Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 24563

  1   Le mardi 17 novembre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes présentes

  6   dans le prétoire et à l'extérieur du prétoire.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, je vous prie.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  9   Monsieur les Juges.

 10   Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre Ante Gotovina

 11   et consorts.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier

 13   d'audience.

 14   Maître Kuzmanovic, il m'a été dit que vous souhaitiez vous adresser à la

 15   Chambre à propos de la question de communication dont nous avons parlé

 16   hier.

 17   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, tout à fait.

 18   M. Waespi et moi-même, nous nous sommes entretenus ce matin, et je voulais

 19   juste indiquer à la Chambre que nous avons commencé à nous pencher sur le

 20   document dont il a été question hier dans la nuit, d'avant-hier à hier.

 21   Donc il y a environ quelque 3 000 pages de documents. Sur ces 3 000 pages,

 22   quelque 1 100 pages ne nous n'avaient pas été communiquées précédemment ce

 23   qui fait que nous n'avons pas saisi dans notre système.

 24   Donc, bien entendu, cela représente beaucoup de travail; j'ai passé

 25   l'essentiel de ma soirée hier à étudier ou à essayer de parcourir cela.

 26   Nous aimerions en fait, au vu de la proposition dont nous avions parlé

 27   hier, et eu égard à ces documents, qui n'avaient pas été communiqués

 28   auparavant, et M. Waespi vient de m'informer ce matin qu'il y avait encore

Page 24564

  1   une autre communication beaucoup moins importante d'ailleurs, beaucoup

  2   moins volumineuse, mais s'il s'agit d'un document qui sera nécessaire et

  3   qui sera présenté par l'entremise du témoin après que le document -- après

  4   que le témoin - pardon - aura prononcé la déclaration solennelle, parce que

  5   je pense cela est véritablement nécessaire, au vu des circonstances.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Waespi.

  7   M. WAESPI : [interprétation] Alors il y a une bonne nouvelle d'abord deux

  8   choses. Nous avons juste vérifié par rapport au document important que nous

  9   avons reçu en vertu de l'article 70, nous nous sommes demandés quelle

 10   allait être l'autorisation d'utiliser ce document - et je pense en fait que

 11   nous pourrions vous le donner, nous en avons un exemplaire papier - je

 12   pense que c'est un document très important, donc il pourra être présenté au

 13   témoin.

 14   Je pense qu'il est exact de dire que nous avons terminé l'examen de ces

 15   dossiers.

 16   Comme je vous l'ai dit, il y a quelque 29 documents anglais, en règle

 17   générale, qui sont pour l'essentiel des documents de sources ouvertes, la

 18   BBC, Reuters. Je vous donnerai les références mais c'est ce que nos

 19   vérifications ont révélées, donc il y en a qui n'avait pas été communiqué.

 20   Il y a également quelques centaines -- 175 documents en B/C/S, il s'agit

 21   essentiellement de sources B/C/S. Nous allons voir si cela a été

 22   communiqué; sinon, vous obtiendrez les documents aujourd'hui.

 23   Voilà ce qu'il en est en matière de communication.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc je dois comprendre, Maître

 25   Kuzmanovic, que bien qu'avec une certaine réticence, vous êtes disposé à

 26   commencer l'interrogatoire du témoin suivant, mais vous pensez que vous ne

 27   pourrez le faire que si vous avez la possibilité de vous entretenir avec le

 28   témoin de ces nouveaux documents communiqués; c'est cela ?

Page 24565

  1   M. KUZMANOVIC : [interprétation] C'est tout à fait cela, Monsieur le

  2   Président.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela est consigné au compte rendu. Je

  4   vous en remercie.

  5   Monsieur Waespi.

  6   M. WAESPI : [interprétation] Afin d'accélérer la procédure, je peux donner

  7   l'exemplaire papier maintenant à Me Kuzmanovic.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  9   M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais également soulever deux autres

 10   questions auprès de la Chambre. Il s'agit en fait du témoin suivant ou

 11   plutôt du témoin actuel, du témoin qui dépose à l'heure actuelle. Je pense

 12   qu'il faudrait peut-être passer à huis clos partiel pour aborder ce dont je

 13   veux parler, je ne pas entrer dans les détails.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 16   partiel.

 17   [Audience à huis clos partiel]

 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20  (expurgé)

 21  (expurgé)

 22  (expurgé)

 23  (expurgé)

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)

Page 24566

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4  (expurgé)

  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9  (expurgé)

 10  (expurgé)

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé)

 14  (expurgé)

 15   [Audience publique]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier

 17   d'audience.

 18   Maître Mikulicic, vous avez dit : "Errare humanum est," et je dois dire

 19   qu'immédiatement, je le souligne parce que j'ai oublié de fournir les

 20   consignes d'usage au témoin, donc je suis entièrement d'accord avec vous.

 21   Les parties en ont été informées et ont été informées que je vais demander

 22   à M. le Greffier quelque cinq secondes après cette erreur de fournir les

 23   instructions ou les consignes nécessaires au témoin.

 24   Donc nous allons passer à huis clos pour reprendre, pour continuer à

 25   écouter la déposition du témoin, qui a commencé hier.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos,

 27   Monsieur le Président.

 28   [Audience à huis clos]

Page 24567

  1 

  2 

  3 

  4 

  5 

  6 

  7 

  8 

  9 

 10 

 11 

 12 

 13  Pages 24567-24607 expurgées. Audience à huis clos.

 14 

 15 

 16 

 17 

 18 

 19 

 20 

 21 

 22 

 23 

 24 

 25 

 26 

 27 

 28 

Page 24608

  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

  4   [Audience publique]

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

  6   Nous allons faire une pause et nous reprendrons à 11 heures 20. Nous

  7   reprendrons en audience publique.

  8   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Le témoin suivant est déjà là. Il est

  9   prêt.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous pourrez commencer votre

 11   interrogatoire principal après la pause qui sera jusqu'à 11 heures 20,

 12   comme j'ai déjà dit.

 13   --- L'audience est suspendue à 10 heures 53.

 14   --- L'audience est reprise à 11 heures 23.

 15    M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etant donné qu'il n'y a pas de question

 16   préliminaire à soulever, j'aimerais demander à Mme l'Huissière de bien

 17   vouloir faire entrer le témoin dans le prétoire.

 18   Alors il y a des déclarations qui ont déjà été versées au dossier. Il

 19   s'agit des déclarations IC-12 et IC-16 et elles devront maintenant être

 20   obtenues comme souhaite la Chambre. Donc la seule -- il ne nous reste plus

 21   qu'à attribuer une cote à ces documents.

 22   Monsieur le Greffier d'audience.

 23   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 24   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, la pièce 65

 25   ter qui correspond à la déclaration du Témoin IC-16, devient la pièce

 26   D1795, sa cote étant la cote 2D00793; et vous avez ensuite la pièce

 27   2D00794, qui est la déclaration du témoin, IC-12, qui devient la pièce

 28   D1796.

Page 24609

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout cela a été saisi dans le système,

  2   Maître Cayley.

  3   M. CAYLEY : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président, ainsi

  4   que l'ordonnance que vous aviez rendue à propos de l'expurgation, et tout

  5   cela a été fait.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les pièces D1795 et D1796 sont

  7   maintenant versées au dossier.

  8   Monsieur Granic, je vous présente mes excuses, car nous étions occupés à

  9   régler d'autres questions au moment où vous êtes entré dans le prétoire.

 10   Avant que vous ne commenciez votre déposition, le Règlement de procédure et

 11   de preuve stipule que vous devez prononcer la déclaration solennelle en

 12   vertu de laquelle vous allez dire la vérité, toute la vérité, et rien que

 13   la vérité. Le texte de cette déclaration vous est maintenant remis, et je

 14   vous invite à prononcer ladite déclaration.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je déclare

 16   solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la

 17   vérité.

 18   LE TÉMOIN : MATE GRANIC [Assermenté]

 19   [Le témoin répond par l'interprète]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez vous asseoir, Monsieur Granic.

 21   Monsieur Granic, Me Mikulicic sera le premier à vous poser des questions

 22   dans le cadre de l'interrogatoire principal. Maître Mikulicic c'est le

 23   conseil de M. Markac.

 24   Je vous en prie Me Mikulicic.

 25   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 26   Interrogatoire principal par M. Mikulicic : 

 27   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Granic.

 28   R.  Bonjour.

Page 24610

  1   Q.  Est-ce que vous pourriez, je vous prie, décliner votre identité pour le

  2   compte rendu d'audience.

  3   R.  Mate Granic.

  4   Q.  Quelle est votre profession à l'heure actuelle ?

  5   R.  A l'heure actuelle, je suis le directeur de l'Ecole supérieure du

  6   journalisme et je suis également le propriétaire d'une entreprise de

  7   consultant, Magra.

  8   L'INTERPRÈTE : Les interprètes aimeraient demander au témoin de répéter le

  9   dernier nom.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le nom en fait de votre société de

 11   consultant.

 12   M. MIKULICIC : [interprétation] Cela a été consigné au compte rendu

 13   d'audience, Monsieur le Président.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, alors ce n'est pas la peine de

 15   répéter ce nom.

 16   M. MIKULICIC : [interprétation] J'aimerais demander à M. le Greffier

 17   d'audience de bien vouloir afficher la pièce 65 ter 3D00958.

 18   Q.  Monsieur Granic, nous allons bientôt voir apparaître sur nos écrans un

 19   document qui est votre déclaration, donc j'ai quelques questions à vous

 20   poser à propos de la déclaration que vous avez faite à l'équipe qui défend

 21   M. Markac.

 22   Dans un premier temps, j'aimerais savoir si vous vous souvenez avoir fait

 23   une déclaration pour l'équipe de la Défense du général Markac.

 24   R.  Oui, je m'en souviens.

 25   Q.  Est-ce que vous reconnaissez votre signature qui figure sur la version

 26   croate de la déclaration ?

 27   M. MIKULICIC : [interprétation] J'aimerais demander à M. le Greffier

 28   d'audience de bien vouloir afficher donc l'endroit où se trouve votre

Page 24611

  1   signature.

  2   Q.  Est-ce qu'il s'agit bien de votre signature, Monsieur Granic ?

  3   R.  Oui, tout à fait.

  4   Q.  Est-ce que vous vous souvenez avoir fait cette déclaration à Zagreb le

  5   19 mai 2009, et vous avez fait cette déclaration à l'équipe de la Défense

  6   du général Markac ?

  7   R.  Oui, c'est exact.

  8   Q.  Avez-vous eu la possibilité de vérifier cette déclaration avant de

  9   vérifier cette déclaration avant de venir ici ?

 10   R.  Oui, j'ai tout à fait eu la possibilité de le faire et il s'agit de la

 11   déclaration en question.

 12   Q.  Est-ce que votre déclaration reprend fidèlement ce que vous avez dit à

 13   l'équipe de la Défense du général Markac ?

 14   R.  Oui, tout à fait, je n'ai rien à ajouter.

 15   Q.  J'aimerais savoir si vous avez dit la vérité pour autant que vous vous

 16   souveniez des événements ?

 17   R.  Oui, oui, tout ce qui se trouve dans la déclaration est absolument

 18   exact. 

 19   Q.  Si les mêmes questions venaient à vous être posées aujourd'hui, est-ce

 20   que vous répondriez de la même façon à propos des faits ?

 21   R.  Oui, oui, tout à fait.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] J'aimerais demander le versement au dossier

 23   de cette déclaration.

 24   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 25   M. WAESPI : [interprétation] Un point d'éclaircissement. Nous avons trois

 26   dates pour la déclaration du témoin. Au début du compte rendu d'audience,

 27   nous avons le 19 mai 2009. La traduction anglaise, en tout cas, le texte

 28   dont je dispose a la date du 12 mai, et en B/C/S, nous avons la date du 11

Page 24612

  1   mai.

  2   M. MIKULICIC : [interprétation] Bien évidemment, il y a eu une erreur au

  3   niveau de la traduction. Moi, j'ai la version croate qui est la version

  4   originale de la déclaration qui est datée du 12 mai 2009.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semblerait que la version anglaise

  6   donne la date du 11 mai.

  7   M. MIKULICIC : [interprétation] Il s'agit en fait certainement d'une erreur

  8   typographique.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait. Je ne sais pas ce qui

 10   se passe ou ce qu'il faut faire. Je ne sais pas qui a préparé cette

 11   traduction. Ce matin le problème s'est posé lorsqu'il y a eu confusion

 12   entre les Croates et les Serbes dans un des documents.

 13   M. MIKULICIC : [interprétation] -- problème de traduction.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Néanmoins, je suis préoccupé par

 15   cela sans pour autant pointer du doigt quiconque mais ce qui m'inquiète

 16   c'est le problème de traduction, il est important que nous ayons de bonnes

 17   traductions.

 18   Maître Mikulicic, veillez à ce que le document, que nous avons vu ce matin,

 19   soit envoyé au service de Traduction pour être réexaminé. Nous ne savons

 20   pas s'il s'agit d'une seule erreur. S'il s'agit d'une erreur que nous avons

 21   pu repérer, mais ici il semblerait qu'il y ait eu un problème au niveau des

 22   dates, alors quel autre problème y a-t-il, moi, je ne suis pas en mesure de

 23   voir cela. Donc s'il y a des erreurs évidentes, j'aimerais que ces

 24   dernières soient examinées, voire même de façon superficielle pour nous

 25   assurer que nous n'ayons pas de problèmes par ailleurs.

 26   Maître Mikulicic --

 27   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur le

 28   Président, nous allons faire cela mais pour votre information le document

Page 24613

  1   cité ce matin et nous avons une traduction qui n'était non revue et

  2   corrigée et qui était exacte. Mais lorsque cette traduction est parvenue au

  3   service de Traduction du Tribunal, il y a eu modification. Donc nous allons

  4   vérifier à nouveau.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il vous plaît, oui.

  6   Monsieur Granic, pardonnez-vous pour cela.

  7   Hormis la date, Monsieur Waespi.

  8   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Donc ce sera la pièce D1797.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D1797 est versée au dossier.

 12   Maître Mikulicic.

 13   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Q.  Monsieur Granic, ayez l'amabilité de bien vouloir nous dire en quelques

 15   phrases --

 16   M. MIKULICIC : [interprétation] Mais avant de commencer, Madame, Messieurs

 17   les Juges, j'ai préparé à l'intention de ce témoin, M. Granic, un classeur

 18   contenant des documents qui sont indiqués de façon précise et de façon à ce

 19   que M. Granic lors de mes questions puisse voir les documents papiers

 20   pendant mon interrogatoire principal.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc nous faisons droit à cette demande

 22   qui est vôtre.

 23   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 24   Q.  Monsieur Granic, très rapidement, pourriez-vous nous parler un petit

 25   peu de vos études et de votre profession jusqu'au moment où vous êtes entré

 26   en politique ?

 27   R.  Avant de participer à la vie politique - et c'est en 1991, le 3 août -

 28   j'ai une carrière médicale de couronner de succès. J'étais un professeur de

Page 24614

  1   médecine interne et directeur adjoint et chef des services cliniques de

  2   l'institut Vuk Vrhovac contre le Diabète, les maladies du métabolisme et

  3   d'endocrinologie. J'ai été consultant pour l'organisation mondiale de la

  4   santé en Asie, en Inde, en Birmanie, au Bangladesh et en Thaïlande,

  5   consultant pendant une courte période de temps. J'ai également été

  6   professeur invité aux Etats-Unis à Lexington, Kentucky où j'ai enseigné, et

  7   j'ai enseigné dans 17 universités américaines. J'ai également suivi une

  8   formation au "Harvard Medical School" et à l'Université de Munich.

  9   Q.  Après cela, en 1990, au sommet -- à l'apogée de votre carrière

 10   médicale, vous êtes devenu doyen de la faculté de Médecine de l'Université

 11   de Zagreb ?

 12   R.  C'est exact. En 1989, je suis devenu doyen adjoint et dans le courant

 13   de l'automne 1990, après les élections libres et démocratiques, je suis

 14   devenu doyen de la faculté de Médecine de l'Université de Zagreb.

 15   Q.  Monsieur Granic, simplement pour votre information, je marque une pause

 16   après ma question pour permettre aux interprètes de faire leur travail,

 17   donc je vais vous demander de marquer une toute petite pause avant de

 18   répondre lorsque j'ai terminé ma question.

 19   Quelle était votre motivation, Monsieur Granic, lorsque vous avez décidé de

 20   mettre de côté votre carrière médicale pour entrer en politique ?

 21   R.  Ce qui m'a motivé, c'était une seule et même chose c'est-à-dire j'ai

 22   décidé de participer aux changements démocratiques qui se sont produits à

 23   la fin de l'année 1988, lorsque je suis devenu membre de la commission

 24   alternative de la constitution. Après les changements démocratiques en tant

 25   qu'éminent médecin et doyen de la faculté de Médecine, je suis devenu

 26   membre de la Commission constitutionnelle, qui a été mise en place par

 27   Franjo Tudjman, mais je n'avais pas d'autres ambitions à l'époque, je ne

 28   souhaitais pas entrer en politique.

Page 24615

  1   Quoi qu'il en soit, l'agression contre mon pays et le danger que ceci

  2   posait à la Croatie parce que la Grande-Serbie pouvait être constituée,

  3   moi-même, j'étais bien informé de ce qui se passait sur le territoire de

  4   l'ex-Yougoslavie. La Croatie, à ce moment-là, se trouvait directement

  5   menacée, et après trois jours de délibération, lorsque le premier ministre

  6   qui avait été élu, Franjo Gregoric, et Memo [phon] Gregoric ont -- et le

  7   président Gregoric ont proposé que j'entre au gouvernement. J'ai accepté

  8   leur offre parce que j'estimais qu'avec mes connaissances et mon

  9   expérience, je pouvais être d'une certaine utilité, surtout dans le domaine

 10   dans lequel j'étais particulièrement qualifié et je suis devenu le vice-

 11   premier ministre, chargé des questions scientifiques de l'enseignement du

 12   système de santé et du système des services sociaux. C'est la raison pour

 13   laquelle j'ai accepté de rejoindre le gouvernement croate.

 14   Q.  Donc alors si nous divisons votre engagement politique en deux phases,

 15   voyez nous dire ceci dans la première phase en tant que vice-ministre

 16   adjoint, quel était votre domaine de compétence et quel était surtout votre

 17   domaine -- vos attributions au sein de la République de Croatie ?

 18   R.  Ce gouvernement que l'on appelé le Gouvernement de l'Unité

 19   démocratique, qui a rassemblé toutes les forces politiques en présence en

 20   Croatie, une fois en politique, nous avons constaté que nous ne disposions

 21   même pas de fondement juridique nécessaire pour travailler. Donc en

 22   l'espace de dix à 15 jours, nous avons dû adopter 79 décrets loi de façon à

 23   pouvoir fonctionner comme un vrai gouvernement.

 24   Après cela, j'ai constaté que le problème essentiel se posait au

 25   niveau des personnes chassées, nombre grandissant de personnes expulsées.

 26   Ce chiffre croissait de jour en jour et je me suis rendu compte que je

 27   devais m'occuper de personnes déplacées et des victimes de la guerre. Donc

 28   j'ai créé ce bureau chargé des Personnes déplacées et des Réfugiés, et

Page 24616

  1   pendant les guerres en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, ce bureau s'est

  2   occupé de plus de 700 000 -- entre 700 000 et 800 000 personnes déplacées,

  3   et quasiment un million de réfugiés de Bosnie-Herzégovine ont transité par

  4   ce bureau.

  5   Le chiffre le plus élevé de personnes expulsées correspondait à un

  6   moment donné à 485 000, et ce chiffre date de la fin de l'année 1991, début

  7   de l'année 1992. Mais c'était le chiffre le plus élevé de personnes

  8   déplacées, le nombre le plus important des réfugiés, à un moment donné,

  9   représentait 325 000 réfugiés venant de Bosnie-Herzégovine, et ce, au début

 10   de l'année 1993.

 11   Il faut remarquer qu'il s'agit de chiffre tellement élevé qu'à deux

 12   reprises, plus de 10 000 personnes sont venues à Zagreb en un seul jour,

 13   surtout après la chute de Vukovar. A quatre reprises, ce chiffre s'élevait

 14   à 5 000 personnes. Pour ce qui est des réfugiés, il faut remarquer que

 15   pendant deux week-end, le premier week-end était à la fin du mois de mai

 16   1991 et deuxième week-end se situait aux dates du 11 et 13 juillet 1992,

 17   pendant ces week-end, 60 000 réfugiés sont entrés en Croatie lors de ces

 18   deux week-end.

 19   Je dois également dire autre chose, si nous avions créé ce bureau au

 20   moment où ces chiffres ont commencé à grandir d'un jour à l'autre, au

 21   moment où nous ne recevions aucune aide internationale, hormis l'aide reçu

 22   de la diaspora croate et de villes et villages bien disposés envers nous,

 23   qui étaient peu éloignés, nous avons créé ce bureau avec l'aide du Haut-

 24   commissariat aux Réfugiés des Nations Unies, et nous avions une excellente

 25   coopération avec le HCR, jusqu'à la fin en particulier avec Mme Sagato

 26   Ogada, mais également ceux qui avaient organisé l'aide, et ceci avait été

 27   organisé par le gouvernement allemand. Cette aide nous est parvenue à Noël,

 28   en 1991, l'Allemagne a été reconnu sur le plan international, à ce moment-

Page 24617

  1   là. Nous avons également reçu de l'aide de l'Union européenne au début de

  2   l'année 1992, l'Autriche, la Hongrie, la Slovaquie, les pays voisins

  3   également, la Suisse et l'Allemagne.

  4   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  5   M. MIKULICIC : [interprétation] Pour ce qui est de l'interprétation, je ne

  6   pense pas que l'on puisse contester le fait qu'à la page 53, lignes 9 et

  7   10, on évoque "la reconnaissance par l'Allemagne de la Croatie," et non pas

  8   "la reconnaissance de l'Allemagne…"

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement. C'est la

 10   reconnaissance de la Croatie par l'Allemagne, bien sûr. Je crois que c'est

 11   assez clair; veuillez poursuivre.

 12   M. MIKULICIC : [interprétation]

 13   Q.  Par conséquent, la République de Croatie et vous, en tant que personne

 14   responsable de cette grande tâche, vous étiez confronté à un effort

 15   humanitaire très important. Comment ceci s'est-il traduit en termes

 16   financiers ?

 17   R.  Il s'agissait d'un coût énorme pour l'état, et nous avons été soulagés

 18   en la matière par la diaspora croate et les villes, les villages mais que

 19   j'ai cités, néanmoins c'était un fardeau très lourd qui pesait sur le

 20   budget croate. D'autant que la Croatie avait fait l'objet d'une agression

 21   forcée de l'ex-Yougoslavie et de la JNA qui était un instrument aux mains

 22   de Slobodan Milosevic.

 23   Une autre question dont j'ai dû m'occuper en tant que membre du

 24   gouvernement, et bien, c'est celle-ci. Tous les soldats qui avaient été

 25   faits prisonniers de l'ex-JNA avaient immédiatement remis en liberté par le

 26   truchement de la Croix-Rouge. Ils étaient au moins au nombre de 17 000. On

 27   leur a fourni de l'aide, immédiatement ils ont pu être réunis avec leurs

 28   familles très rapidement également.

Page 24618

  1   Une autre question, qui était importante à ce moment-là, le 8 octobre

  2   1991, on m'a nommé, et c'est le président Tudjman et le gouvernement croate

  3   qui m'ont nommé chef négociateur avec l'ancienne armée yougoslave, sur la

  4   question du déblocage et de l'évocation des casernes. Le 8 décembre 1991,

  5   après deux mois de négociations, j'ai pu mettre un terme aux négociations

  6   et conclure ces dernières avec van Houten, l'ambassadeur néerlandais, et

  7   l'ambassadeur américain Okun, l'envoyé américain, l'envoyé spécial amiral

  8   Raseta, en signant un accord avec ces derniers pour la Croatie. Il y avait

  9   également des négociations pures locales qui se déroulaient en particulier

 10   dirigées par M. Hebrang, à l'époque, puisqu'il s'agissait de créer ou

 11   d'ouvrir un hôpital militaire, à l'époque. Ceci a été couronné de succès en

 12   ce qui nous concerne, et l'accord a été conclu. La communauté

 13   internationale n'avait qu'une objection à faire, eu égard à la signature de

 14   cet accord.

 15   Q.  A ce stade déjà, Monsieur Granic, nous pouvons constater que vous

 16   vous êtes éloigné des questions ayant trait aux réfugiés pour jouer plutôt

 17   le rôle d'un négociateur avec l'armée populaire yougoslave. A la fin de ces

 18   négociations, quelles ont été vos attributions au sein du gouvernement ?

 19   Est-ce que vous deviez traiter des mêmes questions ?

 20   R.  Alors la Commission internationale de la Croatie avait négocié

 21   avec les ministres européens lors d'une réunion dans la nuit du 16 au 17

 22   décembre. Les conditions de ces négociations avaient fait l'objet d'un

 23   accord, et il s'agissait d'un engagement spécial de la part des ministres

 24   Genscher et Kohl, et du gouvernement allemand. Il a été précisé que la

 25   Croatie devait adopter une loi constitutionnelle sur la protection des

 26   minorités. On a indiqué que les casernes devaient être débloquées et

 27   évacuées. Une trêve, un accord sur une trêve devait être signé, a été en

 28   réalité signé par le ministre Susak, le 3 janvier 1992; les observateurs

Page 24619

  1   internationaux à Zagreb à l'époque étaient censés approuver cela. Toutes

  2   ces conditions ont été réunies; le 15 janvier, la Croatie en réalité était

  3   reconnue par la communauté internationale.

  4   Pour ce qui est de ce que j'ai fait moi-même à l'époque, je me suis occupé

  5   pour l'essentiel des réfugiés. Je me suis occupé de la question d'échange

  6   de prisonniers, je me suis occupé des victimes de la guerre. Outre les

  7   autres attributions en tant que vice-premier ministre, je me m'occupais

  8   dans des affaires sociales, comme je vous l'ai dit, ce qui comprenait les

  9   négociations avec les syndicats, et cetera. Il s'agissait là de mes

 10   principales attributions dans la première moitié de 1992, première partie

 11   de l'année ainsi que pendant toute l'année 1992. Même si de plus en plus je

 12   développais de plus en plus le volet de la diplomatie humanitaire, c'est

 13   ainsi que nous l'appelions puisque nous collaborions avec toutes les

 14   agences spéciales des Nations Unies.

 15   Q.  Monsieur Granic, en présence d'une multitude de personnes déplacées, de

 16   réfugiés, de personnes expulsées, il y avait des personnes d'appartenance

 17   ethniques différentes, avez-vous jamais mis en place une politique qui

 18   aurait favorisé l'une ou l'autre -- l'un ou l'autre groupe ethnique victime

 19   de la guerre ?

 20   R.  Certainement pas. Je souhaite vous dire que même parmi les personnes

 21   déplacées, 3 % de ces personnes étaient des Serbes, et ceci n'est pas un

 22   fait très connu.

 23   Pour ce qui est des réfugiés, ils étaient, pour la plupart,

 24   Bosniaques, et il n'y a pas eu d'incidents majeurs à ce moment-là, même si

 25   ceci n'était absolument pas une tâche aisée que de traiter ou de s'occuper

 26   d'un nombre si important de personnes. Il s'agissait d'un nombre très

 27   important de personnes pour la Croatie, et c'était un pays de quatre

 28   millions d'habitants, voire moins, étant donné qu'un tiers du pays était

Page 24620

  1   occupé. Donc il s'agissait là d'un nombre très important de personnes qui

  2   exigeaient que soit retenu 10 % du budget de l'Etat si on voulait s'occuper

  3   d'eux convenablement, eux ainsi que toutes les victimes de la guerre.

  4   Q.  Après que la communauté a reconnu la Croatie, comme que vous venez de

  5   décrire, il y a eu une période où sur le territoire de la République de

  6   Croatie, une guerre non déclarée se déroulait. De surcroît, la guerre s'est

  7   étendue au territoire de la République de Croatie.

  8   R.  Je dois vous dire qu'avec le président Tudjman, j'ai participé aux

  9   pourparlers sur le déploiement des forces de maintien de la paix en Croatie

 10   en présence du secrétaire Vance, du secrétaire d'Etat. La Croatie était

 11   vraiment en faveur de cet accord que les Serbes et les rebelles locaux ont

 12   rejeté. C'était une de mes missions. Pour ce qui est de la Bosnie-

 13   Herzégovine, la Croatie a soutenu le referendum en faveur de

 14   l'indépendance, et la Croatie a été la première à envoyer un ambassadeur à

 15   Sarajevo. Il était clair que la guerre se préparait en Bosnie-Herzégovine.

 16   Il n'y avait quasiment pas un seul représentant de la communauté

 17   internationale avec lequel je n'ai pas abordé cette question. Il est fort

 18   malheureux que la communauté internationale se soit trouvé dans

 19   l'incapacité de trouver un négociateur ou pour parvenir à un consensus à

 20   cette question face à une menace de guerre en Bosnie-Herzégovine, afin

 21   d'éviter cette agression qui avait été préparée par Slobodan Milosevic.

 22   Parce que ceci devait également avoir lieu contre la Bosnie-Herzégovine.

 23   Q.  La deuxième page de votre -- dans la seconde phase de votre mission,

 24   nous avons dit que la première phase consistait à éviter une guerre en

 25   Bosnie-Herzégovine. Quelle attitude aviez-vous avant tout cela ? Pouvez-

 26   vous nous décrire un petit peu en quoi consistait votre mission ?

 27   R.  Jusqu'au premier juin 1993, ma principale préoccupation était les

 28   victimes et les personnes déplacées, les victimes de la guerre, les

Page 24621

  1   réfugiés. Nous avions deux à trois abris pour les femmes victimes de viol

  2   en Bosnie-Herzégovine que nous avons créé avec une aide non négligeable de

  3   la communauté internationale. Cela était ma préoccupation essentielle. A ce

  4   moment-là, je n'ai pas pris part aux pourparlers de paix en Bosnie-

  5   Herzégovine. Donc je ne suis pas votre meilleur témoin, si vous souhaitez

  6   que je parle des négociations et de restauration de la paix en Bosnie-

  7   Herzégovine parce que je suis devenu ministre des Affaires étrangères à

  8   cause de ce conflit malheureux entre les Croates et les Bosniaques. La

  9   population internationale et la position de la Croatie ont été fortement

 10   minimisées. Dans les échanges avec Mme Albright, qui était la représentante

 11   des Nations Unies; et Klaus Kinkel, le ministre des affaires intérieures;

 12   Jean Mitterand, la personne qui est devenue responsable des échanges avec

 13   le représentant du Vatican, le ministre italien des affaires étrangères.

 14   Tous ces échanges ont eu pour conséquence ma participation aux de

 15   contribuer à l'effort et faire cesser le conflit entre les Bosniaques et

 16   les Croates en Bosnie, pour essayer de conclure une alliance. C'est quelque

 17   chose -- la crédibilité de la Croatie en dépendait. A ce moment-là, c'est

 18   la raison pour laquelle j'ai déployé tant d'efforts dans ce sens.

 19   Q.  Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dater ces événements, s'il vous

 20   plaît ?

 21   R.  Je parle de la période qui commence le 1er juin 1993 lorsque je suis

 22   devenu ministre jusqu'à la fin de l'année, et ce, jusqu'aux accords de

 23   Washington.

 24   Outre le soin que je prodiguais aux réfugiés, voilà une des tâches

 25   les plus importantes que j'ai accomplies dans ma vie. Je dois également

 26   dire que j'ai été confronté à cette réalité cruelle vers le 16 ou 17 juin

 27   1993. J'étais ministre des Affaires étrangères, et un matin, un porte

 28   parole du "New York Times," et autre journal, "Le Monde" - c'était très

Page 24622

  1   certainement le "New York Times" - ont rédigé un article pour dire que les

  2   Croates en Bosnie-Herzégovine avaient des centres de Rassemblement ou des

  3   clans, où des civils étaient détenus. J'ai été choqué par cette nouvelle.

  4   J'ai téléphoné à Mate Boban immédiatement, et je lui ai demandé si

  5   cela était vrai. Il m'a répondu, en disant que cela n'était pas vrai. J'ai

  6   ensuite demandé à Jadranko Prlic si cela était effectivement vrai, et il

  7   m'a confirmé que cela était vrai, qu'il y avait des centres de

  8   Rassemblement, et je n'ai entendu parler que de ce centre-là à ce moment-

  9   là.

 10   J'ai retrouvé Boban après, et j'ai protesté de façon véhémente, je

 11   l'ai quasiment crié dessus. J'ai appelé le président Tudjman, je l'ai

 12   informé. Il m'a donné tout son -- il m'a accordé tout son soutien, il m'a

 13   dit que je devais faire tout ce qui était en mon pouvoir pour insister

 14   auprès des Croates en Bosnie-Herzégovine pour qu'ils ferment ce centre de

 15   Rassemblement. Ceci a été fait de façon unilatérale sans attendre qu'il y

 16   ait de quelques groupes ou gros échanges unilatéraux.

 17   Vingt jours plus tard, j'ai organisé une réunion à Makarska auquel

 18   ont participé les plus hauts représentants du gouvernement au niveau du

 19   ministre adjoint, pour le ministre adjoint de la Bosnie-Herzégovine,

 20   l'ABiH, le Conseil de Défense croate, le HVO, et des représentés à la

 21   Croix-Rouge internationale, et du Haut-commissariat aux Réfugiés, où nous

 22   nous sommes mis d'accord sur les éléments suivants : la déclaration de

 23   Makarska a été signée au terme duquel il fallait assurer un libre passage à

 24   tous les convois et tous les détenus ou prisonniers devaient être remis en

 25   liberté.

 26   Q.  Revenons au thème que vous avez abordé dans l'intervalle. M. MIKULICIC

 27   : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir la pièce 3D0064 ?

 28   Q.  Professeur, c'est le première intercalaire de votre classeur. Cela ne

Page 24623

  1   fait pas l'ombre d'un doute que la question des rapports entre la

  2   République de Croatie et la Bosnie-Herzégovine était d'une importance

  3   capitale, comme vous nous l'avez dit vous-même. Je vais vous demander de

  4   vous concentrer plus particulièrement sur l'année 1992 lorsque le président

  5   de la République de Croatie et le président de la présidence de la

  6   République de Bosnie-Herzégovine, M. Tudjman et M. Alija Izetbegovic, ont

  7   signé une annexe à l'accord préalable de coopération et d'amitié.

  8   En tant que premier ministre, vice-premier ministre à l'époque,

  9   étiez-vous au courant de cet accord et de son importance ? Veuillez nous

 10   commenter ce document, s'il vous plaît.

 11   R.  C'est une annexe à cet accord qui a été signé au début du mois de

 12   juillet, je pense que c'était le 11 juillet 1992. C'est sur la base duquel

 13   l'armée croate avait la possibilité de pénétrer jusque 20 kilomètres sur le

 14   territoire de la Bosnie-Herzégovine. Parce qu'à l'époque, une agression

 15   avait déjà été menée contre la Serbie à partir du territoire de la Bosnie-

 16   Herzégovine par des Serbes de Croatie, par exemple, contre le village de

 17   Ravno. Alors ceci donc est une annexe à cet accord qui avait été alors

 18   signé à New York, me semble-t-il, pendant la session -- pendant l'assemblée

 19   générale des Nations Unies.

 20   Je dois, cependant, signaler que les négociations véritables portant

 21   sur l'arrêt des conflits entre les Croates et les Bosniens ont été entamées

 22   par M. Silajdzic qui a été premier ministre puis ministre des affaires

 23   étrangères, et ensuite président du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine,

 24   et cela en août 1993. Pendant une semaine, nous nous sommes vus tous les

 25   jours, y compris avec le président Tudjman, et c'est alors que nous sommes

 26   parvenus à un accord de fait sur plusieurs points. L'un de ces points

 27   consistait à arrêter la guerre entre les Croates et les Musulmans, créer

 28   les conditions de la paix, et la restauration de la confiance, ainsi qu'à

Page 24624

  1   la résolution des questions humanitaires. Je dois dire que cela a résulté

  2   en un nouvel accord à Genève entre Tudjman et Izetbegovic, le 16 septembre.

  3   Malheureusement, trois -- ou plutôt, deux jours plus tard, Lord Owen a

  4   organisé une réunion entre les Serbes et les Bosniens qui ont signé un

  5   accord similaire annulant les effets de l'accord que je viens de citer dans

  6   une certaine mesure.

  7   Par conséquent, il s'agissait d'une période particulièrement difficile

  8   d'affrontement et de négociations. Mais j'ai été assez opiniâtre, je me

  9   suis rendu en visite à Sarajevo pendant la guerre, j'ai signé la

 10   déclaration de Sarajevo, et lorsque le plan Vance-Owen a échoué, puis

 11   ensuite le plan Vance-Stoltenberg, lui aussi, a échoué. Il est devenu

 12   manifeste que l'Union européenne et les négociateurs en question n'avaient

 13   pas le pouvoir d'imposer une solution de paix en définitive.

 14   Cette dernière a été obtenue par l'intervention des Etats-Unis et par

 15   l'intervention décidée, résolue de l'administration Clinton. La première

 16   réunion à cet effet a été organisée vers le 16 ou le 17 janvier 1994 à

 17   Genève, et Charles Redmond, l'envoyé spécial du président Clinton, y était

 18   présent; l'ambassadeur Zuzul également était présent; moi-même aussi; à

 19   Genève, et c'est alors qu'on s'est mis d'accord sur la solution de paix et

 20   la création de cette Fédération croato-musulmane parachevée par des

 21   négociations à Washington.

 22   Avant cela, des accords avaient été trouvés qui étaient

 23   particulièrement importants avaient constitué un préalable cet accord. Il

 24   s'agissait du départ de Mate Boban et de tout un ensemble de personnes

 25   l'entourant, leur départ donc de la scène politique.

 26   Q.  Professeur, ce document qui est affiché devant vous, cette annexe à cet

 27   accord de coopération et d'amitié, que nous dit-il des tentatives visant à

 28   trouver un accord politique pour mettre un terme à la guerre.

Page 24625

  1   Est-ce que le texte de cette annexe et de cet accord traduit bien la

  2   position qui était celle de la République de Croatie concernant la

  3   recherche de solution pacifique, et si l'on met de côté les problèmes

  4   supplémentaires qui sont apparus ?

  5   Est-ce que vous pouvez revenir à l'intercalaire 1 ?

  6   R.  Très certainement. Oui. Alors je ne suis pas forcément le

  7   meilleur témoin pour ce qui concerne l'ensemble des négociations qui ont

  8   été conduites dans le cadre de la Conférence de Paix consacrée à la Bosnie-

  9   Herzégovine. Il est un fait que la Croatie a accepté et soutenu le plan

 10   Cutileiro, même chose pour le plan Vance-Owen, et on peut dire la même

 11   chose des Croates de Bosnie-Herzégovine. La Croatie également a accepté et

 12   soutenu le plan Owen-Stoltenberg. Ce sont des faits historiques.

 13   M. MIKULICIC : [interprétation] Je voudrais que le greffe -- ou plutôt,

 14   Monsieur le Président, je voudrais que ce document puisse être versé au

 15   dossier.

 16   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote D1798.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est versé au dossier.

 20   M. MIKULICIC : [interprétation]

 21   Q.  Alors cette politique visant à trouver une solution pacifique et qui

 22   s'est traduite également par la tenue des Conférences de Paix consacrées

 23   aux Réfugiés, nous voyons le point 5, et s'est traduite également par cette

 24   initiative du président Tudjman, qui, à la fin du mois de novembre 1994, a

 25   donné un discours dans le cadre de l'assemblée générale des Nations Unies.

 26   M. MIKULICIC : [interprétation] C'est le document 3D00476, si M. le

 27   Greffier veut bien l'afficher. Je voudrais qu'on passe directement à la

 28   page numéro 9 de ce document.

Page 24626

  1   Q.  Alors pendant que nous en attendons l'affichage, c'est l'intercalaire

  2   numéro 2 dans votre classeur, page 9. Je voudrais vous demander la chose

  3   suivante : est-ce que vous avez été présent lors de l'assemblée générale

  4   des Nations Unies, lorsque le président Tudjman s'est adressé à cette même

  5   assemblée fin novembre 1994 ?

  6   R.  Oui, tout à fait, en 1994, et je me souviens bien de ce discours.

  7   Q.  Je voudrais attirer votre attention sur le dernier paragraphe de la

  8   page 9 où le président dit que : la Croatie propose l'intervention d'une

  9   force de paix considérable et conforme aux instructions du Conseil de

 10   sécurité; je ne suis pas en train de citer, je résume seulement. Il dit

 11   également que de telles forces de paix devraient disposer d'un mandat leur

 12   permettant de recourir à la force afin d'accomplir ce mandat et non pas

 13   seulement aux fins de sa propre protection.

 14   Alors la question que je voudrais vous poser est la suivante : quelle est

 15   votre expérience par rapport au mandat qui était celui des organisations

 16   internationales qu'il s'agisse des observateurs de l'Union européenne, de

 17   la FORPRONU, donc leur mandat sur le territoire de la République de Croatie

 18   ? Est-ce que la question s'est posée de savoir quel était leur mandat par

 19   rapport, quels étaient les fondements de leur mandat par rapport aux

 20   besoins qui se présentaient sur le terrain ?

 21   R.  Nous étions heureux de voir arriver les forces de maintien de la paix,

 22   et nous ne pouvons que remercier tous ceux qui ont participé à ces

 23   opérations, et tout particulièrement ceux qui ont donné leurs vies ou ont

 24   été blessés ou ont rencontré quelques difficultés que ce soit pendant le

 25   déroulement de ces opérations.

 26   En définitive, les forces de maintien de la paix, elles aussi ont contribué

 27   à ce que la Croatie puisse devenir un pays souverain jouissant d'une pleine

 28   intégrité territoriale; cependant, je dois signaler que le mandat de ces

Page 24627

  1   forces de maintien de la paix n'a pas été défini avec une clarté totale,

  2   ces forces de maintien de la paix n'ont pas réussi à exercer un contrôle

  3   sur la frontière entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, le résultat en

  4   a été qu'il y a eu des actions de la part des Serbes de Croatie, des Serbes

  5   insurgés de Croatie de la Krajina, actions dirigées contre la poche de

  6   Bihac.

  7   De plus, les forces de maintien de la paix n'ont jamais réussi à désarmer

  8   tout à fait les Serbes insurgés en Croatie.

  9   Pendant la durée de son mandat, et pendant la durée du mandat de la

 10   FORPRONU, il y a eu entre 600 et 700 victimes croates et non-Serbes,

 11   environ 650 et il y a eu un grand nombre d'expulsions. En fait il a été

 12   procédé à un nettoyage ethnique quasi total. C'est un fait historique.

 13   Cela indépendamment du sacrifice de nombreux soldats et indépendamment de

 14   toute la bonne volonté en jeu, il s'agit de faits historiques.

 15   Q.  Professeur, vous avez évoqué la situation qui prévalait à l'époque donc

 16   fin 1994 sur le territoire de la République de Croatie. Cette création

 17   nommée République de la Krajina serbe et l'insurrection des Serbes de cette

 18   région.

 19   M. MIKULICIC : [interprétation] Mais si nous passons à la page 16 de ce

 20   même document. Je voudrais que le greffier puisse nous l'afficher.

 21   Q.  Nous verrons un extrait du discours du président Tudjman où ce dernier

 22   fait allusion à cette situation. Il dit au paragraphe 2, je cite :

 23   "Nous comprenons que les deux parties au conflit doivent consacrer beaucoup

 24   de temps et d'effort au rétablissement et au renforcement de la confiance.

 25   Nous sommes également tout à fait persuadés que la stabilité et le progrès

 26   ne sont pas possibles en Croatie qu'en garantissant aux Serbes et aux

 27   autres groupes minoritaires tous leurs droits humains et de minorités

 28   ethniques. Nous avons garanti de tels droits par une loi spéciale figurant

Page 24628

  1   dans notre constitution il y a trois ans. Mais nous en appelons de façon

  2   urgente à la communauté internationale pour que des conditions soient

  3   créées afin que cette loi puisse être mise en œuvre conformément aux

  4   résolutions du Conseil de sécurité."

  5   Alors cette position du président Tudjman devant l'assemblée générale des

  6   Nations Unies reflète certainement la position de la République de Croatie

  7   à l'égard des Serbes insurgés ainsi qu'à l'égard des minorité ethniques et

  8   de leurs droits, n'est-ce pas ?

  9   Alors veuillez me dire compte tenu du fait que vous avez participé au

 10   gouvernement, en tant que ministre des affaires étrangères qu'elle était la

 11   position -- la politique de la République de Croatie telle que mise en

 12   œuvre par ce gouvernement, qu'elle était la politique du président Tudjman

 13   et si cela correspond à votre expérience aussi bien que vous en avez ?

 14   R.  En 1994, il y a eu plusieurs événements importants et reflétant la

 15   politique de la République de Croatie. Le premier de ces événements, me

 16   semble-t-il, c'était le 19 janvier à Genève, il y a eu la signature de

 17   l'accord Granic, Jovanovic. Cet accord a représenté le premier pas, la

 18   première étape consentie par Belgrade lorsque Belgrade a accepté d'entrer

 19   dans ce processus de négociations, donc nous n'avions plus uniquement des

 20   négociations en tant que gouvernement avec les Serbes insurgés en Croatie

 21   mais Belgrade a accepté qu'un bureau soit établi à Zagreb afin que les

 22   communications soient facilitées et que l'on s'efforce de trouver une

 23   solution pacifique.

 24   Après cela, le 3 mars 1994, est intervenu cet accord clé, l'accord de

 25   Washington, accord clé pour la paix en Bosnie-Herzégovine et l'arrêt du

 26   conflit entre les Croates et les Bosniens, ainsi que pour la mise en place

 27   de la Fédération croate musulmane et de leur alliance, et ce, sous le

 28   patronage des Etats-Unis. Du côté croate, j'en ai été le négociateur

Page 24629

  1   principal.

  2   Après cela, je me suis également rendu en visite à Belgrade -- j'ai discuté

  3   avec le vice-président Simic, qui lui aussi s'était rendu en visite à

  4   Zagreb, et en décembre de cette même année, un accord économique a été

  5   signé avec les Serbes insurgés en Croatie. Il s'agissait de l'ouverture de

  6   l'autoroute, de l'oléoduc des problèmes via l'électricité, et cetera. Les

  7   Serbes insurgés en Croatie sous pression en partie de la communauté

  8   internationale en partie de Belgrade acceptaient de négocier sur des

  9   questions économiques mais n'acceptaient jamais d'aborder des questions

 10   politiques, et notamment la question de la réintégration au sein de l'Etat

 11   croate.

 12   Juste encore un fait qui est particulièrement important d'un point de vue

 13   historique, au mois de décembre de cette même année, l'assemblée générale

 14   des Nations Unies a pris la résolution 43/44 au terme de laquelle les zones

 15   de protection des Nations Unies était qualifiée de zones occupées et

 16   Belgrade était déclaré responsable de la situation d'occupation et du

 17   nettoyage ethnique dans ces zones. Il s'agit d'un document crucial qui a

 18   été adopté par l'assemblée générale des Nations Unies, résolution 43/44.

 19   Q.  Je voudrais juste situer les choses d'un point de vue géographique et

 20   historique.

 21   On dit qu'un accord a été signé avec les Serbes insurgés en Croatie

 22   concernant la réouverture d'un axe de communication; de quelle partie du

 23   territoire de la République de Croatie s'agit-il ?

 24   R.  On considérait qu'il s'agissait d'une priorité, c'était le secteur

 25   ouest, l'autoroute Zagreb-Belgrade. On pensait avant tout à cela, et à

 26   l'oléoduc qui traversait ce secteur -- ou plutôt, le secteur nord, excusez-

 27   moi, et on a évidemment discuté de la voie de chemin de fer et de sa

 28   réouverture. Un espoir existait véritablement, à ce moment-là, de voir

Page 24630

  1   résolu de façon pacifique la question de la réintégration pacifique de ces

  2   territoires.

  3   Q.  Professeur Granic, dites-nous : quelle était la position du

  4   gouvernement croate que vous y avez participé à des postes importants en

  5   tant que vice-premier ministre -- en tant que ministre des affaires

  6   étrangères, quelle était sa position pour ce qui était de la protection des

  7   minorités, la protection des minorités ethniques et de leurs droits, et

  8   notamment la minorité serbe ?

  9   R.  Il n'a jamais eu le moindre doute à ce sujet, et notamment concernant

 10   le fait que les Serbes étaient les citoyens croates qui devaient bénéficier

 11   du plus haut niveau de protection possible concernant leur droit humain,

 12   leur droit de minorité, leur droit culturel, et ceci d'une façon qui aurait

 13   été conforme aux plus hautes normes européennes. Il n'a jamais eu le

 14   moindre doute à cet égard au sein du gouvernement croate.

 15   Cependant, je dois ici signaler le fait que le problème principal

 16   était le suivant, d'un côté, nous avions les Serbes insurgés. Nous ne

 17   parlons pas ici des Serbes vivant dans des zones urbaines en Croatie, dont

 18   la majorité est restée en Croatie. Je parle ici des Serbes insurgés. Ils

 19   ont été soumis à un endoctrinement puissant pendant de nombreuses années,

 20   et ce au moins depuis 1987, l'arrivée de Milosevic au pouvoir. Leur

 21   dirigeant n'était disposé à accepter aucune forme d'état croate, c'était le

 22   problème principal qui ensuite s'est traduit par le départ de ces personnes

 23   après l'opération Tempête.

 24   Q.  Nous allons y revenir, Professeur.

 25   M. MIKULICIC : [interprétation] Je voudrais maintenant demander, Monsieur

 26   le Président, que ce document, donc le 3D00476, puisse être versé au

 27   dossier.

 28   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

Page 24631

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, le

  3   document reçoit la cote D1799.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est versé au dossier.

  5   M. MIKULICIC : [interprétation]

  6   Q.  Nous avons en introduction, évoqué le fait que la guerre sur le

  7   territoire sur la Bosnie-Herzégovine a représentait une menace sérieuse

  8   pour la Croatie. Nous avons abordé le lien qui existait entre les

  9   opérations militaires en Bosnie et en Croatie.

 10   Alors que je voudrais que vous passiez à l'intercalaire 3.

 11   M. MIKULICIC : [interprétation] Que le Greffier veuille bien nous

 12   afficher le document 3D00675.

 13   Q.  Il s'agit d'un document qui remonte à la mi-novembre 1994, plus

 14   précisément le 12 novembre. Il est signé par M. Alija Izetbegovic,

 15   président de la Présidence de la République de Bosnie-Herzégovine. Donc ce

 16   document, il s'adresse à Franjo Tudjman, président de la République de

 17   Croatie, et de façon implicite, il y est fait référence à une attaque

 18   intense lancée contre la zone protégée de Bihac. Alors le gros de cette

 19   attaque vient du territoire de la Croatie, c'est ce qui est indiqué ici et

 20   notamment des zones de protection des Nations Unies.

 21   M. Izetbegovic poursuit en disant, en appelant le président Tudjman à

 22   appliquer l'esprit de l'article 8 de l'accord de coopération et d'amitié

 23   entre les deux états. Il en appelle au président Tudjman, pour qu'il

 24   entreprenne sans délai toutes les mesures nécessaires pour empêcher ces

 25   attaques lancées depuis le territoire de la République de Croatie contre la

 26   Bosnie-Herzégovine.

 27   Alors vous rappelez-vous ces événements et cette période, Monsieur Granic ?

 28   R.  Oui, je m'en rappelle tout à fait.

Page 24632

  1   Le 11 novembre 1994, j'ai été appelé par le ministre des affaires

  2   étrangères, M. Sacirbey, ce dernier m'a dit que la situation à Bihac était

  3   particulièrement dramatique. Il m'a prié de faire tout ce qui était

  4   possible afin de faciliter au moins la défense de Bihac, parce que les

  5   attaques les plus importantes venaient des Serbes insurgés de Martic.

  6   Ce même soir, j'ai eu une réunion avec le ministre de la défense, M.

  7   Susak, et nous nous sommes mis d'accord, nous avons convenu de proposer

  8   ensemble au président Tudjman que la Croatie opère une percée afin que soit

  9   constitué un corridor d'une vingtaine de kilomètres de large, et ceci, afin

 10   d'empêcher la chute de l'enclave de Bihac et de permettre une amélioration

 11   de la situation.

 12   Nous avons également convenu d'avoir des entretiens avec

 13   l'ambassadeur des Etats-Unis, ce qui a bien eu lieu. Ensuite nous nous

 14   sommes réunis avec Peter Galbraith qui s'est montré enchanté de cette

 15   proposition; cependant, il devait en référer au président Clinton et au

 16   département d'Etat, il devait leur demander leur avis. Le lendemain, le

 17   ministre Susak et moi-même, nous nous sommes rendus en visite auprès du

 18   président Tudjman, c'est en présence d'un certain nombre de personnes dont

 19   le premier ministre Valentic, que nous avons discuté de cette proposition.

 20   Le président Tudjman a donné son accord de principe, mais il nous a

 21   également averti que cela pourrait impliquer l'ouverture d'un front de

 22   toute une ligne de front pour laquelle la Croatie n'avait pas encore achevé

 23   de se préparer, y compris préparatifs, donc y compris pour une opération de

 24   libération,  mais qui pour le moment n'était pas encore prête. Donc à ce

 25   moment-là, il n'a pas opposé son refus à ceci de venir en aide à Bihac,

 26   mais nous avons décidé qu'il convenait d'attendre que les Etats-Unis

 27   prennent officiellement position.

 28   Le 12, Alija Izetbegovic s'était également adressé au président

Page 24633

  1   Tudjman sur ce thème, après cela l'ambassadeur des Etats-Unis est arrivé,

  2   il nous a informés de la position officielle des autorités américaines et

  3   de son intention de faire le maximum par l'intermédiaire du Conseil de

  4   sécurité, mais que ce dernier à ce moment-là, la position était plutôt

  5   contre des opérations militaires. Le président Tudjman a suivi les conseils

  6   des Etats-Unis.

  7   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais

  8   que le document puisse être versé au dossier.

  9   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, le

 12   document reçoit la cote D1800.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est versé au dossier.

 14   M. MIKULICIC : [interprétation] Je voudrais que M. le Greffier puisse

 15   afficher le document 3D00474.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de passer au document suivant, je

 17   surveille l'heure, --

 18   M. MIKULICIC : [interprétation] J'en aurais fini d'ici à deux minutes.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez.

 20   M. MIKULICIC : [interprétation]

 21   Q.  C'est l'intercalaire numéro 4 dans votre classeur, Monsieur Granic.

 22   Alors vous avez dit avoir attendu la position officielle des Etats-

 23   Unis soit connue concernant Bihac. Vous avez dit que M. Galbraith est venu

 24   pour dire que les Etats-Unis ne pouvaient pas pour le moment recommander de

 25   l'action mais qu'ils allaient faire tout leur possible par l'intermédiaire

 26   du Conseil de sécurité.

 27   Alors reportez-vous à ce document qui date du 16 novembre 1994. Il

 28   s'agit d'une note consignant l'entretien entre le président Tudjman et

Page 24634

  1   l'ambassadeur Galbraith. Je pense que je peux reconnaître votre signature

  2   dans le coin inférieur droit.

  3   R.  C'est exact.

  4   Q.  Vous êtes l'auteur de ce document, n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Alors vous dites ici qu'une réunion urgente du Conseil de sécurité va

  7   se tenir à l'occasion de laquelle les Etats-Unis vont demander des mesures

  8   d'urgence afin que soit évitée la chute de l'enclave de Bihac et afin

  9   d'arrêter toute agression supplémentaire qui serait le fait des Serbes de

 10   Bosnie et des Serbes de Krajina.

 11   Alors, Monsieur Granic, question de Bihac était d'une importance telle

 12   apparemment que les Etats-Unis ont estimé nécessaire d'intervenir par

 13   l'intermédiaire du Conseil de sécurité.

 14   Mais pourquoi s'agissait-il d'une question si importante. Pourriez-vous

 15   l'expliquer en quelques frases bien que nous en ayons déjà entendu des

 16   explications à ce sujet ?

 17   R.  C'était une question importante parce que se profilait à l'horizon la

 18   possibilité de voir des crimes de masse commis. Il y avait plus de 100 000

 19   personnes qui aient été pris au piège dans cette enclave, si elle était

 20   tombée cela aurait sans doute fini par devenir l'événement le plus

 21   catastrophique d'une guerre de toute façon catastrophique en Bosnie-

 22   Herzégovine. Par ailleurs, Bihac avait été attaquée et encerclée, aussi

 23   bien par Karadzic et Mladic, et leur armée, d'une part, et d'autre part par

 24   l'armée de Martic, les Serbes insurgés de Martic. En d'autres termes, il

 25   s'agissait d'une opération conjointe de leur part.

 26   Q.  Merci pour votre réponse, Monsieur Granic.

 27   M. MIKULICIC : [interprétation] Je crois que le temps sera bien choisi pour

 28   prendre une pause.

Page 24635

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous prenons donc maintenant

  2   une pause, et nous reprendrons nos débats à 12 heures 50.

  3   --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.

  4   --- L'audience est reprise à 12 heures 52.

  5    M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, je vous en prie.

  6   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous

  7   pouvons demander l'affichage du document 3D00 -- ou plutôt non, je me

  8   reprends. Je souhaiterais demander le versement au dossier de ce document.

  9   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur le Greffier d'audience.

 11   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela deviendra la pièce D1801.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1801 est versée au dossier.

 13   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 14   Q.  Professeur Granic, avant la pause nous étions en train de parler de la

 15   situation à Bihac, et nous avons évoqué les notes que vous avez prises lors

 16   de la réunion entre le président Tudjman et M. L'ambassadeur Peter

 17   Galbraith.

 18   M. MIKULICIC : [interprétation] J'aimerais que la pièce 3D00471 soit

 19   affichée.

 20   Q.  Il s'agit de la pièce qui se trouve à l'intercalaire 5 de votre jeu de

 21   documents.

 22   Alors là vous voyez qu'il y a une évolution de la situation. Vous avez le

 23   président Tudjman, qui du fait de la situation sans doute la zone de Bihac

 24   protégée par les Nations Unies, s'adresse à Mme Albright, qui était la

 25   présidente de l'assemblée générale des Nations Unies, cela le 22 novembre

 26   1994.

 27   Si nous voyons la lettre du président Tudjman, nous voyons en fait qu'il

 28   attire l'attention de Mme Albright sur la situation dans la zone protégée

Page 24636

  1   de Bihac et dans ses environs. Il est indiqué que la situation est

  2   exacerbée ou aggravée à cause des forces rebelles serbes qui attaquent

  3   cette zone à partir des zones protégées par les Nations Unies.

  4   A la deuxième page de cette lettre, voilà ce qu'indique le président

  5   Tudjman :

  6   "C'est la raison pour laquelle je vous lance un appel. En tant que

  7   présidente du conseil de sécurité des Nations Unies, pour que vous preniez

  8   des mesures pour garantir que toutes les résolutions des Nations Unies

  9   soient adoptées. Ce qui permettra d'assurer une solution politique -- de

 10   trouver une solution politique durable à la crise, et une paix durable dans

 11   la région."

 12   Monsieur Granic, vous étiez ministre des affaires étrangères; est-ce que

 13   vous étiez au courant de cette lettre du président Tudjman ?

 14   R.  Oui, tout à fait. En fait c'est une proposition que j'ai faite au

 15   président Tudjman et l'ambassadeur américain en avait été informé. Nous

 16   avions également informé M. le ministre Sacirbey, ainsi que le président

 17   Izetbegovic.

 18   Q.  Quelle fut la réaction face à cette initiative ?

 19   R.  Nous étions fermement convaincus que les Etats-Unis faisaient tout ce

 20   qu'ils pouvaient pour qu'une paix durable règne en Bosnie-Herzégovine.

 21   Nous, nous avons véritablement participé de façon active à ce processus.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

 23   dossier de ce document.

 24   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur le Greffier d'audience.

 26   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce D1802.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1802 est maintenant versée au

 28   dossier.

Page 24637

  1   M. MIKULICIC : [interprétation]

  2   Q.  Professeur, Monsieur le Professeur Granic, nous avons parlé du rôle de

  3   la FORPRONU. Vous voyez qu'il est indiqué dans le document que la FORPRONU

  4   était censée être déployée aux frontières de la République de Croatie.

  5   Toutefois la situation a évolué de façon différente, et je veux dire qu'il

  6   y a eu un mécontentement général en République de Croatie pour ce qui était

  7   du rôle joué par la FORPRONU. Alors nous sommes maintenant à la mi-1995.

  8   M. MIKULICIC : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander l'affaire

  9   de la pièce 3D00468 qui est une pièce que vous trouverez également dans

 10   votre classeur ?

 11   Q.  Il s'agit d'une lettre par laquelle le président Tudjman s'adresse à M.

 12   Boutros-Ghali, secrétaire général des Nations Unies. C'est une lettre qui

 13   porte la date du 12 janvier 1995. C'est une lettre que vous trouvez à

 14   l'intercalaire 6, et dans cette lettre, il fait référence au mandat de la

 15   FORPRONU ainsi qu'au rôle joué par la FORPRONU. A la deuxième page de la

 16   lettre, le président Tudjman déclare que pendant les deux années de

 17   présence de la FORPRONU en Croatie, le processus du nettoyage ethnique des

 18   Croates et des non-Serbes dans les territoires occupés a été en cours et

 19   s'est terminé. Puis il faut savoir qu'avant l'arrivée de la FORPRONU, les

 20   Serbes rebelles, avec l'aide de la JNA ont expulsé quelques 390 milles

 21   citoyens non-serbes. Il y avait parmi eux des Croates, des Tchèques, des

 22   Rutheniens, entre autres, et il faut savoir qu'il y en a plusieurs milliers

 23   qui ont été tués, quelque 600 croates ont été tués et quelque 12 000 parmi

 24   ces mêmes personnes ont été expulsés par la force depuis le déploiement de

 25   la FORPRONU dans cette région, dans cette zone. En guise de conclusion, le

 26   président Tudjman indique que le parlement croate a adopté une résolution

 27   le 23 septembre, résolution en vertu de laquelle il a été décidé que la

 28   FORPRONU, donc les forces de protection des Nations Unies, ne devrait plus

Page 24638

  1   avoir ou bénéficier d'une prorogation de leur mandat.

  2   Alors, Monsieur Granic, vous vous souvenez de la FORPRONU de son mandat,

  3   vous vous souvenez également de la possibilité de la prorogation du mandat

  4   de la FORPRONU dans les territoires occupés, qu'est-ce que vous pouvez nous

  5   dire à ce sujet ?

  6   R.  Nous ne voulions tout simplement pas -- nous ne souhaitions tout

  7   simplement pas avoir la prorogation du mandat de la FORPRONU ou nous ne

  8   voulions plus que la FORPRONU ait de mandat en fait. Parce qu'en fait

  9   c'était un mandat qui en quelque sorte gelait la situation et nous ne

 10   pouvions -- il n'y avait plus de contrôle ou ce type de mandat ne nous

 11   permettait pas de contrôler la frontière. Les attaques contre Bihac à

 12   partir du territoire de la République de Croatie se sont poursuivies, la

 13   FORPRONU n'a pas su en fait opéré au désarmement des armes lourdes alors

 14   que cela a été l'un des objectifs de son mandat, et qui plus est, je dirais

 15   que, bon, il y avait un accord économique qui est entré en vigueur à partir

 16   de décembre 1994 et qui avait été signé. Il faut savoir que cet accord

 17   économique n'était même pas respecté. Et en visant l'annulation de ce

 18   mandat la Croatie ne souhaitait absolument pas provoquer de conflit avec

 19   les Nations Unies, bien au contraire. En invoquant le mandat de la

 20   FORPRONU, nous avons amorcé la discussion à ce sujet. Je pense, par

 21   exemple, à l'aide des Nations Unies, je pense à l'aide de Madeleine

 22   Albright, et des représentants des Nations Unies, et je pense à l'aide du

 23   vice-président Al Gore. Grâce à l'aide de toutes ces personnes, nous avons

 24   essayé de trouver en quelque sorte un dénominateur commun avec les Nations

 25   Unies pour pouvoir envisager un nouveau mandat, un nouveau mandat de

 26   l'ONURC qui était valable seulement pour la Croatie. Il faut savoir que les

 27   tâches et le mandat de l'ONURC étaient beaucoup mieux délimités et beaucoup

 28   mieux définis. Nous pensions que ce nouveau mandat, avec ses tâches qui

Page 24639

  1   étaient extrêmement bien définies, permettrait véritablement de mettre en

  2   application le mandat.

  3   Q.  Alors je pense toujours à la même lettre de M. Boutros-Ghali et j'en

  4   suis maintenant à la page 4 de ce document. Voilà ce que dit le président

  5   Tudjman, il dit à la page 4 que :

  6   "La République de Croatie a respecté sa politique, politique qui visait à

  7   restaurer la paix sur ses territoires tout en continuant à offrir à tous

  8   les citoyens croates une autonomie culturelle et un bon niveau d'autonomie

  9   locale dans ces régions, et dans ces régions où les Serbes étaient

 10   majoritaires d'après le dernière recensement de la population, et le

 11   respect des droits de l'homme était pris en considération, notamment le

 12   respect du droit des minorités. Et c'est un point de vue que les

 13   représentants de la communauté internationale pouvaient prendre en

 14   considération."

 15   C'est juste ce qu'a écrit le président Tudjman dans cette lettre.

 16   J'aimerais savoir s'il s'agissait d'un point de vue qui correspondait

 17   à la politique de l'Etat mené par la République de Croatie que vous

 18   représentiez également ?

 19   R.  Oui, c'est tout à fait exact. Ce qui était voulu coûte que coûte

 20   c'était d'essayer de trouver une solution pacifique et nous voulions

 21   également réintégrer de façon pacifique les zones occupées, nous voulions

 22   faire en sorte qu'elles soient réintégrées dans le système juridique de la

 23   Croatie. Ce point de vue vis-à-vis de la FORPRONU tel que cela a été

 24   expliqué dans la lettre destinée au secrétaire général des Nations Unies,

 25   ce point de vue, disais-je, a véritablement apporté des résultats car la

 26   communauté internationale à la suite de la réception de cette lettre a

 27   commencé véritablement à travailler d'arrache-pied autour de ce qu'on

 28   appelait le plan Z-4. C'était la première fois que la communauté

Page 24640

  1   internationale travaillait à partir d'un plan qui envisageait une solution

  2   pacifique pour cette zone et qui envisageait la réintégration pacifique de

  3   cette zone dans le cadre juridique et constitutionnel de la Croatie.

  4   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais demander

  5   le versement au dossier de ce document.

  6   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça deviendra la pièce D1803.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1803 est maintenant versée au

 10   dossier.

 11   M. MIKULICIC : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander l'affichage

 12   de la pièce 3D00465, je vous prie ?

 13   Q.  Monsieur Granic, vous avez dit dans le cadre de votre déposition et

 14   vous l'avez dit à plusieurs reprises. Vous nous aviez dit donc qu'un accord

 15   avait été conclu avec les Serbes rebelles dans le secteur est pour que des

 16   routes ou pour qu'une route plutôt soit réouverte, à savoir l'axe routier

 17   ou l'autoroute qui reliait Zagreb à Belgrade. Vous avez également indiqué

 18   qu'il y avait certains problèmes posés par les Serbes rebelles pour ce qui

 19   était de la mise en application de cet accord.

 20   Alors est-ce que vous pourriez étoffer un peu votre propos et en fait une

 21   façon de présenter également l'opération Eclair ?

 22   R.  Alors avant de parler de l'opération Eclair je vous dirais que le plan

 23   Z-4 auquel avaient œuvré conjointement les ambassadeurs des Etats-Unis, de

 24   la Russie, de l'Allemagne, et il s'agissait d'un plan qui n'était pas

 25   favorable à la Croatie car il octroyait aux Serbes un Etat dans l'Etat à

 26   l'intérieur de l'Etat, et la Croatie en fait, bon, indépendamment du fait

 27   qu'elle trouvait que cela était difficile à accepter, a participé quand

 28   même aux négociations et aux discussions. Alors que les rebelles serbes, en

Page 24641

  1   commençant par Martic lui-même, avaient refusé d'accepter l'accord. Il faut

  2   savoir que l'accord économique, qui avait été signé avec les Serbes - non

  3   pas seulement les Serbes de Krajina - mais tous les Serbes étaient censés

  4   assurer l'ouverture de l'autoroute qui reliait Zagreb à Belgrade.

  5    Toutefois, il y avait quotidiennement des incidents qui étaient provoqués

  6   par eux d'ailleurs avec -- et cela se soldait par des victimes. Ils

  7   voulaient, par le biais de ces incidents, indiquer, de façon très claire,

  8   qu'il était extrêmement périlleux d'utiliser cette autoroute. Ce qui a

  9   provoqué beaucoup de mécontentement parmi la population de la Croatie car

 10   on les présentait en fait comme des partenaires peu fiables de tout accord

 11   économique ou politique, et en fait, eux, ils ne voulaient absolument pas

 12   en parler.

 13   Q.  Mais vous avez dit que la Croatie avait dû trouver des solutions pour

 14   un nombre important de réfugiés. Vous avez dit que la Croatie se trouvait

 15   en proie avec des problèmes économiques et financiers. Alors j'aimerais

 16   savoir donc : quelle était l'importance au vu des conditions ? Quelle était

 17   l'importance de cette autoroute et pourquoi est-ce qu'il a fait partie de

 18   cet accord ?

 19   R.  Il avait son importance, son importance économique à la fois la voie

 20   ferrée, l'axe routier Zagreb-Split, Zagreb-Belgrade avait été interrompu

 21   tout comme d'ailleurs l'ancien oléoduc, ce qui d'ailleurs a représenté pour

 22   la Croatie énormément de dégâts et tout comme la fermeture de l'autoroute

 23   Belgrade-Lipovac-Belgrade. Cela montait que les Serbes locaux ne voulaient

 24   absolument pas participer de façon sérieuse aux pourparlers, y compris les

 25   pourparlers qui étaient censés déboucher sur des solutions économiques, et

 26   cela montrait qu'ils n'étaient absolument pas des partenaires fiables.

 27   Q.  A la suite des discussions aux Nations Unies, à la suite des lettres

 28   que vous et le président Tudjman avez envoyées, et à la suite également de

Page 24642

  1   la signature de cet accord économique qui a été voué à l'échec, il y a eu

  2   donc cette opération Eclair, opération de la police, opération militaire

  3   qui a débuté le 3 mai 1993.

  4   Il s'agit de et j'aimerais que vous preniez, Monsieur Granic,

  5   l'intercalaire le document qui se trouve à l'intercalaire 7 de votre

  6   classeur qui correspond à la pièce 3D0065.

  7   Il s'agit du message adressé par le président de la République de Croatie,

  8   M. Tudjman, message donc qu'il adresse aux Croates ainsi qu'aux autres

  9   citoyens de la Croatie le 3 mai 1995.

 10   M. MIKULICIC : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander l'affichage

 11   de la page numéro 3 du document, 3D00465 ? Le document est déjà affiché à

 12   l'écran mais j'aimerais demander l'affichage de la troisième page du

 13   document.

 14   Q.  Alors ce que nous avons sur la gauche de l'écran c'est exact mais je

 15   pense que nous n'avons toujours pas le bon document pour le côté droit.

 16   Dans ce document, au milieu de la page, voilà ce que dit le président :

 17   "En même temps ou par ailleurs en tant que président de la Croatie,

 18   j'invite les Serbes de Croatie à renoncer -- et à ne pas tenir compte de

 19   ceux qui les conduisent à leur ruine. Je les invite à respecter

 20   l'intégration pacifique des zones qui sont encore occupées pour qu'elles

 21   deviennent partie intégrante du système constitutionnel juridique et

 22   économique de la République démocratique de Croatie. Les autorités croates

 23   garantissent à la communauté d'appartenance ethnique serbe tous leurs

 24   droits tels que stipulés par la constitution croate et par la loi

 25   constitutionnelle extraordinaire conformément aux conventions -- à toutes

 26   les conventions internationales. S'ils ne renoncent pas à la résistance

 27   armée, la Croatie saura comment établir son autorité sur son territoire à

 28   l'intérieur des frontières reconnues internationalement et elle sera à même

Page 24643

  1   de le faire comme elle l'a fait avant-hier et hier en Slavonie

  2   occidentale."

  3   Alors, Monsieur Granic, nous pouvons voir que le président Tudjman

  4   s'adresse donc au public en mai 1995, et le 3 mai 1995, pour être plus

  5   précis, et exhorte les communautés d'appartenance ethnique serbe à accepter

  6   l'intégration pacifique de cette zone en République ou à la République de

  7   Croatie. Est-ce qu'il s'agit du type de politique d'Etat à laquelle vous

  8   avez contribué en tant que ministre des affaires étrangères ? Qu'est-ce que

  9   vous pouvez nous dire à propos de ce message ?

 10   R.  L'opération Eclair qui est une opération militaire et une opération de

 11   police avait comme rôle ou comme objectif essentiel l'ouverture de

 12   l'autoroute Zagreb-Belgrade.

 13   Le deuxième objectif une fois que le premier objectif avait été atteint

 14   était de libérer la zone occupée, et ce que l'on appelait en fait les zones

 15   protégées par les Nations Unies à l'ouest. Il n'y avait pas eu de

 16   violations de droits de l'homme ou de violations des conventions

 17   internationales, c'est-à-dire que nous avions [imperceptible] -- juridiques

 18   soit une coopération avec toutes les institutions spécialisées des Nations

 19   Unies, et je pense, par exemple, au Haut-commissariat pour les Réfugiés; je

 20   pense au CICR, par exemple, et je dirais que nous avions une coopération

 21   excellente.

 22   En commençant sur une période, cette opération s'est terminée en quelques

 23   34 heures et a montré que l'Etat était résolu. S'il ne parvenait pas par

 24   des moyens pacifiques à faire en sorte que la zone en question soit

 25   réintégrée à la Croatie de façon armée. Mais nous espérions également que

 26   cela serve de mise en garde à l'intention de Martic et des autres pour les

 27   inciter à participer à des pourparlers sérieux avec la Croatie pour

 28   envisager donc cette réintégration pacifique en Croatie.

Page 24644

  1   La réaction a été que de nombreuses personnes ont été bombardées, et

  2   à Zagreb, il y a eu sept personnes qui ont été tuées, 196 qui ont été

  3   blessées, notamment il ne faut pas oublier que l'un des objectifs était

  4   l'hôpital Klaiceva, qui était un hôpital pédiatrique dans lequel je suis

  5   allé en compagnie de plusieurs ambassadeurs. Nous avons montré que ce qui a

  6   suivi était une coexistence avec les Serbes qui sont restés, grâce à une

  7   aide directe et à une protection.

  8   Je vais répéter ce que je viens de dire. Cette opération n'a pas fait

  9   l'objet d'objection de la part de la communauté internationale parce que

 10   j'étais ministre des affaires étrangères et j'ai visité en présence des

 11   différents ambassadeurs la région en question. C'était précisément le 3 ou

 12   le 4 où je me suis entretenu avec tous les ministres des affaires

 13   étrangères pertinents des pays voisins et du monde entier. Je leur ai

 14   expliqué les raisons pour lesquelles cette opération avait été menée, et

 15   aucune pression n'avait été exercée par la communauté internationale sur la

 16   Croatie à proprement parler.

 17   M. MISETIC : [interprétation] Bon, je me lève parce que je souhaite que

 18   l'on vérifie l'interprétation, s'il vous plaît. Page 79, il y a une phrase

 19   qui commence à la ligne 4 et qui se poursuit jusqu'à la ligne 5; je crois

 20   qu'il y a un adjectif ici qui a été omis et qui peut s'avérer important.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Granic. Veuillez écouter

 22   attentivement. Je vais vous lire ce que nous avons ici sur notre compte

 23   rendu d'audience et s'il y a un mot qui manque que vous souhaiteriez

 24   évoquer ou prononcer, veuillez nous le dire, s'il vous plaît.

 25   Donc je vais vous le lire :

 26   "Nous avons eu une excellente coopération --

 27   M. MISETIC : [interprétation] Il s'agit de la phrase précédente.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Phrase précédente, je recommence donc à

Page 24645

  1   lire :

  2   "Il n'y avait eu aucune violation des droits de l'homme ni violations des

  3   conventions internationales."

  4   Est-ce qu'il y manque un terme ici ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] "Il n'y a eu aucune violations graves des

  6   droits de l'homme ni violations des conventions internationales."

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc c'est le terme "graves" qui a

  8   été omis. Bien.

  9   Veuillez poursuivre, Maître Mikulicic.

 10   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci.

 11   Monsieur le Président, je demande le versement au dossier de ce

 12   document, s'il vous plaît.

 13   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D1704 -- 1804 --

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce document -- cette pièce est versée au

 17   dossier, D81804.

 18   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 19   Q.  Monsieur le Professeur, votre activité diplomatique pendant la crise

 20   s'est poursuivie.

 21   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vais maintenant demander l'affichage du

 22   document 3D00497.

 23   Q.  A l'intercalaire numéro 9 dans votre classeur, vous répondez dans cette

 24   lettre au vice-premier ministre japonais, M. Kono. Est-ce que nous pouvons

 25   passer à la page 2, s'il vous plaît, l'avant-dernier paragraphe, s'il vous

 26   plaît ? Vous dites :

 27    "La République de Croatie pense encore et nous allons persévérer

 28   dans ce sens le plus longtemps possible que les négociations et les

Page 24646

  1   résolutions pacifiques sont les meilleurs moyens de sortir de cette crise.

  2   Nous avons l'intention par exemple de transformer la Slavonie occidentale

  3   en fenêtre, représentant la réintégration pacifique et de poursuivre notre

  4   coopération avec la communauté internationale et d'appuyer tous ces efforts

  5   pour essayer d'obtenir une paix juste et durable dans l'Europe du sud-est.

  6   Mais pour suivre une telle politique, il nous faut l'entière compréhension

  7   et soutien de la communauté internationale."

  8   Est-ce que vous reconnaissez cette lettre comme étant la vôtre ?

  9   Si vous remontez un petit peu vers le haut, peut-être que nous pourrons

 10   voir la signature.

 11   Alors quel type de contact avec M. Kono s'agissait-il ici ?

 12   R.  Il s'est rendu en visite en République de Croatie, ceci a -- c'était le

 13   jour qui a précédé l'opération Tempête. Bien évidemment, à ce moment-là, je

 14   ne pouvais pas évoquer l'opération Tempête en tant que telle, parce que ce

 15   n'est que le lendemain, lors de la réunion du Conseil de sécurité national

 16   que la décision a été prise pour lancer l'opération.

 17   Comme je vous l'ai dit, cette décision a été prise en raison de

 18   provocations incessantes et d'incidents graves qui ont provoqué la mort

 19   d'aucuns. Donc j'estime que c'est de mon devoir d'informer mon collègue, le

 20   ministre Kono, donc mon homologue, de l'existence de cette opération, des

 21   raisons derrières cette opération, de ses objectifs, et quelles étaient nos

 22   intentions à la suite de cette opération. Nous pensions toujours que tout

 23   semblait indiquer que les Serbes locaux allaient choisir une voie

 24   rationnelle pour sortir de la situation en décidant de négocier sur ces

 25   questions-là, afin d'obtenir une réintégration pacifique au système

 26   juridique de l'Etat croate.

 27   Q.  Lorsque vous avez parlé d'opération, Monsieur le Professeur, quelle

 28   opération entendiez-vous ou aviez-vous à l'esprit?

Page 24647

  1   R.  L'opération Eclair.

  2   Q.  Je vous pose la question, parce qu'au compte rendu d'audience, à la

  3   page 80, ligne 22, on peut lire opération Tempête. Je crois que M. Granic

  4   n'a pas évoqué cela, d'où la correction.

  5   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

  6   versement au dossier de ce document, s'il vous plaît.

  7   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce

 10   D1805.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est admis au dossier.

 12   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Est-ce que nous pouvons afficher maintenant la pièce 3D00503, s'il vous

 14   plaît.

 15   Q.  Monsieur le Professeur, les activités diplomatiques de la Croatie ont

 16   été menées à la fois, par le bureau du président d'une part, et d'autre

 17   part, par le ministre des affaires étrangères -- le ministère des Affaires

 18   étrangères, n'est-ce pas ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  A ce moment-là, c'est le ministre Sarinic était là. Quel poste

 21   occupait-il ?

 22   R.  Il était à la tête du bureau du président. Il présidait le bureau du

 23   président, et en tant que tel, il avait pour mission de communiquer avec le

 24   bureau des Nations Unies à Zagreb. Il avait également d'autres missions

 25   distinctes, qui lui ont été confiées au moment où il a rencontré plusieurs

 26   fois M. Milosevic, et pour essayer de trouver une solution pacifique au

 27   conflit dans cette région de l'ex-Yougoslavie.

 28   Q.  A l'écran, Monsieur le Professeur, vous voyez la lettre qu'il a envoyée

Page 24648

  1   le 28 juin 1995. Cette lettre a été envoyée à M. Yasushi Akashi; c'est à

  2   l'intercalaire 11. Il s'adresse à M. Akashi, en disant que -- je cite :

  3   "A ma grande surprise, j'ai reçu la réponse qui a été envoyée en votre

  4   absence par le général Bernard Janvier, indiquant que vous ne disposiez pas

  5   d'information sur l'entrée de l'armée et d'armes lourdes de l'ex-

  6   Yougoslavie en territoire occupé de la République de Croatie."

  7   Monsieur le Professeur, quel était le contexte de ces événements qui a fait

  8   que M. Sarinic a envoyé cette lettre ? Vous voyez la lettre de suivi qui

  9   émane de vous également.

 10   M. KEHOE : [interprétation] Je crois que M. Mikulicic a dit par erreur --

 11   ou a cité le mois de juin par erreur. Je crois qu'il s'agit du mois de

 12   juillet 1995, la lettre est datée de juillet 1995, à la ligne 10 de la page

 13   83, Me Mikulicic a parlé du mois de juin.

 14   M. MIKULICIC : [interprétation] Moi, j'ai l'original ici, nous avons

 15   visiblement un problème de traduction. En croate, on dit bien : 28 juin.

 16   Donc je vais poser la question au témoin, je vais lui demander s'il est en

 17   mesure de nous dire quelque chose à ce sujet.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

 19   M. MIKULICIC : [interprétation]

 20   Q.  Monsieur Granic, dans l'original en croate, nous avons la date du 28

 21   juin. Dans la traduction anglaise, qui nous vient du service de traduction

 22   de ce Tribunal, nous avons la date du 28 juillet. Pouvez-vous nous dire

 23   quelle est la date exacte ?

 24   R.  Je suis tout à fait affirmatif et sûr, il s'agit du 28 juin.

 25   Q.  Merci. Veuillez nous parler davantage du contexte de tous ces

 26   événements.

 27   R.  A ce moment-là, Milosevic avait envoyé le général Mrksic pour qu'il

 28   réorganise l'armée, avait détaché le général Mrksic pour qu'il réorganise

Page 24649

  1   l'armée. Il y avait beaucoup d'armes lourdes en présence. On lui a demandé

  2   de faire des manœuvres et les activités militaires ont été développées. Il

  3   ne souhaitait pas assister à des pourparlers ou à des négociations pour

  4   obtenir une réintégration pacifique.

  5   Au contraire, ils ont développé leurs activités militaires, à ce moment-là,

  6   les Serbes de Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire Karadzic et les Serbes;

  7   Martic négociait et rendait des décisions sur la création d'un Etat commun.

  8   A ce moment-là, les Serbes de Croatie participaient activement à

  9   l'encerclement de Bihac et Belgrade proposait son aide active. M. Sarinic a

 10   averti les uns et les autres pour essayer d'en informer M. Akashi, et

 11   souhaiter lui dire par quelle voie ces armes lourdes parvenaient dans cette

 12   région.

 13   Q.  Tout ceci s'est passé au vu et au su de la FORPRONU, n'est-ce pas, qui

 14   contrôlait la frontière croate ?

 15   R.  C'est tout à fait exact.

 16   M. MIKULICIC : [interprétation] Je souhaite demander le versement au

 17   dossier, s'il vous plaît.

 18   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce donc -- il s'agit de la

 21   pièce D1806. 

 22   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 23   M. MIKULICIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant avoir le

 24   document 3D00495, s'il vous plaît ?

 25   Q.  Ceci se trouve à l'intercalaire numéro 12 dans votre classeur. A cette

 26   même date, donc le 28 juin, lorsque M. Sarinic envoie une lettre à M.

 27   Akashi concernant l'arrivée d'effectifs, de matériel de la VJ sur le

 28   territoire de la République de Croatie, vous aussi, vous adressez une

Page 24650

  1   lettre, mais vous l'adressez au secrétaire général des Nations Unies, M.

  2   Boutros-Ghali - en page 2 de cette lettre, si nous pouvons toutefois passer

  3   à la page 2 dans l'affichage - vous indiquez précisément qui sont les

  4   officiers supérieurs de la VJ qui sont arrivés sur le territoire de la

  5   République de Croatie, le colonel Slobodan Tarbuk. Uros Despotovic, qui est

  6   un colonel également, le lieutenant-colonel Vucekovic [phon], tous deux de

  7   la VJ.

  8   Alors quelle était votre intention en adressant cette lettre à M. Boutros-

  9   Ghali, s'il vous plaît ?

 10   R.  C'était à l'époque de l'opération Eclair déjà et après cette dernière

 11   que nous avons reçu des informations et des documents directs indiquant que

 12   tous les soldats de la soi-disant armée de la Republika Srpska, VRS,

 13   percevaient leur solde en provenance de Belgrade, donc étaient contrôlés

 14   directement par Belgrade. A cette étape-ci, maintenant nous recevons des

 15   éléments, nous indiquant que de nouveaux officiers supérieurs sont arrivés

 16   de Belgrade sur le territoire de la Republika Srpska. Alors nous avons

 17   averti le secrétaire général des Nations Unies de la radicalisation des

 18   Serbes insurgés et de l'aggravation de la situation. Nous l'avons également

 19   averti du fait que tout cela se passait alors que le mandat de la FORPRONU

 20   avait été renouvelé donc ce mandat est renouvelé et en parallèle les Serbes

 21   renforcent leur armement et reçoivent des renforts de la VJ, y compris des

 22   officiers supérieurs qui se rendent sur le territoire de la République de

 23   Croatie, le territoire de la Krajina.

 24   Q.  [aucune interprétation]

 25   L'INTERPRÈTE : Hors micro.

 26   M. MIKULICIC : [interprétation]

 27   Q.  Donc au début de cette page, au premier paragraphe, vous signalez qu'il

 28   s'agit là d'une violation directe des résolutions du Conseil de sécurité et

Page 24651

  1   notamment de la Résolution 9988, parce qu'il y a transport de soldats à

  2   bord de véhicules qui transportent également des armes à travers la

  3   frontière donc la frontière de Raca, et ce, depuis le 14 juin 1995 à

  4   destination des territoires occupés dans la Croatie.

  5   Alors pourriez-vous nous dire quelle était la réaction qui a suivi l'envoie

  6   de cette lettre par vous ?

  7   R.  Il est indubitable que cette lettre a suscité une grande préoccupation

  8   tant du secrétaire général que de M. Akashi. Malheureusement, rien de

  9   concret n'a été entrepris, aucun de ces soldats n'a été contraint de faire

 10   demi-tour, aucune arme n'a été saisie. Par conséquent, rien ne s'est

 11   produit. C'est un fait.

 12   M. MIKULICIC : [interprétation] Je souhaiterais que ce document puisse être

 13   versé au dossier, Monsieur le Président.

 14   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose, Monsieur Waespi, que vous

 16   avez voulu dire que vous n'aviez pas d'objection, ce qui n'apparaît au

 17   compte rendu d'audience.

 18   Sur cette base, Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.

 19   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote D1807.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est versé au dossier.

 21   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Q.  Professeur, alors l'ensemble de ce contexte comprenant les

 23   avertissements lancés et faisant état du renforcement des forces serbes sur

 24   le territoire occupé par la République de Croatie est également lié aux

 25   événements qui se sont déroulés sur l'Etat voisin de Bosnie-Herzégovine et

 26   la situation notamment à Bihac, n'est-ce pas ?

 27   R.  Tout à fait. Il s'était dit à la situation à Bihac et autour de Bihac,

 28   mais pas uniquement à la situation à Bihac.

Page 24652

  1   Je dois vous dire qu'à cette époque a eu lieu un événement tragique

  2   qui a été largement déterminant pour ce qui était de notre comportement.

  3   Mon comportement personnel tant que -- ou tout autant que la réaction de la

  4   République de Croatie. Il s'agissait de la chute de Srebrenica, je pourrais

  5   à ce sujet je souhaiterais pouvoir m'exprimer devant la Chambre.

  6   Q.  Professeur, ce Tribunal a déjà eu l'occasion d'entendre un certain

  7   nombre de déclarations concernant la chute de Srebrenica et le destin

  8   tragique des Bosniaques à ce jour --

  9   M. MIKULICIC : [interprétation] Donc à moins que la Chambre n'en formule la

 10   demande, je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire de revenir dessus.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je ne vois pas de pertinence

 12   directe à aborder davantage de sujets de Srebrenica pour ce qui est de ce

 13   témoin.

 14   M. MIKULICIC : [interprétation]

 15   Q.  Peut-être faut-il juste signaler ou en tout cas ne pas oublier que

 16   Srebrenica était une zone protégée des Nations Unies, une zone de

 17   protection des Nations Unies, n'est-ce pas ?

 18   R.  En effet, Srebrenica était une zone de protection des Nations Unies, et

 19   M. Akashi, en tant que représentant des Nations Unies, en était directement

 20   responsable.

 21   Le 10 juillet, en tant que ministre des affaires étrangères, j'ai emmené

 22   une délégation d'ambassadeurs pour qu'ils puissent assister à l'ouverture

 23   des jeux de la saison culturelle à Dubrovnik, à 5 heures de l'après-midi --

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que vous nous avez proposé de

 25   parler de Srebrenica, nous avons envisagé la chose, et nous avons décidé

 26   que cela n'était pas nécessaire, mais il semble que vous ayez malgré tout

 27   commencé à nous en parler. Parce qu'à vrai dire, la seule question qui vous

 28   est posée, est celle de savoir si Srebrenica était bien ou non une zone de

Page 24653

  1   protection des Nations Unies, et Me Mikulicic a bien dit, c'est peut-être

  2   la seule chose que nous devrions rappeler.

  3   Vous avez commencé par répondre que Srebrenica était bien une zone de

  4   protection des Nations Unies, donc vous avez répondu à la question.

  5   Veuillez, s'il vous plaît, Monsieur Granic, attendre que la question

  6   suivante soit posée. Merci.

  7   Continuez.

  8   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Je voudrais que le greffe veuille bien afficher le document 3D00486 à

 10   l'écran, s'il vous plaît.

 11   Q.  C'est l'intercalaire numéro 13 de votre classeur, Monsieur Granic.

 12   Nous en sommes déjà à la fin de juillet 1995. La situation à Bihac est

 13   grave, et vous adressez, le 20 juillet 1995, cette lettre à M. Martinez

 14   Blanco, qui préside à l'époque le Conseil de sécurité des Nations Unies.

 15   Vous dites dans cette lettre que votre gouvernement est extrêmement

 16   préoccupé au vu des événements qui se déroulent dans le cadre de

 17   l'offensive lancée contre la zone de protection de Bihac. Plus loin, vous

 18   faites état de ce qu'ils aient lancé des attaques à partir du territoire

 19   croate à travers la frontière. En page 2 de votre lettre, vous indiquez

 20   qu'il s'agit d'une violation des résolutions du Conseil de sécurité, que

 21   l'ONURC qui intervient sur ce territoire, conformément au mandat qui est le

 22   sien, rencontre également des difficultés très sérieuses du point de vue

 23   des restrictions imposées à sa liberté de circulation, et pour ce qui est

 24   du contrôle qu'elle est censée exercer sur la frontière, vous dites

 25   souhaiter que cette lettre émanant de vous soit comprise comme émanant du

 26   gouvernement croate et exprimant un souhait que les résolutions du Conseil

 27   de sécurité souhaite appliquer.

 28   Vous souvenez-vous de cette lettre, Monsieur Granic ?

Page 24654

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Quelles en étaient les motivations -- les raisons ainsi que les

  3   réactions qu'elle a suscitées ?

  4   R.  Immédiatement après la chute de Srebrenica, nous n'étions pas au

  5   courant des proportions des crimes qu'il y avait été commis. Nous savions

  6   que les hommes avaient été emmenés et nous étions absolument terrifiés à

  7   l'idée qu'une situation semblable puisse se reproduire à Bihac, alors même

  8   que Bihac faisait l'objet d'attaques lancées à partir du territoire de la

  9   République de Croatie. Un élément supplémentaire, nous avons pris en

 10   considération était le suivant, je pense que c'était le 17 ou peut-être le

 11   18 juillet, le président Demirel, le président turc, était en visite en

 12   République de Croatie à ce moment-là. Il a eu des entretiens avec le

 13   président Tudjman et il a prié tant le président Tudjman que moi-même de

 14   faire tout ce qui était en notre pouvoir pour sauver Bihac. Il nous a

 15   demandé de venir en aide aux Bosniaques dans cette situation

 16   particulièrement difficile, et je lui ai promis de le faire.

 17   J'ai fait tout ce que je pouvais pour qu'il y ait un entretien entre le

 18   président Tudjman et Izetbegovic. J'ai appelé par téléphone le président

 19   Izetbegovic, je lui ai dit que le président Tudjman souhaitait le

 20   rencontrer. J'ai appelé le président Tudjman pour lui indiquer que le

 21   président Izetbegovic souhaitait procéder de la même façon. J'ai eu le

 22   soutien de l'un et de l'autre et j'ai organisé la réunion à Split. J'ai

 23   préparé très soigneusement la déclaration de Split, et cela, dans le

 24   premier cercle des collaborateurs du ministère des Affaires étrangères.

 25   Après cela, ce n'est qu'après la rencontre des deux présidents en présence

 26   des ambassadeurs américain et allemand, ce n'est qu'après qu'ils se sont

 27   assis à une même table qu'ils ont consulté le texte de cet accord, ils

 28   n'ont proposé que des changements mineurs et c'était un instrument

Page 24655

  1   absolument crucial. C'était la meilleure façon de venir en aide à la

  2   Bosnie-Herzégovine puisqu'en fait nous avons de la sorte garanti la

  3   possibilité d'une, la possibilité tout à fait légale d'une aide militaire

  4   de la Croatie, y compris en faisant intervenir l'armée croate en Bosnie-

  5   Herzégovine, et il s'agissait en fait du premier accord d'amitié de

  6   coopération signé entre les présidents Tudjman et Izetbegovic. Quatre jours

  7   plus tard, nous nous sommes rencontrés à l'aéroport de Split et c'est sur

  8   invitation du président Izetbegovic que l'armée croate conjointement avec

  9   le HVO et l'ABiH est intervenue pour la première fois dans le cadre

 10   d'opération militaire, les opérations de Grahovo et Glamoc afin de soulager

 11   l'enclave de Bihac, afin de venir en aide pour que soit réduite la pression

 12   exercées sur Bihac. C'était tout à fait concrètement l'aide maximale que

 13   l'on pouvait fournir face à la menace de la chute de l'enclave de Bihac.

 14   M. MIKULICIC : [interprétation] Je voudrais que le document puisse être

 15   versé.

 16   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, le document

 19   reçoit la cote D1808.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est versé au dossier.

 21   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, je surveille l'heure.

 23   Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est du point de vue de votre planning ?

 24   Vous aviez indiqué que vous auriez besoin de quatre séances.

 25   M. MIKULICIC : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président, que j'en

 26   aurai fini aux termes des deux premières séances de demain.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous apprécierions que vous

 28   fassiez des efforts afin de respecter ce planning et peut-être même de

Page 24656

  1   faire encore plus court.

  2   M. MIKULICIC : [interprétation] Je ferai de mon mieux, Monsieur le

  3   Président.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui est des autres parties ?

  5   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aurais besoins

  6   d'environ deux séances.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Deux séances ou moins.

  8   Maître Cayley.

  9   M. CAYLEY : [interprétation] J'aurais besoin d'une session, peut-être un

 10   peu moins.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.

 12   M. WAESPI : [interprétation] Je pense que ce que nous avions indiqué

 13   c'était entre quatre et six séances.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. J'ai peut-être omis cela.

 15   Alors j'ai parlé des détails dans lesquels nous nous aventurons et du

 16   contexte.

 17   Monsieur Granic, je souhaite vous rappeler comme je le fais toujours avec

 18   les témoins que vous n'êtes censé communiquer avec personne au sujet de la

 19   déposition que vous avez donnée et de celle que vous allez donner au cours

 20   des jours qui suivent. Je vais faire l'exception suivante, compte tenu du

 21   fait que la défense Markac a reçu un certain nombre de documents de façon

 22   très tardive, la Chambre a permis à la défense du général Markac d'aborder

 23   la question de ces documents nouveaux avec vous, donc il ne s'agit

 24   absolument pas de discuter de documents que vous avez déjà abordés par le

 25   passé, mais uniquement de pouvoir aborder des documents qui sont des

 26   documents nouveaux. La Défense Markac a reçu pour instruction de se

 27   conformer strictement à une ordonnance lui enjoignant de ne discuter de

 28   rien d'autre avec vous que de ces documents nouveaux et des sujets qui les

Page 24657

  1   concernent. Vous êtes donc prié de ne discuter de n'aborder votre

  2   témoignage à ce jour et du témoin que vous donnerez ces jours suivants avec

  3   personne, y compris avec la défense Markac, à l'exception des sujets

  4   abordés dans ces documents nouveaux.

  5   Nous aurons le plaisir de vous revoir demain à 9 heures dans cette

  6   même salle d'audience. L'audience est levée jusqu'à cette date.

  7   --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mercredi 18

  8   novembre 2009, à 9 heures 00.

  9  

 10  

 11  

 12  

 13  

 14  

 15  

 16  

 17  

 18  

 19  

 20  

 21  

 22  

 23   

 24  

 25  

 26  

 27  

 28