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1 Le lundi 7 septembre 2009
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 13.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes présentes
6 dans le prétoire et hors du prétoire.
7 Monsieur le Greffier, veuillez appeler la cause, je vous prie.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
9 Messieurs les Juges. Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre
10 Ante Gotovina et consorts.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.
12 Avant que nous ne commencions et que nous n'entendions le témoin suivant,
13 j'ai quelques questions de procédure à régler. Je vais essayer d'aller
14 aussi vite que faire se peut.
15 Premièrement, j'aimerais indiquer officiellement que la Chambre n'a pas
16 siégé du 2 au 4 septembre, parce que la Défense de M. Gotovina avait
17 officieusement retiré de sa liste le Témoin Pokaz.
18 La Chambre le regrette mais comprend qu'il n'y avait pas d'autres témoins
19 prévus pour ces jours-là. Pour ce qui est du rapport d'expert du général de
20 brigade Ivan Pokaz, rapport qui d'ailleurs avait été déposé le 9 juillet
21 conformément à l'article 94 bis, ce rapport sera versé au dossier.
22 J'aimerais maintenant que nous passions à huis clos partiel pendant une
23 petite seconde, je vous prie.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
25 partiel, Monsieur le Président.
26 [Audience à huis clos partiel]
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1 (expurgé)
2 [Audience publique]
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.
4 La Chambre doit maintenant réagir face à la demande présentée par
5 l'Accusation pour ce qui est du Témoin Stepjan Sterc.
6 Voici quelles sont les raisons qui ont motivé la Chambre à prendre la
7 décision de biffer les paragraphes 3, 5.1, 5.2, 5.3, 5.4, et 7 de la
8 déclaration au titre de l'article 92 ter du Témoin Sterc ainsi que les
9 raisons qui motivent la Chambre à recevoir les autres parties de sa
10 déclaration.
11 Le 9 juillet 2009, la Défense de M. Gotovina a présenté une déclaration au
12 titre de l'article 92 ter pour le Témoin Sterc. Le même jour, l'Accusation
13 a déposé une objection eu égard à cette déclaration, en avançant que des
14 extraits de cette déclaration étaient fondamentalement un rapport d'expert
15 qui aurait dû être versé conformément à l'article 94 bis, l'Accusation
16 avait également indiqué qu'elle n'avait pas reçu en bonne et due forme les
17 documents de contexte permettant d'évaluer les points de vue avancés par le
18 témoin. Ce sont les raisons pour lesquelles l'Accusation demandait que les
19 paragraphes 3, 5, et 7 de la déclaration soient biffés, ou, d'une autre
20 façon, il avait été indiqué que l'Accusation devrait bénéficier d'un temps
21 nécessaire pour préparer son contre-interrogatoire à la suite de la
22 communication de ces documents de contexte. La question a été abordée
23 également dans le prétoire ce même jour et fut l'objet de communications
24 officieuses entre les parties et la Chambre le 10 juillet 2009.
25 Le 14 juillet 2009, la déclaration au titre de l'article 92 ter a été
26 versée au dossier, cette demande ayant été faite oralement, et elle a
27 ensuite été enregistrée aux fins d'identification sous la cote D1607. Cela
28 fait l'objet de la page 20 260 du compte rendu d'audience.
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1 Le 15 juillet 2009, la Chambre a versé au dossier en partie la déclaration
2 du Témoin Sterc en vertu de l'article 92 ter, à l'exclusion des paragraphes
3 3, 5.1, 5.2, 5.3, 5.4, et 7. Cette décision figure aux pages 20 343 et 20
4 344 du compte rendu d'audience.
5 La Chambre avait considéré précédemment que les parties n'étaient pas
6 forcément empêchées de demander des points de vue à des témoins qui
7 témoignent sur le fait, et qu'il n'était pas toujours très facile de faire
8 la part des choses entre les faits et les opinions et avis, et que de très
9 simples déclarations pouvaient inclure ces deux éléments. Lorsqu'un témoin
10 qui vient témoigner sur le fait donne un avis dans le cadre de sa
11 déposition, la Chambre considère que cet avis a une base factuelle en ce
12 sens que le témoin a une expérience personnelle du fait dont il parle, et
13 la Chambre a également indiqué qu'il fallait savoir si le témoin avait
14 besoin de compétences, connaissances ou expériences spéciales afin d'étayer
15 ce qu'il avance.
16 Pour essayer de déterminer si un élément de preuve doit être versé au
17 dossier, la Chambre doit, qui plus est, envisager si les éléments de preuve
18 qui sont présentés sont composés essentiellement d'avis ou d'opinions ou de
19 faits. Toutefois, lorsqu'un témoin fournit des opinions, des avis ou des
20 conclusions qui ont trait aux compétences d'expert, à savoir qu'elles sont
21 telles que la personne qui fournit ces avis doit avoir une connaissance
22 spécialisée en la matière, la Chambre s'attend à ce que ce témoin qui
23 fournit son avis d'expert le fasse de façon absolument transparente par
24 rapport aux faits supposés ou établis qu'il présente, et la Chambre indique
25 également que la méthodologie utilisée pour présenter ces connaissances,
26 ces expériences, ou ces compétences doit faire partie de son opinion
27 d'expert. Lorsque cela est possible, les parties doivent se voir octroyer
28 la possibilité de contester ou de poser des questions sur la base factuelle
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1 et sur la méthodologie qui a été utilisée par l'expert pour parvenir à sa
2 conclusion. Qui plus est, un certain degré de transparence pour ce qui est
3 des sources et des méthodes utilisées dans un rapport d'expert est
4 nécessaire au moment où les éléments de preuve sont versés au dossier afin
5 que la Chambre puisse véritablement déterminer la véritable valeur probante
6 du rapport. La Chambre doit absolument être convaincue qu'un témoin expert
7 dispose de connaissances, expériences ou compétences spéciales nécessaires
8 pour pouvoir permettre à la Chambre de comprendre les questions faisant
9 l'objet du litige et pour pouvoir statuer.
10 En général, ces critères sont respectés grâce au mécanisme de
11 l'article 94 bis du Règlement de preuve et de procédure. En l'espèce, le
12 témoin en question n'a pas été présenté par la Défense de M. Gotovina en
13 fonction de cet article. La Chambre a considéré que les paragraphes 3, 5.1,
14 5.2, 5.3 et 5.4, ainsi que 7 de la déclaration au titre de l'article 92 ter
15 du Témoin Sterc, qui décrit les résultats d'une analyse scientifique et
16 démographique et qui contient également des conclusions qui ont été tirées
17 sur la base de ces résultats, correspondent à une déposition présentée par
18 un expert.
19 Afin d'empêcher que ce témoignage d'expert soit présenté en quelque
20 sorte en le faisant passer pour un témoin des faits, la Chambre s'attend à
21 ce que les éléments de preuve présentés par le Témoin Sterc respectent les
22 critères qui sont normalement utilisés par rapport aux témoins experts,
23 critères que j'ai énumérés ci-dessus. Toutefois, la Chambre a estimé qu'en
24 l'espèce, les avis, opinions et conclusions du Témoin Sterc n'ont pas été
25 fournis de façon absolument transparente par rapport aux fais supposés ou
26 établis qu'il a utilisés et par rapport aux méthodes qu'il a également
27 utilisées pour se forger ses opinions et tirer ses conclusions. Par
28 conséquent, la Chambre a estimé que les parties n'étaient pas à même
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1 d'étudier la base utilisée par le Témoin Sterc pour parvenir à ces
2 conclusions et la Chambre n'est pas en mesure d'évaluer de façon absolument
3 précise la valeur probante des extraits de la déclaration du témoin au
4 titre de l'article 92 ter. Ce qui fait que les paragraphes 3, 5.1, 5.2,
5 5.3, 5.4, et 7 de la déclaration au titre de l'article 92 ter du Témoin
6 Sterc ne seront donc pas versés au dossier.
7 La Chambre a par contre été convaincue que les autres parties de la
8 déclaration du Témoin Sterc sont pertinentes et ont une valeur probante et
9 peuvent donc, de ce fait, être versées au dossier conformément à l'article
10 92 ter (A) du Règlement. Pour ces raisons, la Chambre a décidé de verser au
11 dossier de façon partielle la déclaration au titre de l'article 92 ter du
12 Témoin Sterc, à l'exclusion des paragraphes 3, 5.1, 5.2, 5.3, 5.4 et 7.
13 Nous en avons terminé avec l'exposé des raisons utilisées par la
14 Chambre pour statuer en matière de versement au dossier de la déclaration
15 au titre de l'article 92 ter du Témoin Sterc.
16 La Chambre doit également présenter les raisons qui l'ont motivée à
17 prendre sa décision eu égard à l'objection présentée par l'Accusation vis-
18 à-vis de la déclaration au titre de l'article 92 ter du Témoin Mladen
19 Barkovic.
20 Voici quelles sont les raisons avancées par la Chambre pour ne pas
21 faire droit à l'objection de l'Accusation eu égard à la présentation de la
22 Défense de M. Gotovina, de la déclaration au titre de 92 ter du Témoin
23 Barkovic.
24 Le 10 juin 2009, la Défense de M. Gotovina a présenté une déclaration
25 92 ter pour le Témoin Barkovic.
26 Le 23 juin, l'Accusation a déposé une objection eu égard à cette
27 déclaration, et a demandé à la fois qu'une partie de la déclaration soit
28 supprimée et que l'on empêche le témoin de témoigner en tant qu'expert à
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1 propos de certaines questions, et ce, du fait d'un manque de
2 qualifications.
3 Le 25 juin 2009, la Défense de M. Gotovina a demandé la permission de
4 répondre. La Chambre a fait droit à cette requête et en a informé les
5 parties par le biais d'une communication officieuse le 29 juin 2009.
6 La réponse de la Défense de M. Gotovina a été déposée le 30 juin 2009
7 et indiquait que cette déposition se concentrerait sur des faits, et non
8 pas sur des opinions d'expert et que le témoin disposait de suffisamment
9 d'expérience dans le domaine en question pour fournir une base factuelle à
10 ses déclarations. Qui plus est, la réponse citait une décision précédente
11 prise en l'espèce qui indiquait qu'il n'était pas besoin qu'une ordonnance
12 soit rendue pour empêcher l'Accusation de demander des opinions à un témoin
13 déposant sur les faits. Cette décision fait l'objet des pages 1 927 à 1 929
14 du compte rendu d'audience.
15 En audience le 9 juillet 2009, la Chambre n'a fait droit ni à l'objection
16 de l'Accusation pour ce qui était du versement au dossier des extraits de
17 cette déclaration ni à sa demande pour empêcher que le témoin ne témoigne à
18 propos de certaines questions. C'est une décision que l'on peut trouver à
19 la page 20 117 du compte rendu d'audience.
20 Dans la décision citée par la Défense de M. Gotovina, la Chambre fait
21 remarquer que, bien que le témoignage de tout témoin peut comporter des
22 éléments d'opinion, les parties ont amplement la possibilité de contester
23 ces opinions en audience et les parties sont exhortées à étudier les bases
24 factuelles. La Chambre est particulièrement consciente de ce raisonnement.
25 Il n'est pas toujours très facile de faire la part des choses entre des
26 faits et des opinions, et de très simples déclarations peuvent inclure ces
27 deux éléments.
28 Comme la Chambre l'a déjà exposé lorsqu'elle a présenté ses raisons pour
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1 expliquer sa décision de supprimer les paragraphes 3, 5.1, 5.2, 5.3, 5.4,
2 et 7 de la déclaration 92 ter du Témoin Sterc, lorsqu'un témoin qui vient
3 témoigner sur les faits fait état d'une opinions dans le cadre de sa
4 déposition, la Chambre considère si cette opinion a une base factuelle par
5 rapport à l'expérience et au vécu personnel du témoin. Lorsqu'un témoin
6 fournit des opinions ou des conclusions qui ont une nature d'expert, la
7 Chambre s'attend à ce que ce témoin fournisse son avis d'expert de façon
8 absolument transparente par rapport aux faits établis ou supposés qu'il
9 utilise pour présenter son opinion et par rapport à la méthodologie
10 utilisée lorsqu'il fait appel à ses connaissances, expériences ou
11 compétences spécialisées pour présenter son opinion d'expert. Lorsqu'il
12 s'agit de déterminer le versement au dossier d'un élément de preuve, la
13 Chambre envisage si les éléments de preuve sont essentiellement composés
14 d'opinions ou de faits.
15 En l'espèce, la Chambre est convaincue que dans sa déclaration 92 ter, le
16 Témoin Barkovic décrit le domaine dans lequel il a travaillé pendant
17 plusieurs années, domaine qui fait justement l'objet de sa déposition, et
18 le témoin en fait se concentre essentiellement sur des faits, il se
19 concentre sur des faits et non pas sur des opinions que l'on peut demander
20 à un expert, et cette déclaration donc fait état de ses expériences
21 personnelles et de ses observations. La Chambre en conclut donc que les
22 bases factuelles pour les extraits qui font l'objet de contestations pour
23 la déclaration du Témoin Barkovic et pour ce qui est également de sa
24 déposition orale ont pu faire l'objet d'examens suffisants eu égard à ses
25 expériences personnelles, et la Chambre en a conclu que les conclusions
26 qu'il tire ne sont pas de nature à requérir une compétence, connaissance ou
27 formation spécialisée, pour ces raisons, la demande de l'Accusation visant
28 à biffer ou à supprimer des parties de la déclaration du témoin et à
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1 limiter la portée de la déposition du témoin n'est pas acceptée.
2 J'en ai terminé avec les raisons expliquant la décision de la Chambre eu
3 égard à l'objection de l'Accusation pour la déposition du Témoin Barkovic
4 en fonction de l'article 92 ter.
5 J'aimerais maintenant vous rendre la dernière décision de la Chambre eu
6 égard au versement au dossier de la pièce P2593.
7 Le 17 juillet 2009, lors du contre-interrogatoire du Témoin Sterc,
8 l'Accusation a versé au dossier le procès-verbal d'une réunion qui s'est
9 tenue entre les membres de la direction croate à propos, entre autres, de
10 la réintégration des Serbes en Slavonie orientale. La Défense de M.
11 Gotovina a versé une objection à ce que soit admis au dossier ce document.
12 La Chambre a par la suite invité les parties à présenter leurs arguments
13 sur la question. Cela fait l'objet des pages 20 433 à 20 437 du compte
14 rendu d'audience.
15 Le 20 juillet 2009, la Défense de M. Gotovina ainsi que l'Accusation on
16 présenté d'autres écritures. Il faut savoir que la Défense de M. Cermak et
17 que la Défense de M. Markac n'ont pas présenté de document en la matière.
18 Par ces documents, la Défense de M. Gotovina avance que l'Accusation n'a
19 pas su respecter son obligation au titre de l'article 90(H)(ii) du
20 Règlement de preuve et de procédure pour ce qui est de la présentation du
21 document P2593 lors du contre-interrogatoire du Témoin Skare Ozbolt, qui,
22 contrairement au Témoin Sterc, était présent à la réunion indiquée par la
23 pièce P2593. La Défense de M. Gotovina avance donc que de ce fait le
24 document ne doit pas être versé au dossier. L'Accusation avance que le
25 document P2593 est pertinent, et a une valeur probante, par rapport aux
26 points de vue exprimés par les membres de la direction croate eu égard au
27 fait qu'il était désirable d'avoir une Croatie largement homogène du point
28 de vue de l'appartenance ethnique. Elle avance, qui plus est, qu'en
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1 présentant la question à ce sujet au Témoin Skare Ozbolt, elle a
2 parfaitement respecté son obligation en vertu de l'article 90(H)(ii) du
3 Règlement, et ce, lors du contre-interrogatoire de ce témoin.
4 L'article 90(H)(ii) du Règlement stipule, et je cite :
5 "Lorsqu'une partie contre-interroge un témoin qui est en mesure de déposer
6 sur un point ayant trait à sa cause, elle doit le confronter aux éléments
7 dont elle dispose qui contredisent ces déclarations."
8 Dans son arrêt dans l'affaire contre Momcilo Krajisnik, la Chambre d'appel
9 a expliqué que cet article souhaitait faciliter la présentation juste et
10 efficace d'éléments de preuve tout en donnant la possibilité au témoin qui
11 fait l'objet d'un contre-interrogatoire de s'expliquer à propos de certains
12 aspects de sa déposition qui ont été contredits par les éléments de preuve
13 avancés par la partie adverse. Cela donc évite au témoin de devoir revenir
14 de façon inutile pour s'expliquer et cela permet à la Chambre de première
15 instance d'évaluer la crédibilité de la déposition de façon plus exacte. La
16 Chambre d'appel avait conclu qu'afin de satisfaire ces critères de cet
17 article, il suffisait que la partie qui procède au contre-interrogatoire
18 présente au témoin la nature et le fond de ces éléments qui sont en
19 opposition avec la déposition du témoin et ce qu'il avance.
20 En l'espèce, l'Accusation a présenté au Témoin Skare Ozbolt plusieurs
21 documents, apparemment pour prouver que la politique suivie par la
22 direction croate était de diminuer le nombre de Serbes en Slavonie
23 orientale et dans la région de la Krajina, et que leur objectif principal
24 était de faire en sorte que des Croates s'installent de façon permanente
25 dans ces zones. Cela figure aux pages suivantes du compte rendu d'audience,
26 18 148 à 18 165, 18 188 à 18 196, et 18 202 à 18 212.
27 La Chambre considère de ce fait que le Témoin Skare Ozbolt a eu amplement
28 la possibilité de s'expliquer à propos de ses aspects de sa déposition
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1 relative à la politique menée à bien par la direction croate par rapport à
2 la Slavonie orientale, ce qui a fait l'objet d'une contradiction lorsque
3 l'on pense aux éléments présentés par l'Accusation.
4 Dans l'arrêt Krajisnik, la Chambre d'appel estime de surcroît qu'en
5 vertu de l'article 90(H)(ii) il n'est pas besoin que la partie qui procède
6 au contre-interrogatoire expliquer de façon détaillée les éléments de
7 preuve contradictoires et que cet article envisage une certaine souplesse
8 en fonction des circonstances du procès. Par conséquent, la Chambre estime
9 que la partie qui procède au contre-interrogatoire n'est pas obligée au
10 titre de l'article 90(H)(ii) de présenter au témoin tous les documents ou
11 des documents précis ayant trait à la déposition du témoin, documents donc
12 qui contredisent ce qui est avancé. Au vu de cet aspect, et pour ne pas
13 oublier l'objectif général de l'article, la Chambre estime que de ce fait
14 en l'espèce l'Accusation n'a pas enfreint ses obligations au titre de
15 l'article 90(H)(ii). Néanmoins, la Chambre réitère qu'il lui est
16 particulièrement utile que des documents soient présentés de façon logique
17 par le biais de témoins qui sont en mesure de fournir les meilleurs
18 éléments par rapport au contexte de la situation.
19 La Chambre s'est également demandée si les documents respectent ou si
20 le document respecte les critères envisagés pour le versement au dossier au
21 titre de l'article 89(C) du Règlement, à savoir il faut que le document
22 soit pertinent et ait une valeur probante. Aucun argument n'a été présenté
23 par la Défense du M. Gotovina pour contester ou la pertinence ou la valeur
24 probante du document.
25 Le document P2593 est le procès-verbal d'un réunion qui a été
26 organisée entre les membres de la direction croate notamment des personnes
27 qui son censées avoir été membres d'une entreprise criminelle commune
28 alléguée, document qui permet de mieux comprendre les points de vue et
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1 politiques avancés eu égard au retour des Serbes en Croatie, et eu égard
2 aux questions relatives à la réintégration des Serbes tout en notant que la
3 portée territoriale de l'acte d'accusation ne se concentre pas sur la
4 Slavonie orientale mais plutôt sur les municipalités énumérées aux chefs
5 d'inculpation 1 à 9, la Chambre est convaincue que l'opération Tempête ne
6 peut pas être perçue dans un vide temporel ou géographique mais qu'elle est
7 un épisode dans une série d'épisodes et que le document a donc une certaine
8 pertinence et une valeur probante.
9 Par conséquent, la Chambre a décidé de verser au dossier le document
10 P2593.
11 La Chambre fait également remarquer que la traduction anglaise de la
12 pièce à conviction a été présentée sans la page de garde qui est incluse
13 dans la version originale en B/C/S, et exhorte par conséquent l'Accusation
14 à ajouter la page qui fait défaut à la traduction anglaise et à en notifier
15 le greffe, la Chambre et les parties lorsque cela sera effectué.
16 Nous en avons terminé avec la décision rendue par la Chambre eu égard
17 au versement au dossier de la pièce P2593.
18 Les Juges souhaitent dire pour le compte rendu d'audience que nous
19 avons prévu à travailler vendredi le 11 septembre pour terminer la
20 déposition du témoin Corn avant le début du week-end. On a informé les
21 Juges du fait que le Procureur avait des objections par rapport à la
22 possibilité d'utiliser certains documents par le biais du témoin Corn. Il
23 s'agit de trois documents et maintenant cette objection n'est plus valide
24 puisque la Défense Gotovina n'a plus l'intention d'utiliser ces documents.
25 M. KEHOE : [interprétation] Nous n'avons pas l'intention de les utiliser
26 lors de l'interrogatoire principal.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, je vois que vous vous
28 levez que vous faites des signes.
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1 M. RUSSO : [interprétation] Si, Monsieur le Président, je le fais parce que
2 quand on dit pas pendant l'interrogatoire principal, est-ce que cela veut
3 dire qu'ils ont l'intention de les utiliser à une autre fois ou pendant des
4 questions supplémentaires ?
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous, vous gardez la
6 possibilité d'utiliser ces documents au moment du contre-interrogatoire,
7 donc même si vous n'allez pas l'utiliser au moment de l'interrogatoire
8 principal, vous allez peut-être les utiliser plus tard ?
9 M. KEHOE : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour terminer, on a informé les Juges du
11 fait qu'il existe une question dont nous n'allons pas nous occuper
12 immédiatement. Il s'agit de la communication des documents qui sont de
13 nature à disculper les accusés. Nous allons entendre les parties à ce sujet
14 voire quelles sont les objections éventuelles, les plaintes et pour voir
15 comment nous allons nous en occuper.
16 M. KEHOE : [interprétation] J'ai un point là-dessus, je ne suis pas sûr si
17 quoi que ce soit va se passer au cours du contre-interrogatoire qui va
18 faire en sorte qu'on va peut-être utiliser ces documents. Nous n'avons pas
19 inclus ces documents dans le rapport d'expert du Pr Corn, mais je ne peux
20 pas anticiper tout ce que le Procureur va présenter et s'il y a des
21 éléments qui nous incitent à présenter ces documents, nous souhaitons voir
22 la possibilité de le faire.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que : "Vous n'avez donc pas
24 inclus ces documents."
25 M. KEHOE : [interprétation] Effectivement.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez pas été très clair.
27 M. KEHOE : [interprétation] Effectivement. Je m'en excuse.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous n'avons plus de questions de
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1 procédure. Ce qui me fait dire que nous allons pouvoir entendre le témoin
2 expert à présent.
3 Mais Monsieur Russo.
4 M. RUSSO : [interprétation] J'ai voulu présenter notre nouvelle avocate,
5 Mme Adria Delandry.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous souhaite la bienvenue. Ce n'est
7 pas vraiment une question de procédure.
8 Monsieur Kehoe, est-ce que vous êtes prêt ?
9 M. KEHOE : [aucune interprétation]
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes prêt. Très bien. Donc je vais
11 demander à Mme l'Huissière de conduire M. Corn dans le prétoire.
12 Je vais demander aux parties même si je sais que nous avons pratiquement
13 passé une heure mais je vais quand même demander aux parties d'utiliser le
14 temps qui leur est imparti de la façon la plus efficace possible.
15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Corn.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Corn, avant de déposer en
19 l'espèce, le Règlement de procédure et de preuve exige que vous fassiez la
20 déclaration solennelle vous engageant de dire la vérité, toute la vérité,
21 et rien que la vérité. Le texte vous est présenté, et je vais vous demander
22 de faire cette déclaration.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
24 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
25 LE TÉMOIN : GEOFFREY CORN [Assermenté]
26 [Le témoin répond par l'interprète]
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Monsieur Corn, vous pouvez
28 vous asseoir.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais déjà vous demandé, Monsieur
3 Corn, et je vais rappeler M. Kehoe, le fait que vous parlez la même langue
4 de sorte que vous soyez obligé de faire des petites pauses entre les
5 questions et les réponses, les réponses et les questions, pour que les
6 interprètes puissent vous interpréter.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Kehoe va vous poser ses questions.
9 M. KEHOE : [interprétation] Je vous remercie.
10 Interrogatoire principal par M. Kehoe :
11 Q. [interprétation] Monsieur, pourriez-vous vous présenter ?
12 R. Je m'appelle Geoffrey S. Corn. C-o-r-n.
13 M. KEHOE : [interprétation] Moi, j'ai fourni au greffe des exemplaires
14 papier de certains documents pour faciliter la déposition, et avec votre
15 permission je voudrais vous demander la permission de fournir ces documents
16 au témoin.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous le permettons, comme d'habitude.
18 M. KEHOE : [interprétation]
19 Q. Tout d'abord, je vais vous demander d'examiner la première
20 intercalaire, 1D2949. C'est un document qui va présenter sur l'écran devant
21 vous, vous allez voir donc le document sur l'écran, et dans votre dossier.
22 R. [aucune interprétation]
23 Q. Est-ce que vous le reconnaissez ce document ?
24 R. Oui, c'est mon CV.
25 Q. Professeur, nous n'allons pas parcourir tous les éléments qui y
26 figurent, mais est-ce que vous pourriez nous dire quelles sont votre
27 expérience professionnelle, formation, et cetera ?
28 R. En ce qui concerne mon éducation civile, j'ai eu une licence de lettres
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1 de "Harwick College," à Oneonta, New York, et c'était en 1983 et j'ai été
2 spécialisé en histoire.
3 En 1989, j'ai commencé à étudier le droit à l'Université de George
4 Washington. J'ai été diplôme en 1992 avec donc une maîtrise. J'ai une
5 mention très bien, ce qui indique que j'ai été parmi les 2 % de mes
6 meilleurs élèves, de meilleurs étudiants de mon université. Ensuite, en
7 1996, j'ai fait l'école de Magistrature de l'armée américaine. C'est la
8 seule école militaire américaine qui est habilitée à fournir des diplômes
9 de droit, les diplômes au niveau maîtrise ou LLM; et au bout de dix mois,
10 j'ai été diplômé, j'ai été spécialisé dans le droit international et le
11 droit opérationnel. J'ai été le premier de ma promo et j'ai eu une mention
12 très bien.
13 Ensuite j'ai commencé à travailler dans l'armée américaine en 1993. Je suis
14 allé -- je suis passé par différentes écoles. J'ai commencé comme un simple
15 soldat, avec un entraînement au combat. Ensuite je suis allé à l'école des
16 officiers à Benning, Georgia, et là, j'ai encore, en 1984, eu un diplôme de
17 cette école, avec mention très bien. Ensuite je suis devenu un officier de
18 renseignement militaire. J'ai suivi un cours de base de l'armée américaine,
19 et c'est un cours de six mois où j'ai été formé pour devenir l'officier de
20 renseignement en tactique.
21 Ensuite je suis revenu à Fort Huachuca en 1998 [comme interprété], où je
22 suis passé par un cours avancé de renseignement. L'analyse d'image et
23 l'exploitation. Pendant que j'ai participé à ce cours, j'ai été sélectionné
24 par l'armée à participer dans ce qui est appelé le programme des juristes.
25 C'est un programme qui est proposé à une dizaine ou une quinzaine
26 d'officiers chaque année. Donc vous avez la proposition, la possibilité de
27 faire vos études de droit aux frais de l'Etat et de devenir par la suite le
28 Juge dans l'armée, donc ce que je fais.
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1 Mais après cela donc j'ai suivi les cours à l'école de Magistrature
2 en Virginie donc c'est un cours qui est destiné aux juristes militaires, et
3 après ma première fonction, je suis revenu à nouveau à l'école pour faire
4 mes études de droit au niveau maîtrise. Après avoir terminé ces études,
5 j'ai travaillé dans l'école de magistrature en tant que professeur de la
6 loi sur la sécurité internationale pendant trois années. Après cela j'ai
7 suivi un cours à l'école de guerre. Ce n'est pas quelque chose qui est
8 destiné aux juristes mais aux officiers. A peu près 1 100 officiers
9 américains à peu près une centaine internationaux, et en général, vous
10 n'avez qu'une quinzaine de juges avocats qui militaires qui peuvent suivre
11 ce cours. J'ai fini ce cours, j'ai été diplômé donc l'an 2000 enfin 2001 au
12 mois de mai, et c'est la dernière école militaire -- les dernières études
13 au niveau d'activité militaire que j'ai effectué.
14 Q. Quand vous parlez de "JAG," vous parlez de juge avocat général ?
15 R. C'est une organisation au niveau de l'armée américaine qui est appelée
16 le corps des juges avocat général. Donc c'est un juge un avocat chevronné
17 de l'armée américaine, et quand je dis que je faisais partie de ce corps,
18 JAP, j'ai voulu dire que j'y étais en tant que juriste militaire de l'armée
19 américaine.
20 Q. Professeur, quel est le grade que vous avez acquis au niveau de l'armée
21 ?
22 R. Moi, j'ai pris ma retraite le 1er novembre 2004. J'ai pris ma retraite
23 avec le grade de lieutenant-colonel. J'ai été promu à chaque grade en tant
24 normal, conformément aux statistiques militaires, et cela a été -- donc a
25 mis la fin à 21 années de service dans le militaire, le service d'active.
26 Q. Depuis cette époque, est-ce que vous avez continué à travailler dans le
27 domaine de droit des conflits armés, et d'autres domaines de droit
28 humanitaire ?
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1 R. Quand j'ai pris cette décision, je suis devenu juriste conseiller civil
2 travaillant pour le ministère de l'armée. Donc, là, j'ai été juge avocat
3 général dans la division en terme du droit international où j'ai été
4 assistant spécial pour les questions, chargé de conseiller le juge avocat
5 général. Mais, finalement, la véritable position que j'avais c'était la
6 position de conseiller senior sur les Lois de la guerre. Donc j'ai commencé
7 ce travail en automne 2004, et à peu près à la moitié de cette année-là, on
8 m'a proposé de rejoindre la faculté de Droit en tant que professeur à temps
9 plein. Je me suis dit que c'était vraiment l'opportunité à saisir puisque
10 je n'allais peut-être plus avoir cette possibilité au cours de ma carrière.
11 Donc j'ai quitté les services du gouvernement et j'ai commencé à travailler
12 à l'université.
13 Q. J'ai vu, dans votre curriculum vitae, que vous étiez professeur de
14 droit à l'Université de droit du Texas du sud.
15 R. Oui, c'est vrai. Cela fait quatre ans que j'y enseigne le droit pénal,
16 la procédure pénale constitutionnelle, la loi sur les conflits armés, et
17 j'ai écrit un certain nombre de livres que j'ai écrits avec d'autres
18 officiers de la JAG qui va être publié dans deux semaines, je pense, à
19 "Oxford University Press," c'est donc l'éditeur de ce livre, le titre en
20 est : "Les Lois de la guerre."
21 Q. Professeur, je vais vous demander maintenant de parler de l'artillerie.
22 Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous savez au sujet de
23 l'artillerie, votre formation, votre expérience, et dans quelle mesure vous
24 êtes qualifié à nous faire une analyse d'expert par rapport à l'utilisation
25 de l'artillerie dans une situation de guerre ?
26 R. J'ai eu une formation militaire - évidemment que, moi, je n'ai jamais
27 été officier dans l'artillerie - mais aussi en tant qu'officier de
28 renseignement et tactique et en tant que conseiller juridique, j'ai une
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1 certaine expérience par rapport à l'évaluation et l'analyse de
2 l'utilisation de l'artillerie, de sa planification et la mise en œuvre de
3 telles opérations, la planification de telles opérations en vue de combats.
4 Tout cela a commencé quand j'ai commencé finalement ma carrière militaire
5 en tant qu'officier des renseignements tactiques au Panama. J'ai travaillé
6 pour une Brigade d'Infanterie, et j'ai travaillé aussi pour un Bataillon de
7 Parachutistes, et à chaque fois, j'ai été obligé de préparer les
8 opérations, de participer aux formations quand il s'agissait de cette force
9 multinationale qui se trouvait dans l'Amérique centrale et l'Amérique du
10 sud. Le rapport entre l'officier de renseignements et l'officier à l'appui
11 feu, c'est une connexion qui est très forte puisqu'il existe un passage
12 d'informations entre les deux. De toute façon, chaque éducation militaire
13 dans l'armée américaine a une composante qui est au cœur de cette
14 formation, par exemple, quand vous suivez une formation en renseignement,
15 vous avez tout de même un enseignement de base que tous les officiers
16 doivent suivre, et cela comprend le support de feu.
17 Je peux dire que quand j'ai commencé à travailler comme un officier de la
18 JAG, ma première mission était à Kentucky, et là, j'ai dû conseiller une
19 Brigade de Combat, la 4e Brigade. C'est moi qui ai été responsable de
20 fournir les renseignements au commandant quant à la légalité de
21 l'engagement en ce qui concerne le feu quand il s'agissait d'analyser les
22 cibles, d'évaluer les cibles, et il y avait un rapport de travail très
23 étroit entre la JAG et l'officier d'appui feu puisque ces missions sont
24 très importantes quand il s'agit de savoir si on a respecté les lois du
25 conflit armé.
26 Ce que nous essayons de faire aussi à l'école de la JAG c'était
27 d'essayer d'enseigner aux étudiants pas seulement le droit mais aussi le
28 contexte de l'application du droit. Donc on peut dire qu'il fallait que de
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1 tels officiers comprennent comment fonctionnent les supports, l'appui feu
2 et le combat, la routine de règle et d'engagement.
3 Ensuite je suis allé en Allemagne en tant que chef du droit
4 international pour l'armée américaine en Europe, et j'y ai été entre 2001
5 et 2003, et pendant cette période, il y a eu un délai de préparation très
6 important pour les forces militaires américaines pour participer aux
7 opérations en Afghanistan, en Irak, et cetera. Donc le 5e Corps de l'armée
8 américaine était désigné comme une composante de l'armée des terres pour
9 l'opération la liberté de l'Irak au mois de mars 2003. Nous, nous avons
10 participé à ces préparatifs de façon très intense, nous, les officiers de
11 la JAG, et nous devions aussi revoir, vérifier les plans et les ordres pour
12 faire en sorte qu'ils respectent le droit du conflit armé.
13 Donc on peut dire que j'ai toujours été impliqué dans le système
14 d'artillerie depuis le tout début de ma carrière militaire.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous ralentir, s'il vous
16 plaît.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse.
18 M. KEHOE : [interprétation] A présent, je voudrais demander que l'on
19 verse au dossier la pièce 1D2949.
20 M. RUSSO : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ceci deviendra la
23 pièce D1641.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui vient d'être versée au dossier.
25 M. KEHOE : [interprétation]
26 Q. Professeur, est-ce que vous avez déjà déposé en tant qu'expert devant
27 un tribunal ?
28 R. Oui, effectivement, je l'ai fait dans le procès de Salim Hamdam,
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1 c'était en 2007, donc j'étais là, j'ai été expert sur les droits de
2 conflits armés.
3 M. KEHOE : [interprétation] Je voudrais demander que l'on présente la pièce
4 1D2772.
5 Q. Professeur, c'est le deuxième intercalaire dans votre classeur.
6 Professeur, est-ce que vous reconnaissez ce rapport --
7 R. Oui.
8 Q. -- il se trouve au deuxième intercalaire de votre classeur ? Est-ce
9 bien le rapport que vous avez préparé à la demande de l'équipe Gotovina ?
10 R. Oui, effectivement.
11 M. KEHOE : [interprétation] Je voudrais demander que l'on verse au dossier
12 cette pièce, s'il vous plaît.
13 M. RUSSO : [interprétation] L'objection que nous avons soulevée est
14 toujours valable, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez, s'il
16 vous plaît, nous donner un numéro d'identification pour ce document.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci deviendra la pièce D1642, marquée
18 aux fins d'identification.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
20 Monsieur Kehoe.
21 M. KEHOE : [interprétation]
22 Q. Avant de parler du fond, je voudrais tout d'abord vous demander :
23 quelle était la mission qui vous a été confiée par la Défense Gotovina ?
24 Comment les choses se sont faites, comment vous avez été contacté, et
25 cetera ?
26 R. J'ai été contacté pour la première fois par l'équipe de la Défense.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais vous interrompre un instant.
28 Les Juges savent qu'il existe une feuille d'information supplémentaire,
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1 avec les informations supplémentaires et qui couvre pratiquement toutes les
2 questions que vous vouliez poser au témoin.
3 Monsieur Russo, j'ai l'impression que tout ceci sont tout simplement des
4 faits. On nous a informé du fait que les parties n'étaient pas d'accord sur
5 la possibilité de verser ou non cette pièce. C'est un document très long,
6 et puisqu'il s'agit là d'un document assez long avec beaucoup
7 d'informations, est-ce que nous pouvons aller plus rapidement et essayer
8 d'éviter cela ?
9 M. KEHOE : [interprétation] J'ai cru comprendre qu'il n'y aurait pas
10 d'objection. Ceci a été signé par le Pr Corn, et effectivement, tout ceci
11 se trouve dans cette information contenant des informations
12 supplémentaires; vous pouvez le lire.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Où est le problème ? Pourquoi vous ne
14 voulez pas que ceci soit versé au dossier ?
15 M. RUSSO : [interprétation] Du point de vue de la procédure, non, il n'y a
16 pas de problème effectivement en vertu du 92 ter, on peut ajouter ce
17 document. Mais, moi, le problème que cela me pose c'est le document fait la
18 deuxième partie du paragraphe 2, et tout le paragraphe 3, dans la mesure où
19 là le témoin nous parle de son évaluation de la crédibilité d'un autre
20 témoin et cela n'est pas admissible.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe.
22 M. KEHOE : [interprétation] Je pense qu'on parle de son évaluation du
23 lieutenant-colonel Konings. J'en parle effectivement ici, mais si vous
24 voulez, on peut attribuer la cote MFI à ce document, et après
25 l'interrogatoire principal ou le contre-interrogatoire, vous pouvez décider
26 si on a besoin d'ajouter quoi que ce soit.
27 Moi, je veux bien ajouter d'éléments nouveaux, mais je pense que ceci va
28 abroger de façon significative l'interrogatoire principal si l'on versait
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1 directement ce dossier.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il existe la possibilité que
3 si l'on a les objections que par rapport à la moitié du paragraphe 2 et le
4 paragraphe 3 --
5 M. KEHOE : [aucune interprétation]
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- et bien que vous pouvez des questions
7 justement par rapport à cela et qu'on exclut donc cette partie du document
8 versé au dossier.
9 M. KEHOE : [interprétation] Pas de problème.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, est-ce que cela vous
11 convient ?
12 M. RUSSO : [interprétation] Oui, effectivement.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc à partir de quel moment
14 commence votre objection, Monsieur Russo ?
15 M. RUSSO : [interprétation] Cela commence par "however."
16 "However" - donc cependant - j'avais des doutes si, et cetera."
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je peux proposer la solution
18 suivante, à savoir la feuille d'information supplémentaire peut être versé
19 en vertu de l'article 92 ter, l'exception faite de la deuxième moitié du
20 paragraphe 2 en commençant par le mot "cependant," et à l'exception donc du
21 paragraphe 3.
22 Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?
23 M. RUSSO : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
24 M. KEHOE : [interprétation] Pas de problème, Monsieur le Président. Moi, de
25 toute façon, je vais parcourir ces questions avec le témoin au cours de la
26 deuxième moitié de mon interrogatoire principal.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous ne voulez pas aborder cette
28 question de façon séparée mais au cours de l'interrogatoire principal, vous
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1 pouvez le faire, bien sûr. Donc c'est à vous qu'appartient le choix de la
2 méthode.
3 Je vais demander donc que vous téléchargiez ce document dans le système de
4 prétoire électronique que vous expurgiez les éléments dont nous avons
5 décidés et qu'il fallait expurger, et ensuite le témoin pourra
6 éventuellement relire ce document.
7 M. KEHOE : [interprétation] Je pense que le témoin va accepter le fait
8 qu'il a lu ce document et qu'il l'a signé la nuit dernière.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
10 M. KEHOE : [interprétation]
11 Q. Professeur, je vais vous demander de vous référer à l'intercalaire 5 du
12 classeur.
13 M. KEHOE : [interprétation] Je vais demander que l'on place ce document sur
14 le rétroprojecteur. C'est le document 1D2956.
15 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce document, Monsieur ?
16 R. Oui.
17 Q. Est-ce que vous reconnaissez qu'il s'agit d'un certain nombre de
18 renseignements que vous avez fourni à la Défense de M. Gotovina, donc cela
19 a été écrit avec votre aide la nuit dernière, le 9 septembre 2009 ?
20 R. Oui.
21 Q. Non, le 6, je suppose.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, Maître Kehoe, je comprends
23 pourquoi vous voulez aller très, très rapidement en besogne mais bon ce
24 n'est pas possible le 9 puisque hier c'était le 6 seulement.
25 M. KEHOE : [interprétation] Oui, oui, non, non, non, le 6, bien entendu.
26 Q. Monsieur le Professeur, lorsque vous avez fourni ces renseignements à
27 la Défense de M. Gotovina, est-ce qu'ils étaient exacts ?
28 R. Oui.
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1 Q. Si je devais vous poser des questions à propos des renseignements qui
2 figurent dans ce document, est-ce que vous fourniriez les mêmes réponses ?
3 R. Oui, tout à fait.
4 Q. Hormis les paragraphes que nous n'allons pas prendre en considération -
5 - ou plutôt, les lignes de ce paragraphe 2 qui commencent par les mots
6 "toutefois" jusqu'à la fin du paragraphe 3, hormis donc cet extrait - je
7 pense aux quatre autres pages - est-ce qu'il y a quelque chose que vous
8 voulez corriger, ou est-ce que cela représente de façon exacte ce que vous
9 avez dit ? Est-ce que vous voulez modifier ou supprimer quoi que ce soit ?
10 R. Non, pas du tout, je ne souhaiterais absolument rien ajouter et je
11 réponds par l'affirmative. Cela représente absolument les éléments de notre
12 discussion que nous avons eue et que nous avons eue jusqu'à hier.
13 M. KEHOE : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au
14 dossier de cette pièce 1D2596.
15 M. RUSSO : [interprétation] Pas d'objection.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur le Greffier.
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela deviendra la pièce D1643, Monsieur
18 le Président.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela est en train d'être mis dans le
20 système électronique maintenant mais il ne faut pas oublier donc que le
21 milieu du paragraphe 2, qui commence par les mots "Néanmoins ou toutefois"
22 jusqu'à la fin du paragraphe 3, donc j'invite la Défense de M. Gotovina à
23 informer le greffier du moment où ils auront inséré dans le prétoire
24 électronique une version expurgée de ce document, donc avec la précision
25 que je viens d'avancer.
26 Hormis cela, le document D1643 est versé au dossier.
27 Poursuivez, Maître Kehoe.
28 M. KEHOE : [interprétation] Un petit moment, je vous prie, Monsieur le
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1 Président.
2 [Le conseil de la Défense se concerte]
3 M. KEHOE : [interprétation]
4 Q. Professeur, j'aimerais que nous parlions justement de ce qui a été
5 supprimé en fait, il s'agit donc du rapport du lieutenant-colonel Konings.
6 Il vous a été demandé donc d'examiner ou d'étudier ce rapport et ce au
7 début lorsque la Défense de M. Gotovina a pris contact avec vous donc
8 j'aimerais maintenant que vous preniez l'intercalaire 4, à savoir la pièce
9 P1259, donc P1259, je le répète qui correspond à l'intercalaire 4 de votre
10 classeur.
11 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, avant que nous ne
12 parlions, justement de cette pièce P1259, je dirais donc que je
13 souhaiterais parler de la méthodologie qui a été utilisée et je
14 souhaiterais faire un effort de transparence et j'allais en fait demander
15 le versement au dossier d'une des lettres qui a été utilisée par le
16 professeur Corn lorsqu'il a préparé son rapport. Il s'agit d'une lettre,
17 là, qui fait l'objet de la pièce 1D2592, lettre du 27 mars 2009, et nous
18 souhaiterions demander le versement au dossier et cette lettre également.
19 M. RUSSO : [interprétation] Je n'ai pas d'objection.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur le Greffier.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela deviendra la pièce D1644.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc cette pièce est maintenant versée
23 au dossier.
24 M. KEHOE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
25 Q. Donc pour en revenir au document qui a été affiché à l'écran et le
26 document intercalaire numéro 4, je le répète, il s'agit donc du rapport du
27 lieutenant-colonel Konings, et avant d'entrer dans le détail de ce rapport,
28 j'aimerais que vous nous indiquiez quels sont les problèmes qui vous ont
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1 été posés par ce rapport dès le début, lorsque la Défense de M. Gotovina
2 vous a pris contact avec vous, et ensuite nous parlerons de certains
3 passages bien précis.
4 R. Cela justement à propos du premier contact, que j'ai eu avec la Défense
5 de M. Gotovina, en décembre 2008, il m'a été demandé si je serai disposé à
6 analyser un rapport qui avait été présenté par un expert, et ce, au nom de
7 l'Accusation. Le but étant de procéder à un examen critique afin de voir
8 s'il s'agissait d'un rapport exact et d'une explication précise du droit
9 lorsqu'il s'agit de l'emploi de tir d'artillerie indirect.
10 Donc on m'a fourni ce rapport et bien évidemment ma première mesure,
11 la première chose que j'ai faite à consister à analyser, évaluer le rapport
12 en question. Donc j'ai lu le rapport et je dois vous dire qu'à la lecture
13 du rapport, j'ai été convaincu du fait que le rapport citait de façon
14 inexacte le droit. Je dois dire que ce qui m'a en fait préoccupé, c'est que
15 dans le rapport, il y avait des modifications qui personnellement en fait
16 pour moi, ressemblaient à une façon de répéter la doctrine, la doctrine
17 militaire eu égard à l'utilisation de l'appui feu. De ce fait, j'ai informé
18 la Défense de M. Gotovina qu'il fallait, que je pouvais dans un premier
19 temps et qu'il serait utile en fait que je présente mon avis à propos de ce
20 qui me semblait être des lacunes, des imperfections, voire des erreurs dans
21 le rapport en question.
22 Q. Alors nous allons parler de certains éléments de ce rapport et ensuite,
23 vous pourrez développer vos propos un peu plus, les étoffer.
24 Nous allons commencer par la première page, au paragraphe 1(C) petit
25 (iv).
26 Point n'est besoin de lire tout ce qui précède cet alinéa. Mais voilà
27 ce qu'avance le lieutenant-colonel Konings :
28 "L'objectif indiqué ci-dessus lorsqu'il y a appui feu, aboutit à la
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1 conclusion préliminaire que l'appui feu ne doit pas être utilisé contre des
2 cibles civiles."
3 Alors pourquoi est-ce que cela vous a sauté aux yeux ?
4 R. Cela m'a sauté aux yeux, je vais vous dire pourquoi. Dès le début en
5 fait, et ce, pour un certain nombre de raisons.
6 Premièrement, je dirais que je connais très bien la doctrine
7 militaire américaine. Alors, j'avais l'impression que jusqu'à ce moment-là,
8 ce que je lisais c'était tout simplement une copie de la doctrine militaire
9 américaine. Donc, moi, je n'ai pas en fait pris la doctrine appui feu pour
10 étayer ce que je dis, mais ça a été une réaction quasiment vicérale. Mais
11 le numéro 4 ne correspond pas avec ce qui précède, donc j'ai eu
12 l'impression que c'était un ajout qui avait été fait à la suite ou dans
13 cette doctrine militaire. Dans une certaine mesure, c'est contradictoire en
14 fait, parce que vous avez donc en tant qu'expert du conflit armé, ma
15 réaction c'est qu'il n'y a pas de cible civile. Une cible est un objet
16 militaire tout à fait licite. Un civil, en fait, ne peut être considéré
17 comme un objet d'attaque à moins qu'il n'ait partie directement aux
18 hostilités. Lorsque cela se passe, il ne peut plus bénéficier, il ne plus
19 bénéficier ce civil, de son immunité de civil. Donc lorsqu'il est indiqué
20 qu'un appui feu ne peut pas être utilisé contre une cible civile, je dirais
21 en fait que c'est évident, c'est manifeste.
22 Mais vous ne pouvez pas utiliser ce type de terminologie lorsque
23 vous parlez de doctrine militaire. Il faudrait dire un appui feu ne doit
24 pas, ne doit jamais être utilisé pour cibler des personnes ou des lieux ou
25 des civils qui sont considérés comme devant être protégés de l'objet de
26 l'attaque. On ne met pas en regard ces mots, "civil et cible," en fait.
27 Q. Est-ce que nous pouvons tourner la page de la version anglaise, et
28 j'aimerais maintenant vous montrer une autre partie du document. Il s'agit
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1 du paragraphe qui se trouve au bas de la page, vous voyez l'alinéa H au bas
2 de la page.
3 M. KEHOE : [aucune interprétation]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, si vous n'y voyez pas
5 d'inconvénient, je vais essayer d'obtenir une précision pour mieux
6 comprendre la réponse précédente du témoin.
7 En fait, ce qui vous pose problème, c'est le libellé utilisé, mais
8 vous n'êtes pas en désaccord avec ce qui est écrit.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, je ne suis pas en désaccord
10 lorsqu'on dit que des civils doivent être protégés.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc ne doivent pas cibler.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait. Mais ce qui me préoccupe,
13 c'est que la terminologie qui est utilisée est en fait un complément ajouté
14 à la doctrine.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais un complément en quel sens,
16 Monsieur ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] En d'autres termes, jusqu'à cet alinéa, je lis
18 une doctrine opérationnelle, et puis vous avez ce numéro 4 -- cet alinéa 4,
19 qui en fait est un ajout. Donc on essaie d'étayer cela par une règle du
20 droit du conflit armé, mais le fait est que cela n'a pas été bien formulé.
21 Cela n'a pas été rédigé par un juge avocat général qui a participé à toute
22 la procédure.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous avez expliqué vous n'utilisez
24 jamais les termes, "cible, civil," parce que les civils devraient être
25 protégés. Donc cela se passe d'explication et ce n'est pas la peine de le
26 formuler. Mais est-ce que la différence pourrait être comme suit : le
27 libellé utilisé par M. Konings envisage la possibilité justement que
28 quelqu'un cible de façon illicite des cibles civiles, il l'exprime de cette
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1 façon. Alors vous, vous dites n'utilisez pas ce libellé parce que jamais ou
2 grand jamais on ne cible une cible qui a été considérée comme M. Konings
3 comme une cible civile, et du fait qu'elle est civile, elle est protégée de
4 toute attaque. Elle ne doit pas être attaquée.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exactement ma conclusion. C'est tout à
6 fait -- cela fut tout à fait mon sentiment. Je n'ai pas eu de problème à
7 comprendre ce qui est indiqué, mais la façon dont cela a été indiquée,
8 lorsque je l'ai lu, j'ai eu l'impression que quelque chose avait été ajouté
9 à la doctrine.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais qu'est-ce qui a été ajouté
11 exactement ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Justement, cette disposition qui est un effort
13 manifeste, qui a été fait pour expliquer une règle de base du droit des
14 conflits armés, justement parce que les civils jouissent d'une immunité par
15 rapport à une attaque, ils ne doivent jamais devenir la cible de
16 l'utilisation d'un tir indirect. Mais c'est la terminologie qui a attiré
17 mon attention.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La terminologie, certes, mais vous
19 n'êtes pas en désaccord avec le fond de cet alinéa, n'est-ce pas ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, oui, tout à fait.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
22 Poursuivez.
23 M. KEHOE : [interprétation]
24 Q. Passons à la page suivante, j'étais sur le point de poser une question
25 à ce sujet. Il s'agit donc du paragraphe H, comme je vous l'ai déjà dit et
26 non pas 8, comme je vous l'ai dit. Donc c'est la page 2, et voilà ce qui
27 est indiqué :
28 "Le système d'appui feu est un système qui appuie les opérations
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1 militaires, leur donne des possibilités, et devraient seulement être
2 utilisé pour cibler les cibles militaires. Seulement en cas d'autodéfense,
3 les unités militaires (notamment les unités d'appui feu) peuvent être
4 forcées ou contraintes à tirer sur des cibles civiles."
5 Qu'avez-vous à nous dire a ce sujet, cela a été inclus dans le rapport du
6 lieutenant-colonel Konings.
7 R. Ecoutez, c'est une autre disposition qui a immédiatement attiré mon
8 attention, parce que je crois que je comprenais le fond, l'essence de ce
9 qui est dit la façon, la formule -- les formules utilisées ratissent
10 beaucoup plus larges en quelque sorte. Parce que ce qu'il suggérait c'est
11 que les civils sont à l'abri d'attaque à moins et jusqu'au moment où il ne
12 déclenche un droit d'agir dans le cadre d'une autodéfense parce qu'ils ont
13 participé aux hostilités.
14 Mais le libellé est beaucoup plus large que cela. Car le libellé
15 suggère que chaque fois qu'un commandant militaire que ciblé à un civil qui
16 doit être protégé pourrait contribuer à la défense de ses fores, il est
17 justifié d'agir de la sorte. Donc j'ai eu l'impression qu'il s'agissait
18 d'une disposition qui a été incluse dans une déclaration relative à une
19 doctrine. Mais la façon dont cela est formulé, m'a suggéré en fait que cela
20 n'était pas rédigé par quelqu'un qui est compétent en matière de droit du
21 conflit armé du fait de la portée beaucoup trop générale de ce qui est
22 écrit.
23 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, j'allais poursuivre. Je
24 ne sais pas si vous voulez faire une pause. Si vous voulez que je
25 poursuive. Peu m'importe. Je suis -- il vous appartient d'en décider,
26 Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que le moment est venu de faire
28 une pause. Donc nous allons, Monsieur Corn, faire une pause d'une demi-
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1 heure, et nous reprendrons à 10 heures 55.
2 --- L'audience est suspendue à 10 heures 33.
3 --- L'audience est reprise à 11 heures 00.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.
5 M. KEHOE : [interprétation] Merci.
6 Q. Monsieur, si nous pouvions passer à la page 5 du rapport du lieutenant-
7 colonel Konings, car j'aimerais vous poser quelques autres questions.
8 Alors vous voyez donc juste avant l'alinéa (b), vous avez donc la suite du
9 paragraphe de la page précédente, et j'aimerais que nous nous concentrions
10 sur une phrase qui commence par les mots suivants : "Les biens
11 d'artillerie."
12 Vous voyez, c'est la dernière -- en fait c'est la toute dernière phrase;
13 vous la voyez ?
14 R. A la page 5 ?
15 Q. A la page 5 du rapport, oui. Vous voyez l'alinéa (b), vous le voyez ?
16 R. Oui.
17 Q. Juste au-dessous c'est une phrase qui commence par les mots suivants :
18 "Les biens d'artillerie ne peuvent être ou les pièces d'artillerie ne
19 peuvent être utilisées qu'au cas où."
20 Vous voyez cette phrase ?
21 R. Ecoutez, je m'excuse, je ne la vois pas cette phrase.
22 Q. Bien. Nous allons afficher cela à l'écran.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est juste avant le paragraphe 5 sur
24 cette page, donc il s'agit de la fin du paragraphe 4, la dernière ligne
25 avant l'alinéa (b).
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Ah, oui, maintenant je le vois. Je le vois. Je
27 m'excuse.
28 M. KEHOE : [interprétation]
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1 Q. Cette phrase qui a été rédigée par le lieutenant-colonel Konings est
2 comme suit :
3 "Les pièces d'artillerie ne peuvent être utilisées qu'au cas où la
4 distance sur -- entre les impacts escomptés et la population civile soit
5 assez large pour ou importante pour éviter des victimes."
6 Qu'avez-vous à nous dire à propos de cette observation du lieutenant-
7 colonel Konings ?
8 R. Je dirais que j'ai compris en fait l'idée générale qu'il essaie de
9 transmettre, mais je dois dire que c'est une phrase très imprécise et cela
10 peut être dangereux. Parce qu'en fait, fondamentalement qu'est-ce qu'il
11 nous dit ? Il nous dit que vous ne pouvez utiliser que les pièces
12 d'artillerie que lorsque vous savez qu'elles ne vont pas provoquer des
13 victimes parmi la population civile. Si cela était la règle parmi les
14 règles de combat, vous n'auriez pas la règle de proportionnalité. Parce que
15 la règle de la proportionnalité est une façon de reconnaître qu'un
16 commandant qui dirige une opération devra prendre des décisions et c'est
17 inévitable et devra juger, devra voir si une attaque dont il sait qu'elle
18 va provoquer des victimes civiles peut ou ne peut pas être effectuée. Donc
19 il faut -- et cela se fonde -- cette décision est prise sur la base de
20 l'évaluation des dégâts collatéraux prévus, des blessures prévues et une
21 comparaison de ces dégâts vis-à-vis de l'avantage militaire prévue, il faut
22 également voir si les victimes ou les dégâts -- les victimes civiles ne
23 seront pas trop excessives.
24 Alors, là, ce n'est pas une bonne façon que de citer la loi, parce qu'il
25 dit : vous ne pouvez pas utiliser l'artillerie si vous savez -- vous ne
26 pouvez l'utiliser que si vous savez qu'elle ne va pas provoquer de victimes
27 civiles. Si tel était le cas, nous n'aurions pas besoin de la règle de
28 proportionnalité. Donc non seulement j'ai l'impression que c'est un ajout à
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1 la doctrine militaire mais, là, il suggère en fait un élément de droit qui
2 vaut plus restrictif que ce qui est stipulé par le droit justement.
3 Q. Alors nous allons continuer notre examen de cette page, Monsieur, et
4 j'aimerais en fait que nous passions à la première phrase de l'alinéa (b) :
5 "Le ciblage de cibles essentiellement civil est hors de question, étant
6 donné qu'une opération au niveau tactique est planifié et exécutée contre
7 des cibles militaires. Les cibles militaires. "Les Cibles militaires" -
8 disais-je - "qui se trouvent dans des zones à population civile seront
9 attaquées seulement conformément aux règles de combat et aux estimations de
10 dégâts collatéraux établis par le commandant tactique supérieur ou, dans
11 certains cas, par le commandant opérationnel ou stratégique."
12 Là, vous voyez qu'il y a de nombreux concepts, règles de combat, dégâts
13 collatéraux, mais est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous pensez,
14 vous, de cette observation du lieutenant-colonel Konings ?
15 R. Alors, je dirais, que la -- vous voyez la premier élément de phrase, le
16 premier -- de phrase :
17 "Le ciblage de cibles essentiellement civil est hors de question, étant
18 donné qu'une opération au niveau tactique est planifiée et exécutée contre
19 des cibles militaires."
20 Donc il faut savoir en fait que cela ne peut être planifié donc que contre
21 des cibles militaires.
22 Donc cela est exact parce que du point de vue tactique vous n'êtes censé
23 qu'attaquer des cibles militaires mais cela limite la règle à la tactique.
24 Ce qui m'a frappé dans ce paragraphe c'est que là j'ai commencé à me rendre
25 compte à la lecture de ce paragraphe que cet auteur était en train en fait
26 d'amalgamer la restriction au niveau du droit des conflits armés ou les
27 restrictions au niveau des règles de combat avec le droit du conflit armé.
28 Alors, bien entendu, je savais que ce rapport avait été écrit par un
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1 officier de métier, un militaire de métier de l'armée néerlandaise. Je sais
2 par expérience que l'armée néerlandaise a une très longue expérience des
3 règles de combat, par exemple, de l'OTAN. Je n'ai pas véritablement été
4 surpris de voir cet amalgame à ce moment-là parce que je dirais que c'est
5 une erreur très, très commune commise par les opérateurs. Parce qu'ils ont
6 -- ils ont habitude d'opérer au vu ou au contenu des limites établies par
7 les règles de combat. Mais les règles de combat en fait sont des mesures de
8 contrôle tactique et opérationnel qui sont imposées par des autorités
9 nationales ou multinationales pour gérer l'espace des champs de bataille et
10 pour faire en sorte que l'on puisse utiliser les puissances de combat, et
11 il faut qu'il s'assure que tout cela soit conforme aux objectifs
12 politiques, et aux droits du conflit armé. Alors, bien entendu, les règles
13 de combat doivent être -- ont été établies conformément au droit du conflit
14 armé mais elles ne sont pas comme synonymes avec ce droit. Dans bien des
15 cas, elles sont beaucoup plus restrictives que le droit des conflits armés.
16 Lorsque j'ai lu ce paragraphe, j'ai compris qu'il s'agissait d'un officier
17 qui supposait que l'expérience qu'il avait eue en opérant conformément à
18 des règles de combat très strictes était, en fait, ce qui permettait de
19 définir ce qui était autorisé ou non autorisé pour ce qui est de
20 l'utilisation de la puissance feu dans un combat armé, donc ce n'est pas
21 une façon très exacte que de présenter le droit. Parce que, vous voyez,
22 dans le même paragraphe, dans la deuxième phrase, il nous dit :
23 "Les cibles militaires qui se trouvent dans les zones peuplées par des
24 civils ne seront attaquées que conformément aux règles de combat et les
25 estimations de dégâts collatéraux seront établies ou déterminées par le
26 commandant supérieur tactique ou dans certains cas par le commandant
27 stratégique."
28 Alors si vous opérez pour l'OTAN, ou pour les Etats-Unis, ou pour le
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1 Royaume-uni d'ailleurs, là, vous savez qu'il y a toute une procédure de
2 règles de combat, cela peut être exact, mais cela n'est pas exact, parce
3 que cela est stipulé et préconisé par le droit du conflit armé. Donc si
4 vous n'oeuvrez pas dans ce cadre, ce n'est pas une déclaration exacte.
5 Parce que l'obligation ultime d'un commandant est de faire en sorte que
6 lorsque vous avez un combat contre des cibles militaires dans une zone
7 peuplée, il faut que cela se fasse conformément au droit relatif au conflit
8 armé. Si les autorités supérieures de ce commandant lui imposent des
9 restrictions supplémentaires au niveau de l'exécution de ces opérations,
10 qu'ils appellent cela des règles de combat, ou des ordres opérationnels ou
11 des mesures de contrôle tactique ou qu'ils leur disent tout simplement,
12 voilà ce que vous avez le droit de faire. En tant que commandant et lorsque
13 vous pensez à vos obligations en tant que commandant, ce commandant va
14 devoir restreindre davantage la façon dont il utilise la puissance feu,
15 mais ce n'est pas du fait du droit relatif ou confirmé. Donc cela, pour
16 moi, m'a permis de comprendre qu'il y a quand même une lacune, une
17 imperfection systématique dans ce rapport, parce qu'il y a un amalgame qui
18 est fait entre deux sources très disparates de contraintes et d'obligations
19 conformément aux droits et à la politique qui régit les opérations
20 militaires contemporaines.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, j'aimerais demander une
22 petite précision, parce que vous nous dites, il a tort parce qu'il ne tient
23 pas compte du droit du conflit armé; c'est cela ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, ce n'est pas ça. Moi, je dis que
25 cela ratisse trop large parce que les règles de combat sont les sources qui
26 définissent les obligations d'un commandant militaire, ce qui est vrai si
27 ces règles ont été émises mais elles ne peuvent pas modifier ces règles, ce
28 droit du conflit armé en donnant, en conférant une autorité supplémentaire.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais d'après ce que je comprends de
2 votre déposition, vous dites : il définit de façon très, très large ce qui
3 va au-delà des limites préconisées par le droit du conflit armé; c'est cela
4 ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais j'aimerais vous poser une question
7 : où est-ce qu'il est indiqué dans le paragraphe 4 que -- où sont indiquées
8 ces limites, ces limites formulées et prescrites par le droit du conflit
9 armé ? Parce qu'apparemment, je vois qu'il a été invité à expliquer les
10 considérations qui sont prises en matière de ciblage notamment la façon
11 dont les décisions en matière de ciblage sont prises eu égard à des cibles
12 qui se trouvent dans des zones peuplées par les civils.
13 Alors, où est-ce que vous indiquez qu'il indique et stipule quel est
14 le droit du conflit armé ? Ce qu'il dit en fait, c'est qu'il indique ce qui
15 est approprié et ce qui n'est pas approprié.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, le paragraphe a un titre, on lui
17 demande d'expliquer les considérations qui sont prises en matière de
18 ciblage.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec vous lorsque vous
21 dites qu'il énumère, qu'il nous donne la déclaration, la doctrine pour les
22 ciblages.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Avec tous les préparatifs en amont du champ de
25 bataille, le choix et l'identification des cibles et puis ensuite, il nous
26 donne une liste des contraintes opérationnelles pour ce qui est de
27 l'utilisation de la puissance de combat. Mais, lui, il se centre
28 exclusivement sur les règles de combat. Bien entendu, c'est un facteur, un
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1 paramètre qui a son importance. Cela, je le comprends.
2 Mais à la lecture, je me suis rendu compte qu'il semble suggérer que
3 lorsque vous avez ces cibles qui sont établies, la source de contraintes la
4 plus importante est représentée par les règles de combat. Je dis que cela
5 est valable pour un pays pour des commandants qui opèrent strictement
6 conformément aux règles de combat mais ce n'est pas valable pour n'importe
7 quelle force armée, n'importe quel commandant.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais moi, je ne vois pas où, dans
9 le paragraphe 4, il indique ce qui devait être fait sans le placer
10 précisément dans un contexte de droit de conflit armé.
11 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis d'accord avec vous que si vous
13 vous concentrez essentiellement sur le droit des conflits armés, cela n'est
14 pas exact parce que cela dépasse en quelque sorte ce qui est préconisé par
15 le droit du conflit armé. Là, c'est plutôt les règles de combat. Mais je
16 dirais que vous dites que cela n'est pas précis, vous dites que le contexte
17 n'est pas précis pour ce qui est des conclusions.
18 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ce que vous dites, n'est-ce pas ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, permettez-moi d'attirer
21 votre attention sur la suite du paragraphe où il est dit que la règle de
22 base consistera toujours à ne pas provoquer des victimes ou des dégâts pour
23 les civils ou pour leurs biens fonciers.
24 Mais ce que j'avance, moi, c'est que cela n'est pas la règle
25 fondamentale en matière de conflit armé. La règle fondamentale du droit du
26 conflit armé consiste à faire la différence entre des objectifs militaires
27 tout à fait licites et les civils. Les civils ont leur importance. Mais la
28 règle de proportionnalité dont je parlais établit justement l'équilibre que
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1 doit trouver un commandant lorsqu'il se demande s'il doit attaquer un
2 objectif militaire parfaitement licite et si lors de cette attaque, cela va
3 provoquer des victimes civiles, des dégâts collatéraux ou autres. Donc s'il
4 prend cette règle de combat et que pour lui, cela devient sa règle
5 fondamentale, nous savons qu'il y a dans le protocole I, le protocole
6 supplémentaire I, on utilise justement cette même terminologique, que c'est
7 une règle de base. Mais la règle de base consiste à faire la part des
8 choses entre les objectifs militaires licites et les civils. Donc dans cet
9 alinéa bien précis, je comprends tout à fait ce que vous soulevez comme
10 question lorsque vous nous dites qu'il ne nous dit pas de façon explicite,
11 il ne donne pas de définition explicite du droit des conflits armés. Mais
12 moi, ce que je dis, c'est qu'il y a quand même une confusion qui règne
13 entre les contraintes qui sont imposées par des politiques et les limites
14 d'une conduite qui est considérée comme autorisée, conformément au droit du
15 conflit armé.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc en fait, vous êtes en train
17 d'interpréter une règle fondamentale comme étant une règle de droit par
18 opposition à une règle d'un autre genre; n'est-ce pas ? C'est ainsi que
19 vous interprétez ce texte ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Ecoutez, si vous prenez le contexte général de
21 ce rapport, d'après ce que je comprends, il a rédigé ce rapport pour
22 définir les obligations juridiques ou pour éliminer l'utilisation
23 permissible de pièces d'artillerie lors d'une opération militaire et cela,
24 dans le cadre de ce procès. Lorsqu'il utilise le terme "de règle
25 fondamentale," ce que je dis c'est est-ce qu'il essaie automatiquement de
26 nous dire qu'il s'agit du droit du conflit armé ? Non, non. Mais moi ce que
27 je comprends, c'est qu'il est en train de suggérer qu'il y a un principe de
28 base lors de l'exécution de toute opération militaire, notamment celle-ci
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1 et en fait, on lui a demandé de procéder à une évaluation critique de ces
2 concepts.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est clair maintenant.
4 Poursuivez, Maître Kehoe.
5 M. KEHOE : [interprétation]
6 Q. Justement donc à propos de ces deux règles, j'aimerais savoir quels
7 sont les problèmes auxquels vous pouvez penser lorsqu'il est indiqué dans
8 la déclaration précédente, ce que nous avons vu, à savoir les pièces
9 d'artillerie ne peuvent être utilisées qu'au cas où il y a une distance
10 sûre qui sépare les impacts escomptés et la population civile et ce, pour
11 éviter les victimes.
12 R. En fait, il y a une question de routine. Moi, lorsque j'ai fait office
13 de conseil juridique au sein de l'armée américaine, je dirais que nos chefs
14 d'état-major et nos commandants sont absolument bombardés des différentes
15 règles et règlements de combat. Donc en fait, on leur dit fait que les
16 règles de combat représentent la source définissant l'autorité et
17 l'obligation pour tout comportement pendant des opérations militaires. Mais
18 il faut savoir que le danger c'est que les règles de combat peuvent être
19 supprimées tout aussi facilement qu'elles peuvent être mises sur pied, mais
20 ce qu'elles ne peuvent pas faire c'est qu'elles ne peuvent pas autoriser à
21 une autorité à dépasser, à élargir la portée du droit du conflit armé.
22 Mais, par exemple, ce qu'elles peuvent faire, si vous avez par
23 exemple des règles de combat dans l'opération la Cause juste au Panama, il
24 y avait une règle de combat : les forces de défense panaméennes étaient
25 considérées et déclarées hostiles, ce qui signifiait que les commandants
26 militaires pouvaient utiliser toute puissance de combat conformément à
27 l'autorité qui leur avait été donnée par le droit du conflit armé. Le
28 danger ici c'est que l'on suggère qu'il y a des restrictions de routine par
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1 rapport au champ d'application de l'autorité qui deviennent des
2 restrictions permanentes. Moi, j'ai eu une expérience personnelle lors de
3 séances d'entraînement avec des commandants. Moi, je leur donnais des
4 conseils, je leur disais : telle méthode de guerre est autorisée, vous
5 pouvez l'utiliser. La réponse était : ah oui, mais on n'a pas le droit de
6 le faire conformément aux règles de combat, donc cela n'est pas exact. Il
7 faut essayer de leur faire comprendre que les règles de combat
8 correspondent à toute une série de contraintes placées dans un contexte que
9 l'on appelle le droit du conflit armé mais que cela peut être modifié. Je
10 dirais que les règles de combat de l'OTAN, des Etats-Unis ont des
11 dispositions qui, de façon routinière, envisagent des scénarii très
12 restrictifs. Par exemple, il y a une disposition qui est très commune: pas
13 de tir indirect dans des zones peuplées.
14 Mais, là encore, il faut apporter une nuance, et au vu de certaines
15 situations tactiques, vous pouvez, par exemple lorsqu'il faut que vous
16 supprimiez les tirs indirects de l'ennemi, du point de vue tactique, c'est
17 logique. Vous avez identifié un ennemi qui vous tire dessus grâce à un
18 radar contrebatterie. Là, il ne s'agit pas de tirs observés, mais vous ne
19 savez pas exactement d'où viennent les tirs. Donc il y a quand même une
20 certaine souplesse, une certaine exonération, parce que vous pouvez prévoir
21 de réutiliser toute l'autorité avec toutes les autorisations que cela
22 représente dans le cadre du droit du conflit armé.
23 Mais le danger c'est lorsqu'il y a amalgame parce que, dans ce
24 rapport, on a l'impression que les contraintes de politique deviennent des
25 contraintes juridiques, et je comprends ce rapport comme une déclaration
26 faite par un expert d'artillerie à propos de l'utilisation autorisée de
27 l'artillerie dans des zones peuplées. Il commence par dire qu'au vu des
28 contraintes imposées par les règles de combat, il n'est pas autorisé
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1 d'utiliser l'artillerie en tant que tel lorsqu'il n'y a pas une distance
2 sûre qui ferait en sorte qu'il n'y aura pas de dégâts collatéraux ou de
3 blessures. C'est beaucoup trop large.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous inviter à ralentir un peu.
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je pensais tout simplement aux
7 interprètes et à la sténotypiste.
8 M. KEHOE : [interprétation]
9 Q. Nous allons donc aller au bas de la page 5. Voyez que c'est le
10 paragraphe 6, il y a un certain nombre de paramètres mentionnés par le
11 lieutenant-colonel Konings. Si vous prenez la page suivante, j'aimerais
12 attirer votre attention sur une partie du rapport qui se trouve au début de
13 la page suivante. Regardez le petit ii, en haut de la page 6.
14 Vous l'avez trouvé, Monsieur ?
15 R. Oui.
16 Q. Alors, voilà ce qui est écrit :
17 "Lorsque ces aspects ainsi que d'autres aspects ont été pris en
18 considération, les meilleures pièces utilisées pour l'attaque seront
19 choisies. Pour que l'attaque soit précise et ce, afin de minimiser les
20 risques de dégâts collatéraux, ce qui est extrêmement important,
21 l'artillerie et notamment les roquettes et les mortiers ne seront pas
22 considérés prioritaires. Seulement au cas où la cible dépasse la distance
23 où il peut y avoir des dégâts collatéraux, on peut procéder au choix
24 d'utiliser l'artillerie. Cette distance est variable et dépend de nombreux
25 facteurs tels que les armes, les projectiles, les conditions
26 climatologiques, la position et la distance."
27 Donc nous allons nous concentrer sur ce paragraphe. Monsieur, est-ce
28 que vous pourriez nous dire comment vous évaluez ces remarques faites par
Page 21174
1 le lieutenant-colonel Konings ?
2 R. Je pense que cela démarre très bien.
3 "Lorsque ces aspects et d'autres aspects ont été pris en
4 considération, les meilleures pièces qui vont être utilisées pour l'attaque
5 seront choisies."
6 C'est ce que nous appelons, nous, le choix des armes, à savoir nous
7 choisissons les armes qui seront les plus aptes au vu des circonstances,
8 les plus aptes pour obtenir l'effet escompté.
9 Vous avez, par exemple, la précision de l'attaque, pour minimiser les
10 dégâts collatéraux, et cela est extrêmement crucial, les mortiers et
11 certaines pièces d'artillerie, telles que les roquettes et les mortiers ne
12 seront pas prioritaires.
13 Ce qui est exact, parce que c'est ce qu'ont fait les commandants
14 lorsqu'ils envisagent leur cible. Ils voient si les unités ont choisi des
15 armes qui permettront de minimiser le risque de dégât collatéral et de
16 blessures. Donc, là encore, vous avez ce fameux principe de
17 proportionnalité. Mais là, la déclaration se poursuit, et il est indiqué
18 donc les roquettes et les mortiers ne seront absolument pas prioritaires.
19 Moi, je pense qu'il ne s'agit pas de doctrine, là. Il s'agit plutôt de
20 technique tactique. Pour ce qui est de savoir quelles sont les armes qui
21 seront peu utilisées, cela est tributaire de deux considérations : l'effet
22 escompté et puis le risque de dégâts collatéraux et de blessures
23 collatérales.
24 Il se peut qu'il y ait des situations qui soient telles que la nature
25 de la cible, l'effet escompté, les ressources disponibles aux commandants
26 ainsi que la situation de l'ennemi, sans oublier la situation de la
27 population civile, qui seront telles que la conclusion qui sera dégagée est
28 que l'utilisation de l'une de ces pièces d'artillerie sera beaucoup plus
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1 prioritaire. Je pense, par exemple, à des canons ou des armes. Je pense,
2 par exemple, à des hélicoptères également ou certaines pièces d'aviation.
3 Il n'y a pas en fait de règles en tant que telles pour indiquer quel
4 système est meilleur que l'autre, et c'est cela qui est dangereux, parce
5 que ce n'est qu'au cas par cas, ce n'est qu'en procédant à une analyse
6 contextuelle qu'un commandant peut véritablement utiliser sa puissance de
7 combat d'une façon qui est telle que cela permettra d'obtenir l'équilibre
8 fondamental préconisé par le droit, à savoir l'équilibre entre la nécessité
9 et l'humanité.
10 Le paragraphe se poursuit, parce qu'il dit :
11 "Ce n'est qu'au cas où la cible se trouve au-delà de la distance où
12 l'on peut avoir des dégâts collatéraux que l'on peut choisir ces pièces
13 d'artillerie."
14 C'est une phrase qui est une contradiction fragrante avec la première
15 phrase de ce paragraphe, parce que dans la première phrase -- non, je
16 m'excuse; en fait, c'est la deuxième phrase qui indique que vous devez
17 considérer les dégâts collatéraux comme étant un élément lorsque vous
18 pensez à vos cibles, et puis la phrase suivante est en quelque sorte une
19 interdiction qui est faite des dégâts collatéraux. Parce que, si la phrase
20 suivante était exacte, vous n'auriez pas envisagé des dégâts collatéraux,
21 parce que vous n'auriez jamais le droit d'utiliser une arme qui provoque
22 des dégâts collatéraux.
23 Nous savons pertinemment que ce n'est pas ce qui est stipulé par le
24 droit du conflit armé. Donc c'est une conjugaison de considérations qui
25 sont tout à fait légitimes et qui sont des considérations tout à fait
26 exactes pour tout expert d'artillerie, pour tout officier, pour tout
27 artilleur, car il doit se dire: je dois prendre en considération l'arme,
28 l'ennemi, l'effet escompté, la façon de mettre en œuvre l'intention du
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1 commandant et les dégâts collatéraux. Mais une fois de plus, il y a cet
2 instinct qui le pousse à supposer que les règles de combat restrictives
3 sont définitives et c'est de ce fait que nous avons cette contradiction
4 d'incongruité.
5 Q. Alors, regardez il est indiqué, vous voyez un peu plus loin:
6 "L'effet escompté est extrêmement important. L'artillerie n'est pas
7 le système d'armement qui permet de détruire des bâtiments très solides."
8 Vous voyez ?
9 R. Oui.
10 Q. "Le commandement armé…"
11 Ensuite il poursuit:
12 "L'artillerie peut provoquer des dégâts, des victimes, et a une
13 grande capacité en tant que système d'armement non mortel."
14 Alors, est-ce que vous pourriez nous développer un peu ces propos ?
15 R. Je pense qu'il faut commencer par la page 5, la question qui est posée
16 à la ligne 6 :
17 "Expliquez, je vous prie, les considérations et les contraintes qui
18 sont prises en considération pour déterminer si et comment l'on doit
19 utiliser des tirs d'artillerie dans des zones peuplées par des civils."
20 A l'alinéa 3 (iii), l'auteur indique de façon définitive que
21 l'artillerie n'est pas le système d'armement qui doit être utilisé pour
22 détruire des bâtiments très solides.
23 Alors, ce qui m'a sauté aux yeux un peu comme au début de ce rapport,
24 c'est que lorsqu'il explique la doctrine en matière d'artillerie, il
25 reconnaît que les systèmes d'appui feu d'artillerie sont utilisés pour
26 obtenir de nombreux effets autres que la destruction, à savoir le
27 harcèlement, l'interdiction, la neutralisation. Il est extrêmement courant
28 d'avoir un commandant qui utilisait l'artillerie en sachant parfaitement
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1 bien que l'effet qui sera obtenu ne sera pas la destruction car tel n'est
2 pas l'effet qu'il a besoin d'obtenir. L'artillerie peut être un moyen
3 extrêmement utile pour parvenir à d'autres effets que la destruction.
4 Donc j'ai pensé que toutes les conclusions n'étaient pas indiquées à
5 ce niveau, car en fait on ne tenait pas compte des considérations liées à
6 l'emploi de l'artillerie dans une zone habitée par des civils, c'est-à-dire
7 dans des circonstances ou l'effet souhaité est différent de la destruction.
8 Même par rapport à la déclaration en tant que telle, je pense que les
9 spécialistes des opérations militaires lorsqu'ils conçoivent un emploi de
10 l'artillerie ne cherchent pas toujours à détruire tous les bâtiments l'un
11 après l'autre, mais l'exigence exprimée par le commandant qui veut
12 apprécier les possibilités, déterminer la cible qui sera visée, l'objectif
13 qu'il veut atteindre, et les possibilités d'atteindre cette cible sont
14 importantes.
15 Si je fais partie d'une unité d'infanterie légère et que les armes
16 les plus lourdes dont je dispose soient un canon d'artillerie, je pense que
17 je vais devoir tenter de détruire un bâtiment, et qu'en fait la meilleure
18 capacité de le faire c'est d'utiliser ce canon pour essayer de parvenir à
19 cette fin. Donc tout dépend des circonstances et l'analyse indique les
20 facteurs dont la situation dépend.
21 Donc, encore une fois, dans la phrase de suivi, à mon avis, on a
22 sauté d'un élément à un autre en omettant de reprendre les objectifs
23 légitimes selon la doctrine militaire qui sont ceux de l'emploi de
24 l'artillerie et l'affirmation en particulier ici me semble indiquer un
25 objection qui n'est pas le bon, à savoir que l'emploi de l'artillerie est
26 destiné à influencer le moral des civils. Je ne conteste pas cela. Mais
27 c'est un emploi de l'artillerie qui est abusif, qui n'est pas justifiable.
28 Ce qui a semblé me dire qu'on ne détruit pas une cible avec de l'artillerie
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1 dans une ville, mais c'est seulement la deuxième raison d'utiliser
2 l'artillerie qui consisterait à influer sur le moral des habitants, les
3 premiers objectifs plus acceptables ne sont pas celui-ci. Donc en omettant
4 le harassement, l'interdépendance entre les différentes actions possibles,
5 la neutralisation et la perturbation d'une mission, on va au-delà des
6 règles d'engagement.
7 Q. Vous avez évoqué quelque peu les observateurs avancés, et le colonel
8 Konings aborde ce sujet en page 8.
9 M. KEHOE : [interprétation] J'aimerais que nous affichions sur les écrans
10 la page 8 du rapport du général.
11 Q. Il est question à ce niveau du rapport de l'emploi et de l'importance
12 des observateurs avancés et de la façon dont ces observateurs peuvent être
13 employés de bonne façon.
14 J'aimerais maintenant que nous nous penchions sur le paragraphe (f) -- donc
15 alinéa (f) du paragraphe 8. Vous voyez cela, Professeur ?
16 R. Oui.
17 Q. Voici donc la phrase de ce paragraphe, je cite :
18 "C'est l'emploi de l'artillerie et des mortiers contre des cibles situées
19 dans des zones habitées par des civils sans que ces cibles soient
20 visualisables ou observables par un observateur avancé qu'il est interdit
21 de faire, à moins que la cible ne soit au-delà de la distance déjà décrite
22 comme étant celle des dommages collatéraux et que la localisation exacte de
23 la cible soit connue. Mais même dans ce cas, le commandant devra vérifier
24 quels peuvent être les effets d'une telle attaque."
25 Pouvez-vous nous donner votre estimation de ce qui est écrit dans ce
26 paragraphe ?
27 R. Oui. Encore une fois, nous commençons par nous poser la question,
28 expliquer l'emploi et l'importance des observateurs avancés, y compris s'il
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1 est justifié d'employer de tels observateurs avancés contre des cibles dans
2 des zones habitées. Donc la question semble inviter une appréciation de ce
3 qui est légalement acceptable, ce qui va un peu au-delà de déterminer ce
4 qui est approprié. Je suppose que vous pourriez dire que le mot "approprié"
5 n'implique pas nécessairement que c'est justifiable légalement, même si
6 cela permet de le penser.
7 Donc il n'y a absolument aucune contestation quant au fait que l'emploi des
8 observateurs avancés dans le cas de tirs indirects est une solution idéale.
9 C'est idéal d'un point de vue opérationnel, et également idéal d'un point
10 de vue humanitaire. Opérationnellement, cela améliore la possibilité
11 d'atteindre l'effet désiré avec le moins de moyens possible, et d'un point
12 de vue humanitaire, cela donne au commandant une meilleure idée des
13 dommages collatéraux potentiels ou des blessures accidentelles
14 potentielles.
15 Donc suggérer qu'un commandant devrait en tout état de cause s'efforcer de
16 placer les cibles sous observation, cela revient à dire que l'on s'efforce
17 d'obtenir la meilleure situation possible, la situation idéale. Mais cela
18 n'implique pas nécessairement qu'il est dans l'obligation de le faire, car
19 ça nous l'avons déjà bien compris. C'est là que se pose le problème. Mais
20 encore une fois, ce paragraphe me permet de penser que ce que l'auteur
21 affirme c'est qu'à moins de situer une cible qui se trouve dans une zone
22 habitée et de la place sous observation humaine, on ne devrait pas la
23 prendre pour cible.
24 Je vais vous donner un exemple avant, un exemple que j'ai déjà utilisé,
25 celui des tirs anti-batterie d'artillerie. Imaginez l'hypothèse suivante :
26 Un commandant est en train de mener une opération et il a effectué une
27 appréciation de la situation, il sait que l'ennemi va placer son poste de
28 commandant sous tir indirect, en tout cas, c'est ce qu'il imagine, pour
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1 essayer de perturber l'opération qu'il est en train de mener et de mettre
2 en danger la réussite de toute son opération. Alors neutraliser la source
3 du tir est une mission tout à fait critique dans ce cas. Ce commandant peut
4 disposer éventuellement d'un radar anti-batterie, donc ce radar peut lui
5 permettre d'identifier très précisément la source des tirs d'artillerie
6 ennemis sur des coordonnées qui peuvent aller jusqu'au huitième chiffre
7 après la virgule. Donc il est nécessaire pour lui d'être en relation
8 constante avec son centre d'appui et de coordination des tirs.
9 Dans un espace de quelques secondes, littéralement, il faut qu'il détermine
10 la source des tirs d'artillerie et que cela lui permette de mener à bien sa
11 propre mission en répliquant à des tirs indirects pour neutraliser la
12 menace. Maintenant, évidemment, ce commandant, je parle toujours sur le
13 mode hypothétique, ce commandant n'a pas d'observateur avancé, il ne sait
14 pas si l'ennemi a situé ses pièces d'artillerie dans la cour d'une école ou
15 dans la cour d'un hôpital ou dans un quartier habité par des civils. Il ne
16 peut pas le savoir. Mais il lui faut faire un jugement tactique important
17 pour décider quelle sera la valeur pour lui, en tant que commandant du
18 point de vue du contrôle et de la gestion des moyens de communication,
19 quelle sera la valeur d'un tir indirect ou pas. Dans la plupart des cas, je
20 pense qu'un commandant militaire autorisera la mission des pièces anti-
21 batterie à ce faire. Si vous posez la question au commandant, si vous lui
22 demandez : est-ce que vous préférez avoir la cible en visuel ? N'importe
23 quel commandant vous dira : bien sûr, mais ce n'est pas une exigence
24 absolue, ce n'est pas, disons, une condition sine qua non pour l'emploi de
25 tirs indirects sur une cible qui n'est pas visible par le tireur dans un
26 quartier habité. Toutefois, c'est une contrainte tout à fait courante de
27 l'OTAN et des règles d'engagement occidentales que de souhaiter disposer de
28 ces qualificatifs. Donc, pour moi, ceci explique ce qu'il convient de ne
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1 pas faire.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, j'aimerais comprendre
3 totalement ce qu'a dit le témoin au sujet de ce paragraphe. Apparemment,
4 comme on le voit au début de ce paragraphe, il est dit : "Ceci ne devrait
5 pas se faire." Ensuite vient le mot ou l'expression "à moins que" et après
6 le "à moins que," nous avons la description que vous nous avez faite de ce
7 que l'auteur considère comme étant une exception. Donc l'observation
8 visuelle de la cible ou l'absence de cette observation, qui est considérée
9 comme un critère. Vous nous avez expliqué que, si l'on dispose du système
10 radar dont vous avez parlé, cela revient pratiquement au même que de dire
11 que l'on dispose de moyens techniques permettant de préciser de façon très
12 pointue la localisation d'une cible, et vous nous dites que parfois cela
13 permet de savoir si la cible se trouve dans la cour d'un hôpital ou
14 ailleurs.
15 Alors si l'on connaît le secteur, si l'on a identifié le secteur, est-ce
16 que vous tiendriez compte de ce fait au moment de décider de façon
17 définitive si, oui ou non, on va utiliser des systèmes de tir pour viser
18 une cible ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Absolument.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
21 Donc il me semble que, dans ce cas, on peut dire en d'autres termes, que le
22 lieutenant-colonel -- ou plutôt, M. Konings aurait dû se poser la question
23 du fait de savoir s'il convenait d'agir ou pas selon l'explication que vous
24 venez de nous donner impliquant qu'il y a des circonstances différentes qui
25 peuvent exister et justifier ou non une telle action.
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, la partie de la phrase
27 qui, je pense, exprime une divergence importante entre lui et moi, c'est
28 qu'il affirme qu'à moins que la cible soit au-delà de ce qui a déjà été
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1 décrit comme la distance de dommage collatérale, et à moins que sa
2 situation géographie soit parfaitement bien définie, il s'agira d'un tir
3 aveugle pour autant qu'on sache qu'il n'y a pas de civil dans le secteur.
4 Or quand on utilise une arme, on vise à obtenir un effet qui peut se
5 limiter à un cartier habité, mais sans affecter les civils.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais si vous regardez le contexte du
7 rapport vous verrez que parfois le libellé dans ce rapport anticipe un
8 risque de dommage collatéral. Ce qui ne revient pas au même que d'exclure
9 totalement et définitivement tout dommage collatéral. Vous avez dit que si
10 ce qu'il dit est exact, vous n'auriez plus besoin de la règle de
11 proportionnalité, alors que dans le rapport, il admet qu'une règle de
12 proportionnalité existe. Donc dans cette mesure, je me demande où vous
13 trouvez la différence substantielle entre sa position et la vôtre. Même si
14 on peut admettre que le point de départ n'est pas toujours le même entre
15 vous et que vos façons d'expliquer les choses n'est pas toujours identique,
16 mais j'essaie de déterminer moi-même où se situe cette différence de
17 position substantielle entre vous et lui.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, ce que je dis repose,
19 bien entendu, parce que je suis censé essayer de comprendre ce qu'il dit,
20 donc ce que je crois comprendre c'est qu'il déclare qu'il faut tenir compte
21 d'une distance supérieure à la distance de dommage collatéral, ce qui me
22 permet de penser qu'il l'a déjà définie cette distance de dommage
23 collatéral. Donc, pour moi, cela revient au même que de dire, On peut tirer
24 à l'aveuglette aussi longtemps qu'on a déterminé à l'avance que cela ne
25 produira pas de dommages collatéraux. Alors si c'est bien ce qu'il a à
26 l'esprit, alors je suis fondamentalement d'accord avec lui. Mais si l'on
27 tire à l'aveuglette, on doit envisager que le lieu où la cible sur laquelle
28 on tire n'est pas identifiée de façon très précise. Donc il faut que cela
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1 soit pris en compte dans l'analyse de proportionnalité, et si cela se fait,
2 je n'ai pas de désaccord avec lui. A ce moment-là, je pense qu'il y a
3 respect de la loi.
4 Mais dans un contexte plus flux sur le plan juridique dans ce paragraphe,
5 si ce qui est dit c'est qu'à moins de disposer d'observateur avancé donc
6 d'un véhicule aérien ou d'un véhicule aérien automatisé ou d'un système de
7 vidéo ou d'un autre moyen qui vous permet d'avoir une précision complète
8 sur la localisation de la cible, on ne doit pas tirer un tir indirect. Je
9 pense que c'est plutôt un bon principe en soi, une bonne règle à appliquer.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce contexte, permettez-moi de vous
11 poser la question suivante : l'expression utilisée par M. Konings est
12 "CDE." Je ne suis pas sûr le plan technique de très bien connaître le sens
13 de ce sigle. CDE c'est bien le sigle que vous avez utilisé, n'est-ce pas ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Hm-hm.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est une estimation qui
16 indique qu'un plus aucun dommage collatéral ne risque d'être infligé, ou
17 est-ce que c'est un sigle qui indique que ce risque est toujours acceptable
18 en tant que risque ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je vais essayer de préciser ma réponse et
20 de la resituer dans le contexte de ce paragraphe.
21 L'estimation d'un dommage collatéral se fait dans les étapes préalables au
22 ciblage et dans le cadre d'un processus en plusieurs phases. Donc, par
23 exemple, on identifie d'abord une cible potentielle, et puis les experts,
24 des effets produits par les armes et des questions liées aux civils, vont
25 donner leur meilleure appréciation quant à la qualité du cartier en
26 question. Est-ce qu'il est habité par des civils ou pas ? Ils ont également
27 donné leur meilleure appréciation possible quant au système d'armes qu'il
28 est acceptable d'utiliser, selon eux, dans un tel endroit en évitant au
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1 maximum les dommages collatéraux ou les blessures accidentelles, ceci sur
2 un diagramme de dommages collatéraux et de blessures accidentelles qui sont
3 examinés avant le début de l'exécution d'une mission.
4 Le commandant a donc une appréciation préalable qu'il peut utiliser pour
5 entamer son analyse de proportionnalité. Donc ça c'est une estimation de
6 risque, une appréciation de risque.
7 Ce qui est dit dans ce paragraphe c'est qu'à moins que la cible se
8 situe au-delà de la distance déjà déterminée comme étant la distance de
9 dommage collatéral. En d'autres termes, c'est bien ce que vous venez de
10 dire, à savoir qu'une appréciation préexistante est établie avec un certain
11 degré de certitude que la cible visée par ce système d'armes particulier
12 pourra l'être sans que cela résulte en dommages collatéraux, alors on peut
13 viser à l'aveugle.
14 Je veux dire ça ce serait une situation idéale, n'est-ce pas, si je
15 suppose que l'artillerie ennemie a un certain degré de certitude de sa
16 capacité à ne pas produire de dommages collatéraux c'est le scénario idéal
17 ? Mais je ne pense pas que cela prenne en compte le risque de l'utilisation
18 de ce système au-delà d'une distance prédéterminée comme étant estimée être
19 une distance produisant des dégâts, des dommages, et pourtant on a situé la
20 cible.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc vous interprétez, n'est-ce
22 pas, le libellé de M. Konings comme à l'endroit où il parle des dommages
23 collatéraux et des estimations relatives à ces dommages ? Vous interprétez
24 cela comme signifiant qu'il vise à exclure ou à réduire à pratiquement zéro
25 le risque de dommages collatéraux, plutôt que de situer ce risque dans le
26 cadre des règles généralement admises, n'est-ce pas ?
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Ceci est
28 principalement dû à l'utilisation du mot "distance," "distance," en
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1 anglais, au lieu d'"estimation," "estimate," en anglais. Mais ce qu'il veut
2 dire -- si ce qu'il veut dire se situe dans le cadre de l'analyse de
3 proportionnalité, alors je suis tout à fait d'accord avec lui.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
5 Veuillez poursuivre, Maître Kehoe.
6 M. KEHOE : [interprétation]
7 Q. Un dernier commentaire sur ce rapport que je porte à votre attention,
8 page 13, paragraphe 12. Nous pourrions peut-être lire ces paragraphes
9 ensemble. Au paragraphe 12, la question posée au lieutenant-colonel Konings
10 est la suivante :
11 "Vous êtes prié d'expliquer l'emploi où les contraintes liées à l'emploi de
12 divers systèmes d'arme."
13 Alors j'aimerais que vous vous concentriez sur la fin de ce paragraphe,
14 "Les armes relativement imprécises," car ce sont les derniers mots.
15 Vous voyez ces mots ?
16 R. Oui, Monsieur.
17 Q. Alors est-ce que ceci constitue un risque pour les civils vivant dans
18 le cartier ? Il est donc question d'équilibre entre l'importance de la
19 cible et l'importance de l'effet négatif qui sera subie par la population
20 civile dans ce secteur ainsi que l'importance du risque couru par ces
21 forces à lui et la disponibilité d'autres moyens qui pourraient pousser le
22 commandant à recourir à l'artillerie ou pas. Dans pratiquement 100 % des
23 cas, il est décidé de ne pas recourir à l'artillerie, et si nous prenons la
24 dernière phrase du paragraphe 12, nous voyons, je le cite :
25 "Par conséquent, des tirs sans réplique ne devraient pas intervenir
26 dans des lieux peuplés par des civils."
27 Veuillez commenter ces dispositions, Professeur.
28 R. Nous commençons par la dernière phrase du paragraphe 13. Elle concerne
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1 -- elle nous renvoie au dialogue que je viens d'avoir avec les Juges de la
2 Chambre. Je pense que c'est une déclaration assez catégorique qui signifie
3 comme nous l'avons discuté tout à l'heure que dans le paragraphe précédent,
4 il était question de tirs indirects sans moyens d'observation visuelle. Les
5 corrections de tirs sont le résultat de l'existence d'observateurs visuels
6 qui permettent d'ajuster le tir entre le premier et le deuxième et les
7 suivants en cas de tirs indirects. Donc des mesures sans correction
8 signifient que l'on tir en l'absence de toute observation directe.
9 Quant au paragraphe précédent, ce dont nous discutons dans ce
10 paragraphe précédent, c'est la grande diversité des canons et des pièces
11 d'artillerie qui existent et je dois dire qu'il est absolument incroyable
12 de voir à quel point cette diversité est grande. Dans pratiquement 100 %
13 des cas, un commandant décidera de ne pas recourir à l'artillerie dans un
14 quartier peuplé par des civils. En fait, l'histoire des opérations
15 militaires même contemporaines nie complètement les suppositions faites
16 précédemment.
17 Dans mon expérience, ma première expérience réelle de la réalité du
18 combat, c'est lorsque j'ai quitté Panama et que je m'inquiétais évidemment
19 de ce qui s'y passait, et durant l'opération Cause juste en 1989, une des
20 cibles les plus importantes était un bâtiment, une tour d'habitation qui ne
21 pouvait pas se trouver que mal situer du point de vue du risque de dommages
22 collatéraux. Ce bâtiment se trouvait au cœur d'un quartier qui s'appelait
23 RoE, qui était une zone très miséreuse avec des bâtiments en bois en très
24 mauvais état qui avaient subi des tirs indirects très nombreux dès le début
25 de la mission, ce qui avait fait de nombreuses victimes parmi les civils
26 qui avaient la plus grande malchance de se trouver là.
27 Je pense que le commandant devait savoir qu'il y avait une énorme
28 probabilité que des tirs indirects de cette sorte produisent un grand
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1 nombre de victimes civiles, aussi bien pendant la phase aérienne que
2 pendant la phase terrestre de l'opération. Un missile de croisière tire un
3 tir indirect et il y a eu des centaines de missiles de croisière qui ont
4 été tirés contre des objectifs militaires dans la ville de Bagdad pendant
5 la mission en Irak. Les raids aériens contre la Serbie en sont un autre
6 exemple. L'opération en Irak a eu lieu en 2003. Il y avait des quartiers
7 habités par l'ennemi qui étaient transformés en véritable fort et les
8 forces alliées ont recouru de façon très courante aux tirs indirects pour
9 faciliter la chute des forces ennemies.
10 Mais ce qui est important ici c'est qu'un commandant se pose la
11 question de l'emploi de telle ou telle arme, donc de la compatibilité avec
12 ses obligations au titre de la loi au moment où le risque de dommage
13 collatéral ou de blessures accidentelles existent et est directement lié à
14 l'emploi des armes qu'il envisage d'utiliser. On pourrait passer des heures
15 à dresser des hypothèses où on verrait un commandant face à tout un arsenal
16 de possibilités contraint de décider si le tir indirect est compatible avec
17 les faits qu'il souhaite obtenir dans un quartier habité par des civils.
18 C'est une très malheureuse réalité de la guerre. Mais laissez entendre que
19 parce qu'un tir indirect ne peut pas obtenir l'effet destructeur souhaité
20 et que la cible se trouve dans un quartier habité par des civils, où il
21 existe des bâtiments interdits à la destruction, et bien laissez entendre
22 que le tir indirect est autorisé dans un tel cas n'est pas acceptable. Le
23 tir indirect -- doit être interdit dans un tel cas. C'est une déformation
24 de la doctrine et du droit.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, je vous demanderais une
26 explication. Comment entendez-vous la phrase, je cite : "Dans pratiquement
27 100 % des cas, on ne décidera pas de recourir à l'artillerie" ? Est-ce que
28 cela signifie qu'on ne doit jamais recourir à l'artillerie ou que
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1 pratiquement jamais on ne doit le faire ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Moi, je la comprends comme signifiant que l'on
3 ne doit pratiquement jamais recourir à l'artillerie dans un quartier habité
4 par des civils.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis quelqu'un qui a pour langue
6 maternelle la même langue maternelle que M. Konings. Donc le mot
7 "practically" ici en anglais me fait beaucoup penser au mot "practice" en
8 Néerlandais, qui signifie "proche de." Est-ce que vos commentaires
9 correspondent à ma façon de voir les choses ? Est-ce que vous pourriez nous
10 dire si vous comprenez cette expression comme signifiant que, dans près de
11 100 % des cas ou dans presque 100 % des cas, le commandant décidera de ne
12 pas recourir à l'artillerie ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que ceci est également peut-être un
14 peu trop général. Je pense, et là je ne parle pas d'un point de vue
15 juridique mais d'un point de vue opérationnel. Je pense que si l'on se
16 penche de plus près sur la doctrine militaire que l'on trouve dans le
17 rapport, comme vous l'avez remarqué vous-même, il y a mention de
18 l'appréciation des dommages collatéraux, il y a la règle de
19 proportionnalité qui est considérée comme une règle routinière dans
20 l'appréciation du recours ou du non recours aux tirs indirects dans des
21 quartiers habités par des civils.
22 Donc la doctrine elle-même nous révèle qu'il y a des exceptions et des
23 situations où les commandants vont pratiquer leur appréciation et employer
24 tout de même les moyens à leur disposition pour obtenir des effets
25 déterminés. Ça c'est tout de même un aspect très courant des opérations
26 militaires. Donc même si nous apportons des nuances, même si nous ne disons
27 pas dans 100 % des cas, mais presque jamais, je pense que c'est encore un
28 peu trop général.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors est-ce que je dois comprendre que
2 votre commentaire et la critique que vous faites de ce rapport concernent
3 tous les -- concernent les moments où on voit que le commandant a tous les
4 moyens nécessaires pour prendre sa décision et que tout de même à la fin on
5 trouve des déclarations très générales dont vous dites qu'elles ne sont pas
6 justifiées de la part de l'auteur ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est l'une de mes critiques du rapport,
8 Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
10 Veuillez poursuivre, Maître Kehoe.
11 M. KEHOE : [interprétation]
12 Q. Je vais rebondir sur la déclaration, sur les propos de M. le Juge Orie.
13 C'est l'une de vos critiques, l'équilibre. L'équilibrage de vos critiques
14 de ce rapport avec examen du rapport, d'une part, est prise en compte de ce
15 dont nous discutons au sujet de l'amalgame entre les règles d'engagement,
16 règles de combat et le droit du conflit armé; c'est bien cela ?
17 R. Je pense que nombre des règles de combat impliquent des contraintes qui
18 sont évoquées dans le rapport mais qui ne découlent pas toutes de la
19 doctrine militaire reprise de façon générale dans ce rapport, qui
20 s'ajoutent donc à cette doctrine. J'ai parlé du triple aspect à prendre en
21 compte. Je veux dire : quand vous êtes un expert et que vous rédiger un
22 rapport, si vous pensez qu'il est utile pour celui qui va juger les faits
23 d'ajouter quelque chose à une autre doctrine ou de la modifier, parfait.
24 Mais si cela vous ennui un petit peu de voir qu'il y a des éléments qui
25 sont ajoutés à la doctrine et que le résultat c'est une déclaration assez
26 peu précise sur le plan juridique qui ne tient pas absolument compte de
27 toutes les contraintes figurant dans la doctrine, alors je parle d'amalgame
28 et cela me dérange un petit peu. Je pense que c'est finalement ce qui s'est
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1 passé avec l'amalgame systématique entre les règles de combat et la loi des
2 conflits armés.
3 Dans mon expérience, les responsables des opérations que j'ai eues dans mon
4 entourage, durant ma carrière, m'ont permis de comprendre ce qui se passait
5 et je crois l'avoir bien compris. Mais ce qui me dérange davantage
6 toutefois c'est de voir que l'on modifie la doctrine en tant que tel et
7 c'est bien ce que laisse entendre la dernière partie du rapport dont nous
8 venons de discuter, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, où
9 vous voyez toute une série de considérations doctrinales, tout à fait
10 légitimes, liées au recours ou au non recours, tirs indirects dans un
11 quartier habité par des civils, et puis on arrive, après tout cela, à une
12 conclusion qui, à mon avis, ne correspond pas à la pratique des opérations
13 militaires, en tout cas, du point de vue de la doctrine militaire. Cela me
14 dérange un peu plus. Je ne suis pas officier d'artillerie.
15 Je n'ai pas été entraîné, été formé, suivi des cours d'artillerie.
16 Donc je ne prétendrais pas avoir une expertise en matière d'artillerie, en
17 tout cas pas celle du lieutenant-colonel Konings. Je suis sûr qu'il a de
18 nombreuses connaissances en matière d'artillerie, mais je ne peux pas
19 m'empêcher de me pencher sur tout cela d'un point de vue juridique. Parce
20 que ce que j'ai vu, c'est une déformation des règles et des contraintes qui
21 étaient expliquées dans la doctrine militaire, et c'est que j'ai essayé
22 d'indiquer au représentant de la Défense.
23 Q. [aucune interprétation]
24 [Le conseil de la Défense se concerte]
25 M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je vais vous demander la
26 permission de revenir sur certaines abréviations qui ont été utilisées dans
27 le rapport du Pr Corn.
28 C'est pour cela que je vais vous demander de revenir sur la pièce
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1 D1642 MFI.
2 Donc je reviens vers le rapport et, vous voyez la date du rapport. C'est un
3 rapport qui a été fourni le 22 juin, c'est la date qui y figure, il
4 faudrait corriger cela. Donc dans le paragraphe 10, donc il ne s'agit pas
5 de juillet, de 22 juillet, mais juin. Donc au niveau du dixième paragraphe
6 du document qui contient des informations supplémentaires, on y voit une
7 date qu'il s'agit de corriger, puisqu'ici on parle du mois de juillet donc
8 2009, alors qu'il s'agit du rapport qui a été écrit au mois de juin, le 22
9 juin 2009.
10 Voilà, c'est ce document qui contient des informations
11 supplémentaires.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faudrait que je dise à M. Corn, que
13 le premier lundi du mois, au Pays-Bas, c'est un mois où on attend le
14 système puisqu'on teste les systèmes d'alerte. Donc ne vous inquiétez pas.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai vu qu'il y avait une erreur dans la
16 transcription en anglais, je voudrais attirer votre attention sur cette
17 erreur, parce que je pense que c'est un point qui est important.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais faites donc, faites donc. C'est
19 vrai que cela pourrait nous aider.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] A la ligne 2112, à 01 : 07, le mot
21 "explicable" doit être remplacé par le mot, "inexplicable."
22 M. KEHOE : [interprétation] Merci. Donc il s'agit de la page 29 [comme
23 interprété], ligne 21. Donc on parle de quelque chose qui n'est pas
24 explicable, qu'on ne peut pas expliquer.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, merci. D'ailleurs je me
26 souviens que M. Corn nous a dit précisément cela.
27 Vous pouvez poursuivre, Monsieur Kehoe.
28 M. KEHOE : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Donc je voudrais
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1 tout simplement clarifier quelques sigles.
2 Q. C'est la page 23 de votre rapport qui m'intéresse, Monsieur.
3 A peu près à la moitié du premier paragraphe, vous parlez, au milieu
4 du paragraphe, vous dites :
5 "Les renseignements du général Gotovina, on indiquait que en plus
6 d'être C31, centre de forces ennemies, il y avait d'autres aspects qui nous
7 intéressaient."
8 Voici ce qui m'intéresse, vous avez utilisé donc ce sigle C3I, qu'est-ce
9 que cela veut dire ?
10 R. C'est le sigle qui veut dire, le commandement, le contrôle, la
11 communication et le renseignement, intelligence en anglais, d'où le
12 troisième i.
13 Q. Si l'on se concentre sur les paragraphes, B, où on parle du 7e QG du
14 Corps de la Krajina; est-ce que vous pensez qu'on pourrait changer quoi que
15 ce soit par rapport à votre opinion exprimée à ce sujet de la cible que
16 cela représentait, si le commandant du 7e Corps de la Krajina était
17 présent, oui ou non au QG au moment du bombardement ?
18 R. Non, pas du tout.
19 Q. On va passer à la page 27, le premier paragraphe en entier de cette
20 page. Donc là vous parler de la campagne malouine, de cette campagne des
21 îles maliennes et on peut lire :
22 "Même s'ils n'avaient personne suffisamment de moyens pour détruire
23 les cibles à Knin, créer la perception de - entre guillemets - 'dominance
24 opérationnelle à grand spectre,' aurait été quelque chose de bénéfique pour
25 diminuer la capacité de l'ennemi pour riposter."
26 De quoi s'agit-il ?
27 R. Cette notion de domination opérationnelle à large spectre, il s'agit
28 donc de convaincre l'ennemi que vous dominez absolument tous les aspects de
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1 l'opération. En profondeur, les combats rapprochés, les combats à venir,
2 parfois on parle cela de la profondeur opérationnelle.
3 Donc ce dont je parle ici c'est que au moment où vous avez une
4 attaque délibérée, que vous avez les positions de la défense qui ont été
5 préparées à l'avance. Les commandants souhaitent que l'ennemi sache qu'ils
6 dominent -- qu'ils contrôlent toutes les phases de l'opération. Donc il
7 veut contrôler l'ennemi, il veut contrôler les rythmes de la bataille, et
8 pour lui démontrer qu'ils contrôlent le résultat de la bataille, et ceci,
9 en profondeur opérationnellement. Donc tous les spectres, tous les aspects
10 du combat sont contrôlés. La capacité de démontrer cette domination à grand
11 spectre va faire en sorte que l'ennemi va juger futile toute opposition
12 puisque c'est vous qui contrôlez la situation.
13 Q. Maintenant nous passons à la page 28. A nouveau, au milieu de la
14 page, c'est un paragraphe qui commence par : "Basez sur ce fait…"
15 Vous dites que le général que :
16 "Le général Gotovina aurait pu penser, ça aurait été tout à fait
17 raisonnable que en réduisant la population civile de Knin serait allé
18 réduire à la terre, ras, plat."
19 Qu'est-ce que cela veut dire ?
20 R. Cela veut dire chercher à s'abriter, fuir. Cela veut dire que les
21 civils ont essayé de trouver un endroit aussi sûr que possible, tout
22 simplement. C'est un terme [imperceptible].
23 Q. Autrement dit, vous êtes arrivé à la conclusion que ça a été la
24 supposition qu'a faite le général Gotovina, que c'est tout à fait
25 raisonnable d'imaginer qu'il a fait cela ?
26 R. Oui. Je l'ai dit, moi, je dis tout simplement que, moi, si j'avais été
27 dans la cellule qui s'occupe de finir les cibles, pour la mission, je serai
28 parti de la même hypothèse, à savoir que vu les circonstances, vu l'heure,
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1 les civils ont tout fait pour ne pas être touchés par les obus pour
2 s'abriter.
3 Q. Ensuite la page 31 de votre rapport, le dernier point de clarification,
4 il s'agit du paragraphe qui commence par : "Le timing de l'utilisation."
5 R. [aucune interprétation]
6 Q. Quatre lignes plus bas, vous dites :
7 "Tirer contre C3I, la logistique et les objectifs renforcés auraient
8 contribué au sens de confusion et isolation."
9 Qu'est-ce que cela veut dire quand vous parlez de "ces tirs récurrents" ?
10 R. Je parle du principe de masse, la multiplication des tirs. Donc c'est
11 le modèle qui a été utilisé des tirs indirects, et ceci basé donc sur la
12 base des faits qui m'ont été présentés, j'en suis arrivé à la conclusion
13 que l'objectif primordial de ces tirs non corrigés était de supporter les
14 tirs précis pour pénétrer les positions de l'ennemi.
15 Chaque matin quand les tirs rapprochaient et commençaient, vous aviez en
16 même temps les feux indirects visant les moyens de commandement et de
17 contrôle et des communications de l'ennemi, et ceci, dans les arrières.
18 Donc c'est tout à fait logique parce que c'est un point décisif dans le
19 combat tactique puisque vous avez -- vous devez induire en erreur l'ennemi,
20 semer la pagaille pour que tout simplement il n'y ait plus de contrôle et
21 de commandement au niveau de troupes de l'ennemi parce que c'est exactement
22 ce qui se passe, il n'est plus en contact avec les éléments d'appui et il
23 va sans doute -- tout cela va sans doute mener vers la capitulation de
24 l'ennemi.
25 Q. Le dernier sigle que vous avez utilisé à plusieurs reprises c'est le
26 concept de METT-T-C -- M-E-E-T-T-T-C [sic], est-ce que vous pouvez me dire
27 de quoi il s'agit ?
28 R. C'est un sigle militaire américain qui veut dire Mission ennemie,
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1 troupes, terrain, temps, civils. Donc c'est un sigle de sténotypie qui --
2 de sténographie qui a été utilisé, qui est utilisé pour appeler les
3 commandants ou un dirigeant au niveau commandant au niveau opérationnel à
4 tous les niveaux pour leur rappeler ce principe, à savoir que les décisions
5 opérationnelles doivent toujours tenir compte de ce sigle de ces éléments,
6 et vous le voyez dans le rapport du colonel Konings qui parle du processus
7 de prise de décision par rapport aux objectifs. Il n'utilise pas ce terme
8 mais si vous réfléchissez à la façon dont il décrit cela, c'est de cela
9 qu'il parle et on parle de ressources de troupes. On parle de la mission,
10 de la mission qui est la vôtre, des effets. Vous regardez l'ennemi, vous
11 observez les informations de renseignements que vous avez, la préparation
12 du terrain de combat. Donc tout cela fait partie du procès IPB, comme nous
13 l'appelons, donc la préparation au niveau de renseignements du terrain de
14 combat. Ensuite vous pensez à l'effet que cela va avoir sur la population,
15 et dans la prise de décision quand il s'agit des cibles, il faut absolument
16 prendre en compte la situation et tous ces facteurs vont être modifiés,
17 vont changer à la guise des modifications de la situation, parce que vous
18 pouvez changer le poids de chacun de ces facteurs par rapport à la
19 situation telle qu'elle se présente.
20 M. KEHOE : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions pour ce témoin.
21 Q. Je vous remercie, Monsieur.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
23 Moi, il y a un terme qui m'intéresse, un terme que vous avez utilisé.
24 Vous avez parlé du droit opérationnel; est-ce que je vous ai bien compris ?
25 Quand vous parlez du droit opérationnel ou la loi opérationnelle, c'est une
26 portion du droit des conflits armés qui ait très directement aux
27 opérations; est-ce bien cela ? Puisque vous parlez du droit international
28 et vous parlez aussi du droit des opérations, je ne connais pas ce terme
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1 mais je vois que vous avez des manuels portant sur cela. Je pense que c'est
2 quelque chose qui figure aussi dans votre curriculum vitae.
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Probablement puisque je suis un professeur. Je
4 suis le professeur du droit international et du droit des opérations.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà. Je vois que vous avez publié des
6 articles par rapport au droit international et droit des opérations.
7 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ou vous avez à plusieurs reprises
9 utilisé ce terme et c'est une des sources que vous avez utilisée.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Le droit des opérations, c'est tout le texte
11 de loi qui régule la planification et l'exécution des opérations militaires
12 Dans mon rapport, le droit des opérations c'est donc une partie du droit
13 des conflits armés, la partie qui régule les opérations. Quand on parle du
14 manuel, c'est quelque chose qui est beaucoup plus large puisqu'on y parle
15 des autorités nationales et juridiques qui planifient les opérations
16 militaires.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc il peut y avoir là des éléments du
18 droit constitutionnel, administratif, et cetera.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, absolument.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le droit des conflits armés qui concerne
21 le droit des opérations fait partie donc de ce corps de loi ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc maintenant je comprends mieux
24 ce que cela veut dire.
25 Monsieur Russo, je regarde l'heure. Peut-être serait-il mieux de prendre la
26 pause à présent, mais est-ce qu'il y avait d'autres questions de la part
27 d'autres conseils ?
28 Monsieur Cayley.
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1 M. CAYLEY : [interprétation] Non, non, nous n'avons pas de questions.
2 Monsieur Kuzmanovic.
3 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Non, nous non plus nous n'avons pas de
4 questions.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Oui, c'est ce que j'ai cru
6 comprendre.
7 Donc, Monsieur Russo, c'est à vous donc alors que préférez-vous ? Est-ce
8 que vous préférez commencer votre contre-interrogatoire après la pause ?
9 M. RUSSO : [interprétation] Oui, effectivement.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons prendre la pause
11 et nous allons reprendre nos travaux à 12 heures 40.
12 --- L'audience est suspendue à 12 heures 19.
13 --- L'audience est reprise à 12 heures 44.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Corn, Professeur, puisque vous
15 êtes ici en tant que témoin expert, c'est M. Russo qui va vous poser ses
16 questions. Il est ici en tant que conseil du Procureur.
17 M. RUSSO : [aucune interprétation]
18 Contre-interrogatoire par M. Russo :
19 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
20 R. Bonjour.
21 Q. Je vais tout d'abord vous poser quelques questions au sujet des
22 informations qui se trouvent dans votre feuille d'information
23 supplémentaire, et il s'agit de la pièce D1643. Est-ce que vous pouvez
24 trouver cela ?
25 Est-ce que vous pouvez me dire si l'on trouve dans ce document les
26 informations concernant tous les contacts que vous avez pu avoir avec la
27 Défense Gotovina ?
28 R. Il y a eu un échange d'e-mails assez nombreux, assez fournis concernant
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1 les dates, et cetera, que je sache c'est une bonne discussion, correcte,
2 des interactions qu'il y ait pu avoir entre nous, et ceci, par rapport aux
3 différents rapports qui ont été faits.
4 Q. Donc vous pouvez aisément dire qu'il n'y a pas eu de e-mails entre vous
5 et la Défense Gotovina par rapport aux questions posées, et cetera ?
6 R. Oui, c'est exact. J'ai toujours su qu'on allait se rencontrer à
7 l'avenir donc j'écrivais un e-mail en disant voilà je voudrais vous poser
8 une telle question lors de la réunion, et c'est tout.
9 Q. Au début, on vous a demandé à donner votre opinion -- ou plutôt, de
10 faire un rapport d'expert par rapport au rapport du colonel Konings ?
11 R. Oui, au début on m'a demandé si je serais en mesure de le faire, et si
12 je serais éventuellement en mesure de comparaître en tant que témoin de la
13 Défense, mais au début, il ne savait si j'allais comparaître en tant que
14 témoin de la Défense, et nous devions parler en l'avenir.
15 Q. Je pense que vous en avez parlé au début du mois de décembre 2008;
16 c'est là qu'on vous a dit que vous alliez peut-être déposer en tant que
17 témoin de la Défense ?
18 R. C'est vrai qu'on n'en a pas parlé en détail. Puisque ce qui est
19 importait à l'époque c'était le rapport.
20 Q. Si j'ai bien compris cette feuille d'information supplémentaire, la
21 première fois que vous avez fourni votre opinion à la Défense Gotovina au
22 sujet du rapport d'expert et du lieutenant-colonel Konings, c'est venu à la
23 fin du mois de décembre 2008 lors de la réunion que vous avez eue à Tampa
24 en Floride ?
25 R. Je me souviens que j'ai rencontré un des conseils à Houston dans ma
26 maison avant d'aller à Tampa. Donc je pense que d'abord, on s'est rencontré
27 à Houston.
28 Q. Bien. Quand j'examine le deuxième paragraphe de cette feuille contenant
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1 des informations supplémentaires on peut voir qu'au début du mois de
2 décembre vous avez rencontré les membres de l'équipe de la Défense à
3 Houston dans votre maison pour discuter de votre rapport et de l'addendum.
4 Puisqu'à l'époque, on vous a proposé un DVD
5 documents concernant l'utilisation de l'artillerie. Mais vous avez dit
6 qu'au début dans cette phase initiale, il n'était pas nécessaire pour vous
7 d'avoir tous ces documents. Autrement dit, quand le conseil est venu vous
8 voir chez vous, vous n'aviez pas encore fait l'analyse du rapport Konings ?
9 R. Non, ce n'est pas exact. Car, moi, je fais une -- enfin, je l'ai revu,
10 je l'ai examiné. Je leur ai dit que j'étais tout à fait prêt à en parler,
11 et que c'était tout à fait quelque chose qui correspondait donc aux
12 discussions que nous avons eues. Un des membres de l'équipe de la Défense
13 est venue à Houston pour me rencontrer, pour me voir, et pour que je puisse
14 lui expliquer ce que je considérais être les erreurs au niveau du rapport.
15 Il importait en ce défi mais, moi, ce qui m'intéressait c'étaient vraiment
16 les erreurs que j'ai pu apercevoir en examinant le rapport pour la première
17 fois. Ensuite, quand j'ai communiqué le résumé de la critique de ce rapport
18 à l'équipe, ce n'est qu'après que l'on m'a invité pour discuter davantage
19 et pour rencontrer les autres membres de l'équipe.
20 Q. Est-ce que vous avez fourni des indications à la Défense Gotovina avant
21 qu'ils ne vous donnent les documents, même s'il s'agit des remarques
22 générales ?
23 R. Oui, effectivement. J'ai parcouru ce rapport et j'ai trouvé qu'il y
24 avait des problèmes importants avec ce rapport et que j'ai voulu les
25 examiner avec eux.
26 Q. Est-ce que vous avez jamais examiné les documents qui étaient sur ce
27 DVD ?
28 R. Il s'agissait des documents qu'on m'a donnés de toute façon en copie
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1 papier. Mais à l'époque, nous n'avons pas examiné les DVD
2 Q. Pourquoi pensez-vous donc que ces documents se trouvaient sur les DVD ?
3 R. Parce que, de la façon dont j'ai compris, c'étaient les documents du
4 procès. Ils m'ont dit qu'ils allaient m'envoyer des exemplaires papier de
5 cela plus tard.
6 Q. Oui, mais en réalité, vous n'avez pas vraiment revu de documents autres
7 que le rapport et les addendum aux rapports avant de tirer vos conclusions;
8 est-ce exact ?
9 R. Oui.
10 Q. Quand vous avez vu -- que vous avez revu le rapport du colonel Konings
11 et l'addendum à ce rapport, il y a eu des pièces jointes au rapport et j'ai
12 voulu vous demander si vous avez examiné tout cela.
13 R. Ce dont je me souviens, c'est que dans cet addendum au rapport, il y
14 avait des hypothèses par rapport aux différentes cibles.
15 Q. Il y avait aussi toute une série de documents que le lieutenant-colonel
16 avait revus, examinés, et qui ont été versés avec l'addendum; est-ce que
17 vous vous souvenez de cette liste de documents ?
18 R. Non, je ne m'en souviens pas.
19 Q. Après avoir rencontré le conseil chez vous dans votre maison, vous avez
20 eu une autre réunion à Tampa; est-ce exact ?
21 R. Oui.
22 Q. On parle de cette réunion dans le quatrième paragraphe, des
23 informations supplémentaires, et vous avez dit à l'époque :
24 "Je me souviens avoir examiné un certain nombre de documents qui
25 auraient été utilisés par le lieutenant-colonel Konings quand il a préparé
26 son rapport et l'addendum au rapport."
27 Pourriez-vous dire aux Juges quels étaient ces documents ?
28 R. Je ne me souviens pas du titre de chaque document mais je pense que
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1 j'ai revu les documents. Je me souviens que j'ai vu un résumé des cibles,
2 les différents faits par rapport aux cibles, et j'ai examiné les cibles qui
3 ont été analysées dans l'addendum. Effectivement, on m'a montré quelques
4 photos aériennes. Ce qui était le plus important pour moi à l'époque
5 c'était l'exposé verbal de l'opération Tempête. Nous avons utilisé des
6 photos, des cartes, de temps en temps, le conseil me montrait un document
7 qui corroborait certaines explications fournies.
8 Q. On va parler de cela, mais avant, on va parler des documents qui
9 auraient été utilisés par le lieutenant-colonel Konings quand il a préparé
10 l'addendum de son rapport. Est-ce qu'il y avait des documents parmi ces
11 documents qui étaient les documents du HV ?
12 R. Je sais que j'ai examiné le résumé opérationnel produit par la HV.
13 Quand je parle des informations utilisées par le colonel Konings, ce dont
14 je me souviens c'est que je regardais les informations, je regardais les
15 faits qui se trouvaient dans le rapport qui expliquait chaque cible et les
16 effets. Donc est-ce que j'ai vu le résumé opérationnel produit par la HV
17 lors de cette réunion ? Je dirais que c'est sans doute le cas, mais j'ai
18 cru comprendre que c'est quelque chose qu'il a pris en compte.
19 Q. En ce qui concerne cette présentation verbale, je vais vous demander de
20 nous donner des informations claires quant aux informations qui vous ont
21 été fournies pendant cette opération.
22 R. Aussi précisément que possible, j'avais l'impression d'avoir besoin de
23 connaître mieux la situation au niveau de l'opération avant de donner mon
24 avis quant à l'utilisation de certains moyens dans un certain contexte. Ce
25 qu'on a fait c'est qu'on a mis une carte sur la table, une autre sur le
26 mur, et on a donné une explication large portant sur les objectifs de
27 l'opération, les forces de l'ennemi, les rapports stratégiques entre
28 l'opération Tempête et la libération ou le lever de pression sur la zone
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1 qui appartenait aux Musulmans de Bosnie et qui avait été assiégée à
2 l'époque. On a parlé de l'initiation de l'opération, j'ai vu les photos,
3 j'ai vu les cartes qui identifiaient certaines cibles qui figuraient dans
4 l'addendum. J'ai voulu voir la façon dont ces cibles étaient situées dans
5 la ville, parce que je pensais que c'était important. On m'a expliqué
6 quelles étaient ces installations, parfois je posais certaines questions,
7 quelles étaient les unités, qu'est-ce que l'on produisait à cet endroit, où
8 allait-on en passant ce pont, vers où allait cette ligne de chemin de fer.
9 Ensuite, on a parlé du progrès de la bataille le premier jour de l'attaque,
10 l'attaque -- l'intrusion dans les lignes -- la percée dans les lignes
11 serbes, les actions de la première nuit, quand il fallait prendre la
12 décision d'évacuer les civils de Knin, de raccourcir les lignes de défense.
13 Ensuite, l'opération du deuxième jour et dispositions pour les civils
14 serbes, les discussions par rapport aux moyens qu'avait le général Gotovina
15 en ce qui concerne l'artillerie avant la bataille, la localité, la portée
16 de ces moyens quand il s'agit donc de tirer avec ces moyens. On a parlé du
17 fait qu'on n'a pas utilisé de feu indirect avant le début même de
18 l'attaque. La discussion sur les possibilités qui existaient quand il
19 s'agissait de fermer la route d'échappement par les forces du général
20 Gotovina, la possibilité de tirer sur cette route, la route de sortie, le
21 fait que cela n'allait être fait et ensuite on a parlé de la suite de
22 l'opération à partir du moment où Knin a été pris.
23 Q. Vous avez une très bonne mémoire. Je vous remercie de tous ces détails.
24 Je voudrais que ceci soit clair. J'avais l'impression que c'était une
25 réunion va-et-vient, où on vous informait de la situation; on vous posait
26 des questions précises, ils vous demandaient des réponses, et vous les
27 donnez.
28 R. Oui.
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1 Q. Vous avez mentionné des photos de documents qu'on vous a montrés. Est-
2 ce que vous savez si ces photos -- si ces documents figurent en tant que
3 liste de pièces à conviction ou des documents dans le paragraphe 12 ?
4 R. Je n'en suis pas sûr. Je ne sais pas si c'est le cas pour chaque photo
5 qui s'y trouve. Je peux vous dire que je me souviens par rapport à la
6 réunion qui était pour moi importante, je peux vous dire de quoi je me
7 souviens.
8 Il y avait l'évaluation des dégâts suite à la bataille, qui a été fournie
9 par un observateur des Nations Unies. Je pense que cela avait de
10 l'importance.
11 Q. Je vais vous arrêter là; est-ce le même document que le document dont
12 on parle dans ma dernière question de votre addendum, à savoir la pièce P64
13 ?
14 R. Permettez-vous moi de voir la dernière page de ce document.
15 Oui, c'est bien cela. C'est cette évaluation provisoire. Je pensais qu'il
16 était utile de voir sur une carte ou sur des photos, l'endroit où se
17 trouvaient les cibles militaires.
18 Q. Est-ce qu'il s'agissait d'une seule photo aérienne ou de plusieurs ?
19 R. Que je sache, il y en avait plusieurs.
20 Q. Est-ce qu'il y avait d'autres documents qui vous ont marqué?
21 R. Pas que je m'en souvienne de cette réunion.
22 Q. Est-ce que vous avez pris un quelconque de ces documents avec vous ?
23 R. Non.
24 Q. Est-ce qu'on vous a envoyé un quelconque de ces documents avant que
25 vous l'écriviez, votre rapport ?
26 R. Oui.
27 Q. Est-ce que vous pourriez me dire lesquels de ces documents vous avez
28 reçus avant ? Je pense que, là, il faudrait que l'on procède par étape,
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1 parce que le rapport et l'addendum ont été faits à de moments différents.
2 Est-ce que vous avez reçu un document ?
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que M. Misetic, qui s'est vu
4 investir de la tâche de ralentir tout le monde, maintenant transfère ses
5 compétences au Procureur. Je suis tout à fait d'accord avec lui.
6 M. RUSSO : [interprétation] Je vais faire attention davantage à ce que fait
7 M. Misetic.
8 Q. Est-ce que vous voulez que je répète la question que je vous ai posée ?
9 R. Non, je l'ai très bien comprise.
10 Comme la feuille d'information, on m'a donné un CD avant d'écrire ma
11 critique du rapport d'expert du lieutenant-colonel Konings. A l'époque, la
12 critique que j'ai écrite était concentrée sur les points de méthodologie.
13 Donc je ne m'y suis pas appuyé sur ces documents pour écrire ce
14 premier rapport, la première version. Avant d'écrire mon addendum, j'ai
15 reçu un certain nombre de documents, et c'est quelque chose qui se trouve
16 dans cette feuille avec des informations. Moi, je suis revenu vers l'équipe
17 de la Défense en proposant une autre méthode, à savoir si je devais écrire
18 cet addendum qui proposait mon point de vue par rapport à la légalité de
19 tirer sur certaines cibles avec certains systèmes d'armes, d'armement,
20 j'avais besoin de savoir les faits, les hypothèses qui étaient celles dont
21 disposait le général Gotovina, et qui existent en tant que documents. Je
22 pensais qu'il serait plus, que l'on doit agir de façon plus légitime si
23 c'est le conseil qui me présente ces faits, ces documents, ces hypothèses,
24 plutôt que de parcourir le compte rendu d'audience en essayant de trouver
25 des informations, alors que je n'ai pas été présent pendant le procès.
26 Donc je demande au conseil de la Défense de me fournir ces informations,
27 car c'est la première, le premier pas qu'il s'agit d'entreprendre quand
28 vous voulez évaluer la valeur des cibles; et il faut savoir quels étaient
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1 les faits dont ils disposaient, les informations dont ils disposaient.
2 Donc je leur ai demandé de me fournir des faits, des hypothèses, des
3 postulats de base qui se trouvaient consigner au compte rendu d'audience et
4 qui figuraient dans le dossier de l'affaire. Je leur ai demandé de façon
5 très directe, s'ils étaient sûrs que là, il s'agissait des faits qui ont
6 été présentés aux Juges de ce Tribunal. Ils m'ont dit qu'ils étaient
7 absolument sûrs que, par rapport à la façon dont ils comprennent l'affaire,
8 c'étaient des faits légitimes. Il y en avait qui étaient plus controversés
9 que d'autres mais qu'ils étaient tout à fait confiants que je pouvais tout
10 à fait, en tout connaissance de cause former mon opinion, tirer mes
11 conclusions sur la base de ces faits, de ces hypothèses, celles qu'ils
12 m'ont présentées, donc.
13 Q. Merci, Professeur. Là, vous êtes allé même plus loin que la question
14 que je vous ai posée. Donc j'ai voulu parler de cela mais, tout d'abord,
15 j'ai voulu savoir quels sont vraiment les documents que vous avez examinés
16 avant d'écrire votre rapport d'expert, avant de parler de ce que vous avez
17 fait avec l'addendum.
18 Donc vous aviez ce DVD qui contenait des documents, et vous l'aviez fin
19 décembre, vous n'avez pas examiné ces documents avant de faire votre
20 critique du rapport Konings. Ensuite, on vous a demandé d'écrire votre
21 propre rapport au sujet de certains points qui se posent, de certaines
22 questions qui se posent.
23 Est-ce qu'avant de le faire -- est-ce que vous avez examiné le contenu de
24 ce DVD ?
25 R. Non.
26 Q. Est-ce que vous avez examiné quelques autres documents par rapport,
27 avant d'écrire ce rapport ?
28 R. Ce rapport a été écrit après cette réunion à Tampa. Comme j'ai dit, je
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1 l'ai fait après cette explication qui m'a été fournie verbalement,
2 explication, la description de l'opération Tempête en détail. Ensuite quand
3 je me suis assis pour commencer à écrire ou résumer le principe juridique
4 qui régit l'utilisation du feu indirect, et de l'écrire par rapport à des
5 faits, des conclusions assez peu précises qui se trouvent dans le rapport
6 Konings, dans cette partie-là du rapport, il s'agissait surtout de discuter
7 du droit compétent, des principes de droit.
8 Q. Merci. Pour être tout à fait clair, le premier rapport donc comme vous
9 l'avez dit c'était un exposé du droit de conflit armé, l'utilisation de
10 l'artillerie dans les zones résidentielles, ou habitées par la population
11 civile, mais j'avais l'impression aussi que c'était en quelque sorte la
12 réponse au problème identifié dans le rapport Konings; est-ce exact ?
13 R. Je me suis surtout concentré sur son rapport, un rapport initial. Je ne
14 me suis pas peut-être autant occupé de l'addendum à son rapport. Autrement
15 dit, lors de la réunion avec les conseils de la Défense à Tampa, j'ai
16 formulé quelques critiques, et là, il s'agissait de les coucher sur papier.
17 Q. Est-ce qu'il y avait une raison particulière pour laquelle vous n'avez
18 pas montré quels sont les points concrets du rapport du lieutenant-colonel
19 Konings qui vous posaient problèmes avec lesquels vous n'étiez pas d'accord
20 dans votre rapport, qu'une critique du rapport du colonel Konings ?
21 R. Non. A partir du moment où j'ai discuté à Tampa avec les conseils de la
22 Défense, ils sont venus me voir par rapport à certains points que j'ai
23 soulevés et m'ont demandé de m'occuper de ces points précis. Ensuite j'ai
24 reçu la lettre et j'ai répondu en apportant quelques modifications là où
25 j'ai trouvé que je ne me suis pas exprimé de façon suffisamment précise.
26 Ils m'ont répondu que je pouvais modifier le rapport de la façon dont je
27 l'ai souhaité pour intégrer donc les discussions que nous avons eues, et
28 c'est dans ce cadre-là que je travaillais.
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1 Q. En pièce jointe de votre rapport d'expert, on trouve la lettre du 19
2 mai, et on a vu aujourd'hui encore la pièce D1644; c'est la lettre du 27
3 mars, et c'est la lettre dans laquelle on expose les questions qu'il s'agit
4 de prendre en compte dans votre rapport initial. Est-ce que vous avez
5 modifié ces questions, les questions qui figurent dans ce rapport ?
6 R. Non. Moi, j'ai reçu un coup de fil, enfin nous avons parlé donc après
7 au téléphone après la réunion de Tampa. On a discuté des points que j'ai
8 soulevés suite à ce que les conseils m'ont dit, et ils m'ont dit qu'il
9 serait utile de le coucher par écrit, et j'ai proposé de le faire, de leur
10 fournir ces informations. Quand j'ai commencé à faire cela, j'ai commencé à
11 extrapoler par rapport à la réponse parce que je me suis dit que ceci
12 serait utile par rapport à mon rapport que de modifier certains de ces
13 points. Donc je suis revenu vers eux, en leur disant : écoutez, je voudrais
14 modifier le style ou certains points que je soulève. Ils nous ont dit :
15 écoutez, c'est votre rapport donc faites ce que vous voulez faire; changez
16 ce que vous voulez changer.
17 Q. Bien. Ce que j'essaie de comprendre c'est : est-ce que la lettre du 27
18 mars, est-ce une lettre qui a été écrite après les modifications, ou bien
19 est-ce que vous avez modifié les questions par rapport à ce qui est écrit
20 dans la lettre du 27 mars ?
21 R. Je ne sais pas à quelle date j'ai écrit le rapport exactement. Je pense
22 qu'après avoir reçu la lettre, je leur ai dit que j'allais changer quelques
23 points dans mon rapport.
24 Q. Donc on ne peut pas s'attendre à trouver deux lettres qui vous ont été
25 envoyées et qui contiennent des questions qui vous sont posées ?
26 R. Pas dans mon souvenir.
27 Q. Si l'on se penche sur le paragraphe 6 de votre feuille de renseignement
28 supplémentaire, vous y indiquez que vous avez remis à la Défense un projet
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1 de rapport à peu près le 10 avril 2009, et que vous n'avez pas reçu de
2 commentaire important au sujet de ce projet de rapport. Est-ce qu'on vous a
3 posé des questions au sujet de ce comportait votre rapport ?
4 R. Non. En fait, je n'ai plus rien entendu de leur part une fois que j'ai
5 envoyé ce projet de rapport et ma fierté d'auteur en a été un peu frustrée
6 car j'aurais aimé savoir quelle était leur réaction. Donc après quelques
7 semaines, je les ai contactés et j'ai dit : est-ce que mon rapport vous
8 satisfait ? Ils m'ont répondu qu'il y avait seulement quelques petites
9 fautes de frappe et qu'ils allaient me tenir au courant mais que pour le
10 reste tout allait bien.
11 Q. Au paragraphe suivant, nous lisons, je cite :
12 "Pendant ce laps de temps, j'ai reçu un exemplaire du compte rendu complet
13 du témoignage pendant le procès du lieutenant-colonel Konings ainsi que de
14 sa déclaration de témoin au titre de l'article 92 ter du Règlement,
15 s'agissant de Marko Rajic, et le compte rendu complet de sa déposition en
16 tant que témoin."
17 Est-ce que vous avez reçu ces documents avant de rédiger votre rapport
18 d'expert, ou est-ce que vous les avez reçus après la rédaction de votre
19 rapport d'expert ?
20 R. Dans mon souvenir, je les ai reçus après. Je sais que je ne les ai pas
21 pris en compte dans mon rapport initial.
22 Q. Est-ce que vous les avez pris en compte dans l'addendum à votre rapport
23 rédigé plus tard ?
24 R. Je pense que j'ai tenu compte de certains des renseignements émanant de
25 la déposition de Marko Rajic lorsque j'ai rédigé l'addendum. Mais j'étais à
26 Santiago, capitale du Chili, lorsque j'ai rédigé cet addendum. Je n'étais
27 pas aux Etats-Unis; j'étais au Chili pour des cours que j'avais à donner,
28 et je n'avais pas les documents sur moi. Donc ce rapport est principalement
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1 dirigé par les faits et les hypothèses qui m'ont été communiqués par le
2 conseil de la Défense auquel j'avais demandé de me les communiquer. Telle a
3 donc été la première principale source d'information que j'ai eue pour
4 évaluer chacune des cibles. Maintenant je ne saurais pas vous dire
5 exactement quels autre renseignements j'ai obtenus au fil du temps, je ne
6 sais absolument pas si cela a pu influer sur mon évaluation. Mais en tout
7 cas, la chose principale de renseignement sur laquelle je me suis appuyé
8 était ces faits et ces hypothèses communiqués par le conseil de la Défense
9 au début.
10 Je me souviens qu'il y avait un fait que j'ai considéré comme étant
11 important et j'en ai appris l'existence à mon arrivée à la réunion de
12 Tampa, si je ne m'abuse. Les autres faits je les ai appris grâce à des
13 communications téléphoniques par "skype." Je parle des autres faits et
14 hypothèses que j'ai considérés comme importants, et eux me disaient au
15 cours de ces conversations s'ils estimaient qu'un tel élément était
16 important vous pouvez ajouter cet élément comme étant un fait dans votre
17 rapport.
18 Q. Manifestement, vous avez une certaine expérience des procès devant les
19 Tribunaux, donc vous comprenez bien que la transparence est l'un des points
20 les plus importants s'agissant de juger de la fiabilité d'un rapport
21 d'expert. Transparence des sources sur lesquelles cet expert s'est appuyé
22 pour rédiger ces conclusions, n'est-ce pas ?
23 R. Absolument.
24 Q. S'il y avait des problèmes de calendrier, je voudrais en fait
25 comprendre : pourquoi, si vous avez jugé que quelque chose n'avait pas
26 besoin d'être fait à un certain moment, vous avez ensuite jugé que cela
27 devait être fait, et que par la suite, vous avez décidé d'indiquer
28 précisément quels documents vous aviez pris en compte pour rédiger
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1 certaines parties de votre addendum ?
2 R. Pour l'addendum de façon très précise, parce que j'ai décidé de
3 communiquer ces renseignements que l'on trouve dans l'addendum en fonction
4 des renseignements qui avaient déjà été présentés au Tribunal. Donc j'ai
5 pensé que la façon la plus efficace et la plus logique était de demander au
6 conseil de me dire ce que lui considérait comme des faits pertinents et des
7 hypothèses pertinentes.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Russo, excusez-moi de vous
9 interrompre, mais le témoin dans l'une de ses réponses antérieures a parlé
10 d'un fait précis qui a fait l'objet d'une conversation téléphonique. Est-ce
11 que vous pourriez lui demander quel était ce fait ? Qu'est-ce qu'il a
12 considéré comme d'une telle importance pour justifier cette conversation ?
13 Pourriez-vous le vérifier ?
14 M. RUSSO : [interprétation] C'était ce que je m'apprêtais à faire, Monsieur
15 le Président, dans mes questions de suivi.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez déjà réfléchir à cette
17 question mais M. Russo va maintenant vous poser d'autres questions,
18 Monsieur le Président.
19 Je pensais, Monsieur Russo, que vous étiez passé à un autre sujet;
20 apparemment ce n'était pas encore le cas.
21 Veuillez poursuivre.
22 M. RUSSO : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
23 Q. Le Président de la Chambre a abordé un point qui a été discuté dans le
24 paragraphe 9 de votre feuille de renseignements complémentaires, où vous
25 soulignez que l'hypothèse que nous voyons en page 30-D de votre addendum
26 est une hypothèse qui a été prise en compte dans votre rapport, mais dont
27 vous vous souvenez comme ayant été évoqué à la réunion de Tampa.
28 Vous avez donné -- vous avez passé un coup de fil au conseil Gotovina pour
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1 vous rafraîchir la mémoire ou bien pour déterminer auprès de ce conseil si
2 c'était un fait que vous pourriez utiliser dans votre analyse; c'est bien
3 ça ?
4 R. Absolument.
5 Q. C'est là que je commence à me préoccuper un peu parce que manifestement
6 si vous vous étiez limité dans votre addendum aux faits et appréciations
7 qui vous avaient été proposés dans la lettre du 19 mai, vous n'auriez pas
8 eu besoin d'appeler le conseil pour obtenir de lui des faits
9 supplémentaires, des élémentaires. Donc il est clair au moins pour moi, et
10 dites-moi si je me trompe que vous vous êtes également appuyé sur des
11 éléments qui vous ont été présentés verbalement à la fin du mois de
12 décembre pour rédiger votre addendum; c'est bien cela ?
13 R. Je ne pense pas que j'aurais pu écrire cet addendum sans avoir eu une
14 conception générale de l'opération dans mon esprit, donc je vous réponds
15 oui. La réponse à votre question est oui. Je me suis appuyé sur l'ensemble
16 de l'opération ce que nous pourrions appeler en termes militaires, le
17 concept de l'opération, mais il y avait un fait bien précis qui concernait
18 le processus de prise de décision du général, et avant que j'ai été
19 autorisé à agir sur mon opinion, j'ai pris la décision que j'avais besoin
20 de valider tout cela pour en vérifier la cohérence en comparant cela à
21 d'autres faits et d'autres hypothèses qui étaient consignés noir sur blanc
22 dans les comptes rendus d'audience. C'est la raison pour laquelle j'ai agi
23 de cette façon.
24 Q. Mais sachant qu'il y avait des préoccupations par rapport à votre
25 rapport, pourquoi est-ce que vous n'avez pas insisté pour que toute la
26 discussion que vous aviez au sujet des renseignements qui vous étaient
27 communiqués, des documents qui vous étaient soumis -- pourquoi est-ce que
28 vous n'avez pas insisté pour que ceci soit mémorisé comme étant soit des
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1 faits, soit des hypothèses que vous prendriez en compte d'une façon ou
2 d'une autre dans votre addendum ?
3 R. Ce que je veux dire c'est que je ne sais pas si j'ai réfléchi à cette
4 question. Je sais que je voulais le faire, ce que je tenais à faire c'était
5 veillé à rendre un avis qui respectait les normes de la critique de la
6 prospective critique. Je ne voulais pas me pencher sur ce qui s'était
7 passé, et puis ensuite donner mon avis rétrospectivement et dire parce que
8 telle et telle chose s'est passée, elle est illégale. Parce que, comme je
9 l'ai dit dans la première partie de mon rapport, je pense que ce n'est pas
10 une bonne façon d'appliquer les normes juridiques qui régissent les
11 opérations de combat dès lors qu'elles se transforment peu à peu en
12 responsabilité criminelle. Par conséquent, j'ai estimé qu'il était tout à
13 fait capital pour moi de rendre mon avis en me fondant sur des faits et des
14 hypothèses qui étaient connus du général Gotovina et que l'on peut trouver
15 noir sur blanc dans les procès-verbaux du procès.
16 Donc, très sincèrement, je n'étais pas au courant des renseignements qu'il
17 pouvait me donner à l'époque. Je ne pense pas que ceci est pertinent dans
18 ma critique du jugement qu'il a fait intervenir sur le champ de bataille à
19 l'époque et des décisions qu'il a prises. Je me contente d'appliquer les
20 normes et objectifs du droit en évaluant la situation de l'époque et les
21 décisions qui s'en sont suivies.
22 Q. Professeur, vous avez dit, je cite :
23 "Je ne voulais pas me pencher sur ce qui s'était passé, puis dire
24 rétrospectivement qu'à mon avis parce que telle et telle s'était passée,
25 elle était illégale."
26 Page 85, lignes 9 à 11 du compte rendu d'audience d'aujourd'hui.
27 Ceci, Professeur, me semble une limitation de l'avis que vous avez déjà
28 donné, et je voudrais vérifier la chose auprès de vous. D'abord vous
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1 conviendrez, n'est-ce pas, qu'il y a une différence entre ce que quelqu'un
2 vous dit avoir su à l'époque et ce que d'autres personnes peuvent
3 déterminer sur la base des éléments de preuve disponibles pour dire que
4 telle et telle situation était effectivement réelle à l'époque, n'est-ce
5 pas ? Vous êtes d'accord là-dessus.
6 R. Il y a une différence entre des éléments de preuve directs et
7 indirects. Si c'est un fait, alors il y a possibilité qu'il s'agisse d'un
8 élément de preuve indirect. Je comprends bien cela.
9 Q. Mais au moment de rédiger votre addendum, suis-je en droit de penser
10 que vous ne vous intéressiez pas à entendre des témoignages ou à lire des
11 éléments de preuve relatifs à ce qui s'était passé pour déterminer que ce
12 qui s'était effectivement passé constituait une violation des lois du
13 conflit armé; est-ce que j'ai raison ?
14 R. Non. Je pense que ceci va trop loin. Vous examinez les effets parce
15 qu'ils constituent un élément de preuve indirect d'où vous pouvez tirer
16 certaines conclusions. Mais ce à quoi je m'oppose, c'est à me pencher
17 uniquement sur les effets d'une situation pour ensuite considérer que les
18 faits à l'origine de ces effets étaient indéfendables à l'époque, où
19 l'accusé a pris sa décision, et puis en conclure ensuite que la décision en
20 question était erronée.
21 Q. Je vais prendre les choses point par point.
22 D'abord, si vous vous penchez sur ce qui s'est passé, cela peut se faire
23 sur la base d'éléments de preuve dans lesquels le général Gotovina prétend
24 avoir été au courant de certaines choses à l'époque mais également
25 d'éléments de preuve dans lesquels vous trouverez ce qu'il aurait dû savoir
26 à l'époque, n'est-ce pas ?
27 R. Oui. Les faits qui étaient portés à sa connaissance à l'époque où il a
28 pris sa décision.
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1 Q. D'accord. Donc ce qui me préoccupe un peu c'est que vous avez dit que
2 vous vouliez utiliser une autre méthode, en demandant à la Défense de vous
3 communiquer uniquement les faits et hypothèses au sujet desquels le général
4 Gotovina affirmait qu'il s'était appuyé sur ces faits et hypothèses; est-ce
5 que vous conviendriez avec moi qu'en fait vous fermiez les yeux sur des
6 éléments de preuve qui auraient pu vous démontrer ce qu'il avait raté, ce
7 qu'il n'avait pas pris en compte et qu'il aurait dû prendre en compte à
8 l'époque ?
9 R. Vous arrivez à la limite entre ce qui est un fait et ce qui est une
10 appréciation. Les faits sont des faits établis par le dossier de l'affaire
11 ou par les documents relatifs à la mission, et les hypothèses sont des
12 hypothèses qui sont celles du commandant. Les deux sont pertinents dans le
13 processus de prise des décisions.
14 Je suis 100 % d'accord avec vous pour dire qu'on peut se trouver face à une
15 situation où il y a un fait objectif qui est connu de l'accusé et dont il
16 n'a pas tenu compte ou pour lequel il a failli à son devoir d'être informé
17 de ce qui peut être pertinent pour apprécier l'étendue de sa responsabilité
18 par rapport au droit.
19 Mais les faits certains faits énumérés dans la réponse à la requête étaient
20 des faits liés à des effets bien précis. Donc je ne dis pas que les effets
21 ne sont pas pertinents. Vous constatez que des tirs indirects ont eu lieu,
22 n'est-ce pas, que des cibles ont été visés par ces tirs ? Si vous modifiez
23 ce fait, si vous me dites que ces cibles n'ont jamais subi les tirs, et que
24 les seuls éléments soumis aux tirs étaient les hôpitaux, les écoles et des
25 bâtiments civils, alors ceci influe grandement sur votre avis. Donc il y a
26 les faits, il y a les hypothèses et je suppose que la Défense n'est pas la
27 seule à pouvoir me dire que le général a raté certains faits. Il y avait
28 des faits généraux ou liés à la situation et des hypothèses faites par le
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1 commandant.
2 Q. Je comprends tout cela, Professeur. Ce que j'essaie de vous dire, c'est
3 que l'analyse ou la méthode que vous avez considérée bon d'employer n'est
4 pas nécessairement indépendante parce que vous refusez de prendre en compte
5 les éléments de preuve en tant que tel, vous vous êtes privé de la
6 possibilité de découvrir des éléments de preuve qui vous auraient permis de
7 penser que le général Gotovina agissait en pleine bonne foi ou qu'une
8 hypothèse faite par lui ne concordait pas avec la réalité de la situation
9 ou avec la réalité de sa tâche.
10 R. Je pense que c'est toujours le cas si un fait ou une hypothèse
11 importante n'est pas pris en compte par moi, alors que je pouvais en avoir
12 connaissance à l'époque des faits, ceci est une bonne occasion pour la
13 partie adverse de mettre en cause l'avis exprimé par moi. De m'exposer ce
14 fait ou cette hypothèse en me demandant si après en avoir pris
15 connaissance, je modifie mon avis, donc je concéderais tout à fait que,
16 pour que mon avis soit absolument parfait, il aurait été idéal d'être assis
17 dans un prétoire et d'écouter l'intégralité des audiences. Cela aurait été
18 plus idéal encore d'être assis à côté du commandant, à savoir du général
19 Gotovina au poste de commandement en Croatie et de suivre le processus de
20 décision du général pas à pas.
21 Il n'y a aucune discussion possible quant au fait que le degré de
22 renseignements dont on dispose est fondamental pour ce faire un avis, pour
23 fonder son avis, et c'est la raison pour laquelle j'ai insisté auprès du
24 conseil de la Défense pour qu'ils ne me donnent pas des éléments idéaux ou
25 exprimant la perfection d'un espoir, mais qu'ils me communiquent bien des
26 conclusions factuelles prises en compte pendant les audiences du procès,
27 donc les faits et les hypothèses qui ont été établis par le dossier du
28 procès avec un certain degré de fiabilité. Je sais que ce n'est pas une
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1 preuve absolue, mais l'Accusation, bien sûr, peut les contester ces faits
2 et hypothèses, mais ce sont ces faits et hypothèses sur lesquels j'ai fondé
3 mon avis.
4 Q. Je vous remercie pour vos explications, Professeur. Je comprends tout à
5 fait que vous êtes originaire d'un système judiciaire qui fonctionnent sur
6 un mode contradictoire, comme la plupart d'entre nous d'ailleurs dans ce
7 prétoire.
8 J'aimerais maintenant vous ramener à une série de questions antérieures que
9 je n'ai fait qu'aborder rapidement aujourd'hui avant que nous passions à
10 autre chose.
11 Votre curriculum vitae, la pièce D1641, en page 5, je vois que sous le
12 titre : "Sécurité internationale et nationale," on voit en deuxième
13 position de la liste, un poste occupé par vous, celui de chef de la
14 division du Droit international et des Opérations dans le bureau de
15 l'avocat général; et au troisième tiret, on voit que vous avez apporté un
16 avis d'expert à tous les avocats militaires activement impliqués dans des
17 opérations pendant un peu partout dans les Balkans.
18 Pouvez-vous nous en dire un peu plus quant à votre participation dans les
19 Balkans à l'époque ?
20 R. Les avocats militaires que je conseillais étaient des avocats
21 militaires américains ayant participé à des opérations en Bosnie et au
22 Kosovo. La mission IFOR de Bosnie, composante américaine de cette mission,
23 et la mission SFOR au Kosovo, composante américaine de la deuxième mission.
24 Je n'ai pas été conseiller des commandants de l'OTAN, donc je n'ai apporté
25 aucun conseil et aucune aide au QG de l'IFOR ou au QG de la SFOR. Mais dans
26 ces deux missions, il y a eu un contingent américain important, et ces
27 contingents étaient fortement présents et comptaient dans leur rang un
28 grand nombre d'avocats américains. Donc chaque fois qu'un problème
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1 juridique se posait du point de vue de la planification et de la conduite
2 d'une opération militaire et qu'une assistance était jugé utile, telle
3 était la fonction du bureau dont je faisais partie, à savoir apporter un
4 certain niveau de conseils et d'assistance.
5 Je peux vous dire avec une certaine certitude que c'était même un centre
6 d'intérêt très important pour moi. Les problèmes liés aux opérations de
7 détention au Kosovo, 90 % de notre action portait sur des environs
8 relativement stables, et pour une raison ou pour une autre, le responsable
9 militaire juridique américain en Bosnie était toujours quelqu'un qui avait
10 un poste plus important que le responsable équivalent au Kosovo, donc il y
11 avait un colonel en Bosnie et en général un commandant au Kosovo, et les
12 compétences du responsable de Bosnie rendait notre participation moins
13 importante -- rendait moins crucial la nécessité de notre participation.
14 Puis l'autre domaine un peu difficile c'était la loi fiscale, à savoir ce
15 qu'on est autorisé à dépenser pour mener à bien une opération. Ce sont les
16 deux centres d'intérêt principaux dans lesquels j'ai travaillé.
17 Q. Je vous remercie, Professeur.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Professeur Corn, étant donné le temps
19 qu'il a fallu attendre à l'instant vous pouvez en tirer la con que vous
20 avez encore nécessité de ralentir un peu votre débit.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
22 M. RUSSO : [interprétation]
23 Q. Professeur, au paragraphe 12 de votre feuille de renseignement
24 complémentaire, vous énumérez des documents qui vous ont été remis par la
25 Défense Gotovina et vous indiquez que ceci s'est fait après que vous ayez
26 rédigé votre rapport.
27 J'ai un peu de mal à comprendre si vous avez, par conséquent, reçu ces
28 documents après avoir rédigé l'addendum, ou si vous les avez reçus après
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1 avoir rédigé l'intégralité de votre rapport.
2 R. Je sais que je n'ai tenu compte d'aucun de ces documents avant de
3 rédiger mon rapport initial. Je sais que j'ai reçu un paquet de "Federal
4 Express," avec un certain nombre de documents dans ce paquet. Je pense que
5 je les ai reçus avant de rédiger l'addendum mais je ne peux pas vous le
6 dire avec une totale certitude. Je sais que, lorsque j'ai rédigé l'addendum
7 j'étais au Chili et que je n'ai pas emporté ces documents avec moi.
8 Q. Sur la base de votre réponse, puis-je considérer que vous n'avez pas
9 tenu compte de façon très précise de tous ces documents au moment où vous
10 avez rédigé votre addendum ?
11 R. Je pense que, dans ces documents, il y avait des photographies, des
12 copies photographies que j'avais déjà vues à la réunion de Tampa, donc si
13 ces copies avaient le moindre rapport avec le concept général, elles
14 m'auraient sans doute été faxées. Mais d'un point de vue général, ce que
15 vous dites est exact.
16 Q. En dehors de la liste que l'on trouve au paragraphe 12 et de l'exposé
17 oral qui vous a été fait à la fin du mois de décembre 2008, y a-t-il eu
18 d'autres documents ou d'autres éléments d'information ? J'ajouterais
19 également dans les éléments que vous aviez à votre disposition les
20 témoignages de Konings et de Rajcic; donc en dehors de cela, est-ce qu'on
21 vous a montré ou dit autre chose sur le fond de la présente affaire ?
22 R. Je ne veux pas immédiatement établir un lien entre un numéro et un
23 document. Ce que je peux vous dire c'est que j'ai tenu compte d'autres
24 éléments d'information avant de venir ici, à savoir d'un procès-verbal de
25 réunion entre le président de l'état-major militaire et les membres de cet
26 état-major, y compris le général; donc ça j'en ai tenu compte. Puis il y a
27 eu aussi des directives relatives au aspect psychologique des opérations
28 qui pouvaient avoir un effet sur le comportement par rapport à la
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1 population civile. La déposition de Rajcic, je l'ai examinée de façon très
2 exhaustive, et comme je l'ai dit, la disposition des objectifs militaires à
3 Knin, du point de vue de la possibilité de les voir, est quelque chose qui
4 était très important à mon avis. Donc je vous dis de façon très franche
5 quels sont les principaux éléments d'information dont j'ai tenu compte
6 comme pouvant avoir une influence sur mon processus de réflexion.
7 Q. Au paragraphe 13 --
8 M. RUSSO : [interprétation] En fait, Monsieur le Président, il nous faudra
9 plus que quelques minutes pour ces questions que je m'apprête à aborder,
10 donc je crois que nous pouvons disposer encore d'un peu de temps.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous n'avons encore que peu de temps,
12 par conséquent, faute de suffisamment de temps aujourd'hui; nous
13 reprendrons demain matin, demain, en tout cas.
14 Y a-t-il des questions de procédure que l'une ou l'autre partie
15 souhaiterait évoquer en cet instant ? Cela nous permettra, lorsque vous les
16 aurez définies, de voir si nous avons encore besoin de la présence de M.
17 Corn dans la salle.
18 M. KEHOE : [interprétation] Nous n'avons pas besoin que le Pr Corn soit
19 encore dans la salle pour les questions de procédure que je m'apprête à
20 aborder.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Professeur Corn, nous allons
22 suspendre votre déposition pour aujourd'hui, et la reprendre demain à 9
23 heures, dans la même salle d'audience. Mais avant de vous autoriser à
24 quitter la salle, je tiens à vous rappeler la consigne qui vous interdit de
25 parler avec qui que ce soit de ce que vous pouvez dire au sujet des crimes
26 de guerre dans votre déposition déjà faite ou à venir.
27 Madame l'Huissière, veuillez escorter le témoin hors de la salle.
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
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1 [Le témoin quitte la barre]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.
3 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, en ce moment, le
4 général Gotovina voudrait soumettre à la Chambre une requête de suppression
5 du rapport d'expert de M. Pokaz.
6 [La Chambre de première instance se concerte]
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est fait droit à la requête demandant
8 la suppression du rapport de M. Pokaz. Donc M. Pokaz ne fait plus partie du
9 dossier de la présente affaire sur le plan de la procédure.
10 D'autres questions ?
11 M. KEHOE : [interprétation] Une encore qui concerne le problème de
12 l'application de l'article 68 évoqué ce matin. La seule raison pour
13 laquelle je soulève ce point, c'est que je ne sais pas exactement si nous
14 aurons à demander le versement au dossier automatique d'un certain nombre
15 de documents par la suite, ou si vous demanderez à entendre des témoins en
16 chair et en os, ou si ce que Me Misetic va vous dire la semaine prochaine
17 aura une influence sur tout cela, je ne sais pas. Donc j'ai la pièce qui
18 m'a été envoyée la semaine dernière par Me Misetic, présentée dans
19 l'affaire Popovic, qui apparemment était à la disposition du bureau du
20 Procureur depuis pas mal de temps. Mais compte tenu que nous arrivons à la
21 fin de la présentation des moyens de la Défense du général Gotovina, nous
22 aimerions savoir quelles sont les décisions correctes à prendre pour
23 englober ces éléments dans le dossier de l'affaire.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour le compte rendu, il y a peut-être
25 un problème de communication qui s'est posé, qui, si j'ai bien compris,
26 émane d'un ordre de préparation d'une action opérationnelle, émise par M.
27 Mladic dès les premiers jours du mois d'août.
28 M. KEHOE : [interprétation] Le 3 août 1995.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] 3 août, et la question c'est -- la
2 question se pose en raison du fait que la Défense estime que cet élément
3 est un élément à décharge, qui aurait dû être communiqué pendant l'affaire
4 Popovic.
5 Alors voyons si nous nous comprenions bien. Maître Kehoe, le sujet de notre
6 discussion actuelle est d'ores et déjà consigné au compte rendu d'audience.
7 Vous considérez que, sur le plan de la procédure, il importe de reparler de
8 tout cela et vous aimeriez que l'on vous entende le plus tôt possible la
9 semaine prochaine. Il est bien consigné au compte rendu qu'il s'agit d'un
10 problème de communication.
11 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Autre problème de
12 communication lié à un ordre d'attaque du 3, dans lequel le général Mladic
13 ordonne une attaque à partir de 6 heures du matin, le 5. Il s'agit de
14 l'opération qui porte le nom de Vaganj 95, et que nous allons voir
15 mentionner dans d'autres documents et même dans plusieurs documents. Ceci
16 concerne non seulement l'offensive dont nous discutons ici, planifiée par
17 la VRS et le général Mladic qui devait démarrer le 5, mais il y a aussi des
18 documents qui ont été présentés dans l'affaire Popovic et qui détaillent le
19 redéploiement des unités à partir du Corps de la Drina en vue de combattre
20 l'armée de Croatie dès le 9 août, dans la région.
21 Donc il s'agit de toute une série de documents. Nous aurions eu tendance à
22 demander le versement automatique, mais il y a des mesures appropriées à
23 prendre dans ce cas-là.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je comprends que vous avez besoin
25 de réfléchir plus avant à la question, d'examiner le contexte des autres
26 documents et que vous reviendrez devant la Chambre pour dire aux Juges de
27 quelle façon vous aimeriez procéder, par rapport à ces éléments.
28 C'est consigné au compte rendu.
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1 Puisque c'est le cas, Monsieur Russo, je vous inviterai à répondre à ce qui
2 vient d'être dit par la Défense. Bien entendu, s'il y a communication utile
3 entre les parties sur cette question, elles sont encouragées à saisir
4 l'occasion qui leur est faite.
5 Nous suspendons pour aujourd'hui, nous reprendrons demain, 8 septembre à 9
6 heures 00, salle d'audience numéro I.
7 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mardi 8 septembre
8 2009, à 9 heures 00.
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