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1 Le vendredi 3 avril 2009
2 [Audience de Règle 98 bis]
3 [Audience publique]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous dans cette salle
7 d'audience et autour de la salle d'audience.
8 Monsieur le Greffier, pourriez-vous, s'il vous plaît, appeler l'affaire
9 inscrite au rôle.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame et
11 Monsieur les Juges. C'est l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre Ante
12 Gotovina et consorts.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
14 Notre ordre du jour est aujourd'hui de rendre une décision au titre de
15 l'article 98 bis et de cette procédure, donc il y a un certain nombre de
16 questions procédurales qui ne sont pas très importantes dont il faudra
17 traiter après que j'aie lu la décision de la Chambre.
18 La Chambre rend maintenant sa décision 98 bis.
19 La Chambre a entendu les arguments oraux de la Défense et de l'Accusation
20 les 19, 20 et jusqu'au 25 mars 2009. Parvenant à sa décision, la Chambre a
21 pris en considération tous les arguments présentés par les parties.
22 La Chambre donne d'abord un bref résumé de ces arguments.
23 La Défense des trois accusés a demandé que soit prononcé un jugement
24 d'acquittement sur tous les chefs d'accusation. La Défense de Gotovina a
25 fait valoir qu'en ce qui concerne le chef d'accusation 1, persécution, il
26 n'était pas prouvé qu'une opération ait constitué une attaque
27 discriminatoire et illicite contre la population civile serbe par
28 l'opération Tempête. Elle a également fait valoir que les chefs
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1 d'accusation 1 à 3 devront être rejetés, parce que l'Accusation n'avait pas
2 démontré que les tirs d'artillerie qui ont eu lieu, qu'ils soient licites
3 ou non, aient été la cause de la fuite de la population civile. La Défense
4 de Gotovina a également fait valoir que les chefs d'accusation 4 à 9
5 devaient être rejetés, parce qu'on n'avait pas rapporté la preuve que M.
6 Gotovina ait eu l'intention de commettre des crimes contre l'humanité ou
7 des crimes de guerre par meurtre ou assassinat, actes inhumains,
8 destruction, pillage de biens ou qu'il ait apporté une contribution
9 significative à la commission de tels crimes. Elle a ajouté qu'il n'y avait
10 pas de preuve, directe ou indirecte à l'appui de la théorie de
11 l'Accusation, qu'il existait une entreprise criminelle commune.
12 Pour ce qui est de la responsabilité telle qu'elle est prévue au paragraphe
13 3 de l'article 7 du Statut, la Défense de Gotovina a fait valoir qu'il n'y
14 avait aucun élément de preuve qui puisse étayer la théorie de l'Accusation
15 selon laquelle Gotovina n'aurait pas pris les mesures nécessaires et
16 raisonnables pour prévenir ou punir les crimes commis par ses subordonnés.
17 La Défense de Gotovina a en outre fait valoir que la Chambre ne devait pas
18 se voir empêchée de rejeter certains éléments d'un chef d'accusation, même
19 si le chef d'accusation pouvait être maintenu.
20 La Défense de Cermak a affirmé que M. Cermak n'avait eu aucune fonction
21 opérationnelle dans le cadre des structures militaires croates ni n'avait
22 eu de rôle opérationnel en ce qui concernait la police civile et qu'il
23 n'avait, par conséquent, de facto, aucun contrôle effectif de telles
24 structures et que l'Accusation n'avait présenté aucune preuve pour réfuter
25 ces affirmations.
26 La Défense de Cermak a également fait valoir que l'autorité de M. Cermak
27 pour punir des membres de l'armée croate se limite à ses propres
28 subordonnés, il en avait très peu, et qu'il n'y avait aucune preuve qu'ils
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1 aient commis des crimes tels que décrits en l'acte d'accusation. La Défense
2 de Cermak a, par conséquent, fait valoir que M. Cermak ne pouvait pas être
3 tenu pour responsable au titre d'une responsabilité au titre du
4 commandement. La Défense de Cermak a également fait valoir que les éléments
5 de preuve ne démontraient pas, au-delà d'un doute raisonnable, l'existence
6 d'une entreprise criminelle et a adopté les conclusions de la Défense de
7 Gotovina à cet égard; faisant valoir que les éléments de preuve
8 permettaient également de déduire raisonnablement des faits, qu'il y ait de
9 vengeance par la population civile ou de militaires pris individuellement
10 ou peut-être de quelques militaires pris en groupes. Sur la base de ces
11 conclusions, la Défense de Cermak a fait valoir que les éléments de preuve
12 soulevaient un doute raisonnable sur la question de savoir s'il existait ou
13 non une entreprise criminelle commune dans laquelle M. Cermak aurait
14 participé.
15 La Défense de Markac a fait valoir, en ce qui concerne le chef d'accusation
16 1, qu'il n'y avait aucune preuve que M. Markac ait eu une intention
17 discriminatoire à l'égard de la population civile serbe sur la base de leur
18 origine ethnique. En ce qui concerne les chefs d'accusation 2 et 3, elle a
19 soutenu qu'il n'y avait pas de preuve à l'appui de l'allégation selon
20 laquelle la population civile avait pris la fuite en raison des tirs
21 d'artillerie illicites ou tout autre acte illicite effectué par la police
22 spéciale. La Défense de Markac a, en outre, fait valoir qu'il n'y avait pas
23 de preuve que M. Markac ait participé à une entreprise criminelle commune
24 ayant pour objectif de chasser de façon permanente la population serbe de
25 la Krajina en lançant des attaques d'artillerie à une grande échelle et de
26 façon indiscriminée ou par tout autre moyen.
27 Enfin, la Défense de Markac a fait valoir qu'il n'y avait pas de preuve que
28 M. Markac ait eu une possibilité quelconque d'empêcher ou même d'enquêter
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1 ou même de poursuivre des crimes.
2 L'Accusation a plaidé qu'elle avait présenté les éléments de preuve
3 suffisants pour chacun des chefs d'accusation et chacun des modes de
4 responsabilité allégués dans l'acte d'accusation. L'Accusation a dit, en
5 particulier, que les éléments de preuve démontraient que les dirigeants
6 croates, y compris le président Tudjman, voulaient que les Serbes quittent
7 la Croatie et ils ont pris un certain nombre de mesures pour s'assurer
8 qu'ils partiraient effectivement et ne reviendraient pas. Ces mesures
9 avaient compris des attaques illicites et la création d'un environnement
10 hostile pour tout Serbe qui resterait en Krajina, notamment en ayant
11 recours à des destructions de biens systématiques et étendues, du pillage,
12 du harcèlement, d'intimidation et du meurtre par des forces croates et par
13 la police spéciale croate.
14 L'Accusation a soutenu que chacun des accusés avait contribué, de
15 façon substantielle, à l'objectif qui était de chasser de façon permanente
16 des Serbes de la Krajina et qu'ils avaient partagé cet objectif.
17 L'Accusation a également soutenu que chacun des trois accusés exerçait un
18 contrôle effectivement sur l'une ou l'autre des différentes forces armées
19 croates, police civile ou police spéciale, tel qu'il opérait dans le
20 secteur visé par l'acte d'accusation au cours de la période couverte par
21 cet acte; que chacun des accusés avait connaissance des crimes commis par
22 des membres des unités en question; et que chacun d'entre eux n'a pas pris
23 les mesures pour prévenir cette conduite criminelle de ces membres ou pour
24 les punir de cette conduite.
25 L'article 98 bis du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal prévoit
26 ceci, je cite :
27 "A la fin de la présentation des moyens à charge, la Chambre de
28 première instance doit, par décision orale et après avoir entendu les
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1 arguments oraux des parties, prononcer l'acquittement de tout chef
2 d'accusation pour lequel il n'y a pas d'élément de preuve susceptible de
3 justifier une condamnation."
4 D'après la jurisprudence du Tribunal, la Chambre doit examiner s'il
5 existe des éléments de preuve sur lesquels un juge raisonnable des faits
6 pourrait se convaincre, au-delà d'un doute raisonnable, de la culpabilité
7 de l'accusé. En conséquence, si une Chambre composée du juge raisonnable
8 peut se satisfaire, au-delà d'un doute raisonnable, de la culpabilité de
9 l'accusé sur la base d'élément de preuve présenté pour un chef
10 d'accusation, à ce moment-là, ce chef d'accusation doit être maintenu. Il
11 faut qu'il y ait des éléments de preuve suffisants pour chacun des éléments
12 constitutifs du crime allégué et pour chacune des responsabilités. Ce
13 critère ne serait pas satisfait s'il n'y avait pas d'élément de preuve ou
14 si aucune chambre raisonnable ne pouvait croire les éléments de preuve
15 présentés. A ce stade, les moyens à charge doivent se voir accorder la
16 valeur maximale. La Chambre ne doit pas prendre considération la
17 crédibilité et la fiabilité d'un témoin, sauf si aucune Chambre raisonnable
18 ne puisse estimer qu'il était crédible ou fiable.
19 Qu'en au droit applicable, la Défense de Gotovina a soutenu que le
20 nouvel article 98 bis modifié ne peut pas s'appliquer en raison de
21 l'article 6(D) du Règlement de procédure et de preuve et le fait que le
22 procès contre M. Gotovina a commencé depuis la confirmation de l'acte
23 d'accusation en 2001. La Chambre rappelle que l'article 98 bis a été
24 modifié en décembre 2004 et que le procès contre M. Gotovina a commencé en
25 mars 2008. De plus, M. Gotovina n'a été appréhendé qu'en décembre 2005.
26 L'article 98 bis est une Règle de procédure, c'est un corollaire du
27 droit pour un accusé de ne pas être reconnu coupable ou d'être présumé
28 innocent jusqu'à ce qu'il ait été prouvé qu'il était coupable. Il existe
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1 des règles de ce genre, des voies de procédure dans des différentes
2 situations qui donnent effet à ce droit et ne sont pas nécessairement
3 limitées au stade de la conclusion de moyens à charge. Le fait de limiter
4 les décisions au titre de l'article 98 bis avait pour but de faciliter la
5 procédure dans l'intérêt de l'économie judiciaire en modifiant la procédure
6 d'une procédure écrite à une procédure orale et en se centrant plus
7 particulièrement sur le chef d'accusation que sur les charges figurant à
8 l'acte d'accusation. La modification de cet article excluait, ceci ne
9 préjuge pas la possibilité de présumer un accusé innocent jusqu'à ce qu'il
10 était responsable. Finalement il sera donné effet à ce droit dans le
11 jugement écrit final.
12 La Chambre note que le fait que l'Accusation n'ait pas pu présenter
13 d'éléments de preuve concernant les charges prises séparément a un effet
14 dans la procédure qui suivra. Aux fins de la préparation et de la
15 présentation de ces éléments de preuve, la Défense se trouve dans une
16 situation où les charges ne sont pas étayées et n'a pas à répondre de ces
17 chefs.
18 La Chambre fournit maintenant un résumé de l'acte d'accusation.
19 L'acte d'accusation contre Ante Gotovina, Ivan Cermak et Mladen
20 Markac comprennent neuf chefs d'accusation pour des crimes qui auraient été
21 commis depuis tout au moins le mois de juillet 1995 jusqu'au 30 septembre
22 1995, dans les municipalités suivantes de la région de la Krajina en
23 Croatie : Benkovac, Civljane, Donji Lapac, Drnis, Ervenik, Gracac,
24 Kistanje, Knin, Lisane, Ostrovicke, Lisicic, Nadvode, Obrovac, Oklaj et
25 Orlic.
26 La période couverte par l'acte d'accusation comprend l'opération
27 Tempête, qui aurait duré du 4 au 7 août 1995, et pendant laquelle les
28 forces croates ont pris le contrôle de la partie méridionale de la Krajina.
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1 D'après l'acte d'accusation à l'époque, M. Gotovina était le commandant de
2 la région militaire de Split pour l'armée croate et le commandant
3 opérationnel de l'ensemble de l'opération Tempête.
4 M. Cermak a été désigné comme commandant de la garnison de Knin le 5
5 août 1995 et il est resté à ce poste tout au long de la période couverte
6 par l'acte d'accusation.
7 M. Markac était commandant de la police spéciale, dont certains
8 membres ont participé à l'opération Tempête et aux actions qui l'ont
9 suivie.
10 Les trois premiers chefs d'accusation visent les persécutions,
11 expulsions et transferts forcés en tant que crimes contre l'humanité. Les
12 quatrième et cinquième chef d'accusation visent les crimes de guerre de
13 pillage et destruction de biens. Les chefs d'accusation 6 et 7 visent
14 l'assassinat et le meurtre, d'une part en tant que crime contre l'humanité,
15 et d'autre part en tant que crime de guerre, et les deux derniers chefs
16 d'accusation visent le crime contre l'humanité, à savoir des actes
17 inhumains et le crime de traitement cruel en tant que crime de guerre.
18 L'acte d'accusation énonce que les accusés ainsi que d'autres ont participé
19 à une entreprise criminelle commune de façon à chasser de façon permanente
20 des Serbes de la Krajina, en commettant des crimes ou en commettant des
21 crimes pour lesquels il était prévu que ceci aurait lieu. L'acte
22 d'accusation reproche également à l'accusé d'avoir commis, planifié,
23 instigué, ordonné et aidé ou encouragé des crimes reprochés. Enfin l'acte
24 d'accusation reproche à nos accusés la responsabilité qui s'attache aux
25 supérieurs pour des actes et omissions commis par leurs subordonnés en
26 n'ayant pas empêché ou prévenu les crimes ou en n'ayant pas puni leurs
27 auteurs.
28 Dans sa qualification juridique, la Chambre a adopté et appliqué la
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1 jurisprudence constante du Tribunal pour ce qui est de la définition des
2 éléments des crimes et des modes de responsabilité tels que reprochés en
3 l'espèce. Dans la présente décision, la Chambre n'examinera de façon plus
4 particulière le droit que compte tenu des arguments des parties, cela
5 serait nécessaire pour expliquer les conclusions de la Chambre.
6 La quantité d'éléments de preuve présentés à la Chambre et les
7 caractéristiques de la procédure de l'article 98 bis ne permettent pas de
8 procéder à un examen complet des éléments de preuve dans la présente
9 décision. La Chambre a pris en considération, toutefois, les éléments de
10 preuve dans leur intégralité. Les preuves précises auxquelles la Chambre se
11 référera dans sa décision constituent purement une sélection de ce qu'elle
12 a pris en considération.
13 En ce qui concerne les crimes reprochés, la Chambre a vérifié si les
14 éléments de preuve traitaient bien de tous les éléments relatifs à chacun
15 des crimes. De même, la Chambre a vérifié si les éléments de preuve
16 contenaient bien toutes les conditions de la responsabilité criminelle
17 telle qu'elle a été reprochée à chacun des accusés. Enfin, la Chambre a
18 vérifié si les moyens à charge, en leur accordant le poids maximum,
19 auraient pu conduire un juge raisonnable des faits à conclure, au-delà d'un
20 doute raisonnable, à la fois qu'un crime avait eu lieu et que les accusés
21 en étaient pénalement responsables. Toutes les constatations de fait qui
22 suivent ont été effectuées en suivant les critères en matière de preuve
23 nécessaires aux décisions de l'article 98 bis du Règlement et ne préjugent
24 nullement les décisions qui seront prises par la Chambre dans le jugement
25 qu'elle rendra par écrit par la suite.
26 La Chambre examine d'abord les faits incriminés tels qu'allégués dans les
27 chefs d'accusation 1 à 9, pour déterminer s'il existe suffisamment de
28 preuves en ce qui concerne chacun des éléments de ces crimes qui pourraient
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1 lui permettre de conclure que ces chefs d'accusation devaient être
2 maintenus. La Chambre passe ensuite à la question de la responsabilité
3 criminelle individuelle pour chacun des trois accusés.
4 La Chambre examine d'abord les éléments généraux qui doivent être prouvés,
5 point de vue juridictionnel, au titre des articles 3 et 5 du Statut du
6 Tribunal. Les preuves existent qu'il y a eu une opération militaire de
7 grande envergure. L'opération Tempête, qui a commencé vers 5 heures du
8 matin le 4 août 1995, à laquelle participaient les forces croates et les
9 forces serbes de l'armée de la République serbe de Krajina. La
10 jurisprudence pose qu'un conflit armé existe, et je cite :
11 "Jusqu'à ce qu'il soit parvenu à une conclusion de la paix générale; ou,
12 dans le cas de conflits internes, à un règlement pacifique."
13 Remarquant l'absence d'éléments de preuve en ce qui concerne le fait de
14 participer à une conclusion générale d'une paix ou de réaliser un règlement
15 pacifique au cours de la période couverte par l'acte d'accusation, la
16 Chambre est convaincue qu'il existe suffisamment d'éléments pour dire qu'un
17 conflit armé a commencé, au plus tard, à 5 heures du matin le 4 août 1995
18 et que ce conflit s'est poursuivi tout au long de la période couverte par
19 l'acte d'accusation, et ceci, dans l'ensemble de la zone géographique
20 couverte par l'acte d'accusation.
21 En ce qui concerne l'élément relatif à une attaque systématique et étendue
22 contre une population civile, la Défense de Gotovina s'est centrée dans ses
23 arguments sur les attaques d'artillerie au cours de l'opération Tempête.
24 Mais l'acte d'accusation adopte une approche plus vaste à cette question en
25 énonçant que tous les crimes reprochés ont eu lieu dans le cadre d'une
26 attaque systématique et étendue contre la population civile serbe de la
27 Krajina méridionale. La Chambre a reçu des éléments de preuve concernant de
28 nombreux incidents dans lesquels des personnes auraient pris possession de
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1 maisons ou auraient brûlé des maisons dans de nombreux villages au cours de
2 la période en question. Philip Berikoff, par exemple, s'est rendu dans
3 toute la Krajina à la suite de l'opération Tempête et jusqu'au début du
4 mois de septembre 1995. Il a attesté qu'il avait observé un grand nombre de
5 maisons brûlées ou en feu, de bétail mort et de champs qui brûlaient dans
6 le secteur. Il a également dit dans sa déposition qu'il avait observé des
7 groupes de soldats croates allant de maison en maison dans divers villages
8 et y prenant des biens ou du bétail qu'ils ont chargés sur des camions,
9 après quoi, les maisons en question sont parties en flammes. D'après
10 Berikoff, il a observé à plusieurs reprises qu'il y avait des policiers qui
11 organisaient la circulation autour de ces camions et qui apposaient des
12 marques. Sa déposition indique à quel point ces maisons en feu étaient
13 visibles, ainsi que les champs, depuis les routes sur lesquelles il
14 circulait. Les témoins suivants ont également attesté de pillages par des
15 membres des forces croates : Lennart Widen, en ce qui concerne le pillage à
16 Knin le 6 août 1995; Herman Steenbergen, en ce qui concerne des pillages à
17 Gracac le 6 août 1995 et pendant les semaines qui ont suivi; Kari Anttila,
18 en ce qui concerne les pillages à Palanka dans la municipalité de Gracac le
19 18 août 1995; le Témoin 69, en ce qui concerne des pillages à Zagrovic dans
20 la municipalité de Knin aux environs du 11 août 1995; et Petar Colovic,
21 pour ce qui est de pillages dans la municipalité de Colovici en d'Orlic
22 quelques jours après le 5 août 1995.
23 En examinant les éléments généraux des crimes contre l'humanité, la Chambre
24 a également considéré les incidents d'expulsion, de transfert forcé, de
25 meurtre ou assassinat, de traitement inhumain, de destruction et de
26 pillage. Les éléments relatifs à ces crimes seront examinés brièvement
27 lorsqu'il y aura discussion des chacun des chefs d'accusation de l'acte
28 d'accusation.
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1 Les exemples cités, ainsi que d'autres preuves prises en compte par la
2 Chambre de première instance, indiquent que les cibles de ces crimes ne
3 correspondaient pas seulement à un nombre limité et choisi de façon
4 aléatoire d'individus. Plutôt, après avoir examiné le nombre d'incidents,
5 le caractère même de ces incidents, ainsi que l'âge et l'appartenance
6 ethnique des personnes auxquelles ont a fait subir les crimes, fournissent
7 un fondement suffisant et permettent d'établir qu'il y a eu une attaque et
8 que cette attaque était dirigée contre la population civile serbe de la
9 partie sud de la Krajina.
10 La Chambre de première instance conclut qu'il y a suffisamment de preuves
11 pour établir qu'à ce stade de la procédure, à la fois qu'il y avait une
12 attaque généralisée contre la population serbe de la partie sud de la
13 Krajina, et que les auteurs devaient savoir que leurs actes faisaient
14 partie de cette attaque.
15 La Chambre de première instance va maintenant aborder chaque chef de l'acte
16 d'accusation.
17 Il y a des preuves à l'appui de meurtre commis pendant la période couverte
18 par l'acte d'accusation, et le secteur couvert par l'acte d'accusation. Par
19 exemple, Mile Djuric a dit dans son témoignage, le 6 août en 1995, dans le
20 village de Plavno, dans la municipalité de Knin, des soldats ont détenu et
21 ont ensuite jeté son père handicapé, Sava Djuric, dans un atelier en
22 flammes après avoir fermé la porte à clé. La Chambre de première instance a
23 admis au dossier l'acte de décès de Sava Djuric.
24 De surcroît, la Chambre de première instance a entendu le témoignage de
25 Vesela Damjanic sur le meurtre de son mari, Lazo Damjanic, le 6 août 1995,
26 à Vrbnik dans la municipalité d'Orlic. Vesela Damjanic a déclaré que des
27 soldats se sont approchés de sa maison ce jour-là et ont emmené son mari.
28 Elle a entendu les soldats menacer son mari et, peu de temps après, le
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1 témoin a entendu des coups de feu qui venaient de la direction où son mari
2 avait été emmené. Lazo Damjanic n'est jamais rentré chez lui et, le 8 août
3 1995, les deux mêmes soldats qui avaient emmené son mari sont passés devant
4 sa maison et ont dit à Vesela Damjanic qu'elle ne reverrait plus jamais son
5 mari en vie. Des membres de la famille du témoin ont quitté la maison à la
6 recherche du corps de Lazo Damjanic et ont dit au témoin lors de leur
7 retour qu'ils l'avaient trouvé.
8 La Chambre de première instance a également entendu des preuves sur les
9 meurtres commis à Grubori, dans ce hameau, dans le village de Plavno, dans
10 la municipalité de Knin, le 25 août 1995. Jovan Grubor a dit dans sa
11 déposition que ce matin-là, il a vu trois groupes de soldats en uniforme de
12 camouflage qui marchaient sur la route goudronnée en direction de Grubori
13 et que, plus tard, lorsqu'il est arrivé à Grubori, de nombreuses maisons
14 étaient en flammes. Il a également dit dans son témoignage avoir vu le
15 corps de Jovo Grubor, dont la gorge avait été tranchée et dont le corps
16 avait été poignardé à maintes reprises. Il a en outre dit dans sa
17 déposition qu'il a pu voir les corps de Milica Grubor, Djuro Karanovic et
18 Milos Grubor. De plus, il y a des témoignages, ainsi que des preuves
19 documentaires, qui précisent que ces incidents étaient l'œuvre de l'unité
20 de Lucko de la police spéciale croate lors d'une opération de ratissage,
21 suite à l'opération Tempête. A cet égard, la Chambre de première instance
22 se réfère plus particulièrement au témoignage Josip Celic, Zdravko Janic et
23 Josip Turkalj.
24 Ces preuves répondent à tous les éléments constitutifs de meurtre, ainsi
25 qu'aux conditions que les victimes n'ont pas participé de façon active aux
26 hostilités à l'époque, et que ces actes sont en corrélation étroite avec le
27 conflit armé. La Chambre de première instance conclut qu'il y a
28 suffisamment de preuves de meurtre pour que les chefs 6 et 7 soient
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1 retenus. Comme cela a été indiqué plutôt, la Chambre de première instance
2 reviendra sur la question de savoir si aucun ou tous les accusés sont
3 responsables individuellement et pénalement de meurtre.
4 Il y a des preuves de la commission d'actes inhumains et de traitement
5 cruel dans le sillage de l'opération Tempête. Par exemple, Bogdan Brkic a
6 déclaré qu'à un moment donné, entre l'opération Tempête et le 12 août 1995,
7 des soldats croates armés et en uniforme l'ont attaché à un arbre à
8 Palanka, dans la municipalité de Gracac. Ils ont ensuite placé un costume à
9 ses pieds et y ont mis le feu. Malgré la douleur, il a réussi à donner un
10 coup de pied dedans. Les soldats lui ont également dit qu'ils avaient tué
11 son voisin.
12 Un autre exemple de Draginja Urukalo, une femme âgée de 73 ans à l'époque,
13 qui a déclaré que les soldats croates sont venus dans son village aux
14 premières heures du matin au mois d'août 1995. Après avoir brisé certains
15 de ses objets personnels, tiré sur sa maison, et l'appelant une "putain
16 chetnik" les soldats l'ont obligée à se dévêtir et, en sous-vêtements, elle
17 a dû jouer au basket-ball avec son voisin âgé. La Chambre de première
18 instance a également entendu le témoignage de Vesela Damjanic, qui a dit
19 dans sa déposition que vers le 16 août 1995, elle a vu trois soldats qui
20 criaient après Djurdija Amanovic, une femme âgée à mobilité réduite. Les
21 soldats se querellaient également pour savoir s'ils devaient la brûler.
22 Après le départ des soldats, Djurdija Amanovic a dit à Vesela Damjanic que
23 les soldats avaient effectivement tenté de la brûler et qu'ils avaient
24 accusé ses fils d'être des Chetniks.
25 Ces preuves répondent à tous les éléments constitutifs d'actes inhumains et
26 de traitements cruels, ainsi qu'aux conditions que les victimes ne
27 participaient pas de façon active aux hostilités au moment où ces crimes
28 ont été commis et que ces actes sont en corrélation étroite avec le conflit
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1 armé. La Chambre conclut qu'il y a suffisamment de preuves d'actes
2 inhumains et de traitement cruel pour que les chefs 8 et 9 soient retenus.
3 Il y a des preuves de pillage qui se sont déroulés dans le secteur et la
4 période couverte par l'acte d'accusation. La Chambre de première instance a
5 déjà fait référence à certaines de ces preuves lorsqu'elle a évoqué la
6 question des éléments généraux constitutifs de crimes contre l'humanité.
7 Par exemple, Lennart Widen a dit dans sa déposition qu'à Knin, le 6 août
8 1995, il a remarqué qu'un bon nombre de magasins et appartements avaient
9 été saccagés, qu'il y avait des soldats croates de la Brigade Puma et de la
10 police civile qui emportaient des objets tels que des postes de télévision,
11 des magnétoscopes, des meubles, à bord de véhicules militaires, qui avaient
12 été chargés auparavant de tels objets en partance pour Knin. Les éléments
13 de preuve répondent aux éléments constitutifs de pillage ainsi qu'aux
14 conditions que le pillage a des conséquences graves pour les victimes et
15 qu'il soit étroitement lié au conflit armé. La Chambre conclut qu'il y a
16 suffisamment de preuves de pillage pour que le chef 4 puisse être retenu.
17 La Chambre a également entendu des éléments de preuve sur la destruction à
18 grande échelle de maisons et de villages entiers dans le secteur couvert
19 par l'acte d'accusation. Par exemple, plusieurs témoins ont dit dans leur
20 déposition que le 25 août 1995, de nombreuses maisons ont été incendiées et
21 que le cheptel a été tué dans le hameau de Grubori, dans le village de
22 Plavno, dans la municipalité de Knin. La Chambre a également entendu des
23 preuves en image, par exemple la pièce P874, qui montre la destruction du
24 hameau. Comme cela a été précisé plus haut, il y a des témoignages ainsi
25 que des preuves documentaires qui indiquent que ces actions ont été menées
26 par l'unité de Lucko de la police spéciale croate.
27 Un certain nombre de témoins qui travaillaient pour des organisations
28 internationales ont également parlé de destruction à grande échelle de
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1 biens qu'ils ont pu remarquer sur l'ensemble de la région couverte par
2 l'acte d'accusation. Par exemple, Laila Malm, Philip Berikoff et Alun
3 Roberts ont parlé des incendies très nombreux de maisons dans différents
4 villages, dans la municipalité de Kistanje. Les éléments indiquent que
5 certains de ces actes avaient été commis par les soldats croates. La pièce
6 P707 et P709 contiennent des photographies de la destruction de Knin,
7 Kistanje et Gracac.
8 La pièce P754, P756 et P757 sont des vidéos qui montrent la destruction à
9 grande échelle de Kistanje et d'autres villages de la région.
10 Un autre exemple a été fourni par la séquence vidéo de UNTV, versée au
11 dossier sous la cote P26. Normand Boucher a dit dans sa déposition avoir vu
12 des soldats prendre des bombonnes d'un camion et les amener en direction de
13 maisons du village de Kosovo sur la route entre Knin et Drnis. Lorsque
14 Boucher est retourné quelques heures plus tard, les maisons et les champs
15 de culture contigus étaient en flammes.
16 Les éléments de preuve reprennent tous les éléments constitutifs de crimes
17 de guerre et de destruction sans motif et répondent aux conditions que ces
18 actions avaient un lien étroit avec le conflit armé. La Chambre de première
19 instance conclut qu'il y a suffisamment de preuves de destruction pour que
20 le chef 5 soit retenu.
21 Il y a des preuves d'expulsion et de transfert forcé de Serbes à
22 l'extérieur de la Krajina pendant la période couverte par l'acte
23 d'accusation. Par exemple, Marija Vecerina, une femme serbe, a parlé des
24 conditions et d'une série d'événements qui ont débuté le 5 août 1995 et
25 qui, pour finir, l'ont conduite à quitter la Krajina, elle ainsi que
26 certains membres de sa famille, en direction de la Serbie le 16 septembre
27 1995. Ces conditions notamment étaient telles qu'elle avait été détenue à
28 différents endroits à Knin et à Zadar entre le 6 août et le 16 septembre
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1 1995 et ils ont fait l'objet d'autres traitements coercitifs et intimidants
2 de la part des soldats croates et de la police civile croate.
3 Mira Grubor dans son témoignage a indiqué que le 5 août 1995, lorsque les
4 forces croates sont entrées dans la ville, elle a fui en direction de
5 l'enceinte des Nations Unies à Knin où elle est restée jusqu'au 16
6 septembre 1995, lorsqu'elle, ainsi que d'autres personnes, ont été
7 transportées à bord d'autocars en direction de la Serbie. Avant d'avoir le
8 droit de monter à bord des autobus et de quitter l'enceinte, cependant, des
9 personnes qui, d'après Mira Grubor, devaient rendre des comptes aux
10 autorités croates lui ont demandé de signer un document qui déclarait
11 qu'ils avaient été traités de façon humaine et qu'ils souhaitaient quitter
12 la Croatie en direction de la Serbie de leur plein gré.
13 Une autre femme serbe, le Témoin numéro 3, a parlé dans son témoignage de
14 ce qu'elle a vécu, qui était très proche de ce qu'a vécu Mira Grubor. Elle
15 a déclaré qu'elle était restée dans l'enceinte des Nations Unies à Knin
16 pendant 40 jours, à partir du 6 août 1995 et que quelques jours avant le 16
17 septembre 1995, des personnes inconnues lui ont dit qu'elle devait signer
18 un formulaire qui déclarait qu'elle quittait la Croatie de son plein gré si
19 elle voulait quitter l'enceinte des Nations Unies. Elle a signé le
20 formulaire pour pouvoir quitter le camp mais a indiqué dans son témoignage
21 qu'elle ne quittait pas la Croatie de son plein gré. La Chambre a admis de
22 tels formulaires au dossier sous la cote P55 et P57. Le Témoin numéro 3 a
23 quitté l'enceinte des Nations Unies à bord d'un convoi d'autocars aux
24 premières heures du matin le 16 septembre 1995 et est arrivée dans la
25 République fédérale de Yougoslavie le lendemain.
26 D'autres témoins, notamment Mirko Ognjenovic, a également dit dans sa
27 déposition avoir quitté la Croatie, avoir quitté l'enceinte des Nations
28 Unies à bord d'un convoi d'autobus à la mi-septembre 1995.
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1 Un rapport du secrétaire national des Nations Unies daté du 23 août 1995,
2 admis sous la cote D90, déclare qu'il y avait un exode massif de la
3 population serbe de la Krajina qui a provoqué une crise humanitaire,
4 puisqu'il ne restait que 3 500 Serbes dans le secteur nord, et 2 000 Serbes
5 dans le secteur sud, ce qui représentait un pourcentage infime de la
6 population serbe de l'ancienne Krajina.
7 Les preuves répondent aux éléments constitutifs des crimes contre
8 l'humanité, d'expulsion et de transfert forcé. La Chambre conclut qu'il y a
9 suffisamment de preuves de ces crimes pour que les chefs 2 et 3 soient
10 retenus.
11 Les crimes évoqués plus haut constituent également quelques-uns des actes
12 sous-jacents de persécution allégués au chef 1 de l'acte d'accusation. Il y
13 a des preuves qui indiquent que certains de ces actes ont été commis dans
14 le cadre du crime de persécution contre les Serbes de Krajina. Par exemple,
15 Smiljana Mirkovic a déclaré que le 12 août 1995, à Polaca dans la
16 municipalité de Knin, un soldat a tiré et a tué Djurdija Mirkovic tout en
17 maudissant leurs mères serbes. Des propos discriminatoires semblables ont
18 été tenus par les auteurs d'autres crimes pour lesquels la Chambre de
19 première instance a admis des éléments de preuve. Par exemple, Petar
20 Colovic a déclaré que lorsque les soldats croates sont entrés dans son
21 village dans la municipalité d'Orlic, quelques jours après le 5 août 1995,
22 les soldats ont emporté des effets personnels et des cheptels du témoin et
23 un des soldats a également maudit la mère du témoin en l'appelant une
24 Chetnik. Mira Grugor dit dans sa déposition qu'alors qu'elle se trouvait
25 dans l'enceinte des Nations Unies entre le 5 août et le 16 septembre 1995,
26 elle a entendu des soldats à l'extérieur qui hurlaient des expressions
27 comme "sortez de là, garces chetniks" et autres expressions péjoratives.
28 Eu égard à la destruction de biens et de pillage, la Chambre de première
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1 instance a reçu le témoignage de Philip Berikoff, Peter Marti, Stig Marker
2 Hansen et par le biais de ces documents mémos de la police civile des
3 Nations Unies versés au dossier sous la pièce P228, qui précisaient que des
4 maisons à Knin et ailleurs étaient étiquetées comme croates. Le but étant
5 d'épargner ces maisons, à l'inverse des maisons non croates, de destruction
6 et de pillage, bien que ceci n'ait pas toujours été couronné de succès.
7 Les preuves répondent à tous les éléments constitutifs de crimes contre
8 l'humanité et de persécution. La Chambre conclut qu'il y a suffisamment de
9 preuves pour que le chef 1 soit retenu.
10 Bien que la Défense de Gotovina ait estimé qu'il faille rejeter le chef 1
11 dans son intégralité, elle a également demandé à la Chambre de première
12 instance de rejeter à défaut le chef 1, en particulier, l'acte sous-jacent
13 d'actes illicites des civils et des biens appartenant à des civils. Comme
14 nous l'avons précisé plus tôt, l'article 98 bis tel que modifié au mois de
15 décembre 2004, prévoit un examen des éléments de preuve au niveau de chaque
16 chef en particulier et non pas au niveau de charges spécifiques. La Chambre
17 estime que les éléments de preuve présentés sont suffisants eu égard à
18 certains actes sous-jacents de persécution, le chef 1, par conséquent, est
19 retenu dans son intégralité.
20 La Chambre n'accepte pas non plus l'approche proposée par la Défense de
21 Gotovina de rejeter le chef en partie et rejette l'allégation de la Défense
22 de Gotovina à propos de l'applicabilité de l'exception contenue dans
23 l'article 6(d).
24 Ayant constaté qu'il existait un fondement documentaire au terme du
25 critère d'examen de la preuve de l'article 98 bis susmentionné pour les
26 crimes reprochés dans chaque chef et tous les chefs de l'acte d'accusation,
27 la Chambre se tourne maintenant vers la responsabilité de l'accusé dans ces
28 crimes.
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1 La Chambre va tout d'abord examiner les éléments à charge, eu égard
2 au mode de responsabilité par rapport à la participation à l'entreprise
3 criminelle commune. Comme cela était énoncé dans la jurisprudence du
4 Tribunal, les éléments constitutifs du mode de responsabilité sont les
5 suivants : une pluralité de personnes; un objectif commun qui correspond à
6 la participation, à la commission d'un crime tel que visé par le statut; la
7 participation des accusés à la mise en œuvre de l'objectif. La contribution
8 d'un accusé n'a pas besoin d'être substantielle ou nécessaire pour réaliser
9 l'objectif commun. Néanmoins, la contribution au crime doit être
10 significative et faire partie de l'objectif commun.
11 L'élément moral requis indique qu'il doit y avoir participation à
12 l'entreprise criminelle commune, notamment de l'accusé qui disposait d'un
13 état d'esprit commun, à savoir l'état d'esprit qui fait partie de
14 l'objectif commun aux fins de le réaliser. C'est la jurisprudence à
15 laquelle a fait référence la Chambre dans cette affaire, qui constitue la
16 première forme de responsabilité au niveau de l'entreprise criminelle
17 commune et l'Accusation a reproché aux trois accusés ce mode de
18 responsabilité eu égard aux chefs 1 à 5 de l'acte d'accusation.
19 L'Accusation a également reproché aux accusés, de surcroît et de façon
20 subsidiaire, la troisième forme de l'entreprise criminelle commune. Pour ce
21 qui est de l'élément moral, ceci exige que les crimes qui en résultent sont
22 une conséquence naturelle et prévisible de l'exécution de l'entreprise
23 criminelle commune et que les accusés en étaient conscients et ont
24 participé à cela en ayant connaissance de cela.
25 Lorsque qu'on examine les deux premiers éléments de ce mode de
26 responsabilité, la Chambre a examiné les éléments de preuve qui traitaient
27 de chacun des participants allégués en entreprise criminelle commune, pour
28 ce qui était de se mettre d'accord, de conspirer, de discuter ou d'autre
Page 17615
1 part de manifester leur existence. C'est un objectif commun. Ce qui aboutit
2 ou implique le fait d'avoir commis les crimes prévus dans le statut. La
3 Chambre a également examiné les éléments de preuve concernant la commission
4 de ces crimes dans l'acte d'accusation couvert dans la période de l'acte
5 d'accusation. Enfin, la Chambre a examiné le point de savoir si ces
6 éléments de preuve suffiraient à eux seuls ou avec d'autres, de permettre
7 de déduire s'il y avait eu un objectif commun.
8 La Chambre a reçu comme élément de preuve les enregistrements audio
9 et les minutes d'une réunion tenue entre le président Tudjman, M. Gotovina,
10 M. Markac et d'autres personnes à Brioni le 31 juillet 1995. A cet égard,
11 la Chambre a pris en considération les pièces P461 et les arguments
12 présentés par la Défense de Gotovina le 1er avril 2009, en ce qui concerne
13 la transcription et la traduction des minutes de cette réunion.
14 Au cours de la réunion, les participants ont discuté, notamment du fait que
15 les civils quitteraient le secteur en raison de l'opération armée. Le
16 président Tudjman a dit, par exemple, je cite :
17 "Il est important que ces civils se mettent en route, ensuite l'armée les
18 suivra et, lorsque les colonnes se mettront en route, ils auront l'un sur
19 l'autre un impact psychologique."
20 M. Gotovina a, à ce moment-là, répondu, je cite à nouveau :
21 "Un grand nombre de civils sont déjà en train d'évacuer Knin et se dirigent
22 vers Banja Luka et Belgrade. Ce qui veut dire que si nous continuons à
23 appliquer ces pressions pour un moment qui est futur, bien sûr, il n'y aura
24 plus tant de civils, uniquement ceux qui doivent rester et qui n'ont aucune
25 possibilité de partir."
26 Les participants ont ensuite discuté des itinéraires possibles qui devaient
27 être laissés ouverts pour que les civils puissent quitter la Croatie. Il a
28 également été convenu lors de la réunion que des renseignements devraient
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1 être donnés parmi la population civile serbe, que les Serbes civils
2 quittaient déjà le secteur. En allant proposer un texte pour un tract, pour
3 un message de radio télévision, le président Tudjman a déclaré :
4 "Serbes, vous êtes déjà en train de vous retirer, et ainsi de suite, et
5 nous vous lançons un appel de ne pas vous retirer. Nous garantissons… ceci
6 veut dire, en fait, on leur donnait une façon de s'en sortir."
7 Ceci était suivi par des mots qui impliquaient fortement que les droits
8 civils seraient garantis de façon ostensible.
9 La Chambre a également entendu les témoignages en ce qui concerne
10 l'objectif du fait de chasser de façon permanente les Serbes de Krajina.
11 Peter Galbraith a déposé en disant que le président Tudjman l'avait informé
12 qu'après que les Serbes de la Krajina auraient quitté la Croatie en août
13 1995, que ceux des Serbes qui étaient partis ne pouvaient pas revenir en
14 Croatie. Galbraith a également attesté qu'il y avait des lois concernant la
15 confiscation de propriétés, qui faisaient que ceux qui avaient quitté la
16 Croatie devaient revenir à bref délai ou avoir le risque de perdre leur
17 propriété. Galbraith a également dit que bien que le délai donné ait été
18 finalement abandonné à cause d'une pression intense internationale, d'après
19 ses contacts avec le président Tudjman et d'autres membres de la direction
20 politique croate, Galbraith s'est formé comme opinion que les lois qui
21 étaient mentionnées ainsi que les autres mesures, y compris le pillage
22 systématique et les incendies systématiques de maisons serbes, visaient
23 tous à empêcher les Serbes qui étaient partis de jamais pouvoir revenir.
24 La Chambre a déjà considéré les différentes constatations concernant divers
25 chefs de l'accusation de l'acte d'accusation, au titre de l'article 98 bis
26 pour ce qui est du critère d'examen. Comme ça été décrit, il y a des
27 éléments de preuve qui démontrent que de nombreux crimes ont été commis
28 tout au long de la période couverte par l'acte d'accusation par les soldats
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1 serbes ou la police spéciale sur le territoire de la Krajina. En
2 particulier, la Chambre a constaté que les preuves étaient suffisantes pour
3 conclure qu'il y avait eu une attaque de grande envergure contre la
4 population serbe civile dans la partie méridionale de la Krajina.
5 La Chambre conclut qu'aux fins de l'examen des éléments de preuve au
6 titre de l'article 98 bis du Règlement, il existe des preuves suffisantes
7 de l'existence d'un objectif commun visant à obtenir, visant à réaliser le
8 fait de chasser de façon permanente les Serbes de la Krajina, par la force
9 ou la menace de la force, par des persécutions, des transferts forcés et
10 des expulsions, ainsi qu'en s'appropriant leurs biens ou en les détruisant
11 tels que reprochés au chef d'accusation 1 à 5 de l'acte d'accusation. La
12 Chambre conclut en outre qu'il y a suffisamment de preuves, que les crimes
13 reprochés aux chefs 6 à 9 constituaient des conséquences naturelles et
14 prévisibles de l'exécution de cet objectif commun.
15 La Chambre passe ensuite au troisième élément de l'entreprise
16 criminelle commune, à savoir la participation des accusés aux objectifs de
17 mise en œuvre de celle-ci.
18 Tant M. Gotovina et M. Markac ont participé à la réunion de Brioni précitée
19 au cours de laquelle les participants ont discuté de la manière dont les
20 civils quitteraient la Krajina. Il y a également des preuves qui indiquent
21 que M. Gotovina exerçait le commandement et le contrôle des forces croates
22 dans la région militaire de Split et que M. Markac commandait les
23 opérations de police spéciale dans le secteur sud au cours de l'opération
24 Tempête et après celle-ci.
25 Comme on l'a déjà indiqué, il y a des éléments de preuve selon
26 lesquels au moins certains des crimes visés au chef d'Accusation 1 à 5 de
27 l'acte d'accusation ont été commis par ces forces croates, y compris par la
28 police spéciale. La Chambre a également reçu des preuves supplémentaires
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1 qui placent M. Gotovina et M. Markac sur le terrain de la Krajina et comme
2 participants aux opérations de la police spéciale et militaire dans la
3 région. A cet égard, il y a des preuves documentaires et des dépositions de
4 témoins qui impliquent M. Markac dans des activités qui visent à cacher des
5 crimes commis par l'unité de Lucko de la police spéciale à Grubori le 25
6 août 1995. La Chambre se réfère en particulier aux dépositions de Zdravko
7 Janic et Josip Celic.
8 La Chambre a également reçu des preuves en vertu desquelles M.
9 Gotovina avait connaissance de crimes conduits par ses hommes sous son
10 commandement pendant l'opération Tempête. Par exemple, dans une lettre
11 envoyée à M. Gotovina le 5 août 1995, Alain Forand a exprimé son inquiétude
12 à propos de pillage considérable et de destruction qui ont eu lieu à Knin.
13 Cette lettre est admise au dossier sous la cote P347.
14 Le 12 août 1995, le commandant adjoint de la HV chargé des affaires
15 politiques, le capitaine Mario Tomasovic, a envoyé une notification
16 intitulée "Avertissement," entre autres, à M. Gotovina. Elle notait que le
17 succès de l'opération Tempête avait été en partie remis en cause par les
18 actes inopportuns de soldats croates individuels et a insisté sur la
19 nécessité d'empêcher la destruction et le pillage continu de biens,
20 l'abattage du cheptel et le traitement inapproprié envers des prisonniers
21 de guerre et des civils. Cette notification a été admise au dossier sous la
22 cote P918.
23 Dans une lettre datée du 13 septembre 1995, versée au dossier sous la
24 cote P407, M. Gotovina a écrit au général Cervenko et a noté que M. Alun
25 Roberts avait dit, et je cite :
26 "L'armée croate brûle, pille et viole les droits de l'homme."
27 M. Gotovina a indiqué, de surcroît, qu'il ne pensait pas que ce
28 comportement, ou le comportement de ses hommes, était en conflit avec la
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1 politique de l'Etat croate.
2 Les éléments entendus permettent de conclure que M. Gotovina
3 disposait du pouvoir et de la capacité de discipliner les soldats placés
4 sous son commandement. Néanmoins, la Chambre de première instance a entendu
5 des preuves du témoin expert Reynaud Theunens, qui indiquait que M.
6 Gotovina usait principalement de ses pouvoir pour discipliner ses hommes,
7 pour violation ou crimes qui pouvaient compromettre la réalisation de
8 missions de combat ou d'opérations de combat plutôt que de les punir pour
9 des crimes contre la population civile, tels que le pillage ou les
10 incendies.
11 La Chambre de première instance conclut qu'il y a suffisamment de
12 preuves pour établir la participation de M. Gotovina et M. Markac à
13 l'entreprise criminelle commune telles que décrit plus haut, et que leur
14 participation correspondait à une contribution significative aux crimes
15 retenus aux chefs 1 à 5. La Chambre de première instance conclut en outre
16 que les éléments de preuve susmentionnés sont suffisants et permettent
17 d'établir que M. Gotovina et M. Markac avaient tous deux l'intention de
18 commettre ces crimes et qu'ils ont sciemment pris le risque de commettre
19 les autres crimes retenus dans l'acte d'accusation, qui seraient commis
20 comme la conséquence naturelle et prévisible de la mise en œuvre de
21 l'objection de l'entreprise criminelle commune.
22 Pour ce qui est de M. Cermak, il y a des éléments de preuve en vertu
23 desquels, le 5 août 1995, le président Tudjman l'a nommé personnellement
24 commandant de la garnison de Knin, avec la mission affichée d'un retour à
25 la vie normale à Knin et dans ses environs, devant les médias et les
26 représentants de la communauté internationale. M. Cermak [comme interprété]
27 est resté à son poste pendant toute la durée couverte par l'acte
28 d'accusation. Le témoin 86 et Stjepan Buhin ont dit dans leur déposition
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1 que M. Cermak présidait des réunions quasi quotidiennes dans son bureau à
2 Knin, auxquelles les représentants de différentes structures civiles et
3 militaires assistaient, y compris la police civile. Au cours de ces
4 réunions, M. Cermak a été informé, entre autres choses, des crimes commis
5 dans les environs de Knin.
6 Nous disposons de preuves de coopération entre M. Cermak et les deux autres
7 accusés; par exemple, pour ce qui est de la liberté de circulation et
8 d'opérations de ratissage de la police spéciale. M. Cermak a établi les
9 documents autorisant ou refusant la libre circulation de civils ou de
10 membres d'organisations internationales. Son travail consistait également à
11 gérer une équipe sanitaire chargée de disposer des cadavres et du bétail.
12 Nous disposons de preuves que M. Cermak, à certains moments, a nié à
13 certaines reprises que des membres des forces croates avaient commis des
14 commis, a tenté de minimiser ces crimes ou a promis que des enquêtes
15 seraient ouvertes, mais de telles enquêtes n'ont soient pas été ouvertes ou
16 n'ont été ouvertes que beaucoup plus tard. Après les massacres commis à
17 Grubori le 25 août 1995, nous disposons de preuves qui indiquent que M.
18 Cermak savait que ces civils avaient tués et que des maisons dans le hameau
19 avaient été brûlées jusqu'au sol par des membres de la police spéciale. Par
20 exemple, le 26 août 1995, Richard Lyntton a auditionné M. Cermak et l'a
21 informé du meurtre de deux hommes âgés dans ce hameau. M. Cermak s'est
22 également rendu à Grubori lui-même, à environ la même époque, et a remarqué
23 la destruction des maisons. Malgré cela, par le biais de différentes
24 communications dans les jours qui ont suivi, notamment les éléments au
25 dossier sous la cote P603 et P1222, M. Cermak a transmis aux membres des
26 organisations internationales la version des événements qui lui avait été
27 donnée par la police spéciale, malgré des preuves qui soutenaient qu'il
28 savait que cette version n'était pas fiable.
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1 La Chambre de première instance a également reçu des éléments de preuve de
2 la participation de M. Cermak à l'autorisation de départ de centaines de
3 civils serbes de l'enceinte des Nations Unies de Knin à bord d'autocars de
4 Serbie. La Chambre de première instance a fait référence au Témoin 3 et à
5 Mira Grubor, chacune, de différentes façons, a été contrainte de quitter
6 leur maison, par la suite sont arrivées dans l'enceinte des Nations Unies.
7 La Chambre de première instance a également entendu Alain Forand et
8 d'autres témoins dire que M. Cermak a joué un rôle essentiel dans les
9 négociations entre la Croatie et les Nations Unies sur le sort des
10 personnes déplacées serbes, depuis l'enceinte des Nations Unies. De
11 surcroît, la Chambre de première instance a reçu des preuves documentaires
12 sous la cote D316, qui décrivent M. Cermak comme une des personnes
13 principalement responsables de cette opération de transfert de civils
14 serbes en direction de la Serbie à bord d'un convoi de 35 bus, les 16 et 17
15 septembre 1995.
16 Prenant les moyens à charge en leur accordant le poids maximum, la Chambre
17 conclut qu'il y a suffisamment d'éléments de preuve pour établir que M.
18 Cermak a participé à l'entreprise criminelle commune, avec les deux autres
19 accusés, et que sa participation a équivalu à une contribution
20 significative aux crimes reprochés au chefs d'accusation 1 à 5. La Chambre
21 conclut aussi que les preuves sont suffisantes pour démontrer que M. Cermak
22 intentait que ces crimes fussent commis et a sciemment pris le risque que
23 les autres crimes reprochés dans l'acte d'accusation fussent commis comme
24 conséquence naturelle et prévisible de la mise en œuvre de l'objectif de
25 l'entreprise criminelle commune.
26 Ayant ainsi conclu, au titre du critère de l'article 98 bis du
27 Règlement, qu'il y avait des éléments de preuve suffisants pour étayer tous
28 les chefs d'accusation de l'acte d'accusation, pour chacun des accusés,
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1 sous l'un ou l'autre mode de responsabilité, la Chambre, actuellement, n'a
2 pas besoin d'examiner les autres modes de responsabilité allégués dans
3 l'acte d'accusation.
4 En conclusion, les trois accusés doivent répondre des chefs
5 d'accusation reprochés dans l'acte d'accusation.
6 Je vais continuer maintenant sur une question connexe mais un peu
7 distincte.
8 Le 23 mars 2009, l'Accusation s'est référée à une liste concernant 32
9 meurtres précis, les victimes de meurtres mentionnées dans l'acte
10 d'accusation. L'Accusation a reconnu que pour ces victimes, elle n'avait
11 pas présenté de preuve des meurtres. On peut retrouver ça à la
12 transcription, page 17 415 du compte rendu. Et le 27 mars 2009,
13 l'Accusation a déposé cette liste.
14 Je voudrais donc maintenant m'adresser aux membres de la Défense.
15 S'agissant des crimes -- je m'adresse plus particulièrement à la Défense de
16 Gotovina qui a plaidé qu'il n'y avait aucun élément de preuve présenté
17 jusqu'à présent - qu'il y ait plus donc de 32 noms de personnes
18 identifiées. La Chambre note que cinq sur cette liste des 32, la liste de
19 l'Accusation, n'apparaissent pas dans la liste beaucoup plus longue de la
20 Défense. La Chambre se demande si la Défense est en désaccord en ce qui
21 concerne les cinq cas précis pour lesquels aucun élément de preuve n'a été
22 présenté, ou si elle est d'accord avec l'Accusation sur le fait qu'aucune
23 preuve n'a été présentée. Donc j'évoque simplement ces cinq, le premier
24 apparaissant au tableau sous le numéro 83 pour les meurtres, Saric Danica
25 au numéro 1 de la liste de l'Accusation. Le numéro 26 sur la liste de
26 l'Accusation, le numéro 234, Supeljak Mirko. Le numéro 27 de la liste du
27 Procureur, meurtre numéro 239, Pribojan Darinka. Numéro 28 sur la liste du
28 Procureur, numéro concernant le meurtre 243, Miljevic Ilija. Et le numéro
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1 29 de la liste du Procureur, Simic Milica, le numéro 270 concernant les
2 meurtres.
3 De même, la Chambre souhaiterait pouvoir établir si la Défense serait
4 ou non d'accord qu'il n'y a pas d'élément de preuve présenté en ce qui
5 concerne ces cinq cas, parce que l'Accusation énonce qu'aucun élément de
6 preuve n'a été présenté, mais la Défense n'a pas donné une liste des cinq
7 personnes dans les cas présentés.
8 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, très
9 honnêtement, il faut que je regarde tous nos documents. Mais je peux vous
10 dire dès maintenant que si l'Accusation estime qu'elle n'a pas pu prouver
11 une charge, je ne vais pas contester cela. Donc certainement, nous allons
12 vérifier les choses nous-mêmes dans nos documents. A l'évidence, je pense
13 pas que notre liste avait pour but d'être exhaustive lorsque nous l'avons
14 présentée à l'audience 98 bis et, par conséquent, il est certainement
15 possible qu'il y ait davantage de noms que sur la liste que nous avons
16 présentée. Mais ces noms, à la lumière du temps que nous allons vous
17 préparer sur différentes questions lorsque nous verrons cela.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je pourrais également
19 entendre le point de vue des autres équipes de la Défense. Quelle est leur
20 position ?
21 M. CAYLEY : [interprétation] Je ne peux rien ajouter à ce que vient de dire
22 Me Misetic, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic.
24 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'adopte la même position. Merci, Monsieur
25 le Président.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci veut dire que bien que ceci fasse
27 encore l'objet de vérification nécessaire, il semble qu'il y ait en
28 principe accord entre les parties, et la Chambre en prend acte, à savoir
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1 qu'il n'y a pas de preuve des cas de meurtre ou d'assassinat en ce que qui
2 concerne les 32 victimes mentionnées dans les notes officielles de
3 l'Accusation datée du 27 mars.
4 Maître Misetic, je vous posais la question seulement concernant cinq
5 cas, mais j'ai compris, d'après ce que vous venez de dire, qu'au titre de
6 l'article 98 bis, les 27 restants, il y avait déjà accord les concernant.
7 Si la vérification qui sera faite conduisait l'Accusation -- les
8 équipes de la Défense à une autre conclusion, la Chambre souhaiterait en
9 être informée de façon à pouvoir corriger ce qui est pour le moment noté et
10 dont il a été donné acte pour que ce soit reproduit au compte rendu comme
11 étant un accord intervenu entre les parties en ce qui concerne les 32
12 victimes en question.
13 Ceci conclut les décisions prises par la Chambre sur les questions
14 connexes au titre de l'article 98 bis du Règlement de procédure et de
15 preuve.
16 Nous pourrons tout d'abord évoquer ceci en audience publique. Il
17 s'agit d'une notification sur la levée de la confidentialité de la requête
18 de l'Accusation qui a demandé à ce que soient fournis des documents obtenus
19 par la Défense de Gotovina, le fait que ceci ait été refusé dans une
20 décision confidentielle que je vais lire dans son intégralité.
21 La Chambre de première instance informe le public que le 22 janvier 2009,
22 l'Accusation a déposé une requête confidentielle dans laquelle elle demande
23 à la Chambre de première instance, conformément à l'article 54 de Règlement
24 de procédure de la Chambre, d'ordonner à la Défense de Gotovina de produire
25 tout document en sa possession obtenu de sources différentes de celle de
26 l'Accusation et qui font partie de la demande de documents présentés à la
27 République croate. Dans une décision confidentielle qui va être déposée cet
28 après-midi ou ce matin, la Chambre n'a pas fait droit à cette requête et a
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1 également levé le caractère confidentiel de cette requête dans son annexe
2 C. Les annexes A et B à la requête et la décision de la Chambre de première
3 instance doivent rester confidentielles afin d'éviter tout risque
4 d'ingérence avec toute question relative à l'article 54 bis dans cette
5 affaire.
6 Ceci met un terme à la décision de la Chambre à cet égard.
7 Pour ce qui est du point suivant, je souhaite passer à huis clos partiel,
8 s'il vous plaît.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, nous sommes
10 à huis clos partiel.
11 [Audience à huis clos partiel]
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16 [Audience publique]
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
18 Le dernier point à l'ordre du jour, en ce qui me concerne, c'est que
19 l'équipe de Défense de Gotovina a demandé à pouvoir présenter des arguments
20 supplémentaires sur la question de la levée des restrictions imposées à
21 leur communication avec le témoin qui sera peut-être rappelé. Bien sûr. Je
22 ne sais pas exactement ce que vous êtes sur le point de dire, mais jusqu'à
23 présent, je ne pense pas que ceci ait un caractère confidentiel, me semble-
24 t-il.
25 M. MISETIC : [interprétation] C'est quelque chose que nous avons abordé en
26 audience publique le 6 mars, si je ne me trompe pas.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, je vois que vous ne
28 vous levez pas, mais vous froncez les sourcils, qui est également une
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1 indication.
2 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, d'avoir évoqué
3 mes éventuelles préoccupations.
4 Je me demande simplement dans quelles mesures des arguments ayant trait à
5 une question de communication puissent prendre la forme curieuse de
6 communication. Voilà une éventuelle inquiétude.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ce que j'ai indiqué un peu plus
8 tôt, parce que je ne savais pas ce qu'allait dire Me Misetic. Mais je crois
9 qu'il y a pensé et il estime que comme ceci a été soulevé en audience
10 publique précédemment, il a réfléchi à la question de savoir si ces
11 arguments devaient être présentés en public ou non.
12 Maître Misetic.
13 M. MISETIC : [interprétation] Oui, veuillez m'accorder quelques instants,
14 s'il vous plaît, Monsieur le Président.
15 Pour ce qui est de l'état de tout ceci, d'après mon souvenir, non seulement
16 nous l'avons abordé en public, mais le dépôt de messages électroniques a
17 également été fait en public et le dépôt d'écritures également, donc je ne
18 vois pas pourquoi il faudrait changer quelque chose.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas ce que vous allez dire,
20 mais si vous voulez parler d'un problème de communication, les arguments en
21 tant que tels pourraient constituer une forme de communication. Cela, vous
22 le savez certainement, et je suppose que vous vous êtes suffisamment penché
23 sur la question, donc vous pouvez prendre la parole.
24 M. MISETIC : [interprétation] Il y a deux questions que je souhaite -- la
25 raison pour laquelle nous avons besoin de contacter ce témoin, c'est parce
26 que c'est un témoin important qui va parler de questions d'artillerie.
27 L'information continue à nous arriver et à une cadence assez importante.
28 Nous devons préparer nos témoins, et non pas des moindres, les témoins
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1 experts sur des questions d'artillerie. Nous sommes entravés par notre
2 incapacité à rentrer en contact avec différents témoins sur une série de
3 questions en particulier pour vérifier des éléments d'information
4 complémentaires qui nous ont été communiqués la semaine dernière grâce à
5 une ordonnance rendue par la Chambre.
6 Nous ne nous sommes pas opposés, à l'origine, de ne pas pouvoir contacter
7 ce témoin, parce que nous estimions que si ce témoin devait être rappelé,
8 cette personne serait rappelée pendant la présentation des moyens à charge.
9 Ceci n'est pas arrivé ainsi, nous sommes maintenant après la phase du 98
10 bis. Nous n'avons pas une instruction de la Chambre, nous ne savons pas
11 s'il y a intention de la faire et si oui, quand nous avons l'intention de
12 rappeler ce témoin. Je peux vous donner, à titre d'exemple, M. Theunens est
13 venu témoigner ici. Je suis sûr qu'à la fin de sa déposition l'Accusation
14 n'a pas cessé de communiquer avec lui. Je suis même presque sûr qu'ils sont
15 en contact régulièrement avec lui concernant différentes questions dans
16 cette affaire. M. Rajcic a terminé son témoignage, ceci ne change en rien
17 le fait qu'il s'agisse là d'une source d'information précieuse pour la
18 Défense de sa préparation, à savoir s'il vient témoigner ou non.
19 Alors pourquoi avons-nous envoyé un message électronique. Si je
20 comprends bien les antécédents dans cette affaire, l'Accusation n'a pas de
21 requête officielle, mais envoyaient leur demande à la Chambre sous la forme
22 d'un message électronique. La Chambre de première instance a répondu et a
23 envoyer des instructions sous la forme d'un message électronique et, par
24 conséquent, nous avons également renvoyé un message électronique. Nous
25 étions dans le prétoire et nous avons pu aborder cette question dans le
26 prétoire. Ceci est très bien, je ne m'y oppose pas. Mais à l'époque, nous
27 avions envoyé notre demande, nous ne siégions pas dans le prétoire, donc
28 nous ne pouvions pas soulever ces questions devant les Juges. Compte tenu
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1 de nos contraintes de temps, nous estimons que nous ne pouvons pas nous
2 permettre d'attendre 14 jours pour une réponse et pour répondre à nouveau,
3 parce que nous préparons notre Défense à ce moment.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En ce qui concerne les communications
5 par courrier électronique, certainement c'est une des raisons pour
6 lesquelles la Chambre a décidé de répondre par courriel électronique, il y
7 avait certainement urgence. En même temps, en mettant tous ces courriers
8 électroniques au dossier, la Chambre ne s'en tient pas à l'aspect purement
9 pratique. Il faudrait que ce soit limité à l'aspect purement pratique. Si
10 ce n'est pas purement pratique, si c'est des questions de fond, à ce
11 moment-là, il faut que ces courriels soient versés au dossier de façon à ce
12 que le dossier soit complet et pleinement transparent.
13 Dans le cas présent -- enfin, la Chambre était en mesure, parce qu'il y
14 avait quelque chose à déposer, de se servir de cette possibilité de faire
15 ce que nous nous attendions à ce que les parties fassent également dans de
16 telles circonstances. Pour le moment, je pense que tout le monde est
17 pleinement et constamment au courant de ce que sont les intentions, les
18 arrière-pensées et il ne doit pas y avoir de raison pour qu'il y ait un
19 désaccord particulier ou des problèmes particuliers.
20 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai oublié d'ajouter
21 quelque chose.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit qu'il y avait deux choses.
23 M. MISETIC : [interprétation] Oui, mais dans ce cas-là, c'est une troisième
24 question que j'aurais dû évoquer au début.
25 Nous allons ajouter à notre liste de témoins de la Défense M. Rajcic.
26 La raison est qu'il se peut qu'il y ait de nombreuses questions qui se
27 posent pour les témoins de la Défense, dans les moyens qu'elle présentera,
28 concernant des questions d'artillerie où il y aurait d'autres éléments de
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1 fait ou de nouveaux documents -- s'il y en a de nouveaux également du côté
2 de l'Accusation et de la Défense qui nécessiteraient que M. Rajcic puisse
3 faire des commentaires à ce sujet. C'est pour cette raison que nous
4 communiquons notre liste de témoin, donc il y figurera. Dans cette mesure,
5 je veux simplement que la Chambre soit au courant du fait que quand elle
6 examinera la question de savoir comment nous rappelons M. Rajcic, est-ce
7 que nous devons attendre pour voir à la fin de la présentation des moyens à
8 décharge, s'il peut être rappelé, et ceci, potentiellement une troisième
9 fois, ou si, pour une raison quelconque, nous décidons de ne pas le
10 rappeler, parce qu'il n'y pas de questions supplémentaires qui se
11 poseraient au niveau des moyens à décharge. Je voulais simplement qu'il y
12 ait une possibilité pour l'Accusation d'être au courant et de pouvoir
13 rappeler, et je ne suis pas absolument sûr, ça dépend de savoir ce qui se
14 sera passé dans le début de la présentation des moyens à décharge lorsque
15 la Défense citera M. Rajcic.
16 Je vous remercie.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Donc ceci est
18 maintenant bien clair au compte rendu. Il s'agit des questions que la
19 Chambre voulait évoquer. Y a-t-il d'autres questions dont on doit traiter
20 d'urgence, parce que nous n'allons pas siéger pendant un certain temps.
21 M. TIEGER : [interprétation] Rapidement, Monsieur le Président. Là encore,
22 sans en faire tout un drame comme la Chambre l'a dit, je voulais simplement
23 souligner que l'Accusation a déjà exprimé les préoccupations en ce qui
24 concerne la distinction entre les requêtes et les courriers électroniques.
25 Je comprends en fin de compte quelles sont les directives de la Chambre et
26 c'est quelque chose qui doit être traité de façon pratique, mais il ne
27 faudrait pas que ça devienne une sorte d'habitude et qu'on ait des
28 courriers électroniques et pas des requêtes ou des écritures officielles.
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1 Nous continuons d'avoir cette préoccupation pour diverses raisons.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est clair que nous trouverons un
3 juste équilibre pour ça.
4 M. MISETIC : [interprétation] Et dans ce contexte, nous souhaitons être
5 traités de la même manière, et là encore, j'ai dit qu'il n'y a pas eu
6 d'ordre officiel de la Chambre qui été déposé en premier lieu. Mais
7 certainement, si des courriers électroniques doivent être mis au dossier et
8 si c'est quelque chose que souhaite la Chambre, personnellement, je n'y
9 vois pas de problème, nous pouvons nous-mêmes le mettre dans le dossier, la
10 question était celle de l'urgence et de la nécessité d'en discuter.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Les parties pourront recevoir
12 bientôt d'autres messages du personnel qui aide la Chambre pour savoir ce
13 qui doit être transmis à la Chambre sous forme copie et ce qui a lieu de ne
14 pas faire. C'est une question qui a été récemment discuté avec les membres
15 de la Chambre et le personnel qui la gère.
16 Y a-t-il d'autres questions ?
17 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a rien d'autre à débattre
19 maintenant, donc la Chambre va lever l'audience, et ce, jusqu'au 27 mai,
20 lorsqu'une conférence préalable à la présentation des moyens à décharge
21 aura lieu. La salle d'audience dans laquelle la conférence en question aura
22 lieu n'est pas encore connue, les parties sont donc invitées à se
23 renseigner pour savoir dans quel prétoire nous vous attendrons.
24 Je lève l'audience.
25 --- L'audience est levée à 10 heures 38 et reprendra le mercredi, 27 mai
26 2009.
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