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1 Le mardi 17 novembre 2009
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes présentes
6 dans le prétoire et à l'extérieur du prétoire.
7 Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, je vous prie.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,
9 Monsieur les Juges.
10 Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre Ante Gotovina
11 et consorts.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier
13 d'audience.
14 Maître Kuzmanovic, il m'a été dit que vous souhaitiez vous adresser à la
15 Chambre à propos de la question de communication dont nous avons parlé
16 hier.
17 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, tout à fait.
18 M. Waespi et moi-même, nous nous sommes entretenus ce matin, et je voulais
19 juste indiquer à la Chambre que nous avons commencé à nous pencher sur le
20 document dont il a été question hier dans la nuit, d'avant-hier à hier.
21 Donc il y a environ quelque 3 000 pages de documents. Sur ces 3 000 pages,
22 quelque 1 100 pages ne nous n'avaient pas été communiquées précédemment ce
23 qui fait que nous n'avons pas saisi dans notre système.
24 Donc, bien entendu, cela représente beaucoup de travail; j'ai passé
25 l'essentiel de ma soirée hier à étudier ou à essayer de parcourir cela.
26 Nous aimerions en fait, au vu de la proposition dont nous avions parlé
27 hier, et eu égard à ces documents, qui n'avaient pas été communiqués
28 auparavant, et M. Waespi vient de m'informer ce matin qu'il y avait encore
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1 une autre communication beaucoup moins importante d'ailleurs, beaucoup
2 moins volumineuse, mais s'il s'agit d'un document qui sera nécessaire et
3 qui sera présenté par l'entremise du témoin après que le document -- après
4 que le témoin - pardon - aura prononcé la déclaration solennelle, parce que
5 je pense cela est véritablement nécessaire, au vu des circonstances.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Waespi.
7 M. WAESPI : [interprétation] Alors il y a une bonne nouvelle d'abord deux
8 choses. Nous avons juste vérifié par rapport au document important que nous
9 avons reçu en vertu de l'article 70, nous nous sommes demandés quelle
10 allait être l'autorisation d'utiliser ce document - et je pense en fait que
11 nous pourrions vous le donner, nous en avons un exemplaire papier - je
12 pense que c'est un document très important, donc il pourra être présenté au
13 témoin.
14 Je pense qu'il est exact de dire que nous avons terminé l'examen de ces
15 dossiers.
16 Comme je vous l'ai dit, il y a quelque 29 documents anglais, en règle
17 générale, qui sont pour l'essentiel des documents de sources ouvertes, la
18 BBC, Reuters. Je vous donnerai les références mais c'est ce que nos
19 vérifications ont révélées, donc il y en a qui n'avait pas été communiqué.
20 Il y a également quelques centaines -- 175 documents en B/C/S, il s'agit
21 essentiellement de sources B/C/S. Nous allons voir si cela a été
22 communiqué; sinon, vous obtiendrez les documents aujourd'hui.
23 Voilà ce qu'il en est en matière de communication.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc je dois comprendre, Maître
25 Kuzmanovic, que bien qu'avec une certaine réticence, vous êtes disposé à
26 commencer l'interrogatoire du témoin suivant, mais vous pensez que vous ne
27 pourrez le faire que si vous avez la possibilité de vous entretenir avec le
28 témoin de ces nouveaux documents communiqués; c'est cela ?
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1 M. KUZMANOVIC : [interprétation] C'est tout à fait cela, Monsieur le
2 Président.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela est consigné au compte rendu. Je
4 vous en remercie.
5 Monsieur Waespi.
6 M. WAESPI : [interprétation] Afin d'accélérer la procédure, je peux donner
7 l'exemplaire papier maintenant à Me Kuzmanovic.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
9 M. KUZMANOVIC : [interprétation] J'aimerais également soulever deux autres
10 questions auprès de la Chambre. Il s'agit en fait du témoin suivant ou
11 plutôt du témoin actuel, du témoin qui dépose à l'heure actuelle. Je pense
12 qu'il faudrait peut-être passer à huis clos partiel pour aborder ce dont je
13 veux parler, je ne pas entrer dans les détails.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel.
15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
16 partiel.
17 [Audience à huis clos partiel]
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15 [Audience publique]
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier
17 d'audience.
18 Maître Mikulicic, vous avez dit : "Errare humanum est," et je dois dire
19 qu'immédiatement, je le souligne parce que j'ai oublié de fournir les
20 consignes d'usage au témoin, donc je suis entièrement d'accord avec vous.
21 Les parties en ont été informées et ont été informées que je vais demander
22 à M. le Greffier quelque cinq secondes après cette erreur de fournir les
23 instructions ou les consignes nécessaires au témoin.
24 Donc nous allons passer à huis clos pour reprendre, pour continuer à
25 écouter la déposition du témoin, qui a commencé hier.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos,
27 Monsieur le Président.
28 [Audience à huis clos]
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13 Pages 24567-24607 expurgées. Audience à huis clos.
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4 [Audience publique]
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
6 Nous allons faire une pause et nous reprendrons à 11 heures 20. Nous
7 reprendrons en audience publique.
8 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Le témoin suivant est déjà là. Il est
9 prêt.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Vous pourrez commencer votre
11 interrogatoire principal après la pause qui sera jusqu'à 11 heures 20,
12 comme j'ai déjà dit.
13 --- L'audience est suspendue à 10 heures 53.
14 --- L'audience est reprise à 11 heures 23.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Etant donné qu'il n'y a pas de question
16 préliminaire à soulever, j'aimerais demander à Mme l'Huissière de bien
17 vouloir faire entrer le témoin dans le prétoire.
18 Alors il y a des déclarations qui ont déjà été versées au dossier. Il
19 s'agit des déclarations IC-12 et IC-16 et elles devront maintenant être
20 obtenues comme souhaite la Chambre. Donc la seule -- il ne nous reste plus
21 qu'à attribuer une cote à ces documents.
22 Monsieur le Greffier d'audience.
23 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, la pièce 65
25 ter qui correspond à la déclaration du Témoin IC-16, devient la pièce
26 D1795, sa cote étant la cote 2D00793; et vous avez ensuite la pièce
27 2D00794, qui est la déclaration du témoin, IC-12, qui devient la pièce
28 D1796.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout cela a été saisi dans le système,
2 Maître Cayley.
3 M. CAYLEY : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président, ainsi
4 que l'ordonnance que vous aviez rendue à propos de l'expurgation, et tout
5 cela a été fait.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les pièces D1795 et D1796 sont
7 maintenant versées au dossier.
8 Monsieur Granic, je vous présente mes excuses, car nous étions occupés à
9 régler d'autres questions au moment où vous êtes entré dans le prétoire.
10 Avant que vous ne commenciez votre déposition, le Règlement de procédure et
11 de preuve stipule que vous devez prononcer la déclaration solennelle en
12 vertu de laquelle vous allez dire la vérité, toute la vérité, et rien que
13 la vérité. Le texte de cette déclaration vous est maintenant remis, et je
14 vous invite à prononcer ladite déclaration.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, je déclare
16 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la
17 vérité.
18 LE TÉMOIN : MATE GRANIC [Assermenté]
19 [Le témoin répond par l'interprète]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez vous asseoir, Monsieur Granic.
21 Monsieur Granic, Me Mikulicic sera le premier à vous poser des questions
22 dans le cadre de l'interrogatoire principal. Maître Mikulicic c'est le
23 conseil de M. Markac.
24 Je vous en prie Me Mikulicic.
25 M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
26 Interrogatoire principal par M. Mikulicic :
27 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Granic.
28 R. Bonjour.
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1 Q. Est-ce que vous pourriez, je vous prie, décliner votre identité pour le
2 compte rendu d'audience.
3 R. Mate Granic.
4 Q. Quelle est votre profession à l'heure actuelle ?
5 R. A l'heure actuelle, je suis le directeur de l'Ecole supérieure du
6 journalisme et je suis également le propriétaire d'une entreprise de
7 consultant, Magra.
8 L'INTERPRÈTE : Les interprètes aimeraient demander au témoin de répéter le
9 dernier nom.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le nom en fait de votre société de
11 consultant.
12 M. MIKULICIC : [interprétation] Cela a été consigné au compte rendu
13 d'audience, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, alors ce n'est pas la peine de
15 répéter ce nom.
16 M. MIKULICIC : [interprétation] J'aimerais demander à M. le Greffier
17 d'audience de bien vouloir afficher la pièce 65 ter 3D00958.
18 Q. Monsieur Granic, nous allons bientôt voir apparaître sur nos écrans un
19 document qui est votre déclaration, donc j'ai quelques questions à vous
20 poser à propos de la déclaration que vous avez faite à l'équipe qui défend
21 M. Markac.
22 Dans un premier temps, j'aimerais savoir si vous vous souvenez avoir fait
23 une déclaration pour l'équipe de la Défense du général Markac.
24 R. Oui, je m'en souviens.
25 Q. Est-ce que vous reconnaissez votre signature qui figure sur la version
26 croate de la déclaration ?
27 M. MIKULICIC : [interprétation] J'aimerais demander à M. le Greffier
28 d'audience de bien vouloir afficher donc l'endroit où se trouve votre
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1 signature.
2 Q. Est-ce qu'il s'agit bien de votre signature, Monsieur Granic ?
3 R. Oui, tout à fait.
4 Q. Est-ce que vous vous souvenez avoir fait cette déclaration à Zagreb le
5 19 mai 2009, et vous avez fait cette déclaration à l'équipe de la Défense
6 du général Markac ?
7 R. Oui, c'est exact.
8 Q. Avez-vous eu la possibilité de vérifier cette déclaration avant de
9 vérifier cette déclaration avant de venir ici ?
10 R. Oui, j'ai tout à fait eu la possibilité de le faire et il s'agit de la
11 déclaration en question.
12 Q. Est-ce que votre déclaration reprend fidèlement ce que vous avez dit à
13 l'équipe de la Défense du général Markac ?
14 R. Oui, tout à fait, je n'ai rien à ajouter.
15 Q. J'aimerais savoir si vous avez dit la vérité pour autant que vous vous
16 souveniez des événements ?
17 R. Oui, oui, tout ce qui se trouve dans la déclaration est absolument
18 exact.
19 Q. Si les mêmes questions venaient à vous être posées aujourd'hui, est-ce
20 que vous répondriez de la même façon à propos des faits ?
21 R. Oui, oui, tout à fait.
22 M. MIKULICIC : [interprétation] J'aimerais demander le versement au dossier
23 de cette déclaration.
24 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
25 M. WAESPI : [interprétation] Un point d'éclaircissement. Nous avons trois
26 dates pour la déclaration du témoin. Au début du compte rendu d'audience,
27 nous avons le 19 mai 2009. La traduction anglaise, en tout cas, le texte
28 dont je dispose a la date du 12 mai, et en B/C/S, nous avons la date du 11
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1 mai.
2 M. MIKULICIC : [interprétation] Bien évidemment, il y a eu une erreur au
3 niveau de la traduction. Moi, j'ai la version croate qui est la version
4 originale de la déclaration qui est datée du 12 mai 2009.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semblerait que la version anglaise
6 donne la date du 11 mai.
7 M. MIKULICIC : [interprétation] Il s'agit en fait certainement d'une erreur
8 typographique.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait. Je ne sais pas ce qui
10 se passe ou ce qu'il faut faire. Je ne sais pas qui a préparé cette
11 traduction. Ce matin le problème s'est posé lorsqu'il y a eu confusion
12 entre les Croates et les Serbes dans un des documents.
13 M. MIKULICIC : [interprétation] -- problème de traduction.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Néanmoins, je suis préoccupé par
15 cela sans pour autant pointer du doigt quiconque mais ce qui m'inquiète
16 c'est le problème de traduction, il est important que nous ayons de bonnes
17 traductions.
18 Maître Mikulicic, veillez à ce que le document, que nous avons vu ce matin,
19 soit envoyé au service de Traduction pour être réexaminé. Nous ne savons
20 pas s'il s'agit d'une seule erreur. S'il s'agit d'une erreur que nous avons
21 pu repérer, mais ici il semblerait qu'il y ait eu un problème au niveau des
22 dates, alors quel autre problème y a-t-il, moi, je ne suis pas en mesure de
23 voir cela. Donc s'il y a des erreurs évidentes, j'aimerais que ces
24 dernières soient examinées, voire même de façon superficielle pour nous
25 assurer que nous n'ayons pas de problèmes par ailleurs.
26 Maître Mikulicic --
27 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur le
28 Président, nous allons faire cela mais pour votre information le document
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1 cité ce matin et nous avons une traduction qui n'était non revue et
2 corrigée et qui était exacte. Mais lorsque cette traduction est parvenue au
3 service de Traduction du Tribunal, il y a eu modification. Donc nous allons
4 vérifier à nouveau.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il vous plaît, oui.
6 Monsieur Granic, pardonnez-vous pour cela.
7 Hormis la date, Monsieur Waespi.
8 M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Donc ce sera la pièce D1797.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D1797 est versée au dossier.
12 Maître Mikulicic.
13 M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Q. Monsieur Granic, ayez l'amabilité de bien vouloir nous dire en quelques
15 phrases --
16 M. MIKULICIC : [interprétation] Mais avant de commencer, Madame, Messieurs
17 les Juges, j'ai préparé à l'intention de ce témoin, M. Granic, un classeur
18 contenant des documents qui sont indiqués de façon précise et de façon à ce
19 que M. Granic lors de mes questions puisse voir les documents papiers
20 pendant mon interrogatoire principal.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc nous faisons droit à cette demande
22 qui est vôtre.
23 M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
24 Q. Monsieur Granic, très rapidement, pourriez-vous nous parler un petit
25 peu de vos études et de votre profession jusqu'au moment où vous êtes entré
26 en politique ?
27 R. Avant de participer à la vie politique - et c'est en 1991, le 3 août -
28 j'ai une carrière médicale de couronner de succès. J'étais un professeur de
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1 médecine interne et directeur adjoint et chef des services cliniques de
2 l'institut Vuk Vrhovac contre le Diabète, les maladies du métabolisme et
3 d'endocrinologie. J'ai été consultant pour l'organisation mondiale de la
4 santé en Asie, en Inde, en Birmanie, au Bangladesh et en Thaïlande,
5 consultant pendant une courte période de temps. J'ai également été
6 professeur invité aux Etats-Unis à Lexington, Kentucky où j'ai enseigné, et
7 j'ai enseigné dans 17 universités américaines. J'ai également suivi une
8 formation au "Harvard Medical School" et à l'Université de Munich.
9 Q. Après cela, en 1990, au sommet -- à l'apogée de votre carrière
10 médicale, vous êtes devenu doyen de la faculté de Médecine de l'Université
11 de Zagreb ?
12 R. C'est exact. En 1989, je suis devenu doyen adjoint et dans le courant
13 de l'automne 1990, après les élections libres et démocratiques, je suis
14 devenu doyen de la faculté de Médecine de l'Université de Zagreb.
15 Q. Monsieur Granic, simplement pour votre information, je marque une pause
16 après ma question pour permettre aux interprètes de faire leur travail,
17 donc je vais vous demander de marquer une toute petite pause avant de
18 répondre lorsque j'ai terminé ma question.
19 Quelle était votre motivation, Monsieur Granic, lorsque vous avez décidé de
20 mettre de côté votre carrière médicale pour entrer en politique ?
21 R. Ce qui m'a motivé, c'était une seule et même chose c'est-à-dire j'ai
22 décidé de participer aux changements démocratiques qui se sont produits à
23 la fin de l'année 1988, lorsque je suis devenu membre de la commission
24 alternative de la constitution. Après les changements démocratiques en tant
25 qu'éminent médecin et doyen de la faculté de Médecine, je suis devenu
26 membre de la Commission constitutionnelle, qui a été mise en place par
27 Franjo Tudjman, mais je n'avais pas d'autres ambitions à l'époque, je ne
28 souhaitais pas entrer en politique.
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1 Quoi qu'il en soit, l'agression contre mon pays et le danger que ceci
2 posait à la Croatie parce que la Grande-Serbie pouvait être constituée,
3 moi-même, j'étais bien informé de ce qui se passait sur le territoire de
4 l'ex-Yougoslavie. La Croatie, à ce moment-là, se trouvait directement
5 menacée, et après trois jours de délibération, lorsque le premier ministre
6 qui avait été élu, Franjo Gregoric, et Memo [phon] Gregoric ont -- et le
7 président Gregoric ont proposé que j'entre au gouvernement. J'ai accepté
8 leur offre parce que j'estimais qu'avec mes connaissances et mon
9 expérience, je pouvais être d'une certaine utilité, surtout dans le domaine
10 dans lequel j'étais particulièrement qualifié et je suis devenu le vice-
11 premier ministre, chargé des questions scientifiques de l'enseignement du
12 système de santé et du système des services sociaux. C'est la raison pour
13 laquelle j'ai accepté de rejoindre le gouvernement croate.
14 Q. Donc alors si nous divisons votre engagement politique en deux phases,
15 voyez nous dire ceci dans la première phase en tant que vice-ministre
16 adjoint, quel était votre domaine de compétence et quel était surtout votre
17 domaine -- vos attributions au sein de la République de Croatie ?
18 R. Ce gouvernement que l'on appelé le Gouvernement de l'Unité
19 démocratique, qui a rassemblé toutes les forces politiques en présence en
20 Croatie, une fois en politique, nous avons constaté que nous ne disposions
21 même pas de fondement juridique nécessaire pour travailler. Donc en
22 l'espace de dix à 15 jours, nous avons dû adopter 79 décrets loi de façon à
23 pouvoir fonctionner comme un vrai gouvernement.
24 Après cela, j'ai constaté que le problème essentiel se posait au
25 niveau des personnes chassées, nombre grandissant de personnes expulsées.
26 Ce chiffre croissait de jour en jour et je me suis rendu compte que je
27 devais m'occuper de personnes déplacées et des victimes de la guerre. Donc
28 j'ai créé ce bureau chargé des Personnes déplacées et des Réfugiés, et
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1 pendant les guerres en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, ce bureau s'est
2 occupé de plus de 700 000 -- entre 700 000 et 800 000 personnes déplacées,
3 et quasiment un million de réfugiés de Bosnie-Herzégovine ont transité par
4 ce bureau.
5 Le chiffre le plus élevé de personnes expulsées correspondait à un
6 moment donné à 485 000, et ce chiffre date de la fin de l'année 1991, début
7 de l'année 1992. Mais c'était le chiffre le plus élevé de personnes
8 déplacées, le nombre le plus important des réfugiés, à un moment donné,
9 représentait 325 000 réfugiés venant de Bosnie-Herzégovine, et ce, au début
10 de l'année 1993.
11 Il faut remarquer qu'il s'agit de chiffre tellement élevé qu'à deux
12 reprises, plus de 10 000 personnes sont venues à Zagreb en un seul jour,
13 surtout après la chute de Vukovar. A quatre reprises, ce chiffre s'élevait
14 à 5 000 personnes. Pour ce qui est des réfugiés, il faut remarquer que
15 pendant deux week-end, le premier week-end était à la fin du mois de mai
16 1991 et deuxième week-end se situait aux dates du 11 et 13 juillet 1992,
17 pendant ces week-end, 60 000 réfugiés sont entrés en Croatie lors de ces
18 deux week-end.
19 Je dois également dire autre chose, si nous avions créé ce bureau au
20 moment où ces chiffres ont commencé à grandir d'un jour à l'autre, au
21 moment où nous ne recevions aucune aide internationale, hormis l'aide reçu
22 de la diaspora croate et de villes et villages bien disposés envers nous,
23 qui étaient peu éloignés, nous avons créé ce bureau avec l'aide du Haut-
24 commissariat aux Réfugiés des Nations Unies, et nous avions une excellente
25 coopération avec le HCR, jusqu'à la fin en particulier avec Mme Sagato
26 Ogada, mais également ceux qui avaient organisé l'aide, et ceci avait été
27 organisé par le gouvernement allemand. Cette aide nous est parvenue à Noël,
28 en 1991, l'Allemagne a été reconnu sur le plan international, à ce moment-
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1 là. Nous avons également reçu de l'aide de l'Union européenne au début de
2 l'année 1992, l'Autriche, la Hongrie, la Slovaquie, les pays voisins
3 également, la Suisse et l'Allemagne.
4 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
5 M. MIKULICIC : [interprétation] Pour ce qui est de l'interprétation, je ne
6 pense pas que l'on puisse contester le fait qu'à la page 53, lignes 9 et
7 10, on évoque "la reconnaissance par l'Allemagne de la Croatie," et non pas
8 "la reconnaissance de l'Allemagne…"
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement. C'est la
10 reconnaissance de la Croatie par l'Allemagne, bien sûr. Je crois que c'est
11 assez clair; veuillez poursuivre.
12 M. MIKULICIC : [interprétation]
13 Q. Par conséquent, la République de Croatie et vous, en tant que personne
14 responsable de cette grande tâche, vous étiez confronté à un effort
15 humanitaire très important. Comment ceci s'est-il traduit en termes
16 financiers ?
17 R. Il s'agissait d'un coût énorme pour l'état, et nous avons été soulagés
18 en la matière par la diaspora croate et les villes, les villages mais que
19 j'ai cités, néanmoins c'était un fardeau très lourd qui pesait sur le
20 budget croate. D'autant que la Croatie avait fait l'objet d'une agression
21 forcée de l'ex-Yougoslavie et de la JNA qui était un instrument aux mains
22 de Slobodan Milosevic.
23 Une autre question dont j'ai dû m'occuper en tant que membre du
24 gouvernement, et bien, c'est celle-ci. Tous les soldats qui avaient été
25 faits prisonniers de l'ex-JNA avaient immédiatement remis en liberté par le
26 truchement de la Croix-Rouge. Ils étaient au moins au nombre de 17 000. On
27 leur a fourni de l'aide, immédiatement ils ont pu être réunis avec leurs
28 familles très rapidement également.
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1 Une autre question, qui était importante à ce moment-là, le 8 octobre
2 1991, on m'a nommé, et c'est le président Tudjman et le gouvernement croate
3 qui m'ont nommé chef négociateur avec l'ancienne armée yougoslave, sur la
4 question du déblocage et de l'évocation des casernes. Le 8 décembre 1991,
5 après deux mois de négociations, j'ai pu mettre un terme aux négociations
6 et conclure ces dernières avec van Houten, l'ambassadeur néerlandais, et
7 l'ambassadeur américain Okun, l'envoyé américain, l'envoyé spécial amiral
8 Raseta, en signant un accord avec ces derniers pour la Croatie. Il y avait
9 également des négociations pures locales qui se déroulaient en particulier
10 dirigées par M. Hebrang, à l'époque, puisqu'il s'agissait de créer ou
11 d'ouvrir un hôpital militaire, à l'époque. Ceci a été couronné de succès en
12 ce qui nous concerne, et l'accord a été conclu. La communauté
13 internationale n'avait qu'une objection à faire, eu égard à la signature de
14 cet accord.
15 Q. A ce stade déjà, Monsieur Granic, nous pouvons constater que vous
16 vous êtes éloigné des questions ayant trait aux réfugiés pour jouer plutôt
17 le rôle d'un négociateur avec l'armée populaire yougoslave. A la fin de ces
18 négociations, quelles ont été vos attributions au sein du gouvernement ?
19 Est-ce que vous deviez traiter des mêmes questions ?
20 R. Alors la Commission internationale de la Croatie avait négocié
21 avec les ministres européens lors d'une réunion dans la nuit du 16 au 17
22 décembre. Les conditions de ces négociations avaient fait l'objet d'un
23 accord, et il s'agissait d'un engagement spécial de la part des ministres
24 Genscher et Kohl, et du gouvernement allemand. Il a été précisé que la
25 Croatie devait adopter une loi constitutionnelle sur la protection des
26 minorités. On a indiqué que les casernes devaient être débloquées et
27 évacuées. Une trêve, un accord sur une trêve devait être signé, a été en
28 réalité signé par le ministre Susak, le 3 janvier 1992; les observateurs
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1 internationaux à Zagreb à l'époque étaient censés approuver cela. Toutes
2 ces conditions ont été réunies; le 15 janvier, la Croatie en réalité était
3 reconnue par la communauté internationale.
4 Pour ce qui est de ce que j'ai fait moi-même à l'époque, je me suis occupé
5 pour l'essentiel des réfugiés. Je me suis occupé de la question d'échange
6 de prisonniers, je me suis occupé des victimes de la guerre. Outre les
7 autres attributions en tant que vice-premier ministre, je me m'occupais
8 dans des affaires sociales, comme je vous l'ai dit, ce qui comprenait les
9 négociations avec les syndicats, et cetera. Il s'agissait là de mes
10 principales attributions dans la première moitié de 1992, première partie
11 de l'année ainsi que pendant toute l'année 1992. Même si de plus en plus je
12 développais de plus en plus le volet de la diplomatie humanitaire, c'est
13 ainsi que nous l'appelions puisque nous collaborions avec toutes les
14 agences spéciales des Nations Unies.
15 Q. Monsieur Granic, en présence d'une multitude de personnes déplacées, de
16 réfugiés, de personnes expulsées, il y avait des personnes d'appartenance
17 ethniques différentes, avez-vous jamais mis en place une politique qui
18 aurait favorisé l'une ou l'autre -- l'un ou l'autre groupe ethnique victime
19 de la guerre ?
20 R. Certainement pas. Je souhaite vous dire que même parmi les personnes
21 déplacées, 3 % de ces personnes étaient des Serbes, et ceci n'est pas un
22 fait très connu.
23 Pour ce qui est des réfugiés, ils étaient, pour la plupart,
24 Bosniaques, et il n'y a pas eu d'incidents majeurs à ce moment-là, même si
25 ceci n'était absolument pas une tâche aisée que de traiter ou de s'occuper
26 d'un nombre si important de personnes. Il s'agissait d'un nombre très
27 important de personnes pour la Croatie, et c'était un pays de quatre
28 millions d'habitants, voire moins, étant donné qu'un tiers du pays était
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1 occupé. Donc il s'agissait là d'un nombre très important de personnes qui
2 exigeaient que soit retenu 10 % du budget de l'Etat si on voulait s'occuper
3 d'eux convenablement, eux ainsi que toutes les victimes de la guerre.
4 Q. Après que la communauté a reconnu la Croatie, comme que vous venez de
5 décrire, il y a eu une période où sur le territoire de la République de
6 Croatie, une guerre non déclarée se déroulait. De surcroît, la guerre s'est
7 étendue au territoire de la République de Croatie.
8 R. Je dois vous dire qu'avec le président Tudjman, j'ai participé aux
9 pourparlers sur le déploiement des forces de maintien de la paix en Croatie
10 en présence du secrétaire Vance, du secrétaire d'Etat. La Croatie était
11 vraiment en faveur de cet accord que les Serbes et les rebelles locaux ont
12 rejeté. C'était une de mes missions. Pour ce qui est de la Bosnie-
13 Herzégovine, la Croatie a soutenu le referendum en faveur de
14 l'indépendance, et la Croatie a été la première à envoyer un ambassadeur à
15 Sarajevo. Il était clair que la guerre se préparait en Bosnie-Herzégovine.
16 Il n'y avait quasiment pas un seul représentant de la communauté
17 internationale avec lequel je n'ai pas abordé cette question. Il est fort
18 malheureux que la communauté internationale se soit trouvé dans
19 l'incapacité de trouver un négociateur ou pour parvenir à un consensus à
20 cette question face à une menace de guerre en Bosnie-Herzégovine, afin
21 d'éviter cette agression qui avait été préparée par Slobodan Milosevic.
22 Parce que ceci devait également avoir lieu contre la Bosnie-Herzégovine.
23 Q. La deuxième page de votre -- dans la seconde phase de votre mission,
24 nous avons dit que la première phase consistait à éviter une guerre en
25 Bosnie-Herzégovine. Quelle attitude aviez-vous avant tout cela ? Pouvez-
26 vous nous décrire un petit peu en quoi consistait votre mission ?
27 R. Jusqu'au premier juin 1993, ma principale préoccupation était les
28 victimes et les personnes déplacées, les victimes de la guerre, les
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1 réfugiés. Nous avions deux à trois abris pour les femmes victimes de viol
2 en Bosnie-Herzégovine que nous avons créé avec une aide non négligeable de
3 la communauté internationale. Cela était ma préoccupation essentielle. A ce
4 moment-là, je n'ai pas pris part aux pourparlers de paix en Bosnie-
5 Herzégovine. Donc je ne suis pas votre meilleur témoin, si vous souhaitez
6 que je parle des négociations et de restauration de la paix en Bosnie-
7 Herzégovine parce que je suis devenu ministre des Affaires étrangères à
8 cause de ce conflit malheureux entre les Croates et les Bosniaques. La
9 population internationale et la position de la Croatie ont été fortement
10 minimisées. Dans les échanges avec Mme Albright, qui était la représentante
11 des Nations Unies; et Klaus Kinkel, le ministre des affaires intérieures;
12 Jean Mitterand, la personne qui est devenue responsable des échanges avec
13 le représentant du Vatican, le ministre italien des affaires étrangères.
14 Tous ces échanges ont eu pour conséquence ma participation aux de
15 contribuer à l'effort et faire cesser le conflit entre les Bosniaques et
16 les Croates en Bosnie, pour essayer de conclure une alliance. C'est quelque
17 chose -- la crédibilité de la Croatie en dépendait. A ce moment-là, c'est
18 la raison pour laquelle j'ai déployé tant d'efforts dans ce sens.
19 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous dater ces événements, s'il vous
20 plaît ?
21 R. Je parle de la période qui commence le 1er juin 1993 lorsque je suis
22 devenu ministre jusqu'à la fin de l'année, et ce, jusqu'aux accords de
23 Washington.
24 Outre le soin que je prodiguais aux réfugiés, voilà une des tâches
25 les plus importantes que j'ai accomplies dans ma vie. Je dois également
26 dire que j'ai été confronté à cette réalité cruelle vers le 16 ou 17 juin
27 1993. J'étais ministre des Affaires étrangères, et un matin, un porte
28 parole du "New York Times," et autre journal, "Le Monde" - c'était très
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1 certainement le "New York Times" - ont rédigé un article pour dire que les
2 Croates en Bosnie-Herzégovine avaient des centres de Rassemblement ou des
3 clans, où des civils étaient détenus. J'ai été choqué par cette nouvelle.
4 J'ai téléphoné à Mate Boban immédiatement, et je lui ai demandé si
5 cela était vrai. Il m'a répondu, en disant que cela n'était pas vrai. J'ai
6 ensuite demandé à Jadranko Prlic si cela était effectivement vrai, et il
7 m'a confirmé que cela était vrai, qu'il y avait des centres de
8 Rassemblement, et je n'ai entendu parler que de ce centre-là à ce moment-
9 là.
10 J'ai retrouvé Boban après, et j'ai protesté de façon véhémente, je
11 l'ai quasiment crié dessus. J'ai appelé le président Tudjman, je l'ai
12 informé. Il m'a donné tout son -- il m'a accordé tout son soutien, il m'a
13 dit que je devais faire tout ce qui était en mon pouvoir pour insister
14 auprès des Croates en Bosnie-Herzégovine pour qu'ils ferment ce centre de
15 Rassemblement. Ceci a été fait de façon unilatérale sans attendre qu'il y
16 ait de quelques groupes ou gros échanges unilatéraux.
17 Vingt jours plus tard, j'ai organisé une réunion à Makarska auquel
18 ont participé les plus hauts représentants du gouvernement au niveau du
19 ministre adjoint, pour le ministre adjoint de la Bosnie-Herzégovine,
20 l'ABiH, le Conseil de Défense croate, le HVO, et des représentés à la
21 Croix-Rouge internationale, et du Haut-commissariat aux Réfugiés, où nous
22 nous sommes mis d'accord sur les éléments suivants : la déclaration de
23 Makarska a été signée au terme duquel il fallait assurer un libre passage à
24 tous les convois et tous les détenus ou prisonniers devaient être remis en
25 liberté.
26 Q. Revenons au thème que vous avez abordé dans l'intervalle. M. MIKULICIC
27 : [interprétation] Est-ce que nous pouvons voir la pièce 3D0064 ?
28 Q. Professeur, c'est le première intercalaire de votre classeur. Cela ne
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1 fait pas l'ombre d'un doute que la question des rapports entre la
2 République de Croatie et la Bosnie-Herzégovine était d'une importance
3 capitale, comme vous nous l'avez dit vous-même. Je vais vous demander de
4 vous concentrer plus particulièrement sur l'année 1992 lorsque le président
5 de la République de Croatie et le président de la présidence de la
6 République de Bosnie-Herzégovine, M. Tudjman et M. Alija Izetbegovic, ont
7 signé une annexe à l'accord préalable de coopération et d'amitié.
8 En tant que premier ministre, vice-premier ministre à l'époque,
9 étiez-vous au courant de cet accord et de son importance ? Veuillez nous
10 commenter ce document, s'il vous plaît.
11 R. C'est une annexe à cet accord qui a été signé au début du mois de
12 juillet, je pense que c'était le 11 juillet 1992. C'est sur la base duquel
13 l'armée croate avait la possibilité de pénétrer jusque 20 kilomètres sur le
14 territoire de la Bosnie-Herzégovine. Parce qu'à l'époque, une agression
15 avait déjà été menée contre la Serbie à partir du territoire de la Bosnie-
16 Herzégovine par des Serbes de Croatie, par exemple, contre le village de
17 Ravno. Alors ceci donc est une annexe à cet accord qui avait été alors
18 signé à New York, me semble-t-il, pendant la session -- pendant l'assemblée
19 générale des Nations Unies.
20 Je dois, cependant, signaler que les négociations véritables portant
21 sur l'arrêt des conflits entre les Croates et les Bosniens ont été entamées
22 par M. Silajdzic qui a été premier ministre puis ministre des affaires
23 étrangères, et ensuite président du gouvernement de la Bosnie-Herzégovine,
24 et cela en août 1993. Pendant une semaine, nous nous sommes vus tous les
25 jours, y compris avec le président Tudjman, et c'est alors que nous sommes
26 parvenus à un accord de fait sur plusieurs points. L'un de ces points
27 consistait à arrêter la guerre entre les Croates et les Musulmans, créer
28 les conditions de la paix, et la restauration de la confiance, ainsi qu'à
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1 la résolution des questions humanitaires. Je dois dire que cela a résulté
2 en un nouvel accord à Genève entre Tudjman et Izetbegovic, le 16 septembre.
3 Malheureusement, trois -- ou plutôt, deux jours plus tard, Lord Owen a
4 organisé une réunion entre les Serbes et les Bosniens qui ont signé un
5 accord similaire annulant les effets de l'accord que je viens de citer dans
6 une certaine mesure.
7 Par conséquent, il s'agissait d'une période particulièrement difficile
8 d'affrontement et de négociations. Mais j'ai été assez opiniâtre, je me
9 suis rendu en visite à Sarajevo pendant la guerre, j'ai signé la
10 déclaration de Sarajevo, et lorsque le plan Vance-Owen a échoué, puis
11 ensuite le plan Vance-Stoltenberg, lui aussi, a échoué. Il est devenu
12 manifeste que l'Union européenne et les négociateurs en question n'avaient
13 pas le pouvoir d'imposer une solution de paix en définitive.
14 Cette dernière a été obtenue par l'intervention des Etats-Unis et par
15 l'intervention décidée, résolue de l'administration Clinton. La première
16 réunion à cet effet a été organisée vers le 16 ou le 17 janvier 1994 à
17 Genève, et Charles Redmond, l'envoyé spécial du président Clinton, y était
18 présent; l'ambassadeur Zuzul également était présent; moi-même aussi; à
19 Genève, et c'est alors qu'on s'est mis d'accord sur la solution de paix et
20 la création de cette Fédération croato-musulmane parachevée par des
21 négociations à Washington.
22 Avant cela, des accords avaient été trouvés qui étaient
23 particulièrement importants avaient constitué un préalable cet accord. Il
24 s'agissait du départ de Mate Boban et de tout un ensemble de personnes
25 l'entourant, leur départ donc de la scène politique.
26 Q. Professeur, ce document qui est affiché devant vous, cette annexe à cet
27 accord de coopération et d'amitié, que nous dit-il des tentatives visant à
28 trouver un accord politique pour mettre un terme à la guerre.
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1 Est-ce que le texte de cette annexe et de cet accord traduit bien la
2 position qui était celle de la République de Croatie concernant la
3 recherche de solution pacifique, et si l'on met de côté les problèmes
4 supplémentaires qui sont apparus ?
5 Est-ce que vous pouvez revenir à l'intercalaire 1 ?
6 R. Très certainement. Oui. Alors je ne suis pas forcément le
7 meilleur témoin pour ce qui concerne l'ensemble des négociations qui ont
8 été conduites dans le cadre de la Conférence de Paix consacrée à la Bosnie-
9 Herzégovine. Il est un fait que la Croatie a accepté et soutenu le plan
10 Cutileiro, même chose pour le plan Vance-Owen, et on peut dire la même
11 chose des Croates de Bosnie-Herzégovine. La Croatie également a accepté et
12 soutenu le plan Owen-Stoltenberg. Ce sont des faits historiques.
13 M. MIKULICIC : [interprétation] Je voudrais que le greffe -- ou plutôt,
14 Monsieur le Président, je voudrais que ce document puisse être versé au
15 dossier.
16 M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote D1798.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est versé au dossier.
20 M. MIKULICIC : [interprétation]
21 Q. Alors cette politique visant à trouver une solution pacifique et qui
22 s'est traduite également par la tenue des Conférences de Paix consacrées
23 aux Réfugiés, nous voyons le point 5, et s'est traduite également par cette
24 initiative du président Tudjman, qui, à la fin du mois de novembre 1994, a
25 donné un discours dans le cadre de l'assemblée générale des Nations Unies.
26 M. MIKULICIC : [interprétation] C'est le document 3D00476, si M. le
27 Greffier veut bien l'afficher. Je voudrais qu'on passe directement à la
28 page numéro 9 de ce document.
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1 Q. Alors pendant que nous en attendons l'affichage, c'est l'intercalaire
2 numéro 2 dans votre classeur, page 9. Je voudrais vous demander la chose
3 suivante : est-ce que vous avez été présent lors de l'assemblée générale
4 des Nations Unies, lorsque le président Tudjman s'est adressé à cette même
5 assemblée fin novembre 1994 ?
6 R. Oui, tout à fait, en 1994, et je me souviens bien de ce discours.
7 Q. Je voudrais attirer votre attention sur le dernier paragraphe de la
8 page 9 où le président dit que : la Croatie propose l'intervention d'une
9 force de paix considérable et conforme aux instructions du Conseil de
10 sécurité; je ne suis pas en train de citer, je résume seulement. Il dit
11 également que de telles forces de paix devraient disposer d'un mandat leur
12 permettant de recourir à la force afin d'accomplir ce mandat et non pas
13 seulement aux fins de sa propre protection.
14 Alors la question que je voudrais vous poser est la suivante : quelle est
15 votre expérience par rapport au mandat qui était celui des organisations
16 internationales qu'il s'agisse des observateurs de l'Union européenne, de
17 la FORPRONU, donc leur mandat sur le territoire de la République de Croatie
18 ? Est-ce que la question s'est posée de savoir quel était leur mandat par
19 rapport, quels étaient les fondements de leur mandat par rapport aux
20 besoins qui se présentaient sur le terrain ?
21 R. Nous étions heureux de voir arriver les forces de maintien de la paix,
22 et nous ne pouvons que remercier tous ceux qui ont participé à ces
23 opérations, et tout particulièrement ceux qui ont donné leurs vies ou ont
24 été blessés ou ont rencontré quelques difficultés que ce soit pendant le
25 déroulement de ces opérations.
26 En définitive, les forces de maintien de la paix, elles aussi ont contribué
27 à ce que la Croatie puisse devenir un pays souverain jouissant d'une pleine
28 intégrité territoriale; cependant, je dois signaler que le mandat de ces
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1 forces de maintien de la paix n'a pas été défini avec une clarté totale,
2 ces forces de maintien de la paix n'ont pas réussi à exercer un contrôle
3 sur la frontière entre la Croatie et la Bosnie-Herzégovine, le résultat en
4 a été qu'il y a eu des actions de la part des Serbes de Croatie, des Serbes
5 insurgés de Croatie de la Krajina, actions dirigées contre la poche de
6 Bihac.
7 De plus, les forces de maintien de la paix n'ont jamais réussi à désarmer
8 tout à fait les Serbes insurgés en Croatie.
9 Pendant la durée de son mandat, et pendant la durée du mandat de la
10 FORPRONU, il y a eu entre 600 et 700 victimes croates et non-Serbes,
11 environ 650 et il y a eu un grand nombre d'expulsions. En fait il a été
12 procédé à un nettoyage ethnique quasi total. C'est un fait historique.
13 Cela indépendamment du sacrifice de nombreux soldats et indépendamment de
14 toute la bonne volonté en jeu, il s'agit de faits historiques.
15 Q. Professeur, vous avez évoqué la situation qui prévalait à l'époque donc
16 fin 1994 sur le territoire de la République de Croatie. Cette création
17 nommée République de la Krajina serbe et l'insurrection des Serbes de cette
18 région.
19 M. MIKULICIC : [interprétation] Mais si nous passons à la page 16 de ce
20 même document. Je voudrais que le greffier puisse nous l'afficher.
21 Q. Nous verrons un extrait du discours du président Tudjman où ce dernier
22 fait allusion à cette situation. Il dit au paragraphe 2, je cite :
23 "Nous comprenons que les deux parties au conflit doivent consacrer beaucoup
24 de temps et d'effort au rétablissement et au renforcement de la confiance.
25 Nous sommes également tout à fait persuadés que la stabilité et le progrès
26 ne sont pas possibles en Croatie qu'en garantissant aux Serbes et aux
27 autres groupes minoritaires tous leurs droits humains et de minorités
28 ethniques. Nous avons garanti de tels droits par une loi spéciale figurant
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1 dans notre constitution il y a trois ans. Mais nous en appelons de façon
2 urgente à la communauté internationale pour que des conditions soient
3 créées afin que cette loi puisse être mise en œuvre conformément aux
4 résolutions du Conseil de sécurité."
5 Alors cette position du président Tudjman devant l'assemblée générale des
6 Nations Unies reflète certainement la position de la République de Croatie
7 à l'égard des Serbes insurgés ainsi qu'à l'égard des minorité ethniques et
8 de leurs droits, n'est-ce pas ?
9 Alors veuillez me dire compte tenu du fait que vous avez participé au
10 gouvernement, en tant que ministre des affaires étrangères qu'elle était la
11 position -- la politique de la République de Croatie telle que mise en
12 œuvre par ce gouvernement, qu'elle était la politique du président Tudjman
13 et si cela correspond à votre expérience aussi bien que vous en avez ?
14 R. En 1994, il y a eu plusieurs événements importants et reflétant la
15 politique de la République de Croatie. Le premier de ces événements, me
16 semble-t-il, c'était le 19 janvier à Genève, il y a eu la signature de
17 l'accord Granic, Jovanovic. Cet accord a représenté le premier pas, la
18 première étape consentie par Belgrade lorsque Belgrade a accepté d'entrer
19 dans ce processus de négociations, donc nous n'avions plus uniquement des
20 négociations en tant que gouvernement avec les Serbes insurgés en Croatie
21 mais Belgrade a accepté qu'un bureau soit établi à Zagreb afin que les
22 communications soient facilitées et que l'on s'efforce de trouver une
23 solution pacifique.
24 Après cela, le 3 mars 1994, est intervenu cet accord clé, l'accord de
25 Washington, accord clé pour la paix en Bosnie-Herzégovine et l'arrêt du
26 conflit entre les Croates et les Bosniens, ainsi que pour la mise en place
27 de la Fédération croate musulmane et de leur alliance, et ce, sous le
28 patronage des Etats-Unis. Du côté croate, j'en ai été le négociateur
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1 principal.
2 Après cela, je me suis également rendu en visite à Belgrade -- j'ai discuté
3 avec le vice-président Simic, qui lui aussi s'était rendu en visite à
4 Zagreb, et en décembre de cette même année, un accord économique a été
5 signé avec les Serbes insurgés en Croatie. Il s'agissait de l'ouverture de
6 l'autoroute, de l'oléoduc des problèmes via l'électricité, et cetera. Les
7 Serbes insurgés en Croatie sous pression en partie de la communauté
8 internationale en partie de Belgrade acceptaient de négocier sur des
9 questions économiques mais n'acceptaient jamais d'aborder des questions
10 politiques, et notamment la question de la réintégration au sein de l'Etat
11 croate.
12 Juste encore un fait qui est particulièrement important d'un point de vue
13 historique, au mois de décembre de cette même année, l'assemblée générale
14 des Nations Unies a pris la résolution 43/44 au terme de laquelle les zones
15 de protection des Nations Unies était qualifiée de zones occupées et
16 Belgrade était déclaré responsable de la situation d'occupation et du
17 nettoyage ethnique dans ces zones. Il s'agit d'un document crucial qui a
18 été adopté par l'assemblée générale des Nations Unies, résolution 43/44.
19 Q. Je voudrais juste situer les choses d'un point de vue géographique et
20 historique.
21 On dit qu'un accord a été signé avec les Serbes insurgés en Croatie
22 concernant la réouverture d'un axe de communication; de quelle partie du
23 territoire de la République de Croatie s'agit-il ?
24 R. On considérait qu'il s'agissait d'une priorité, c'était le secteur
25 ouest, l'autoroute Zagreb-Belgrade. On pensait avant tout à cela, et à
26 l'oléoduc qui traversait ce secteur -- ou plutôt, le secteur nord, excusez-
27 moi, et on a évidemment discuté de la voie de chemin de fer et de sa
28 réouverture. Un espoir existait véritablement, à ce moment-là, de voir
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1 résolu de façon pacifique la question de la réintégration pacifique de ces
2 territoires.
3 Q. Professeur Granic, dites-nous : quelle était la position du
4 gouvernement croate que vous y avez participé à des postes importants en
5 tant que vice-premier ministre -- en tant que ministre des affaires
6 étrangères, quelle était sa position pour ce qui était de la protection des
7 minorités, la protection des minorités ethniques et de leurs droits, et
8 notamment la minorité serbe ?
9 R. Il n'a jamais eu le moindre doute à ce sujet, et notamment concernant
10 le fait que les Serbes étaient les citoyens croates qui devaient bénéficier
11 du plus haut niveau de protection possible concernant leur droit humain,
12 leur droit de minorité, leur droit culturel, et ceci d'une façon qui aurait
13 été conforme aux plus hautes normes européennes. Il n'a jamais eu le
14 moindre doute à cet égard au sein du gouvernement croate.
15 Cependant, je dois ici signaler le fait que le problème principal
16 était le suivant, d'un côté, nous avions les Serbes insurgés. Nous ne
17 parlons pas ici des Serbes vivant dans des zones urbaines en Croatie, dont
18 la majorité est restée en Croatie. Je parle ici des Serbes insurgés. Ils
19 ont été soumis à un endoctrinement puissant pendant de nombreuses années,
20 et ce au moins depuis 1987, l'arrivée de Milosevic au pouvoir. Leur
21 dirigeant n'était disposé à accepter aucune forme d'état croate, c'était le
22 problème principal qui ensuite s'est traduit par le départ de ces personnes
23 après l'opération Tempête.
24 Q. Nous allons y revenir, Professeur.
25 M. MIKULICIC : [interprétation] Je voudrais maintenant demander, Monsieur
26 le Président, que ce document, donc le 3D00476, puisse être versé au
27 dossier.
28 M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, le
3 document reçoit la cote D1799.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est versé au dossier.
5 M. MIKULICIC : [interprétation]
6 Q. Nous avons en introduction, évoqué le fait que la guerre sur le
7 territoire sur la Bosnie-Herzégovine a représentait une menace sérieuse
8 pour la Croatie. Nous avons abordé le lien qui existait entre les
9 opérations militaires en Bosnie et en Croatie.
10 Alors que je voudrais que vous passiez à l'intercalaire 3.
11 M. MIKULICIC : [interprétation] Que le Greffier veuille bien nous
12 afficher le document 3D00675.
13 Q. Il s'agit d'un document qui remonte à la mi-novembre 1994, plus
14 précisément le 12 novembre. Il est signé par M. Alija Izetbegovic,
15 président de la Présidence de la République de Bosnie-Herzégovine. Donc ce
16 document, il s'adresse à Franjo Tudjman, président de la République de
17 Croatie, et de façon implicite, il y est fait référence à une attaque
18 intense lancée contre la zone protégée de Bihac. Alors le gros de cette
19 attaque vient du territoire de la Croatie, c'est ce qui est indiqué ici et
20 notamment des zones de protection des Nations Unies.
21 M. Izetbegovic poursuit en disant, en appelant le président Tudjman à
22 appliquer l'esprit de l'article 8 de l'accord de coopération et d'amitié
23 entre les deux états. Il en appelle au président Tudjman, pour qu'il
24 entreprenne sans délai toutes les mesures nécessaires pour empêcher ces
25 attaques lancées depuis le territoire de la République de Croatie contre la
26 Bosnie-Herzégovine.
27 Alors vous rappelez-vous ces événements et cette période, Monsieur Granic ?
28 R. Oui, je m'en rappelle tout à fait.
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1 Le 11 novembre 1994, j'ai été appelé par le ministre des affaires
2 étrangères, M. Sacirbey, ce dernier m'a dit que la situation à Bihac était
3 particulièrement dramatique. Il m'a prié de faire tout ce qui était
4 possible afin de faciliter au moins la défense de Bihac, parce que les
5 attaques les plus importantes venaient des Serbes insurgés de Martic.
6 Ce même soir, j'ai eu une réunion avec le ministre de la défense, M.
7 Susak, et nous nous sommes mis d'accord, nous avons convenu de proposer
8 ensemble au président Tudjman que la Croatie opère une percée afin que soit
9 constitué un corridor d'une vingtaine de kilomètres de large, et ceci, afin
10 d'empêcher la chute de l'enclave de Bihac et de permettre une amélioration
11 de la situation.
12 Nous avons également convenu d'avoir des entretiens avec
13 l'ambassadeur des Etats-Unis, ce qui a bien eu lieu. Ensuite nous nous
14 sommes réunis avec Peter Galbraith qui s'est montré enchanté de cette
15 proposition; cependant, il devait en référer au président Clinton et au
16 département d'Etat, il devait leur demander leur avis. Le lendemain, le
17 ministre Susak et moi-même, nous nous sommes rendus en visite auprès du
18 président Tudjman, c'est en présence d'un certain nombre de personnes dont
19 le premier ministre Valentic, que nous avons discuté de cette proposition.
20 Le président Tudjman a donné son accord de principe, mais il nous a
21 également averti que cela pourrait impliquer l'ouverture d'un front de
22 toute une ligne de front pour laquelle la Croatie n'avait pas encore achevé
23 de se préparer, y compris préparatifs, donc y compris pour une opération de
24 libération, mais qui pour le moment n'était pas encore prête. Donc à ce
25 moment-là, il n'a pas opposé son refus à ceci de venir en aide à Bihac,
26 mais nous avons décidé qu'il convenait d'attendre que les Etats-Unis
27 prennent officiellement position.
28 Le 12, Alija Izetbegovic s'était également adressé au président
Page 24633
1 Tudjman sur ce thème, après cela l'ambassadeur des Etats-Unis est arrivé,
2 il nous a informés de la position officielle des autorités américaines et
3 de son intention de faire le maximum par l'intermédiaire du Conseil de
4 sécurité, mais que ce dernier à ce moment-là, la position était plutôt
5 contre des opérations militaires. Le président Tudjman a suivi les conseils
6 des Etats-Unis.
7 M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais
8 que le document puisse être versé au dossier.
9 M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, le
12 document reçoit la cote D1800.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est versé au dossier.
14 M. MIKULICIC : [interprétation] Je voudrais que M. le Greffier puisse
15 afficher le document 3D00474.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de passer au document suivant, je
17 surveille l'heure, --
18 M. MIKULICIC : [interprétation] J'en aurais fini d'ici à deux minutes.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez.
20 M. MIKULICIC : [interprétation]
21 Q. C'est l'intercalaire numéro 4 dans votre classeur, Monsieur Granic.
22 Alors vous avez dit avoir attendu la position officielle des Etats-
23 Unis soit connue concernant Bihac. Vous avez dit que M. Galbraith est venu
24 pour dire que les Etats-Unis ne pouvaient pas pour le moment recommander de
25 l'action mais qu'ils allaient faire tout leur possible par l'intermédiaire
26 du Conseil de sécurité.
27 Alors reportez-vous à ce document qui date du 16 novembre 1994. Il
28 s'agit d'une note consignant l'entretien entre le président Tudjman et
Page 24634
1 l'ambassadeur Galbraith. Je pense que je peux reconnaître votre signature
2 dans le coin inférieur droit.
3 R. C'est exact.
4 Q. Vous êtes l'auteur de ce document, n'est-ce pas ?
5 R. Oui.
6 Q. Alors vous dites ici qu'une réunion urgente du Conseil de sécurité va
7 se tenir à l'occasion de laquelle les Etats-Unis vont demander des mesures
8 d'urgence afin que soit évitée la chute de l'enclave de Bihac et afin
9 d'arrêter toute agression supplémentaire qui serait le fait des Serbes de
10 Bosnie et des Serbes de Krajina.
11 Alors, Monsieur Granic, question de Bihac était d'une importance telle
12 apparemment que les Etats-Unis ont estimé nécessaire d'intervenir par
13 l'intermédiaire du Conseil de sécurité.
14 Mais pourquoi s'agissait-il d'une question si importante. Pourriez-vous
15 l'expliquer en quelques frases bien que nous en ayons déjà entendu des
16 explications à ce sujet ?
17 R. C'était une question importante parce que se profilait à l'horizon la
18 possibilité de voir des crimes de masse commis. Il y avait plus de 100 000
19 personnes qui aient été pris au piège dans cette enclave, si elle était
20 tombée cela aurait sans doute fini par devenir l'événement le plus
21 catastrophique d'une guerre de toute façon catastrophique en Bosnie-
22 Herzégovine. Par ailleurs, Bihac avait été attaquée et encerclée, aussi
23 bien par Karadzic et Mladic, et leur armée, d'une part, et d'autre part par
24 l'armée de Martic, les Serbes insurgés de Martic. En d'autres termes, il
25 s'agissait d'une opération conjointe de leur part.
26 Q. Merci pour votre réponse, Monsieur Granic.
27 M. MIKULICIC : [interprétation] Je crois que le temps sera bien choisi pour
28 prendre une pause.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous prenons donc maintenant
2 une pause, et nous reprendrons nos débats à 12 heures 50.
3 --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.
4 --- L'audience est reprise à 12 heures 52.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, je vous en prie.
6 M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous
7 pouvons demander l'affichage du document 3D00 -- ou plutôt non, je me
8 reprends. Je souhaiterais demander le versement au dossier de ce document.
9 M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur le Greffier d'audience.
11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela deviendra la pièce D1801.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1801 est versée au dossier.
13 M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
14 Q. Professeur Granic, avant la pause nous étions en train de parler de la
15 situation à Bihac, et nous avons évoqué les notes que vous avez prises lors
16 de la réunion entre le président Tudjman et M. L'ambassadeur Peter
17 Galbraith.
18 M. MIKULICIC : [interprétation] J'aimerais que la pièce 3D00471 soit
19 affichée.
20 Q. Il s'agit de la pièce qui se trouve à l'intercalaire 5 de votre jeu de
21 documents.
22 Alors là vous voyez qu'il y a une évolution de la situation. Vous avez le
23 président Tudjman, qui du fait de la situation sans doute la zone de Bihac
24 protégée par les Nations Unies, s'adresse à Mme Albright, qui était la
25 présidente de l'assemblée générale des Nations Unies, cela le 22 novembre
26 1994.
27 Si nous voyons la lettre du président Tudjman, nous voyons en fait qu'il
28 attire l'attention de Mme Albright sur la situation dans la zone protégée
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1 de Bihac et dans ses environs. Il est indiqué que la situation est
2 exacerbée ou aggravée à cause des forces rebelles serbes qui attaquent
3 cette zone à partir des zones protégées par les Nations Unies.
4 A la deuxième page de cette lettre, voilà ce qu'indique le président
5 Tudjman :
6 "C'est la raison pour laquelle je vous lance un appel. En tant que
7 présidente du conseil de sécurité des Nations Unies, pour que vous preniez
8 des mesures pour garantir que toutes les résolutions des Nations Unies
9 soient adoptées. Ce qui permettra d'assurer une solution politique -- de
10 trouver une solution politique durable à la crise, et une paix durable dans
11 la région."
12 Monsieur Granic, vous étiez ministre des affaires étrangères; est-ce que
13 vous étiez au courant de cette lettre du président Tudjman ?
14 R. Oui, tout à fait. En fait c'est une proposition que j'ai faite au
15 président Tudjman et l'ambassadeur américain en avait été informé. Nous
16 avions également informé M. le ministre Sacirbey, ainsi que le président
17 Izetbegovic.
18 Q. Quelle fut la réaction face à cette initiative ?
19 R. Nous étions fermement convaincus que les Etats-Unis faisaient tout ce
20 qu'ils pouvaient pour qu'une paix durable règne en Bosnie-Herzégovine.
21 Nous, nous avons véritablement participé de façon active à ce processus.
22 M. MIKULICIC : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au
23 dossier de ce document.
24 M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur le Greffier d'audience.
26 M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela devient la pièce D1802.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1802 est maintenant versée au
28 dossier.
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1 M. MIKULICIC : [interprétation]
2 Q. Professeur, Monsieur le Professeur Granic, nous avons parlé du rôle de
3 la FORPRONU. Vous voyez qu'il est indiqué dans le document que la FORPRONU
4 était censée être déployée aux frontières de la République de Croatie.
5 Toutefois la situation a évolué de façon différente, et je veux dire qu'il
6 y a eu un mécontentement général en République de Croatie pour ce qui était
7 du rôle joué par la FORPRONU. Alors nous sommes maintenant à la mi-1995.
8 M. MIKULICIC : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander l'affaire
9 de la pièce 3D00468 qui est une pièce que vous trouverez également dans
10 votre classeur ?
11 Q. Il s'agit d'une lettre par laquelle le président Tudjman s'adresse à M.
12 Boutros-Ghali, secrétaire général des Nations Unies. C'est une lettre qui
13 porte la date du 12 janvier 1995. C'est une lettre que vous trouvez à
14 l'intercalaire 6, et dans cette lettre, il fait référence au mandat de la
15 FORPRONU ainsi qu'au rôle joué par la FORPRONU. A la deuxième page de la
16 lettre, le président Tudjman déclare que pendant les deux années de
17 présence de la FORPRONU en Croatie, le processus du nettoyage ethnique des
18 Croates et des non-Serbes dans les territoires occupés a été en cours et
19 s'est terminé. Puis il faut savoir qu'avant l'arrivée de la FORPRONU, les
20 Serbes rebelles, avec l'aide de la JNA ont expulsé quelques 390 milles
21 citoyens non-serbes. Il y avait parmi eux des Croates, des Tchèques, des
22 Rutheniens, entre autres, et il faut savoir qu'il y en a plusieurs milliers
23 qui ont été tués, quelque 600 croates ont été tués et quelque 12 000 parmi
24 ces mêmes personnes ont été expulsés par la force depuis le déploiement de
25 la FORPRONU dans cette région, dans cette zone. En guise de conclusion, le
26 président Tudjman indique que le parlement croate a adopté une résolution
27 le 23 septembre, résolution en vertu de laquelle il a été décidé que la
28 FORPRONU, donc les forces de protection des Nations Unies, ne devrait plus
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1 avoir ou bénéficier d'une prorogation de leur mandat.
2 Alors, Monsieur Granic, vous vous souvenez de la FORPRONU de son mandat,
3 vous vous souvenez également de la possibilité de la prorogation du mandat
4 de la FORPRONU dans les territoires occupés, qu'est-ce que vous pouvez nous
5 dire à ce sujet ?
6 R. Nous ne voulions tout simplement pas -- nous ne souhaitions tout
7 simplement pas avoir la prorogation du mandat de la FORPRONU ou nous ne
8 voulions plus que la FORPRONU ait de mandat en fait. Parce qu'en fait
9 c'était un mandat qui en quelque sorte gelait la situation et nous ne
10 pouvions -- il n'y avait plus de contrôle ou ce type de mandat ne nous
11 permettait pas de contrôler la frontière. Les attaques contre Bihac à
12 partir du territoire de la République de Croatie se sont poursuivies, la
13 FORPRONU n'a pas su en fait opéré au désarmement des armes lourdes alors
14 que cela a été l'un des objectifs de son mandat, et qui plus est, je dirais
15 que, bon, il y avait un accord économique qui est entré en vigueur à partir
16 de décembre 1994 et qui avait été signé. Il faut savoir que cet accord
17 économique n'était même pas respecté. Et en visant l'annulation de ce
18 mandat la Croatie ne souhaitait absolument pas provoquer de conflit avec
19 les Nations Unies, bien au contraire. En invoquant le mandat de la
20 FORPRONU, nous avons amorcé la discussion à ce sujet. Je pense, par
21 exemple, à l'aide des Nations Unies, je pense à l'aide de Madeleine
22 Albright, et des représentants des Nations Unies, et je pense à l'aide du
23 vice-président Al Gore. Grâce à l'aide de toutes ces personnes, nous avons
24 essayé de trouver en quelque sorte un dénominateur commun avec les Nations
25 Unies pour pouvoir envisager un nouveau mandat, un nouveau mandat de
26 l'ONURC qui était valable seulement pour la Croatie. Il faut savoir que les
27 tâches et le mandat de l'ONURC étaient beaucoup mieux délimités et beaucoup
28 mieux définis. Nous pensions que ce nouveau mandat, avec ses tâches qui
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1 étaient extrêmement bien définies, permettrait véritablement de mettre en
2 application le mandat.
3 Q. Alors je pense toujours à la même lettre de M. Boutros-Ghali et j'en
4 suis maintenant à la page 4 de ce document. Voilà ce que dit le président
5 Tudjman, il dit à la page 4 que :
6 "La République de Croatie a respecté sa politique, politique qui visait à
7 restaurer la paix sur ses territoires tout en continuant à offrir à tous
8 les citoyens croates une autonomie culturelle et un bon niveau d'autonomie
9 locale dans ces régions, et dans ces régions où les Serbes étaient
10 majoritaires d'après le dernière recensement de la population, et le
11 respect des droits de l'homme était pris en considération, notamment le
12 respect du droit des minorités. Et c'est un point de vue que les
13 représentants de la communauté internationale pouvaient prendre en
14 considération."
15 C'est juste ce qu'a écrit le président Tudjman dans cette lettre.
16 J'aimerais savoir s'il s'agissait d'un point de vue qui correspondait
17 à la politique de l'Etat mené par la République de Croatie que vous
18 représentiez également ?
19 R. Oui, c'est tout à fait exact. Ce qui était voulu coûte que coûte
20 c'était d'essayer de trouver une solution pacifique et nous voulions
21 également réintégrer de façon pacifique les zones occupées, nous voulions
22 faire en sorte qu'elles soient réintégrées dans le système juridique de la
23 Croatie. Ce point de vue vis-à-vis de la FORPRONU tel que cela a été
24 expliqué dans la lettre destinée au secrétaire général des Nations Unies,
25 ce point de vue, disais-je, a véritablement apporté des résultats car la
26 communauté internationale à la suite de la réception de cette lettre a
27 commencé véritablement à travailler d'arrache-pied autour de ce qu'on
28 appelait le plan Z-4. C'était la première fois que la communauté
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1 internationale travaillait à partir d'un plan qui envisageait une solution
2 pacifique pour cette zone et qui envisageait la réintégration pacifique de
3 cette zone dans le cadre juridique et constitutionnel de la Croatie.
4 M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais demander
5 le versement au dossier de ce document.
6 M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça deviendra la pièce D1803.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1803 est maintenant versée au
10 dossier.
11 M. MIKULICIC : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander l'affichage
12 de la pièce 3D00465, je vous prie ?
13 Q. Monsieur Granic, vous avez dit dans le cadre de votre déposition et
14 vous l'avez dit à plusieurs reprises. Vous nous aviez dit donc qu'un accord
15 avait été conclu avec les Serbes rebelles dans le secteur est pour que des
16 routes ou pour qu'une route plutôt soit réouverte, à savoir l'axe routier
17 ou l'autoroute qui reliait Zagreb à Belgrade. Vous avez également indiqué
18 qu'il y avait certains problèmes posés par les Serbes rebelles pour ce qui
19 était de la mise en application de cet accord.
20 Alors est-ce que vous pourriez étoffer un peu votre propos et en fait une
21 façon de présenter également l'opération Eclair ?
22 R. Alors avant de parler de l'opération Eclair je vous dirais que le plan
23 Z-4 auquel avaient œuvré conjointement les ambassadeurs des Etats-Unis, de
24 la Russie, de l'Allemagne, et il s'agissait d'un plan qui n'était pas
25 favorable à la Croatie car il octroyait aux Serbes un Etat dans l'Etat à
26 l'intérieur de l'Etat, et la Croatie en fait, bon, indépendamment du fait
27 qu'elle trouvait que cela était difficile à accepter, a participé quand
28 même aux négociations et aux discussions. Alors que les rebelles serbes, en
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1 commençant par Martic lui-même, avaient refusé d'accepter l'accord. Il faut
2 savoir que l'accord économique, qui avait été signé avec les Serbes - non
3 pas seulement les Serbes de Krajina - mais tous les Serbes étaient censés
4 assurer l'ouverture de l'autoroute qui reliait Zagreb à Belgrade.
5 Toutefois, il y avait quotidiennement des incidents qui étaient provoqués
6 par eux d'ailleurs avec -- et cela se soldait par des victimes. Ils
7 voulaient, par le biais de ces incidents, indiquer, de façon très claire,
8 qu'il était extrêmement périlleux d'utiliser cette autoroute. Ce qui a
9 provoqué beaucoup de mécontentement parmi la population de la Croatie car
10 on les présentait en fait comme des partenaires peu fiables de tout accord
11 économique ou politique, et en fait, eux, ils ne voulaient absolument pas
12 en parler.
13 Q. Mais vous avez dit que la Croatie avait dû trouver des solutions pour
14 un nombre important de réfugiés. Vous avez dit que la Croatie se trouvait
15 en proie avec des problèmes économiques et financiers. Alors j'aimerais
16 savoir donc : quelle était l'importance au vu des conditions ? Quelle était
17 l'importance de cette autoroute et pourquoi est-ce qu'il a fait partie de
18 cet accord ?
19 R. Il avait son importance, son importance économique à la fois la voie
20 ferrée, l'axe routier Zagreb-Split, Zagreb-Belgrade avait été interrompu
21 tout comme d'ailleurs l'ancien oléoduc, ce qui d'ailleurs a représenté pour
22 la Croatie énormément de dégâts et tout comme la fermeture de l'autoroute
23 Belgrade-Lipovac-Belgrade. Cela montait que les Serbes locaux ne voulaient
24 absolument pas participer de façon sérieuse aux pourparlers, y compris les
25 pourparlers qui étaient censés déboucher sur des solutions économiques, et
26 cela montrait qu'ils n'étaient absolument pas des partenaires fiables.
27 Q. A la suite des discussions aux Nations Unies, à la suite des lettres
28 que vous et le président Tudjman avez envoyées, et à la suite également de
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1 la signature de cet accord économique qui a été voué à l'échec, il y a eu
2 donc cette opération Eclair, opération de la police, opération militaire
3 qui a débuté le 3 mai 1993.
4 Il s'agit de et j'aimerais que vous preniez, Monsieur Granic,
5 l'intercalaire le document qui se trouve à l'intercalaire 7 de votre
6 classeur qui correspond à la pièce 3D0065.
7 Il s'agit du message adressé par le président de la République de Croatie,
8 M. Tudjman, message donc qu'il adresse aux Croates ainsi qu'aux autres
9 citoyens de la Croatie le 3 mai 1995.
10 M. MIKULICIC : [interprétation] Est-ce que je pourrais demander l'affichage
11 de la page numéro 3 du document, 3D00465 ? Le document est déjà affiché à
12 l'écran mais j'aimerais demander l'affichage de la troisième page du
13 document.
14 Q. Alors ce que nous avons sur la gauche de l'écran c'est exact mais je
15 pense que nous n'avons toujours pas le bon document pour le côté droit.
16 Dans ce document, au milieu de la page, voilà ce que dit le président :
17 "En même temps ou par ailleurs en tant que président de la Croatie,
18 j'invite les Serbes de Croatie à renoncer -- et à ne pas tenir compte de
19 ceux qui les conduisent à leur ruine. Je les invite à respecter
20 l'intégration pacifique des zones qui sont encore occupées pour qu'elles
21 deviennent partie intégrante du système constitutionnel juridique et
22 économique de la République démocratique de Croatie. Les autorités croates
23 garantissent à la communauté d'appartenance ethnique serbe tous leurs
24 droits tels que stipulés par la constitution croate et par la loi
25 constitutionnelle extraordinaire conformément aux conventions -- à toutes
26 les conventions internationales. S'ils ne renoncent pas à la résistance
27 armée, la Croatie saura comment établir son autorité sur son territoire à
28 l'intérieur des frontières reconnues internationalement et elle sera à même
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1 de le faire comme elle l'a fait avant-hier et hier en Slavonie
2 occidentale."
3 Alors, Monsieur Granic, nous pouvons voir que le président Tudjman
4 s'adresse donc au public en mai 1995, et le 3 mai 1995, pour être plus
5 précis, et exhorte les communautés d'appartenance ethnique serbe à accepter
6 l'intégration pacifique de cette zone en République ou à la République de
7 Croatie. Est-ce qu'il s'agit du type de politique d'Etat à laquelle vous
8 avez contribué en tant que ministre des affaires étrangères ? Qu'est-ce que
9 vous pouvez nous dire à propos de ce message ?
10 R. L'opération Eclair qui est une opération militaire et une opération de
11 police avait comme rôle ou comme objectif essentiel l'ouverture de
12 l'autoroute Zagreb-Belgrade.
13 Le deuxième objectif une fois que le premier objectif avait été atteint
14 était de libérer la zone occupée, et ce que l'on appelait en fait les zones
15 protégées par les Nations Unies à l'ouest. Il n'y avait pas eu de
16 violations de droits de l'homme ou de violations des conventions
17 internationales, c'est-à-dire que nous avions [imperceptible] -- juridiques
18 soit une coopération avec toutes les institutions spécialisées des Nations
19 Unies, et je pense, par exemple, au Haut-commissariat pour les Réfugiés; je
20 pense au CICR, par exemple, et je dirais que nous avions une coopération
21 excellente.
22 En commençant sur une période, cette opération s'est terminée en quelques
23 34 heures et a montré que l'Etat était résolu. S'il ne parvenait pas par
24 des moyens pacifiques à faire en sorte que la zone en question soit
25 réintégrée à la Croatie de façon armée. Mais nous espérions également que
26 cela serve de mise en garde à l'intention de Martic et des autres pour les
27 inciter à participer à des pourparlers sérieux avec la Croatie pour
28 envisager donc cette réintégration pacifique en Croatie.
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1 La réaction a été que de nombreuses personnes ont été bombardées, et
2 à Zagreb, il y a eu sept personnes qui ont été tuées, 196 qui ont été
3 blessées, notamment il ne faut pas oublier que l'un des objectifs était
4 l'hôpital Klaiceva, qui était un hôpital pédiatrique dans lequel je suis
5 allé en compagnie de plusieurs ambassadeurs. Nous avons montré que ce qui a
6 suivi était une coexistence avec les Serbes qui sont restés, grâce à une
7 aide directe et à une protection.
8 Je vais répéter ce que je viens de dire. Cette opération n'a pas fait
9 l'objet d'objection de la part de la communauté internationale parce que
10 j'étais ministre des affaires étrangères et j'ai visité en présence des
11 différents ambassadeurs la région en question. C'était précisément le 3 ou
12 le 4 où je me suis entretenu avec tous les ministres des affaires
13 étrangères pertinents des pays voisins et du monde entier. Je leur ai
14 expliqué les raisons pour lesquelles cette opération avait été menée, et
15 aucune pression n'avait été exercée par la communauté internationale sur la
16 Croatie à proprement parler.
17 M. MISETIC : [interprétation] Bon, je me lève parce que je souhaite que
18 l'on vérifie l'interprétation, s'il vous plaît. Page 79, il y a une phrase
19 qui commence à la ligne 4 et qui se poursuit jusqu'à la ligne 5; je crois
20 qu'il y a un adjectif ici qui a été omis et qui peut s'avérer important.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Granic. Veuillez écouter
22 attentivement. Je vais vous lire ce que nous avons ici sur notre compte
23 rendu d'audience et s'il y a un mot qui manque que vous souhaiteriez
24 évoquer ou prononcer, veuillez nous le dire, s'il vous plaît.
25 Donc je vais vous le lire :
26 "Nous avons eu une excellente coopération --
27 M. MISETIC : [interprétation] Il s'agit de la phrase précédente.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Phrase précédente, je recommence donc à
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1 lire :
2 "Il n'y avait eu aucune violation des droits de l'homme ni violations des
3 conventions internationales."
4 Est-ce qu'il y manque un terme ici ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] "Il n'y a eu aucune violations graves des
6 droits de l'homme ni violations des conventions internationales."
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc c'est le terme "graves" qui a
8 été omis. Bien.
9 Veuillez poursuivre, Maître Mikulicic.
10 M. MIKULICIC : [interprétation] Merci.
11 Monsieur le Président, je demande le versement au dossier de ce
12 document, s'il vous plaît.
13 M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.
15 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D1704 -- 1804 --
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce document -- cette pièce est versée au
17 dossier, D81804.
18 M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
19 Q. Monsieur le Professeur, votre activité diplomatique pendant la crise
20 s'est poursuivie.
21 M. MIKULICIC : [interprétation] Je vais maintenant demander l'affichage du
22 document 3D00497.
23 Q. A l'intercalaire numéro 9 dans votre classeur, vous répondez dans cette
24 lettre au vice-premier ministre japonais, M. Kono. Est-ce que nous pouvons
25 passer à la page 2, s'il vous plaît, l'avant-dernier paragraphe, s'il vous
26 plaît ? Vous dites :
27 "La République de Croatie pense encore et nous allons persévérer
28 dans ce sens le plus longtemps possible que les négociations et les
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1 résolutions pacifiques sont les meilleurs moyens de sortir de cette crise.
2 Nous avons l'intention par exemple de transformer la Slavonie occidentale
3 en fenêtre, représentant la réintégration pacifique et de poursuivre notre
4 coopération avec la communauté internationale et d'appuyer tous ces efforts
5 pour essayer d'obtenir une paix juste et durable dans l'Europe du sud-est.
6 Mais pour suivre une telle politique, il nous faut l'entière compréhension
7 et soutien de la communauté internationale."
8 Est-ce que vous reconnaissez cette lettre comme étant la vôtre ?
9 Si vous remontez un petit peu vers le haut, peut-être que nous pourrons
10 voir la signature.
11 Alors quel type de contact avec M. Kono s'agissait-il ici ?
12 R. Il s'est rendu en visite en République de Croatie, ceci a -- c'était le
13 jour qui a précédé l'opération Tempête. Bien évidemment, à ce moment-là, je
14 ne pouvais pas évoquer l'opération Tempête en tant que telle, parce que ce
15 n'est que le lendemain, lors de la réunion du Conseil de sécurité national
16 que la décision a été prise pour lancer l'opération.
17 Comme je vous l'ai dit, cette décision a été prise en raison de
18 provocations incessantes et d'incidents graves qui ont provoqué la mort
19 d'aucuns. Donc j'estime que c'est de mon devoir d'informer mon collègue, le
20 ministre Kono, donc mon homologue, de l'existence de cette opération, des
21 raisons derrières cette opération, de ses objectifs, et quelles étaient nos
22 intentions à la suite de cette opération. Nous pensions toujours que tout
23 semblait indiquer que les Serbes locaux allaient choisir une voie
24 rationnelle pour sortir de la situation en décidant de négocier sur ces
25 questions-là, afin d'obtenir une réintégration pacifique au système
26 juridique de l'Etat croate.
27 Q. Lorsque vous avez parlé d'opération, Monsieur le Professeur, quelle
28 opération entendiez-vous ou aviez-vous à l'esprit?
Page 24647
1 R. L'opération Eclair.
2 Q. Je vous pose la question, parce qu'au compte rendu d'audience, à la
3 page 80, ligne 22, on peut lire opération Tempête. Je crois que M. Granic
4 n'a pas évoqué cela, d'où la correction.
5 M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le
6 versement au dossier de ce document, s'il vous plaît.
7 M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Messieurs les Juges, ce sera la pièce
10 D1805.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est admis au dossier.
12 M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 Est-ce que nous pouvons afficher maintenant la pièce 3D00503, s'il vous
14 plaît.
15 Q. Monsieur le Professeur, les activités diplomatiques de la Croatie ont
16 été menées à la fois, par le bureau du président d'une part, et d'autre
17 part, par le ministre des affaires étrangères -- le ministère des Affaires
18 étrangères, n'est-ce pas ?
19 R. Oui.
20 Q. A ce moment-là, c'est le ministre Sarinic était là. Quel poste
21 occupait-il ?
22 R. Il était à la tête du bureau du président. Il présidait le bureau du
23 président, et en tant que tel, il avait pour mission de communiquer avec le
24 bureau des Nations Unies à Zagreb. Il avait également d'autres missions
25 distinctes, qui lui ont été confiées au moment où il a rencontré plusieurs
26 fois M. Milosevic, et pour essayer de trouver une solution pacifique au
27 conflit dans cette région de l'ex-Yougoslavie.
28 Q. A l'écran, Monsieur le Professeur, vous voyez la lettre qu'il a envoyée
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1 le 28 juin 1995. Cette lettre a été envoyée à M. Yasushi Akashi; c'est à
2 l'intercalaire 11. Il s'adresse à M. Akashi, en disant que -- je cite :
3 "A ma grande surprise, j'ai reçu la réponse qui a été envoyée en votre
4 absence par le général Bernard Janvier, indiquant que vous ne disposiez pas
5 d'information sur l'entrée de l'armée et d'armes lourdes de l'ex-
6 Yougoslavie en territoire occupé de la République de Croatie."
7 Monsieur le Professeur, quel était le contexte de ces événements qui a fait
8 que M. Sarinic a envoyé cette lettre ? Vous voyez la lettre de suivi qui
9 émane de vous également.
10 M. KEHOE : [interprétation] Je crois que M. Mikulicic a dit par erreur --
11 ou a cité le mois de juin par erreur. Je crois qu'il s'agit du mois de
12 juillet 1995, la lettre est datée de juillet 1995, à la ligne 10 de la page
13 83, Me Mikulicic a parlé du mois de juin.
14 M. MIKULICIC : [interprétation] Moi, j'ai l'original ici, nous avons
15 visiblement un problème de traduction. En croate, on dit bien : 28 juin.
16 Donc je vais poser la question au témoin, je vais lui demander s'il est en
17 mesure de nous dire quelque chose à ce sujet.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.
19 M. MIKULICIC : [interprétation]
20 Q. Monsieur Granic, dans l'original en croate, nous avons la date du 28
21 juin. Dans la traduction anglaise, qui nous vient du service de traduction
22 de ce Tribunal, nous avons la date du 28 juillet. Pouvez-vous nous dire
23 quelle est la date exacte ?
24 R. Je suis tout à fait affirmatif et sûr, il s'agit du 28 juin.
25 Q. Merci. Veuillez nous parler davantage du contexte de tous ces
26 événements.
27 R. A ce moment-là, Milosevic avait envoyé le général Mrksic pour qu'il
28 réorganise l'armée, avait détaché le général Mrksic pour qu'il réorganise
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1 l'armée. Il y avait beaucoup d'armes lourdes en présence. On lui a demandé
2 de faire des manœuvres et les activités militaires ont été développées. Il
3 ne souhaitait pas assister à des pourparlers ou à des négociations pour
4 obtenir une réintégration pacifique.
5 Au contraire, ils ont développé leurs activités militaires, à ce moment-là,
6 les Serbes de Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire Karadzic et les Serbes;
7 Martic négociait et rendait des décisions sur la création d'un Etat commun.
8 A ce moment-là, les Serbes de Croatie participaient activement à
9 l'encerclement de Bihac et Belgrade proposait son aide active. M. Sarinic a
10 averti les uns et les autres pour essayer d'en informer M. Akashi, et
11 souhaiter lui dire par quelle voie ces armes lourdes parvenaient dans cette
12 région.
13 Q. Tout ceci s'est passé au vu et au su de la FORPRONU, n'est-ce pas, qui
14 contrôlait la frontière croate ?
15 R. C'est tout à fait exact.
16 M. MIKULICIC : [interprétation] Je souhaite demander le versement au
17 dossier, s'il vous plaît.
18 M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.
20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce donc -- il s'agit de la
21 pièce D1806.
22 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
23 M. MIKULICIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons maintenant avoir le
24 document 3D00495, s'il vous plaît ?
25 Q. Ceci se trouve à l'intercalaire numéro 12 dans votre classeur. A cette
26 même date, donc le 28 juin, lorsque M. Sarinic envoie une lettre à M.
27 Akashi concernant l'arrivée d'effectifs, de matériel de la VJ sur le
28 territoire de la République de Croatie, vous aussi, vous adressez une
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1 lettre, mais vous l'adressez au secrétaire général des Nations Unies, M.
2 Boutros-Ghali - en page 2 de cette lettre, si nous pouvons toutefois passer
3 à la page 2 dans l'affichage - vous indiquez précisément qui sont les
4 officiers supérieurs de la VJ qui sont arrivés sur le territoire de la
5 République de Croatie, le colonel Slobodan Tarbuk. Uros Despotovic, qui est
6 un colonel également, le lieutenant-colonel Vucekovic [phon], tous deux de
7 la VJ.
8 Alors quelle était votre intention en adressant cette lettre à M. Boutros-
9 Ghali, s'il vous plaît ?
10 R. C'était à l'époque de l'opération Eclair déjà et après cette dernière
11 que nous avons reçu des informations et des documents directs indiquant que
12 tous les soldats de la soi-disant armée de la Republika Srpska, VRS,
13 percevaient leur solde en provenance de Belgrade, donc étaient contrôlés
14 directement par Belgrade. A cette étape-ci, maintenant nous recevons des
15 éléments, nous indiquant que de nouveaux officiers supérieurs sont arrivés
16 de Belgrade sur le territoire de la Republika Srpska. Alors nous avons
17 averti le secrétaire général des Nations Unies de la radicalisation des
18 Serbes insurgés et de l'aggravation de la situation. Nous l'avons également
19 averti du fait que tout cela se passait alors que le mandat de la FORPRONU
20 avait été renouvelé donc ce mandat est renouvelé et en parallèle les Serbes
21 renforcent leur armement et reçoivent des renforts de la VJ, y compris des
22 officiers supérieurs qui se rendent sur le territoire de la République de
23 Croatie, le territoire de la Krajina.
24 Q. [aucune interprétation]
25 L'INTERPRÈTE : Hors micro.
26 M. MIKULICIC : [interprétation]
27 Q. Donc au début de cette page, au premier paragraphe, vous signalez qu'il
28 s'agit là d'une violation directe des résolutions du Conseil de sécurité et
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1 notamment de la Résolution 9988, parce qu'il y a transport de soldats à
2 bord de véhicules qui transportent également des armes à travers la
3 frontière donc la frontière de Raca, et ce, depuis le 14 juin 1995 à
4 destination des territoires occupés dans la Croatie.
5 Alors pourriez-vous nous dire quelle était la réaction qui a suivi l'envoie
6 de cette lettre par vous ?
7 R. Il est indubitable que cette lettre a suscité une grande préoccupation
8 tant du secrétaire général que de M. Akashi. Malheureusement, rien de
9 concret n'a été entrepris, aucun de ces soldats n'a été contraint de faire
10 demi-tour, aucune arme n'a été saisie. Par conséquent, rien ne s'est
11 produit. C'est un fait.
12 M. MIKULICIC : [interprétation] Je souhaiterais que ce document puisse être
13 versé au dossier, Monsieur le Président.
14 M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose, Monsieur Waespi, que vous
16 avez voulu dire que vous n'aviez pas d'objection, ce qui n'apparaît au
17 compte rendu d'audience.
18 Sur cette base, Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.
19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote D1807.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est versé au dossier.
21 M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Professeur, alors l'ensemble de ce contexte comprenant les
23 avertissements lancés et faisant état du renforcement des forces serbes sur
24 le territoire occupé par la République de Croatie est également lié aux
25 événements qui se sont déroulés sur l'Etat voisin de Bosnie-Herzégovine et
26 la situation notamment à Bihac, n'est-ce pas ?
27 R. Tout à fait. Il s'était dit à la situation à Bihac et autour de Bihac,
28 mais pas uniquement à la situation à Bihac.
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1 Je dois vous dire qu'à cette époque a eu lieu un événement tragique
2 qui a été largement déterminant pour ce qui était de notre comportement.
3 Mon comportement personnel tant que -- ou tout autant que la réaction de la
4 République de Croatie. Il s'agissait de la chute de Srebrenica, je pourrais
5 à ce sujet je souhaiterais pouvoir m'exprimer devant la Chambre.
6 Q. Professeur, ce Tribunal a déjà eu l'occasion d'entendre un certain
7 nombre de déclarations concernant la chute de Srebrenica et le destin
8 tragique des Bosniaques à ce jour --
9 M. MIKULICIC : [interprétation] Donc à moins que la Chambre n'en formule la
10 demande, je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire de revenir dessus.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je ne vois pas de pertinence
12 directe à aborder davantage de sujets de Srebrenica pour ce qui est de ce
13 témoin.
14 M. MIKULICIC : [interprétation]
15 Q. Peut-être faut-il juste signaler ou en tout cas ne pas oublier que
16 Srebrenica était une zone protégée des Nations Unies, une zone de
17 protection des Nations Unies, n'est-ce pas ?
18 R. En effet, Srebrenica était une zone de protection des Nations Unies, et
19 M. Akashi, en tant que représentant des Nations Unies, en était directement
20 responsable.
21 Le 10 juillet, en tant que ministre des affaires étrangères, j'ai emmené
22 une délégation d'ambassadeurs pour qu'ils puissent assister à l'ouverture
23 des jeux de la saison culturelle à Dubrovnik, à 5 heures de l'après-midi --
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que vous nous avez proposé de
25 parler de Srebrenica, nous avons envisagé la chose, et nous avons décidé
26 que cela n'était pas nécessaire, mais il semble que vous ayez malgré tout
27 commencé à nous en parler. Parce qu'à vrai dire, la seule question qui vous
28 est posée, est celle de savoir si Srebrenica était bien ou non une zone de
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1 protection des Nations Unies, et Me Mikulicic a bien dit, c'est peut-être
2 la seule chose que nous devrions rappeler.
3 Vous avez commencé par répondre que Srebrenica était bien une zone de
4 protection des Nations Unies, donc vous avez répondu à la question.
5 Veuillez, s'il vous plaît, Monsieur Granic, attendre que la question
6 suivante soit posée. Merci.
7 Continuez.
8 M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 Je voudrais que le greffe veuille bien afficher le document 3D00486 à
10 l'écran, s'il vous plaît.
11 Q. C'est l'intercalaire numéro 13 de votre classeur, Monsieur Granic.
12 Nous en sommes déjà à la fin de juillet 1995. La situation à Bihac est
13 grave, et vous adressez, le 20 juillet 1995, cette lettre à M. Martinez
14 Blanco, qui préside à l'époque le Conseil de sécurité des Nations Unies.
15 Vous dites dans cette lettre que votre gouvernement est extrêmement
16 préoccupé au vu des événements qui se déroulent dans le cadre de
17 l'offensive lancée contre la zone de protection de Bihac. Plus loin, vous
18 faites état de ce qu'ils aient lancé des attaques à partir du territoire
19 croate à travers la frontière. En page 2 de votre lettre, vous indiquez
20 qu'il s'agit d'une violation des résolutions du Conseil de sécurité, que
21 l'ONURC qui intervient sur ce territoire, conformément au mandat qui est le
22 sien, rencontre également des difficultés très sérieuses du point de vue
23 des restrictions imposées à sa liberté de circulation, et pour ce qui est
24 du contrôle qu'elle est censée exercer sur la frontière, vous dites
25 souhaiter que cette lettre émanant de vous soit comprise comme émanant du
26 gouvernement croate et exprimant un souhait que les résolutions du Conseil
27 de sécurité souhaite appliquer.
28 Vous souvenez-vous de cette lettre, Monsieur Granic ?
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1 R. Oui.
2 Q. Quelles en étaient les motivations -- les raisons ainsi que les
3 réactions qu'elle a suscitées ?
4 R. Immédiatement après la chute de Srebrenica, nous n'étions pas au
5 courant des proportions des crimes qu'il y avait été commis. Nous savions
6 que les hommes avaient été emmenés et nous étions absolument terrifiés à
7 l'idée qu'une situation semblable puisse se reproduire à Bihac, alors même
8 que Bihac faisait l'objet d'attaques lancées à partir du territoire de la
9 République de Croatie. Un élément supplémentaire, nous avons pris en
10 considération était le suivant, je pense que c'était le 17 ou peut-être le
11 18 juillet, le président Demirel, le président turc, était en visite en
12 République de Croatie à ce moment-là. Il a eu des entretiens avec le
13 président Tudjman et il a prié tant le président Tudjman que moi-même de
14 faire tout ce qui était en notre pouvoir pour sauver Bihac. Il nous a
15 demandé de venir en aide aux Bosniaques dans cette situation
16 particulièrement difficile, et je lui ai promis de le faire.
17 J'ai fait tout ce que je pouvais pour qu'il y ait un entretien entre le
18 président Tudjman et Izetbegovic. J'ai appelé par téléphone le président
19 Izetbegovic, je lui ai dit que le président Tudjman souhaitait le
20 rencontrer. J'ai appelé le président Tudjman pour lui indiquer que le
21 président Izetbegovic souhaitait procéder de la même façon. J'ai eu le
22 soutien de l'un et de l'autre et j'ai organisé la réunion à Split. J'ai
23 préparé très soigneusement la déclaration de Split, et cela, dans le
24 premier cercle des collaborateurs du ministère des Affaires étrangères.
25 Après cela, ce n'est qu'après la rencontre des deux présidents en présence
26 des ambassadeurs américain et allemand, ce n'est qu'après qu'ils se sont
27 assis à une même table qu'ils ont consulté le texte de cet accord, ils
28 n'ont proposé que des changements mineurs et c'était un instrument
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1 absolument crucial. C'était la meilleure façon de venir en aide à la
2 Bosnie-Herzégovine puisqu'en fait nous avons de la sorte garanti la
3 possibilité d'une, la possibilité tout à fait légale d'une aide militaire
4 de la Croatie, y compris en faisant intervenir l'armée croate en Bosnie-
5 Herzégovine, et il s'agissait en fait du premier accord d'amitié de
6 coopération signé entre les présidents Tudjman et Izetbegovic. Quatre jours
7 plus tard, nous nous sommes rencontrés à l'aéroport de Split et c'est sur
8 invitation du président Izetbegovic que l'armée croate conjointement avec
9 le HVO et l'ABiH est intervenue pour la première fois dans le cadre
10 d'opération militaire, les opérations de Grahovo et Glamoc afin de soulager
11 l'enclave de Bihac, afin de venir en aide pour que soit réduite la pression
12 exercées sur Bihac. C'était tout à fait concrètement l'aide maximale que
13 l'on pouvait fournir face à la menace de la chute de l'enclave de Bihac.
14 M. MIKULICIC : [interprétation] Je voudrais que le document puisse être
15 versé.
16 M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.
18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, le document
19 reçoit la cote D1808.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est versé au dossier.
21 M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, je surveille l'heure.
23 Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est du point de vue de votre planning ?
24 Vous aviez indiqué que vous auriez besoin de quatre séances.
25 M. MIKULICIC : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président, que j'en
26 aurai fini aux termes des deux premières séances de demain.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous apprécierions que vous
28 fassiez des efforts afin de respecter ce planning et peut-être même de
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1 faire encore plus court.
2 M. MIKULICIC : [interprétation] Je ferai de mon mieux, Monsieur le
3 Président.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui est des autres parties ?
5 M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aurais besoins
6 d'environ deux séances.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Deux séances ou moins.
8 Maître Cayley.
9 M. CAYLEY : [interprétation] J'aurais besoin d'une session, peut-être un
10 peu moins.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.
12 M. WAESPI : [interprétation] Je pense que ce que nous avions indiqué
13 c'était entre quatre et six séances.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. J'ai peut-être omis cela.
15 Alors j'ai parlé des détails dans lesquels nous nous aventurons et du
16 contexte.
17 Monsieur Granic, je souhaite vous rappeler comme je le fais toujours avec
18 les témoins que vous n'êtes censé communiquer avec personne au sujet de la
19 déposition que vous avez donnée et de celle que vous allez donner au cours
20 des jours qui suivent. Je vais faire l'exception suivante, compte tenu du
21 fait que la défense Markac a reçu un certain nombre de documents de façon
22 très tardive, la Chambre a permis à la défense du général Markac d'aborder
23 la question de ces documents nouveaux avec vous, donc il ne s'agit
24 absolument pas de discuter de documents que vous avez déjà abordés par le
25 passé, mais uniquement de pouvoir aborder des documents qui sont des
26 documents nouveaux. La Défense Markac a reçu pour instruction de se
27 conformer strictement à une ordonnance lui enjoignant de ne discuter de
28 rien d'autre avec vous que de ces documents nouveaux et des sujets qui les
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1 concernent. Vous êtes donc prié de ne discuter de n'aborder votre
2 témoignage à ce jour et du témoin que vous donnerez ces jours suivants avec
3 personne, y compris avec la défense Markac, à l'exception des sujets
4 abordés dans ces documents nouveaux.
5 Nous aurons le plaisir de vous revoir demain à 9 heures dans cette
6 même salle d'audience. L'audience est levée jusqu'à cette date.
7 --- L'audience est levée à 13 heures 47 et reprendra le mercredi 18
8 novembre 2009, à 9 heures 00.
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