  4   pourquoi l'armée de métier se comportait de cette manière, un officier

  5   supérieur du HV a répondu : "Pourquoi est-ce que des gens boivent de

  6   l'alcool et conduisent ensuite ?" Ça, c'est à la pièce P1287.

  7   Un membre d'une organisation internationale a noté que l'incendie d'une

  8   ferme serbe de la Krajina avait pour but d'empêcher les habitants de

  9   revenir en plus grands nombres, puisque l'agriculture constituait encore

 10   les moyens de subsistance de base des Serbes de la Krajina. Ceci est au

 11   P2150.

 12   Juste pour conclure brièvement cette section, comme vous l'avez entendu de

 13   M. Tieger, l'étendue de ce pillage et plus particulièrement les

 14   destructions et son caractère suspect a conduit à la conclusion par les

 15   témoins, ceux qui étaient sur le terrain, que ces destructions étaient soit

 16   ordonnées du haut de la hiérarchie, tout au moins qu'elle fermait les yeux

 17   pour ce qui est des autorités.

 18   Monsieur le Président, peut-être que le moment conviendrait pour suspendre

 19   l'audience.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Hedaraly.

 21   Nous allons suspendre l'audience et nous reprendrons à 11 heures

 22   moins 5.

 23   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

 24   --- L'audience est reprise à 10 heures 58.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hedaraly, je voudrais qu'on

 26   passe à huis clos partiel pour traiter d'une affaire de procédure.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes désormais à huis clos

 28   partiel.

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  1   [Audience à huis clos partiel]

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 17   [Audience publique]

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 19   Monsieur Hedaraly, vous pouvez continuer.

 20   M. HEDARALY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 21   Je vais maintenant passer aux chefs de meurtre qui ont été allégués par

 22   l'Accusation. D'après le conseil de la Chambre, l'Accusation va retirer 32

 23   victimes en particulier, qui ont été identifiées comme victimes de meurtre,

 24   et qui était le sujet des chefs d'accusation 6 et 7. Je ne vais pas vous en

 25   donner la liste actuellement mais nous donnerons aux parties et à la

 26   Chambre la liste par courriel.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 28   M. HEDARALY : [interprétation] Il s'agit là des seuls incidents pour

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  1   lesquels l'Accusation concède qu'elle n'a pas présenté des moyens de preuve

  2   en matière de meurtre. Pour ce qui est des autres, à savoir au total 342

  3   meurtres, à la fois en annexe et non, des moyens ont été présentés selon

  4   lesquels ces 342 victimes ont été tuées. L'Accusation prétend que les

  5   moyens de preuve qui ont été présentés doivent être considérés dans leur

  6   totalité. Il y a différentes sources de ces moyens qui doivent être

  7   considérées les uns avec les autres. Il y a évidemment les dépositions des

  8   témoins, à la fois ceux qui ont témoigné viva voce, ceux dont les

  9   déclarations ont été déposées en vertu des articles 92 bis et quater. Ce ne

 10   sont pas là les seules sources de preuve.

 11   Il n'y a pas toujours des preuves du type présentées par Smiljana

 12   Mirkovic ou Manda Rodic, qui étaient les témoins oculaires de meurtres par

 13   balle de deux femmes par des soldats croates de sang-froid, respectivement

 14   Djurdija Mirkovic à Polaca le 12 août, et Jovanka Mizdrak à Mizdrakovac le

 15   8 août.

 16   Il y a également des moyens dans les documents concernant la

 17   collection et l'enfouissement des cadavres où souvent des photographies ont

 18   été prises par les autorités croates lors de leurs opérations de nettoyage.

 19   Il y avait des preuves provenant d'organisations internationales qui ont

 20   découvert ou qui ont autrement été les témoins de cadavres sur le terrain.

 21   Il y a des récits contemporains de ces organisations concernant les

 22   circonstances dont ces victimes sont mortes. Il y a des moyens provenant de

 23   l'exhumation et de l'autopsie de l'analyse médico-légale de ces cadavres.

 24   Ce sont ces moyens de preuve dans leur totalité qui devront être

 25   considérés.

 26   Bien évidemment aujourd'hui nous ne pourrons pas passer en revue les 342

 27   incidents. Je ne vais passer en revue que certains qui ont été mentionnés

 28   par la Défense Gotovina.

Page 17416

  1   Par exemple, les meurtres supplémentaires numéro 131 et 132, qui ont

  2   fait l'objet d'une contestation dans la requête 98 bis de la Défense

  3   Gotovina, deux cadavres non identifiés dans le hameau de Dmitrovic et dans

  4   le village de Zagrebvic. Il n'y a pas de rapport d'autopsie pour ces

  5   cadavres, bien entendu, mais il y a des moyens de preuve portant à croire

  6   qu'il s'agit de meurtre illégal. Il y a des rapports provenant à la fois de

  7   CIVPOL et du HRAT, de même que des témoignages oculaires de M. Hill qui a

  8   pris des photographies et qui a témoigné qu'ils avaient reçu une balle dans

  9   la tête. M. Roberts a également donné à la Chambre des photographies des

 10   cadavres de ces deux victimes, et plusieurs témoins internationaux et du

 11   premier cercle ont témoigné concernant les problèmes concernant le

 12   rassemblement tardif de ces cadavres. Je parle ici de la pièce P226, le

 13   rapport de la CIVPOL, P292, référence 3 770, lignes 9 à 10, P303, la

 14   photographie.

 15   En plus de ces moyens, un témoin, Ilija Mirkovic, a témoigné comme quoi les

 16   soldats croates sont rentrés dans le hameau le 5 août, qu'il a entendu des

 17   tirs, et qu'il a ensuite découvert le cadavre d'une autre victime qui se

 18   trouve sur la liste de l'Accusation, Jovo Dmitrovic, la victime numéro 129,

 19   et qu'on lui avait tiré dessus, ce qui a été confirmé par le rapport

 20   d'autopsie P1600. Même s'il n'y a pas de moyen direct quant à la façon dont

 21   sont mortes les victimes 131 et 132, il y a néanmoins des preuves très

 22   fortes depuis lesquelles on peut tirer la conclusion que ces victimes ont

 23   subi des tirs par les soldats croates, le fait que cet incident s'est

 24   produit dans ce même hameau à peu près en même temps.

 25   Mais il y a également plus. Dans ce même village de Zagrovic, qui

 26   comprend plusieurs hameaux, au moins 12 victimes de la liste de

 27   l'Accusation comme victimes de meurtre sont mortes très peu de temps après

 28   la fin de l'opération militaire. En fait, vous avez entendu le fait que le

Page 17417

  1   5 août les soldats croates sont rentrés dans le hameau et que le témoin a

  2   entendu l'un des soldats emmener un vieillard de 80 ans derrière la maison,

  3   il a entendu des tirs, cette victime est morte de blessure par balle dans

  4   le thorax.

  5   Vous avez également entendu que le soir du 5 août, le témoin a trouvé

  6   le cadavre d'une autre victime qui avait essayé de se réfugier dans sa

  7   maison et qui était dans un bain de sang quelques heures après l'entrée des

  8   soldats croates dans le village. Trois autres cadavres ont également été

  9   trouvés dans ce hameau.

 10   Je l'ai déjà dit, nous ne pouvons pas faire ce même exercice pour

 11   tous les meurtres supplémentaires. Nous n'avons pas présenté pour chacun de

 12   ces meurtres un témoignage de témoins ou de photographies ou des rapports,

 13   mais ce que je voudrais souligner c'est qu'il ne suffit pas d'examiner un

 14   seul meurtre, un seul rapport d'autopsie, il faut regarder les preuves dans

 15   leur totalité.

 16   Le même exercice pourrait être fait pour la vallée de la Plavno, là

 17   où il y a eu de nombreux incidents de meurtre, à peu près selon le même

 18   schéma les 5 et 6 août. Le meurtre 2, en annexe, avec Sava Djuric qu'on a

 19   obligé à entrer dans un atelier en feu, que les témoins n'ont pas toujours

 20   témoigné pour chacun de ces meurtres dans cette zone à ces dates, il

 21   semblerait néanmoins que les moyens portent à croire qu'il y a eu un schéma

 22   d'après lequel nous pourrions tirer la conclusion que les meurtres étaient

 23   également illégaux.

 24   Je sais que nous sommes déjà entrés dans pas mal de détail en ce qui

 25   concerne les incidents en annexe, mais je voudrais me préoccuper plus d'un

 26   ou deux exemples de meurtre pour lesquels des moyens de preuve ont été

 27   versés au titre des articles 92 bis et quater, si le temps me le permet.

 28   Tout d'abord, le témoignage de Vesela Damjanic, qui a témoigné concernant

Page 17418

  1   le meurtre de son mari qui était épileptique, numéro 258. Du fait de deux

  2   attaques d'épilepsie, sa tête tremblait de manière incontrôlée. Le 6 août

  3   1995, trois jeunes soldats croates sont rentrés le village de Vrbnik

  4   portant des uniformes de camouflage, et le témoin a témoigné qu'ils ne

  5   provenaient pas de cette zone. Ils ont emmené la victime vers la route, et

  6   alors qu'ils s'éloignaient les soldats lui ont dit : Continuez à secouer

  7   votre tête, ça ne va pas durer.

  8   Sa femme a demandé aux soldats d'arrêter et ils lui ont répondu :

  9   Tires-toi, ou qu'ils allaient la tuer. L'un des soldats a tiré deux fois en

 10   l'air et a dit que la troisième balle serait pour elle. Elle attendait

 11   derrière un arbre en se cachant, et environ 15 minutes plus tard, elle a

 12   entendu des tirs de la direction d'où ils avaient emmené son mari.

 13   Deux jours plus tard, alors que son mari n'était pas revenu et

 14   personne ne lui avait donné d'information, le témoin a vu ces mêmes soldats

 15   qui avaient emmené son mari. Les soldats lui ont demandé : Qu'est-ce que

 16   vous attendez vielle femme ? Quand elle leur a dit qu'elle attendait son

 17   mari, ils lui ont répondu : Ce n'est pas la peine de l'attendre, vous

 18   n'allez pas le revoir vivant. Elle a répondu en disant : Je ne vais pas le

 19   voir vivant, mais peut-être je verrai son cadavre. Les soldats ont répondu

 20   : Si vous arrivez à le retrouver.

 21   Grâce à l'aide son fils, le témoin a fini par retrouver le cadavre de

 22   son mari sous des buissons, à 15 kilomètres [comme interprété] de la route.

 23   Elle a témoigné que lorsqu'elle a vu le cadavre de son mari, son crâne

 24   était ouvert, de même que son estomac et qu'il semblait qu'il avait reçu

 25   des tirs par balle dans l'estomac à plusieurs reprises. Dans son rapport

 26   d'expert, le Dr Clark a confirmé qu'il y avait au moins six blessures par

 27   balle.

 28   Le cadavre a été pris par les autorités croates et enterré au

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  1   cimetière de Knin plus de deux semaines plus tard. Aucune enquête quant à

  2   ce meurtre n'a été menée, en dépit du fait qu'il semblerait que les soldats

  3   croates étaient impliqués. Le fait que le meurtre a fait l'objet d'un

  4   rapport de la police croate et avait également fait l'objet d'une note dans

  5   le journal quotidien du 21 août, un soldat lui a demandé de pouvoir prendre

  6   une photographie avec le cadavre de son mari, mais elle a refusé.

  7   Je n'ai pas le temps de rentrer dans le détail d'autres exemples,

  8   mais je sais que la Chambre a fait très attention au fait que ces

  9   déclarations ont été versées au titre d'articles 92 bis et quater. Je me

 10   réfère à ceci pour mes arguments.

 11   A ce stade, je voudrais maintenant parler du chef d'accusation de

 12   meurtre dans l'acte d'accusation --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Hedaraly, vous avez très, très

 14   bien commencé, mais maintenant je trouve qu'à la page 4 [comme interprété],

 15   entre les lignes 18 et 25, et ce n'est pas, absolument pas, la faute des

 16   interprètes, mais certaines parties de la traduction française manquent.

 17   Pouvez-vous reprendre, s'il vous plaît, à l'endroit -- je vais vous le lire

 18   très lentement :

 19   "La seule chose qu'on lui a demandée, d'après son témoignage, c'était

 20   qu'un soldat lui a demandé de pouvoir prendre une photographie d'elle avec

 21   le cadavre de son mari. Lorsqu'elle a refusé, elle a été battue par un

 22   homme portant l'uniforme, et quand elle a fait une remarque cynique

 23   concernant le numéro du cadavre, 498, on l'a encore battue."

 24   Il y a eu huit à dix lignes de retard sur l'interprétation en

 25   français.

 26   Donc, s'il vous plaît, reprenez le débit que vous avez adopté au début de

 27   votre intervention.

 28   M. HEDARALY : [interprétation] Merci de vos conseils. Désolé.

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  1   A ce stade, je voudrais très brièvement tirer l'attention sur le fait que

  2   le chef d'accusation de meurtre dans l'acte d'accusation n'est pas limité

  3   aux civils mais également aux soldats serbes qui avaient remis les armes ou

  4   étaient hors de combat. Ceci n'a pas été directement contesté dans la

  5   requête 98 bis, mais nous avons vu, à la fois pendant le contre-

  6   interrogatoire des témoins de l'Accusation et dans les écritures de la

  7   Défense, la suggestion qu'un membre de l'ARSK ne pouvait pas être la

  8   victime d'un meurtre. Ceci prend d'autant plus de relief que tous les

  9   hommes entre 18 et 60 ans étaient considérés comme étant des membres de

 10   l'ARSK par les forces croates, comme l'a dit le Témoin 82, P2359,

 11   paragraphe 28.

 12   Par exemple, on a entendu largement parler de la mort de Jovica

 13   Plavsa, numéro 126, dans le contexte du versement de la déclaration du

 14   Témoin 43, son père. Et même si on disait que cette victime était

 15   effectivement membre d'un groupe armé, ce sur quoi l'Accusation était

 16   d'accord, étant donné les moyens contradictoires à ce propos, ce qui est le

 17   plus important c'est que la victime a été emmenée et menottée par les

 18   soldats croates le 5 août, et au bout d'environ dix minutes, le père a

 19   entendu un seul tir, puis ensuite a retrouvé le cadavre de son fils. Le

 20   rapport d'autopsie confirme que Jovica Plavsa avait été enterré menotté,

 21   qu'il était mort de blessures par balle sur la tête et le thorax, P1597.

 22   Même s'il avait été soldat de l'ARSK, il était détenu, d'ailleurs il était

 23   menotté par les soldats croates et son meurtre était par conséquent

 24   illégal.

 25   De même, on a entendu le témoin Marija Vecerina parler de la façon

 26   dont son fils et quatre jeunes Serbes ont été emmenés de la cave par des

 27   soldats croates et, après avoir entendu des tirs, on ne les a plus jamais

 28   revus. Ceci a été confirmé par la déclaration de Zdravko Buncic, qui a été

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  1   versée au titre de l'article 92 bis. Les rapports d'autopsie concernant ces

  2   cinq hommes c'était que quatre sont morts de blessures par balle à la tête,

  3   et le cinquième de blessures par balle au cou.

  4   Enfin, le dernier aspect du chef d'accusation, meurtre, c'est la

  5   contestation de la Défense Gotovina dans sa requête 98 bis selon laquelle

  6   le rapport d'autopsie ne pouvait pas aboutir avec certitude à une cause

  7   spécifique de meurtre. Tout d'abord, pour ce qui est des meurtres 218, 220,

  8   et 288, il y a, au contraire, une cause déterminée de mort dans les

  9   rapports d'autopsie, alors que ceux-ci ne sont pas confirmés pour P1641,

 10   P1257, et P1683.

 11   En tous les cas, le simple fait qu'une autopsie n'est pas en mesure

 12   de donner la cause certaine de la mort n'est pas contradictoire en soi avec

 13   le résultat qu'une victime a été légalement tuée. Par exemple, un certain

 14   nombre de personnes ont vu le cadavre avant qu'il n'ait été recueilli et

 15   ont dit clairement qu'on leur a tiré dessus. On l'a vu pour les meurtres

 16   supplémentaires 131, 132. Dans d'autres cas, même lorsque l'autopsie ne

 17   conclut pas à une cause de mort précise, il y a néanmoins des moyens de

 18   preuve dans le rapport lui-même qui indiquent que la mort n'était pas

 19   naturelle.

 20    Un exemple, le meurtre supplémentaire 193, avec le rapport

 21   d'autopsie P1623 [comme interprété], qui indique non confirmé. Mais c'est

 22   simplement parce que "un fragment du crâne était présent, par conséquent,

 23   une blessure par balle haute vitesse ou par objet non contondant ne peuvent

 24   pas être exclus. En d'autres termes, il n'y avait plus de tête."

 25   Selon l'Accusation, les gens ne perdent pas leur tête pour des causes

 26   naturelles et, par conséquent, il y avait des moyens circonstanciels

 27   indiquant un meurtre illégal.

 28   Mais il y a davantage. D'après le rapport sur la mort, la mort s'est

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  1   produite à Golubic, proche de Knin, le 11 août. La victime 124, une autre

  2   victime qui ne fait pas l'objet d'une contestation par la Défense, a

  3   également été retrouvée à Golubic et avait été tuée quelques jours

  4   auparavant. Sa tête se trouvait à 50 mètres. D'après le rapport d'autopsie,

  5   P1586 [comme interprété], il semblerait que la tête de la victime n'ait pas

  6   été enterrée avec le reste de son cadavre. Le quotidien HRAT indique que

  7   les membres de la 4e Brigade de Split étaient impliqués dans l'opération

  8   initiale et sont restés dans la zone de Golubic jusqu'au 12 août. Il y a

  9   également des moyens selon lesquels le Comité d'Helsinki croate -- enfin,

 10   leur rapport P2345, page 150, 19, selon lesquels des soldats jouaient au

 11   foot avec cette tête.

 12   Quelques mots maintenant concernant les chefs d'accusation 8 et 9,

 13   l'Accusation a fourni des éléments en ce qui concerne ces chefs. Je

 14   voudrais simplement attirer votre attention sur le témoignage de Draginja

 15   Urukalo qui, par vidéoconférence, a témoigné concernant le fait qu'elle

 16   avait été obligée à se dévêtir et à jouer au basket derrière sa maison, par

 17   les soldats croates. Egalement, le témoin Bogdan Brkic a fait une

 18   déclaration selon laquelle il avait été attaché à un arbre par les soldats

 19   croates, et cetera.

 20   Il y a plusieurs exemples de ce type, d'autres incidents concernant

 21   des menaces, le fait d'être battu, le harcèlement de Serbes dans la Krajina

 22   qui ont fait le rapport de différentes organisations internationales. A

 23   certains Serbes, on leur a demandé pourquoi ils n'étaient pas partis et on

 24   leur a dit de partir. Par exemple, P950, un homme armé et en uniforme a dit

 25   à un civil serbe : "Chetnik, va-t-en. Ce n'est pas ton pays."

 26   Il y avait également le témoignage du Témoin 136, qui a dit qu'elle

 27   avait été harcelée par les membres de la HV lorsqu'elle a quitté le camp

 28   des Nations Unies, et on lui a demandé pourquoi elle n'était pas partie.

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  1   Elle a également parlé des tirs de la HV sur le camp des Nations Unies, et

  2   le fait de menacer les Serbes qui y trouvaient refuge.

  3   M. Russo a évoqué le départ massif des civils serbes en raison de

  4   l'attaque d'artillerie illégale des 4 et 5 août. Un certain nombre de la

  5   faible population serbe qui était restée sur place a également subi les

  6   actions que j'évoque aujourd'hui : le pillage, le fait d'incendier, les

  7   meurtres, le harcèlement, l'intimidation; en bref, l'environnement hostile

  8   créé pour les Serbes qui restaient dans la Krajina.

  9   Le 27 septembre, la MOCE a signalé, s'agissant des résidents à Plavno

 10   : "La plupart des gens deviennent de plus en plus désespérés en raison du

 11   harcèlement et du pillage persistant. Ils souhaitent immédiatement partir

 12   pour la Serbie." P1247 [comme interprété].

 13   La Chambre se souviendra également du témoignage du Témoin 13 qui a

 14   été blessé par les soldats croates. Elle s'est réfugiée dans le camp de

 15   l'ONU. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi au bout de sept semaines elle a

 16   décidé de se rendre à Belgrade plutôt de rentrer chez elle, elle a répondu

 17   : "Comment pourrait-on rentrer chez nous si notre maison a été incendiée.

 18   Nous n'avions plus de maison à laquelle nous rendre."

 19   Témoin numéro 1, qui a été gravement blessé dans le même incident,

 20   affirmait qu'en raison des tirs effectués au cours des premiers jours, il

 21   avait peur qu'il serait tué s'il rentrait chez lui. Il est également parti

 22   pour la Serbie.

 23   Lorsqu'on lui a demandé s'il serait rentré chez lui, absentes ces

 24   préoccupations d'abri : Je n'ai pas d'autre pays. Je suis né en Croatie et

 25   c'était mon pays.

 26    Enfin, Témoin 69, comme je l'ai indiqué précédemment en rapport d'un

 27   des incidents de meurtre, a indiqué lorsqu'on a évoqué pourquoi il était

 28   resté chez lui dans son hameau alors que d'autres étaient partis le 4 août

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  1   lui demandant de partir avec lui, lorsqu'on lui a demandé qui lui avait

  2   demandé de partir avec eux, partir le 4, il a dit : Des voisins, ils ont

  3   essayé de me convaincre que je devrais partir, de même que mon épouse. Mais

  4   j'ai répondu, où dois-je aller ? Pourquoi quitterais-je ma maison ?

  5   Pourquoi partirais-je ? Mais un moment, le moment est venu où il a fallu

  6   que je parte. Je devais partir.

  7   Merci, Monsieur le Président, Messieurs les Juges. Je cède la parole à M.

  8   Waespi.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Hedaraly.

 10   Monsieur Waespi.

 11   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je traiterai de

 12   certains aspects de la responsabilité de Gojko Susak [comme interprété], sa

 13   responsabilité pénale au titre des articles 7(1) et 7(3).

 14   Tout d'abord, je voudrais évoquer son contrôle effectif avant de

 15   passer à son intention partagée et sa contribution à l'entreprise

 16   criminelle commune, telles que présentées par M. Tieger.

 17   Contrôle effectif, Messieurs les Juges, vous savez qu'il n'y a aucun

 18   doute que le général Gotovina avait un commandement et un contrôle à la

 19   fois de facto et de jure sur toutes les forces subordonnées ou rattachées

 20   au district militaire de Split pendant l'opération Tempête et pendant toute

 21   la période de mise en accusation.

 22   Il y a effectivement une preuve montrant que le général Gotovina

 23   était un commandant énergique et efficace, capable non seulement de donner

 24   des ordres mais de veiller à ce que ses ordres soient exécutés sur le

 25   terrain. Vous vous souviendrez l'épreuve de M. Rajcic, qui affirmait qu'il

 26   était extrêmement dangereux de ne pas obtempérer un ordre émanant du

 27   général Gotovina, page 16 454.

 28   Il y a effectivement des éléments de preuve indiquant que les ordres

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  1   du général Gotovina furent effectivement appliqués par les troupes sur le

  2   terrain. Voir Liborius, T8273, et P845, D741 et P807. Au soutien de la

  3   déposition M. Liborius, de son témoignage, de sa déposition orale, les

  4   images capturées du général Gotovina pendant la réunion du 6 août à Knin

  5   démontrent un commandant militaire confiant, pleinement investi de

  6   l'autorité de manifester son déplaisir face à ce qu'il jugeait être une

  7   situation totalement inacceptable créée par les subordonnées, mais

  8   également aux ordres directement émis où il faut rectifier la situation,

  9   ensuite de les mettre en œuvre. Malheureusement, son accent pendant la

 10   réunion était de fournir des croix, l'état de préparation et la propagande

 11   d'Etat pour une visite prochaine du président Tudjman à Knin. Les

 12   observateurs internationaux ont trouvé une impression semblable de la

 13   capacité du général Gotovina à exercer son autorité. P675, au paragraphe

 14   35.

 15   Monsieur le Juge, il y a pleins d'éléments de preuve insistant que le

 16   Bataillon de 72e MP faisait également partie des unités de Split du

 17   district militaire. La preuve montre bien que le général Gotovina avait

 18   tous les moyens pour donner les instructions à la police militaire de

 19   prendre les mesures nécessaires, d'enquérir et de punir les crimes. Ceci

 20   est apparent à partir de P880, notamment les articles 8, 9, 16 et 28 [comme

 21   interprété].

 22   Damir Simic, qui était membre de la section la police criminelle du

 23   72e Bataillon de la Police militaire, a confirmé que : "Bien que

 24   formellement la police militaire relevait du chef de l'administration de la

 25   police militaire à Zagreb, que leur activité quotidienne, le commandement

 26   de la MP obtenait leurs ordres du commandement du district militaire", que

 27   l'activité quotidienne était le maintien de la discipline, l'enquête des

 28   crimes, de sécuriser les points de contrôle, sécuriser les bâtiments et les

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  1   zones de guerre, d'assurer l'escorte des convois, la protection des soi-

  2   disant personnes protégées, l'arrestation et la détention d'auteurs

  3   d'autres activités d'enquête, et des infractions de la circulation. L'unité

  4   antiterroriste de la police militaire devrait, de temps en temps, mener des

  5   tâches de combat pour de courtes périodes pour assister d'autres unités

  6   militaires.

  7   Le général Lausic a bien confirmé que l'article 10 du règlement, qui

  8   comprend la prévention du crime et des mesures de punition, indique

  9   effectivement que les missions militaires de la police, et donc au titre

 10   d'article 9, en réalisant ces tâches habituelles de la police militaire, là

 11   les policiers militaires sont subordonnés au commandant du district

 12   militaire, qui est également fondé à donner des ordres aux policiers

 13   militaires pour réaliser toutes les missions qui figurent à l'article 10.

 14   Contrairement aux affirmations de la Défense, il y a des éléments de

 15   preuve qui indiquent effectivement que le général Gotovina et ses

 16   commandants d'unités subordonnées, tels les commandants des différents

 17   groupes opérationnels, utilisent différentes unités de police militaire

 18   subordonnées à de nombreuses occasions pour des tâches qui n'étaient pas

 19   liées au combat.

 20   Je voudrais effectivement vous indiquer quelques exemples à ce

 21   propos. Premièrement, le plan des mesures de sécurité émis par le

 22   commandement de l'OG nord, un plan précisément approuvé par le général

 23   Gotovina, qui traite en rapport avec l'opération Tempête la tâche de

 24   différentes unités. Ici, les polices militaires se voient donner l'ordre

 25   effectivement de réaliser, de protéger de tous les moyens possibles les

 26   activités de renseignements, ou sont également chargés de "recueillir et

 27   d'assurer le transport des populations présentées dans des zones libérées."

 28   Le général Gotovina, dans son principal ordre d'attaque, P1125,

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  1   comprend d'autres tâches non liées aux combats, et je citerais :

  2   "Le 72e Bataillon VP avec des renforts seront chargés de la

  3   régulation et le contrôle du trafic."

  4   Autre exemple et l'utilisation non liée au combat de la tâche de la

  5   police militaire, D773, est un ordre extrêmement détaillé de Knin 95 où le

  6   général Gotovina donne des tâches très spécifiques aux différentes unités

  7   du district militaire de Split, y compris la police militaire s'agissant de

  8   garantir la sécurité du président.

  9   Autre exemple d'utilisation non combat porte sur l'utilisation de la

 10   police militaire, P1113 à la page 370, un ordre du général Gotovina a

 11   empêché le bataillon de la police militaire d'empêcher d'incendier ou P1123

 12   encore un ordre du général Gotovina aux policiers militaires de mettre en

 13   place des postes de contrôle.

 14   Monsieur le Président, il y a des preuves supplémentaires qui indiquent en

 15   détail que les forces HV qui opéraient dans le district militaire de Split

 16   faisaient partie d'une armée disciplinée et avaient une chaîne de

 17   commandement qui fonctionnait et où les ordres étaient suivis.

 18   Marko Rajcic, page 16 328. L'ambassadeur Galbraith dit que le HV

 19   était constitué des militaires les plus disciplinés, meilleurs militaires

 20   dans l'Ex-Yougoslavie. Page 4r947.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, il m'est plus facile de

 22   suivre votre argument directement plutôt que d'avoir à vérifier constamment

 23   la traduction française. Je ne peux pas vérifier l'autre traduction et

 24   j'écoutais en français et je lis l'anglais ce qui sème la confusion dans

 25   mon esprit. Si l'Accusation pourrait élaborer un système analogue comme

 26   j'ai vu le faire la Défense, c'est-à-dire qu'un de vos collaborateurs

 27   vérifie quel retard vous accusez, je vous en remercie.

 28   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. En fait M.

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  1   Hedaraly avait ce rôle-là, et je n'ai pas obéi.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai remarqué, effectivement.

  3   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Autre exemple des inspections réalisées en cas d'insuffisance dans des

  5   unités, par exemple P27197, inspection de la seconde police militaire,

  6   ordonné par le général Gotovina. P1132, c'est le général Gotovina lui-même

  7   qui reconnaît que le commandement et le contrôle des unités était sans

  8   interruption au niveau requis au cours de l'opération Tempête.

  9   Messieurs les Juges, il y a des preuves attestant que le général Gotovina

 10   et ses unités maintenaient une forte présence dans le district militaire de

 11   Split, bien au-delà du 9 août 1995. Il y a également des preuves indiquant

 12   que le général Gotovina a passé beaucoup de temps autour et aux alentours

 13   de Knin pendant la période de temps en question. Exemple P543, un rapport

 14   daté du 12 août, où le général Gotovina était saisi de ce qui se passait

 15   sur le terrain. Autre exemple, P895, le document du 20 septembre, qui

 16   documentait la présence du général Gotovina à Knin et sa connaissance

 17   familière de la situation sur le terrain. Son entretien avec le général

 18   Cermak à la page 23, entretien de 2004, indiquant que le général Gotovina

 19   allait et venait. Il est parti pour la Bosnie mais il est revenu, et il y a

 20   d'autres notes dans l'entretien du général Cermak.

 21   Autre exemple, P1131, P1143, et P1013, tous documentant la présence

 22   d'unités HV du général Gotovina dans la région de Knin après le 9 août.

 23   S'agissant de la capacité du général Gotovina à empêcher ou à

 24   protéger des biens d'être détruits, il y a des éléments de preuve que le

 25   général Gotovina a utilisé son autorité de façon coercitive pour émettre de

 26   tels ordres et contrôler ses troupes.

 27   M. Hedaraly a déjà cité quelques incidents concernant la dévastation de

 28   foyers serbes et que les églises orthodoxes furent épargnées. Voir, par

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  1   exemple, P807. Face à la dévastation étendue dans toute la région et

  2   l'approche qui tendait à épargner les églises, bon nombre des observateurs

  3   internationaux en ont conclu qu'il y avait une politique visant à ne pas

  4   détruire les églises. P988, Marken Hansen. Le général Gotovina a dû émettre

  5   un ordre que celles-ci soient protégées. Il y a des éléments de preuve

  6   indiquant que des gardes furent mis en faction sur des sites religieux sur

  7   les ordres du général Gotovina; ça vient de Liborius. Le fait que la

  8   plupart des églises étaient épargnées montre que le général Gotovina a pu

  9   exercer son autorité sur ses troupes, et s'assurer que des ordres étaient

 10   appliqués. Toutefois, il a choisi d'être sélectif.

 11   Vous entendrez, Monsieur le Président, de Mlle Gustafson, que le général

 12   Gotovina avait constaté que des crimes étaient commis par ses subordonnées

 13   pendant et après l'opération Tempête, et qu'il a émis des ordres en rapport

 14   avec la prévention du pillage et du fait d'incendier. Malgré à la fois

 15   l'avis et les ordres pour l'empêcher, les membres du HVO continuaient à

 16   incendier et à piller. Le général Gotovina a été informé des crimes et sa

 17   réponse a été d'émettre un nouvel ordre indiquant que les membres du HV --

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas que les interprètes

 19   français qui ont des difficultés, Maître Waespi, mais également la

 20   traduction B/C/S accuse un certain retard. Je ne peux pas écouter les deux

 21   canaux en même temps, je vous demanderais de ralentir, Monsieur Waespi.

 22   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Le général Gotovina donne sa réponse qui était d'émettre un autre

 24   ordre indiquant que les membres du HV ne devraient pas incendier ou piller,

 25   mais malgré cet ordre, le fait d'incendier et de piller s'est poursuivi.

 26   C'est un cycle qui s'est répété. Le non-respect des ordres du général

 27   Gotovina de cesser ne doit pas constituer une preuve de l'absence de son

 28   contrôle effectif sur ses troupes. C'est tout le contraire qui a été

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  1   démontré par sa capacité à protéger les églises et le président.

  2   Messieurs les Juges, il y a des preuves dans la partie entreprise

  3   criminelle commune que le général Gotovina partageait la finalité

  4   criminelle commune, esquissé par M. Tieger. Je ne veux pas entrer dans les

  5   détails ici, mais s'agissant de l'attaque, je voudrais signaler quelques

  6   points. Un examen du procès-verbal de la réunion de Brioni fait clairement

  7   apparaître que le général Gotovina participait activement à la

  8   planification de l'opération et était réceptif aux suggestions et aux

  9   objectifs de ses supérieurs.

 10   Le général Gotovina a donné suite au plan discuté à Brioni, tel que

 11   cela est démontré par des remarques, actions et omissions subséquentes.

 12   S'agissant de l'attitude du général Gotovina à l'égard de rapports que des

 13   crimes furent commis par ses subordonnés, il y a des preuves que lorsqu'il

 14   était confronté à de telles allégations, le général Gotovina a, de façon

 15   implicite, cautionné et justifié ces actes. Exemple, P859, lorsque le

 16   général Gotovina a exprimé sa réaction après avoir été informé de crimes

 17   par ses subordonnés, il a estimé que "c'était un sentiment humain de

 18   détester un ennemi qui a incendié, pillé et expulsé sa famille."

 19   Le P499 [comme interprété], de même, montre l'attitude de cautionnement

 20   donnée par le général Gotovina.

 21   Je conclurai par la contribution du général Gotovina à l'entreprise

 22   criminelle commune, en plus de ce qui a été dit par M. Russo et M. Tieger.

 23   Déjà, le général Gotovina avait un plan général d'attaque du 2 août. Ces

 24   plans comprenaient P1126, que des civils devaient être transportés à des

 25   camps de rassemblement. Ceci démontre bien que le général Gotovina avait

 26   l'intention d'expulser ces populations en dehors de leurs maisons plutôt

 27   que de protéger ces biens. Vous vous rappellerez la déposition de

 28   l'ambassadeur Galbraith disant qu'il considérait ces camps de détention

Page 17432

  1   comme des camps de transition pour faire sortir les gens de Croatie. P446

  2   et P444, au paragraphe 66.

  3   Egalement, des éléments de preuve concernant l'entreprise criminelle

  4   commune dans la participation du général Gotovina se retrouvent dans le

  5   système d'assainissement. Le P496 est l'ordre du général Gotovina donné le

  6   11 août 1995 établissant une équipe d'assainissement pour réunir des

  7   cadavres humains, qui pouvait être considéré comme un effort pour réunir et

  8   enterrer des victimes de meurtre sans enquêter sur les causes de leur

  9   décès. On retrouve donc un avis sur ce point de vue sur cet aspect par le

 10   Témoin 86 dans le document P487.

 11   Enfin, Monsieur le Président, une contribution essentielle du général

 12   Gotovina à l'entreprise criminelle commune était son inactivité vis-à-vis

 13   des crimes qui ont été commis par ses subordonnés contre des Serbes et

 14   contre leurs biens. En ne prenant pas d'une façon générale les véritables

 15   mesures pour empêcher, enquêter sur ou punir ces crimes, le général

 16   Gotovina a en fait cautionné et justifié d'autres crimes commis par la

 17   suite contre des Serbes. Lui-même et les commandants qui étaient

 18   subordonnés étaient au premier chef responsables du climat décrit par les

 19   observateurs internationaux, P451. Le maintien de la discipline est avant

 20   toute chose la tâche du commandant, et non pas de la police militaire.

 21   Theunens 13 309; et Lausic, P2159, paragraphe 215 [comme interprété].

 22   Le général Gotovina était le commandant de l'opération Tempête,

 23   susceptible de donner des ordres, de conduire les hommes à la bataille et

 24   de réaliser rapidement les objectifs qui avaient été fixés par ses

 25   supérieurs. Indépendamment d'avoir donné quelques ordres généraux et de les

 26   avoir suivis, le général Gotovina a choisi de prendre les mesures pour

 27   faire appliquer ces ordres, tout en sachant en même temps que le fait de ne

 28   pas prendre ces mesures aurait pour résultat la commission de nouveaux

Page 17433

  1   crimes. C'est dans ce climat d'impunité que les Serbes et leurs biens ont

  2   été systématiquement pris pour cibles, et sont devenus victimes de ceux qui

  3   se trouvaient sous le commandement du général Gotovina. Le résultat a été

  4   un environnement insupportable et hostile en Krajina, qui a forcé à ces

  5   quelques Serbes qui restaient à quitter après ces tirs d'artillerie. Il ne

  6   leur restait plus de choix, si ce n'était de quitter leurs domiciles.

  7   Dans ce contexte, la déduction peut être faite que les soldats sous

  8   le commandement du général Gotovina s'étaient vus donner toute liberté pour

  9   piller et brûler, même tuer en toute impunité pour réaliser l'objectif qui

 10   était de déplacer de force la population serbe dans la Krajina. Il y a une

 11   remarque finale d'une observation de l'ambassadeur Galbraith dans P44 au

 12   paragraphe 46 :

 13   "C'était là des crimes graves et systématiques pour lesquels les

 14   dirigeants croates sont pleinement responsables. Etant donné le caractère

 15   discipliné de l'armée et du fait que les dirigeants exerçaient pleinement

 16   leur commandement, ils avaient tout pouvoir d'empêcher que ces crimes

 17   fussent commis ou de donner des ordres en ce qui concerne ces ordres comme

 18   politique de l'Etat, la question de les tolérer ou de les encourager."

 19   Je vous remercie, Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Waespi.

 21   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y, Madame Gustafson.

 23   Je pense que vous serez également aidée de la même manière par vos

 24   collègues pour maintenir une vitesse de vos discours, de bien les

 25   contrôler.

 26   Veuillez poursuivre.

 27   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Je vous remercie.

 28   M. Waespi a traité du contrôle effectif du général Gotovina sur les forces

Page 17434

  1   qui lui étaient subordonnées ou rattachées au district militaire à la

  2   région militaire de Split au cours de la période visée par l'acte

  3   d'accusation, et M. Hedaraly a décrit une partie des éléments de preuve

  4   démontrant que les subordonnés du général Gotovina avaient commis des

  5   crimes qui sont reprochés dans l'acte d'accusation. Je parlerai des

  6   éléments de preuve qui étayent cette conclusion, que le général Gotovina

  7   était avisé de la commission de ces crimes et qu'il n'a pas pris les

  8   mesures nécessaires et raisonnables pour les prévenir ou les punir.

  9   M. Russo a déjà parlé de ces éléments en ce qui concerne les crimes

 10   qui sont à la base les tirs d'artillerie, par conséquent je ne parlerai pas

 11   de ces éléments de preuve.

 12   Un commandant doit prévenir ou punir des crimes lorsqu'il sait ou

 13   qu'il a des raisons de savoir que des crimes sont sur le point d'être

 14   commis ou ont été commis par ses subordonnés. Comme dans l'affaire Strugar,

 15   comme l'a dit la Chambre d'appel, lorsque des crimes vont être commis par

 16   ses subordonnés ou ont été commis, "il a des arguments qui lui permettent

 17   d'être informé du risque que des infractions soient commises en indiquant

 18   la nécessité de moyens d'enquête supplémentaires, de façon à vérifier si de

 19   tels crimes ont été commis ou étaient sur le point d'être commis."

 20   C'est le paragraphe 297 à 302.

 21   Parlant des éléments de preuve concernant le fait que le général

 22   Gotovina était au courant des crimes reprochés, je me centrerai sur le fait

 23   qu'il savait par rapport aux crimes de meurtre qui ont été spécifiquement

 24   contestés par la Défense de Gotovina.

 25   La position de la Défense est que le général Gotovina savait ou avait

 26   des raisons de savoir que ses subordonnés avaient commis des crimes parce

 27   qu'il était au courant du fait que l'on s'occupait des cadavres par des

 28   équipes d'assainissement qui n'établissaient pas si ces morts étaient

Page 17435

  1   licites ou que ses subordonnés en étaient responsables. Page 17 279.

  2   Cette affirmation est viciée à deux égards. Premièrement, elle montre

  3   une mauvaise compréhension du critère juridique; la question n'était pas de

  4   savoir si le général avait reçu des renseignements établissant que ses

  5   subordonnés avaient commis des crimes, mais s'il était renseigné du fait

  6   qu'il y avait un risque que de tells crimes soient commis.

  7   Deuxièmement, le fait que le général Gotovina était au courant que

  8   des équipes d'assainissement étaient en train de réunir et d'enterrer les

  9   corps pendant la période de l'acte d'accusation n'est que l'un des nombreux

 10   facteurs qui, pris ensemble, font qu'il était informé du risque que ses

 11   subordonnés aient commis des crimes ou pouvaient commettre des crimes.

 12   Il y a suffisamment d'éléments de preuve pour conclure qu'au moment où le

 13   général Gotovina a ordonné l'attaque sur la Krajina, il avait des

 14   renseignements qui l'avertissaient du risque que ses subordonnés pourraient

 15   commettre des crimes contre les civils serbes et leurs biens. De plus, ces

 16   éléments de preuve, avec ce qui montre sa participation à une entreprise

 17   criminelle commune, sont également suffisants pour conclure que le général

 18   Gotovina a participé à l'entreprise criminelle commune, sachant que le

 19   meurtre et traitement cruel, ainsi que le pillage et destruction aveugle et

 20   persécution étaient tout au moins possibles, comme des conséquences de son

 21   exécution et qu'il a volontairement pris le risque que de tels crimes

 22   soient commis.

 23   Pour commencer, le général Gotovina avait connaissance du fait que des

 24   crimes avaient été commis de façon très vaste, en particulier pour ce qui

 25   était d'incendier et de piller, immédiatement avant l'opération par les

 26   mêmes unités qu'il a utilisées pour l'opération Tempête. Et ceci ressort

 27   clairement des nombreuses références que l'on trouve dans les documents

 28   opérationnels de la région militaire de Split. Vous vous rappellerez qu'il

Page 17436

  1   y a eu pillages, incendies, destructions par les membres du HVO à Grahovo,

  2   Glamoc pendant l'opération Ljeto.

  3   En plus, le général Gotovina savait bien de l'amertume qui existait

  4   après quatre années de guerre ethnique brutale entre Serbes et Croates, et

  5   il était au courant du fait que ses subordonnés, en particulier le Régiment

  6   de la Garde, étaient motivés par des sentiments de vengeance, comme il l'a

  7   expliqué au président Tudjman à Brioni. Le général Gotovina savait

  8   également que cet élément, vengeance, parmi ses subordonnés accroissait le

  9   risque qu'ils ne commettent des crimes contre les Serbes de la Krajina et

 10   leurs biens, parce qu'il a parlé de ce désir de vengeance pour justifier

 11   leurs crimes. Voir les pièces P383 et P895.

 12   Avant que l'opération Tempête ne commence, le général Gotovina avait

 13   également prédit à juste titre que certains civils serbes resteraient dans

 14   la Krajina à la suite d'attaques d'artillerie et que ceux qui restaient

 15   seraient parmi les plus vulnérables, à savoir ceux qui doivent rester et

 16   ceux qui n'ont aucune possibilité de partir, P461.

 17   Pour finir, le 4 août, le général Gotovina a ordonné à ses subordonnés de

 18   pilonner ou, tout au moins, était au courant du fait qu'ils pilonnaient la

 19   population serbe par une attaque aveugle de tirs d'artillerie. La

 20   connaissance du fait que ses subordonnés tiraient sur des civils aurait dû

 21   alerter le général Gotovina du risque qu'à partir du moment où ses forces

 22   terrestres rentraient dans le territoire, elles aussi prendraient

 23   violemment pour cibles les Serbes qui étaient dans l'impossibilité de

 24   s'enfuir ou qui ne voulaient pas s'enfuir devant ces attaques d'artillerie.

 25   Ces éléments de preuve suffisent pour conclure qu'à la date du 4 août au

 26   moins, le général Gotovina avait des renseignements qui l'avisaient du

 27   risque que ses subordonnés pourraient commettre chacun des crimes reprochés

 28   dans l'acte d'accusation, déclenchant ainsi son obligation, son devoir

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  1   d'empêcher que de tels crimes soient commis.

  2   Immédiatement après le lancement de l'opération Tempête, ces risques sont

  3   devenus une réalité. Comme M. Hedaraly l'a décrit, le 5 août, un groupe de

  4   forces terrestres croates est entré dans les villes et les villages de la

  5   Krajina et a commencé à tuer et à maltraiter des Serbes qui sont restés

  6   dans le secteur en brûlant leurs maisons. Au 6 août au moins, le général

  7   Gotovina était effectivement informé que ces forces terrestres commettaient

  8   déjà ces crimes. Lors de la réunion à Knin le matin, où il décrit ses

  9   subordonnés comme des "barbares et des vandales qui se payent avec du butin

 10   de guerre et sont rémunérés par du butin de guerre."

 11   A ce moment-là, le général Gotovina aurait pu voir la fumée qui

 12   montait des villages autour de Knin, comme on pouvait la voir, Dzolic,

 13   lorsqu'il s'est rendu à la forteresse de Knin dans la matinée du 6 août;

 14   P875 et 876. Le général Gotovina aurait également entendu des explosions

 15   des armes à feu légères venant du centre de Knin et vu les feux à Knin

 16   proprement dit, comme ceci est relaté le 6 août dans les rapports de

 17   situation d'observateurs militaires de l'ONU; P106, P825, P826.

 18   Il aura également vu ou reçu certains rapports concernant des dizaines de

 19   civils qui étaient morts et qui présentaient des marques de tuerie

 20   délibérée par des armes légères et qui se trouvaient éparpillées sur les

 21   routes autour de Knin, tels que ceux qui ont été vus par Murray Dawes et

 22   Dreyer. Ayant été témoin des incendies et des pillages et des signes de

 23   tuerie autour de Knin, le lendemain, le général Gotovina a reçu un rapport

 24   de son propre département des affaires politiques selon lequel ses

 25   subordonnés se comportaient de façon analogue dans la zone des opérations

 26   du Groupe opérationnel de Zadar, et plus particulièrement à Benkovac. Page

 27   326, deuxième partie.

 28   Le 8 août, la situation --

Page 17438

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non.

  2   Mme GUSTAFSON : [interprétation] Le 8 août, la situation était telle que le

  3   général Forand a exprimé sa préoccupation concernant les risques pour la

  4   population civile découlant de la situation et a averti le général Gotovina

  5   de ces risques. P347.

  6   Ces risques sont également apparents le 10 août dans le rapport du

  7   commandant adjoint SIS du Groupe opérationnel nord et du commandement de

  8   Split, P1134. Il dit qu'à Knin "des membres du HV ont circulé dans la ville

  9   et se sont emparés de voitures en ville sous l'influence de l'alcool, en

 10   faisant du bruit, en tirant et en mettant en danger la vie des personnes."

 11   Le point suivant, le 11 août, le général Gotovina a créé un détachement

 12   chargé d'assainissement sous son commandement. P496. Conformément à la

 13   procédure qui a été mise en œuvre par le département chargé de la

 14   protection civile, cet ordre ne mentionne nullement le fait d'enquêter sur

 15   des comportements criminels.

 16   Le lendemain, le 12 août, le général Gotovina a reçu la confirmation

 17   que ses subordonnés brûlaient et détruisaient des biens, et massacraient du

 18   bétail et maltraitaient des civils et prisonniers de guerre. On voit ceci

 19   dans la pièce P918. Pendant le reste du mois d'août et de septembre, il a

 20   continué de recevoir des renseignements de diverses sources qui ajoutent à

 21   ceci et qui l'avisent du fait que ses subordonnés étaient en train

 22   d'assassiner des Serbes civils, en plus des incendies, des pillages et du

 23   massacre du bétail.

 24   Par exemple, des rapports dans les médias de l'époque concernant des

 25   crimes comportaient notamment des meurtres dans la zone. P2319, P686, P712,

 26   P687, P451, page 24, P685 et P400.

 27   Le général Gotovina a suivi, a vu ces rapports des médias concernant

 28   des crimes du HV. Ceci ressort clairement de sa réunion du 5 septembre avec

Page 17439

  1   le général Forand, dans laquelle il avait menacé d'exclure un fonctionnaire

  2   de presse de l'ONU, Alun Roberts. Dans une lettre qu'il a envoyée par la

  3   suite au général Cervenko pour expliquer ses actes, il a cité une

  4   déclaration faite aux journalistes par M. Roberts, rendant compte du fait

  5   que l'armée croate brûlait, pillait et se rendait coupable de violation des

  6   droits de l'homme. P383, P385 et P407.

  7   Les signes indiquant que les Serbes civils étaient tués étaient

  8   apparents pour ceux qui suivaient la situation et devaient être également

  9   apparents pour le général Gotovina qui était parfaitement au courant de la

 10   situation sur le terrain, ceci par les différents moyens, y compris le SIS,

 11   le PD et par ses commandants d'unités. Les éléments de preuve, la

 12   déposition de M. Rajcic, que l'on retrouve en P918 à la page 28, et celui

 13   du général Cermak, pour ce qui est de l'audition en tant que suspect,

 14   confirment ceci.

 15   De nombreux témoins ont décrit les signes sur le terrain qui

 16   indiquaient qu'il y avait des meurtres de Serbes commis par des membres du

 17   HV. Par exemple, M. Morneau a déposé en disant que dans les circonstances

 18   qui existaient, c'était juste une question de déduction que certains corps

 19   qui avaient été trouvés dans les rues avaient été tués par des militaires.

 20   Page 4 006 à 4 007.

 21   De même, le Témoin 84 a déposé en disant que :

 22   "La plupart des corps étaient censés être des victimes de guerre.

 23   C'était une façon d'essayer de cacher la situation. Lorsque des personnes

 24   avaient été tuées après l'opération Tempête, il était évident que ces

 25   tueries n'avaient rien à voir avec l'opération elle-même." P1036.

 26   Si tous ces signes n'étaient pas suffisants, le 16 septembre, le

 27   général Gotovina a reçu l'information directe de Lausic que la MP n'avait

 28   pas pu "complètement empêcher la commission de certains crimes, surtout le

Page 17440

  1   vol de biens, la mise à feu de maisons, et d'actes individuels de meurtre."

  2   D567.

  3   En même temps, des reports provenant des équipes d'assainissement

  4   indiquaient que la connaissance du général Gotovina était qu'il y avait de

  5   grandes quantités de cadavres qui étaient en train d'être rassemblées et

  6   enfouies. Voir, par exemple, P507, le rapport du détachement de

  7   l'assainissement du général Gotovina auprès de l'état-major, indiquant que

  8   418 cadavres avaient été "rassemblés dans le district militaire de Split."

  9   En somme, Messieurs les Juges, les éléments de preuve sont suffisants

 10   pour que la Chambre conclue que dans les quelques premiers jours de

 11   l'opération, le général Gotovina avait en sa possession des informations

 12   qui indiquaient du moins qu'il y avait un risque que ses subordonnés

 13   avaient commis les crimes qui figurent dans l'acte d'accusation et qui

 14   auraient dû déclencher son devoir de punir de tels crimes. Cette même

 15   information devait l'alerter au risque que ses subordonnés allaient

 16   continuer à commettre ces crimes, et donc déclenchait son devoir de les

 17   empêcher de ce faire.

 18   Les éléments appuient également la conclusion que, malgré avoir été

 19   alerté, le général Gotovina n'a pas pris de mesures nécessaires et

 20   raisonnables pour prévenir ou punir les crimes de ses subordonnés.

 21   Savoir si un supérieur a rempli son devoir à prendre des mesures

 22   nécessaires et raisonnables est une question d'éléments de preuve qui

 23   doivent être évalués cas par cas. Le fait que la Défense prend d'autres

 24   affaires pour dire que ce qui est nécessaire et raisonnable dans le

 25   contexte de l'affaire qui nous préoccupe ne nous est pas très utile.

 26   Dans notre affaire, les éléments de preuve appuient la conclusion

 27   qu'avant le début de l'opération Tempête, le général Gotovina n'a pas pris

 28   les mesures nécessaires et raisonnables visant à prévenir la commission des

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  1   crimes allégués. Comme l'a fait remarquer la Défense, l'ordre d'attaque et

  2   les pièces attachées, P1125, P1126 et D201, contenaient des instructions

  3   générales visant à "prévenir les incendies et le pillages."

  4   Etant donné le risque clair que les subordonnés du général Gotovina

  5   allaient commettre ces crimes et d'autres crimes, ces instructions ne sont

  6   pas les mesures nécessaires et raisonnables.

  7   Au début, le général Gotovina savait que ses subordonnés avaient

  8   pillé et brûlé Grahovo et Glamoc tout de suite avant l'opération Tempête.

  9   Il n'a pas puni les auteurs de ces crimes et a utilisé ces mêmes

 10   subordonnés pour mener l'opération Tempête. Voir la pièce P71, P1113, pages

 11   61 à 66, et page 310, dans les moyens de preuve Dzolic.

 12   Comme l'a noté la Chambre d'appel Strugar, "le manquement d'un

 13   supérieur à punir un crime dont il a connaissance risque d'être entendu

 14   comme étant l'acceptation, sinon l'encouragement, à de telle conduite avec

 15   le risque qu'il y ait de plus forts risques que de nouveaux crimes soient

 16   commis."

 17   Deuxièmement, des ordres semblables à ceux qui étaient contenus dans

 18   l'ordre d'attaque s'étaient déjà avérés être inefficaces. Le journal

 19   opérationnel du 29 juillet rapporte que le général Ademi a dit : "il ne

 20   faut pas mettre le feu aux maisons."

 21   Le lendemain, la police militaire a rapporté que les membres de la Brigade

 22   4, 7, et la Brigade 114, et la 126 sont rentrées dans Grahovo et "ont

 23   commencé à mettre le feu aux maisons de manière organisée."

 24   P1113, page 66.

 25   A eux seuls, ces deux facteurs sont suffisants pour conclure que le simple

 26   fait pour le général Gotovina de répéter des ordres qui avaient connu un

 27   échec plus tôt n'étaient pas des mesures raisonnables et nécessaires dans

 28   les circonstances. De plus, l'ordre d'attaque ne contient aucune

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  1   instruction visant les commandants d'unité à propos de la punition de

  2   crimes, des mesures telles que le fait d'engager la police militaire, le

  3   fait de mener des enquêtes, d'imposer des mesures disciplinaires ou

  4   démarrer des procès pénaux. Bien que cet ordre d'attaque contienne un

  5   certain nombre de tâches dirigées vers la police militaire, le seul qui

  6   concerne les enquêtes ou le fait de gérer ces incidents concerne, je cite :

  7   "la découverte, l'arrestation et la détention de soldats et d'officiers

  8   ennemis."

  9   Ce qui est plus fondamental, l'ordre d'attaque ne contient aucune mesure

 10   visant à assurer de l'instruction d'un ordre visant à empêcher le pillage

 11   et les incendies. En dépit des risques pour la sécurité pour la population

 12   civile serbe dans les circonstances de cette attaque, aucune mesure

 13   quasiment n'a été mise en œuvre pour protéger les civils ou empêcher que

 14   des crimes soient commis à leur encontre. Simplement une instruction

 15   générique visant les officiers des affaires politiques, je cite : "Avertir

 16   les membres des unités quant à la bonne conduite à respecter vis-à-vis des

 17   civils et des prisonniers de guerre en accord avec la convention de

 18   Genève." D201.

 19   La Défense a également attiré l'attention sur les ordres du général

 20   Gotovina après le début de l'opération Tempête, qui, à première vue,

 21   semblent indiquer qu'il essaie d'empêcher que des crimes continuent à être

 22   perpétrés. En particulier le 6 août, D792; D204, le 10 août; et le 16 août,

 23   P71, pages 107 et 108. Les moyens de preuve peuvent mener à la conclusion

 24   qu'aucun de ces ordres, que ce soit individuellement ou pris dans leur

 25   ensemble, ne constitue des mesures nécessaires raisonnables visant à

 26   empêcher la série de crimes contre les Serbes et leurs biens par les

 27   subordonnés du général Gotovina.

 28   En particulier, on voit deux facteurs particulièrement significatifs.

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  1   Tout d'abord, ces ordres concernent surtout la prévention d'incendies et de

  2   pillage. E peu de références sont faites aux crimes de mauvais traitement,

  3   ou meurtres de Serbes en dépit du fait que le général Gotovina avait des

  4   informations le prévenant qu'il existait un risque que ses subordonnées

  5   étaient en train de commettre de tels crimes.

  6   Deuxièmement, bien qu'il y ait des petites variations dans le libellé de

  7   ces ordres, ces ordres répètent plus ou moins l'instruction générale visant

  8   à prévenir les pillages et les incendies. A part la menace cynique qu'il a

  9   émise vis-à-vis des unités et qui fait l'objet d'un élément dans le

 10   journal, le général Gotovina n'a pris aucune mesure visant à faire mettre

 11   en œuvre ces ordres qu'il savait n'étaient pas en train d'être respectés.

 12   Comme l'a expliqué M. Theunens, "les choses ne s'améliorent pas

 13   simplement par le fait d'émettre à nouveau des ordres."

 14   Un commandant doit prendre des mesures pour vérifier pourquoi ses

 15   ordres ne sont pas suivis, et prendre des mesures supplémentaires afin de

 16   garantir que ses ordres sont effectivement mis en œuvre.

 17   La Chambre a reçu des éléments indiquant le type de mesures que le

 18   général Gotovina aurait pu - mais n'a pas pu - prendre. Ces mesures sont

 19   apparentes d'après les ordres qu'il a émis au sujet d'autres questions.

 20   J'attire votre attention sur le P1142, D755 [comme interprété], P1018,

 21   P1019, P1033, et D773.

 22   Il est de l'avis de la Défense Gotovina que le général Gotovina a mis

 23   en place son climat de commandement lors de la réunion qui a fait l'objet

 24   d'une vidéo du 6 août, T17269. L'Accusation est d'accord avec cela. Lors de

 25   cette réunion, sachant que ses subordonnés étaient en train de commettre

 26   des crimes et que ses propres instructions visant à empêcher le pillage et

 27   l'incendie n'étaient pas en train d'être mises en œuvre, le général

 28   Gotovina prend des mesures visant à assainir la ville en anticipant la

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  1   visite du président. Il ne donne aucun ordre visant à identifier ou punir

  2   les subordonnées qui avaient commis ces crimes. Il ne donne aucun ordre

  3   visant à arrêter, que ne soient perpétrés ces crimes, ou prévenir que

  4   d'autres crimes ne soient perpétrés, et n'as pris aucune mesure visant à

  5   assurer la mise en œuvre de ses ordres précédents qui n'avaient pas été

  6   suivis d'effets.

  7   Les moyens de preuve, puis la conclusion que le général Gotovina n'avait

  8   aucunement l'intention de faire mettre en œuvre ses ordres visant à

  9   prévenir les crimes et de manière répétée, il a manqué à son devoir de

 10   prendre des mesures nécessaires raisonnables visant à arrêter ces crimes.

 11   Ces éléments ne sont pas simplement suffisants pour fonder sa

 12   responsabilité supérieure, mais ils appuient également la conclusion que le

 13   général Gotovina a assisté et encouragé à leur commission et a, de ce fait,

 14   contribué de manière significative à l'entreprise criminelle commune, et a

 15   aidé et encouragé à la commission de crimes par ses subordonnés.

 16   Il y a également suffisamment d'éléments pour conclure que le général

 17   Gotovina n'a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables visant à

 18   punir ses subordonnés pour les crimes dont fait l'objet l'acte

 19   d'accusation. Tout d'abord, aucun de ses ordres visant à prévenir ces

 20   crimes ne comprennent d'instructions pour que soient menées des enquêtes

 21   sur les crimes dont il avait connaissance.

 22   Deuxièmement, bien que la Défense de Gotovina ait dit que le général

 23   Gotovina n'avait pas autorité pour donner des ordres à la police militaire

 24   pour mener enquête ou punir des crimes, comme l'a expliqué M. Waespi, les

 25   éléments de preuve portent à la conclusion contraire, à savoir qu'il avait

 26   effectivement cette autorité, mais qu'il a choisi de ne pas l'exercer en ce

 27   qui concerne les crimes contre les Serbes et leurs biens. Les éléments de

 28   preuve montrent également que le général Gotovina n'a pas fait appel au

Page 17446

  1   système disciplinaire qui était à sa disposition afin de punir les crimes

  2   commis par ses subordonnés. Ses ordres visant à empêcher les incendies et

  3   le pillage ne donnaient pas à ses commandants subordonnés comme ordre

  4   d'imposer des mesures disciplinaires. Ceci se contraste avec les exemples

  5   qu'on trouve à P1034, et P1028, et P1013, là où on voit qu'il donne à ses

  6   subordonnés des ordres pour imposer des mesures disciplinaires, mais cette

  7   fois-ci par rapport à d'autres affaires.

  8   M. Theunens a conclu que l'interprétation du général Gotovina du

  9   concept de la discipline militaire était très étroite, et qui visait

 10   surtout le fait de mener à bien des tâches de combat ou des opérations de

 11   combat, T1286869 [comme interprété].

 12   Ceci est répété par M. Lausic à P2159, et le général Gotovina lui-

 13   même a confirmé cette vision étroite de la discipline militaire lorsque, le

 14   15 août, alors qu'il y avait une série de crimes au HV, il a rapporté à

 15   l'état-major que la discipline militaire et le moral de combat sont très

 16   élevés pour la préparation et la conclusion des opérations de combat.

 17   P1132.

 18   Contrairement à ce qu'indique la Défense, les moyens de preuve indiquant

 19   que le général Gotovina démobilisait les soldats qui commettaient les

 20   crimes qui font l'objet d'un acte d'accusation, il n'en est rien. Il n'y

 21   avait en effet aucun moyen systématique de rapporter les démobilisations

 22   informelles dans la zone sous le commandement du district militaire de

 23   Split. Aucune information n'a pu être obtenue quant au nombre de soldats

 24   qui avaient été démobilisés pour mauvaise conduite, et ni sur la nature de

 25   cette mauvaise conduite. Et il n'a pas été possible d'identifier un

 26   quelconque cas où on aurait fait engager des poursuites contre un soldat

 27   démobilisé de la sorte.

 28   Les éléments de preuve appuient la conclusion que cette pratique

Page 17447

  1   était une mesure aléatoire que le général Gotovina a essayé d'utiliser pour

  2   transférer la responsabilité pour les éléments criminels parmi ses

  3   subordonnés et de la transférer à une autre autorité. En fait, la mesure

  4   nécessaire raisonnable aurait été de garder au sein de la structure

  5   militaire les auteurs des crimes, et s'assurer à travers des mesures

  6   disciplinaires ou à travers des poursuites que ceux-ci reçoivent une

  7   sanction.

  8   En conclusion, les moyens de preuve proposés par l'Accusation sont

  9   suffisants pour appuyer la conclusion que le général Gotovina connaissait

 10   ou avait raison de connaître le fait que ses subordonnés étaient sur le

 11   point ou avaient déjà commis des crimes, et qu'il a manqué à son devoir de

 12   prendre toute mesure nécessaire et raisonnable pour aller prévenir ou

 13   punir.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] : Merci, Mademoiselle Gustafson.

 15   Monsieur Hedaraly, je pense que le moment est venu de faire une

 16   pause.

 17   M. HEDARALY : [interprétation] Oui, je pense que si nous faisons une pause

 18   de 20 minutes on devrait pouvoir terminer aujourd'hui.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous faisons une pause, nous

 20   reprenons à 13 heures moins 20.

 21   --- L'audience est suspendue à 12 heures 20.

 22   --- L'audience est reprise à 12 heures 43.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, poursuivez, je vous

 24   prie.

 25   M. MARGETTS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 26   Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je voudrais aborder les

 27   arguments présentés par la Défense pour Ivan Cermak.

 28   La première question, je souhaiterais aborder la question qui

Page 17448

  1   concerne le contrôle effectif. M. Kay, dans son argument oral et dans sa

  2   note ultérieure, a présenté un certain nombre d'indicateurs de contrôle

  3   effectif. Quant à savoir si un accusé possède un contrôle effectif, cela

  4   est déterminé au cas par cas, en tenant compte de l'ensemble des

  5   indicateurs pertinents.

  6   Des indicateurs pertinents de contrôle effectif que la Défense n'a

  7   pas mentionnés comprennent les suivants. Tout d'abord, la procédure

  8   utilisée pour la désignation d'un accusé (voir le jugement du procès

  9   Halilovic, paragraphe 58).

 10   Le Tribunal se souviendra que le général Cermak a été nommé par le

 11   commandant suprême Franjo Tudjman. Pièce D31.

 12   Deuxièmement, la position au sein de la structure militaire ou politique.

 13   Boskoski, jugement de procès, paragraphe 411. Le Tribunal se souviendra que

 14   le général Cermak a reçu des ordres directs et fournissait des comptes

 15   rendus directs au chef de l'état-major principal, le général Cervenko,

 16   D561, P1219. Le général Cermak était également en contact direct avec

 17   Franjo Tudjman et le ministre de l'Intérieur, Ivan Jarnjak.

 18   Le général Cermak y fait référence dans son interview de 1998, nous n'avons

 19   pas de numéro de pièce pour les interviews qui ont été versées au dossier,

 20   j'y ferai référence par dates.

 21   Troisièmement, l'autorité a appliqué des mesures disciplinaires,

 22   Strugar jugement de procès, paragraphes 393 à 397. Il avait l'autorité pour

 23   assurer l'ordre et la discipline; article 52 de la pièce D32.

 24   Quatrièmement, en termes généraux, il s'agit de la réalité de l'autorité de

 25   l'accusé qui est en question. Jugement du procès Kordic, paragraphe 418 de

 26   2001. Outre les questions mentionnées ci-dessus, le général Cermak occupait

 27   un rang élevé au sein des militaires, un ancien ministre adjoint à la

 28   Défense, ancien ministre de l'Economie, et conseiller du président dans son

Page 17449

  1   entretien de 1998, connu et avait la confiance du président et commandant

  2   suprême, Franjo Tudjman, interview 2001.

  3   Pendant tout ce procès, et au cours des arguments présentés par la Défense,

  4   la Défense a cherché à réduire l'impact des éléments de preuve des témoins

  5   internationaux. Les témoins internationaux qui étaient présents, qui

  6   rencontraient le général Cermak quotidiennement en faisant de leur mieux

  7   pour effectuer leurs missions humanitaires. La Défense fait valoir que

  8   leurs éléments de preuve sont limités puisqu'ils ne pouvaient pas voir les

  9   rouages de l'Etat croate de l'intérieur, indépendamment du fait et de la

 10   façon dont ces rouages internes étaient manifestes dans l'expression

 11   externe des organes et acteurs de l'Etat. Toutefois, la Défense n'a pas

 12   indiqué que pas seulement les témoins internationaux, mais les témoins de

 13   l'intérieur également fournissaient des évaluations cohérentes et qui se

 14   corroboraient de l'autorité du général Cermak.

 15   Le témoin de l'intérieur, Stjepan Buhin, un membre de haut niveau du MUP à

 16   Zagreb déployé en tant que coordinateur dans la région Kotar-Knin, un

 17   témoin qui était placé au centre des structures d'Etat et pouvait observer

 18   le fonctionnement de l'Etat de l'intérieur, décrit l'autorité du général

 19   Cermak de la manière suivante. Il indique que :

 20   "Cermak était le commandant en chef à Knin.

 21   Il était le commandant principal de l'armée de terre."

 22   Il affirme que : "Le général Cermak est l'officier le plus haut gradé avec

 23   lequel nous avons travaillé pour ce qui est de coordonner l'armée," et "nul

 24   n'était plus haut placé que lui dans la région."

 25   S'agissant de l'autorité du général Cermak, Buhin affirme que son domaine

 26   de responsabilité était le territoire nouvellement libéré ou ce qui était

 27   connu sous le nom de Kotar-Knin."

 28   Les éléments de preuve de Buhin sont pertinents. Le témoin avait une base

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  1   solide pour ces éléments de preuve, et je me réfère aux comptes rendus

  2   d'audience 10 049 et 10 053.

  3   Le général Ivan Cermak jouissait d'une autorité de jure et de facto sur les

  4   unités de la zone de la garnison de Knin, qui couvraient la majorité de la

  5   région de la zone militaire de Split. Article 52 de la pièce 32, et

  6   paragraphe 1(e) de la pièce D33.

  7   Le général Cermak jouissait d'une autorité de facto sur les unités dans la

  8   zone du district militaire de Split étendue. Des exemples sont les pièces

  9   suivantes, la pièce D818 de Flynn, Buhin, et Ermolaev.

 10   Il avait la capacité à étudier directement et à sanctionner le comportement

 11   criminel des soldats dans ces unités.

 12   Il avait la capacité à engager des investigations sur la conduite des

 13   soldats dans ces unités en utilisant la police militaire et la police

 14   civile.

 15   Une documentation contemporaine préparée par le général Cermak

 16   confirme qu'il exerçait son commandement sur les troupes dans la zone

 17   opérationnelle. Le 11 août 1995, le général Cermak a adressé une lettre au

 18   général Forand s'agissant de la liberté de mouvement. Il s'agit de la pièce

 19   P390.

 20   Outre le général Forand, le général Cermak adresse ce courrier "aux troupes

 21   dans la zone de séparation."

 22   Dans son entretien de 1998, Cermak expliquait qu'il s'agissait là des

 23   troupes dans la zone opérationnelle.

 24   De plus, dans l'entretien de 1998, en discutant de cette lettre et des cas

 25   où les internationaux ont peut-être rencontré des problèmes avec des

 26   libertés de mouvement, Cermak a affirmé que dans ces circonstances, et je

 27   cite :

 28   "Je téléphonais immédiatement à la police civile ou la police militaire ou

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  1   les zones opérationnelles, je les appelais et je leur disais de dire aux

  2   unités sur le terrain que les gens avaient liberté de mouvement et de les

  3   laisser passer, et ainsi de suite."

  4   De nombreux éléments de preuve de témoins internationaux confirment que les

  5   problèmes de liberté de mouvement étaient résolus par le général Cermak,

  6   précisément de la manière dont il décrit, voir Hansen, Hendriks, et

  7   Liborius.

  8   Plus tard en 2001, lorsque le général Cermak était à nouveau interrogé par

  9   le Procureur, il s'est rendu compte des conséquences de cet aveu, et a

 10   cherché à s'expliquer en disant : "Je suis allé un petit peu trop loin en

 11   envoyant ce courrier, mais je n'avais pas l'autorité de faire cela." C'est

 12   dans l'entretien de 2001.

 13   Cependant, les pièces D32, D33, P390, et les éléments de preuve des

 14   internationaux confirment que la déclaration qu'il a faite en 1998 est la

 15   vérité.

 16   C'est un thème récurrent dans la thèse de la Défense de Cermak. Il

 17   est demandé à la Chambre de croire que le général Cermak continuait à

 18   donner des ordres qu'il n'avait pas autorité à donner. De plus, il y a des

 19   preuves que des ordres que l'on affirme n'auraient pas dû émettre, qui

 20   étaient reçus et suivis des faits. Par exemple P509, P510 et D303, et les

 21   éléments de preuve apportés par rapport à ces documents.

 22   L'argument de la Défense n'est ni probant quant aux faits ni une

 23   manière appropriée d'aborder le test qui est appliqué au titre de l'article

 24   7(3). Il s'agit d'une tentative visant à réinterpréter et à isoler les

 25   faits de manière technique et nuancée, de manière que la loi de l'article

 26   7(3) n'accepte pas et ne soutiendra pas. La loi de l'article 7(3) est

 27   clairement exprimée dans le jugement du procès Kordic, paragraphe 418, et

 28   je cite :

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  1   "Savoir si de jure ou de facto, militaire ou civil, l'existence d'une

  2   position d'autorité devra être basée sur une évaluation de la réalité de

  3   l'autorité de l'accusé."

  4   M. Kay dans ses arguments a pris un certain temps en mettant l'accent sur

  5   l'utilisation des mots "ordonner" et "d'indiquer" par le témoin Dzolic, en

  6   indiquant que l'emploi de ces termes était d'une importance cruciale.

  7   Cependant, dans un passage révélateur du compte rendu d'audience, page 9

  8   113 à 9 115, la Chambre a interrogé le témoin sur cette question, et la

  9   réalité de la situation est apparue immédiatement.

 10   En réponse aux questions du Tribunal, le témoin a affirmé qu'il ne se

 11   souvenait que d'un seul cas où le général Cermak avait demandé, requis,

 12   ordonné ou laissé entendre quelque chose, et il ne l'avait pas. La raison

 13   qu'il ne l'a pas fait, c'est qu'il ne pouvait pas. Il ne disposait pas des

 14   effectifs. C'est au procès-verbal T9114, lignes 12 à T9114, ligne 4. C'est

 15   bien la réalité de l'autorité du général Cermak qui est posée, et non pas

 16   les mots qu'un témoin particulier peut utiliser à un moment donné. Le

 17   général Cermak ne peut pas dissimuler son autorité par de la sémantique.

 18   Comme le jugement Kordic et toutes les décisions qui ont suivi le

 19   demande, la loi sera pratique, et la réalité pratique de la question est

 20   extrêmement claire : le général Cermak a exercé un pouvoir énorme pour des

 21   raisons nombreuses et variées.

 22   Les témoins internationaux le savaient. Les témoins de l'intérieur le

 23   savaient, les comptes rendus contemporains le font apparaître.

 24   Un enregistrement de la conversation entre le général Cermak et

 25   Tudjman, début 1999, fait apparaître la véritable perception qu'a le

 26   général Cermak de son autorité de commandement. Ayant appris qu'on le

 27   suspectait de crimes de guerre, il a indiqué à Tudjman :

 28   "Norac et Gotovina réalisaient les opérations militaires. Ils étaient

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  1   au commandement de l'action militaire. Moi, je commandais ma partie et nous

  2   ne sommes pas aussi mauvais que de tuer.

  3   Norac, Gotovina, et moi-même sommes tous innocents devant Dieu. Ce

  4   sont des récits politiques. Aucun d'entre nous n'a ordonné des meurtres. Ce

  5   n'apporte quoi."

  6   Dans cette conversation, Cermak s'est placé avec Norac et Gotovina en

  7   tant que commandants qui pouvaient donner des ordres, et avait une

  8   responsabilité pour les événements dans l'opération Tempête. Il affirme

  9   qu'il n'était pas un commandant opérationnel, mais il a reconnu qu'il

 10   commandait sa partie.

 11   J'en viens maintenant à l'autorité du général Cermak sur la police

 12   militaire et la police civile. Le contrôle du général Cermak sur la police

 13   militaire et la police civile est confirmé tout d'abord par les ordres

 14   qu'il leur a donnés; P512, P513, D303, D503, P509. Le fait qu'il les

 15   rencontrait quotidiennement, ils venaient à son bureau tous les matins, et

 16   pour lui présenter des comptes rendus.

 17   Témoin 86, Témoin 84, Buhin, Dzolic, son interview donné en 1998.

 18   Le fait que les témoins de la police et des militaires confirment, et

 19   j'en arrive au troisième point, le fait que les témoins de la police

 20   militaire et de la police confirmaient qu'il devait lui rendre des comptes,

 21   Témoin 86, Dzolic, quant à savoir s'il faisait ce qu'il disait ou qu'il

 22   faisait ce qu'il ordonnait n'est pas sans lien à cette évaluation de ces

 23   facteurs liés à un contrôle effectif, mais la différence de cette affaire

 24   est marginale au mieux, et comme indiqué ci-dessus, et n'a que très peu

 25   d'importance.

 26   S'agissant du témoin de la police militaire Dzolic, M. Kay dans son

 27   argument indique qu'il trouvait ça bizarre qu'il pouvait y avoir une double

 28   chaîne de commandement. Il n'y a rien d'étonnant à cela. Dzolic agissait

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  1   suite aux ordres qui lui étaient donnés, soit par le colonel Budimir ou le

  2   général Cermak. Ce ne peut pas être plus direct.

  3   M. Kay, en tant que conseil pour la Défense, disait que ce paragraphe

  4   le mettait sur son "qui-vive", et il devrait en être ainsi. Dans notre

  5   argument, cet élément de preuve au regard du droit est suffisant pour

  6   contrer sa requête 98 bis.

  7   S'agissant de la police civile dans son entretien en 1998, Cermak a

  8   montré un exemple manifeste montrant qu'il pouvait assurer les enquêtes par

  9   la police civile. Il a reconnu que lorsque les télévisions qu'ils avaient

 10   livrées à un village étaient pillées, il "appelait le commandant de la

 11   police civile", M. Gambiroza, en lui disant : Faites ce que vous voulez, je

 12   veux que l'on trouve les coupables. Et Gambiroza a tout mis en branle. Il

 13   affirme qu'il s'est écoulé "deux ou trois heures avant que les coupables ne

 14   soient capturés."

 15   Entretien de 1998, page 82.

 16   La Défense a également soulevé les soi-disant ordres ONURC. Le

 17   principe reflété dans l'ordre que Cermak a donné - la pièce 303 - est

 18   clair. Cermak pouvait, s'il le souhaitait, si cela favorisait ses

 19   objectifs, ordonner à la police civile et militaire d'enquêter sur des

 20   crimes.

 21   Les éléments de preuve des internationaux quant à l'autorité du

 22   général Cermak apparaissent clairement en traitant avec les questions les

 23   plus graves auxquelles peuvent être confrontée l'humanité, des questions

 24   ayant trait à la vie, à la mort, des questions ayant trait à la

 25   destruction, à la décimation, la destruction de vies et de communautés

 26   humaines, on les adressait au général Cermak qui leur affirmait au

 27   quotidien qu'il veillerait à ce que ces crimes majeurs fassent l'objet

 28   d'enquêtes et verra à ce que ces crimes ne se poursuivent pas.

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  1   La Chambre a vu des entretiens du général Cermak s'agissant des

  2   événements à Grubori donnés le 26 août et le 27 août 1995. P504, P2386.

  3   Dans ces entretiens, le général Cermak se réfère à son autorité personnelle

  4   à mener une enquête ou à veiller à ce qu'une enquête ait lieu. Il donne une

  5   version erronée des événements et il donne de fausses assurances qu'il va

  6   enquêter.

  7   Les arguments de la Défense concèdent que le général Cermak a peut-

  8   être indiqué cela aux internationaux. Dans ses arguments, M. Kay affirme

  9   que "même s'il s'est peut-être fait ressortir ou que les gens avaient une

 10   certaine attente de lui, il n'en demeure pas moins que cela ne détermine

 11   pas la question."

 12   La Défense --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts.

 14   M. MARGETTS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 15   La Défense invite à tirer une conclusion lorsqu'elle est confrontée à

 16   l'existence de ces crimes très graves, le général Cermak a jugé approprié

 17   de se faire passer pour quelqu'un qu'il n'était pas, de façon à tromper, à

 18   induire en erreur la police civile de l'ONU, les militaires de la

 19   communauté économique, l'ONURC, et la Croix-Rouge.

 20   Le général Cermak n'a pas induit en erreur les fonctionnaires

 21   internationaux sur qui il était; il les a induit en erreur sur quoi savoir

 22   concernant les crimes et ce qu'il avait l'intention de faire à leur sujet.

 23   Je voudrais maintenant vous parler de la connaissance qu'avait le

 24   général Cermak des événements et ses intentions.

 25   Immédiatement après son arrivé à Knin le 6 août 1995, le général

 26   Cermak savait que les soldats croates étaient en train de commettre des

 27   crimes. Le 5 août 1995, le général Forand avait déjà demandé et transmis

 28   une demande de réunion. Il a constaté la destruction et le pillage, il en a

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  1   fait état dans cette demande et il dit qu'il n'était pas convaincu que

  2   l'armée croate fut pleinement sous contrôle.

  3   Dès ce stade, il avait protesté contre les restrictions de liberté de

  4   mouvements et avait suggéré que ceci allait s'accroître et qu'il y aurait

  5   davantage d'abus. C'est au P343 [comme interprété].

  6   Du point de vue du fait d'être au courant et de savoir, je n'ai

  7   probablement pas le temps d'entrer dans tous les détails, je voudrais

  8   simplement référer les membres de la Chambre à l'interview du général

  9   Cermak 1998. Il admet qu'il était au courant des incendies et des pillages,

 10   et il admet que Kistanje avait été complètement brûlé.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts.

 12   M. MARGETTS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 13   Donc, je raccourcis. Il était l'interface avec les fonctionnaires

 14   internationaux. Il savait ce qu'ils savaient. Il savait ce que les services

 15   de renseignements de l'armée croate savaient. Il n'y a aucun doute qu'il

 16   était au courant des crimes et qu'il était également au courant du fait que

 17   le HV commettait des crimes, que c'était le HV qui les commettait. Il a

 18   reçu le rapport de renseignements que Mme Gustafson a mentionné dans P918,

 19   rédigé par Tomasovic. Le document est bien connu de la Chambre de première

 20   instance. Et il admet dans une interview du 7 septembre 1995 qu'en Slobodna

 21   Dalmacija, qu'il était au courant des pillages et des incendies de maisons

 22   et que ces crimes étaient le plus souvent commis par des membres de l'armée

 23   croate; D59. Dans l'interview de 2001.

 24   On passe maintenant à la question des meurtres. Dans la conversation

 25   qu'il a eue avec Tudjman au début de 1999, P1144, il a dit à Tudjman :

 26   "Vous avez des combattants sur la ligne de front depuis trois ou quatre

 27   ans. Ils ont perdu leurs maisons et leurs terres. Ils ont déjà passablement

 28   souffert par le syndrome du Vietnam et à ce stade, ils tuent." Il savait

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  1   qu'ils étaient en train de tuer.

  2   C'est dit dans l'interview de 1998, que ses premières tâches étaient

  3   de commencer d'urgence à nettoyer le secteur de façon à se débarrasser des

  4   cadavres. Et la Chambre a reçu la liste qu'il avait en sa possession et

  5   qu'il a remise aux fonctionnaires internationaux. Il admet qu'il a reçu la

  6   liste du MUP dans son interview de 2001.

  7   La Chambre a également entendu les éléments de preuve de la

  8   déposition du témoin Hayden. Le général Cermak avait mal transmis quel

  9   était le nombre des civils tués. Première réunion avec Hayden, la dernière

 10   qu'il ait revue et examinée montre 41 civils. Le général Cermak a dit qu'il

 11   y en avait deux. Le général Cermak a également fait un rapprochement, le 19

 12   août 1995, il a rendu compte à Hayden d'un rapport très effrayant. Il a

 13   dit, lorsque Hayden lui a posé des questions concernant ces exécutions

 14   sommaires, il a dit : "Il y a probablement eu de 200 à 300 cadavres dans

 15   les collines ayant un trou dans la tête par balle." C'est un général, et

 16   c'est la personne la plus puissante à Knin, la personne qui était au

 17   courant de tout ce qui se passait. Un rapport très inquiétant de quelqu'un

 18   qui malheureusement était horriblement précis.

 19   Monsieur le Président, j'avais d'autres détails à donner concernant

 20   le fait qu'il n'avait pas agi et qu'il était au courant, et concernant

 21   l'intention que ces crimes soient commis.

 22   Je passerai directement à l'incident de Grubori.

 23   Parmi les centaines d'incidents de tueries qui ont eu lieu, les

 24   nombreuses centaines d'incidents dont vous avez connaissance, il n'y a eu

 25   qu'un seul lieu des crimes qui a été pris en vidéo par les fonctionnaires

 26   internationaux peu de temps après que les crimes aient été commis. Cet

 27   incident-là a fourni à la Chambre de première instance la possibilité de

 28   voir de quelle manière le général Cermak avait nié et avait caché et

Page 17459

  1   favorisé les crimes. A partir du 22 [comme interprété] août 1995, Cermak

  2   était pleinement informé de l'opération qui allait avoir lieu de police

  3   spéciale. Il a rencontré Markac et Gotovina; et il s'agit des pièce D561,

  4   562, P1219, et d'autres.

  5   Le général Cermak a reçu des cartes du général Markac avant que

  6   Markac ne se lance dans des opérations. Interview du général Cermak, 1998.

  7   Les membres de la Chambre sont au courant des événements à Grubori.

  8   Je ne vais donc pas les décrire de façon détaillée.

  9   Lorsque les fonctionnaires internationaux ont rendu compte des

 10   événements à Grubori au bureau de Cermak, Cermak a immédiatement téléphoné

 11   au général Markac. S'il ne l'a pas fait immédiatement, dans tous les cas,

 12   il l'a fait dans la soirée le 25 août 1995. En 2004, interview de Markac

 13   qui confirme également une autre interview du général Cermak.

 14   Il n'a pas informé la police civile. Il a informé son ami, le

 15   commandant des unités soupçonnées de ces crimes. D'abord, la police civile

 16   était au courant de cela. C'était le 26 à 10 heures du matin lorsqu'il y a

 17   eu un rapport adressé à Mihic. La police civile avait projeté une enquête

 18   sur place. Pièce D507 [comme interprété], P503, P501. Et lors d'une réunion

 19   le 27 avec le général Cermak, avec leurs efforts de façon à assurer qu'une

 20   enquête aurait lieu sur place, Markac et Cermak ont pris les mesures pour

 21   assurer qu'aucune enquête n'aurait lieu.

 22   Markac et Sacic traitaient avec Celic. Nous avons entendu des

 23   éléments de preuve et vu la pièce P563. Vous avez vu l'interview que le

 24   témoin Lyntton a eue avec Cermak, où Cermak a rendu compte d'un récit qui

 25   était faux. Et pareillement un récit faux par rapport à celui que Sacic

 26   avait dicté pour l'envoyer à Celic. Il était à Grubori. Il disait à ceux

 27   qui avaient survécu qu'ils avaient eu de la chance de ne pas se trouver

 28   dans le village au moment des tueries et des incendies, il leur disait que

Page 17460

  1   les cadavres seraient emmenés. Et il savait déjà qu'il n'y aurait pas

  2   d'enquête sur les lieux. Il a consigné cela, pièce D57, lorsqu'il est

  3   revenu du village.

  4   Ce n'est pas avant la réunion du matin du 27 août 1995 que le chef de

  5   la police de la région Kotar-Knin et le chef de la police du poste de

  6   police de Knin ont appris qu'il n'y aurait pas d'enquête. Ce n'est qu'après

  7   cette réunion que le chef de la région Kotar-Knin a consigné le fait, dans

  8   la pièce P501, qu'il y aurait des mesures d'assainissement dans le village

  9   de Grubori. Les enquêtes qui ont été consignées par écrit ou envisagées

 10   dans le même journal et dans d'autres documents ne devraient pas avoir

 11   lieu.

 12   Cermak savait la vérité le 25, lorsque les fonctionnaires

 13   internationaux ont dit cela à son bureau. Il connaissait la vérité lorsque

 14   Lyntton lui a dit la vérité le 26. Il était au courant de la vérité

 15   lorsqu'il s'est trouvé au hameau de Grubori. Il a vu cela de ses propres

 16   yeux. Il a caché cela, il l'a fait cacher. Les fonctionnaires

 17   internationaux ne l'ont pas cru. Mais c'était sa version des événements qui

 18   a été la raison pour laquelle il n'y a pas eu d'enquête concernant ces

 19   événements.

 20   Monsieur le Président, je vois la pendule. Je vais donc conclure.

 21   Par ces omissions, Cermak a, de façon substantielle et importante,

 22   contribué aux crimes. S'il avait agi, il aurait rendu la réalisation des

 23   crimes qui faisaient partie d'une entreprise criminelle commune plus

 24   difficile. Cermak était le personnage central pour assurer que ces menaces

 25   et ces craintes aient fait que ces Serbes ne se seraient pas enfuis avec

 26   l'attaque d'artillerie qui aurait laissé Krajina dans la crainte et les

 27   habitants craignant pour leur vie. Sur la base de son autorité, Cermak

 28   avait le devoir de protéger la population serbe, et il ne l'a pas fait.

Page 17461

  1   Merci, Monsieur le Président. Je vous remercie.

  2   Je voudrais maintenant vous demander de passer la parole à Mme

  3   Mahindaratne.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Margetts.

  5   Madame Mahindaratne, il est inutile de vous rappeler que même s'il ne reste

  6   qu'une demi-heure d'audience, il faut faire attention à la vitesse, à ne

  7   pas aller trop vite.

  8   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je vais le garder à l'esprit.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

 10   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je voudrais parler aux membres de la

 11   Chambre de la responsabilité criminelle ou pénale du général Markac en

 12   vertu de l'article 7(1) et 7(3) du Statut.

 13   Le général Markac a participé à l'entreprise criminelle commune.

 14   Comme on l'a déjà dit, il était présent le 31 juillet à la réunion de

 15   Brioni, et il a parlé de sa contribution à ce plan.

 16   Je voudrais en particulier vous référer à la page 19 du document

 17   P461. Il est dit que le général Markac aurait dit ceci :

 18   "Il n'y a aucun changement dans les tâches, si ce n'est que M. Norac

 19   est en train de prendre la direction vers les hauteurs. Ceci veut dire que

 20   nous allons les conduire dans une poche qui est là, et à partir de cet

 21   endroit-là, nous pourrons prendre la direction vers Norac, tandis que Norac

 22   pourra prendre la direction de Lapac, et nous avons pratiquement évacué

 23   l'ensemble du secteur. Tout s'adapte, et tout convient, et à toutes fins

 24   pratiques, nous avons gagné avec ce plan proposé par M. Gotovina…"

 25   Cette déclaration correspond aux déclarations faites par le président

 26   Tudjman et Ante Gotovina, en particulier celles qui ont été enregistrées à

 27   la page 15 du compte rendu.

 28   Le général Markac a contribué à l'entreprise criminelle commune en

Page 17462

  1   planifiant et en commandant l'opération de la police spéciale.

  2   Il était le ministre adjoint chargé -- et il était chargé du secteur

  3   de la police spéciale et il était son commandant. La police spéciale était

  4   subordonnée à l'état-major général du HV pour l'opération Tempête, et le

  5   général Markac a été désigné comme le commandant de cette action. Le chef

  6   de l'état-major général a aidé M. Markac personnellement qui était

  7   responsable de la partie concernant la police spéciale pour cette

  8   opération.

  9   Je me référerai à la déposition du témoin Janic Turkalj, P554 et

 10   P543.

 11   Le général Markac a planifié l'opération en coordination avec

 12   d'autres membres de l'entreprise criminelle commune. Il a dirigé des

 13   réunions de planification où il a donné des instructions au commandant

 14   subordonné de l'opération et leur a fourni les positions ennemies d'après

 15   les renseignements recueillis par les services de renseignements HV et a

 16   également sécurisé le matériel nécessaire. Je me réfère à la déposition du

 17   témoin Janic, P552, D544 et 545.

 18   Il a donné des ordres pour que l'unité soit prête au combat et les

 19   batteries d'artillerie de la police spéciale pour qu'elle soit prête. Je me

 20   réfère à D541, D1206 et D1207.

 21   M. Russo a déjà parlé des ordres donnés par le général Markac au

 22   cours de l'opération, donc je ne m'y attarderai pas, mais je voudrais plus

 23   particulièrement attirer l'attention des membres de la Chambre sur le

 24   P2385, page 7, et la déposition du témoin Janic.

 25   Après que le territoire ait été pris, le général Markac a également

 26   émis des ordres pour des opérations de nettoyage qui ont été mises en

 27   œuvre. P1153, page 6; D562, P574 et P575.

 28   Il avait la faculté matérielle de punir ses subordonnés. La branche

Page 17463

  1   intérieure de la police spéciale qui était chargée de la discipline. Le

  2   chef du contrôle interne de ce département était directement subordonné au

  3   chef du secteur et au général Markac et rendait compte, était sous les

  4   ordres des deux. Le témoin Janic, Turkalj, document D528 et pièce D529.

  5   Le témoin Turkalj a également décrit, en plus de ce qu'il dit dans

  6   P2370, le code d'emploi du MUP, prenez l'article 49, 59, 60 et P1155,

  7   P2364, P2369 - ce sont là tous les chiffres P. Ceci montre quelle était

  8   l'autorité du général Markac du point de vue disciplinaire sur les unités

  9   de police spéciale.

 10   Le témoin Janic a dit dans sa déposition que si un crime grave était

 11   commis par un membre de la police spéciale, la question serait portée au

 12   chef du secteur ou au général Markac qui, a son tour, aviserait de la

 13   question la police chargée des infractions pénales ou criminelles pour

 14   qu'elle enquête. Il y aurait à ce moment-là inspection, investigation des

 15   autorités de la police spéciale qui devait être amorcée comme procédure

 16   disciplinaire interne. D530 et D531 montrent que le général Markac avait la

 17   possibilité de commencer des enquêtes concernant un crime au sein de la

 18   police spéciale elle-même.

 19   Enfin, comme le témoin Janic l'a dit, les membres de la police

 20   spéciale étaient eux-mêmes des policiers et, ce qui est le plus important,

 21   c'est que le général Markac était ministre adjoint ou ministre assistant

 22   même de l'intérieur et était bien placé en ce sens pour mettre en œuvre les

 23   autres éléments du ministère de l'Intérieur, par exemple, la police chargée

 24   des crimes, si c'était considéré comme nécessaire.

 25   M. Russo s'est référé à l'attaque illégale de pièces d'artillerie

 26   effectuée par le général Markac. Tandis que les forces de police spéciale

 27   entraient sur le territoire, qui était précédemment tenu par des Serbes, et

 28   pillaient et détruisaient les biens civils, le général Cermak [comme

Page 17464

  1   interprété] a ordonné ou justifié cette activité criminelle. Le général

  2   Markac a commandé et dirigé l'opération en personne. Il a conduit les

  3   troupes en personne au fur et à mesure de leur avancée. Je vous réfère à

  4   son interview de 2003, page 53 à 54.

  5   La discipline des forces de police spéciale était à un niveau très

  6   élevé et pas une seule partie de la police spéciale n'échappait au

  7   contrôle. Témoin Janic. Le général Markac est entré à Gracac à 10 heures 01

  8   le 5 août et, à midi, Gracac était complètement sous le contrôle de la

  9   police spéciale. A partir de ce moment-là, le quartier général de police

 10   spéciale a été établi à Gracac et a fonctionné là pendant toute la période

 11   pertinente correspondant à l'acte d'accusation. Comme il y avait

 12   approximativement 500 membres de la police spéciale basés à Gracac à un

 13   moment donné, le général Markac était présent à Gracac de façon assez

 14   régulière. D555, page 29, et également P238 page 7. Le témoignage de Janic.

 15   Ayant capturé Gracac, le général Markac a ordonné à ses forces

 16   d'avancer vers Donji Lapac. Le général Markac rentrait dans Donji Lapac

 17   avec ses forces à 1 ou 2 heures le 7 août et était présent à Donji Lapac

 18   cette nuit-là. Janjic, Turkalj, D555 page 47.

 19   La Chambre a pu constaté qu'à Gracac -- Le témoin Steenbergen a été

 20   le témoin d'incendie et de pillage à Gracac. Les 6 et 8 août, le témoin

 21   Vanderostyne a pu constater des édifices en train de brûler dans le

 22   voisinage de Gracac, a pris des photographies montrant que la police

 23   spéciale pillait les biens au centre de Gracac, là où se trouvaient les

 24   bureaux de la polices spéciales, en présence de leur commandant.

 25   Le Témoin 82 a également constaté que beaucoup de maisons le long de

 26   la route entre Gracac et Donji Lapac avaient été incendiées ou détruites et

 27   des membres de la police spéciale présente dans la zone étaient là alors

 28   que l'incendie continuait. Le témoin Galbraith a dit qu'environ 70 % des

Page 17465

  1   édifices de Donji Lapac avaient été incendiés systématiquement, et lors

  2   d'une réunion le 26 août au ministère de la Défense, M. Susak et le

  3   commandant du district militaire de Gospic, M. Norac, ont informé le

  4   président Tudjman que la destruction à Donji Lapac avait été effectuée par

  5   les forces du général Lausic [comme interprété]. Je me réfère à la pièce

  6   P470, pages 53 à 54.

  7   L'incendie à Donji Lapac a commencé le soir même où la police

  8   spéciale est rentrée dans la ville. Le général Markac est rentré dans la

  9   ville avec eux, et tout a été incendié pendant cette nuit là. P586, D556,

 10   P470, pages 53 à 54.

 11   La population de Donji Lapac était 90 à 98  % serbe avant l'opération, cela

 12   a déjà été dit, ce qui traduit l'intension persécutoire de ces actes

 13   criminels. Le Témoin 82 a témoigné qu'on lui avait ordonné de marquer des

 14   biens avec des signes HVO qui ont été donc sécurisés, alors que ceux qui ne

 15   portaient pas ces indications étaient détruits. Ceci traduit la nature

 16   systématique de la conduite criminelle.

 17   En dehors des actes de pillage et de destruction, les forces de la police

 18   spéciale ont tué des civils serbes qui étaient restés dans la zone après

 19   les opérations. Le général Markac était au courant du fait que le meurtre

 20   de civils serbes était une conséquence possible dans l'exécution de

 21   l'entreprise. Il a déployé des membres de la police spéciale qui avaient

 22   une tendance vers la violence et qui avaient été décrits comme non

 23   disciplinés et nationalistes. Témoin Turkalj et P1088, la note officielle

 24   de l'entretien qui traduit la disposition violente d'un des membres de la

 25   police spéciale dont le général Markac avait été averti avant l'opération.

 26   Il savait que dans un climat où le pillage et la destruction  de la

 27   population étaient encouragés, les civils serbes risquaient d'être tués ou

 28   assujettis à un traitement cruel ou inhumain.

Page 17466

  1   Le général Markac a contribué à l'entreprise criminelle commune en

  2   participant au fait de rapporter des informations fausses et, de cette

  3   façon, d'encourager la commission de crimes.

  4   L'unité de Lucko était considérée comme une unité élite de la police

  5   spéciale qui a été déployée dans trois opérations de

  6   nettoyage : à Petrova Gora le 13 et 14; ensuite dans la vallée de Plavno le

  7   25 août; et troisièmement dans les collines Promina le 26 août.

  8   Les membres de l'unité ont commis des crimes dans deux des trois

  9   opérations, ce qui traduit le fait que cela faisait partie de l'ordre du

 10   jour. Le général Markac a caché les deux crimes, en particulier le cas de

 11   Grubori. Nous n'avons pas beaucoup de temps, donc je ne vais pas parler du

 12   deuxième incident.

 13   Les crimes commis au cours de l'opération de la police spéciale de la

 14   vallée de la Plavno ont déjà été traités, donc je ne vais parler que de

 15   l'implication du général Markac dans le fait de cacher cet incident.

 16   Ce qui était particulièrement absent dans le discours de M.

 17   Kuzmanovic portant sur l'incident était toute allusion aux trois rapports

 18   qui avaient été soumis par le général Markac à propos de cet incident. Dans

 19   son premier rapport concernant ces événements le 25 août, P575, portant la

 20   date du 26 août, le général Markac a rapporté qu'aucune des six unités qui

 21   avaient participé à l'opération de nettoyage n'ont participé au combat.

 22   Ensuite il a appris que l'incident attirait l'attention de la communauté

 23   internationale et, par conséquent, il a annulé P575 et a émis P576, portant

 24   la date du 26 août également, et là il disait que l'unité Lucko avait

 25   rencontré une résistance et que des civils avaient été tués et que des

 26   maisons ont pris feu pendant le cours du combat.

 27   Avec P576, il a également rapporté le fait que l'un des soldats

 28   ennemis, portant le nom de Djuro Karanovic, a été tué et un autre, Stevan

Page 17467

  1   Karanovic, a été arrêté. Ensuite au mois de mars 1996, lorsqu'il a été

  2   alerté que cette version de combat ne pouvait pas être soutenue étant donné

  3   les éléments confirmant qu'il s'agissait d'un crime, il a émis un troisième

  4   rapport, P505, mais là, cette fois, il dit que les crimes ont été commis

  5   par les soldats ennemis.

  6   Le témoin Celic a témoigné concernant l'implication du général Markac

  7   dans le fait de cacher ces incidents. Le 26 août, il a été demandé qu'il

  8   vienne au bureau du général Markac, c'est le chef de l'état-major Sacic qui

  9   lui a dit qu'il y avait eu un incident au cours de l'opération et on lui a

 10   demandé d'écrire un autre rapport. On ne lui a pas demandé pourquoi il

 11   n'avait pas fait rapport à propos de cet incident, mais seulement d'écrire

 12   un autre rapport. Immédiatement après cette réunion, Celic a été emmené

 13   dans une autre salle de l'état-major de la police spéciale et c'est Sacic,

 14   le chef de l'état-major, qui lui a dicté un nouveau rapport. P563.

 15   Le témoin Celic a témoigné qu'il n'était pas du tout au courant du

 16   contenu de son rapport et qu'il a simplement fait ce qu'on lui a demandé de

 17   faire.

 18   La Chambre a entendu suffisamment d'éléments de preuve pour conclure

 19   que les rapports P576 et P505 sont faux et que l'unité de Lucko a commis le

 20   crime. Les membres de l'unité étaient présents à Grubori à l'époque. P559,

 21   P1226, Celic, Roberts, P28, P561, P562.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez beaucoup trop vite pour nous

 23   tous. S'il vous plaît, respirez entre deux phrases.

 24   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je suis désolée, Monsieur le Président.

 25   Puis-je continuer ?

 26   Aucune des unités qui a participé à l'opération n'ont rencontré une

 27   quelconque résistance contrairement à ce qu'a été dit par le général

 28   Markac. Un témoignage de Janic, Celic, P560, P577, page 5, notes de

Page 17468

  1   l'entretien des membres de l'unité Lucko qui ont été versées au dossier. Il

  2   y en a plusieurs donc ce n'est pas la peine que je les cite tous. Et

  3   contrairement à ce qu'il est prétendu dans P576, on a entendu des

  4   témoignages selon lesquels Duro Karanovic a été tué pendant l'incident. Et

  5   P624 et 626 confirment qu'aucune personne portant le nom de Stevan

  6   Karanovic n'a jamais été arrêté par le ministère de l'Intérieur ni par les

  7   forces du ministère de la Défense.

  8   De même, le général Markac a soumis un rapport faux, P579, concernant les

  9   incidents d'incendie portant sur les maisons commis par des membres de

 10   l'unité Lucko le 26 août dans la zone de Ramljane, pendant l'opération qui

 11   a été menée le 26 août.

 12   Je n'ai pas beaucoup de temps donc je ne vais pas rentrer dans les détails

 13   de cet incident.

 14   Le général Markac a contribué à l'entreprise criminelle conjointe étant

 15   donné son manque à agir, en particulier le fait de ne pas faire des

 16   enquêtes ni de punir les subordonnés qui étaient responsables des crimes

 17   commis, en ce faisant, encourageant la commission d'autres crimes. En

 18   manquant à cette obligation, le général Markac envoie un message à ses

 19   subordonnés d'impunité quant à ces crimes. D'ailleurs une déclaration qui a

 20   été faite au général Markac dit la chose suivante : Oui je l'ai fait, je

 21   les ai incendiés, et qu'est-ce que vous allez faire maintenant ? Vous allez

 22   me tuer, ceci capture effectivement les sens de climat de commandement

 23   qu'il avait créé et qui encourageait ses subordonnés à commettre des

 24   crimes.

 25   Maintenant je voudrais parler de la responsabilité 7(3) du général Markac.

 26   Les éléments que je viens d'évoquer établissent qu'il avait le contrôle

 27   effectif de ses subordonnés et qu'il avait alerté au fait qu'il y avait eu

 28   des crimes, notamment à Grubori, Donji Lapac, Gracac, et Ramljane. De plus,

Page 17469

  1   le général Markac a dit dans une déclaration qu'il avait effectivement vu

  2   des destructions. Page 44 de sa déclaration de 2004. Il dit : "Bien, je ne

  3   sais pas si cela a été fait de manière délibérée. Je voyais que des maisons

  4   étaient incendiées mais je ne peux pas vous dire si c'était délibéré ou si

  5   cela s'est passé pendant l'opération Tempête ou après."

  6   Plus tard, concernant le nombre d'enterrements au cimetière de Gracac qui

  7   augmentaient jour après jour --

  8   Et il était au courant des crimes qui avaient été déjà commis dans des

  9   précédentes opérations. Je vous parle de sa déclaration de 2002, pages 59 à

 10   61, 81 à 82, 88 à 89.

 11   En dépit de sa connaissance du fait que ses subordonnés avaient commis des

 12   crimes, le général Markac n'a pas pris de mesures raisonnables pour

 13   empêcher que des crimes ne soient commis par ses subordonnés. Il n'a donné

 14   aucun ordre spécifique interdisant des crimes avant l'opération et

 15   confronté aux crimes très courants qui ont été commis pendant l'opération,

 16   par exemple, à Grubori et Ramljane. Il a manqué à son devoir d'émettre un

 17   ordre pour prévenir ces crimes. P556 et 557.

 18   Il a déployé des membres de la police spéciale qui avaient une tendance à

 19   la violence en dépit des avertissements qui lui avaient été prodigués par

 20   ses commandants subordonnés. En agissant de la sorte, sans tenir compte de

 21   ces alertes, il n'a pas pu prévenir que d'autres crimes ne soient commis.

 22   Par exemple, il avait été averti des crimes commis à Grubori le 25 août, et

 23   il savait que ces mêmes unités allaient être déployées le lendemain même

 24   pendant le cours de l'opération. Le fait de ne pas retirer ces unités

 25   immédiatement, ou au moins le soir du 25 ou le matin du 26 avant le

 26   commencement de l'opération de la journée, a fait que les mêmes unités ont

 27   commis les mêmes crimes le 26.

 28   Il n'a pas su prévenir les crimes du 26 à cause du fait qu'il n'a pas

Page 17470

  1   agit sur la fois de ce qui était arrivé déjà le 25, à savoir les crimes

  2   commis dans la zone de Grubori.

  3   Le général Markac n'a pas pris les mesures raisonnables et nécessaires pour

  4   punir les crimes de ses subordonnées. Les témoins Janic et Turkalj ont

  5   témoigné qu'aucun membre de la police spéciale n'a fait l'objet d'une

  6   enquête ni de sanction pour les crimes commis pendant ou après l'opération

  7   Tempête.

  8   Aucune autorité n'a mené enquête sur l'incident de Grubori, ni la

  9   police spéciale ni la police civile. Au lieu d'être punis, les membres de

 10   la police spéciale qui ont participé à l'opération Tempête, y compris ceux

 11   qui ont commis des crimes, tous ces personnages ont reçu des médailles, et

 12   en particulier le membre de la police spéciale qui avait dit au général

 13   Markac qu'il avait incendié des maisons le 26 août. Franjo Drljo, qui a

 14   fait l'objet d'une promotion -- P1237, page 4.

 15    Si par l'impossible le général Markac n'est pas considéré comme ayant

 16   participé à l'entreprise criminelle commune, les moyens de preuve présentés

 17   devant la Chambre feront qu'il sera considéré qu'il était responsable du

 18   point de vue pénal en vertu de l'article 7(1) pour l'avoir ordonné, aidé et

 19   encouragé à la commission de crimes qui ont fait l'objet de l'acte

 20   d'accusation.

 21   En conclusion, l'Accusation prétend qu'elle a présenté suffisamment

 22   d'éléments de preuve, et que la Chambre pourra trouver que le général Ante

 23   Gotovina, Ivan Cermak, et Mladen Markac sont effectivement coupables des

 24   faits qui leur sont reprochés dans l'acte d'accusation.

 25   C'est la conclusion de la présentation des moyens de l'Accusation.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Mahindaratne.

 27   Pour être tout à fait équitable, vous avez utilisé trois heures et 45

 28   minutes, et donc théoriquement il resterait 15 minutes, mais j'imagine que

Page 17471

  1   vous en êtes arrivée au terme de votre présentation, donc vous n'allez pas

  2   utiliser davantage de minutes.

  3   M. TIEGER : [interprétation] En effet, c'est un petit peu dommage que nous

  4   n'ayons pas reçu cette information un peu plus tôt, parce que je pense que

  5   certains des participants se sentaient sous la pression du temps

  6   aujourd'hui, mais enfin ce n'est pas la peine de revenir sur nos

  7   présentations néanmoins.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Demain, la Défense aura trois fois une

  9   heure pour présenter d'autres arguments. Nous n'allons pas commencer à 2

 10   heures 15 demain, mais plutôt à 2 heures 30. Il y a une séance plénière

 11   prévue jusqu'à 14 heures 30. C'est pour cela que nous allons commencer avec

 12   du retard, mais j'imagine ce -- néanmoins qu'avec trois heures demain, vous

 13   en aurez assez. M. Tieger pourrait ensuite se prononcer pour l'Accusation,

 14   et en particulier les dernières observations mercredi.

 15   Nous allons lever l'audience jusqu'à demain, jusqu'à mardi 24 mars, salle

 16   d'audience numéro I, 14 heures 30.

 17   --- L'audience est levée à 13 heures 45 et reprendra le mardi 24 mars

 18   2009, à 14 heures 30.

 19  

 20  

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