Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le jeudi 19 novembre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, je vous prie.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Madame,

  9   Monsieur les Juges.

 10   Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, le Procureur contre Ante Gotovina

 11   et consorts.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier

 13   d'audience.

 14   Maître Misetic, vous êtes prêt à reprendre votre contre-interrogatoire ?

 15   M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Granic, j'aimerais toutefois

 17   vous rappeler que vous êtes toujours tenu de respecter la déclaration

 18   solennelle que vous avez prononcée au début de votre déposition.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je comprends tout à fait, Monsieur le

 20   Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie, Maître Misetic.

 22   LE TÉMOIN : MATE GRANIC [Reprise]

 23   [Le témoin répond par l'interprète]

 24   Contre-interrogatoire par M. Misetic : 

 25   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Granic.

 26   M. MISETIC : [interprétation] Je souhaiterais demander l'affichage de la

 27   pièce P449; page 26 pour la version croate et page 14 pour la version

 28   anglaise.

Page 24757

  1   Pour la version croate, je vous prie, est-ce que vous pourriez afficher

  2   juste la page précédente à celle que vous veniez d'afficher ?

  3   Q.  Monsieur Granic, vous verrez qu'il y a un paragraphe au bas de la page

  4   de version anglaise et en haut de la version B/C/S. Il s'agit d'une réunion

  5   du 18 août, auquel de laquelle ont participé M. Holbrooke, M. Tudjman,

  6   vous-même ainsi que M. Galbraith.

  7   J'aimerais justement que nous nous penchions sur ce sujet. Le 18 août

  8   voilà, ce que dit M. Holbrooke. A la fin du paragraphe, il dit :

  9   "Il y a quelque chose que j'ai dit dans mon exposé. J'ai dit en fait

 10   qu'il faut que les Etats-Unis acceptent le fait que les Serbes de Bosnie

 11   doivent avoir une relation parallèle et séparée avec la Serbie. Il s'agit

 12   d'un changement de position du point de vue de la part des Etats-Unis.

 13   C'est un point de vue qui au départ a été présenté par Alain Juppe. Nous

 14   avions accepté de l'inclure à l'avenir. Alors est-ce que nous pourrions

 15   être d'accord ?"

 16   Puis ensuite le président dit --

 17   Vous, vous dites : "Il faudra envisager un référendum."

 18   Le président --

 19   M. MISETIC : [interprétation] Page suivante, je vous prie.

 20   Q.  Le président dit:

 21   "Dans deux, trois, cinq années, c'est une possibilité. Ce à quoi

 22   rétorque M. Holbrooke, un référendum, bien sûr, mais pour ce qui est du

 23   séparatisme et de la sécession, cela débouche sur une autre question, à

 24   savoir comment mettre cela en œuvre. Lorsque la Tchécoslovaquie a voté pour

 25   qu'elle soit divisée en deux, les Etats-Unis et le reste du monde n'ont pas

 26   pipé mot. Pourquoi ? Parce qu'il s'agissait d'un vote équitable organisé en

 27   temps de paix."

 28   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, je vous prie,

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  1   afficher la page suivante de la version croate.

  2   Q.  Même en Ethiopie, la communauté internationale, dirigée par les Etats-

  3   Unis et les Nations Unies, a accepté le référendum pour l'Erythrée après un

  4   certain nombre d'années, et l'Erythrée est maintenant un membre des Nations

  5   Unies. Mais cela c'est une question tout à fait différente.

  6   Alors, Monsieur Granic, pour ne pas trop perdre de temps, je vais essayer

  7   de voir si j'ai bien compris ce qui se passait. A cette époque à la suite

  8   de l'accord de Washington, la Fédération croato-musulmane était censée

  9   avoir déjà un statut de Confédération au sein ou un statut de confédération

 10   avec la République de Croatie; est-ce exact ?

 11   R.  Lorsque la Fédération croato-musulmane a été créée, un accord de

 12   confédération a été signé entre la Confédération donc et la République de

 13   Croatie. Alors certes il n'y a pas grand-chose qui a été fait dans le cadre

 14   de ce projet puisque tout le monde attendait la fin de la guerre et

 15   l'instauration de la paix en Bosnie-Herzégovine et la solution définitive.

 16   Mais cette discipline, au cours de laquelle le président Tudjman, M.

 17   Holbrooke, M. Le ministre Susak et moi-même avons participé, revient en

 18   fait à dire que, pour la première fois, M. Holbrooke a dit que les

 19   Américains acceptaient que le même statut soit octroyé à la Republika

 20   Srpska, et ce, conformément au souhait de Milosevic.

 21   En d'autres termes, il s'agissait d'établir une relation séparée avec

 22   la Serbie. Voilà ce que j'ai dit à propos du référendum correspond

 23   fondamentalement à la mise au point du type de relations qu'ils

 24   envisageaient dans le cadre des relations globales.

 25   Q.  Alors corrigez-moi si je m'abuse, Monsieur Granic, mais M. Holbrooke

 26   indique ce qui suit : si l'on fait en sorte qu'un accord de paix soit

 27   signé, les Serbes de Bosnie pourront ensuite avoir le droit d'organiser un

 28   référendum au bout d'un certain nombre d'année afin de leur donner la

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  1   possibilité de décider s'ils veulent ou non l'indépendance, n'est-ce pas ?

  2   Est-ce que c'est bien cela qu'il s'agit ?

  3   R.  Ecoutez, il s'agissait de discussions préliminaires. Lors de cette

  4   discussion, la possibilité de référendum n'a pas été exclue, cela vous

  5   l'avez très bien compris. Par la suite, lorsque les principes

  6   constitutionnels de l'accord de Dayton ont été mis en place, ce type de

  7   référendum n'a plus été mentionné, il n'a plus été question de sécession

  8   non plus alors qu'à l'époque, à cette époque-là, cela était encore, cela

  9   faisait encore partie de l'ordre du jour et des priorités.

 10   Q.  Je vous remercie, Monsieur Granic.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Alors je souhaiterais que la page 17 de la

 12   version anglaise soit affichée. Elle correspond à la page 31 de la version

 13   croate -- non, page précédente pour la version croate, je vous prie.

 14   Q.  Vous avez ce paragraphe -- vous avez M. Holbrooke qui s'exprime. Donc

 15   au bas de la page pour la version croate, au milieu de la page pour la

 16   version anglaise. Alors vous voyez, il s'agissait d'une récapitulation des

 17   événements en 1995. Voilà ce que dit M. Holbrooke :

 18   "Monsieur le Président, je voudrais être absolument franc avec vous parce

 19   que notre administration vous a donné des signaux très différents à propos

 20   de l'activité militaire au cours des derniers mois."

 21   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que vous pourriez afficher la page

 22   suivante de la version croate ?

 23   Q.  Puis M. Holbrooke poursuit. Voilà ce qu'il dit; le président s'est

 24   exprimé et puis ensuite il dit :

 25   "Monsieur le Président, je voudrais être absolument honnête avec vous car

 26   je m'exprime non seulement en tant que représentant des Etats-Unis, mais en

 27   tant qu'une personne pour qui cette question a de l'importance. Je voudrais

 28   m'exprimer en tant que personne qui se considère comme un ami de la

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  1   Croatie, et vous aviez indiqué que vous étiez justifié de lancer votre

  2   opération militaire en Slavonie occidentale."

  3   Alors, vous pouvez poursuivre la lecture pour vous-même, mais voilà

  4   ce qu'il dit :

  5   "Puis nous avons discuté de vos activités à Livanjsko Polje, et nous

  6   vous avons dit d'aller de l'avant."

  7   Alors pour ce qui est de cette référence à Livanjsko Polje, il s'agit

  8   de l'opération Grahovo et Glamoc, n'est-ce pas ?

  9   R.  Ecoutez, cela a trait à plusieurs opérations. Il y avait -- il y a eu

 10   un certain nombre d'opérations au début de l'année 1995, elle était connue

 11   sous le nom de Zima 1995, à savoir hiver 1995, et l'armée croate a renforcé

 12   ces positions au cours de cette opération. Le reste est une référence aux

 13   opérations Grahovo et Glamoc. Les deux opérations sont allées de l'avant

 14   avec l'aval des Etats-Unis, et je dois dire que, personnellement, j'en

 15   avais parlé avec M. L'ambassadeur Holbrooke.

 16   Q.  C'est justement ce dont je voulais que nous parlions parce que voilà ce

 17   qui est dit :

 18   "Comme vous le savez, publiquement nous avons indiqué que nous étions

 19   préoccupé, mais à titre privé, vous saviez ce que nous souhaitions."

 20   Alors vous étiez le ministre des affaires étrangères. Comme est-ce que le

 21   président Tudjman savait ce que souhaitaient les Etats-Unis ?

 22   R.  Il le savait parce que nous avions des contacts quotidiens avec les

 23   représentants les plus importants des Etats-Unis. Moi, j'ai mené ces

 24   discussions au niveau politique tout comme l'a fait M. Zuzul. Ces

 25   discussions incluaient le secrétaire, M. Christopher; Mme Madeleine

 26   Albright, qui était l'envoyée officielle des Nations Unies; et puis

 27   essentiellement également avec M. Holbrooke dans le cadre de l'accord de

 28   Washington. Il ne faut pas oublier M. Gore et M. Redman, M. Gore, qui, à

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  1   l'époque, était vice-président parce que le vice-président Gore s'est

  2   occupé de la question lorsque la Croatie a refusé le mandat des Nations

  3   Unies qui avait été proposé, et il y a un autre mandat, le mandat de

  4   l'ONURC qui a été mis au point. Cela en fait s'est passé donc avec les

  5   Etats-Unis et le vice-président Al Gore.

  6   Pour ce qui était des questions les plus délicates, il faut savoir que nous

  7   parlions toujours de ce que ces questions délicates avec l'envoyé spécial,

  8   M. Holbrooke, et c'est moi, personnellement, qui était chargé de ces

  9   questions bien que notre ambassadeur aux Etats-Unis, M. Zuzul s'occupait

 10   également de ces pourparlers. Il s'agissait donc de discussions très

 11   précises et politiques au niveau militaire; c'est M. Susak qui prenait

 12   contact avec M. William Perry, le ministre de la Défense des Etats-Unis.

 13   Nous avions également des contacts quotidiens avec les représentants

 14   américains militaires qui étaient présents à Zagreb, et je pense que cela

 15   s'est passé quotidiennement.

 16   Nous avions également nous recevions également des communications de

 17   renseignements.

 18   Q.  [aucune interprétation]

 19   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je remarque, je

 20   constate que nous n'avons plus le compte rendu d'audience sur nos écrans

 21   dans le prétoire.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes, cela nous donne quelques

 23   problèmes.

 24   L'INTERPRÈTE : Correction de l'interprète : il s'agit de problèmes

 25   techniques du prétoire électronique.

 26   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 27    M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les techniciens s'en occupent.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Ah voilà, c'est revenu. Je vous remercie,

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  1   Monsieur le Président.

  2   Q.  Monsieur Granic, toujours le même paragraphe, il continue et il dit :

  3   "Alors il y a eu le problème de Knin et le problème du secteur nord et du

  4   secteur sud. Il faut savoir qu'à l'époque, Peter était en plein pourparler

  5   avec Babic à propos du plan Z-4. Il y avait beaucoup de confusion qui

  6   régnait. Vous, vous êtes allé de l'avant, ce fut un triomphe, un triomphe

  7   politique et militaire."

  8   En fait je pense que la phrase devrait être comme suit :

  9   "Et la situation a été utilisé également. Le seul problème en fait

 10   était le problème des réfugiés."

 11   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que vous pourriez tourner la page de

 12   la version croate ?

 13   Q.  "Si vous pouviez faire en sorte que ces personnes reviennent, si vous

 14   pouviez prononcer un discours et dire que la guerre est terminée, qu'ils

 15   peuvent revenir, mais la plupart ne reviendra pas mais dites-leur de

 16   revenir, insister sur ce fait, mentionner au moins le fait qu'ils doivent

 17   revenir."

 18   Le président répond :

 19   "Ecoutez, je serais très heureux si 10 % de ces personnes

 20   revenaient."

 21   M. Holbrooke poursuit :

 22   "Très bien, dites-leur de revenir, offrez leur des compensations," et

 23   il poursuit.

 24   Alors, Monsieur Granic, vous étiez présent lors de cette réunion; est-ce

 25   que vous pourriez nous dire ce que, d'après vous, entendait le président

 26   Tudjman lorsqu'il a dit : "Je serais extrêmement heureux si environ 10 % de

 27   ces personnes revenaient" ?

 28   R.  Alors, voilà, voilà ce que je pensais.

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  1   Je crois que le président pensait qu'il y avait un grand nombre de

  2   personnes qui refusaient d'accepter l'Etat de Croatie, qu'il y avait de

  3   nombreux Serbes insurgés, rebelles qui avaient participé à la rébellion,

  4   qu'ils étaient nombreux parmi ces personnes à avoir commis des crimes car

  5   il ne faut pas oublier que chez les Croates, quelques 14 000 soldats ou 14

  6   000 personnes, donc à la fois des civils et des soldats ont été tués, et 36

  7   000 personnes ont été blessées.

  8   Alors à quoi pensait le président, je pense que le président pensait

  9   également que ces personnes avaient subi un certain endoctrinement au cours

 10   de plusieurs années, au cours des dernières années et que cela en fait

 11   avait fait des dégâts. Voilà ce à quoi pensait le président à l'époque.

 12   Je pourrais peut-être ajouter une ou deux phrases supplémentaires.

 13   Q.  Vous pouvez ajouter ce que vous voulez mais j'aimerais en fait préciser

 14   ma question.

 15   Donc est-ce que le président est en train de dire qu'il serait très heureux

 16   que pas plus de 10 % de personnes ne reviennent, ou est-ce qu'il serait

 17   très heureux s'il pouvait faire en sorte qu'au moins 10 % de personnes

 18   reviennent ?

 19   R.  C'est la deuxième possibilité qui est la bonne qu'il serait très

 20   opportun d'avoir au moins 10 % de personnes qui reviennent. Voilà ce à quoi

 21   il pensait. Il se disait je serais très heureux d'avoir au moins 10 % de

 22   ces personnes qui reviennent.

 23   Je pense que d'autres questions me seront posées et ces questions me

 24   donneront la possibilité de vous expliquer comment a été mis au point le

 25   programme de retour pour les réfugiés. Mais voilà comment cela a commencé.

 26   Q.  Je vous remercie, Monsieur Granic. Nous aborderons ce sujet dans un

 27   petit moment.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, est-ce que la pièce

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  1   P463 pourrait être affichée à l'écran, je vous prie.

  2   Q.  Monsieur Granic, il s'agit de la transcription d'une conversation entre

  3   le président Tudjman et Jure Radic, conversation qui a lieu le 22 août

  4   1995. Alors j'aimerais vous poser quelques questions à propos de cette

  5   discussion.

  6   Est-ce que vous connaissiez Jure Radic, à l'époque ?

  7   R.  Oui, oui, je le connaissais très bien.

  8   M. MISETIC : [interprétation] Alors j'aimerais dans un premier temps

  9   demander l'affichage de la page numéro 4 dans la version anglaise. Page 7

 10   de la version croate, je vous prie.

 11   Q.  Si nous affichons les bas des documents pour les deux versions, voyez

 12   que le Dr ou que M. Radic parle du problème des incendies et voilà ce qu'il

 13   dit :

 14   "Toutefois, il y a quand même une chose que je dois vous dire, je

 15   dois vous dire que je me suis rendu dans tous ces endroits à la fois en

 16   voiture et en hélicoptère."

 17   La traduction anglaise est comme suit :

 18   "Nos hommes ont tout incendiés. Ils incendient aujourd'hui comme ils

 19   incendiaient hier, Monsieur le Président, ce n'est vraiment pas bon."

 20   M. MISETIC : [interprétation] Page suivante.

 21   Q.  "Je suis allé à Kijevo pour voir ce qui se passait. Je connais très

 22   bien cet endroit. Il y a le village de Civljane qui se trouve près de

 23   Kijevo, qui a la même taille que Kijevo. C'est un village serbe où il y

 24   avait des maisons qui ont été rénovées. On leur a dit que tout avait été

 25   bien conservé. J'y suis allé le jour de l'Assomption pour constater que

 26   tout avait été brûlé. Ce n'est pas dans les villes parce que les autorités

 27   bien entendu sont beaucoup plus, ont beaucoup plus de pouvoir là mais dans

 28   les villages. Ce n'est pas l'armée, c'est le cinquième échelon qui est,

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  1   Dieu sait, subordonné à qui, alors je ne sais pas d'ailleurs ils ont une

  2   bannière, ils mettent un uniforme, ils se déplacent ainsi. Ce sont les

  3   pires gueux qui incendient et pillent ces -- il s'agit de notre propriété,

  4   de nos biens. Ce ne sont pas les biens de quelqu'un d'autre. Ce que je ne

  5   vous raconte ce n'est pas ce que j'ai entendu par ouï-dire, ce sont des

  6   choses que j'ai vues moi-même, que j'ai vues de visu, j'ai vu qu'on

  7   incendiait et que l'on pillait."

  8   Ce à quoi le président dit donc :

  9   "Nous disons la police militaire doit agir de suite et la police

 10   civile après."

 11   M. MISETIC : [interprétation] Je demanderais que l'on affiche la page 7 de

 12   la version anglais, qui correspond à la page 10 de la version croate.

 13   Q.  La conversation se poursuit toujours sur le même sujet.

 14   M. MISETIC : [interprétation] Non, je m'excuse, en fait, c'est la page 11

 15   que je souhaiterais avoir à l'écran, donc c'est la page suivante.

 16   Q.  La dernière phrase, M. Radic dit :

 17   "Nous devons nous organiser d'une certaine façon afin d'empêcher cela.

 18   Le président dit :

 19   "On a parlé d'emblée du fait qu'il fallait empêcher cela."

 20   Radic, qui reprend :

 21   "Nous l'avons fait, tout le monde se réfère à vous dans un contexte positif

 22   à vous entre tous puisque nous disons que nous ne devrions pas être en

 23   train de faire cela. Mais ce n'est pas ce qui s'est traduit dans les faits.

 24   Nous devons nous adresser aux VONS ou ailleurs, il faut que les gens

 25   s'expriment et il faut qu'il y ait un rapport là-dessus. Tous les

 26   responsables de la région m'en parlent."

 27   M. MISETIC : [interprétation] Tournons la page, s'il vous plaît, en

 28   anglais, en croate également. Vers la fin en croate au milieu en anglais,

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  1   Radic continue et dit :

  2   "Donc s'il nous faut réinstaurer l'ordre dans cette zone, c'est quasiment

  3   un despotisme d'une certaine façon depuis le début, mais sans cela, il faut

  4   qu'il y ait un chef, et il faut savoir qu'il donne des ordres partout à

  5   tous ces niveaux, et il faut qu'il y ait une voix hiérarchique et il faut

  6   que ça vienne du haut, pour ce qui est de la colonisation et pour ce qui

  7   est de la vie là-bas."

  8   Le président : "C'est la raison pour laquelle je dis que c'est dans toutes

  9   les guerres, et si on n'avait pas aboli la peine de mort pour le vol, il

 10   serait exécuté à la Cour martiale."

 11   Puis Radic dit :

 12   L'INTERPRÈTE : Inaudible pour l'interprète.

 13   M. MISETIC : [interprétation] Reprenons la page suivante en anglais et en

 14   croate. Vers la fin.

 15   Q.  Radic dit que :

 16   "Probablement il y a des actes de vengeance mais il ne peut pas y aller

 17   parce que la police le contrôle. Donc on met l'uniforme militaire, parce

 18   que maintenant tout un chacun a un uniforme militaire. Tout un chacun se

 19   promène librement en ville, même ceux qui n'avaient jamais été membre de

 20   l'armée."

 21   M. MISETIC : [interprétation] Tournons la page.

 22   Q.  "Je pense qu'avant tout, ce sont ceux qui n'ont jamais été membres de

 23   l'armée, ce sont ceux qui pillent, enlèvent les choses, et cetera."

 24   Donc nous avons une conversation en privée entre M. Radic et le président

 25   Tudjman. La description que donne M. Radic, au sujet de ce qui se passe sur

 26   le terrain, avant tout, c'est que ce n'est pas l'armée qui est à l'origine

 27   des faits, donc il s'agit des gens qui enfilent l'uniforme, qui se vengent,

 28   et à l'époque, est-ce que c'est de cette manière que vous avez compris la

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  1   situation ?

  2   R.  Oui, tout à fait, absolument. Il est évident que je n'étais pas au

  3   courant de cette conversation privée qui s'est tenue entre M. Radic et le

  4   président. Mais un ou deux jours plus tard, les propos ont été réitérés

  5   lors d'une réunion du gouvernement croate, et je partageais l'opinion du

  6   gouvernement, à savoir qu'il s'agissait de criminels, que ces incendies

  7   criminelles et que c'était des criminels qui pillaient et qui incendiaient

  8   les maisons, et que le plus souvent ils avaient enfilé l'uniforme. Parce

  9   que, pendant la guerre dans cette région, la plupart des gens, qui ne

 10   s'étaient jamais trouvés ni dans l'armée ni dans la police, mettaient un

 11   uniforme. Et surtout s'agissant de ces crimes, tous prenaient l'uniforme

 12   pour pouvoir se rendre plus facilement sur le terrain, et pour pouvoir se

 13   livrer à ces activités interdites, et c'est ainsi que je comprenais les

 14   choses, que c'était des criminels, qu'il y avait, là aussi, des actes

 15   individuels de vengeance ou des groupes qui se vengeaient.

 16   Q.  -- le président dit :

 17   "Nous avons parlé du fait qu'il fallait arrêter ça depuis le début."

 18   Et il dit : "Et nous avons envoyé la police militaire et la police

 19   civile immédiatement après."

 20   Donc de la manière dont vous avez compris après l'opération Tempête, est-ce

 21   que le président a donné des ordres pour prévenir ce comportement criminel

 22   ?

 23   R.  Personnellement, avant l'opération Tempête, dès le 31 -- le 31 juillet,

 24   pendant la réunion que le président a tenu aux îles Brioni avec la

 25   direction politique, à ce moment-là, le président m'a demandé de donner mon

 26   appréciation politique et diplomatique d'une opération militaire

 27   éventuelle. Lorsque je lui ai répondu que, compte tenu de la situation à

 28   Bihac, entre autres, compte tenu des menaces de Martic et de Karadzic donc

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  1   menaçant de créer un Etat commun, et par rapport à l'ensemble des facteurs

  2   internationaux, que je pensais qu'au Conseil de sécurité, la seule chose

  3   qui serait à être acceptée, ce serait une action suivie d'une déclaration

  4   du président puisque notre opération rentrerait dans le cadre de

  5   l'initiative américaine. Mais j'ai dit au président que l'essentiel c'était

  6   de respecter les conventions de Genève, de respecter le personnel de

  7   l'ONURC et de les protéger, et de faire en sorte que cette opération soit

  8   correcte, et qu'elle ne dure pas trop longtemps. Le président, en personne,

  9   m'a assuré, à ce moment-là, qu'il allait faire tout pour garantir le

 10   respect des civils, du personnel de l'ONURC, et des biens. Je sais que

 11   c'est l'ordre qu'il a donné au ministre de l'intérieur, M. Jarnjak, et je

 12   le sais puisque M. Jarnjak l'a évoqué à la réunion du gouvernement le

 13   premier jour de l'opération Tempête. Donc c'est un ordre qui a été bel et

 14   bien émis par le président.

 15   Q.  Poursuivons avec la transcription, Monsieur Granic, je voudrais que

 16   l'on aborde un autre sujet qui commence à la même page.

 17   C'est le même paragraphe que nous venons d'aborder. M. Radic prend la

 18   parole et il dit :

 19   "Voyez-vous, je suis allé un petit peu dans cette région, les centres les

 20   plus importants sur lesquels il faudrait focaliser le retour pour ce qui

 21   est de l'intérêt national, et j'ai essayé de procéder dans l'ordre

 22   chronologique et hiérarchique et j'aimerais que l'on en parle un petit

 23   peu."

 24   Il me semble que --

 25    "Nous avons la carte de cet ensemble de ce territoire dans son ensemble

 26   qui est d'importance stratégique pour la Croatie, et j'ai colorié de

 27   manière différente, e. Et c'est ce qui a toujours été critique vital pour

 28   nous.

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  1   M. MISETIC : [interprétation] Tournez la page, s'il vous plaît.

  2   Q.  "Alors si vous me demandez, premièrement j'ai formulé cinq priorités --

  3   "

  4   M. MISETIC : [aucune interprétation]

  5   Q.  "-- conformément à l'urgence de la colonisation de ces endroits par les

  6   Croates.

  7   "Si vous me demandez, et bien, ici nous avons la première et la deuxième

  8   priorité. Nous devrions ramener les Croates de toute urgence ici, et on

  9   devrait coloniser ces zones par des Croates, et nous ne devrions en aucun

 10   cas laisser s'installer ici plus de 10 % de Serbes. Parce que --"

 11   Le président dit : "Pas même 10 %."

 12   Radic reprend : "D'accord. Je parle de 10 %. Donc la première priorité de

 13   coloniser ici. Je pense, Petrova et Zrinska Gora et c'est là que nous

 14   devons créer une forme de ville tôt ou tard. Nous avons Vojnic et Veljun,

 15   qui est un endroit un peu plus petit, mais Vojnic est plus important.

 16   "Toutefois nos compagnies par nos entreprises, des usines, tout comme

 17   les Serbes ont fait à Licki Osijek…" et puis ensuite.

 18   Monsieur Granic, ils ont une carte sous les yeux pendant qu'ils

 19   parlent de cela, et Radic, il dit qu'il faut installer les Croates dans ce

 20   secteur. Ils parlent de Petrova Gora, de Zrinska Gora, là où nous avons été

 21   coupés.

 22   M. MISETIC : [interprétation] Je demande à M. le Greffier, la pièce

 23   1D3011, sur la liste 65 ter.

 24   Q.  Est-ce que nous pouvons, s'il vous plaît, identifier les endroits

 25   décrits par M. Radic ?

 26   La ligne rouge, c'est le territoire qui effectivement est sous le

 27   contrôle de la RSK. En bleu, c'est ce qui correspond à nos aspirations.

 28   Vous aurez un stylo bleu pour pouvoir annoter; est-ce que vous pouvez

Page 24770

  1   montrer l'emplacement de Petrova Gora, de Zrinska Gora et de Vojnic, s'il

  2   vous plaît; est-ce que vous pouvez tracer un cercle.

  3   M. MISETIC : [interprétation] Agrandissez, s'il vous plaît, un petit

  4   peu la carte.

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est à peu près ici.

  6   M. MISETIC : [interprétation] 

  7   Q.  Pouvez-vous tracer un cercle à l'écran ?

  8   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce qu'on peut agrandir, s'il vous plaît,

  9   pour pouvoir lire les noms des localités ?

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On ne peut plus modifier

 11   l'agrandissement à partir du moment où cela a été fait.

 12   M. MISETIC : [interprétation] Dans la partie supérieure, est-ce qu'on peut

 13   agrandir ? Merci.

 14   LE TÉMOIN : [interprétation] Là, nous avons Vojnic, Vrginmost, Slunj, c'est

 15   ce secteur-ci.

 16   M. MISETIC : [interprétation]

 17   Q.  Vous pouvez, s'il vous plaît, tracer un cercle. Vous avez le droit de

 18   toucher l'écran.

 19   R.  [Le témoin s'exécute]

 20   Q.  Monsieur Granic, la RSK, là dans ce secteur dont parle Radic, lorsqu'il

 21   dit "c'est là qu'on a été coupé," c'est là que le secteur le plus dangereux

 22   pour la Croatie, parce que c'est un secteur de 20 kilomètres de ce que la

 23   Croatie avait avant 1991 et 1995. Donc c'est le rétrécissement le plus

 24   important du territoire croate ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  M. Radic dit qu'il faut empêcher les Serbes de revenir dans ce secteur,

 27   qu'il faut y installer des Croates ?

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.

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  1   M. WAESPI : [interprétation] M. Granic n'était pas présent, donc il

  2   s'agirait de conjecture s'il répondait.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait. Il nous faut faire

  4   preuve de prudence. M. Granic nous a déjà parlé de la réflexion menée par

  5   le président Tudjman, bien entendu nous savons qu'il s'agit de quelqu'un

  6   qui était familier de ce qui se passait, se disait à ce moment-là, dans

  7   cette situation. Monsieur Waespi, il  nous appartiendra de voir plus tard

  8   si son interprétation est bonne ou ne l'est pas. Tout comme il nous faudra

  9   comprendre et évaluer s'il s'agit véritablement des pensées de ces

 10   personnes ou des interprétations qui sont fournies. Nous avons eu déjà ce

 11   type de situation à plusieurs reprises, que ce soit du côté de l'Accusation

 12   ou de la Défense, et bien entendu, il revient à la Chambre en dernière

 13   instance de déterminer la valeur probante de ce type de propos.

 14   Donc je ne vais pas empêcher Me Misetic de poser ce type de question,

 15   mais en même temps, je ne pense pas que M. Granic ne sera pas d'accord avec

 16   moi pour dire qu'on ne peut pas, on ne peut jamais savoir totalement ce qui

 17   est dans la tête de quelqu'un d'autre. Donc Monsieur Granic, vous

 18   comprendrez que Me Misetic, il faudrait que ne pas passer trop de temps sur

 19   l'interprétation des propos qui sont attribués à quelqu'un d'autre. Donc

 20   nous avons là l'expression les 10 % par exemple, c'est quelque chose que

 21   nous avons examiné déjà à de nombreuses reprises. Donc nous savons comment

 22   les parties interprètent cela de part et d'autre.

 23   M. MISETIC : [interprétation] Oui, tout à fait. Mais l'Accusation

 24   n'était pas présente à cette réunion non plus, donc ils n'ont pas

 25   d'information supplémentaire sur la teneur des propos.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, oui, mais vous savez que

 27   la position du témoin n'est pas la même que celle des parties, des

 28   conseils, donc nous ne nous attendons pas à ce que le témoin rentre dans la

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  1   polémique.

  2   Donc vous pouvez le faire avec M. Waespi, mais il faut voir que ce

  3   qui est pertinent c'est ce que le témoin nous dira.

  4   M. MISETIC : [interprétation]

  5   Q.  Donc pendant cette conversation, est-ce qu'il est question de garder

  6   les Croates -- d'empêcher les Serbes de rentrer en Croatie ou de rentrer

  7   les Croates, installer les Croates dans ce secteur ?

  8   R.  Monsieur l'Avocat, je suis d'accord avec ce qu'a dit, M. le Procureur.

  9   Je n'étais pas là.

 10   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je ne voudrais pas

 11   spéculer sur ce qui était dans la tête de Radic. Mais je sais quelles

 12   étaient les positions défendues par lui comme vice-ministre du

 13   gouvernement, ministre du renouveau et chargé de la démographie. Dans cet

 14   espace vide, il voulait installer un maximum de Croates. En aucun cas, il

 15   ne s'agissait pour lui d'empêcher le retour des Serbes, car ce n'était

 16   d'ailleurs pas la tâche de Jure Radic, de s'occuper de cela. J'en parlerais

 17   beaucoup plus de cela d'ailleurs du retour des Serbes de ce qu'on a fait

 18   pour les faire revenir, parce que j'ai pris part.

 19   Quant aux Croates, d'une part le président Tudjman a créé un ministère,

 20   c'est un ministère pour assurer le retour des Serbes, et  Jure Radic, dans

 21   le cadre du retour à la vie normale après la guerre, souhaitait faire

 22   revenir un maximum de Croates dans les zones qui étaient quasiment vides,

 23   donc les Croates de Bosnie-Herzégovine ou d'ailleurs, des pays tiers.

 24   Mais cela n'a pas marché. Juste un petit nombre de Croates qui avaient été

 25   invités de Bosnie-Herzégovine sont restés. Les aspirations étaient bien

 26   plus importantes, mais seul un petit nombre de Croates et un petit nombre

 27   de Croates d'autres pays ont été réinstallés ici. La plupart sont restés

 28   dans les grandes villes. La plupart des Croates de Republika Srpska et

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  1   d'autres zones de Bosnie-Herzégovine sont restés à Zagreb.

  2   Q.  Je vous remercie.

  3   M. MISETIC : [interprétation] J'avais demandé le versement de la pièce qui

  4   est à l'écran.

  5   M. WAESPI : [interprétation] Est-ce que je peux savoir sur la base de quoi

  6   parle-t-on de ces frontières ? Alors d'où est-ce que cela vient ? Est-ce

  7   que nous avons d'autres cartes qui ont déjà été versées au dossier --

  8   M. MISETIC : [interprétation] C'est le jeu de cartes qui a été fourni par

  9   l'Accusation au début du procès, puis nous avons la légende en bas à

 10   gauche.

 11   M. WAESPI : [interprétation] Donc je ne sais pas quelle est la numérotation

 12   de la carte.

 13   M. MISETIC : [interprétation] Je ne sais pas exactement quel est le numéro,

 14   mais nous avons le ERN en bas.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'allez pas douter de l'affirmation

 16   de Me Misetic lorsqu'il dit que cela vient de votre jeu de cartes. Je pense

 17   qu'il est suffisamment intelligent pour ne pas risquer son coup-là. Mais

 18   c'est un petit peu étonnant, ça vient par surprise de savoir de quelle

 19   carte exactement il s'agit. Donc vous pourriez peut-être vérifier pendant

 20   la pause, et puis nous en reparlé après.

 21   M. MISETIC : [interprétation] C'est la carte numéro 4 dans le jeu de

 22   cartes.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait, c'est d'ailleurs ce

 24   qui est écrit sur la carte.

 25   C'est la carte numéro 4, Monsieur Waespi.

 26   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie

 28   Maître Misetic.

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  1   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que je peux avoir la cote, s'il vous

  2   plaît ?

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Greffier d'audience.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D1817.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.

  6   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, parmi ces cartes, il y

  7   en a qui ont été versées sur la base d'un accord passé entre les parties,

  8   je ne sais pas quel est le sort de cette carte-ci.

  9   M. MISETIC : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'en ai pas le souvenir.

 11   M. MISETIC : [interprétation] On n'en pas fait l'objet.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc est-ce que je peux en conclure

 13   qu'il n'y a pas d'objection de votre part ?

 14   M. WAESPI : [interprétation] C'est exact.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, la pièce D1817 est

 16   versée au dossier.

 17   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher à l'écran la

 18   pièce P891 ?

 19   Q.  Monsieur Granic, j'aimerais que l'on parle un petit peu de la

 20   correspondance que vous avez eue avec le ministre des affaires étrangères

 21   Kinkel pendant la troisième semaine du mois d'août -- votre réponse à sa

 22   correspondance. Puis nous allons, pour commencer un rapport de la MOCE, au

 23   milieu de la page.

 24   "Le ministre des affaires étrangères allemand --" dit-on dans le texte.

 25   "Leur ministre des affaires étrangères allemand M. Klaus Kinkel a envoyé à

 26   son homologue croate M. Mate Granic une lettre où il lui fait part de ses

 27   préoccupations au sujet du comportement des Croates par rapport aux Serbes

 28   et leur bien. A en juger d'après le journal "Vjesnik,"1, Dr Granic était

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  1   surpris et à considérer que c'était dû à des rapports souvent partiaux et

  2   exagérés qui ont incité M. Kinkel à réagir ainsi."

  3   M. MISETIC : [interprétation] Pouvons-nous tourner la page, s'il vous

  4   plaît, en croate.

  5   Q.  "On ne peut qu'admirer la résistance avec laquelle certains hommes

  6   politiques sont capables de maintenir leurs propres mensonges."

  7   M. MISETIC : [interprétation] Prenons 65 ter 1D30005, s'il vous plaît, à

  8   présent.

  9   Q.  C'est un rapport qui a été publié par l'agence de presse croate donc

 10   nous avons votre réponse au ministre Kinkel.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Excusez-moi, juste un instant, Monsieur le

 12   Président.

 13   Q.  Le premier paragraphe, s'il vous plaît, en haut, il est dit :

 14   "Le ministre Granic a répondu en disant qu'il a reçu cette lettre mais

 15   qu'il est aussi surpris parce qu'il semble que les réactions du ministre

 16   Kinkel se fondent sur des rapports exagérés ou qui seraient même

 17   tendancieux, de manière intentionnelle. Le Dr Granic a rappelé au ministre

 18   Kinkel que le bureau d'information et le bureau politique des Nations Unies

 19   basé à Zagreb a déclaré qu'ils avaient exagéré dans leurs rapports même

 20   pendant la libération de la Slavonie occidentale afin d'empêcher par avance

 21   les Croates de commettre des crimes, et pour des raisons qui se comprennent

 22   politiquement mais qui sont toutefois moralement inacceptables, à savoir la

 23   préoccupation des observateurs internationaux au sujet de ce type de

 24   pratique et après la dernière opération conjointe qui a été menée par la

 25   police et l'armée croate conjointement.

 26   "Le ministre Granic a souligné dans sa lettre qu'il ne souhaitait pas

 27   dissuader son collègue allemand au sujet de l'existence d'incidents

 28   individuels qui dans la plupart des cas ont été commis par des personnes

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  1   qui cherchaient à se venger et le plus souvent par ceux dont les biens dans

  2   nombreux agglomérations avaient été entièrement détruits.

  3   "Le Dr Granic a également relevé que ces incidents individuels, si on

  4   tenait compte de la taille de la zone, et bien, sont relativement peu

  5   nombreux, et il a ajouté qu'indépendamment d'un certain nombre

  6   d'expériences mauvaises par le passé au sujet de l'objectivité de leurs

  7   rapports, et bien, les représentants des Nations Unies, de l'Union

  8   européenne, des organisations humanitaires bénéficieront à l'avenir

  9   également toute leur liberté de circulation dans la zone libérée."

 10   Alors nous allons arrêter la lecture ici. Est-ce que vous pourriez

 11   expliquer aux Juges de la Chambre, le 25 août, vous avez écrit au ministre

 12   Kinkel, alors que pensiez-vous, à ce moment-là, de rapports exagérés, voire

 13   même délibérément tendancieux et qu'est-ce que cela avait à voir avec ce

 14   que vous avez connu en Slavonie occidentale ?

 15   R.  Mis à part cette lettre que j'ai reçue de la part du ministre Kinkel,

 16   avec le ministre Kinkel à l'époque, il m'est arrivé de m'entretenir par

 17   téléphone au moins cinq ou six fois. Le ministre Kinkel était un homme qui

 18   était -- qui suivait des principes morales et stricts, et nous avons eu, à

 19   ce moment-là, des relations tout à fait franches et ouvertes. Au début, il

 20   y a eu quelques exagérations disant que nous avions chassé, expulsés les

 21   Serbes de Croatie, et c'est ce qui m'a particulièrement gêné, parce que

 22   même si nous avions souhaité empêcher cela, nous n'aurions rien pu faire,

 23   absolument rien, car il y a eu le départ de 130 ou 140 milles Serbes

 24   Croates ou de Croatie pendant et après l'opération Tempête.

 25   Puis il y a une autre chose qui m'a gêné, à savoir on a dit qu'il y a

 26   eu trop de pilonnages, l'on a dit qu'on a trop détruit la ville de Knin,

 27   que les tirs n'étaient pas sélectifs, et d'après ce que j'en savais, ce

 28   n'était pas exact. Mais aussi c'est l'étendu, le nombre des problèmes que

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  1   nous avons rencontrés avec les pillages et les incendies qui me

  2   troublaient. Donc la véritable ampleur du problème a été bien identifiée à

  3   l'époque par le secrétaire général de l'ONU. Le problème n'avait pas les

  4   proportions qui étaient parfois donc exagérées à l'étranger. Mais c'est --

  5   j'ai compris cela comme une incitation à agir, à savoir, après cette

  6   lettre, et je pense que le chancelier collègue allemand a appelé le

  7   président Tudjman à ce moment-là, et le ministre Kinkel et moi-même en

  8   avons parlé. Donc tout simplement, je voulais inciter tous ceux qui

  9   détenaient le moindre pouvoir ou attributions en Croatie de faire tout ce

 10   qui était possible au niveau du ministère de l'Intérieur de la Défense du

 11   gouvernement du président Tudjman, donc de faire tout ce qui était en leur

 12   pouvoir pour mettre fin à ces mauvais agissements, et une réunion du

 13   gouvernement y a été consacrée en particulier. Personnellement, je me suis

 14   adressé à un journaliste, à savoir M. Damir Butkovic [phon], du journal

 15   Globus, et je lui ai fait part de toutes mes informations, et je lui ai dit

 16   qu'il fallait écrire dessus, donc il ne fallait rien cacher. Mais qu'il

 17   fallait prendre la juste mesure du problème dans ces articles, et j'ai dit

 18   également dans la lettre qu'il y a eu un accord avec le président et au

 19   sein du gouvernement, que tout simplement toutes les institutions

 20   internationales, qui souhaitaient se rendre sur le terrain, qui

 21   souhaitaient faire des rapports depuis le terrain, donc sur place, elles

 22   pouvaient le faire, elle étaient libres de le faire. Qu'il s'agisse de

 23   l'ONURC, des Nations Unies, d'"Helsinki Watch," de l'Union européenne ou

 24   des ambassades, des attachés militaires de quasiment tous les pays les plus

 25   importants, ils étaient déjà sur le terrain. Donc nous avons autorisé cela

 26   ainsi que la Mission d'OSCE plus tard, et la Mission militaire également.

 27   Donc ils étaient tous sur le terrain.

 28   Puis permettez-moi de citer deux exemples. Alors une expérience que j'ai

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  1   eue après l'éclair, où il n'y a eu quasiment aucune violation de droits de

  2   l'homme grave. Puis la deuxième chose c'est, le 6 août à Genève, j'ai eu

  3   une réunion, et après cela, Reuters, en faisant rapport de cette réunion,

  4   même si j'ai fait une déclaration devant 200 journalistes, dans le rapport,

  5   ils ne reprenaient pas correctement la teneur de la réunion. Voilà c'était

  6   ça mes mauvaises expériences.

  7   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, Maître

  8   Misetic. En page 21 du compte rendu d'audience, ligne 20, le témoin s'est

  9   référé à une personne particulière, à une institution particulière

 10   lorsqu'il parlait d'un rapport. Je pense que ce n'était pas

 11   particulièrement clair.

 12   M. MISETIC : [interprétation] Oui, j'avais la même remarque à vrai dire.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Granic, vous avez dit la chose

 14   suivante, et ceux qui sont en mesure de vous suivre dans votre propre

 15   langue ont interprété, en disant que l'ensemble des détails n'a pas été en

 16   fait interprété.

 17   Vous avez dit, je cite :

 18   "J'étais également tout à fait sensible à l'ampleur des problèmes qui se

 19   sont présentés en terme de pillage, d'incendies volontaires, et cetera. Les

 20   rapports des Nations Unies à l'époque en ont donné un compte rendu exact.

 21   Cela a donné lieu à une préoccupation, mais qui n'était pas généralisée

 22   contrairement à ce que ce certains, certaines personnes et certains médias

 23   de part le monde affirment."

 24   Alors certains ont entendu que vous vous êtes référé à une personne en

 25   particulier. Si c'est exact, pouvez-vous répéter à quelle personne vous

 26   pensiez ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je n'ai fait référence à personne en

 28   particulier, je ne pensais qu'à ceux qui en général s'étaient livrés à des

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  1   déclarations et des comptes rendus inexacts, mais je n'ai pas cité de

  2   médias particuliers. J'ai juste repris l'exemple de ce compte rendu de

  3   l'agence Reuters après ma rencontre avec Javier Solana à Genève.

  4   M. MISETIC : [interprétation]

  5   Q.  Excusez-moi, Monsieur le Témoin.

  6   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que le témoin

  7   concentre son attention sur le mauvais passage.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, nous essayons de voir si ce que

  9   vous pensez avoir entendu correspond à ce que M. Granic voulait dire.

 10   M. MISETIC : [interprétation]

 11   Q.  Alors, dans le compte rendu d'audience, dans l'interprétation anglaise,

 12   il a été dit que c'était les rapports des Nations Unies qui à l'époque

 13   donnaient un compte rendu exact des faits.

 14   R.  J'ai dit que c'était le rapport du secrétaire général des Nations

 15   Unies, M. Boutros Boutros-Ghali, qui était en fait le rapport faisant

 16   preuve de mesures, qui était en fait le rapport faisant preuve de mesures,

 17   qui était un rapport équilibré qui reflétait correctement la situation en

 18   Croatie.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 20   Donc avant que vous ne commenciez à expliciter tout cela, en fait je pense

 21   que vous avez répondu. Nous souhaitions juste vérifier le compte rendu

 22   d'audience et vérifier si vous -- donc vous vous référiez bien au

 23   secrétaire général des Nations Unies.

 24   Veuillez poursuivre.

 25   M. MISETIC : [interprétation]

 26   Q.  Nous allons nous pencher sur ce rapport dans quelques minutes, Monsieur

 27   Granic. Je voudrais juste finir avec ce document.

 28   R.  C'est exact.

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  1   Q.  Alors, pour ce qui concerne donc cette réponse, vers le bas du texte en

  2   anglais vous dites :

  3   "La Croatie souhaite, de façon tout à fait certaine, elle y a d'ailleurs

  4   intérêt, elle a intérêt à préserver les biens qui subsiste dans cette zone,

  5   du point de vue de la préservation d'une partie des richesses,

  6   indépendamment de l'origine ou de l'appartenance ethnique de leur

  7   propriétaire."

  8   Ensuite dans le paragraphe suivant, il est dit, je cite :

  9   "Pour ce qui est du retour des Serbes de Croatie qui ont qui ont quitté la

 10   Croatie pour se rendre en République fédérative de Yougoslavie, à savoir la

 11   Serbie ou le Monténégro ou certaines parties de Bosnie" - poursuit le

 12   ministre Granic - "le gouvernement croate prend toutes les mesures qui sont

 13   en son pouvoir afin d'organiser un retour ce qui prendra un certain temps

 14   et nécessitera la coopération des organisations internationales

 15   humanitaires. Mais également, la bonne volonté des autorités de Belgrade

 16   qui actuellement procèdent à une mobilisation forcée d'une partie

 17   importante des nouveaux arrivants, afin de les envoyer, afin qu'ils

 18   puissent joindre à la VRS et la Croatie, ne serait pas être tenue

 19   responsable de ce type d'injustice et de leur conséquence."

 20   Alors pour ce qui est de ce commentaire dans votre lettre au ministre

 21   Kinkel, pouvez-vous expliquer, à l'attention de la Chambre, de quelle façon

 22   cette question de la mobilisation des Serbes de Croatie au sein de l'ARSK a

 23   eu des conséquences sur le retour de ces mêmes Serbes de Croatie en Croatie

 24   ?

 25   Q.  Les conséquences ou l'impact était très négatif. De façon générale, le

 26   retour des réfugiés est un projet extrêmement sérieux que l'on ne peut pas

 27   mener à bien sans la participation du HCR. C'est un projet qui est soumis à

 28   des règles et la règle la plus importante est celle de la sécurité.

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  1   Cependant, puisque des réfugiés, qui avaient quitté la Croatie, ont

  2   été recrutés et envoyés pour rejoindre la VRS puisqu'il y avait également

  3   la menace d'être victime d'actes terroristes, cela ne pouvait qu'augmenter

  4   le niveau des mesures de sécurité. A l'époque, les conditions n'étaient

  5   absolument pas réunies pour que l'on puisse mettre au point un plan de

  6   retour de ces réfugiés. Le HCR était tout à fait d'accord avec cette

  7   analyse d'ailleurs.

  8   Q.  Merci, Monsieur Granic. Y avait-il la moindre préoccupation quant à

  9   l'éventualité de faire revenir certaines personnes qui en fait auraient

 10   toujours été des combattants ?

 11   R.  Oui, bien entendu, cette préoccupation existait aussi et nous devions

 12   également tenir compte du fait que nous étions encore en état de guerre

 13   avec la République fédérative de la Yougoslavie. Certains éléments de

 14   l'armée de la VJ se trouvaient sur notre territoire en Slavonie orientale

 15   et en Baranja. Il y avait des provocations quasi quotidiennes lancées à

 16   partir de la Republika Srpska en direction de la Croatie, et c'était une

 17   époque à laquelle l'idée d'une intervention armée de la RFY contre la

 18   Croatie n'avait toujours pas été rejetée. Par conséquent, nous étions bien

 19   contraints de tenir compte de tous ces facteurs, et en disant cela, je me

 20   fonde sur les informations émanant des services de renseignement dont nous

 21   disposions.

 22   M. MISETIC : [interprétation] Je voudrais, Monsieur le Président, que le

 23   document affiché à l'écran puisse être versé au dossier.

 24   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 25   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

 27   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote D1818.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est versé au dossier.

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  1   Monsieur Granic, je voudrais obtenir une précision concernant votre

  2   dernière réponse.

  3   Je reprends ce que vous avez dit, vous dites, je cite :

  4   "Il faut garder à l'esprit que nous étions toujours en état de guerre

  5   et que 'leur armée' était toujours sur une partie de notre territoire en

  6   Slavonie orientale et en Baranja." 

  7   Vous parlez ensuite de provocations, mais est-ce que ces provocations

  8   étaient également présentes sur le territoire de la Krajina, parce que vous

  9   vous êtes référé explicitement à la Slavonie orientale et à la Baranja;

 10   cependant, ce que vous avez dit juste après, est-ce que cela s'appliquerait

 11   aussi bien à la Krajina qu'à la Slavonie orientale et la Baranja, ou bien

 12   uniquement à ces dernières ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je pensais avant tout à la Slavonie orientale

 14   et à la Baranja, aux territoires autour de Slavonski Brod et Zupanja.

 15   C'était les zones que j'avais à l'esprit quand j'ai parlé de provocations.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 17   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 18   Q.  Monsieur Granic, nous avons vu hier la pièce D1816 qui était une

 19   transcription d'un entretien entre le président Tudjman et le chancelier

 20   Kohl. Vous venez maintenant de dire que le secrétaire général, Boutros

 21   Boutros-Ghali, avait rédigé un rapport que l'on pouvait considérer comme

 22   raisonnable concernant la situation en Croatie. Le président Tudjman,

 23   pendant cette conversation avec le chancelier Kohl, s'est également référé

 24   à ce même rapport du secrétaire général en tant qu'évaluation plus

 25   raisonnable de la situation. Alors je voudrais que nous nous penchions sur

 26   ce document à ce rapport.

 27   M. MISETIC : [interprétation] Mais avant cela, je voudrais que l'on puisse

 28   afficher le document 1D3009 de la liste 65 ter, et il s'agit d'un procès-

Page 24783

  1   verbal présidentiel supplémentaire d'une réunion donc où vous étiez

  2   présent. Dans la version croate, le passage qui nous intéresse débute en

  3   page 30. Alors la partie qui nous intéresse a été traduite en anglais.

  4   C'est la page 4 dans la numération e-court pour ce qui est de la version en

  5   B/C/S.

  6   Q.  Donc cet entretien, Monsieur Granic, a pris place à la date du 9

  7   septembre et elle concerne la note plutôt sévère que vous avez reçue de la

  8   part du président Tudjman, de la part du ministre Kinkel pendant que M.

  9   Tudjman à peu près au même moment avait une conversation avec le chancelier

 10   Kohl, et vous-même, M. Zuzul, M. Sarinic, et le président Tudjman, en fait

 11   vous entretenez pour ce qui est de la façon dont il faut comprendre et

 12   interpréter ces deux notes.

 13   M. MISETIC : [interprétation] Alors peut-on passer à la page suivante en

 14   anglais, s'il vous plaît ? Non, excusez-moi. Peut-on rester à la même page

 15   ? C'est la page 2; alors c'est la page suivante en anglais.

 16   Q.  Dans la partie supérieure, M. Zuzul dit, je cite : 

 17   "L'autre problème, c'est que Steinar m'a dit pendant qu'il était encore à

 18   Paris, quelque chose comme en privé ou en titre amical quelque chose

 19   concernant Kinkel qui était en colère contre moi et contre vous, contre

 20   nous en fait parce que je me serais rendu là-bas selon lui afin de me

 21   plaindre auprès de Kohl à cause de cette lettre en raison de ce qui est dit

 22   dans la note mais aussi parce qu'il m'a dit ne pas avoir été au courant de

 23   cette lettre de Kinkel à Granic, ni ne l'avoir soutenu, notamment ne pas

 24   avoir soutenu le fait que cette lettre ait paru dans les journaux parce que

 25   ce n'est pas tout simplement le style de ces personnes.

 26   "Alors apparemment Kohl aurait appelé Kinkel mais c'est difficile à dire,

 27   en tout cas c'est difficile d'avoir la moindre certitude. Il aurait

 28   souligné la différence de comportements ou d'attitude envers la Croatie

Page 24784

  1   entre son attitude et sa position à lui, sa position à lui et la position

  2   du ministre de l'Intérieur."

  3   Ensuite au bas de la page en anglais, M. Zuzul poursuit en disant :

  4   "Conformément aux instructions du président, j'ai dit que nous considérions

  5   que l'esprit de ces deux notes était tout à fait différent; la lettre de

  6   Kohl d'une part ainsi que l'appel téléphonique passée par M. Kohl, l'appel

  7   du président; et d'autre part, la lettre de Kinkel complètement différent

  8   de ce qui était le cas avec M. Susak."

  9   Alors pourriez-vous nous expliquer, Monsieur Granic, ce qui apparaissait là

 10   lorsque nous avions le ministre croate des Affaires étrangères, M. Zuzul,

 11   qui essaie d'interpréter le décalage entre les positions du chancelier Kohl

 12   et du ministre Kinkel pour ce qui est de la politique vis-à-vis de la

 13   Croatie ?

 14   R.  La position du chancelier Kohl était très certainement la position

 15   officielle de l'Allemagne à l'égard de la Croatie. Cependant, concernant le

 16   ministre Kinkel, il avait généralement des réactions assez vives parce que

 17   même pour des questions de moindre ampleur, il était souvent sous la

 18   pression de ses collègues et de ministres d'autres Etats de l'Union

 19   européenne, notamment de la Grande-Bretagne. Par conséquent, il avait réagi

 20   plus vivement à bien des égards; cependant, je ne lui en ai jamais voulu

 21   pour cela, parce que je suis absolument persuadé que s'il le faisait, il le

 22   faisait avec une de bonnes intentions. Pour moi, c'était une incitation à

 23   engager encore plus d'effort afin d'essayer d'arrêter toutes ces mauvaises

 24   actions qui se déroulaient sur le territoire libéré; cependant, en tant que

 25   ministre, je me devais également de réagir face au fait dont on

 26   m'informait.

 27   M. MISETIC : [interprétation] Je voudrais que le document 1D3009, Monsieur

 28   le Président, puisse être versé au dossier.

Page 24785

  1   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document reçoit la cote D1819.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1819 est versée au dossier.

  5   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Q.  Monsieur Granic, je voudrais maintenant passer au rapport du secrétaire

  7   général, Boutros Boutros-Ghali, c'est la pièce à conviction D90. C'est un

  8   rapport qui date du 21 août, nous avons vu qu'il y a été fait référence

  9   dans cet entretien entre le président Tudjman et le chancelier Kohl.

 10   M. MISETIC : [interprétation] Nous pouvions voir la page 5, dans le

 11   prétoire électronique.

 12   Q.  C'est un rapport concernant la situation en Croatie. La partie qui nous

 13   intéresse concernant donc la situation sur le terrain du point de vue des

 14   pillages, des incendies volontaires et autres actes criminels, se situe aux

 15   paragraphes 17 à 19 du rapport. Si vous pouviez les lire, s'il vous plaît,

 16   sans nécessairement à avoir à lire l'intégralité mais il est question d'un

 17   certain nombre de maisons dont on a remarqué qu'elles étaient en train de

 18   brûler 35 à 40 maisons dans une bande de territoire. Une maison à Topusko,

 19   il a été plusieurs fois fait état de violence physique.

 20   Au paragraphe 19, il est dit la façon dont le CICR a émis un rapport

 21   favorable pour ce qui était de l'accès donné à toutes les personnes

 22   détenues par les autorités croates dans le cadre du récent conflit.

 23   Avez-vous pu lire tout cela ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Alors pouvons-nous passer au document portant la cote 1D3010 de la

 26   liste 65 ter ?

 27   Il s'agit de l'évaluation d'une mission croate auprès des Nations Unies à

 28   New York, évaluation interne qui vous a été envoyée afin d'interpréter le

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  1   rapport, proposant donc une interprétation du rapport du secrétaire

  2   général. Cela porte la date du 24 août. On voit que cela a été envoyé au

  3   président, vous-même, entre autres destinataires. Le second paragraphe dit

  4   la chose suivante, je cite :

  5   "Le rapport peut être divisé en deux parties. La première concerne

  6   l'évaluation des conséquences de l'opération Tempête (avec des remarques

  7   concernant son déroulement) elle se concentre tout particulièrement sur

  8   l'aspect et la situation humanitaire…"

  9   Au paragraphe suivant, on lit, je cite :

 10   "Le rapport dans son intégralité peut être considéré comme positif et

 11   favorable à la République de Croatie, en dépit de certaines remarques

 12   négatives figurant dans la première partie du document. Cela comprend des

 13   positions négatives de la Croatie concernant les réfugiés serbes et leurs

 14   biens tout comme la sécurité de l'ONURC qui se trouve être compromise.

 15   "Il est significatif qu'il n'y a pas la moindre trace dans ce rapport qui

 16   remet en cause le cadre politique et juridique de l'opération Tempête. Au

 17   contraire, le rapport du secrétaire général Ghali, dans un esprit tout à

 18   fait différent et prend acte du fait que l'essentiel du territoire de la

 19   République de Croatie se trouve maintenant à l'intérieur de ces frontières

 20   internationalement reconnues…"

 21   M. MISETIC : [interprétation] Pourrions-nous passer à la page suivante en

 22   anglais, c'est le paragraphe numéro 6, en page 3 de la version croate, je

 23   cite :

 24     "L'évaluation figurant dans ce rapport et qui se rapporte à la situation

 25   humanitaire aussi bien qu'à certains événements qui se sont produits

 26   pendant l'opération Tempête, a fait l'objet d'un compte rendu dans

 27   l'ensemble correct, avec une intention manifeste de la part du secrétaire

 28   général d'être objectif et d'éviter de se livrer à des évaluations de type

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  1   politique de ces événements."

  2   Paragraphe suivant :

  3   "Nous voudrions attirer votre attention sur les paragraphes 17, 18 et 19 du

  4   rapport, bien qu'ils contiennent des évaluations négatives sur la

  5   République de Croatie montrent en principe le degré, l'étendue des

  6   destructions dans les territoires libérés en tant que conséquence de

  7   l'opération Tempête, et montrent que ces destructions sont largement

  8   inférieures à ce dont il a été -- des évaluations antérieures

  9   d'observateurs des Nations Unies ont fait état. Lorsque l'on parle de fuite

 10   massive des Serbes, il est souligné dans le rapport qu'il est 'difficile

 11   d'estimer dans quelle mesure l'exode en masse de la population serbe de la

 12   Krajina était le résultat d'une peur des forces croates, et de leur refus

 13   de vivre sous l'autorité de l'état croate, ou au contraire, le résultat

 14   d'encouragement de fuir proféré par leurs dirigeants locaux.' Cela écarte

 15   toute possibilité d'accusation ultérieure portée contre la République de

 16   Croatie, pour d'éventuelles déportations de Serbes -- ou plutôt, cela ferme

 17   cette opportunité d'interpréter de façon malveillante les raisons pour

 18   lesquelles les Serbes ont fui."

 19   C'est signé par l'ambassadeur croate à New York.

 20   Q.  Monsieur Granic, question en deux parties : tout d'abord, cette

 21   évaluation du secrétaire général dans ce rapport est une chose sur laquelle

 22   vous vous êtes appuyé en rédigeant vos propres rapports destinés au

 23   ministre Kinkel, ainsi que nous nous pencherons plus tard sur ce document

 24   ainsi que pour ce qui est de rédiger vos rapports destinés au HCR; est-ce

 25   que c'est bien le cas ?

 26   R.  Oui, absolument. Donc en tant que ministre des affaires étrangères,

 27   j'ai pris acte de cette évaluation, je l'ai acceptée. Bien entendu, j'ai

 28   également reçu du président lui-même ce rapport -- le président lui-même a

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  1   reçu également ce rapport. Nous en avons discuté, nous avons conclu que les

  2   conclusions de ce rapport étaient tout à fait acceptables de notre point de

  3   vue, et que nous devions les considérer comme incitation à un encouragement

  4   à travailler activement à la prévention des événements cités aux

  5   paragraphes 17, 18, 19 d'une part.

  6   D'autre part, nous avons considéré que cela donnait une évaluation

  7   très claire de ce que représentait le départ des Serbes de Croatie de ces

  8   territoires occupés. Le rapport ne remet pas en question la légitimité de

  9   l'opération et il ne faut pas oublier que le conseil de sécurité ou plutôt

 10   l'assemblée générale des Nations Unies, en décembre 1995, a adopté la

 11   résolution 43/49 concernant la situation dans les territoires libérés de la

 12   Croatie, par quoi ces territoires ont été reconnus comme étant des parties

 13   de la Croatie, et Belgrade s'est trouvé isolé.

 14   Q.  Donc vous-même et le président Tudjman, vous avez considéré que

 15   ce rapport était plus objectif que ce qui avait circulé, qui émanait de la

 16   Mission d'observation de la communauté européenne ou des équipes des

 17   Nations Unies sur le terrain ?

 18   R.  En terme bref, nous avons considéré que c'était la meilleure évaluation

 19   et le rapport le plus objectif à ce moment précis concernant la situation

 20   en Croatie.

 21   M. MISETIC : [interprétation]

 22   Q.  Merci, Monsieur Granic.

 23   M. MISETIC : [interprétation] Je ne sais pas si c'est peut-être le bon

 24   moment de faire une pause, parce que je m'apprête à changer de sujets.

 25   Alors excusez-moi, je souhaiterais que ce document 1D3010 puisse être versé

 26   au dossier.

 27   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 28   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  2   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document 1D3010 de la liste 65 reçoit

  3   la cote D1820.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est versé au dossier.

  5   Alors nous allons maintenant faire une pause, avant de reprendre nos débats

  6   à 11 heures moins 5.

  7   [Le témoin quitte la barre]

  8   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

  9   [Le témoin vient à la barre]

 10   --- L'audience est reprise à 11 heures 02.

 11    M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, je vous en prie.

 12   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais indiquer

 13   d'emblée à la Chambre que Me Kay et moi-même nous nous sommes entretenus,

 14   Me Kay ne va pas procéder à un contre-interrogatoire donc il m'a très

 15   généreusement offert le temps qui lui avait été imparti, j'ai également

 16   pris contact avec M. Waespi et à moins que je ne finisse plus tôt que

 17   prévu, M. Waespi est tout à fait prêt à commencer au début de la séance

 18   prochaine.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous vous comprenons bien, et la Chambre

 20   apprécie la coopération entre les parties à ce sujet.

 21   Poursuivez.

 22   M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais demander que soit affichée la

 23   pièce P641, je vous prie.

 24   Q.  Monsieur Granic, il s'agit d'une lettre de M. Jose Ayala-Lasso,

 25   commissaire pour les droits de l'homme, selon a été envoyé donc au

 26   président Tudjman le 18 août.

 27   M. MISETIC : [interprétation] Dans le quatrième paragraphe de cette lettre

 28   est-ce que vous pourriez afficher les pages suivantes en anglais ainsi

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  1   qu'en croate ?

  2   Q.  Au quatrième paragraphe, voilà ce qu'il dit :

  3   "A cet égard, mon intention a été attiré sur le fait que des incidents

  4   importants de pillage de biens appartenant aux Serbes locaux se sont

  5   déroulés immédiatement après la fin des combats et après que les forces

  6   croates sont entrées dans la région de la Krajina. Il semblerait qu'il y

  7   ait un phénomène systématique d'incendies de maisons et de champs,

  8   notamment dans la partie méridionale de la région. Des incendies qui ont

  9   été provoquées délibérément après les combats, après la fin des combats,

 10   ont fait l'objet de rapports et ont abouti à la destruction de ville

 11   entière quasiment, telles que Kistanje, Djevrska, Otric, et Donji Lapac.

 12   Cela continue actuellement."

 13   Nous tournons la page :

 14   "De surcroît, les militaires croates ont été observés aux endroits où ce

 15   sont produits les incendies. Dans certains cas il a été confirmé qu'ils

 16   avaient de grands conteneurs, des haches de pompier et du matériel

 17   semblable, et la police croate et les autres autorités ont été vues se

 18   déplaçant dans ces endroits sans pour autant qu'ils prennent des mesures

 19   apparentes pour les arrêter."

 20   Nous allons maintenant, Monsieur Granic, afficher le document P642 qui est

 21   une lettre que vous avez préparée et adressée au commissaire des droits de

 22   l'homme. Il s'agit d'une réponse à cette lettre que nous venons de lire.

 23   M. MISETIC : [interprétation] Deuxième page, je vous prie.

 24   Q.  Dans le deuxième paragraphe de cette lettre, voilà ce que vous écrivez

 25   :

 26   "Premièrement, je souhaiterais répéter que le président de la république,

 27   son Excellence M. Franjo Tudjman, a rejeté absolument les allégations

 28   portées eu égard au phénomène soupçonné et systématique d'incendies et de

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  1   pillages des maisons et des champs dans les territoires qui viennent d'être

  2   récemment libérés lors de sa conférence de presse le 18 août 1995."

  3   Au cours de laquelle il a déclaré, entre autres, que, et je cite :

  4   "L'armée croate ne s'est pas engagée dans des activités d'incendies

  5   et de pillages. Les autorités croates, à savoir moi-même,  personnellement,

  6   et le gouvernement croate ont fait tout ce qui était en leur moyen pour

  7   empêcher la souffrance des civils et empêcher que des dégâts soient

  8   apportés ou portés aux structures civiles, et ce, dans la mesure du

  9   possible."

 10   M. MISETIC : [interprétation] Page suivante, deuxième paragraphe.

 11   Q.  Vous poursuivez :

 12   "Vous vous souviendrez que lors des préparations et de la mise en œuvre de

 13   l'opération de police et de l'armée croate destinée à récupérer ces

 14   territoires occupés, les troupes croates avaient reçu des ordres explicites

 15   afin d'assurer que les victimes humaines et des dégâts matériels aux biens

 16   soient limités au minimum absolu. Nonobstant et compte tenu de la portée de

 17   l'opération qui a eu lieu récemment, il est possible que certains des

 18   incidents auxquels vous faites référence dans votre lettre se soient

 19   déroulés.

 20   "De surcroît, il est possible que conformément aux ordres d'évacuation

 21   donnée par les dirigeants des Serbes locaux, des incidents tels que sont

 22   mentionnés auraient pu être commis par les Serbes qui partaient. Je vous

 23   assure que tous les incidents allégués feront l'objet d'enquête de la part

 24   des autorités compétentes de la République de Croatie et que les résultats

 25   de ces enquêtes seront présentés au public en temps voulu. En outre, je

 26   peux vous assurer que le gouvernement croate a pris toutes les mesures

 27   nécessaires pour empêcher que n'ait lieu d'autres incidents." 

 28   Monsieur le ministre Granic, j'aimerais maintenant vous poser une question.

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  1   Bon, je vous ai demandé lecture de la première partie et de la deuxième

  2   partie, et à propos de la deuxième partie, est-ce que vous étiez en train

  3   d'avancer qu'il n'y avait absolument aucun élément de l'armée croate qui

  4   aurait commis des crimes puisqu'à la lecture du deuxième paragraphe vous

  5   dites :

  6   "En dépit des ordres qui ont été donnés, il est possible que certains

  7   de ces incidents se soient déroulés pendant l'opération à proprement

  8   parler" ?

  9   R.  J'ai envoyé cette lettre sur la demande du président et avant, bien

 10   entendu, j'avais reçu des renseignements de la part du ministère de la

 11   Défense ainsi que du ministère de l'Intérieur. Je vous dirais qu'à

 12   l'époque, à ce moment-là, nous ne disposions pas d'informations nous

 13   indiquant que l'armée avait commis des crimes quels qu'ils soient

 14   d'ailleurs, l'armée n'en n'avait -- pas commis. Mais non seulement nous

 15   avons pris cette lettre très au sérieux, mais après la lettre de M. Kinkel

 16   nous avons organisé une séance ouverte du cabinet et lors de cette séance

 17   nous avons parlé ouvertement et nous avons condamné tous les incidents de

 18   pillages, d'incendies et de crimes ou assassinats individuels.

 19   Voilà la somme des renseignements dont nous disposions à l'époque et

 20   nous en avons parlé publiquement mais nous ne disposions pas d'informations

 21   nous permettant de comprendre que cela était commis par la police spéciale

 22   ou l'armée.

 23   Q.  Donc vous n'excluez pas la possibilité qu'il ait pu y avoir certains

 24   incidents de pillages, d'incendies qui auraient pu se produire pendant

 25   l'opération Tempête -- mais immédiatement après la fin de l'opération

 26   Tempête, incidents qui auraient été commis par certains membres de l'armée

 27   croate; vous n'excluez pas cela ?

 28   R.  Non, tout à fait, parce qu'aucun être raisonnable ne peut se targuer du

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  1   fait que cela ne s'est jamais passé. Lorsque vous avez quelques 200 000

  2   soldats en déplacement. Mais toutefois nous ne disposions pas de ce type de

  3   rapports.

  4   Q.  J'aimerais poser une question : lorsque vous dites, "nous ne disposions

  5   pas de ce type de rapports," est-ce que vous faites référence au ministère

  6   des Affaires étrangères ?

  7   R.  Oui essentiellement au ministère des Affaires étrangères. Le ministère

  8   des Affaires étrangères recevait des rapports qui passaient exclusivement

  9   par les filières traditionnelles, à savoir le ministère de l'Intérieur et

 10   le ministère de la Défense. Mais il ne faut pas oublier qu'à l'époque nous

 11   avions un vice-premier ministre chargé des questions humanitaires. Il

 12   s'agit de M. Ivica Kostovic qui était un homme d'une grande intégrité et sa

 13   mission consistait essentiellement à compiler et collecter des

 14   informations.

 15   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que, Monsieur le Greffier d'audience,

 16   nous pourrions afficher la pièce P918, je vous prie ?

 17   Q.  Monsieur le ministre Granic, il s'agit d'une mise en garde qui a été

 18   envoyée par le département des Affaires politiques du ministère de la

 19   Défense à l'armée croate. Regardez le deuxième paragraphe, voyez ce qui est

 20   écrit :

 21   "Toutefois étant donné -- ou du fait de l'irresponsabilité de soldats

 22   individuels de sous officies et d'officiers qui par leurs comportements et

 23   actes inappropriés compromettent l'armée croate et l'Etat, ce succès a été

 24   partiellement remis en question. Compte tenu de ce qui est mentionné ci-

 25   dessus, il est possible que la communauté ou il serait possible que la

 26   communauté internationale prenne des mesures qui pourraient avoir des

 27   conséquences imprévisibles pour notre Etat. C'est là -- pour cette raison

 28   et conformément à la politique du commandant suprême, M. Franjo Tudjman

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  1   ainsi qu'aux instructions du ministre de la Défense et de l'administration

  2   politique du ministère de la Défense de la République de Croatie, il est

  3   nécessaire de prévenir immédiatement les activités suivantes :

  4   "Premièrement, les incendies continuent et la destruction continue de

  5   propriétés et de biens dans tout le territoire libéré; deuxièmement,

  6   l'abattage de bétails; troisièmement, la confiscation de propriétés;

  7   quatrièmement, le comportement inapproprié vis-à-vis des civils et des

  8   prisonniers de guerre, et notamment vis-à-vis des membres et des soldats

  9   des forces du maintien de la paix."

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, poursuivez. 

 11   M. MISETIC : [interprétation] Merci.

 12   Q.  Donc, Monsieur Granic, cela émane du ministère de la Défense et il

 13   semble que ce document fasse référence à certains incidents qui se sont

 14   déroulés et qui, à cause de l'irresponsabilité de certains soldats, de

 15   certains sous officiers et de certains officiers; est-ce que vous étiez

 16   informé de ceci à l'époque ? Ou est-ce qu'il s'agit de -- est-ce qu'il

 17   s'agit de renseignements qui vous étaient fournis au ministre des Affaires

 18   étrangères ?

 19   R.  Moi, j'ai participé à des pourparlers politiques avant ceci, avant que

 20   ce rapport ait été envoyé. Je n'avais pas ce rapport mais je savais qu'il

 21   allait être envoyé parce qu'il était le fruit de pourparlers et de

 22   discussions à un niveau politique très élevé.

 23   Q.  J'aimerais vous poser une autre question, Monsieur Granic, car nous

 24   avons vu au cours de la matinée qu'il y a eu des discussions entre M.

 25   Radic, entre le ministre Radic et le président Tudjman à propos du

 26   cinquième échelon, et il a été dit que ce n'était pas l'armée de métier,

 27   l'armée régulière qui commettait ces crimes.

 28   Hier, Me Mikulicic --

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  1   M. WAESPI : [interprétation] Ecoutez, j'ai quelques problèmes. Je ne suis

  2   pas -- l'anglais n'est pas ma langue maternelle bien que je la comprenne

  3   quand même. Mais qu'est-ce que cela signifie le cinquième échelon ?

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est un terme qui est utilisé dans

  5   cette conversation donc nous pourrions peut-être poser la question au

  6   témoin.

  7   Monsieur, que signifiait pour vous le cinquième échelon ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] Il s'agit de criminels, de criminels qui

  9   avaient revêtu l'uniforme militaire. C'est ainsi que je comprends ce

 10   concept. Il s'agissait de groupes criminels.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, écoutez, je ne sais pas

 13   ce que vous avez fait du document précédent. Est-ce que vous en terminez

 14   son examen ? Mais j'étais en train de m'interroger sur les éléments de

 15   preuve présentés à cette Chambre.

 16   Monsieur Granic, la lettre vous a été montrée; il est dit qu'il n'y a pas

 17   de membres des forces armées qui ont participé à ces événements. Je ne sais

 18   pas si vous avez envisagé le suivi à accorder à ce document.

 19   M. MISETIC : [interprétation] Oui, tout à fait.

 20   Q.  J'allais vous poser une question, Monsieur Granic. Si en fait au sein

 21   du ministère de la Défense, ils avaient reconnu qu'il y avait quand même

 22   certains problèmes à ce sujet : pourquoi est-ce que vous auriez écrit au

 23   Haut-commissaire chargé des droits de l'homme, le 23 août, que l'armée

 24   croate - et je vais retrouver la citation exacte - bon, en fait,

 25   essentiellement ce que vous aviez indiqué c'était que l'armée croate

 26   n'avait commis d'actes criminels nulle part.

 27   R.  Ecoutez, j'ai écrit ceci en m'appuyant sur des renseignements que

 28   j'obtenais par écrit de la part du ministère de la Défense, ainsi que de la

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  1   part du ministère de l'Intérieur. Donc c'étaient ces éléments-là que

  2   j'utilisais pour écrire mon rapport, car les affaires étrangères n'avaient

  3   pas un service spécial qui s'occupait de cette question. Voilà tout ce que

  4   je peux vous dire.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Est-ce que vous avez reçu un

  6   rapport écrit indiquant que l'armée croate ne s'était pas ou n'avait pas

  7   participé à des actions ou des activités d'incendie et de pillage; vous

  8   l'avez reçu par écrit, cette information ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai reçu des renseignements émanant

 10   d'autres sources m'indiquant qu'il y avait eu, certes des incidents

 11   individuels qui s'étaient produits. J'ai toujours réagi de façon véhémente

 12   à ce sujet. J'en ai informé le président, le ministre de la Défense, le

 13   premier ministre.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas la réponse ou ce n'est pas

 15   une réponse à ma question.

 16   Vous avez écrit ou, en tout cas, il a été écrit que :

 17   "L'armée croate ne s'était pas livrée à des activités de pillage et

 18   d'incendie, et qu'elle ne s'était livrée à ces activités nulle part."

 19   Lorsque je vous ai demandé pourquoi vous avez écrit cela, vous m'avez

 20   répondu que vous n'aviez pas de service qui pourrait, qui aurait pu faire

 21   cette recherche. Vous avez dit, je m'appuyais sur des rapports que je

 22   recevais.

 23   Alors ensuite j'ai posé ma question : est-ce que vous avez reçu un rapport

 24   indiquant que l'armée croate ne s'était jamais livrée nulle part à des

 25   activités de pillage et d'incendie, ou n'avait jamais pris au pillage et

 26   d'incendie ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, à l'époque où je

 28   rédigeais ce rapport, je ne disposais pas d'information m'indiquant que

Page 24798

  1   l'armée croate était responsable de ces crimes.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je me répète une fois de plus, ce

  3   n'était pas ma question.

  4   Vous avez dit, lorsque je communiquais, je m'appuyais exclusivement sur des

  5   rapports officiels écrits que nous recevions. Donc vous avez répondu à ma

  6   question, mais je ne vous ai toujours pas entendu corroborer le fait qu'il

  7   n'y avait pas eu de participation à ces pillages et à ces incendies de la

  8   part des membres de l'armée croate. Je ne vous ai pas entendu dire que cela

  9   avait été indiqué sur la base de rapports officiels écrits que vous aviez

 10   reçus ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. J'ai

 12   répondu sur la base des rapports écrits que j'obtenais du ministère de

 13   l'Intérieur et du ministère de la Défense. Je n'ai pas reçu de rapport

 14   m'indiquant que l'armée avait commis un crime, un crime tel que ceux dont

 15   je parle dans ma lettre à M. Ayala. Je n'ai pas reçu ce genre de rapport de

 16   la part du ministère de la Défense.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je suppose que vous compreniez

 18   la différence entre lorsque l'on dit, je n'ai jamais reçu de rapport

 19   confirmant vos allégations, et lorsqu'on dit, il n'y a aucun membre de

 20   l'armée qui n'a jamais commis nulle part ce type de crimes. Car le premier

 21   exemple est une déclaration dans laquelle vous indiquez que vous, vous

 22   n'avez reçu aucune information de vos services qui aurait confirmé les

 23   allégations. Le deuxième exemple est un refus catégorique de l'allégation.

 24   Alors vous ne dites pas : je n'ai pas reçu de preuve mais cela ne s'est pas

 25   passé.

 26   Donc c'est sur cette différence que j'attire votre attention, Monsieur,

 27   donc si vous le souhaitez, vous pouvez nous livrer vos observations à ce

 28   sujet.

Page 24799

  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, tout à fait, je peux --  je peux le

  2   faire.

  3   Ce que vous avez dit est tout à fait exact. Je ne peux pas vous dire qu'il

  4   était absolument sûr et certain qu'aucun membre n'avait jamais, ne s'était

  5   jamais livré à un acte déshonorable, lorsque je parle de membre, je parle

  6   de membres des forces armées croates. Même dans ce document qui est

  7   intitulé "mise en garde," nous apprenons que certaines personnes ont commis

  8   certaines choses. Mais au moment où j'ai écrit cela, je ne disposais pas de

  9   rapport écrit m'indiquant que les membres ou des membres de l'armée croate

 10   étaient responsables de ces actes. Mais, bien entendu, je ne peux pas nier

 11   la possibilité que certains l'ont fait. C'est la raison pour laquelle j'ai

 12   écrit ce que j'ai écrit à M. Ayala-Lasso.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

 14   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 15   Q.  Une question de suivi, Monsieur Granic, regardez à nouveau le

 16   paragraphe -- non, plutôt je m'excuse.

 17   M. MISETIC : [interprétation] J'aimerais que nous reprenions votre lettre

 18   qui fait l'objet de la pièce P642. Page 2, à nouveau, je vous prie.

 19   Q.  Car dans la lettre vous citez la conférence de presse du président,

 20   conférence de presse qui a eu lieu le 18 août. Vous ne dites pas que vous

 21   citez un rapport que vous avez reçu.

 22   Donc ce que vous dites est une citation directe de la conférence de presse

 23   du président Tudjman, conférence de presse donc du 18 août 1995; est-ce

 24   bien exact ?

 25   R.  Oui, oui, c'est exact. Donc j'ai dû évoquer les propos du président,

 26   parce que vous aviez d'un côté la lettre, mais il y avait également cette

 27   conférence de presse qui avait été organisée ou donnée par le président.

 28   Puis, en tant que ministre des affaires étrangères, j'avais reçu des

Page 24800

  1   informations également.

  2   Q.  Vous étiez quelqu'un qui travaillait en collaboration étroite avec le

  3   président. A ce moment-là, il dit qu'il rejette les allégations d'incendie

  4   et de pillage systématique des maisons et des champs. Alors j'aimerais

  5   savoir si ce refus a trait à ce dont nous avons parlé hier, à savoir la

  6   préoccupation de la Croatie qui se demandait comment ces allégations

  7   seraient perçues par les Etats-Unis, et ce que cela représentait pour ce

  8   qui était de leur aptitude à obtenir le soutien des Etats-Unis pour des

  9   opérations en Bosnie occidentale ?

 10   R.  C'est exact. Vous savez, c'était très douloureux pour nous; chaque fois

 11   que nous recevions ce type de rapports, c'était douloureux, parce que non

 12   seulement ils sapaient complètement la crédibilité de la Croatie et de nous

 13   tous d'ailleurs, mais ce type de rapports compromettait l'avenir de la

 14   Croatie, ainsi que les opérations qui étaient prévues en Bosnie, sans

 15   oublier la paix future en Bosnie. Donc cela diminuait les possibilités de

 16   coopération pacifique. Les personnes responsables de ce type d'action

 17   travaillaient à l'encontre de la Croatie.

 18   Q.  Vous avez mentionné je pense la réintégration pacifique. Vous avez fait

 19   référence au fait que la Croatie aurait été en quelque sorte dans une moins

 20   bonne position pour ce qui était de la réintégration pacifique de la

 21   Slavonie orientale. C'est ce à quoi vous avez fait référence, Monsieur ?

 22   R.  Oui, c'est tout à fait exact. Oui, oui, j'entendais la réintégration

 23   pacifique en Slavonie orientale parce que, dès la fin de l'opération

 24   Tempête, les pourparlers ont commencé avec les Etats-Unis, dès le 18, et

 25   ce, lors de la visite de M. l'ambassadeur Holbrooke à Zagreb. A ce moment-

 26   là, nous avons commencé à envisager la façon de réintégrer de façon

 27   pacifique la Slavonie orientale, ainsi que la Baranja d'ailleurs, à

 28   l'intérieur de l'Etat de la Croatie.

Page 24801

  1   Q.  Pièce 466, s'il vous plaît.

  2   Je voudrais appeler votre attention, Monsieur Granic, là-dessus.

  3   C'est une transcription présidentielle qui date du 30 août. Vous étiez

  4   présent ainsi que le ministre Jarnjak et le président Tudjman parmi

  5   d'autres.

  6   M. MISETIC : [interprétation] Page 55, s'il vous plaît, en B/C/S, 26 en

  7   anglais.

  8   Revenez une page en arrière, s'il vous plaît, en B/C/S. Page 53, s'il

  9   vous plaît. Une page de plus. Une page de plus. Revenez une page. Voilà. En

 10   B/C/S. Revenez d'une page, s'il vous plaît, en anglais.

 11   Q.  En bas de votre page, Monsieur Granic, il y a M. Jarnjak qui commençait

 12   à s'exprimer, et en anglais, ce sera en haut de la page. M. Jarnjak dit :

 13   "Et une autre question qui est devenue opérationnelle et je dois dire que

 14   ce n'est pas très important mais c'est quelque chose qui est là, à savoir

 15   les Serbes qui ont pris la fuite, qui arrivent en passant par la Hongrie,

 16   ils arrivent frapper à notre porte à la frontière parce qu'ils veulent

 17   revenir."

 18   Le président dit : "Est-ce qu'ils ont nos passeports, notre passeport ?"

 19   M. Jarnjak dit :

 20   "Non, ils n'ont rien."

 21   M. Sarinic dit :

 22   "Ils ont un passeport yougoslave."

 23   M. Jarnjak :

 24   "Je souhaite qu'on leur donne des instructions disant qu'il leur faut

 25   obtenir des visais d'entrée à Belgrade dans notre bureau, si vous êtes

 26   d'accord."

 27    Le président dit :

 28   "Mais, moi, je ne donnerais rien. Plutôt tu donnes des instructions à la

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  1   douane qu'ils n'ont pas le droit de laisser passer à la frontière ceux qui

  2   n'ont pas de papier."

  3   Puis un commentaire de la part de M. Sarinic :

  4   "Président nous pouvons suivre l'exemple de la Slavonie occidentale.

  5   C'était très positif pour nous, aucun n'est revenu. Qu'ils se présentent

  6   aux organisations humanitaires internationales et puis que les

  7   organisations humanitaires nous donnent."

  8   M. MISETIC : [interprétation] Puis tournez la page.

  9   Q.  "Le président attend il vient d'un autre pays et il n'appartient pas à

 10   un agent des douanes de faire de la politique."

 11   M. MISETIC : [interprétation] Puis nous passons à la page suivante en

 12   anglais.

 13   Q. Un commentaire qui vous est attribué à vous.

 14   "A en juger à Belgrade, il y a juste 204 personnes qui se sont présentées,

 15   ils ont commencé à Skopje, là-bas aussi. Puis un troisième point est qu'ils

 16   ont commencé à venir sans papier."

 17   Puis le président qui dit :

 18   "Si nous laissons arriver 204 personnes aujourd'hui demain on en aura 1 204

 19   et puis 12 000 dans dix jours. Rien pour maintenant."

 20   Monsieur Granic, est-ce que vous pouvez expliquer dans quel contexte cela

 21   se passe et puis quels sont vos commentaires dans cette transcription ?

 22   Pouvez-vous les expliquer ?

 23   R.  Oui, je peux expliquer les deux à la fois.

 24   A cette époque, les conditions n'étaient absolument pas réunies pour

 25   assurer le retour des réfugiés. A ce moment-là, on ne savait pas encore si

 26   la République fédérale de Yougoslavie allait intervenir militairement

 27   contre la Croatie ou non. Il y a eu création du gouvernement de la

 28   Republika Srpska en exil, à ce moment-là, et la Croatie se trouvait sous la

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  1   menace d'attaques terroristes. Egalement une partie des réfugiés se

  2   trouvaient mobilisés dans l'armée de la Republika Srpska.

  3   Alors ce qui est exact c'est qu'on ne peut élaborer un plan de retour des

  4   réfugiés que si la communauté internationale nous vient en aide, et là, je

  5   dis qu'à Belgrade, il y a 204 personnes qui se sont présentées dans notre

  6   bureau. A l'époque, on n'avait pas encore rétabli les relations

  7   diplomatiques. On avait juste un bureau à la place de l'ambassade. Donc que

  8   204 personnes se sont présentées -- 204 n'ayant pas de document en règle.

  9   Donc à ce moment-là, on n'avait pas d'autre moyen d'agir, si ce n'est donc

 10   d'autoriser au cas par cas des arrivées des gens ou bien le regroupement

 11   familial en passant par les organisations humanitaires.

 12   Comment est-ce que j'ai agi personnellement ? Premièrement, à Dayton, il y

 13   a eu signature des accords d'Erdut; en fait, c'est ça qui a réglé la

 14   réintégration pacifique de la Slavonie orientale, et le droit de tous les

 15   Serbes, qui le souhaitaient de demeurer en Slavonie orientale et en

 16   Baranja.

 17   Q.  Monsieur Granic, je vais aborder cela dans un instant. Mais pour le

 18   moment, je voudrais que l'on parle de ce point en particulier : suite à la

 19   réponse que vous avez donnée, est-ce qu'il s'agissait d'empêcher de manière

 20   permanente des Serbes de revenir en Croatie ?

 21   R.  Non, absolument pas, et j'ai nombre de preuves à l'appui qui peuvent

 22   étayer cela et je suis prêt à les soumettre aux Juges de cette Chambre.

 23   Q.  Je vais vous soumettre deux autres pièces.

 24   M. MISETIC : [interprétation] D690, Monsieur le Greffier, pour commencer la

 25   page 4 du document.

 26   Q.  Monsieur Granic, c'est un discours, qui a été prononcé par Mme Sagato

 27   Ogata, qui est le Haut-commissaire des Nations Unies chargée des réfugiés,

 28   et la date du discours est le 10 octobre; vous êtes quelqu'un qui est

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  1   responsable directement de la question de retour des réfugiés. Je pense que

  2   vous avez déjà dit que vous avez eu l'occasion de collaborer avec Mme

  3   Ogata, à l'automne 1995, vous comprenez qu'elles sont les principes énoncés

  4   par Mme Ogata, et ce sont les principes auxquels adhère la République de

  5   Croatie sur le plan de la politique menée eu égard au retour des réfugiés.

  6   Puis au deuxième paragraphe qui s'affiche à l'écran, il est dit :

  7   "Afin de mener à bien l'opération du retour, je dois souligner

  8   l'importance du respect des principes humanitaires internationalement

  9   reconnus. Premièrement, ce retour doit se passer -- se fonder sur une base

 10   de volontariat. On ne peut pas se servir, on ne peut pas prendre des gens

 11   en otage, les manipuler."

 12   Le deuxième paragraphe :

 13   "Deuxièmement, le rapatriement doit se passer de manière organisée

 14   par étape."

 15   Puis vers la fin de ce paragraphe, elle dit :

 16   "Le retour d'un grand nombre de réfugiés dans des zones qui ne sont

 17   pas prêts à les prendre en charge peut avoir des conséquences très graves

 18   non seulement pour ce qui est des réfugiés eux-mêmes, mais également eu

 19   égard à la stabilité du secteur concerné, en particulier, je pense en fait

 20   que la situation n'est toujours pas stable dans le secteur de la

 21   Fédération.

 22   "J'envisage le processus de rapatriement en trois phases en gros.

 23   Premièrement, le retour des personnes déplacées au sein de la Bosnie-

 24   Herzégovine et également au sein de la Croatie. Pendant cette période

 25   initiale après réinstallation, il est tout à fait possible qu'il y ait de

 26   nouveaux mouvements de la population qui résulteraient des ajustements

 27   territoriaux entre les parties."

 28   Puis un peu plus loin :

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  1   "La deuxième phase comprendrait le rapatriement depuis les autres

  2   républiques de l'ex-Yougoslavie, et en troisième lieu, ce serait le retour

  3   des pays qui avaient garanti une protection temporaire ou réinstallation."

  4   Alors, Monsieur Granic, est-ce que c'était la politique de la Croatie

  5   que les personnes déplacées auraient la priorité comme le dit Mme Ogata ?

  6   C'est uniquement à partir du moment, où sur le plan sécuritaire, la

  7   situation serait stabilisée bien qu'on amorcerait les retours venus des

  8   autres républiques de l'ex-Yougoslavie ?

  9   R.  Tous ces principes énoncés par Mme Sagato Ogata, le Haut-commissaire

 10   chargé des réfugiés, tous ces principes ont été rigoureusement respectés

 11   par nous et c'est avec le Haut-commissariat chargé des Réfugiés que nous

 12   avons à la fin élaboré un plan du retour des réfugiés.

 13   Alors premièrement, pour ce qui est des personnes déplacées, nous avons

 14   réglé ce problème en Croatie même, et pour ce qui est des Serbes en

 15   particulier, en grande partie, ce problème a été réglé par la signature des

 16   accords d'Erdut et par la réintégration pacifique, Dès le mois de janvier

 17   1996, j'ai pu réglé un certain nombre de points avec M. Milutinovic, à

 18   savoir qu'il y ait le retour des réfugiés, et d'autre part, que l'on

 19   garantisse l'inviolabilité des biens.

 20   Puis après la déclaration d'Athènes ou après la négociation d'Athènes entre

 21   les présidents d'Etats et les ministres des affaires étrangères, nous avons

 22   signé un accord historique, à savoir un accord de normalisation de

 23   relations entre la Croatie et la République fédérale de Yougoslavie, le 23

 24   août, le ministre Milutinovic et moi-même avons signé cet accord. C'est

 25   pour la première fois, dans ce document sur le plan international, que la

 26   Yougoslavie reconnaît la Croatie, à savoir dans ses frontières

 27   internationalement reconnues, et nous avons garanti le retour de tous les

 28   réfugiés et l'inviolabilité de leurs biens. 

Page 24806

  1   Puis un troisième point, une fois tout cela fait et compte tenu du respect

  2   des principes énoncés par Mme Sagato Ogata, à savoir le Haut-commissaire

  3   chargé des réfugiés, nous avons commencé d'emblée avec la communauté

  4   internationale début avril, donc avec le Haut-commissariat des Réfugiés, la

  5   Croix-Rouge internationale, et les Etats-Unis d'Amérique, et les présidents

  6   de l'Union européenne, nous avons commencé à élaborer un plan de retour des

  7   réfugiés, et en avril, ce plan a été adopté par le gouvernement croate et

  8   par la parlement croate.

  9   Q.  Pour que ce soit tout à fait clair au compte rendu d'audience, tout

 10   cela eu lieu après la fin des hostilités en novembre 1995; c'est bien cela

 11   ?

 12   R.  C'est exact. En particulier, ce processus a été véritablement avancé

 13   par l'accord d'Erdut et ensuite par les entretiens avec la République

 14   fédérale de Yougoslavie et puis ça a été finalisé par l'adoption du plan

 15   d'action.

 16   Q.  Hier, on vous a interrogé au sujet d'un exemple hypothétique à savoir

 17   une famille entière de ce qu'on a appelé la Krajina se retrouverait en

 18   Serbie sans membre de famille qui serait restée sur le territoire de la

 19   Croatie pour qu'il y ait les raisons d'opérer un regroupement humanitaire.

 20   Alors lorsqu'il y a des familles entières qui se retrouvent sans liens de

 21   parenté avec qui que ce soit en Croatie, lorsque ces familles devaient

 22   attendre pour pouvoir retourner, est-ce que cela correspond à la manière

 23   dont vous comprenez la politique élaborée par le HCR et Mme Ogata ?

 24   R.  Mais c'était tout à fait en accord avec ces principes, ces principes

 25   s'appliquaient à la fois à la Croatie et à la Bosnie-Herzégovine et

 26   d'ailleurs au monde entier. Ce sont des principes du Haut-commissariat des

 27   réfugiés. Ils s'appliquent simplement ici à la Croatie et à la Bosnie-

 28   Herzégovine.

Page 24807

  1   Q.  Vous avez évoqué l'importance de la normalisation des relations avec la

  2   Yougoslavie dans le contexte du retour des réfugiés. Je vais vous montrer

  3   un extrait vidéo. C'est une déclaration dont on a donné lecture le 28 août

  4   1995 après votre réunion avec la troïka européenne.

  5   M. MISETIC : [interprétation] 65 ter 1D3008. La transcription a été fournie

  6   aux cabines.

  7   [Diffusion de la cassette vidéo]

  8   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  9   "Le vice-premier ministre et le ministère des Affaires étrangères, le Dr

 10   Mate Granic a reçu aujourd'hui sur leur demande des représentants de

 11   l'Union européenne, l'ambassadeur français à Zagreb, M. Jean-Jacques

 12   Gaillard, et les premiers secrétaires des ambassades espagnole et

 13   italienne, Camilo Villarino Marzo et Benedetto Laterri, et un représentant

 14   de l'Union européenne, à savoir un représentant de la Commission européenne

 15   chargé de la Mission d'observation en Croatie, a été présent également.

 16   "M. Fuljo [phon] parle des représentants des pays de la troïka

 17   européenne, qui ont fait part des préoccupations de l'Union européenne à

 18   Mate Granic, à savoir au sujet de la situation comprenant les droits de

 19   l'homme dans les zones libérées de la République de Croatie, en soulignant

 20   que la Croatie condamne fortement tous les incidents dans ces zones. Le

 21   ministre Granic a dit qu'il s'agissait d'incident individuel qui avant tout

 22   montre le niveau de frustration de la population. Compte tenu de la

 23   situation actuelle, les demandes individuelles sont reçues et on les

 24   traitera conformément à la législation croate.

 25   "Le ministre Granic a confirmé que la République de Croatie sera

 26   ferme pour ce qui est de la mise en œuvre de la politique et du respect

 27   total des droits de l'homme et des minorités, et que dans ce sens il

 28   continuera à suivre la voie démocratique européenne.

Page 24808

  1   "Granic a informé les représentants de la Troïka européenne la

  2   possibilité d'envisager un délai de la mise en œuvre de différentes

  3   dispositions dans les secteurs de Knin et de Glina.

  4   "Granic a également assuré la Troïka européenne que cette solution

  5   d'aucune manière n'aurait un impact négatif sur les garanties

  6   constitutionnelles, la protection des droits minoritaires."

  7   [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

  8   M. MISETIC : [interprétation]  

  9   Q.  Monsieur Granic, est-ce que vous pouvez nous donner plus de détail ?

 10   Vous avez dit que la question du retour des réfugiés s'inscrit dans le

 11   contexte de la normalisation des relations avec la RFY; est-ce que vous

 12   pouvez nous l'expliquer ?

 13   R.  Ces deux questions étaient liées parce que à l'époque, et d'ailleurs je

 14   l'ai déjà dit ce matin, vous aviez des parties de l'armée de la RFY qui se

 15   trouvaient encore sur le territoire de la République de Croatie. Le 28

 16   août, il y avait encore un risque d'une intervention militaire menée par la

 17   RFY contre la Croatie.

 18   Ce jour-là, on était encore sous la menace d'un éventuel envoi de

 19   terroristes contre la Croatie, de leur part. Donc pour la réintégration

 20   pacifique, il était important de savoir à partir de quel moment la RFY,

 21   c'est-à-dire la Serbie accepterait ce processus de réintégration pacifique,

 22   accepterait d'admettre que la Croatie était un état souverain, le 23 août

 23   1996, ils nous ont reconnus. C'est uniquement comme je l'ai dit à l'époque.

 24   C'est uniquement de cette manière-là que je pouvais m'exprimer, à

 25   savoir qu'on n'allait respecter le droit international, les conventions et

 26   qu'on allait traiter au cas par cas les retours individuels, et puis le

 27   moment venu qu'on allait élaborer un plan de retour des réfugiés. Pour que

 28   je sois tout à fait concret, c'est dès Dayton qu'on avait commencé à en

Page 24809

  1   parler, en janvier 1996, on a poursuivi ces pourparlers et on les a

  2   terminés le 23 août 1996, par la signature de l'accord portant

  3   normalisation des relations entre les deux états.

  4   Q.  Dans cet extrait vidéo, excusez-moi --

  5   M. MISETIC : [interprétation] 65 ter 1D3008, peut-il recevoir une cote,

  6   être versé au dossier.

  7   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objection.

  8   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D1821.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1821 est versée au dossier.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 12   Q.  Monsieur Granic, dans cette déclaration de presse, vous dites également

 13   qu'il y a eu des incidents qui montrent avant tout le niveau de frustration

 14   de la population. J'aimerais vous soumettre un document à présent, c'est un

 15   article de presse.

 16   M. MISETIC : [interprétation] 65 ter 1D3006.

 17   Q.  Je vais vous entendre, je souhaite vous entendre là-dessus.

 18   Donc c'est un article au sujet d'un film onusien qui montre des civils qui

 19   ont été tués à Grubori, et la première partie de l'article concerne un

 20   enregistrement vidéo diffusé montrant des civils tués à Grubori, et puis il

 21   est dit :

 22   "Quasiment tous les bâtiments de ce village étaient en flammes, a déclaré

 23   Knin. Il y a une réunion avec les représentants de l'Union européenne

 24   lundi, et le Témoin MM-024 a déclaré que ces incidents étaient des

 25   événements isolés qui étaient une expression de la frustration de la

 26   population dont les biens avaient été entièrement détruits."

 27   Alors je voudrais simplement entendre votre précision, au sujet de votre

 28   commentaire; vous parliez de Grubori précisément ou au sujet de la zone en

Page 24810

  1   général ?

  2   R.  Non, c'était un commentaire général. Les frustrations étaient très

  3   largement répandues. Il y a eu beaucoup de vengeance, là où il y a eu des

  4   villages croates de brûlés, incendiés, ou là où toutes les maisons croates

  5   d'un village avaient été brûlées, et maintenant, il y a eu des incidents de

  6   maisons serbes. C'est avant tout cela que j'avais à l'esprit.

  7   Q.  Très bien. Monsieur Granic, D412 à présent, c'est la pièce que je

  8   souhaite vous présenter.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.

 10   M. WAESPI : [interprétation] Pourrait-on verser cette pièce, ce document ?

 11   Je pourrais m'en servir pendant mon contre-interrogatoire.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, très bien, on attribuera une

 13   cote.

 14   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce D1822.

 15   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 16   Monsieur Granic, vous nous dites que c'est un commentaire général. Mais

 17   est-ce qu'il comprend également la situation du village de Grubori ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] La seule chose que je puisse dire c'est qu'à

 19   ce moment-là, j'étais ministre des affaires étrangères, et en cette

 20   qualité-là, j'ai entendu [imperceptible] Grubori d'un incident, et la

 21   première information à cet effet était que ce n'était pas un crime qui

 22   avait été commis à Grubori, mais que c'était dû à un conflit, un conflit,

 23   d'ailleurs je ne me souviens pas exactement ces premières informations.

 24   Mais ces premières informations ne disaient pas qu'un crime avait été

 25   commis contre des civils, non, c'est qu'il y a eu n conflit avec l'armée ou

 26   la police croate, c'est de cette manière-là que cela a été présenté à

 27   l'intention de l'opinion.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ce que je vous ai demandé est

Page 24811

  1   la chose suivante, à l'époque, dans le cadre de ce commentaire, vous sous-

  2   entendiez également Grubori ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  5   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  6   Est-ce que je peux avoir la pièce D412, Monsieur le Greffier, s'il vous

  7   plaît ?

  8   Q.  Monsieur Granic, c'est l'accord portant normalisation des relations

  9   entre la République de Croatie et la République de Yougoslavie, qui a été

 10   envoyé le 12 septembre 1996 aux Nations Unies, mais qui porte la date du 23

 11   août 1996. C'est à la page 3 de ce document qui m'intéresse pour le moment,

 12   l'article 7.

 13   Donc l'article 7(1) de cet accord dit qu'il convient d'assurer les

 14   conditions nécessaires au retour libre et sûr des réfugiés des personnes

 15   déplacées.

 16   La section (3) dit, je cite :

 17   "Les parties contractantes doivent adopter une amnistie générale pour

 18   tous les actes commis en rapport avec les conflits armés à l'exception des

 19   violations les plus graves du droit ayant un caractère de crime de guerre."

 20   M. MISETIC : [interprétation] Si nous pouvons maintenant tourner la

 21   page, s'il vous plaît.

 22   Le point 5 dit, je cite :

 23   "Chaque partie contractante doit garantir le même niveau de protection

 24   juridique aux biens et aux personnes physiques et morales bénéficiant de la

 25   citoyenneté de l'autre partie, à savoir les personnes résidant ou ayant

 26   leur siège dans le territoire de l'autre partie, les mêmes niveaux de

 27   protection juridiques donc ceux dont bénéficient ses propres citoyens, à

 28   savoir ses propres citoyens, c'est-à-dire, ces personnes morales."

Page 24812

  1   Q.  Alors, Monsieur Granic, première question : est-ce que, sur cette

  2   question de l'amnistie, pourriez-vous nous expliquer pourquoi il est prévu

  3   d'accorder une amnistie générale pour tous les actes commis en relation

  4   avec les conflits armés à l'exception des violations les plus graves du

  5   droit international humanitaire ?

  6   R.  L'amnistie générale a fait l'objet d'un accord qui a été signé en ces

  7   termes. Parce que, sans cette précondition, il était absolument impossible

  8   de concevoir, de mettre en œuvre un plan de retour des réfugiés. Par

  9   ailleurs, sans une amnistie générale, les conditions d'un rétablissement de

 10   la paix et de la sécurité des réfugiés ne sont pas possibles. Au cours du

 11   processus de réintégration pacifique, cela a fait l'objet d'un accord

 12   spécifique pour le territoire de la Slavonie orientale et de la Baranja

 13   alors qu'avec le présent accord, cela a été convenu pour l'ensemble du

 14   territoire de la Croatie et cela vaut également pour les Croates se

 15   trouvant -- les Croates qui résidaient en République fédérative de

 16   Yougoslavie, et qui avaient fui en Croatie.

 17   Q.  Alors il y avait une exception dans cette disposition qui portait sur

 18   les violations les plus graves du droit international humanitaire, ayant le

 19   caractère de crime de guerre.

 20   Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre ce qui apparaît ici dans

 21   cette disposition du point de vue de la poursuite au pénal de Serbes de

 22   Croatie pour la commission de crime de guerre ?

 23   R.  Je dois vous dire que cette disposition est conforme aux conventions

 24   internationales. Elle a été élaborée avec le concours de meilleurs juristes

 25   internationaux, mais je parle de l'accord dans son ensemble.

 26   Au cours du processus de réintégration pacifique de la région du

 27   Danube croate, le général Klein qui est un général et un diplomate

 28   américain et qui avait mené, qui avait conduit sa mission de façon tout à

Page 24813

  1   fait brillante, il faut lui reconnaître un grand mérite dans le succès qui

  2   a été l'un des plus grand pour ce qui est des missions des Nations Unies.

  3   Il ne s'est pas contenté d'exiger une amnistie générale, il a également

  4   demandé que le nombre des personnes inculpées pour crimes graves soit

  5   diminué pour passer de 170 à 150, et cetera, et pour atteindre finalement

  6   le chiffre de 25. Ce n'était pas du tout simple parce qu'à l'époque cela

  7   revenait à exercer une pression sur les services du procureur; cependant,

  8   le président Tudjman a également accepté cela dans l'intérêt de ce

  9   processus de réintégration pacifique, et là encore, c'est un fait

 10   historique.

 11   Q.  Juste pour que ce soit clair au compte rendu d'audience, vous parlez de

 12   la réduction du nombre de Serbes de Croatie poursuivis pour violation grave

 13   du droit international humanitaire, réduction à un maximum de 25 personnes,

 14   n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui, c'est exact.

 16   Q.  Alors au vu de ce qui s'était passé entre 1991 et 1995 dans les

 17   territoires occupés, le fait de réduire à 25 au maximum le nombre de

 18   personnes poursuivies pour ces faits; est-ce que nous voyons ici, et en

 19   votre qualité de vice-premier ministre, diriez-vous qu'il y avait quelques

 20   conséquences que ce soit du point de vue de ces poursuites engagées contre

 21   ces Serbes de Croatie, auteurs de crimes, du fait de réduire à 25 leur

 22   nombre maximal ?

 23   R.  Je dois dire que ce chiffre de 25 se rapporte à la Slavonie orientale

 24   et à la Baranja. Cela a certainement eu des conséquences pour le système

 25   juridique croate, mais cela n'était pas du fait de pressions politiques

 26   émanant des autorités croates. Cela a eu des conséquences également du

 27   point de vue de la poursuite de Croates qui avaient été auteurs de

 28   violations graves du droit humanitaire. Ça s'est traduit par la limitation

Page 24814

  1   de ces poursuites, leur ralentissement des enquêtes sur l'ensemble des

  2   crimes qui avaient été commis après l'opération Tempête, il y a eu des

  3   poursuites engagées contre -- ou des poursuites engagées pour quelques 3

  4   000 à 4 000 crimes après cette opération.

  5   Q.  Au titre de cet accord de normalisation des relations, à l'article 7.5,

  6   il y a une disposition qui concerne les biens des personnes qui sont

  7   citoyens de l'autre parti, en l'espèce donc des citoyens de la République

  8   fédérative de Yougoslavie ou des personnes qui vivaient et qui doivent donc

  9   jouir des mêmes droit à la propriété que les citoyens de la République de

 10   Croatie. Est-ce que cela avait un lien avec la question du retour des

 11   réfugiés et de la protection des biens des Serbes de Croatie ?

 12   R.  Oui, absolument.

 13   Il s'agissait d'une disposition clé par laquelle les biens de tous

 14   ceux qui étaient des réfugiés se trouvaient être garantis, dans le cas où

 15   ils n'auraient pas encore bénéficié de la citoyenneté croate. Aux termes du

 16   présent accord, leurs biens étaient protégés, c'était tout à fait garanti

 17   et cela indépendamment de la question de la question de savoir s'ils

 18   avaient ou non la citoyenneté, s'ils allaient ou non revenir.

 19   Donc les biens étaient garantis en vertu de cet accord et cela était

 20   donc absolument lié à la question du retour des réfugiés et de leur

 21   protection de leurs biens. Nous avons ici l'une des dispositions-clés de

 22   cet accord.

 23   Si je puis peut-être seulement ajouter encore une phrase, chaque réfugié

 24   s'est vu garantir au terme de cet accord son droit de propriété privée.

 25   Donc il s'agit tant des personnes physiques que des personnes morales, et

 26   ceci, indépendamment de leur éventuel retour ou de leur non-retour et

 27   indépendamment de la question de savoir s'ils allaient ou si ces personnes

 28   allaient ou non demander la citoyenneté croate.

Page 24815

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, je voudrais obtenir une

  2   précision concernant la réponse précédente du témoin.

  3   Monsieur Granic, vous nous avez expliqué qu'il y avait, si j'ai bien

  4   compris, un nombre significatif de Serbes qui avaient été accusés d'avoir

  5   commis des crimes, et que pour la Slavonie orientale leur nombre a été

  6   diminué pour ne pas dépasser 25.

  7   Ensuite vous avez continué en parlant des conséquences que cela entraînait

  8   pour le système judiciaire.

  9   Vous avez dit que c'était, je cite :

 10   "Parce que les poursuites engagées contre des Croates auteurs de crimes ont

 11   été également ralentis."

 12   Ensuite vous avez dit, et je cite :

 13   "Tous les crimes commis après l'opération Tempête ont donné lieu à des

 14   poursuites engagées contre 3 000 personnes pour 4 000 crimes."

 15   Alors nous avons démarré avec cette notion de poursuite engagée contre les

 16   Serbes pour des crimes graves, des violations graves, et vous nous avez dit

 17   que leur nombre avait été réduit à 25, pour ce qui était de la Slavonie

 18   orientale. Ensuite vous avez poursuivi en nous disant combien de Croates

 19   avaient été poursuivis pour crimes commis après l'opération Tempête.

 20   Alors pourriez-vous nous dire combien de Serbes ont été poursuivis pour

 21   avoir commis des crimes graves si l'on met de côté les 25 qui ont été

 22   poursuivis en Slavonie orientale ? Combien de Serbes ont-ils été poursuivis

 23   pour crimes de guerre en plus des 25 poursuivis en Slavonie orientale ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ignore leur nombre exact.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous donner un ordre

 26   d'idée ? Est-ce que c'était aussi de l'ordre de 25 ou plutôt 50, ou plutôt

 27   de l'ordre de la centaine, ou quelque centaine --

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la mesure où ils avaient quasiment tous

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  1   fuis, il s'agissait presque exclusivement de procès par contumace et des

  2   dispositions juridiques ultérieures ont entraîné pour toutes ces personnes

  3   la possibilité de demander l'arrêt ou l'ouverture de leur procès s'il avait

  4   été mené en leur absence. En d'autres termes, il y a eu très peu de procès

  5   pour de tels crimes, parce qu'il n'y avait personne à poursuivre. Je ne

  6   connais pas le nombre exact. Ces personnes avaient tout simplement fuies.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous nous avez dit qu'il y a eu des

  8   procès par contumace. Alors pourriez-vous nous dire combien

  9   approximativement il y a eu de tels procès ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ignore leur nombre exact. Le ministre dans

 11   affaires étrangères donc je m'occupais de politique étrangère et de

 12   diplomatie. Si bien que je ne m'aventurai pas sur ce terrain. Je

 13   n'essaierai pas de spéculer sur le nombre de ce type de procès. Des

 14   spécialistes qualifiés en revanche seraient certainement en mesure de vous

 15   répondre.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais vous êtes quand même en mesure de

 17   nous dire qu'il y a eu peu ou très peu de procès, donc si vous pouvez nous

 18   dire cela, vous devez bien avoir une petite idée de l'ordre de grandeur ?

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais avec certitude qu'il y a eu 15 ou 20

 20   cas de procès par contumace, mais je ne souhaite pas me prononcer sur un

 21   nombre plus précis, parce que ce n'était pas de mon ressort.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc il s'agirait d'à peu près le même

 23   ordre de grandeur que ces 25 auteurs de crimes poursuivis en Slavonie

 24   orientale. Donc c'est de l'ordre de la dizaine et non pas de la centaine.

 25   Ai-je bien compris votre réponse ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Je dirais que c'est plus ou moins exact. Car

 27   tous ceux qui avaient été les auteurs des crimes les plus graves et qui

 28   étaient responsables également au titre de leur responsabilité supérieure

Page 24817

  1   hiérarchique avaient fui. Il était resté très peu d'auteurs de crimes que

  2   l'on aurait pu poursuivre --

  3   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] -- mais comme cela n'était pas de mon ressort,

  5   je l'ignore les chiffres précis.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes en train de vous écarter de la

  7   question que j'ai posée. Si vous dites qu'il n'en ait resté très peu à

  8   poursuivre, et que tous les autres étaient en fuite, vous excluez

  9   implicitement les procès par contumace, alors qu'entre autres aspects, ma

 10   question portait au moins sur les portées en procès en contumace qui

 11   devraient être inclus dans ce décompte.

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais avec certitude qu'il y a eu une

 13   vingtaine de cas dont j'ai entendu parler, et pour lesquels il y a eu

 14   probablement procès par contumace, mais je ne me souviens pas d'autre

 15   détail.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc si l'on compte également

 17   les procès par contumace on arrive à un ordre de grandeur qui est

 18   comparable à ce chiffre de 25 pour la Slavonie orientale et qui est donc de

 19   l'ordre de la dizaine, et non pas de la centaine.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, le nombre de personnes

 21   poursuivies en dehors de la Slavonie orientale et de la Baranja était

 22   beaucoup plus important c'était de l'ordre de la centaine, mais les procès

 23   n'ont pas été menés parce que les personnes poursuivies n'étaient pas

 24   présentes, n'étaient pas accessibles. Il n'y a eu qu'une petite fraction de

 25   ces cas qui a fait l'objet de procès par contumace. Alors que le nombre de

 26   personnes poursuivies était de l'ordre de plusieurs centaines, en fait.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous dites donc que les procès qui

 28   ont été effectivement menés, à savoir dans le cadre desquels un jugement a

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  1   été prononcé et une peine également a été prononcée, pour cette catégorie-

  2   là on est dans l'ordre de la dizaine ou de plusieurs dizaines, alors que le

  3   nombre des personnes qui avaient été mises en accusation, lui, et de

  4   l'ordre de plusieurs centaines, mais que pour ces personnes mises en

  5   accusation, la procédure judiciaire s'il n'y a pas eu procès menés jusqu'à

  6   son terme, la procédure judiciaire n'est jamais venue à son terme avec

  7   jugement et peine prononcée.

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] En effet, c'est exact.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 10   Veuillez poursuivre.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Monsieur le Greffier, pourriez-vous maintenant afficher la pièce P2616,

 13   s'il vous plaît ?

 14   Q.  Monsieur Granic, nous avons ici les notes d'une réunion -- ou les

 15   procès-verbaux d'une réunion qui est en fait la 33e Session du Conseil pour

 16   la coopération avec le Tribunal pénal international, réunion du 6 novembre

 17   1998.

 18   M. MISETIC : [interprétation] Alors est-ce qu'on pourrait passer à la page

 19   5, en anglais, s'il vous plaît, page 3 en croate ? C'est le bas de la page.

 20   Voilà. En anglais, en tout cas.

 21   Q.  Donc le Dr Ramljak, c'était le ministre de la justice, à l'époque, et

 22   les parties ont convenu qu'il était devenu ministère de la Justice en mai

 23   1998, dit au point 2, je cite :

 24   "Les événements intervenus après l'opération Tempête, donc il semblerait

 25   qu'il soit nécessaire de revoir la stratégie adoptée il y a deux ou trois

 26   ans, consistant à ne pas engager de poursuites pour les événements et les

 27   crimes commis juste après l'opération Tempête; cependant, nous devons

 28   garder à l'esprit le fait que le conseil pour la coopération avec le

Page 24819

  1   Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie n'a pas l'obligation

  2   d'aborder cette question."

  3   Alors, Monsieur Granic, vous avez été présent à cette réunion. Pourriez-

  4   vous nous dire qu'elle est votre compréhension de ces propos tenus par M.

  5   Ramljak, à quoi se référait-il ?

  6   R.  Peut-être s'agit-il d'une conclusion imprécise mais je vais vous

  7   expliquer de quoi il s'agissait, aussi bien dans le cadre de cette réunion

  8   que dans d'autres réunions.

  9   A l'époque, nous avions au sein de notre direction des débats à ce sujet et

 10   des positions différentes quant à cette question de savoir si le Tribunal

 11   pénal international pour l'ex-Yougoslavie avait compétence ou non pour

 12   l'opération Tempête. Personnellement, je soutenais la position selon

 13   laquelle le Tribunal avait bien compétence, et comme il est bien visible

 14   dans mes interventions dans ce débat, j'ai -- j'avais la même position, et

 15   cette position a finalement été adoptée, et finalement le Tribunal a bien

 16   reçu, a bien été établi par le Conseil de sécurité en tant que tel, et

 17   c'est le Conseil de sécurité qui avait compétence pour prendre cette

 18   décision.

 19   Alors il a été décidé dans cette enceinte, dans ce cadre, de s'adresser à

 20   la Chambre d'appel du TPIY et de déposer une requête afin qu'une décision

 21   soit prise quant à la compétence ou non du Tribunal à cet effet. Il y avait

 22   une position unique et nous savions que nous aurions le soutien des Etats-

 23   Unis dans cette requête adressée au Tribunal demandant qu'une position

 24   officielle soit prise quant à sa compétence ou non pour ce qui était de

 25   l'opération Tempête.

 26   M. Rifkind, qui était conseiller auprès du gouvernement de la République de

 27   Croatie, a proposé plusieurs options mais elles étaient toutes

 28   inacceptables à nos yeux. L'une d'elle consistait à poursuivre la

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  1   République fédérale de Yougoslavie pour génocide, et --

  2   Q.  Excusez-moi, Monsieur Granic, je dois vous interrompre car je n'ai pas

  3   beaucoup de temps.

  4   La question que je vous posais était celle de savoir : à quoi se référait

  5   M. Ramljak notamment lorsqu'il parle d'une stratégie de ne pas poursuivre

  6   les crimes commis et les événements qui sont intervenus immédiatement après

  7   l'opération Tempête ?

  8   R.  M. Ramljak savait très bien qu'à l'époque, déjà il avait quelques 3 000

  9   personnes faisant l'objet de poursuites; cependant, il pensait avant tout à

 10   la chose suivante, à la coopération d'une part avec le TPIY, et d'autre

 11   part, à la détermination avec laquelle il convenait de poursuivre les

 12   infractions les plus graves, et ce, pourquoi il militait de façon

 13   particulièrement intense comme moi-même. Pour être tout à fait précis, il

 14   s'agissait de poursuivre aussi bien les Croates que les Serbes qui étaient

 15   à l'origine de ces infractions.

 16   Q.  Monsieur Granic, ma question porte de façon précise sur cette

 17   expression de la stratégie adoptée il y a deux ou trois ans; est-ce qu'il

 18   se réfère ici à la décision prise par le parlement deux ou trois ans avant,

 19   c'est-à-dire en 1996, donc l'amnistie générale ?

 20   R.  Oui, c'est exact, une amnistie générale a été adoptée. Le président a

 21   encore amnistié un certain nombre de crimes. On a réduit à 25 le nombre de

 22   personnes poursuivies en Slavonie orientale et tout cela a exercé une

 23   influence de façon indubitable sur le système judiciaire.

 24   Q.  Très bien. Alors, Monsieur Granic, je voudrais en venir à un autre

 25   sujet, M. Carl Bildt --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, si vous en avez fini

 27   avec ce paragraphe, je voudrais demander une précision.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Très bien.

Page 24821

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Granic, vous disiez que cette

  2   politique consistant à ne pas engager de poursuites pour les événements et

  3   les crimes intervenus juste après l'opération Tempête, vous avez dit que

  4   cela était de la comprendre comme une référence à l'amnistie générale

  5   adoptée par le parlement deux ans et demi avant cette date, donc en 1996.

  6   Alors, j'ai également cru comprendre - mais vous me corrigerez si je me

  7   trompe - que l'amnistie avait principalement pour objectif de ne pas

  8   engager de poursuites supplémentaires contre des Serbes, poursuites pour

  9   crimes commis pendant la période où la République de la Krajina serbe

 10   existait; est-ce exact ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vous avez bien compris, Monsieur le

 12   Président. 

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. La Chambre, mais le texte que

 14   nous venons de lire nous dit que le besoin s'est présenté de réévaluer la

 15   stratégie adoptée il y a deux ou trois ans, et je cite :

 16   "Stratégie consistant à ne pas poursuivre les crimes commis juste

 17   après l'opération Tempête."

 18   Alors quand on dit "juste après l'opération Tempête," moi, ce que je

 19   comprends, c'est la période s'étendant - je ne sais pas - du 6 au 7 août

 20   1995, s'étendant donc immédiatement après; est-ce qu'il serait exact de

 21   dire cela, Monsieur le Témoin ?

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai connaissance

 23   d'aucun document écrit ni d'aucune réunion au cours de laquelle il ait été

 24   débattu ou décidé d'adopter une stratégie consistant à ne pas engager de

 25   poursuites pour des crimes qui ont été commis. Je ne suis absolument pas au

 26   courant qu'il y ait eu le moindre accord concernant une telle stratégie au

 27   plus haut niveau de la direction de l'Etat.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Granic, alors en répondant à

Page 24822

  1   l'une des questions précédentes de Me Misetic, vous avez expliqué ce qu'il

  2   convenait d'entendre par ce qui figure ici, cette expression.

  3   Moi, ce que je vous demande tout simplement c'est de quelle façon il

  4   convient de comprendre cette autre expression de période s'étendant

  5   immédiatement après l'opération Tempête. Vous répondez que vous n'êtes pas

  6   au courant de la moindre politique visant à ne pas poursuivre, donc vous

  7   revenez à cette question qui vous avait été posée par Me Misetic.

  8   Alors que ma question à moi était tout à fait simple : elle portait sur la

  9   période immédiatement -- ou postérieure à l'opération Tempête.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Ma compréhension de la chose est la suivante :

 11   je suppose que le vice-premier ministre Ramljak se référait à la période à

 12   laquelle cette décision portant amnistie générale a été prise et non pas à

 13   la période s'étendant immédiatement après l'opération Tempête. Cette fois

 14   j'ai bien compris votre question.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous m'avez dit que -- qu'elles ont été

 16   les conclusions de M. Ramljak lorsqu'il a parlé du lendemain de l'opération

 17   Tempête. Vous nous avez dit qu'en fait, il avait à l'esprit, qui se situe à

 18   peu près au moment de la loi d'amnistie.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est probablement cela qu'il avait à

 20   l'esprit.

 21   Pour ce qui est de la situation qui a suivi l'opération Tempête, tout

 22   à fait on peut voir ce qui en ressort des débats au sein du gouvernement.

 23   C'est tout le contraire, nous voulions -- prônions que l'on engage des

 24   poursuites pour tous les crimes qui ont été commis à l'issue de l'opération

 25   Tempête.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je vous ai demandé précédemment si

 27   le premier objectif des lois d'amnistie était de ne pas engager de

 28   poursuite supplémentaire. Or, il ressort de votre dernière réponse que

Page 24823

  1   cette tactique de ne pas engager de poursuite pour des crimes commis, en

  2   fait, concerne la période après l'opération Tempête, après que la RSK a

  3   cessé d'exister.

  4   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que je peux poser une question ?

  5   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  6   M. MISETIC : [interprétation]

  7   Q.  Essayons de préciser cela.

  8   La loi d'amnistie générale ne s'applique pas uniquement aux Serbes, elle

  9   s'applique à tout ce qui s'est produit entre 1990, et le mois d'août 1996,

 10   qui que ce soit l'auteur de l'acte et en relation avec le conflit armé, et

 11   lorsqu'il s'agit des violations du droit international humanitaire ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Les crimes commis après l'opération Tempête, qui ne sont pas

 14   catégorisés comme étant des crimes de guerre et ayant quelque chose a à

 15   voir avec le conflit armé, en fait relèvent de la loi d'amnistie générale

 16   qui elle a été adoptée en septembre 1996 ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  M. Ramljak est devenu membre du gouvernement croate en mai 1998, donc

 19   est-ce que lui s'exprime en fait que beaucoup de crimes ont fait l'objet de

 20   poursuite, mais qu'il y en a beaucoup qui n'ont pas été poursuivis, parce

 21   que normalement ils seraient tombés sous la coupe des dispositions de la

 22   loi d'amnistie générale adoptée en 1996 ?

 23   R.  M. Ramljak faisait partie du gouvernement d'unité démocratique, en

 24   1991. Je tiens à préciser cela. Qu'avait-il à l'esprit pour ce qui est du

 25   point 2, ça, je ne le sais pas exactement, parce qu'il n'y a jamais eu

 26   adoption d'aucune stratégie. La seule chose que je peux dire à ce sujet,

 27   c'est que très certainement, à partir du moment où l'amnistie a été

 28   décidée, définie comme l'a dit Me Misetic, pour la période qu'il a

Page 24824

  1   précisée, que sans aucun doute, lorsqu'on a le nombre de Serbes locaux

  2   s'est réduit de plus aux centaines à quelque 25, ça a dû avoir une

  3   incidence sur le système judiciaire. Même si je suis convaincu que jamais

  4   personne des cercles politiques n'a jamais donné aucune instruction à ce

  5   sujet.

  6   C'est tout ce que je voulais dire comme remarque à ce sujet.

  7   Q.  Je voudrais préciser une partie de votre réponse, aux Juges de la

  8   Chambre.

  9   La Chambre a reçu le nombre de documents du Conseil de sécurité -- du

 10   président du Conseil de sécurité, tout au long de l'année 1996 jusqu'à

 11   l'adoption de la loi d'amnistie générale, et qui demande que l'on adopte la

 12   loi d'amnistie générale. Donc c'était lié à la question de la réintégration

 13   pacifique de la Slovénie orientale et au retour des Serbes. Quand la loi a

 14   été adoptée, c'était sous pression, par rapport au retour des Serbes. Mais

 15   en fait, elle couvre tous les actes qui relèvent des dispositions de la

 16   loi, donc qu'ils aient été commis en 1990 ou pendant toute la période de

 17   1990 à 1996 ?

 18   R.  Oui, c'est exact. Il englobe l'ensemble des actes. Donc c'est un fait.

 19   Q.  Sauf les violations du droit international humanitaire ?

 20   R.  Oui, c'est ainsi.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous préciser les choses,

 22   Monsieur Granic.

 23   Dans ce document, il est dit que ça a été une stratégie, qu'il a

 24   exercé une stratégie de ne pas engager de poursuite par rapport aux

 25   événements et aux crimes commis à l'issue de l'opération Tempête.

 26   Les éléments de preuve reçus par cette Chambre ne démontrent pas ou

 27   ne font pas état du fait qu'un nombre substantiel de crimes a été commis,

 28   après l'opération Tempête, par des Serbes. Est-ce que vous avez des

Page 24825

  1   éléments vous permettant de penser qu'un nombre considérable de crimes ont

  2   été commis par des Serbes dans la région de Krajina, après l'opération

  3   Tempête, à partir du 6 ou le 7 août 1995 ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Sans contexte dans cette région, un

  5   nombre considérable de crimes n'a pas été commis par des Serbes, après

  6   l'opération Tempête. Tout simplement parce qu'ils étaient peu nombreux à

  7   rester; pour la plupart c'étaient des personnes âgées qui sont restées.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, par conséquent, seriez-vous

  9   d'accord pour dire que si jamais une telle stratégie avait existé, à savoir

 10   de ne pas engager de poursuite au sujet des événements et des crimes commis

 11   à l'issue de l'opération Tempête, et qu'avant tout, celle-ci ne

 12   concernerait pas les crimes commis par des Serbes ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Mais ça c'est une hypothèse, si une telle

 14   stratégie avait existé, mais en tant que ministre des affaires étrangères,

 15   vice-premier ministre, je ne suis au courant de l'existence d'aucune

 16   stratégie de ne pas engager des poursuites. Ce que je peux vous dire est

 17   que nous pouvons éventuellement discuter de la question qui est de savoir

 18   s'il y avait une véritable détermination d'engager des poursuites contre

 19   tous les crimes. Personnellement je souhaitais qu'il y ait plus de

 20   détermination dans ces poursuites, d'engager plus de poursuite contre les

 21   Croates. Mais il n'y avait ni par écrit, ni oralement quelle que stratégie

 22   qui aurait été convenue de ne pas engager de poursuite, elle n'a pas

 23   existé.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc les termes utilisés sont d'engager

 25   des poursuites. Mais mis à part cela, très bien, je vous remercie de nous

 26   avoir répondu.

 27   Je vois l'heure, et en fait, nous avons dépassé l'heure habituelle de la

 28   pause.

Page 24826

  1   M. MISETIC : [interprétation] Il me reste une question pour terminer.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vous en prie, posez la

  3   question à M. Granic.

  4   M. MISETIC : [interprétation] Pièce D747, s'il vous plaît.

  5   Q.  Monsieur Granic, la Chambre a entendu -- a vu à plusieurs reprises vos

  6   déclarations faites par Carl Bildt, le 4 août, déclarations du 6 août à

  7   Genève, un mémo concernant votre réunion avec M. Bildt, en date du 6 août,

  8   portant sur les allégations du pilonnage de Knin, et cetera.

  9   Là, nous avons une lettre que vous adressez au président de la commission

 10   européenne, la date celle du 8 août. La République de Croatie déclare en

 11   fait M. Bildt personne no grata. Vous formulez vos griefs au sujet des

 12   déclarations de M. Bildt. Alors, pouvez-vous nous dire pour quelles raisons

 13   la Croatie a décidé de déclarer M. Bildt personnes non grata, et pouvez-

 14   vous nous parler de vos relations avec M. Bildt tout au long du mois d'août

 15   ?

 16   R.  Le 4 août, autrement dit le 1er jour de l'opération Tempête, M. Bildt a

 17   accusé la Croatie de pilonnage barbare de Knin, et en particulier orienté

 18   contre des civils. Ça été certainement l'Accusation la plus grave, mais

 19   qui, sur la base de ce que nous connaissions, n'était pas exacte. Il n'y a

 20   pas eu de pilonnage barbare, ni arbitraire ni contre des civils. Je me base

 21   sur les déclarations des généraux croates qui étaient -- qui se sont

 22   trouvés à la tête de l'opération. D'après toutes leurs déclarations,

 23   l'armée s'est comportée de manière tout à fait correcte et professionnelle

 24   pendant la libération de Knin, et cette accusation de M. Carl Bildt était

 25   la pire des choses qui aurait pu arriver à la Croatie en ce premier jour de

 26   l'opération. C'est de là que vient le ton assez ferme de ma réaction. J'en

 27   ai parlé avec M. Carl Bildt dès le 6 à Genève, et j'ai dit ce que je suis

 28   en train de dire à la Chambre aujourd'hui. Les pilonnages n'ont été ni

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  1   excessifs ni arbitraires, il n'y a pas eu trop de victimes parmi les civils

  2   non plus. Le 6 d'ailleurs, je me suis rendu personnellement et j'ai pu me

  3   rendre compte de la situation.

  4   Par ailleurs, avec l'aide de Holbrooke, nous avons pu normaliser nos

  5   relations pendant les négociations de Dayton, mais ce que j'ai dit le

  6   premier jour, c'est parce que j'étais blessé en tant que ministre et homme.

  7   J'étais blessé parce que cela ne correspondait pas aux événements de la

  8   journée.

  9   Q.  Je vous remercie, Monsieur Granic. Je n'ai plus de questions.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Misetic.

 11   Maître Kay, vous avez cédé votre temps à Me Misetic.

 12   M. KAY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Il semblait que nos

 13   intérêts convergeaient, que Me Misetic aura couvert les points qui nous

 14   intéresse. Mais s'agissant des pièces D183 [comme interprété] à 184 [comme

 15   interprété], et 185 [comme interprété] il y a là des passages sur lesquels

 16   je souhaite appeler l'attention de la Chambre. Ce ne sont pas des

 17   déclarations de ce témoin lors des réunions gouvernementales, ce sont des

 18   déclarations faites par d'autres qui étaient présents. Je pense que ça

 19   aurait été intéressant de les prendre en considération.

 20   C'est simplement une approche purement juridique, je pense qu'il

 21   suffit que je vous invite à examiner ces documents attentivement puisqu'ils

 22   comportent des déclarations importantes faites à l'époque des faits. Je

 23   pense que ça nous permet de gagner du temps.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Me Misetic en fait pourrait verser ces

 25   documents au dossier, et puis vous pourriez vous occuper de ces documents

 26   plus ou moins directement sans passer par le témoin.

 27   M. KAY : [interprétation] Oui.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc vous souhaitez que la Chambre

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  1   porte une attention sur certains extraits de ces documents ?

  2   M. KAY : [interprétation] Oui, tout à fait, je vous prie.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  4   Donc vous allez nous préciser dans une écriture ou oralement de quels

  5   paragraphes il s'agit.

  6   M. KAY : [interprétation] Oui, tout à fait.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, nous allons faire une pause

  8   et nous reprendrons à 13 heures 05.

  9   [Le témoin quitte la barre]

 10   --- L'audience est suspendue à 12 heures 45.

 11   --- L'audience est reprise à 13 heures 08.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre avec la déposition

 13   du témoin, je voudrais brièvement revenir sur cette question du Témoin

 14   expert M-23. Nous avons un rapport et une grande partie des documents sur

 15   lequel l'expert s'est fondé n'est pas disponible en anglais, si j'ai bien

 16   compris. Du moins, c'est ce que l'Accusation nous a fait savoir le 9

 17   novembre. Or, la Chambre voudrait savoir si la situation est toujours la

 18   même aujourd'hui, parce qu'accepter les conclusions d'un expert qui s'est

 19   fondé, sur des documents auxquels l'on n'a pas accès, pourrait se révéler

 20   être un exercice assez difficile pour la Chambre pour ce qui est d'évaluer

 21   le bien fondé des dites conclusions.

 22   Alors pourriez-vous informer la Chambre de ce qu'il en est ?

 23   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je laisserai

 24   Me Mikulicic aborder la question de la réponse qui sera la nôtre aux

 25   écritures de l'Accusation en temps voulu.

 26   Mais nous aurons une réponse pour ce qui est de la question posée

 27   directement par M. le Président; Me Mikulicic va répondre.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

Page 24829

  1   M. MIKULICIC : [interprétation] Alors il est exact qu'une partie des

  2   documents sur lesquels le témoin expert s'est basé ne sont pas -- n'ont pas

  3   encore été traduits; cependant, tous ces documents ont été remis au service

  4   compétent pour être traduits et nous en recevons régulièrement des portions

  5   supplémentaires que nous transférons à l'Accusation.

  6   Alors nous avons également affaire un certain nombre de sources

  7   particulières auxquelles le témoin expert s'est référé. Nous avons indiqué

  8   à l'Accusation qu'il s'agissait de documents publics, d'ouvrages publiées,

  9   tels que des livres. Nous avons fourni également des liens internet à

 10   l'Accusation et nous avons fait tout ce qui était possible afin de

 11   permettre à l'Accusation d'accéder à ces documents.

 12   Alors, bien entendu, nous-mêmes ne sommes pas entièrement satisfaits de

 13   cette façon de faire; cependant, Monsieur le Président, vous savez, par

 14   expérience, que la question de la traduction des documents ne cesse de se

 15   poser dans ce Tribunal parce qu'elle affecte aussi bien les documents de

 16   l'Accusation que ceux de la Défense.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Merci, Maître Mikulicic.

 18   La Chambre souhaite simplement indiquer de façon très claire que le

 19   fait de ne pas avoir accès à des sources sur lesquelles l'expert s'est

 20   fondé peut entraîner des difficultés dans l'utilisation qui sera faite du

 21   rapport de ce dernier en tant que moyen de preuve. Par conséquent, la

 22   Chambre souhaite insister sur l'importance qu'il y a à pouvoir accéder à

 23   ces documents.

 24   Alors quant à savoir, Maître Mikulicic, si les documents en question

 25   peuvent être retrouvés auprès de sources publiques, ma foi, si je ne peux

 26   pas lire la langue dans laquelle c'est écrit, que ce soit public ou non,

 27   cela ne fait pas beaucoup de différence. Mais si j'ai bien compris, vous

 28   avez accordé toute votre attention à cette question et la Chambre voulait

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  1   simplement s'assurer de cela.

  2   Donc nous attendons une réponse de la défense Markac concernant d'autres

  3   sujets qui ont été soulevés par l'Accusation mais cette question-ci était

  4   assez neutre, bien que assez importante, également.

  5   Donc nous l'avons maintenant mise à jour réglée pour aujourd'hui, en tout

  6   cas.

  7   Monsieur l'Huissier, veuillez, s'il vous plaît, introduire le témoin dans

  8   le prétoire.

  9   [Le témoin vient à la barre]

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Granic, vous allez maintenant

 11   répondre aux questions du contre-interrogatoire de M. Waespi qui représente

 12   ici l'Accusation.

 13   Veuillez commencer, Monsieur Waespi.

 14   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   Contre-interrogatoire par M. Waespi : 

 16   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Granic.

 17   Vous avez publié un ouvrage intitulé : "Les affaires étrangères derrière

 18   l'écran de la politique;" est-ce exact ?

 19   R.  Oui.

 20   M. WAESPI : [interprétation] Alors pourrions-nous avoir le document 7484 de

 21   la liste 65 ter à l'écran ? J'ai préparé un certain nombre d'extraits de

 22   cet ouvrage. Cela représente 14 pages en anglais, 15 en B/C/S. L'ensemble

 23   de l'ouvrage fait 230 ou 240 pages, et je me référerais tout au long de mon

 24   contre-interrogatoire à certain des passages. Peut-être serait-il possible

 25   d'attribuer une cote à cet ensemble de passages éventuellement une cote

 26   provisoire, et si cela apparaît fondé, j'aimerais qu'il puisse être versé

 27   également ?

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. En dehors de l'utilisation

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  1   que vous ferez de ces documents, si jamais il y a d'autres portions ou

  2   d'autres passages qui s'avèrent pertinents, peut-être que cela pourra faire

  3   l'objet d'un accord avec les Défenses.

  4   Monsieur le Greffier.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce document est

  6   marqué pour identification sous la cote P2662.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Il gardera ce statut encore

  8   un moment.

  9   Vous pouvez continuer.

 10   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 11   Q.  Donc dans votre déposition hier vous avez abordé le discours du

 12   président Tudjman devant l'assemblée générale des Nations Unies en 1994.

 13   C'est la pièce D1799, nous n'avons pas besoin de l'afficher maintenant.

 14   Mais dans ce discours, il parle de se concentrer sur les droits de l'homme.

 15   C'est extrait de son discours.

 16   Est-ce que vous vous en souvenez de vous être penché sur ce discours ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Alors vous connaissez, Docteur Granic, le président Tudjman, et je

 19   pense que c'est vous-même qui avez dit dans votre ouvrage, que je cite.

 20   M. WAESPI : [interprétation] En page 3 de la version anglaise et en version

 21   B/C/S également, je cite :

 22   "Il était un homme politique de la vieille école et ne comprenait pas ce

 23   qui était le respect des droits de l'homme."

 24   Q.  Vous parlez d'un cas -- d'une situation en Bosnie; vous avez abordé

 25   cela dans l'interrogatoire principal. Vous avez dit, à vos souvenirs, avoir

 26   appelé M. Boban concernant la fermeture de camps.

 27   Donc je voudrais vous lire ce que vous dites ici à ce sujet. Mercredi, en

 28   page 24 622 du compte rendu d'audience, vous avez abordé ce sujet. Je cite

Page 24832

  1   maintenant votre ouvrage :

  2   "Lorsque que je l'ai informé de l'existence de camps de prisonniers de

  3   guerre tenus par des Croates, des prisonniers de guerre qui étaient des

  4   civils bosniaques en Bosnie-Herzégovine, il est devenu furieux et

  5   l'expression de son visage a changé, et il a indiqué que cela était

  6   fortement dommageable pour la Croatie; cependant, il était un homme

  7   politique de la vieille école, qui ne comprenait pas la question du respect

  8   des droits de l'homme. Il pensait que la solution de ce problème était à

  9   rechercher dans un mécanisme consistant à exercer les pressions sur la

 10   Croatie. Lorsque je mentionnais cela, il répondait immédiatement par une

 11   autre question du type : qu'est-ce que les Américains ont donc fait au

 12   Vietnam ? Qu'est-ce que les Français ont fait en Algérie, et les

 13   Britanniques dans leurs colonies ? A son avis, il s'agissait de

 14   conséquences inévitables de la guerre. C'était la raison pour laquelle, me

 15   semble-t-il, il n'avait insisté sur les enquêtes au moment où cela aurait

 16   été nécessaire; cependant, il ne les a jamais non plus entravées. C'est

 17   pourquoi je pense que personne ne peut se référer de peur d'appeler -- ou

 18   se référer au président Tudjman, indépendamment de la fonction qui était la

 19   sienne. Tout un chacun qui -- toute personne ayant commis et ordonné ou

 20   omis de sanctionner des crimes en portera individuellement la

 21   responsabilité." 

 22   Maintenez-vous ce que vous avez écrit dans votre livre ?

 23   R.  Oui, chaque mot.

 24   Q.  Donc ces commentaires concernant la protection des droits de l'homme

 25   devant l'assemblée générale des Nations Unies, c'était quelque chose qui

 26   était destiné au public, en fait ?

 27   R.  Non. C'était la position officielle de la République de Croatie qui

 28   avait fait l'objet de débats dans le premier cercle des dirigeants de

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  1   l'Etat. Pour être plus précis, cela avait été débattu avec ses plus proches

  2   collaborateurs. Il était, et en fait, nous avons préparé ce discours et il

  3   soutenait, en tant qu'homme d'Etat et historien, ce discours dans son

  4   ensemble. Il n'avait -- et j'ai dit qu'il était de la vieille école, et il

  5   est vrai qu'il considérait que l'on était en présence d'une véritable

  6   machinerie mise en place par l'occident pour exercer des pressions sur la

  7   Croatie. Souvent même les incidents les plus mineurs étaient

  8   instrumentalisés à cette fin.

  9   Cependant, Tudjman m'a toujours soutenu dans les mesures les plus

 10   importantes visant à arrêter la guerre en Bosnie-Herzégovine, à fermer les

 11   camps et ainsi de suite, et sans son soutien personnel, rien n'aurait été

 12   possible. C'est pourquoi, à la fin de cette phrase et de ce paragraphe,

 13   j'ai dit que chacun d'entre nous a son propre devoir et sa propre

 14   responsabilité.

 15   Moi, personnellement, dans les principales mesures que j'ai prises, et dans

 16   les actions que j'ai menées, tant sur le plan diplomatique qu'en Croatie et

 17   en Bosnie-Herzégovine, j'ai bénéficié du soutien du président Tudjman.

 18   Q.  Merci, Docteur Granic.

 19   Je voudrais maintenant passer aux négociations de Genève. Dans votre

 20   ouvrage --

 21   M. WAESPI : [interprétation] C'est en page 6 de la version anglaise en page

 22   8 de la version en B/C/S.

 23   Q.  -- vous parlez de ces entretiens et de ces négociations -- du fait que

 24   vous avez parlé des négociations avec le président Tudjman. Vers la

 25   deuxième ligne en anglais, je cite :

 26   "Tudjman a accepté mon avis, m'a informé que Thorvald Stoltenberg insistait

 27   sur une réunion entre les Serbes insurgés et des représentants du

 28   gouvernement croate à Genève. Il était clair, pour nous deux, qu'il

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  1   s'attendait à ce qu'il y ait de façon prochaine un lancement d'un processus

  2   de réintégration de nos territoires occupés. Tudjman a décidé que la

  3   délégation croate à Genève serait conduite par son conseiller pour les

  4   affaires intérieures, Ivic Pasalic. Il avait reçu des instructions précises

  5   quant à ce qu'il pouvait accepter à Genève et il s'y est strictement

  6   conformé. Nous ne nous attendions pas à ce que cette rencontre soit

  7   véritablement très fructueuse mais nous devions nous engager dans ce

  8   processus avant la bataille décisive."

  9   Alors en fait le résultat à l'issu des pourparlers de Genève était en fait

 10   décidé d'avance, prédéterminé. Est-ce là une interprétation juste de votre

 11   commentaire ?

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic.

 13   M. MIKULICIC : [interprétation] Juste pour que l'on est l'ensemble du

 14   contexte dans le cadre de cette question, je voudrais suggérer que l'on

 15   revienne lire la page -- la phrase suivante. Juste après que M. Waespi

 16   s'est arrêté dans sa lecture.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, tout un chacun a la

 18   liberté de procéder à une citation comme il l'entend lorsqu'il s'adresse à

 19   un témoin; cependant, il est parfois plus efficace de ne pas découper trop

 20   les choses. Alors est-ce que vous auriez l'amabilité de vous plier à cette

 21   suggestion, s'il vous plaît ?

 22   M. WAESPI : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

 23   Q.  Je cite :

 24   "Ces jours-ci, nos agents du renseignement ont procédé à des écoutes

 25   systématiques des conversation téléphoniques tenues par Milosevic et nous

 26   savions avec certitude que Belgrade n'était pas prêt à se lancer dans une

 27   opération de représailles de grande ampleur contre l'armée croate -- contre

 28   -- face à l'opération militaire et de police croate. Oui. Nous avions de

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  1   nombreux avantages stratégiques."

  2   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci.

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ce que j'ai écrit est tout à fait exact

  4   et cela signifie la chose suivante :

  5   Pasalic avait des instructions lui indiquant de n'accepter qu'un accord

  6   portant réintégration pacifique et c'est quelque chose qu'il pouvait faire

  7   et accepter immédiatement. Nous ne voulions accepter aucuns atermoiements,

  8   absolument aucuns. Pourquoi ? Parce qu'on nous avait mené par le bout du

  9   nez pendant quatre ans. Mais en fait, ils n'ont jamais abordé sérieusement

 10   la moindre négociation portant sur une réintégration pacifique. Pendant

 11   toute cette période, nous nous sommes engagés -- ils ont commis un

 12   nettoyage ethnique sur le territoire qu'ils contrôlaient et nous ne

 13   voulions pas laisser passer cette opportunité parce que nous nous trouvions

 14   dans l'environnement international le plus favorable. Nous ne voulions pas

 15   donc passer à côté de cette occasion de venir en aide ou de sauver Bihac,

 16   ce qui est un sujet sur lequel nous nous sommes déjà penchés en détail.

 17   Par conséquent, M. Pasalic avait eu des instructions visant soit à accepter

 18   immédiatement un accord de réintégration pacifique, soit refuser la

 19   proposition qui serait avancée, et c'est exactement la façon dont ça s'est

 20   passé.

 21   M. WAESPI : [interprétation]

 22   Q.  Alors je voudrais passer à une autre question.

 23   Les avertissements de la communauté internationale avant le lancement

 24   de l'opération Tempête - parce qu'il y a eu de tels avertissements - ont --

 25   par exemple, du gouvernement allemand qui a indiqué qu'il n'accorderait pas

 26   son soutien à de telles opérations militaires et qu'il ne serait pas en

 27   mesure de protéger la Croatie des éventuelles conséquences diplomatiques de

 28   cela.

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  1   Est-ce exact ?

  2   R.  En effet, l'Allemagne a indiqué officiellement qu'elle ne pouvait pas

  3   nous soutenir. Il me semble que le chancelier Kohl a envoyé une lettre au

  4   président Tudjman; cependant, il faut également signaler que l'Union

  5   européenne, à ce moment-là, n'avait pas la main haute sur la politique,

  6   visant à mettre un terme à la guerre et à rétablir la paix. C'était la

  7   politique américaine qui occupait -- c'était les Américains qui occupaient

  8   le devant de la scène, et après le rejet du plan qui avait été proposé à la

  9   fin de 1993, l'Union européenne a passé la main en fait aux dirigeants

 10   américains.

 11   Dans l'évaluation qui était la nôtre, nous nous sommes fondés

 12   exclusivement sur le fait que notre propre opération se ferait de façon

 13   coordonnée avec une initiative de paix américaine et nous avons eu

 14   absolument raison en la matière.

 15   M. WAESPI : [aucune interprétation]

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une seconde, une seconde. Je constate

 17   que -- enfin j'attendais c'était maintenant que l'interprète de la cabine

 18   française a terminé.

 19   Monsieur Granic, même si vous souhaitez partir avant le week-end, je dois

 20   vous dire que cela ne va pas vous être très utile de parler encore plus

 21   vite parce que parfois cela peut être très, très contreproductif. Je vous

 22   en prie.

 23   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Merci de cet avertissement, Monsieur le

 24   Président.

 25   M. WAESPI : [interprétation] Est-ce que nous pourrions passer à huis clos

 26   partiel pendant un petit moment.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel.

 28   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

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  1   partiel.

  2   [Audience à huis clos partiel]

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 23   [Audience publique]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 25   M. WAESPI : [interprétation] Je souhaiterais demander l'affichage de la

 26   pièce 65 ter 7476 il s'agit d'une interview dans le journal Slobodna

 27   Dalmacija, interview du 31 décembre 1995.

 28   Q.  C'est une interview que vous avez accordée à ce journal; est-ce que

Page 24840

  1   vous vous en souvenez de cette interview, Monsieur ?

  2   R.  Oui, oui. Je me souviens avoir effectivement accordé cette interview.

  3   Q.  A la page 4 de la version anglaise et à la première page de la version

  4   B/C/S, et pour la version croate, donc il s'agit, en fait, --

  5   M. WAESPI : [interprétation] Non, je ne pense pas que ce soit la bonne

  6   page. Est-ce que nous pourrions peut-être demander l'affichage de la pièce

  7   7477 -- je m'excuse, 7477 ? Oui, c'est exact, voilà pour la version croate.

  8   Q.  Alors il s'agit donc de la deuxième colonne à partir de la droite; et

  9   pour la version anglaise, donc il s'agit de la page 4.

 10   Là vous répondez à une question à propos des décisions prises et du

 11   soutien, et voilà ce que vous dites à propos de ce qui s'était passé

 12   immédiatement après l'opération Tempête, voilà ce que vous dites :

 13   "Un jour après l'opération Tempête, lors d'une réunion du VONS, le

 14   président Tudjman a lu un message de Clinton, de Kohl, de Yeltsin, de

 15   Chirac et de Major. Ils ont tous conseillé à la Croatie de ne pas se lancer

 16   dans une opération militaire."

 17   Puis vous poursuivez et vous dites que :

 18   "La décision qui consistait à lancer l'opération, bien entendu, a été prise

 19   par le président, étant donné que le VONS n'était qu'un organe consultatif

 20   mais il faut savoir qu'ils se sont absolument ralliés à cette décision."

 21   Est-ce que vous vous en tenez à ce que vous avez relaté ce jour-là au

 22   journaliste de Slobodna Dalmacija ?

 23   R.  Bien sûr, bien sûr, que je maintiens à tout ce qui est dit là. Mais,

 24   vous savez, cela exige une explication supplémentaire, parce que cela n'est

 25   pas très clair en fait.

 26   A l'époque personne ne nous a dit, non, vous ne pouvez pas aller de l'avant

 27   pour ce qui est de cette opération, comme le président Clinton l'avait dit,

 28   le 12 et le 13 novembre 1994, à propos de la création de ce couloir vers

Page 24841

  1   Bihac, ou lorsque le secrétaire d'Etat M. Christopher m'a appelé, le 14

  2   octobre 1995, et qui m'a dit :

  3   "Arrêtez, arrêtez cela, n'allez pas à Banja Luka."

  4   Donc le secrétaire d'Etat M. Christopher m'a appelé et M. Holbrooke a

  5   appelé M. Tudjman.

  6   Alors là, dans ce cas-là, il n'y avait que des recommandations légères on

  7   nous demandait d'éviter de faire. Il n'y a pas eu de message très clair

  8   indiquant, Non, arrêtez. Ce que je voulais dire dans le cadre de cette

  9   interview, c'était qu'il ne s'agissait pas d'un accord et les Etats-Unis ne

 10   nous ont pas dit, Non, non, ne faites pas cela. Dans ce cas, c'est le

 11   président Tudjman qui a pris la décision lui-même, il a pris la décision

 12   après avoir évaluer toutes les circonstances internationales, d'ailleurs

 13   qui étaient très, très favorables, et nous en avons donc conclu que cela

 14   serait une façon de parfaire ou de compléter l'initiative prise par les

 15   Américains. En fait, nous avons d'ailleurs donné ou transmis une

 16   information préalable aux Etats-Unis, et d'où ce que je disais dans

 17   l'interview.

 18   Q.  [aucune interprétation]

 19   M. WAESPI : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

 20   dossier de cette pièce.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] Pas d'objection.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ça devient la pièce P2663.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette pièce est versée au dossier.

 25   M. WAESPI : [interprétation]

 26   Q.  Vous avez beaucoup parlé de Bihac lors de votre interrogatoire

 27   principal ainsi qu'il y a quelques instants. Mais il est exact de dire,

 28   n'est-ce pas, Monsieur Granic, que Bihac n'a été que l'un des facteurs qui

Page 24842

  1   a été pris en considération lorsqu'il a été envisagé d'aller de l'avant ?

  2   R.  Oui, je suis d'accord avec vous, Monsieur le Procureur. Ce fut

  3   effectivement l'un des facteurs, mais ce fut un facteur important. Depuis

  4   le mois de novembre 1994, Bihac avait toujours été au coeur de nos

  5   discussions avec les Bosniaques, et ils nous avaient demandé leur aide à ce

  6   sujet, donc ce n'était que l'un des facteurs, certes, mais un facteur très

  7   important.

  8   Q.  Mais est-ce que vous saviez que le président Tudjman, le 31 juillet

  9   1995, il s'agit de la fameuse réunion de Brioni, à laquelle vous n'avez pas

 10   participé, me semble-t-il, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, certes je n'y étais pas, mais pendant une pause, le président

 12   Tudjman m'a appelé par téléphone, il m'a demandé mon point de vue au cas où

 13   il viendrait à décider de lancer l'opération militaire et policière,

 14   l'opération Tempête.

 15   Il voulait que je lui présente une évaluation du point de vue diplomatique

 16   et du point de vue international, et c'était surtout du point de vue

 17   juridique international, mais c'était surtout l'évaluation diplomatique qui

 18   l'intéressait. Il voulait savoir quelles seraient les réactions éventuelles

 19   des alliés, des états que l'on pouvait considérer comme amis, et des

 20   réactions du Conseil de sécurité des Nations Unies.

 21   Q.  Donc lorsqu'il vous a parlé ou à un autre moment, en fait, est-ce que

 22   vous avez été informé des propos du président Tudjman lors de cette

 23   réunion, propos qui font l'objet de la pièce P461, première page dans la

 24   version anglaise, et deuxième page de la version en B/C/S. Je vais vous

 25   donner lecture de la partie pertinente :

 26   "Par conséquent, je pense que notre objectif principal ne peut plus

 27   d'opérer une percée par Bihac."

 28   Ensuite vous avez la citation suivante, c'est le paragraphe suivant :

Page 24843

  1   "Mais si dans les jours à venir, nous devions nous lancer dans d'autres

  2   opérations, Bihac ne pourrait être utilisé que comme un prétexte, quelque

  3   chose donc de secondaire."

  4   Puis il y a une autre citation que l'on trouve à la page 10 de la version

  5   anglaise, et 20 de la version en B/C/S, donc pour ce qui est de la page 10,

  6   la citation commence au bas de la page, et je cite ce que dit le président

  7   Tudjman :

  8   "Généraux, officiers, bien que nous ne devions rien faire qui ne soit mal

  9   conçu, ou de façon malveillant, nous devons agir car nous avons maintenant

 10   obtenu des succès en Slavonie occidentale, et maintenant en Bosnie, de ce

 11   fait, nous avons obtenu la confiance de la population. Nous disposons de la

 12   bonne volonté de l'armée, du soutien d'une bonne partie de l'opinion

 13   publique internationale, alors que l'ennemi est complètement démoralisé."

 14   A la fin du paragraphe, il est indiqué :

 15   "Toutefois, je pense que la situation politique est si favorable que nous

 16   devrions nous concentrer sur notre entée dans Knin, aussi rapidement que

 17   possible."

 18   C'est le commandant suprême qui s'exprime et qui dit en fait que Bihac est

 19   en quelque sorte un prétexte.

 20   Est-ce que vous saviez cela ?

 21   R.  Ecoutez, moi, je n'étais pas à cette réunion, mais je sais pertinemment

 22   quels étaient les points de vue du président Tudjman. Je le savais parce

 23   que je lui ai parlé pendant ces jours-là, y compris ce jour précis.

 24   L'objectif principal était d'atteindre les frontières de la Croatie et de

 25   libérer les territoires occupés de Croatie. Le deuxième objectif était

 26   Bihac. Voilà quels étaient les deux objectifs importants.

 27   Pourquoi Bihac, d'ailleurs ? Vous avez cité les propos du président

 28   Tudjman, mais il ne fait pas référence à la Bosnie-Herzégovine alors que

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  1   notre troisième objectif important était de mettre un terme à la guerre, en

  2   Bosnie-Herzégovine, et nous voulions aider nos alliés. Donc le président

  3   est en train de dire à ces soldats quel était notre objectif, notre

  4   objectif était d'atteindre les frontières. C'est pour cela, et moi, je

  5   n'étais pas à cette réunion, donc je ne peux pas vous fournir une

  6   interprétation à ce qui a été dit, mais je peux vous dire avec certitude

  7   quelle était sa position. Je pense en fait que vous verrez dans de nombreux

  8   documents américains ce que j'ai dit à Peter Galbraith, que les discussions

  9   que nous avons eues avec les Américains.

 10   Car nous avons toujours dit que le premier objectif était d'atteindre

 11   les frontières croates et, bien entendu, Knin était une cible très

 12   importante, puisqu'il se trouvait à l'épicentre de la rébellion. Mais

 13   l'allégation, en fait, le fait c'était de savoir que l'action a été dirigée

 14   par l'un des meilleurs si ce n'est le meilleur général croate.

 15   Le deuxième objectif était Bihac. Le troisième objectif consiste à

 16   aider la Bosnie-Herzégovine et l'initiative de paix des Nations Unies.

 17   Mais voilà pour ce qui était des priorités, la première priorité

 18   consistait bien à atteindre la frontière.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je regarde l'horloge, la

 20   pendule; nous en avons terminé pour ce matin.

 21   Nous reprendrons à 15 heures 30, cet après-midi dans cette même

 22   salle.

 23   Nous levons l'audience.

 24   --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 13 heures 45.

 25   --- L'audience est reprise à 13 heures 32.

 26   [La Chambre de première instance se concerte]

 27   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à vous. Il s'agit d'une séance

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  1   que nous prolongeons pour aujourd'hui.

  2   M. le Juge Kinis, pour des raisons personnelles, ne peut pas siéger

  3   dans cette affaire pendant un court laps de temps, ce qui signifie cet

  4   après-midi. Mme le Juge Gwaunza et moi-même, nous avons estimé qu'il était

  5   dans l'intérêt de la justice de continuer à entendre les parties et le

  6   témoin dans cette affaire. La raison pour laquelle Mme le Juge Gwaunza a

  7   changé de place, c'est simplement pour pouvoir accéder à son ordinateur,

  8   pour ceux qui se demandaient peut-être pourquoi ceci s'était passé ainsi.

  9   Monsieur Waespi, êtes-vous prêt à poursuivre votre contre-

 10   interrogatoire ?

 11   M. WAESPI : [interprétation] Oui, tout à fait.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Granic, en général, lorsqu'il y

 13   a une pause pendant la journée, je ne rappelle pas au témoin qu'il est

 14   toujours tenu par la déclaration solennelle, donc je ne vais pas le faire.

 15   Veuillez procéder, Monsieur Waespi.

 16   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   Q.  Avant la pause, Monsieur le Professeur, vous nous avez dit que

 18   l'opération Tempête avait été dirigée par un des meilleurs, si ce n'est le

 19   meilleur général croate. A qui pensiez-vous ?

 20   R.  Le général Ante Gotovina. Bien évidemment, les forces de police

 21   spéciale dirigées par le général Markac ont participé à cela également.

 22   Cette force jouissait d'une très grande estime depuis le début de la

 23   guerre.

 24   Q.  Vous voulez parler de quelle force ? Toutes les unités qui ont

 25   participé à l'opération Tempête ou des unités particulières ?

 26   R.  Lorsque j'ai parlé de "la force spéciale de la police," je voulais

 27   parler de la force dans son ensemble.

 28   Q.  Merci, Monsieur Granic.

Page 24846

  1   Vous étiez très proche du président Tudjman; est-ce exact ?

  2   R.  Oui, c'est exact.

  3   Q.  Et vous l'avez accepté en tant que dirigeant, et vous voyiez en lui un

  4   homme paternaliste.

  5   R.  Oui, je l'ai accepté en tant que dirigeant. A ce moment-là, il

  6   s'agissait d'un moment historique pour la Croatie, et j'estimais qu'il

  7   était important d'avoir une telle personnalité comme président.

  8   Q.  Le ministre de la Défense Susak, était un des collaborateurs les plus

  9   proches de Tudjman, n'est-ce pas ?

 10   R.  C'est exact. Je dirais que jusqu'à sa mort, c'était le collaborateur le

 11   plus proche du président Tudjman.

 12   Q.  Et quand est-il mort ?

 13   R.  Il est mort en 1998, au début du mois de mai. Je crois que c'était le 4

 14   ou le 5 mai.

 15   Q.  Nous parlons bien de M. Susak.

 16   R.  Oui, M. Susak, oui.

 17   Q.  Et le général Gotovina appartenait de même au cercle des collaborateurs

 18   les plus proches de M. Susak, n'est-ce pas ?

 19   R.  C'est exact. Le général Gotovina était l'un des plus proches

 20   collaborateurs du ministre Susak.

 21   Q.  Je vous remercie. C'est quelque chose que vous évoquez dans votre

 22   livre.

 23   Vous avez dit au paragraphe 8 de votre déclaration de témoin, qui

 24   maintenant porte la cote D1797, comme suit :

 25   "En tant que ministre des Affaires étrangères et vice-premier ministre,

 26   pendant et après les opérations militaires et policières de l'opération

 27   Tempête, l'opération menant à occuper certaines régions, à part différentes

 28   activités politiques assez nombreuses, j'ai moi-même participé à, et je me

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  1   suis radicalement battu pour que soient respectées les conventions de

  2   Genève, le droit international humanitaire."

  3   Pourquoi avez-vous dit cela ? Pourquoi estimiez-vous qu'il était important

  4   de "se battre" pour le respect des conventions de Genève ?

  5   R.  Parce que c'était sans nul doute une opération à grande échelle, et de

  6   telles opérations ont des conséquences. Nous ne pouvions pas imaginer ce

  7   qui allait arriver après l'opération Tempête. Néanmoins, j'ai toujours été

  8   très clair sur ce point, et je vais être très précis.

  9   Lorsque le 21 juillet, entre midi et 13 heures, je me suis entretenu avec

 10   le président Tudjman, et j'ai dit que la chose la plus importante et la

 11   plus mémorable sera la vitesse à laquelle nous arriverons à terminer cette

 12   opération et notre respect du droit international et des conventions des

 13   droits de l'homme. J'ai dit cela également le 3 août 1995, lorsque nous

 14   avons eu une réunion du Conseil de sécurité nationale. J'ai dit que nos

 15   amis internationaux allaient nous juger à l'aune de notre de notre capacité

 16   à respecter les dispositions du droit international humanitaire. C'était

 17   une position personnelle qui était la mienne.

 18   Si je puis simplement ajouter quelque chose. Nos amis dans le monde

 19   entier, y compris les Américains et les Allemands, nous ont signalé cela,

 20   en particulier les Etats-Unis et l'Allemagne.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.

 22   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous

 23   pouvons vérifier la date à la page 87, ligne 1, s'il vous plaît. 

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma numérotation est quelque peu

 25   différente. C'est juillet ou août ?

 26   M. MISETIC : [interprétation] Mon compte rendu est différent de "Livenote".

 27   En réalité, cela se trouve à la page 86, ligne 24.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

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  1   Lors de votre dernière réponse, vous avez dit : "Lorsque" et vous

  2   avez cité une date, et vous avez dit "à un moment entre midi et 13 heures

  3   je me suis entretenu avec le président Tudjman."

  4   Vous vouliez parler de quelle date ?

  5   LE TÉMOIN : [interprétation] Le 31 juillet 1995.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Ceci a été corrigé. Veuillez

  7   poursuivre, Monsieur Waespi.

  8   M. WAESPI : [interprétation] Je vous remercie.

  9   Q.  Les Allemands -- les Américains ont évoqué la commission des crimes de

 10   guerre avant l'opération Tempête lancée par l'armée croate. C'est la raison

 11   pour laquelle ils vous ont dit de faire attention; c'est cela ?

 12   R.  Ils nous ont conseillés d'être prudents eu égard aux conventions

 13   internationales. Nous n'avons pas parlé des détails. Nous avons simplement

 14   parlé du respect des dispositions du droit de la guerre et du droit

 15   international humanitaire. Autrement dit, le traitement des réfugiés ou,

 16   plutôt, d'éventuels réfugiés.

 17   Q.  Et lorsque vous dites dans votre déclaration que vous deviez vous

 18   battre radicalement pour cela, vous deviez vous battre aux côtés d'eux ou

 19   contre, ou est-ce qu'on avait tendance à accepter vos conseils ?

 20   R.  Personne ne m'a contredit sur ce point. Personne ne s'est opposé à moi

 21   sur ce point, personne ne s'est opposé à moi en public, et moi, j'ai œuvré

 22   dans ce sens.

 23   Monsieur le Procureur, en 1991, je faisais partie du cabinet du

 24   gouvernement de guerre. Avant cela, j'étais le doyen de la faculté de

 25   médecine, et j'étais membre du corps médical ou de l'ordre des médecins. En

 26   1991, nous avions déjà donné les instructions aux soldats pour leur

 27   préciser comment ils devaient se comporter, et nous leur indiquions qu'ils

 28   devaient respecter les conventions de Genève dans le cas où un conflit

Page 24849

  1   éclaterait. Ma position est restée inchangée pendant toute cette période.

  2   Q.  Donc, ces instructions n'ont pas toujours fonctionné. Des crimes de

  3   guerre ont été commis par les forces croates, par exemple, au cours de

  4   l'opération Medak, "Pocket", n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui. Pendant l'opération Medak, "Pocket", des crimes ont été commis, et

  6   il est vrai que des crimes ont été commis du côté croate également.

  7   Q.  Oui, ce qui m'intéresse ici ce sont les crimes de guerre commis par

  8   l'armée croate.

  9   R.  Oui, c'est ce que je voulais dire. Il y a eu des crimes qui ont été

 10   commis par l'armée croate également.

 11   Q.  Et je crois que vous vous souvenez avoir reçu une lettre datée du 1er

 12   octobre, envoyée par M. Mazowiecki, en 1993, à propos de ce qui se passait

 13   à Medak, "Pocket". Est-ce que vous vous souvenez de cela ?

 14   R.  Oui. Oui, je m'en souviens, Monsieur le Procureur. Et je vais dire aux

 15   Juges de la Chambre ce dont je me souviens bien.

 16   L'opération dans la poche de Medak est quelque chose qui a été portée à mon

 17   attention le matin où ceci a été commencé. Conformément à ses pouvoirs en

 18   vertu de la constitution, le président de la République et sur les

 19   propositions du ministre Jarnjak et du général Bobetko, ont suggéré que

 20   l'opération soit lancée, étant donné que Gospic avait été pilonné de façon

 21   incessante, et il y avait des pertes en hommes du côté des civils et des

 22   massacres avaient été commis contre des policiers. Il y avait une

 23   insécurité totale, et c'est dans ces conditions-là que la population devait

 24   vivre. L'opération s'est achevée avec succès. C'est ce que j'en savais.

 25   Lorsque j'ai reçu la lettre de Mazowiecki, conformément à la

 26   procédure qui était appliquée à ce moment-là, je me suis tourné vers les

 27   ministres de la Défense et de l'Intérieur pour leur demander de plus amples

 28   informations, étant donné que je m'occupais d'un service humanitaire. Mais

Page 24850

  1   au niveau du gouvernement, il y avait un vice-premier ministre, le Pr

  2   Kostalic [phon], qui s'occupait de ce service-là, de cette question-là.

  3   Ma première réponse, celle que j'ai fournie à M. Mazowiecki était une

  4   réponse incomplète, chose dont je me suis rendu compte par la suite.

  5   Néanmoins, je lui ai fourni des éléments d'information dont je disposais à

  6   l'époque et qui avaient été préparés à mon intention. Néanmoins, ces

  7   informations étaient incomplètes.

  8   Dès que j'ai disposé de toutes les informations, y compris le fait

  9   qu'il y avait un manquement à la discipline du côté de la Garde nationale,

 10   qu'il y avait des pertes en hommes du côté des civils, et dès que j'ai reçu

 11   ces informations-là, c'était à une date ultérieure, je crois que c'était en

 12   réalité lors d'une réunion VONS, du Conseil suprême de sécurité nationale,

 13   j'ai pris les mesures suivantes : j'ai demandé au président de la

 14   République d'ouvrir une enquête sur-le-champ, et j'ai demandé à ce que les

 15   personnes responsables de cela soient punies.

 16   C'est ce que j'ai pu faire, en fait. C'est ce qui rentrait dans mon

 17   champ de compétence.

 18   Q.  Pour le besoin du compte rendu d'audience, je souhaite vous montrer

 19   cette lettre à l'écran. C'est le numéro 65 ter 7500, et j'aimerais que vous

 20   confirmiez pour nous le fait qu'il s'agisse bien de la lettre de M.

 21   Mazowiecki, qui vous a été envoyée et qui est datée du 1er octobre 1993, et

 22   qui vient du reporteur spécial, M. Mazowiecki.

 23   R.  Oui, je peux confirmer qu'il s'agit de la lettre. Je m'en souviens.

 24   M. WAESPI : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer vers le bas du

 25   document. Nous voyons votre nom.

 26   Je souhaite demander le versement au dossier de ce document, s'il vous

 27   plaît.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Je souhaite savoir, de la part de M. Waespi,

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  1   quelle est la pertinence de cela.

  2   M. WAESPI : [interprétation] Aux éléments en général ou de cette lettre ?

  3   M. MISETIC : [interprétation] La pertinence de cette lettre par rapport à

  4   l'opération de la poche de Medak et de l'acte d'accusation.

  5   M. WAESPI : [interprétation] On indique que des crimes de guerre ont été

  6   commis par la suite et que l'armée croate, comme il est indiqué, était

  7   encline à commettre des crimes et que ceci n'a pas été pris au sérieux. Ça,

  8   c'est le premier élément pertinent.

  9   Deuxièmement, le témoin évoquait la poche de Medak et Grahovo et Glamoc et

 10   des opérations comme cela, et je crois qu'il a parlé d'opérations de

 11   libération, et je souhaite que ceci soit clairement indiqué au compte rendu

 12   d'audience.

 13   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, notre position est la

 14   suivante : l'Accusation, à mon sens, n'a pas présenté d'éléments de preuve

 15   sur l'opération qui a été menée dans la poche de Medak pendant la

 16   présentation de sa thèse, donc ceci ne me semble pas être pertinent puisque

 17   cela, en fait, ouvre la voie à d'autres sujets.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais M. Waespi a également dit que

 19   le témoin avait évoqué l'opération de la poche de Medak pendant

 20   l'interrogatoire principal.

 21   M. MISETIC : [interprétation] Je ne m'en souviens pas comme ça d'emblée.

 22   M. WAESPI : [interprétation] Paragraphe 20 de la déclaration du témoin

 23   D1797. Il s'agit là d'une référence qui est faite à l'opération militaire

 24   de libération de Grahovo et Glamoc, que je vais évoquer dans quelques

 25   instants. Je suis sûr que le témoin a évoqué la poche de Medak hier

 26   lorsqu'il a déposé.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons vérifier.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Je ne le vois pas au paragraphe 20 dans la

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  1   déclaration du témoin.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissez-moi vérifier.

  3   M. WAESPI : [interprétation] J'ai simplement indiqué qu'on évoque que ceci

  4   a trait à Grahovo et Glamoc. La poche de Medak se trouve au paragraphe 17 :

  5   "J'étais actif et j'ai participé aux décisions qui ont été prises quant aux

  6   actions menées par les forces armées croates dans le but de libérer les

  7   territoires occupés, par exemple, le Miljevacki plateau. Cette action avait

  8   pour but d'empêcher le bombardement de Sibenik, l'action de Maslenica, la

  9   poche de Medak, opération Eclair, et cetera."

 10   [Le conseil de la Défense se concerte]

 11   M. WAESPI : [interprétation] Je suis quasiment sûr que le témoignage de M.

 12   Theunens a également évoqué la poche de Medak.

 13   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que ceci

 14   porte préjudice à la Défense, conformément au 89(C). Il n'y a certainement

 15   pas de pertinence directe par rapport à mon client, en ce qui concerne

 16   l'opération de la poche de Medak, à cette affaire. En fait, c'est deux ans

 17   avant la période couverte par l'acte d'accusation. Et en fait, il ouvre la

 18   voie à toute une série de questions qui n'ont pas de lien pertinent avec

 19   cette affaire.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Objection rejetée, Maître Misetic. Bien

 22   que la pertinence ne soit pas très élevée, le fait que ceci remonte à deux

 23   ans avant l'opération Tempête n'est certainement pas une question qui

 24   empêcherait M. Waespi de poser des questions sur le sujet. Et nous allons

 25   entendre encore beaucoup d'éléments de preuve sur ce qui s'est passé. Nous

 26   sommes sur le point d'entendre encore beaucoup de choses sur ce qui s'est

 27   passé dans les années depuis 1991.

 28   Veuillez poursuivre.

Page 24853

  1   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  2   M. MIKULICIC : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur Waespi, puisque

  3   nous sommes sur le sujet, nous devons nous souvenir du fait que l'opération

  4   de la poche de Medak a fait l'objet de poursuites dans une autre affaire

  5   dont a été saisi un tribunal de Croatie.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, cela a fait l'objet d'une affaire,

  7   à l'origine, dont a été saisi le tribunal et qui ensuite, a été renvoyé

  8   devant les tribunaux locaux. Les Juges de la Chambre sont au courant. Je

  9   suis sûr que M. Waespi est au courant et il y a un règlement à cet effet

 10   qui précise tout cela.

 11   M. WAESPI : [interprétation] Merci. Je demande le versement au dossier de

 12   ce document, s'il vous plaît.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas d'objection.

 14   Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P2664.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P2664 est versée au dossier.

 17   Veuillez poursuivre.

 18   M. WAESPI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président. Il y

 19   a également une référence qui est faite dans le journal de M. Galbraith,

 20   P458, qui établit un lien avec la poche de Medak également.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, comme je l'ai dit, en

 22   fait, la décision est là, elle a été rendue. Vous n'avez pas besoin de

 23   fournir d'autres munitions dans ce cas, parce que la question a déjà été

 24   tranchée.

 25   M. WAESPI : [interprétation] Je vous remercie.

 26   Q.  Donc, de même, Monsieur Granic, des crimes de guerre ont été commis au

 27   cours de l'opération qui avait pour but la libération de Grahovo et Glamoc

 28   --

Page 24854

  1   M. KAY : [interprétation] Est-ce que nous ne devrions pas avoir plus de

  2   précisions là-dessus. Des crimes de guerre ont été commis, la question

  3   précédente à propos de la poche de Medak n'a aucun sens, et on demande au

  4   témoin d'être d'accord avec quelque chose, que des crimes de guerre ont été

  5   commis. Quels crimes de guerre ? Est-ce que l'on a giflé des prisonniers de

  6   guerre ? De quoi s'agit-il exactement ? Si quelque chose doit être fait sur

  7   le sujet, il faut le faire de façon à ce que le témoin puisse en faire

  8   quelque chose.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, le témoin a dit qu'il

 10   était en mesure de confirmer pour ce qui est de la poche de Medak. Mais,

 11   Monsieur Waespi, cela va sans dire que la valeur probante, s'il n'y a pas

 12   de précision eu égard aux crimes de guerre, à ce moment-là, il est vrai que

 13   ceci n'est pas d'une grande utilité pour les Juges de la Chambre.

 14   M. WAESPI : [interprétation]

 15   Q.  Donc, je vais vous poser cette question-ci : saviez-vous que des crimes

 16   de guerre avaient été commis pendant l'opération de libération de Grahovo

 17   et Glamoc, que vous décrivez au paragraphe 20 de votre déclaration, des

 18   crimes commis par l'armée croate ?

 19   R.  Tout d'abord, l'opération Grahovo-Glamoc était la conséquence d'un

 20   accord conclu avec le gouvernement de Bosnie-Herzégovine. C'était une

 21   opération-clé qui devait soulager le fardeau de Bihac.

 22   Deuxièmement, d'un point de vue militaire, cette opération a été

 23   couronnée de succès et a beaucoup aidé --

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Waespi ne vous a pas demandé de

 25   raconter le récit concernant cette opération dans sa totalité. La question

 26   qu'il vous a posée, c'est celle-ci : Etiez-vous au courant du fait que des

 27   crimes avaient été commis pendant l'opération de libération de Grahovo et

 28   Glamoc, que vous décrivez au paragraphe 20 de votre déclaration ?

Page 24855

  1   Veuillez répondre à cette question-là, s'il vous plaît.

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, jusqu'au moment du

  3   début de l'opération Tempête environ, hormis le fait que l'opération avait

  4   été couronnée de succès, je ne savais rien d'autre. Il n'y a pas eu de plus

  5   amples discussions là-dessus. Personne ne m'en a parlé. Ce n'est que

  6   plusieurs années plus tard que l'on m'a indiqué que cette opération avait

  7   été accompagnée de destruction et d'autres méfaits et d'autres événements.

  8   Je ne connais toujours pas, au jour d'aujourd'hui, les détails de cette

  9   opération.

 10   M. WAESPI : [interprétation]

 11   Q.  Merci, Monsieur le Témoin.

 12   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite montrer

 13   maintenant au témoin le numéro 65 ter 1883, s'il vous plaît.

 14   Q.  Il s'agit là d'un document qui est daté du 13 août 1995, signé par le

 15   commandant capitaine Adijanjic [phon] du 72e Bataillon de la Police

 16   militaire.

 17   Et il dit à la page 2, en anglais et en croate, que ce dernier

 18   paragraphe qui évoque le lendemain, il s'agit du 30 juillet 1995, comme

 19   nous pouvons le constater, d'après le texte précédent :

 20   "Le lendemain, des membres de l'armée croate, la 4e Brigade de la

 21   garde et la 7e Brigade de la garde ainsi que certains groupes, la 114e

 22   Brigade de l'armée croate, le 126e Régiment de la Garde nationale sont

 23   entrés dans la zone de Grahovo et des régions voisines, ont commencé à

 24   incendier les maisons à Grahovo et les villages voisins, et ce, de façon

 25   organisée."

 26   Je suppose que vous n'étiez pas au courant de ce genre d'information

 27   sur ce qui se passait quelques jours seulement avant le début de

 28   l'opération Tempête et avant que vous n'ayez fait votre commentaire à

Page 24856

  1   propos du respect des conventions de Genève ?

  2   R.  En ce qui concerne ce document, je n'étais pas au courant. Je ne l'ai

  3   jamais vu. Et quant à des événements tels que d'avoir mis le feu et les

  4   destructions, comme je l'ai déjà dit, j'en ai entendu parler beaucoup plus

  5   tard. Donc je n'étais pas au courant et, en particulier, pas pendant

  6   l'opération Tempête.

  7   Q.  Et M. Susak - et nous avons des éléments de preuve à ce sujet en ce qui

  8   concerne ceci, dans ce procès - il ne vous a pas dit qu'il était passé par

  9  Glamoc et Grahovo le 1er juillet et à ce que l'on a rapporté, il s'était dit

 10   très déçu par le fait qu'il y avait eu des incendies, et des pillages

 11   furent particulièrement remarqués au niveau de la 4e et de la 7e Brigade ?

 12   M. WAESPI : [interprétation] C'est dans le document P71, journal de la

 13   Région militaire de Split.

 14   Q.  C'est quelque chose que vous a dit M. Susak ?

 15   R.  Non, non, ce n'est pas le cas. Je n'étais pas au courant. A l'époque, à

 16   ce moment-là, je peux vous dire tout de suite que nous nous sommes

 17   retrouvés à une réunion, mais nous n'avons jamais parlé de cela, et je

 18   n'avais d'ailleurs aucune connaissance, je n'étais absolument pas conscient

 19   de ceci. M. Susak ne m'en a pas parlé.

 20   Q.  Donc, votre commentaire pour ce qui était qu'il fallait absolument

 21   observer les conventions de Genève, ça, c'est une idée qui vous a traversé

 22   l'esprit, qui vous est venue ainsi, tombée du ciel ou basée sur

 23   l'expérience de 1991, mais pas en raison des récents événements qui

 24   auraient pu déclencher votre observation, votre commentaire. C'est ça que

 25   vous nous dites dans votre déposition ?

 26   R.  Non, Monsieur le Procureur. Très précisément, au cours des deux jours

 27   qui viennent de s'écouler, j'ai déposé ici, j'ai répondu aux questions des

 28   avocats de la Défense sur la façon dont le gouvernement s'est comporté et

Page 24857

  1   comment moi-même, personnellement, après l'opération Tempête, j'ai agi

  2   lorsque nous avons reçu des renseignements concernant les incendies des

  3   maisons, les pillages et les crimes ou délits commis par des individus.

  4   Tout ce que je peux dire, c'est qu'à un moment donné au cours de la période

  5   à partir du 25 août jusqu'au 1er septembre, par exemple, du côté de cette

  6   période-là, lorsque j'ai reçu les renseignements allant dans le sens que la

  7   portée de ces événements, de ces crimes dépassait ce que je pensais qu'ils

  8   étaient et dépassait ce que je croyais qu'il était arrivé, lorsque j'ai

  9   reçu ces renseignements, alors, en l'espace de deux jours, j'ai parlé à

 10   toutes les personnes qui étaient responsables dans le pays, toutes les

 11   personnes qui avaient des responsabilités, pour commencer, avec le ministre

 12   de l'Intérieur, M. Jarnjak. Je lui ai parlé, et je lui ai présenté les

 13   renseignements que j'avais reçus.

 14   Q.  Oui, nous allons y venir, dans la mesure où ceci a trait à l'opération

 15   Tempête.

 16   R.  O.K.

 17   Q.  Si c'est de cela que nous parlons.

 18   Maintenant, je vais vous poser une dernière question sur ce sujet.

 19   D'après le paragraphe 17 de votre déclaration de témoin, vous avez

 20   participé à la prise de décision relative à la libération de la Grahovo et

 21   Glamoc, mais vous dites que vous ne savez pas vraiment ce qui se passait,

 22   tout au moins, pas lorsqu'il s'agit d'infractions, crimes ou délits. Est-ce

 23   que c'était une bonne description de votre déposition ?

 24   R.  Oui, c'était une bonne appréciation de cela, mais je ne savais pas à ce

 25   moment-là ce qui se passait à Glamoc et Grahovo, si ce n'est que

 26   l'opération militaire avait été un succès, elle avait aidé l'opération

 27   Tempête, mais c'est la seule information, la seule chose que je savais à

 28   l'époque.

Page 24858

  1   Q.  Je vous remercie, Monsieur Granic.

  2   Allons maintenant --

  3   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, afin que le compte

  4   rendu soit bien clair, à la page 8, ligne 18, M. Waespi dit qu'il cite le

  5   paragraphe 8 de la déclaration du témoin, qui est maintenant la pièce à

  6   conviction présentée par la Défense 1797, et M. Waespi a employé le mot

  7   "radically". Peut-être que je me trompe, mais je n'arrive pas à voir ce mot

  8   dans le paragraphe 8.

  9   M. WAESPI : [interprétation] Je pense que c'est ce qui était, tout le

 10   moins, dans ma traduction.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Ce n'est pas dans la traduction téléchargée

 12   sur e-court que j'ai.

 13   M. WAESPI : [interprétation] Peut-être qu'on pourrait revoir l'original en

 14   B/C/S. C'est ça que j'ai, qui porte la date du 12 mai.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans l'original B/C/S, un document dont

 16   j'ai connaissance qui a été déposé le 11 novembre -- non, il y a un

 17   rectificatif du 10 novembre déposé le 11 novembre dans lequel nous trouvons

 18   une version corrigée de la déclaration, celle que j'ai devant moi, et je

 19   peux facilement regarder les versions électroniques. Y a-t-il une raison

 20   quelconque de supposer que ce n'est pas la même déclaration ?

 21   Est-ce que vous étiez en train de citer le paragraphe 8 ? Je ne vois

 22   pas le mot "radically" au paragraphe 8, Monsieur Waespi.

 23   M. WAESPI : [interprétation] Oui, mais le témoin a certainement déclaré que

 24   ceci nous a été présenté à un moment donné. Je pense qu'il y avait un

 25   problème qui se posait concernant les dates. Il y avait donc deux ou même

 26   trois dates différentes. Excusez-moi si je suis en train de travailler avec

 27   une déclaration du témoin qui est périmée, mais on aurait dû me dire à ce

 28   moment-là, en ce qui concerne la déclaration suivante, la nouvelle, qu'on

Page 24859

  1   avait tout au moins modifié la traduction.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, le 11 novembre, une

  3   requête a été déposée à laquelle était joint un rectificatif, un

  4   corrigendum. Alors maintenant, cette requête en tant que telle --

  5   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président --

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- mais ça ne dit pas cela. Ça dit

  7   simplement que précédemment, on avait joint une version incomplète de la

  8   traduction anglaise et que maintenant, vous nous dites nous annexons la

  9   traduction complète.

 10   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vais essayer de résoudre ce problème,

 11   Monsieur le Président.

 12   M. Waespi s'occupe d'une traduction officielle que nous avons obtenue

 13   et, bien entendu, communiquée au bureau du Procureur. Et il est très

 14   évident à ce moment-là qu'au paragraphe 8, ce mot-là, "radicalement",

 15   "radically" n'apparaît pas.

 16   Si nous regardons l'original, la déclaration, à ce moment-là, nous

 17   pourrions facilement trouver le mot "radically" s'il se trouve vraiment

 18   dans ce paragraphe.

 19   A l'évidence, une version originale de la déclaration de M. Granic à

 20   laquelle M. Granic se réfère, c'est que donc il combattait de façon

 21   radicale pour les conventions de Genève dans ce sens.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais dans ces conditions, je

 23   préférerais que la version en B/C/S soit lue, de façon à ce que -- je ne

 24   demande pas aux interprètes de donner une interprétation à caractère

 25   définitif, mais juste pour savoir s'il y a là d'autres aspects, d'autres

 26   questions qui devraient nous alerter, en tant que Juges de la Chambre.

 27   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, je peux donner

 28   lecture de ce paragraphe, si vous le souhaitez, aux fins du compte rendu.

Page 24860

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais là encore, ceci ne convient

  2   pas pour obtenir une traduction autorisée, officielle, juste pour voir ceci

  3   à première vue, ce sont les seuls problèmes. Il faut voir s'il y a d'autres

  4   problèmes tout particulièrement, puisque apparemment un mot a été omis. Si

  5   vous voulez bien me le permettre…

  6   Veuillez poursuivre, Maître Mikulicic, en lisant le paragraphe 8.

  7   M. MIKULICIC : [interprétation] Le paragraphe 8 dans l'original est ainsi.

  8   Je vais le lire en Croate.

  9   "En tant que ministre des Affaires étrangères et premier ministre adjoint

 10   pendant et après l'opération militaire Tempête, de façon à libérer les

 11   zones occupées de la République de Croatie, au lieu de différentes

 12   activités politiques, je me suis efforcé de façon radicale d'agir pour les

 13   conventions de Genève et le droit international humanitaire de façon à ce

 14   qu'ils soient respectés."

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semblerait que le problème soit

 16   limité à ce seul mot.

 17   Veuillez poursuivre, Monsieur Waespi.

 18   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je voudrais

 19   demander le versement au dossier des documents 1883 de la liste 65 ter.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'entends pas d'objection.

 21   Monsieur le Greffier.

 22   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ceci devient la pièce numéro P2665.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et est admis comme document et devient

 24   une pièce du dossier comme élément de preuve.

 25   M. WAESPI : [interprétation] Je souhaiterais maintenant qu'on en vienne à

 26   discuter des infractions, des crimes qui ont eu lieu dans la suite et le

 27   sillage de l'opération Tempête.

 28   Vous consacrez un chapitre entier à la question, et c'est intitulé "Crimes

Page 24861

  1   et délits", dans votre livre, et ceci est maintenant le P2662. Je

  2   souhaiterais qu'on présente ce document à l'écran.

  3   Ça commence à la page 9, en anglais. En B/C/S, il s'agit de la page

  4   22 [comme interprété].

  5   Q.  Les questions principales sont, comme vous le savez, lorsqu'on

  6   entend parler de crimes et délits, lorsqu'on en parle avec les gens que

  7   vous mentionnez dans ce chapitre.

  8   Je voudrais vous donner lecture de la partie pertinente :

  9   "J'ai reçu d'abord des renseignements concernant des infractions commises

 10   dans les secteurs libérés de Peter Galbraith, et ensuite d'autres

 11   renseignements sont venus par d'autres diplomates et journalistes."

 12   Je m'arrête là maintenant. Si vous vous en souvenez, quand est-ce que Peter

 13   Galbraith vous a informé de ces infractions, crimes et délits ?

 14   R.  Il s'agit là d'entretiens qui ont eu lieu entre le 25 et le 30 août

 15   1995, bien que jusqu'à ce moment-là, j'avais aussi reçu des renseignements

 16   de Peter Galbraith, c'est-à-dire que j'avais reçu des informations avant ça

 17   aussi, et ceci c'était dans le cadre des renseignements généraux que je

 18   recevais, c'est-à-dire des renseignements officiels que je recevais du

 19   ministère de l'Intérieur. Alors, les renseignements dont je parle dans mon

 20   livre, ce sont les éléments d'information que j'ai reçus après le 25,

 21   lorsqu'il était évident pour moi que la portée et l'étendue des

 22   destructions, à savoir le fait d'incendier des bâtiments, des

 23   installations, et les crimes, délits, le pillage et ainsi de suite, était

 24   beaucoup plus étendue que je n'avais d'information à ce sujet.

 25   Donc, c'est à un moment entre le 25 et le 30 août, comme je l'ai dit.

 26   Q.  Vous avez été informé de cela par M. Galbraith durant cette période ?

 27   R.  M. Galbraith et certains journalistes du "Helsinki Board", et aussi

 28   j'ai reçu des renseignements d'au moins trois sources.

Page 24862

  1   Q.  Et ensuite vous avez donné pour tâches à des personnes du ministère de

  2   vérifier que ceci avait bien eu lieu au cours de cette période, entre le 25

  3   et le 30 août ?

  4   R.  C'est exact. Lorsque j'ai reçu cela, pour commencer, j'ai fait vérifier

  5   les renseignements. Je les ai vérifiés. Et les renseignements qu'ils ont

  6   reçus, c'est-à-dire les personnes qui étaient chargées de cela avec moi,

  7   ont confirmé que l'étendue des crimes était plus grande que de ce que je

  8   savais. Jusqu'à ma lettre à M. Kinkel, par exemple, et Lasso-Ayala et ainsi

  9   de suite, à savoir que l'étendue des crimes et délits était plus grande.

 10   Q.  Et qui vous a parlé de l'étendue, et quel renseignement a déclenché

 11   votre appréciation que ceci était véritablement ce qui se passait ? Vous

 12   rappelez-vous, je ne me rappelle plus si ceci était plus de la propagande

 13   immédiate, comme vous l'avez dit, c'était quelque chose que vous deviez à

 14   ce moment-la prendre au sérieux et régler ?

 15   R.  En l'espace de deux ou trois jours, j'ai reçu de plus en plus de

 16   renseignements que j'ai vérifiés, et ces renseignements se sont révélés

 17   exacts. Et pour être plus précis, à ce moment-là, du ministère de

 18   l'Intérieur, mes agents étaient responsables au ministère et ils ont

 19   confirmé que, oui, l'étendue était beaucoup plus grande.

 20   C'est à ce moment-là que je suis intervenu, que je suis entré en

 21   action.

 22   Q.  Donc, les renseignements reçus provenaient du ministère de l'Intérieur

 23   ?

 24   R.  Ils ont confirmé les renseignements que j'avais moi-même reçus. Le

 25   ministre Jarnjak a confirmé ces renseignements, parce que je suis allé le

 26   trouver pour le consulter d'abord, puisque, bien entendu, c'était le

 27   ministre de l'Intérieur.

 28   Q.  Là encore, cette réunion avec le ministre Jarnjak, à laquelle il est

Page 24863

  1   fait référence au bas de la page 9 de l'anglais, elle a été a eu lieu --

  2   pouvez-vous être précis et dire le moment où elle a eu lieu, à quel moment

  3   vers la fin août 1995 ?

  4   R.  La fin d'août 1995.

  5   Q.  Puis au paragraphe suivant en anglais, à la page 10, vous écrivez :

  6   "Immédiatement après la réunion avec Jarnjak, j'ai rencontré Valentic. Au

  7   cours de cette brève conversation, j'ai appris qu'il était également

  8   partiellement informé de cette évolution. Il était en colère et il m'a

  9   entièrement soutenu lorsque j'ai dit que j'allais retrouver Tudjman et lui

 10   demander d'empêcher les meurtres, les vols et les incendies."

 11   Donc, là encore, cette réunion avec M. Valentic a eu lieu vers la fin du

 12   mois d'août ?

 13   R.  C'était le même jour.

 14   Q.  Et M. Valentic, c'était le premier ministre ?

 15   R.  C'est exact, oui. Et il a vigoureusement condamné ce genre de chose et

 16   a prêté son plein et entier appui, ou, plutôt, a demandé au président

 17   d'user de son autorité et d'être à nos côtés de sorte que nous pourrions

 18   faire tout ce qui était en notre pouvoir pour empêcher que ces dommages

 19   n'existent.

 20   Q.  Puis vous poursuivez, je cite :

 21   "J'ai parlé au Général également qui, brièvement, a expliqué que les unités

 22   du HV ne commettaient aucun crime ou délit."

 23   Je pense que vous avez dit hier dans votre déposition qu'il était l'un des

 24   commandants, l'un des généraux qui étaient chargés de l'opération Oluja ?

 25   R.  C'est exact. Mais il n'était pas un des deux généraux. Je pense que

 26   l'autre, il était --

 27   L'INTERPRÈTE : inaudible.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] -- à l'état-major principal et il conduisait

Page 24864

  1   cette opération à tour de rôle.

  2   M. WAESPI : [interprétation]

  3   Q.  La réunion a eu lieu le même jour que celui où vous avez eu une réunion

  4   avec Jarnjak et Valentic ou était-ce le lendemain ?

  5   R.  Je pense que tout a eu lieu le même jour.

  6   Q.  Incidemment, où l'avez-vous rencontré ?

  7   R.  Avec le général Miljavac, je ne me rappelle pas. Souvent, on se

  8   réunissait au ministère de la Défense ou au ministère des Affaires

  9   étrangères. Mais quant à cette réunion-là, vraiment, je n'arrive pas à m'en

 10   souvenir maintenant. Je ne peux pas dire où elle a eu lieu exactement. Avec

 11   Jarnjak, c'était au bâtiment du gouvernement de la République de Croatie.

 12   Avec Valentic, c'était dans son propre bureau au sein des bâtiments du

 13   gouvernement. Avec le président, il se déplaçait et on le suivait pour ses

 14   conversations, parce qu'il était difficile de pouvoir lui peindre la

 15   situation, lui montrer à quel point la situation était grave et ce que nous

 16   devions faire, essayer d'obtenir une réponse.

 17   Q.  Et il vous a dit que l'un des généraux qui exerçait un commandement,

 18   qui était chargé à la fin du mois d'août, il vous a dit que les unités du

 19   HV ne commettaient aucun crime, aucun délit ?

 20   R.  C'est exact, précisément cela.

 21   Q.  Et alors, vous poursuivez en disant que vous l'avez cru parce que vous

 22   aviez reçu des renseignements analogues depuis le terrain.

 23   Maintenant, quels renseignements avez-vous reçu depuis le terrain.

 24   R.  J'ai eu des renseignements en ce sens que diverses bandes, des hommes

 25   qui portaient des uniformes ou qui n'en avaient pas, faisaient du pillage,

 26   incendiaient des maisons, pillaient les propriétés, les biens, et que des

 27   crimes ou délits individuels étaient en train d'être commis.

 28   Ceux-ci étaient les renseignements qui me sont parvenus à ce moment-

Page 24865

  1   là, à savoir que la gravité, l'étendue de ces crimes était beaucoup plus

  2   grande que je ne l'avais cru précédemment ou que je n'aie été au courant.

  3   Q.  Veuillez être précis. Voudriez-vous me dire qui est la personne ou le

  4   rapport qui vous est parvenu depuis le terrain et qui vous a fait confirmer

  5   ce que vous aviez entendu du général Miljavac ?

  6   R.  Indépendamment -- bien, un exemple, c'était le président de "Helsinki

  7   Watch", M. Zvonimir Cicak, qui m'a dit cela. Ensuite, il y a eu Peter

  8   Galbraith qui également m'a prévenu. On a parlé. Puis, il y a eu plusieurs

  9   autres journalistes respectables qui m'ont dit qu'ils avaient des

 10   renseignements pour montrer que c'était sur une beaucoup plus grande

 11   échelle que ça avait eu lieu. Donc, c'était là trois sources fondamentales

 12   et, bien entendu, tout ceci était confirmé par le ministère de l'Intérieur.

 13   Q.  Mais vous êtes en train de dire que ces sources que vous avez

 14   mentionnées, M. Cicak de "Helsinki Watch", M. Galbraith, ont confirmé que

 15   l'étendue des crimes était plus grande, ou est-ce qu'ils ont également

 16   confirmé que le HV ne commettait aucun crime ?

 17   R.  Personne ne m'a dit que l'armée croate commettait des crimes,

 18   absolument personne. Pour la plupart, on a dit que des gens en uniforme ont

 19   été vus, mais pas que l'armée croate elle-même commettait ces crimes.

 20   Q.  A ce moment-là, vous avez rencontré M. Susak. Ceci est au bas de la

 21   page 10 en anglais, de la page 12 en croate.

 22   Et là, vous dites, et je cite : "Susak était au courant des crimes et

 23   délits, mais il a également nié que les hommes qui étaient sous sa

 24   direction n'étaient responsables. Tout ce qu'il a dit c'était : Mate, ceci

 25   n'est pas fait par des membres de l'armée régulière."

 26   Vous rappelez-vous cette réunion avec ce M. Susak ?

 27   R.  Oui. Dans son bureau avant le déjeuner, au palais présidentiel. Il a

 28   dit : Mate, ces choses-là ne sont pas faites par des soldats de l'armée

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  1   régulière, et alors je lui ai dit ce que Jarnjak m'avait dit, à savoir

  2   qu'il était nécessaire de libérer le secteur de l'armée des soldats et des

  3   unités de garde qui étaient, pour ainsi dire, des unités non

  4   professionnelles. Et quand il a dit cela, il était en train d'effectuer une

  5   démobilisation, un retrait de l'armée. Ce qui veut dire l'ensemble des 190

  6   000 membres en l'espace de deux mois, bien que je ne puisse pas vous donner

  7   les chiffres exacts, et je pense que c'était environ de 190 000, ça a été

  8   réduit à moins de 5 000, de sorte qu'il a dit qu'un grand nombre des

  9   soldats  avaient déjà quitté pour faire ces opérations avec l'ABiH et le

 10   HVO en Bosnie-Herzégovine. Il a également dit que c'était un grand dommage

 11   qui était fait, mais il a dit que ce n'était pas fait par l'armée

 12   régulière, par des soldats appartenant à l'armée régulière.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Misetic.

 14   M. MISETIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, du point de vue

 15   du contexte, je note que M. Waespi a sauté un passage qui, je pense,

 16   pourrait avoir une certaine pertinence et fournir un contexte pour le bas

 17   de la page auquel nous allons maintenant.

 18   M. WAESPI : [interprétation] Je suis tout à fait prêt à lire tout ce que

 19   l'on souhaite dans le contexte, si le conseil le juge nécessaire.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, allez-y, s'il vous plaît.

 21   M. WAESPI : [interprétation]

 22   Q.  Ministre -- si l'avocat se réfère au commentaire de M. Jarnjak :

 23   "Ministre de l'Intérieur, M. Jarnjak a confirmé tous les renseignements que

 24   j'avais. J'ai demandé ce que nous pouvions faire pour arrêter ces meurtres

 25   et cet état de non-droit. Il a suggéré que la police devrait immédiatement

 26   assurer le contrôle de ce secteur dans lequel tout le monde devait être

 27   averti que l'armée croate était transféré en Bosnie-Herzégovine, et que

 28   pratiquement il n'y avait aucune autorité pour contrôler la situation dans

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  1   les secteurs libérés."

  2   Maintenant, votre réunion avec Susak et les autres réunions dont vous

  3   avez parlé de M. Jarnjak, est-ce qu'elles ont eu lieu avant ou après que

  4   vous ayez reçu la lettre du ministre des Affaires étrangères allemand

  5   Kinkel ?

  6   R.  Ça s'est passé avant.

  7   Q.  Et que s'est-il passé plus tard ? C'était après cette lettre ou

  8   la réunion ?

  9   R.  Avant -- bien, la lettre du ministre Kinkel est entrée en vigueur et

 10   les entretiens ont eu lieu. Donc, c'était pour moi un avertissement, et je

 11   l'ai pris au sérieux.

 12   Q.  Et ensuite, à la page 11 en anglais, vous dites que -- vous écrivez que

 13   :

 14   "Choqué par les informations que je recevais, mais également par le manque

 15   de pouvoir de Susak et de Tudjman pour ce qui était de faire cesser les

 16   crimes par la suite, j'ai décidé de prendre une approche très directe dans

 17   les médias." Et vous parlez de l'interview donnée à Globus, dans laquelle

 18   vous avez condamné, de façon explicite, le chaos et ainsi de suite.

 19   Est-ce que vous vous rappelez que vous avez donné ces renseignements à

 20   Globus ?

 21   R.  J'ai récemment parlé au journaliste en question. J'avais eu un briefing

 22   avec eux, pas une interview. C'était un briefing pour ce qui est d'environ

 23   le 1er septembre, de ce côté-là. Je ne peux pas vous dire exactement.

 24   Maintenant, en ce qui concerne la question telle qu'elle est posée, ou,

 25   plutôt, la relation à son égard, à la fois du président Tudjman et Susak et

 26   Valentic et Jarnjak, tous ont condamné les crimes et délits commis, mais je

 27   voulais que ceci cesse immédiatement, que ces crimes et délits cessent

 28   immédiatement. Et j'ai considéré que si, du côté croate, les médias

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  1   devaient écrire à ce sujet, ceci serait utile pour nous, allait aider à

  2   mettre fin aux crimes qui avaient lieu. Et j'ai fait ça à plusieurs

  3   reprises au cours de ma vie et j'ai remporté du succès. Je suis allé

  4   trouver les médias, je leur ai parlé en public de certaines choses que je

  5   considérais comme bonnes, et le public croate, vous savez, ceci semble

  6   avoir arrêté les choses.

  7   Q.  Merci, Monsieur Granic. Passons maintenant à une question qui est

  8   connexe mais quelque peu différente. Il s'agit de la réaction

  9   internationale à ces crimes et délits.

 10   Je pense que vous avez témoigné en disant que vous aviez reçu, dans

 11   la suite de l'opération du 7 août, des préoccupations de la communauté

 12   internationale. Vous parliez de nettoyage ethnique, est-ce que ça a été

 13   évoqué, et ainsi de suite.

 14   Ça, c'était le 7 août ?

 15   R.  Oui. Je dois souligner un point s'agissant du nettoyage ethnique, je le

 16   rejetais aussi fermement à l'époque que je le fais aujourd'hui. Et mon

 17   opinion à cet égard n'a pas changé du tout. Pourquoi ? Le nettoyage

 18   ethnique n'a pas eu lieu, car les Serbes rebelles ou, comme on les

 19   appelait, les Serbes locaux ou les Serbes rebelles avaient quitté la

 20   Croatie de manière planifiée, encouragés par leurs dirigeants. Bien sûr,

 21   c'était aussi en raison de la peur, peur des représailles, et il y a eu des

 22   représailles aussi et, bien sûr, aussi en raison de l'endoctrinement qui

 23   avait commencé bien avant, dès 1989. Donc, ma position reste la même que le

 24   7 août : il n'y a pas eu de nettoyage ethnique.

 25   Q.  Et vous avez reçu un nombre de communications, que ce soit des lettres

 26   ou des appels téléphoniques, de la part du ministre des Affaires étrangères

 27   des Etats-Unis, M. Rifkind, ou de l'Italie, qui faisaient part de leurs

 28   préoccupations au sujet de ce qui se déroulait. C'était le 7 août.

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  1   R.  Oui, c'est exact.

  2   Q.  Nous allons passer maintenant à la date du 24 août. Cette lettre de M.

  3   Kinkel a fait l'objet de discussions ici plusieurs fois. Est-ce que vous

  4   vous souvenez avoir reçu la lettre de M. Kinkel ?

  5   R.  Oui, je me souviens de l'avoir reçue. Je me souviens qu'avant et après

  6   cette lettre, j'ai parlé avec le ministre Kinkel.

  7   M. WAESPI : [interprétation] Peut-on présenter la pièce P2660, s'il vous

  8   plaît.

  9   Q.  Voici ma question : est-ce que la lettre est encore disponible, à votre

 10   avis ?

 11   R.  Je ne comprends pas la question.

 12   Q.  Est-ce que vous avez encore la lettre de M. Kinkel ?

 13   R.  Je pense que j'ai, dans mes archives -- ou plutôt, les archives des

 14   Affaires étrangères, donc, je ne parle pas de mes propres archives mais des

 15   archives du ministère des Affaires étrangères.

 16   Q.  Il s'agit ici d'un rapport paru à Sueddeutsche Zeitung, un journal

 17   allemand que vous connaissez peut-être, et il y est question du fait que M.

 18   Kinkel vous a envoyé cette lettre. Veuillez le lire, s'il vous plaît, si

 19   vous le pouvez, l'article en question, pour vous-même.

 20   R.  Je l'ai lu, Monsieur le Procureur.

 21   Q.  Merci, Monsieur Granic. Est-ce que ce rapport reflète de manière exacte

 22   la lettre que vous avez reçue de la part du Dr Kinkel ?

 23   R.  Ceci est plus ou moins exact. Je ne me souviens plus de tous les

 24   détails, mais il m'a parlé du pillage, des tueries du bétail, ainsi de

 25   suite. Et il m'a également mis en garde en disant qu'il y aurait de

 26   mauvaises réactions au sein de la Communauté européenne. C'est à ce moment-

 27   là que la Communauté européenne avait suspendu les négociations concernant

 28   l'accord de commerce et de coopération. Donc c'était plus ou moins le sujet

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  1   de la lettre.

  2   Q.  Vous avez rencontré le chancelier autrichien Vranitzky à peu près au

  3   même moment ?

  4   R.  Oui, c'est exact.

  5   M. WAESPI : [interprétation] Peut-on montrer maintenant la pièce 7482 en

  6   vertu de l'article 65 ter, s'il vous plaît.

  7   Q.  Je peux déjà lire une partie du rapport de Reuters intitulé "Vranitzky

  8   avertit la Croatie pour qu'elle respecte les droits de l'homme" du 24 août

  9   1995.

 10   "Le chancelier autrichien Vranitzky a averti la Croatie vendredi, demandant

 11   de respecter les droits de l'homme, disant que c'est un préalable pour

 12   devenir plus proche de l'Union européenne. Vranitzky, qui a eu des

 13   entretiens avec le ministre des Affaires étrangères Mate Granic, fait un

 14   appel pour que Zagreb effectue une enquête et punisse toutes les violations

 15   des droits de l'homme dans la région de la Krajina, enclave des Serbes

 16   rebelles que la Croatie a remis sous son contrôle au début de ce mois -- a

 17   été déclaré dans le bureau du chancelier. Les réfugiés et les représentants

 18   des Nations Unies parlent des pillages répandus, des maisons incendiées et

 19   du harcèlement des civils au cours de l'opération croate du retour de la

 20   Krajina des Serbes qui avaient pris contrôle pendant la guerre pour

 21   l'indépendance de la République fédérale de Yougoslavie que Zagreb avait

 22   menée au cours de l'année 1991."

 23   Ensuite, il est question des 150 000 Serbes qui avaient fui. Vranitzky a

 24   demandé que les observateurs internationaux aient accès à toutes les zones

 25   dans lesquelles des violations des droits de l'homme ont été observées. M.

 26   Granic a dit à Vienne, aux journalistes, qu'il allait lancer une enquête

 27   concernant les allégations d'atrocités. Il a insisté cependant que l'armée

 28   croate n'avait pas participé à des violations. Et il a dit que : "Tous les

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  1   civils qui auraient commis des violations des droits de l'homme vont être

  2   traînés en justice."

  3   Et puis, référence y est faite à l'article de M. Kinkel paru dans un

  4   journal allemand.

  5   Est-ce que vous pouvez confirmer cela, ce rapport en tant qu'exact ?

  6   R.  Il est plus ou moins exact. Il est exact lorsqu'il est dit que le

  7   chancelier Vranitzky m'a averti au sujet des informations que l'Autriche a

  8   reçues concernant les activités criminelles qui se déroulaient sur le

  9   terrain. C'est la première chose.

 10   La deuxième chose est qu'il a demandé, et j'ai accordé l'accès aux

 11   observateurs internationaux, et lorsque je suis rentré à Zagreb, j'ai

 12   proposé au président Tudjman d'accorder l'accès à tous les observateurs le

 13   demandant. Et, bien sûr, nous étions d'accord pour dire que toutes les

 14   personnes responsables des délits et des crimes allaient être traînées en

 15   justice. Et comme je l'ai dit hier, environ 3 000 personnes ont fait

 16   l'objet de poursuites judiciaires suite à ce qui s'est passé après

 17   l'opération Tempête.

 18   Q.  L'accès pour les observateurs, est-ce que ceci était valable dès le

 19   premier jour, ou bien est-ce qu'il y a eu certaines restrictions ? Est-ce

 20   que vous affirmez qu'il n'y a jamais eu de restrictions s'agissant de cet

 21   accès ?

 22   R.  Il y a eu des restrictions seulement au cours des trois premières

 23   journées pendant les opérations militaires d'envergure, et immédiatement

 24   après, il a été rouvert.

 25   Q.  Nous parlons maintenant de la date du 24 août, et vous croyez qu'à

 26   l'époque l'armée croate n'avait participé à aucune violation. Ceci

 27   correspond à vos connaissances de l'époque ?

 28   R.  Ceci est absolument exact, Monsieur le Procureur. D'après mes

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  1   connaissances à l'époque, l'armée croate n'avait commis aucune violation.

  2   Q.  Examinons maintenant quelques pièces à conviction portant sur les

  3   crimes commis par la HV. Me Misetic vous en avait déjà montré quelques-uns

  4   ce matin.

  5   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaite proposer le

  6   versement au dossier de la pièce 7482 en vertu de 65 ter.

  7   M. MIKULICIC : [interprétation] Pas d'objection.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P2666.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P2666 est versée au dossier.

 11   M. WAESPI : [interprétation] Je souhaite montrer au témoin, Monsieur le

 12   Président, la pièce P1133.

 13   Q.  Docteur Granic, la date est le 6 août 1995. Il s'agit d'un rapport

 14   quotidien émanant du colonel Ivan Zelic, du commandement de la Région

 15   militaire de Split, et il soumet un rapport au chef de l'administration

 16   politique du ministère de la Défense, le général de brigade Ivan Tolj.

 17   Le connaissez-vous ?

 18   R.  Je connais le général Ivan Tolj.

 19   Q.  Si vous examinez la page 2 en croate et 3 en anglais, il y est question

 20   de l'entrée des unités dans la ville de Knin.

 21   M. WAESPI : [interprétation] Au milieu de la page 3 en anglais.

 22   Q.  "Lorsque nos unités sont entrées dans la ville de Knin, nous avons vu

 23   environ 1 000 personnes qui étaient restées à Knin. Nous avons rencontré

 24   également l'ensemble du personnel de l'ONURC dans son hôpital qui était sa

 25   base, et ils affirmaient qu'il n'y avait pas d'eau ni de médicaments. Ils

 26   essayaient de trouver une route pour entrer dans la ville. En raison du

 27   nettoyage du terrain et de la sécurité des membres de l'ONURC, on ne leur a

 28   pas permis hier d'entrer dans la ville. L'entrée de nos membres et le

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  1   traitement des civils étaient appropriés et au niveau requis. Cependant, le

  2   comportement de nos membres à l'égard des biens était catastrophique.

  3   Immédiatement après l'entrée, la dévastation des bâtiments et le recueil

  4   non contrôlé du butin de guerre a commencé, mais les unités de la police

  5   militaire étaient déjà entrées dans la ville et se sont placées sur les

  6   points de contrôle, empêchant des destructions supplémentaires et

  7   dévastations des biens et de la propriété."

  8   Et vous n'avez jamais entendu parler de ce type de comportement

  9   catastrophique au cours des premières deux semaines de l'opération Tempête

 10   ?

 11   R.  Non. C'est la première fois que je vois ce document. Je n'ai pas eu ce

 12   type d'information.

 13   J'ai parlé avec mes homologues et j'ai parlé au sein du gouvernement

 14   de la République de Croatie. Mes connaissances se fondaient sur les

 15   rapports que je recevais, bien sûr, et c'est sur cette base-là que je

 16   répondais à mes homologues à travers le monde.

 17   Q.  Est-ce que vous pensez que le général Miljavac, qui était l'un des

 18   commandants de l'opération, ne connaissait pas le contenu d'un tel rapport

 19   qui avait été envoyé aux chefs de l'administration politique du ministère

 20   de la Défense ?

 21   R.  J'avais une confiance absolue en général Miljavac, et ça reste le cas.

 22   Je ne sais pas quels étaient les rapports qu'il recevait. Le plus souvent,

 23   il me disait - et d'ailleurs le ministre Susak le disait aussi - que

 24   l'armée ne commettait pas de crimes. Lorsqu'il parlait des crimes, je ne

 25   sais pas s'il parlait des meurtres ou des tueries des civils. Ça, je ne le

 26   sais pas. Mais de toute façon, j'ai écrit dans mon livre ce dont j'avais

 27   entendu parler. Et s'agissant de ce rapport-là, c'est la première fois que

 28   je le vois ou que j'en entends parler.

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  1   Q.  Nous allons passer maintenant à l'un des documents que Me Misetic vous

  2   a montré ce matin. Il s'agit de la pièce à conviction de l'Accusation P918.

  3   Il s'agit là d'un avertissement de la part du bureau de l'assistant

  4   du commandant chargé des affaires politiques de la Région militaire de

  5   Split, et ceci est envoyé à tous les assistants de commandants chargés des

  6   affaires politiques.

  7   Et si vous examinez la dernière page, vous pouvez voir que ceci est

  8   distribué à un grand nombre de destinataires. Vous pouvez voir le OG ou

  9   groupe opérationnel Sajkovic; OG Otric; OG Vrbanac; le commandant de la

 10   Région militaire de Split, pour information, le chef de l'administration de

 11   la police du ministère de la Défense, cette fois-ci de la République

 12   d'Herceg-Bosna; le commandant de la garnison de Knin, encore une fois pour

 13   information; le 72e Bataillon de la Police militaire, et les archives.

 14   Donc, il y a une longue liste de destinataires. N'êtes-vous pas d'accord

 15   avec moi pour dire cela, Monsieur Ganic ?

 16   R.  Si, je suis d'accord.

 17   Q.  Et il s'agit ici d'un avertissement explicite, où il est question du

 18   comportement irresponsable de certains soldats, sous-officiers et

 19   officiers, qui ont compromis ou décrédibilisé l'Etat et l'armée croates, et

 20   il s'agit des capitaines qui peuvent eux aussi être des officiers, entre

 21   autres ?

 22   R.  Monsieur le Procureur, comme je l'ai déjà dit ce matin, c'est la

 23   première fois que j'ai vu ce document. Mais ce que je peux dire, c'est

 24   qu'en termes politiques, nous avons eu au jour le jour des conversations

 25   avec le président Tudjman et le gouvernement croate, et tout ceci a eu pour

 26   résultat les avertissements envoyés à la fois à l'armée et à la police

 27   croate afin d'empêcher des crimes.

 28   Donc sur le plan politique, ma position est claire quant à la question de

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  1   savoir de quelle manière la police et l'armée effectuaient leurs activités.

  2   Comment ils fonctionnaient, je ne suis pas au courant de ce genre de

  3   détails, et je n'ai pas du tout reçu ce type de rapport.

  4   Q.  Oui. Docteur Granic, je ne vous accuse de quoi que ce soit, mais

  5   j'essaie d'indiquer la chose suivante.

  6   Nous avons ici un rapport avec un avertissement portant sur le 12

  7   août 1995, envoyé à un nombre de destinataires. Il y est question, sans

  8   ambiguïté, du fait que le bétail est tué, que l'on détruit et incendie les

  9   maisons, que l'on procède à des pillages, et que ceci est fait par des

 10   soldats, des sous-officiers et des officiers. Il est même dit que la

 11   communauté internationale pourrait prendre des mesures qui auraient des

 12   conséquences imprévisibles pour notre Etat.

 13   Donc il s'agit là d'un avertissement très sérieux par rapport à ce

 14   qui pourrait affecter la Croatie. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi ?

 15   R.  Je suis d'accord avec vous. Ce que je peux dire, Monsieur le Procureur,

 16   est qu'au jour le jour, j'avertissais et le président et tous les

 17   ministres, et personne ne s'opposait à cela. Je n'ai jamais vu quelqu'un

 18   s'opposer à moi lorsque je faisais part des avertissements et des mises en

 19   garde qui m'arrivaient depuis des endroits différents du monde, et Dieu

 20   sait que j'en recevais.

 21   Q.  Est-ce que vous pensez qu'il est possible que non seulement la lettre

 22   que nous avons vue tout à l'heure, celle du 6 août mais aussi ce rapport du

 23   12 août, auraient pu échapper à l'attention du général Miljavac et du

 24   ministre de la Défense Susak ?

 25   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vais faire

 26   objection à cela. Nous avons établi --

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas.

 28   M. MISETIC : [interprétation] Je ne sais pas ce qui fait l'objet de la

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  1   décrédibilisation [phon], ici. Nous avons les dates de ces conversations.

  2   Il a été établi qu'il s'agissait de la fin du mois d'août, nous pouvons

  3   vérifier cela. Et je pense que le témoin est induit en erreur, car l'on

  4   part de l'hypothèse selon laquelle ceci n'avait pas été établi dans le

  5   livre.

  6   M. WAESPI : [interprétation] Je souhaite indiquer qu'à la fois M. Susak et

  7   le général Miljavac savaient que la HV commettait des crimes et qu'ils

  8   avaient menti lorsqu'ils parlaient de cela, et j'indique qu'il était

  9   possible qu'ils mentaient lorsqu'ils l'informait.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si quelqu'un ne me dit pas la vérité -

 11   et là maintenant, je dis tout simplement, dans le cadre d'un argument

 12   abstrait - mais comment est-ce que je peux expliquer ce qui a poussé les

 13   autres à me dire ce qu'ils m'ont dit si ce n'était pas la vérité ? Bien

 14   sûr, vous pouvez poser votre question.

 15   M. MISETIC : [interprétation] Mon objection est différente. Tout d'abord,

 16   je pense que le témoin a dit que les discussions ont eu lieu le 30, et non

 17   pas le 24 août. Deuxièmement, j'hésite de le dire devant le témoin, mais il

 18   n'a pas été établi de ce qui a été dit le 30 et que ceci n'a jamais eu

 19   lieu. Dans le livre, il est question de ce qui se passait à ce moment-là,

 20   et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé à M. Waespi de lire la partie

 21   du livre en haut de la page concernant l'armée croate le 30 août.

 22   M. WAESPI : [interprétation] Le témoin nous a dit, sur la base de son

 23   livre, qu'il le niait, que M. Susak lui avait dit - je ne sais pas quelle

 24   était - le témoin n'était pas sûr de la date - c'était à un moment donné

 25   après le 24 août, fin août, mais ici nous avons une série de documents qui

 26   avaient été envoyés à de nombreux destinataires et qui montrent que M.

 27   Susak était certainement au courant de cela. Et je souhaite demander au

 28   témoin s'il peut expliquer cela, peut-être sur la base de cette

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  1   conversation avec M. Susak.

  2   M. MISETIC : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président, je

  3   souhaite que M. Waespi montre les parties pertinentes du compte rendu

  4   d'audience, car il a été établi que la discussion concernait ce qui s'est

  5   passé à partir du 4 août jusqu'à la date de la réunion.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La seule chose que M. Waespi fait, c'est

  7   qu'il fait référence aux conversations et, Maître Misetic, on vous invite à

  8   éviter ce type de confusion à l'avenir.

  9   Poursuivez, Monsieur Waespi.

 10   M. WAESPI : [interprétation] Merci.

 11   Q.  Lorsque vous avez parlé des crimes avec vos interlocuteurs, MM.

 12   Jarnjak, Valentic et Susak, est-ce que vous parliez d'une période

 13   spécifique ou bien de tous les crimes qui auraient été commis

 14   éventuellement après l'opération Tempête jusqu'à votre conversation avec M.

 15   Jarnjak, M. Susak, et M. Valentic ?

 16   R.  Nous n'avions pas précisé la date ou la période, mais bien sûr, tout

 17   ceci portait sur la situation après la Tempête, jusqu'à cette date-là. Mais

 18   il faut dire que s'agissant de mes expériences avec le général Miljavac,

 19   elles étaient toujours excellentes. Et au cours de ces dépositions, je

 20   suppose qu'on mentionnera un grand nombre de choses que nous avons

 21   accomplies.

 22   C'était pareil s'agissant du ministre Susak. Lorsque parfois nous n'étions

 23   pas d'accord, ce n'était pas quelqu'un qui mentait. Pour autant que je le

 24   sache, il ne mentait pas, même lorsque nous n'étions pas d'accord

 25   politiquement, ce qui est normal dans un grand parti politique. Donc je

 26   n'avais pas de raison de ne pas lui faire confiance.

 27   Là où j'insistais, lorsque je décidais que nous tous, et surtout ceux qui

 28   avaient le pouvoir de fait, autrement dit le ministre de l'Intérieur ou le

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  1   ministre de la Défense qui contrôlaient la police militaire, je disais

  2   qu'ils devaient faire de leur mieux afin de mettre fin à ce mal, et j'étais

  3   très déterminé lorsque je disais cela.

  4   M. WAESPI : [interprétation] Peut-être que le moment est opportun pour

  5   faire une pause.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous allons faire une pause et

  7   revenir à 17 heures 30.

  8   --- L'audience est suspendue à 16 heures 59.

  9   --- L'audience est reprise à 17 heures 32.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi, c'est à vous.

 11   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 12   Q.  Je n'ai qu'une ou deux questions sur le thème que nous avons abordé

 13   avant la pause.

 14   Est-ce que vous avez une explication à nous fournir sur le fait que

 15   personne ne vous a tenu informé de ces agissements que nous avons évoqués,

 16   à savoir l'incendie des maisons continu, le fait que l'on tue le bétail

 17   comme c'est indiqué à la pièce P198 [comme interprété]. C'était un

 18   avertissement ou en tout cas des conséquences qu'on ne pouvait pas prévoir.

 19   Avez-vous une explication à nous fournir sur le fait que personne ne vous a

 20   tenu informé de cela ?

 21   R.  On nous a informés du fait que certaines choses se passaient, mais

 22   l'ampleur de tout cela ne nous a pas été communiquée, l'ampleur réelle des

 23   choses, je ne les reçues qu'à la fin du mois d'août, les informations

 24   concernant cela. Moi, je m'occupais surtout de questions diplomatiques.

 25   J'avais beaucoup d'activités diplomatiques à accomplir, et je ne m'occupais

 26   pas de près des affaires du gouvernement croate. Lorsque je voyageais et

 27   lorsque je recevais des éléments de ce type, j'agissais conformément à ma

 28   conscience et j'agissais rapidement. Il est certain que les gens n'aimaient

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  1   pas voir ce genre de chose se produire ou en tout cas savoir que ce genre

  2   de chose se produisait. Et personne ne s'opposait à l'évaluation générale

  3   qui en était faite, à savoir que c'était vraiment au détriment de la

  4   Croatie et que ceci entamait la crédibilité de la Croatie aux yeux du monde

  5   entier, et pour finir, c'était la destruction des biens croates. Les

  6   citoyens serbes, qu'ils soient Serbes ou Croates, cela n'avait pas

  7   d'importance, et cela aurait certainement des conséquences graves pour la

  8   Croatie.

  9   Q.  Quand, pour la première fois, vous a-t-on dit que l'armée croate

 10   commettait des crimes après l'opération Tempête, quand vous a-t-on dit que

 11   l'armée croate avait commis des crimes ?

 12   R.  Beaucoup plus tard j'ai entendu dire que certaines personnes avaient

 13   participé à certains événements. Mais ceci était beaucoup plus tard, parce

 14   que comme je l'ai dit un peu plus tôt, j'ai consacré tout mon temps à mes

 15   activités diplomatiques, négociations, et autres. En fait, je n'étais pas

 16   en Croatie, j'étais absent pendant un certain temps.

 17   Donc je m'occupais exclusivement des questions diplomatiques, la

 18   réintégration pacifique, la Bosnie-Herzégovine, les accords de Dayton et

 19   les négociations. Je me consacrais à tout cela, donc je n'ai pas eu le

 20   temps de m'attarder sur ces questions-là, et cela ne faisait pas partie de

 21   mes attributions non plus.

 22   Q.  Est-il exact de dire que vous n'étiez pas vraiment au courant de ce qui

 23   se passait sur le terrain au jour le jour, parce que vous étiez en voyage

 24   puisque vous étiez le ministre des Affaires étrangères de la Croatie ?

 25   R.  Oui, c'est exact.

 26   Q.  Lorsque vous dites que vous avez entendu parler de certaines personnes

 27   qui avaient participé à certains événements, la question que je vous ai

 28   posée était celle-ci : Lorsqu'on vous a dit que l'armée croate avait commis

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  1   des crimes, c'était beaucoup plus tard, comme vous nous l'avez dit.

  2   Est-ce que vous pouvez nous dire quel jour, quel mois, quelle année où vous

  3   avez entendu parler pour la première fois du fait que des membres de

  4   l'armée croate avaient commis des crimes suite à l'opération Tempête ?

  5   R.  Je ne m'en souviens pas précisément. C'était après tout quelque chose

  6   qui remonte à 15 ans. Il est difficile, en fait, de me remémoriser tout

  7   cela avec précision. Ce dont je me souviens précisément ce sont les

  8   réunions. Je sais à quel moment ces réunions se sont déroulées. Mais hormis

  9   cela, je ne peux pas vraiment vous le dire parce que je ne m'en souviens

 10   tout simplement pas maintenant.

 11   Q.  Merci.

 12   Monsieur Granic, je veux maintenant passer à un autre volet qui, encore une

 13   fois, porte sur le rôle que vous avez joué lors de vos contacts avec les

 14   internationaux. Une autre série d'explications données par les autorités

 15   croates était le caractère isolé des crimes qui ont été remarqués par les

 16   membres de la communauté internationale et notifiés par ces derniers. Je

 17   vous demande de bien vouloir nous donner un exemple, et je vous suggère que

 18   vous nous avez donné un exemple lorsque vous nous avez dit que certaines

 19   personnes avaient participé à certains événements. C'était quelque chose

 20   d'assez vague, expression assez vague que vous avez utilisée, diplomatique,

 21   je pense.

 22   Je souhaite maintenant vous montrer le numéro 65 ter 4641. Il s'agit là

 23   d'un rapport qui est daté du 27 septembre 1995. Ceci émane de votre

 24   ambassade à Genève et évoque la conversation qui a eu lieu avec

 25   l'ambassadeur allemand, Geert Ahrens. Vous souvenez-vous de l'ambassadeur

 26   Ahrens ?

 27   R.  Oui, je me souviens de lui.

 28   Q.  Quel rôle a-t-il joué ?

Page 24882

  1   R.  En 1991, c'était l'ambassadeur d'Allemagne qui a soutenu les projets

  2   constitutionnels, et plus tard il a assisté aux conférences internationales

  3   sur la mise en place d'une paix ou la restauration de la paix en Bosnie-

  4   Herzégovine. Je crois qu'il a également participé au plan Z-4. Il a

  5   également œuvré pour la protection des minorités.

  6   Q.  C'est un rapport qui vous a été envoyé également, comme cela peut être

  7   constaté à la dernière page, la deuxième page.

  8   On vous cite ici, je cite : "L'ambassadeur Ahrens…", on cite ses propos à

  9   la page 2 et la page 1 en B/C/S. L'ambassadeur Ahrens a dit que :

 10   "Tous les jours, il lit des rapports émanant de différentes sources qui

 11   décrivent la situation dans les anciens secteurs sud et nord comme étant

 12   très peu favorable. Personne ne fait plus confiance à la Croatie

 13   lorsqu'elle justifie ses actes en disant qu'il s'agit d'incidents isolés ou

 14   d'actes commis par des réfugiés frustrés. Il y a un nombre grandissant

 15   d'indicateurs qui prouvent que ceci porte sur l'intention et une politique

 16   bien planifiée. Les maisons sont toujours incendiées, les biens des serbes

 17   sont toujours détruits, et il y a des cas de meurtres extrêmement cruels.

 18   Il demande quel avantage la Croatie peut en tirer lorsqu'il est tout à fait

 19   manifeste que les Serbes ne rentreront pas."

 20   Vous souvenez-vous de cette lettre ?

 21   R.  Si je regarde cette lettre aujourd'hui, il est vrai que je m'en

 22   souviens. Il s'agit certainement de la lettre d'origine.

 23   Est-ce que vous souhaitez entendre mes commentaires ?

 24   Q.  Oui.

 25   R.  Après le début du mois de septembre, le nombre des incidents a diminué

 26   de façon très importante, et ce chiffre a diminué très rapidement. Comme le

 27   dit Geert Ahrens, il est également clair que ces incidents se produisent

 28   néanmoins toujours.

Page 24883

  1   La question qu'il pose, c'est de savoir s'il s'agissait d'une

  2   question de politique. Il ne s'agissait pas de politique, et je suis

  3   d'accord avec son évaluation lorsqu'il a dit que ceci ne peut que faire du

  4   tort à la Croatie. Ceci est tout à fait exact. Cela ne peut que faire du

  5   tort. Donc, toute personne qui se livre à ce genre de crime, non seulement

  6   contre les biens de ces personnes, mais de crimes contre la Croatie elle-

  7   même. Et ce serait mon évaluation de la situation.

  8   Q.  Vous lui avez-vous parlé au sujet des commentaires qu'il a faits ?

  9   R.  Non. A ce moment-là, je le rencontrais de temps en temps, mais je ne me

 10   souviens pas avoir fait cela.

 11   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le versement

 12   au dossier de ce document, s'il vous plaît.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comme je n'entends pas d'objection,

 14   Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.

 15   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ce sera la

 16   pièce P2667.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] P2667 est admise au dossier.

 18   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 19   Q.  Je vous suggère l'idée, Monsieur Granic, que vous n'étiez pas à l'aise

 20   en tant que ministre des Affaires étrangères de Croatie lorsque vous deviez

 21   écouter les réclamations de vos collègues à l'époque, comme ceci est

 22   reflété dans ce texte qui émane de votre ambassade à Genève.

 23   R.  De toute façon, je n'étais pas à l'aise, d'autant que je partageais cet

 24   avis complètement. J'estimais que tout crime, que ce soit du pillage ou

 25   toute forme de destruction, non seulement j'estimais que c'était immoral,

 26   mais ceci portait vraiment préjudice à la Croatie. Et en ce qui me

 27   concerne, toutes les fois que j'étais certain que quelque chose d'anormal

 28   se passait, j'usais de mon influence sur le président et le gouvernement

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  1   pour tout faire que ceci cesse, et, à terme, ceci a cessé.

  2   Q.  Je souhaite vous montrer maintenant un commentaire, qui est un

  3   commentaire de l'ambassadeur Galbraith, qui évoque votre réaction par

  4   rapport à ce qu'il a dit, lui, lorsque le sujet de ces crimes a été abordé.

  5   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit du paragraphe

  6   P445, au paragraphe 13.

  7   Q.  Et je vais commencer à lire à partir du paragraphe 13 de la déclaration

  8   de M. Galbraith :

  9   "Eu égard aux références qu'il a faites à la destruction systématique et au

 10   pillage des maisons serbes," qui est cité dans le paragraphe précédent, "le

 11   témoin," qui est l'ambassadeur Galbraith, "explique qu'il était au courant

 12   de ceci de différentes sources d'information importantes et différentes, y

 13   compris ses propres observations et expériences, d'officiers de

 14   l'ambassade, de contacts militaires, de représentants militaires de

 15   l'ambassade, de contacts militaires, de groupes des droits de l'homme,

 16   d'entretiens avec des réfugiés ou de personnes laissées pour compte, les

 17   représentants officiels des Nations Unies, des journalistes, des hommes

 18   politiques et quelques représentants politiques croates. Jusqu'au dernier,

 19   le témoin a indiqué que ceci n'émanait pas seulement de représentants en

 20   bas de l'échelle, mais également du ministre des Affaires étrangères,

 21   Granic, qui a dit au témoin, le 13 octobre, qu'il n'était pas d'accord avec

 22   le comportement croate après l'opération Tempête. Il n'était pas d'accord

 23   avec ce qui s'était passé dans la Krajina et voulait s'assurer que le

 24   témoin," à savoir M. Galbraith, "comprenne cela et comprenne qu'il n'y

 25   était pas associé."

 26   Souvenez-vous avoir rencontré l'ambassadeur Galbraith le 13 octobre et

 27   avoir eu cette conversation avec lui comme s'en souvient l'ambassadeur

 28   Galbraith ?

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  1   R.  Je le rencontrais tous les jours ou tous les deux jours, l'ambassadeur

  2   Galbraith, donc je ne me souviens pas des réunions dans le détail, mais

  3   pour l'essentiel, c'est exact. Non seulement ça, mais je lui avais demandé

  4   de nous aider. Et à ce moment-là, toute forme d'aide, à savoir pour faire

  5   cesser ce qui se passait sur le terrain, était quelque chose de précieux.

  6   Toute forme de contribution était précieuse. Tout ce que je peux dire,

  7   c'est que j'avais le soutien du gouvernement croate à cet égard, j'avais le

  8   soutien en la personne du président de la République. Il pensait que ceci

  9   était exagéré au début, en tout cas, et c'était suite aux pressions

 10   exercées par la communauté internationale. A la fin du mois de septembre,

 11   il s'est rendu compte du fait qu'il s'agissait d'un énorme problème pour la

 12   Croatie, que ceci faisait beaucoup de tort à la Croatie.

 13   Ma position était très claire. Tout ce qui se passait faisait du tort non

 14   seulement aux personnes auxquelles ceci arrivait, mais faisait du tort à

 15   toute la Croatie.

 16   Q.  Je souhaite maintenant voir une autre interview avec vous. Il s'agit

 17   d'une apparition en public que vous avez faite le 7 octobre 1995. C'est un

 18   reportage de la BBC.

 19   M. WAESPI : [interprétation] Monsieur le Président, numéro 65 ter 7485.

 20   Q.  Il s'agit d'une interview que vous avez donnée à un journal espagnol.

 21   Les passages qui m'intéressent ce sont les toutes dernières questions, et

 22   je vais vous les lire maintenant. Peut-être qu'il n'y a pas de traduction

 23   en B/C/S, donc nous allons lire le texte.

 24   "Pour aborder la question de la Krajina, êtes-vous d'accord pour dire qu'un

 25   soldat qui vole des voitures, qui est mal payé et qui vient d'une

 26   république bananière ?"

 27   Et vous avez répondu :

 28   "Nos soldats sont très bien entraînés et très disciplinés. Il s'agit des

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  1   meilleurs soldats professionnels d'Europe. Après l'opération Oluja, il y a

  2   eu des incidents que j'ai condamnés moi-même de façon véhémente. Il y a eu

  3   des maisons qui ont été brûlées et il y a eu des pillages, et des massacres

  4   ont été commis par certains civils. Nous allons enquêté ceci en profondeur

  5   et faire un rapport que nous soumettrons à la communauté internationale.

  6   Quoi qu'il en soit, notre armée a été extrêmement professionnelle."

  7   Votre commentaire au sujet du caractère extrêmement professionnel de

  8   l'armée, qu'est-ce que vous entendez par là ?

  9   R.  Bien, deux choses : tout d'abord, que l'armée a mené à bien la partie

 10   militaire de cette opération, et ce, extrêmement bien. Deuxièmement, je

 11   n'avais pas d'information sur le fait que l'armée avait commis des crimes,

 12   comme je l'ai déjà dit.

 13   M. WAESPI : [interprétation] Je souhaite demander le versement au dossier

 14   de ce document, s'il vous plaît, en attendant la traduction.

 15   M. MIKULICIC : [interprétation] Je n'ai pas d'objection, Messieurs les

 16   Juges.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.

 18   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame et Messieurs les Juges, ce sera la

 19   pièce P2668.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce P2668 est versée au dossier.

 21   Veuillez poursuivre, Monsieur Waespi.

 22   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Q.  Maintenant, Monsieur Granic, nous avons la date du 5 octobre 1995, et

 24   vous prétendez toujours qu'à ce moment-là vous ne saviez pas que les

 25   membres de l'armée croate commettaient des crimes.

 26   Est-ce que je vous ai bien compris ?

 27   R.  Oui, vous avez bien compris ce que j'ai dit.

 28   M. WAESPI : [interprétation] Passons à la pièce D59.  

Page 24887

  1   Q.  Maintenant, s'il vous plaît, il s'agit d'une interview qu'a

  2   donnée le général Cermak dans le Slobodna Dalmacija, c'est le même journal,

  3   je crois, auquel vous avez donné une interview vous-même à la fin du mois

  4   de décembre 1995. Je vais vous lire la partie qui nous intéresse :

  5   "Cermak : Il n'y a pas de place pour des pilleurs dans la HV.

  6   "Knin, d'après le général Ivan Cermak, commandant de la garnison de

  7   Knin, une opération à grande échelle a été lancée pour résoudre des

  8   problèmes liés à l'occupation illégale d'appartements et l'incendie de

  9   maisons, des actes qui, nous regrettons, ont été commis pour la plupart par

 10   des membres de l'armée croate. Quelque dix mandats d'arrêt ont déjà été

 11   lancés afin de traduire devant un tribunal militaire à Split de tels

 12   soldats. Comme le dit le général Cermak, ils ternissent la réputation de

 13   l'armée croate et n'ont pas lieu d'être."

 14   Nous parlons ici d'un texte publié dans le Slobodna Dalmacija sous le

 15   titre, Appartements safari. Le général Cermak dit que ces allégations

 16   étaient tout à fait exactes et que les unités de la police militaire et

 17   civile ont été renforcées afin d'empêcher de tels actes illégaux. Le

 18   général Cermak a également dit que les commandants des unités dont les

 19   troupes commettent des actes criminels seront tenus pour responsables.

 20   Néanmoins, le général a ajouté :

 21   "Il est inutile que les soldats croates s'installent par la force dans ces

 22   appartements étant donné que cette question sera résolue et sera

 23   prioritaire."

 24   Il s'agit là, Monsieur Granic, de quelque chose qui a été publié un mois

 25   plus tôt. Il s'agit d'une source publique, d'un article de presse qui

 26   déclare très clairement que des crimes sont commis très souvent par dans

 27   membres de l'armée croate. Vous, en tant que ministre des Affaires

 28   étrangères croates, comment pouvez-vous encore maintenir qu'après la

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  1   publication d'un tel article, l'armée croate ne commettait pas de crimes ?

  2   R.  Ce que le général Cermak dit ici est, il voulait dire que les gens

  3   entraient en trombe dans les appartements, les pillaient. Il était

  4   certainement au courant de cela mieux que moi, et je le crois vraiment

  5   lorsqu'il dit cela. S'il le confirme, cela signifie que c'est exact.

  6   Je recevais également des éléments d'information de ce genre. Il y avait un

  7   manque de discipline, on entrait dans les appartements par la force, et

  8   c'était quelque chose qui était de notoriété publique en Croatie. Les gens

  9   prenaient des appartements, il y avait des pillages également, mais ma

 10   réponse à cette question-là, c'est que lorsque vous m'avez posé une

 11   question à propos de crimes, je pense plutôt à des assassinats, des

 12   meurtres, et à ce moment-là, je n'avais pas d'information là-dessus. Mais

 13   des informations de ce genre-là, oui, j'en disposais déjà à partir du mois

 14   d'octobre, ou plutôt, à la fin du mois de septembre, au mois d'octobre, et

 15   ces informations commençaient à surgir dans les médias et à devenir

 16   publiques, mais pas les assassinats et les meurtres. Pour ce qui est des

 17   assassinats et des meurtres, je ne disposais d'aucune information là-dessus

 18   à ce moment-là.

 19   Q.  Je ne pense pas vous avoir posé des questions sur les meurtres ou

 20   assassinats. Je vous ai posé des questions sur les crimes. Et vous ne

 21   remettez pas en doute le fait qu'il y a eu des pillages et des incendies de

 22   maisons, qu'il s'agit là de crimes, n'est-ce pas ?

 23   R.  Bien sûr. Il s'agit de crimes. Lorsqu'on entre chez quelqu'un par la

 24   force, il s'agit d'un crime. Si vous n'êtes pas le propriétaire de la

 25   maison en question, l'incendie volontaire est un crime, le pillage est un

 26   crime. Mais une des priorités, par exemple, si un journaliste étranger me

 27   pose une question sur des crimes, il entend meurtres ou assassinats commis

 28   par l'armée croate, c'est à cela que je pensais lorsque j'ai répondu à

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  1   votre question. Telle était la priorité.

  2   Q.  Donc je vais vous reposer la question. Vous souvenez-vous à quel

  3   moment, pour la première fois, vous avez entendu parler de crimes tels que

  4   des pillages et des incendies de maisons qui ont été commis par l'armée

  5   croate ?

  6   R.  Le premier élément d'information que j'ai reçu concernant les pillages

  7   et les incendies auxquels ils avaient participé, j'ai commencé à recevoir

  8   ces informations-là dans le courant du mois de septembre. Je ne sais pas

  9   exactement quand. Et ce que nous appelons des rumeurs, les rumeurs avaient

 10   commencé à parvenir jusqu'à mes oreilles. On parlait du fait que certaines

 11   personnes de l'armée y avaient participé également.

 12   Q.  Donc on parle du mois d'août et du mois de septembre, et malgré le fait

 13   que les rapports ou les reportages étaient très nombreux, vous dites, de la

 14   part des observateurs internationaux, vous dites qu'ils avaient un accès

 15   illimité, vous n'aviez pas entendu parler de cas qui stipulaient que des

 16   membres de l'armée croate avaient participé aux actes de pillage et

 17   d'incendie de maisons ?

 18   R.  Dans les rapports ou reportages qui circulaient, on disait toujours

 19   qu'il s'agissait de personnes en uniforme, c'est ainsi qu'ils en parlaient.

 20   On n'a pas parlé de membres de l'armée croate. Donc je suis très précis sur

 21   ce point-là.

 22   Bien évidemment, si personne ou si je recevais des rapports qui indiquaient

 23   que ce n'était pas l'armée, et que des personnes sur le terrain ou

 24   différentes organisations qui s'y trouvaient disaient que ces crimes

 25   avaient été commis par des personnes qui portaient un uniforme, entre

 26   guillemets, je pensais qu'il s'agissait de groupes criminels, et c'était

 27   vrai, à savoir si c'était des renégats ou des criminels ou s'il s'agissait

 28   de représailles ou de châtiments, je ne sais pas. Il y avait toutes sortes

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  1   de choses et on parlait toujours de personnes en uniforme, on ne disait pas

  2   armée croate.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.

  4   M. MISETIC : [interprétation] Oui, est-ce que nous pouvons vérifier

  5   l'interprétation, s'il vous plaît.

  6   Excusez-moi, Monsieur le Président, j'avais entendu les mots "renegade

  7   soldiers", soldats renégats. Je n'arrive à le retrouver maintenant au

  8   compte rendu.

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic, si vous ne pouvez pas le

 11   trouver au compte rendu écrit, bien sûr, je vous pose la question, est-ce

 12   que vous souhaitez que ce mot y figure ou est-ce qu'il s'agit de quelque

 13   chose qui n'a pas été correctement interprété ?

 14   M. MISETIC : [interprétation] Pour ce dernier, je vois des marques. Prenons

 15   par exemple page 128, ligne 14 -- pardon, page 128, ligne 10. C'est

 16   l'endroit où je crois avoir entendu qu'il se soit agi de soldats renégats,

 17   et peut-être qu'on pourrait vérifier cela.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit des soldats démobilisés.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, maintenant, je suis en train

 20   d'essayer de retrouver ces soldats démobilisés.

 21   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, je crois qu'à la page

 22   128, ligne 10, vous verrez qu'il y a une marque qui se  -- ceci peut être

 23   corrigé plus tard dans cette partie du compte rendu ou on peut l'ajouter.

 24   L'INTERPRÈTE : L'interprète note avoir prononcé le mot "soldats renégats"

 25   parce qu'il pensait qu'il avait entendu le témoin le dire.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, maintenant il est clair qu'on a

 27   compris que ça avait été dit, et le témoin nous dit maintenant qu'il

 28   parlait de soldats démobilisés. Et je suis toujours un petit peu dans le

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  1   doute en ce qui concerne les numéros de page et de ligne, Maître Misetic,

  2   parce que apparemment, ma page et mes numérotations de lignes sont

  3   différentes par rapport aux vôtres.

  4   M. MISETIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Nous avons l'un

  5   et l'autre la même pagination à l'écran, mais la pagination du LiveNote,

  6   c'est différent que sur nos postes individuels.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Pourriez-vous nous donner le

  8   contexte dans lequel ce mot apparaît, quels sont les mots qui sont avant,

  9   quels sont les mots qui sont après, où vous pensez que le mot qui

 10   apparemment serait devenu "démobilisés" devrait être placé ?

 11   M. MISETIC : [interprétation] C'était après le membre de phrase "groupes

 12   criminels".

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ça n'est quand même toujours par

 14   clair dans mon esprit. Je vois bien "groupes criminels", mais je vais lire

 15   ça par rapport au contexte.

 16   M. MISETIC : [interprétation] "J'ai entendu qu'il s'agissait de crimes

 17   perpétrés par des personnes qui étaient en uniforme, et j'ai pensé que

 18   c'était des groupes criminels, et je crois que j'ai dit qu'il s'agissait de

 19   -- ou bien c'était vrai, ou bien c'était des soldats démobilisés."

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc, que cela ait été le cas ou

 21   qu'il se soit agi de soldats démobilisés.

 22   M. MISETIC : [interprétation] Oui.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est ça que vous avez dit

 24   lorsque vous avez expliqué ces infractions, crimes et délits qui étaient

 25   relatés comme ayant été commis par des personnes en uniforme ? Je vois que

 26   vous expliquez qu'il s'agissait soit de groupes criminels, soit peut-être

 27   il s'agissait de soldats démobilisés. C'est cela ?

 28   Je vois que vous opinez du chef. Oui, alors c'est inscrit au compte

Page 24892

  1   rendu.

  2   Veuillez poursuivre.

  3   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Q.  De façon à ce que je sois bien au clair, quand avez-vous entendu dire,

  5   si vous vous en souvenez, pour la première fois que certains des membres

  6   des unités armées commettaient des crimes ou délits ? Et par crimes, je

  7   veux dire pillages, incendies, meurtres.

  8   R.  Naturellement, je ne me rappelle pas ça. C'était il y a 15 ans. Je ne

  9   peux pas me rappeler une date précise.

 10   Toutefois, tout comme le général Cermak le dit ici, il y a eu des cas

 11   où des soldats avaient pris des appartements par la force, on avait allumé

 12   le feu, on avait commencé à incendier. Il y avait eu des cas où il y avait

 13   aussi des soldats. J'ai commencé à recevoir d'abord ces informations

 14   environ du côté de la mi-septembre. C'est de ça que je me rappelle.

 15   Q.  Merci, Monsieur le Témoin. Je voudrais maintenant que l'on vous montre

 16   le P647. Je ne suis pas sûr que vous ayez déjà vu ce document. Il s'agit

 17   d'une lettre adressée par vous, Monsieur Granic, au président de la

 18   Commission des droits de l'homme à Genève, et je pense qu'on vous a peut-

 19   être déjà montré ce document par le passé. La date, c'est le 11 septembre

 20   1996. Tout au moins, c'est la date à laquelle ça a été transmis par

 21   télécopie.

 22   Vous rappelez-vous avoir rédigé cette lettre ?

 23   R.  Il faut que je regarde attentivement ce document avant de pouvoir vous

 24   le dire.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic.

 26   M. MIKULICIC : [interprétation] Juste pour faire remarquer, Monsieur le

 27   Président, les données en ce qui concerne la transmission par télécopie. Il

 28   s'agit de 1996, pas 1995.

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  1   M. WAESPI : [interprétation] Oui. Et en fait, je pense que ce document --

  2   bon, il se peut que j'aie mal parlé lorsque je voulais dire le 11 septembre

  3   1996 et clairement, ça doit être après le 23 août 1996 parce qu'au

  4   paragraphe 1, nous voyons qu'il est fait référence à une communication

  5   antérieure. Et franchement, Monsieur le Président, je n'ai pas -- ici, j'ai

  6   comme date 11/09/1996, mais je ne sais pas d'où je l'ai tirée.

  7   Q.  Mais peut-être, Monsieur le Témoin, lorsque vous aurez lu l'ensemble du

  8   document, vous pourriez nous éclairer.

  9   R.  Pourrais-je voir le document proprement dit ?

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez une copie papier ? Parce que

 11   c'est peut-être difficile pour vous --

 12   L'INTERPRÈTE : Les orateurs parlent en même temps.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On pourrait ou bien faire un gros plan

 15   de sorte que le témoin puisse mieux voir --

 16   L'INTERPRÈTE : Les orateurs parlent en même temps.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Si je pouvais voir la partie supérieure

 18   et la partie inférieure du document, s'il vous plaît.

 19   Quelle est donc la date exacte de la lettre ?

 20   M. WAESPI : [interprétation]

 21   Q.  Mais, on ne le sait pas. Je crois avoir entendu dire par Elisabeth

 22   Rehn, concernant cette lettre -- je crois que le renseignement que j'ai,

 23   c'est que cette lettre a été écrite le 11 septembre 1996, et cet élément

 24   vient de sa déposition.

 25   Vous vous rappelez quelque chose d'autre concernant cette lettre ?

 26   R.  Non, non, non. Je ne me rappelle pas. Si je l'ai signée, alors ça doit

 27   être une lettre de moi, mais je ne m'en souviens pas.

 28   Voyez-vous, j'étais ministre des Affaires étrangères. Je l'ai été

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  1   pendant des années, et j'ai signé des milliers de lettres. Je ne me

  2   rappelle pas celle-ci.

  3   Q.  Regardons le paragraphe de la première page.

  4   "A cet égard, la République de Croatie a déclaré à plusieurs reprises que

  5   des violations des droits humains ont eu lieu dans la période suivant

  6   immédiatement la libération et la réintégration de ces territoires occupés.

  7   Les auteurs étaient des individus ou des groupes, y compris certains

  8   membres d'unités de l'armée qui agissaient à l'encontre des ordres qu'ils

  9   avaient reçus de façon explicite par écrit."

 10   Alors il y a un des éléments qui m'intéressent. Vous dites que parmi les

 11   auteurs, il y avait des membres d'unités de l'armée. Vous rappelez-vous où

 12   vous avez obtenu ces renseignements ?

 13   R.  Si c'est effectivement la date que vous m'avez dite, ceci, c'est

 14   absolument la position qui était la nôtre à l'époque. Mais à ce moment-là,

 15   nous avions reçu des renseignements suffisants de façon à ce que je sois en

 16   mesure d'écrire une lettre telle que celle-ci. Les renseignements dont je

 17   disposais me sont parvenus essentiellement du ministère de l'Intérieur, du

 18   ministère de la Défense. C'était donc des renseignements officiels.

 19   D'autres renseignements me parvenaient par les services de Renseignements,

 20   et c'était ce type d'informations que je pouvais utiliser officiellement.

 21   Bien sûr, en tant que ministre des Affaires étrangères, je recevais un très

 22   grand nombre d'informations par les ambassadeurs, les organisations

 23   internationales. Je lisais la presse. Et chaque fois que je rédigeais

 24   quelque chose d'officiel, ceci traduisait mon point de vue du moment, mon

 25   point de vue personnel.

 26   Q.  Donc il vous a fallu pas mal de temps, pour vous ou pour vos services,

 27   pour parvenir à la conclusion, une appréciation du fait que maintenant il y

 28   avait des "membres de l'armée ou des groupes de l'armée" au nombre des

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  1   auteurs, c'est-à-dire "membres ou groupes de l'armée," parmi les auteurs,

  2   plus d'un an après les incidents ?

  3   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président, ceci n'était pas --

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Procureur --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Misetic.

  6   M. MISETIC : [interprétation] Ce n'est pas ce que le document dit,

  7   simplement parce qu'il dit qu'à l'époque -- s'il le dit à ce moment-là, ça

  8   ne veut pas dire qu'il n'a pas été dit précédemment. J'objecte à cette

  9   forme de questions.

 10   M. WAESPI : [interprétation] Je peux reformuler.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez le faire.

 12   M. WAESPI : [interprétation]

 13   Q.  Il y a une autre lettre ou une autre communication de votre cabinet qui

 14   dit qu'il y avait des membres de l'unité de l'armée qui commettaient des

 15   crimes et qui précédaient cette lettre ici.

 16   R.  Je ne m'en souviens pas, simplement parce que ça s'est passé il y a 15

 17   ans. Toutefois, ce qui est absolument incontestable, c'est qu'au moment où

 18   j'ai su que c'était des faits certains, j'ai certainement transmis ou

 19   communiqué des informations aux représentants de la communauté

 20   internationale qui agissaient à l'égard de la République de Croatie en tant

 21   que partenaires.

 22   Q.  Et le terme ici --

 23    R.  Excusez-moi, si vous voulez être encore plus précis que cela, je peux

 24   vous dire que je partageais certainement mon point de vue avec des

 25   représentants de l'administration américaine et du gouvernement allemand.

 26   Et nous nous comportions exactement de la même manière à l'égard des

 27   institutions spécialisées des Nations Unies.

 28   Q.  On a ce terme ici "d'auteurs comprenant des membres d'unités de l'armée

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  1   qui agissaient de façon contraire aux ordres écrits, explicites qu'ils

  2   avaient reçus", qu'est-ce qu'on veut dire par là ? Qui a, en fait, choisi

  3   ce terme ?

  4   R.  Monsieur le Procureur, je sais qu'avant l'opération Tempête, un ordre

  5   précis avait été émis pour ne pas opposer de violence. On se réfère aux

  6   conventions de Genève régissant les lois et coutumes de la guerre, et cette

  7   lettre était rédigée par des diplomates, par des professionnels.

  8   Q.  Et la référence que je viens de citer a trait à des ordres explicites

  9   ou un ordre explicite qui avait été émis avant que ne commence l'opération

 10   Tempête.

 11   Je vous ai bien compris ?

 12   R.  J'ai mentionné cet ordre-ci, toutefois.

 13   Les réunions que nous avons tenues au sein du gouvernement, je me

 14   rappelle deux choses qui peuvent facilement être prouvées. Premièrement,

 15   les réunions du gouvernement ou à deux réunions du gouvernement où nous

 16   avons émis des ordres explicites dans le sens qu'il ne fallait pas qu'il y

 17   ait de violation des conventions de droit international et que l'armée et

 18   la police devaient faire tout ce qui était en leur pouvoir pour traduire en

 19   justice ceux qui seraient des contrevenants ou lorsqu'il y a eu les crimes

 20   concernant Varivode. Donc il y a au moins eu trois cas auxquels le

 21   gouvernement a participé et il y a eu des discussions avec le président de

 22   la république où je suivais ces discussions. Le président a pris des

 23   mesures, parce que seul le président avait les pouvoirs par rapport à

 24   l'armée, et il avait donc agi en fonction de cela, il a pris des mesures.

 25   Donc aucun de ces professionnels n'aurait pu rédiger quelque chose de

 26   ce genre s'il n'avait pas eu d'éléments sur quoi les fonder.

 27   Q.  Juste pour que je puisse comprendre bien votre lettre. Pour moi, elle

 28   donne à penser que ces personnes agissaient contrairement à leurs ordres

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  1   explicites et écrits, ce qui, d'après ce que je comprends, sont des ordres

  2   qui leur ont été donnés individuellement et par écrit. Est-ce que je

  3   comprends mal ce membre de phrase, cette expression ?

  4   R.  Je ne sais pas si ça leur a été donné individuellement. Ces ordres

  5   s'appliquaient à tous les membres de l'armée croate et tous les membres de

  6   la police croate; c'est ça que je voulais dire. Je ne voulais pas dire

  7   qu'ils avaient personnellement, individuellement reçu ces ordres. Je n'ai

  8   pas connaissance d'ordres individuels de ce genre. C'était le devoir des

  9   commandants de mettre en œuvre ces ordres et de voir comment ils étaient

 10   exécutés. Ça, je ne le sais pas.

 11   Q.  Merci de ces éclaircissements. Une dernière question concernant la

 12   lettre, ce qui m'intéresse, c'est la phrase suivante, je cite :

 13   "Pour les objectifs, les autorités croates n'étaient pas en mesure de faire

 14   procéder à des enquêtes sur un certain nombre d'actes criminels perpétrés

 15   par des personnes, des individus et de petits groupes qui n'étaient pas

 16   sous contrôle."

 17   Pourriez-vous m'expliquer ce que vous avez dit ? Je crois que vous avez dit

 18   des diplomates -- ce que vous avez dit, des diplomates extrêmement

 19   intelligents ? Qu'est-ce que vous vouliez dire par là ?

 20   R.  Il faut que je vous dise tout de suite qu'il s'agissait d'excellents

 21   diplomates qui avaient eu l'expérience de la guerre depuis très longtemps

 22   ou depuis l'agression de la Croatie.

 23   Toutefois, les groupes criminels sont une chose, comme je l'ai dit,

 24   et des soldats qui étaient démobilisés c'est quelque chose de tout à fait

 25   différent, ceux qui, à ce moment-là, n'étaient pas membres de l'armée

 26   croate.

 27   Ensuite, il y a eu, bien sûr, de tels cas, et c'est cela qu'on avait

 28   à l'esprit en se référant à cela dans cette lettre.

Page 24898

  1   Q.  Oui. Peut-être que je ne suis pas bien clair, et je commence à être un

  2   peu fatigué. Est-ce que je vous ai demandé ce que ça signifiait "pour des

  3   raisons objectives ?" C'est ce terme qui m'intéresse. Qu'est-ce que c'est

  4   que ces raisons objectives qui --

  5   R.  Bien, par exemple, le caractère extrêmement étendu, très vaste des

  6   zones qui avaient été libérées et qui étaient relativement peu peuplées,

  7   les mouvements ou déplacements d'un très grand nombre de membres de l'armée

  8   croate, presque 2 000. Il y avait des groupes criminels qui croyaient que

  9   leur heure était arrivée. Il y avait également des problèmes de vengeance,

 10   vengeance de Croates déplacés, expulsés, qui retournaient chez eux et

 11   trouvaient leurs maisons brûlées et détruites par le feu. Puis les soldats

 12   démobilisés qui étaient de la région, un grand nombre de personnes qui se

 13   déplaçaient dans la région, et il y avait d'autres raisons.

 14   Le territoire était très vaste et difficile à contrôler, parce qu'il

 15   constituait à peu près 20 % du territoire croate.

 16   Bien entendu, ceci ne justifie pas un seul des crimes qui ont été

 17   commis. Toutefois, je dois dire quelles étaient les circonstances

 18   objectives là où on a fait des tentatives pour empêcher que de tels

 19   événements se produisent.

 20   Q.  Mais ces raisons objectives n'ôtent rien à la responsabilité du

 21   commandant pour ce qui est de contrôler ses unités de manière à ce qu'elles

 22   ne commettent pas de crimes, n'est-ce pas ?

 23   R.  Pour ce qui est de la composante militaire, bien sûr, pour autant qu'il

 24   s'agit de l'armée, tout soldat est responsable à l'égard de son commandant,

 25   et je pense qu'il n'est pas nécessaire qu'on en parle.

 26   Q.  Et ça marche dans l'autre sens aussi : le commandant est responsable à

 27   l'égard du soldat ?

 28   R.  Bien sûr. Le commandant est responsable de ses soldats et il doit

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  1   s'assurer que les procédures voulues sont bien appliquées lorsque l'un de

  2   ses soldats est responsable de quelque chose de ce genre.

  3   Et c'est pour ça d'ailleurs que la police militaire est là. Comme je l'ai

  4   dit, il ne peut pas y avoir de justification à un acte quelconque de ce

  5   genre. Mais, Monsieur le Procureur, en tant que personne qui a été ministre

  6   des Affaires étrangères et qui peut être quelqu'un qui est un observateur,

  7   qui voit les choses comme un observateur, parce que je ne faisais pas

  8   partie de l'armée ou de la police, vous voyez que sur une période d'environ

  9   20 jours, le territoire a été libéré. C'était l'objectif pour toutes les

 10   personnes de ce groupe. Il y a donc eu des groupes qui faisaient du

 11   pillage.

 12   En plus de cela, j'ai dit que ceux qui se vengeaient de ce qui

 13   s'était passé précédemment, et on pouvait voir que lorsqu'un village croate

 14   avait été incendié, le village serbe voisin allait être incendié peu de

 15   temps après.

 16   Q.  Passons à --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant.

 18   Veuillez poursuivre.

 19   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Q.  Je vais vous lire la phrase suivante, qui me permet de passer au sujet

 21   suivant. Il est dit ici dans P647 :

 22   "Toutefois, dans tous les cas où il a été établi que les crimes avaient été

 23   commis, les organes compétents du gouvernement ont pris les mesures prévues

 24   par la loi pour poursuivre comme il convenait et punir les auteurs."

 25   Ceci est peut-être un peu exagéré, n'est-ce pas, dans tous les cas ?

 26   R.  Dans tous les cas -- bien, très certainement, on ne peut pas dire que

 27   ça ait été le cas pour tous les incidents qui ont eu lieu, mais

 28   certainement, dans tous ces incidents dont le gouvernement a eu

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  1   connaissance, des enquêtes ont été effectuées. Et comme je l'ai dit, il y a

  2   eu environ 3 000 cas de ce genre. Enfin, je ne sais plus si c'était 3 000

  3   cas ou 4 000 individus -- ou personnes ou 4 000 cas et 3 000 individus. Je

  4   pense que c'est peut-être ces derniers chiffres qui sont les bons. Ils ont

  5   été jugés, en d'autres termes, qu'il se soit agi du gouvernement ou de ces

  6   organes, s'ils étaient au courant, c'est ça qui a fait l'objet de

  7   procédures.

  8   Maintenant, quand on avait une résolution complète à l'époque,

  9   certaines questions pouvaient être évoquées. J'ai pensé que si vous

 10   demandiez au ministre de l'Intérieur s'il avait fait tout ce qui était en

 11   son pouvoir, c'est ça qu'il vous dirait. Il a toujours été pour que des

 12   mesures résolues soient prises à cet égard.

 13   M. WAESPI : [interprétation] Je souhaiterais que l'on présente au témoin le

 14   document 4792 de la liste 65 ter. Il s'agit d'un extrait d'un livre

 15   intitulé, "La Haye, mise en œuvre du droit pénal, Zagreb 2000". Et nous

 16   avons communiqué assurément l'ensemble du chapitre à la Défense, et

 17   certainement ce livre est disponible.

 18   Q.  Est-ce que vous savez qui est Ivo Josipovic, Monsieur Granic ?

 19   R.  Oui, je le sais. Je connais le Dr Ivo Josipovic.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre. Continuez.

 21   M. WAESPI : [interprétation] Je vous remercie. Excusez-moi pour la vitesse.

 22   Q.  Oui. Est-ce que vous pourriez brièvement expliquer qui était le Dr

 23   Josipovic.

 24   R.  C'est un professeur de droit international. Il a des activités

 25   politiques aujourd'hui. Il est président du SPD. Toutefois, en ce qui

 26   concerne le droit international, je l'ai nommé après -- enfin, sur la

 27   proposition de mes associés. Donc il est officier de pour la Cour pénale

 28   internationale.

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  1   Q.  Donc il s'agit d'un juriste respecté ?

  2   R.  Oui, oui.

  3   Q.  Maintenant, voyons voir. J'espère que sur cette dernière page, peut-

  4   être que l'on pourrait mettre la table des matières. Mais ce qui

  5   m'intéresse seulement, c'est une partie du texte. Oui, c'est bien la page

  6   en croate, et la page suivante en anglais. En anglais, il s'agit du haut de

  7   la page. Permettez-moi de vous lire ce qui est dit dans ce texte au sujet

  8   de lui, ensuite de vous. Ici, il est question de la coopération entre la

  9   Croatie et La Haye :

 10   "Au nom de IDS," Damir Kajn, membre du parlement, a dit :

 11   "Je trouve que tous les troubles qui entourent tout ce qu'il dit au sujet

 12   du Tribunal de La Haye et la convocation alléguée des généraux croates à La

 13   Haye ne sont absolument pas nécessaires."

 14   Il a ajouté : "La seule chose raisonnable qui a eu lieu au cours des

 15   trois derniers mois de la part de la direction était le discours du

 16   ministre Granic qui a ouvertement parlé du fait que la justice croate

 17   n'avait pas montré suffisamment de détermination et de persévérance afin de

 18   poursuivre les crimes commis dans les territoires libérés, notamment après

 19   l'opération Tempête.

 20   "Il a dit que le peuple croate ne pouvait pas être défendu en

 21   protégeant les auteurs de crimes et que nous savions tous qu'il y a eu des

 22   destructions sans discrimination de milliers et de milliers de maisons

 23   après la Tempête et de meurtres criminels de 450 hommes et femmes âgés."

 24   Ensuite, il parle d'un grand nombre de crimes commis contre les

 25   Croates. Ensuite, Slobodan Milosevic.

 26   Monsieur Granic, est-ce que l'on cite de manière exacte vos

 27   commentaires formulés devant le parlement croate ?

 28   M. MISETIC : [interprétation] Monsieur le Président.

Page 24902

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Misetic.

  2   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce qu'il est possible de répartir la

  3   situation en plusieurs parties ?

  4   M. WAESPI : [interprétation] J'ai demandé au témoin si ce qu'il avait dit

  5   correspond à ce récit, mais je peux faire ce que l'on me suggère.

  6   Q.  Tout d'abord, voyons les cinq lignes entre la seule chose raisonnable

  7   et opération Tempête. Est-ce que vous vous souvenez avoir fait ce discours

  8   au sujet de la manière dont les autorités croates n'ont pas montré

  9   suffisamment de détermination, ni de persévérance pour poursuivre les

 10   crimes ?

 11   R.  D'après ce texte, je ne comprends pas à quelle période le Dr Josipovic

 12   fait référence. Je sais une chose, lorsque la loi constitutionnelle portant

 13   sur la coopération avec le tribunal de La Haye, j'ai parlé au nom du

 14   gouvernement devant le parlement croate et j'ai proposé cette loi. Et bien

 15   sûr, j'ai fait cette proposition dans une position adoptée conjointement

 16   par moi-même, le gouvernement croate et le président Tudjman. Et à ce

 17   moment-là, j'ai expliqué les raisons pour lesquelles nous proposions cette

 18   loi --

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Granic, M. Waespi souhaite

 20   apparemment savoir si ce sont les propos que vous avez tenus. Donc, est-ce

 21   que vous pouvez nous dire, dans votre réponse si vous les avez exprimés par

 22   écrit ou verbalement ? C'est ce qui nous intéresse.

 23   M. WAESPI : [interprétation] Je pense que la citation vient de Damir Kajn,

 24   membre du gouvernement, et je peux expliquer quelque chose au sujet du

 25   contexte qui figure à la page suivante. Cette citation a été faite en

 26   février 1999. Donc, le discours prononcé par le ministre Granic auquel M.

 27   Kajn fait référence avait eu lieu au cours des trois derniers mois, d'après

 28   le texte.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai omis de remarquer cela, Monsieur

  2   Waespi. Cependant, apparemment, cette citation est utilisée afin de

  3   refléter ce que M. Granic avait dit; est-ce exact ?

  4   M. WAESPI : [interprétation] C'est exact.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il est exact que vous avez

  6   souhaité savoir -- attendez. La citation vient -- attendez. Un instant.

  7   "La seule chose raisonnable" -- c'est la note en bas de page 243, je

  8   crois. C'est une citation des propos de M. Kajn. Est-ce exact ?

  9   M. WAESPI : [interprétation] Oui, d'après la manière dont je comprends les

 10   choses.

 11   Donc la question que j'ai pour le témoin est la suivante.

 12   Q.  Avez-vous fait un discours fin 1998 dans lequel vous auriez dit que la

 13   justice croate n'avait pas montré suffisamment de détermination et de

 14   persévérance pour ce qui est de la poursuite des crimes commis dans les

 15   territoires libérés, notamment après l'opération Tempête ?

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, ce qui vous intéresse, c'est de

 17   savoir si M. Granic a jamais prononcé un discours dans lequel il a utilisé

 18   les mots qui sont cités par M. Kajn dans ce livre en tant que les propos

 19   qu'il aurait tenus ?

 20   M. WAESPI : [aucune interprétation]

 21   M. MISETIC : [interprétation] Peut-on être tout à fait précis pour éviter

 22   toute ambiguïté. Nous attribuons la citation d'une partie de la phrase qui

 23   commence avec les mots : "Après le ministre Granic." Mais le reste du

 24   paragraphe ne lui est pas attribué.

 25   M. WAESPI : [interprétation] C'est exact pour le moment.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Est-ce que vous pourriez formuler

 27   votre question de manière à ce que même moi, je puisse la comprendre,

 28   Monsieur Waespi. Peut-être c'est assez difficile.

Page 24904

  1   M. WAESPI : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président. Je vais

  2   essayer d'être à la hauteur.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends bien que ceci est

  4   difficile. Mais je vais essayer de vous venir en aide. Vous avez lu cette

  5   citation avancée par M. Kajn. Et dans cette citation, il fait référence à

  6   un discours que vous avez prononcé vous-même, Monsieur Granic, et il dit

  7   que vous avez ouvertement parlé du fait que la justice croate n'avait pas

  8   montré suffisamment de détermination, ni de persévérance dans la poursuite

  9   des crimes dans les territoires libérés, notamment après l'opération

 10   Tempête.

 11   Est-ce que vous vous souvenez avoir jamais prononcé un discours dans lequel

 12   vous vous seriez exprimé ainsi ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je me souviens d'un discours que j'ai tenu en

 14   1996, lorsque j'ai proposé une loi constitutionnelle relative à la

 15   coopération avec le Tribunal de La Haye. Je me souviens de cela.

 16   Ici, nous avons une interprétation libre de mes propos. Mes positions

 17   étaient que la justice croate aurait dû être encore plus déterminée pour ce

 18   qui est des poursuites lancées au sujet des crimes survenus après

 19   l'opération Tempête. Et hier, lorsque le conseil de la Défense m'a

 20   interrogé, j'ai déclaré que certainement ce qui s'est passé avec

 21   l'amnistie, l'abolition au sein de la police, la réduction du nombre

 22   d'accusés en Slavonie de l'est n'a pas eu un effet stimulant pour la

 23   justice. Personnellement, je proposais une action plus déterminée. Je ne

 24   suis pas au courant de ce chiffre. Je pense que je n'ai pas avancé de

 25   chiffre, mais j'ai dit que certainement, le peuple croate n'allait pas être

 26   défendu en protégeant les auteurs de crimes, qu'il y a eu des destructions

 27   non nécessaires et des meurtres non nécessaires des hommes et femmes âgés.

 28   Mais je n'ai pas mentionné de chiffre ou au moins, je ne me souviens

Page 24905

  1   pas avoir mentionné les chiffres.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que nous avons traité de

  3   plusieurs parties de la citation.

  4   Monsieur Waespi, je comprends bien que peut-être j'ai contribué à la

  5   confusion. Excusez-moi si tel était le cas. Poursuivez.

  6   M. WAESPI : [interprétation] Merci.

  7   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire un peu plus précisément ce qui aurait

  8   dû être fait différemment dans le domaine de la justice ?

  9   R.  Comme je l'ai déjà dit, la justice avait lancé des poursuites contre 3

 10   000 personnes. Mais pour moi, il aurait fallu faire tout ceci plus

 11   rapidement. Même si tout ceci était très dur, si d'un côté vous avez

 12   Slobodan Milosevic, avec tout ce qu'il avait fait, et Karadzic en Bosnie-

 13   Herzégovine, personnellement, je proposais que la justice fasse son travail

 14   de manière plus rapide et plus déterminée. Bien entendu, les autorités

 15   publiques ne peuvent pas influencer la justice mais peuvent donner leurs

 16   opinions politiques.

 17   Q.  Et vous pensiez que cette détermination, pour ce qui est des poursuites

 18   lancées à l'égard des crimes commis lors de l'opération Tempête et après

 19   l'opération Tempête, faisait défaut ?

 20   R.  La justice a fait énormément de progrès en Croatie, et aujourd'hui,

 21   tout type de procès peut avoir lieu en Croatie, et je crois qu'aujourd'hui

 22   la justice en Croatie correspond aux normes élevées européennes, et ceci

 23   est d'ailleurs prouvé par le fait que le Tribunal a déféré plusieurs

 24   affaires en Croatie, affaires concernant les crimes de guerre.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, je comprends bien

 26   que vous souhaitez louer la qualité de la justice croate aujourd'hui, mais

 27   ceci ne correspond pas à la question de M. Waespi. Même si je peux

 28   comprendre que vous vous demandez si vous devez nous redire la même chose

Page 24906

  1   encore une fois. Je comprends que M. Waespi souhaitait entendre de vous une

  2   confirmation. Il a souhaité que vous confirmiez que vous avez considéré que

  3   la justice n'a pas agi avec suffisamment de détermination en traitant des

  4   crimes après l'opération Tempête.

  5   Je pense que vous avez déjà répondu à la question; mais si j'ai mal

  6   compris, veuillez me corriger.

  7   LE TÉMOIN : [interprétation] Si l'on parle de la mi-1998, mon opinion était

  8   que la justice devait montrer encore plus de détermination. Mais il y a eu

  9   un grand nombre de poursuites et de procès, et un livre a été constitué à

 10   ce sujet, mais moi, à l'époque, je considérais qu'il fallait faire preuve

 11   d'encore plus de détermination.

 12   M. WAESPI : [interprétation]

 13   Q.  Merci, Docteur Granic.

 14   M. WAESPI : [interprétation] Je souhaite verser au dossier cette page.

 15   M. MIKULICIC : [interprétation] Pas d'objection.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier d'audience.

 17   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P2669.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Elle est versée au dossier.

 19   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 20   Je souhaite maintenant que l'on passe à la pièce 2616. Je crois que

 21   nous avons déjà vu ce document hier ou aujourd'hui. Il s'agit d'un procès-

 22   verbal du conseil chargé de la coopération avec le TPIY, en date du 6

 23   novembre 1998.

 24   Q.  Il s'agit approximativement de la période que vous venez de

 25   mentionner.

 26   Je pense que nous comprenons qui a assisté à cela. Le ministre de la

 27   Justice, de la Défense; vous-même en tant que ministre des Affaires

 28   étrangères; l'on parle de sujets différents; la procédure devant la Cour

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  1   internationale de justice et le TPIY. Et je souhaite que l'on traite d'un

  2   commentaire que vous avez fait à la page 3 en anglais et en croate. Vous

  3   avez parlé des propositions de M. Rifkind. Je crois que vous l'avez

  4   mentionné ce matin.

  5   M. WAESPI : [interprétation] Peut-on passer à la page 2 -- ou plutôt, 3

  6   dans les deux versions, s'il vous plaît. J'espère que c'est le bon

  7   document. P2616. Oui. C'est le bon document.

  8   Q.  Je vais vous lire la partie pertinente.

  9   "Le Dr Granic a dit qu'à son avis toutes les propositions semblaient être

 10   mauvaises du point de vue politique. Deux points sont importants à cet

 11   égard. Tout d'abord, avant l'opération Tempête, une partie de notre

 12   territoire était occupée, ce qui était confirmé par une résolution de

 13   l'ONU. Cette résolution de l'ONU représentait la première bataille

 14   planétaire qui a été emportée par la diplomatie croate, et ceci a également

 15   confirmé que la Yougoslavie était responsable pour l'occupation. Par

 16   conséquent, le fait qu'une occupation était en cours et le fait que

 17   certaines régions étaient occupées est incontestable. Deuxièmement, en

 18   définissant l'opération Tempête, nous-mêmes, nous l'avons appelée une

 19   opération militaire et policière. Donc, c'était une opération planifiée et

 20   elle était exécutée conformément au plan. Nos défaillances sont devenues

 21   évidentes par la suite après l'opération Tempête lorsque nous n'avons pas

 22   poursuivi en justice les auteurs éventuels de crimes de guerre."

 23   Est-ce que vous maintenez ce commentaire ? Est-ce que c'est ce que vous

 24   avez déclaré lors de cette réunion ?

 25   R.  C'est ce que j'ai dit à la réunion devant le parlement et c'est ce que

 26   je disais publiquement. Je considérais qu'il fallait faire preuve de plus

 27   de détermination pour ce qui est des poursuites à l'encontre des personnes

 28   qui avaient commis un quelconque crime.

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  1   Q.  Cette déclaration est assez directe. Nous n'avons pas poursuivi les

  2   auteurs éventuels des crimes de guerre. Ceci n'est pas nuancé. C'est assez

  3   direct, vous êtes d'accord avec moi ?

  4   R.  Ceci n'est certainement pas exact. Il n'est pas exact de dire que nous

  5   n'avions lancé aucune poursuite contre qui que ce soit. C'est une thèse qui

  6   n'est pas exacte.

  7   Lorsque j'ai pris la parole lors de cette réunion, je voulais dire avant

  8   tout ce que je vous dis maintenant et ce que je disais publiquement et

  9   ailleurs. Nous aurions dû montrer un niveau plus élevé de détermination

 10   pour ce qui est des poursuites. Mais on ne peut pas dire que ceci n'était

 11   pas le cas. Trois mille personnes ont fait l'objet de poursuites

 12   judiciaires, 3 000.

 13   Q.  Ce chiffre de 3 000 personnes poursuivies, je pense que vous avez

 14   mentionné également 4 000 crimes ou délits.

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Mais vous ne connaissez pas les détails concernant les auteurs de

 17   crimes, les crimes en question, s'il s'agissait simplement des plaintes au

 18   pénal ou des condamnations. Vous n'êtes pas au courant des détails

 19   concernant ce chiffre, n'est-ce pas ?

 20   R.  Effectivement, je ne suis pas au courant des détails. Mais je pense que

 21   même avant 1999, un livre à ce sujet a été publié. Mais bien sûr, il ne

 22   relevait pas de mes compétences à l'époque. Je n'étais pas chargé de la

 23   justice ni de la police ni de l'armée. Je m'exprimais en tant que vice-

 24   président du gouvernement, ministre des Affaires étrangères et en tant que

 25   personne qui était au sommet politique de l'Etat. Donc tout ce je faisais

 26   c'était d'exprimer les évaluations politiques.

 27   Q.  Merci --

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cependant, puis-je poser quelques autres

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  1   questions ?

  2   Ce chiffre de 3 à 4 000 revient à plusieurs reprises dans votre déposition.

  3   Est-ce que ce chiffre englobe à la fois les suspects croates et serbes ?

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Ceci englobe et les suspects serbes et les

  5   suspects croates après l'opération Tempête.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Justement, ce serait ma question

  7   suivante. Vous ne faites pas référence aux crimes commis entre 1991 et

  8   1995, mais seulement aux crimes commis après les premiers jours d'août

  9   1995; est-ce exact ?

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et ceci englobe seulement les crimes

 12   commis dans le secteur sud, ou bien s'agit-il d'un territoire plus vaste ?

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Ce chiffre porte sur les événements après la

 14   Tempête sur le territoire libéré et englobe tout le monde, à la fois les

 15   Serbes et les Croates.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous une idée du pourcentage des

 17   poursuites entamées à l'encontre des Croates et à l'encontre des Serbes ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne suis pas au courant des détails,

 19   Monsieur le Président.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Même approximativement --

 21   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, je ne peux pas vous répondre. Je ne sais

 22   pas.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et le chiffre qui est important

 24   apparemment pour vous, car vous l'avez mentionné plusieurs fois, quelle est

 25   la source de ce chiffre approximatif ?

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Le gouvernement de la République de Croatie et

 27   le ministère de la Justice, à l'époque, qui a recueilli ces données, et

 28   certainement vous entendrez au moins un témoin qui pourra vous donner les

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  1   détails. Je ne peux pas vous donner les détails, mais j'ai entendu ce

  2   chiffre dans le gouvernement de la République de Croatie et non pas

  3   seulement dans le gouvernement, mais c'est un chiffre qui a été rendu

  4   public dans les médias à plusieurs reprises. Mais j'ai entendu parler de ce

  5   chiffre lors d'une session du gouvernement. Bien sûr, ceci se réfère à tous

  6   les crimes et délits, en allant des délits légers jusqu'aux crimes plus

  7   graves, donc à partir du pillage et des incendies jusqu'aux meurtres.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci de ces réponses.

  9   Monsieur Waespi, vous pouvez continuer.

 10   M. WAESPI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je vais passer à

 11   un autre sujet.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, si vous pouvez traiter de cela

 13   pendant quatre minutes, faites-le, mais je préfère que l'on ne dépasse pas

 14   les 19 heures.

 15   M. WAESPI : [interprétation] C'est un sujet qui concerne le retour des

 16   Serbes, et je pense que j'aurai besoin de plus de quatre minutes pour ce

 17   faire.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, peut-être, si vous êtes

 19   sûr de pouvoir respecter le calendrier demain.

 20   M. WAESPI : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, nous allons lever

 22   l'audience d'aujourd'hui.

 23   Maître Mikulicic, est-ce que vous devez discuter avec M. Granic du document

 24   communiqué récemment, car mes instructions dépendront de votre réponse ?

 25   M. MIKULICIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, Monsieur Granic, je vous

 27   invite à ne parler avec qui que ce soit de votre déposition, que ce soit

 28   jusqu'à présent ou la suite de votre déposition. Cette fois-ci, il n'y a

Page 24911

  1   pas d'exception, donc vous ne pouvez pas parler de cela avec la Défense

  2   Markac non plus.

  3   Nous allons lever l'audience et reprendre notre travail demain, vendredi 20

  4   novembre, à 9 heures du matin, dans ce même prétoire numéro III.

  5   --- L'audience est levée à 18 heures 58 et reprendra le vendredi 20

  6   novembre 2009, à 9 heures 00.

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