Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 21 juillet 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous salue tous. Bonjour à toutes et

  6   à tous.

  7   Madame la Greffière, veuillez citer l'affaire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Affaire IT-06-90-T, le Procureur contre

  9   Gotovina et consorts.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.

 11   Maître Misetic ou Maître Kehoe, est-ce que la Défense Gotovina est prête à

 12   citer son témoin suivant ?

 13   M. MISETIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors peut-on faire entrer le témoin.

 15   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je préciser un

 16   point. A l'issue des échanges en application de l'article 92 ter, j'ai

 17   l'intention de verser au dossier quatre documents qui sont mentionnés dans

 18   l'acte d'accusation, et c'est ce qui m'incite à en demander le versement.

 19   Il s'agit des documents 2336, 3518, 667 et 3089 en application du 65 ter.

 20   Il s'agit de lois qui seront mentionnées par le témoin dans la première

 21   partie de son témoignage, et je ne vais pas en parler pendant

 22   l'interrogatoire principal.

 23   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objection.

 25   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ces documents figurent sur votre liste

 27   65 ter ?

 28   M. MISETIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  2   M. MISETIC : [interprétation] Sur la liste 65 ter de l'Accusation.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

  4   Monsieur Matulovic, bonjour. Vous voyez qui s'adresse à vous ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En application de notre Règlement, vous

  7   êtes tenu de prononcer une déclaration solennelle vous engageant à dire la

  8   vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Je vous demande de prononcer

  9   le texte de cette déclaration à présent.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 11   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 12   LE TÉMOIN : ZORAN MATULOVIC [Assermenté]

 13   [Le témoin répond par l'interprète]

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Matulovic.

 15   Je vous en prie, asseyez-vous.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est Me Misetic qui vous posera ses

 18   questions en premier. C'est le Défenseur de M. Gotovina.

 19   Vous avez la parole, Maître Misetic.

 20   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 21   Interrogatoire principal par M. Misetic : 

 22   Q.  [interprétation] Bonjour.

 23   R.  Bonjour.

 24   Q.  Pourriez-vous vous présenter, s'il vous plaît, décliner votre identité.

 25   R.  Zoran Matulovic.

 26   Q.  Je vous remercie. Monsieur Matulovic, avez-vous rencontré, le 31 mars

 27   2006 ainsi que le 12 février 2007 et le 20 mai 2009, les représentants de

 28   la Défense Gotovina ?

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  1   R.  Oui, je m'en souviens.

  2   Q.  Est-ce que vous avez pu revoir votre déclaration signée le 26 mai 2009,

  3   sur la base des entretiens que vous avez eus et que nous venons de

  4   mentionner ?

  5   R.  Oui.

  6   M. MISETIC : [interprétation] Madame l'Huissière, je vais vous demander,

  7   s'il vous plaît, de remettre un texte de cette déclaration en croate au

  8   témoin.

  9   Et je vais demander qu'on affiche 1D2697 à l'écran.

 10   Q.  Monsieur Matulovic, vous souhaitiez apporter une correction au

 11   paragraphe premier de votre déclaration préalable. Est-ce que vous pourriez

 12   préciser aux Juges de la Chambre de quoi il s'agit ?

 13   R.  Au paragraphe numéro 1, j'ai modifié les modalités de nomination des

 14   juges aux tribunaux militaires dans les zones opérationnelles, puisque

 15   c'est le ministre de la Défense, en se basant sur le décret en vigueur à

 16   l'époque, qui nous a nommés à nos postes. C'est la seule chose que je

 17   souhaitais modifier.

 18   Q.  Est-ce que nous pouvons préciser cela. Il agissait sur la proposition

 19   de qui ?

 20   R.  C'était le ministre de la Justice qui l'a fait.

 21   Q.  Est-ce qu'il y a d'autres corrections à apporter à votre déclaration,

 22   d'après vous ?

 23   R.  Pour l'instant, je pense qu'il n'y a pas lieu de corriger davantage.

 24   Q.  Au moment où vous avez fait votre déclaration aux membres de l'équipe

 25   de Défense Gotovina, est-ce que vous avez répondu au mieux de vos

 26   connaissances et en disant la vérité ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Si je vous posais aujourd'hui les mêmes questions qui vous ont été

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  1   posées par les représentants de la Défense Gotovina à ce moment-là, est-ce

  2   que vous apporteriez les mêmes réponses aujourd'hui dans le Tribunal que

  3   celles que vous avez apportées à l'époque ?

  4   R.  Je répondrais exactement de la même manière.

  5   Q.  Je vous remercie.

  6   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait afficher la page de

  7   garde, Madame la Greffière, s'il vous plaît.

  8   Q.  Est-ce que, Monsieur Matulovic, vous reconnaissez votre signature en

  9   bas à droite ?

 10   R.  Oui.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

 12   versement de la pièce 65 ter 1D2697.

 13   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D1313.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce est versée au dossier.

 17   M. MISETIC : [interprétation] A présent je demande le versement de quatre

 18   documents dont il est question dans la déclaration préalable. Il s'agit des

 19   documents sur la liste 65 ter 2336, 3518, 667 et 3089.

 20   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame Mahindaratne.

 22   Madame la Greffière.

 23   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] D1614, D1615, D1616 et D617, Monsieur

 24   le Président, Madame, Monsieur les Juges.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les pièces D1014 jusqu'à D1017 sont

 26   versées au dossier.

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Je tiens à apporter une correction au

 28   compte rendu d'audience.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 1614 jusqu'à 1617.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est une omission de ma part. Donc

  4   remplacez D1014 jusqu'à D1017 par les cotes qui sont déjà au compte rendu

  5   d'audience. Donc il s'agit des pièces D1614 jusqu'à D1617. Ces documents

  6   sont versés au dossier. Je note au passage que deux fois nous trouvons cela

  7   dans le compte rendu d'audience, et la dernière série que je viens

  8   d'énoncer est la bonne.

  9   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] D1013 est la cote qui figure pour la

 10   déclaration préalable, mais je suppose que cela devrait être 1613.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Page 4, ligne 21, c'est là qu'il

 12   convient d'apporter la correction. Il semble qu'une erreur s'est glissée.

 13   Donc 1013 doit être remplacé par 1613. Je vous remercie.

 14   Maître Misetic.

 15   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'ai expliqué

 16   au témoin la procédure s'agissant de la lecture du résumé. Avec votre

 17   autorisation, je vous propose de donner lecture du résumé de sa déposition.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

 19   M. MISETIC : [interprétation] Le témoin Zoran Matulovic est un juge qui

 20   travaille au département des enquêtes criminelles du tribunal du comté de

 21   Split. De 1992 jusqu'au décembre 1996, le juge Matulovic a occupé le poste

 22   de juge au tribunal militaire de Split, et tout au long de l'année 1995, il

 23   était président du tribunal militaire de Split.

 24   Dans sa déclaration préalable, le juge Matulovic décrit certaines des

 25   lois qui étaient en vigueur et qui régissaient le fonctionnement des

 26   tribunaux militaires, y compris leur domaine de compétence, domaine qui

 27   leur était conféré par la loi. Il fournit un aperçu du fonctionnement des

 28   tribunaux militaires. C'est le ministère de la Justice qui était le

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  1   ministère de tutelle pour les tribunaux militaires. C'est au ministère de

  2   la Justice que rendaient compte les tribunaux militaires sur le

  3   fonctionnement et les résultats de leur travail.

  4   Après l'opération Tempête, les tribunaux militaires ont envoyé leurs

  5   rapports au ministère de la Justice et au ministère des Affaires

  6   étrangères, et c'est ce qu'ils ont fait tous les 15 jours. Si les tribunaux

  7   militaires ne fonctionnaient pas correctement, s'ils ne s'acquittaient pas

  8   correctement de leurs tâches, le ministère de la Justice était censé

  9   prendre des mesures qui s'imposaient afin de régler le problème.

 10   Le juge Matulovic affirme également dans sa déposition que les tribunaux

 11   militaires n'avaient pas la compétence pour ce qui est des dossiers

 12   relatifs aux crimes de guerre.

 13   Dans des affaires où l'auteur du crime n'était pas connu, l'enquête était

 14   toujours menée par le juge d'instruction du tribunal civil de district. Le

 15   juge d'instruction du tribunal militaire rejoignait l'enquête au moment où

 16   il était établi, au-delà de tout doute raisonnable, que l'auteur du crime

 17   était un militaire.

 18   Le juge Matulovic affirme dans sa déposition qu'il n'était pas possible

 19   pour un commandant militaire d'exercer une influence sur l'activité des

 20   tribunaux militaires. Il affirme également que les procureurs de la

 21   république, ainsi que le procureur militaire, pouvaient enclencher des

 22   procédures au pénal sur la base de toute information qui leur était

 23   parvenue au sujet de la commission d'un crime ou délit, y compris sur la

 24   base des informations reçues de la part des médias.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 26   M. MISETIC : [interprétation]

 27   Q.  Juge Matulovic, je vais vous poser quelques questions sur la base des

 28   réponses que vous avez apportées dans votre déposition.

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  1   Tout d'abord, pouvez-vous nous dire quel était le nombre de juges qui

  2   travaillaient au tribunal militaire au mois d'août 1995, au tribunal

  3   militaire de Split ?

  4   R.  Sur la base du décret portant création des tribunaux militaires dans

  5   les zones opérationnelles, les tribunaux militaires comptaient un président

  6   qui était lui aussi un juge, qui était saisi de différents dossiers, et en

  7   plus de lui quatre juges. Mais le tribunal militaire de Split avait un

  8   domaine de compétence territorial très large, et nous avions donc en plus

  9   trois juges détachés à Zadar, à Sibenik et à Dubrovnik. Donc en tout, à ce

 10   moment-là, il y avait huit juges employés par le tribunal militaire de

 11   Split. Si je puis ajouter, les juges détachés se rendaient sur les lieux

 12   pour dresser un constat lorsqu'il y avait urgence, et ils pouvaient être

 13   membres des conseils des tribunaux militaires, puisque généralement c'était

 14   trois juges professionnels, trois juges de carrière, s'il s'agissait

 15   d'actes qui exigeaient des peines de plus de cinq ans de prison, et c'est

 16   uniquement lorsque la peine encourue était une peine jusqu'au maximum de

 17   cinq ans qu'il y avait un seul juge qui était saisi du dossier ou de

 18   l'affaire.

 19   Q.  Vous anticipez ma question suivante. Alors est-ce que vous pouvez dire

 20   aux juges de la Chambre, dans des affaires où la peine maximale encourue

 21   était en deçà de cinq ans, s'il y avait appel ? Quelle était l'instance

 22   d'appel et quelle était l'instance d'appel lorsque la peine encourue était

 23   au-delà de cinq ans ?

 24   R.  Si le tribunal militaire avait jugé alors que c'était un seul juge qui

 25   était saisi de l'affaire, lorsque ce n'était pas une affaire dont était

 26   saisie une Chambre, c'est le tribunal du comté de Split qui agissait en

 27   deuxième instance, en se pourvoyant un appel devant ce tribunal-là.

 28   Q.  Et lorsque c'était une chambre composée de trois juges qui avaient

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  1   prononcé la sentence, et lorsque c'était une peine de plus de cinq ans de

  2   prison, quelle était l'instance d'appel ?

  3   R.  A ce moment-là, on se pourvoyait en appel devant la Cour suprême de la

  4   République de Croatie. C'était elle qui était l'instance d'appel.

  5   Q.  Pour autant que vous le sachiez, est-ce qu'il y a eu à ce moment-là des

  6   instances d'appel militaires, des tribunaux d'appel militaires ?

  7   R.  Non, jamais il n'y en a eu dans notre système de justice, parce que

  8   j'ai dit que les tribunaux militaires étaient placés directement sous

  9   l'autorité du ministère de la Justice. Donc il n'y avait aucune instance

 10   supérieure dans la filière militaire, pas de tribunal d'appel militaire.

 11   Q.  Monsieur Matulovic, les paragraphes 9 et 10 de votre déclaration,

 12   prenons-les. Est-ce que vous pouvez préciser aux Juges, s'il vous plaît,

 13   votre réponse lorsque vous dites que le juge d'instruction d'un tribunal

 14   militaire rejoint l'enquête, ou prend part à l'enquête, à partir du moment

 15   où il a été établi au-delà de tout doute que l'auteur du crime ou délit est

 16   un soldat, une personne militaire ? Alors dites-nous, s'il vous plaît,

 17   lorsqu'il y a eu commission d'un crime et lorsqu'il y a possibilité que ce

 18   soit un membre de la HV qui est l'auteur de ce crime, est-ce que vous

 19   pouvez expliquer à la Chambre quelle est la procédure qui est engagée ?

 20   Qu'est-ce qui fait que c'est un tribunal militaire qui commence à prendre

 21   part à l'enquête ? C'est-à-dire à quel stade précisément est-ce qu'il

 22   intervient lorsqu'il y a juste une suspicion ?

 23   R.  Le juge d'un tribunal militaire agit de manière identique que lorsqu'il

 24   s'agit de tribunaux civils. Donc le décret portant application du code de

 25   procédure pénale le régit. Ça correspond à la procédure civile, mais

 26   simplifiée pour accélérer la procédure.

 27   Q.  Je pense que j'ai mal formulé ma question. Je vais la reprendre.

 28   R.  Non, non, je suis tout à fait capable de répondre.

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  1   Q.  Bien.

  2   R.  Lorsque le juge d'instruction était de permanence, le juge

  3   d'instruction militaire, et lorsqu'il y a eu commission d'un acte au pénal,

  4   c'est soit la police militaire soit la police civile qui l'en informait. La

  5   police civile l'informait toujours lorsqu'on n'était pas certain du statut,

  6   de la qualité de l'auteur, donc est-ce qu'il s'agit d'un militaire ou pas.

  7   S'il y avait urgence, donc s'il fallait dresser un constat de manière

  8   urgente, et lorsqu'on ne pouvait pas connaître le statut de l'auteur, alors

  9   c'est un juge d'instruction civile qui se rendait sur les lieu, mais s'il

 10   était possible d'établir sur-le-champ que la personne suspectée est un

 11   militaire, à ce moment-là, c'est le juge d'instruction militaire qui se

 12   rendait sur les lieux et il agissait de concert avec le juge civil. Donc

 13   pour se rendre sur les lieux, pour dresser le constat ou pour entreprendre

 14   quelque action liée à l'enquête, quelque action urgente, il était essentiel

 15   qu'au moment où le signalement a été fait, il était important de savoir que

 16   le suspect est un militaire.

 17   Q.  Est-ce qu'il y a un cas de figure où le tribunal militaire  a

 18   compétence sur un crime où l'auteur est inconnu ?

 19   R.  Non. Non, justement, c'est ce que je viens de dire. C'est uniquement

 20   lorsqu'on savait que c'est un militaire qui est l'auteur de l'acte.

 21   Q.  Et pour enchaîner sur la question de la compétence des tribunaux

 22   militaires, est-ce que vous pouvez expliquer à la Chambre, s'il vous plaît,

 23   si un crime est commis par un membre de la HV, mais cette personne a quitté

 24   les rangs de la HV, pour quelque raison que ce soit, entre le moment où

 25   l'acte a été commis et le moment où on dresse l'acte d'accusation, qui a

 26   compétence à ce moment-là, c'est un tribunal civil ou militaire ?

 27   R.  Nous allons aborder maintenant la deuxième de la procédure au pénal.

 28   Donc vous avez l'enquête qui a été déclenchée et qui a eu lieu et puis on

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  1   arrive au moment où on dresse l'acte d'accusation. A ce moment-là, pour ce

  2   qui est des tribunaux militaires et de leur compétence, la chose

  3   essentielle est la suivante : l'accusé est-il encore membre de la HV ou ne

  4   l'est-il plus. Si l'individu en question a été démobilisé avant que l'on ne

  5   dresse l'acte d'accusation, cela relève, à partir de ce moment-là, de la

  6   compétence des tribunaux civils. Prenons un cas de figure.

  7   Vous avez un meurtre qui a été commis. Au moment de la commission de

  8   l'acte, l'auteur était un militaire, on diligente une enquête qui est menée

  9   par le juge d'instruction militaire. A la fin de l'enquête, c'est le

 10   procureur militaire qui est saisi du dossier, c'est lui qui dresse l'acte

 11   d'accusation si l'auteur est un militaire. S'il ne l'est pas,

 12   automatiquement, au moment où on dresse l'acte d'accusation, ce sont les

 13   tribunaux civils qui sont saisis du dossier et c'est eux qui se chargent de

 14   la poursuite et de prendre toutes les mesures qui s'imposent par la suite.

 15   Q.  Pour enchaîner là-dessus, si, à partir du moment où le juge

 16   d'instruction militaire a terminé sa partie du travail, il y a transfert de

 17   compétences vers les tribunaux civils, est-ce qu'à partir de ce moment-là,

 18   les tribunaux civils doivent reprendre l'enquête à partir du début ou est-

 19   ce qu'ils héritent du dossier du procureur militaire ?

 20   R.  Ils reprennent là où l'enquête s'est terminée. Donc si l'enquête a été

 21   terminée, c'est le dossier entier qui est transmis au tribunal civil. On ne

 22   reprend pas les différentes phases de la procédure, on n'y revient plus.

 23   M. MISETIC : [interprétation] Madame la Greffière, 65 ter 1333, s'il vous

 24   plaît.

 25   Q.  Juge Matulovic, c'est le décret qui a été rendu par le président

 26   Tudjman, le 30 novembre 1992. Prenons l'article premier, sa dernière phrase

 27   où il est dit :

 28   "Après le premier paragraphe, on ajoute le paragraphe 2 :

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  1   'A titre exceptionnel, si l'auteur d'actes au pénal, dans les dossiers

  2   pénaux tels que visés dans les paragraphes 1 et 4, alinéa premier du

  3   présent article, si le statut de personnes militaires n'existe plus avant

  4   que l'acte d'accusation ne soit dressé, ce sera le tribunal civil municipal

  5   ou de district qui sera saisi de l'affaire.'"

  6   R.  Oui, c'est justement ce que je vous ai dit. Donc indépendamment du

  7   stade qu'a atteint la procédure, au moment où il y a changement de statut,

  8   ce sont les tribunaux civils qui auront la compétence à partir de ce

  9   moment-là.

 10   M. MISETIC : [interprétation] Je demande le versement de la pièce 1333 sur

 11   la liste 65 ter.

 12   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D1618.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1618 est versée au dossier.

 16   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 17   Q.  Au paragraphe 15 de votre déclaration, vous avez indiqué que le

 18   tribunal militaire remet des rapports sur son travail au ministère de la

 19   justice et à la Cour suprême de la République de Croatie. Pouvez-vous

 20   expliquer à la Chambre de première instance s'il y avait un problème dans

 21   le fonctionnement du système de rapports, est-ce que c'était le ministère

 22   de la Justice qui devait revoir ce travail et qui devait proposer des

 23   solutions pour le mauvais fonctionnement du système du tribunal militaire ?

 24   R.  Le ministère de la Justice fait partie de l'administration et est lié

 25   par son devoir et doit fournir tout ce dont les tribunaux peuvent avoir

 26   besoin afin de fonctionner normalement, de mener les procédures normales.

 27   Donc il s'agit essentiellement du ministère de la Justice qui était

 28   responsable du travail des tribunaux militaires et les tribunaux militaires

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  1   envoyaient un rapport concernant les affaires qui avaient été traitées au

  2   ministère de la Justice chaque fois où il n'y avait plus de règles de

  3   prescription. Donc tout se faisait sous la surveillance et la tutelle du

  4   ministère de la Justice.

  5   Q.  Je voudrais maintenant attirer l'attention sur le paragraphe 11 de

  6   votre déclaration où il vous a été demandé : 

  7   "Si c'était possible qu'un commandant militaire puisse influencer le

  8   travail d'un tribunal militaire, et si tel est le cas, de quelle façon ?"

  9   Votre réponse avait été :

 10   "En aucune façon un commandant militaire ne peut influencer le travail d'un

 11   tribunal militaire."

 12   Je voudrais maintenant vous montrer un document qui avait été versé au

 13   dossier et qui vous a été envoyé. Si nous pouvions prendre le document

 14   P2251, s'il vous plaît.

 15   Il s'agit d'un exemple d'un rapport journalier qui était envoyé par le 72e

 16   Bataillon de la police militaire en service, et qui fait la liste de tous

 17   les événements, des crimes, des problèmes d'ordre disciplinaire.

 18   Et si nous pouvions passer à l'avant-dernière page de ce document,

 19   s'il vous plaît. Et vous pouvez voir qu'il a été, entre autres, au point 6,

 20   remis au tribunal militaire du district militaire de Split. Et au point 7,

 21   on peut voir qu'il a été également remis au bureau du procureur militaire.

 22   Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, à votre sens, vous receviez un

 23   exemplaire de ces rapports journaliers du service du 72e Bataillon de la

 24   police militaire?

 25   R.  Je souhaiterais insister au début de la page, que nous ne voyons pas,

 26   mais si vous regardez de plus près, vous verrez que ce rapport avait été

 27   signé par le responsable de la police militaire, ce qui donne une réponse

 28   et qui explique pourquoi est-ce qu'il devait être envoyé. Parce que la

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  1   police militaire, tout comme la police civile, travaille 24 heures sur 24,

  2   et le responsable doit envoyer le rapport à tous ceux dont le nom figure

  3   ici. Et le rapport contient également un rapport sur les infractions en

  4   matière de discipline militaire indiquant s'il s'agissait d'infractions

  5   militaires ou du non-respect de la discipline militaire, et également des

  6   informations sur les crimes commis qui auraient pu être commis pendant le

  7   service, et également d'autres points. Pourquoi est-ce que cela était

  8   envoyé au tribunal militaire du district militaire de Split, nous

  9   demandions à ce que le 72e Bataillon de la police militaire nous le

 10   remette, mais je souhaiterais indiquer que la raison pour laquelle cela

 11   nous avait été demandé et qu'il nous avait été demandé de rédiger des

 12   rapports comme celui-ci, c'est que le juge de permanence et le juge

 13   d'instruction, le lendemain, lorsqu'ils remettaient le dossier à quelqu'un

 14   d'autre, pouvaient ainsi donner un aperçu de ce qui s'est passé, et les

 15   juges militaires étaient ainsi à même de contrôler le travail de la police

 16   militaire et de s'assurer que les rapports étaient envoyés en bonne et due

 17   forme et régulièrement au tribunal. Et si quelque chose devait se produire

 18   dans leur juridiction, dans leur domaine de compétence, elle ne pouvait se

 19   produire sans que le procureur ou le juge d'instruction ne soit au courant.

 20   Q.  Expliquez-nous alors, si quelque chose dans le rapport journalier

 21   montrait qu'il y avait eu, par exemple, un crime, et que le juge de

 22   permanence recevait une copie de ce rapport journalier et remarquait qu'il

 23   n'avait pas été avisé avant cela qu'un tel crime avait été commis, quelles

 24   étaient les démarches que pouvait entreprendre le tribunal militaire ou le

 25   procureur militaire ?

 26   R.  Pour ce qui est des démarches qu'il devait suivre si un crime venait à

 27   être commis - et je parle de façon générale - le procureur militaire était

 28   responsable. Dans notre système, le juge militaire ou le tribunal militaire

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  1   ne peuvent rien faire de leur propre initiative parce que les procédures

  2   doivent être lancées et doivent être menées par le procureur militaire.

  3   S'il y avait eu omission dans le rapport, alors nous informions le

  4   commandant du 72e Bataillon et également les plus hauts gradés de la police

  5   militaire, parce que la personne qui était responsable de l'équipe devait

  6   gérer cela. Je ne me souviens pas qu'il y ait eu de problèmes similaires au

  7   tribunal militaire de Split.

  8   Q.  Bien. Au numéro 2, vous verrez que ce document est également remis au

  9   commandant du district militaire de Split, et au point 3, au commandant de

 10   la garnison de Split. Est-ce que vous saviez -- ou est-ce que le commandant

 11   du district militaire de Split avait un rôle à jouer et pouvait contrôler

 12   le travail de la police militaire concernant les activités criminelles ?

 13   R.  Il ne pouvait pas réellement jouer un rôle parce que la police

 14   militaire était gérée par la police militaire. Et pour ce qui est de la

 15   soumission de rapports, aux points 2 et 3, au commandant du district

 16   militaire de Split et de la garnison de Split, la réponse figure déjà dans

 17   celle que je vous ai faite un petit peu plus tôt, à savoir que le rapport,

 18   si vous regardez les choses de plus près, faisait mention également de

 19   toutes les violations à l'encontre de la discipline militaire, et il est

 20   normal, dans le cadre de la hiérarchie du système militaire que le

 21   commandant du district militaire de Split et également la garnison de Split

 22   soient mis au courant de toute infraction sur le plan disciplinaire au sein

 23   des unités. Et ils devaient être au courant de ce qui se produisait. Et

 24   j'insiste sur le fait que les procédures disciplinaires militaires et les

 25   procédures pénales, s'il fallait entreprendre des démarches, n'avaient rien

 26   à voir l'une avec l'autre. Il s'agissait de procédures totalement séparées.

 27   Q.  Permettez-moi de vous poser la question en tant que président du

 28   tribunal militaire de Split, et sur toute cette période, est-ce que le

Page 20488

  1   général Gotovina, à votre connaissance, avait la possibilité d'influencer

  2   le système de justice pénale militaire depuis le moment de l'enquête

  3   jusqu'au prononcé du jugement ?

  4   R.  Si l'on tient compte de l'application de la Loi sur les procédures

  5   pénales selon lesquelles les tribunaux militaires et civils avaient

  6   compétence, M. Gotovina, en tant que commandant, n'avait absolument aucune

  7   compétence dans les procédures pour influencer le travail d'un tribunal

  8   militaire ou d'influencer le bureau du procureur militaire. Et permettez-

  9   moi d'ajouter qu'au cours de ces cinq années, je n'ai personnellement

 10   jamais entendu dire qu'il ait appelé quelqu'un ou quelqu'un l'ait appelé

 11   s'il s'agissait d'une affaire qui était de la compétence de la cour.

 12   Q.  Les cinq années auxquelles vous faites référence sont les cinq années

 13   pendant lesquelles vous étiez au tribunal militaire de Split ?

 14   R.  Oui. Oui, jusqu'au 6 décembre 1996.

 15   Q.  Je voudrais attirer votre attention sur une réunion qui s'est tenue au

 16   ministère de la Défense en octobre 1995, et je voudrais que nous passions

 17   au document 1D2784 de la liste 65 ter, s'il vous plaît.

 18   M. MISETIC : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Président, on vient

 19   de me dire que je devrais demander l'autorisation d'ajouter cette pièce à

 20   la liste du 65 ter.

 21   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'autorisation vous est accordée.

 23   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Q.  Il s'agit là d'une invitation qui a été envoyée à différentes

 25   personnes, y compris tous les présidents du tribunal militaire et qui porte

 26   sur une séance de travail qui devait se tenir le 19 octobre 1995 à 11

 27   heures du matin au ministère de la Défense. Et les sujets qui devaient être

 28   abordés étaient les problèmes que connaissaient les tribunaux militaires et

Page 20489

  1   le bureau des procureurs militaires dans leur travail concernant les

  2   obligations juridiques du ministère de la Défense et de l'armée croate, en

  3   particulier après les opérations Éclair et Tempête. Et le deuxième point

  4   concernait des suggestions et des demandes des tribunaux militaires et des

  5   bureaux du procureur militaire de l'Etat. Il y avait également deux autres

  6   points.

  7   Est-ce que vous vous souvenez avoir reçu cette invitation pour

  8   assister à cette réunion le 19 octobre 1995 ?

  9   R.  Oui. Je me souviens avoir reçu cette invitation et avoir assisté

 10   à cette réunion. Comme vous pouvez le voir, cette invitation avait été

 11   envoyée au ministère de la Défense, et le ministre adjoint qui était à

 12   l'époque M. Juras était responsable.

 13   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai demandé à

 14   ce que cette pièce reçoive une cote et qu'elle soit versée au dossier.

 15   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D1619, Président.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D1619 est versée au dossier.

 19   M. MISETIC : [interprétation] Merci.

 20   Madame la Greffière, si nous pouvions avoir le document 4656 de la liste 65

 21   ter, s'il vous plaît.

 22   Q.  Ce document est en date du 20 octobre 1995 et il avait été envoyé par

 23   le ministère de la Défense à tous les présidents du tribunal militaire,

 24   entre autres également.

 25   Donc si nous tournons la page du document dans la version anglaise,

 26   s'il vous plaît. Il s'agit de la page de couverture qui donne les

 27   conclusions auxquelles ils sont arrivés lors de cette séance de travail le

 28   19 octobre 1995. Si nous pouvions maintenant passer aux conclusions mêmes,

Page 20490

  1   à savoir le 1D2785 de la liste du 65 ter, s'il vous plaît.

  2   On me dit également que je dois demander l'autorisation pour verser ce

  3   document sur la liste du 65 ter. Là encore, il s'agit du document 1D2785 de

  4   la liste 65 ter.

  5   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'autorisation vous est accordée.

  7   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Q.  Le rapport -- et vous dites que vous avez assisté à la réunion. Le

  9   rapport dit ce sont les conclusions de la réunion, et la première

 10   conclusion est la suivante :

 11   "Les participants, à l'unanimité, ont conclu que les travaux du

 12   tribunal militaire et du bureau du procureur militaire ont contribué de

 13   façon efficace au fonctionnement et à la protection de l'état de droit de

 14   la République de Croatie."

 15   Et si nous descendons au point 8 de ce document, il est dit également

 16   que :

 17   "Les participants à cette séance de travail ont unanimement conclu

 18   que l'état basé sur la loi avait fonctionné effectivement et efficacement

 19   dans la zone libérée de la République de Croatie lors des opérations Eclair

 20   et Tempête, et les accusations de facteurs internes et externes

 21   malintentionnés contre l'Etat croate et l'armée croate sont non fondées

 22   dans la mesure où les instances compétentes des autorités avaient rempli

 23   leurs obligations légales en temps voulu et de façon efficace."

 24   Pouvez-vous nous expliquer ce que l'on entendait dans ces conclusions

 25   ? En d'autres termes, est-ce que vous pouvez expliquer au Tribunal quelle

 26   était l'opinion des participants à cette réunion concernant l'efficacité de

 27   ce système de justice militaire pénale après l'opération Tempête jusqu'au

 28   moment de cette réunion ?

Page 20491

  1   R.  Comme vous pouvez le voir à la première page de ces conclusions,

  2   il y est dit qu'après la tenue de cette réunion, les conclusions ont été

  3   rédigées par l'administration des affaires juridiques, et je peux

  4   interpréter ces conclusions données ici. Comme je les ai comprises, c'est

  5   par la suite que j'ai constaté qu'il en était bien ainsi. Vous savez que

  6   les responsabilités du tribunal militaire englobaient également les crimes

  7   relevant de l'article 20 du code pénal, et il s'agit là de crimes relatifs

  8   à la protection d'installations concernant la République de Croatie, tout

  9   ce qui concernait son intégrité territoriale et tout ce qui était lié à

 10   cela. Donc les tribunaux militaires avaient compétence sur ces crimes, et

 11   il s'agissait par exemple de rébellions armées, de sabotage, d'opérations

 12   terroristes, et tout ce qui était du même acabit, tout ce qui pouvait aller

 13   à l'encontre de l'intégrité et mettre en danger l'intégrité de la

 14   République de Croatie.

 15   Après ces opérations Eclair et Tempête, le bureau du procureur militaire et

 16   les tribunaux militaires ont travaillé de leur mieux. Les prisonniers ont

 17   été traduits devant les tribunaux dans les régions où ils avaient été

 18   arrêtés, et les procédures ont été menées rapidement. Et de façon générale,

 19   cela a commencé par un interrogatoire de ces personnes, puis par toute la

 20   période d'instruction et enfin, un acte d'accusation a été dressé.

 21   J'en profite pour insister, et ceci est extrêmement important, que

 22   dans le cas de ces crimes, si des procédures étaient menées concernant les

 23   prisonniers, comme je l'ai dit, aucune affaire qui était de la compétence

 24   du tribunal militaire à Split ne se relevait être problématique. Qu'est-ce

 25   que j'entends par là ? J'entends par là qu'il n'y a pas eu un seul

 26   prisonnier qui était maltraité de quelque façon que ce soit. Les procédures

 27   ont été menées conformément à la Loi sur les procédures pénales et

 28   conformément au code pénal. Il s'agissait là de la base utilisée pour mener

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  1   ces procédures, et il y a eu beaucoup d'affaires de ce type parce que nous

  2   avions un grand nombre de prisonniers. Et je pense de ce fait que les

  3   conclusions qui ont été rédigées par l'administration des affaires

  4   juridiques étaient bien rédigées et qu'en fait, cet état basé sur la loi

  5   était extrêmement efficace dans les territoires nouvellement libérés de la

  6   République de Croatie.

  7   Q.  Concernant les crimes qui avaient été commis après l'opération

  8   Tempête par des membres de la HV, quelle était la conclusion des

  9   participants à la réunion concernant l'efficacité de ce système de justice

 10   pénale militaire dans la poursuite des membres de la HV qui avaient commis

 11   un crime après l'opération Tempête ?

 12   R.  Bien, je pense que le point 8 des conclusions concerne également

 13   les membres de la HV; en d'autres termes, toutes les procédures et les

 14   démarches qui ont été entremises.

 15   Q.  Vous souvenez-vous de cas où les participants à la réunion, qu'il

 16   s'agisse de tribunal militaire ou du bureau du procureur militaire ou un

 17   autre participant à la réunion ait laissé entendre que des commandants

 18   militaires devaient entreprendre des actions pour empêcher les crimes parce

 19   que le système de justice pénale était incapable de faire face de façon

 20   efficace à ce problème ?

 21   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit d'une

 22   question directrice.

 23   M. MISETIC : [interprétation] Je ne pense pas que la réponse soit contenue

 24   dans la question, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous reformuler votre question.

 26   M. MISETIC : [interprétation] Bien sûr.

 27   Q.  Y a-t-il eu des discussions lors de cette réunion du 19 concernant des

 28   problèmes dans le fonctionnement du système de justice pénale militaire et

Page 20493

  1   qui auraient demandé à être traités ou à être gérés par des commandants

  2   militaires ?

  3   Permettez-moi de reformuler ma question. Nous allons d'abord --

  4   R.  Je peux répondre. Donc j'ai compris votre question. Si vous souhaitez

  5   que je réponde, je suis prêt à le faire.

  6   Q.  Je vous en prie.

  7   R.  Ceci peut être lié à une chose dont j'ai déjà parlé, à savoir que les

  8   commandants militaires ou toute personne au sein du système de défense ne

  9   pouvait contrôler, ni n'avait la compétence pour influencer les travaux des

 10   tribunaux militaires et des bureaux de procureurs militaires. S'il y avait

 11   des problèmes - et j'insiste sur le "si", je ne dis pas qu'il y avait des

 12   problèmes - mais s'il y avait eu des problèmes de discipline au sein des

 13   unités, c'était une question d'ordre interne qui devait être gérée par les

 14   commandants des unités. Et ceci se gérait au niveau du ministère de la

 15   Défense des unités et de leurs commandants. Donc que les commandants aient

 16   été satisfaits ou mécontents de ce qui était fait, c'est quelque chose qui

 17   n'a pas fait l'objet de discussion lors de cette réunion, autant que je

 18   puisse m'en souvenir parce que nous avons essentiellement parlé de crimes

 19   et de délits d'ordre pénal. Et ceci était important sur le plan

 20   international et national parce que tous deux surveillaient de très près de

 21   ces tribunaux et les bureaux du procureur dans les diverses instances.

 22   Q.  Si nous pouvions maintenant passer au paragraphe 7 des conclusions de

 23   cette réunion. Si nous pouvions revenir en arrière, à la page précédente

 24   dans la version anglaise.

 25   Il s'agit du paragraphe 7 à l'écran, Monsieur le Juge. Il est dit que l'une

 26   des conclusions était la suivante :

 27   "Le ministère de la Défense engagera toutes les unités, l'état-major

 28   principal et les commandants des districts militaires à répondre aux

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  1   requêtes de la cour en temps voulu. Il en va de même également concernant

  2   les soumissions d'éléments de preuve nécessaires dans des affaires

  3   particulières. Le MUP devra également apporter toute l'aide nécessaire

  4   concernant la soumission de ces éléments de preuve."

  5   Pouvez-vous expliquer au Tribunal à quoi ces conclusions font référence ?

  6   De quoi s'agissait-il ?

  7   R.  Ces conclusions concernaient les travaux de la police militaire qui

  8   devaient être actualisés au maximum car cela faisait partie de la

  9   juridiction des tribunaux militaires. Lorsque l'on mène des enquêtes

 10   complexes, en dehors du procès-verbal qui doit être rédigé, il faut

 11   également relever des traces, des traces de sang, d'urine, et cetera, et il

 12   y a beaucoup d'activités qui doivent être entreprises et qui sont

 13   extrêmement importantes pour les travaux ultérieurs de la cour dans les

 14   procédures d'enquête et d'instruction et nous souhaitions que cela soit à

 15   jour autant que faire se peut. Et si les analyses devaient être faites dans

 16   les cinq jours, il ne fallait pas attendre 15 jours pour obtenir les

 17   résultats et ceci concernait essentiellement ce genre de coopération.

 18   Q.  A votre connaissance, y avait-il un problème jusqu'à cette réunion, au

 19   niveau de la coopération avec l'état-major principal ou le commandement des

 20   régions militaires, en matière de coopération dans les affaires criminelles

 21   ?

 22   R.  Autant que je puisse m'en souvenir, la coopération était assez bonne.

 23   Il n'y avait pas de problème important sur le plan des travaux du tribunal.

 24   Peut-être à un moment donné, simplement parce que les unités étaient sur le

 25   front, nous avons eu quelques problèmes mineurs concernant les injonctions

 26   à comparaître qui devaient être remises et ces injonctions devaient être

 27   remises au personnel militaire, comme au personnel de la police et ne

 28   comportaient pas uniquement un nom et un prénom, mais simplement le nom de

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  1   l'unité. Et que se passait-il ? L'unité était sur le terrain et il y avait

  2   une personne de l'unité qui était responsable de la réception du courrier,

  3   comme c'est le cas actuellement au sein de la police et de l'armée, et

  4   cette personne était la seule et unique pouvant signer les récépissés de

  5   documents. Et cette personne, à l'époque, n'avait pas beaucoup d'expérience

  6   en la matière et il a pu se produire que sur l'injonction à comparaître, il

  7   ait été écrit que telle ou telle personne était au front et cette

  8   injonction à comparaître était renvoyée au tribunal. Le tribunal, ensuite,

  9   se penchait là-dessus pour voir quel était le problème. Mais c'est quelque

 10   chose que nous arrivions à résoudre de façon très efficace et très

 11   rapidement et nous pouvions ainsi résoudre tous les problèmes. Donc ce

 12   n'était pas un problème important que l'on pouvait interpréter comme étant

 13   un désir de faire obstruction, mais c'était simplement dû à un manque

 14   d'expérience de la part de la personne qui était responsable de cela.

 15   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais verser le

 16   document 4656 de la liste 65 ter et le 1D2785 de la liste 65 ter.

 17   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 19   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièces D1620 et D1621, Monsieur le

 20   Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ces deux pièces sont versées au dossier

 22   comme éléments de preuve.

 23   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   Q.  Vous avez déjà parlé, Monsieur le Juge, du fait que votre juridiction

 25   s'occupait de prisonniers -- excusez-moi, je souhaiterais vous montrer un

 26   document sur cette question.

 27   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande

 28   l'autorisation d'ajouter à la liste 65 ter un document à notre liste de

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  1   pièces.

  2   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'autorisation vous est donnée.

  4   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  5   Madame la Greffière, si vous pouviez présenter à l'écran, s'il vous plaît,

  6   le 1D2786 de la liste 65 ter.

  7   Q.  C'est une ordonnance rendue par un juge militaire le 8 août. Est-ce que

  8   vous connaissez le juge Bosko Jurisic ?

  9   R.  Oui. Il était l'un des juges, à l'origine.

 10   Q.  C'est donc une ordonnance qui indique que -- non, pardon, c'est une

 11   commission, une demande parce qu'elle dit --

 12   R.  Ce n'est pas effectivement une ordonnance. C'est une lettre.

 13   Q.  C'est une lettre qui demande en ce qui concerne des prisonniers, où ils

 14   devraient être détenus, dans quelle prison; c'est bien cela ? A quel

 15   endroit ?

 16   R.  Ceci a à voir avec des personnes qui avaient été arrêtées dans le cadre

 17   de l'opération Tempête. Est-ce que je peux lire le document ?

 18   Q.  Je voudrais vous demander --

 19   R.  Il y a tous ceux qui avaient été arrêtés et contre lesquels une

 20   décision avait déjà été prise de les mettre en détention et contre lesquels

 21   un mandat avait été décerné portant qu'ils devaient être présentés au

 22   tribunal de district de Zadar, indépendamment du fait de savoir si le

 23   mandat demandait qu'ils soient également mis en détention dans d'autres

 24   tribunaux de district et ainsi de suite. Donc c'est quelque chose qui est

 25   rédigé par le juge militaire, Bosko Jurisic, après l'opération Tempête. Et

 26   la seule raison pour laquelle de tels ordres sont dressés, c'est pour

 27   accélérer la procédure autant que possible, c'est-à-dire pour réduire

 28   autant que possible la possibilité pour que ces personnes qui étaient des

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  1   prisonniers se retrouvent dans des situations difficiles, y compris les

  2   problèmes de transport sur des distances de quelque 200 kilomètres, de

  3   sorte qu'ils devaient être emmenés à la prison qui était la plus proche de

  4   l'endroit où ils avaient été arrêtés. Et c'est de là que les procédures

  5   devaient se dérouler. Tout ceci était fait de façon à accélérer les

  6   procédures.

  7   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande que la

  8   pièce 1D2786 de la liste 65 ter reçoive une cote, et je la présente pour

  9   dépôt au dossier.

 10   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce D1622, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1622 est admise au dossier

 14   comme élément de preuve.

 15   Monsieur Matulovic, je voudrais vous poser une question. Lorsque Me Misetic

 16   vous a dit, Ceci est une ordonnance, vous l'avez immédiatement corrigé en

 17   lui disant que c'était une lettre et non pas une ordonnance. Néanmoins, dix

 18   lignes plus bas environ, vous avez dit que de tels ordres ou ordonnances

 19   étaient donnés pour tel et tel objet. Et maintenant, je voudrais savoir si

 20   cette lettre contient un ordre ou une instruction qui doit être suivi par

 21   le destinataire ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous n'avez probablement pas bien entendu

 23   lorsque j'ai dit que ça n'était pas une ordonnance ou un ordre, parce qu'un

 24   ordre implique que quelqu'un reçoit un ordre. Ici, c'est un mémorandum qui

 25   contient des instructions, donc ce sont deux notions différentes. Le juge

 26   en l'espèce donne des instructions aux destinataires de procéder de telle

 27   manière, dans toute la mesure du possible, et l'un des motifs pour lesquels

 28   il voulait que ce soit fait de telle manière était parce que la prison de

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  1   Split avait trop de prisonniers. Donc c'était là une solution pratique qui

  2   était proposée. Là encore, ce n'était pas un ordre ou une ordonnance. Il

  3   s'agit d'une instruction qui est donnée sous la forme d'une lettre ou d'un

  4   mémorandum.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais je pense -- enfin j'ai

  6   remarqué que dans votre réponse, à moins qu'il y ait un problème

  7   d'interprétation ou de traduction, la première chose que j'ai dit c'est que

  8   vous avez corrigé M. Misetic quand il a utilisé le mot "ordre" ou

  9   "ordonnance". Vous avez dit c'est une lettre.

 10   Maintenant, est-ce que ceux qui étaient destinataires de cette lettre ou de

 11   ces instructions avaient l'obligation de suivre ce qui était dit ou est-ce

 12   qu'ils pouvaient dire, Nous avons essayé de faire les choses d'une autre

 13   manière ?

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Si les conditions n'étaient pas réunies pour

 15   permettre de faire ce qui était demandé dans cette lettre, et s'ils

 16   n'agissaient pas conformément à ce qui était dit dans cette lettre, ils

 17   devaient informer le juge du fait qu'ils n'avaient pas été en mesure de

 18   suivre ses instructions, de sorte que des mesures puissent être prises afin

 19   que les prisonniers puissent être emmenés ailleurs.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si les conditions voulues étaient

 21   réunies, est-ce que les destinataires avaient l'obligation de suivre les

 22   instructions données ?

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Très probablement, le juge a rédigé ceci après

 24   avoir consulté les personnes compétentes, premièrement dans la prison de

 25   Zadar, puis les personnes compétentes, comme vous pouvez le voir, à la

 26   police de Zadar-Knin, à l'administration, ce qui veut dire qu'un accord

 27   avait déjà été arrangé et conclu, parce que pour toute mesure prise, il

 28   fallait qu'il y ait une trace écrite dans le dossier. C'est la raison pour

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  1   laquelle le juge a fait ceci, de sorte que quelqu'un, par la suite, ne

  2   puisse pas dire, Pourquoi est-ce que ces personnes ont été transférées ici

  3   et pas là, et ainsi de suite. Donc il était nécessaire d'avoir une trace

  4   écrite afin que ces procédures puissent se poursuivre dès que possible.

  5   Comme vous pouvez le voir, il y avait déjà des décisions qui avaient été

  6   prises pour ce qui était de garder ces personnes en détention. Il y avait

  7   eu des mandats qui avaient été décernés. Et basé sur les instructions

  8   données par ce juge et avec l'acquiescement de la police de Zadar-Split,

  9   ces personnes ont été emmenées à Zadar.

 10   Nous avons eu des situations analogues par le passé où après certaines

 11   opérations nous avons eu un grand nombre de prisonniers, de sorte que les

 12   prisons, en plus des détenus qui s'y trouvaient déjà et des obligations

 13   qu'ils avaient, ne pouvaient plus recevoir un nombre important de personnes

 14   en plus. Et puisque tout ça --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes en train de dépenser beaucoup

 16   de temps sur ce qui, en pratique, pourrait s'opposer à ce qu'il valait

 17   mieux faire de telle ou telle manière.

 18   Ma question était une question différente. Ma question était : voici une

 19   lettre qui est envoyée par le tribunal militaire de Split disant à

 20   l'administration de Zadar-Knin ce qu'ils doivent faire avec leurs

 21   prisonniers, tout au moins --

 22   M. MISETIC : [interprétation] Peut-être que je pourrais présenter un

 23   document qui pourrait éclaircir la situation.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Alors nous allons attendre et nous

 25   verrons, mais je remarque que les réponses du témoin ne sont pas très

 26   centrées sur la question que j'ai posée.

 27   Veuillez poursuivre.

 28   M. MISETIC : [interprétation]

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  1   Q.  Monsieur le Juge, allons-y pas à pas. Les personnes qui se trouvent en

  2   détention, qui sont gardées par le MUP à ce moment-là, la question est de

  3   savoir qui a formulé les accusations d'infractions pénales ? En d'autres

  4   termes, quelle juridiction a commencé une instance au pénal pour des actes

  5   contre la République de Croatie, est-ce que c'est le tribunal militaire ou

  6   est-ce que c'est le tribunal civil ?

  7   R.  Le procureur militaire. Il s'agissait là de crimes ou d'infractions que

  8   j'ai décrites plus tôt, relevant du chapitre 20 du code pénal.

  9   Q.  Donc dans cette situation, les personnes pour lesquelles un acte

 10   d'accusation avait été lancé par le procureur militaire pour des

 11   infractions ou crimes contre la Croatie auraient pu avoir été détenues par

 12   le MUP, n'est-ce pas ? Et le juge donne des instructions sur ce qu'il faut

 13   faire de ces personnes qui dépendent de lui, de son ressort, n'est-ce pas ?

 14   R.  Ils pouvaient se trouver dans le ressort du MUP et sous sa compétence,

 15   mais la loi précise très nettement pour quelle durée. Et à ce moment-là, je

 16   pense que la durée maximum était de 48 heures. Il est nécessaire de

 17   regarder la disposition précise qui s'applique dans les procédures pénales

 18   en ce qui concerne la période exacte pendant laquelle, à la suite de leur

 19   arrestation, ils devaient être présentés à un juge d'instruction pour être

 20   interrogés pour la suite de la procédure, c'est-à-dire que le MUP n'était

 21   pas compétent pour décider de son propre chef combien de temps ils

 22   pouvaient quelqu'un en détention. Ce sont là des dispositions extrêmement

 23   précises à ce sujet.

 24   Quant à cette lettre ou ce mémorandum, je n'arrive pas à voir -- ou plus

 25   exactement, je peux voir seulement qu'il s'agit d'une décision visant à

 26   mettre ces personnes en détention et qu'il y a également un mandat, et très

 27   probablement, après ça, il y a eu une enquête, et ensuite encore, une

 28   inculpation ou accusation.

Page 20502

  1   Q.  Jetons un coup d'œil maintenant sur un autre document sur la question,

  2   à savoir le 5277 de la liste 65 ter, Madame la Greffière.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis un petit peu dans la confusion

  4   en ce qui concerne la dernière réponse. Vous avez dit, Quant à cette

  5   lettre, je vois seulement qu'il s'agit d'une décision de mettre ces

  6   personnes en détention et qu'il y avait également un mandat, et très

  7   probablement, après cela, a suivi une enquête, et plus tard encore, une

  8   inculpation ou accusation.

  9   Est-ce que l'on pourrait voir à l'écran ce document, s'il vous plaît. Le

 10   document précédent.

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas besoin de ce document. J'ai

 12   compris votre question, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, un instant, s'il vous plaît.

 14   Parce que le document commence par ceci :

 15   "Nous vous informons du fait que tous les accusés contre lesquels des

 16   poursuites pénales ont été engagées pour des…"

 17   Est-ce que ceci veut dire -- vous avez parlé de charges du chef

 18   d'accusation de caractère pénal qui ont été engagées. S'agit-il de quelque

 19   chose de différent du fait d'être accusé ou inculpé ? Là aussi, la

 20   rédaction en anglais parle de "accusé", et parfois la distinction est faite

 21   entre les personnes qui sont soupçonnées, les suspects, et les personnes

 22   qui sont accusées. Ensuite, on lit plus loin que des poursuites ou une

 23   instance au pénal a été engagée pour des infractions de caractère pénal.

 24   Par conséquent, je voudrais essayer de comprendre et de concilier le fait

 25   qu'il faut d'abord qu'une enquête ait lieu, et je ne comprends pas

 26   pleinement cela, et je ne vois pas pourquoi il y a cette terminologie de

 27   "accusé" par rapport à quelqu'un sur lequel des poursuites pénales ont été

 28   engagées. Il faut que je comprenne comment tout ceci s'articule.

Page 20503

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je vais revenir maintenant sur un certain

  2   nombre de points et vous expliquer certains termes de la loi ou du droit

  3   croate en matière de procédure pénale. Ceci pourrait peut-être éclaircir le

  4   problème pour vous.

  5   Dans la Loi concernant la procédure pénale, nous avons un terme qui

  6   est le terme "suspect", il s'agit d'une personne qui est soupçonnée d'avoir

  7   commis une infraction de caractère pénal. Et ensuite nous avons un autre

  8   terme, le terme "accusé" et également le terme "inculpé". Et ensuite à la

  9   fin de cette disposition, il est dit qu'un accusé relève de la disposition

 10   juridique selon laquelle une personne est soupçonnée d'avoir commis une

 11   infraction de caractère pénal, tandis que "inculpé" c'est une personne

 12   contre laquelle une accusation a été lancée, et cette accusation a un

 13   caractère final. Le mot "accusé" peut désigner une personne contre laquelle

 14   une inculpation a été lancée, mais peut-être que cette inculpation n'est

 15   pas définitive encore.

 16   Je ne peux pas commenter cette lettre qui émane d'un de mes

 17   collègues, parce qu'en l'espèce je pense qu'il y avait des accusés contre

 18   lesquels un acte d'accusation avait été lancé, mais comme vous pouvez le

 19   voir ensuite dans le texte, cet acte d'accusation n'a pas un caractère

 20   définitif parce qu'il y a une décision qui est de les placer en détention

 21   et il y a également un mandat qui est décerné.

 22   Donc il peut y avoir détention dans une phase préalable à un procès,

 23   dans des procédures préliminaires, mais à ce moment-là peut-être que la

 24   personne ne peut être trouvée et n'est pas disponible pour comparaître

 25   devant une juridiction. Et dans ce cas-là -- j'ai besoin de voir la liste,

 26   mais peut-être que ce n'est pas essentiel, parmi ces personnes il y a ceux

 27   qui se trouvaient en prison, et ceux qui faisaient peut-être l'objet d'une

 28   enquête et qui n'étaient pas disponibles à ce moment-là.

Page 20504

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si je vous comprends bien, vous dites

  2   que bien que votre réponse initialement était que c'était seulement

  3   qu'après qu'une enquête était diligentée, par la suite, un acte

  4   d'accusation serait lancé. Vous n'excluez pas la possibilité sur la base de

  5   la terminologie employée que ceci puisse également s'appliquer à des

  6   personnes ayant déjà fait l'objet d'une inculpation ou d'une accusation,

  7   mais que peut-être l'acte n'avait pas encore reçu sa forme définitive, et

  8   que les personnes en question pouvaient être encore en fuite, ou en tout

  9   les cas contumaces. Je vous remercie de ces éclaircissements.

 10   Veuillez poursuivre.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 12   On me signale que le document suivant que j'ai demandé, ça devrait être la

 13   pièce P909.

 14   Q.  Il s'agit là d'un rapport du ministère de l'Intérieur daté du 21 août

 15   1995 concernant la situation et le traitement -- non, excusez-moi. L'objet

 16   c'est : "Rapport final sur le traitement de prisonniers de guerre dans les

 17   centres de réception pour les prisonniers de guerre." Et je tourne la page

 18   et je veux savoir si le comité international de la Croix-Rouge a eu accès à

 19   des personnes, des prisonniers de guerre, pour autant que vous le sachiez,

 20   y compris des personnes qui étaient détenues là sous la compétence du

 21   tribunal militaire ?

 22   R.  Nous avions des visites régulièrement de représentants de la Croix-

 23   Rouge, je veux dire de leur comité principal de Genève, qui régulièrement

 24   venaient rendre visite à tous les prisonniers de guerre qui se trouvaient

 25   dans le ressort et sous la compétence de la juridiction militaire à Split

 26   et où étaient toutes les prisons, à Sibenik, Zadar et Dubrovnik. Ces

 27   personnes à qui elles rendaient visite notamment avaient également le droit

 28   d'écrire des lettres sur des cartes qui leur était fournies.

Page 20505

  1   Q.  Excusez-moi, je voudrais simplement vous poser une question

  2   supplémentaire. Est-ce que la Croix-Rouge a jamais exprimé des

  3   préoccupations concernant le traitement des prisonniers qui étaient détenus

  4   dans le ressort de la juridiction militaire de Split ?

  5   R.  Non, jamais. Je sais qu'à la suite de leur demande, chaque fois qu'ils

  6   venaient pour nous remercier de leur avoir permis d'effectuer une visite,

  7   nous montrions ces lettres qui étaient adressées à des parents, à des

  8   familles. Nous ne voulions pas lire ces lettres, parce que nous pensions

  9   que c'était des questions privées, que tout un chacun leur écrivait, mais à

 10   l'occasion, on regardait certaines des lettres qui étaient écrites par ces

 11   prisonniers, et ils ne se sont jamais plaints dans ces lettres d'avoir

 12   jamais été maltraités, que ce soit au moment de leur arrestation ou alors

 13   qu'ils étaient en prison.

 14   Q.  Je voudrais maintenant appeler votre attention au paragraphe 1.5, qui

 15   figure à la page 2 du texte anglais, et je pense que ça doit être la page

 16   suivante pour la version croate.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, la réponse précédente

 18   continue de me poser des problèmes.

 19   Qui devait montrer des lettres qu'apparemment des prisonniers

 20   envoyaient à leurs parents, qui montrait ces lettres ?

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Des représentants de la Croix-Rouge qui

 22   venaient effectuer des visites informaient le tribunal de ce qu'ils avaient

 23   fait. C'était eux qui informaient le tribunal. Ils en informeraient la

 24   Chambre.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais est-ce qu'ils avaient des

 26   copies de ces lettres envoyées par les prisonniers ? Vous avez dit que :

 27   "Si, à la suite de leur demande, chaque fois qu'ils venaient nous remercier

 28   pour leur avoir permis d'effectuer une visite, on montrait ces lettres qui

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  1   étaient adressées à leurs parents," et à ce que je comprends, c'est ce que

  2   vous confirmez, à savoir que la Croix-Rouge montrait les lettres dont vous

  3   avez dit que vous ne souhaitiez pas les lire, mais de temps à autre vous le

  4   faisiez. De façon occasionnelle avez-vous dit :

  5   "Nous regardions certaines des lettres écrites par ces prisonniers, et ils

  6   ne se sont jamais plaints dans ces lettres d'avoir été maltraités," ce qui

  7   suggère que vous les avez lues tout au moins de façon occasionnelle.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois dire que même aujourd'hui, lorsqu'il

  9   s'agit de prisonniers qui écrivent des lettres à des parents ou qui que ce

 10   soit d'autre, le tribunal a l'obligation de lire ces lettres avant de

 11   donner accord, parce qu'il est interdit d'écrire dans les lettres quelque

 12   chose qui concerne l'évolution de la procédure ou qui peut offenser le

 13   tribunal, ou quoi que ce soit de cette nature. C'est la raison pour

 14   laquelle la Croix-Rouge nous donnait cette lettre, et dans certains cas de

 15   personnes qui étaient jugées pour certaines infractions graves contre la

 16   République de Croatie, nous examinions ces lettres pour voir si une

 17   personne faisait un commentaire concernant la façon dont fonctionnait les

 18   tribunaux, s'ils écrivaient dans cette lettre quelque chose qu'ils

 19   n'auraient pas dû y écrire. C'était la seule raison. Et comme je l'ai dit,

 20   ceci se fait encore aujourd'hui pour s'assurer qu'il n'y a rien dans ces

 21   lettres qui soit interdit.

 22   Excusez-moi. On ne conservait jamais des copies de ces lettres dans

 23   les dossiers du tribunal.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais essayer maintenant de comprendre

 25   ce que vous venez de dire dans votre déposition.

 26   Alors qu'initialement vous avez dit que vous ne souhaitiez pas lire ces

 27   lettres et que ce n'était que de façon occasionnelle que vous y jetteriez

 28   un coup d'œil à certaines d'entre elles, ceci -- mais je ne suis pas en

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  1   train de critiquer en aucune manière. Ceci était le contrôle ordinaire

  2   d'une correspondance de prison que nous trouvons. Donc je vous ai posé la

  3   question de savoir si vous aviez lu ou si vous lisiez, et vous avez plus ou

  4   moins dit que la Croix-Rouge donnait ces lettres et que vous y jetiez un

  5   coup d'œil. Maintenant, tout ceci, dans une réponse à la question de savoir

  6   si la Croix-Rouge ne s'est jamais plainte concernant le traitement des

  7   intéressés, parce que telle était la question qui vous a été posée par Me

  8   Misetic, à savoir si la Croix-Rouge avait eu des problèmes. Votre réponse

  9   s'est centrée intégralement sur ce que vous avez vu dans des lettres

 10   concernant ce que les prisonniers, sachant qu'il y aurait, j'allais dire,

 11   une sorte de censure normale dans des situations de détention, qu'il y

 12   aurait des gens pour les lire. Mais savoir si la Croix-Rouge ne s'est

 13   jamais plainte ou avait des commentaires à faire, cette question n'a jamais

 14   été posée.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois avoir souligné qu'au début, nous

 16   n'avons jamais eu de plaintes d'aucun prisonnier. Je dois faire remarquer

 17   que dans ces lettres, s'ils ne voulaient pas écrire quelque chose à

 18   quelqu'un, ils pouvaient écrire une sorte de plainte et je ne la verrais

 19   jamais. Donc il n'y a jamais eu de plaintes, que ce soit prononcé

 20   verbalement, pour ce qui est de la Croix-Rouge ou dans ces lettres, parce

 21   que la Croix-Rouge aurait eu l'obligation de nous informer de cela.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre réponse a commencé par dire qu'il

 23   n'y a jamais eu d'inquiétude exprimée par la Croix-Rouge, de sorte que

 24   c'était les deux premiers mots, "non, jamais," et ensuite vous avez

 25   expliqué ceci en vous référant exclusivement aux lettres que vous aviez

 26   vues et qui vous avaient été données par la Croix-Rouge. Mais je comprends

 27   que la Croix-Rouge elle-même, indépendamment de ce qui se trouvait dans les

 28   lettres, n'a jamais exprimé aucune préoccupation. Est-ce que j'ai bien

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  1   compris ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il n'y a jamais eu d'inquiétude ou de

  3   préoccupation exprimée, que ce soit par la Croix-Rouge ou dans les lettres.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

  5   Veuillez poursuivre.

  6   Maître Misetic, je regarde la pendule. Je ne sais pas --

  7   premièrement, je ne sais pas de combien de temps vous allez avoir besoin.

  8   Deuxièmement, je ne sais pas si c'est un bon moment ou si le moment sera

  9   venu bientôt.

 10   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai encore peut-être

 11   15 minutes de plaidoirie.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais écoutez, c'est trop. Ce serait

 13   peut-être maintenant le moment qui convient pour faire une suspension

 14   d'audience.

 15   M. MISETIC : [interprétation] Ça me convient très bien.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, Monsieur Matulovic, nous allons

 17   suspendre l'audience et nous reprendrons à 11 heures moins 5. L'audience

 18   est suspendue.

 19   --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

 20   --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, veuillez poursuivre.

 22   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 23   Q.  Monsieur Matulovic, je vous ai montré le paragraphe 1.5. Quelques dates

 24   sont évoquées ici au sujet des déplacements qui ont été faits pour rendre

 25   visite aux prisonniers de guerre, des visites effectuées par des employés

 26   de la Croix-Rouge de Genève, donc les 7, 10, 11, 19 août. Est-ce que cela

 27   correspond à vos souvenirs, quelle était la fréquence de ces déplacements

 28   effectués par le CICR de Genève pour se rendre auprès des prisonniers ?

Page 20509

  1   R.  Je ne pourrais pas me rappeler aujourd'hui de la fréquence de ces

  2   visites. Ces entrées correspondent à la date du mois d'août 1995. Là, ils

  3   se sont rendus souvent auprès de ces prisonniers, mais même avant

  4   l'opération Tempête, il leur est arrivé de venir. Ce n'était pas aussi

  5   fréquent, mais c'était régulier.

  6   Q.  Prenons à présent le paragraphe 2.3. C'est la page 3 en anglais, page 3

  7   en croate. Nous voyons ici les paragraphes qui font état du nombre total

  8   des prisonniers de guerre. Sur le nombre total de prisonniers de guerre au

  9   centre de réception du MUP, quel a été le nombre de ceux qui ont été amenés

 10   par le juge d'instruction au tribunal militaire de Split. Donc, au

 11   paragraphe 2.3, il est dit :

 12   "Sur le nombre total, à savoir 183 prisonniers de guerre qui ont été amenés

 13   au centre de réception des prisonniers de guerre, suite à un dépôt de

 14   plaintes au pénal, le juge d'instruction au tribunal militaire de Split

 15   s'est vu amener en tout 81 prisonniers.

 16   "Sur le nombre total de prisonniers qui ont été amenés au juge

 17   d'instruction, 72 ont été signalés suite à un doute fondé d'avoir commis un

 18   crime ou délit tel que prévu à l'article premier du code de procédure

 19   pénal…"

 20   Nous avons aussi différentes références qui sont faites aux prisonniers de

 21   guerre plus loin dans ce document, prisonniers de guerre détenus par le MUP

 22   et des références portant sur le transfert devant les tribunaux militaires.

 23   Est-ce que vous pouvez expliquer pourquoi ces prisonniers ont été

 24   transférés du MUP au tribunal militaire ?

 25   Par exemple, je vais vous montrer un paragraphe de plus de ce document,

 26   page 6 en anglais, paragraphe 4.1. Nous avons ici un tableau qui a été

 27   dessiné, nous avons une mention, Pupovac Rade, dans la première ligne, a

 28   été transféré le 9 août 1995 au tribunal militaire. Pourquoi est-ce qu'il a

Page 20510

  1   été placé entre les mains du tribunal militaire, donc enlevé au MUP ?

  2   Pourquoi n'est-il plus sous la garde du MUP ?

  3   R.  Cette question, j'y ai déjà répondu lorsque je suis venu déposer

  4   précédemment. Le code de procédure pénal prévoit des délais très précis, et

  5   sur la base de ces dispositions, il convient d'engager la procédure dans

  6   des délais prévus contre les accusés. Donc ils sont traduits devant le juge

  7   d'instruction pour la suite de la procédure. Je n'ai plus le chiffre, je

  8   pense que c'était 183 ou 181, le nombre que l'on voyait au document. Cela

  9   correspond tout à fait à la pratique d'aujourd'hui. Lorsque vous avez

 10   quelqu'un qui est un suspect, mais le doute n'est pas confirmé, alors on

 11   abandonne les poursuites. C'est la raison peut-être pour laquelle on voit

 12   qu'il y a une telle réduction du nombre de personnes. Donc on a relâché un

 13   grand nombre de personnes. 

 14   Et puis j'ai parlé aussi de la procédure pénale précédemment. Si vous

 15   vous penchez plus en avant sur ces articles, vous verrez qu'il s'agit là

 16   des actes qui relèvent de la compétence du tribunal militaire, atteinte à

 17   l'intégrité territoriale et autres actes contre l'Etat.

 18   Q.  Changeons de sujet à présent, si vous voulez bien. Parlons des

 19   individus d'appartenance serbe qui se sont trouvés dans le camp des Nations

 20   Unies à Knin. Pourriez-vous nous dire quel a été le rôle que vous avez

 21   joué, eu égard aux détenus placés au camp de Knin ? Et je précise qu'il

 22   s'agit des mois d'août et de septembre 1995.

 23   R.  S'agissant des individus qui se sont trouvés dans ce centre de

 24   rassemblement au sud, si mes souvenirs sont bons, il s'agissait là de

 25   prisonniers de guerre, et parmi eux il y avait des civils qui étaient en

 26   fait des personnes déplacées qui se sont mises à l'abri. Ici, tout

 27   simplement, nous avons reçu des données les concernant et on a mis sur

 28   pied, je ne dirais pas une commission, mais un groupe composé des agents de

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  1   police, des représentants des services de Renseignement, du procureur et du

  2   tribunal militaire et même du tribunal du comté de Split.

  3   Pourquoi est-ce qu'on a voulu créer ce groupe ? Justement, nous avons déjà

  4   parlé de cela. Nous avons vu ce mémo ou ces instructions, à savoir dans ce

  5   centre de rassemblement - je ne pourrais pas l'appeler camp - on y a vu

  6   arriver un certain nombre de personnes qui faisaient déjà l'objet de

  7   poursuites au pénal, et le danger auquel on était confronté c'est que ces

  8   personnes se mélangent aux civils qui ne faisaient l'objet d'aucune

  9   poursuite, et qu'à partir d'un certain moment où ils auront quitté la

 10   Croatie ou ils auront fait l'objet d'échanges, par exemple, ils échappent à

 11   la justice croate. Donc nous avions nos listes de noms, de prénoms, vous le

 12   voyez par exemple dans ce tableau. Et le seul objectif, la seule finalité,

 13   à nos yeux, nous les représentants de la justice, c'était de sélectionner

 14   ces gens, de les identifier et de les traduire devant la justice, devant

 15   les tribunaux, par exemple du district, s'il s'agissait de quelqu'un qui

 16   était accusé d'avoir commis des crimes de guerre.

 17   Et je précise qu'un officier de haut rang de la FORPRONU, me semble-t-il un

 18   Français, a assisté à ces échanges. Donc pour chaque individu que nous

 19   sommes venus rechercher dans ce centre de rassemblement, nous lui avons

 20   présenté son dossier, le dossier y afférant qui venait des archives du

 21   tribunal de Split.

 22   Donc récapitulons la procédure déjà engagée contre cette personne.

 23   Parmi ces individus qui faisaient l'objet de poursuites et en particulier

 24   s'il s'agissait de crimes graves, à savoir de crimes de guerre, si on avait

 25   laissé un tel individu partir librement de ces camps, les citoyens croates

 26   auraient été fondés de nous le reprocher, nous reprocher le fait que des

 27   criminels circulent librement et que d'autre part, nous nous occupons à

 28   poursuivre pour des crimes beaucoup moins graves. Donc c'était ça

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  1   l'objectif exclusif de ma participation à cette réunion.

  2   M. MISETIC : [interprétation] 65 ter 2441, à présent. Madame la Greffière,

  3   est-ce qu'on peut afficher ce document.

  4   Q.  Nous avons là un mémo, Monsieur Matulovic --

  5   R.  Je ne le vois pas pour le moment. Si.

  6   Q.  Nous avons un mémo qui a été rédigé par M. Husein Al-Alfi. Il fait son

  7   rapport sur une réunion à laquelle vous avez assisté avec M. Zhang, Z-h-a-

  8   n-g, les 20 et 21 septembre 1995. Vous vous rappelez avoir été présent à

  9   une telle réunion ?

 10   R.  Un instant, s'il vous plaît. Non.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Tournons la page, s'il vous plaît.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

 13   M. MISETIC : [interprétation]

 14   Q.  Le mémo serait une trace d'une conversation qui aurait eu lieu. Je

 15   voudrais vous montrer le paragraphe 2 et vous poser ma question là-dessus.

 16   Prenons également cette page en anglais. Merci. Donc il est dit pour ce qui

 17   est des 38 personnes qui se sont trouvées dans le camp du secteur sud et

 18   qui étaient des suspects :

 19   "Le tribunal militaire de Split est saisi d'un seul dossier sur les 38; il

 20   s'agit de Zdravko Djuric."

 21   Est-ce que vous pouvez nous préciser, s'il vous plaît, pourquoi seul un

 22   dossier aurait été entre les mains du tribunal militaire de Split?

 23   R.  Si vous m'y autorisez, j'aimerais juste répondre à votre question

 24   précédente.

 25   Après l'opération Tempête, j'ai eu nombre de réunions avec des

 26   représentants de toutes sortes d'organisations, organisations non

 27   gouvernementales, gouvernementales, et cetera, donc je ne peux pas me

 28   rappeler tout cela. Quant à ce que nous voyons s'afficher à présent à

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  1   l'écran, il est possible que cet homme soit venu et que nous ayons eu des

  2   entretiens. Je ne pense pas que le document ait été monté de toute pièce.

  3   On dit que c'était en septembre 1995 ou plus tard. C'est possible. Il est

  4   possible que même avant cela il y ait eu un échange ou qu'on ait gracié des

  5   gens et que M. Zdravko Djuric ait fait l'objet de poursuites par la suite.

  6   Mais peut-être que l'acte qui a été commis relève du chapitre 20 ou de

  7   l'article premier de la Loi sur les activités subversives.

  8   Un instant, s'il vous plaît.

  9   Mais justement, c'est ce que je dis au point 3. Je dis que ce n'est pas

 10   avant le mois d'octobre 1995 qu'on s'occupera de ce dossier, donc c'est un

 11   dossier qui est arrivé tardivement. Je ne me souviens plus des détails de

 12   cette affaire.

 13   Q.  Est-ce que vous savez ce qu'il y en est des 37 autres individus ?

 14   Qu'est-ce qu'on leur reproche ?

 15   R.  Sans aucun doute, c'était soit des actes de la compétence du tribunal

 16   militaire ou éventuellement de crime de guerre. S'il y a eu commission de

 17   ce crime ou si de tels dossiers ont existé, c'est le tribunal du comté qui

 18   s'est vu renvoyer et relayer le dossier. Et s'il s'agissait de dossiers qui

 19   relevaient de notre compétence, c'est le tribunal militaire qui s'en

 20   occupait.

 21   Q.  Mais la deuxième phrase au paragraphe 2 dit :

 22   "Le Juge Matulovic a confirmé que tous les accusés seraient détenus dans

 23   une prison civile puisque les prisons militaires étaient réservées aux

 24   militaires de la HV."

 25   R.  C'est exact, il n'y avait que les militaires de la HV qui relevaient

 26   d'une procédure disciplinaire qui étaient placés en prison militaire. Et si

 27   je ne me trompe pas, on les envoyait en prison pour des peines allant

 28   jusqu'à deux mois dans des prisons militaires. Mais aucun civil qui se

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  1   serait trouvé sous la compétence du tribunal militaire, après avoir été

  2   amené devant le juge d'instruction, ne pouvait plus se trouver dans une

  3   prison militaire.

  4   Q.  Et qu'en est-il des prisonniers de guerre, les membres de l'ARSK, donc

  5   les militaires de l'armée de la soi-disant RSK, où est-ce qu'ils étaient

  6   détenus ? Dans des prisons militaires ou civiles, ces individus-là ?

  7   R.  A nos yeux, aux yeux de la justice militaire, il n'y avait pas de

  8   prisons militaires. Ces détenus ne pouvaient se trouver que dans des

  9   prisons civiles.

 10   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, 2441 sur la liste 65

 11   ter, est-ce que ce document peut être versé au dossier ?

 12   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Pas d'objection.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière d'audience.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce D1623.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Elle est versée au dossier.

 16   M. MISETIC : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

 17   Je vous remercie, Monsieur le Juge, d'avoir répondu à mes questions.

 18   J'en ai terminé.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Misetic.

 20   La Défense Cermak ?

 21   M. CAYLEY : [interprétation] Non, nous n'avons pas de questions pour ce

 22   témoin.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, et vous, la Défense

 24   Markac ?

 25   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, j'aurais quelques questions à poser,

 26   peut-être une quinzaine de minutes.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est Me Mikulicic qui vous posera ses

 28   questions dans le cadre de son contre-interrogatoire. Il représente M.

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  1   Markac.

  2   Contre-interrogatoire par M. Mikulicic : 

  3   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Matulovic.

  4   R.  Bonjour.

  5   Q.  Je vais poser quelques questions. Répondez au mieux de vos

  6   connaissances et de vos souvenirs, s'il vous plaît.

  7   S'agissant des tribunaux militaires, pourriez-vous nous préciser où ils

  8   étaient basés physiquement ?

  9   R.  Comme cela est prévu par le décret, ils étaient dans les villes où

 10   étaient basés les tribunaux du comté. Donc le tribunal militaire était

 11   placé dans le bâtiment du tribunal de district à Zadar, dans le tribunal de

 12   district. A Sibenik et à Dubrovnik également. C'est toujours le même

 13   immeuble, le même bâtiment où se trouve le siège du tribunal de district.

 14   Q.  Très bien. Vous nous avez expliqué la procédure de nomination des juges

 15   de tribunaux militaires par analogie avec la nomination des juges civils.

 16   Mais qu'en est-il des employés de ces tribunaux; c'étaient des civils ou

 17   des militaires ?

 18   R.  C'étaient des civils. Je vous l'ai dit, les tribunaux militaires

 19   étaient placés sous la tutelle du ministère de la Justice, donc il n'était

 20   pas possible qu'un employé du tribunal militaire, le personnel

 21   administratif, le personnel du greffe, et cetera, que ce soit des

 22   militaires. Donc c'étaient nos employés, des employés qui sont encore

 23   aujourd'hui employés de ce tribunal. Il y en a qui sont partis, mais donc

 24   c'étaient des employés des tribunaux civils.

 25   Q.  Et la rémunération, le salaire réservé aux juges et au personnel

 26   administratif, qui versait cette rémunération ?

 27   R.  Le ministère de la Justice.

 28   Q.  Pour ce qui est des lois et des règlements qui régissaient le

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  1   fonctionnement des tribunaux militaires, était-ce la législation civile

  2   adaptée ou c'était d'autres textes de loi ?

  3   R.  Mais je vous l'ai dit d'emblée, il y a eu deux décrets qui ont été

  4   passés, un qui portait sur l'organisation et le champ de compétences des

  5   tribunaux militaires et puis l'autre sur l'application du code de procédure

  6   pénale en situation de danger imminent de guerre, et cetera, pour ne pas

  7   vous citer l'intitulé complet. Donc ce décret, tout comme le décret

  8   d'application du code de procédure pénale qui était en vigueur et appliqué

  9   par les tribunaux civils. Donc c'est la même chose, sauf que le décret

 10   portant application du code de procédure pénale était réduit pour ce qui

 11   est d'un certain nombre de dispositions; par exemple, le chapitre qui porte

 12   sur la possibilité de se pourvoir en appel contre l'acte d'accusation --

 13   enfin de contester l'acte d'accusation. Cette disposition a été enlevée

 14   pour que la procédure soit la plus rapide possible.

 15   Parce que nous savons tous, nous qui travaillons dans la justice, que

 16   toute une série de facteurs conditionnent la rapidité des procédures et que

 17   souvent les délais sont longs.

 18   Excusez-moi, mais le code pénal, il a toujours a été le même.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, vous avez déjà entamé

 20   votre question suivante alors que les interprètes étaient encore en train

 21   de terminer la réponse précédente. Est-ce que vous pouvez ménager une

 22   petite pause, s'il vous plaît, entre la question et la réponse.

 23   Allez-y.

 24   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 25   Q.  Donc, Monsieur Matulovic, nous sommes en droit d'affirmer qu'il n'y

 26   avait pas de "lois" ou de "règlements militaires" qui auraient été

 27   appliqués par les tribunaux militaires en Croatie ?

 28   R.  Non, il n'y a pas ni de texte de loi militaire, ni de système

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  1   judiciaire militaire. Tout était civil, en fait.

  2   Q.  Très bien. Et la cour martiale, est-ce que c'est une notion qui vous

  3   est familière ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Est-ce qu'il y jamais eu la cour martiale en Croatie ? Est-ce que ça a

  6   jamais existé ?

  7   R.  Si on remontait très, très loin dans l'histoire, ça je ne sais pas,

  8   mais depuis que je travaille dans la justice, je n'ai jamais entendu parler

  9   de quoi que ce soit qui ait une ressemblance avec ce qu'on appelle la cour

 10   martiale.

 11   M. MIKULICIC : [interprétation] Pour que le compte rendu soit tout à fait

 12   précis, page 45, ligne 12, je pense que la traduction de la notion "prijeki

 13   sud" [phon] n'est pas exact. Il est question ici de "martial law" et je

 14   pense que c'était "martial court" qu'il faudrait dire.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Vous pouvez demander que l'on

 16   procède à une vérification. On pourrait remplacer cette interprétation par

 17   une autre, mais à en juger d'après la réponse, c'est assez claire ce que

 18   vous avez voulu savoir.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, est-ce qu'il y a un

 20   problème ?

 21   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Non.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc vous demandez si quelque

 23   chose a existé. On vous dit que ça n'a pas existé et donc il n'y a pas de

 24   problème.

 25   M. MIKULICIC : [interprétation] Mais c'est ma question qui n'a pas été

 26   correctement interprétée.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Mais je veux dire dans son

 28   ensemble la question est claire.

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  1   M. MIKULICIC : [interprétation] Très bien.

  2   Q.  Donc cette procédure que vous avez évoquée, cette procédure appliquée

  3   par les tribunaux militaires et civils, elle comporte un certain nombre

  4   d'étapes pour ainsi dire. Alors d'expérience, que diriez-vous, à partir du

  5   moment où il y a eu signalement d'un crime ou délit commis, jusqu'au moment

  6   où il y a le prononcé de la sentence, il s'écoule combien de temps à peu

  7   près ?

  8   R.  Je n'ai pas entièrement compris votre question. Que voulez-vous dire,

  9   période ? Quelle période ? Vous voulez dire combien ça a duré, combien de

 10   temps ça a pris ou combien ça dure ? Et vous avez les différentes phases de

 11   cette procédure, et je les ai évoquées précédemment. Vous avez la procédure

 12   qui précède l'enquête. C'est la police qui s'en charge.

 13   Q.  Un instant.

 14   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais

 15   intervenir de nouveau parce que le compte rendu d'audience me trouble.

 16   Le témoin vient d'évoquer la procédure préalable à la procédure au pénal,

 17   "predkazneni postupak", et on vient de traduire cela par "pre-trial

 18   proceedings", et j'estime qu'il ne s'agit pas d'une traduction exacte,

 19   parce que cela sous-entend que cela se passe devant un tribunal, mais ce

 20   n'est pas vrai. Il s'agit là d'une partie de la procédure qui relève de la

 21   compétence de la police et qui est distinct de la procédure qui se passe

 22   devant un tribunal.

 23   Nous en avons déjà parlé, vous vous souviendrez, et nous étions

 24   d'accord avec ma consœur sur le fait que ce terme, cette expression

 25   "predkazneni postupak" devrait être interprétée ou traduit par "pre-

 26   criminal proceedings" en anglais.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Tout à fait, c'est très bien

 28   que vous puissiez vous mettre d'accord sur la manière d'interpréter cela.

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  1   Mais quand il s'agit de traduction de notions juridiques, le problème que

  2   cela pose c'est qu'il n'y a pas toujours une correspondance parfaite entre

  3   des systèmes judiciaires. Donc les notions juridiques ne sont pas

  4   transposables tel quel d'un système à un autre. Donc c'est très bien que

  5   vous cherchiez à vous mettre d'accord sur l'Accusation pour ce qui est de

  6   la signification de ces termes. Ça, c'est très bien, quant à savoir s'il

  7   s'agit de traduction erronée ou de traduction imparfaite, je pencherais

  8   plutôt de ce côté-là, puisque procédure qui est préalable à la procédure au

  9   pénal, écoutez, je ne suis pas un anglophone de naissance, mais ça pourrait

 10   aussi semer un léger trouble sur le plan linguistique. Quant à savoir ce

 11   que ça signifie "préalable au pénal", "pre-criminal" en anglais, et donc

 12   est-ce que c'est avant qu'il y ait eu commission du crime, ou avant que

 13   l'on ait déclenché des poursuites au pénal ? Je voudrais simplement que

 14   vous preniez cela en considération. Il n'est pas facile de savoir

 15   exactement à quel moment on peut dire qu'une traduction est bonne ou

 16   mauvaise, et j'hésiterais personnellement à le faire. Vous avez des

 17   concepts juridiques qui peuvent être propres à l'ex-Yougoslavie et à la

 18   Croatie.

 19   M. MIKULICIC : [interprétation] Mais peut-être que je pourrais

 20   préciser cela.

 21   Je présente mes excuses si je me suis mal exprimé. Je n'aurais

 22   probablement pas dû parler de "mauvaise traduction", comme vous venez de le

 23   signaler. C'est juste une différence entre deux systèmes juridiques, et

 24   parfois il est très difficile de traduire cela.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au vu des explications que vous avez

 26   fournies, je suis certain que les interprètes ont compris que vous ne

 27   cherchiez pas à les critiquer.

 28   Je vous prie de poursuivre.

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  1   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie.

  2   Q.  Monsieur Matulovic, nous qui pratiquons le système judiciaire croate,

  3   nous savons de quoi il s'agit précisément, mais ici la procédure est

  4   légèrement différente. Est-ce que vous pourriez en quelques phrases nous

  5   dire de quoi il s'agit lorsque nous parlons de cette "procédure préalable

  6   aux poursuites au pénal" et qui s'en charge en Croatie dans le système

  7   judiciaire croate ?

  8   R.  Avant de répondre à cette question, je souhaiterais dire quelque chose

  9   parce que j'ai rencontré ces problèmes mineurs depuis que je travaillais au

 10   tribunal militaire et lorsque j'ai été juge d'instruction, et j'ai toujours

 11   insisté pour que ce que j'avais dit soit traduit mot à mot et précisément,

 12   parce que chaque mot compte. Je ne dis pas qu'il est facile de traduire

 13   chaque terme de notre Loi sur les poursuites au pénal, mais tout doit être

 14   fait de façon aussi précise que possible, et d'après ce que j'ai dit et ce

 15   que j'ai entendu, les interprètes font un bon travail ici, mais il est tout

 16   à fait compréhensible qu'ils aient quelques problèmes avec certains termes.

 17   Pourquoi est-ce que je dis tout cela ? J'ai été juge pendant 33 ans,

 18   et je suis passé dans toutes sortes de tribunaux. Il est tout à fait clair

 19   en ce qui me concerne qu'une mauvaise application de la terminologie

 20   juridique peut poser problème, et c'est ce à quoi je m'attendais ici

 21   lorsque l'on parle de poursuites préalables au pénal. Ce sont là des

 22   poursuites qui sont menées par la police.

 23   Je dois dire qu'à l'article 6 de la Loi sur les procédures pénales,

 24   il est indiqué que lorsque les poursuites au pénal commencent, il y a là

 25   une grosse différence. Les poursuites pénales sont fondées sur la demande

 26   du procureur autorisé. Une fois qu'un procureur rédige une demande, qu'il

 27   s'agisse d'une demande d'enquête ou d'un projet d'acte d'accusation, c'est

 28   à ce moment-là que les poursuites pénales sont entamées et qu'elles se

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  1   poursuivent sur une longue période, aussi longtemps que le procureur

  2   continue d'agir. Et dans les procédures d'enquête, les procédures sont

  3   lancées une fois que la demande d'entamer une requête a été déposée, et

  4   cela se poursuit jusqu'au moment où un acte d'accusation est dressé ou

  5   jusqu'au moment où le procureur décide de laisser tomber les accusations.

  6   Je pense que j'ai maintenant précisé les différentes étapes et les

  7   procédures pour que tout ceci soit clair pour chacun.

  8   Q.  Merci pour cette réponse.

  9   Je voudrais maintenant revenir à ma première question, à savoir

 10   combien de temps les procédures ont duré. Combien de temps ont-elles duré

 11   pour certains crimes ? Je voudrais que vous puissiez me donner une idée

 12   approximative. Est-ce que cela durait un mois, deux mois ou plus longtemps

 13   ?

 14   R.  Même si vous me demandez de faire "une estimation", il est assez

 15   difficile de faire une estimation et ceci parce que nous avons des

 16   procédures pour des crimes moins sérieux où nous avons huit accusés et nous

 17   avons des procédures pour un crime beaucoup plus grave où il n'y a qu'un

 18   seul accusé. Donc la durée des procédures pénales dépend d'un grand nombre

 19   de facteurs. Elle dépend du nombre d'accusés, des différentes étapes

 20   nécessaires et il est donc difficile de donner une estimation même de façon

 21   approximative.

 22   Mais en tout état de cause, ces procédures ont été accélérées dans la

 23   mesure du possible à l'époque et c'est la raison pour laquelle il y avait

 24   cette disposition portant sur l'application de la Loi sur les procédures

 25   pénales, de sorte qu'il y ait des motifs législatifs permettant d'accélérer

 26   les procédures.

 27   Q.  Merci de votre réponse. Passons maintenant rapidement à un autre sujet.

 28   Une fois que les procédures pénales ont été entamées, dans votre

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  1   déclaration au paragraphe 17, vous avez indiqué qu'une fois qu'il y avait

  2   un jugement, le ministère de la Justice était informé par la cour de façon

  3   à pouvoir mener ses activités et à établir la situation de l'accusé. Ma

  4   question est la suivante : est-ce qu'ils informaient les instances

  5   militaires compétentes sur le fait que les procédures pénales avaient été

  6   entamées et qu'il y avait eu une décision d'entamer une enquête ou une

  7   décision de dresser un acte d'accusation ? Est-ce que c'est à ce moment-là

  8   que l'information était passée ou est-ce que cette information n'était

  9   donnée qu'au moment où un jugement final était prononcé ?

 10   R.  C'était un devoir qui incombait au tribunal dans le cadre de la loi. Le

 11   ministère de la Justice, l'administration du personnel devaient être

 12   informés, ainsi que le commandement de l'unité concernée et devaient être

 13   informés du fait qu'un militaire croate était détenu par un juge

 14   d'instruction, parce qu'il fallait toujours que l'on ait des informations

 15   sur les allers et venues d'un militaire arrêté. Une fois que le jugement

 16   avait été prononcé et que le militaire croate avait été déclaré coupable et

 17   condamné, le tribunal devait envoyer un exemplaire de cette décision de

 18   justice au ministère de la Justice, à l'administration du personnel parce

 19   qu'en fonction de la législation, ils devaient décider de ce que l'on

 20   ferait de ce militaire du fait de sa condamnation.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, je vois que vous êtes

 22   debout.

 23   M. MISETIC : [interprétation] Oui. Si l'on pouvait vérifier la réponse du

 24   témoin concernant le ministère concerné à la ligne 7 et également à la

 25   ligne 13, s'il vous plaît.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est pas le ministère de la Justice.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A quel ministère vouliez-vous faire

 28   référence ?

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agissait du ministère de la Défense.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ensuite, lorsque vous avez dit qu'il

  3   était du devoir du tribunal d'envoyer un exemplaire du jugement au… est-ce

  4   que vous souhaitiez également faire référence --

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, ministère de la Défense.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ministère de la Défense. Lorsque vous

  7   faisiez référence au ministère de la Justice, dans votre réponse --

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse, je m'excuse. Un instant, s'il

  9   vous plaît.

 10   "…envoyer un exemplaire au ministère de la Justice." Non, ministère de la

 11   Défense, là également.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ces deux cas, lorsque l'on a parlé

 13   du ministère de la Justice, le témoin souhaitait parler du ministère de la

 14   Défense.

 15   Vous pouvez poursuivre, Maître Mikulicic.

 16   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Président.

 17   Q.  Monsieur Matulovic, même question concernant maintenant les membres du

 18   ministère de l'Intérieur. Quel était le devoir du tribunal si un membre du

 19   ministère de l'Intérieur était détenu ou si une peine était prononcée à son

 20   encontre ?

 21   R.  Le devoir restait le même, si ce n'est que cette information était

 22   envoyée au ministère de l'Intérieur.

 23   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci pour votre réponse, Monsieur

 24   Matulovic.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Mikulicic.

 26   Madame Mahindaratne, êtes-vous prête à commencer votre contre-

 27   interrogatoire du témoin ?

 28   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui, Président. Si vous me permettez un

Page 20525

  1   instant.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  3   Monsieur Matulovic, vous allez maintenant faire l'objet d'un contre-

  4   interrogatoire qui sera mené par Mme Mahindaratne. Mme Mahindaratne est le

  5   conseil de l'Accusation.

  6   Vous pouvez poursuivre.

  7   Contre-interrogatoire par Mme Mahindaratne : 

  8   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Matulovic.

  9   R.  Bonjour.

 10   Q.  Monsieur Matulovic, il vous a été posé la question suivante, quand est-

 11   ce qu'un tribunal militaire avait compétence dans une affaire particulière,

 12   et votre réponse figure à la ligne 8 de la page 10 :

 13   "Lorsqu'il était établi que le crime avait été commis par un militaire."

 14   Maintenant, si un crime était commis dans une région qui était sous le

 15   contrôle des militaires, est-ce qu'il n'était pas de la responsabilité de

 16   la police militaire de mener une enquête sur ce crime et de s'assurer si

 17   les membres de la HV étaient impliqués ?

 18   R.  J'ai déjà indiqué que la compétence territoriale était définie comme

 19   étant la compétence du tribunal militaire de Split et elle spécifiait

 20   également quelles étaient les régions de sa compétence. Dans certains

 21   domaines de la cour il y avait plus d'activités que dans d'autres, et dans

 22   d'autres il y en avait moins. Et si une armée sur ce territoire ou un

 23   militaire avait commis un crime qui était de la compétence des tribunaux

 24   militaires, naturellement, la police militaire, puis le procureur

 25   militaire, puis les tribunaux militaires étaient concernés. Et néanmoins,

 26   et je dois insister, je vous donnerai un exemple particulier.

 27   Prenons l'exemple d'une ville qui tombe sous la compétence d'un tribunal

 28   militaire à Split, dans cette ville, on a trouvé le corps d'une femme âgée

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  1   qui avait été tuée, ce qui immédiatement a laissé entendre qu'il s'agissait

  2   d'un crime contre un civil. Indépendamment du fait que ceci s'était déroulé

  3   dans un territoire qui était de la compétence du tribunal militaire, cette

  4   affaire a été prise en main par la police civile, par le procureur civil et

  5   par un juge d'instruction civil, parce que vous avez probablement entendu

  6   dire que les crimes de guerre n'étaient pas de la compétence des tribunaux

  7   militaires. De ce fait, afin de déterminer le sujet de la compétence, il

  8   n'était pas important de savoir si la région était sous le contrôle

  9   militaire ou pas, mais plutôt d'établir les faits tels qu'ils s'étaient

 10   déroulés.

 11   Q.  Suite à cela, et c'est également quelque chose que vous avez mentionné

 12   dans votre déclaration --

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je pourrais essayer de

 14   comprendre plutôt le témoignage, votre question.

 15   Madame Mahindaratne, votre question était la suivante: comment pouvez-vous

 16   vous assurer qu'un membre de la HV était l'auteur ou pas. Oui ou non ?

 17   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et le témoin a donné une réponse très

 19   claire sur un autre aspect de la compétence, à savoir comment est-ce que

 20   vous pouviez vous assurer qu'il y avait eu crime ou pas, parce que vous

 21   avez fait référence à une règle de compétence, qui est la suivante : en

 22   dehors des crimes de guerre commis par des membres de la HV ou qu'il y

 23   avait des raisons suffisantes de croire que les auteurs de ce crime étaient

 24   des membres de la HV. Le témoin a donné une réponse qui était parfaitement

 25   bonne, mais qui concernait quelque chose de différent, à savoir si

 26   l'exclusion de crimes de guerre s'appliquait et comment est-ce que l'on

 27   pouvait établir cela. Cela ne me dérange pas que vous posiez une question

 28   et qu'il réponde à une autre question --

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  1   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] J'allais lui demander de préciser parce

  2   que je voulais de là poursuivre sur un autre point.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  4   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Si vous me le permettez.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous permettrai de poursuivre, mais

  6   je voulais simplement m'assurer que les questions et les réponses qui sont

  7   données à cette question concernent le même sujet.

  8   Vous pouvez poursuivre.

  9   Mme MAHINDARATNE : [interprétation]

 10   Q.  Monsieur Matulovic, votre témoignage stipule que les crimes de guerre

 11   n'étaient pas de la compétence des tribunaux militaires. Est-il exact que

 12   les crimes à la base des poursuites engagées, qui pouvaient faire l'objet

 13   d'une poursuite pour crimes de guerre, pouvaient être considérés comme un

 14   crime ordinaire dans les tribunaux militaires. Par exemple, s'il s'agissait

 15   de tueries et que l'auteur pouvait être accusé dans le cadre de l'article

 16   34 du code pénal devant un tribunal militaire; est-ce exact ?

 17   R.  Vous venez de me poser une question qui me trouble quelque peu et qui

 18   n'est pas très précise. Je voudrais maintenant vous donner une réponse.

 19   Un crime de guerre, c'est une chose. Il peut être commis sans même

 20   commettre un meurtre. Un meurtre, c'est un crime contre la vie; c'est sa

 21   définition.

 22   Q.  Monsieur Matulovic, ce que je voulais dire concernant un crime à la

 23   base des poursuites engagées, qui pouvait être pris en charge par un

 24   procureur comme crime de guerre, comme, par exemple, une tuerie ou tout

 25   autre incident, est-ce que cela peut être considéré comme un crime

 26   ordinaire dans le cadre de votre code pénal dans le tribunaux militaires.

 27   Est-ce exact ?

 28   R.  S'il pouvait être établi immédiatement que c'est un meurtre - et cela

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  1   est assez difficile au départ - et c'est la raison pour laquelle je vous ai

  2   pris l'exemple d'une vieille dame tuée dans un lieu où des combats se

  3   déroulaient, ceci immédiatement laisse entendre que ceci aurait pu être un

  4   crime de guerre, parce que ce sont des civils qui sont touchés. Maintenant,

  5   qu'il s'agisse d'un meurtre ou pas, c'est quelque chose que l'on peut

  6   établir par la suite lors de l'enquête, et l'on peut arguer du fait que

  7   s'il ne s'agissait pas d'un crime de guerre, mais plutôt d'un meurtre

  8   ordinaire. Et s'il s'agissait d'un simple meurtre, et si c'est un meurtre

  9   qui avait été commis par l'armée croate ou par un militaire croate, il

 10   serait à ce moment-là jugé par un tribunal militaire, et il y a eu un

 11   certain nombre de cas similaires.

 12   Q.  De la même façon, dans le cas de la destruction de propriété ou

 13   d'incendie de biens, cela pourrait être jugé comme étant un crime ordinaire

 14   dans les tribunaux militaires si l'auteur était un membre de la HV ?

 15   R.  J'ai déjà dit que tous les crimes qui étaient commis par des civils,

 16   s'ils étaient commis par des soldats, à moins qu'il s'agisse de crimes de

 17   guerre, étaient jugés devant des tribunaux militaires, à moins que ces

 18   personnes aient cessé d'être des militaires avant que l'acte d'accusation

 19   ne soit dressé et que les procédures ne soient lancées. C'est quelque chose

 20   dont nous avons déjà parlé.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'il y a là une certaine

 22   confusion sur ce que vous souhaitez entendre de la bouche du témoin. Soit

 23   le témoin ne comprend pas totalement, soit vous n'êtes pas suffisamment

 24   précise. Permettez-moi de voir si je peux essayer -- d'abord, si je

 25   comprends ce que vous souhaitez savoir, et deuxièmement, voir quelle serait

 26   la réponse qui sera donnée par M. Matulovic.

 27   Monsieur Matulovic, quelqu'un est tué - il s'agit d'un civil - et ceci dans

 28   des circonstances qui laissent entendre qu'il pourrait s'agir d'un crime de

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  1   guerre. En rédigeant les accusations portées contre la personne, on peut

  2   laisser tomber les éléments spécifiques du meurtre en tant que crime de

  3   guerre et simplement accuser une personne de meurtre, indépendamment du

  4   fait qu'on peut ou non prouver les éléments qui en feraient un crime de

  5   guerre, oui ou non ? Etait-il de la compétence du procureur militaire,

  6   disons, de limiter les accusations portées à un meurtre ordinaire, ce qui

  7   permettrait que s'exerce la compétence d'un tribunal militaire ?

  8   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est bien là la question que

 10   vous aviez à l'esprit, Madame Mahindaratne ?

 11   Est-ce que vous pourriez répondre à cette question, Monsieur le Témoin.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Vous en venez précisément à ce que j'ai dit au

 13   départ, à savoir que la question a créé quelque confusion et qu'elle

 14   comporte en elle-même plusieurs éléments.

 15   Le procureur militaire est la personne qui dirige les procédures et qui les

 16   mène en collaboration avec le juge, à la fois pendant la phase de

 17   l'enquête, de la mise en accusation et pendant le procès. C'est exactement

 18   ce que j'ai dit, à savoir que cette question comportait plusieurs éléments

 19   et que je ne pouvais y répondre de façon précise. Donc tout est question

 20   d'évaluation fondée sur les faits, une évaluation par le procureur

 21   militaire qui aurait pu travailler avec un collègue civil et qui aurait pu

 22   dire, Regardez ce qu'il en est et essayons d'en discuter et de voir ce que

 23   nous allons faire. Cela dépend du procureur.

 24   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

 26   Mme MAHINDARATNE : [interprétation]

 27   Q.  Maintenant, pour ce qui est de votre témoignage, vous dites que la

 28   compétence du procureur militaire ou la compétence du tribunal militaire

Page 20530

  1   commence au moment où le statut de l'auteur est établi et qu'il est établi

  2   qu'il est membre de la HV. Maintenant, ma première question est la suivante

  3   : dans une région qui est sous contrôle militaire, où disons il y a eu un

  4   certain nombre d'incendies des biens, est-ce qu'il n'est pas de la

  5   responsabilité de la police militaire d'enquêter sur la question pour

  6   établir --

  7   R.  Pas de questions directrices, s'il vous plaît.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a aucune objection contre les

  9   questions directrices. Ces objections doivent venir de l'autre partie. Et

 10   je comprends que là, votre position de témoin et votre rôle de juge se

 11   mélangent quelque peu. Les questions directrices ne sont pas quelque chose

 12   auquel vous pouvez faire objection et il est du rôle de la Cour de décider

 13   dans quelle mesure les questions sont directrices.

 14   Maintenant, je considère que c'était une question plutôt hypothétique que

 15   directrice. Mme Mahindaratne sait que ce Tribunal n'aime pas beaucoup ces

 16   questions basées sur des hypothèses, mais vous pouvez poursuivre.

 17   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Q.  N'est-il pas de la responsabilité de la police militaire d'enquêter sur

 19   des crimes qui ont été commis dans une région qui est sous le contrôle des

 20   militaires et d'établir si, en fait, des membres de la HV étaient impliqués

 21   dans ce crime, et non pas d'établir le statut des auteurs ?

 22   R.  Bien. On pourrait donner deux réponses à cette question. Tout d'abord,

 23   la police militaire dans la région qui est sous contrôle militaire, comme

 24   vous venez de le dire, doit effectuer une sorte d'enquête de police. Dès

 25   que quelque chose se produit, la police militaire - et là j'insiste une

 26   fois de plus - indépendamment du fait qu'il s'agit d'une région sous

 27   contrôle miliaire ou pas, doit agir si le suspect est un militaire sans

 28   aucun doute. Et dans des régions que vous appelez des régions sous contrôle

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  1   militaire, il se peut très bien que ce soit des civils qui sont

  2   responsables d'un incendie, et qui aient mis le feu à des maisons pour se

  3   venger. Et c'est peut-être une querelle qui remonte à 50 ans. Et dans ce

  4   cas-là, c'est la police civile qui va agir et non pas la police militaire,

  5   même si la région est sous contrôle militaire où la police civile pourrait

  6   agir en coopération avec la police militaire.

  7   Q.  Ma question concernant les cas où le statut du suspect n'avait pas

  8   encore pu être établi, mais le crime a été néanmoins commis dans une région

  9   qui est sous contrôle militaire, n'est-il pas de la responsabilité de la

 10   police militaire de mener une enquête, si en fait, des membres de la HV

 11   sont impliqués ? C'est cela que je voulais dire. Nous ne parlons pas du

 12   statut de l'auteur et si ce statut a déjà été établi ou pas.

 13   M. MISETIC : [interprétation] Objection à la question qui crée quelque

 14   confusion, parce que la deuxième partie de la question est en contradiction

 15   avec la première. La première partie de la question dit :

 16   "Dans les circonstances où le statut du suspect n'a pas encore été

 17   établi…"

 18   Et ensuite elle dit :

 19   "Je parle de cas où le statut de la personne a déjà été établi, que

 20   l'on sait qu'il s'agit d'un militaire."

 21   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Non. C'est --

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Etablir le statut peut signifier

 23   deux choses. Tout d'abord, qui est le suspect ? Est-ce qu'il s'agit d'un

 24   militaire ou d'un civil à première vue ? Et deuxièmement, est-ce qu'une

 25   personne portant un uniforme militaire est réellement un militaire ? Donc

 26   c'est une question double.

 27   Essayons une fois de plus de reformuler la question et de voir,

 28   Madame Mahindaratne, si j'ai compris ce que vous essayez de demander au

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  1   témoin.

  2   Je vais aller à l'encontre de mes propres règles, c'est-à-dire que je vais

  3   poser une question basée sur des hypothèses. Je vois une présence militaire

  4   importante dans une certaine région où il ne reste pas beaucoup de civils.

  5   J'ai entendu parler d'incendies commis dans cette période-là. Je suis un

  6   officier de police militaire et je me trouve à une distance de 300 mètres

  7   d'une habitation, et je vois quelques personnes portant un jerrycan, et je

  8   vois également une maison en feu. Qu'est-ce que je dois faire ? Est-ce que

  9   je dois m'avancer pour voir si la personne portant un jerrycan est un civil

 10   ou est-ce que je dois considérer qu'il n'est pas clair que ceux qui le plus

 11   probablement ont mis le feu à cette habitation sont des militaires, et donc

 12   je reste sans réagir ?

 13   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, est-ce que c'est ce

 15   que vous aviez à l'esprit ?

 16   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Témoin, est-ce que vous pourriez nous

 18   dire ce qu'il faut faire à ce moment-là, Parce qu'il s'agit d'un officier

 19   de la police militaire, et là, la réponse est beaucoup plus facile. Mais

 20   est-il seul en la matière ? Est-ce qu'il doit y aller, essayer de voir ce

 21   qui s'est produit ou est-ce qu'il doit se dire, On n'a pas pu établir de

 22   façon suffisamment claire que c'est une question qui est de ma compétence

 23   et que dois-je faire ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous en arrivons maintenant à des questions

 25   qu'il aurait peut-être mieux valu poser à certains de ceux qui m'ont

 26   précédé ici et qui ont parlé de la compétence de la police militaire. Mais

 27   je vais essayer de donner une réponse à cette question, même si je ne

 28   m'occupe pas de questions relatives à la police.

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  1   Si la police voit directement se produire un acte illégal, tout

  2   policier y compris un policier militaire doit agir et établir l'identité

  3   des personnes présentes sur les lieux. Ceci est de leur compétence. Et s'il

  4   est établi que ces personnes portant un jerrycan sont des civils, ils

  5   prendront les mesures qui s'imposent. S'il est établi qu'aucune de ces

  6   personnes n'est un militaire, ils agiront également en conséquence et

  7   arrêteront ces personnes jusqu'à l'arrivée de la police civile. Et une fois

  8   que celle-ci sera arrivée sur place, ils pourront coopérer avec elle pour

  9   entreprendre certaines activités sur les lieux et essayer de préserver les

 10   éléments de preuve.

 11   Maintenant, je voudrais ajouter quelque chose à votre intention, Madame.

 12   Les tribunaux militaires, s'ils apprennent que six personnes ont

 13   commis un crime, et que sur ces six personnes cinq sont des civils et une

 14   personne est un militaire, du fait de la présence même d'un seul militaire,

 15   cela tombe sous leur compétence et ils peuvent à ce moment-là mener des

 16   procédures nécessaires, ce qui est très important.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 18   Veuillez poursuivre, Madame Mahindaratne.

 19   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Merci, Monsieur Matulovic, de ces réponses.

 21   Q.  Vous parlez de crimes de guerre et de poursuites relevant de la

 22   compétence des tribunaux civils, ou devrais-je dire, des tribunaux de

 23   district ou de comté. Est-ce que vous avez connaissance de crimes de guerre

 24   et de poursuites qui auraient été menées au niveau de juridiction d'Etat ou

 25   de district ou de comté contre des membres de la HV pour des crimes commis

 26   en août et septembre 1995 ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  On vous a montré un document, c'était Me Misetic, et c'était le

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  1   document P2251.

  2   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Madame la Greffière, s'il vous plaît,

  3   pourriez-vous juste nous le faire voir.

  4   Q.  Monsieur le Témoin, on vous a demandé -- en fait, ce document, il y a

  5   deux autres destinataires, le commandant de la région militaire de Split et

  6   du commandement de la garnison de Split. Et on vous a demandé quel était le

  7   but d'envoyer ces documents à ces deux destinataires. Votre réponse a été,

  8   on la retrouve à la page 22, ligne 15, vous avez répondu :

  9   "Les deux commandants doivent être au courant pour savoir s'il y a des

 10   manquements à la discipline."

 11   Et vous avez poursuivi en disant :

 12   "Je souligne que les procédures disciplinaires militaires ainsi que

 13   les procédures au pénal ont été tenues distinctes de ces rapports, à savoir

 14   que tout ce qui a eu lieu, il y avait dissociation entre les deux."

 15   C'est ça, votre réponse. N'est-il pas vrai qu'une infraction pénale dont

 16   est l'auteur un membre de la HV est également considérée comme une

 17   violation très importante de la discipline militaire en vertu du code de

 18   discipline militaire ?

 19   R.  J'ai dit que dans les rapports quotidiens, les deux types d'infraction

 20   à cette disposition concernant la discipline militaire étaient mentionnés,

 21   en particulier dans ce document, il est question d'un terrible accident à

 22   cause d'un excès de vitesse et ainsi de suite. Donc je voudrais à nouveau

 23   souligner que les procédures pour les infractions à la discipline militaire

 24   et les infractions pénales impliquent deux types de procédures différentes.

 25   Ce qui veut dire qu'un militaire, de par sa conduite, a commis une

 26   infraction, mais il ne doit pas être poursuivi ou puni par des mesures

 27   disciplinaires, mais que s'il y a une infraction à la discipline, ceci ne

 28   peut pas être traité de la même manière que s'il y a eu une infraction

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  1   pénale parce que ce sont des lois différentes qui s'appliquent. Il pourrait

  2   arriver qu'un militaire puisse commettre un délit ou une infraction, mais

  3   en même temps qu'il ne s'agisse pas là d'un manquement à la discipline. En

  4   tout état de cause, les procédures sont distinctes, de sorte que l'une

  5   n'implique pas l'autre, ainsi que la façon dont ces procédures devront être

  6   menées.

  7   Et ici, spécifiquement dans ce document, vous pouvez voir à cause des

  8   conditions de la route et à cause de la vitesse du véhicule, il y a eu un

  9   accident de circulation. Il a renversé un piéton et ainsi de suite. Cette

 10   personne traversait un passage pour piétons, c'est un accident de

 11   circulation typique. La victime a été grièvement blessée. Maintenant, quant

 12   à savoir si le commandant, en se fondant sur cette description des faits,

 13   va également trouver là des éléments de violation de la discipline, ça,

 14   c'est une question d'appréciation par le commandant. Il peut le faire, mais

 15   il n'est pas obligé de le faire. Quant au procureur militaire, il

 16   continuera à ce moment-là une procédure qui sera à ce moment-là transférée

 17   au tribunal.

 18   Q.  N'est-il pas vrai qu'en vertu du code de discipline militaire,

 19   une infraction pénale commise par un membre de la HV telle que de tuer ou

 20   de détruire ou de brûler des biens ou un vol, serait considérée comme une

 21   grave infraction à la discipline militaire ?

 22   R.  Là nous sommes en train de parler de responsabilité disciplinaire

 23   et de procédure disciplinaire. Je peux répondre à cet aspect-là aussi et je

 24   pense que ce sera clair qu'on verra comment ceci a eu lieu quand, en 1997,

 25   je suis arrivé au tribunal militaire disciplinaire à Split. Peut-être qu'il

 26   peut y avoir quelques difficultés à le comprendre, mais je vais essayer

 27   d'être aussi précis que je le peux.

 28   Dans la liste des manquements à la discipline, il y a donc les infractions

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  1   disciplinaires, pas seulement les infractions qui sont moins graves comme

  2   infractions à la discipline militaire, et celles qui sont des formes plus

  3   graves d'infractions à la discipline militaire. Il est prescrit que la

  4   violation ou l'infraction à la discipline, s'il s'agit d'un militaire

  5   d'active et s'il y a des motifs raisonnables soupçonnés qu'un militaire

  6   d'active a commis une infraction pour laquelle une procédure est engagée et

  7   menée, parce que les institutions sont obligées de le faire, ceci est fait

  8   d'office, il s'agit par exemple d'accidents de la circulation et autres

  9   infractions de ce genre. Les motifs raisonnables qui existent, lorsque la

 10   décision de commencer une enquête, font qu'à ce moment-là il s'ensuit une

 11   inculpation. Et la personne pour laquelle il y a inculpation pour ce

 12   manquement ou cette infraction, ceci ne comprend pas la description de

 13   l'infraction étant donné que l'inculpation ou la décision de procéder à une

 14   enquête la comprendra déjà, avec les éléments et détails concernant la

 15   façon dont l'infraction a été commise, mais il est dit que telle et telle

 16   personne, ayant tel ou tel grade ou non, a porté atteinte à l'honneur et à

 17   la réputation de l'armée croate parce qu'une inculpation ou un acte

 18   d'accusation a été dressé devant le tribunal de comté à Split parce que

 19   l'infraction ou l'utilisation de drogues illicites, par exemple, en raison

 20   du fait que l'acte d'accusation a été dressé, indépendamment de ce que

 21   pourrait être le jugement, cette personne est responsable au plan

 22   disciplinaire et donc cette procédure, s'il s'agit, par exemple, de

 23   l'utilisation de drogues, se poursuivra devant une juridiction régulière

 24   conformément à l'acte d'accusation qui a été dressé.

 25   Donc j'espère que j'ai réussi à bien établir la distinction entre la

 26   responsabilité du fait disciplinaire et la responsabilité pénale. Vous avez

 27   vu dans l'exemple que j'ai mentionné là où la description des faits dans

 28   l'acte d'accusation n'inclut pas nécessairement qu'une procédure

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  1   disciplinaire aura lieu.

  2   Q.  Je pense que vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question,

  3   Monsieur Matulovic. Ma question était : si nous avons un incident de

  4   meurtre ou de destruction ou d'incendie de biens ou de vol commis par un

  5   membre de la HV, est-ce que ce sera considéré comme une forme grave de

  6   violation de la discipline militaire ? C'est une question à laquelle on

  7   peut répondre par "oui" ou par "non."

  8   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions établir une date.

  9   Je pense qu'il est important d'établir dans quel cadre temporel Mme

 10   Mahindaratne s'exprime.

 11   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Plus particulièrement, il s'agit d'une

 12   l'infraction commise en août et septembre 1995.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà -- enfin, en ce qui concerne les

 14   procédures disciplinaires avant 1995, je ne peux pas en parler parce que je

 15   ne travaillais pas à cela. Ce n'était pas dans mes attributions. Il y avait

 16   des juridictions disciplinaires spéciales ou ce qu'elles étaient appelées à

 17   l'époque. Mais je vous dis qu'en principe, en reprenant cet exemple, s'il

 18   s'agissait de quelque chose de grave parce que vous continuez à me dire

 19   qu'il s'agit d'infractions graves telles qu'un incendie criminel ou un

 20   meurtre, il y avait aussi des infractions moins graves, et à ce moment-là,

 21   en tout état de cause, les conditions seraient réunies pour procéder à des

 22   poursuites disciplinaires en raison du dommage à la réputation des forces

 23   militaires. Et je pense que je ne peux pas donner de réponse plus précise

 24   que celle-là.

 25   Mme MAHINDARATNE : [interprétation]

 26   Q.  Monsieur Matulovic, je crois que vous avez là votre déclaration, la

 27   page 7 de votre déclaration, et je vais parler du paragraphe 2 qui est là.

 28   C'est juste le paragraphe qui précède la question numéro 6. Vous parlez

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  1   d'enquêtes, et vous dites :

  2   "De ce qui précède, il faut vous faire remarquer ceci. L'enquête n'est pas

  3   diligentée par la police. L'enquête, du point de vue système judiciaire

  4   croate, est une procédure judiciaire menée par la situation judicaire. Pour

  5   les infractions pénales qui entrent dans la compétence des tribunaux

  6   réguliers, l'enquête est menée par le juge d'instruction du tribunal de

  7   comté. Et pour les infractions criminelles, ceci entre dans la compétence

  8   des juridictions militaires et l'enquête est menée par le juge

  9   d'instruction du tribunal militaire."

 10   Maintenant, de façon à ce qu'un juge d'instruction procède à une enquête,

 11   qu'il s'agisse d'un tribunal militaire ou d'un tribunal civil, le juge doit

 12   recevoir un rapport concernant l'infraction, n'est-ce pas ?

 13   R.  Mais vous avez oublié quelque chose là, des détails qui me conduiraient

 14   à donner une réponse appropriée.

 15   Pour commencer, il est noté ici que l'enquête en question n'est pas menée

 16   par la police. Si vous vous rappelez la réponse faite aux questions posées

 17   par Me Mikulicic, j'ai souligné que l'un des stades de la procédure pénale

 18   est une procédure préalable à des poursuites pénales dans lesquelles la

 19   police est l'instance qui procède à ces actes. C'est une procédure

 20   préalable à une procédure pénale avant enquête. Et si un juge doit

 21   continuer à procéder à une enquête, il n'a pas besoin de recevoir des

 22   rapports de façon à poursuivre son enquête, indépendamment de savoir s'il

 23   s'agit d'un juge d'instruction militaire ou civil, et il faut qu'il ait,

 24   comme je l'ai relevé dans la réponse à Me Mikulicic, il faut qu'il dispose

 25   d'une demande aux fins d'enquête émanant du bureau du procureur qui est

 26   chargé de l'affaire. De sorte qu'il peut s'agir d'un procureur au niveau

 27   municipal ou du comté ou de l'Etat, au bureau du procureur ou d'un avocat

 28   général. Je pense que ceci répondra à votre question.

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  1   Permettez-moi de répéter qu'à ce stade de la procédure et dans la procédure

  2   pénale, la loi qui s'applique, comme je l'ai déjà mentionné, il y a

  3   précisément un article qui prévoit quand commence une procédure pénale. Et

  4   ma réponse était et demeure qu'une procédure pénale ne commence pas après

  5   que le juge ait reçu éventuellement un rapport, mais elle commence

  6   lorsqu'il y a demande du procureur compétent exclusivement à l'égard de

  7   cette requête.

  8   Q.  Maintenant, n'est-il pas vrai, de façon à ce que le procureur puisse

  9   agir et présenter une demande à un juge d'instruction, que la police ou la

 10   police militaire, selon les cas, doit avoir fourni ou présenté un rapport

 11   qui l'informe du fait qu'une infraction pénale a été commise en indiquant

 12   le lieu précis où elle a eu lieu ?

 13   R.  Pas seulement ça, mais de façon à ce que le juge d'instruction puisse

 14   prendre des mesures quelles qu'elles soient par la suite. Au début, le lieu

 15   n'est peut-être pas important, mais tous les autres éléments sont

 16   importants, les éléments qui sont établis dans le processus préalable à une

 17   procédure pénale, processus conduit par la police et sur la base desquelles

 18   le procureur militaire, lorsque nous avions des juridictions militaires -

 19   et maintenant ce serait un procureur civil - dirait à la police ce qu'il y

 20   a lieu de faire ensuite, de façon à ce qu'il puisse, avec plus de succès,

 21   présenter une demande d'enquête au juge d'instruction et lancer la

 22   procédure d'enquête. Donc ceci relève exclusivement de la responsabilité du

 23   procureur militaire, ou aujourd'hui, d'un procureur civil.

 24   Q.  Monsieur Matulovic, n'est-il pas vrai que pendant la période qui va

 25   d'août à septembre 1995, il y a eu un grand nombre d'infractions commises

 26   dans ce secteur qu'on a appelé l'ancien secteur sud, c'est peut-être une

 27   région qui était de votre compétence ?

 28   R.  Je pense qu'une question ne devrait pas inclure une hypothèse selon

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  1   laquelle un grand nombre d'infractions pénales ont été commises. Quel était

  2   le nombre des infractions pénales qui ont été commises, personne ne peut le

  3   savoir jusqu'à ce qu'une procédure commence. Et à ce moment-là, ça devient

  4   une question justifiée : dans tous ces domaines, il y avait également des

  5   civils, et ne pourrait-il pas s'être produit - et maintenant je vais moi-

  6   même poser une question hypothétique, si vous me le permettez - que

  7   quelqu'un qui quitte le secteur, comme nous l'avons dit, malgré le fait que

  8   si je ne peux pas utiliser mon domicile, personne ne va l'utiliser, à ce

  9   moment-là, il peut être incendié, et ce n'est pas un soldat croate ou un

 10   civil croate qui part et ensuite détruit quelque chose de sorte que

 11   personne ne puisse s'en servir. Et donc le grand nombre d'infractions

 12   criminelles, je pense que c'est une expression qui est trop large.

 13   Q.  Monsieur Matulovic --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous arrête là.

 15   Monsieur Matulovic, Mme Mahindaratne a défini précisément une période. Elle

 16   vous a posé la question de savoir s'il y avait eu un nombre important

 17   d'infractions commises dans un secteur qui était connu précédemment sous le

 18   nom de secteur sud, de sorte qu'elle donne également une indication

 19   géographique. Elle a ajouté, "qui était un secteur entrant dans votre

 20   ressort ou votre compétence." Et apparemment elle faisait allusion aux

 21   limites géographiques de ce ressort. Bien que ceci puisse facilement être

 22   mal compris comme indiquant une question de compétence ratione personae, il

 23   s'agit des types de personnes qui entreraient dans ce type de compétence.

 24   La dernière partie de la question est peut-être un peu plus problématique.

 25   Maintenant, vous-même, dans votre réponse, vous vous êtes centré

 26   essentiellement sur la dernière partie de la question.

 27   Madame Mahindaratne, est-ce que vous avez l'intention de demander des

 28   renseignements supplémentaires lorsque vous dit : "secteur sud, dans votre

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  1   ressort," comme voulant dire que ceci inclut les limites territoriales en

  2   ce qui la juridiction ratione personae, ou est-ce que vous vous référiez

  3   exclusivement à des crimes commis dans le secteur géographique au cours de

  4   cette période ?

  5   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] C'est cette deuxième description,

  6   Monsieur le Président.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bon. Alors vous avez pris un risque

  8   en employant le terme juridiction compétente au lieu de dire "dans le

  9   secteur géographique qui était couvert par votre juridiction." De sorte que

 10   --

 11   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.

 13   M. MISETIC : [interprétation] Juste un point pour éclaircir les choses un

 14   peu plus. Je ne crois pas que ce soit contesté entre les parties, mais même

 15   le ressort géographique, ce n'est pas le secteur sud. Donc si on pouvait

 16   être un peu plus précis parce qu'il y a une partie du secteur sud -- une

 17   partie importante du secteur sud qui ne serait pas entrée, du point de vue

 18   géographique, dans cette compétence.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 20   Monsieur Matulovic, vous avez compris la référence qui est faite à la

 21   juridiction comme étant une compétence qui s'exerce sur des membres de la

 22   HV, tandis que Mme Mahindaratne voulait vous poser la question de savoir si

 23   le secteur ou la zone dans laquelle vous aviez compétence, qu'il s'agisse

 24   du secteur géographique, qui comprenait de grandes parties du secteur sud,

 25   si le nombre de crimes commis au mois d'août et au mois de septembre 1995

 26   était élevé. D'après ce que j'ai compris, il était relativement élevé par

 27   rapport à d'autres périodes. Pourriez-vous maintenant répondre à cette

 28   question, s'il vous plaît.

Page 20543

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Là encore, je vais répondre que cette idée ou

  2   notion de grand nombre c'est très relatif. Trois meurtres ou assassinats

  3   peuvent constituer un chiffre très important. Puis, six accidents de la

  4   circulation peut être considéré comme un chiffre peu important dans la

  5   structure des infractions commises. Donc nous ne pouvons pas parler d'une

  6   façon générale d'un grand nombre d'infractions pénales. Étant donné qu'un

  7   grand nombre d'infractions ont été commises, il y a eu tel nombre

  8   d'infractions qui ont donné lieu à des poursuites. Et quel est ce nombre

  9   d'infractions dont parle le procureur, je ne le sais pas. Je pense qu'il

 10   aurait été plus intéressant de poser une telle question au bureau du

 11   procureur militaire plutôt qu'à moi, parce que nous, nous nous occupions

 12   des poursuites dans les affaires qui nous étaient soumises, les accusés que

 13   nous avions. Et là je parle de façon hypothétique. Mais s'il y a eu dix

 14   meurtres commis dans un secteur particulier, bien que ça n'a pas été le

 15   cas, alors ce serait un chiffre relativement élevé. Mais s'il s'agissait de

 16   vols où, par exemple, des motoculteurs auraient été volés, à ce moment-là,

 17   on ne pourrait pas faire de comparaison. Donc c'est la raison pour laquelle

 18   j'ai dit en commençant qu'un grand nombre d'infractions, et le Juge

 19   Président m'a également posé la question, c'est une notion relative. Parce

 20   que dans certaines infractions, certains délits, un grand nombre ne peut

 21   pas vraiment être très grand, parfois pas. Ça dépend, et ceci ne devrait

 22   pas donner lieu à un rapport de quantité.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, je suis en train de

 24   regarder l'heure. Je ne sais pas si ceci est le moment qui conviendrait ou

 25   si vous pouvez vous arrêter dans les cinq minutes qui viennent pour une

 26   suspension de séance.

 27   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Si je

 28   pouvais encore avoir les cinq minutes qui viennent.

Page 20544

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez.

  2   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  3   Q.  Laissez-moi être plus précise, Monsieur Matulovic. Laissez-moi prendre

  4   un exemple, puisque si vous prenez l'exemple de Kistanje, qui est un

  5   secteur qui se trouvait dans votre ressort, n'est-il pas vrai qu'au cours

  6   de la période du mois d'août et septembre, il y a eu un nombre élevé de

  7   destructions et d'incendies dans la municipalité de Kistanje ?

  8   R.  Là encore, je dois répondre qu'il faudrait avoir des éléments

  9   concernant l'ensemble des cas, de tous les dossiers du tribunal militaire,

 10   toutes les affaires qui ont été traitées, à la fois les affaires au niveau

 11   du bureau du procureur militaire à Split, de façon à pouvoir dire s'il y a

 12   vraiment eu autant d'infractions comme vous les appelez; combien

 13   d'infractions et de délits ont fait l'objet de poursuites et savoir si

 14   c'étaient véritablement ces infractions ou s'il s'est révélé par la suite

 15   que c'était moins grave que cela. Il est difficile de pouvoir répondre à

 16   cette question comme ça sans élément, plus particulièrement concernant le

 17   secteur de Kistanje. Quant au secteur du tribunal militaire de Split, nous

 18   étions responsable du point de vue territorial entre Split et Zadar, donc

 19   nous devions également couvrir un territoire beaucoup plus vaste de façon à

 20   savoir exactement ce qui s'est passé à Kistanje plutôt que de savoir s'il

 21   s'agissait de dix ou 17 ou 12 maisons et s'il y a eu des vols ou des

 22   cambriolages dans tel ou tel nombre. C'est très difficile. Il faudrait à ce

 23   moment-là pouvoir voir chaque affaire. Il faudrait demander au procureur de

 24   vous présenter ce qui a fait l'objet de rapport et ce qui a fait l'objet de

 25   poursuite pendant cette période.

 26   M. MIKULICIC : [interprétation] Excusez-moi d'interrompre.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic.

 28   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

Page 20545

  1   Excusez-moi d'interrompre à nouveau, mais une question qui relève du

  2   compte rendu et qui reste non réglée. Je veux parler de la responsabilité

  3   territoriale du tribunal militaire de Split qui a été mentionnée à la page

  4   71, lignes 15 et 16 de façon explicite. Je pense que le témoin a mentionné

  5   d'autres villes. Pourrait-on répéter la question, s'il vous plaît.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si nous avons passé beaucoup de temps

  7   compte tenu de l'essentiel de la teneur de la réponse, est-il vraiment

  8   nécessaire d'éclaircir ceci du tout ? L'essentiel de la réponse -- nous ne

  9   savons pas, parce que nous n'avons pas de renseignements suffisants.

 10   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 11   Mais non, non, je me réfère à la responsabilité liée au territoire qui se

 12   trouvait dans le ressort du tribunal militaire de Split où le témoin a

 13   mentionné la ville de Split et une autre ville indépendamment de Zadar.

 14   C'était ça ce que je voulais dire.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, peut-être qu'il serait plus rapide

 16   de poser la question au témoin.

 17   Alors vous avez mentionné le tribunal militaire de Split et son ressort

 18   comme étant entre Split et Zadar et…

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Sibenik et Dubrovnik.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 21   Poursuivez, Madame Mahindaratne.

 22   Mme MAHINDARATNE : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur Matulovic, pendant l'année 1995, après que l'opération Tempête

 24   ait pris fin, disons du 7 août 1995 à la fin de 1995, est-ce que vous avez

 25   été, d'une manière ou d'une autre, informé du fait que la police militaire,

 26   le 72e Bataillon de police militaire plus précisément, avait eu des

 27   difficultés à faire face à leurs tâches par rapport à des enquêtes

 28   relatives à des infractions pénales ?

Page 20546

  1   R.  La partie de ce qui était de la responsabilité de la police militaire,

  2   c'était très important. La portée de leur responsabilité était très

  3   importante. Comme je l'ai dit, il y avait également cette immense

  4   responsabilité du point de vue territorial pour le tribunal militaire, et

  5   je ne sais pas si la police militaire, avec un si grand nombre de tâches,

  6   aurait eu des problèmes qui auraient entravé leur travail. Après tout, si

  7   cela avait été le cas à ce stade, ils avaient l'obligation d'en informer

  8   l'administration de la police militaire et non pas nous.

  9   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Ceci constitue une réponse à ma

 10   question.

 11   Monsieur le Président, je pense que ce serait un bon moment pour suspendre

 12   l'audience.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Mahindaratne.

 14   Monsieur Matulovic, nous allons suspendre l'audience. J'espère que la

 15   question directrice ne vous dérange plus, mais vous avez été formé dans un

 16   système qui n'était pas le système de la "common law"; il en va de même

 17   pour moi. Donc indépendamment de savoir qui élève des objections et qui

 18   tranche, dans l'intervalle, j'ai appris que les questions directrices sont

 19   interdites lors d'un interrogatoire principal, mais pas tant dans le

 20   contre-interrogatoire. On en apprend tous les jours.

 21   Nous allons donc maintenant suspendre l'audience et nous reviendrons --

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Excusez-moi, excusez-moi, Monsieur le

 23   Président. Mais il faudrait que je pose une question.

 24   La prochaine fois que nous allons nous voir, mais pas ici, peut-être

 25   ailleurs, je voudrais vous montrer un certificat que j'ai reçu

 26   personnellement du greffier de ce Tribunal après avoir achevé l'instruction

 27   pour mener des procédures d'après le système anglo-saxon. Et l'une des

 28   personnes qui enseignaient est Kenneth Scott. Je suis sûr qu'il est bien

Page 20547

  1   connu de mes collègues, voire peut-être de tout le monde. Je vous remercie.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de dire que vous vous

  3   trouvez dans une meilleure situation que moi, parce que je n'ai pas reçu un

  4   tel certificat, Monsieur Matulovic. Je voudrais simplement vous donner

  5   quelque réconfort pour la suspension en ce qui concerne les questions

  6   directrices lors des interrogatoires principaux par rapport aux contre-

  7   interrogatoires.

  8   Nous suspendons la séance et nous reprendrons à 13 heures moins 10.

  9   --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.

 10   --- L'audience est reprise à 12 heures 57.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, vous avez la

 12   parole.

 13   Pourriez-vous nous dire à peu près combien de temps il vous faudra encore ?

 14   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Il me faudra à peu près une vingtaine

 15   de minutes.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 17   Mme MAHINDARATNE : [interprétation]

 18   Q.  Page 26, ligne 15, Me Misetic vous a posé deux questions, Monsieur

 19   Matulovic, et vous avez dit que les prisons à Split étaient surpeuplées et

 20   qu'il y avait dans ces prisons beaucoup de prisonniers de guerre.

 21   R.  Je pense que ça a été mal interprété. En fait, j'allais dire que s'il y

 22   avait eu trop de détenus dans les prisons, on aurait envoyé des prisonniers

 23   ailleurs. Après ce type d'opération, normalement il y avait plus de

 24   prisonniers qu'à d'autres moments, et tous n'étaient pas des prisonniers de

 25   guerre, parce qu'il y avait, en parallèle, des procédures devant des

 26   tribunaux de comtés et des tribunaux municipaux et leurs accusés se

 27   trouvaient dans les mêmes locaux.

 28   Q.  On vous a montré un document, c'est Me Misetic qui vous l'a montré, la

Page 20548

  1   pièce P909, qui portait sur le nombre de prisonniers de guerre qui ont fait

  2   l'objet de poursuites lancées par votre tribunal. Alors un autre document

  3   également.

  4   La pièce 7349 sur la liste 65 ter, s'il vous plaît.

  5   Nous avons là un document qui a à voir avec cette réunion. C'est un compte

  6   rendu d'une réunion tenue par des membres du secteur sud des Nations Unies

  7   chargés de la Croatie avec vous le 8 janvier. Donc cela se réfère à la

  8   réunion tenue le 5 janvier -- je vous présente mes excuses, donc le 5

  9   janvier 1996, et il est dit :

 10   "Vous trouverez ci-joint une liste de 219 détenus qui sont détenus par le

 11   tribunal militaire de Split. A en juger d'après ce qu'en dit le président

 12   Matulovic, président du tribunal, il n'y aura plus de procès devant ce

 13   tribunal. D'après ce que je comprends, ce sera le tribunal du comté de

 14   Split qui se chargera de juger ceux qui auront commis des crimes de

 15   guerre."

 16   Alors est-ce que vous pouvez dire combien de dossiers ont été traités par

 17   le tribunal militaire de Split ?

 18   R.  Je ne peux que confirmer ce que l'on voit ici, à savoir que par un

 19   texte qui a été rendu par le président de la République, feu président

 20   Tudjman, il y a eu déclaration d'amnistie et ils ont tous été relâchés. En

 21   fait, dans cette phrase, il est dit qu'il n'y aurait plus de procédures

 22   devant ce tribunal pour des crimes de guerre allégués. Cela veut simplement

 23   dire que ces gens-là n'étaient plus au tribunal et nous avons travaillé

 24   pendant les sept mois à venir d'après ce qu'en dit ce document. Nous avons

 25   engagé des poursuites contre d'autres procédures, nous les avons jugées, il

 26   y en a beaucoup. Et pour ce qui est des prisonniers de guerre, il n'y en a

 27   plus eu après cet acte de grâce. C'est juste ce qui est dit ici.

 28   Q.  Est-ce que vous pouvez nous donner une idée pour ce qui est du nombre

Page 20549

  1   d'affaires dont a été saisi le tribunal militaire de Split contre les

  2   prisonniers de guerre jusqu'à ce qu'il y ait amnistie ? Des milliers, des

  3   centaines ?

  4   R.  Pas des milliers, des centaines, peut-être. Mais là je parle de nouveau

  5   de ces prisonniers de guerre et uniquement des actes qui relèvent du

  6   chapitre 20 du code pénal, donc ce qui relevait du tribunal militaire.

  7   Mais je vais vous dire comment se sont produits ces relâches. Nous

  8   avons eu 160 et quelque -- est-ce que cela vous intéresse ?

  9   Q.  Excusez-moi, je n'ai pas beaucoup de temps. Je voulais juste entendre

 10   les chiffres.

 11   En plus des procès intentés aux prisonniers de guerre, est-ce que le

 12   tribunal militaire de Split a également jugé par contumax des membres de

 13   l'ARSK ?

 14   R.  Mais il n'y avait pas lieu de les juger, parce que lorsqu'il s'agissait

 15   d'actes qui portaient atteinte à la République de Croatie, à partir du

 16   moment où il y a eu amnistie, on a abandonné la procédure. J'allais vous le

 17   dire justement, vous m'avez interrompu. Donc j'allais vous préciser

 18   exactement comment ça s'est passé dans la réalité, on mettait fin à la

 19   détention. Indépendamment du stade qu'avaient atteint les poursuites, après

 20   ils se sont retrouvés à la garde de la Croix-Rouge internationale ou ils se

 21   rendaient où ils le voulaient.

 22   Q.  Excusez-moi, Monsieur, je ne souhaite pas vous interrompre ou me

 23   comporter d'une manière qui ne serait pas courtoise, mais j'aimerais savoir

 24   si jusqu'au moment où on a déclaré l'amnistie, est-ce qu'il y a eu des

 25   procès qui ont été tenus devant le tribunal militaire de Split contre des

 26   membres de l'ARSK par contumace ? Et là, je ne parle pas de ceux qui

 27   étaient placés en détention. Je parle de ceux qui n'étaient pas en

 28   détention.

Page 20550

  1   R.  Vous vous référez uniquement au tribunal militaire ?

  2   Q.  Oui, tout à fait, votre tribunal.

  3   R.  Non.

  4   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je vous remercie.

  5   Monsieur le Président, je demande le versement de cette pièce.

  6   M. MISETIC : [interprétation] Tout d'abord, normalement, à l'annexe, on

  7   devrait trouver une liste, mais je ne vois pas cela.

  8   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Il n'y avait pas de liste. Nous n'avons

  9   pas obtenu de liste avec ce document. C'est la seule chose que nous avons.

 10   M. MISETIC : [interprétation] Une deuxième question : est-ce que cela nous

 11   a été communiqué en application de l'article 66 (B).

 12   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui.

 13   M. MISETIC : [interprétation] En ce cas-là, je n'ai pas d'objection.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière --

 15   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Juste une seconde, s'il vous plaît,

 16   Monsieur le Président.

 17   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce P2596.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P2596 est versée au dossier.

 19   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Q.  Je vais vous montrer rapidement, Monsieur Matulovic, quelques documents

 21   et je vais vous interroger là-dessus.

 22   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] 65 ter 7347, s'il vous plaît. La page

 23   suivante, s'il vous plaît, Madame la Greffière.

 24   Monsieur le Président, je note que la traduction anglaise comporte une

 25   mauvaise pagination. La page 2 est en fait la page 3.

 26   Est-ce que l'on pourrait, s'il vous plaît, nous afficher la page 3 en

 27   anglais.

 28   Q.  Monsieur Matulovic, nous avons là un dossier sous les yeux, un dossier

Page 20551

  1   d'une affaire dont est saisi le tribunal militaire de Split, et nous avons

  2   les noms des membres de la Chambre qui ont rendu le jugement. Il s'agit

  3   d'un acquittement, et cette affaire concerne le pillage qui a été commis

  4   par trois accusés, dont deux étaient des membres de la HV.

  5   Est-ce que vous pouvez garder cette page, s'il vous plaît, pour l'instant.

  6   Il est dit ici qu'un document figure à l'annexe de ce dossier, à savoir une

  7   confirmation qui est fournie disant qu'il s'agissait de membres de l'armée

  8   croate, donc Stipe Krajina et Mladen Bandic faisaient partie de la 5e

  9   Compagnie du 83e Bataillon de police militaire.

 10   Je voudrais maintenant que l'on affiche la page 6 en anglais et la page 5

 11   en croate, s'il vous plaît.

 12   C'est une note officielle suite à un entretien qui a été mené avec l'un des

 13   accusés, avec Mladen Bandic, plus précisément. C'est le troisième

 14   paragraphe de la traduction anglaise qui m'intéresse, le dernier

 15   paragraphe, et en croate également. Il y est dit :

 16   "Je," c'est l'accusé Mladen Bandic, "et l'autre accusé, nous nous sommes

 17   rendus à 16 heures 30, dans la journée du 6 septembre 1995, à Knin…"

 18   Plus loin dans le texte, il est dit :

 19   "Je tiens à souligner que je suis une personne expulsée et que j'avais une

 20   attestation pour une vache --" il s'agit de l'enlèvement du tracteur, "mais

 21   je ne l'ai pas sur moi, car cette attestation était valable le jour où elle

 22   a été délivrée et je ne m'en suis pas servi ce jour-là."

 23   Monsieur le Président, il y a une erreur de transcription. Ligne 20, où il

 24   est dit :

 25   "Je tiens à souligner que je suis une personne expulsée," et non pas

 26   "expérimentée" comme c'est dit dans le texte.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est corrigé.

 28   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Passons à la page 8, s'il vous plaît,

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  1   en anglais; page 6 en croate, à présent, Madame la Greffière.

  2   Q.  C'est une deuxième note officielle suite à l'entretien avec le deuxième

  3   accusé, qui se lit comme suit :

  4   "Le 6 septembre 1995, à 16 heures 30, Mladen Bandic" et l'autre accusé sont

  5   arrivés ici. Puis six lignes plus loin dans le texte, il est dit :

  6   "Je me suis trouvé sur le terrain la dernière fois où on délivrait les

  7   attestations pour le bétail, mais le lendemain on a cessé de les délivrer.

  8   Aujourd'hui, je me suis rendu à la municipalité de [inaudible], mais ils

  9   m'ont dit qu'il n'y avait plus de vaches au centre de rassemblement et

 10   qu'ils ont cessé de délivrer les attestations et qu'il fallait que je me

 11   débrouille tout seul."

 12   Alors j'ai d'autres documents à vous présenter.

 13   J'aimerais que l'on verse au dossier le document.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons attendre que vous ayez posé

 15   vos questions, puis cela nous permettra d'apprécier mieux la pertinence et

 16   la valeur probante des documents que vous soumettez --

 17   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- puisqu'il ne nous apparaît pas comme

 19   étant parfaitement clair pour le moment que ces documents comportent une

 20   valeur probante.

 21   En attendant, vous avez demandé la présentation du document suivant.

 22   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Oui, c'est un document sur la liste 65

 23   ter 3918A.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Page 79, ligne 15, vous avez dit "donner

 25   attestation ou autorisation," c'était obtenir l'autorisation.

 26   Allez-y, je vous en prie.

 27   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Nous avons là un dépôt de plainte au

 28   pénal par la direction de Zadar-Knin, la police Zadar-Knin, et vous verrez

Page 20553

  1   en haut, à droite, il y a un cachet, un cachet du bureau du procureur

  2   militaire de Split.

  3   Je voudrais que l'on nous montre maintenant, s'il vous plaît, la page

  4   6 en anglais; et en croate, je pense que c'est deux pages plus loin, Madame

  5   la Greffière. Oui, c'est de ce document-ci qu'il s'agit.

  6   Q.  C'est là encore une note officielle où l'accusé se voit reprocher le

  7   vol du bétail. Et le dernier paragraphe, s'il vous plaît, est-ce que vous

  8   pouvez l'examiner en traduction anglaise. Il commence par :

  9   "Afin d'obtenir neuf vaches, il s'est vu délivrer un reçu par le

 10   commissaire du gouvernement chargé de la zone de Policnik le 12 septembre

 11   1995."

 12   Et puis quelques lignes plus loin, la dernière ligne, il est dit :

 13   "Ils ont chargé neuf veaux et vers 17 heures 30, sur le chemin de

 14   retour, ils ont été arrêtés à Gracac par des responsables du 3e poste de

 15   police de la zone de Gracac. Puisque Baricevic et Karamarko sont membres de

 16   l'armée croate, la police militaire a été appelée, et le commandant du 71e

 17   Bataillon de police militaire, Ivica Miletic, a annulé leur reçu pour

 18   transport de bétail, en déclarant qu'il était nul et non avenu. Et il leur

 19   a dit de remettre ce bétail à la protection civile. Et puis ils ont été

 20   escortés à la police militaire d'Udbina où on leur a dit que leur reçu

 21   était valable et qu'ils pouvaient se rendre chez eux avec le bétail."

 22   Maintenant, le troisième document, s'il vous plaît, 65 ter 4523.

 23   Vous voyez, Monsieur Matulovic, qu'il s'agit là d'un ordre. Il est émis par

 24   le groupe opérationnel Zadar, par le colonel Zuzul en date du 7 août. Il se

 25   lit comme suit :

 26   "En se fondant sur l'ordre émis par le commandant de la région militaire de

 27   Split en date du 6 août 1995 portant sur le traitement régulier du butin de

 28   guerre, ainsi que l'utilisation efficace des moyens matériels, et cetera,

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  1   la 307e Base logistique rassemblera le bétail et la volaille sur le

  2   territoire libéré, qui sera placé dans des fermes ou sera vendu

  3   immédiatement au prix du marché, ce qui est le plus intéressant pour

  4   l'armée croate."

  5   Je voudrais maintenant le dernier document de cette série. Il s'agit du

  6   document 65 ter 2265, s'il vous plaît.

  7   Il s'agit d'une lettre qui a été envoyée par le ministre adjoint de

  8   l'Intérieur, M. Josko Moric, à tous les membres de la police militaire, à

  9   toutes les unités de la police militaire, et qui est également adressée aux

 10   responsables de l'administration de la police militaire. Et si vous pouviez

 11   passer à la page suivante pour la version anglaise du document, il est dit

 12   :

 13   "En suivant la situation dans la partie nord et sud de la zone

 14   libérée, on a pu observer que certains représentants du gouvernement civil

 15   avaient émis des certificats autorisant les citoyens à entrer et sortir, et

 16   à même emmener les biens meubles. Il y a même eu des cas où ces certificats

 17   n'avaient même pas été remplis, ils étaient laissés en blanc, donc

 18   n'importe qui pouvait entrer des données concernant les biens qu'il ou elle

 19   déplaçait."

 20   Paragraphe suivant.

 21   "Concernant ce qui a été susmentionné, l'état-major de l'Etat pour la

 22   coordination des activités concernant le retour et l'établissement d'une

 23   autorité civile et la normalisation de la vie dans les zones nouvellement

 24   libérées ont ordonné aux responsables des comtés des zones nouvellement

 25   libérées d'arrêter d'émettre ces certificats et ont annulé les certificats

 26   qui avaient été émis préalablement."

 27   Toutes les administrations de la police dans la région ont reçu instruction

 28   concernant le traitement des personnes en possession de ces certificats, à

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  1   savoir que ces certificats devaient être confisqués et qu'il fallait

  2   déterminer le délit pénal.

  3   "Je vous soumets donc une copie de la lettre de l'état-major de l'Etat pour

  4   que la police militaire et les membres de la police militaire sachent quel

  5   comportement et attitude adopter."

  6   Monsieur Matulovic, ce que nous avons vu, c'est une des écritures de

  7   dossier. Le premier document était inclus dans ce dossier et cela a été

  8   enregistré par les premières notes de l'entretien. Le membre de la HV qui

  9   avait été accusé avait utilisé comme défense le fait qu'il avait une

 10   licence lui permettant de déplacer du bétail. Puis nous avons vu un

 11   document similaire, il s'agissait du deuxième document, et ce dernier

 12   document ici indique que des licences et des autorisations avaient été

 13   émises pour déplacer les biens dans les régions libérées. Bien, en tant que

 14   juge d'un tribunal militaire de cette région en particulier, étiez-vous au

 15   courant de ce système qui permettrait d'émettre des licences pour déplacer

 16   du bétail ou des biens privés dans ces zones libérées, licences qui

 17   auraient été remises à des membres de la HV ou également à d'autres

 18   personnes ?

 19   R.  Avant de répondre, j'ai vu six ou sept documents qui relèvent

 20   d'événements totalement différents. Dans le premier document, il est

 21   indiqué que deux personnes sont membres de la HV, et ensuite on parle de

 22   plusieurs veaux; puis ensuite de vaches; puis de neuf vaches; et ensuite de

 23   bétail, et cetera. Et puis vous m'avez montré un document stipulant qu'il

 24   s'agissait d'une sorte de certificat. Il ne s'agissait pas d'un certificat,

 25   il s'agissait d'un rapport sur un délit pénal; et ensuite il est dit qu'il

 26   s'agissait du délit 126 qui est un cas de vol aggravé.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tous les documents qui vous sont montrés

 28   ont un point en commun, à savoir que d'une façon ou d'une autre, référence

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  1   est faite à ce que l'on appelle un certificat ou des documents qui,

  2   semblerait-il, avaient été émis - qu'ils soient documentés ou pas - pour

  3   légaliser le transport des biens. La question qui vous est posée par Mme

  4   Mahindaratne était assez simple. Etiez-vous au courant de l'existence et de

  5   l'émission de tels documents à cette époque ? Ou même comme elle l'a dit,

  6   étiez-vous au courant de l'existence d'un système permettant d'émettre ce

  7   type de document. Pourriez-vous répondre à cette question.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'étais pas au courant de cela parce que ce

  9   n'était pas de la compétence des tribunaux militaires ou civils. Ces

 10   documents avaient été émis dans des procédures administratives, et il

 11   s'agit là de procédures différentes. Ces documents avaient été émis par des

 12   instances administratives. Et si ces documents apparaissaient dans des

 13   procédures pénales, on pouvait arguer du fait qu'il s'agissait peut-être de

 14   faux, de faux rédigés par un employé d'une instance administrative, et l'on

 15   pouvait également dire qu'il s'agissait d'un abus de position, et cetera.

 16   De tels documents existaient dans l'un des cas, et ceci ne disculpait pas

 17   la personne qui s'était appropriée un bien si par la suite on pouvait

 18   établir qu'il ne s'agissait pas de bien abandonné, mais qu'il s'agissait de

 19   bien appartenant à quelqu'un.

 20   Je ne voudrais pas entrer dans une analyse juridique plus approfondie, mais

 21   lorsqu'il s'agit de ces documents, la façon dont ils ont été émis, qu'ils

 22   aient été documentés ou pas, si les informations y figurant étaient

 23   précises ou pas, cela je ne le sais pas. Il s'agissait de documents émis

 24   par des instances administrative, et toute question les concernant devrait

 25   être posée aux instances administratives, car les tribunaux militaires ne

 26   s'occupaient pas de ces documents qui n'étaient en rien de notre

 27   compétence. Comme je l'ai dit, si de tels documents devraient être utilisés

 28   dans une affaire en particulier, alors, oui, on pouvait aller un petit peu

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  1   plus loin et voir avec des tribunaux civils pour s'assurer si quelqu'un

  2   avait abusé de sa position, quelqu'un travaillant dans une instance

  3   administrative, et avait émis des faux ou émis un document qui ne relevait

  4   pas de son autorité.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Madame

  6   Mahindaratne.

  7   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  8   Je voudrais verser ces quatre documents au dossier, Monsieur le Président.

  9   M. MISETIC : [interprétation] Objection, Monsieur le Président.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Objection basée sur…

 11   M. MISETIC : [interprétation] Je regarde la page 81, lignes 5 à 7. Elle a

 12   cité les documents et ces reçus, et il est indiqué :

 13   "Ils ont ensuite été escortés au service pénal de la police militaire à

 14   Udbina où on leur a dit que les reçus étaient valables et qu'ils pouvaient

 15   rentrer chez eux avec leur bétail."

 16   Nous avons eu un témoin ici, le chef de la police criminelle du 72e

 17   Bataillon de la police militaire, qui aurait pu parler et avoir

 18   connaissance personnellement de ces documents. Nous l'amenons ici afin de

 19   pouvoir parler de ces questions.

 20   La Cour se rappellera que nous avons passé trois heures de contre-

 21   interrogatoire à parler de l'affaire Blaskic, et ces types de questions ne

 22   lui ont pas été posés. Maintenant, nous posons des questions à un témoin

 23   qui dit qu'il ne savait rien et n'est au courant en rien en la matière, et

 24   il n'avait pas reçu un exemplaire de ces documents. Cela pose un préjudice

 25   pour la Défense parce qu'un témoin qui a les connaissances et l'autorité

 26   nécessaires n'a pas l'opportunité d'être nécessairement confronté à la

 27   proposition que l'Accusation est en train d'essayer d'intégrer dans cette

 28   affaire.

Page 20559

  1   Il ne faut pas que nous ayons à rappeler des témoins ou rappeler quelqu'un

  2   d'autre pour parler de la question que l'Accusation a décidé de ne pas

  3   traiter avec le témoin compétent, et nous faisons objection dans le cadre

  4   de la Règle 90(H).

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les documents recevront une cote MFI.

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Les pièces P2597, 2598, 2599 et 2600

  7   reçoivent toutes une cote MFI, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  9   Madame Mahindaratne, vous aurez la possibilité, avant que le témoin ne

 10   quitte, de répondre, s'il est nécessaire de le faire, et de répondre à ce

 11   que Me Misetic a dit.

 12   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Oui. Le témoin semble vouloir

 14   dire quelque chose.

 15   Oui, Monsieur Matulovic.

 16   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voulais

 17   simplement insister sur le fait que ce document m'est présenté ici. C'est

 18   un document du poste de police d'Udbina. Ce n'est pas du tout dans notre

 19   territoire, donc le tribunal n'était simplement pas à même d'avoir

 20   connaissance de ces documents.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que vous avez témoigné en

 22   disant que ce type de document, vous les avez rencontrés, vous ne savez pas

 23   qui les a émis, s'il s'agissait de faux ou pas, mais qu'en tous les cas, ça

 24   n'était pas des documents qui avaient pu convaincre votre tribunal que ce

 25   qui semblait être des délits n'étaient plus des délits sur la base de ces

 26   documents, si je résume très brièvement et très succinctement votre

 27   déposition sur ce point. Vous n'êtes pas au courant de l'existence d'un

 28   système et vous n'êtes pas au courant de -- il est exact, vous avez raison

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  1   en disant que l'un des exemples concernait une région géographique qui

  2   n'était peut-être pas du domaine de compétence du tribunal militaire, et

  3   c'est la raison pour laquelle ce témoin ne peut répondre.

  4   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je prend note, Monsieur le Président,

  5   mais je voudrais répondre à Me Misetic concernant le non-respect de la

  6   Règle 90(H) où --

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, une allégation concernant le non-

  8   respect de la Règle 90(H) --

  9   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] 90(H).

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- 90(H) -- nous pourrions également

 11   voir ce que vous souhaitez dire sur ce point.

 12   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, l'Accusation

 13   sera obligée de dire quelque chose devant le témoin concernant la Règle

 14   90(H), simplement si le témoin témoigne et adopte une position contraire à

 15   la position prise par l'Accusation. Bien, le témoin précédent n'a pas fait

 16   référence au pillage ou n'a pas poursuivi un type de témoignage qui

 17   demanderait à ce que l'Accusation présente ces documents au témoin. Il n'y

 18   a pas eu là d'infraction à la Règle 90(H) du fait de ne pas avoir montré

 19   ces documents au témoin auquel Me Misetic fait référence.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends l'objection comme étant la

 21   suivante, il n'est pas équitable de poser des questions à des témoins pour

 22   soutenir votre propre affaire, alors qu'un témoin qui est plus approprié,

 23   qui aurait des connaissances plus approfondies sur la question ne s'est pas

 24   vu poser la question. Il ne s'agissait pas essentiellement de la situation

 25   particulièrement soulevée par l'article 90(H) au petit "(iii)" à laquelle

 26   Me Misetic a fait référence en tant que règle technique.

 27   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, ce témoin est en

 28   fait un témoin qui pourrait parler de ces questions parce que, comme nous

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  1   l'avons vu dans ce document --

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. En fait je pense que Me Misetic ne

  3   contestait pas cela. Mais il a dit que vous ne pouviez simplement pas

  4   choisir des témoins auxquels vous posiez ces questions et ne pas faire

  5   attention à cela, au fait que des témoins pouvaient avoir une connaissance

  6   plus approfondie de cette question. Est-ce que M. Misetic a raison ou pas,

  7   c'est une autre question, mais essayons tout d'abord de comprendre quelle a

  8   été l'objection et de comprendre avant de répondre. Monsieur Misetic,

  9   corrigez-moi si je me trompe, il s'agissait simplement d'une réponse à

 10   cette objection.

 11   M. MISETIC : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, y a-t-il autre

 13   chose ?

 14   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ces documents recevront une cote

 16   MFI. En fonction des limites imposant de présenter un certain matériel à

 17   chaque témoin, chaque témoin pourra témoigner sur les questions, cela est

 18   une question qui mérite un examen plus approfondi par la Chambre.

 19   M. MISETIC : [interprétation] Si vous pouvez simplement ajouter un point

 20   supplémentaire.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 22   M. MISETIC : [interprétation] Pièce 2597, MFI, elle contient également un

 23   jugement dans lequel M. Matulovic était présent. Si le Procureur

 24   envisageait de s'opposer également à ce jugement, il faudrait le dire au

 25   témoin pendant qu'il est encore là. Rien ne m'a été dit à propos de ce

 26   jugement, je voudrais simplement que cela figure au procès-verbal.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je ne sais pas si vous voulez --

 28   s'il y a une autre intention, Madame Mahindaratne.

Page 20562

  1   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors vous pouvez continuer.

  3   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, il y a une

  4   correction qu'il faut faire au compte rendu d'audience. J'ai parlé d'un

  5   document qui est le 3919A de la liste 65 ter, qui a été mal retranscrit,

  6   puisque dans le procès-verbal on trouve 3918A. Je voudrais simplement que

  7   cela soit corrigé dans le compte rendu d'audience.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela figure dans le compte rendu

  9   d'audience.

 10   Vous pouvez poursuivre.

 11   Mme MAHINDARATNE : [interprétation]

 12   Q.  Monsieur Matulovic, ce sera ma dernière question.

 13   Est-il exact que vous vous êtes rendu sur le lieu du crime à la demande de

 14   la police militaire ou du procureur militaire ? Je m'excuse, j'ai fait une

 15   erreur. Je m'excuse. Vous pouvez y aller.

 16   R.  Un juge ne se rend sur les lieux que s'il est un juge d'instruction et

 17   qu'il est de permanence et s'il est informé du fait qu'un événement

 18   contenant des éléments de crime s'est produit avec des conséquences

 19   sérieuses. Donc s'il est informé par la police militaire qu'il y a eu un

 20   accident sur la route ou que deux voitures sont entrées en collision et

 21   qu'il y a des dommages mineurs, alors il ne se rend pas sur la scène. Mais

 22   s'il s'agit d'un crime plus sérieux, c'est un droit qui est laissé à la

 23   discrétion de chaque juge d'instruction, y compris moi-même, et je pouvais

 24   décider si je me rendais sur les lieux ou pas. Je pouvais me rendre sur les

 25   lieux lorsque j'étais informé du fait qu'il y avait un crime de commis et

 26   lorsqu'un juge d'instruction se rendait sur les lieux du crime. Je pouvais

 27   donc, de par ma présence, apporter quelque lumière sur l'incident et aider

 28   peut-être mon collègue dans son travail. Maintenant que je décide ou pas de

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  1   me rendre sur les lieux du crime, c'est quelque chose qui est laissé à la

  2   discrétion de tout juge.

  3   Q.  Etes-vous à même de dire sur combien de lieux de crime vous vous êtes

  4   rendu, je vous demande un chiffre approximatif, à la demande de la police

  5   militaire et concernant le massacre de civils serbes commis après le 5

  6   août, et ce, jusqu'à la fin du mois de septembre 1995 ? Je voudrais d'abord

  7   vous demander si la police militaire ne vous a jamais demandé de vous

  8   rendre sur les sites de crime pour des massacres de civils serbes commis

  9   par des membres de la HV lors de cette période ?

 10   R.  Je ne sais pas du tout. S'il s'agissait d'une scène de crime d'un

 11   meurtre, peu importe de qui il s'agissait, qu'il s'agisse d'un civil serbe

 12   ou d'une autre personne, il était de mon devoir d'y aller s'il s'agissait

 13   de crimes sérieux, de crimes ayant des conséquences importantes. Et s'il

 14   s'agissait d'un territoire sous la juridiction du tribunal militaire de

 15   Split, alors la personne qui se rendait sur les lieux en raison de

 16   l'urgence de la procédure, du recueil de toute trace du meurtre, il pouvait

 17   être soit le juge de Zadar, soit le juge de Dubrovnik ou un juge de Split.

 18   Donc il était important que quelqu'un puisse se rendre sur les lieux du

 19   crime aussi rapidement que possible, car cela garantissait la qualité de

 20   l'établissement de --

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons d'en rester au point simple et

 22   au fait.

 23   Vous n'êtes-vous jamais rendu sur les lieux d'un crime pour mener une

 24   enquête sur les lieux en août et en septembre 1995, en tant que juge

 25   d'instruction ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Autant que je m'en puisse m'en souvenir, non,

 27   je ne l'ai pas fait personnellement. Peut-être que je l'ai fait, mais

 28   autant que je m'en souvienne, je dirais, non. Vous avez dit à quelle

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  1   période ? En août et en septembre.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 1995.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas vraiment.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Il n'est pas nécessaire que je

  5   vous demande si vous y êtes allé, qu'il s'agisse d'un meurtre ou pas, parce

  6   que si vous ne vous souvenez pas y être allé, vous n'avez aucun souvenir du

  7   type d'affaire sur laquelle vous avez pu mener une enquête.

  8   Madame Mahindaratne.

  9   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Q.  Vous souvenez-vous au moins que la police militaire vous ait demandé de

 11   vous rendre sur les lieux d'un crime au cours de cette période ?

 12   R.  J'ai dit que la police militaire ne pouvait pas demander cela. Elle

 13   n'avait pas l'autorité pour demander à un juge de se rendre sur les lieux

 14   d'un crime. Si c'était quelque chose de plus sérieux, elle avait

 15   l'obligation d'informer le juge et c'est au juge qu'il incombait de décider

 16   s'il voulait se rendre sur les lieux du crime ou pas. C'est une décision

 17   qui était laissée à sa discrétion.

 18   Q.  Avez-vous été informé par la police militaire d'un crime en particulier

 19   qui exigeait que vous vous rendiez sur les lieux d'un crime au cours de

 20   cette période ?

 21   R.  A quel type de lieux de crime pensez-vous ou quel crime ?

 22   Q.  Je voudrais être un petit peu plus précise. Je parle de massacre de

 23   civils, d'incendie ou de destruction de biens privés, et je pense qu'on ne

 24   vous demandait pas de vous rendre sur les lieux d'un crime pour un vol ou

 25   pour ce genre de crimes ?

 26   R.  Uniquement concernant les meurtres. Même à l'heure actuelle, les juges

 27   d'instruction ne se rendent pas sur les lieux de crimes s'il s'agit

 28   d'incendies, indépendamment de l'importance des dégâts.

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  1   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Madame la Greffière, est-ce que je

  2   pourrai maintenant voir le document 7348, s'il vous plaît.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, je voulais

  4   simplement une précision concernant votre dernière réponse.

  5   Vous avez dit "uniquement concernant les meurtres." Vous avez ensuite fait

  6   référence au fait d'être informé par la police militaire de meurtres pour

  7   lesquels vous auriez pu envisager ou pas de vous rendre sur les lieux de

  8   crimes. Est-ce que c'est ainsi que je dois comprendre votre réponse ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, mais précisément comme j'ai répondu à la

 10   question de Mme Mahindaratne, elle m'a demandé si j'étais allé sur des

 11   lieux où il y avait eu des crimes. Ensuite elle a énuméré trois types de

 12   crimes; les meurtres, les incendies et les vols qualifiés ou aggravés.

 13   Comme je l'ai dit sur ces trois là, il n'y avait que les meurtres où on

 14   avait l'obligation d'aller sur les lieux et d'être présent au cours de

 15   l'enquête sur les lieux.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas une surprise pour

 17   vous qu'il y ait cette confusion. Vous nous avez dit que vous aviez

 18   l'obligation de vous y rendre. Puis-je conclure, d'après ce que vous avez

 19   dit, que vous n'avez aucun souvenir d'être jamais allé sur des lieux en

 20   tant que juge d'instruction, que vous n'avez jamais reçu de rapport de la

 21   police militaire pour des meurtres, parce que vous nous avez dit que dans

 22   de telles circonstances, vous auriez été obligé de vous y rendre, ou tout

 23   au moins, vous n'avez aucun souvenir d'avoir jamais reçu un rapport relatif

 24   à un meurtre ou un crime qui aurait été commis ? Est-ce que c'est une

 25   conclusion qui est juste ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, dans l'ensemble, oui, bien que je

 27   souhaite être un peu plus précis. Tous les rapports d'après l'information

 28   selon laquelle il y aurait eu un meurtre commis n'étaient pas envoyés à un

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  1   juge, mais à un procureur militaire ou à un procureur civil qui, à ce

  2   moment-là, déterminait quelles mesures devaient être prises et comment

  3   l'affaire devait être traitée par la suite.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'alors il serait juste de dire

  5   comme conclusion que vous n'avez jamais reçu de demande d'un procureur

  6   militaire d'aller enquêter sur les lieux d'un crime en ce qui concerne un

  7   meurtre ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Un procureur militaire reçoit simultanément

  9   des renseignements concernant la commission d'un crime en même temps que le

 10   juge d'instruction les reçoit aussi. Et tous deux, après avoir reçu le

 11   rapport, s'efforcent de communiquer et de se mettre d'accord sur qui va

 12   faire quoi. Si le juge d'instruction décide d'aller sur les lieux du crime,

 13   à ce moment-là, il y a une obligation pour le procureur militaire de

 14   pouvoir être avec lui aussi, parce que le procureur militaire est aussi

 15   intéressé à la procédure pénale par la suite.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai posé tout à

 17   l'heure une question concernant des rapports reçus de la police militaire

 18   et maintenant vous nous dites qu'un procureur militaire reçoit des

 19   renseignements concernant un crime qui a été commis simultanément avec le

 20   juge chargé de l'instruction, ce qui, tout au moins, laisse ouverte la

 21   question de savoir si vous avez reçu ou non des rapports de ce genre.

 22   Indépendamment de ce qui était le système, je vous demande si vous-même, en

 23   août et septembre 1995, vous avez reçu des renseignements de la police, que

 24   ce soit directement ou par un procureur militaire, concernant un meurtre

 25   qui aurait été commis et sur la base duquel vous auriez examiné le point de

 26   savoir si oui ou non vous auriez l'obligation de vous rendre sur les lieux

 27   du crime pour procéder à une enquête ?

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Encore une fois, je souligne que s'il

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  1   s'agissait d'un meurtre, il n'avait pas à examiner. Il fallait y aller,

  2   indépendamment de savoir qui avait informé le juge d'instruction à ce

  3   sujet.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ceci ne répond toujours pas à

  5   ma question qui était que même si vous aviez l'obligation, à ce moment-là,

  6   si vous estimez la question de savoir si vous étiez obligé d'y aller, à ce

  7   moment-là, la réponse serait oui.

  8   Ce que je voudrais savoir, et apparemment Mme Mahindaratne également, c'est

  9   si vous avez jamais reçu de rapports concernant des meurtres dans ces

 10   circonstances, et ce n'est pas ce qui était le système, je voulais savoir

 11   si vous avez eu -- non, pas si vous avez eu à examiner la question, mais ce

 12   que vous avez reçu ? Si vous avez jamais reçu un rapport concernant un

 13   meurtre --

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne m'en souviens pas.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- de façon directe ou indirecte, vous

 16   ne vous en souvenez pas ?

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me rappelle pas.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous ne vous rappelez pas cela ou ça n'a

 19   pas été le cas ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me rappelle pas du tout si j'ai reçu des

 21   rapports concernant des meurtres, et moins encore si j'ai eu un doute

 22   quelconque sur le point de savoir si je devais me rendre sur les lieux d'un

 23   crime ou non. S'il y a eu des meurtres, à ce moment-là, il fallait y aller.

 24   Permettez-moi de le répéter à nouveau.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 26   Madame Mahindaratne, veuillez poursuivre.

 27   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Q.  Monsieur Matulovic, parlons d'incendie ou de feu. N'avez-vous jamais

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  1   été informé par la police militaire ou ne vous a-t-elle jamais demandé ou

  2   des procureurs militaires ne vous ont-ils jamais demandé de vous rendre sur

  3   les lieux d'un crime où il y aurait un incendie ?

  4   R.  Comme je l'ai déjà dit, l'incendie criminel en tant qu'infraction

  5   n'était pas couvert par l'obligation de se rendre sur les lieux du crime,

  6   indépendamment de savoir s'il s'agissait de procureurs militaires, de

  7   procureurs civils ou de juges. On devait aller procéder à des enquêtes sur

  8   les lieux uniquement lorsqu'il s'agissait d'infractions pénales graves. De

  9   sorte que s'il s'agissait d'incendie, ça pouvait être une maison qui avait

 10   été incendiée, mais sans grand dommage subi, ça aurait pu être une meule de

 11   foin, et à ce moment-là, nous étions un petit nombre. Dans un territoire

 12   aussi vaste, il n'était pas nécessaire pour nous de nous rendre sur place

 13   pour enquêter dans le cas de telles infractions. On laissait la police ou

 14   la police militaire le faire et déterminer si les personnes étaient encore

 15   des militaires d'active ou non ou s'ils avaient été et ne l'étaient plus,

 16   donc leurs cas étaient instruits de façon régulière.

 17   Q.  Maintenant, Monsieur Matulovic --

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Mahindaratne, là encore je

 19   voudrais bien comprendre cette réponse.

 20   Est-ce que je dois comprendre, d'après votre réponse, qu'il se peut bien

 21   que vous ayez reçu de telles informations concernant des incendies, mais

 22   que, pour les raisons que vous avez expliquées, ceci n'aurait pas déclenché

 23   pour vous la nécessité d'aller sur les lieux de l'infraction ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Toutefois, en même temps, il y avait un

 25   motif pour le procureur militaire de poursuivre sa procédure, de

 26   l'instruire, de suivre et surveiller la procédure.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les choses ne s'arrêtaient pas là, mais

 28   à ce moment-là, il n'était pas nécessaire de se rendre sur les lieux.

Page 20569

  1   Veuillez poursuivre, Madame Mahindaratne.

  2   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions à poser

  3   à ce témoin, Monsieur le Président. J'ai demandé un document, mais compte

  4   tenu de la dernière réponse que nous avons entendue, il n'est pas

  5   nécessaire pour moi de verser le document en question comme élément de

  6   preuve au dossier.

  7   Monsieur Matulovic, je vous remercie d'avoir répondu à mes questions.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Mahindaratne.

  9   Y a-t-il des questions supplémentaires ?

 10   Maître Misetic.

 11   Je regarde la pendule. Néanmoins, je vous pose la question.

 12   M. MISETIC : [interprétation] Ça dépend de savoir si on se réunit à nouveau

 13   demain avec ce témoin ou non.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, ça dépend de savoir, dans une

 15   certaine mesure, de votre réponse à la question, n'est-ce pas ? C'est

 16   l'histoire de la poule et de l'œuf.

 17   M. MISETIC : [interprétation] J'aurais environ deux questions à poser à ce

 18   témoin. Ça peut prendre cinq minutes.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vais voir…

 20   [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Deux questions, ça peut aller.

 22   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Nouvel interrogatoire par M. Misetic : 

 24   Q.  [interprétation] Monsieur Matulovic, on vous a posé des questions

 25   relatives aux mesures disciplinaires. Je voudrais savoir de vous : à la fin

 26   d'une affaire de caractère pénal, s'il y avait une reconnaissance de

 27   culpabilité et condamnation, est-ce que votre tribunal confirait à ce

 28   moment-là la question aux militaires en vue d'une procédure disciplinaire

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  1   qui pourrait être entamée ou est-ce que ceci n'aurait lieu qu'une fois que

  2   la reconnaissance de culpabilité aurait été prononcée ?

  3   R.  A partir du moment où une personne avait été reconnue coupable, j'ai

  4   déjà dit qu'une copie du jugement serait envoyée à l'unité concernée ainsi

  5   qu'au ministère de la Défense. Le fait d'avoir rendu ce jugement voulait

  6   dire qu'une personne avait été reconnue coupable, mais ça n'était pas

  7   nécessairement une condition pour que la question de la responsabilité

  8   disciplinaire soit évoquée au niveau de l'unité. Ça pouvait être le cas,

  9   mais pas nécessairement, et si le commandant de l'unité décidait que le

 10   militaire en question était reconnu coupable et condamné pour cette

 11   infraction. Je souligne qu'il y avait des infractions à la discipline,

 12   également des infractions de caractère disciplinaire. Pour les manquements

 13   à la discipline, le procureur militaire était responsable. C'était lui qui

 14   décidait de la procédure disciplinaire à suivre. Quant aux infractions à la

 15   discipline, c'était son supérieur direct.

 16   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie beaucoup de cette réponse.

 17   Je n'ai pas d'autres questions, Monsieur le Président.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Misetic.

 19   Je n'ai que quelques questions à poser et, avec l'indulgence des

 20   interprètes et des sténographes, je pense pouvoir en terminer en cinq

 21   minutes. Comme qu'on n'attend pas de pouvoir disposer de la salle

 22   d'audience cet après-midi, je pose les questions suivantes.

 23   Questions de la Cour : 

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans votre déclaration, au paragraphe 3,

 25   vous citez l'article 6 du décret qui définit les compétences des

 26   juridictions militaires uniquement dans les cas d'affaires pénales. Je

 27   voudrais relire la dernière partie de cet article, à savoir -- non, je

 28   retire ma question.

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  1   Je n'ai qu'une seule question à poser qui est de caractère général.

  2   Si un commandant reçoit des informations, et là je parle d'un commandement

  3   du haut rang, que dans son secteur de responsabilité, des incendies

  4   criminels ont été commis, bien qu'il n'ait pas reçu tous les détails, mais

  5   disons qu'il a reçu des renseignements selon lesquels des maisons ont été

  6   incendiées dans plusieurs villages, mais si ces renseignements sont assez

  7   vagues, compte tenu du devoir pour un commandant de prendre les mesures

  8   nécessaires et raisonnables pour punir les auteurs de violations graves du

  9   droit international humanitaire, de votre point de vue, quelles auraient

 10   été, indépendamment des instructions que ceci ne devait pas se reproduire

 11   dans la chaîne de commandement, quelles auraient été les voies à

 12   disposition de ce commandant pour veiller à ce que ce qui était nécessaire

 13   et raisonnable soit fait pour que les auteurs soient punis ? Que devait-il

 14   faire ?

 15   R.  Si un commandant, quel que soit le niveau de son commandement, pouvait

 16   évaluer cela, il aurait fallu du moins qu'il soit juriste. Il aurait fallu

 17   qu'il connaisse le code pénal et tout ce qui a trait aux infractions

 18   pénales et criminelles. Par conséquent, à mon avis, un commandant, une fois

 19   qu'il aurait reçu des renseignements, en tant que profane qui ne connaît

 20   pas bien le droit, il devait en informer la police militaire, qui devait

 21   agir d'urgence pour établir la réalité de tous les faits en ce qui concerne

 22   un certain acte et les actions illicites qui auraient été perpétrées dans

 23   son secteur et dont il avait appris l'existence de façon indirecte. Donc il

 24   n'était pas un témoin oculaire de ce qui s'était passé.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'un commandant, supposons un

 26   commandant de région militaire, pouvait donner des ordres à la police

 27   militaire d'enquêter sur de telles allégations selon lesquelles des crimes

 28   ou délits auraient été commis éventuellement par des membres de ses forces

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  1   ?

  2   R.  Il pouvait seulement informer la police militaire de cela, dans la

  3   chaîne militaire, la voie hiérarchique. Il pouvait seulement informer les

  4   policiers militaires de cela et la police militaire existait en tant que

  5   groupe de professionnels chargés de suivre les questions d'infractions.

  6   Même sans ces renseignements, s'ils avaient certains renseignements à ce

  7   sujet, ils procéderaient automatiquement à certaines démarches de façon à

  8   trouver les auteurs et à les faire poursuivre. C'est la raison pour

  9   laquelle l'administration de la police militaire existait ainsi que les

 10   bataillons. C'étaient des professionnels. C'étaient, en règle générale, des

 11   gens qui connaissaient le droit, qui avaient une connaissance spécifique de

 12   la façon d'agir de façon automatique dans de telles situations.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et dans le cas où ils ne pouvaient pas

 14   trouver assez de temps ou ils avaient des priorités déjà fixées qui ne

 15   correspondaient pas aux priorités que le commandant considérait comme étant

 16   les bonnes, alors que pouvait-il faire d'autre que d'informer la police

 17   militaire ? Que pouvait-il faire d'autre, ce commandant ?

 18   R.  Bien, il ne pouvait rien faire, parce que les renseignements envoyés à

 19   la police militaire, cela voulait dire automatiquement - et là, nous

 20   pouvons parler d'ordres, comme je l'ai fait dans mes ordonnances et les

 21   instructions au début de ma déposition - les ordres devaient le faire de

 22   façon à ce que l'on découvre qui étaient les auteurs de ces actes.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de ces réponses.

 24   Est-ce que les questions des Juges ont provoqué la nécessité de poser

 25   d'autres questions au témoin ? Monsieur Matulovic, ceci conclut votre

 26   déposition devant cette Chambre. Je souhaite vous remercier d'être venu

 27   jusqu'à La Haye pour répondre à toutes ces questions qui vous ont été

 28   posées par les Juges et par les parties.

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  1   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Monsieur le Président, avant que le

  2   témoin ne puisse se retirer, étant donné ses réponses, nous nous posons la

  3   question de savoir s'il n'y aurait pas une obligation au titre de l'article

  4   90(H) en ce qui nous concerne de présenter à ce témoin les thèses de

  5   l'Accusation.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai jamais su que des questions --

  7   vous voudriez que --

  8   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Les réponses, Monsieur le Président,

  9   les réponses du témoin aux questions posées par les Juges.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense, en fait, qu'il n'y a pas

 11   d'obligation qui découle des questions posées par les Juges. Il n'y a pas

 12   d'obligation de présenter les thèses de l'Accusation ou les thèses de la

 13   Défense au témoin. Tout au moins, je ne pense pas qu'il y ait de malentendu

 14   à ce sujet --

 15   Mme MAHINDARATNE : [interprétation] Je demandais simplement une directive

 16   de votre part, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien, dans ce cas-là, je voudrais

 18   suggérer que le témoin fasse l'objet d'un contre-interrogatoire par les

 19   Juges et, à mon avis, tel n'est pas le cas ici, Madame Mahindaratne.

 20   Puisque je n'entends pas d'autres voix à l'appui de votre suggestion, je

 21   vais moi-même m'abstenir et je continue de remercier le témoin d'avoir

 22   répondu à toutes les questions. Je vous souhaite un bon retour chez vous,

 23   Monsieur Matulovic.

 24   Madame l'Huissière, voulez-vous, s'il vous plaît, escorter le témoin hors

 25   de la salle d'audience.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 27   [Le témoin se retire]

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite remercier les

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  1   interprètes et sténographes d'avoir fait qu'il était possible que le témoin

  2   termine sa déposition aujourd'hui.

  3   Je lève la séance et j'ai reçu une note dans laquelle -- je voudrais savoir

  4   dans quel prétoire nous allons continuer demain.

  5   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Kehoe.

  7   M. KEHOE : [interprétation] Nous n'avons pas de témoin pour demain. Nous

  8   avions ce témoin-ci qui était prévu pour aujourd'hui et demain. Et notre

  9   prochain témoin, qui est le général Cross, un expert, n'arrivera pas avant

 10   demain après-midi pour déposer jeudi et vendredi.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que ça n'est pas la première

 12   fois que j'exprime, au nom de la Chambre, notre préoccupation concernant

 13   ces questions. Pour ne pas dire -- enfin, je comprends les difficultés

 14   qu'il y a à établir un calendrier, mais en même temps, ça se produit trop

 15   souvent.

 16   Avez-vous discuté de la question avec l'Accusation ? Savez-vous

 17   combien de temps ils pensent qu'il leur faudra ?

 18   M. KEHOE : [interprétation] Je n'ai pas discuté de la question avec

 19   l'Accusation sur le point de savoir de combien de temps ils auront besoin.

 20   Tout simplement, le général Cross a subi une opération, pour commencer.

 21   Sans entrer dans les détails et le caractère personnel, il ne pouvait pas

 22   venir plus tôt, puis il a des obligations professionnelles. C'était la

 23   première occasion dans laquelle il serait disponible et où nous pouvions le

 24   faire venir.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais la même chose s'est passée en

 26   septembre et je pense que vous aviez reçu un courrier électronique à ce

 27   sujet. Les questions d'emploi du temps, sans même envisager ce que la

 28   partie adverse va faire, est une pratique inutile. C'est tout simplement

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  1   une question de gestion pour le Tribunal. Si vous dites : Nous prévoyons

  2   deux jours pour ce témoin et si vous prenez une heure et demie, comme ça a

  3   été le cas pour Me Misetic, une heure ou près de deux heures, alors, bien

  4   entendu, tout dépend de ce que la Défense de Cermak et de ce que

  5   l'Accusation va faire. Par conséquent, si vous parlez d'une utilisation

  6   efficace du temps d'audience, c'est une exigence minimum, dirais-je, de

  7   façon à ce que l'on puisse utilement faire des emplois du temps.

  8   Donc je comprends que nous ne pouvons pas changer la situation en ce qui

  9   concerne demain et je comprends que si M. Cross a dû avoir une intervention

 10   chirurgicale un jour plus tôt, l'ensemble du problème n'aurait pas existé.

 11   M. KEHOE : [interprétation] Nous avons essayé d'utiliser de façon aussi

 12   efficace que possible le temps de l'audience, et je pense que jusqu'à

 13   présent nous avons réussi à le faire, mis à part tel ou tel événement qui

 14   pourrait se produire. Mais en ce qui concerne ce cas précis, je vous

 15   présente mes excuses, Monsieur le Président, ainsi qu'aux membres de la

 16   Chambre.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ce n'est pas le sentiment que

 18   nous avons. Nous avons une audience qui est possible, nous avons des

 19   interprètes qui sont prêts, nous avons du personnel d'audience qui est à

 20   disposition, et même si nous prenons le minimum de temps, la question

 21   demeure : comment allons-nous utiliser le temps qui reste ? C'est

 22   essentiellement à l'égard de ce problème que la Chambre est un peu

 23   préoccupée en ce qui concerne l'évolution de la situation. En même temps,

 24   la Chambre apprécie évidemment aussi que la conclusion de la présentation

 25   des moyens Gotovina va, selon tout probabilité, avoir lieu au début de

 26   septembre, mais nous avons maintenant posé des questions aux parties.

 27   Nous reprendrons donc le jeudi 23 juillet, à 14 heures 15, dans la salle

 28   d'audience numéro I.

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  1   --- L'audience est levée à 14 heures 05 et reprendra le jeudi 23

  2   juillet 2009, à 14 heures 15.

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