Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mercredi 25 novembre 2009

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   [Le témoin vient à la barre]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde.

  7   Monsieur le Greffier, veuillez citer l'affaire, s'il vous plaît.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour à

  9   toutes les personnes présentes dans ce prétoire. Il s'agit de l'affaire IT-

 10   06-90-T, le Procureur contre Ante Gotovina et consorts.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

 12   Monsieur Carrier, avant de continuer, je voudrais parler brièvement du

 13   calendrier d'aujourd'hui et demain. Tout d'abord, nous regardons que vous

 14   avez fait du progrès car vous n'avez pas fait de répétition hier, et nous

 15   vous faisons confiance, nous pensons que vous allez pouvoir terminer

 16   aujourd'hui en 40, 45 minutes.

 17   Monsieur Mikulicic, est-ce que vous pensez qu'il va y avoir des questions

 18   additionnelles ?

 19   M. MIKULICIC : [interprétation] Comme les choses se présentent à présent,

 20   je pense que j'aurais besoin d'à peu près une demi-session.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une demi-session.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Apparemment, nous allons être

 24   en mesure de terminer la déposition de ce témoin à la fin de la première

 25   session.

 26   Ensuite, le prochain témoin, Monsieur Mikulicic ?

 27   M. MIKULICIC : [interprétation] Le prochain témoin, ça va être un témoin

 28   interrogé par M. Kuzmanovic. Il a besoin de deux, peut-être trois sessions.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que les autres parties vont

  2   interroger ce témoin, le cinquième [comme interprété] témoin ?

  3   M. KEHOE : [interprétation] En ce moment, je pense que j'aurais besoin

  4   d'une demi-heure, 45 minutes au maximum.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  6   Maître Kay.

  7   M. KAY : [interprétation] En ce qui me concerne, je ne vois rien.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

  9   Monsieur Waespi.

 10   M. WAESPI : [interprétation] J'ai prévu deux sessions, et je pense que cela

 11   va nous suffire. Cela étant dit, cela dépend quand même des questions

 12   posées au cours du contre-interrogatoire.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Autrement dit, on peut s'attendre à ce

 14   que l'on termine l'interrogatoire du prochain témoin d'ici la fin de la

 15   journée. Je vais demander aux parties, et vraiment, je leur demande avec

 16   fermeté de respecter les prévisions dans la mesure du possible.

 17   Monsieur Carrier, je vous donne la parole. Et je m'adresse au témoin,

 18   excusez-moi, Monsieur le Témoin, puisque nous avons discuté des questions

 19   de procédure qui n'ont rien à voir avec vous. Je voudrais vous rappeler,

 20   Monsieur, la déclaration solennelle que vous avez fournie vous engageant à

 21   dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, et vous êtes

 22   toujours tenu par cette déclaration. M. Carrier va poursuivre à présent son

 23   contre-interrogatoire.

 24   Monsieur Carrier, c'est à vous.

 25   M. CARRIER : [interprétation] Je vous remercie.

 26   Et je vais demander à M. le Greffier de nous montrer sur l'écran la pièce

 27   D428.

 28   LE TÉMOIN : LOVRE PEJKOVIC [Reprise]

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  1   [Le témoin répond par l'interprète]

  2    Contre-interrogatoire par M. Carrier : [Suite]

  3   Q.  [interprétation] Monsieur Pejkovic, ce que nous avons sur l'écran,

  4   c'est un document que nous avons regardé hier déjà, c'est le programme de

  5   retour.

  6   M. CARRIER : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, examiner la page 8

  7   du document en anglais et la page 5 en B/C/S.

  8   Q.  Monsieur Pejkovic, si vous examinez le treizième  paragraphe qui

  9   commence sur cette page-là, on peut lire :

 10   "Toutes les catégories de personnes définies par les conventions de Genève

 11   de 1951, comme indiqué dans le paragraphe 1 sur la base de ce programme,

 12   qui ne possèdent pas les documents d'identité croate peuvent revenir à

 13   condition d'avoir bénéficié d'un accord spécial du bureau des réfugiés et

 14   des personnes déplacées après avoir fait objet de vérification de la part

 15   du ministère de l'Intérieur."

 16   Hier vous avez parlé de ce problème lié au document croate. Et on a bien vu

 17   qu'au paragraphe 13 on dit que tous ceux qui n'ont pas encore les documents

 18   d'identité croate peuvent les obtenir, n'est-ce pas ?

 19   R.  L'article 13 qui régit le programme de retour dit clairement que toutes

 20   les personnes considérées comme réfugiés peuvent revenir après avoir reçu

 21   un accord spécial de ce bureau s'ils n'ont pas les documents d'identité

 22   croate et que, par la suite, ils allaient régulariser leur situation auprès

 23   du ministère des Affaires intérieures et pourraient même bénéficier des

 24   passeports croates, s'ils les demandent.

 25   Ensuite, le ministère des Affaires intérieures doit vérifier si le

 26   demandeur a la nationalité croate. Le cas échéant, l'intéressé recevait le

 27   plan de retour qu'il s'agit de respecter pour retourner en Croatie. Donc

 28   l'intéressé peut formuler sa demande auprès des autorités croates à

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  1   l'étranger avec une feuille de route, un certificat émis par la

  2   représentation croate dans son pays ou l'ambassade, et l'intéressé peut

  3   retourner en Croatie muni de ce document.

  4   Q.  Monsieur Pejkovic, avant que ce programme ne soit instauré en 1998, les

  5   Serbes qui avaient fui et qui ne possédaient pas des documents croates,

  6   pour eux, c'était très difficile, n'est-ce pas, de retourner en Croatie;

  7   est-ce exact ?

  8   R.  Non, ce n'est pas vrai, puisqu'ils pouvaient toujours bénéficier des

  9   services consulaires croates à l'étranger, lesquels services consulaires

 10   pouvaient leur fournir des documents leur permettant de retourner en

 11   Croatie.

 12   M. CARRIER : [interprétation] Monsieur le Greffier, je vais vous demander

 13   d'avoir sur l'écran la pièce 65 ter 847.

 14   Q.  Monsieur Pejkovic, je voudrais revoir quelques documents avec vous, et

 15   ensuite, vous poser quelques questions. Le document que l'on va voir sur

 16   l'écran parle de la situation expliquant les droits de l'homme en Croatie.

 17   C'est quelque chose qui date du 31 octobre 1997, un document du rapporteur

 18   spécial de l'ONU, Mme Elisabeth Rehn.

 19   M. CARRIER : [interprétation] C'est le paragraphe 52 qui m'intéresse tout

 20   particulièrement, à la page 13 en anglais et 14 et 15 en B/C/S.

 21   Q.  Je vais vous le lire. On peut lire :

 22   "Le rapporteur spécial est préoccupé par les conditions restrictives

 23   imposées par la Croatie en ce qui concerne le retour des réfugiés --"

 24   M. KEHOE : [interprétation] Pourriez-vous le mettre sur l'écran. C'est très

 25   difficile de suivre.

 26   M. CARRIER : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez. Si vous êtes en train de lire

 28   le paragraphe 52, il faudrait montrer la page d'avant parce qu'en anglais

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  1   on a le paragraphe 53 sur cette page-là.

  2   Veuillez poursuivre.

  3   M. CARRIER : [aucune interprétation]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai toujours la mauvaise page. Vous

  5   êtes en train de citer le paragraphe 52, n'est-ce pas ?

  6   M. CARRIER : [interprétation] Oui.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  8   M. KEHOE : [interprétation] En attendant, je voudrais dire que là il s'agit

  9   du document D684 qui a été versé au dossier déjà.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

 11   M. CARRIER : [interprétation] Merci.

 12   Q.  "Les réfugiés qui souhaitent revenir avec l'aide de l'UNHCR ou

 13   spontanément sur la base de ce document "domovnica" ne peuvent plus passer

 14   la frontière sans avoir bénéficié des documents de voyage émis par

 15   l'ambassade croate à l'étranger. Il n'existe pas de procédure qui garantit

 16   aux citoyens croates de pouvoir recevoir des passeports ou des documents de

 17   voyage des ambassades croates à l'étranger. En plus, les ambassades croates

 18   n'acceptent pas les demandes d'émettre "domovnica." Ensuite, le paragraphe

 19   53, on parle d'une catégorie spéciale de gens.

 20   M. CARRIER : [interprétation] Maintenant, je voudrais demander que l'on

 21   voie le document 65 ter 7503. C'est le document que je veux demander qu'on

 22   ait sur l'écran.

 23   Monsieur le Président, on vient de me dire que le document D684 n'a pas de

 24   traduction en B/C/S, donc si la traduction pour ce document 65 ter --

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va regarder cela, et si on a besoin

 26   de la traduction en B/C/S, on va la télécharger.

 27   Vous pouvez poursuivre.

 28   M. CARRIER : [interprétation] Merci.

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  1   Q.  Monsieur Pejkovic, ici nous avons un document du 31 mars 1998. C'est un

  2   rapport de Reuters. On peut lire : "Le retour des réfugiés de Zagreb n'est

  3   pas suffisamment détaillé." On peut lire :

  4   "Le gouvernement croate a déclaré mardi qu'il allège la procédure

  5   bureaucratique qui empêche le retour des réfugiés croates, et que le plan -

  6   que demandent les occidentaux - ne va pas être fini avant la mi-juin.

  7   "Le gouvernement a adopté un document qui spécifie les nouvelles

  8   procédures juridiques permettant un retour individuel de tous les réfugiés,

  9   y compris les Serbes, a déclaré le représentant du gouvernement, Neven

 10   Jurica, au moment de la conférence de presse."

 11   Ensuite, on peut lire votre citation :

 12   "'L'objectif de ce document est d'exprimer notre souhait de permettre le

 13   retour de tous ceux qui les souhaitent,' a indiqué Lovre Pejkovic, le chef

 14   du bureau croate des réfugiés et des personnes déplacées."

 15   Ensuite, on peut lire :

 16   "L'élément nouveau dans ce document, qui contient neuf points, est que ceux

 17   qui ont fui le pays pendant la guerre entre 1991 et 1995 et qui souhaitent

 18   retourner aujourd'hui peuvent demander à bénéficier de documents

 19   nécessaires en se présentant dans les ambassades et consulats croates à

 20   l'étranger."

 21   Ensuite : 

 22   "Jusqu'à présent, les réfugiés serbes hébergés en Yougoslavie et en

 23   Bosnie serbe devaient trouver la façon de résoudre cette situation

 24   impossible, car ils ne pouvaient pas entrer en Croatie sans avoir les

 25   papiers nécessaires, alors que ces mêmes papiers ne pouvaient être émis

 26   qu'en Croatie."

 27   "'C'est un pas important,' a dit Zeljko Trkanjac, le président du

 28   ministère des Affaires étrangères, qui est l'auteur du document."

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  1   Donc cette pièce P2594 contient des informations semblables, et là M.

  2   Pejkovic parle de ce nouveau programme qui date de 1998.

  3   Monsieur Pejkovic, notez la question que j'ai à vous poser : vu ces

  4   documents et ce rapport, n'est-il pas exact qu'en 1998, quand la situation

  5   a changé et quand on a installé cette nouvelle procédure qui concerne les

  6   gens qui n'habitent pas en Croatie, qui leur permet d'accéder plus

  7   facilement aux documents croates, donc que la situation a changé justement

  8   en 1998 ?

  9   R.  Le programme de retour que vous évoquez qui a été adopté en 1998, et

 10   vous y faites référence dans les documents présentés, n'est rien d'autre

 11   que l'aboutissement de processus qui ont précédé ce document, qui ont été

 12   adopté avant, et tout cela sous la base des accords portant sur la

 13   normalisation des rapports entre la République de Croatie et la République

 14   fédérative de Yougoslavie, suite à la signature du protocole portant sur un

 15   retour organisé entre la République de Croatie et la République fédérative

 16   de Yougoslavie, et l'inauguration du consulat et de l'ambassade croates sur

 17   le territoire de ce qui était à l'époque la République fédérative de

 18   Yougoslavie. Et ce n'est qu'à partir du moment où on a ouvert l'ambassade

 19   que les réfugiés serbes de Croatie pouvaient demander à bénéficier des

 20   documents de voyage ou de passeport pour pouvoir retourner éventuellement

 21   en Croatie.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'essaye de comprendre si tout est

 23   clair, si vous vous comprenez tous les deux. Moi, ce que j'ai cru

 24   comprendre, c'est que M. Carrier essaye de comparer la situation telle

 25   qu'existait au cours des deux premières années quand il y avait d'abord un

 26   accord, et ensuite, un plan a été adopté en 1998. C'est sur cela qu'il

 27   insiste, alors que vous répondez en disant que : Tout ce qui s'est passé,

 28   c'est le résultat de l'accord. Donc vous, vous parlez de 1997 et des

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  1   événements qui ont suivi, alors qu'en 1998, de nouveaux accords ont été

  2   passés, de nouveaux documents. Alors que M. Carrier cherche à savoir quel

  3   est le progrès entre la période qui a précédé l'accord et le moment où

  4   l'accord est passé.

  5   Est-ce que je vous ai bien compris, Monsieur Carrier ?

  6   M. CARRIER : [interprétation] Oui --

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que j'ai bien compris votre

  8   réponse quand vous avez dit que :

  9   "C'était une simple continuation de tous les processus qui ont

 10   commencé plus tôt sur la base du document qui a été accepté suite à

 11   l'accord portant sur la normalisation."

 12   Là, on parle de l'année 1997. Donc vous parlez de ce qui se passe

 13   entre 1997 et la suite, alors que M. Carrier vous pose des questions qui

 14   portent sur 1995 jusqu'en 1998. Donc vous ne parlez pas de la même chose.

 15   Pourriez-vous nous dire si on a eu un avancement notable entre la période

 16   qui a précédé cet accord et le moment où l'accord est passé ? Autrement

 17   dit, qu'avant c'était bien plus difficile d'obtenir le document.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, vous avez été même plus

 19   précis que moi quand vous avez interprété ma réponse. Ce que j'ai voulu

 20   dire, c'est que le processus a commencé en 1995, il a été accéléré par la

 21   signature de l'accord portant sur la normalisation des rapports, et

 22   ensuite, il a été couronné, du point de vue juridique, par ce programme de

 23   retour qui a été adopté en 1998.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Mais là on va revenir sur ce

 25   qui se passe déjà à partir de 1995. Donc est-ce qu'il était vraiment si

 26   difficile que cela d'obtenir les documents entre 1995 jusqu'à 1997 ? Est-ce

 27   que vous pensez que c'était quelque chose qui était difficile, parce que

 28   c'est de cela que l'on parle. La plupart des rapports parlent justement de

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  1   cela, c'est le problème qu'ils évoquent principalement ?

  2   LE TÉMOIN : [interprétation] Dans la république fédérative de Yougoslavie,

  3   entre 1995 et l'ouverture de notre ambassade ou consulat, on ne pouvait

  4   obtenir le document de fait, parce qu'il n'y avait pas d'organe susceptible

  5   de les émettre.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc c'était difficile de les

  7   obtenir ? Oui. Voilà, c'était la question que vous voulait vous poser M.

  8   Carrier. Donc vous pouvez dire que la situation était difficile, que

  9   c'était une situation difficile à résoudre, où on avait du mal à résoudre

 10   le problème. Et tout ceci se poursuivait jusqu'à ce que l'ambassade de

 11   Croatie ou le consulat de Croatie à Belgrade ne soit inauguré ?

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'est bien cela.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez essayer de comprendre ce que M.

 14   Carrier vous demande, comme ça on va entrer plus rapidement dans le vif du

 15   sujet.

 16   M. CARRIER : [interprétation] Je voudrais demander que ce document soit

 17   versé au dossier.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Apparemment, il n'y a pas d'objections.

 19   Monsieur le Greffier.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, ce sera désormais

 21   la pièce P2677.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui vient d'être versée au dossier.

 23   La traduction du rapport précisant, c'était des documents ayant une cote

 24   commençant par D, je vais demander que ceci soit téléchargé. Quel était

 25   déjà ce document ?

 26   M. KEHOE : [interprétation] 684 --

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc je vais demander que

 28   ceci soit téléchargé.

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  1   Et vous allez fournir la traduction.

  2   M. KEHOE : [interprétation] Nous allons demander à notre chargé de

  3   l'affaire de s'en occuper.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

  5   M. CARRIER : [interprétation] Monsieur le Greffier, je vais vous demander

  6   de présenter sur l'écran le document suivant, c'est le document 5003.

  7   Q.  Vous avez mentionné ce document, Monsieur Pejkovic, quand vous avez

  8   parlé de la libération des territoires occupés, vous avez dit que pendant

  9   les opérations Tempête et Eclair de nombreuses personnes qui avaient été

 10   hébergées dans la partie libre de la Croatie devaient retourner dans leurs

 11   lieux de résidence d'avant la guerre. Ceci a impliqué d'énormes problèmes

 12   organisationnels et de logistique ainsi que des efforts financiers.

 13   Monsieur Pejkovic, la plupart des gens dont vous parlez ici sont des

 14   Croates qui avaient été hébergés dans les parties libres de la Croatie

 15   avant la libération de ce territoire. Et dans votre déposition, vous avez

 16   dit qu'ils représentaient 93 % de réfugiés. Donc ce sont les Croates qui

 17   retournent dans les territoires libérés ?

 18   R.  Oui.

 19   Q.  Monsieur Pejkovic, ces Croates qui retournent dans ces territoires

 20   nouvellement libérés, ils ne retournent pas obligatoirement dans leurs

 21   résidences d'avant la guerre. Il y en avait qui étaient hébergés en Croatie

 22   dans les parties libres de Croatie, alors qu'ils avaient fui les conflits

 23   en Bosnie, et cetera ?

 24   R.  Oui, en effet.

 25   Q.  Et au cours de votre déposition, vous avez dit que la Croatie était

 26   placée sous pression exercée par ces Croates déplacés, la verbalisation

 27   d'associations qui voulaient retourner. Ils voulaient trouver un

 28   hébergement, et ils étaient hébergés de façon temporaire dans les hôtels

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  1   sur la côte ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Monsieur Pejkovic, lundi un décret vous a été montré. C'était un décret

  4   relatif au retour de personnes expulsées vers les zones libérées. Il

  5   s'agissait d'un point à l'ordre du jour de la 277e séance à huis clos du

  6   gouvernement du 5 octobre 1995. Est-ce que vous vous en souvenez ? Car vous

  7   allez voir la première page de ce décret affichée à l'écran.

  8   R.  Ecoutez, c'est la première fois que je vois ce document, mais je me

  9   souviens effectivement qu'un décret avait été adopté par le gouvernement à

 10   propos du retour de ces personnes.

 11   Q.  Bien, lors de votre déposition lundi, on vous a montré le document

 12   D214, me semble-t-il, et c'est le début de ce document, vous voyez le

 13   décret --

 14   M. CARRIER : [interprétation] Est-ce que, Monsieur le Greffier, vous

 15   pourriez peut-être afficher la page 5 de la version anglaise. Je ne suis

 16   pas sûr quel est le numéro de la page correspondante en B/C/S.

 17   Q.  Monsieur Pejkovic, voilà, ce document est affiché, mais c'est le décret

 18   que vous aviez examiné l'autre fois.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

 20   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de la pièce

 21   D214.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui -- le témoin vient de nous dire que

 23   c'est la première fois qu'il vient de voir ce document, alors que lundi il

 24   avait dit qu'il connaissait le document.

 25   M. KEHOE : [interprétation] Mais non, je le dis pour le compte rendu

 26   d'audience, parce qu'il a été dit qu'il s'agissait du document de la liste

 27   65 ter 5003. Donc je précisais tout simplement la cote --

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation]

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  1   "Q. Ecoutez, Monsieur, lors de votre déposition, le document D214

  2   vous avait été montré et voilà ce qui est dit, et je pense que c'est le

  3   début de ce document…"

  4   Donc M. Carrier avait déjà fait référence à la cote D214, Maître Kehoe.

  5   Poursuivez, Monsieur Carrier.

  6   M. CARRIER : [interprétation] Merci. Cela va devenir apparent dans une

  7   petite minute.

  8   Q.  Monsieur Pejkovic, est-ce que nous pourrions, je vous prie --

  9   M. CARRIER : [interprétation] Je m'excuse, Monsieur le Greffier. En fait,

 10   est-ce que vous pourriez la page 4 de la version anglaise, qui correspond à

 11   la page 3 de la version B/C/S.

 12   Q.  Monsieur Pejkovic, vous voyez donc le procès-verbal de cette 277e

 13   séance à huis clos. Votre nom ne figure pas parmi la liste des

 14   participants. Puis-je donc en conclure que vous n'étiez pas présent à cette

 15   séance ?

 16   R.  Effectivement, je n'étais pas présent à cette réunion.

 17   Q.  Est-ce que vous saviez que lors de cette séance à huis clos, ce projet

 18   de décret dont nous avons déjà parlé a fait l'objet de discussions entre

 19   les représentants supérieurs du gouvernement croate, notamment il y avait

 20   le vice-premier ministre, M. Radic, qui était, à l'époque, le ministre du

 21   Développement et de la Reconstruction ?

 22   R.  Monsieur le Procureur, je n'ai jamais eu accès aux documents du

 23   gouvernement qui étaient des documents classés top secret ou strictement

 24   confidentiels. J'étais le représentant du bureau, donc je lisais dans la

 25   Gazette officielle les règlements et les décrets et, en fait, c'est à

 26   partir de ce moment-là qu'ils devenaient officiels, c'est à partir de leur

 27   publication dans la Gazette officielle qu'ils devenaient officiels.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc la réponse, très simplement, est

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  1   tout simplement non. Non, vous ne le saviez pas.

  2   Poursuivez.

  3   M. CARRIER : [interprétation]

  4   Q.  D'après votre dernière réponse, je crois comprendre que vous n'aviez

  5   pas accès aux documents confidentiels ou aux documents classés top secret;

  6   c'est cela ? Puis-je dire --

  7   R.  Non, non, je n'avais pas accès à ces documents secrets.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, attendez la fin de la question.

  9   Que voulez-vous dire, Monsieur Carrier ? Que voulez-vous dire ?

 10   M. CARRIER : [interprétation]

 11   Q.  Peut-on dire que vous n'étiez pas au courant des réunions privées avec

 12   le président Tudjman, des séances à huis clos du gouvernement, des séances

 13   au cours desquelles la politique était abordée, l'aspect législatif, par

 14   exemple, adoption des lois, vous n'étiez pas inclus dans tout cela, n'est-

 15   ce pas ?

 16   R.  Non, je n'étais pas inclus dans tout cela.

 17   Q.  Lors de votre déposition, vous avez expliqué que ce décret avait

 18   invalidé le statut de certaines personnes déplacées. Mais comment est-ce

 19   que vous saviez que ce décret avait fait l'objet de discussions et était

 20   considéré comme un vecteur permettant d'encourager les Croates, à la fois

 21   ceux qui résidaient en Croatie et ceux qui étaient à l'étranger, les

 22   encourager, disais-je, à coloniser en quelque sorte le territoire qui avait

 23   été précédemment occupé ? Est-ce que vous le saviez cela ?

 24   R.  Tout ce que je sais, c'est la teneur du décret. Par contre, je ne suis

 25   pas au courant de ce que vous venez de mentionner.

 26   M. CARRIER : [interprétation] Monsieur le Greffier, est-ce que nous

 27   pourrions, je vous prie, prendre la page 11 de la version anglaise, qui

 28   correspond à la page 9 de la version B/C/S. Peut-être que nous pourrions

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  1   afficher la page précédente de la version en B/C/S, je vous prie.

  2   Q.  Monsieur Pejkovic, vous pouvez voir qu'il s'agit d'un procès-verbal

  3   d'une discussion sur le décret qui avait été adopté ce jour-là et qui a

  4   fait l'objet de discussions. Au point numéro 1 de l'ordre du jour de ce

  5   décret, vous voyez que M. Radic est invité à présenter la chronologie et

  6   les problèmes. Il est également question de conclusions.

  7   M. CARRIER : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, je vous prie,

  8   afficher la page suivante de la version en B/C/S. Je demanderais

  9   l'affichage de la page suivante en version anglaise également.

 10   Q.  Monsieur Pejkovic, est-ce que vous pourriez vous pencher sur les

 11   passages de la discussion où nous voyons que votre supérieur hiérarchique,

 12   M. le ministre Radic, s'exprime. Dans la version anglaise, vers le milieu

 13   de la page - et cela correspond au bas de la page B/C/S, et ensuite, il

 14   faudra afficher la page suivante - voilà ce que dit M. Radic, et je cite :

 15   "… et par ailleurs, étant donné qu'il va de notre intérêt national que ces

 16   personnes rentrent chez elles, et je pense à notre intérêt national

 17   essentiel, et non seulement il va dans notre intérêt  que ces personnes

 18   reviennent, mais également que nous colonisions le territoire croate vide"

 19   --

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

 21   M. KEHOE : [interprétation] Je souhaiterais donner la parole à Me Misetic à

 22   propos de la traduction. Est-ce que je peux le faire, Monsieur le Président

 23   ?

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, tout à fait.

 25   M. MISETIC : [interprétation] Je soulève une objection à propos de la

 26   traduction d'un mot.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voyons quel est ce mot qui vous

 28   chagrine, Maître Misetic.

Page 25191

  1   Est-ce que nous pourrions inviter le témoin ou vous-même à lire la phrase

  2   qui vous pose problème.

  3   M. MISETIC : [interprétation] Je vais vous donner lecture de la phrase en

  4   question.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  6   M. MISETIC : [interprétation] "Il va de notre intérêt national d'envisager

  7   non seulement le retour, mais également l'installation dans les zones

  8   croates libres."

  9   Voilà comment je traduirais le texte croate.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Carrier, est-ce que vous

 11   pourriez inviter le témoin à répondre à toute question que vous

 12   souhaiteriez lui poser à propos de ce texte en fonction de la façon dont

 13   lui, le témoin, comprend le texte croate.

 14   M. CARRIER : [interprétation] Oui.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 16   Veuillez poursuivre.

 17   M. CARRIER : [interprétation] Merci.

 18   Q.  Il va falloir que vous vous fondiez sur votre lecture du croate pour

 19   les questions que je vais vous poser. Je poursuis ma lecture :

 20   "Nous devrions définir un certain nombre de mesures" --

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Pejkovic, est-ce que vous

 22   pourriez suivre ce que lit M. Carrier dans votre langue. Bien entendu, vous

 23   allez entendre l'interprétation, mais en même temps, vous pourrez voir sur

 24   l'écran ce qu'est exactement le texte.

 25   M. MISETIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions vérifier, je vous

 26   prie, parce que ce que j'ai sur mon écran n'est pas la bonne page en B/C/S,

 27   donc je ne sais pas s'il a la bonne page. Il faudrait peut-être, dans un

 28   premier temps, trouver la bonne page en B/C/S.

Page 25192

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes, il faudrait peut-être trouver la

  2   bonne page.

  3   M. MISETIC : [interprétation] La voilà maintenant. Très bien.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois : "Veliki nacionalni

  5   interes," en haut --

  6   M. MISETIC : [interprétation] Je pense qu'il serait beaucoup plus facile de

  7   donner au témoin un document papier du document.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il y en a un, certes, mais s'il n'y en

  9   a pas -- est-ce que quelqu'un dispose d'un document papier, mais si

 10   personne n'en a, ça va prendre quelques minutes.

 11   Monsieur Carrier, vous en avez un. Très bien. Monsieur l'Huissier.

 12   M. CARRIER : [interprétation] Je ne sais pas si mon confrère peut

 13   l'utiliser, enfin bon.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois comprendre que --

 15   M. CARRIER : [interprétation] Vous voyez, il y a des lettres, mais il n'y a

 16   pas d'autres annotations faites ici pour notre propre gouverne.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez peut-être

 18   ouvrir le document à la bonne page, à la page que vous lisez maintenant.

 19   Vous savez, franchement, je ne vois pas, Monsieur Carrier. Je suppose que

 20   c'est la phrase qui commence par "povratak, veliki nacionelni interes,"

 21   c'est cela ?

 22   M. CARRIER : [interprétation] Voyez les notes en bas de page, les onglets -

 23   -

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais visiblement, cela ne pose aucun

 25   problème à personne, Monsieur Carrier, donc donnez votre document.

 26   M. CARRIER : [aucune interprétation]

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pensais que vous aviez ouvert le

 28   document à la bonne page pour que le témoin n'ait pas à feuilleter le

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  1   document pour retrouver la page.

  2   M. CARRIER : [interprétation] Mais il y a des onglets, donc je peux tout

  3   simplement dire au témoin : Prenez l'onglet numéro tant.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, bien.

  5   M. CARRIER : [interprétation]

  6   Q.  Monsieur Pejkovic, est-ce que vous pourriez trouver l'onglet B, je vous

  7   prie. Vous voyez l'onglet ou l'intercalaire B, puis vous allez trouver la

  8   page, et ensuite, le texte se poursuit sur la page suivante. Je reprends la

  9   citation :

 10   "Nous devons définir un certain nombre de mesures qui stimuleront et

 11   motiveront les personnes à aller vivre dans ces zones où la vie n'est pas

 12   si facile, ou nous devrions offrir à ces personnes d'autres possibilités

 13   qui ne sont pas disponibles aux personnes se trouvant dans d'autres parties

 14   de la Croatie. Donc le décret adopte une approche positive qui permet la

 15   création de possibilités et dont le but est d'aider ces personnes qui ont

 16   énormément souffert …"

 17   Monsieur Pejkovic, est-ce que vous pourriez, je vous prie, prendre

 18   l'intercalaire D, qui se trouve à la page 15 de la version anglaise et qui

 19   devrait également se trouver à la page 15 de la version en B/C/S. Au bas de

 20   la page 15 de la version anglaise, c'est M. Radic qui poursuit son

 21   discours, et voilà ce qu'il dit :

 22   "J'aimerais attirer votre attention sur un autre décret ou une autre

 23   décision importante ou une autre décision importante de ce décret dont le

 24   but est de faire en sorte de peupler les zones désertes de la Croatie …"

 25   Puis à la page suivante en anglais :

 26   "… oui, je m'exprime lors de la séance à huis clos du gouvernement.

 27   Les Croates qui ont été expulsés de Bosnie-Herzégovine, je pense à la

 28   région de la Bosnie-Herzégovine qui est occupée par les Serbes, je pense à

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  1   ces personnes qui ont été expulsées de la Vojvodine, de l'intérieur de la

  2   Serbie, du Kosovo et d'autres régions. Donc il s'agit fait de personnes qui

  3   viennent tout simplement de zones où le fusil serbe parle. Dans un sens,

  4   nous allons essayer de les installer à Lapac, à Vojnic, à Vrginmost, et

  5   cetera, et cetera. Nous allons leur donner tous les droits qu'ont les

  6   personnes qui reviennent en Croatie, et je pense à cette catégorie bien

  7   précise non pas tous les réfugiés en provenance de Bosnie-Herzégovine, mais

  8   seulement ceux que nous avons tout intérêt à installer, et je pense à notre

  9   intérêt national. Je pense à ceux à qui nous avons donné des foyers, des

 10   maisons, un certain espace. Nous allons les installer pour qu'ils survivent

 11   dans cette zone. Par conséquent, il ne s'agit pas de personnes qui

 12   reviennent véritablement sur leurs anciens lieux de résidence, mais ils

 13   vont avoir tous les droits, les mêmes droits que les personnes qui

 14   reviennent dans la zone."

 15   Finalement, intercalaire E, page 17 de la version anglaise, page 45

 16   de la version en B/C/S, mais vous avez l'intercalaire. Vous voyez ce que

 17   dit M. Radic, et je cite :

 18   "Nous avons défini les zones démographiques représentant un intérêt

 19   stratégique pour les Croates, et nous indiquons que ceux qui formaient le

 20   ventre mou de la Croatie, Vojnic, Vrginmost sont peut-être des localités

 21   plus importantes que n'importe quelle localité en Bosnie-Herzégovine. Par

 22   conséquent, la priorité essentielle pour assurer la survie du peuple croate

 23   passe par la population de ce ventre mou de la Croatie, et c'est pour cela,

 24   conscients de ce problème, que nous avons accepté de déplacer une partie

 25   des personnes expulsées de Banja Luka à Glamoc en dépit des pressions

 26   importantes exercées, et cetera. Mais il faut savoir que la priorité

 27   essentielle de l'entité nationale globale consiste, à l'heure actuelle, à

 28   peupler la Croatie là où il y avait peu de personnes. Et jusqu'à hier

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  1   c'était le cas, comme je le dis. Nous ne pouvons pas en parler en audience

  2   publique, mais la Croatie était très peu peuplée dans la zone au sud de

  3   Karlovac, et ce, jusqu'à la frontière avec la Slovénie, car il y avait 14

  4   kilomètres de territoire croate pur, du point de vue ethnique. Et c'est la

  5   raison pour laquelle nous avons accepté ce décret qui vise le peuplement de

  6   ces zones ayant une importance aussi stratégique, même si cela se fait au

  7   préjudice du nombre total de Croates en Bosnie-Herzégovine."

  8   Ensuite, il présente quelques données. Monsieur Pejkovic --

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Mikulicic.

 10   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais soulever

 11   une objection pour ce qui est de la question et de la méthode, car je pense

 12   que cela n'est pas juste à l'égard du témoin, car on lui lit certaines

 13   parties d'un document extrêmement volumineux, alors que dès le début, le

 14   témoin a insisté sur le fait qu'il n'était pas présent à la réunion et

 15   qu'il n'avait pas accès à ce procès-verbal. Donc nous sommes en train

 16   d'entendre la lecture combinée de plusieurs éléments de ce document qui est

 17   assez volumineux, vous présentez cela au témoin, et ensuite, vous lui posez

 18   des questions. Alors, ce n'est pas très juste. Ce n'est pas très équitable.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 20   Souhaiteriez-vous attirer l'attention du témoin sur quelque chose,

 21   Maître Mikulicic, pour qu'il ait tous les éléments à sa disposition ? Parce

 22   qu'il ne faut pas oublier que lundi le témoin nous avait fourni une

 23   explication. Il nous avait dit quels étaient les intentions et les

 24   objectifs de ce décret. Alors, M. Carrier, maintenant, lui présente une

 25   partie d'un document, et les interlocuteurs disent qu'il ne faut pas en

 26   parler de façon ouverte. J'aimerais savoir s'il y a des éléments de cette

 27   discussion que vous voudriez reprendre pour créer un équilibre pour donner

 28   la possibilité au témoin d'avoir davantage d'éléments et de comprendre

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  1   davantage le contexte.

  2   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, le témoin avait dit

  3   qu'il connaissait le décret et qu'il ne connaissait pas les raisons qui ont

  4   été évoquées lors d'une séance du gouvernement. Donc il peut faire des

  5   observations sur la teneur du décret qui d'ailleurs avait été annoncé au

  6   public par la presse publique croate et par les journaux, où ce type de

  7   décret était publié à cette époque-là. Donc sans pour autant entrer --

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, l'idée fondamentale

  9   qui sous-tendait ce document était de stimuler le retour des personnes qui

 10   reviennent. Le témoin a donné plusieurs idées à propos du contexte de la

 11   situation. Maintenant, vous ne pouvez pas dire qu'il n'a jamais vu ce

 12   document. M. Carrier lui présente certaines idées qui pourraient peut-être

 13   lui faire changer d'avis ou non sur la question, mais le témoin nous a dit

 14   quelles étaient les idées fondamentales qui sous-tendaient ce document, et

 15   c'est apparemment ce que M. Carrier met à l'épreuve et conteste. Il a tout

 16   à fait le droit de le faire. Et si vous nous dites -- si le témoin dit :

 17   Écoutez, s'ils ont dit ça, moi, je n'étais pas au courant, je n'ai aucune

 18   explication à fournir à ce sujet, bien c'est une réponse. Mais nous avons

 19   la déposition du témoin, nous avons le décret, nous avons le procès-verbal,

 20   et la Chambre s'y retrouvera parmi tous ces documents. Si vous pensez que

 21   le témoin devrait lire le document en question pendant la pause suivante,

 22   nous vous accorderons cela.

 23   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vous comprends tout à fait, Monsieur le

 24   Président. Mais ce que je voulais vous dire, c'est que le témoin peut faire

 25   des observations seulement à propos du texte du décret et il peut également

 26   faire des observations à propos des objectifs du décret, mais il ne peut

 27   pas faire d'observations à propos des discussions qui ont eu lieu lors

 28   d'une séance à huis clos du gouvernement. Voilà ce que je souhaite vous

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  1   dire.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends tout à fait, Maître

  3   Mikulicic. Toutefois, lorsqu'il a commencé, vous n'avez pas dit : Je ne

  4   suis pas intéressé par ce contexte, mais nous verrons -- si le témoin n'a

  5   jamais vu ce document auparavant, il lui est présenté maintenant, et nous

  6   comprenons tous fort bien qu'il n'avait jamais vu ce document lorsqu'il

  7   avait dit : Je connais cela, et je pense que ce qu'il voulait dire c'était

  8   qu'il connaissait le décret et qu'il ne connaissait pas tout le document.

  9   Si vous avez des suggestions à propos du contexte qui pourrait être

 10   présentées au témoin, je vous invite à présenter vos suggestions

 11   maintenant.

 12   Maître Kehoe.

 13   M. KEHOE : [interprétation] J'émets une objection pour ce qui est de la

 14   pertinence au titre de l'article 89(C), la discussion qui a lieu avec le

 15   peuplement de certaines zones. L'objection que je soulève c'est par rapport

 16   à l'article 89(C). Quelle est la pertinence de ce document ?

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Premièrement, le témoin a parlé de

 18   l'idée fondamentale qui sous-tendait ce document. M. Carrier a tout à fait

 19   le droit de revenir sur cette partie de sa déposition. Si c'était pertinent

 20   lors de l'interrogatoire principal, c'est pertinent maintenant.

 21   M. KEHOE : [interprétation] Oui, s'il s'agit d'une question de crédibilité,

 22   oui --

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, nous allons voir ce que tout

 24   cela va nous donner.

 25   M. KEHOE : [interprétation] Mais ce que je voulais vous dire c'est que s'il

 26   y a un problème de droit, je pense que nous pouvons tout à fait l'aborder.

 27   Sinon, je continue à penser que cela n'a aucune pertinence.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons bien entendu. Cela fait

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  1   partie du compte rendu d'audience.

  2   Vous souhaitez répondre, Monsieur Carrier ?

  3   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Carrier.

  5   M. CARRIER : [interprétation] Oui, nous avons bien compris ce dont il

  6   s'agissait. Mais il s'agit d'une discussion portant sur l'objectif du

  7   décret --

  8   M. KEHOE : [interprétation] Oui, mais --

  9   M. CARRIER : [interprétation] Je m'excuse, je m'excuse.

 10   M. KEHOE : [interprétation] Je m'excuse.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'est-ce qui est légal et qu'est-ce qui

 12   n'est pas légal, encore faut-il que nous entendions ce que le témoin a à

 13   nous dire, Maître Kehoe. Si vous nous dites : A priori, ce type de

 14   considérations ethniques visant à installer des réfugiés dans une zone où

 15   il n'y avait pas beaucoup de Croates, si vous nous dites que cela n'a

 16   aucune pertinence alors que nous parlons d'un décret qui ne pouvait pas

 17   faire l'objet de discussions publiques, c'est ce que vous nous dites. Vous

 18   nous dites que tout cela n'est pas pertinent, c'est cela, Maître Kehoe ?

 19   M. KEHOE : [interprétation] Mon --

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ou est-ce que vous êtes en train de nous

 21   dire que si vous passez d'un lieu de résidence vers un autre sur le

 22   territoire croate, cela n'est pas illégal.

 23   M. KEHOE : [interprétation] Ce n'est pas illégal --

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non.

 25   M. KEHOE : [interprétation] -- qu'un pays décide de peupler une zone,

 26   puisque c'est notre pays. Ils peuvent le faire. Ce qui me préoccupe, c'est

 27   qu'au titre de l'article 89(C), il y a des conclusions présentées par le

 28   Procureur suivant lesquelles la Croatie avait voulu peupler certains lieux

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  1   et que cela ne peut pas être fait en vertu du droit humanitaire

  2   international, ce qui n'est pas le cas.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est beaucoup plus complexe que cela,

  4   parce que encore faut-il savoir comment est-ce que ces personnes ont été

  5   installées dans le territoire donné, car le décret fait également référence

  6   au fait que les biens et les propriétés serbes qui avaient été laissés par

  7   les Serbes. Il n'y a pas que cela à prendre en considération. C'est un

  8   sujet très complexe, Maître Kehoe. Je ne vous suis pas, donc je ne fais pas

  9   droit à votre objection, parce que vous avez dit que ce n'est pas

 10   pertinent. Je ne vous suis pas.

 11   M. KEHOE : [interprétation] Permettez-moi de me faire comprendre --

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien --

 13   M. KEHOE : [interprétation] J'aimerais revenir sur un élément soulevé par

 14   l'Accusation --

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous n'allons pas en parler, Maître

 16   Kehoe. Je sais pertinemment que les mots de "colonisation," implantation,

 17   où est-ce qu'il fallait s'implanter, quelles sont les maisons dans

 18   lesquelles vous allez être installés, comment ces personnes ont quitté ces

 19   maisons, dans quelle mesure est-ce qu'il était facile ou difficile de

 20   revenir dans ces maisons, je sais que tout cela nous donne un contexte

 21   extrêmement complexe. Alors peut-être que cela fait partie de la situation,

 22   et l'on ne peut pas réfuter la pertinence à partir de ce que vous dites,

 23   Maître Kehoe. Donc je vais donner la possibilité à M. Carrier de

 24   poursuivre.

 25   M. KEHOE : [interprétation] Bien, de toute façon, mon objection a été

 26   consignée au compte rendu d'audience.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 28   M. CARRIER : [interprétation] Je pense que l'Accusation, ce qu'elle essaie

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  1   de prouver, c'est qu'il y a entreprise criminelle commune et intention

  2   d'installer des personnes dans des endroits où les Serbes vivaient

  3   auparavant.

  4   M. KEHOE : [interprétation] Justement --

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, donnons la parole au témoin et

  6   voyons ce qu'il a à nous dire à ce sujet. Maître Kehoe, je comprends fort

  7   bien que vous comprenez les termes de colonisation et de zones libres d'une

  8   façon différente à l'interprétation qui est donnée à ces termes par M.

  9   Carrier. Alors, il y a un contexte pertinent pour vous qui n'est peut-être

 10   pas forcément le même contexte pour M. Carrier. Les deux parties auront la

 11   possibilité de présenter leur contexte et de poser des questions au témoin

 12   compte tenu de la façon dont les parties comprennent, à tort ou à raison

 13   d'ailleurs, la situation. Mais pour le moment, je ne pense pas que les

 14   questions qui sont posées au témoin ne sont pas justes.

 15   M. KEHOE : [interprétation] Justement, pour ce qui est de l'utilisation des

 16   termes "colonisation" --

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, vous savez, à un moment

 18   donné, il y a une décision qui est prise, donc il ne faut pas poursuivre la

 19   discussion. Si vous souhaitez présenter quelque chose, vous pourrez le

 20   faire à un moment ultérieur, mais pour le moment, je donne la possibilité à

 21   M. Carrier de poursuivre.

 22   Monsieur Carrier, je vous en prie.

 23   M. CARRIER : [interprétation]

 24   Q.  Savez-vous ou avez-vous jamais été au courant du fait que le

 25   gouvernement croate évoquait les moyens, y compris ce décret, pour motiver

 26   les Croates aux fins d'installer des personnes dans les territoires ou de

 27   coloniser les territoires qui avaient été libérés, pour des raisons

 28   stratégiques ?

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

  2   M. KEHOE : [interprétation] Je m'oppose à l'emploi du terme colonisation

  3   sans précision, parce que c'est un terme qui est connoté au plan du droit

  4   international. Je m'y oppose. Et cela ne figure au compte rendu d'audience.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Carrier.

  6   M. CARRIER : [interprétation] Pardonnez-moi, mais j'ai dit coloniser ou

  7   installer pour parler de tout ceci.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il y a deux termes ici que

  9   l'on peut utiliser. Donc dites-le en cinq mots si vous voulez, il n'y en a

 10   un qui est exact. Ça pose un problème pour les quatre autres.

 11   Veuillez reformuler votre question.

 12   M. CARRIER : [interprétation] Très certainement.

 13   Q.  Monsieur Pejkovic, savez-vous que les membres du gouvernement croate

 14   avaient évoqué les moyens, notamment ce décret, pour motiver les Croates

 15   afin de réinstaller des personnes sur les territoires libérés, et ce, à des

 16   fins stratégiques ?

 17   R.  En toute connaissance de cause, je souhaite dire aux Juges de ce

 18   Tribunal que je ne connais pas les termes qu ont été abordés par le

 19   gouvernement croate. Je ne connais que le décret eu égard au retour des

 20   personnes déplacées et des réfugiés dans les territoires nouvellement

 21   libérés.

 22   Q.  Monsieur Pejkovic, au paragraphe 19, vous dites que le processus de

 23   rapatriement était quelque chose dont était tenue au courant la presse

 24   internationale et nationale. Vous dites qu'il y a des conférences de presse

 25   qui étaient organisées en permanence, que les problèmes sur le terrain

 26   n'ont pas été dissimulés, qu'il y avait des problèmes énormes, que les

 27   Serbes sont entrés en Croatie et que toute la presse croate, ainsi que les

 28   représentants de la communauté internationale. Au paragraphe 20, on parle

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  1   de rapatriement mené par l'ODPR et le groupe de travail, que ceci a été

  2   fait en accord avec la communauté internationale.

  3   Monsieur Pejkovic, la question que je vous pose : étant donné que le

  4   gouvernement croate a fait ceci de façon très transparente et que les

  5   observateurs internationaux suivaient le rapatriement des Serbes, est-il

  6   exact de dire que les diplomates et les observateurs internationaux sur le

  7   terrain avaient libre accès à tout ceci et pouvaient surveiller le retour

  8   et qu'ils ont mené à bien ce processus; est-ce exact ?

  9   R.  L'ensemble du processus était tout à fait transparent. Pour ce qui est

 10   du gouvernement, le bureau avait engagé 250 salariés, comme je l'ai déjà

 11   dit. Il y avait différents types d'observateurs. Chaque retour qui avait

 12   lieu était suivi des interventions de la part des différents internationaux

 13   ou d'organisations non gouvernementales en Croatie et qui se trouvaient là

 14   sur le territoire libéré en République de Croatie.

 15   Q.  Est-ce que je dois comprendre que les internationaux pouvaient

 16   librement suivre le processus du retour ?

 17   R.  Oui, ils avaient un accès tout à fait libre qui n'était pas entravé.

 18   Comme je l'ai déjà dit, une photocopie du certificat de retour était

 19   envoyée au Haut-commissariat aux réfugiés pour chaque réfugié. Lorsque

 20   l'OSCE est venue dans le territoire nouvellement libéré, nous avons fourni

 21   les éléments d'information à leurs représentants également lorsque chaque

 22   personne rentrait.

 23   M. CARRIER : [interprétation] Monsieur le Greffier, est-ce que nous pouvons

 24   avoir la pièce D1829, s'il vous plaît.

 25   Q.  C'est un document que Me Mikulicic a examiné avec vous pendant votre

 26   témoignage. Il n'y a pas de version en B/C/S. Il va falloir donc lire un

 27   passage qui se trouve à la page 1 en anglais, que le Président de la

 28   Chambre a évoqué. Le quatrième paragraphe nous intéresse. Il s'agit d'une

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  1   déclaration du président du Conseil de sécurité, je cite :

  2   "Le Conseil de sécurité a déclaré" -- ceci est daté du 2 juillet 1998.

  3   "'Le Conseil de sécurité exprime sa très grande préoccupation, parce qu'un

  4   nombre très important des résidents serbes et de personnes déplacées ont

  5   émigré de la République de Croatie depuis 1996, surtout en raison

  6   d'incidents liés à des questions de sécurité, d'intimidation liée à des

  7   questions d'appartenance ethnique et d'une situation économique très

  8   difficile, d'obstacles bureaucratiques, d'une législation discriminatoire

  9   et d'un programme de retour qui est entravé. La poursuite de cette tendance

 10   pourrait avoir un effet très délétère sur la restauration d'une société

 11   multiethnique en République de Croatie.'"

 12   Ma question, Monsieur Pejkovic, est comme suit --

 13   M. CARRIER : [interprétation] Pardonnez-moi, Monsieur le Président.

 14   Q.  Ma question, Monsieur Pejkovic, est comme suit : compte tenu de votre

 15   témoignage, à savoir que les internationaux avaient un libre accès à ces

 16   territoires et pouvaient contrôler le retour des Serbes, est-ce que vous

 17   pouvez nous fournir une explication sur la raison pour laquelle les membres

 18   de la communauté internationale rapportaient que le gouvernement croate

 19   établissait une législation et mettait en place des obstacles

 20   bureaucratiques à dessein pour empêcher le retour des Serbes après

 21   l'opération Tempête ?

 22   R.  Le document montre qu'il y avait des représentants de la communauté

 23   internationale qui étaient sur le terrain et qui suivaient de près ce

 24   processus de retour. Il est indiqué qu'il y avait quelques difficultés

 25   parce qu'il y avait une certaine discrimination à différents niveaux. Ils

 26   ont également indiqué qu'il y avait des obstacles bureaucratiques qui

 27   existaient en Croatie, et c'est un problème qui existe toujours en Croatie.

 28   Le système est bureaucratique. Il n'est pas efficace, ne fonctionne pas

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  1   bien et il doit être modifié.

  2   Quoiqu'il en soit, si on sort ceci de son contexte, on aurait

  3   tendance à croire que le système bureaucratique ne s'occupait que des

  4   Serbes et ne traitait que les Serbes de cette façon, ce qui n'est pas le

  5   cas. C'était un comportement assez uniforme qui s'appliquait à tout le

  6   monde. Simplement, le système en lui-même n'est pas efficace et ne

  7   fonctionne pas bien.

  8   Q.  Monsieur Pejkovic, vous avez été nommé par le président Tudjman le 9

  9   octobre 1997. Vous êtes devenu membre du comité national pour la mise en

 10   œuvre du programme visant à établir la confiance, le retour rapide et un

 11   retour à la vie normale dans les zones qui avaient été touchées par la

 12   guerre en Croatie ?

 13   R.  Oui, c'est exact. J'ai été nommé membre de cette commission.

 14   Q.  Et, Monsieur Pejkovic, ce comité comprenait 12 personnes. Un des autres

 15   membres était le Pr Pupovac - n'est-ce pas - c'était un membre de la

 16   Chambre des représentants du parlement croate, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui, il est toujours député.

 18   Q.  Et connaissez-vous une femme qui répond au nom de Jelka Glumicic ? Elle

 19   a fondé le comité de droit Karlovac et a reçu le prix Nobel de la paix en

 20   2005. Savez-vous qui est cette femme ?

 21   R.  Je la connais personnellement.

 22   Q.  Monsieur Pejkovic, savez-vous également que la presse vous a cité

 23   nommément, le Pr Pupovac et Mme Glumicic ont été cités également, comme

 24   étant des personnes impliquées dans le processus de retour, et ces

 25   personnes, disait-on, ont entravé le retour des Serbes en Croatie ?

 26   R.  Oui, j'ai lu un article de presse de ce genre.

 27   Q.  Dans ces articles de presse, on demandait, en réalité, à ce que vous

 28   soyez renvoyé de l'ODPR et on vous citait comme faisant partie de la vielle

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  1   garde, étant le bras droit de Jure Radic; c'est exact ?

  2   R.  Lorsque de telles demandes ont été exprimées, M. Pupovac et son parti

  3   faisaient partie du gouvernement de coalition qui était au pouvoir à

  4   l'époque. Mme Glumicic, étant quelqu'un qui a reçu le prix Nobel de la

  5   paix, n'a pas obtenu un poste important au sein du gouvernement, donc je

  6   suis devenu une cible, parce que j'étais à la tête de ce service chargé des

  7   personnes déplacées et des réfugiés.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Carrier -- oui, terminez votre

  9   réponse.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] A ce moment-là, en Croatie, nous avions un

 11   gouvernement de coalition qui comprenait un nombre important de députés

 12   serbes qui occupaient les fonctions importantes. Ils faisaient partie du

 13   pouvoir législatif en Croatie. En 2005, à savoir quasiment deux ans après

 14   la création de ce gouvernement de coalition, j'ai donné ma démission pour

 15   des raisons personnelles. J'ai abandonné le poste malgré le fait que j'ai

 16   travaillé au sein de trois gouvernements successifs.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Carrier, je regarde l'heure.

 18   Nous pensions que vous alliez pouvoir terminer en 45 minutes. Il est vrai

 19   que vous avez été interrompu au cours de votre interrogatoire, mais

 20   veuillez maintenant terminer.

 21   M. CARRIER : [interprétation] Oui, j'ai une question.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

 23   M. CARRIER : [interprétation]

 24   Q.  A la lumière de ces articles et de ce que vous avez dit précédemment,

 25   Monsieur Pejkovic, comment la bureaucratie croate posait un problème ?

 26   Pourriez-vous nous dire que si M. Pupovac faisait partie de ce système

 27   bureaucratique --

 28   M. KAY : [interprétation] Peut-être pourrions-nous avoir quelque précision.

Page 25207

  1   A quel moment la bureaucratie posait-elle un problème en Croatie ? Nous

  2   parlons de beaucoup de documents - si je regarde le paragraphe 12 de cet

  3   acte d'accusation - moi-même, je n'ai pas pu concilier ce qui est dit ici

  4   au paragraphe 12 de l'acte d'Accusation.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voyons d'abord quelle est la question.

  6   Commençons par-là.

  7   La question, Monsieur Carrier, veuillez formuler cela pour éviter d'aboutir

  8   à des généralités. Veuillez préciser votre question. Vous avez l'occasion

  9   de le faire maintenant. Saisissez cette occasion.

 10   M. CARRIER : [interprétation]

 11   Q.  Monsieur Pejkovic, compte tenu de ce que ces personnes disaient, et

 12   plus particulièrement par rapport à ce que vous avez dit avant, la

 13   bureaucratie croate qui posait problème, et vous disiez quelle que soit

 14   l'appartenance ethnique de la personne qui était visée, pourriez-vous nous

 15   dire comment M. Pupovac, qui faisait partie de ce système bureaucratique,

 16   vous pointait du doigt puisque c'est vous qui posiez problème ?

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que vous ne répondiez à la

 18   question, un instant, s'il vous plaît.

 19   [La Chambre de première instance se concerte]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez posé votre dernière question

 21   au témoin, et il n'est pas obligé de répondre, parce que vous n'avez pas

 22   suivi le conseil donné la Chambre. Ceci met un terme à votre contre-

 23   interrogatoire, Monsieur Carrier. Très bien.

 24   M. CARRIER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic.

 26   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 27   Nouvel interrogatoire par M. Mikulicic: 

 28   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Pejkovic. Pour ce qui est du contre-

Page 25208

  1   interrogatoire mené par mon éminent confrère de l'Accusation, je souhaite

  2   vous poser quelques questions pour préciser un certain nombre de points.

  3   Commençons par le compte rendu d'audience d'hier. Il s'agit de la page 79,

  4   ligne 24. Vous évoquiez le programme du retour avec le Procureur. Il vous a

  5   dit qu'il y avait certains obstacles à l'époque. Je souhaite aborder avec

  6   vous ces obstacles. Je souhaite parler des obstacles qui existaient avant

  7   ce programme de retour et j'aimerais parler de la période qui a suivi. Vous

  8   avez parlé de ces obstacles qui constituaient des objectifs. Pourriez-vous

  9   nous dire quels sont ces objectifs ou ces obstacles qui empêchaient le

 10   retour sans entrave des réfugiés en Croatie ?

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Carrier.

 12   M. CARRIER : [interprétation] Pardonnez-moi. Page de référence. Il a parlé

 13   d'obstacles sous forme d'objectifs.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Page 79.

 15   M. MIKULICIC : [interprétation]

 16   "Question : Monsieur Pejkovic, est-il exact de dire que l'objectif de ce

 17   programme, tel que nous le voyons en tout cas jusqu'au mois de juin 1998,

 18   quasiment trois ans après l'opération Tempête, qu'il existait des obstacles

 19   au retour en Croatie, que ces obstacles avaient été mis en place et qu'il y

 20   avait suffisamment d'appui au sein du gouvernement croate pour le retour de

 21   ces personnes ?"

 22   Et vous avez répondu en disant :

 23   "Réponse : Il y avait certainement des obstacles."

 24   Ce qui m'intéresse ici, c'est de savoir exactement quels étaient ces

 25   obstacles.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] A propos des obstacles qui existaient, j'ai

 27   fourni une réponse très simple sans autre explication. Il y avait des

 28   maisons dans lesquelles les réfugiés étaient censés retourner. Beaucoup de

Page 25209

  1   ces maisons avaient été détruites. Dans un certain nombre de ces maisons,

  2   des gens vivaient encore. Certaines régions avaient été minées. D'autres

  3   régions manquaient de services publics et de tout. Et certaines

  4   installations étaient inaccessibles. Il n'y avait ni routes ni ponts, parce

  5   que ces derniers avaient été détruits. Il s'agissait d'obstacles réels qui

  6   empêchaient les gens de rentrer et de vivre dans des conditions normales.

  7   M. MIKULICIC : [interprétation]

  8   Q.  Monsieur Pejkovic, dans cette catégorie d'obstacles, est-ce que vous

  9   incluriez les relations consulaires diplomatiques avec la RFY ?

 10   R.  Monsieur Mikulicic, un des obstacles, de toute façon, était l'absence

 11   de toute relation diplomatique. Il n'y avait pas de missions diplomatiques

 12   en Croatie sur le territoire de la Serbie-et-Monténégro, par exemple. Un

 13   obstacle supplémentaire que nous avons évoqué pendant mon témoignage c'est

 14   le fait que les Serbes, une fois qu'ils avaient quitté les régions qui

 15   avaient été libérées pendant l'opération Tempête, ont emmené avec eux des

 16   registres qui comportaient des données sur les différents citoyens, dates

 17   de naissance, plans d'occupation de sols, et cetera.

 18   Q.  Monsieur Pejkovic, qu'en est-il des ressources financières nécessaires

 19   lors d'une opération de retour de cette nature ?

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Carrier.

 21   M. CARRIER : [interprétation] Deux objections : première objection, ceci

 22   est une question directrice qui ne découle pas du contre-interrogatoire,

 23   simplement de la déclaration du témoin.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 25   Maître Mikulicic, la partie que vous avez évoquée pendant

 26   l'interrogatoire principal, vous avez parlé des obstacles bureaucratiques

 27   et juridiques. La question portait là-dessus. Et le témoin a dit que ces

 28   derniers existaient jusqu'à la fin du programme. Je ne peux pas imaginer

Page 25210

  1   que les maisons, tout à coup, n'étaient plus détruites une fois que ce

  2   programme a été mis en œuvre. Donc vous débordez un petit peu par rapport à

  3   la question qui a été posée auparavant.

  4   Je suppose qu'on ne contesterait pas la situation qui prévalait à l'époque,

  5   que la question financière était certainement très importante. Parce que

  6   s'il y a eu beaucoup de dégâts, de destructions, la production est peu

  7   importante, et à ce moment-là, vous rencontrez des problèmes financiers.

  8   Avant de poursuivre sur la question du budget et les détails de ce

  9   dernier, comme ceci a été abordé par M. Carrier, je souhaite vous indiquez

 10   qu'il vous faut revenir sur ce qui a été évoqué, et non pas ce qui a été

 11   posé par M. Carrier, qui a évoqué les obstacles juridiques et

 12   bureaucratiques, et la réponse portait là-dessus.

 13   Veuillez poursuivre.

 14   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 15   Q.  Monsieur Pejkovic, vous avez travaillé pour ce bureau pendant un

 16   certain nombre d'années, depuis sa création jusqu'au moment où vous avez

 17   démissionné. Existait-il une institution vers laquelle l'ODPR aurait pu se

 18   tourner, une institution qui aurait eu beaucoup d'expérience pour ce qui

 19   est de la manière de travailler, de la collecte d'information, et cetera ?

 20   R.  Non. Nous étions pionniers en la matière. Nous étions reconnaissants

 21   envers les différentes agences des Nations Unies. Toute la situation pour

 22   les personnes déplacées et les réfugiés était une situation qui était toute

 23   nouvelle pour nous en Europe. C'était tout à fait différent des autres

 24   crises liées aux réfugiés dans d'autres pays du monde, donc il fallait

 25   surveiller tout ceci.

 26   Pendant mon témoignage, nous avons beaucoup évoqué les statistiques.

 27   Lorsque nous avons mis en place cette base de données, en réalité, il nous

 28   a fallu dénombrer le nombre de personnes. Donc le traitement de données

Page 25211

  1   était très important, parce qu'il fallait identifier chaque personne. Bien

  2   évidemment, il fallait du temps, il fallait l'équipement nécessaire ainsi

  3   que les ressources financières adéquates.

  4   C'est surtout grâce au HCR des Nations Unies, après un ou deux ans, que

  5   nous étions très bien équipés et nous avons pu mettre en place des

  6   procédures sûres; et le HCR des Nations Unies a commencé à utiliser notre

  7   savoir-faire qu'ils ont appliqué à d'autres pays, parce qu'ils se sont

  8   reposés sur notre système pour finir.

  9   Q.  Monsieur Pejkovic, qu'en est-il de la création au plan juridique de ce

 10   bureau et des travaux que ce bureau a mené au cours de cette période ?

 11   Quelle législation existait permettant de définir les travaux du bureau ?

 12   Ceci existait avant la création du bureau et  ceci a été mis à jour

 13   régulièrement ?

 14   R.  Il n'existait aucune législation en vigueur auparavant. Ceci a été créé

 15   en vertu d'un décret gouvernemental le 20 décembre --

 16   L'INTERPRÈTE : Date inaudible. L'interprète n'a pas saisi la date.

 17   LE TÉMOIN : [interprétation] De toute façon, personne n'avait ni les

 18   connaissances ni la possibilité de gérer une population qui se déplaçait en

 19   masse de la sorte, de personnes déplacées et des réfugiés. C'était surtout

 20   le ministère des Affaires étrangères qui gérait ce type d'applications,

 21   mais il ne s'agissait, dans ce cas-là, que de personnes qui faisaient une

 22   demande d'asile.

 23   Si nous parlons de la législation actuelle en Croatie, il serait impossible

 24   d'obtenir un quelconque statut en vertu de ce programme. Ceci ne peut être

 25   obtenu que si on fait une demande d'asile. Ceci est inscrit dans le texte

 26   de loi. Si une autre crise devait avoir lieu demain, il faudrait que nous

 27   nous reposions là-dessus.

 28   Ce que je veux dire, c'est qu'il n'y avait pas d'institutions qui géraient

Page 25212

  1   ce type de problèmes. Il fallait tout gérer ad hoc, y compris le cadre

  2   juridique qui était à la traîne, parce que les législateurs suivaient

  3   simplement ce qui se passait sur le terrain.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous me dire, s'il vous plaît,

  5   de quelle année il s'agit ? Le 20 décembre de quelle année ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Le 21 décembre 1991.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

  8   Veuillez poursuivre.

  9   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   Q.  A plusieurs reprises, vous avez évoqué l'accord sur la normalisation,

 11   qui est le document D412, daté du mois d'août 1996. Vous avez dit que

 12   c'était un moment-clé permettant de résoudre cette question. Quelle

 13   importance a eu la coopération entre les Etats en ex-Yougoslavie, qui était

 14   due à cette crise provoquée par les réfugiés ?

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Carrier.

 16   M. CARRIER : [interprétation] Tout d'abord, je ne sais pas s'il s'agit

 17   véritablement des pièces D412; et deuxième point, je m'y oppose parce que

 18   c'est quelque chose que M. Mikulicic a déjà abordé lors de son

 19   interrogatoire principal avec ce témoin. Il a parlé de normalisation, et

 20   cetera.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic.

 22   M. MIKULICIC : [interprétation] Ce que je souhaite dire, c'est que j'ai

 23   abordé ce thème sous un angle différent. Ce qui m'intéresse a été provoqué

 24   par le contre-interrogatoire de mon collègue.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sur quel thème exactement ?

 26   M. MIKULICIC : [interprétation] Sur le sujet de la coopération, à savoir si

 27   les Etats sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, si c'était important que

 28   cette coopération ait existé en raison du déplacement massif de la

Page 25213

  1   population à travers certaines zones.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une ou deux questions, très bien, mais

  3   on ne peut pas vraiment dire que ceci a été déclenché par le contre-

  4   interrogatoire. Donc faites en sorte que ce soit court.

  5   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

  6   Q.  Monsieur Pejkovic, j'ai une question tout à fait courte et assez

  7   directe à vous poser, et je vous demande que vous répondiez de même. Quelle

  8   importance avait la coopération dans tous ces pays où ce problème des

  9   réfugiés et des personnes déplacées s'est fait sentir et quel a été le

 10   niveau de coopération pour essayer de résoudre ces questions ? Pour être

 11   plus précis, est-ce que cette question pouvait être résolue par cette seule

 12   initiative de la part d'un seul Etat sur le territoire ?

 13   R.  La coopération était essentielle parce que la Croatie avait accepté

 14   cela de façon unilatérale. Un Etat peut organiser le retour et la

 15   reconstruction. Cependant, ceci a des conséquences négatives sur le

 16   terrain, parce que les personnes qui devaient aller dans l'autre sens, vers

 17   les autres Etats, à ce moment-là, vont à l'encontre des efforts déployés

 18   par leur propre gouvernement. Et le gouvernement a besoin d'y consacrer

 19   plus de temps et de ressources pour répondre aux besoins d'une population

 20   qui n'est pas satisfaite. J'essaie de dire que ce retour doit se passer

 21   dans les deux sens.

 22   Q.  Un document des Nations Unies a été cité ce matin et parle de ce qu'on

 23   appelle cette situation quasi-impossible, qui pose vraiment un problème. Le

 24   contexte que nous avons c'est qu'il était impossible pour ceux qui étaient

 25   à l'extérieur de la Croatie d'entrer en Croatie s'ils ne disposaient pas de

 26   documents valables. Comme vous nous l'avez dit hier, Monsieur Pejkovic, il

 27   y avait un programme qui consistait à aller voir sur place. Est-ce que vous

 28   pouvez nous dire quel est le lien entre ce programme et cette situation

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  1   quasi-insoluble qui est évoquée dans ce document des Nations Unies ?

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic, avant que nous

  3   entendions votre réponse à cette question, je souhaite que le contexte

  4   temporel soit donné.

  5   Ces visites sur place, c'était à quel moment ?

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, c'était en 1998.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

  8   Maître Mikulicic, est-il vrai que cette situation insoluble prévalait avant

  9   1998, c'était avant qu'un consulat ne soit établi à Belgrade. Par

 10   conséquent, ces visites sur place ne peuvent pas expliquer ce qui s'est

 11   passé deux années auparavant.

 12   M. MIKULICIC : [interprétation] Monsieur le Président, je vais reformuler

 13   ma question --

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

 15   M. MIKULICIC : [interprétation] -- sur un autre thème.

 16   Q.  Monsieur Pejkovic, étant donné que le document des Nations Unies évoque

 17   les difficultés qu'ils ont eues à obtenir des documents croates, parce

 18   qu'il n'y avait pas d'endroit en RFY où ils pouvaient les obtenir, vous

 19   avez parlé du rôle du HCR des Nations Unies dans l'ensemble de ce

 20   processus. Est-ce que vous pourriez avoir l'obligeance de dire quel rôle a

 21   joué le HCR des Nations Unies et, brièvement, de quelles possibilités

 22   disposait le HCR.

 23   R.  Le HCR des Nations Unies est l'agence par excellence des Nations Unies

 24   qui fournit de l'aide aux réfugiés et qui s'occupe des réfugiés. Le HCR des

 25   Nations Unies, qui, de façon indépendante ou par le biais d'un réseau de

 26   partenaires et d'organisations non gouvernementales, disposait de certaines

 27   possibilités, était actif dans tous les Etats qui ont subi ce démantèlement

 28   et pouvait faire une demande de documents.

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  1   Et si quelqu'un ne pouvait pas physiquement obtenir les documents sur le

  2   territoire serbe, à ce moment-là, une organisation non gouvernementale s'en

  3   occuperait certainement dans un autre bureau lorsque ceci était enregistré

  4   en Croatie, parce qu'il n'y avait pas d'obstacle dans ce sens-là. Quoi

  5   qu'il en soit, jusqu'au moment où les bureaux diplomatiques et les

  6   consulats ont été ouverts en Serbie-et-Monténégro, on ne pouvait pas

  7   obtenir ces documents-là sur ce territoire-là.

  8   Mais pour placer tout ceci dans son contexte, à cette époque en 1997, avant

  9   que le programme de retour ne soit mis en place, nous avions mis en place

 10   un processus de retour de Slovénie orientale. Compte tenu d'un rapport de

 11   M. Klein, un certain nombre de passeports ont été délivrés ainsi que des

 12   cartes d'identité, au nombre de

 13   150 000, et des certificats de citoyenneté, et nous savons qu'il n'y avait

 14   que 78 000 Serbes qui vivaient à cet endroit-là. Ce qui signifie que la

 15   différence entre ces deux chiffres était due à ces Serbes réfugiés qui

 16   venaient de Serbie en direction de la région croate de Danubia, et c'est la

 17   raison pour laquelle il y a eu tant de documents. C'est la raison pour

 18   laquelle nous avons un nombre spontané de personnes qui sont venues et

 19   qu'il y a un retour non enregistré de toutes ces personnes sur cette

 20   période-là.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Carrier.

 22   M. CARRIER : [interprétation] Je vois qu'on va prendre la pause maintenant,

 23   mais j'ai voulu alerter les Juges de la Chambre sur une omission de ma

 24   part, à savoir j'ai oublié de proposer au versement la pièce 5003, qui

 25   faisait partie de la pièce D412. Je suis vraiment désolé.

 26    M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va attendre la pause.

 27   Monsieur Mikulicic, vous savez, on a entendu une réponse très, très longue.

 28   On sait maintenant quel était le rôle de l'UNHCR. On ne peut pas dire qu'on

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  1   est très surpris par cela, qu'on n'était absolument pas au courant.

  2   Ensuite, on sait qu'il y a eu des associations non gouvernementales qui

  3   étaient là pour s'occuper aussi du problème. On voit ce qui s'est passé

  4   dans la zone autour du Danube, cette région croate. Mais est-ce que vous

  5   pouvez essayer poser les questions de sorte à obtenir les réponses précises

  6   et pertinentes.

  7   Puis, dites-nous, s'il vous plaît, de combien vous avez encore besoin, à

  8   peu près.

  9   M. MIKULICIC : [interprétation] J'ai besoin encore de cinq minutes.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc vous allez vraiment respecter

 11   les prévisions. Dans ce cas, je vais peut-être demander qu'on prenne la

 12   pause après ces cinq minutes. Vous avez demandé de bénéficier de davantage

 13   de temps, et vous allez apparemment pouvoir boucler vos questions

 14   additionnelles plus rapidement que prévu et je suis reconnaissant de cela.

 15   Vous pouvez poursuivre, Monsieur Mikulicic.

 16   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 17   Q.  Monsieur le Témoin, vous nous avez dit que votre bureau disposait d'une

 18   grande base de données qui était relative au territoire sur lequel vous

 19   étiez actif à l'époque. Est-ce que vous savez si, sur le territoire de

 20   l'ex-Yougoslavie, il existait des bureaux semblables ?

 21   R.  Oui, ils existaient, en effet, aussi bien en Serbie, au Monténégro

 22   qu'en Bosnie. Ils n'étaient pas organisés comme nous, ils ne disposaient

 23   pas des mêmes bases de données.

 24   Q.  Est-ce que sur le territoire de la République de Croatie il y avait

 25   d'autres institutions, qu'il s'agisse des institutions croates ou

 26   internationales, qui tenaient de semblables bases de données comme celles

 27   que vous teniez, vous, dans votre organisation ?

 28   R.  Que je sache, non.

Page 25217

  1   Q.  Vous avez dit, Monsieur Pejkovic, que vous avez coopéré de façon très

  2   étroite avec l'UNHCR et, par la suite, vous avez même dit qu'à un moment

  3   donné, l'UNHCR a pu avoir l'accès à votre base de données. Est-ce qu'à

  4   aucun moment vous avez reçu des remarques de la part de l'UNHCR ou d'autres

  5   organisations quant à la méthode utilisée ou quant aux résultats que vous

  6   transmettiez au public national ou international par rapport aux chiffres

  7   évoqués par rapport aux statistiques ?

  8   R.  Non, jamais.

  9   Q.  Votre bureau a fait deux rapports, l'un en 1995, l'autre en l'an 2000.

 10   Ces deux rapports font partie des pièces à conviction en l'espèce. Est-ce

 11   que vous n'avez jamais reçu de remarque par rapport à ces rapports vous

 12   indiquant que la méthode utilisée n'était pas la bonne, que les

 13   informations qui figuraient n'étaient pas correctes ou une quelconque autre

 14   remarque par rapport à ce rapport ?

 15   R.  Non, jamais. Jamais on n'a reçu de remarques par rapport à la qualité

 16   de nos rapports, ni par des organisations nationales ni internationales.

 17   Q.  Je vous remercie.

 18   M. MIKULICIC : [interprétation] Je n'ai plus d'autres questions, Monsieur

 19   le Président.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Nous allons prendre

 21   une pause à présent. Nous allons reprendre nos travaux à 11 heures 05.

 22   --- L'audience est suspendue à 10 heures 38.

 23   --- L'audience est reprise à 11 heures 12.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que les questions posées par M.

 25   Mikulicic ont été de nature à provoquer des questions dans le cadre du

 26   contre-interrogatoire des autres parties ?

 27   M. KAY : [interprétation] Non.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que les autres Défenses ont

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  1   adopté le même point de vue.

  2   [La Chambre de première instance se concerte]

  3   Questions de la Cour : 

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Eh bien, Monsieur Pejkovic, Mme le Juge

  5   Gwaunza a une question pour vous.

  6   Madame Gwaunza.

  7   Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Oui, j'ai une question, une question

  8   relative à votre déclaration préalable, le paragraphe 10 de cette

  9   déclaration. Vous avez mentionné dans ce paragraphe que - je vous cite :

 10   "En principe, les personnes censées retourner dans les zones libérées

 11   tombaient dans trois catégories…"

 12   Et la catégorie du milieu est celle qui m'intéresse, où vous dites :

 13   "Les cas humanitaires, les personnes dont le retour est exigé par les

 14   membres de leur famille qui se trouvent déjà dans la République de Croatie

 15   présentent des cas extrêmement sensibles."

 16   Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous pensez que là il s'agit de cas

 17   particulièrement sensibles ?

 18   R.  Madame le Juge, ce sont les cas vous avez les membres de votre famille

 19   qui sont restés derrière, des vieux, des personnes incapables de s'occuper

 20   d'eux-mêmes, qui ont demandé que des membres de leur famille puissent

 21   rentrer pour s'occuper d'eux. Ensuite, vous avez les personnes malades,

 22   vous avez des personnes qui souffrent des maladies mentales. Vous avez des

 23   enfants qui sont restés derrières, alors que les parents sont partis. Donc

 24   il s'agissait des cas difficiles et que l'on traitait en priorité pour

 25   permettre le regroupement familial le plus rapidement possible pour que les

 26   familles puissent s'occuper des leurs.

 27   Mme LE JUGE GWAUNZA : [interprétation] Je vous remercie.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge Kinis a aussi des questions.

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  1   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Monsieur Pejkovic, je voudrais vous

  2   poser deux questions. Tout d'abord, pendant l'interrogatoire, une question

  3   a été posée au sujet des obstacles quand il s'agit de passer la frontière,

  4   quand il s'agit des situations où les personnes, même munies de certificat,

  5   ne pouvaient pas passer la frontière. J'ai voulu vous demander si vous êtes

  6   au courant des situations où les personnes déplacées ont utilisé des faux

  7   documents, des fausses pièces d'identité, des faux certificats pour essayer

  8   de passer la frontière, même s'il s'agit de documents émis par votre propre

  9   institution, falsifiés, j'entends ?

 10   R.  Monsieur le Juge, évidemment qu'il y a eu de tels cas. Il est arrivé

 11   que l'on falsifie les documents croates, qu'il s'agisse des passeports ou

 12   des pièces d'identité.

 13   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Est-ce que c'est quelque chose qui se

 14   produisait à grande échelle ou bien est-ce que c'est des situations qui se

 15   sont produites juste quelques fois sans vous causer de gros problèmes ?

 16   R.  Je pense, Monsieur le Juge, que parmi la population des réfugiés, il

 17   n'y avait pas beaucoup de cas semblables. C'est quelque chose qui se

 18   produisait plutôt dans les milieux des criminels.

 19   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Ensuite, la question suivante, elle est

 20   relative à votre déposition, le paragraphe 20, e je vais vous citer une

 21   partie de cette déclaration :

 22   "Cependant, la question du retour des Serbes a été utilisée pour exercer

 23   des pressions permanentes contre la République de Croatie, et souvent sans

 24   évaluation objective de problèmes…"

 25   Alors, à quoi faites-vous référence quand vous parlez de cela, et comment

 26   avez-vous répondu à de telles pressions ? Là, je vous parle surtout de ce

 27   manque des évaluations objectives.

 28   R.  Monsieur le Juge, je fais référence surtout au fait que l'on voulait

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  1   que tout le monde rentre pratiquement en un seul jour, et toutes les

  2   remarques que l'on a formulées allaient dans ce sens, on nous disait que

  3   l'on ne permettait pas un retour massif et rapide, et ce n'était pas

  4   possible. Ce n'était pas possible de l'organiser à cause de tous les

  5   problèmes que nous avons déjà évoqués.

  6   M. LE JUGE KINIS : [interprétation] Je vous remercie de vos réponses.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi, j'ai quelques questions pour vous

  8   aussi. Est-ce que vous avez un exemplaire papier de votre déclaration sur

  9   vous ? Sinon, on va vous la fournir.

 10   Je vais vous demander d'examiner le paragraphe 7, pour commencer. Là, vous

 11   dépeignez les Serbes qui sont en train de partir pendant les opérations

 12   Tempête et Eclair, vous nous donnez des chiffres. Donc, dans le paragraphe

 13   8, la première ligne va comme suit :

 14   "Immédiatement après l'opération Tempête et après leur départ, un petit

 15   nombre de Serbes qui ont été hébergés en Serbie ont commencé à demander de

 16   pouvoir retourner en Croatie."

 17   Est-ce que cela comprenait aussi des Serbes qui sont partis pendant

 18   l'opération Eclair ?

 19   R.  Oui, Monsieur le Président, dans le cas où ils étaient hébergés en

 20   Serbie.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, c'était donc immédiatement après

 22   l'opération Tempête, mais là, vous faites une référence temporel plutôt

 23   qu'à l'opération elle-même, parce que cela comprenait aussi les gens qui

 24   étaient en Serbie et qui avaient fui pendant l'opération Eclair.

 25   R.  Oui.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, le paragraphe 9, là, on

 27   parle de la période qui va entre le mois de mai 1995 et le mois de mai

 28   1996, des demandes qui venaient d'à peu près 30 000 personnes qui avaient

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  1   quitté la République de Croatie. Dois-je comprendre que cela aussi englobe

  2   ceux qui sont partis pendant l'opération Eclair et l'opération Tempête ?

  3   R.  [aucune réponse verbale]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que vous faites un signe

  5   affirmatif de la tête. Mais ce n'est pas couché au compte rendu d'audience.

  6   Maintenant, nous allons passer au paragraphe 11, et là, on peut lire :

  7   "Jusqu'au mois de mai de 1996, le bureau d'ODPR a révélé 5 895 demandes de

  8   rapatriement qui concernait les gens qui étaient partis pendant les

  9   opérations Tempête et Eclair."

 10   Et ensuite, on poursuit :

 11   "La police des frontières a reçu des instructions où il s'agissait de

 12   permettre le retour de 8 022 personnes aux motifs du regroupement familial

 13   ou bien aux motifs de causes humanitaires."

 14   Donc, est-ce que les 5 895 personnes font partie des 8 022 personnes que

 15   vous mentionnez ? Parce que pour une catégorie, il s'agit de requêtes, et

 16   ensuite, des instructions claires fournies à la police des frontières, et

 17   ce n'est pas complètement clair et si toutes ces demandes de rapatriement

 18   étaient résolues.

 19   R.  Là, il s'agit de figures qui sont indépendantes, des chiffres

 20   indépendants les uns des autres, parce que dans le texte croate, il

 21   faudrait ajouter un plus ou un "et". Autrement dit, les deux catégories

 22   sont concernées.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc, en tout, on en arrive à un

 24   chiffre d'à peu près 14 000 personnes qui ont pu retourner.

 25   R.  Oui.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, je vais vous demander de

 27   prendre le paragraphe 12, et là, on dit que 7 000 personnes sont rentrées,

 28   autrement dit il n'y a que 50 % de gens qui ont bénéficié de la permission

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  1   de retourner en Croatie. Est-ce que je vous ai bien compris ?

  2   R.  Oui, Monsieur le Président.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, à peu près 6 000 personnes ont

  4   demandé à bénéficier du rapatriement, donc ils ont demandé à pouvoir

  5   retourner en Croatie, et ensuite, finalement, ils n'utilisent pas la

  6   possibilité qui leur est donnée de retourner ?

  7   R.  Monsieur le Président, tout ce processus de retour s'est déroulé sur

  8   une période plus longue. Là, les informations que l'on donne ici concernent

  9   une période donnée. Donc, on vous donne les chiffres, on présente les

 10   chiffres qui correspondent au nombre de demandes faites et au nombre de

 11   personnes de l'autre côté qui ont bénéficié de ce droit, de cette

 12   possibilité, et qui l'ont utilisé, donc. Cela ne veut pas dire - et là,

 13   cela correspond à 50 % - donc, 50 % de gens ont effectivement utilisé ce

 14   droit. Cela étant dit, cela ne veut pas dire que par la suite, ils n'ont

 15   pas utilisé ce droit et qu'ils n'ont pas pu réaliser ce retour. Et il y a

 16   donc un laps de temps qui se déroule entre le moment où vous demandez les

 17   papiers et le moment où le retour a lieu, le retour des personnes qui ont

 18   donc fait la demande officiellement auparavant.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois donc qu'il y a un laps de

 20   temps qui se déroule entre les deux phases de la procédure, mais si vous

 21   avez 8 000 personnes qui demandent à bénéficier du regroupement familial et

 22   à qui on a donné la permission de retourner avant le mois de mai 1996, donc

 23   sur ces huit personnes, vous n'avez que 447 personnes qui utilisent de

 24   fait, ce droit, autrement dit, 5 % des gens, de ceux qui voulaient

 25   bénéficier du regroupement familial, et vous avez uniquement 5 % de ces

 26   gens qui, effectivement, à la fin, rejoignent leurs familles. Bon, je peux

 27   imaginer qu'il vous faut peut-être un mois ou deux mois pour organiser tout

 28   cela, mais vous n'avez que 5 % des gens qui franchissent effectivement la

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  1   frontière. C'est surprenant, quand même, non ? Et quand j'examine ce

  2   pourcentage, est-ce que vous pensez vraiment que vous pouvez expliquer un

  3   pourcentage aussi bas par ce laps de temps qui devait se dérouler entre la

  4   demande et le retour ?

  5   R.  Monsieur le Président, 5 192 personnes sont revenues --

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vous voulez dire que je dois faire

  7   un rapport entre les 5 000 que vous évoquez là avec -- enfin, entre les 8

  8   000 et les 5 192, pour être plus précis. Mais quand vous avez résolu les

  9   demandes de 5 895, et je pense que vous avez dit qu'ils ont tous,

 10   finalement, bénéficié de réponses positives leur permettant le retour, on

 11   est quand même surpris de voir que moins de 2 000 personnes ont finalement

 12   utilisé ces autorisations. Donc, si vous faites une demande et on fait

 13   droit à votre demande, et vous recevez une information vous indiquant cela,

 14   à partir du moment où tout cela a été accompli, le chiffre final, définitif

 15   est quand même petit, parce qu'on en arrive à un tiers qui a finalement

 16   utilisé le droit ou le permis qui a été accordé, les autorisations. Et je

 17   peux imaginer que si, par exemple, si vous avez autorisé 10 000 personnes à

 18   revenir, s'il n'y en a que 7 000 ou 8 000 à cette date-là qui sont

 19   revenues, on peut s'attendre à ce qu'il y en ait davantage par la suite qui

 20   vont effectivement revenir. Mais les chiffres restent quand même

 21   relativement bas, n'est-ce pas, vu le nombre de demandes de rapatriement.

 22   R.  Monsieur le Président, nous parlons de la période comprise entre 1995

 23   et 1996, et à cette époque lors de cette période, nous n'avions toujours

 24   pas d'accord relatif à la normalisation des relations avec la RFY. Il y

 25   avait encore une propagande assez véhémente vis-à-vis des Serbes qui

 26   voulaient potentiellement revenir. On leur disait de ne pas revenir parce

 27   qu'on leur disait que la Croatie ne garantirait pas leur retour, ne

 28   garantirait pas leur sécurité, ne leur garantirait aucun droit et ne

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  1   garantirait pas qu'ils puissent récupérer leurs biens fonciers.

  2   Donc, au vu de cette propagande menée par le camp serbe et étant donné

  3   qu'on considérait qu'ils ne seraient pas accueillis avec enthousiasme, vous

  4   ne pouviez pas vous attendre à ce que les 5 % des personnes qui avaient

  5   demandé, qui avaient postulé et qui avaient obtenu l'autorisation donnent

  6   un suivi à cette autorisation et utilisent ce droit de revenir.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que l'une des raisons pourrait

  8   aussi être que les maisons des Serbes avaient été données à des Croates et

  9   qu'ils étaient quand même un tant soit peu réticents à revenir et à se

 10   rendre compte que leurs maisons avaient été données à des Croates ?

 11   R.  Monsieur le Président, le but recherché était d'opérer des

 12   regroupements familiaux pour des raisons humanitaires, ce qui signifie que

 13   la majorité des membres de la famille se trouvaient déjà en Croatie, chez

 14   eux. Donc, pour les premiers cas, le type d'obstacles que vous mentionnez

 15   n'existait pas.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, j'aimerais vous poser une toute

 17   dernière question, et je vous remercie de vos réponses. Donc, il y a des

 18   chiffres mentionnés au paragraphe 12 de votre déclaration, à savoir le

 19   retour de 7 000 personnes. Est-ce que cela englobe toutes les régions de la

 20   Croatie où sont revenus les Serbes, à savoir pas seulement le secteur sud,

 21   mais également d'autres régions d'où s'étaient enfuis les Serbes. Est-ce

 22   que c'est comme cela qu'il faut comprendre ce paragraphe et ces chiffres ?

 23   R.  Oui, Monsieur le Président. Dans nos rapports, nous faisions toujours

 24   référence à toutes les régions de la Croatie qui étaient libres à cette

 25   époque-là et où le gouvernement de la Croatie avait un contrôle.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Alors, vous dites que c'est la

 27   propagande serbe qui explique les problèmes, la propagande serbe qui

 28   indiquait qu'ils n'étaient pas sûrs de rentrer en Croatie. Donc, est-ce que

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  1   il y a eu ce type d'expérience dans un secteur donné quel qu'il soit, le

  2   secteur sud, par exemple, ou ailleurs, est-ce que vous avez ce type

  3   d'exemple, donc, la propagande serbe qui, en fait, est avérée, à savoir les

  4   personnes qui étaient revenues qui étaient harcelées ou qui n'étaient pas

  5   véritablement les bienvenues, très franchement ?

  6   R.  Monsieur le Président, j'avais dit lors de ma déposition que les

  7   personnes qui revenaient n'étaient pas toujours les bienvenues partout. Il

  8   y a eu, certes, des incidents, et ces incidents sont une réalité, mais pas

  9   d'une façon que l'on pourrait considérer comme une règle générale qui

 10   serait valable dans toute la Croatie. Donc, cela ne s'est pas passé dans

 11   toute la Croatie.

 12   Il y a eu des secteurs ou des zones où il a été beaucoup plus

 13   difficile d'organiser la procédure des retours, alors que dans d'autres

 14   zones, cela a été plus facile. Cela dépendait des autorités locales, des

 15   pouvoirs locaux sur le terrain et de leur point de vue vis-à-vis des

 16   personnes qui revenaient, à savoir de leur point de vue vis-à-vis de la

 17   mise en œuvre du programme national qui consistait à restaurer la confiance

 18   --

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous interromps. Nous parlions

 20   du pourcentage de personnes qui avait le droit de revenir mais qui ne sont

 21   pas revenues. Donc, nous parlons de l'année mai 1996, et non pas de ce qui

 22   s'est passé après 1998. Donc, est-ce que vous pourriez, je vous prie, vous

 23   concentrer sur cette période.  Donc, est-ce que cela était la même chose,

 24   est-ce qu'il y a eu des incidents également lors de cette période initiale

 25   ? Est-ce qu'il y a eu des incidents qui se sont déroulés fréquemment ?

 26   R.  Quoi qu'il en soit, je dirais qu'immédiatement après le début de ces

 27   retours, il y a eu des altercations, des incidents oraux. Il y a eu

 28   également un nombre d'incidents physiques, également. Mais je dirais que

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  1   progressivement, le nombre de ces incidents a diminué.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Donc, vous nous dites que cela a

  3   fait l'objet de rapports, bien qu'il y ait eu une certaine exagération dans

  4   les rapports, et c'est là que l'on retrouve la propagande. Je vous remercie

  5   de vos réponses.

  6   Monsieur Carrier, avez-vous des questions supplémentaires à poser ?

  7   M. CARRIER : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que les questions des Juges

  9   exigent ou suscitent de votre part d'autres questions ?

 10   M. MIKULICIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 11   M. KEHOE : [interprétation] Moi j'ai deux questions à poser à partir de

 12   questions que vous avez posées.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Carrier.

 14   M. CARRIER : [interprétation] Je pense que vous n'avez pas oublié, mais

 15   j'avais soulevé la question du document 5003.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Non, non, je n'avais pas oublié.

 17   M. CARRIER : [interprétation] Je vous remercie.

 18   Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Kehoe : 

 19   Q.  [interprétation] Je vais juste vous poser quelques questions, Monsieur.

 20   Il s'agit de questions de suivi à la suite des questions qui ont été posées

 21   par le Président de la Chambre, le Président de la Chambre qui s'était

 22   enquis du décalage entre les documents qui étaient demandés par les Serbes

 23   en Serbie et le nombre véritable de personnes qui sont revenues. Et une

 24   fois de plus, nous parlons de chiffres qui figurent aux paragraphes 11 et

 25   12.

 26   Alors pour ce qui est des documents croates, des documents tels que

 27   passeports, et cetera, à l'époque en 1996, si quelqu'un était détenteur

 28   d'un passeport croate et avait des documents de voyage, avait le droit de

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  1   se rendre, du fait de ses documents, dans les pays de l'Union européenne

  2   pour opposition à quelqu'un qui ne disposait que d'un passeport de la RFY

  3   et qui donc avait besoin de visa pour se déplacer dans les pays de l'Union

  4   européenne, n'est-ce pas ?

  5   R.  C'est exact.

  6   M. CARRIER : [interprétation] C'est une question directrice.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes, mais il s'agit des questions

  8   supplémentaires.

  9   M. CARRIER : [interprétation] Je m'excuse, oui je m'excuse.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas, vraiment je ne pense pas

 11   que mes questions faisaient partie du contre-interrogatoire. Mais ce n'est

 12   pas Me Kehoe pour autant que je suis concerné, ce n'est pas Me Kehoe qui a

 13   convoqué le témoin. Donc, bon il peut poser des questions directrices à

 14   part si ces questions directrices pourraient poser un problème par rapport

 15   à la question qui est posée.

 16   Poursuivez.

 17   M. KEHOE : [interprétation] Oui, je pense que le témoin a répondu par

 18   l'affirmative.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 20   M. KEHOE : [interprétation]

 21   Q.  J'aimerais maintenant que nous revenions sur ce que vous avez dit à

 22   propos de la propagande effectuée par les Serbes pendant les années 1995 et

 23   1996. Vous avez indiqué que leur retour était en quelque sorte empêché par

 24   cette propagande, et qu'on essayait de dire à ces gens de ne pas repartir

 25   en Croatie.

 26   M. KEHOE : [interprétation] Et je souhaiterais maintenant l'affichage de la

 27   pièce D1610.

 28   Q.  Comme vous le remarquerez, il s'agit d'un article qui porte la date du

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  1   7 mars 1996, il s'agit donc de toute une kyrielle de questions à propos des

  2   Serbes qui veulent repartir en Croatie.

  3   M. KEHOE : [interprétation] Mais si vous prenez le bas de la page 2 pour la

  4   version anglaise. Alors, est-ce que vous pourriez afficher le bas de la

  5   page 2. Très bien. Il s'agit des observations qui commencent par M. Milan

  6   Babic. Et il s'agit de la page 2 pour la version B/C/S également.

  7   Q.  Est-ce que vous pourriez, Monsieur, lire ce passage. Vous voyez, il est

  8   indiqué :

  9   "M. Milan Babic qui avance ou qui prétend qu'il n'a pas rencontré Borislav

 10   Mikelic depuis l'exode des Serbes de la Krajina, et que par conséquent il

 11   n'était pas au courant des intensions du comité."

 12    Mais il indique que des parties tierces lui ont dit ce qui suit, et

 13   il dit :

 14   "Je ne suis pas partisan de solutions individuelles apportées aux

 15   problèmes des personnes qui retournent parce que cela signifie," et nous

 16   allons afficher la page suivante de la version anglaise, "cela signifie la

 17   'croatisation' des Serbes qui reviennent, ce qui menacerait les droits

 18   collectifs des réfugiés et brûlerait le problème des Serbes en exil. Je

 19   suis partisan d'un retour collectif avec une sécurité collective et des

 20   droits collectifs pour les Serbes, ce qui signifie que leur statut

 21   politique devra être réglé."

 22   Et puis il poursuit et aborde d'autres idées. Mais en fait je vais

 23   vous donner lecture de la partie suivante. M. Babic poursuit :

 24   "Etant donné que les Serbes de la Krajina ont le droit politique,

 25   jouissent du droit politique pour ce qui est du territoire de la Krajina."

 26   Maintenant, ça c'est quelque chose qui a été consigné. Mais est-ce

 27   qu'il s'agit justement du type de propagande des médias auxquels vous

 28   pensiez lorsque vous faisiez référence de vos difficultés, qui étaient

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  1   présentés par les autorités serbes, pour essayer de convaincre les gens de

  2   ne pas repartir en Croatie ?

  3   R.  Maître, ceux qui ont dirigé les Serbes hors de la Croatie ont fondé un

  4   gouvernement en exil. Ils ont également contrôlé certaines organisations et

  5   certaines associations de ces Serbes. Et ces associations menaient – ont

  6   organisé une campagne parmi les réfugiés serbes pour présenter leur

  7   demandes politiques, qui devaient dans un premier temps être mis en œuvre

  8   avant d'envisager un retour collectif des Serbes en Croatie. Ainsi, ils ont

  9   pratiquement convaincu les réfugiés serbes de ne pas repartir en Croatie

 10   parce qu'ils savaient que s'ils voulaient revenir en Croatie, il faudrait

 11   qu'ils deviennent citoyens croates, et de ce fait il faudrait qu'ils

 12   reconnaissent les institutions et l'autorité croate.

 13   M. KEHOE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, je

 14   n'ai plus de questions à poser.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Kehoe.

 16   J'aimerais savoir s'il y a des objections à ce que soit versé au dossier la

 17   pièce 5003 de la liste 65 ter.

 18   M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit du document à propos duquel Me

 19   Misetic avait soulevé le problème de traduction. Alors, est-ce qu'il

 20   pourrait être enregistré aux fins d'identification, car nous aimerions que

 21   l'on se repenche sur cette question de traduction.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc vous voulez vérifier l'exactitude

 23   de la traduction, mais vous n'avez pas d'autres objections quant au

 24   versement au dossier de ce document ?

 25   M. KEHOE : [interprétation] Oui, c'est tout à fait exact, Monsieur le

 26   Président.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors dans ce cas-là, Monsieur le

 28   Greffier.

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  1   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela deviendra la pièce 2678, enregistrée

  2   aux fins d'identification.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Statut qui sera conservé par cette pièce

  4   jusqu'au moment où, Monsieur Carrier, vous pourrez indiquer à la Chambre si

  5   le problème de traduction a été réglé. Quand est-ce que vous pourrez

  6   l'indiquer ? Quand est-ce que tout cela pourra être vérifié, Monsieur

  7   Carrier ?

  8   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

  9   M. CARRIER : [interprétation] D'ici à la fin de la semaine prochaine.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, d'ici à la fin de la semaine

 11   prochaine, je ne pense pas qu'il y ait urgence de toute façon. Ce qui est

 12   important c'est de régler le problème. Nous ferons en sorte que tout soit

 13   bien consigné.

 14   Monsieur, vous êtes arrivé au terme de votre déposition, Monsieur Pejkovic.

 15   Vous avez passé plusieurs jours avec nous, vous avez répondu aux questions

 16   posées par les parties ainsi que par les Juges. J'aimerais vous remercier

 17   d'être venu ici, et je vous souhaite un bon retour chez vous.

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie.

 19   Pourrais-je vous demander d'avoir la permission à la fin de ma déposition

 20   de saluer le général ?

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En règle général ce que je dis, et cela

 22   est valable pour vous également, vous avez exprimé le souhait de vouloir le

 23   saluer, il l'a entendu donc cela peut être considéré comme une salutation.

 24   En règle générale, il n'est pas prévu qu'un témoin puisse saluer

 25   personnellement l'un ou l'autre des accusés. Mais cela fait partie du

 26   compte rendu d'audience. Maintenant, il l'a entendu. Donc, votre souhait,

 27   en quelque sorte, a été exaucé de cette façon.

 28   Je vous demanderais maintenant de bien vouloir suivre M. l'Huissier.

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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  2   [Le témoin se retire]

  3   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Mikulicic.

  5   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je me demande

  6   si le moment est opportun pour prendre une décision à propos des pièces

  7   D1826 et D1825 qui ont été enregistrés aux fins d'identification. Il s'agit

  8   de la déclaration et de la déclaration supplémentaire de M. Pejkovic.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 10   Nous allons dans un premier temps demander à M. Carrier s'il a quoi que ce

 11   soit à ajouter aux objections qui ont été déposées, est-ce que vous vous en

 12   tenez toujours à ces objections, Monsieur Carrier ? Vous souhaitez les

 13   retirer entièrement ou partiellement ?

 14   M. CARRIER : [interprétation] Non, nous nous tenons à nos objections au vu

 15   de la déposition. Vous vous souviendrez ce qu'il avait dit, il avait dit

 16   que c'était lui qui avait inséré les algorithmes, et cetera, et cetera,

 17   pour présenter et obtenir les chiffres. Alors, je reviens à la même

 18   objection. Il est difficile de mettre cela à l'épreuve et de savoir si tout

 19   cela est exact, et si surtout les chiffres produits sont exacts.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Carrier.

 21   Est-ce que l'une ou l'autre des parties souhaiterait ajouter quoi que ce

 22   soit dans le cadre de ce débat portant sur le versement au dossier de ces

 23   pièces ?

 24   M. KEHOE : [interprétation] Monsieur le Président, je dirais qu'à ce sujet

 25   je ne vois pas la différence entre le fait que ce monsieur venu ici ou que

 26   quelqu'un vienne ici et donne des chiffres qu'il prend d'un système, dans

 27   quelle mesure est-ce que cela est différent du système utilisé par le

 28   Procureur lorsqu'il nous présente des documents relatifs à des incendies

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  1   dans des villages indiqués par les observateurs des Nations Unies. En fait,

  2   ce que je dis, c'est que les chiffres qui ont été présentés par ce témoin

  3   sont beaucoup plus précis d'ailleurs.

  4   Je peux utiliser, à titre d'exemple, certaines des observations qui ont été

  5   faites, il s'agit de ce chiffre, de ce chiffre de 200 000 qui a été évoqué

  6   par M. Carrier qui vient d'un document des Nations Unies. Ce type de

  7   chiffres ont été utilisés de façon routinière en l'espèce. Et nous ne

  8   tenons pas les renseignements qui sous-tendent ces chiffres. Ce que

  9   j'avance, c'est que lorsque nous avons pu obtenir les éléments qui sous-

 10   tendent ce chiffre, nous avons des questions à poser justement à ce sujet.

 11   Ce monsieur est venu déposer et a tout simplement indiqué à la Chambre

 12   qu'il avait une liste de statistiques et de chiffres qu'il y avait compilé

 13   pendant une certaine période, donc à partir de l'année 1991 jusqu'à après

 14   l'an 2000, ni plus ni moins, donc. Et je pense que si nous n'acceptons pas

 15   ces chiffres tels qu'ils sont, alors que nous acceptons les chiffres

 16   présentés par le bureau du Procureur, cela me semble être deux poids, deux

 17   mesures, Monsieur le Président, et je ne pense pas que cela devrait être

 18   permis ou autorisé.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Kehoe.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui est de la déclaration 92 ter

 22   du témoin, la Chambre verse cette déclaration au dossier, à l'exception des

 23   paragraphes 18, 19 et 21. Cela est expliqué en partie par le fait que le

 24   témoin présentait son avis, et en partie expliqué par le fait que ce sont

 25   des questions qui ont déjà été avancés ou pris en considération lors de

 26   dépositions orales et la Chambre, donc, utilise son pouvoir discrétionnaire

 27   pour ne pas verser au dossier les paragraphes 18, 19 et 21.

 28   Pour ce qui est des statistiques, une objection aurait été avancée, à

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  1   savoir il faudrait pouvoir avoir des compétences d'expert et des

  2   connaissances d'expert pour présenter ce type de moyens de preuve. Mais la

  3   Chambre a remarqué, premièrement, que les statistiques se contentent tout

  4   simplement de reprendre les chiffres qui avaient été compilés, qu'ils

  5   soient exacts ou faux d'ailleurs, mais il s'agit tout simplement de

  6   chiffres donnés par le témoin, et ce sont des chiffres qui correspondent

  7   aux inscriptions, aux chiffres qui avaient été pris en considération.

  8   Pendant la déposition du témoin, nous avons quand même passé un certain

  9   temps à voir ce que représentait ces chiffres pour comprendre

 10   l'augmentation et la diminution de ces chiffres. Nous nous sommes demandés

 11   s'il s'agissait d'estimations, s'il s'agissait de 120 000  par opposition à

 12   200 000, ou sur quoi ces chiffres s'appuient véritablement. Mais le fait

 13   est qu'il s'agit de la façon dont ces chiffres étaient compilés.

 14   La Chambre a remarqué qu'il n'y a pas eu d'analyse statistique complexe

 15   faite à partir de ces chiffres; il n'y a pas eu corrélation; donc, il n'y a

 16   pas eu de problèmes de corrélation ou cela n'a pas été pris en compte, en

 17   tout cas. Il n'y a pas eu d'analyse effectuée pour pouvoir justement

 18   établir ces corrélations, il s'agit tout simplement d'informations de base,

 19   en fait. Et le témoin a fourni des explications à ce sujet. Et au vu des

 20   explications du témoin, la Chambre considère que ces paragraphes - et

 21   d'ailleurs, il s'agissait des paragraphes pour lesquels l'Accusation avait

 22   versé ou présenté des objections - nous considérons donc que ces

 23   paragraphes peuvent maintenant être versés au dossier.

 24   Pour ce qui est de la fiche d'informations supplémentaires, vous n'aviez

 25   pas d'objection précise à ce sujet, Monsieur Carrier, n'est-ce pas ?

 26   M. CARRIER : [interprétation] Non.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, la fiche d'informations

 28   supplémentaires peut être versé au dossier.

Page 25235

  1   Monsieur le Greffier, est-ce que vous pourriez attribuer une cote à cette

  2   déclaration 92 ter -- non, je vois qu'il y a déjà des cotes qui ont été

  3   attribués à cette déclaration, à ces deux déclarations. Vous pourriez les

  4   répéter.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Je pense que la déclaration 92 ter a

  6   comme cote D1825, enregistrée aux fins d'identification, et la cote D1826 a

  7   été attribuée à la fiche de renseignements supplémentaires.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. La pièce D1826 est versée au

  9   dossier. La pièce D1825 est versée au dossier, à l'exception des

 10   paragraphes 18, 19 et 21. Et nous demandons à la Défense de M. Markac de

 11   saisir dans le prétoire une version de cette déclaration avec expurgation

 12   des paragraphes 18, 19 et 21.

 13   M. MIKULICIC : [interprétation] C'est ce que nous ferons, Monsieur le

 14   Président.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Mikulicic.

 16   Je ne pense pas que nous ayons encore quoi que ce soit à nous dire à

 17   propos du Témoin Pejkovic.

 18   Etes-vous prêt à faire entrer votre témoin suivant, Maître Mikulicic ?

 19   M. MIKULICIC : [interprétation] Cela sera du ressort de Me Kuzmanovic, donc

 20   je vais lui laisser ma place.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

 22   Maître Kuzmanovic, qui sera votre prochain témoin ?

 23   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour. C'est encore le matin, à trois

 25   minutes près.

 26   Monsieur Pavlovic ?

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] Pavlovic.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Monsieur Pavlovic, le Règlement

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  1   stipule que vous devez prononcer une déclaration solennelle avant de

  2   commencer à déposer. Je vous invite maintenant à prononcer cette

  3   déclaration solennelle dont le texte vous est donné par M. l'Huissier.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

  5   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

  6   LE TÉMOIN : DAVORIN PAVLOVIC [Assermenté]

  7   [Le témoin répond par l'interprète]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez vous asseoir,

  9   Monsieur Pavlovic.

 10   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Pavlovic, vous allez tout

 12   d'abord être interrogé par Me Kuzmanovic, qui est le conseil qui représente

 13   les intérêts de M. Markac.

 14   C'est à vous, Maître Kuzmanovic.

 15   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je vous remercie. Avant de commencer,

 16   avant le début de cette séance, j'ai eu un échange avec M. Waespi, car je

 17   souhaite ajouter des documents à ma liste 65 ter. Il s'agit d'une carte,

 18   qui est le 3D06-0603, et un rapport, qui est le 3D04-1011.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que suite à cet échange il

 20   n'y a pas eu d'objection de votre part, Monsieur Waespi ?

 21   M. WAESPI : [interprétation] C'est tout à fait exact.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc on fait droit à votre demande. Vous

 23   pouvez ajouter ces deux documents à votre liste 65 ter.

 24   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci beaucoup.

 25   Je vais demander à l'Huissier -- avec votre autorisation, nous avons un

 26   classeur et nous avons la déclaration du témoin.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que l'on peut remettre le

 28   classeur au témoin, s'il vous plaît.

Page 25237

  1   Monsieur Pavlovic, vous êtes en droit de consulter ce classeur, mais

  2   vous n'êtes pas en droit de consulter d'autres documents. Donc attendez que

  3   l'on vous oriente vers un document et attendez, bien sûr, que votre

  4   déclaration vous soit remise.

  5   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci.

  6   Interrogatoire principal par M. Kuzmanovic : 

  7   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Pavlovic.

  8   R.  [aucune interprétation]

  9   Q.  Veuillez nous donner votre nom et prénom, s'il vous plaît.

 10   L'INTERPRÈTE : Est-ce que l'on peut demander au témoin de se rapprocher du

 11   microphone, s'il vous plaît.

 12   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

 13   Q.  Veuillez vous rapprocher du microphone, s'il vous plaît. Je vous

 14   remercie.

 15   Veuillez nous dire, s'il vous plaît, quel métier vous exercez actuellement.

 16   R.  Je suis à la retraite, mais je dirige également une agence chargée des

 17   questions de sécurité, je suis consultant, et une agence chargée des

 18   questions de renseignements.

 19   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, est-ce que nous

 20   pouvons avoir la pièce 3D04-1854 à l'écran, s'il vous plaît. La version

 21   anglaise est le 3D05-0644.

 22   Q.  Monsieur Pavlovic, à l'écran nous avons la déclaration de témoin que

 23   vous avez remise à la Défense du général Markac; est-ce exact ?

 24   R.  Oui, c'est exact.

 25   Q.  Vous disposez d'une copie papier de ce document que vous avez sous les

 26   yeux actuellement; c'est exact ?

 27   R.  Oui, c'est exact.

 28   Q.  Monsieur Pavlovic, vous souvenez-vous avoir donné une déclaration à la

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  1   Défense de M. Markac datée du 11 mai 2009 ?

  2   R.  Oui, effectivement.

  3   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je souhaite que nous nous tournions vers

  4   la dernière page de ce document, s'il vous plaît.

  5   Q.  Monsieur Pavlovic, sur la dernière page de votre déclaration, qui se

  6   trouve à la page 7, on voit votre signature ici en bas du document ?

  7   R.  Oui, effectivement.

  8   Q.  Et vous souvenez-vous avoir été auditionné le 11 mai 2009 ?

  9   R.  Oui, effectivement.

 10   Q.  Avez-vous eu l'occasion de revoir votre déclaration que nous avons à

 11   l'écran avant de venir témoigner aujourd'hui ?

 12   R.  Oui, effectivement.

 13   Q.  Est-ce que cette déclaration reflète de façon exacte vos propos et ce

 14   que vous avez dit aux membres de la Défense Markac ?

 15   R.  Oui, tout à fait.

 16   Q.  A l'époque où vous avez fait cette déclaration, Monsieur Pavlovic,

 17   l'avez-vous faite conformément à la vérité et conformément à ce que vous

 18   saviez ?

 19   R.  L'ensemble de la déclaration a été fait conformément à mes souvenirs et

 20   correspond à la vérité.

 21   Q.  Si je voulais vous poser les mêmes questions aujourd'hui, avant que

 22   vous ne signiez cette déclaration qui se trouve à l'écran, est-ce que vous

 23   fourniriez les mêmes réponses aux Juges de la Chambre aujourd'hui, mêmes

 24   réponses que vous avez données lors de cet entretien qui a abouti à cette

 25   déclaration ?

 26   R.  Oui, je donnerais les mêmes réponses.

 27   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

 28   versement au dossier de ce document, s'il vous plaît.

Page 25239

  1   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objections.

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, s'il vous plaît.

  3   M. LE GREFFIER : [interprétation] Madame, Messieurs les Juges, ce sera la

  4   pièce D1830.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1830 est versée au dossier. Je

  6   vous remercie.

  7   Veuillez poursuivre.

  8   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  9   Q.  Monsieur Pavlovic, au paragraphe 2 de votre déclaration, vous parlez de

 10   vos travaux au sein du ministère de l'Intérieur de la République de

 11   Croatie. Veuillez dire aux Juges de la Chambre quand vous avez commencé à

 12   travailler pour le ministère de l'Intérieur et quel genre de poste vous

 13   occupiez.

 14   R.  J'ai commencé à travailler avec l'ancien secrétariat chargé des

 15   Affaires intérieures au niveau de la république en 1977 dans les services

 16   chargés des communications. Je travaillais dans le domaine des

 17   télécommunications et des réseaux informatiques. Je m'occupais des réseaux

 18   informatiques de l'ancien secrétariat de l'Intérieur, qui correspond au

 19   ministère de l'Intérieur de Croatie d'aujourd'hui. Est-ce que vous

 20   souhaitez que je poursuive ?

 21   Q.  Non, ceci me suffit pour l'instant, mais je vais développer ceci plus

 22   avant avec d'autres questions. Quand et comment avez-vous commencé à

 23   travailler avec la police spéciale ?

 24   R.  Au début de l'année 1990, on m'a nommé chef à la tête d'un secrétariat

 25   chargé des communications spéciales; et à partir du premier jour de la

 26   création de la police spéciale, j'étais le commandant adjoint de la police

 27   chargée des questions de communications et de transmissions. Par la suite,

 28   je me suis également occupé de l'ensemble des équipements et matériels

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  1   utilisés lors des opérations.

  2   Q.  Combien de temps avez-vous travaillé pour la police spéciale ? Vous

  3   dites que vous avez pris votre retraite. Vous avez pris votre retraite de

  4   la police spéciale ou du ministère de l'Intérieur ?

  5   R.  C'est exact. Je suis parti à la retraite en l'an 2000, et j'ai quitté

  6   le ministère de l'Intérieur.

  7   Q.  Entre l'an 2000 et aujourd'hui, pouvez-vous décrire la nature des

  8   travaux que vous avez effectués.

  9   R.  Au cours des deux premières années, j'ai travaillé tout en étant à la

 10   retraite, par la suite, j'ai commencé à travailler pour cette société que

 11   j'ai citée qui s'occupe de bureautique et d'éléments d'informations liés à

 12   des questions de sécurité.

 13   Q.  Ce poste que vous occupez en Croatie, est-ce que cela vous oblige à

 14   voyage beaucoup ?

 15   R.  Je me trouve la plupart du temps en Croatie, mais j'assiste à

 16   différents congrès et séminaires de formation dans toute l'Europe et en

 17   Amérique du nord.

 18   Q.  Monsieur Pavlovic, lorsque vous avez travaillé au sein de la police

 19   spéciale, vous avez eu l'occasion de travailler avec M. Markac pendant un

 20   certain temps, n'est-ce pas ?

 21   R.  Oui. Et lorsqu'il s'agissait de planifier une opération, j'étais en

 22   contact permanent avec le général Markac.

 23   Q.  Je souhaite maintenant aborder avec vous, et ce, de façon générale,

 24   certains des éléments que vous abordez aux paragraphes 19 à 22 qui portent

 25   sur votre fonction au sein du service des communications. Votre surnom est

 26   Antenne, n'est-ce pas ?

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Ceci correspond au rôle que vous avez joué ?

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  1   R.  Eh bien, c'est le général Markac qui m'a surnommé ainsi, parce que

  2   j'avais toujours deux ou trois postes radio comportant des antennes. Il y

  3   en avait un qui comportait une antenne assez longue, et c'est à ce moment-

  4   là qu'il m'a donné ce surnom-là.

  5   Q.  De façon générale, pourriez-vous nous décrire, de façon moins détaillée

  6   qu'aux paragraphes 19 à 22 dont disposent les Juges de la Chambre,

  7   pourriez-vous nous dire de quel type de transmissions vous vous occupiez

  8   avant le début de l'opération Tempête au sein de la police spéciale ?

  9   R.  Je m'occupais du système de transmissions. C'était la composante

 10   essentielle en matière de transmissions entre le commandant de l'opération

 11   et les soldats, parce que la sécurité des soldats en dépendait, et leur

 12   capacité à pouvoir faire un retour d'informations pour dire quelle était

 13   leur position, s'ils avaient besoin de rapports, s'ils étaient blessés,

 14   s'ils avaient besoin d'aide au sens général du terme, et indiquaient

 15   quelles étaient leurs positions ainsi que l'intervention éventuelle de

 16   différentes unités, de l'artillerie, et cetera.

 17   Donc pour garantir cela, il nous était important d'assurer les

 18   transmissions radio. Et c'était un système analogique que nous utilisions,

 19   ce qui signifiait que l'ennemi pouvait écouter nos conversations. Il

 20   fallait mettre en place un moyen de communication sûr, que l'ennemi ne

 21   pouvait pas écouter. Donc il fallait utiliser différents noms de code afin

 22   de protéger les communications entre l'état-major principal, le commandant,

 23   les commandants des différents axes, et cetera, et toute personne qui

 24   intervenait dans cette opération.

 25   Q.  Donc avant l'opération Tempête, où étiez-vous, Monsieur Pavlovic ?

 26   R.  Nous étions au quartier général qui avait été mis en place à Selina,

 27   près de Zadar.

 28   Q.  Et vous aviez également un système de communications en et autour de

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  1   Velebit ?

  2   R.  Oui, c'est exact. Nous avions un poste. Un des commandements avancés à

  3   Veliki Golic, sur le mont Velebit.

  4   Q.  Pourriez-vous nous dire quelles étaient les conditions qui prévalaient

  5   à Veliki Golic.

  6   R.  A Veliki Golic, les conditions étaient telles -- mais je ne sais pas si

  7   vous êtes au courant, il n'y avait pas d'électricité, pas d'eau. Il y avait

  8   une caserne de fortune, ou plutôt je devrais dire un abri de fortune dans

  9   lequel nous avions installé un certain nombre des transmissions radio entre

 10   le quartier général à Seline et le poste de commandement avancé. Nous

 11   disposions d'un système de télécopie, et nous nous servions de groupes

 12   électrogènes. Ces groupes électrogènes nous fournissaient l'électricité

 13   nécessaire.

 14   Q.  Pour ce qui est de Velebit, ceci se trouvait à quelle hauteur, et où se

 15   trouvait le poste de commandement avancé ?

 16   R.  Je ne sais pas exactement, mais c'était au-dessus de 1 000 mètres; je

 17   crois que c'était à 1 300 mètres au-dessus du niveau de la mer, mais je ne

 18   peux pas vous dire exactement.

 19   Q.  Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre, pas seulement au cours

 20   de l'opération Tempête, mais également pour la période qui a suivi, quelle

 21   incidence le relief a eu sur votre système de transmissions et sur le

 22   terrain dans lequel évoluait la police spéciale.

 23   R.  Le terrain était un terrain où il y avait un certain nombre de collines

 24   et de forêts assez denses. Il y avait des gorges. C'était en général

 25   accidenté, et c'était difficile de se déplacer. C'était assez accidenté. Il

 26   était difficile de se déplacer à pied.

 27   Q.  Et comment ceci aurait-il pu entraver votre capacité à communiquer ?

 28   R.  Eh bien, c'était très difficile parce que nous devions garantir la

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  1   transmission même lorsque nous nous retrouvions dans les forêts assez

  2   denses et lorsque les forces se trouvaient dans des gorges profondes. Il

  3   fallait être sûr que ces transmissions puissent être assurées.

  4   Q.  Donc le commandement de M. Markac était en contact avec l'état-major

  5   général de l'armée croate avant et après l'opération Tempête; c'est exact ?

  6   R.  Oui, c'est exact.

  7   Q.  Comment le quartier général était -- le quartier de l'état-major

  8   principal se trouvait Zagreb; c'est exact ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Comment pouvait-on communiquer avec l'état-major général à Zagreb ?

 11   Est-ce qu'il faut être au quartier général ou est-ce qu'on peut être sur le

 12   terrain pour pouvoir parler à Zagreb ?

 13   R.  Il fallait être au quartier général pour pouvoir communiquer, parce que

 14   c'étaient des lignes de téléphone fixes qui utilisaient un système de

 15   transmissions protégée. Et l'autre moyen de communication c'était en

 16   utilisant un modem qui permettait d'établir la communication par le biais

 17   de ce lien information.

 18   Q.  Monsieur Pavlovic, je souhaite maintenant vous demander de passer en

 19   revue vos activités allant de la fin du mois de juillet 1995 environ

 20   jusqu'au début de l'opération Tempête.

 21   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher le

 22   document D543, s'il vous plait.

 23   Q.  L'intercalaire numéro 3 [comme interprété] dans votre classeur vert.

 24   Veuillez l'ouvrir, s'il vous plaît. Monsieur Pavlovic, le D543 est daté du

 25   29 juillet 1995. Il s'agit d'un ordre de l'état-major principal de l'armée

 26   croate envoyé au général Markac. Il évoque, pour l'essentiel, le rôle que

 27   jouera la police spéciale au niveau de l'opération Tempête, n'est-ce pas ?

 28   R.  Oui.

Page 25244

  1   Q.  Dans la partie explicative de cet ordre, sous l'intitulé "ordre," les

  2   quatre objectifs essentiels de ces forces spéciales du MUP sont énumérés;

  3   est-ce exact ?

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.

  5   M. WAESPI : [interprétation] Est-ce que l'on peut tout d'abord reposer le

  6   fondement avant de poser cette question au témoin.

  7   M. KUZMANOVIC : [interprétation] 

  8   Q.  Monsieur Pavlovic, vous étiez au courant, n'est-ce pas, de cet ordre et

  9   du contenu de cet ordre ?

 10   R.  Oui, c'est exact.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.

 12   M. WAESPI : [interprétation] En fait, c'est tout à fait une question

 13   directrice. Je crois que l'on pourrait lui demander : aviez-vous vu ce

 14   document à l'époque ? Où l'avez-vous vu ? Je vois que son nom ne figure pas

 15   sur la liste des destinataires.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Depuis quand avez-vous eu connaissance

 17   de ce document, Monsieur Pavlovic ?

 18   LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est de la teneur de ce document,

 19   j'en ai pris connaissance le 31 à Stari Grad, ou plutôt, le 30 janvier,

 20   lorsque M. Sacic a informé tous les commandants du plan d'action.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais essayer de comprendre. Autrement

 22   dit, vous n'avez pas vu le document à l'époque, mais vous avez été informé

 23   de sa teneur; c'est exact ?

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Kuzmanovic.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

 27   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 28   Le compte rendu d'audience indique la date du 30 janvier.

Page 25245

  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela devrait être le mois de juillet,

  2   alors.

  3   Veuillez poursuivre.

  4   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est vrai que nous n'avons pas

  6   facilité la tâche de la sténotypiste aujourd'hui. Donc ceci est une erreur

  7   tout à fait mineure. Veuillez poursuivre.

  8   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

  9   Q.  Monsieur Pavlovic, on vous a informé des quatre responsabilités

 10   essentielles qui étaient celles de la police spéciale, en tout cas à

 11   l'origine, au début de l'opération Tempête puisque ceci est énuméré dans ce

 12   document D543 ?

 13   R.  Oui, nous avons été informés de cela. Nous avions cette mission qui

 14   avait été confiée à la police spéciale. Et dans ce document, nous voyons

 15   que ces missions-là sont celles que l'on nous a demandé de remplir.

 16   Q.  En fait, le principal objectif de ces quatre points ici était la tour

 17   de transmissions à Celavac. Pouvez-vous nous expliquer le sens de cette

 18   cible, s'il vous plaît.

 19   R.  Celavac était un bastion de communications d'ennemi à partir duquel ils

 20   pouvaient intercepter nos conversations. Et très souvent lorsque nous

 21   étions à Velebit, ils brouillaient nos communications. Sur un plan

 22   stratégique, c'est une position d'où on pouvait observer l'ensemble du

 23   secteur. C'est une des raisons pour lesquelles on nous a demandé de prendre

 24   le contrôle du système de transmissions du relais radio installé à cet

 25   endroit dès que possible parce qu'ils étaient en mesure de brouiller nos

 26   communications à partir de là.

 27   Q.  Pourriez-vous expliquer l'incidence qu'a eue la neutralisation de ce

 28   système de transmissions pour l'ARSK et les forces serbes ?

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  1   R.  Les forces de la Krajina serbe ont utilisé ceci pour leurs propres

  2   communications dans le secteur, et ainsi, pouvaient couvrir l'ensemble du

  3   secteur de Gracac et Obrovac puisque leur système de transmissions

  4   fonctionnait bien et c'était un système de communications qui était tout à

  5   fait sûr. Pour eux, cette installation était très importante, cruciale, et

  6   c'est la raison pour laquelle il nous a confié cette mission-là. Il nous a

  7   indiqué qu'il y avait une résistance très forte qui pourrait nous être

  8   opposée et que nous pourrions rencontrer cette résistance sur ce point

  9   d'élévation.

 10   Q.  Quelle a été l'incidence de tout ceci sur l'ARSK et comment ont-ils pu

 11   communiquer par la suite, après que ce poste de relais à Celavac ait été

 12   pris ? Quelle a été l'incidence de tout ceci ?

 13   R.  L'attaque de Celavac signifiait que leurs hommes chargés de la

 14   transmission et leur système de transmissions devaient être retirés. Après

 15   quoi, ils n'étaient plus en mesure de communiquer de façon sûre. Ils

 16   devaient, à ce moment-là, utiliser le système simplex, qui est un système

 17   très limité en termes de couverture et de zone. Ce qui signifie qu'ils ne

 18   pouvaient communiquer qu'avec une portée limitée lorsque la portée se

 19   trouvait dans leur champ visuel.

 20   Q.  Monsieur Pavlovic, revenons au 30 juillet, lorsque vous avez indiqué --

 21   vous avez dit dans votre témoignage que vous avez été informé de

 22   l'opération et du moment où cette dernière devait avoir lieu. Quel genre

 23   d'échanges avez-vous eus ? Quelles consignes vous a-t-on données à ce

 24   moment-là sur ce que vos officiers et vous-même deviez faire, ainsi que les

 25   soldats pour vous préparer correctement ?

 26   R.  Je ne crois pas que c'était le 30; c'était, en réalité, le 31 juillet.

 27   Tous les commandants étaient informés des modalités de l'opération. Le

 28   commandant Sacic et moi-même, quelques jours avant cela, avons mis en place

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  1   un système de transmissions qui devait servir à l'opération. Nous avons mis

  2   en place un plan de communication qui était destiné à tous les participants

  3   à cette opération et nous avons également préparé un plan permettant de

  4   déployer les répéteurs mobiles et fixes afin d'assurer un système de

  5   transmissions radio de bonne qualité. A cette réunion-là, nous avons

  6   informé tous les commandants de l'annuaire radio qui était mis à leur

  7   disposition et qui comportait tous les noms de codes. Donc il y avait des

  8   documents encodés comme les dispositifs de conversations ou des noms de

  9   codes pour permettre de lire les cartes.

 10   Q.  Quelles consignes, pour autant qu'il y ait eu des consignes, y a-t-il

 11   eues eu égard au traitement des non-combattants ou autres personnes que

 12   vous pourriez rencontrer le long de l'axe de cette attaque ?

 13   R.  Si vous me le permettez, je vais vous expliquer brièvement comment le

 14   commandant Sacic nous a informés de l'ensemble de cette opération. Il nous

 15   a parlé des différents axes sur lesquels nous devions intervenir, comment

 16   nous devions assurer la sécurité des flancs droit et gauche, quels types de

 17   personnes du côté de l'armée croate sur notre gauche et sur notre droite

 18   que nous allions les rencontrer. Et on nous a expliqué quelle procédure il

 19   fallait appliquer dans ce cas si, par exemple, nous capturions des

 20   prisonniers, si nous rencontrions des civils, et cetera, ce genre de

 21   choses.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Pavlovic, je vais vous demander

 23   de concentrer vos réponses aux questions posées, parce que vous nous avez

 24   expliqué quels types de consignes vous aviez reçues, mais la question a

 25   porté très précisément sur les consignes, pour autant qu'il y ait eu des

 26   consignes, sur la manière de traiter les civils. Veuillez répondre à cette

 27   question-là, s'il vous plaît.

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Oui. Si nous

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  1   rencontrions des civils, ces civils devaient être signalés à la police,

  2   aller au poste de police afin d'être hébergés, de recevoir de l'eau et de

  3   la nourriture.

  4   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

  5   Q.  Que vous a-t-on dit à propos du traitement des non- combattants --

  6   pardonnez-moi, que vous entendez à propos du traitement des combattants

  7   lors des consignes que l'on vous a données dans le cas où vous rencontriez

  8   de telles personnes ?

  9   R.  Dans le cas où nous rencontrions des soldats ennemis, on nous avait

 10   indiqué qu'il fallait les désarmer. Cela dépendait de leur nombre. Il

 11   fallait laisser suffisamment de personnes près d'eux pour monter la garde

 12   et appeler la police qui s'en chargerait par la suite.

 13   Q.  Monsieur Pavlovic, était-ce la première fois que vous, ou toute

 14   personne avec laquelle vous vous trouviez lors de cette séance

 15   d'information, avez reçu des consignes sur la façon de traiter les non-

 16   combattants ou les combattants ? Etait-ce la première fois que vous avez

 17   reçu ce genre d'information ?

 18   R.  Lors de toutes les opérations précédentes, on nous tenait toujours

 19   informés de la façon dont nous devions capturer les prisonniers et à qui

 20   les remettre. Donc ce n'était pas la première fois que nous entendions

 21   parler de ce genre de choses, et c'était la même chose que l'on nous

 22   répétait sans cesse, à savoir comment nous devions nous comporter.

 23   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je crois que le moment est venu pour faire

 24   la pause.

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Kuzmanovic.

 26   Nous allons faire une pause et reprendre à 1 heure moins dix.

 27   --- L'audience est suspendue à 12 heures 30.

 28   --- L'audience est reprise à 12 heures 54.

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kuzmanovic, veuillez

  2   poursuivre. Et essayez de finir cinq minutes avant la fin, donc à 1 heure

  3   40, puisque je voudrais aborder une question de procédure.

  4   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président,

  5   je vais le faire.

  6   Q.  Monsieur Pavlovic, j'ai voulu vous poser une question avant de parler

  7   de ce que vous avez fait pendant l'opération Tempête. J'ai voulu vous poser

  8   une question au sujet du nombre des personnes qui ont travaillé pour vous.

  9   Pourriez-vous préciser ce chiffre, s'il vous plaît.

 10   R.  Directement, j'avais à peu près 60 personnes sous mes ordres sur le

 11   terrain.

 12   Q.  Est-ce que là il s'agissait d'un groupe composé exclusivement de

 13   Croates ou est-ce qu'il y a des personnes appartenant à un autre groupe

 14   ethnique ?

 15   R.  En ce qui concerne mon secteur, et sur le terrain d'ailleurs, je peux

 16   dire que j'avais des éléments mixtes. J'avais au cours de l'action, cinq

 17   Serbes, un Macédonien, et même un Slovaque. Donc il n'y avait pas que des

 18   Croates.

 19   Q.  Monsieur Pavlovic, veuillez examiner l'ordre D543, la première partie

 20   de cet ordre où on dit qu'il s'agit de "couper la route entre Gospic et

 21   Gracac au niveau de Sveti Rok et Stikada." Que se trouvait-il à Stikada à

 22   l'époque ?

 23   R.  A Stikada, il y avait la base de l'ONU.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez répéter, s'il vous plaît,

 25   quelle était cette base qui se trouvait à Stikada.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] C'était la base de l'ONU, avec le Bataillon

 27   jordanien.

 28   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

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  1   Q.  Pouvez-vous expliquer aux Juges à quelle distance Stikada se trouvait

  2   par rapport à Gracac.

  3   R.  A peu près à 20 kilomètres de Gracac, si je ne m'abuse.

  4   Q.  Le premier jour de l'opération Tempête, il est exact, n'est-ce pas, que

  5   vous êtes passé par plusieurs villes qui étaient sur votre chemin. Il y

  6   avait Lovinac, Sveti Rok, Ricise. Veuillez décrire aux Juges ce que vous

  7   avez vu en entrant dans ces villes, en passant par ces villes ?

  8   R.  J'interviens avec une petite correction. Le premier jour, nous étions à

  9   Seline. Ensuite, nous avons quitté Seline, nous sommes arrivés à Sveti Rok,

 10   et ensuite, nous sommes arrivés à Lovinac. A Lovinac, nous avons entendu le

 11   ministre des Affaires intérieurs, M. Jarnjak, et dans ce village, qui a été

 12   un village croate avant la guerre et qui a été complètement détruit, tout

 13   ce qui restait, c'était la cheminée d'une maison détruite. C'est là que

 14   nous avons écrit "poste de police," et ensuite, nous nous sommes dirigés en

 15   direction de Gracac.

 16   En passant par Sveti Rok, Lovinac et Vesica par la suite, nous avons

 17   pu observer que toutes les maisons ont été détruites. C'était les maisons

 18   qui se trouvaient dans des villages croates.

 19   Q.  Au fur et à mesure que vous descendiez en passant par Gracac, est-ce

 20   que vous pouvez nous dire quelle était la situation en ce qui concerne la

 21   population sur le terrain, est-ce que c'est une zone densément peuplée ou

 22   non ?

 23   R.  Non, il n'y a pas beaucoup de gens qui vivent là-bas. Et sur le chemin

 24   jusqu'à Gracac, vous n'avez pratiquement aucun village important sur la

 25   route, donc.

 26    Q.  Avant de parler de ce que vous avez vu en entrant à Gracac, pouvez-

 27   vous, Monsieur Pavlovic, décrire de façon générale la situation avant et

 28   après l'opération Tempête, enfin de nous dire quelle était vraiment la

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  1   situation par rapport à la police spéciale; autrement dit, si pendant cette

  2   période, cette police avait quelques responsabilités territoriales ?

  3   R.  Non. La tâche de la police spéciale était de progresser rapidement, en

  4   agissant rapidement, d'aller de l'avant, de casser l'ennemi devant ses

  5   troupes et de poursuivre l'action. Derrière nous suit la police de base,

  6   qui s'occupe des missions de la police, des tâches de la police, à savoir

  7   la sécurité du terrain, la protection de la criminalité, les enquêtes sur

  8   les crimes commis, et cetera. Donc, tout cela ne relève pas de la

  9   responsabilité de la police spéciale.

 10   Q.  Autrement dit, en ce qui concerne les districts militaires de Gospic et

 11   de Split, la police spéciale ne disposait pas d'un territoire spécifique

 12   dont elle était responsable, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui, vous avez tout à fait raison.

 14   Q.  Monsieur Pavlovic, qui était donc responsable des communications,

 15   pourriez-vous nous décrire si vous ou vos subordonnés, si vous étiez de

 16   façon générale devant au niveau du front pour essayer d'établir les

 17   communications en amont du terrain, en amont de votre axe d'activité ?

 18   R.  Différentes personnes qui travaillaient au niveau des communications

 19   disposaient effectivement de véhicules mobiles et de différents

 20   transmetteurs mobiles, et donc, ils marchaient avant les troupes ou bien

 21   les suivaient pour essayer de faire fonctionner le système. Très souvent,

 22   on était même devant la ligne de front pour faire en sorte que la

 23   communication au niveau des unités spéciales soit correcte.

 24   Q.  Monsieur Pavlovic, avant de parler de Gracac, pourriez-vous décrire si

 25   vous avez eu des réunions avant, des réunions d'information avant

 26   l'opération Tempête et, le cas échéant, quelles sont les informations que

 27   vous avez reçues au sujet de l'opération Tempête ? Donc, ce qui nous

 28   intéresse surtout, c'est une résistance éventuelle face à l'opération.

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  1   R.  D'après les informations qui nous sont arrivées de l'état-major

  2   principal, les informations que l'on avait sur le terrain, on pouvait en

  3   arriver à la conclusion qu'on avait devant nous les forces de l'ennemi, qui

  4   étaient assez puissantes. Et donc, le 31, nous avons tenu une réunion avec

  5   les commandants des unités spéciales, mais mis à part cela, le général

  6   Markac, moi-même, l'adjoint chargé du contrôle intérieur, Soljic et deux

  7   autres personnes, nous nous sommes dirigés de l'état-major principal vers

  8   Veliki Golic, où se trouvait le poste de commandement avancé, et c'est là

  9   que le général Markac a expliqué aux commandants qu'il y avait cette

 10   possibilité qu'il y ait une résistance assez forte et, à nouveau, leur a-t-

 11   il donné ses instructions quant au traitement des civils et des prisonniers

 12   qu'on allait sans doute rencontrer en chemin faisant.

 13   Q.  Monsieur Pavlovic, dans votre déclaration dans le paragraphe 12, vous

 14   évoquez l'après-midi du 5 août 1995. Vous parlez du QG des opérations

 15   spéciales de la police, et vous avez dit que ceci a été créé à Gracac.

 16   Je vous demanderais d'examiner la pièce D550.

 17   En attendant cela, Monsieur Pavlovic, j'aurais dû vous le dire déjà,

 18   c'est quelque chose qui se trouve au niveau de l'intercalaire 17 de votre

 19   classeur. C'est quelque chose, un ordre qui date du 5 août 1995 qui vient

 20   du général Cervenko. Et à la page 2 de cet ordre, au niveau du point 3, du

 21   paragraphe 3.5, on peut lire :

 22   "Les unités spéciales du MUP reçoivent l'ordre de prendre le contrôle de

 23   Gracac."

 24   Est-ce que vous étiez au courant de cet ordre ?

 25   R.  Oui. Et d'ailleurs, nous l'avons reçu au niveau de notre QG à Seline,

 26   et il a été ensuite transmis à M. Sacic tel quel. C'est M. Markac qui lui a

 27   communiqué cela.

 28   Q.  Est-ce que vous pouvez nous dire ce que vous avez vu à Gracac, entre

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  1   autres, dans cette ville avant le 5 août ?

  2   R.  Le lendemain, nous sommes partis de Lovinac, et nous sommes partis en

  3   direction de Gracac. Avant d'entrer dans la ville, je pense qu'il y avait

  4   une maison qui était brûlée. Je ne sais pas qui a brûlé cette maison.

  5   Toujours est-il que la maison était en feu. Devant nous, la maison n'était

  6   pas incendiée. Il y avait des maisons qui avaient été endommagées, peut-

  7   être à cause du pilonnage, mais je n'en suis pas sûr. En entrant à Gracac,

  8   nous sommes passés à côté de ce qui était avant le poste de police, à

  9   l'époque où les Serbes étaient à Gracac, et nous avons poursuivi notre

 10   chemin jusqu'au centre du village et jusqu'au bâtiment du tribunal

 11   municipal, et c'est là que nous avons établi le nouveau QG d'où on devait

 12   commander l'action par la suite.

 13   Q.  Quand vous êtes arrivés à Gracac, pouvez-vous nous dire s'il y avait

 14   des véhicules abandonnés ou d'autres objets que vous avez pu éventuellement

 15   remarquer dans la ville ?

 16   R.  Dans le village, ou même autour du village, il y avait pas mal de

 17   véhicules civils. Il y en avait qui avaient les capots levés de leurs

 18   véhicules, et je suppose que ces véhicules ne fonctionnaient pas. Il y

 19   avait aussi des engins agricoles, des tracteurs. Et on est arrivé à la

 20   conclusion que soit ces véhicules ou ces engins ne fonctionnaient pas ou

 21   bien soit ils ont été abandonnés parce qu'ils n'avaient plus d'essence.

 22   Même sur la route, on a pu voir des véhicules abandonnés.

 23   Q.  Et qu'est-ce qui a été fait par rapport à ces voitures, ces véhicules ?

 24   R.  L'ordre était d'acheminer tous ces véhicules vers un endroit

 25   prédéterminé, et qui avait été donc prédéterminé justement pour rassembler

 26   de tels objets abandonnés.

 27   Q.  On nous a montré une photo de membres de la police spéciale dans un

 28   véhicule. Est-ce que la police faisait cela, à savoir entrer dans un

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  1   véhicule et ensuite essayer de déplacer le véhicule ?

  2   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.

  3   M. WAESPI : [interprétation] Là, c'est une question plus que directrice.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, en effet.

  5   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

  6   Q.  Qu'avez-vous pu remarquer, Monsieur Pavlovic, au sujet des membres de

  7   la police spéciale et leur comportement avec les véhicules abandonnés ?

  8   R.  On nous a dit qu'il fallait absolument déplacer un certain nombre de

  9   véhicules des axes de communication. Et donc, les membres de la police

 10   spéciale, ils ont réparé un certain nombre de véhicules pour que l'on

 11   puisse les utiliser, puisque nous manquions de véhicules, et on a donc

 12   confié à certaines unités ces véhicules trouvés sur le chemin, sur le

 13   territoire où il y avait des opérations. Parfois, il est arrivé que l'on

 14   inscrive le nom de l'unité sur un véhicule justement pour ne pas faire

 15   l'objet de tirs puisque c'étaient des véhicules sans plaques

 16   d'immatriculation. Donc, ils avaient écrit cela sur les véhicules pour être

 17   bien remarqués, pour que l'on voie bien à qui il appartenait et qui se

 18   trouvait à l'intérieur, donc.

 19   Q.  Monsieur Pavlovic, il existe une pièce à conviction - je ne vais pas

 20   vous la présenter, c'était 111 – où l'on dit qu'après l'arrivée de la

 21   police spéciale à Gracac, il existait une liberté, une certaine liberté de

 22   la circulation entre Gracac et Gospic. Pourriez-vous nous dire quelle était

 23   l'importance de cette ouverture en ce qui concerne la Croatie, en tout cas.

 24   R.  Je n'ai pas compris la question. De quelle partie de la route parlez-

 25   vous ?

 26   Q.  Je parle de la route qui relie Gracac à Gospic.

 27   R.  Le deuxième jour de l'opération, nous avons libéré cet axe Gospic-

 28   Gracac. Et déjà, le troisième jour, on pouvait communiquer librement entre

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  1   les deux villes. Donc, il n'y avait pas d'obstacles, cette route

  2   fonctionnait. Elle était libre pour la circulation.

  3   Q.  Et quelle était la distance qui séparait Gracac et Gospic, à peu près,

  4   exprimée en kilomètres ?

  5   R.  Je dirais une soixantaine de kilomètres.

  6   Q.  Après avoir, à Gracac --

  7   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Là, je vais demander que l'on examine la

  8   pièce D552, c'est l'intercalaire 21 --

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.

 10   M. WAESPI : [interprétation] Je vais demander au conseil de me fournir la

 11   référence de la page de la pièce P111 où l'on dit exactement qu'il y avait

 12   une certaine liberté de la circulation entre les deux villes.

 13   M. KUZMANOVIC : [interprétation] C'est la troisième page où vous pouvez

 14   lire :

 15   "L'équipe de l'UNMO de Gracac a fait son rapport en indiquant qu'ils

 16   disposaient d'une certaine liberté de la circulation entre Gracac et

 17   Gospic."

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Waespi.

 19   M. WAESPI : [interprétation] Mais ce n'est pas la même chose que d'accorder

 20   la liberté de la circulation à l'équipe des observateurs de l'ONU et que

 21   d'avoir les aspects de la situation universelle.

 22   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

 23   Q.  Monsieur Pavlovic, est-ce qu'il y a eu des restrictions de la

 24   circulation concernant un quelconque véhicule qui circulait entre cette

 25   route, la route qui relie Gracac à Gospic, après que la police spéciale a

 26   pris Gracac ?

 27   R.  Non, que je sache, il n'y a pas eu de restrictions. D'ailleurs, il n'y

 28   avait pas de points de contrôle sur la route.

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  1   Q.  Et d'après ce que vous savez, Monsieur Pavlovic, puisque vous avez

  2   travaillé au sein de la police spéciale, est-ce qu'à aucun moment, est-ce

  3   qu'il y a eu des empêchements à la liberté de la circulation des

  4   observateurs militaires de l'ONU et imposés par la police spéciale ?

  5   R.  D'après ce que je sais, il n'y a jamais eu d'ordre qui a été donné pour

  6   entraver le travail des représentants des Nations Unies ou des observateurs

  7   militaires des Nations Unies. Bien au contraire, d'ailleurs. Le deuxième

  8   soir, nous - lorsque je dis nous, j'entends M. Markac, M. Sacic, M. Cvrk,

  9   et moi-même - avons dîné avec le commandant du Bataillon jordanien dans

 10   leur base.

 11   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Est-ce que le document D552 pourrait être

 12   affiché à l'écran, je vous prie. Non, je m'excuse. Non, il avait déjà été

 13   affiché et moi, je ne l'avais pas sur mon écran. Je m'excuse.

 14   Q.  Monsieur Pavlovic, vous avez ce document, il se trouve à l'intercalaire

 15   20 de votre classeur, et dites-moi lorsque vous l'avez trouvé.

 16   R.  Ça y est, je l'ai trouvé.

 17   Q.  C'est un ordre qui porte la date du 6 août 1995, un ordre qui est donné

 18   à 10 heures. Alors, deuxième page de cet ordre, les unités spéciales du MUP

 19   reçoivent l'ordre de progresser et de continuer le long de l'axe Donji

 20   Lapac. Est-ce que c'est ce qui s'est passé ?

 21   R.  Oui.

 22   Q.  Puis, il y a un autre ordre qui fait l'objet de la pièce D322,

 23   intercalaire 19, même jour, 6 août 1995, à 21 heures, et dans cet ordre, il

 24   s'agit essentiellement de coordonner les attaques entre les districts

 25   militaires de Split, de Gospic, et les unités spéciales de la police

 26   spéciale afin - et c'est écrit au paragraphe premier - "afin d'assurer le

 27   contrôle de l'ensemble du territoire et d'arriver à la frontière de

 28   l'Etat."

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  1   Monsieur Pavlovic, est-ce que c'est ce qui s'est passé véritablement, est-

  2   ce que la police spéciale s'est rendue jusqu'à la frontière de l'Etat ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Est-ce que vous pourriez décrire à l'intention de la Chambre de

  5   première instance comment vous êtes allé de Gracac à Donji Lapac, et

  6   surtout ce que vous avez pu observer ou constater lorsque vous l'avez fait.

  7   R.  Avant le début de l'opération, j'ai donné un ordre aux employés du

  8   département de la communication pour qu'un poste de commandement avancé

  9   soit installé et érigé à Bruvno, qui se trouvait le long de l'axe vers

 10   Lapac et Mazin. Durant la nuit entre le 6 et le 7, ils se sont rendus là-

 11   bas et ils ont établi ce poste de communications. Le 7, nous sommes partis

 12   en direction de Bruvno. Lorsque M. Markac et M. Sacic ont conclu que nous

 13   pouvions encore poursuivre notre progression et que Mazin a été libéré,

 14   nous avons poursuivi notre chemin. Ce qui fait que nous n'avons jamais

 15   utilisé ce poste de commandement avancé.

 16   Sur un plateau juste en dessous de Mazin, nous avons utilisé plusieurs

 17   véhicules pour pouvoir établir un QG mobile, et nous l'avons fait pour

 18   avoir des communications, pour pouvoir observer surtout la progression des

 19   forces vers Mazin, et nous pourrions suivre cela sur la carte. Nous avons

 20   fait cela donc de façon tout à fait ouverte.

 21   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Il s'agit de Bruvno, B-r-u-v-n-o, pour ce

 22   qui est de la ligne 20 de la page 80. Merci.

 23   Q.  Alors, Monsieur Pavlovic, vous êtes arrivé à Mazin, donc Bruvno et

 24   Mazin se trouvent sur la route de Donji Lapac; c'est exact ?

 25   R.  Oui, Bruvno se trouve entre Gracac et Plitvice. A Bruvno, vous tournez

 26   à droite pour arriver à Mazin. Lorsque vous passez par Mazin, on arrive

 27   dans un premier temps à Gornji Lapac et puis ensuite à Donji Lapac.

 28   Q.  Avant d'arriver à Gornji et à Donji Lapac, est-ce qu'il y a un endroit

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  1   qui s'appelle Dobro Selo ? Est-ce que vous êtes passé par cet endroit ?

  2   R.  Sur le plateau de Mazin, nous sommes restés au niveau de ce plateau

  3   jusqu'à midi. A la suite de quoi, nous avons suivi les combattants qui

  4   avaient pris une avance par rapport à nous, qui sont arrivés à Mazin. Et

  5   puis ensuite, nous avons suivi la route jusqu'à Lapac, la route bitumée ou

  6   goudronnée. Nous sommes arrivés à Dobro Selo. Il s'agit d'un col de

  7   montagne juste avant que l'on atteigne la route qui va vers Lapac et vers

  8   Srb.

  9   Q.  Mais vous avez eu la possibilité, n'est-ce pas -- ou plutôt, le long de

 10   cette route, vous avez perdu deux membres de l'unité de communication,

 11   n'est-ce pas ?

 12   R.  Oui, mais pas à ce moment-là. Si vous m'y autorisez, je vais vous

 13   fournir une explication. Nous étions en train de progresser vers Donji

 14   Lapac. Nous nous sommes arrêtés à Dobro Selo parce que les combattants qui

 15   étaient à l'avant parmi nous, nous ont indiqué qu'il y avait une colonne

 16   importante de civils qui se trouvait entre Lapac et Martin Brod. Ils

 17   supposaient également qu'il y avait des combattants ennemis parmi cette

 18   colonne. Puis, par ailleurs, nous avons également remarqué qu'il y avait

 19   une autre colonne qui se déplaçait de Srb vers Martin Brod, une colonne de

 20   civils et de combattants ennemis. Donc nous nous étions situés sur une

 21   élévation, nous pouvions voir les deux colonnes. Le général Markac a donné

 22   l'ordre de s'arrêter pour que la colonne de Lapac puisse aller vers Martin

 23   Brod et vers la frontière. Il faut savoir que dans la colonne qui se

 24   déplaçait vers Srb, il y avait également des armes lourdes et des chars.

 25   Lorsqu'ils nous ont remarqués, la colonne s'est arrêtée, ils ont pointé

 26   leurs fusils vers nous.

 27   Le général Markac a alors donné l'ordre de ne rien faire, de ne pas diriger

 28   nos fusils vers eux et de ne pas bouger. Et bien que nous ne puissions pas

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  1   de toute façon faire grand-chose, nous n'avions que quelques véhicules de

  2   combat blindés avec des mitrailleuses et un ou deux mortiers, c'est tout.

  3   Enfin, peu importe, le fait est qu'on nous a donné l'ordre de ne pas ouvrir

  4   le feu sur l'ennemi, mais nous leur avons donné la possibilité de se placer

  5   hors de notre portée de fusil.

  6   Lorsque la colonne de civils et des soldats ennemis venant de Lapac est

  7   passée par le carrefour vers lequel nous nous dirigions, nous avons

  8   poursuivi notre déplacement vers Lapac. Il y a deux membres de notre

  9   personnel qui sont restés à Mazin pour pouvoir justement assurer que les

 10   communications et les transmissions se poursuivent. Ils nous ont suivi le

 11   soir. Après être arrivés au carrefour, lorsque vous tournez vers la gauche,

 12   vous vous rendez à Lapac, et vers la droite, vous allez à Srb. Au

 13   carrefour, ils se sont trompés et ils ont tourné vers Srb. Et ils sont

 14   entrés dans la colonne qui se dirigeait de Srb et vers Martin Brod, qui se

 15   trouvait toujours là, cette colonne. D'après mes informations, ils ont

 16   conduit avec la colonne pendant un certain temps, et puis ils ont fini par

 17   être détectés par les soldats ennemis parce qu'ils avaient un véhicule, un

 18   4x4, un Puch, et ce n'était pas un véhicule dont disposait l'ennemi. Donc

 19   ils ont été capturés et emmenés vers un camp de la Republika Srpska.

 20   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Greffier, est-ce que vous

 21   pourriez, je vous prie, afficher la pièce 3D04-1011.

 22   Q.  Avant que ce document soit affiché, Monsieur Pavlovic, il s'agit de

 23   l'intercalaire 25. Le 7 août, vous-même, ainsi que la police spéciale, êtes

 24   entrés dans Donji Lapac; est-ce bien exact ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Monsieur Pavlovic, se trouve affichée sur votre écran une lettre du

 27   général Markac. Il semblerait toutefois que cela vient du QG de Seline.

 28   Vous voyez que la date est la date du 9, et c'est illisible d'ailleurs,

Page 25261

  1   1995. Et vous voyez que cette lettre a trait aux membres de votre personnel

  2   de communication qui était porté disparu, n'est-ce pas ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Et la lettre, nous pouvons supposer qu'il s'agit du 7 août 1995, n'est-

  5   ce pas ?

  6   R.  Oui, oui, c'est exact. Nous avons envoyé la lettre le 9, en fait, tout

  7   simplement parce que nous ne savions pas où ils étaient. Nous ne parvenions

  8   plus à établir la communication avec eux. Nous les avons cherchés sur le

  9   terrain, nous les avons cherchés là où nous les avions laissés. Nous avons

 10   essayé de savoir s'ils s'étaient retirés vers un autre lieu ou s'ils

 11   étaient allés ailleurs. Nous ne pouvions tout simplement pas comprendre

 12   pourquoi ils étaient portés disparus. Après l'envoi de cette lettre et

 13   après le troisième ou quatrième jour, alors que nous étions en train

 14   d'intercepter et d'écouter des communications ennemies, nous en avons

 15   conclu qu'ils se trouvaient chez l'ennemi, parce que lors d'une

 16   conversation, ils ont mentionné le fait qu'un véhicule 4x4 vert avait été

 17   laissé sans carburant, et nous avons supposé qu'il s'agissait de notre

 18   véhicule qui était conduit par ces deux personnes.

 19   Q.  Mais est-ce que vous savez ce qu'il est advenu de ces deux membres de

 20   la transmission qui faisaient partie de votre état-major ? Est-ce qu'ils

 21   sont jamais revenus ?

 22   R.  Ce n'est qu'après une trentaine de jours que nous avons reçu les

 23   premières informations nous indiquant qu'ils étaient toujours en vie et

 24   qu'ils se trouvaient dans un camp quelque part en Republika Srpska.

 25   Ensuite, deux mois après, il y a eu un échange dans le village de Davor,

 26   ils ont été échangés et ont été renvoyés en République de Croatie.

 27   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que nous

 28   pourrions -- ou est-ce que vous pourriez accepter le versement au dossier

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  1   de cette pièce.

  2   M. WAESPI : [interprétation] Pas d'objections.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

  4   M. LE GREFFIER : [interprétation] Cela deviendra la pièce D1831.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La pièce D1831 est versée au dossier.

  6   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

  7   Q.  J'aimerais revenir sur vos observations à propos de Donji Lapac,

  8   Monsieur Pavlovic. Est-ce que vous pourriez expliquer ce que vous avez pu

  9   observer lorsque vous êtes allé à Donji Lapac avec la police spéciale.

 10   R.  Lorsque nous sommes entrés à Donji Lapac, la première chose que nous

 11   avons remarquée c'est qu'un véhicule lourd, un véhicule de l'armée, avait

 12   été touché par un obus d'artillerie qui était un de nos obus. Il

 13   transportait sans doute des obus. Mais le véhicule avait été complètement

 14   détruit. Après quoi, de Gornji à Donji Lapac, je n'ai pas remarqué de

 15   destruction au niveau des maisons ou des choses de ce genre.

 16   A Lapac même, lorsque je suis entré à Lapac, deux bâtiments étaient en

 17   train de brûler. Etant donné que je m'étais rendu à Lapac avant la guerre,

 18   la première chose que j'ai faite c'était de me rendre au poste de police,

 19   qui avait été touché par une roquette.  Le bâtiment à côté était en proie

 20   aux flammes, alors que le bâtiment de la police avait simplement été

 21   endommagé. Mais tout le village -- il n'y avait pas d'autres bâtiments

 22   auxquels on avait mis le feu, que ce soit par nous ou par des tirs

 23   d'artillerie.

 24   Lorsque je suis arrivé à Lapac -- lorsque nous sommes arrivés à Lapac, le

 25   général Markac s'est rendu à la base, la base des Nations Unies, parce que

 26   le soir nous avions rencontré le Bataillon jordanien, comme je vous l'ai

 27   dit, et nous nous sommes entretenus avec le commandant. Nous lui avons dit

 28   à cette occasion-là qu'il devrait dire à ses soldats qui étaient à Donji

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  1   Lapac qu'ils ne devaient pas quitter le secteur dans lequel ils se

  2   trouvaient, ils ne devaient pas quitter leur base. Ils devaient attendre à

  3   cet endroit-là jusqu'à ce que nous entrions dans Lapac. C'est la raison

  4   pour laquelle le général Markac s'est rendu à la base directement pour

  5   pouvoir en informer le commandant et l'informer du fait que nous étions

  6   entrés à Lapac.

  7   Q.  Bien. Que s'est-il passé ensuite avec le général Markac ?

  8   Combien de temps a duré la visite et où s'est-il rendu le même jour ?

  9    R.  Le général Markac est resté pendant un très court laps de temps, à

 10   savoir à la base. Il est retourné par le même chemin, il s'est dirigé vers

 11   la frontière de l'Etat vers Boricevci, je crois que cela s'appelait comme

 12   cela. Je suis resté à Donji Lapac pendant un certain temps après cela, j'ai

 13   attendu les hommes chargés des transmissions et j'ai laissé un certain

 14   nombre d'entre eux sur place pour qu'ils puissent mettre en place un

 15   répéteur mobile dans l'école élémentaire. Je leur ai également ordonné de

 16   retirer tous les systèmes d'encodage des documents qui se trouvaient au

 17   poste de police et qui pourraient nous être utiles par la suite, lorsqu'il

 18   s'agissait d'analyser tout ce qui s'était passé au poste de police.

 19   Q.  Pour ce qui est des unités de la police spéciale et leur arrivée à

 20   Donji Lapac après le 7 août, est-ce que ces unités-là sont restées à Donji

 21   Lapac ou est-ce qu'elles sont allées à Boricevac ?

 22   R.  Une partie de l'unité, parce que la majorité s'est dirigée vers

 23   Boricevci; alors qu'à Donji Lapac, c'est le commandant Janjic qui est resté

 24   sur place avec son unité. Une partie de la logistique et des transmissions

 25   sont restées sur place aussi. Moi-même, vers la fin de l'après-midi - je ne

 26   me souviens pas du moment exact, cela devait être entre 14 heures et 15

 27   heures - je me trouvais encore dans ce secteur, et c'est à ce moment-là que

 28   le pilonnage a commencé d'une direction inconnue -- ou plutôt, provenant

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  1   d'unités inconnues. Et donc j'ai quitté Lapac immédiatement après cela.

  2   Q.  [aucune interprétation]

  3   R.  A ce moment-là, je me suis dirigé vers Boricevci également.

  4   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Est-ce que nous pouvons afficher le

  5   document P586, s'il vous plaît.

  6   Q.  Monsieur Pavlovic, c'est l'intercalaire numéro 1, je crois, si vous

  7   voulez suivre avec ce document. P586, si vous le recherchez --

  8   M. WAESPI : [interprétation] Je ne sais pas quelle sera votre prochaine

  9   question, mais je souhaite que vous établissiez un fondement avant de poser

 10   la question et de demander au témoin s'il a déjà vu ce document.

 11   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

 12   Q.  Veuillez parcourir ce document rapidement, Monsieur Pavlovic, et

 13   ensuite, je vais vous poser un certain nombre de questions dessus.

 14   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Sauf votre respect, cher confrère, avant

 15   que M. Pavlovic ne réponde à la question, je crois qu'il est nécessaire que

 16   le témoin puisse le lire et le parcourir avant qu'on ne pose des questions.

 17   Je crois que ce procès s'est déroulé jusqu'à présent toujours de cette

 18   manière.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, cela dépend du type de

 20   questions que vous souhaitez poser. Quelquefois, il faut établir cela à

 21   l'avance et voir s'il a déjà vu le document.

 22    M. KUZMANOVIC : [aucune interprétation]

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelquefois, cela s'avère nécessaire.

 24   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci.

 25   Q.  Monsieur Pavlovic, avez-vous connaissance de ce document ou de la

 26   teneur de ce document ?

 27   R.  Je n'ai jamais vu ce document avant aujourd'hui, mais je suis au

 28   courant de sa teneur, parce qu'avec le système de transmissions radio à

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  1   notre disposition, j'en avais été informé.

  2   Q.  Paragraphe 2 de ce document, Monsieur Pavlovic, on peut lire -- en

  3   réalité, je vais commencer au début :

  4   "Le 7 août, pendant la libération de Donji Lapac par les forces conjointes

  5   de la police spéciale," je dis ceci simplement pour dire que ce document

  6   déclare que la police est arrivée le 7 août. Le deuxième paragraphe évoque

  7   ceci :

  8   "… bien que dans la ville de Donji Lapac il n'y avait pas de grandes

  9   batailles. Dans le centre-ville, il y avait deux maisons qui brûlaient, une

 10   conséquence des actions d'appui de roquettes d'artillerie."

 11   Veuillez regarder deux paragraphes plus bas, s'il vous plaît. En croate,

 12   vous pouvez maintenir la même page à l'écran. Le dernier paragraphe dit

 13   comme suit :

 14   "Les forces de police spéciale n'ont pas participé à l'incendie des maisons

 15   à Donji Lapac. Par le simple fait qu'hormis les membres du personnel et les

 16   hommes chargés de la logistique, toutes les autres unités se trouvaient sur

 17   les positions à l'extérieur de la ville et se dirigeaient vers Kulen Vakuf,

 18   et les unités qui étaient en permission étaient cantonnées et hébergées

 19   soit en ville, soit aux abords de la ville."

 20   Ce rapport qui est daté du 2 octobre 1995, rapport de M. Bole, est-ce que

 21   ceci correspond à vos souvenirs de ce qui s'est passé à Donji Lapac ?

 22   R.  Oui, effectivement, ceci correspond lorsqu'on dit que deux maisons

 23   brûlaient. Néanmoins, d'après ce que je savais de ce qui s'est passé en

 24   réalité et après mon départ de Lapac, j'étais au courant de, compte tenu du

 25   contact entre les commandants Janjic et Sacic, communications qui avaient

 26   eu lieu par l'intermédiaire d'un système de radio. Au moment où je me

 27   dirigeais vers Boricevac, j'ai appris, en réalité, ce qui s'était passé

 28   après mon départ de Lapac. Donc même si l'événement lui-même a suivi et ce

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  1   qui est décrit plus tard c'est effectivement ce qui a suivi, à savoir

  2   l'arrivée du 118e Régiment et des chars, et cetera, c'est quelque chose qui

  3   avait été transmis par radio entre Janjic et Sacic.

  4   Q.  Eu égard au dernier paragraphe, d'après vos observations, est-ce que ce

  5   n'est pas la police spéciale qui a commencé à mettre le feu aux maisons à

  6   Donji Lapac ?

  7   R.  Ecoutez, non, absolument pas. Lorsqu'il y a eu cette attaque de

  8   l'artillerie, ceci a commencé en direction d'Udbina ou de Gracac. Le

  9   commandant -- ou plutôt, on lui a dit qu'il y avait plusieurs obus qui

 10   étaient tombés. Il a quitté Lapac alors que Janjic appelait Sacic et

 11   l'informait du fait qu'une unité inconnue avait pris pour cible la ville et

 12   avait commencé à se servir de ces armes et qu'il fallait établir un contact

 13   le plus rapidement possible avec l'unité en question.

 14   Après cela, après leur entrée à Gracac même, nous nous sommes rendus compte

 15   du fait qu'il s'agissait de l'armée croate qui était entrée depuis Udbina.

 16   Au cours de ces différentes conversations, j'ai appris qu'il s'agissait du

 17   118e Régiment qui avait perdu un commandant et 15 de ses soldats en chemin,

 18   membres du personnel qui faisaient partie du commandement et qu'ils étaient

 19   restés sans système de transmissions. Sans savoir que la police spéciale se

 20   trouvait, en réalité, à Lapac, ils ont tiré sur Lapac. Lorsqu'ils sont

 21   entrés à Lapac, ce même 118e Régiment a ouvert le feu avec des armes

 22   d'infanterie dont ils disposaient et d'autres armes, et Janjic a reçu un

 23   ordre indiquant que ces unités de la police spéciale étaient en train de

 24   passer du temps à Lapac, qu'ils étaient en face de l'hôtel Holiday Inn à

 25   Lapac et qu'on devait les réinstaller dans les secteurs voisins. Donc à

 26   Lapac, à ce moment-là, il n'y avait que les hommes chargés de la

 27   transmission et les hommes chargés de la logistique. Ils étaient dix au

 28   total qui sont restés sur place.

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  1   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, le temps que vous

  2   avez demandé, si je pouvais poser une toute petite question portant sur la

  3   réponse. Ce sera très court, une petite question courte.

  4   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  5   M. KUZMANOVIC : [interprétation]

  6   Q.  Ces forces de la 118e, est-ce qu'ils venaient du nord de Lapac ?

  7   R.  Ils venaient de la direction d'Udbina. Je ne sais pas si cela vient du

  8   nord. Ils ne venaient pas de la même direction qui était la nôtre lorsque

  9   nous sommes entrés à Lapac.

 10   Q.  Merci.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A mon sens, ils sont entrés du côté

 12   ouest, à vol d'oiseau.

 13   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Nord-ouest.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, nous pourrons peut-être en

 15   parler. Si on regarde la carte, cela semble être plutôt du côté ouest --

 16   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Nous pouvons en parler demain.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Pavlovic, nous avons terminé

 18   pour aujourd'hui. Nous espérons vous revoir demain matin, à 9 heures, s'il

 19   vous plaît, dans le même prétoire. Etant donné que nous avons une question

 20   de procédure à voir, je vous demande de bien vouloir demander à l'huissier

 21   de vous raccompagner. Je dois, néanmoins, vous dire que vous ne devez vous

 22   entretenir avec personne au sujet de votre témoignage. Ceci concerne tout

 23   témoignage que vous auriez déjà donné ou tout témoignage que vous aurez

 24   encore à donner.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je comprends bien.

 26   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Vous pouvez laisser les documents sur la

 27   table.

 28   [Le témoin quitte la barre]

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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, la question que je

  2   souhaite aborder avec vous est la question suivante : nous avons vu votre

  3   liste de témoins, nous l'avons reçue, certains témoins sont enlevés,

  4   certains témoins sont ajoutés. Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît --

  5   nous avons également constaté que vous avez demandé un temps supplémentaire

  6   que vous souhaitez utiliser maintenant. Voici le tableau dans son ensemble.

  7   Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, à quel moment les Juges de la

  8   Chambre sont en droit de s'attendre que vous allez terminer la présentation

  9   de vos moyens ?

 10   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Monsieur le Président, écoutez, c'est

 11   quelque chose que nous avons abordée. Nous avons estimé qu'il était

 12   possible de finir avant les vacances judiciaires, mais cela ne sera pas

 13   possible. Ce sera une semaine à une semaine et demie après les vacances

 14   judiciaires.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sept à dix jours après les vacances

 16   judiciaires ?

 17   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est à ce moment-là que nous devons

 19   nous attendre à ce que vous nous disiez que vous avez terminé votre

 20   présentation des moyens à décharge ?

 21   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 23   M. WAESPI : [interprétation] Nous apprécierions beaucoup que la Défense

 24   nous donne les noms des témoins qui vont témoigner d'une semaine sur

 25   l'autre. Nous savons que les deux témoins de la semaine prochaine -- nous

 26   avons leurs noms, et il y a un expert qui va venir juste avant Noël. Si

 27   nous pouvions avoir les noms à l'avance, c'est quelque chose que nous

 28   apprécierions beaucoup.

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  1   M. KUZMANOVIC : [interprétation] C'est quelque chose que nous allons faire

  2   avant la fin de la journée aujourd'hui.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous levons l'audience et nous

  4   reprendrons demain, le jeudi 26 novembre, à 9 heures, dans le prétoire

  5   numéro II.

  6   --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le jeudi 26 novembre

  7   2009, à 9 heures 00.

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