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1 Le mardi 31 août 2010
2 [Audience publique]
3 [Plaidoiries]
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous dans le prétoire.
7 Madame la Greffière, veuillez, s'il vous plaît, citer l'affaire.
8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.
9 Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, l'Accusation contre Ante Gotovina et
10 consorts. Je vous remercie.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Maître Misetic, c'est à vous.
12 Etes-vous prêt ?
13 M. MISETIC : [interprétation] Tout à fait. Merci. Bonjour à tous.
14 Je vais reprendre là où j'en étais hier sur la charge de la preuve, et je
15 tiens à rajouter une chose. J'aimerais demander à la Chambre de première
16 instance de faire très attention en étudiant les derniers arguments et les
17 mémoires en clôture de l'Accusation pour déterminer s'ils ont bel et bien
18 appliqué la charge de la preuve de façon correcte. Normalement, lors d'un
19 procès, l'Accusation doit interroger les témoins sans s'occuper du critère
20 de la preuve. Par exemple, l'interrogatoire du Pr Corn.
21 Si vous tournez à la page 514 du mémoire en clôture de l'Accusation,
22 l'Accusation déclare :
23 "Même l'expert de la Défense M. Corn considère que Gotovina n'avait
24 pas l'intention de pilonner la ville. On peut interpréter correctement
25 l'ordre de Gotovina comme étant l'ordre d'attaquer de façon illégale la
26 ville. L'Accusation doit s'occuper à montrer que Pr Corn se trompe et que
27 la thèse de l'Accusation est la seule thèse qui soit correcte.
28 Nous demandons aussi de vérifier les tableaux portant sur les
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1 meurtres de l'Accusation. A l'annexe B, par exemple, à la page 27,
2 l'Accusation déclare la cause de la mort n'est pas connue, mais les
3 victimes ont peut-être été abattues par des balles, ou aussi 283, l'annexe
4 B, page 11, la victime a probablement été exécutée par la police de la HV.
5 Donc étudiez de très, très près le mémoire en clôture, parce qu'il ne
6 semble pas que l'Accusation ait appliqué la charge de la preuve de façon
7 correcte, mais d'ailleurs elle ne le fait pas valoir dans son mémoire en
8 clôture.
9 Je vous ai dit qu'il ne fallait pas croire vos propres yeux non plus
10 lorsqu'il fallait regarder les ordres express donnés par le général
11 Gotovina et toute la direction croate pour prévenir et punir les crimes,
12 mais l'Accusation elle aussi donne une déclaration tout à fait remarquable
13 dans son mémoire en clôture qui montre bien quelle est la nature de la
14 thèse de l'Accusation contre Gotovina. Paragraphe 15 du mémoire en clôture
15 : "Les membres de l'entreprise criminelle commune étaient en mesure de
16 donner des instructions génériques pour prévenir ou pour éviter les
17 pillages et les incendies, tout en sachant très bien que ces instructions
18 n'auraient aucun effet. Donc de façon intentionnelle, cela permettait et
19 cela acceptait la commission de crime, tout en créant l'impression fausse
20 simultanément que ces crimes n'étaient pas intentionnels."
21 A nouveau, nous vous donnons la réponse qui est simple, une hypothèse
22 simple. Les Etats et les armées donnent des ordres tout simplement parce
23 qu'ils veulent que ces ordres soient suivis. Et la Croatie ne fait pas
24 exception à la règle. La Croatie avait donné des ordres tout à fait
25 similaires au cours de l'opération Eclair trois mois plus tôt, et comme
26 nous l'avons expliqué dans notre mémoire, la Croatie a été louée par le
27 secrétaire général et par les représentants de la communauté
28 internationale, y compris le Témoin Galbraith, qui, le 1er août, a dit au
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1 président Tudjman que la conduite de la Croatie en Slavonie occidentale
2 "lui avait valu toutes les louanges de la communauté internationale."
3 Nous en avons parlé dans notre mémoire en clôture. Alors pourquoi la
4 Croatie serait "contente de savoir que ses instructions seraient sans effet
5 alors que trois mois plus tôt cela n'était pas le cas." L'Accusation, bien
6 sûr, ne l'explique pas. Mais je suis certain que dans sa réplique
7 l'Accusation va encore trouver une théorie du complot extrêmement créative
8 pour expliquer tout cela. La Défense Gotovina, en revanche, elle vous
9 propose l'hypothèse la plus simple.
10 L'Accusation essaie désespérément de se sortir de tous les éléments
11 de preuve qui montrent les efforts déployés par les autorités croates, y
12 compris le général Gotovina, pour prévenir et punir les crimes en déclarant
13 que leurs ordres pour mettre un terme à la criminalité étaient des ordres
14 qui étaient faux de toute façon et qui n'étaient pas censés être mis en
15 œuvre. Et pourtant, malheureusement, ils n'arrivent pas à étayer leurs
16 propos.
17 Vous n'avez vu aucun compte rendu présidentiel de conversations
18 secrètes où quelqu'un suggérerait qu'il conviendrait de donner des ordres
19 qui ne soient pas appliqués. Aucun témoin n'a témoigné pour dire qu'il
20 avait entendu à un moment ou à un autre une suggestion quelconque selon
21 laquelle des ordres faux devaient être donnés pour jeter la poudre aux yeux
22 de la communauté internationale. En fait, l'Accusation n'offre absolument
23 rien qui permettrait à la Chambre de première instance de souscrire à sa
24 thèse. Comme nous montrons d'ailleurs dans notre mémoire au paragraphe 375,
25 la Chambre d'appel Blaskic a rejeté l'utilisation de conclusions non
26 étayées. L'Accusation, hier, a essayé de faire une différence entre le
27 précédent Blaskic à propos des conclusions que l'on peut tirer. Mais ce
28 n'est pas possible.
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1 La loi est la loi, et les faits sont les faits. On ne peut pas
2 utiliser des conclusions qui ne sont pas étayées pour tirer une conclusion
3 qui permettrait d'écarter des éléments de preuve qui sont contradictoires.
4 C'est comme ça. Que la Chambre de première instance puisse tirer une
5 conclusion adverse s'il y avait, en effet, des preuves de cela - ici, de
6 toute façon, ce n'est même pas de ça qu'on parle. Donc l'Accusation se base
7 sur Milutinovic, mais c'est erroné, parce que dans Milutinovic, la Chambre
8 de première instance avait déterminé que l'accusé Pavkovic avait donné des
9 ordres faux pour respecter la loi internationale sur la base des actes
10 incorrects qui étaient faits et qui étaient contraires à ses ordres, y
11 compris l'ordre contraire donné à des combats. Il a omis aussi -- ici, en
12 revanche, on n'a aucun élément de preuve selon lequel le général Gotovina
13 ou le président Tudjman auraient commis des méfaits.
14 Au contraire, les éléments de preuve au compte rendu ne peuvent vous
15 laisser tirer une seule conclusion, c'est que les représentants officiels
16 les plus élevés de la Croatie, y compris les membres nommés de l'entreprise
17 criminelle commune alléguée, voulaient que les crimes s'arrêtent et ont
18 donné des ordres à cet effet. Les conversations internes des autorités
19 croates, auxquelles d'ailleurs la communauté internationale, les médias et
20 d'autres outsiders n'avaient pas accès, montrent bien que les dirigeants
21 croates ont mis en place une politique pour mettre un terme à tout crime et
22 ont donné des ordres pour que ces crimes s'arrêtent. Par exemple, le P463,
23 conversation privée entre Radic et Tudjman, deux membres nommés de cette
24 entreprise criminelle commune, où ils condamnent les incendies volontaires
25 comme étant diaboliques. Le commentaire du premier ministre Valentic lors
26 d'une session à huis clos du gouvernement le 23 août. D426, page 21 :
27 "Une attention très importante doit être donnée à la population serbe."
28 Le général Gotovina aussi exhorte ses troupes le 6 août lors de la réunion
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1 de Knin, réunion privée. Et le P918 que l'on voit à l'écran, ici nous avons
2 l'avertissement des affaires politiques qui est donné au sein de la chaîne
3 de commandement et qui dit aux subordonnés, deuxième paragraphe, après
4 avoir condamné le crime, il dit :
5 "Suite à la politique édictée par le commandement Suprême, le Dr Franjo
6 Tudjman, ainsi que les instructions du ministre de la Défense et de
7 l'administration politique du ministère de la Défense de la République de
8 Croatie, il est nécessaire d'empêcher immédiatement ce qui suit… la mise à
9 feu et la destruction d'installations… le meurtre de bétail; la
10 confiscation des propriétés; et la conduite inadéquate envers les civils et
11 les prisonniers de guerre…"
12 Donc l'Accusation peut peut-être dire qu'il vous faut tirer une conclusion,
13 mais la conclusion qu'ils vous demandent de tirer est selon elle la seule
14 conclusion raisonnable à tirer au vu des éléments de preuve présentés, mais
15 ils n'expliquent pas pourquoi il convient de procéder de la sorte. Or, il
16 est clair que ce sont des conversations privées, des messages privés qui
17 sont envoyés entre les membres du gouvernement croate. Ce sont des messages
18 qui déterminent quelles sont les politiques à mettre en œuvre. Vous n'avez
19 aucun élément de preuve fourni par l'Accusation qui contredise à un moment
20 ou à un autre ce message qui est à l'écran, la note d'une personne disant,
21 Après tout, n'appliquez pas les ordres trop expressément; ne procédez pas à
22 des enquête de façon trop diligente.
23 Au vu de ce que renferme chaque élément important en l'espèce, le général
24 Gotovina vous demande de prendre en compte l'hypothèse la plus simple; or,
25 l'Accusation fait le contraire. Regardons un peu quels sont les propos de
26 chaque partie sur les éléments-clés.
27 Tout d'abord, paragraphes 121 et 352 du mémoire en clôture de l'Accusation.
28 Dans son mémoire en clôture, pour la première fois, l'Accusation a ajouté
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1 une nouvelle allégation portant sur la participation du général Gotovina
2 sur l'ECC alléguée. Il y est maintenant allégué que l'une des quatre façons
3 dont le général Gotovina a participé à cette entreprise était en s'assurant
4 que le général Cermak deviendrait l'intermédiaire principal en ce qui
5 concerne les réclamations des représentants internationaux, et il l'aurait
6 fait en disant au général Forand, le 8 août, que toute plainte des
7 internationaux, y compris les plaintes à propos des crimes, devaient être
8 envoyées directement au général Cermak. Cela n'a jamais été présenté à qui
9 que ce soit au cours du procès. Cette allégation n'est pas à l'ordre
10 d'accusation, n'est pas dans les propos liminaires du bureau du Procureur,
11 n'a pas été soulevée lors des arguments au 98 bis. L'Accusation donc a
12 empêché la Chambre et la Défense d'explorer un peu cette allégation. Mais
13 cette allégation est fausse car la théorie est fausse. Les faits le
14 montrent bien.
15 Regardez la pièce D297, qui est l'agenda du général Forand pour le 6 août,
16 il y a une réunion avec le "gouverneur militaire" que les forces des
17 Nations Unies en Croatie ont envoyé au ONURC du HV, d'après le Témoin
18 Lukavic.
19 Ensuite la pièce D1667, ce sont les notes de Tony Banbury, qui est
20 l'assistant de M. Akashi, lors d'une réunion qui a eu lieu le 7 août entre
21 le général Cermak, le général Forand, John Alstrom et M. Akashi. A la page
22 39, en bas de cette page, on voit clairement que le général Cermak a dit :
23 "Nous allons organiser une réunion entre mes équipes et les vôtres. Le QG
24 de Knin sera toujours ouvert pour vous…"
25 Page suivante maintenant, le général Forand se plaint de la liberté de
26 mouvement, et il lui dit : "Si vous avez des problèmes, venez me voir."
27 C'était la veille de la rencontre de Gotovina avec Forand. Ce qu'allègue
28 l'Accusation est faux. Cet argument est sorti du chapeau au dernier moment,
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1 parce que l'Accusation ne peut tout simplement pas trouver de point de base
2 soulevé par la Défense pour étayer ce qu'il a dit, c'est-à-dire que
3 personne n'aurait été voir le général Gotovina pour parler des problèmes de
4 crimes après l'opération Tempête. L'Accusation essaye, certes, de dire que
5 de toute façon les représentants croates étaient tous dans la même
6 entreprise criminelle commune. Bien sûr, ils ne voulaient certainement pas
7 aller voir la personne qui pourrait régler le problème; ça, ça fait partie
8 de leur théorie du complot à nouveau. Mais ils ne peuvent pas répondre
9 pourquoi les représentants internationaux non plus n'allaient pas voir le
10 général Gotovina donc en jouant à l'avocat du diable. Ils ont tourné les
11 choses et ont dit c'est sans doute parce que le général Gotovina a fait
12 quelque chose de perfide pour dévier l'attention des internationaux pour
13 faire aboutir son entreprise criminelle commune, et donc le fait que le
14 général n'ait pas averti qui que ce soit est bien la preuve de sa
15 culpabilité.
16 Mais là on en revient encore à cette théorie de la conspiration. Au
17 paragraphe 121 de son mémoire, l'Accusation déclare aussi que le général
18 Gotovina a participé à l'entreprise criminelle commune en ne prenant pas
19 les mesures raisonnables et nécessaires. Or, nous avons appelé un témoin
20 expert, le général Jones, qui est un général trois étoiles des Etats-Unis
21 avec 36 ans d'expérience dans l'armée, qui est venu pour parler des mesures
22 raisonnables et nécessaires. Tout simplement parce que l'Accusation,
23 quelques semaines avant la fin de la présentation de ses moyens, a décidé
24 de ne pas appeler son propre expert, le général Pringle, pour qu'il parle
25 de ce qu'il pensait que le général Gotovina avait fait en matière de
26 mesures raisonnables et nécessaires au vu des circonstances.
27 C'est pour ça que nous, nous avons appelé le général Gotovina [comme
28 interprété] qui a témoigné lors de l'interrogatoire principal pour dire que
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1 Gotovina avait pris toutes les mesures raisonnables et nécessaires avant,
2 après et pendant l'opération Tempête, et il a d'ailleurs rajouté qu'il ne
3 pouvait pas voir ce qu'il aurait fait d'autre que ce qu'avait fait le
4 général Gotovina s'il avait été à sa place. Pendant tout ce témoignage au
5 cours de l'interrogatoire principal, la Défense Gotovina a contesté la
6 thèse de l'Accusation, en application de l'article 90(H) : L'Accusation
7 devait absolument dire quelles étaient ces fameuses mesures raisonnables et
8 nécessaires que le général Gotovina aurait dû prendre et qu'il n'avait pas
9 prises. Mais la seule chose qu'ils ont pu nous présenter, c'est ce que l'on
10 peut trouver aux notes de bas de page 1 048, 1 050 et 1 051 du mémoire en
11 clôture de la Défense Gotovina.
12 Etant donné que les arguments soulevés par l'Accusation ont été balayés au
13 cours du procès lors du contre-interrogatoire du général Jones,
14 l'Accusation maintenant avance de nouveaux arguments à propos de ces
15 fameuses mesures raisonnables et nécessaires qui n'avaient jamais été
16 présentés lors du procès. Pour le compte rendu, nous tenons à dire que nous
17 ne sommes pas d'accord avec cette façon de procéder, parce que cela empêche
18 la Chambre de première instance et le général Gotovina de contester ces
19 théories, de contre-interroger les témoins à propos de ces théories et de
20 trouver ses propres témoins pour rejeter ces allégations. Maintenant,
21 lorsque l'Accusation avait plus tôt avancé ses arguments lorsqu'il y avait
22 un général trois étoiles dans le box des témoins. C'était à ce moment-là
23 qu'il aurait fallu parler au général Jones et avancer ces nouvelles
24 théories. La Chambre de première instance maintenant ne peut plus vérifier
25 ces nouvelles théories qui ont été présentées par l'Accusation, et de ce
26 fait, elle devrait les écarter. Vous devriez plutôt vous baser sur le
27 témoignage du général Jones, l'expert, et bien relire ses réponses lors du
28 contre-interrogatoire. Mais vous ne devez pas vous fonder sur les opinions
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1 brutales données par le conseil de l'Accusation, et rien d'autre.
2 Maintenant, parlons du contrôle effectif. Tout d'abord, je tiens à dire en
3 préface, en préambule, qu'au cours de toute la discussion hier à propos des
4 mesures raisonnables et nécessaires, du contrôle effectif, ou du délai
5 d'avertissement nécessaire, on ne vous a jamais parlé du critère de la
6 charge de la preuve et des critères qui étaient applicables. Donc comme
7 vous le savez, la Chambre de première instance a déclaré qu'en ce qui
8 concerne tout élément de la responsabilité du commandement, l'Accusation
9 doit prouver sa thèse, et ce, au-delà de tout doute raisonnable. Ce qui
10 signifie bien que vous devez conclure que la seule interprétation des
11 moyens de preuve est que le général Gotovina avait bel et bien le contrôle
12 effectif de ses troupes, avait bel et bien été averti en temps et heure,
13 avait bel et bien échoué à prendre les mesures nécessaires et raisonnables.
14 Il faut que vous puissiez prouver cela en vous basant sur les éléments de
15 preuve, et ce, au-delà de tout doute raisonnable.
16 Mais revenons-en au contrôle effectif, la Chambre de première instance a
17 demandé que nous commentions l'article 87 du protocole de la convention de
18 Genève. Il y est écrit, il est évident que l'obligation s'applique dans le
19 contexte des responsabilités telles qu'elles ont évolué, telles qu'elles
20 existent au sein des différents niveaux hiérarchiques, et que les devoirs
21 d'un sous-officier ne sont pas les mêmes que ceux d'un commandement de
22 bataillon, et que les devoirs d'un commandement de bataillon ne sont pas
23 les mêmes que ceux d'un commandement de division.
24 Donc la Chambre de première instance a demandé à l'Accusation de bien
25 expliquer ce point, mais hier on vous a dit que ce commentaire de toute
26 façon ne sert à rien, ce commentaire de l'article 87. Donc on vous dit ici
27 que l'obligation -- mais on ne vous a jamais dit, en fait, que l'obligation
28 s'applique aux responsabilités, mais à différents niveaux de
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1 responsabilités et quels sont ces différents niveaux de responsabilités.
2 Donc l'Accusation considère toujours que le général Gotovina, qui était en
3 haut de la chaîne de commandement, aurait dû prendre des mesures qu'un
4 sous-officier subalterne sur le terrain aurait dû prendre.
5 De plus, nous réfutons l'affirmation de l'Accusation selon laquelle nous
6 aurions déformé la décision dans l'arrêt Oric, la décision dans l'arrêt
7 Oric. Nous l'avons pourtant citée. Mais l'Accusation a décidé d'écarter un
8 passage :
9 "La question de savoir si du fait de la proximité ou de
10 l'éloignement, le contrôle supérieur a bel et bien un contrôle effectif et,
11 en fait, doit reposer sur les éléments de preuve uniquement et non pas sur
12 le droit."
13 Donc ceci se trouve au paragraphe 618 de notre mémoire et nous avons
14 soulevé ce point sans aucune réponse de la part de l'Accusation.
15 Maintenant parlons de Grahovo. Le général Jones a témoigné qu'avant
16 l'opération "Storm," le général Gotovina avait pris toutes les mesures
17 nécessaires et raisonnables après l'opération de Grahovo pour prévenir et
18 punir les crimes éventuels. L'Accusation n'a présenté aucun témoignage
19 d'expert pour contredire l'opinion qui nous a été donnée par le général
20 Jones. De plus, l'Accusation écarte complètement le contexte dans lequel le
21 général Gotovina opérait après l'opération de Grahovo, avant l'opération
22 Tempête. Pour le cas de l'opération Vaganj qui est complètement passée sous
23 silence par l'Accusation, ainsi que le fait que la direction croate était
24 au courant du fait que les Serbes étaient en train de planifier une attaque
25 par les forces placées sous le commandement de Ratko Mladic contre les
26 forces du général Gotovina dans la zone de Grahovo-Glamoc. Il s'est avéré
27 que c'était exact, parce qu'on a vu arriver le Corps de la Drina de la VRS
28 dans la zone de Grahovo le 9 août. C'est dans ce contexte-là que le général
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1 Gotovina s'est trouvé face à un danger imminent, et il a fallu qu'il prenne
2 des mesures qui étaient raisonnables compte tenu de la situation.
3 L'Accusation affirme à tort au paragraphe 151 - et nous l'avons entendu
4 hier - je cite, que :
5 "Le général Gotovina a pris des mesures afin de dissimuler les crimes
6 commis par ses subordonnés à Grahovo" et qu'en fait "il a fait ça en
7 donnant l'ordre de faire rapport par le biais d'un messager que Glamoc et
8 Grahovo ont été pilonnés par des bombes au phosphore."
9 En fait, ce qu'affirme le général Gotovina est la vérité. Les zones
10 plus larges de Grahovo et de Glamoc, c'est-à-dire les zones boisées, ont
11 bel et bien été touchées par des bombes au phosphore par la HV. C'est la
12 pièce D1980. En fait, Ratko Mladic le consigne dans son journal en date du
13 2 août. Conformément à cela, l'Accusation se trompe, Gotovina ne dissimule
14 rien. Pendant les quatre années et demie entre les mains de l'entreprise
15 criminelle commune des Serbes, il y a eu beaucoup de souffrances.
16 Il n'y a personne qui n'aurait pas souffert en Croatie pendant la
17 guerre, à commencer par Vukovar et Ilok à l'est, jusqu'à Dubrovnik et
18 Prevlaka à l'extrémité sud. Théoriquement, quasiment tout Croate aurait eu
19 une raison de se venger. L'Accusation ne conteste pas le droit qui serait
20 celui de la Croatie de reprendre ses îles, mais conteste le droit de la
21 Croatie de se servir des Croates pour le faire.
22 Parlons maintenant des mesures nécessaires et raisonnables. Comme
23 nous l'avons dit tout au long du procès, Gotovina a pris des mesures
24 nécessaires et raisonnables afin d'empêcher et de sanctionner les crimes
25 avant et pendant l'opération Tempête. Penchez-vous sur les éléments de
26 preuve. Le général Gotovina était présent lorsque le ministre Susak a
27 relayé les conditions américaines le 2 août à l'ensemble de la direction
28 militaire, et cela compromet les responsables de la région militaire. Je
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1 parle de la pièce D409. Comme l'a témoigné Lausic, Susak a aussi ordonné
2 que des mesures soient prises afin d'empêcher tout comportement qui aurait
3 exigé que les soldats se retrouvent traînés devant les tribunaux. Page du
4 compte rendu d'audience 15 166, 14 à 22.
5 Le bureau du Procureur affirme au paragraphe 16 de son mémoire que
6 l'ordre de Susak qui a été donné en privé à la direction la plus haut
7 placée était, en fait, un ordre pour la pure forme "qui avait pour objectif
8 d'éviter toute responsabilité pénale en engagement de la responsabilité."
9 Le Procureur, bien entendu, ne dit pas ceux devant qui Susak faisait
10 cela pour la forme. Et nous n'avons aucun élément de preuve dans le dossier
11 de l'affaire, sous forme de témoignage d'un témoin, de transcription
12 présidentielle ou autre pour étayer la conclusion du bureau du Procureur.
13 Encore une fois, allons au plus simple. L'Accusation affirme que lorsque
14 Susak dit en privé à la direction militaire qu'il convient d'empêcher le
15 pillage et les incendies, qu'en fait, il donne le feu vert pour qu'on s'y
16 livre au pillage et à l'incendie.
17 Le général Gotovina a donné des ordres explicites avant l'opération
18 Tempête avant d'éliminer toute activité criminelle et conformément aux
19 conditions américaines et aux instructions Susak. Je me réfère à la pièce
20 D201, page 2. Voilà ce qu'il ordonne :
21 "Les unités doivent être au courant de la nécessité d'éliminer tous méfaits
22 qui pourraient se produire au cours des opérations de combat, se focaliser
23 en particulier sur le fait qu'il convient d'empêcher le pillage et la
24 destruction des zones peuplées et des villes."
25 Donc même si Gotovina a ordonné qu'on élimine tout comportement négatif,
26 l'Accusation affirme que cet ordre signifiait que les unités devaient
27 protéger les zones peuplées et incendier les zones rurales. Paragraphes 156
28 et 157 du mémoire de l'Accusation.
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1 "Si l'on montre que Gotovina et le commandement de Split s'attendaient à ce
2 qu'il y ait des incendies et des destructions et acceptaient par
3 anticipation la destruction des zones rurales.
4 "Conformément à ces instructions et à la polarisation des membres de
5 l'entreprise criminelle commune sur la colonisation rapide des localités
6 plus importantes dans la Krajina, les forces croates ne se sont pas
7 vraiment prises en ville plus importantes, mais en fait ont dévasté les
8 zones rurales dans le secteur sud."
9 Et là nous avons une autre contradiction fondamentale dans la thèse de
10 l'Accusation. L'Accusation n'affirme pas que Gotovina émette des ordres qui
11 sont faibles, qui sont sans efficacité. Ça c'est ce qu'ils font plus tard.
12 Ici, ils disent que ces ordres sont effectifs, en fait, efficaces, que le
13 général Gotovina émet un ordre afin de protéger les localités plus
14 importantes et que cet ordre est traduit dans les faits, mais que c'est
15 délibérément que le général Gotovina ne signale pas les zones rurales et
16 qu'apparemment, il laisse comprendre qu'il souhaite qu'on les incendies.
17 Là encore, l'Accusation affirme que le général Gotovina a donné des ordres
18 qui ont été suivis d'effets.
19 Alors je m'adresse à vous, Madame, Messieurs les Juges. Cette
20 interprétation, est-ce la seule interprétation raisonnable de cet ordre,
21 celle qui est fournie par l'Accusation ? Mais n'a aucun sens. Nous
22 affirmons à notre tour que lorsque le général Gotovina demande que l'on
23 élimine tout comportement négatif, que c'est effectivement ce qu'il entend
24 par là. L'Accusation affirme que ça signifie, je vous ordonne d'incendier
25 les zones rurales.
26 Là encore, ils n'ont jamais soumis leur interprétation de cet ordre à qui
27 que ce soit. Nous n'avons pas non plus, ne serait-ce qu'une seule preuve
28 dans le dossier de l'affaire, nous n'avons même pas Theunens qui aurait
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1 suggéré une telle interprétation. Mais comme l'Accusation cherche
2 aveuglement à obtenir une déclaration de culpabilité, elle préfère se
3 livrer au ridicule que d'accepter un point évident.
4 Page 2, de la pièce D201, le général Gotovina donne l'ordre, les membres
5 des unités doivent connaîtrent leur devoir face aux civils et face aux
6 prisonniers de guerre conformément aux conventions de Genève. Au paragraphe
7 125, l'Accusation dit qu'il s'agit là d'une référence générique aux
8 conventions de Genève qui est de toute évidence "inadéquate." Le général
9 Gotovina, en fait, aurait dû détailler d'après l'Accusation ces ordres, il
10 aurait dû préciser : Ne tuez pas, n'incendiez pas, ne torturez pas, et
11 cetera. Mais cette affirmation n'a jamais été soumise à qui que ce soit.
12 Mais vous avez entendu que cet ordre a été exécuté. Vous avez entendu
13 dire qu'il y a eu des livrets qui ont été diffusés aux forces avant
14 l'opération Tempête. Je vous réfère en pièce D533 et D1602. Le témoin Sudac
15 a témoigné page du compte rendu d'audience 21 367, lignes 21 à 24, que les
16 commandants, en fait, ont détaillé à l'intention de leurs subordonnés ce
17 que le général Gotovina souhaitait.
18 "Je me souviens," dit-il, "de ce que nous ont dit nos officiers
19 supérieurs. C'était la guerre, et nous nous souvenions des choses les plus
20 importantes. Ne tuez pas, ne pillez pas, ne violez pas, aidez tout ceux qui
21 sont blessés, c'était des choses de base."
22 De toute évidence, Madame, Messieurs les Juges, les commandants subordonnés
23 au général Gotovina étaient capables de comprendre parfaitement ce que
24 souhaitait le général Gotovina lorsqu'il a ordonné que les unités devaient
25 se comporter à l'égard des civils et des prisonniers de guerre conformément
26 aux conventions de Genève. Vous savez que les commandants subordonnés
27 étaient, tels que commandant de la 4e Brigade de la Garde, ont relayé leurs
28 ordres à leurs subordonnés. Pièce P1202, page 12.
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1 Pendant l'opération Tempête, le général Gotovina continuait de souligner
2 l'importance d'empêcher le crime. Dans la soirée du 4 août, l'officier
3 chargé des affaires politiques lors du briefing du soir appelle à tous les
4 commandants que Knin ne doit pas connaître le même sort que Grahovo. Puis
5 dans la matinée du 5 août, le général Gotovina ordonne personnellement que
6 l'on se comporte avec tous les égards possibles face aux civils et les
7 membres des Nations Unies dans tous les groupes opérationnels et que tous
8 les commandants et cela concerne toutes les forces qui vont rentrer dans
9 les zones peuplées telles que Knin.
10 Le 6 août, vous avez vu la vidéo de Knin où le général Gotovina demande
11 qu'on se comporte correctement, il demande cela à ses subordonnés.
12 Là encore, l'Accusation se contredit là-dessus. Premièrement, elle
13 affirme au paragraphe 166, comme Cermak l'a remarqué, Gotovina n'a pas été
14 troublé par les crimes et par ce qu'avaient fait les militaires. Il était
15 troublé, parce que la ville était sale et qu'on n'a pas érigé les emblèmes
16 de l'Etat. Puis ils ont dû, au paragraphe 358, rédigé cette partie qui
17 concerne Cermak, mais apparemment ce n'est pas le même auteur que celui qui
18 traite l'accusé Gotovina. Là il dit, Cermak entend Gotovina administrer au
19 commandant de la HV pour le pillage et les méfaits commis par les soldats
20 de la HV. Donc est-ce que c'est bien ce qu'il a fait, comme c'est évident
21 d'après la vidéo, ou bien il ne s'en préoccupait pas, parce que la seule
22 chose qui le préoccupait c'était le fait que la ville était sale ?
23 Raisonnablement, on ne pourrait pas regarder cette vidéo et dire que le
24 général Gotovina ne s'est pas effectivement préoccupé d'empêcher et de
25 sanctionner le crime.
26 Le 10 août maintenant, le général Gotovina émet une autre pièce que nous
27 allons voir à l'aide du logiciel Sanction. Il s'agit de la pièce D204.
28 De prime abord, dans son titre, le document dit :
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1 "Ordre pour se conformer en mesures disciplinaires militaires."
2 Puis au point 1 -- dans l'introduction il est dit qu'il est émis afin
3 d'empêcher tout enfreinte à la discipline et afin d'empêcher le pillage, et
4 cetera, et cet ordre serait émis suite à l'ordre émanant du général
5 Cervenko, et vous allez voir, qu'en fait, rien dans l'introduction ne
6 permet de le savoir.
7 Vous avez vu de nombreux ordres où la Chambre peut confirmer qu'il
8 s'agit d'une procédure type, à savoir que l'on reprend toujours à l'ordre
9 du supérieur.
10 Au numéro 1, le général Gotovina empêche tout déplacement aléatoire des
11 membres de la HV dans les zones libérées. Il dit :
12 "Prenez toutes les mesures nécessaires et faites en sorte que la discipline
13 militaire soit entièrement respectée, que l'ordre soit maintenu dans la
14 zone de responsabilité, empêchez l'incendie criminel et tout autre
15 comportement illégal. Prenez des mesures déterminées contre tout un, chacun
16 qui se comporterait en contrevenant aux règles de la discipline."
17 Vous avez vu la pièce P918 plus tôt ce matin. Non seulement il est dit
18 quelle est la politique de l'Etat, qu'elle est la politique du président
19 Tudjman, quelle est la politique du ministre Susak, mais nous avons ici en
20 gros en coopération avec le SIS et la police militaire prenez des mesures
21 répressives et lancez des mesures disciplinaires contre ceux qui ne se
22 conforment pas aux instructions."
23 En dépit de cela, au paragraphe 221 de son mémoire, l'Accusation
24 affirme :
25 "Gotovina n'a pas estimé que les crimes commis par ses subordonnés
26 contre les Serbes et contre leurs biens constituaient un problème eu égard
27 à la discipline militaire."
28 Au paragraphe 223, ils disent :
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1 "Gotovina ordres [comme interprété] ne comportent pas d'instructions
2 explicites adressées à ses subordonnés d'imposer des mesures
3 disciplinaires."
4 Et là, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, le seul
5 moyen d'arriver à cette conclusion, c'est lorsqu'on ne prend pas en compte
6 la pièce D204. C'est la seule explication raisonnable des éléments de
7 preuve, donc la charge de la preuve repose sur l'Accusation. Qui plus est,
8 ils ne soumettent jamais cette interprétation au général Jones lorsqu'ils
9 avaient l'obligation de le faire en application de 90(H).
10 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, le général Lausic
11 est venu déposer et il a dit que les mesures disciplinaires les plus
12 efficaces à leur disposition étaient de démobiliser les hommes. Il s'agit
13 de la pièce P2159, paragraphes 191 et 211. En outre, le Témoin Botteri
14 confirme cela. L'Accusation ne représente pas de manière exacte les
15 éléments de preuve fournis par Lausic.
16 Il s'agit là encore de la pièce 2159 et des paragraphes 35 et 36 de
17 la déposition de Mate Lausic. Il dit, Mais quel est le rôle du SIS, et
18 c'est important pour réagir à l'argument de l'Accusation avancé hier, à
19 savoir qui avait le droit de commander le département des affaires
20 politiques et le SIS. Voyez précisément comment Lausic explique le rôle
21 joué par les affaires politiques. Et il dit, il appartenait au SIS de
22 remarquer et de rendre compte des problèmes au commandant et d'éliminer
23 toute personne de l'unité, d'en écarter toute personne qui était
24 susceptible de constituer un problème.
25 "Par exemple, un officier du SIS informe le commandant du bataillon
26 qu'un membre devrait être démobilisé. Puis le commandant dit, par exemple,
27 'O.K.,'" laissons-le ici, il est bien. Le SIS continue à intervenir jusqu'à
28 Zagreb s'il le faut, donc jusqu'aux échelons les plus élevés de
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1 l'hiérarchie.
2 Mais la question est celle aussi de la coordination avec la Région
3 militaire de Split.
4 Néanmoins, l'Accusation souligne que la démobilisation "était une
5 tentative par Gotovina et ses commandants subordonnés d'absoudre toute
6 responsabilité des éléments criminels au sein de la HV."
7 Prenons le paragraphe 231. Bien sûr, on ne trouve pas la moindre note
8 en bas de page dans les propositions de l'Accusation à ce sujet. Pourquoi ?
9 Parce que l'Accusation a tout inventé. Il n'existe pas le moindre élément
10 de preuve à l'appui de cette opinion. Personne n'a témoigné à ce sujet.
11 L'Accusation n'a même pas soumis cette proposition à qui que ce soit en
12 l'espèce; elle ne l'a pas soumise à Lausic, elle ne l'a pas soumise à
13 Jones, et pas même à Theunens. En fait, ce que l'on vous a proposé sur
14 cette question de la démobilisation ne constitue qu'un avis du représentant
15 de l'Accusation. Autrement dit, ce n'est pas un élément de preuve opportun
16 en l'espèce. En fait, les seuls éléments de preuve contenus dans le dossier
17 concernent Lausic et Botteri, à savoir que la démobilisation était la
18 mesure disciplinaire la plus efficace dans les circonstances en question.
19 L'Accusation affirme également dans son mémoire qu'il n'y a pas le
20 moindre élément de preuve qu'un seul soldat aurait été démobilisé suite à
21 des poursuites pour crime. Paragraphe 233. Ceci est faux. Je vous renvoie,
22 par exemple, à plusieurs exemples que l'on trouve dans la pièce D1381. Par
23 ailleurs, nous avons le Témoin Perkovic, qui était un témoin de vive voix,
24 qui a déclaré dans sa déposition qu'il avait été démobilisé suite à une
25 présumée action criminelle de sa part et après avoir été poursuivi pour les
26 meurtres de Varivode. Page 19 527 du compte rendu d'audience; page 19 546 à
27 19 547, ligne 7 du compte rendu d'audience.
28 L'Accusation prétend, au paragraphe 155 de son mémoire, que le
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1 général Gotovina n'a pas ordonné que lui soit fait rapport ou qu'il n'a pas
2 ordonné le moindre suivi de l'application de ses ordres visant à prévenir
3 et à punir le crime. Mme Gustafson a déclaré hier que le général Gotovina
4 "s'attendait à ce que ses ordres ne soient pas exécutés, et lorsqu'ils
5 l'ont été, il n'a pas souhaité être informé."
6 En fait, comme l'Accusation le sait très bien, et d'après nous l'a admis
7 implicitement à la fin de son exposé d'hier, le général Gotovina n'avait
8 pas à émettre un ordre distinct pour qu'il lui soit fait rapport sur
9 l'application de ces ordres, parce que ceci était déjà le travail des
10 responsables des affaires politiques et du SIS. En fait, ces deux instances
11 ont fait rapport au général Gotovina sur l'application de ces ordres, et
12 nous avons ces rapports au dossier de l'espèce; pièces D874, D810, P1133 et
13 P1134.
14 Après avoir commencé par affirmer que les ordres du général Gotovina ne
15 concernaient pas la nécessité de lui faire rapport, l'Accusation, par la
16 suite, a essayé d'affirmer que les affaires politiques étaient subordonnées
17 au général Gotovina et que cette partie du travail du responsable des
18 affaires politiques de l'état-major de la région militaire de Split était
19 "supervisée." Bien, la supervision concernait quoi ? Supervision de
20 l'application des ordres du général Gotovina.
21 L'Accusation ne peut pas jouer sur les deux tableaux avec les éléments de
22 preuve et laisser de côté certains éléments de preuve que je viens de
23 citer, ce qui a été fait très manifestement, à savoir tous les documents
24 relatifs au suivi de l'application des ordres du général Gotovina.
25 Nous voyons également qu'aux réunions du soir, la police militaire faisait
26 connaître l'existence de tel ou tel problème au niveau de la hiérarchie.
27 Ceci figure dans la pièce P71. Nous avons vu aussi que des commandants
28 rendaient compte de l'existence de problèmes durant ces réunions
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1 d'information du soir. Pièce P71 encore une fois, page 116. Et nous voyons
2 que dès lors qu'un problème était signalé, il était fait rapport au général
3 Gotovina et que celui-ci prenait des mesures.
4 L'Accusation ne peut pas continuer à s'exprimer comme si le général
5 Gotovina avait émis des ordres efficaces en parlant ensuite d'ordres
6 inefficaces de sa part. La position de l'Accusation dépend uniquement du
7 contexte à cet égard, à savoir est-ce que dans tel ou tel contexte le
8 général Gotovina serait davantage discrédité si l'Accusation défendait
9 l'argument que ses ordres avaient été efficaces ou que ses ordres avaient
10 été inefficaces eu égard à l'artillerie. Ses ordres destinés à protéger les
11 Nations Unies sont présentés par l'Accusation comme efficaces. Paragraphe
12 17. Ses ordres destinés à ne pas frapper le camp de l'ONURC ont été
13 efficaces, d'après l'Accusation. Et comme je viens de vous le montrer il y
14 a quelques instants, aux paragraphes 156 et 157, l'Accusation affirme que
15 les ordres du général Gotovina visant à protéger la population par rapport
16 aux incendies ont été efficaces.
17 Pourtant, au paragraphe 192, l'Accusation affirme que les ordres répétés du
18 général Gotovina ont encouragé la commission de crimes. L'Accusation ne
19 peut pas affirmer d'une part que le général Gotovina émettait des ordres
20 visant à arrêter les crimes pour ensuite balayer tout cela d'un revers de
21 main en déclarant que ses ordres ont été inefficaces, et ce, en se fondant
22 sur la prémisse que les ordres efficaces du général Gotovina visant à
23 protéger des villes importantes par rapport aux incendies ont été
24 respectés. Pourquoi est-ce que le général Gotovina penserait que ses ordres
25 ont été efficaces dans les grandes villes, mais penserait que ses ordres
26 visant à protéger les zones rurales des incendies, des actes de pillage,
27 sans prendre la moindre action disciplinaire, auraient été inefficaces,
28 bien, ceci reste sans explication de la part de l'Accusation. Il n'y a
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1 aucune logique dans les arguments de l'Accusation.
2 Par ailleurs, comme l'Accusation vous l'a expliqué, un subordonné est censé
3 savoir quels sont les ordres qu'il doit appliquer et quels sont les ordres
4 qu'il doit ignorer. Encore une fois, comment est-ce qu'un subordonné aurait
5 la capacité de comprendre les intentions du général Gotovina de protéger
6 des grandes villes sans dénoter son intention réelle qui aurait été de
7 faire commettre des crimes en d'autres endroits ?
8 Passons au paragraphe 164 du mémoire de l'Accusation.
9 Milieu du paragraphe :
10 "Bien que Gotovina ait émis des ordres qui reconnaissaient la commission de
11 ces crimes et prévoyaient - en tout cas à première vue - des mesures visant
12 à empêcher qu'ils continuent à être commis, le contenu de ces ordres, le
13 moment où ils ont été émis et le nombre de ces ordres révèle que Gotovina
14 ne faisait que semblant de prévenir ces crimes tout en autorisant qu'ils
15 continuent à être commis."
16 Il aurait prétendu quoi à l'égard de qui, Monsieur le Président, Madame,
17 Monsieur les Juges ? Est-ce qu'il aurait prétendu cela à l'égard de ses
18 subordonnés ? Nous voyons que le général Gotovina a émis des ordres
19 confidentiels. Il n'émet pas des ordres destinés à la presse
20 internationale. Alors, il aurait prétendu quoi à l'égard de qui, c'est ce
21 que je demande à l'Accusation. Cet argument est véritablement ridicule,
22 sans parler de la seule explication raisonnable à la lecture des éléments
23 de preuve. Par ailleurs, encore une fois, l'Accusation n'a soumis cet
24 argument à aucun témoin en espèce. Pas au général Jones, et pas même à M.
25 Theunens.
26 L'Accusation soutient que des ordres multiples ont été émis qui visaient à
27 arrêter les crimes, "il ne serait que logique," dit l'Accusation, de
28 conclure que Gotovina encourageait le crime. Encore une fois, pas de note
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1 en bas de page à ce sujet.
2 Il va vous falloir déterminer, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
3 Juges, si la logique de l'Accusation est logique ou si vous êtes désireux
4 d'adopter la seule interprétation raisonnable des éléments de preuve.
5 Au paragraphe 718 -- j'appelle maintenant votre attention sur les
6 affirmations de l'Accusation quant aux mesures que le général Gotovina
7 aurait pu prendre, qui sont évoquées au paragraphe 718 de notre mémoire.
8 Nous expliquons que ce critère réside dans la nécessité des mesures qui
9 doivent être opportunes et que pour en juger, il faut déterminer la
10 sincérité de celui qui aurait voulu empêcher ou punir; et des mesures
11 raisonnables sont des mesures qui relèvent des pouvoirs hiérarchiques d'un
12 supérieur.
13 Alors, la plupart des mesures que l'Accusation a présentées dans son
14 mémoire n'ont jamais été présentées à qui que ce soit. Selon ce qu'a dit
15 l'Accusation hier, ces mesures étaient "simplement des mesures évidentes."
16 Pourtant, l'Accusation, pour une raison ou pour une autre, n'a jamais
17 soumis ces mesures simples et évidentes à quelque témoin que ce soit au
18 cours des deux ans et demi qu'a duré le procès.
19 Ce que vous avez entendu hier au sujet de ces mesures à l'encontre du 134e
20 Régiment des Gardes qui n'auraient reposé sur aucune expertise militaire.
21 L'Accusation défend une opinion qui est la seule opinion du représentant du
22 Procureur qui s'exprime sur ce point. Cette opinion n'a été présentée à
23 aucun témoin. Ce sont des interprétations qui ont été crées de toutes
24 pièces.
25 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, lorsque l'on compare les
26 arguments de la Défense à ceux de l'Accusation, nous vous demandons de
27 remarquer que nous avons cité un témoin expert, qui a déclaré dans sa
28 déposition qu'il aurait lui-même choisi les mesures choisies par le général
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1 Gotovina comme étant des mesures nécessaires et raisonnables. Eu égard aux
2 mesures proposées par l'Accusation hier, aucun témoin ne s'est exprimé dans
3 sa déposition en déclarant qu'il aurait lui-même pris ces mesures.
4 Néanmoins, la plupart des mesures proposées par l'Accusation ont, en fait,
5 été mises en œuvre. Comme l'a déjà dit le général Gotovina, il n'avait pas
6 à émettre un ordre distinct à ce sujet -- il n'avait pas à demander qu'on
7 lui fasse rapport quant à l'application de ses ordres. Le général Gotovina
8 a émis des ordres visant à faire respecter les mesures disciplinaires,
9 comme on le voit dans les pièces D204 et P918.
10 L'Accusation affirme que le général Gotovina aurait dû charger les
11 policiers militaires de lutter contre le crime. Cette question a fait
12 l'objet d'un débat animé et prolongé et se passe de commentaire
13 supplémentaire. Je me contenterai de dire que nous sommes convaincus que
14 les Juges de la Chambre ont bien compris qui exerçait le commandement eu
15 égard au déploiement de la police militaire chargée de prévenir le crime,
16 de mener des enquêtes et de procéder à des poursuites en justice. Par
17 ailleurs, je souligne que lorsque l'on parle de la police militaire,
18 l'Accusation ne cesse d'affirmer, comme on le voit au paragraphe 238 de son
19 mémoire, que le général Gotovina a exercé "le commandement et le contrôle
20 sur la police militaire." Ceci n'est absolument pas prouvé par les éléments
21 de preuve. L'article 8 indique clairement que le commandement et le
22 contrôle étaient la seule responsabilité de Lausic. Il est évident que
23 l'Accusation n'a toujours pas compris la différence entre les concepts de
24 commandement et de contrôle et que le commandement est pour l'Accusation un
25 synonyme de contrôle, ce qui n'est pas le cas.
26 Monsieur le Président, vous avez essayé d'alerter les parties par rapport à
27 cette distinction, page 2 395, lignes 8 à 19 du compte rendu d'audience,
28 comme l'a d'ailleurs fait le général Forand, pages 4 343 du compte rendu
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1 d'audience, ligne 22, à page 4 344, ligne 4. Malheureusement, l'Accusation
2 n'a toujours pas compris cette distinction.
3 L'Accusation affirme que le général Gotovina aurait dû imposer des couvre-
4 feux militaires en Croatie. Cet argument montre l'ignorance qui est celle
5 de l'Accusation par rapport au droit croate, car ce qu'affirme l'Accusation
6 revient à dire que le général Gotovina aurait dû mener à bien un coup
7 d'Etat militaire contre le gouvernement civil. Il est clair que le général
8 Gotovina n'avait pas les pouvoirs légaux de déclarer un couvre-feu
9 militaire dans les zones libérées alors que l'ordre constitutionnel de
10 Croatie avait été restauré. Manifestement, l'Accusation préfère s'appuyer
11 encore une fois sur des arguments désespérément infondés plutôt que
12 d'admettre l'évidence.
13 Enfin, l'Accusation affirme que le général Gotovina aurait dû démettre de
14 leurs fonctions ou muter certains commandants ou imposer des mesures
15 disciplinaires à l'encontre de ces commandants. Mais ceci n'a jamais été
16 dit avant la parution du mémoire en clôture de l'Accusation. De quels
17 commandants s'agit-il, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges ?
18 Et à quelles fins ceci aurait été fait ? Nous ne savons pas. Les Juges de
19 la Chambre ne le savent pas. Parce que l'Accusation n'a pas soumis cette
20 théorie à quelque témoin que ce soit. Elle ne l'a pas soumise à Theunens,
21 elle ne l'a pas soumise au général Jones. L'Accusation, bien entendu, va
22 sans doute dire que le général Gotovina aurait dû imposer la discipline à
23 tous les commandants ou, à défaut, les démettre de leurs fonctions.
24 Malheureusement, nous ne pouvons répondre à de telles allégations car elles
25 n'ont jamais été évoquées avant ce jour.
26 Alors, examinons la chose suivante : on vous demande de conclure que le
27 général Gotovina n'a pas pris des mesures manifestement nécessaires, qui
28 étaient évidentes, qui étaient criantes d'évidence, et cetera; on vous dit
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1 que vous devriez conclure non seulement que le général Gotovina assume une
2 responsabilité au titre de l'article 7(3) du Statut, mais que ses
3 intentions étaient déterminées et que cette intention consistait à
4 autoriser les incendies volontaires et les actes de pillage. Mais
5 l'Accusation en même temps vous dit que des mesures évidentes auraient dû
6 être prises alors que ces mesures n'ont jamais été évoquées avec quelque
7 témoin que ce soit au cours des deux ans et demi du procès.
8 Je pense que tout ceci parle de soi-même, Monsieur le Président, Madame,
9 Monsieur les Juges. Nous avons étudié la thèse présentée par l'Accusation
10 pendant le procès. Et tout le reste ne constitue que de nouveaux arguments
11 qui sont dépourvus de poids et ne s'appuient sur aucun document versé au
12 dossier.
13 Vous devrez conclure que l'avis du général Jones est une interprétation
14 raisonnable des éléments de preuve.
15 Pour finir, l'Accusation ignore totalement un point fondamental présent
16 dans notre mémoire, point fondamental que nous avons déjà évoqué lors du
17 propos liminaire, point fondamental que nous avons évoqué au cours de
18 l'audition d'un nombre très important de témoins en l'espèce. Ce point est
19 ignoré dans le mémoire en clôture de l'Accusation et n'a pas été évoqué
20 hier par l'Accusation oralement. Pourquoi est-ce que personne n'est allé
21 voir le général Gotovina après le 6 août pour lui demander de faire quelque
22 chose ? Comment peut-il se faire que le général Gotovina soit au
23 commandement de la police militaire dont la coordination est confiée à
24 Lausic eu égard aux actions entreprises par le ministère de l'Intérieur et
25 que pourtant Lausic n'ait jamais communiqué à ce sujet avec le général
26 Gotovina ? Comment peut-il se faire que Moric ait déclaré dans sa
27 déposition que le nom du général Gotovina n'a jamais été évoqué dans des
28 conversations sur ce sujet, ou que le bureau du président n'a jamais
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1 discuté du général Gotovina en rapport avec cette question ? Ou que le
2 général Forand écrive une lettre au général Gotovina après l'opération
3 Tempête pour se plaindre du fait que des véhicules de l'ONURC se trouvent à
4 des postes de contrôle, et pour se plaindre du traitement imposé par ces
5 membres de l'ONURC aux postes de contrôle, et pour demander au général
6 Gotovina de l'aider à rédiger son analyse sur l'opération Tempête à
7 l'intention du gouvernement canadien ? Dans cette lettre il n'est pas dit
8 un mot au sujet du fait que le général Gotovina, ou ses forces auraient été
9 engagés dans des actes d'incendies volontaires et de pillages à grande
10 échelle, et que le général Gotovina aurait dû reprendre le contrôle de ses
11 hommes. Cette question n'est absolument pas évoquée.
12 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, il y a eu un moment dans
13 le procès où la Chambre de première instance a déclaré au général Cross,
14 lorsque quelqu'un doit participer à une action, il est logique de penser
15 qu'il doit participer à sa planification. Bien, je vous présente ce point
16 que la Défense admet mais que l'Accusation n'admet pas.
17 J'irai même un pas plus loin, Monsieur le Président. Il est évidemment
18 clair que si l'on participe à l'exécution d'un acte, il est logique de
19 penser que l'on doit être contacté à l'avance pour s'occuper de cette
20 question. Le général Gotovina ne l'a pas été. En fait, nous avons vu que le
21 général Cervenko, qui était le supérieur du général Gotovina, était prêt à
22 s'adresser directement au général Gotovina chaque fois qu'il avait un souci
23 à son sujet. Comme nous le voyons dans les allégations de mauvais
24 traitement proférées par Alun Roberts, le général Cervenko a exigé une
25 explication du général Gotovina et l'a obtenue. Le général Cervenko n'a
26 jamais pris contact avec le général Gotovina pour lui dire, Vous ne
27 remplissez pas vos obligations professionnelles eu égard à la nécessité
28 d'imposer la discipline.
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1 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je conclurai en disant
2 que les éléments sont abondants, qui montrent clairement que le général
3 Gotovina a pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables au vu des
4 circonstances, et que vous êtes dans l'obligation de prononcer un jugement
5 d'acquittement.
6 Je vais maintenant passer la parole à M. Kehoe, qui parlera des crimes de
7 l'artillerie et d'autres questions.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, je regarde l'horloge. Et
9 je crois qu'il vous reste 90 minutes à moins qu'il n'y ait encore une autre
10 division du temps.
11 M. KEHOE : [interprétation] Le temps sera encore réparti entre nous car mon
12 confrère, Me Akhavan, parlera une trentaine de minutes après moi.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, à ce moment-là, je vous laisse
14 libre de décider à quel moment vous souhaitez faire la pause dans le cadre
15 des contraintes techniques habituelles.
16 Ne les perdez pas de vue, je vous prie.
17 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je pense que la
18 Chambre souhaitera que la pause se fasse à l'heure habituelle, c'est-à-dire
19 environ à 10 heures 30.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais si vous pensez que vous en
21 aurez terminé dix minutes après l'heure en question, vous pouvez poursuivre
22 jusqu'à la fin de votre exposé.
23 Veuillez procéder.
24 M. KEHOE : [interprétation] Absolument.
25 Avant de renter dans l'essentiel de ma plaidoirie, j'aimerais revenir
26 rapidement aux commentaires faits par mes imminents confrères de l'autre
27 partie sur les besoins de précision sur le fait que la Chambre de première
28 instance doit examiner toutes citations présentées avec énormément de
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1 prudence. Je suis sûr que vous le ferez d'ailleurs, et je sais que vous
2 étudierez de très, très près un grand nombre d'allégations dont certaines
3 sont extrêmement sérieuses qui sont portées contre ces trois accusés.
4 Et je sais que lorsque l'Accusation présente des chefs d'accusation
5 en matière d'utilisation de l'artillerie à Benkovac, Obrovac, et Gracac, il
6 est vrai que lorsque l'on emploie l'artillerie les civils peuvent mourir ou
7 être blessés. Je sais que la Chambre va devoir se pencher sur la mort de
8 civils ou les blessures de civils infligées à des civils à Benkovac,
9 Obrovac, et Gracac par l'artillerie. Tout ceci est mentionné aux
10 paragraphes 138 et 484 du mémoire de l'Accusation. Mais il faudra étudier
11 ces éléments de preuve pour voir comment ces personnes sont mortes ou ont
12 été blessées. Malheureusement, la Chambre pourra chercher toujours et ne
13 trouvera rien, parce qu'en ce qui concerne les accusations portées contre
14 les accusés, surtout contre le général Gotovina, il n'y a finalement aucun
15 élément de preuve qui montrerait qu'à Benkovac, Obrovac ou Gracac, des
16 civils soient morts ou été blessés du fait de l'artillerie.
17 Tout ce qu'on peut apprendre, en fait, du mémoire de l'Accusation,
18 c'est qu'il faut bien vérifier quand même sur quoi ils se basent à chaque
19 fois lorsqu'elle avance quoi que ce soit. Parce qu'elle avance beaucoup de
20 choses. Et en plus, il faut voir dans le mémoire de l'Accusation non
21 seulement ce que l'Accusation affirme mais aussi ce qu'elle n'affirme pas,
22 ce qu'elle ne dit pas. Car leur silence est souvent assourdissant, et ils
23 préfèrent se taire, souvent. Lorsqu'ils allèguent que toute la structure de
24 la Croatie, civile et militaire, politique, était impliquée dans cette
25 entreprise criminelle commune qui visait à s'assurer que la population
26 serbe ne pourrait jamais remettre les pieds en Croatie, bien, au cours de
27 leur mémoire qui fait quand même plus de 300 pages, au cours de leurs
28 réquisitoires qui ont duré plus de six heures, ils n'ont jamais parlé du
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1 procureur, M. Galbic, qui a témoigné devant cette Chambre en février 1996,
2 selon lequel il avait traité 1 277 affaires suite à l'opération Tempête et
3 qu'en février 1996 il en avait traité 1 277.
4 Alors la Chambre devrait se demander pourquoi l'Accusation n'a pas
5 mentionné ce qu'avait dit ce procureur croate. Est-ce que c'est parce que,
6 comme ils le disent au paragraphe 5, il fait partie de l'entreprise
7 criminelle commune et il y a tellement de participants qu'on ne peut pas
8 les mentionner ? Est-ce pour cela qu'ils ont décidé de passer cela sous
9 silence ? Non, ils ont passé cela sous silence, parce qu'ils veulent
10 obtenir leur condamnation à tout prix.
11 Maintenant, je vais parler des allégations portées contre le général
12 Gotovina en ce qui concerne l'entreprise criminelle commune. Et je dirige
13 votre attention sur le paragraphe 121 du mémoire en clôture de
14 l'Accusation.
15 Selon l'Accusation, le général Gotovina partageait l'objectif commun
16 criminel de l'entreprise criminelle commune en ayant planifié, ordonné et
17 mis en œuvre une attaque par pilonnage systématique et illégal contre les
18 civils serbes de la Krajina dans le but de les chasser. Et ceci est
19 présenté dans le mémoire en question de l'Accusation et les commentaires de
20 M. Russo.
21 Donc ceci est à la base de la théorie de l'Accusation sur la fameuse
22 entreprise criminelle commune de Brioni qui dépend, en fait, sur la preuve
23 que l'on peut apporter à cette campagne systématique de pilonnage, c'est la
24 pierre angulaire de la théorie de l'Accusation. Mais malheureusement, elle
25 ne se base sur rien. Les éléments de preuve montrent que l'utilisation de
26 l'artillerie par la HV au cours de l'opération "Storm" correspondait
27 parfaitement à la doctrine militaire acceptée partout, pas uniquement dans
28 l'OTAN, pas uniquement au niveau de l'armée néerlandaise ou de l'armée
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1 américaine, mais c'est juste la doctrine habituelle de toutes les armées du
2 monde. Et c'est exactement ce qu'a dit la Défense Gotovina d'ailleurs au
3 cours de nos propos liminaires, page 773 [comme interprété], lignes 6 à 24.
4 Donc ceci est repris de façon étoffée dans les pages 50 à 86 de notre
5 mémoire en clôture. Bien sûr, je ne vais pas répéter ce qui est déjà
6 détaillé dans notre mémoire puisque vous l'avez demandé.
7 Mais je vais quand même répondre à certaines des allégations soulevées par
8 M. Russo hier. Je fais référence au compte rendu d'hier, mais
9 malheureusement ce sont des références du brouillon du compte rendu,
10 puisque c'est tout ce que nous avions hier soir pour travailler, je m'en
11 excuse à l'avance.
12 A la page 47 du compte rendu d'hier, lignes 24 à 48 -- non, de la page 47,
13 ligne 24, à la page 48, ligne 3, M. Russo déclare, et je cite :
14 "Tout le jargon militaire à propos du centre de gravité ou du spectre de
15 domination à opérationnel, de bataille terre/air ou d'approche de
16 manœuvriers ou d'autres doctrines militaires ne peut justifier les
17 différences étonnantes que l'on a trouvées entre les soi-disant cibles de
18 l'attaque et les endroits qui ont été pilonnés à Knin."
19 Donc M. Russo, déjà, ne fait qu'accepter ces approches militaires, il parle
20 d'approches militaires, alors que dans la théorie de l'Accusation ces
21 théories militaires ne sont pas acceptées.
22 Ensuite, M. Russo montre à la Chambre une vidéo ou soi-disant des témoins
23 auraient vu des obus atterrir pendant l'opération Tempête, et ce, parmi les
24 11 cibles militaires identifiées par M. Rajcic.
25 J'aimerais avoir d'ailleurs la diapo à l'écran. Donc voici la diapo à
26 laquelle M. Russo a fait référence hier. L'Accusation a demandé à la
27 Chambre de conclure au vu de cette diapo que la seule interprétation
28 raisonnable des éléments de preuve c'est que toute la ville de Knin avait
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1 été ciblée, la totalité de la ville. Bien sûr, cette diapo ne nous prouve
2 absolument rien, ne prouve certainement pas cela et ne prouve surtout rien
3 du tout. Donc regardez ce qu'a fait la Chambre dans l'affaire Galovic, par
4 exemple, on voit qu'il y a de nombreuses questions à poser. Tout d'abord,
5 savoir si le témoin qui, à ce moment-là, était sous les obus se souvient
6 bien des endroits où les obus sont bel et bien tombés, qu'il a indiqués sur
7 cette carte de Knin.
8 Prochaine question qu'il faut vous poser, si les cercles dessinés par le
9 témoin sont bel et bien corrects. La Chambre doit connaître la
10 concentration des tirs aussi pour savoir si ces cercles dessinés par le
11 témoin sont probants ou non. Combien d'obus sont tombés sur ces cercles ?
12 Un ? Cinquante ? Cent ? De plus, la Chambre devrait se demander si le
13 cercle où cet obus serait tombé a un lien quelconque avec une cible
14 militaire.
15 Ce sont des questions auxquelles il faut répondre en utilisant différentes
16 techniques, des analyses de cratères, des évaluations de dégâts, les
17 vidéos, les photographies, et cetera. Il faut utiliser tous ces éléments de
18 preuve, et dans les autres Chambres de première instance elles ont été
19 toujours présentées pour étayer les charges des chefs de pilonnage illégal,
20 mais ici nous n'avons rien eu.
21 Hier on a vu sur cette vidéo, le fait qu'on vous a dit que plus de 1 000
22 obus d'artillerie avaient été tirés sur Knin pendant une campagne
23 d'artillerie qui avait duré plus de 25 heures - vous trouvez ça à la page
24 48 du compte rendu - normalement on aurait quand même pu vous présenter des
25 photographies, des vidéos montrant les dégâts infligés à la ville de Knin,
26 parce que soi-disant la ville de Knin aurait été rasée, pratiquement rasée
27 suite à cette attaque d'artillerie.
28 De plus, la Chambre de première instance aurait aussi dû s'attendre à
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1 étudier un grand nombre d'analyses de cratères et aussi être confrontée à
2 un grand nombre de victimes civiles. Mais la Chambre ne pouvait pas
3 s'attendre à ce qu'on lui dise que les tirs d'artillerie étaient concentrés
4 contre des objectifs militaires, ce qui s'est passé lorsque -- et c'est
5 d'ailleurs la conclusion qu'en a tiré Steinar Hjertnes, qui est un expert
6 de l'artillerie des Nations Unies. C'est aussi la conclusion à laquelle
7 sont arrivés les diplomates internationaux. On voit ces mêmes conclusions
8 dans les dépêches des Etats-Unis et dans le rapport du sénateur des Etats-
9 Unis au conseil de Sécurité. Vous le trouverez d'ailleurs aux pages 306 à
10 313 de notre mémoire en clôture avec ses notes de bas de page.
11 Bien sûr, tout ceci c'était avant que tout ait été manipulé par M. Roberts.
12 La Chambre de première instance ne peut pas s'attendre à ce que le général
13 Forand dise aux militaires canadiens, en juin 1996, que l'utilisation de
14 l'artillerie par la HV était excellente. Vous trouverez pourtant cela à la
15 pièce 401, page 21. Donc tous les éléments de preuve correspondent à une
16 simple conclusion qui est celle que l'artillerie a été employée dans les
17 règles de l'art et de la guerre.
18 Le fait que l'Accusation n'a corroboré aucune des descriptions soi-disant
19 alléguées de la ville de Knin avec des photographies, des vidéos, des
20 évaluations de dommages, des analyses de cratères, le fait qu'il y ait eu
21 énormément de morts civils, et cetera, c'est pas parce qu'ils ont attendu
22 trois mois avant d'introduire une requête en demandant à obtenir des
23 documents d'artillerie de la part de la l'armée de Croatie. Si
24 l'interprétation de l'Accusation était correcte dès le départ, ce type
25 d'éléments de preuve dont nous parlons maintenant aurait été obtenu très
26 facilement auprès des Nations Unies et auraient été donnés au bureau du
27 Procureur dès 1995. Mais ça n'a pas été le cas. Pourquoi ? Pourquoi est-ce
28 qu'en 1995 on n'a rien donné au bureau du Procureur ? Tout simplement parce
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1 que ces éléments de preuve n'existaient pas et que cette interprétation, a
2 posteriori, par l'Accusation est tout simplement fausse.
3 Maintenant, imaginons que le bureau du Procureur n'ait pas eu la
4 possibilité d'enquêter sur cela en août 1995, mais dans ce cas-là étudiez
5 la pièce P378, il s'agit d'un rapport des observateurs des Nations Unies.
6 Donc le bureau du Procureur enquête sur cette affaire depuis le 29 août
7 1995, lorsque Todd Cleaver du bureau du Procureur s'est rendu à Knin pour y
8 rencontrer plusieurs personnes travaillant pour les Nations Unies. Donc si
9 les éléments de preuve avaient existé, s'il y avait eu des éléments de
10 preuve montrant qu'il y avait eu une attaque systématique et aveugle et
11 illégale contre la population civile de Knin, n'est-il pas tout simple de
12 penser que M. Cleaver aurait reçu ces éléments de preuve de la part des
13 gens des Nations Unies lorsqu'il s'est rendu à Knin en 1995 ?
14 En ce qui concerne les analyses de cratères, l'Accusation n'a présenté
15 qu'une seule analyse à peu près crédible. Comme nous le disons au
16 paragraphe 318 de notre mémoire en clôture, cette analyse c'était celle
17 d'une roquette serbe qui avait été tirée sur Knin le 5 août. Je suis
18 certain que vous vous en rappelez, c'était M. Munkelien et M. Anttila qui
19 témoignaient, et leur rapport montre bien que cette roquette a été trouvée
20 en trois endroits séparés -- en tout état de cause, il s'agissait quand
21 même d'une roquette tirée par la RSK. Donc plutôt que d'accepter cette
22 interprétation raisonnable des éléments de preuve présentés, l'Accusation,
23 dans son zèle aveugle, déclare maintenant - et c'est vraiment leur thèse -
24 elle déclare maintenant au paragraphe 605 de leur mémoire en clôture que
25 les forces de la HV ont confisqué des lance-roquettes multiples à 8 heures
26 55 du matin auprès des forces de l'ARSK et ont décidé de tirer sur leurs
27 propres troupes qui sont rentrées à Knin à partir de 10 heures du matin le
28 5 août.
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1 Un exemple de spéculation tirée par les cheveux qui n'a aucun sens de la
2 part de l'Accusation. Tout ceci n'est étayé par absolument rien.
3 Ensuite, au cours de la présentation de M. Russo, il a écarté d'un revers
4 de manche la doctrine militaire occidentale n'était que du jargon et a
5 décidé de ne pas s'en servir comme élément de preuve. Tout ça parce que
6 dans notre mémoire en clôture, paragraphes 235 à 250, nous avons expliqué
7 que l'utilisation de l'artillerie au cours de l'opération "Storm" était
8 parfaitement cohérente avec la doctrine existante. Un exemple du mépris de
9 l'Accusation par rapport à la doctrine militaire qui amène à une conclusion
10 erronée est le fait que l'Accusation fait valoir que le général n'aurait
11 pas suivi parfaitement la directive de l'état-major de la HV le 26 juin
12 1995, après la réunion de Brioni du 31 juillet. D'ailleurs, nous en parlons
13 dans notre mémoire aux paragraphes 189 à 232 [comme interprété].
14 L'Accusation ne comprend pas bien le fonctionnement de la chaîne de
15 commandement au niveau stratégique et au niveau tactique. L'Accusation
16 déclare qu'il y aurait, en fait, des cibles supplémentaires et des noms de
17 villes supplémentaires dans l'ordre d'attaque du général Gotovina. C'est
18 évident, parce que l'état-major principal émet un ordre, ils le font au
19 niveau stratégique. C'est un ordre stratégique. Et lorsqu'il descend
20 jusqu'au niveau opérationnel, donc au niveau du général Gotovina, on ajoute
21 de nouvelles cibles, puisque là il y a à la fois les cibles stratégiques
22 qui ont été établies par l'état-major principal de la HV et aussi les
23 cibles opérationnelles telles quelles sont définies par les commandants
24 opérationnels et les commandants subalternes sur le terrain.
25 Donc plus on descend dans la chaîne, plus il y a de cibles, puisqu'on va du
26 niveau stratégique au niveau tactique. Les cibles abordées par M. Rajcic au
27 cours de son témoignage, qu'elles soient à Knin ou dans d'autres villes,
28 étaient toutes des cibles qui se trouvaient au niveau opérationnel. En plus
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1 de ces cibles stratégiques et opérationnelles, les unités subordonnées
2 avaient aussi des cibles tactiques qu'ils engageaient au fur et à mesure de
3 l'évolution du combat. C'est évident. Au fur et à mesure que la bataille
4 évolue, les cibles changent, les cibles sont mobiles, c'est normal.
5 La Défense Gotovina, précédemment, a argumenté ce point en vous présentant
6 les pièces D1459 et D1460, où nous avons montré un petit peu en superposant
7 deux cartes qu'elles étaient les cibles au niveau stratégique et les cibles
8 au niveau opérationnel autour de Benkovac. Pour gagner du temps, je ne vais
9 pas rentrer là-dedans, mais en lisant le mémoire en clôture, vous saurez
10 exactement comment une cible stratégique peut devenir une cible tactique.
11 Dans aucune des diapos montrées par M. Russo on parle de cibles
12 tactiques en ce qui concerne les pilonnages de Knin, Benkovac, Obrovac et
13 Gracac.
14 Déjà l'Accusation ne comprend pas la doctrine militaire, mais de
15 plus, l'Accusation ne comprend pas non plus l'importance des documents
16 qu'ils présentent pour étayer leurs arguments. Un exemple, M. Russo s'est
17 basé sur la pièce P2338, qui est une carte d'infanterie cryptée, pour
18 étayer son argument; vous trouvez ça au paragraphe 594 à 605 de leur
19 mémoire en clôture, selon lequel les lance-roquettes multiples étaient
20 dirigés vers les zones civiles. Marko [phon] Rajcic a réfuté cela à la page
21 16 554 du compte rendu, lignes 11 à 18. Il a expliqué d'ailleurs lors de sa
22 déposition, page 16 554, ligne 8, à 16 556, ligne 9, que la pièce P2338 est
23 une carte d'infanterie cryptée utilisée pour donner les coordonnées
24 générales. Il dit toujours que pour connaître la cible bien précise, il
25 vous faut les coordonnées X, Y et Zagreb, et la HV possédait ces trois
26 coordonnées pour toutes cibles sur lesquelles ils ont tiré, et Rajcic l'a
27 d'ailleurs confirmé à la pièce D1425, paragraphe 29, et lors de sa
28 déposition, page 17 641, lignes 17 à 22.
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1 Comme vous l'avez vu dans le support visuel présenté par M. Russo,
2 les coordonnées S-15 et S-54 correspondent aux cibles identifiées par M.
3 Rajcic. Et comme M. Rajcic vous dit, ce sont des points de coordonnées tout
4 simplement. Et la S-16, celle qui nous intéresse, celle qui intéresse tout
5 particulièrement l'Accusation, est en ligne avec les casernes du nord, qui
6 est une autre cible opérationnelle identifiée par M. Rajcic et qui a été
7 atteinte par la HV.
8 Au paragraphe 601 de leur mémoire en clôture, l'Accusation essaye de
9 corroborer leur interprétation de la pièce P2338 en affirmant que M. Jeff
10 Hill aurait trouvé une roquette à la résidence du général Forand qui,
11 d'après lui, se serait trouvée dans la coordonnée S-16. D'ailleurs, on le
12 voit d'ailleurs dans le cliché suivant de la présentation de M. Russo, et
13 c'est une identification par M. Hill de la résidence de M. Forand.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe.
15 M. KEHOE : [interprétation] Oui.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous nous expliquer exactement ce
17 que vous voulez dire lorsque vous dites que S-16 "est orienté dans l'axe
18 des casernes du nord."
19 M. KEHOE : [interprétation] Oui, je vais expliquer cela --
20 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
21 M. KEHOE : [interprétation] Le S-16 se trouve sur une ligne de tir qui vise
22 les casernes du nord.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait voir la diapo
24 différemment --
25 M. KEHOE : [interprétation] Oui.
26 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
27 M. KEHOE : [interprétation] Je pense que ce serait plus simple, en effet.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
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1 M. KEHOE : [interprétation] Donc en bas à gauche, vous avez les casernes du
2 nord --
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
4 M. KEHOE : [interprétation] Vous voyez que les tirs étaient orientés par
5 là. Je vais m'expliquer. M. Boucher habitait justement dans cette zone S-
6 16, et il a témoigné pour dire qu'il y a bien et bel eu des tirs
7 d'artillerie. Pas des lance-roquettes multiples. Des tirs d'artillerie qui
8 venaient et qui arrivaient dans la zone S-16, et il pensait qu'il
9 s'agissait de tirs d'artillerie qui visaient les casernes du nord.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je ne comprends pas, s'il me
11 faut une ligne, il me faut une ligne par rapport à un point quand même, il
12 me semble --
13 M. KEHOE : [interprétation] Moi, je vous parle des arguments présentés par
14 les témoins que nous avons entendu. M. Boucher qui habitait dans ce secteur
15 S-16 et qui dit bien qu'il a assisté à des tirs d'artillerie venant de
16 l'extérieur sur cette zone S-16 et visant la caserne du nord, mais ce
17 n'était pas du tout des tirs de lance-roquettes multiples.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Poursuivez.
19 M. KEHOE : [interprétation] Donc pour essayer d'étayer leurs propos,
20 l'Accusation a dit que M. Hill a trouvé une roquette dans cette région, ce
21 quartier où soi-disant le général Forand aurait habité.
22 Ça semble être la roquette ici identifiée par M. Hill; vous trouverez
23 ça au transcript 3 755, lignes 8 à 9, mais malheureusement cette roquette
24 qu'il a trouvée ne correspond pas aux roquettes tirées par les Croates au
25 cours de l'opération "Storm."
26 De plus, M. Hill a fait une erreur quant à l'emplacement exact de la
27 villa du général Forand. Le général Forand, bien sûr, a témoigné après M.
28 Hill, et de ce fait, on n'a jamais pu demander au général s'il habitait
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1 bien là. Mais M. Dawes, la pièce P980, déclare que lors de son deuxième
2 voyage à Knin, il est allé dans un quartier résidentiel près de la villa de
3 Forand. Dans la pièce suivante, la D856, on voit que l'endroit identifié
4 par M. Dawes comme étant l'emplacement de la villa du général Forand ne
5 correspond pas à l'endroit marqué par le témoin Hill.
6 Le témoin de l'Accusation Boucher, lui, habitait bel et bien dans ce
7 quartier qui est recouvert par cette zone S-16; on le voit d'ailleurs à la
8 pièce P1179. M. Boucher a bel et bien témoigné qu'il y avait des tirs
9 d'artillerie entrant dans cette zone, mais il déclarait qu'ils étaient
10 dirigés vers eux et qu'il n'a jamais parlé d'un moindre lance-roquettes
11 multiples.
12 Enfin, la Défense fait remarquer que la pièce P2338 contient
13 énormément de cercles, des dizaines de cercles. Pourquoi ? Parce qu'il
14 s'agit de cartes qui sont utilisées par les membres de l'infanterie pour
15 communiquer entre eux et pour se donner des points de référence. Donc si
16 l'argument de l'Accusation est correct, nous faisons valoir que tous ces
17 cercles auraient dû être mentionnés dans un grand nombre de journaux de
18 bord tactiques ou opérationnels. Or, ils n'ont jamais été mentionnés où que
19 ce soit.
20 Je remarque qu'il est déjà 10 heures 30, Monsieur le Président. Nous allons
21 passer à autre chose, mais j'ai besoin d'environ deux minutes. Qu'en
22 pensez-vous ?
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est à vous de voir si vous préférez
24 faire la pause et reprendre ensuite.
25 M. KEHOE : [interprétation] Je pense qu'il est mieux que nous reprenions
26 après la pause, parce que j'en ai pour plus longtemps que deux minutes,
27 plutôt cinq ou dix.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons maintenant faire
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1 la pause et nous reprendrons à 11 heures pile.
2 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.
3 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de reprendre, je m'adresse à
5 l'Accusation, dans vos propos liminaires ainsi qu'hier, l'Accusation a
6 attiré l'attention de la Chambre sur un rapport pour lequel vous affirmez
7 qu'il est faux, sur les bombes au phosphore à Grahovo, sur leur
8 utilisation. Il semblerait que ce soit un point de fait et la Défense
9 s'oppose à votre version de manière très ferme. La Chambre souhaiterait que
10 l'Accusation signale les éléments de preuve étayant votre affirmation, à
11 savoir qu'il s'agit d'un rapport qui est faux et qui se fondera sur les
12 éléments de preuve démontrant qu'aucune bombe au phosphore n'a été utilisée
13 pendant l'attaque sur Grahovo. Donc si cela peut se faire ces jours-ci, ce
14 serait très bien d'apporter ce point de précision. Peut-être que c'est une
15 omission de notre part.
16 M. TIEGER : [interprétation] Nous y verrons, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.
18 M. KEHOE : [interprétation] Oui.
19 Juste pour continuer sur les allégations de l'Accusation au sujet de
20 l'artillerie, de l'attaque de l'artillerie. Nous savons qu'il n'y a
21 quasiment eu aucun dégât à Knin et nous savons également que pour ce qui
22 est de Benkovac, Obrovac, et Gracac, qu'ils n'ont présenté aucun élément de
23 preuve démontrant qu'il y a eu des morts de civils ou des civils blessés.
24 Si l'on se penche encore une fois sur les éléments de preuve, on verra
25 qu'il n'y a pas eu de morts ou de blessés en grand nombre à Knin parmi la
26 population civile, et cela n'a pas été causé par l'activité de la HV du 4.
27 Il y a eu des personnes qui se sont trouvées à l'hôpital, mais l'on ne sait
28 pas qui a tué ces personnes, ce qui a causé leur mort. L'indentification de
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1 plusieurs personnes n'a pas été faite. Donc je vous réfère maintenant au
2 tableau de précision, 185 à 190, 200 [comme interprété] à 225. Prenons, par
3 exemple, la victime alléguée 225, personne ne nous explique pour cette
4 personne qui arrive le 5 à l'hôpital qui l'a blessée, était-ce dans la zone
5 des cibles militaires ou non. Mais cela ne les empêche pas d'affirmer
6 qu'elle fait partie de ces victimes d'attaques contraires à leurs lois.
7 Puis les six individus de 185 à 190. Ce sont les individus qui auraient été
8 tués à l'extérieur de la caserne des Nations Unies dans la matinée du 5.
9 Mais même si ces personnes étaient mortes déjà, cela n'a pas empêché
10 l'Accusation d'en parler comme étant victimes d'attaques illégales sur la
11 population civile, attaques menées par l'artillerie et les lance-roquettes.
12 Mais au mieux, ces individus ont été tués dans le cadre d'une attaque au
13 mortier. Il n'y a pas d'artillerie à grande portée et ça n'a rien à voir
14 avec les lance-roquettes multiples. Qui plus est, au paragraphe 997 on ne
15 sait pourquoi ces personnes sont décidées. Vous vous rappellerez les
16 éléments de preuve --
17 Je vous présente mes excuses.
18 Avant ce moment-là, effectivement, l'ARSK a pris pour cible le QG du
19 secteur sud des Nations Unies. Donc après tout ce qui a été dit, après
20 toutes les autopsies et toutes les analyses qui ont été menées par le
21 Procureur, ils n'ont pu établir que pour ce qui est d'un civil, qu'il est
22 effectivement possible qu'il ait été tué par les tirs d'artillerie pendant
23 l'opération Tempête - et il s'agit du civil au numéro 205 - en dépit de
24 cela, l'Accusation affirme que l'incident d'artillerie est causé par une
25 attaque contraire à la loi contre la population civile et que le général
26 Gotovina doit répondre de cela. Mais aucun fait ne l'étaye.
27 Franchement, l'Accusation emploie la même tactique dans d'autres cas, pour
28 d'autres incidents. Plutôt que de répondre à son obligation de prouver ces
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1 allégations, la charge de la preuve repose sur l'Accusation. Donc ils
2 devraient présenter à cette Chambre plus que les éléments de preuve
3 démontrant l'existence d'une seule victime lorsqu'ils affirment la
4 responsabilité du général Gotovina.
5 Un autre exemple de cette tactique à laquelle a recours l'Accusation
6 ce sont les opérations psychologiques. Au paragraphe 502 de leur mémoire,
7 l'Accusation affirme que le général Gotovina a donné l'ordre, la pièce P478
8 ordonnant de larguer des tracts. Mais d'après l'expert Theunens, il se fait
9 clair que la pièce P478 ne constitue pas - et je répète - ne constitue pas
10 un élément qui a été utilisé pendant l'opération Tempête, indépendamment de
11 ce qu'affirme l'Accusation. Nous vous référons au rapport de M. Theunens, à
12 savoir la pièce P113 -- pièce 1113, excusez-moi, il s'agit de la note en
13 bas de page 457 de la page 371. M. Theunens est d'accord pour dire que
14 l'ordre effectif du général Gotovina utilisé pendant l'opération Tempête
15 constitue la pièce D201 et qu'il n'y est pas fait mention de tracts.
16 Nous en avons parlé dans nos paragraphes 320 à 329 de notre mémoire en
17 clôture, donc ce ne sont pas les opérations psychologiques qui ont incité
18 les civils à prendre la fuite. Les civils sont partis, parce qu'ils étaient
19 encerclés ou parce qu'ils pensaient qu'ils allaient être encerclés, d'après
20 ce que le général Mrksic leur a dit; d'après ce que M. Strbac nous a dit,
21 ils sont partis, parce qu'ils ne voulaient pas rester en Croatie sous
22 l'autorité croate, et je vous réfère à la pièce D926, à savoir "ils
23 souhaitaient préserver leur potentiel biologique."
24 Alors hier nous avons entendu M. Russo affirmer qu'il y a eu des tracts.
25 Mais prenons maintenant les paragraphes 325 et 326 du mémoire final
26 Gotovina. La seule chose qui est prouvée par l'Accusation c'est qu'on a
27 largué des tracts en Bosnie. Puis M. Russo attire notre attention sur le
28 témoignage de Mme Marija Vecerina pour réfuter cela, et il l'a fait hier,
Page 29239
1 il l'a fait page 33, lignes 1 à 5. L'Accusation cependant ne vous a pas dit
2 hier que Mme Vecerina n'a jamais identifié le tract qui lui a été montré,
3 et je renvoie la Chambre à la pièce P652 [comme interprété], paragraphe 10;
4 la pièce 653 en son paragraphe 5. Et ce qui est encore plus important, Mme
5 Vecerina n'a jamais dit dans son témoignage qu'elle est partie de la zone à
6 cause de ce tract. Plutôt, elle a dit qu'elle est partie parce que son fils
7 lui a dit de partir, il lui a dit qu'il avait entendu dire à la radio que
8 Knin était tombée. C'est la raison de leur départ. Je vous renvoie en page
9 du compte rendu d'audience 6 727, lignes 24 à 25, ainsi que la page 6 725,
10 lignes 19 à la page 6 726, ligne 7.
11 L'Accusation n'a jamais prouvé que les civils serbes sont partis à cause de
12 l'utilisation illégale soit des opérations psychologiques, soit de
13 l'artillerie.
14 Afin de gagner du temps, Monsieur le Président, je souhaite passer à un
15 autre point qui a été affirmé par l'Accusation en son paragraphe 121 [comme
16 interprété], à savoir le fait que le général Gotovina aurait accepté le
17 crime.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, est-ce que vous
19 pourriez préciser les références aux paragraphes 325 et 326 du mémoire de
20 l'Accusation.
21 M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit de notre mémoire final, paragraphes
22 325 et 326. Je vous présente mes excuses.
23 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
24 M. KEHOE : [aucune interprétation]
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Merci.
26 M. KEHOE : [interprétation] Donc notre client aurait accepté la commission
27 du crime.
28 Mais rien n'est plus éloigné de la vérité que cela. Il n'y a eu que
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1 quelques instances où cette conversation s'est présentée, comment le
2 général Gotovina a-t-il réagi ? Il en a parlé avec la MOCE, on le voit dans
3 notre mémoire, et l'observateur de la MOCE qui était présent pendant cette
4 conversation a compris plusieurs choses, que la police civile exerçait le
5 contrôle, qu'elle contrôlait la situation, et que toute personne qui se
6 serait livrée à la commission d'un crime devrait être poursuivie.
7 Indépendamment qu'il s'agisse d'un soldat, d'un civil, de quelqu'un qui se
8 serait livré à un comportement criminel, il pensait que le général Gotovina
9 voulait le faire poursuivre. Mais ça, on n'en parle jamais, cela n'est
10 jamais évoqué dans le mémoire de l'Accusation. Toutefois, lorsque je vous
11 renverrai à la déposition de M. Galovic, vous verrez que c'est exactement
12 ce qu'il fait lorsque plus de 1 200 affaires ont été poursuivies, c'est
13 exactement ce qu'il fait, M. Galovic. Donc je ne comprends pas comment cela
14 n'a pas trouvé sa place dans le mémoire du Procureur. Je vous renvoie aux
15 paragraphes 593 à 599 de notre mémoire final, il est question des actions
16 entreprises par le général Gotovina face au crime. Nous contestons où il
17 est question de M. Hedaraly qui affirme, hier, la plupart de ces crimes ont
18 été commis par des soldats ou par des civils agissant de concert avec les
19 militaires.
20 Bon, je comprends tout à fait que vous nous avez remis des tableaux qui
21 concernent la liberté de déplacements, page 148 du mémoire de l'Accusation.
22 Mais il y a là un défaut au cœur de l'analyse qu'ils mènent, à savoir tous
23 ces auteurs de crimes ou la plupart de ces auteurs de crimes sont désignés
24 par eux comment étant membres de la HV. Mais qu'est-ce qui leur permet de
25 faire cela ? Comment le font-ils ? Comme les éléments de preuve démontrant
26 l'existence de crimes commis dans le secteur sud de la Krajina, et nous
27 n'avons jamais contesté le fait qu'il y a eu des crimes, tous ces crimes,
28 ils les mettent en relation avec les unités qui à un moment donné se sont
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1 trouvées dans cette zone, et simplement parce qu'un crime a été commis et
2 parce qu'une unité s'est peut-être trouvée déployée dans cette zone à un
3 moment donné, cette unité est responsable de la commission de ce crime sans
4 qu'on n'ait jamais identifié les véritables auteurs. Et en même temps, ils
5 souhaitent que la Chambre déclare les accusés coupables de cela.
6 Mais ils n'assument pas leur obligation de démontrer les allégations. Nous
7 avons vu le témoin de l'Accusation d'ailleurs, William Hayden, a témoigné
8 en ce sens lorsque la Défense s'est penchée sur sa déposition pendant le
9 contre-interrogatoire. Je vous renvoie aux pages 10 628, ligne 15, à 10
10 645, ligne 7. Je ne vais pas revenir à l'ensemble de sa déposition, mais
11 permettez-moi de le résumer.
12 M. Hayden se permet de tirer des conclusions sur le pillage et les
13 incendies systématiques et organisés par la HV et il s'avère que c'est sans
14 fondement. Même si personnellement il n'a pas vu de membres de la HV se
15 livrer à de telles activités, il arrive à la conclusion que c'est la HV qui
16 a commis les crimes parce que lui-même n'a pas vu de civils dans cette
17 zone. M. Hayden arrive à cette conclusion indépendamment du fait qu'un
18 responsable croate, à savoir M. Pasic, lui a dit que le crime a été commis
19 par des civils qui cherchaient à se venger. M. Hayden dit qu'il s'est
20 penché sur les éléments d'information fournis par M. Pasic, mais qu'il a
21 exclu la possibilité que ça ait été des civils qui ont commis des crimes
22 dans cette zone. Même s'il n'a aucun élément d'information sur des
23 enquêtes, sur le nombre de civils qui sont restés dans la zone après le
24 départ des Serbes, M. Hayden arrive à ces conclusions. Cette information
25 était absolument nécessaire avant de tirer les conclusions qu'il a tirées.
26 D'ailleurs, M. le Président a attiré l'attention de M. Hayden là-dessus.
27 Page 10 634, lignes 11 à 12 du compte rendu d'audience, M. le Président dit
28 à M. Hayden :
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1 "Mais je ne vous demande pas ce que vous avez vu.
2 "Je vous demande si vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il
3 s'agit là d'un problème logique dans le raisonnement."
4 Et M. Hayden rejette cela. Donc résumons. L'Accusation a rejeté cette
5 position. Elle a fait exactement la même chose. Elle n'a pas demandé à M.
6 Hayden cette question tout à fait simple avant d'arriver à la conclusion
7 que la seule déduction raisonnable était que les membres de la HV étaient
8 ceux qui ont posé des crimes.
9 Mais ces crimes auraient pu être commis avant l'opération Tempête ?
10 Est-ce qu'il y a eu des retours de civils dans la zone ? A quel moment est-
11 ce qu'ils sont revenus ? Combien y en a-t-il eu ? Donc est-ce que il y
12 avait la présence de la police civile ou de la police militaire dans cette
13 zone ? Parmi ces catégories de population, est-ce qu'il y en a qui ont
14 contribué à la criminalité ? Ces gens qui ont été vus en uniforme, est-ce
15 que c'étaient des militaires ou est-ce qu'ils ont pu se procurer des
16 uniformes de camouflage ? Est-ce qu'ils ont agi à titre individuel ou de
17 manière organisée, de manière à se faire commander par quelqu'un, ou à
18 fonctionner au sein d'une structure qui était contrôlée ?
19 Donc penchons-nous sur le paragraphe 479 du mémoire de l'Accusation, où ils
20 affirment que la grande majorité de ces crimes ont été commis par les
21 soldats de la HV, et c'est ce que M. Hedaraly a dit hier, la plupart. Mais
22 qu'est-ce que cela veut dire ? La très grande majorité. La plupart de ces
23 crimes ont été commis par des membres de la HV. Et hier, pour la première
24 fois, page 57, lignes 13 à 15, l'Accusation admet : "Les civils ont bel et
25 bien été impliqués à la perpétration de crimes."
26 Combien de fois, où, quand ? L'Accusation ne nous a jamais répondu à ces
27 questions. Elle ne nous dit rien à ce sujet.
28 Prenons le paragraphe 479 du mémoire de l'Accusation, où ils affirment que
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1 la grande majorité de ces crimes ont été commis par la HV. Ils arrivent là
2 à formuler plusieurs hypothèses. Ils relèvent le fait qu'il n'y a pas eu de
3 retour en masse des personnes déplacées de nationalité croate avant le 15
4 août. Voyons maintenant la logique de ce raisonnement.
5 Il n'y a pas de retour massif, alors combien de civils sont revenus ?
6 Combien de civils se trouvent dans la zone ? Pourquoi est-ce qu'il faudrait
7 qu'il y ait un retour en masse pour que des civils commettent des crimes ?
8 Combien d'éléments criminels ont pu s'infiltrer dans la zone avant que
9 l'Accusation n'admette la possibilité qu'ils ont commis un crime ?
10 Lorsqu'ils fixent la date au 15 août, ce qu'ils essaient de dire c'est
11 qu'il n'y a pas de civils qui arrivent dans la zone avant cette date, donc
12 nécessairement les seuls qui sont présents ce sont les soldats de la HV, et
13 nécessairement c'est le général Gotovina qui est responsable de leurs
14 actes.
15 Prenons la page 6 de la pièce P352, la page 2 de la pièce D77, et la
16 première page de la pièce P805, ainsi que nos paragraphes 482 à 498, les
17 civils sont vus dans la zone libérée dès le 6 août. A différents niveaux,
18 les représentants de la communauté internationale constatent le retour des
19 personnes à cette date-là. Donc l'Accusation n'en tient pas compte du tout.
20 Pour ce qui est des militaires - et là je me réfère à leur région 479 - ils
21 affirment que les militaires contrôlaient entièrement la zone et qu'il y a
22 eu des postes de contrôle qui ont été établis pour empêcher les civils de
23 rentrer. Je vous renvoie aux paragraphes 464 à 469 de notre mémoire. Ce
24 sont les éléments mêmes cités par l'Accusation qui contredisent leur
25 arguments Prenez les références citées par M. Tieger à cet effet. M. Moric,
26 son témoignage, ainsi que Cipci, qui tous les deux disent que c'est la
27 police civile qui restreint la liberté de déplacement, et non pas la police
28 militaire.
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1 Ensuite, prenons la question des postes de contrôle d'après lesquels la
2 zone allait être bouclée. Mais non, cela ne tient pas debout. M. Galovic
3 affirme qu'il était impossible d'avoir des postes de contrôle pour boucler
4 la zone. Le général Cross l'a cité à plusieurs reprises, il a dit que des
5 postes de contrôle ne pourraient pas contrôler l'afflux des gens dans ce
6 secteur. Puis les observateurs militaires, lorsqu'ils se trouvaient face à
7 des postes de contrôle, eux qui ne connaissaient pas la zone, arrivaient à
8 les contourner. Donc on ne peut pas dire que ces postes de contrôle ont
9 empêché qui que ce soit de rentrer dans la zone.
10 Et enfin, l'Accusation admet tacitement qu'après le 15 il y a un certain
11 nombre de civils qui rentrent et qu'ils ont pris part à la commission des
12 crimes. Ils renvoient la Chambre à ce stade au paragraphe 195 de l'arrêt
13 Martic, mais qui ne s'applique pas en l'espèce. Donc il s'agit d'une
14 référence qui est tout à fait inexactement reprise ici. Penchons-nous sur
15 le paragraphe 195, donc l'analyse est la suivante : la Chambre de première
16 instance a constaté que les auteurs de crime étaient des paramilitaires qui
17 travaillaient de concert avec la JNA et qui auraient pu être mis en
18 relation directe avec M. Martic. Mais cela n'a jamais été démontré ici. Les
19 éléments de preuve que nous avons ici, il s'agit d'une activité
20 désorganisée, à différents endroits, des gens en uniforme qui agissent de
21 concert avec des civils.
22 Une analyse plus exacte, à mon sens, se trouve aux paragraphes 191 à
23 193 et 197 à 200, là où la Chambre d'appel se penche sur cette question
24 dans l'affaire Martic. Et au paragraphe 200, la Chambre relève comme suit :
25 "Elle arrive à la conclusion que la Chambre de première instance a commis
26 une erreur lorsqu'elle a établi un lien entre Martic et les auteurs de ces
27 crimes. En particulier, la Chambre d'appel constate que l'origine de ces
28 hommes en armes et leur affiliation restent incertaines. Sans que l'on
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1 connaisse plus de détail sur leur appartenance, aucun juge du fait
2 raisonnable n'aurait pu arriver à la conclusion que la seule conclusion
3 raisonnable dans le contexte était que ces crimes auraient pu être
4 attribués à un membre de l'entreprise criminelle commune."
5 La Chambre d'appel a tiré cette conclusion en dépit du fait que ces
6 hommes en armes étaient en uniforme de camouflage et en uniforme vert olive
7 au moment où les crimes ont été commis. Nous invitons la Chambre à
8 appliquer cette analyse lorsqu'elle se penchera sur ces crimes qui ont été
9 allégués par l'Accusation. Parce qu'on ne peut pas établir ce type de lien
10 entre ces gens-là qui ont commis des crimes et le général Gotovina comme
11 ayant fait partie d'une voie hiérarchique.
12 Donc je vais rapidement passer la question de la restriction des
13 déplacements, page 148 du mémoire de l'Accusation. Il y a un malentendu à
14 bien des niveaux sur ce point. D'abord, quand on parle de restriction des
15 déplacements imposée dans les endroits où des crimes ont été commis lorsque
16 les crimes n'avaient pas été commis, bien, les crimes ne l'ont pas été,
17 bien entendu. Une telle réflexion peut étayer tout et n'importe quoi.
18 Si l'on se penche sur les différents aspects présents à Kistanje, par
19 exemple, est-ce que l'Accusation, sur la base de la pièce P48 [comme
20 interprété], défend la théorie selon laquelle l'armée de Croatie n'aurait
21 participé à des actes criminels que le 11 août, pas avant et pas après ? En
22 l'absence d'une telle position de la part de l'Accusation, le simple fait
23 d'imposer une restriction des déplacements le 11 août en l'absence de toute
24 allégation de crime est totalement dépourvu de pertinence.
25 Deuxième vice de l'argument de l'Accusation, il n'y a eu aucune
26 restriction des déplacements destinée à dissimuler des crimes. Je renvoie
27 la Chambre aux paragraphes 324 à 327 [comme interprété] de notre mémoire,
28 où nous abordons cette question. Ce qui est très illustratif, c'est ce qui
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1 est dit au sujet de Benkovac. A Benkovac, le 7 août et le 21 août, on a
2 deux rubriques concernant cette localité. Si l'on lit ces rubriques, on se
3 rend compte que les restrictions imposées au déplacement n'avaient
4 aucunement pour but de dissimuler des crimes. La pièce P112 concerne
5 également les restrictions des déplacements, note en bas de page 12 312.
6 Là, les témoins observateurs militaires des Nations Unies ne parlent pas de
7 dissimulation ou de tolérance à l'égard d'actes de pillage, mais rendent
8 compte du fait que des policiers militaires sont en train de fouiller des
9 véhicules civils, au volant desquels semblent se trouver des membres de
10 l'armée de Croatie, avant de saisir les objets qui semblent être le fruit
11 de pillage. Ceci n'étaye en aucun cas l'existence d'une action criminelle
12 qui aurait été destinée à être commise sous le couvert de restriction de
13 déplacement.
14 Par ailleurs, comme le démontre la pièce P1211, même si des problèmes ont
15 été causés par des membres de l'armée de Croatie dans le secteur de
16 Benkovac, liés à des excès de boisson pendant la libération de cette
17 région, le commandant du Groupe opérationnel de Zadar, à la date du 8 août,
18 a émis un ordre interdisant aux membres de l'armée de Croatie de pénétrer
19 dans Benkovac, et la ville a été placé sous contrôle.
20 Enfin, ces restrictions aux déplacements peuvent être réalisées pour
21 diverses raisons. Et les restrictions des déplacements en Bosnie ont pu
22 être imposées pour toutes sortes de raisons liées à l'existence des
23 combats. Des restrictions de déplacement ont été imposées par la police
24 civile, même par la police militaire, sans le soutien de la hiérarchie,
25 c'est-à-dire du général Gotovina. Ce que l'Accusation n'a pas établi avec
26 clarté, c'est la moindre existence d'une corrélation entre une quelconque
27 restriction des déplacements des personnes et la commission de crimes.
28 L'Accusation emploie simplement l'expression restriction de déplacement et
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1 maintient que des crimes ont eu lieu dans les secteurs concernés par ces
2 restrictions et que ceci implique l'existence d'une corrélation entre les
3 deux. Je pense que ce que nous trouvons dans l'arrêt Martic n'est pas
4 suffisant pour le démontrer.
5 J'aimerais maintenant parler des chefs d'inculpation pour meurtre qu'a
6 évoqués M. Hedaraly.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, vous savez qu'il reste
8 encore 30 minutes.
9 M. KEHOE : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président, que j'ai
10 respecté le temps.
11 M. MISETIC : [interprétation] Nous disposons du temps qui nous sépare de 12
12 heures 30.
13 M. KEHOE : [interprétation] 12 heures 30.
14 M. MISETIC : [interprétation] Midi trois.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons commencé à 9 heures environ
16 jusqu'à 10 heures 30, ne comptons pas chaque minute, et il nous manquera 10
17 minutes pour le reste des équipes de Défense. Donc nous avons repris à 11
18 heures moins 05, et même si c'était à 11 moins 04, en fait, il vous reste
19 une trentaine de minutes.
20 Veuillez procéder.
21 M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vais essayer de
22 conclure rapidement et je pense que lorsqu'on se penche sur les chefs
23 d'inculpation pour meurtre, nous trouvons la nécessité de mettre les
24 incidents en perspective le plus possible, car nous voyons de la part de
25 l'Accusation les mêmes défauts dans son argumentation à ce sujet qu'au
26 sujet des chefs relatifs à la propriété. Ce que l'Accusation a fait a bien
27 des égards, c'est placer physiquement des soldats dans les secteurs
28 concernés, et je ne voudrais pas vous imposer l'énumération des 64 cas sur
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1 les 292 que j'ai à l'esprit, mais en tout cas dans lesquels des soldats ont
2 été identifiés comme ayant participé à divers incidents sans qu'aucun
3 d'entre eux se soit trouver sur les lieux où les meurtres en question ont
4 été commis. Et en l'absence de tout élément de preuve direct indiquant que
5 ces soldats aient pu être identifiés ou même que leur unité ait pu être
6 identifiée comme ayant participé à ces meurtres.
7 Nous allons, bien sûr, traiter de cette question. Nous n'allons pas passer
8 en revue chaque cas dans le détail, mais il y a 20 meurtres pour lesquels
9 il n'existe pas le moindre élément de preuve. L'Accusation revient
10 maintenant sur son propos, et nous avons parcouru dans le détail sa thèse,
11 mais même ainsi, nous ne voyons pas comment elle peut étayer ces cas de
12 meurtre.
13 Si nous prenons l'incident 383, par exemple, dans le tableau de précisions
14 supplémentaires, page 11 de l'annexe, nous voyons le nom d'une personne qui
15 a été tuée à Donji Lapac ou dans les environs, et selon l'analyse du bureau
16 du Procureur, cette personne aurait probablement été exécutée par un membre
17 de l'armée de Croatie ou par un policier après avoir été blessée. Ceci est
18 très intéressant parce que c'est créé de toutes pièces.
19 Premièrement, l'Accusation laisse de côté le fait que cet individu a
20 été tué, comme un policier l'a déclaré, par un policier civil pendant les
21 combats le 12 août. Ou le 13 août. Je vous rappelle, Monsieur le Président,
22 qu'il y a eu une contre-attaque pendant cette période. Rien n'est dit quant
23 au fait que l'armée de Croatie aurait participé à cet aspect de la
24 question, et en dépit de cela, l'Accusation inclut cette victime dans sa
25 tentative d'analyse pour, je vous l'affirme, essayer d'établir un lien
26 entre cela et le général Gotovina.
27 Deuxièmement, je suppose que l'emploi du mot "probablement" montre à quel
28 point les arguments de l'Accusation sont fondés en l'absence de tout
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1 élément de preuve indiquant l'existence d'un meurtre qui se serait produit
2 pendant les combats. Et pourtant, le nom de la victime figure dans le
3 tableau --
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.
5 M. KEHOE : [interprétation] Oui, toutes mes excuses.
6 Faute de temps, Monsieur le Président, et afin de ne pas priver M. Akhavan
7 du temps qu'il mérite, j'indiquerais aux Juges la nécessité de se pencher
8 sur les éléments supplémentaires relatifs aux crimes. Dans tous les cas, il
9 n'est pas établi par le bureau du Procureur que l'acte en question est
10 effectivement un crime, et dans bien des cas, les arguments développés sont
11 créés de toutes pièces et ne concernent que des hommes blessés. Donc la
12 charge de la preuve n'a pas été respectée, c'est certain. C'est le travail
13 de l'Accusation d'exclure toute autre conclusion possible dès lors qu'un
14 doute existe quant à l'impunité de l'accusé. Ce n'est pas le travail de M.
15 Hedaraly, comme il l'a fait hier, d'évoquer toutes les conclusions
16 possibles simplement, parce qu'en présence d'un décès on ne peut pas
17 absolument exclure la possibilité qu'il y ait eu meurtre. Le travail du
18 bureau du Procureur consiste à démontrer au-delà de tout doute raisonnable
19 que l'accusé est réellement coupable de cette mort. Ces obligations sont
20 fondamentales. Or, on trouve des vices flagrants dans la thèse de
21 l'Accusation; premièrement, incapacité de prouver dans bien des cas qu'un
22 meurtre a effectivement eu lieu; mais ce qui est encore plus important,
23 deuxièmement, aucune tentative de démontrer par une preuve quelconque que
24 tous ces incidents peuvent être liés à l'accusé.
25 Je donne maintenant la parole à M. Akhavan.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
27 Maître Misetic.
28 M. MISETIC : [interprétation] J'ai par erreur fait référence au carnet
Page 29250
1 Mladic ce matin en citant ce document comme étant la pièce D1465 dans le
2 prétoire électronique alors que --
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Après discussion avec l'Accusation, je
4 vois qu'il y a eu erreur quant au type d'obus qui auraient été utilisés et
5 qui ne l'ont pas été.
6 M. KEHOE : [interprétation] Mes excuses à la Chambre également et, bien
7 sûr, aux interprètes pour la rapidité de mon débit, mais j'ai essayé
8 d'arriver à la fin de mon exposé.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez certainement amélioré votre
10 débit depuis deux ans, Maître Kehoe.
11 Monsieur Akhavan, veuillez procéder. Et respectez le temps.
12 M. AKHAVAN : [interprétation] Je rappellerais simplement que l'huissière
13 nous a prévenus que Me Misetic ne parlerait que pendant 25 minutes
14 aujourd'hui. Donc j'aimerais disposer des cinq minutes supplémentaires qui
15 nous ont été prises aux environs de midi. De cette façon, nous respecterons
16 le temps qui nous est imparti.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ce que j'ai déjà dit il y a
18 quelques minutes, c'est que nous n'allons pas faire le compte de chaque
19 minute, mais le temps global doit être approximativement respecté.
20 M. AKHAVAN : [interprétation] Je m'en tiendrai strictement au temps
21 imparti.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder.
23 M. AKHAVAN : [interprétation] Monsieur le Président, distingués membres de
24 la Chambre de première instance, j'ai plaisir et honneur à comparaître
25 devant vous aujourd'hui au nom de la Défense du général Gotovina. Mes
26 confrères ont déjà évoqué les éléments de preuve présentés en l'espèce. Je
27 vais maintenant parler des conclusions relatives au fait de savoir si
28 l'Accusation a apporté la preuve de sa thèse au-delà de tout doute
Page 29251
1 raisonnable compte tenu du droit applicable aux crimes commis.
2 L'accusé Ante Gotovina, commandant militaire de haut rang, est mis en
3 accusation pour violations à grande échelle et systématiques du droit
4 humanitaire, qui est à la base des dispositions appliquées par cette
5 Chambre de première instance, c'est-à-dire des dispositions que celle-ci
6 doit prendre en compte pour déterminer la culpabilité ou non de l'accusé au
7 vu des conventions de Genève de 1949, et le droit international humanitaire
8 ainsi que le droit de la guerre sont sans doute les points les plus
9 importants à prendre en compte, à moins qu'ils ne se soient évanouis entre-
10 temps. Dans le siège de la Deuxième Guerre mondiale est apparu le droit
11 international, à savoir le défi qu'il y avait à imposer des contraintes
12 légales à la conduite de la guerre. Le défi principal de cet effort
13 consistait à mettre en place un droit humanitaire qui ne devait pas
14 transformer la guerre en une activité humanitaire, mais poursuivre un
15 objectif beaucoup plus modeste qui consiste à éviter toute férocité ou
16 cruauté exagérée dans un conflit armé. Même dans ces circonstances, la
17 guerre demeure ce qu'elle est, c'est-à-dire horrible. Ce qui est à la
18 racine des lois de la guerre, c'est la nécessité d'un équilibre précis
19 entre la protection humanitaire et les nécessités militaires. Cet équilibre
20 était pertinent à l'époque où les premières lois sur ce sujet ont été
21 adoptées et il l'est toujours aujourd'hui. Le CICR au moment des
22 négociations des protocoles supplémentaires des conventions de Genève avait
23 cela à l'esprit lorsqu'ils ont voulu mettre en place une série de lois
24 acceptables pour les états-majors militaires. Mettre en place un droit
25 acceptable pour les commandants militaires du monde entier était une
26 nécessité, et cela s'est fait sans ignorer les réalités horribles de la
27 guerre. Il serait tentant, certes, d'étendre la portée de la protection du
28 droit humanitaire en diminuant progressivement cet équilibre atteint depuis
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1 des années avec la nécessité militaire.
2 Il serait satisfaisant sans doute de trouver des critères extrêmement
3 contraignants qui ne pourraient être réalisés que par les meilleures armées
4 qui combattent dans les meilleures circonstances avec les meilleures armes.
5 Une utopie juridique qui assainirait totalement la réalité horrible de la
6 guerre. Mais une loi qui est irréaliste est une loi qui est totalement non
7 pertinente. Une loi irréaliste est une loi qui ne sera pas prise en compte
8 par la plupart des commandants militaires dans le monde qui font la guerre,
9 des commandants militaires qui n'ont pas l'excellente formation ni les
10 excellentes armes des forces armées des nations les plus avancées.
11 Avant d'arriver à une déclaration soit d'innocence, soit de culpabilité, la
12 Chambre de première instance doit déterminer si le général Gotovina a agi
13 de façon raisonnable au vu des circonstances de la guerre à laquelle la
14 Croatie était confrontée. Ces réalités, bien sûr, n'excusent en aucun cas
15 les crimes commis contre des civils, mais le droit humanitaire ne demande
16 pas au général Gotovina de faire l'impossible. Il ne prend pas comme
17 hypothèse de base qu'il opérait dans un théâtre idéal ou dans des
18 circonstances hypothétiques. Il ne prend pas en compte le fait qu'avec le
19 recul, la réalité, finalement, était bien différente que ce qu'il avait
20 sous les yeux à l'époque. Il ne prend pas en compte le fait qu'il était
21 confronté à un péril très grave et qu'il n'avait pas suffisamment de temps
22 pour former une armée professionnelle qui serait au niveau des meilleurs
23 standards du monde avec des armes sophistiquées. Tout ce que le droit
24 humanitaire demandait du général Gotovina c'est qu'il agisse de façon
25 raisonnable au vu des réalités de la guerre qui était engagée contre la
26 nouvelle nation indépendante croate.
27 Mais ce n'est pas le critère qui est sous-jacent à la thèse de
28 l'Accusation. Pendant tout le procès, l'Accusation a étiré, a déformé, a
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1 dilué ou a tout simplement écarté ce droit. Elle l'a fait afin de créer un
2 critère qui est tellement contraignant et tellement irréaliste qu'il ne
3 pourrait résoudre que dans une déclaration de culpabilité du général
4 Gotovina, même s'il avait agi de façon parfaitement raisonnable. C'est un
5 critère paralysant qui essaye de compenser le manque d'éléments de preuve
6 qui ne peut résulter que dans un acquittement lorsque c'est interprété de
7 façon raisonnable.
8 Prenons en compte ce qui est au cœur de la thèse de l'Accusation. Cette
9 allégation qu'une entreprise criminelle commune aurait existé et qui aurait
10 visé à déplacer par la force la population civile serbe par le biais d'une
11 campagne de pilonnage systématique et aveugle. Les arguments de la Défense
12 en application de l'article 72 au départ considéraient que même si on peut
13 les qualifier de crimes de guerre ou crimes contre l'humanité, l'expulsion
14 et le transfert forcé ne s'appliquent qu'aux territoires qui sont sous le
15 contrôle d'un belligérant et de la partie adverse. Nous considérons que les
16 allégations de pilonnage illégal avant la libération de Krajina ne peuvent
17 être qualifiées que d'attaques illégales et non d'expulsions.
18 En réaction, l'Accusation a fait valoir de façon vigoureuse qu'une telle
19 qualification n'était pas nécessaire, parce que la définition de
20 l'expulsion au titre des droits de la guerre ne s'applique pas aux crimes
21 contre l'humanité. L'Accusation, ensuite, a brusquement changé son fusil
22 d'épaule et a modifié le chef 1 de l'acte d'accusation pour ajouter ce qui
23 selon nous est toujours une nouvelle accusation d'attaques illégales contre
24 des civils et leurs biens en vue de les persécuter.
25 L'Accusation admet maintenant que pour constituer l'actus reus d'un crime
26 contre l'humanité, le pilonnage ne peut être illégal que s'il enfreint les
27 droits de la guerre. Mais dans son mémoire en clôture, l'Accusation ignore
28 toujours les textes trouvés au paragraphe 860 du mémoire en clôture de la
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1 Défense sur l'exclusion des hostilités préalables à l'occupation dans la
2 qualification de la loi du droit sur l'expulsion. Au paragraphe 482 de son
3 mémoire, l'Accusation continue à déclarer que le pilonnage illégal avant
4 l'occupation satisfait aux critères de l'expulsion.
5 Maintenant, dans le mémoire en clôture de l'Accusation au paragraphe
6 486, il est confirmé que "le pilonnage a fait fuir tout le monde sauf
7 quelques civils."
8 Donc, la théorie de l'entreprise criminelle commune de Brioni de
9 l'Accusation ne se base que sur la preuve au-delà de tout doute raisonnable
10 qu'il y a eu des expulsions de masse qui auraient résulté de ce pilonnage
11 illégale par les Croates du territoire de la Krajina.
12 De plus, cela se fonde sur une conclusion par la Chambre de première
13 instance selon laquelle la Loi sur l'expulsion inclurait les hostilités
14 préalables à l'occupation, ce qui est contraire à la jurisprudence du TPIY
15 et aux droits humanitaires.
16 Donc sur ces deux chefs, nous faisons valoir que la théorie de base de
17 l'entreprise criminelle commune de l'Accusation n'est pas prouvée.
18 Mettons de côté pendant un instant les erreurs légales considérables que
19 l'on trouve dans l'a théorie de l'Accusation et acceptons que le pilonnage
20 préalable à l'occupation soit une modalité de l'expulsion. Mais jusqu'à
21 présent, les preuves sont tellement insuffisantes que l'on peut se demander
22 pourquoi et comment l'Accusation a défini un tel chef d'accusation. Le
23 réquisitoire d'hier a conjuré des images de Stalingrad à la Deuxième Guerre
24 mondiale, des villes, des villages réduits en ruine, des civils innocents
25 massacrés par des pilonnages aveugles.
26 Donc après 15 ans d'enquête, cette Chambre de première instance doit se
27 demander au vu de telles allégations proférées, où se trouvent donc les
28 éléments de preuve qui démontreraient ces
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1 atrocités ? Pourquoi ne peut-on trouver la moindre preuve qui démontrerait
2 comment un civil serait mort du fait d'un pilonnage illégal ? Où sont les
3 photographes de la Knin rasée et en ruine ? Pourquoi les conclusions
4 favorables des observateurs des Nations Unies et des CIVPOL des Nations
5 Unies sont tout simplement ignorées ? C'est très simple, c'est parce que
6 l'Accusation n'a rien en main. Leur thèse ne tient pas.
7 Mais au lieu de faire ce qu'ils auraient dû faire, et donc de retirer ces
8 chefs d'accusation non avérés, l'Accusation a persisté, a continué à
9 essayer de diluer le droit humanitaire pour essayer de brouiller la
10 frontière entre les crimes de guerre et la malheureuse réalité de la
11 guerre.
12 Au paragraphe 484 de son mémoire, l'Accusation déclare, et je cite, que
13 "les civils qui étaient visés par l'attaque, ainsi que les observateurs de
14 nombreuses organisations internationales, ont tous décrit l'effet
15 terrifiant de l'attaque." Lors de son réquisitoire hier, M. Russo a parlé à
16 de nombreuses reprises des heures de panique et d'incertitude qu'avaient
17 vécu les civils lorsqu'ils étaient cachés dans leur cave. Mais dire que la
18 guerre suscite la peur, la panique, l'incertitude, c'est enfoncer des
19 portes ouvertes. Ce n'est en aucun cas la preuve d'attaques illégales. Il
20 est absolument évident que ni les civils, ni les combattants d'ailleurs,
21 n'apprécient particulièrement les attaques à l'artillerie. Tout ce
22 raisonnement ne prouve qu'une chose, c'est que l'Accusation n'arrive
23 absolument pas à comprendre le niveau très contraignant exigé des preuves
24 démontrant les infractions au droit humanitaire commises dans des combats.
25 En ce qui concerne les allégations de base en l'espèce, la Chambre de
26 première instance doit savoir exactement quelles seront ces conséquences
27 sur les forces armées dans le monde entier. Si les commandants de l'OTAN en
28 Afghanistan devraient-ils arrêter d'utiliser l'artillerie lorsque des
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1 Talibans se cachent parmi les civils ? Et qu'en est-il des forces armées
2 qui n'ont pas d'armes aussi précises que les forces de l'OTAN ?
3 Nous faisons valoir, avec le respect que nous vouons que si sur ces faits
4 le général Gotovina est déclaré coupable d'expulsion de masses et de
5 pilonnage illégal, dans ce cas-là, tout commandant pourrait tomber sous la
6 même accusation. Une déclaration de culpabilité sur ces faits rendrait
7 toute guerre conforme aux droits de la guerre impossible. En effet, cela
8 saperait l'objectif même du droit humanitaire, parce que cela assimilerait
9 les horreurs de la guerre en crimes de guerre.
10 L'Accusation dans son mémoire final admet au paragraphe 482 qu'à moins
11 qu'il y ait preuve de pilonnage généralisé systématique, les allégations
12 pour déportation ou pour déplacement forcé ne sont pas démontrées, parce
13 qu'il doit y exister une preuve de déplacement forcé sans que ce soit fondé
14 dans le droit international. Mais ce qui est encore plus grave c'est qu'il
15 n'y a pas de preuve que les civils serbes ont pris la fuite en panique à
16 cause des attaques d'artillerie légales. Même si on admet que ces attaques
17 ont des effets terrifiants, une déduction raisonnable sur la base des
18 éléments de preuve est que la population civile est partie à cause de sa
19 propre propagande anti-Croate.
20 Même le témoin de l'Accusation l'ambassadeur Galbraith est venu déposer en
21 disant que l'effet secondaire de la guerre était le départ et non pas
22 l'expulsion des Serbes. Au mieux de mes connaissances, c'est la première
23 fois, jamais dans l'histoire du droit international, où l'évacuation en
24 masse est assimilée à une expulsion en masse. Or, attaque systématique ou
25 généralisée pour affirmer que l'opération Tempête était la cause de l'exode
26 reviendrait à dire que la Croatie n'a pas le droit de gagner la guerre,
27 parce qu'à ce moment-là la RSK évacuerait sa population.
28 A cet égard, il est à noter qu'un élément important de la théorie de
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1 l'entreprise criminelle commune tel qu'avancé par l'Accusation est le rejet
2 du retour en masse immédiat des Serbes évacués.
3 Au paragraphe 35 de son mémoire, l'Accusation affirme que, et je cite, que
4 :
5 "Sous la direction de Tudjman, les hauts responsables croates ont adopté
6 une politique de refus du retour en masse en refusant toutes les demandes
7 d'un retour présenté en groupe."
8 Aux paragraphes 569 à 571 du mémoire de la Défense, il est fait état d'un
9 élément tout à fait établi en droit international, à savoir que les Etats
10 ont le droit d'expulser les ressortissants étrangers. En fait, M. Tieger a
11 expliqué hier que les autorités que nous avons citées, les sources que nous
12 avons citées ne s'appliquent pas en l'espèce. En particulier, il a affirmé
13 que la commission de recours dans l'affaire Erytrée-Ethiopie a estimé que
14 l'expulsion en masse des ressortissants étrangers sans qu'il y ait de
15 détails personnels et établis était contraire à la loi.
16 J'assure à la Chambre de première instance que c'est l'interprétation
17 correcte des préceptes de la commission. Mais nous ne citons pas uniquement
18 cette source pour justifier une expulsion en masse qui n'a pas eu lieu.
19 Nous nous contentons de signaler que cela fait partie des droits souverains
20 de la Croatie d'expulser ses ressortissants étrangers, et qu'il en ressort
21 logiquement alors que la Croatie n'est pas sous obligation d'accepter leur
22 retour immédiat pendant un conflit armé. Et de toute évidence il s'agit
23 d'une mesure légitime relevant de la sécurité nationale, il est difficile
24 d'imaginer qu'un Etat dans des circonstances comparables, où que ce soit
25 dans le monde, aurait accepté une politique du retour en masse.
26 L'Accusation n'a pas nié le fait que la RFY a été engagée dans un conflit
27 armé contre la Croatie, qui est considérée comme un Etat illégitime. Cela
28 n'est pas rejeté que les habitants de la RSK et de la RFY n'étaient pas et
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1 ne pouvaient pas se considérer comme citoyens de la Croatie. On peut
2 soutenir alors que par rapport à la succession de la Croatie à la RSFY,
3 qu'elle avait l'obligation au titre du droit coutumier d'accorder à ses
4 résidants habituels le droit de demander la citoyenneté croate pour qu'ils
5 ne se retrouvent pas apatrides. Mais c'est exactement la constatation à
6 laquelle arrive la commission dans l'affaire Erytrée-Ethiopie en relation à
7 la double nationalité des résidants qui résidaient habituellement en
8 Ethiopie.
9 L'affaire qui nous concerne ici est encore plus claire, puisque les
10 citoyens de la RFY RSK n'avaient pas la double nationalité. Donc il n'était
11 pas question du tout de leur loyauté à un Etat hostile qui a occupé un
12 tiers de la Croatie. Donc compte tenu de la situation, il est tout à fait
13 clair que la Croatie n'avait absolument pas l'obligation de leur accorder
14 un retour en masse, et encore moins pendant le conflit armé. Donc il est
15 étonnant que cette règle fondamentale du droit humanitaire n'ait jamais été
16 prise en compte par l'Accusation jusqu'aux réquisitoires. Cela constitue
17 une preuve de plus des défauts profonds dans la théorie de l'entreprise
18 criminelle commune, à savoir une politique qui est tout à fait légitime de
19 refus de retour en masse est considérée comme étant une preuve de
20 l'intention criminelle.
21 Une autre observation concernant la qualification du conflit armé. M.
22 Tieger affirmait hier que nous avons reçu ici des "preuves considérables"
23 démontrant qu'il s'agit d'un conflit international plutôt qu'interne.
24 Penchons-nous sur les paragraphes 44 à 49 de notre mémoire où il est
25 question des critères du test proposé par la Chambre d'appel dans l'affaire
26 Tadic. Au paragraphe 56, il y est dit uniquement qu'à tout moment un état
27 de conflit armé existait dans la région de Krajina de la République de
28 Croatie ou sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. L'Accusation, par
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1 conséquent, pour arguer d'un conflit international armé pour prouver le
2 lien avec le conflit. Nous avons à cet effet l'arrêt Hadzihasanovic, la
3 décision en application de l'article 72(E), en date du 21 février 2003.
4 L'arrêt affirme les parties pertinentes aux paragraphes 11 à 12, et je cite
5 :
6 "Si l'Accusation souhaite invoquer l'existence d'un conflit armé
7 international, elle doit plaider en tant que fait fondamental que le
8 conflit armé était international en sa nature et affirmer le fondement qui
9 lui permet d'affirmer cela. L'Accusation ne peut pas avoir l'autorisation
10 de se reposer sur la formulation imprécise de ses arguments pour avancer la
11 thèse du conflit armé comme étant internationale sans modifier son acte
12 d'accusation."
13 Et je signale qu'il s'agit uniquement là d'une décision qui concerne les
14 chefs d'accusation au titre de l'article 2 [comme interprété].
15 Ici, l'Accusation stipule expressément que le conflit est international, ce
16 qui constitue une contradiction directe avec sa thèse dans l'acte
17 d'accusation, à savoir que le conflit est non international. Comme nous le
18 voyons dans la décision Hadzihasanovic, elle doit répondre au critère du
19 lien établi. Monsieur le Président, on a du mal à voir comment
20 l'affirmation de l'Accusation peut correspondre à ses allégations telles
21 que visées à l'acte d'accusation.
22 Puisqu'il n'y a pas de preuve de l'existence d'une entreprise criminelle
23 commune afin de commettre une expulsion en masse, il est difficile de voir
24 comment il serait raisonnable de conclure à l'existence d'une entreprise
25 criminelle commune après l'opération Tempête, telle que crimes de pillage
26 et d'incendies affirmés par l'Accusation qui auraient été prévisibles dans
27 le cadre de la catégorie 3 de l'entreprise criminelle commune.
28 Mais à défaut de l'existence des catégories 1 et 2, tout simplement il n'y
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1 a aucune pertinence d'affirmer l'existence de la catégorie 3. Qui plus est,
2 l'Accusation ne plaide pas du tout l'existence d'une autre entreprise
3 criminelle commune autre que Brioni.
4 Une autre sujet d'analyse, ni la politique de persécution ni l'élément
5 généralisé ou systématique des allégations au titre de l'article 5 ne
6 peuvent être déduits de la simple présence d'une vague de crimes.
7 L'Accusation se réfère dans son mémoire à la vague de crimes après
8 l'opération Tempête. Mais comme cela figure au paragraphe 819 du mémoire de
9 la Défense, les Etats qui ont négocié le statut de Rome n'ont pas estimé
10 que l'existence d'une vague de crimes constitue un crime contre l'humanité
11 au titre du droit coutumier. Cela est conforme au jugement dans l'affaire
12 Kupreskic, donc lorsqu'il existe "un défaut délibéré d'action qui a
13 constitué un encouragement d'une telle attaque," les critères sont
14 satisfaits.
15 Il ne suffit pas de démontrer que la Croatie n'a pas planifié de
16 manière adéquate la libération du territoire occupé, qu'elle avait des
17 ressources limitées ou même qu'elle a manqué d'encouragement pour prévenir
18 et pour sanctionner les crimes. La seule raisonnable déduction doit être
19 que c'était un refus délibéré d'agir, et à notre sens, l'Accusation n'a pas
20 démontré cela au-delà de tout doute raisonnable.
21 Monsieur le Président, la Défense Cermak a accepté de m'accorder cinq
22 minutes supplémentaires pour que je puisse terminer.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Autrement, il vous reste cinq minutes.
24 Ou sept. Nous n'allons pas compter les secondes. Je pense qu'il est tout à
25 fait clair que nous souhaitons que vos plaidoiries soient terminées
26 aujourd'hui.
27 M. AKHAVAN : [interprétation] Comme cela a été avancé par mes collègues,
28 les éléments de preuve prouvent que M. Yasushi Akashi et d'autres hauts
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1 responsables n'ont pas estimé que les crimes de pillage et d'incendies ont
2 constitué partie d'une campagne systématique. Les éléments de preuve
3 démontrent que la Croatie n'a pas toléré ces crimes. Les hauts responsables
4 croates étaient de toute évidence troublés par ces comportements qui
5 ternissaient l'image de la Croatie sur le plan international. Nonobstant le
6 chaos qui régnait pendant la guerre, il y a eu des ordres répétés ainsi que
7 d'autres mesures, et en particulier des poursuites en justice au nombre de
8 1 300 qui avaient pour but d'empêcher et de punir de tels crimes. Au vu de
9 cela, les allégations selon lesquelles a existé une politique délibérée de
10 refus d'agir destinée consciemment à encourager de tels crimes n'est
11 certainement pas la seule conclusion raisonnable qu'il est possible de
12 tirer.
13 Admettre les arguments de l'Accusation selon lesquels une entreprise
14 criminelle commune est la seule conclusion raisonnable conduirait la
15 Chambre de première instance à conclure qu'il y a eu existence de la
16 conspiration du siècle, un acte de génie diabolique, une politique
17 criminelle qui a imprégné tout l'Etat croate sans laisser de trace derrière
18 elle. Bien entendu, nonobstant l'existence ou non d'une entreprise
19 criminelle commune, la seule base possible pour la contribution du général
20 Gotovina aux crimes commis après l'opération Tempête, que ce soit au titre
21 de l'article 7(1) ou 7(3) du Statut, résiderait dans ce qu'a allégué Mme
22 Gustafson comme étant, je cite, "son inaction persistante et délibérée."
23 Mais encore une fois, l'Accusation interprète le droit humanitaire de façon
24 tellement non réaliste que rien de ce qu'a fait le général Gotovina
25 n'aurait pu s'avérer suffisant. Les allégations fondamentales de
26 l'Accusation consistent à dire que les nombreuses mesures qu'il a prises
27 n'étaient que simple dissimulation. Comme Mme Gustafson l'a affirmé,
28 Gotovina s'attendait à l'échec de ses ordres. L'absurdité de cette thèse
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1 est démontrée par le paragraphe 125 du mémoire de l'Accusation, dans lequel
2 nous lisons que l'ordre d'attaque qui a été émis par Gotovina montre que,
3 et je cite :
4 "Il savait que ses instructions superficielles visant à empêcher le pillage
5 et les incendies et ces références génériques aux conventions de Genève
6 étaient manifestement des mesures insuffisantes pour empêcher de tels
7 crimes dans de telles circonstances."
8 Il est à présumer que l'Accusation estime que le droit international
9 humanitaire exige des commandants militaires qu'ils rédigent des
10 dissertations détaillées et scolaires relatives aux conventions de Genève.
11 C'est seulement dans ces conditions que des ordres destinés à protéger les
12 civils pourraient être qualifiés comme étant des mesures raisonnables et
13 nécessaires. Cet argument est tout simplement ridicule.
14 L'Accusation maintient par ailleurs que la condamnation méprisante des
15 soldats qui se livraient à la boisson et au pillage, que l'on voit chez le
16 général Gotovina lorsqu'il parle de "barbares," entre guillemets,
17 impliquait qu'il cherchait à se couvrir. Il est à présumer qu'il avait pour
18 seul objectif d'encourager un comportement indiscipliné parmi ses hommes à
19 la veille de sa guerre prochaine contre Ratko Mladic en Bosnie. Affirmer
20 que ceci est la seule conclusion raisonnable qu'il est possible de tirer
21 pour les Juges de la Chambre de première instance, c'est également
22 ridicule.
23 Ces affirmations factuelles sont alors combinées aux affirmations
24 juridiques intenables qui, d'après Mme Gustafson, permettent de penser que
25 le haut grade d'un commandant n'a aucune pertinence lorsqu'on examine sa
26 responsabilité pénale.
27 Ceci est manifestement une façon de mépriser le commentaire du CICR,
28 à l'article 87 du protocole 1 des conventions de Genève, cité au paragraphe
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1 715 de notre mémoire, qui établit clairement que les lois applicables à la
2 responsabilité hiérarchique impliquent de distinguer entre les mesures à
3 prendre par un commandant au plus haut niveau et les mesures à prendre par
4 un commandant immédiat. D'autres déclarations de Mme Gustafson montrent
5 qu'elle estime que le devoir du général Gotovina dans le système de la
6 Croatie, en particulier eu égard à la police militaire, était, je cite,
7 "sans pertinence par rapport à ses devoirs au titre du droit
8 international." Ceci est manifestement faux. Le jugement en première
9 instance à Hadzihasanovic indique aux paragraphes 137 à 138 que, je cite :
10 "Le droit national d'un Etat établit les devoirs et les pouvoirs des
11 représentants civils et militaires de cet Etat, mais que le droit
12 international établit les modalités d'exercice de ces pouvoirs dans les
13 territoires concernés."
14 Il y aussi cette fausse affirmation selon laquelle il n'y a pas de
15 différence entre le devoir d'un commandant opérationnel et celui d'un autre
16 commandant. L'arrêt Celebic [phon] au paragraphe 258, ainsi que le jugement
17 Hadzihasanovic au paragraphe 81 dressent tous une distinction entre cela et
18 le droit humanitaire.
19 L'Accusation a demandé de façon répétée à la Chambre de première
20 instance d'examiner l'ensemble des éléments de preuve avant de parvenir à
21 ses conclusions. Nous saluons cette invitation, parce que lorsque toutes
22 les circonstances de la guerre sont prises en compte, les efforts du
23 général Gotovina pour établir une armée professionnelle et disciplinée face
24 à un ennemi féroce qui avait commis des actes de nettoyage ethnique et
25 occupait un tiers de la Croatie, ennemi qui bombardait régulièrement ces
26 villes et ces villages en toute impunité étant donné le défaut d'action des
27 Nations Unies, donc il était demandé de prendre en compte tous ces
28 événements face au péril éminent et grave que confrontait cette nouvelle
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1 version indépendante dans le sillage du génocide de Srebrenica et au vu de
2 la menace de la chute de Bihac, selon des conditions assez comparables. Et
3 si l'ensemble de toutes ces circonstances sont prises en compte, les
4 arguments selon lesquels il aurait failli à son obligation de prendre des
5 mesures nécessaires et raisonnables ne peuvent en aucun cas être la seule
6 conclusion raisonnable face à une approche réaliste du droit humanitaire.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Akhavan, j'ai dit qu'il fallait
8 strictement respecter les horaires --
9 M. AKHAVAN : [interprétation] J'ai noté que la Défense Markac me donne cinq
10 minutes, et j'ai besoin de moins de cela pour arriver à la fin de mon
11 exposé.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ce que vous faites à grande
13 vitesse c'est de continuer de lire votre exposé écrit alors que votre temps
14 est plus limité qu'au départ. Et je pense qu'il conviendrait que vous vous
15 adaptiez aux obligations de temps sans entrer dans les détails de la
16 conspiration du siècle, ce qui n'était pas vraiment indispensable.
17 Pouvez-vous pour poursuivre en laissant tomber les détails superflus.
18 M. AKHAVAN : [interprétation] M. Gotovina a passé plus de cinq ans en
19 prison pour accusations totalement infondées. C'est un soldat courageux et
20 honorable auquel le monde doit la gratitude. Gratitude pour avoir risqué sa
21 vie face au fléau du nettoyage ethnique contre les populations de l'ex-
22 Yougoslavie. Gratitude pour avoir rendu possible l'arrestation des plus
23 hauts responsables de ces innommables atrocités par ce Tribunal. Entre
24 autres réalités horrifiantes de la guerre à laquelle il a participé, il est
25 exigé que justice soit faite par toutes les mesures raisonnables du droit
26 humanitaire et qu'il soit déclaré innocent de ces accusations infondées qui
27 ont été retenues contre lui.
28 En conclusion, nous soumettons, avec le respect que nous devons à la
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1 Chambre de première instance, que celle-ci devrait prononcer un
2 acquittement au profit du général Gotovina par rapport à tous les chefs de
3 l'acte d'accusation.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Akhavan.
5 C'est le tour de qui maintenant ?
6 Est-ce que c'est la Défense Cermak.
7 M. KAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kay, je ne dois pas vous rappeler
9 que vous ne devriez pas parler trop rapidement, mais je m'attends à ce que
10 vous-même ainsi que la Défense Markac --
11 M. KAY : [interprétation] Nous n'avons encore que quelques aménagements à
12 faire avec le mobilier avant de prendre la parole.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
14 Maître Kay, j'ai l'intention de faire une pause dans 20 minutes, une pause
15 qui nous mènera à 13 heures. Donc si vous trouvez le bon moment dans votre
16 exposé pour vous interrompre, faites-le. Vous êtes informé.
17 M. KAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
18 Monsieur le Président, je présente ici ma plaidoirie dans l'intérêt d'Ivan
19 Cermak. A un certain moment de l'espèce, à partir de mars 2008, avec
20 l'ouverture des propos de l'Accusation et la citation des premiers témoins,
21 et pas mal de temps plus tard a été présenté le réquisitoire et sont
22 présentées les plaidoiries. Nous pouvons maintenant nous retourner pour
23 regarder derrière nous le passage du temps et apprécier ce qu'à dit M.
24 Tieger à sa juste valeur depuis le début ainsi que récemment, ce qui figure
25 noir sur blanc dans l'acte d'accusation qui a été dressé avant le début de
26 ce procès, ainsi que dans le mémoire préalable au procès de l'Accusation,
27 où nous y trouvons toutes les allégations avancées. Nous regardons
28 rétrospectivement ces allégations pour voir si preuve a été apportée de
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1 leur existence ou pas, voir ce qui a changé et peut-être si quoi que ce
2 soit existe qui puisse étayer ces allégations.
3 Dès le début du procès, l'Accusation s'est appuyée sur des déclarations
4 préalables recueillies en langue anglaise auprès de témoins croates, qui
5 n'ont pas fait ces déclarations dans leur propre langue. Ces témoins qui
6 étaient les auteurs de ces déclarations préalables ont ensuite comparé
7 physiquement dans le prétoire de ce Tribunal et ont été tenus responsables
8 pendant le procès de leurs propos antérieurs, les enquêteurs les
9 interrogeant sur ce qu'ils avaient dit préalablement. Dans toute cette
10 période, il y a eu des moments importants. J'aimerais mettre en exergue
11 quatre de ces moments eu égard à la Défense Cermak. Ce sont des moments
12 importants qui montrent que la thèse qui a été présentée par l'Accusation
13 n'est pas la thèse qui est apparue aux yeux de tous dans la réalité plus
14 tard. Ces éléments montrent une Accusation qui courrait derrière ses
15 propres allégations. Le bureau du Procureur a d'abord présenté des
16 allégations très générales quant au fait que le général Cermak aurait été
17 au commandement d'un certain nombre de divisions dépendant de la région
18 militaire de Split. Ces allégations faisaient état du fait qu'il exerçait
19 le commandement et le contrôle sur tout ce qui bougeait à Knin et dans les
20 environs de Knin, et plus précisément du secteur sud.
21 Est-ce que c'est bien là la position qui a été défendue devant vous hier
22 par M. Carrier ? Est-ce qu'il vous a démontré de façon convaincante
23 l'existence d'un plan qui viendrait corroborer la thèse présentée par lui ?
24 Si l'on se penche sur le mémoire en clôture, lorsque vous lirez ce mémoire,
25 Madame, Messieurs les Juges, que vous analyserez les allégations qu'il
26 contient, que vous vous pencherez sur les notes en bas de page - je parle
27 bien des notes de l'Accusation, pas de celles de la Défense - et que vous
28 prendrez en compte toutes les citations à l'appui des dires de
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1 l'Accusation, vous aurez à vous demander si ces citations sont exactes, si
2 elles rendent bien compte de ce qui a été écrit dans le document principal
3 ou si elles sont erronées. Et j'utilise le mot erroné, parce que c'est un
4 mot qui est apparu dans le mémoire en clôture de l'Accusation hier
5 s'agissant des éléments de preuve relatifs à la Défense Cermak. Ce n'est
6 pas un mot que j'utilise en général dans un prétoire, mais c'est un mot que
7 j'utiliserai exceptionnellement aujourd'hui et que nous avons trouvé, je le
8 répète, dans le mémoire en clôture de l'Accusation et que nous avons
9 entendu prononcé encore une fois hier. Aucun doute qu'il importe de
10 répondre au feu par le feu.
11 Mais ces moments importants dont je parle, j'aimerais les examiner plus en
12 détail. Lorsque le général Lausic était sur le point de déposer devant ce
13 Tribunal, la nuit qui a précédé sa déposition, il a rencontré un enquêteur
14 du bureau du Procureur. On lui a remis une enveloppe de couleur marron.
15 Dans cette enveloppe se trouvaient des documents, et l'un de ces documents
16 était la pièce à conviction D34, à savoir l'ordre relatif à l'organisation
17 qui date de 1993 et qui concernait les casernes. Ce document n'a pas été
18 évoqué par M. Lausic pendant les nombreux interrogatoires dont il a fait
19 l'objet en tant que suspect par le bureau du Procureur, ils n'ont pas été
20 mentionnés dans sa déclaration préalable à son audition en tant que témoin
21 ni dans les résumés de sa déposition élaborée par le bureau du Procureur,
22 et tout d'un coup, un représentant de l'équipe de l'Accusation s'est sans
23 doute dit, Nous avons laissé tomber quelque chose d'utile. Nous avons
24 commis une grave erreur dans notre appréciation de ce qui peut être
25 pertinent ou pas dans les éléments de preuve présentés en l'espèce. Etant
26 donné le fait que Lausic n'a pas évoqué ce document particulièrement
27 important qui porte sur l'autorité et le pouvoir exercés par le commandant
28 d'une caserne, étant donné que ces éléments n'ont pas été évoqués, il est
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1 intéressant de voir que c'est l'expert de l'Accusation, M. Theunens, qui a
2 parlé de ce document dans une seule page de son volumineux rapport
3 d'expert. Donc ceci a constitué un moment important de la présentation de
4 la thèse de l'Accusation qui court derrière ses propres allégations, en
5 essayant de reprendre l'avantage d'une certaine façon grâce à un témoin
6 important sur une pièce à conviction importante.
7 Autre moment important, le deuxième sur les quatre que je vais évoquer
8 devant vous, qui concerne d'autres témoins-clés. L'équipe Gotovina
9 comprendra pourquoi je lui ai accordé cinq minutes supplémentaires
10 lorsqu'elle m'entendra m'exprimer sur ce point.
11 L'équipe Gotovina souhaitait recevoir le projet du rapport Theunens à
12 l'avance. Ce n'était pas un rapport qui l'intéressait particulièrement.
13 Nous n'avons eu aucun problème à contester les propos de M. Theunens sur la
14 base du rapport que nous avions sous les yeux. Mais ce qui est instructif,
15 parce qu'il s'agit d'un projet de rapport soumis deux semaines avant son
16 élaboration définitive, c'est qu'on y a trouvé un certain nombre de
17 modifications substantielles et fondamentales eu égard à la thèse relative
18 à M. Cermak et à la position qui aurait été celle de M. Cermak dans ce
19 procès. Donc l'expert de l'Accusation a réécrit son rapport sur ce point
20 pour adapter son propos au contenu de l'acte d'accusation retenu contre M.
21 Cermak.
22 Nous avons passé quelques jours à étudier ces projets de texte dans le
23 détail. Nous avons passé quelques jours à les analyser, mais le résultat de
24 tout cela, et nous avons plaisir à le dire, c'est qu'à notre avis, ce
25 moment a été un moment important de la procédure.
26 Autre moment important c'est celui où M. Dzolic est venu déposer. Il a été
27 commandant de la Compagnie de Knin de la Police militaire pendant une
28 semaine à Knin. Et lorsque vous examinez sa déclaration préalable, vous
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1 voyez qu'elle est curieusement écrite, comme nous l'indiquons dans notre
2 mémoire en clôture, dans le but d'établir une espèce de source légale
3 s'agissant de savoir qui devait obéir aux ordres du général Cermak et afin
4 d'établir une espèce de lien au niveau du commandement exercé à présent les
5 uns et par les autres.
6 Penchez-vous sur le paragraphe concerné, le paragraphe 34, vous voyez qu'il
7 n'est absolument pas convaincant quant au type de documents sur lesquels
8 les Juges de la Chambre vont devoir s'appuyer pour statuer. Mais lorsque ce
9 témoin a déposé, il était tenu pour responsable de ce qu'il avait dit
10 auparavant, et il est revenu sur ce qu'il a déclaré devant le représentant
11 du bureau du Procureur précédemment en présentant une image tout à fait
12 différente de la situation. Ce fut donc encore une fois un moment important
13 du procès.
14 Et même moment important c'est celui de l'audition du Témoin
15 P-086. Sur exactement les mêmes questions, avec exactement les mêmes
16 résultats. En dehors des déclarations confortables qui avaient été
17 recueillies plusieurs années auparavant, dont les témoins étaient
18 considérés comme responsables lors de sa comparution de vive voix, tous ces
19 témoins n'ont apporté aucune preuve qui permettrait à l'Accusation de
20 démontrer que sa thèse contre M. Cermak est fondée.
21 Lorsque les Juges de la Chambre auront à statuer en l'espèce, je les
22 renvoie aux éléments de preuve présentés par la Défense Cermak pendant la
23 procédure. Lorsque les Juges examineront le mémoire en clôture de
24 l'Accusation, il leur apparaîtra évident qu'un grand nombre des éléments de
25 preuve ne sont simplement pas soutenus par des arguments. Quand des témoins
26 ont été cités par la Défense Cermak, dans le même ordre d'idées il a été
27 frappant de constater qu'il n'y a eu aucune contestation des éléments de
28 preuve sur le fond. Et ceci est dû au fait que les éléments de preuve qui
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1 ont été présentés représentaient ce qui s'était véritablement passé dans
2 toute cette affaire. Les Juges de la Chambre ont reçu des preuves provenant
3 d'experts qui savaient ce dont ils parlaient, provenant de personnes qui
4 avaient été associées à la nomination de M. Cermak à son poste, provenant
5 de personnes qui se trouvaient à Knin et qui ont vu M. Cermak travailler,
6 et provenant de personnes qui ont déjà expliqué depuis des années tout cela
7 à l'Accusation, à savoir que M. Cermak avait de bonnes intentions et quelle
8 était exactement la nature de son travail.
9 Et quand on analyse les contre-interrogatoires de ces témoins sur le fond,
10 on se rend compte qu'il y a très peu de possibilités de contester leurs
11 propos. Ceci est dû à une raison qui est que ces témoins disent la vérité.
12 Prenez, par exemple, le témoin expert, le général Feldi. C'est un homme qui
13 connaissait les règlements de service, document important dans le cadre de
14 l'espèce qui constitue la pièce P32. C'est un homme qui savait ce qu'il en
15 était des casernes de l'armée de Croatie. Ses connaissances sont à la base
16 de sa comparution en tant que témoin. Plus le temps passait, plus il était
17 permis d'avoir l'impression - mais ce n'était qu'une impression - qu'il
18 s'occupait davantage de confirmer sa crédibilité que de la réalité de ses
19 propos sur le fond. Le témoin expert de la Défense, Pero Kovacevic, a été
20 entendu également. C'est un homme qui était l'auteur des règlements de
21 service évoqués précédemment, c'est un homme qui était responsable de la
22 mise noir sur blanc des lois applicables par l'armée de Croatie, qui savait
23 de quoi il parlait et qui savait pourquoi il avait été cité à la barre en
24 tant que témoin expert. Et plus le temps passait, plus on pouvait penser
25 qu'il s'occupait de sa crédibilité, et pas de ce que comportait le rapport
26 de l'expert de l'Accusation sur le fond qui ne semblait pas être contesté.
27 Le général Deverell, maintenant, même chose. M. Albiston, même chose. Et
28 nous demandons à la Chambre, pour reprendre les mots de M. Tieger,
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1 lorsqu'elle aura sous les yeux les éléments de preuve fondamentaux de la
2 Défense, d'accorder à ces éléments de preuve le même statut qu'à tout autre
3 élément de preuve de l'espèce. Nous demandons aux Juges de la Chambre de
4 prendre en compte la totalité des éléments de preuve, parce que c'est en
5 passant en revue l'ensemble de ces éléments que la Chambre parviendra à
6 faire prévaloir la vérité et à prononcer un verdict équitable.
7 Quelques mots à présent au sujet de la position du général Cermak. Comment
8 est-il arrivé à Knin. Nous savons au vu des éléments de preuve que sa
9 présence à Knin n'avait pas été planifiée. Je vais parler devant les Juges
10 de la dernière théorie de Brioni avancée par l'Accusation au moment ultime
11 de la procédure dans le cadre de son mémoire en clôture.
12 Donc M. Cermak est arrivé presque par accident à Knin. Grâce à un
13 concours de circonstances, il a reçu un appel téléphonique et on lui a
14 demandé d'apporter son aide au président, et dans ce cadre, de se rendre à
15 Knin. C'était une mission à laquelle il n'avait pas été préparé, pour
16 laquelle il n'avait pas été entraîné, pour laquelle il ne s'était vu
17 accorder aucun pouvoir, aucune autorité suffisante en tout cas.
18 L'Accusation affirme que pendant son séjour à Knin, le général Cermak,
19 ainsi que d'autres membres de l'entreprise criminelle commune, aurait
20 permis que règne un climat d'impunité et que le général Cermak aurait
21 autorisé que des crimes se commettent. Ceci rend absolument indispensable
22 de se demander ce qu'il a fait effectivement.
23 Alors, vous avez entendu un certain nombre de témoins en l'espèce qui vous
24 ont dit qu'il n'avait pas seulement condamné les crimes en public, mais
25 qu'il les avait également condamnés en privé et qu'il les avait également
26 condamnés pendant des réunions organisées à la caserne. Est-ce que ceci
27 ressemble à l'action d'une personne membre d'une entreprise criminelle
28 commune ? Est-ce que ceci pourrait servir en quoi que ce soit à démontrer
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1 qu'il voulait permettre que règne un climat d'impunité étant donné qu'il
2 s'est opposé à la commission des crimes qui étaient commis et qu'il l'a
3 exprimé dans des ordres destinés à d'autres ?
4 Pour résumer, l'addition ne colle pas ici. Et ce qui est en train de
5 se passer, c'est que trois généraux ont voulu aller à un procès et que son
6 nom a surgi dans ces circonstances. Le général Cermak est un homme qui
7 s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment sans avoir commis le
8 moindre méfait.
9 Pourquoi est-ce que le général Cermak a été renvoyé devant un Tribunal ?
10 Son expérience dans les affaires, sa connaissance de la logistique, dont de
11 nombreux témoins ont parlé ici, sa capacité à organiser, et ce, évidemment
12 dans une situation très confuse suite à la libération de la ville de Knin
13 au moment des faits montrent qu'on avait besoin d'un homme ayant les
14 qualités qui sont les siennes pour essayer de rétablir une vie normale à
15 Knin. Et ceci, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, résume
16 les raisons pour lesquelles le général Cermak se trouve ici.
17 Je vais maintenant traiter de façon directe des diverses allégations
18 soutenues par l'Accusation au sujet du général Cermak dans le cadre de sa
19 nomination à son poste. Il a été allégué par M. Carrier ainsi que dans le
20 mémoire en clôture de l'Accusation que son rôle a été envisagé pendant la
21 réunion de Brioni; pièce à conviction P461, page 27. Mais si vous vous
22 penchez sur ce document et analysez ces allégations dans le détail, vous
23 verrez d'abord dans quel contexte elles ont été prononcées, à savoir celui
24 d'une conversation qui portait sur l'imminence de la guerre. Autrement dit,
25 une situation qui n'a rien à voir avec la situation ultérieure à la fin de
26 cette guerre. Dans cette conversation, on ne dit à aucun moment que le
27 général Cermak allait avoir un poste à Knin, et il n'est dit à aucun moment
28 non plus qu'il allait traiter des protestations, qu'il allait s'occuper de
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1 neutraliser les interventions de l'ONURC. Voici ce qui est dit, en fait, je
2 le cite : Il nous faut une équipe qui traitera des relations avec l'ONURC,
3 un contact permanent qui arrivera à traiter les affaires et résoudre les
4 affaires avec eux pour qu'on ait les instructions de leur part, parce que
5 les choses vont évoluer trop rapidement. Le président a déclaré que cette
6 personne devait être en contact avec son cabinet. Et à la page 29, il a
7 nommé cette personne, il a dit qu'il s'agissait de M. Sarinic. C'est une
8 question qu'il vous faudra traiter, ce que vous avez dit et la référence à
9 l'ONURC, ça signifie Sarinic. J'aimerais savoir s'il vaudrait mieux gérer
10 tout cela depuis Brioni ou depuis Zagreb.
11 Mais tout ceci n'a absolument rien à voir avec le contexte inventé de
12 toutes pièces par l'Accusation dans son mémoire en clôture à propos de la
13 présence de M. Cermak à Knin. En revanche, ce qui est intéressant, c'est de
14 se pencher sur la question de savoir pourquoi ils ont eu besoin d'inventer
15 une espèce de lien préalable à la libération de Knin. Et c'est très simple.
16 C'est parce qu'ils n'avaient rien entre leurs mains, ils n'avaient aucune
17 preuve montrant qu'il faisait partie d'une entreprise criminelle commune.
18 Ils ont donc essayé de créer un concept en l'espèce afin de renforcer un
19 peu leur thèse qui prenait l'eau.
20 Passons maintenant aux allégations selon lesquelles le général Cermak avait
21 été nommé afin de traiter les interventions de l'ONURC et de les
22 neutraliser, et tâchons de lier ça avec les tentatives de l'Accusation
23 essayant de rendre la nomination du général Cermak à Knin comme étant
24 quelque chose d'assez sinistre. Donc à un moment, on déclare que les règles
25 normales de nomination ont été contournées par le président afin que M.
26 Cermak puisse obtenir ce poste de comandant de garnison à Knin. La
27 procédure de nomination a été expliquée par le général Feldi, l'expert
28 militaire, à la pièce D1673, pages 43 à 44. Or, sa nomination respecte
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1 parfaitement les dispositions de la constitution de la Croatie et des lois
2 portant sur la défense qui demandent que ce soit le président qui nomme et
3 qui démette les généraux. Le fait que le président ait nommé le général
4 Cermak indique, en fait, qu'il devait avoir un rôle bien précis, un rôle
5 différent, non pas le rôle qui est envisagé par l'Accusation, mais son rôle
6 allait être de normaliser la vie à Knin et d'aider les organisations
7 internationales à Knin. Ça allait être son rôle. Rien de plus, rien de
8 moins, rien d'autre, et certainement pas une participation à une entreprise
9 criminelle planifiée. Le but ici était de nommer le général Cermak pour
10 qu'il occupe un poste qui se trouvait en dehors des forces armées croates,
11 qui ne se trouvait pas dans la hiérarchique habituelle du commandement
12 militaire de la Région de Split ni dans le cadre du commandement des forces
13 armées croates. Il s'agissait d'un poste court, un poste qui devait être
14 rempli parce qu'il était essentiel après la libération de Knin.
15 A aucun moment au cours des discussions, dans aucun des documents qui nous
16 ont été présentés, dans aucune déclaration faite, trouve-t-on la moindre
17 référence au fait que le général Cermak n'ait été nommé que pour s'occuper
18 du retour des Croates dans la région. Il ne l'a jamais dit, personne
19 d'autre ne l'a dit. Son profil de poste était tout à fait différent,
20 c'était un poste d'une nature très générale où il s'agissait de normaliser
21 la vie à Knin, et la normaliser pour tout le monde, son poste n'a jamais
22 été conçu comme étant un poste visant à provoquer le départ de certaines
23 personnes ou favorisant la commission de crimes contre les Serbes.
24 Donc lorsqu'on essaie de noircir la nomination de M. Cermak à ce
25 poste en essayant de présenter des arguments à la Chambre, l'Accusation
26 dans son mémoire principal, au paragraphe 289, parle du contexte de la
27 nomination de Cermak de la façon suivante. Le 4 août 1995, Susak a fait
28 rapport à Tudjman sur l'avancement de l'opération "Storm" en demandant à -
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1 et ça c'est le mot ajouté - demandant à Tudjman d'exiger que l'on contacte
2 Cermak. Cet homme qui était là, M. Radic [comme interprété], n'a jamais dit
3 cela en fait, et d'ailleurs on ne lui a jamais affirmé que d'une façon ou
4 d'une autre le ministre Susak ait quoi que ce soit à voir avec la
5 nomination de M. Cermak. Mais ça a été glissé dans les textes à un moment
6 pour essayer de noircir le tableau et pour essayer de vous faire croire
7 qu'il y avait des raisons sinistres derrière cette nomination du général
8 Cermak en tant que commandant de garnison à Knin. Le fait qu'il ait été
9 nommé commandant de garnison n'avait rien à voir avec le ministre Susak,
10 n'avait rien à voir avec quoi que ce soit de sinistre.
11 Donc on essaie de montrer Cermak comme étant un homme de confiance,
12 un homme averti. Donc c'est ce qui est utilisé. Ce n'est pas quelque chose
13 qu'a dit M. Radin, M. Vidosevic, M. Skegro, ou les autres témoins, on ne
14 leur a jamais demandé si M. Cermak était un homme de confiance averti, pas
15 du tout. Mais on glisse cela au passage pour que vous essayiez de croire
16 qu'il fait bel et bien partie d'une entreprise criminelle commune. Donc
17 c'est ce terme "homme de confiance averti," et cela vient, en fait, initié,
18 cela vient, en fait, d'un article de journal où le général Cervenko décrit
19 Cermak comme étant l'homme de confiance du président Tudjman. Mais le
20 général Cervenko a démenti l'interview qu'il a donnée, le lendemain après
21 l'avoir donnée, vous le trouverez à la pièce D1306. Or, c'est un fait
22 essentiel, et normalement l'Accusation aurait dû essayer de s'en occuper
23 d'une manière ou d'une autre. Mais lorsqu'on voit ce qu'il en est, la façon
24 dont ça a été présenté au général Deverell, on voit que ce ne sont que des
25 rumeurs, il ne s'agit de ragots et rien de plus. Ce n'est étayé par rien.
26 Donc l'Accusation essaie aussi de peindre le général Cermak comme étant un
27 initié, un homme de confiance, un homme averti, un homme ayant des contacts
28 très étroits et personnels avec le président Tudjman et avec les autres
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1 membres de l'entreprise criminelle commune.
2 Mais je ne vais pas aborder ce sujet puisque nous allons d'abord faire la
3 pause.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
5 Nous allons maintenant faire la pause, et nous reprendrons donc à 13 heures
6 moins 05.
7 --- L'audience est suspendue à 12 heures 36.
8 --- L'audience est reprise à 12 heures 58.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kay, vous avez la parole.
10 M. KAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
11 Nous allons passer donc à cet homme de confiance, cet initié averti, qui
12 aurait eu des contacts très étroits. Bien, quelles sont les preuves de
13 toutes ces réunions auxquelles M. Carrier a fait référence hier ? Il ne
14 suffit pas d'entrer dans le prétoire et de dire qu'il y a eu à la fois des
15 réunions publiques et des réunions privées. Où ? Quelles réunions,
16 lesquelles ? Les réunions dont on nous a parlé et qui sont mentionnées au
17 compte rendu présidentiel ne montrent absolument pas M. Cermak sous un
18 mauvais jour. Les éléments de preuve dont nous disposons, ce sont des
19 réunions où l'on parle de la nature de ses tâches, de ses fonctions. On
20 n'en sait pas plus. Donc arriver dans ce prétoire en déclarant qu'il y a eu
21 des réunions privées ou des réunions publiques où toutes sortes de sujets
22 ont été abordés, cela ne suffit pas, cela ne suffit pas pour étayer une
23 théorie pénale. De plus, la réalité c'est que ces réunions n'ont simplement
24 jamais eu lieu. Nous avons des éléments de preuve nous venant de certaines
25 réunions, de ce qui a été dit, on sait où les réunions ont eu lieu en ce
26 qui concerne certaines de ces réunions seulement.
27 Pour ce qui est maintenant des membres allégués de cette entreprise
28 criminelle commune, nous a-t-on jamais démontré l'existence même de
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1 l'existence d'un contact personnel très étroit entre les membres de cette
2 entreprise criminelle commune et le général Cermak ? Non, on n'a eu aucun
3 élément de preuve à ce propos. Tout ce que l'on sait, c'est que dans son
4 interview, dans son entretien, M. Cermak a dit qu'il connaissait
5 personnellement M. Jarnjak. Il a déclaré qu'il s'agissait d'un ami. Il a
6 dit que le général Markac aussi était un de ses amis. Il a déclaré qu'il
7 entretenait en 1993 de bonnes relations avec le président Tudjman, mais
8 lorsqu'il avait quitté le gouvernement précédemment, donc il y a eu très
9 peu de contacts entre Tudjman et lui entre 1993 et 1995. Ils ne s'étaient
10 vus que deux ou trois fois et pas plus.
11 Pour ce qui est des autres membres allégués de cette entreprise criminelle
12 commune, le général Cervenko, Ademi, M. Radin, les autres. Comment nous a-
13 t-on démontré que le général Cermak aurait tout d'un coup pu intégrer ce
14 premier cercle qui aurait fait qu'il aurait été l'homme de confiance et
15 qu'il aurait pu ainsi aider à la commission de crimes ? Nous n'avons vu
16 aucune preuve dans ce sens. Et si on nous avait présenté des preuves, nous
17 aurions pu les réfuter, mais on ne nous a rien présenté.
18 Et tout montre qu'il y a de très bonnes raisons qui expliquent pourquoi on
19 a choisi le général Cermak pour le poste de Knin. Les citations que l'on
20 trouve en note de bas de page dans le mémoire en clôture de l'Accusation
21 étayent d'ailleurs ces excellentes raisons citées par M. Vedris, selon
22 lequel Cermak avait été nommé pour remettre sur pied la vie civile aux
23 alentours de Knin et dans la ville de Knin. Tudjman voulait trouver une
24 personne qui était un dirigeant, quelqu'un qui savait organiser les choses,
25 quelqu'un qui pouvait reconstruire la zone, ou en tout cas lancer les
26 opérations de reconstruction. M. Radin n'a jamais mentionné une autre
27 personne comme étant une option pour ce poste. On ne sait pas ce que
28 pensait le président, en fait. Et malheureusement, maintenant ça fait un
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1 bon moment qu'il est impossible de savoir ce qu'il y avait dans la tête de
2 M. Tudjman.
3 M. Skegro et M. Videsevic ont parlé des compétences de M. Cermak qui
4 étaient tout à fait appropriées au poste de Knin à l'époque, puisqu'il
5 avait été envoyé là-bas pour remettre sur pied une région où toute une
6 masse de personnes qui en avaient été exclues depuis quatre ans devaient
7 revenir, et il devait aussi préparer la région pour permettre aux gens qui
8 y étaient d'y rester et pour permettre à ceux qui s'étaient enfuis de leur
9 propre chef de revenir. J'y reviendrai d'ailleurs dans un instant.
10 Au cours des conversations entre M. Cermak et le président en 1999, pièce
11 P1144, on voit bien quelle a été la portée des travaux du général Cermak.
12 Il n'a jamais été chargé du maintien de l'ordre. Il n'a jamais été chargé
13 de la police, des forces armées militaires, ou de quoi que ce soit. Le
14 président ne lui a jamais demandé de faire cela. Et pourtant, il s'agit
15 d'une conversation officieuse, et personne ne pouvait s'attendre à ce que
16 l'enregistrement de cette conversation se retrouve dans un prétoire dix ans
17 plus tard. Mais pourtant, au cours de cette conversation, il n'est jamais
18 même suggéré que le général Cermak n'aurait pas rempli correctement sa
19 mission, qui était de normaliser les conditions de vie et de reconstruire
20 la ville. Et au cours de cette conversation, il n'est jamais mentionné
21 qu'il était chargé du maintien de l'ordre dans la région et qu'il aurait
22 été en charge d'empêcher la commission de crimes.
23 Donc il est assez intéressant de remarquer que la nomination et le rôle de
24 Cermak ont été presque immédiatement diffusés parmi tous les représentants
25 officiels croates, y compris les hauts représentants de la direction
26 politique, les hauts gradés militaires ou les représentants de la police.
27 En fait, on voit que Cermak, de ce fait, n'a jamais été intégré aux
28 structures militaires ou policières. Il a été envoyé en tant qu'homme
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1 politique pour remplir sa mission, la mission qui lui avait été donnée par
2 le président. Ça n'allait pas plus loin. Sa nomination avait été abordée
3 lors de la réunion où il y avait les membres du VONS. Il n'a pas été
4 intégré aux structures de commandement ou aux structures de pouvoir. En
5 fait, comme l'a dit M. Vedris, il a entendu sa nomination à la radio et il
6 a appelé M. Cermak, et c'est assez intéressant d'ailleurs, parce que ça
7 montre bien l'état d'esprit de M. Cermak à l'époque. Dans le cadre d'une
8 conversation informelle et officieuse, M. Cermak lui a dit qu'il acceptait
9 la nomination et qu'il était prêt à apporter son aide. Donc il était là
10 pour apporter son aide, rien d'autre, et on ne peut rien trouver qui étaye
11 la thèse de l'Accusation dans le cadre de sa nomination.
12 Le chef de la police de la région, M. Cipci, qui a vu M. Cermak arriver à
13 Knin le 6, a demandé à M. Jarnjak quelle était la fonction de M. Cermak.
14 Certes, cela ne constitue pas une directive présidentielle imposée aux
15 officiels croates et portant sur les rôles et responsabilités de M. Cermak.
16 J'ai parlé du rôle qu'avait joué M. Cermak dans la normalisation de la vie
17 à Knin.
18 Mais ce que l'on voit et ce qui a été prouvé au-delà de tout doute
19 raisonnable par la Défense au cours du procès, c'est que l'Accusation a
20 essayé de modifier la nature même de la mission donnée à M. Cermak, qui
21 était au départ la normalisation, et ils ont voulu rajouter qu'il était là
22 aussi pour faciliter "le retour des Croates" dans la région en rétablissant
23 les infrastructures, en déblayant les mines, et cetera, ou en assainissant
24 le territoire.
25 Donc le fait que M. Cermak ait été nommé pour coloniser la région, c'est
26 une affirmation qui n'a jamais été présentée à des témoins comme M. Radin,
27 M. Skegro ou M. Pasic, des personnes qui, pourtant, étaient dans la région
28 à l'époque. Tout simplement parce que c'est un concept tellement absurde
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1 qu'il aurait été rejeté immédiatement s'il avait été présenté par
2 l'Accusation, parce que tous les éléments de preuve montrent bien que M.
3 Cermak avait été nommé pour remettre la vie sur pied à Knin, pour
4 normaliser la vie, rien de plus. Il n'avait rien à voir avec l'opération
5 Retour. Il n'avait rien à voir avec la structure du MUP qui gérait cette
6 opération Retour. Donc ce concept qui a été ajouté à la théorie de
7 l'Accusation est un essai en désespoir de cause de la part de l'Accusation
8 d'essayer de trouver des éléments de preuve pour étayer leur cause. Mais
9 comme nous l'avons déjà dit, tout ça ne tient pas.
10 Revenons-en aux déclarations de deux témoins qui ont été entendus à
11 huis clos. Il s'agit de témoins protégés, donc il conviendrait de passer à
12 huis clos partiel.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
15 partiel.
16 [Audience à huis clos partiel]
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7 [Audience publique]
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
9 M. KAY : [interprétation] Je n'évoquerai pas tous les détails relatifs au
10 processus de normalisation, la Défense en a parlé de manière approfondie
11 dans son mémoire en clôture, mais je vais plutôt me pencher sur un autre
12 sujet, un sujet qui a été abordé eu égard au général Cermak, à savoir la
13 question de ses contacts avec les représentants de la communauté
14 internationale disant qu'il agissait afin d'apaiser, ou plutôt, d'entraver
15 dans leurs élans les observateurs internationaux; je vous renvoie au
16 paragraphe 289 du mémoire en clôture de l'Accusation, et M. Carrier en a
17 parlé. Donc M. Cermak était en contact avec les représentants des
18 organisations internationales, mais il convient de rappeler le fait que ce
19 n'était pas la seule personne qui a été désignée pour servir de contact
20 avec les organisations internationales. Nous avons le registre de la police
21 de Knin, la pièce D57, nous avons des registres des rapports portant sur
22 les crimes de l'ONURC. Nous avons le témoignage du Témoin P-086. La police
23 civile des Nations Unies qui fait des rapports sur des crimes. De
24 nombreuses organisations internationales avec leurs rapports qui font état
25 de crimes qui auraient eu lieu. Nous avons les pièces P226, P232, P234,
26 P235, P238, P247, P251, P261 [comme interprété], et P262.
27 Nous avons également des rapports portant sur les événements qui ont
28 été établis par des organisations internationales à l'adresse de M. Cermak
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1 ainsi qu'à l'adresse de la police locale. Et l'on ne peut en aucune manière
2 affirmer que cette relation était une relation à laquelle avait droit
3 exclusivement M. Cermak et qu'il a cherché dans le cadre de ses activités à
4 empêcher la circulation de l'information à l'attention des instances
5 compétentes qui étaient habilitées à engager des poursuites dans les
6 situations où des crimes où délits ont été commis. La police civile des
7 Nations Unies a même mis sur pied un système de coopération avec la police
8 locale. Nous pouvons le voir grâce à la pièce D53.
9 Et l'allégation de l'Accusation selon laquelle M. Cermak aurait empêché que
10 l'on relaie les rapports faisant état d'activités criminelles est
11 simplement inexacte. L'Accusation cherche à alimenter, bien sûr, sa thèse
12 contre M. Cermak, mais comme nous pouvons le voir dans les déclarations de
13 M. Rincic, pièce D1680, paragraphe 20; M. Lukavic, pièce D1687, paragraphe
14 54; pièce D1688, paragraphe 37. M. Dondo, ainsi que la pièce D1695,
15 paragraphe 17, paragraphe 19; ensuite, la pièce D1696, paragraphes 7 et 24.
16 Le témoignage de M. Pasic, pièce D1706, paragraphes 4 à 5. Bien, les
17 témoignages sont clairs, non seulement M. Cermak n'approuve pas les crimes
18 et cherche à ce que l'on mette fin à cela, mais il prend la parole dans les
19 réunions, les briefings, et il relaie l'information qu'il reçoit de la
20 part des organisations internationales, et il la relaie vers la police
21 militaire ainsi que la police locale.
22 Par conséquent, ces allégations-clés selon lesquelles M. Cermak aurait
23 cherché à apaiser ses interlocuteurs, qu'il aurait filtré les rapports afin
24 d'empêcher toute action, qu'il aurait cherché à noyer les informations,
25 bien, tout simplement, cette allégation ne repose pas sur les éléments de
26 preuve. Et il y a plus que cela. Nous avons vu les lettres émanant de M.
27 Cermak qui transmet l'information sur les plaintes pour crimes de la part
28 de la Croix-Rouge internationale, de la part de M. Forand, qui que ce soit,
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1 donc des lettres qu'il adresse à M. Romanic, ou à M. Cetina.
2 Donc nous avons la pièce D1756, marquée par Cetina comme étant urgente. Il
3 ne s'agit pas d'un comportement qui serait un comportement type déployé par
4 quelqu'un qui cherche à empêcher toute circulation d'information. C'est un
5 homme qui mène à bien ses missions, qui se comporte en citoyen respectable,
6 et il fait ce qu'il est censé faire.
7 Maintenant, quant à l'allégation selon laquelle il aurait empêché que des
8 éléments d'information atteignent les forces croates ou les instances
9 compétentes croates, qu'il s'agisse du ministère de l'Intérieur ou autre,
10 bien, ces allégations, simplement, sont sans fondement, si on se penche sur
11 le nombre très considérable d'ordres qui ont pour objectif de mettre fin à
12 la criminalité. Vous les voyez à l'annexe A du mémoire en clôture de la
13 Défense Cermak. Donc nous avons des informations dont les destinataires
14 sont les instances les plus haut placées, et leur faisant état des
15 problèmes dans la zone, des atteintes à l'ordre.
16 Donc construire la cause de l'Accusation exclusivement autour de la
17 présence de M. Cermak à Knin, en fait, s'inscrit en faux par rapport aux
18 éléments de preuve. Ces ordres qui ont été émis par des autorités plus haut
19 placées à tout échelon constituaient partie intégrante d'une tentative
20 qu'elles ont déployée d'essayer de régler le problème qui est survenu après
21 la libération de la zone, donc il est tout simplement inexact d'essayer de
22 présenter le général Cermak comme jouant un rôle de quelqu'un qui essaie
23 d'empêcher les éléments d'information de circuler. Tout simplement, cela
24 n'a pas été le cas.
25 Les éléments de preuve de l'espèce nous permettent de savoir que les
26 officiers de liaison de l'armée croate avaient établi des moyens de
27 communication avec l'ONURC bien avant l'arrivée de M. Cermak, et ils
28 recevaient des informations directement de la part de toute une série
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1 d'organisations. Ces informations étaient ensuite transférées à leur
2 commandant, le général de brigade Plestina, à Zagreb, qui s'est même
3 déplacé à Knin et qui a évoqué avec l'ONURC directement à Zagreb des
4 questions qui s'étaient posées aux organisations internationales.
5 Donc le général Cermak était prêt à aider, et c'est ce qu'il a dit à M.
6 Vedris, donc il a dit : Je vais y aller pour aider, lorsqu'il lui a dit
7 qu'il allait partir pour Knin, donc cela montre sa détermination à partir
8 et à rencontrer les représentants à la communication internationale, mais
9 dans le cadre d'une explication tout à fait raisonnable, à notre sens, et
10 cela ne peut pas être rejeté pour adopter, en revanche, la cause de
11 l'Accusation et leur théorie, à savoir qu'il voulait y aller pour empêcher
12 toute circulation d'information. Donc il est tout à fait raisonnable qu'un
13 homme qui se voit confier une telle mission soit prêt à s'y rendre pour
14 aider et pour faire de son mieux. Donc lorsque vous voyez quelles sont les
15 mesures qu'il prend sur le terrain, toutes les activités qu'il déploie pour
16 garantir l'approvisionnement en nourriture, pour faire ouvrir les
17 boulangeries, les cuisines, tout ce qu'il fait montre qu'il veut aider, il
18 veut se rendre utile. En effet, il n'avait pas été envoyé là-bas pour
19 recevoir des rapports portant sur des crimes. Ceci n'a jamais été écrit
20 dans le mémoire le concernant. Il a été envoyé là-bas pour aider. Et
21 j'oserais affirmer que la dernière des choses qu'il avait à l'esprit au
22 moment où il a été nommé commandant de garnison et qu'il a été envoyé sur
23 les lieux, la dernière chose qu'il avait à l'esprit, c'est qu'il allait
24 devoir s'occuper de rapports concernant des crimes, rapports que des
25 organisations internationales lui communiquaient. Les choses sont très
26 simples, il n'y a pas un seul élément de preuve qui prouverait que ceci ait
27 même été envisagé d'une façon ou d'une autre. Et lorsque le général
28 Gotovina se voit aborder par le général Forand, le 8 août, et que celui-ci
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1 lui dit : Quel que soit le problème qui se pose à vous, le général Cermak
2 va vous aider. Bien, voilà quelle était la définition du rôle joué par lui.
3 La Chambre de première instance se voit prier à présent de structurer une
4 thèse contre M. Cermak, une thèse qui impliquerait qu'une partie en tout
5 cas de ce qu'il a fait n'avait pas été planifiée, n'avait pas été
6 réfléchie, mais que c'était simplement quelque chose qu'il a pris sur lui
7 de faire et qu'en agissant ainsi, et bien, il a pris tout cela sur lui, car
8 c'est à lui qu'on est venu s'adresser par la suite. Lorsque le général
9 Deverell parle de responsables de haut rang, il ne fait que revenir sur ce
10 qui est habituellement le cas dans des situations internationales, à savoir
11 que lorsque des gens s'adressent à vous en particulier, c'est parce qu'ils
12 ont un problème à vous soumettre. Et c'est exactement ce qui s'est passé
13 s'agissant de M. Cermak.
14 Nous savons que les choses se sont beaucoup développées, sont allées
15 bien au-delà de ça et qu'elles sont arrivées jusqu'à la police et à
16 d'autres instances. Mais le fait qu'il ait eu en main des rapports, ce
17 n'est pas quelque chose qui avait été structuré ou planifié à l'avance. Il
18 n'existe tout simplement pas le moindre élément de preuve qui montre qu'il
19 aurait agi dans ces conditions afin de mettre en application un quelconque
20 plan criminel. Ce n'est simplement pas le cas.
21 Lorsque le président Tudjman a parlé du rôle du général Cermak,
22 encore une fois, ce rôle, à son avis, dans son idée, ne consistait pas à
23 recevoir des rapports ou des informations au sujet de quelconque crime.
24 Ceci n'a jamais fait partie de son mandat ou de la façon dont il a exécuté
25 sa mission. Il a exécuté sa mission en faisant de son mieux et il a
26 transmis à d'autres quand il pensait que c'étaient ces autres qui devaient
27 s'occuper de telle ou telle question.
28 Passons maintenant à l'allégation suivante de l'Accusation qui
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1 s'efforce d'investir M. Cermak d'un pouvoir et d'une autorité qui, tout
2 simplement, n'étaient pas les siennes. On a donné des titres divers à cette
3 tentative. Oui, M. Carrier a parlé de statut militaire accru. Et nous avons
4 déjà entendu cette expression, "autorité accrue." Nous avons entendu parler
5 d'autorité accrue dans des conditions extraordinaires, donc l'allégation
6 qui est faite, c'est que d'une certaine façon les pouvoirs de M. Cermak
7 allaient bien au-delà de ceux qui lui avait été dévolus, c'est-à-dire qu'il
8 aurait pu agir pour empêcher ce qui était en train de se passer sur le
9 terrain - je veux parler des crimes.
10 Bien, nous savons ce qu'il a fait, nous savons comment il a transmis
11 à d'autres, nous savons que ceci correspondait à ses responsabilités
12 citoyennes. Et à mon avis, si la Chambre adopte cette position, ce qu'elle
13 devrait faire, je pense, nous ne devrions pas penser le moindre mal d'un
14 accusé tout simplement parce qu'il est sur le banc des accusés. Si vous
15 examinez les faits définissant son poste, ses responsabilités, bien, on
16 voit qu'il transmet des informations, qu'il proteste au sujet de crimes qui
17 ont été commis, alors pourquoi agirait-il ainsi si son autorité accrue lui
18 avait permis de faire autrement. Il y a là tout simplement une
19 contradiction entre ce qu'il a fait et ce qu'il a essayé de faire, et c'est
20 de là que vient l'idée sans doute qu'il aurait été détenteur de pouvoirs
21 extraordinaires et qu'il aurait pu faire davantage que ce qu'il a fait.
22 S'il avait eu ces pouvoirs, d'après les éléments de preuve existants, nous
23 constatons qu'il aurait fait davantage.
24 Alors, cette extraordinaire autorité accrue, c'est une construction
25 de toutes pièces qui a été mise en place pour essayer de l'investir dans
26 une forme de responsabilité pénale. Et là, je vais rappeler une pièce à
27 conviction qui résume l'absence de pouvoir qui était le sien. On pourrait
28 passer des semaines et des semaines à examiner cette pièce. Je veux parler
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1 de la pièce D1016, à savoir la requête en vue d'obtention d'une
2 autorisation pour des dépenses liées à l'achat de jambon fumé servi durant
3 un déjeuner à une délégation. Même si vous commandez un sandwich au jambon
4 sans autorisation, cela ne veut pas dire que vous avez donné des ordres à
5 la police militaire, aux forces armées de la région, parce que vous n'avez
6 pas le droit de commander un sandwich au jambon. Donc cette comparaison de
7 ces deux situations répond au besoin de l'espèce et ne repose sur aucun
8 élément de preuve fiable ou digne de confiance.
9 L'Accusation, dans son mémoire en clôture, lorsqu'elle parle
10 d'autorité accrue, évoque de nombreux extraits d'éléments de preuve. En
11 fait, elle cite le contraire de ce qu'elle a l'intention de dire et en
12 particulier c'est ce que nous constatons au paragraphe 334, où nous voyons
13 l'Accusation citer le témoin de la Défense Skare Ozbolt, puis citer la page
14 18 101 du compte rendu d'audience. Ce témoin est décrit comme étant un
15 comte sans terre dont les compétences sont indéterminées. "Il ne savait pas
16 quelle était sa zone de responsabilité."
17 Les témoins parlent ensuite abondamment de la communauté
18 internationale, qui ne savait pas non plus quelles étaient les
19 responsabilités dont était investi le général Cermak ou quel était son
20 pouvoir, et qui ne savait pas, par ailleurs, s'il travaillait pour le
21 système civil ou pour le système militaire en Croatie.
22 Tout ce que les témoins ont dit, c'est : Nous ne savons pas quelle
23 était la définition exacte de son pouvoir. Et rappelons-nous M. Berikoff,
24 qui a dit que son autorité n'était pas reconnue sur le terrain. Le général
25 Forand dit exactement la même chose. Et M. Roberts dit aussi exactement la
26 même chose.
27 Donc qu'est-ce que nous avons ici, pour résumer ? Nous avons un homme
28 qui est installé de façon opportuniste, circonstancielle, dans un rôle
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1 déterminé, à qui il est demandé d'essayer de concourir à un moment de très
2 forte pression pour la Croatie au rétablissement d'une vie normale sur le
3 terrain, ou en tout cas sur un territoire qui est sous la responsabilité
4 des civils.
5 Et à un certain moment, l'Accusation parle de M. Cermak comme
6 jouissant d'une autorité extraordinairement accrue sans que la moindre
7 définition soit donnée de son rôle exact, alors que par ailleurs, nous
8 voyons cette même Accusation citer les pouvoirs du commandant de garnison
9 tel que définis par les règlements des forces armées de Croatie. Donc nous
10 sommes en présence de deux domaines très différents et contradictoires,
11 s'agissant de l'autorité. D'une part, nous avons le poste de la personne en
12 question et le pouvoir qui est assorti à ce poste; et d'autre part, nous
13 avons quelqu'un dont l'autorité n'est absolument pas définie.
14 Dans le passage du mémoire en clôture de l'Accusation qui commence au
15 paragraphe 300, celle-ci parle de l'autorité exercée par M. Cermak en tant
16 que commandant de garnison. Elle établit qu'il est entré dans l'armée en
17 août 1995 en tant que membre d'active, et yeux de l'Accusation une
18 proposition de grande importance réside dans le fait qu'elle a établi qu'il
19 s'agissait d'un membre de l'armée d'active étant donné qu'elle tient à
20 établir que les pouvoirs qui étaient les siens correspondaient à ceux qui
21 sont cités dans le règlement s'agissant d'un commandant de garnison. En
22 fait, nous savons, grâce aux éléments de preuve collatéraux, que les
23 missions qui lui ont été confiées étaient d'une nature tout à fait
24 différente. Et lorsque l'on se penche sur les ordres et les rapports qui,
25 tous, étant donné l'époque, ont un lien avec son intervention de courte
26 durée pour normaliser la vie, à notre avis, nous voyons très clairement
27 qu'il avait un rôle et une mission qui ne correspondaient pas de façon
28 formelle à ce qui est défini comme étant le rôle ou la mission d'un
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1 commandant de garnison, alors que c'est à ce rôle qu'il a consacré tout son
2 temps. Ses tâches étaient de nature non militaire.
3 Mais il a aussi consacré beaucoup de temps à exercer l'autorité de
4 commandant, et l'Accusation, dans l'analyse qu'elle présente dans son
5 mémoire en clôture, analyse très détaillée, comme l'est également l'analyse
6 faite par nous, aurait dû déterminer très clairement quelle était son
7 autorité exacte.
8 Ce qui est frappant dans le mémoire en clôture de l'Accusation, c'est le
9 fait qu'elle ne s'est pas occupée et qu'elle n'a pas pris en compte les
10 conclusions des témoins experts, c'est très significatif, Feldi, Kovacevic,
11 Deverell, et Albiston, ont parlé du rôle d'un commandant de garnison. Et au
12 lieu de prendre en compte leurs propos, l'Accusation s'est appuyée sur sa
13 propre interprétation du règlement de service, dont était responsable le
14 général Feldi, ainsi que sur l'ordre d'organisation de 1994 [comme
15 interprété] concernant le travail au sein de la garnison.
16 Dans son mémoire en clôture, l'Accusation cite divers extraits de la
17 déposition du général Deverell et d'autres témoins qui concerne l'autorité
18 exercée par un commandant de garnison. Et dans toutes ces citations, nous
19 trouvons, en fait, le contraire de la thèse défendue par le bureau du
20 Procureur, ce qui est une illustration très claire de ce qui s'est passé.
21 Nous avons ici un dossier entier très détaillé sur ce sujet, et je n'ai
22 aucun doute que la Chambre va vérifier les notes en bas de page avec le
23 plus grand soin, je souhaiterais pour ma part en livrer une à titre
24 d'exemple. Elle se trouve au paragraphe 309, à la fin du paragraphe, et
25 c'est là qu'on trouve l'affirmation selon laquelle Deverell aurait admis
26 que les unités de l'armée de Croatie pouvaient avoir des filières
27 hiérarchiques différentes et que les règles de commandement pouvaient
28 militer en faveur d'une autorité et de certains pouvoirs qui auraient été
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1 décernés au commandant de garnison et lui auraient permis de remplir ses
2 responsabilités en mettant en place des réglementations destinées à
3 rétablir et à maintenir un climat d'ordre et de discipline militaire.
4 Prenons la pièce D1784, pages 23 et 24, qui sont citées dans le rapport du
5 général Deverell. Nous y lisons les mots suivants qui sont très clairs, je
6 cite :
7 "Ainsi, le commandant de garnison est responsable de l'imposition des
8 réglementations jugées utiles afin de réaliser cet objectif," l'objectif
9 étant la création d'un climat d'ordre et de discipline militaire
10 précédemment cité dans le texte. Mais la partie dont je vais donner lecture
11 maintenant n'est pas reprise dans le texte; par exemple, instaurer des
12 limitations de vitesse pour les véhicules, définir des itinéraires à
13 respecter par les membres de la garnison, déterminer les heures d'ouverture
14 de telle ou telle installation, telle que, par exemple, les dépôts de
15 carburant et de munitions, entretenir les installations chargées de la
16 formation des unités et réglementer l'usage des lieux d'habitation. Ces
17 installations diverses ont été utilisées par les unités, et pas
18 nécessairement par les unités dépendant structurellement de la garnison,
19 par conséquent, elles n'étaient pas subordonnées au commandement de la
20 garnison.
21 Aux pages 24 298 à 24 300 du compte rendu d'audience, nous lisons, je cite
22 :
23 "Le commandant de garnison ne peut être tenu responsable que de la
24 discipline des hommes qui lui sont subordonnés."
25 Tout ce passage du mémoire en clôture de l'Accusation crée une confusion
26 entre différents subordonnés et la nécessité d'imposer la discipline à ses
27 subordonnés dans le cadre de pouvoirs et d'une autorité qui sont définis de
28 façon très générale.
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1 Monsieur le Président, il est 13 heures 46, et je sais que la suspension
2 devrait se faire maintenant.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est en effet le cas, Maître Kay.
4 M. KAY : [interprétation] Je vous remercie.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'espère que sur la base de ce qui s'est
6 passé ces quelques derniers jours, parce que je ne vais pas vous rappeler
7 l'historique du procès en faisant le compte à la minute près des différents
8 temps, mais je propose que nous reprenions nos débats à 14 heures 45,
9 Maître Kay, et que les premières 65 minutes de l'audience de cet après-midi
10 vous soient consacrées. Est-ce que cela vous conviendrait ?
11 M. KAY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, nous avons
12 www.stopswatch.com [comme interprété] qui m'informe que nous avons utilisé
13 une heure, 5 minutes et 50 secondes. Donc après la pause et avec votre
14 autorisation, nous pourrons poursuivre.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et nous allons ensuite avoir une
16 pause à l'issue de vos 65 minutes.
17 M. KAY : [interprétation] Oui.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Après quoi, c'est la Défense Markac qui
19 s'exprimera. Si nous faisons une suspension de cinq minutes de moins que
20 d'habitude, vous aurez à peu près deux heures 25 à votre disposition.
21 Maître Kuzmanovic, est-ce que cela vous convient ?
22 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vous
23 remercie.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons maintenant suspendre, et
25 reprendre à 14 heures 45.
26 --- L'audience est levée pour le déjeuner à 13 heures 50.
27 --- L'audience est reprise à 14 heures 48.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kay, êtes-vous prêt à poursuivre
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1 ?
2 Maître Higgins.
3 Mme HIGGINS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
4 Madame, Monsieur les Juges, je vais m'intéresser plus précisément à
5 certains chapitres du mémoire de clôture de l'Accusation pour vous
6 expliquer, en fait, comment ce mémoire pêche par manque d'analyse, et
7 j'attirerai notamment votre attention sur la façon dont ils ont évalué ou
8 dont sont présentées les allégations et le bien-fondé des allégations
9 prononcées à l'encontre d'Ivan Cermak.
10 Chacun des Procureurs a fait référence à l'importance de la globalité de la
11 totalité des éléments de preuve. Alors, bien entendu, j'en veux pour preuve
12 les notes en bas de page extrêmement détaillées et les références, et je
13 dirais d'ailleurs que dans le mémoire de clôture pour M. Cermak, M. Carrier
14 n'a fait référence à aucune de ces notes en bas de page lorsqu'il s'est
15 adressé à vous hier. Et je vous dirais également que nous indiquons, en
16 fait, que la globalité des éléments de preuve et des références en notes de
17 bas de page ne se retrouve pas ou ne vous permettront pas de procéder à
18 cette analyse exhaustive. Nous nous sommes efforcés d'essayer de comprendre
19 sur quoi ils se fondaient pour avancer leurs idées, et nous avons, en fait,
20 remarqué qu'il y avait des faits qui avaient été déformés, qu'il y avait un
21 manque de pertinence générale, et qu'il y avait eu des amalgames qui
22 étaient opérés parfois, ce qui fait que vous ne pourrez pas prendre en
23 considération la totalité des éléments de preuve.
24 Pour illustrer mon propos, j'aimerais au cours des 20 prochaines minutes
25 vous permettre de comprendre certains des paragraphes en réponse à ce qu'a
26 avancé l'Accusation après avoir lu le mémoire de clôture pour M. Cermak.
27 L'allégation de base qui vous a été présentée par M. Carrier hier, est que
28 M. Cermak aurait pu faire usage du MUP qu'il contrôlait à Knin pour
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1 prévenir et sanctionner les crimes. Mais il vous dit, au contraire, qu'il a
2 fait usage des ressources de la police pour promouvoir davantage une
3 entreprise criminelle commune et qu'en fait, il s'était lancé dans un
4 exercice de colonisation avec les Croates dissimulé par une pseudo-
5 normalisation et qu'il était beaucoup trop préoccupé par cela pour pouvoir
6 empêcher les crimes qui ont eu lieu.
7 Mais la vérité c'est que si l'on prend en considération la totalité
8 des éléments de preuve, cela ne convient absolument pas à l'Accusation, et
9 cela ne leur permettrait pas d'obtenir ces critères de la preuve requis au-
10 delà de tout doute raisonnable. Et il en va de même lorsque l'on pense au
11 contexte idoine. Hier, M. Carrier a fait référence au fait que M. Cermak
12 avait en quelque sorte utilisé à mauvais escient les ressources de la
13 police pour promouvoir l'entreprise criminelle commune, et pour étayer son
14 propos, a fait référence à l'expert Albiston, en indiquant qu'il y avait
15 eu, effectivement, mauvaise utilisation des ressources de la police. Il a
16 cité à cet égard le document D1776, paragraphe 3.74 qui, d'ailleurs, n'a
17 rien à voir avec M. Ivan Cermak. Il s'agit d'un ordre qui a été donné par
18 Moric pour de très bonnes raisons que vous pourrez analyser si vous prenez
19 en considération cette citation.
20 Je vais vous inviter à prendre le mémoire de clôture de l'Accusation
21 et je vous inviterais à analyser certains paragraphes pour que vous
22 compreniez à quel point vous devriez faire preuve de circonspection.
23 Car au paragraphe 388, par exemple, il est allégué qu'Ivan Cermak a
24 eu des responsables supérieurs du MUP de la zone Kotar-Knin et Zadar-Knin,
25 qui se sont soumis à l'autorité de M. Cermak; note en bas de page 1 099.
26 Sans pour autant révéler l'identité indiquée par la note en bas de page,
27 puisqu'il s'agit d'un témoin protégé, il est indiqué tout simplement que
28 son rôle n'était pas clairement défini et qu'il devait justement s'en
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1 remettre à Zadar. Ni plus ni moins.
2 La deuxième référence est une feuille de correction présentée par un
3 témoin; pièce P88, première page. Il n'est absolument pas question de
4 l'autorité de M. Cermak dans ce paragraphe.
5 Dans ce document, il est également question d'un barème du MUP qui a
6 été présenté par le Procureur. A nouveau, il n'est absolument pas question
7 d'Ivan Cermak.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'excuse. Au paragraphe 388 --
9 Mme HIGGINS : [interprétation] Non, paragraphe 338.
10 Et vous verrez les références que j'ai citées.
11 Cetina est cité, vous verrez. Nous vous invitons à analyser de façon
12 méticuleuse cette citation. Il est question également de Jarnjak. Mais
13 Jarnjak, en fait, ne s'est pas soumis à l'autorité de Cermak.
14 En contradiction flagrante par rapport à ces citations qui vous ont
15 été données, vous aurez lu les mémoires de clôture et vous serez conscients
16 que nous vous avons présenté une pléthore d'éléments de preuve, d'exemples
17 et de situations qui démontrent essentiellement que M. Cermak, M. Ivan
18 Cermak, n'avait absolument aucune autorité et aucun contrôle sur la police
19 civile. Et les passages que nous vous demandons de bien vouloir prendre en
20 considération commencent à la page 250.
21 Madame, Messieurs les Juges, le Procureur poursuit et avance que son
22 autorité transcendait les limites de la zone de responsabilité de Knin.
23 Bien qu'ils ne citent aucun témoignage, aucune déposition de témoin, aucune
24 déclaration de témoin, ils vous fournissent deux cartes tout à fait
25 indépendantes. En fait, ce n'est pas véritablement une façon de bien-fondé
26 ce type d'allégation pour l'Accusation. Ils indiquent également que les
27 témoins que la Défense a convoqués n'ont fait que faire référence au manque
28 d'autorité de jure de M. Cermak, qui est d'ailleurs une allégation assez
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1 essentielle et centrale qu'ils profèrent contre nos témoins.
2 Au paragraphe 338, il est indiqué que ces témoins qui ont été
3 convoqués n'ont pas pris en considération le fait que Tudjman avait
4 délégué, et ce, de façon extraordinaire, à M. Cermak son autorité et qu'il
5 y a des éléments de preuve qui étayent cette autorité. Note en bas de page
6 1 102. Nous vous invitons à prendre cela en considération directement, car
7 il n'y a absolument rien qui étaye cette thèse. Il n'y a qu'une simple
8 référence à un témoin à décharge, M. Skegro, qui indique tout simplement
9 qu'il y a des ministres qui sont passés sous l'autorité du président, et il
10 y a un organigramme également qui indique la situation du commandement de
11 la HV le 4 août. Il ne s'agit pas de délégation ou de transfert d'autorité
12 de la part du président en faveur du MUP. Vous vous souviendrez que cette
13 question a été prise en considération directement par M. Albiston, l'expert
14 de la police, et nous vous demanderons d'étudier la page 253 du mémoire de
15 clôture de M. Cermak.
16 Car il n'est tout simplement pas vrai que les témoins à décharge se
17 sont seulement intéressés à l'aspect de jure de l'autorité ou du manque
18 d'autorité. Les témoins cités par l'Accusation incluent M. Albiston, le
19 Témoin P86, M. Cetina, M. Moric ainsi que M. Cipci. Nous vous exhortons à
20 placer ces éléments de preuve dans le bon contexte.
21 Et vous vous souviendrez peut-être que M. Albiston - et je vais vous
22 donner les citations exactes - s'est beaucoup intéressé au commandement de
23 facto, et M. Ivan Cermak n'avait pas ce commandement de facto sur la
24 police. Il s'agit des pages du compte rendu suivantes, 23 948 à 23 949; 23
25 837 à 24 021; et pour les questions supplémentaires, il s'agit de la page
26 24 074. Il est même allé jusqu'à expliquer sur quoi il se fondait pour
27 dégager ces conclusions. Nous vous demandons d'analyser notre note en bas
28 de page dans le mémoire de clôture de M. Cermak, 1 697, et les 2 à 4 000
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1 documents qu'il a étudiés pour préparer son rapport, ainsi que les sept
2 ordres qui ont été donnés par Ivan Cermak au MUP. Nous vous demandons de ne
3 pas oublier la page 24 080 du compte rendu d'audience.
4 En fait, il a indiqué à la Chambre qu'il se serait attendu à avoir un
5 nombre important de consignes, d'ordres et de rapports si M. Ivan Cermak
6 avait véritablement eu ce commandement de facto. Je fais référence à notre
7 note en bas de page 1 691. Des questions lui ont été posées à propos du
8 journal de M. Gambiroza, qui était un autre élément de preuve à propos
9 duquel il a dit qu'il n'appuyait absolument pas cette autorité de facto.
10 Et nous vous demandons d'étudier la page 276 du mémoire de clôture de M.
11 Cermak, où nous indiquons qu'il est important de prendre en considération
12 les éléments de preuve de facto à propos de ces sept soi-disant ordres
13 qu'il a donnés, que vous aurez la possibilité d'examiner de façon
14 détaillée.
15 Moric, un témoin à charge, a indiqué de façon tout à fait officielle que
16 Cermak, en fait, ne faisait pas partie de la structure et de l'organisation
17 de la police et qu'il n'était pas pris en compte dans la subordination.
18 Page 25 624 du compte rendu d'audience.
19 Alors, Moric a dit qu'il n'était pas obligé de présenter des rapports à
20 Ivan Cermak. Ce qui était également le cas de Cipci et de Cetina. Ils ont
21 confirmé que Cermak ne pouvait pas les commander. Aucun de ces éléments de
22 preuve, et je n'ai pas le temps de faire référence à tous ces moyens de
23 preuve, ne sont cités ou ne sont pris en considération par l'Accusation,
24 qui, pourtant, clame qu'elle veut prendre en considération la totalité des
25 éléments de preuve.
26 Je vais vous donner un autre exemple. Au paragraphe 339, où on nous dit que
27 Cermak a donné des exemples bien précis de l'autorité dont il disposait par
28 rapport aux responsables du MUP, en ce sens qu'il a contacté Cipci et les
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1 commandants des postes de police locaux pour que soient réglés certains
2 problèmes qui se sont posés aux postes de contrôle. La seule référence que
3 l'on vous donne est M. Ivan Cermak lui-même, ainsi que M. Hendriks, un
4 témoin international. Mais regardez ce qu'Ivan Cermak a déclaré. Dans cette
5 citation qui vous est donnée, il se contentait d'informer la police de
6 l'existence de problèmes à des postes de contrôle. Ce qui est une position
7 tout à fait différente de la position de quelqu'un qui a un véritable rôle
8 de commandement ou d'autorité. Il s'agit plutôt d'un rôle de coordination.
9 Hendriks cite un autre exemple lorsqu'un membre de l'équipe de
10 supervision de contrôle téléphone, et Cermak est en mesure de venir en
11 aide, d'après lui, pour ce qui était d'autoriser un passage au poste de
12 contrôle à Dabar. Mais Hendriks ne se souvient pas de l'incident, et
13 d'ailleurs il ne se souvient pas de comment cela a été solutionné. Mais
14 sans savoir ce qu'a dit M. Ivan Cermak, aucune conclusion ne peut être
15 dégagée à propos de l'autorité dont il jouissait ou afin de savoir s'il
16 s'agit tout simplement d'une conversation visant le besoin de coopération.
17 Il faut savoir également que cette Chambre voudra faire en sorte
18 d'instaurer un juste équilibre, car il y a eu des témoins qui ont, à
19 maintes reprises, indiqué que M. Cermak n'avait pas d'autorité soit sur le
20 terrain, soit pour ce qui était des poste de contrôle. Et nous aimerions
21 attirer votre attention sur 20 notes en bas de page différentes que vous
22 trouverez à partir du paragraphe 293 du mémoire en clôture de Cermak.
23 J'aimerais maintenant faire référence à un autre paragraphe. Le paragraphe
24 340, dans lequel l'Accusation avance que les éléments de preuve apportés
25 par M. Cetina et par le Témoin P-086 confirment que Cermak avait l'autorité
26 et le contrôle sur les responsables du MUP dans la zone de Knin-Kotar et de
27 Zadar-Knin. Nous avançons que ce que l'Accusation a fait c'est qu'elle a
28 trié sur le volet certains éléments qui abondaient dans son sens et
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1 l'Accusation a choisi tout à fait d'ignorer les autres moyens de preuve.
2 Je souhaiterais, pour creuser mon analyse à ce sujet, vous demander
3 un huis clos partiel.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel.
5 Une petite seconde, je vous prie.
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
7 partiel.
8 [Audience à huis clos partiel]
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5 [Audience publique]
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.
7 Mme HIGGINS : [interprétation] Il y a un tout dernier paragraphe, et je
8 vais donner la parole à Me Kay. J'aimerais vous indiquer cela à titre
9 d'illustration pour vous expliquer à quel point il faut faire preuve de
10 grande prudence.
11 Dans le paragraphe 342, l'Accusation avance que M. Cetina a bel et bien
12 confirmé l'autorité dont jouissait M. Cermak sur la police civile. Mais
13 lorsque vous analysez à nouveau ce que l'Accusation vous exhorte de faire
14 lorsqu'elle fait référence à la totalité des éléments de preuve,
15 l'Accusation ne fait pas référence à certains extraits. Et j'aimerais
16 mettre en exergue certains passages, parce que contrairement à ce qu'avance
17 l'Accusation dans sa thèse, ce témoin ne s'est pas seulement intéressé à
18 l'autorité de jure. Il a également fait référence à l'autorité de facto.
19 Car il a dit que les militaires ne pouvaient pas commander la police
20 de facto ou de jure. Note en bas de page 1 553 de notre mémoire de clôture.
21 Il a dit que la police civile n'était absolument pas obligée d'informer M.
22 Cermak de la façon dont les crimes étaient traités. Note en bas de page de
23 notre mémoire 1 602. Il n'y avait eu aucune autorisation de gestion de la
24 procédure de la police. Note en bas de page 1 642. Et même si Cermak avait
25 exprimé un point de vue à ce sujet, on ne s'attendait pas à ce qu'il soit
26 informé. Note en bas de page 1 676.
27 Donc Cermak ne pouvait absolument pas donner d'ordres à la police.
28 Je pourrais poursuivre ad vitam eternam pour vous présenter les
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1 éléments de preuve de M. Cetina lorsqu'il fait référence à la totalité des
2 éléments de preuve, mais le temps qui m'a été imparti ne me le permet pas
3 de le faire. Mais j'aimerais tout simplement vous présenter cette requête,
4 car nous aimerions demander à la Chambre de première instance et à ceux qui
5 vont aider la Chambre de première instance dans leur analyse à procéder à
6 une analyse méticuleuse de la thèse de l'Accusation pour pouvoir comprendre
7 la réalité des relations de M. Cermak avec la police et pour pouvoir
8 comprendre la globalité des charges retenues contre lui. Alors, il vous
9 appartient maintenant d'assumer cette responsabilité.
10 Je souhaiterais maintenant redonner la parole à Me Kay, qui va
11 poursuivre la présentation de notre plaidoirie.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Higgins.
13 Je dois vous dire que j'ai été un tant soit peu surpris, Maître
14 Higgins.
15 Mme HIGGINS : [interprétation] Oui.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous disais que j'ai été un tant soit
17 peu surpris d'entendre votre référence aux personnes qui nous aident dans
18 notre travail. Je pense que la responsabilité lorsqu'il s'agit d'analyser
19 ce que vous venez de nous indiquer revient à la Chambre de première
20 instance, et non pas aux juristes qui nous aident.
21 Mme HIGGINS : [interprétation] Mais je vous en prie.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je donne la parole à Me Kay.
23 M. KAY : [interprétation] Merci.
24 Je voudrais revenir à Grubori parce que c'est un sujet qui a été abordé par
25 Mme Mahindaratne hier après-midi, et je vais revenir sur ce qui est au cœur
26 du mémoire en clôture de l'Accusation. Je pense que c'est la meilleure
27 façon d'aborder ce qui est en soi un thème complexe.
28 En premier lieu, voyons le paragraphe 433 du mémoire en clôture de
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1 l'Accusation. Que savait M. Cermak de l'incident survenu à Grubori, le 25
2 août ? On y affirme que M. Cermak a dit à Markac qu'il avait reçu "des
3 rapports disant que des gens avaient été tués et des maisons étaient en
4 proie aux flammes avant 17 heures, ce jour-là, le 25 août."
5 Ce n'est pas, à notre avis, le cas. A l'inverse de la police locale,
6 Cermak n'a pas reçu de rapport faisant état de morts le 25 août, pas plus
7 que la garnison n'en a reçu. La garnison n'a reçu qu'un rapport vers 16
8 heures qui disait qu'il y avait des tirs ou des incendies peut-être dans ce
9 village. Rien de plus, rien de moins. M. Dondo a reçu ce rapport, et il en
10 a informé plus tard M. Cermak.
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13 (expurgé) C'est donc ainsi
14 qu'il a pris connaissance du sujet, et ce n'est pas M. Cermak qui lui
15 aurait donné ce genre de détail. Il n'existe aucun lien entre la
16 connaissance qu'avait la police ce jour-là de cet incident, le 25 août, et
17 de ce que savait M. Cermak de cet incident le même jour. A notre avis,
18 chacun a reçu des rapports séparés, indépendants.
19 Ensuite, l'audition qu'a fournie M. Cermak, en bas de
20 page 1 564; apparemment, il aurait dit :
21 "Voilà, il y a des gens tués à Grubori, il y a des incendies."
22 Et ceci fait référence à la pièce P2532, pages 66 et 67. Mais là, il
23 s'agit d'une référence très claire faite à l'interview accordée à UNTV non
24 pas le 25 août, mais le 26. D'ailleurs, lorsque le général Markac a
25 contacté ou a été contacté par le général Cermak, on a demandé à M. Cermak
26 ce qui s'était passé, et c'est lui qui a fourni les renseignements qui lui
27 avaient été transmis par Dondo, et venant de Dondo aussi, les informations
28 reçues des représentants de la communauté internationale. Ceci se retrouve
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1 au paragraphe 215 de notre mémoire en clôture.
2 Certains des éléments qu'on retrouve dans la note citée par l'Accusation,
3 la note de bas de page 1 557 du paragraphe 432, à propos du témoignage de
4 M. Flynn, disent que M. Flynn, apparemment, n'aurait parlé à M. Cermak que
5 d'incendies; il n'a pas parlé de décès. Il est ici fait référence à la
6 déposition qu'a fournie M. Flynn.
7 Mais venons-en, si vous le voulez bien, à l'essentiel des allégations
8 présentées hier, à savoir que M. Cermak aurait entravé une enquête
9 qu'aurait pu diligenter la police de Knin suite à ces événements.
10 M. Cermak [comme interprété], pour être précis, a dépêché M. Sacic
11 afin que celui-ci découvre ce qui s'était (expurgé)
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20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
22 [Audience à huis clos partiel]
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3 [Audience publique]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
5 M. KAY : [interprétation] Page du compte rendu d'audience
6 T5 305, on a dit :
7 "Je ne sais pas qui a décidé qu'il n'y aurait pas de constat sur les
8 lieux dans le village de Grubori."
9 Voyons comment se sont déroulés les événements le 27 août. Ce jour-
10 là, c'est clair, M. Cermak estime encore qu'il faut se rendre sur les lieux
11 pour procéder à un constat. S'il avait participé à une décision qui aurait
12 décidé le contraire et qui aurait essayé de faire obstacle à une telle
13 enquête, pourquoi estime-t-il qu'il faut qu'une telle enquête ait lieu, et
14 qu'il s'enquière pour que ceci soit possible ce jour-là ? Ça ne cadre tout
15 simplement pas avec ce qui vous a été affirmé, à savoir qu'il essayait
16 d'entraver la tenue, le déroulement d'une enquête. Mais ça va plus loin,
17 c'est tout à fait contradictoire avec ce qu'il a affirmé ou ce qu'on
18 affirme de lui en tant que participant à l'entreprise criminelle commune.
19 Nous disons que lors de cette visite effectuée à Grubori ce jour-là,
20 lorsqu'il y a une réunion de plusieurs personnes, alors qu'on attend dans
21 la région de Plavno, qu'on attend l'arrivée de M. Sacic sur les lieux, ceci
22 montre parfaitement que c'est M. Sacic qui était l'officier responsable de
23 ce qui allait se passer ce jour-là, puisque manifestement c'était un
24 élément qui relevait de son domaine de compétence.
25 Si nous pensons à la participation de Cermak, elle est parfaitement
26 fortuite, collatérale, parce qu'il se fait qu'il a fait une déclaration.
27 Puis il dit : Voilà vous m'avez dit ça. Bien, allons voir sur place. Allons
28 voir de nos propres yeux ce qu'il en est. Il l'a dit parce qu'il voulait
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1 découvrir la vérité, savoir ce qui s'était passé, et il l'a dit à l'équipe
2 de télévision UNTV le 26 août.
3 On peut donc dire qu'il a une participation qui n'est pas centrale,
4 qui n'est pas essentielle ce jour-là. Il y est là mais pour une raison tout
5 à fait différente. Et comme il est sur place, il va accompagner les
6 journalistes, et ce sont les fonctionnaires, les responsables locaux du
7 MUP, qui vont déterminer les conditions dans lesquelles les choses vont se
8 passer. C'est ce MUP local et Sacic qui disent que les journalistes ne sont
9 pas autorisés à filmer le constat tel qu'il est dressé. On leur défend de
10 filmer les cadavres qui se trouvent encore là, on leur interdit, on leur
11 défend de filmer ce qui se passe. Et voilà, pour faire simple, la façon
12 dont Cermak a participé aux événements de Grubori.
13 Voyons maintenant l'autre élément de preuve essentiel pour déterminer
14 les faits. Il s'agit de la déclaration qu'il fait à la télévision croate à
15 propos des combats et des décès, des morts, qui en sont la conséquence.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut préciser une chose.
17 Vous avez dit que les journalistes ne pouvaient pas filmer l'enquête
18 ou le constat, mais ça veut dire qu'il y avait un constat, une enquête sur
19 les lieux.
20 M. KAY : [interprétation] C'était là son état d'esprit ce jour-là, rien
21 d'autre, quel que soit ce qu'il voulait dire.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on qualifier cette activité de
23 constat judiciaire ?
24 M. KAY : [interprétation] Je ne sais pas. A mon avis, ce n'est pas
25 pertinent pour ce qui concerne M. Cermak --
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, j'ai compris.
27 M. KAY : [interprétation] C'est important pour déterminer son état d'esprit
28 ce jour-là.
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1 Et lorsqu'il s'adresse à la télévision croate, ce n'était pas quelque chose
2 qu'il avait planifié au départ, qu'il avait prévu. Une fois de plus,
3 c'était M. Sacic qui était censé s'adresser à la télévision.
4 Nous pouvons passer à huis clos partiel, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
7 [Audience à huis clos partiel]
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10 [Audience publique]
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
12 M. KAY : [interprétation] Non, excusez-moi, ce n'était pas la question 7,
13 mais c'était la cinquième question posée par les Juges de la Chambre. Elle
14 concernait un tableau que l'on trouve dans le mémoire en clôture de
15 l'Accusation s'agissant de la restriction des mouvements.
16 Examinons d'abord ce concept de la restriction des mouvements, pour
17 commencer, car je crois que c'est induire en erreur que de dire que le
18 général Cermak a informé les représentants de la communauté internationale
19 de restrictions de mouvement, comme si c'était lui qui leur imposait ces
20 restrictions. C'est là un postulat tout à fait différent. Informer
21 n'équivaut pas à dire que forcément on impose des restrictions, à moins que
22 vous n'ayez vous-même pris la décision d'imposer ces restrictions. Prenez
23 pour exemple ce qui se trouve au paragraphe 364 du mémoire en clôture de
24 l'Accusation. L'Accusation y affirme que M. Cermak a limité la liberté de
25 mouvement et cite à cet effet le Témoin Liborius pour dire qu'il y avait
26 limitation des mouvements et que Cermak avait été contacté à ce propos. Et
27 qu'à la suite de ces contacts, ce témoin a pu se déplacer librement. Ça ne
28 veut pas dire que quand il y a entrave imposée sur le terrain, lorsqu'il y
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1 a face-à-face Liborius et les observateurs de la MOCE, ou dans d'autres
2 exemples, l'ONURC ou des représentants du HRAT, que tout ceci soit le
3 résultat d'une limitation imposée par M. Cermak, qui aurait empêché que ces
4 personnes poursuivent leur chemin dans cette région ce jour-là. Qu'est-ce
5 que ça veut dire, en fait ? Ça veut dire qu'on l'a appelé par téléphone
6 pour demander son aide et pour trouver une solution aux difficultés
7 rencontrées.
8 Et s'il n'allait pas y parvenir, s'il n'allait pas résoudre ces
9 problèmes, s'il avait voulu, lui, restreindre les mouvements afin de
10 permettre la commission des crimes, ceci serait contraire à la théorie de
11 l'entreprise criminelle commune qui plaide son application, parce qu'à ce
12 moment-là il essaye de prêter assistance à ces personnes, s'il le peut,
13 pour leur permettre de franchir l'obstacle et pour empêcher que des
14 fonctionnaires locaux ne les empêchent de poursuivre leur chemin.
15 Les éléments du dossier, je vais y revenir pour répondre à la question
16 posée par les Juges de la Chambre, les éléments, disais-je, montre que
17 c'est à l'échelon local des commandants du MUP, à l'échelon local des
18 commandants de la HV et même des CALO, c'est à cet échelon-là qu'on a
19 imposé des restrictions et qu'on a empêché des déplacements des
20 représentants de la communauté internationale, mais en fonction des
21 circonstances, de façon ponctuelle. Au contraire, vous verrez, si vous
22 examinez les éléments de preuve, que souvent ces personnes pouvaient se
23 déplacer en toute liberté et sans aucune restriction. Alors, quand on parle
24 de restrictions imposées à la liberté de mouvement, et c'est souvent vrai
25 lorsque vous avez face-à-face des entités internationales, il se peut que
26 ce soit devenu un de ces points épineux qui soient une source permanente de
27 polémique, de querelles. C'est ce qu'explique le général Deverell lorsqu'il
28 a déposé.
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1 L'autorité, de facto et l'autorité de jure qui auraient permis au général
2 Cermak de restreindre les mouvements ou d'accorder la liberté des
3 mouvements, cette autorité elle n'a pas été établie par l'Accusation dans
4 les éléments qu'elle a présentés. Au contraire, ces éléments ont prouvé
5 qu'il agissait en application de décisions rendues par des tierces
6 personnes et qu'on s'est servi de lui comme moyen de communication de cette
7 décision. Dès le départ à Knin, s'est posée une question de sécurité entre
8 les représentants de la communauté internationale et les forces armées
9 croates. On se demandait, en effet, presque aussitôt après la libération
10 des territoires, si on pouvait se déplacer en toute liberté.
11 M. Akashi lui-même en a discuté avec M. Cermak, et il a reconnu que
12 la situation en matière de sécurité était difficile et que même si M. le
13 général Forand voulait une liberté de mouvement complète, elle ne serait
14 possible qu'une fois que la sécurité aurait été garantie pour toute la
15 zone. Et c'est comme ça que les choses se sont présentées dès le début. Le
16 document Cermak délivré ce jour-là qui disait qu'il était possible de se
17 déplacer à Knin et à Drnis, mais qu'il ne fallait pas quitter la route
18 principale, qu'on leur conseillait de ne pas utiliser ces itinéraires,
19 qu'est-ce que ça faisait ? C'était fournir un bout de papier que ces
20 personnes auraient pu utiliser si elles en avaient besoin pour franchir un
21 poste de contrôle, une route bloquée ou d'autres régions. C'était destiné à
22 aider ces personnes dans leur travail. C'était le seul et tout simple
23 objectif que recherchait ce document. M. Cermak derrière un bureau, ce
24 n'était pas lui qui décidait de déterminer où seraient les opérations, de
25 déterminer ce qui allait se passer et de savoir comment il allait tout
26 contrôler. On vous l'a expliqué : de un, il n'occupait pas ce poste; de
27 deux, jamais les structures militaires locales ne lui ont demandé de le
28 faire. Il se contentait de véhiculer ce qui était des inquiétudes tout à
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1 fait légitimes en matière de sécurité suite à un conflit armé, et les
2 autorités croates locales comme les autorités croates supérieures en
3 reconnaissaient le côté dangereux.
4 Parce que ces autorités avaient repris du terrain qui était le leur,
5 mais elles ne savaient pas du tout ce qu'il y avait aux alentours.
6 N'oublions pas qu'on se trouve en terrain des plus difficiles. On n'est pas
7 là dans des nœuds urbains, dans des réseaux routiers et autoroutiers, dans
8 ces rues, là où il y a beaucoup de grosses villes, de grosses
9 agglomérations. On est quand même là un peu en terrain sauvage. Dans un tel
10 terrain, ceux qui commandaient les forces armées avaient le droit de
11 s'attendre à ce qu'il y ait des groupes rivaux, des groupes armés qui
12 attendaient de contre-attaquer. Tout ce que Cermak s'est contenté de faire,
13 c'était de dire ce qui lui semblait être la zone la plus prompte à assurer
14 leur sécurité à l'époque.
15 Rappelez-vous, les Nations Unies ont elles-mêmes restreint leurs
16 déplacements en donnant un degré de dangerosité à telle ou telle région.
17 Voyons maintenant ce qui découle de la cinquième question posée par
18 les Juges de la Chambre.
19 L'Accusation a dressé un tableau assorti de notes de bas de page. Ces
20 éléments ont été cités à l'appui des réquisitions. A notre avis, ils ne
21 sont pas clairs. C'est une façon trop générale de présenter les événements.
22 Ce tableau ne décrit pas suffisamment bien les auteurs présumés des
23 infractions, et je pense qu'il faut examiner de très près ce qui vous a été
24 cité. Nous allons examiner les éléments un à un.
25 Tout d'abord, la ville de Benkovac, le 7 et 8 août, il est dit dans
26 ce tableau qu'il y a eu des actes de pillage qui ont été le fait de forces
27 armées croates, la 124e [comme interprété] et la 72e de la police à
28 Benkovac. Je dirais tout d'abord que Benkovac ne se trouve pas dans la zone
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1 de responsabilité de la garnison de Knin, ce qu'ont confirmé des témoins à
2 charge aussi. Ils ont confirmé que le général Cermak n'avait aucune
3 autorité à Benkovac. A notre avis, la lettre qu'il avait envoyée le 8 août,
4 adressée au général Forand était sans pertinence eu égard à Benkovac en
5 tant que lieu.
6 A la note de bas de page 1 312, on cite le fait qu'une patrouille des
7 observateurs militaires a été stoppée à un poste de contrôle de la HV par
8 la police militaire, et ce fut la deuxième fois qu'on a interdit aux
9 observateurs militaires des Nations Unies d'entrer dans la ville de
10 Benkovac. Mais ce n'est pas, à notre avis, à la suite d'un ordre qu'aurait
11 donné le général Cermak. Ce n'est pas pour ça qu'ils ont été interpellés à
12 Benkovac. On n'a tout simplement présenté aucune preuve de l'existence d'un
13 ordre opérationnel. Il n'aurait d'ailleurs pas pu donner ce genre d'ordre
14 qui dirait : Voilà, interdisez aux représentants de la communauté
15 internationale l'entrée dans Benkovac ce jour-là.
16 On a parlé et les observateurs militaires ont parlé d'actes de
17 pillage, je parle ici des observateurs qui se sont rendus sur place ce
18 jour-là. Des marchandises ont aussi été prises. Mais ce qui compte ces
19 jours-là, les 7 et 8 août, c'est que le 7 août, pièces P301, P355,
20 P311[comme interprété], P805 et P2146, ces pièces montrent que les
21 représentants de la communauté internationale évoluaient de la région sans
22 rencontrer le moindre obstacle. S'agissant du 8 août, voyez la pièce P806,
23 la pièce 1112 [comme interprété].
24 Et les rapports du chef de la 2e Compagnie de la 72e Brigade de la
25 police montrent clairement que la police militaire se trouvait à Benkovac
26 et était au courant de la survenue de certains événements.
27 On a un rapport du SIS en date du 18 août, document D984, pages 2 et
28 3, qui confirme que les soldats - et cela était connu à ce moment-là - se
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1 conduisaient de façon irresponsable et commettaient des crimes
2 irresponsables. Mais cela n'a pas été approuvé par les commandants locaux.
3 Ce n'était pas quelque chose auquel ils se ralliaient, ce n'était pas ce
4 qu'ils souhaitaient.
5 Je vais maintenant faire référence à la note en bas de page suivante.
6 Donc il s'agit de Cetina, le 12 août, note 1 314, et il est indiqué dans le
7 tableau présenté par le Procureur que le village a été incendié et pillé.
8 Voyons, en fait, ce qui est cité dans cette note en bas de page dans le
9 document P364, page 3. Le rapport qui est établi fait état de la présence
10 de la police croate à Cetina, et il est indiqué qu'alors que le village
11 était inspecté, ils ont été arrêtés par la police. C'est un endroit qui
12 avait été placé sous observation du Bataillon kenyan pendant l'offensive de
13 Grahovo. Or, il n'est absolument pas question dans ce rapport d'incidents
14 de pillage ou d'incendie.
15 Qui plus est, le même jour, j'en ai pour preuve les pièces P32, P808,
16 P815, P117 et D65, qui font référence au fait que des représentants des
17 observateurs militaires des Nations Unies se déplaçaient dans cette zone,
18 et c'est probablement le Témoin Dangerfield qui est la source des éléments
19 de preuve relatifs à Cetina. Parce que dans cette déclaration, à la page 6
20 du document P699, il indique que, et je cite : Nous avons été arrêtés et
21 accompagnés hors du secteur, parce que nous avions pu constater qu'il y
22 avait des incidents de pillage ainsi que des maisons qui brûlaient dans le
23 village de Cetina.
24 Alors, ce qui n'est pas précisé c'est ce qui s'est exactement
25 déroulé, la portée de cet incident et le lien entre les deux, le lien entre
26 ce qui lui est arrivé et les incidents qui ont eu lieu. Ce lien n'est
27 absolument pas précisé.
28 Maintenant, j'aimerais parler de Benkovac. A la date du 21 août, des
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1 maisons sont en proie aux flammes. Si nous prenons la note en bas de page 1
2 315 de la page 3 du document P403, il est indiqué :
3 "Dans le secteur de Benkovac, nos mouvements sont restreints."
4 D'ailleurs, on ne sait pas dans quelles mesures ces mouvements ne
5 sont pas libres. Il y a d'autres équipes qui circulent et qui se déplacent
6 sans aucun problème au même moment et qui, d'ailleurs, sont même en mesure
7 d'établir des rapports sur les crimes qui se sont déroulés dans les
8 documents D93 et P125. D'autres représentants de l'ONURC ont pu également
9 se déplacer dans ce secteur sans aucune entrave. J'en ai pour preuve les
10 documents D263, D83, P125, P45 et P815.
11 Et à la même époque, à savoir le 20 août, document D1002, les forces
12 croates étaient actives dans le secteur, procédaient à un assainissement du
13 terrain et essayaient, en fait, de trier les groupes ennemis infiltrés et
14 assuraient également la sécurité des routes et des communications. Voilà ce
15 que nous avançons : Ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu au niveau local,
16 sur le terrain, des commandants locaux de la police ainsi que des
17 commandants locaux militaires qui ont entravé le passage et la libre
18 circulation des représentants de la communauté internationale sans pour
19 autant avoir reçu, pour ce faire, des consignes, des directives ou des
20 ordres d'une autorité supérieure du gouvernement ou des forces croates.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kay, je remarque que vous venez
22 de dépasser deux à trois minutes des 65 minutes qui vous avaient été
23 imparties, alors j'ai l'impression à vous écouter que vous n'êtes pas sur
24 le point de conclure.
25 M. KAY : [interprétation] Oui, certes. Alors, nous aimerions demander à la
26 Chambre de bien étudier de façon méticuleuse ces notes en bas de page.
27 Mais j'avais commencé à vous parler des entraves à la liberté de
28 circulation et de mouvement, et ce que j'entends et ce que je souhaite dire
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1 - et je l'ai dit à maintes reprises - c'est que le fait que les gens
2 n'avaient pas toute latitude pour se déplacer n'était absolument pas de la
3 responsabilité du général Cermak. En fait, il a, lui, permis une plus
4 grande liberté de mouvement et a aidé leur déplacement. Voilà ce à quoi je
5 voulais faire référence.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Si vous avez d'autres notes en bas
7 de page, peut-être que vous pourriez tout simplement donner un exemplaire
8 de ces numéros de bas de page à M. Tieger pour qu'il puisse savoir, en
9 fait, ce dont il s'agit, et demain nous pourrions procéder à une lecture de
10 cette liste aux fins du compte rendu d'audience, et ce, afin, dans un
11 premier temps, que M. Tieger soit en mesure de réagir, et dans un deuxième
12 temps, pour nous assurer que la Chambre dispose bien de ces renseignements.
13 M. KAY : [interprétation] Oui, je vous remercie. C'est en effet une méthode
14 beaucoup plus pragmatique et logique.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous vouliez attirer notre attention sur
16 un autre élément ?
17 M. KAY : [interprétation] Oui, oui, sur votre question
18 numéro 7.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
20 M. KAY : [interprétation] Il s'agit, en fait, de l'arrêt dans l'affaire
21 Martic et le paragraphe 195, à savoir les forces paramilitaires serbes, la
22 JNA, ainsi que les défenses territoriales qui ont agi de concert avec la
23 JNA, et le fait que les civils pillaient de concert avec les soldats. Je
24 dirais, en fait, qu'il s'agit d'une proposition tout à fait différente en
25 l'espèce, car la JNA avait averti que cela allait se produire et il y avait
26 eu toute une suite d'événements, toute une chronologie d'événements qui
27 avait été planifiée, organisée, et structurée. Il y avait eu cet événement
28 organisé. Ceux qui avaient agi de concert avec les militaires où la
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1 première phase étant la phase du passage de la JNA dans le village
2 indiquant à la population qu'elle doit partir, puis lui indiquant
3 également, à la population, que les paramilitaires étaient sur le point
4 d'arriver. Puis la JNA s'en va, les paramilitaires arrivent et nous avons
5 donc ce plan extrêmement bien orchestré, ce qui ne correspond absolument
6 pas aux éléments de preuve présentés en l'espèce et ne correspond
7 absolument pas non plus à la situation que nous avons pu constater ici, à
8 savoir ces actions apparemment concertées entre les civils et la HV. Je
9 dois dire qu'en ce qui nous concerne, il y avait dans un premier temps les
10 personnes démobilisées des forces armées. Ce qui induit en erreur
11 également, c'est que tout le monde porte un uniforme, qu'il s'agisse d'un
12 treillis de camouflage ou d'autres types d'uniforme, et nous avançons que
13 dans l'arrêt Martic, il s'agissait d'une situation qui était tout à fait
14 différente de la situation qui a suivi l'opération Eclair. Et je dirais
15 d'ailleurs que cette méthode a été usitée en Bosnie alors qu'ils passaient
16 dans les villages de la Bosnie. Vous aviez donc cette retraite alléguée de
17 la JNA, suivie par les paramilitaires avec les membres de la Défense
18 territoriale qui était, en fait, la JNA déguisée qui commettait des crimes
19 après le départ de la JNA. Cela s'inscrivait absolument dans la tactique
20 des Serbes.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kay, je vous en prie.
22 M. KAY : [interprétation] Juste une toute dernière minute. Je vous dirai
23 que nous n'avons pas pu tout traiter. C'était une tâche absolument
24 impossible. Nous aurions aimé pouvoir analyser la moindre note en bas de
25 page figurant dans le mémoire de clôture du Procureur. Ce que nous avons
26 fait, c'est que nous nous sommes intéressés à l'essentiel de leurs
27 allégations et la façon dont elles ont été présentées, ce qui est beaucoup
28 plus important d'ailleurs, parce que sinon on pourrait avoir tendance à
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1 s'embourber dans le moindre détail. Et ce que nous, nous avançons, c'est
2 que M. Cermak est une victime. M. Cermak n'avait absolument pas prévu
3 d'être dans cette zone à ce moment-là, avec les responsabilités qui lui
4 sont attribuées par l'Accusation.
5 Et j'en ai terminé.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Kay. Nous
7 allons maintenant faire une pause, une pause de 20 minutes, et nous
8 reprendrons à 16 heures 20. Et il appartient à la Défense de M. Markac de
9 nous indiquer avec certaines limites quand nous pourrons prendre la
10 deuxième pause de 20 minutes.
11 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
12 --- L'audience est suspendue à 15 heures 59.
13 --- L'audience est reprise à 16 heures 20.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, je vois que vous êtes
15 déjà à pied d'œuvre et je suppose que vous allez être le premier à
16 intervenir.
17 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui. Dans votre courrier, au point 9, vous
18 parliez des réquisitions en plaidoiries. Nous allons retirer le paragraphe
19 228 de notre mémoire en clôture, mais nous n'allons pas changer la
20 numérotation qui suivra parce que ça dérangerait trop.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puisque vous parlez de questions d'ordre
22 pratique, permettez-moi ceci : si vous avez une liste de notes de bas de
23 page donnée à M. Tieger. Les autres équipes de la Défense devraient en
24 recevoir une copie de votre part aussi, Maître Kay.
25 M. KAY : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est indiqué maintenant que le
27 paragraphe 228 est supprimé.
28 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
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1 Avant de commencer, j'aimerais vous informer du fait que je vais intervenir
2 sur la question de la responsabilité du supérieur hiérarchique sur des
3 points relatifs à l'artillerie et à certaines infractions reprochées à M.
4 Markac, et Me Mikulicic, quant à lui, parlera des questions relatives aux
5 conflits armés et à l'entreprise criminelle commune.
6 Avant de commencer, je crois que nous, qui venons de passer ensemble deux
7 heures et demie, aurions tort de ne pas remercier le personnel du greffe,
8 M. Nilsson en particulier, tout le service technique, tous les responsables
9 de la Chambre, les gardes qui traitent les prisonniers avec beaucoup de
10 respect, et n'oublions pas non plus les interprètes car vous ne nous
11 entendriez pas s'ils n'étaient pas là. Vraiment, c'est coutumier chez moi
12 dans mon pays, parce que je pense que c'est une tradition qui est de bon
13 goût et qui a toute sa signification.
14 Je m'adresse à vous, aux collègues de la Défense ainsi qu'aux autres
15 équipes de la Défense. Le mémoire en clôture du bureau du Procureur, à
16 notre avis, contient beaucoup d'erreurs de concept et manque d'analyse
17 approfondie des faits de la cause, et c'est vrai surtout en ce qui concerne
18 le général Markac. Le mémoire en clôture du bureau du Procureur est truffé
19 de conclusions hâtives et de présomptions qui ne sont soutenues par aucune
20 citation du dossier. On trouve partout un tic rhétorique mal avisé, à
21 savoir qu'on récite des faits généraux, on allègue des conclusions précises
22 et des conclusions de droit sans fournir aucune preuve. Cette même habitude
23 se retrouve ici dans le réquisitoire. Ce qui fait que la Chambre est
24 invitée à parvenir à des constatations et des conclusions gravement
25 entachées d'erreurs. Et je suis sûr que vous n'allez pas tomber dans ce
26 piège.
27 Le bureau du Procureur n'a pas réussi à prouver ce qu'exige la
28 jurisprudence, le lien entre les crimes reprochés et une omission précise
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1 qu'aurait commise le commandant. D'abord, j'ai pensé que cette mauvaise
2 habitude rhétorique, on ne la trouverait que dans le mémoire, mais
3 malheureusement, après avoir entendu le réquisitoire d'hier, je n'en suis
4 pas convaincu. Je pense surtout à ce qu'a dit M. Russo hier à la page 45 en
5 ce qui concerne l'artillerie. Il cite, en effet, Zdravko Janic, commandant
6 de la police spéciale, cité à la barre par l'Accusation. M. Russo a dit que
7 Janic "avait témoigné pour dire qu'il n'y avait pas de cibles militaires à
8 l'intérieur de la ville même de Gracac."
9 Mais si on regarde la référence du compte rendu d'audience qu'il donne,
10 pages 6 393 à 94, on ne la trouve pas, cette mention. D'ailleurs, on ne
11 parle même pas de Gracac. On va peut-être montrer le document à l'écran
12 pour s'en assurer en voyant la référence. Janic parle de son propre axe
13 d'attaque, lequel n'inclut pas Gracac. Voyons ce compte rendu d'audience
14 que je vais paraphraser. Il commence à la ligne 18 :
15 "Vous avez dit qu'il y avait des cibles prédéterminées. Est-ce qu'il
16 y en avait dans des zones peuplées de civils dans votre axe d'attaque ?
17 "Réponse : Non, il n'y en avait pas. De quelle phase parlons-nous, de
18 la première phase de l'opération Tempête ou de toute l'opération ?
19 "Question : De l'opération Tempête, de sa première phase qui se
20 déroule les 4 et 5 août."
21 Puis M. Janic décrit sa ligne d'attaque, qui ne comprend pas Gracac.
22 Il dit :
23 "C'était une zone qui n'était pas habitée. Il n'y avait même pas de
24 villages sur ma ligne d'attaque dans cette zone."
25 Un peu plus loin, on lui demande quelles étaient les cibles
26 prédéterminées, est-ce qu'il y avait des soldats, est-ce qu'il y avait
27 d'autres installations militaires ou du matériel militaire ? Quelles
28 étaient ces cibles ?
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1 Réponse : "Les cibles c'étaient les positions ennemies et la
2 profondeur de leurs lignes de défense, les positions d'artillerie, le poste
3 de commandement, les dépôts. Ces cibles c'étaient l'infrastructure de
4 l'ennemi utilisée par celui-ci pour défendre ses lignes. C'étaient les
5 seules cibles que nous avions. Chaque fois que nous menions une opération,
6 bien, il n'était pas possible d'avoir d'autres cibles. Toutes les cibles
7 c'étaient des cibles militaires. L'objectif c'était de percer les lignes de
8 défense de l'ennemi et de réaliser les objectifs recherchés par
9 l'opération. Il n'était pas possible d'avoir d'autres objectifs."
10 Jamais on ne lui a posé une question à propos de Gracac. Donc ce
11 qu'on attribue ici est faux. Ce qui est intéressant quand on regarde les
12 arguments visés par l'article 98 bis, M. Russo disait la même chose, et
13 moi, j'ai répondu la même chose.
14 Mais voyons ce que dit M. Russo et ce qu'il a ignoré lorsqu'il parle
15 de la police spéciale et de l'artillerie. Il a passé à la trappe la
16 déposition de Josip Turkalj, de la police spéciale, l'homme qui était
17 responsable de l'utilisation par la force spéciale de la police et de
18 l'artillerie une fois que les lignes initiales de défense étaient percées.
19 Références du compte rendu d'audience
20 13 697, 13 703 à 13 707 de M. Turkalj.
21 Celui-ci dit en cours de déposition qu'il y a eu 15 obus d'artillerie
22 tirés de Gracac. Quinze. Or, on affirme qu'il y a eu pilonnages excessifs à
23 Turkalj [comme interprété] avec des instructions précises. Il devait
24 veiller à ce que les civils ne se trouvent pas sur la trajectoire de ces
25 obus d'artillerie, et il y avait au moins trois cibles militaires dans la
26 ville même. M. Russo ignore aussi la pièce P102, un rapport des
27 observateurs militaires qui, soit dit en passant, dit que 15 obus sont
28 tombés dans la zone de Gracac le 4 août. Il y a aussi la pièce 111, page 3,
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1 qu'il ignore. On y décrit les principaux impacts d'artillerie à
2 l'intersection principale à Gracac. Donc ça c'est l'artillerie qui poursuit
3 les forces de l'ARSK qui se replient, comme le décrit la pièce P108, autre
4 rapport des observateurs militaires qui décrit le retrait de l'artillerie,
5 des chars et des soldats.
6 Il a aussi ignoré ce que dit l'expert en artillerie, le colonel Konings.
7 Celui-ci n'a rien dit de critique par rapport au recours par la police
8 spéciale à l'artillerie au cours de l'opération Tempête. L'Accusation ne
9 lui a même pas demandé à M. Konings s'il devrait examiner la question du
10 recours à l'artillerie par la police spéciale au cours de cette opération,
11 notamment la question des cibles éventuelles. Compte rendu d'audience 14
12 775 et page suivante.
13 Et enfin, M. Russo ignore la page 21 de la pièce P401, dont a discuté Me
14 Kehoe, là nous avons le général Forand qui discute de l'utilisation de
15 l'artillerie s'agissant de l'armée croate, et il disait, Cette utilisation
16 est excellente.
17 Et maintenant, M. Tieger dans son propos liminaire a dit de la police
18 militaire que "pratiquement dès le début de l'entrée dans les villes et les
19 villages, elle s'est livrée à des crimes."
20 Nous en avons moult fois parlé lorsque nous avons présenté nos
21 témoins, lorsque nous avons présenté les arguments 98 bis. On parle de
22 culpabilité par proximité. M. Tieger, d'où est-ce qu'il tient ceci. Voyons
23 ce que dit dans son audition le général Leslie, c'est la pièce D329, page
24 3. Vous trouverez la première référence à la page 2 en matière
25 d'artillerie.
26 Le compte rendu d'audition montre que le général Leslie dit que c'est
27 un professionnel en matière d'artillerie et que donc son avis est assez
28 valable. A l'avant-dernière phrase, il dit :
Page 29328
1 "Ça a tué beaucoup de civils et nous ne saurons jamais combien de civils
2 exactement ont été tués, mais apparemment on estime le nombre de morts de
3 10 à 25 000." Et nous savons que cela est carrément faux. D'ailleurs, c'est
4 un mensonge.
5 Page 3, le général Leslie parle toujours de la police spéciale alors
6 qu'il n'était même pas dans le secteur sud à l'époque :
7 "Il y avait plusieurs organisations qui sont allées et ont balayé
8 l'ancienne Krajina serbe. C'étaient des équipes de police spéciale, qui
9 portaient l'uniforme bleu bien typique, qui ont pourchassé et tué dans les
10 montagnes des civils serbes. J'ai vu des dizaines et des dizaines de
11 fermes, des villages qui ont brûlé pendant des jours, voire des mois, après
12 le premier assaut."
13 Une fois de plus, on parle d'uniformes bleus pour identifier la
14 police spéciale en Krajina serbe. On ne dit rien de plus précis. Là aussi,
15 c'est monté de toutes pièces. C'est cousu de fil blanc. La police spéciale
16 n'avait pas d'uniformes. Elle ne passait pas son temps à chasser, à
17 pourchasser et à tuer les civils serbes dans les montagnes.
18 Reprenons certaines parties du mémoire en clôture de l'Accusation.
19 Paragraphe 387, première phrase, elle est vraiment tout à fait péremptoire
20 et fausse. On dit que :
21 "Markac a ordonné la persécution… et s'agissant de Grubori, le
22 meurtre."
23 Il n'y a aucune preuve citée, aucun fait qui soit susceptible
24 d'étayer ce commentaire. Réfléchissez-y un instant. L'Accusation voudrait
25 que vous croyiez que le général Markac, à propos de Grubori, a ordonné des
26 meurtres. Or, on ne trouve pas la moindre référence à une pièce, la moindre
27 référence au compte rendu d'audience. Rien. Toujours dans le même
28 paragraphe, une fois de plus, l'Accusation présente un fait aucunement
Page 29329
1 étayé que :
2 "…Markac savait que ses forces se livraient à un comportement
3 criminel contre la communauté serbe."
4 On ne cite rien, on ne donne aucune pièce à conviction, on ne donne
5 aucune référence au compte rendu d'audience.
6 D'autres références, paragraphe 386 du mémoire en clôture qui dit que
7 :
8 "…Markac a livré des informations erronées à propos des crimes commis
9 par ses subordonnés et empêché qu'on enquête sur ceux-ci…"
10 Ici, nous avons une grave déformation des éléments dont vous avez été
11 saisis. L'omission du critère juridique est tout aussi frappante, parce que
12 des supérieurs ont le droit, et on s'attend même de leur part à ce qu'ils
13 s'appuient sur l'information qu'ils reçoivent de leurs subordonnés. Et ce
14 qui compte encore plus, c'est de dire que quand on veut trouver la bonne
15 période pour évaluer si un rapport est digne de foi ou raisonnable, le
16 meilleur moment pour le faire c'est de le faire au moment où on le reçoit
17 et on va le transmettre aux unités supérieures. La règle Rendulic de
18 Nuremburg le dit clairement, on ne peut pas prendre comme critère de
19 jugement la loi ou l'idée de la rétroactivité. Un autre procès, le procès
20 de US contre List, aussi connu sous le nom du conseil de contrôle 10 à
21 Nuremburg, dit que c'est un critère du droit international coutumier qui
22 veut qu'on ne peut pas juger un commandant en prenant un recul ou en
23 appliquant la rétroactivité.
24 "Nous avons l'obligation de juger la situation telle qu'elle
25 apparaissait à l'accusé au moment des faits. Si les faits étaient tels
26 qu'ils justifiaient une action par l'exercice d'un jugement après un examen
27 de tous les facteurs et de toutes les possibilités se présentant, même si
28 la conclusion obtenue peut avoir été fautive, elle ne saurait être
Page 29330
1 considérée comme étant criminelle."
2 Le général Markac a transmis tous les rapports dont on a dit plus
3 tard qu'ils étaient erronés, qu'ils étaient falsifiés, alors qu'on était en
4 plein dans l'opération lorsqu'il y avait peu d'information. Vous trouverez
5 dans le dossier au moins deux tentatives que le général Markac a faites
6 pour veiller à ce que son supérieur à l'époque, l'état-major principal de
7 la HV, dispose des informations les plus précises, les plus actuelles,
8 celles qu'il avait. Voyez les pièces P575 et P576. C'est deux rapports qui
9 concernent l'opération de Plavno du 25 août 1995. Les informations qui sont
10 contenues dans ces rapports lui ont été fournies par des subordonnés, et
11 ces subordonnés, partant de toute cette expérience qu'il avait acquise, lui
12 semblaient tout à fait justes. Il n'avait aucune raison de croire qu'ils se
13 trompaient, qu'ils mentaient, qu'ils voulaient l'induire en erreur.
14 Lorsque Markac ordonne au commandant de l'unité de Lucko, à M.
15 Turkalj, d'obtenir des rapports écrits des chefs de groupes le 1er septembre
16 1995, ça semblait être une mesure raisonnable, car tous ces rapports disent
17 qu'il y a eu un conflit armé le 25 à Grubori. Pourquoi aurait-il maintenant
18 voulu chercher la petite bête sur le plan administratif ? Il n'y a aucune
19 preuve qui montrerait que quelqu'un aurait dit au général Markac, oralement
20 ou par écrit, qu'en fait, ce qui s'était passé à Grubori c'était un crime.
21 Paragraphe 389. Ici, nous trouverons des références qui voudraient en
22 dire long, mais qui, tout à fait classiquement, sont loin d'être précises
23 sur un comportement apparemment répréhensible. Et on fait une allégation
24 assez stupide à la mens rea, à l'élément moral, parce qu'on dit qu'il y
25 avait des personnes âgées dans une zone d'opération. La présence de
26 personnes âgées, qu'est-ce qu'elle impose comme obligation supplémentaire à
27 M. Markac d'après la théorie défendue par l'Accusation ?
28 Prenons le paragraphe 391 :
Page 29331
1 "…M. Markac savait qu'il était fort probable," est-il dit, "qu'il y
2 aurait des crimes commis dans le cadre de l'exécution de son plan pour les
3 opérations à Grubori."
4 Ici, on cite deux cas. Et c'est une preuve, ça, deux cas ?
5 Paragraphe 391. Ici, l'Accusation dit que Markac a poussé la police
6 spéciale "à commettre des crimes à Grubori."
7 Le bureau du Procureur dit qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires
8 et raisonnables qu'il fallait prendre pour empêcher les crimes et en punir
9 les auteurs, donc les crimes commis par ses forces, "créant ainsi un climat
10 d'impunité."
11 Et là c'est typique du modus operandi qui est en filigrane de ce
12 mémoire dont j'ai parlé plus haut.
13 Parce qu'ici, on fait l'amalgame entre des ordres donnés pour mener des
14 opérations militaires légales alors qu'on aurait l'intention de commettre
15 des actes illégaux, répréhensibles. Ça rate ce que veut la loi, à savoir
16 qu'il faut montrer le lien entre un crime et une omission coupable de la
17 part du commandant. Le bureau du Procureur vous demande de tirer de ces
18 généralités des conclusions qui ne s'appuient sur rien.
19 Jamais le bureau du Procureur ne nous dit quelles seraient les mesures
20 nécessaires et raisonnables que le général Markac aurait dû prendre. Il dit
21 simplement, Il ne les a pas prises. Pourquoi ? Parce que vous avez un
22 témoin à charge, le procureur d'Etat Zeljko Zganjer, qui sait que la seule
23 entité habilitée à être saisie de ce genre de crime, c'est la police
24 judiciaire, pas la police spéciale. Pages du compte rendu d'audience 11 609
25 et 11 610.
26 Paragraphe 395. L'Accusation dit que :
27 "Markac était présent sur les lieux des crimes commis par ses subordonnés…"
28 Autre suggestion destinée à vous induire en erreur et qui cherche à établir
Page 29332
1 un lien entre une déclaration des plus générales et une responsabilité
2 pénale. On laisse entendre ici que sa présence sur les lieux du crime est
3 là parce qu'il est à tenir responsable sur le plan pénal. On vous invite à
4 l'erreur. On vous invite à conclure que c'est lui qui était là en chair et
5 en os sur les lieux et qu'il a refusé toute possibilité de mettre un terme
6 à des actes de violence criminelle. C'est quand même étonnant de trouver
7 que ceci n'est pas corroboré dans un dossier qui reprend deux ans et demi
8 d'audience.
9 Le bureau du Procureur se contente de consacrer trois paragraphes à la
10 responsabilité du supérieur hiérarchique sans citer la jurisprudence. Dans
11 ce cadre, cette négligence est frappante. Alors que la Chambre a été saisie
12 d'éléments de preuve détaillés qui montraient l'étendue de l'autorité du
13 général Markac au sein du MUP, ici les allégations du parquet sont des plus
14 générales, qualification qui convient mieux à l'Accusation, parce qu'elle
15 vous exhorte à le trouver coupable en raison de son poste plutôt qu'en
16 raison de son comportement. Et cela, c'est s'écarter de façon inconcevable
17 et inautorisée [phon] du critère juridique qui dicte la théorie de
18 responsabilité du supérieur hiérarchique.
19 Il y a allégation, au paragraphe 398, qu'il a été averti de crimes
20 alors qu'on ne cite aucune jurisprudence. On voudrait que vous croyiez que
21 les chefs n'ont d'autres options que de punir. Et il est commode de
22 négliger ici les faits reconnus en grande partie dans le droit du fait de
23 rendre compte d'infractions aux autorités responsables. On ne mentionne non
24 plus ni le MUP, ni les médias, ni la connaissance qu'avaient les ONG des
25 événements repris ici. Depuis Jarnjak, jusqu'à Josko Moric, jusqu'à Buhin,
26 jusqu'à Cetina, Sacic, le Témoin 86, le Témoin 84, tous apparemment
27 auraient été avertis de ce qui s'était passé à Grubori. Mais Markac c'est
28 celui dont on estime qu'il voit sa responsabilité pénale engagée en dépit
Page 29333
1 du fait que c'est la police judiciaire qui aurait dû être responsable de
2 l'enquête qu'il fallait mener.
3 Autre déformation coupable de l'autorité qu'avait effectivement
4 Markac, on la trouve au paragraphe 403, s'agissant de "l'assistance à
5 donner à la police judiciaire si une enquête s'avère nécessaire".
6 Notre mémoire en parle aux paragraphes 133 à 193 [comme interprété],
7 je ne vais donc pas revenir de façon détaillée sur cette partie-là de notre
8 mémoire. Mais je vous l'ai déjà dit, les infractions pénales, l'enquête qui
9 les détermine, tout ceci relève de l'autorité confiée au MUP, à la police
10 judiciaire. D527, article 17. L'Accusation sait parfaitement bien ce que ça
11 veut dire surtout à la lumière de la décision Boskoski, où le comportement
12 reproché, dont meurtre, acte de violence grave, et destruction de domiciles
13 et biens, sont des infractions pénales qui, de l'avis de la Chambre, ne
14 pouvaient pas être gérées à l'intérieur du ministère de l'Intérieur comme
15 étant des violations intérieures au règlement régissant ce ministère.
16 Boskoski, jugement en première instance, le paragraphe 521.
17 Permettez-moi une brève digression pour ce qui est du jugement Boskoski et
18 de l'arrêt Boskoski, parce que ce sont des affaires similaires, et je pense
19 ici aux paragraphes 523 à 526 du jugement en première instance dans
20 l'affaire Boskoski.
21 Dans l'affaire Boskoski, on nous dit présent en sa qualité de
22 ministère de l'Intérieur pendant plus d'une heure dans une maison alors
23 qu'étaient détenus des Albanais de souche, eux, sous la surveillance de la
24 police. Les prisonniers étaient alignés par terre, le visage au sol et la
25 tête recouverte. On a dit à Boskoski que c'étaient des terroristes qu'on
26 avait capturés. Il se trouvait dans le village, il a entendu les coups de
27 feu et il a pu voir des maisons en proie aux flammes. Même si la Chambre en
28 espèce a établi, au vu des éléments du dossier, que les hommes qui étaient
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1 ainsi placés en détention avaient subi des sévices physiques graves avant
2 que Boskoski ne les voie, la Chambre n'a pas plus conclure des éléments du
3 dossier qu'il aurait été témoin de mauvais traitement et qu'on "aurait dû
4 lui déduire de l'aspect qu'avait ces dix personnes qu'ils avaient été
5 maltraités."
6 Dans la même veine, même si des maisons se trouvaient incendiées, la
7 Chambre a conclu que rien ne prouvait que Boskoski aurait dû savoir qu'il y
8 avait eu des actes d'homicide intentionnels et de destruction non justifiés
9 par des nécessités militaires.
10 La Chambre a pensé qu'effectivement il avait reçu l'explication de la
11 police qui disait qu'il y avait un conflit armé entre les forces de
12 sécurité et les terroristes, associé au fait qu'on lui avait montré trois
13 armes à feu et des munitions, qu'on lui avait dit que ces armes avaient été
14 prises aux terroristes, et ceci suffisait pour déterminer la façon dont il
15 a vu les événements. La Chambre Boskoski a estimé qu'il n'y avait aucune
16 preuve montrant que Boskoski avait vu des personnes être tuées alors qu'il
17 se trouvait dans le village ou qu'on lui en aurait parlé.
18 En confirmant l'acquittement de Boskoski, la Chambre d'appel a dit
19 que c'était déterminé dans le cours normal des événements et que ceci
20 aurait pu pousser un juge d'instruction et un procureur à mener l'enquête
21 que prévoyait la loi dans de telles circonstances.
22 Même si les éléments présentés n'ont pas confirmé que Boskoski avait
23 ordonné une notification à la police judiciaire, le dossier a indiqué que
24 les membres de la police dans ce ministère avaient transmis les
25 informations pertinentes aux autorités compétentes.
26 Paragraphe 267 de l'arrête Boskoski.
27 La similarité existant entre l'affaire Boskoski et le procès dressé contre
28 le général Markac est tout à fait frappante. Une différence importante est
Page 29335
1 la suivante : le général Markac ne s'est jamais trouvé à Grubori. Le
2 général Markac n'a jamais vu de ses propres yeux ce qui s'y est passé. Le
3 général Markac a tout appris concernant Grubori à partir de rapports
4 émanant de ses subordonnés qui se sont trouvés sur place ou qui ont
5 participé aux événements. Ces rapports écrits avaient pour sujet des
6 affrontements armés.
7 Voyons ce qui est raisonnable du point de vue du général Markac
8 concernant Grubori. Il est informé dans la soirée du 25 août que quelque
9 chose s'est passé dans la zone où se trouvaient ses forces. Il dépêche son
10 chef Sacic afin que ce dernier s'informe sur ce qui s'est passé. Le jour
11 suivant, Sacic, qui est parti pour Knin, apprend que des corps sans vie ont
12 été retrouvés là-bas. Alors, si un crime s'était produit, il était de la
13 compétence de la section de police judiciaire du MUP de mener une enquête.
14 Si les morts n'ont pas résulté d'un conflit armé légal, c'était
15 l'obligation légale de la police judiciaire que d'enquêter. Toutes les
16 informations dont le général Markac dispose lui ont été reliées par
17 d'autres. Même Boskoski, qui lui était sur place au moment des incendies
18 volontaires, n'a pas été tenu pénalement responsable de n'avoir pas agi.
19 A moins qu'il dispose d'information contradictoire, le général Markac
20 n'a aucune raison de ne pas accorder foi aux éléments d'information qu'il
21 reçoit de ses subordonnés. De plus, le Témoin 86 et le Témoin Buhin
22 attendaient des instructions de la part d'Ivica Cetina, qui était le chef
23 se trouvant à la tête de la police judiciaire de Zadar, sous la compétence
24 à laquelle toute enquête criminelle se serait trouvée. Témoin 86, page 5
25 292 du compte rendu d'audience.
26 Au paragraphe 433 du mémoire final de l'Accusation. Même lorsque
27 l'Accusation reconnaît que Markac a entrepris des efforts d'enquête qui
28 étaient à la mesure des ressources dont il disposait, il lui attribue des
Page 29336
1 motivations infondées.
2 Au 434, dans ce paragraphe, il est suggéré que Markac aurait eu une
3 discussion avec Cermak concernant ce que Cermak dirait à la chaîne de
4 télévision de l'ONU. En se fondant sur la pièce P605, mais il n'y a aucune
5 référence factuelle à quelque conversation supposée que ce soit entre
6 Cermak et Markac concernant les événements de Grubori, en dehors de la
7 formation tardive qu'il en a reçu le 25 août. C'est là un effort visant
8 purement à construire l'idée d'un accord entre Cermak et Markac afin de
9 jeter une fausse lumière sur les événements de cette journée.
10 Paragraphe 439. Pratiquement tous les actes présentés dans ce
11 paragraphe sont présentés comme étant indépendants de ce que faisait
12 Markac. Ce paragraphe et le paragraphe suivant donnent une image très peu
13 vraisemblable de Zeljko Sacic, l'adjoint de Markac, comme une personne
14 ayant été capable d'instiller la peur et d'intimider les Témoins 86, 84,
15 toute une équipe de policiers ainsi que Cermak, Moric, Jarnjak, Cetina et
16 Buhin.
17 Paragraphes 442 et 443. A ce stade du mémoire final, concernant les
18 actes de Markac, le Procureur semble vouloir jouer sur les deux tableaux.
19 On présente cette histoire invraisemblable selon laquelle Markac aurait
20 échoué à intervenir personnellement et se serait abstenu de superviser ses
21 subordonnés tout en les encourageant à commettre des crimes lorsqu'il se
22 serait trouvé sur les lieux. Cela revient à ignorer la réalité d'éléments
23 de preuve incontestables, à savoir que du 8 au 21 août, la police spéciale
24 n'opérait pas dans le secteur sud. Il serait difficile d'imaginer une
25 vision du commandement plus éloignée des réalités et des défis que
26 représente le commandement en situation de combat. Cette discussion revient
27 à ignorer complètement la réalité de la chaîne de commandement et se
28 contente d'assimiler le poste même du général Markac comme au point
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1 d'origine d'où procéderait la culpabilité.
2 Les arguments présentés tant dans le mémoire final qu'oralement
3 consistent à dire que les unités de la police spéciale qui sont allées à
4 Grubori le 25 août 1995, dans une opération de ratissage, ont exécuté les
5 ordres de Markac en tuant cinq civils. Markac savait que l'unité de Lucko
6 était impliquée. Il savait que certains de ses membres avaient commis des
7 meurtres, et cela consiste également à dire qu'il ne les avait pas punis
8 pour cela, mais qu'au contraire, tout en étant au courant il avait couvert
9 ses membres, et qu'à 5 heures de l'après-midi le 25 août 1995, telle était
10 la situation. C'est le point de vue de l'Accusation. De mon point de vue,
11 c'est une vision complètement déformée et fausse qui conduit à tirer des
12 conclusions qui ne reposent que sur des suppositions complètement
13 infondées.
14 Il s'agit de se contenter de déclarations qui sautent aux
15 conclusions, mais ne reposent sur aucune analyse des éléments de preuve, et
16 notamment sur le plan juridique.
17 L'Accusation, pendant toute la durée du procès, a affirmé que le
18 département du contrôle interne représentait un moyen de maintenir la
19 discipline au sein de la police spéciale. C'est faux. Je référerai à la
20 déposition de Janic concernant les aspects relatifs aux renseignements et à
21 la sécurité.
22 Le général Markac ne pouvait agir que sur la base d'informations dont
23 la qualité dépendant de la qualité même des sources de ces informations. Et
24 par nature même, il y avait des informations qui étaient fausses, certains
25 mensonges lui parvenaient, et on ne peut pas reprocher au général Markac
26 d'avoir transmis les informations qu'il recevait du terrain ni de la part
27 de personnes qui n'avaient pas le courage à l'époque de dire la vérité en
28 1995.
Page 29338
1 Les multiples enquêtes conduites par le bureau du procureur croate à
2 Grubori, une en 2001 par M. Zeljko Zganjer, et la seconde qui est toujours
3 courante par Mladen Bajic, au moment de laquelle la Défense Markac était au
4 milieu de la présentation des éléments à décharge, n'ont permis en rien de
5 jeter la lumière sur ces événements. Aucun élément de preuve n'a été
6 découvert qui aurait indiqué que le général Markac aurait su à l'époque que
7 des membres de la police spéciale auraient commis des meurtres à l'encontre
8 de civils le 25 août 1995. Zganjer a indiqué avoir échoué à retrouver tout
9 élément de preuve en 2001 indiquant que le général Markac aurait entrepris
10 quoi que ce soit pour couvrir les événements de Grubori ni qu'il aurait
11 influencé quiconque pendant la période de temps correspondante. S'il
12 l'avait fait, il aurait été obligé de laisser des traces écrites de cela au
13 compte rendu.
14 Le Procureur s'étend sur la pièce P55 [comme interprété].
15 Mais la version qu'il en donne n'est pas intégrale. Dans la note de
16 bas de page 1 689, il manque une citation au compte rendu d'audience en
17 pages 11 617 à 11 619, à savoir que dans sa déposition Zganjer a indiqué ne
18 pas savoir que la pièce P505 soit jamais parvenue au ministre Jarnjak ou
19 ait quitté le ministère de l'Intérieur pour atteindre Mme Rehn.
20 Lorsqu'on lui a présenté les pièces D909 et D910 --
21 La pièce P505 n'est pas signée, ne porte pas de cachet et, par
22 conséquent, sa valeur en tant qu'élément de preuve est douteuse. Mais si
23 cette pièce P505 devait être une réponse à l'enquête de Mme Rehn elle-même,
24 le bureau du Procureur n'a pas apporté la moindre preuve qu'elle ait jamais
25 reçu ce document.
26 Je voudrais maintenant parler du climat d'impunité et de l'argument
27 correspondant. Le bureau du Procureur avance que le général Markac avait
28 connaissance des crimes commis à Grubori le 25 août avant que l'unité de
Page 29339
1 Lucko n'aille à Ramljane le 26 août et parle d'éléments de preuve indiquant
2 "une impunité et une incapacité à punir." Mais c'est un argument faux. Et
3 je vais vous dire pourquoi. C'était tout simplement impossible. Le 26 août,
4 le train de la liberté a donné lieu à un certain nombre d'opérations de
5 sécurité près de Ramljane, et ceci est avant l'opération de Plavno en
6 application d'ordres du 23 août, correspondant aux documents D563 et D739.
7 L'unité de Lucko elle seule a été dépêchée afin d'assurer la sécurité
8 du train de la liberté. Il s'agissait de contrôler les parties les plus
9 sensibles de l'itinéraire du train. Alors, P190 est une carte. Donc je ne
10 vais pas l'afficher, mais Ramljane est au-delà de Knin lorsqu'on va dans la
11 direction de Split. Grubori se trouve à 40 ou 45 minutes au nord de Knin.
12 Donc si nous gardons à l'esprit la carte des lieux, Knin se trouve entre
13 Grubori au nord et Ramljane au sud.
14 Alors, on a imputé au général Markac le fait de savoir que l'unité de Lucko
15 aurait été une unité présente à Grubori le 25, qui aurait commis des crimes
16 à Grubori et qui aurait été la seule unité de la police spéciale à
17 participer aux opérations de nettoyage le 25 dans la vallée de Plavno.
18 Alors, il y avait près de 600 membres de la police spéciale participant à
19 cette opération. Mais il n'y a pas un seul témoin qui ait indiqué que le
20 général Markac aurait su que ses subordonnés, à savoir la police régulière
21 de Knin, ou l'un quelconque des agents de la communauté internationale, à
22 la date du 25 août ou précédemment, aurait été présent alors que le 26 août
23 l'unité de Lucko avait pour instruction spécifique de sécuriser le passage
24 du train de la liberté. Des unités étaient déployées de Zagreb, Brod-
25 Posavina et venaient de Split-Dalmatie, de Lucko et d'Osijek en Baranja.
26 Lorsque Markac a été informé que le 25 quelque chose s'était passé à
27 Grubori, savait-il où Grubori se trouvait et savait-il où se trouvait
28 l'unité de Lucko ? Avait-il le moindre élément de preuve indiquant cela ?
Page 29340
1 Non. C'est ce que la pièce P557 dit. Le mot "Grubori" n'apparaît nulle part
2 dans ce document. C'est là le premier rapport que le général Markac envoie
3 à l'état-major. Nous devons tenir compte de l'état d'esprit du général
4 Markac à la date du 25 lorsqu'on lui dit que quelque chose s'est passé à
5 Grubori. Il ne s'agissait pas de l'opération de ratissage à Grubori, mais à
6 Plavno.
7 Je voudrais que nous passions à huis clos partiel quelques instants.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous passons à huis clos partiel.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
10 partiel.
11 [Audience à huis clos partiel]
12 (expurgé)
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1 (expurgé)
2 [Audience publique]
3 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
4 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Alors, l'argument suivant lequel l'unité
5 de Lucko a été envoyée le 26 août, dans le cadre de l'opération du train de
6 la liberté, après que le général Markac a appris que "quelque chose s'était
7 passé" le soir du 25 août, et la preuve, en fait, que Lucko a opéré avec
8 impunité, et est présenté comme un exemple indiquant qu'ils n'ont pas pu
9 punir les membres de la police spéciale pour des crimes, cela se fonde, en
10 fait, sur les propres éléments de preuve donnés par l'Accusation. Il n'y a
11 absolument aucun élément de preuve dans le dossier, et encore moins des
12 éléments de preuve au-delà de tout doute raisonnable, qu'à 17 heures, le 25
13 août, le général Markac avait été informé du fait que l'unité de Lucko
14 avait commis des meurtres de civils à Grubori, et avait cependant envoyé
15 Lucko pour l'opération du train de la liberté moins de 24 heures après.
16 Donc l'utilisation de Ramljane par le bureau du Procureur comme preuve
17 d'immunité et comme preuve qu'il y a eu manquement de punir est erronée du
18 point de vue factuel [phon] et du point de vue juridique.
19 Pourtant, en dépit de toutes ces querelles et de tout ce que nous
20 avons entendu à propos de Ramljane, le témoin Zdravko Janic a témoigné à
21 propos de Ramljane que c'était lui qui devait décider si des mesures
22 disciplinaires devraient être prises pour ce qui s'est passé parce que
23 c'était lui qui était le responsable. Et voilà ce qu'il a dit, je cite :
24 "Ecoutez, tout ce qui s'est passé le 26 août, moi, en tant que commandant,
25 après avoir eu des entretiens avec les commandants de section et les
26 commandants des unités, j'ai pu établir qu'il n'y avait pas eu d'abus
27 d'autorité, et j'ai décidé de ne pas traiter cela comme un incident. Par
28 conséquent, il n'y avait aucune raison en ce qui me concernait d'imposer ou
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1 de lancer une procédure disciplinaire."
2 J'aimerais maintenant, pour ce qui est de Grubori, que nous repassions à
3 huis clos partiel.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Huis clos partiel.
5 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
6 partiel.
7 [Audience à huis clos partiel]
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14 [Audience publique]
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier
16 d'audience.
17 Ecoutez, dans une certaine mesure, je vous avais laissé les coudées
18 franches. Je ne sais pas comment vous voulez organiser votre discours.
19 M. KUZMANOVIC : [aucune interprétation]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon, nous devrons faire une
21 pause de quelque 20 à 25 minutes qui devra être prise dans dix minutes, un
22 quart d'heure. Si vous voulez que la pause se fasse avant, ce n'est pas un
23 problème.
24 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Ecoutez, je propose une pause un peu plus
25 tôt, et ainsi je vais voir ce qu'il me reste à dire. J'ai un peu
26 restructuré tout cela, je n'ai plus grand-chose à dire maintenant.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, attendez.
28 M. KUZMANOVIC : [aucune interprétation]
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissez-moi vérifier. Si nous reprenons
2 à 17 heures 30, cela vous donnera encore une heure et demie. Est-ce que
3 cela vous suffira, à vous et à Me Mikulicic ?
4 M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons avoir une pause
6 maintenant, une pause de 25 minutes, et nous reprendrons à
7 17 heures 30 précises.
8 --- L'audience est suspendue à 17 heures 10.
9 --- L'audience est reprise à 17 heures 33.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, vous pouvez
11 poursuivre.
12 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
13 Donc j'aimerais revenir à la question des informations relayées au général
14 Markac. L'Accusation indique que le général Markac avait été informé des
15 crimes et établi le parallèle entre la personne qui conduit et qui voit une
16 personne morte, et -- en fait, il dit que cela signifiait pour le général
17 Markac qu'il savait que le crime avait été commis par la police spéciale.
18 Il n'y est pas question de rapport écrit de la part de la police
19 militaire, de la part de l'état-major de la HV, sans oublier le nombre
20 absolument phénoménal des représentants internationaux qui se déplaçaient
21 dans le secteur sud, il n'y a aucune entité qui a indiqué de façon écrite
22 ou de façon orale au général Markac, qui lui a dit : Ecoutez, les membres
23 de votre police spéciale sont en train de tout brûler et de tout piller.
24 Ils sont complètement hors de contrôle. On ne peut plus les maîtriser. Il
25 faut absolument que vous essayiez de rétablir le contrôle de cette police
26 spéciale. Cela ne se retrouve dans aucun élément de preuve.
27 J'aimerais maintenant parler très rapidement d'une question qui a trait aux
28 questions qui ont été posées à propos du compte rendu de la réunion de
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1 Brioni et du général Markac. Alors, il y avait la suggestion présentée par
2 le général Markac, il avait suggéré d'accuser les Serbes d'avoir lancé une
3 attaque de sabotage contre les forces croates, et cela se retrouve dans le
4 procès-verbal de Brioni. Alors, il a été dit que cela correspondait, donc à
5 un défaut de personnalité ou que cela représentait une intention criminelle
6 ou Dieu sait quoi. Alors, même si ce prétexte d'attaque -- de toute façon,
7 ça ne s'est jamais produit, mais il faut savoir que conformément à
8 l'article 372 du protocole additionnel de la convention de Genève, cela
9 n'est pas considéré comme une ruse illégitime, parce qu'il faut savoir que
10 feindre la provocation n'est pas une ruse illégitime. Le fait de tendre des
11 pièges, d'organiser des simulacres d'opérations, des campagnes de
12 désintoxication ou de désinformation dont le but est d'induire en erreur
13 l'adversaire ou de le forcer en quelque sorte ou de le provoquer pour qu'il
14 agisse de façon imprudente n'est pas considéré comme une infraction aux
15 règles du droit international applicable en cas de conflit armé. Article 37
16 du protocole additionnel.
17 J'aimerais parler en détail maintenant de M. Celic, M. Celic qui est
18 beaucoup utilisé par l'Accusation. J'aimerais revenir à sa crédibilité à
19 propos de Grubori.
20 Nous avons les références du compte rendu d'audience,
21 pages 7 956 à 7 957.
22 Nous savons qui était Celic, c'est la personne qui, au départ, a
23 écrit rien ne s'est passé à Grubori, et qui, par la suite, a avancé que
24 c'était M. Sacic qui lui avait dicté le rapport pour dire que quelque chose
25 s'était produit. (expurgé)
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1 "Je crois, en fait, que c'est ainsi que Sacic voulait que les choses
2 soient écrites. Je n'ai jamais mis en doute ce qu'il disait."
3 Lorsque M. le Juge Orie a demandé à Celic pourquoi sa version des
4 événements était si contradictoire par rapport à la version qu'il a donné
5 par la suite, il a répondu en disant que l'action décrite par la pièce P564
6 aurait pu correspondre à l'expérience d'une autre unité de la police
7 spéciale. Lorsque le Juge Orie lui a rappelé que la pièce P564 avait été
8 rédigée par lui et parlait de son unité, il a fini par admettre que
9 l'information contenue dans le rapport qui lui avait été dicté n'était pas
10 exacte.
11 Mais il n'a fourni à la Chambre de première instance aucune
12 explication raisonnable qui aurait permis de comprendre pourquoi il n'a pas
13 attiré l'attention de son supérieur sur ce problème, son supérieur étant
14 Turkalj, Turkalj qui était le chef de l'unité Lucko et qui était le
15 supérieur de Celic. Donc manque absolu de crédibilité.
16 Aux pages 8 111 et 8 112 du compte rendu d'audience, lors du contre-
17 interrogatoire, Celic indique qu'il a dit à Sacic que : "Rien ne s'était
18 passé, qu'il n'y avait eu aucun incident, qu'il n'y avait pas de
19 prisonniers de guerre, rien du tout."
20 Donc le conseil lui a posé la question suivante :
21 "Donc vous avez signé un rapport que vous n'avez pas pu confirmer, et vous
22 n'avez surtout pas pu confirmer l'information contenue dans le rapport ?"
23 Ce à quoi Celic a répondu : "Oui, tout à fait."
24 Une fois de plus, il s'agit d'un manque total de crédibilité. Lorsqu'on lui
25 a demandé lorsqu'il parlait à Sacic, s'il avait pensé à lui demander qui
26 lui avait relaté les événements de Grubori, Celic a témoigné qu'il avait
27 dit à Sacic de poser la question au chef de groupe.
28 Et lorsqu'on lui a demandé si lui avait posé cette question au
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1 commandant de section à propos des événements de Grubori, Celic a répondu
2 par la négative. Donc son manque d'initiative est quand même fortement à
3 remettre en question et peu plausible.
4 Une fois de plus, page 8 113 à 8 116 du compte rendu d'audience, le conseil
5 de Cermak demande à Celic :
6 "Si on n'oublie pas -- ou si on prend en considération que M. Sacic vous a
7 dicté ce rapport, qui était quand même plutôt dramatique et assez
8 préoccupant, est-ce que vous n'avez pas pensé, en tant que commandant, que
9 vous devriez convoquer ces hommes, à savoir vos subordonnés, que vous
10 devriez les faire revenir de leur permission, afin de déterminer ce qui
11 s'était véritablement passé à Grubori ?"
12 Ce à quoi Celic répond :
13 "A partir du moment où j'ai eu la réunion avec Sacic, je n'ai plus
14 parlé à personne parce que tous les hommes étaient en permission, et moi,
15 je suis allé seulement à Zagreb pendant un jour. J'y ai passé la nuit, puis
16 je suis revenu."
17 Une fois de plus, manque de crédibilité.
18 Alors, la pièce P761, à la page 41, il s'agit de l'entretien de Celic, et
19 là, je pense qu'il va falloir que nous passions à huis clos partiel.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Huis clos partiel.
21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
22 partiel.
23 [Audience à huis clos partiel]
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9 [Audience publique]
10 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
11 M. KUZMANOVIC : [interprétation] Alors, il y a un autre élément qui
12 discrédite tout à fait les éléments de preuve présentés par Celic. A 9
13 heures, le 26 août, Celic se trouvait à Ramljane, il était en train
14 d'exécuter une opération. Lors de sa déposition devant la Chambre, à la
15 page 8 026 du compte rendu d'audience, Celic prend ses distances par
16 rapport à sa première version des événements, en indiquant qu'il a rédigé
17 son second rapport relatif à Grubori à Gracac, après l'opération de
18 Ramljane. Une fois de plus, manque total de crédibilité.
19 Pages 7 970 à 7 971, Balunovic. Balunovic qui présente un rapport et
20 Balunovic qui était l'un des chefs de groupe présents à Grubori que la
21 Chambre a convoqués. Alors, Balunovic, lui, présente un rapport qui était
22 absolument contradictoire par rapport à la version des événements qui
23 avaient été relayés à Celic. Et lorsque Celic se voit poser une question,
24 on lui demande s'il a parlé de ce décalage avec Balunovic. Il dit, en fait,
25 qu'il ne l'a pas fait, qu'il ne l'a pas fait de façon détaillée. Puis il
26 lance une hypothèse, à savoir le nouveau rapport de Balunovic aurait pu
27 être écrit à partir de son nouveau rapport, qui fait l'objet de la pièce
28 P564, qui lui avait été dicté par Sacic. Et il dit :
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1 "Balunovic a dû l'y voir," c'est une citation. Toutefois, lorsqu'on
2 lui demande s'il peut fournir à la Chambre des preuves indiquant que
3 Balunovic avait bien le rapport, tout ce qu'il a pu dire c'était :
4 "Ecoutez, le rapport se trouvait sur la table et tout le monde
5 pouvait le voir."
6 Le fait est que Balunovic était un ami proche de M. Celic, page 7 967
7 du compte rendu d'audience, nous permet quand même de remettre sérieusement
8 en question l'affirmation suivant laquelle il n'a jamais parlé avec
9 Balunovic du décalage frappant entre les deux rapports.
10 Une fois de plus, pages 8 101 à 8 103 du compte rendu d'audience.
11 Lorsque Celic a lu le deuxième rapport de Balunovic, qui fait l'objet de la
12 pièce P572, il n'a pas parlé des incohérences entre celui-ci et le premier
13 rapport de Balunovic, il n'en a pas parlé avec Balunovic. Le deuxième
14 rapport de Balunovic contient de nouveaux renseignements qui ne figuraient
15 pas dans le rapport qui a été dicté à Celic par Sacic. Bien que Celic ait
16 lu le rapport de Balunovic et qu'il ait compris qu'il ne correspondait
17 absolument pas au premier rapport de Balunovic, il a toutefois témoigné
18 qu'il n'avait absolument pas parlé de la question avec Balunovic, et ceci,
19 en dépit du fait que Celic a dit lors de sa déposition qu'il était "surpris
20 et intéressé" par ces renseignements supplémentaires qui figuraient dans le
21 rapport de Balunovic. Une fois de plus, manque de crédibilité.
22 Pages 8 098 à 8 099 du compte rendu d'audience. Lorsqu'on présente le
23 témoignage de Flynn qui indique avoir vu un gros nuage de fumée au-dessus
24 de Grubori pendant l'après-midi du 25 août 1995, et qui a dit que quasiment
25 toutes les habitations qui se trouvaient du côté de la colline de cette
26 vile étaient en proie aux flammes, Celic a dit que lui se trouvait à partir
27 d'un poste d'observation à environ 1 kilomètre de Grubori, le même jour, à
28 peu près à la même heure, et il n'a absolument rien vu. Une fois de plus,
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1 manque de crédibilité.
2 Pages 8 106 à 8 107 du compte rendu d'audience. Alors, il faut savoir qu'à
3 la suite de l'opération à Grubori, Celic et ses membres de la force
4 spéciale de la police reviennent à Gracac dans un convoi, ils étaient cinq
5 par véhicule. Lorsqu'on lui demande s'il a parlé de l'opération sur le
6 chemin du retour de Gracac, Celic avance que ni lui ni les autres présents
7 dans son véhicule n'ont parlé de l'opération. Manque de crédibilité à
8 nouveau.
9 Référence 8 107 à 8 110 du compte rendu d'audience. Lorsqu'on lui demande
10 si conformément au protocole, puisqu'il était commandant au sein de la
11 police spéciale, et qu'à la fin de toute opération il était censé obtenir
12 des informations de ses commandants de section sur la quantité de munitions
13 qui avaient été utilisées, on lui demande donc s'il a fait cela, et il dit
14 qu'à la fin de l'opération de Grubori il n'a absolument pas vérifié le
15 nombre de munitions qui avaient été utilisées. Pages 8 128 à 8 129 du
16 compte rendu d'audience.
17 A la page 424 de la pièce P762, lorsqu'il décrit les événements du 26 août
18 1995, Celic ne mentionne pas avoir participé à une réunion avec Sacic et
19 Cermak. Cette description des événements de cette journée-là contredit tout
20 à fait celle qui a été donnée à la Chambre par Celic lors de sa déposition.
21 Devant la Chambre, Celic s'est soudainement rappelé qu'il avait, en fait,
22 eu une réunion avec Sacic et Cermak, au cours de laquelle Celic avait parlé
23 des détails de l'opération de Grubori.
24 Donc il est absolument clair et limpide que Celic était un témoin qui a
25 tout fait pour pointer un doigt accusateur vers les autres et surtout pas
26 vers lui. Il n'a parlé à personne, il n'avait rien, il n'avait rien
27 entendu, et pourtant il a signé un rapport qu'il a envoyé conformément à la
28 hiérarchie au général Markac, rapport dont il savait qu'il était tout à
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1 fait erroné. Il a accusé Sacic de lui avoir dicté le rapport, mais il n'a
2 absolument pas rappelé ses subordonnés à l'ordre pour avoir rédigé des
3 rapports erronés.
4 Pour ce qui est de la planification et la participation de Markac, je fais
5 référence aux deux pièces suivantes, D535 et D543. Il s'agit de deux ordres
6 émanant de l'état-major de la HV en date du 26 juin 1995 et du 29 juillet
7 1995, qui précisent l'opération qui devra être exécutée en deux phases au
8 cours de trois jours, et ce, à partir de Velebit sur la route qui relie
9 Gospic à Gracac. Il s'agit des plans qui ont été donnés à Markac. Donc il
10 n'a absolument pas participé à la planification.
11 On lui a donné un plan qui était déjà complètement ficelé, mais on ne
12 lui a jamais demandé de préparer le plan.
13 Pour ce qui est de Donji Lapac, pièce P586, il est demandé au
14 commandant du 118e Régiment d'arrêter d'incendier les immeubles, et le
15 rapport qui est établi c'est que la police spéciale n'a absolument rien à
16 voir avec ces incendies à Donji Lapac étant donné que la police spéciale se
17 trouve à l'extérieur de Donji Lapac.
18 Vous avez également ce qui est affirmé, à savoir que Markac donne
19 l'ordre aux artilleurs de la police spéciale de tirer sur la ville de Donji
20 Lapac.
21 Page 47 de la pièce D555 [comme interprété] correspond au registre de
22 l'état-major où Markac contacte l'état-major à 21 heures 20 le 7 août. Le
23 témoin Pavlovic a décrit une conversation plutôt animée que le général
24 Markac a eue avec le général Miljavac de l'état-major. Il s'agit de la
25 pièce D555. Ce contact venait de Gracac, il n'y avait absolument aucune
26 façon de contacter l'état-major à partir de Lapac.
27 Pavlovic a également parlé de l'entrée de la police spéciale dans Donji
28 Lapac après que le général Markac ait interdit l'avancée de ses forces et
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1 leur ait interdit d'ouvrir le feu sur une colonne de soldats de l'ARSK et
2 de civils, où se trouvaient également des chars avec des armes lourdes.
3 Référence 26 259 [comme interprété] du compte rendu d'audience.
4 Et j'aimerais maintenant vous parler de Gracac, et ce sera mon dernier
5 élément. J'en parlerai très rapidement. Nous avons donc la déclaration de
6 M. Vanderostyne, qui est utilisée par l'Accusation pour Gracac. Donc cette
7 déclaration est assez longue. On a l'impression un peu de lire un roman de
8 John le Carré p156, mais il décrit ce qu'il a vu aux paragraphes 29 et 30.
9 Voilà ce qu'il dit au paragraphe 29, que : A la périphérie de Gracac, nous
10 avons vu des voitures de police et des policiers qui pillaient et qui
11 portaient un uniforme gris. Comme nous le savons pertinemment, les
12 uniformes de la police spéciale ne sont pas gris. Soit il est daltonien, M.
13 Vanderostyne, soit il devinait, ou alors il était tout à fait dans
14 l'erreur.
15 Mais ce qui est intéressant c'est qu'au paragraphe 30, il voulait
16 savoir s'il devait rebrousser chemin ou aller à Knin, et il pose cette
17 question. Et plus loin, il dit : Nous avons fini par rebrousser chemin,
18 bien que nous soyons pétrifiés de peur. Et nous nous sommes garés au centre
19 de Gracac, sur la place de Gracac," et j'aimerais en fait vous montrer --
20 voilà. Vous avez donc M. Vanderostyne qui est absolument pétrifié, qui
21 déambule dans Gracac, qui observe ces membres de la police spéciale qui,
22 apparemment, pillaient, saccageaient des arbres, et cetera, Dieu sait ce
23 qu'ils faisaient. Voilà.
24 Puis en dernier lieu, j'aimerais juste, avant de donner la parole à mon
25 collègue, Me Mikulicic, terminer en disant que M. Thomas Jefferson a dit
26 qu'il faut que l'arbre de la liberté grandisse grâce à l'apport du sang des
27 patriotes. Et le général Markac est un patriote, c'est un homme intègre, un
28 homme qui a une forte personnalité. Après des années d'occupation, il était
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1 à la tête de la police spéciale, qu'il a dirigée en tout honneur et avec
2 distinction.
3 Je vais maintenant passer la parole à Me Mikulicic.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
5 Maître Mikulicic, vous avez la parole.
6 M. MIKULICIC : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur le
7 Président, Madame, Monsieur les Juges, c'est en croate que je vais vous
8 présenter mes plaidoiries.
9 Madame, Messieurs les Juges, chers Confrères, et je m'adresse également aux
10 personnes se trouvant hors du prétoire.
11 [inaudible] c'est ainsi que les juges dans l'Antiquité s'adressaient
12 aux parties qui s'étaient retrouvées devant lui.
13 Mes confrères qui m'ont précédé dans ce prétoire ont attiré votre
14 attention sur les faits établis en l'espèce. Bien entendu, j'accepte
15 l'analyse des faits avancés par ceux qui m'ont précédé, notamment eu égard
16 à l'entreprise criminelle commune, aux expulsions, aux pilonnages, aux
17 incendies volontaires, aux persécutions, et à cet égard, j'en appelle au
18 principe beneficium cohesionis.
19 Madame et Messieurs les Juges, je voudrais me permettre de vous
20 rappeler certaines circonstances et dispositions légales dont j'estime
21 qu'elles sont essentielles afin de pouvoir parvenir à des décisions justes
22 en espèce. Parce que comme le Juge Schomburg le rappelle, il n'y a pas de
23 justice sans vérité ni de vérité sans justice. A cet égard, la vérité ce
24 sont les faits, alors que la justice c'est la loi, ou plutôt, le droit.
25 Hier, le Procureur, en page 24, ligne 24 du compte rendu, a dit la chose
26 suivante :
27 "Le droit est tout à fait clair." Et il n'a même pas essayé de fonder de
28 façon plus précise cette affirmation. Quant à moi, j'affirme que le droit
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1 qu'invoque le Procureur est tout sauf clair et que le droit que mettra en
2 avant la Défense jettera une lumière différente sur les fondements
3 permettant à la présente Chambre de prendre une décision.
4 Je me pencherai sur deux points : tout d'abord, le conflit armé, ensuite
5 l'entreprise criminelle commune.
6 En l'espèce, l'acte d'accusation place tous les actes incriminés des
7 accusés dans un certain contexte spatial, le secteur sud, et temporel, à
8 savoir dans la période s'étendant à partir du mois de juillet jusqu'au 30
9 septembre 1995.
10 Le Procureur affirme que pendant toute cette durée et sur ce
11 territoire aurait prévalu la situation d'un conflit armé, et cette théorie
12 de l'Accusation justifie la qualification des crimes allégués en
13 application des articles 3 et 5 du Statut du Tribunal. Parce que si le
14 contexte de ces mises en accusation n'était pas celui d'un conflit armé du
15 point de vue de l'Accusation, le présent Tribunal n'aurait même pas
16 compétence pour connaître de ces agissements. En revanche, les tribunaux
17 nationaux, eux, seraient compétents pour reconnaître, à savoir les
18 tribunaux de la République de Croatie.
19 Alors, il est indubitable que les dispositions non controversées du
20 droit international coutumier sont une des sources de droit de ce Tribunal.
21 Cette source de droit et de jurisprudence définit la notion de conflit armé
22 en tant que condition sine qua non de la compétence même du présent
23 Tribunal.
24 Suite à la présentation des moyens à charge et à décharge, la Défense
25 affirme que le Procureur n'a pas démontré au-delà de tout doute raisonnable
26 qu'il ait existé sur le territoire couvert par l'acte d'accusation un
27 conflit armé au-delà de la date du 8 août 1995, c'est-à-dire au-delà de la
28 fin de l'opération militaire et policière Tempête. Le droit international
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1 coutumier définit la notion de conflit armé en retenant deux critères
2 factuels et de droit qui doivent être satisfaits simultanément, à savoir
3 l'intensité du conflit et le degré d'organisation des parties au conflit.
4 La Défense, dans son mémoire final, a déjà mis en avant les sources
5 de droit pertinentes qui réaffirment les éléments non controversés sur la
6 base desquels cette caractérisation a été reconnue. Paragraphe 1237.
7 La Défense affirme qu'il a été établi hors de tout doute que
8 l'ensemble de la direction politique et militaire de l'ARSK a quitté le
9 secteur sud, à savoir le théâtre des événements couvert par l'acte
10 d'accusation. Les éléments de preuve cités par la Défense dans son mémoire
11 final dans les paragraphes 38 à 41 viennent à l'appui de cette affirmation.
12 Avec le départ de la direction politique et militaire de cette entité, tout
13 comme avec le départ du gros des troupes des forces armées de l'ARSK, on a
14 assisté à l'arrêt des opérations de combat d'une certaine intensité, et
15 toute forme d'organisation des forces armées ennemies a cessé d'exister.
16 Juste après la fin des opérations militaires, nous avons vu les
17 éléments de preuve montrant que les autorités civiles de la République de
18 Croatie - et je pense ici notamment à la police - ont pris en charge les
19 obligations qui étaient les siennes dans le territoire concerné. Je ne
20 connais pas un seul exemple dans l'histoire récente dans lequel, à
21 condition que l'on accepte cette théorie d'un prolongement de l'existence
22 d'un conflit armé, aucun exemple donc dans lequel l'autorité civile aurait
23 pris en charge les compétences et les obligations qui sont les siennes sur
24 un territoire où un conflit armé se serait poursuivi. Cependant, il est
25 exact de dire que sur le territoire du secteur sud, dans les zones
26 montagnardes difficiles d'accès, un petit nombre d'anciens membres de
27 l'ARSK était resté en arrière. Ces individus, de façon isolée et
28 sporadique, se lançaient dans des attaques dirigées contre les forces de
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1 police et la population civile de ces territoires. Cependant, ces activités
2 ne peuvent en aucun cas être qualifiées d'intenses ou de prolongées ni
3 d'organisées. L'appareil répressif de la République de Croatie a mené des
4 actions visant à contrer ce type d'agissement dans le but d'en découvrir
5 les auteurs et les neutraliser, et ceci, en procédant à des inspections du
6 terrain après la fin de l'opération Tempête et en procédant à des
7 opérations de ratissage qui avaient pour but de retrouver et de neutraliser
8 les armes qui étaient restées sur place et les engins explosifs qui étaient
9 encore présents. Tout ceci dans un seul but qui était celui de la mise en
10 place de l'autorité civile et la restauration de la sécurité sur l'ensemble
11 de ce territoire.
12 De telles activités sporadiques et non organisées étant le fait
13 d'anciens membres de ce que l'on qualifie d'armée de l'ARSK ne peuvent en
14 aucun cas être qualifié de conflit armé. De telles activités sont
15 qualifiées par le droit international coutumier de tensions et de désordre
16 intérieurs. De part sa forme et de part les intentions sous-jacentes, une
17 telle activité représente, en réalité, une forme typique du terrorisme. Or,
18 un devoir fondamental de chaque Etat souverain est de lutter contre toute
19 activité illégale prenant pour cible l'ordre juridique, étatique et social
20 de cet Etat en recourant à tous les moyens juridiques irrépressibles dont
21 il dispose. La Loi sur les Affaires intérieures qui était en vigueur à
22 l'époque disposait que la fonction fondamentale de la police spéciale était
23 de lutter contre le terrorisme. Par conséquent, le recours à la police
24 spéciale dans les opérations de ratissage ou de nettoyage du terrain était
25 non seulement une obligation d'un Etat souverain afin de restaurer l'ordre
26 sur son territoire et dans le but également de retrouver et de neutraliser
27 ceux qui refusaient de reconnaître l'ordre juridique de cet Etat, mais il
28 représentait également tout simplement une obligation juridique.
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1 Dans l'histoire récente, nous avons pu voir différents exemples
2 d'événements semblables qui n'ont jamais été qualifiés de conflit armé. Je
3 souhaiterais simplement rappeler les opérations de l'armée israélienne
4 dirigées contre les membres du Hamas, les opérations de l'armée de la
5 police britannique contre les membres de l'IRA, les opérations de la police
6 et de l'armée espagnole contre les membres de l'ETA, et ainsi de suite.
7 Dans les exemples que je viens de citer, les membres de groupes terroristes
8 étaient même plutôt bien organisés selon des structures hiérarchiques. Et
9 pendant une certaine période de temps, dans certains de ces cas, ils ont
10 même contrôlé certaines parties du territoire. Donc certains éléments
11 étaient présents qui auraient pu aller dans le sens d'une qualification de
12 conflit armé. Cependant, cela n'a jamais été le cas, et jamais la
13 compétence d'un tribunal international n'a été établie, et jamais non plus
14 on n'a remis en question la compétence qui était celle des tribunaux
15 nationaux.
16 Les éléments de preuve avancés, et notamment le paragraphe 38 de notre
17 mémoire final, montrent que dès le 7 août 1995, lors de la 295e séance du
18 gouvernement croate, le ministre Susak a annoncé la démobilisation de
19 l'armée croate, si bien que dès le 9 août, cette démobilisation a été
20 entamée avec un contingent de 70 000 soldats croates qui ont donc été
21 démobilisés. Ce fait nous indique que le besoin de procéder à des
22 opérations militaires d'une certaine envergure avait cessé d'exister
23 simplement en raison de l'absence d'opérations de combat d'une certaine
24 intensité et d'unités ennemies d'un certain niveau d'organisation.
25 Dans l'arrêt Tadic auquel le Procureur se réfère, il serait allégué que
26 l'état du conflit armé ne cesse qu'avec la conclusion d'un accord de paix.
27 Mais ceci n'est pas applicable en l'espèce, la raison en est premièrement
28 que conformément aux dispositions du droit international coutumier, un
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1 accord de paix ne représente que l'une des modalités de cessation d'un
2 conflit armé. D'autres modalités sont l'arrêt de facto des hostilités,
3 l'établissement de relations amicales, la reddition sans condition, et ce
4 que l'on appelle les subjugations. L'arrêt des hostilités actives ou
5 l'arrêt des opérations ou l'arrêt généralisé des opérations militaires sont
6 également envisagés à ce titre par le protocole additionnel numéro 1.
7 En l'espèce, le conflit armé en République de Croatie, lui-même,
8 n'avait pas commencé par la moindre annonce formelle, et nous savons que le
9 droit international n'exige pas, pour reconnaître le début d'une guerre ou
10 d'un conflit armé, qu'une déclaration formelle soit faite à cet effet.
11 Cependant, pourquoi faudrait-il alors, aux fins de la définition de cet
12 état de conflit armé, exiger un acte formel ou un document formel
13 établissant la cessation de ce conflit armé ? Tout comme ce conflit armé a
14 commencé via facti avec l'attaque de la RSK dirigée contre les organes de
15 la République de Croatie, à savoir les postes de police, bien, de la même
16 façon, le conflit a cessé via facti avec l'arrêt des hostilités et des
17 opérations militaires des éléments ennemis et l'effondrement des structures
18 en lesquelles elles avaient été organisées.
19 Je souhaiterais rappeler aux Juges de la Chambre certains exemples de
20 l'histoire contemporaine dans lesquels le conflit armé -- ou plutôt les
21 hostilités ont également cessé sans qu'il y ait le moindre accord formel.
22 Par exemple, la guerre des Malouines, la guerre Iran/Iraq.
23 Et pour cette raison, la Défense affirme qu'à partir à peu près de la
24 date du 8 août 1995, avec la cessation du conflit armé tel qu'il est défini
25 par le droit international coutumier, la compétence du présent Tribunal n'a
26 pas lieu d'être, jurisdictio ratione materiae, la compétence matérielle
27 pour ce qui concerne les événements survenus après la fin de l'opération
28 militaire et policière Tempête que pourtant l'Accusation retient à charge
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1 en application des articles 3 et 5 du Statut du Tribunal.
2 Concernant à présent l'entreprise criminelle commune.
3 Le 29 mai 2009, lorsque dans ce prétoire je me suis exprimé devant la
4 présente Chambre, au début de la présentation des éléments à décharge, j'ai
5 dit que la Défense allait battre en brèche les affirmations de
6 l'Accusation, à savoir que cette entreprise criminelle commune à laquelle
7 l'Accusation se réfère n'a pas lieu d'exister, entreprise criminelle
8 commune à laquelle le général Markac, entre autres, aurait participé.
9 Aujourd'hui, 15 mois plus tard, je suis absolument persuadé que la
10 Défense a démontré cette affirmation qui était alors la mienne -- ou plutôt
11 que le Procureur n'a pas démontré au-delà de tout doute raisonnable qu'il y
12 ait jamais eu entreprise criminelle commune, ou que mon client y ait
13 participé, ou que les conditions juridiques nécessaires à l'application de
14 la théorie de l'entreprise criminelle élargie de la catégorie numéro 3
15 soient présentes.
16 Je dis alors également que la construction même de l'acte
17 d'accusation dans lequel les faits incriminés sont chapeautés par cette
18 notion d'entreprise criminelle commune me rappelait le style et la forme
19 des actes d'accusation habituellement dressés dans notre système
20 judiciaire, dressés par le pouvoir socialiste à l'encontre de personnes
21 accusées de crimes couverts par l'article 26 du code pénal de la RSFY. Il
22 s'agissait de mise en accusation pour acte motivé par un projet criminel
23 commun visant à miner l'ordre socialiste. Et les accusés se voyaient
24 reprocher les faits qu'ils auraient commis en tant que conséquence de ce
25 plan criminel commun.
26 Avec la chute du mur de Berlin et la transition politique et
27 judiciaire qu'ont connues ces différents systèmes, cet ordre judiciaire
28 s'est lui aussi effondré dans toute sa rigidité et son injustice
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1 juridiquement injustifiable et coupé qu'il était des acquis juridiques de
2 la société civile du 20e siècle.
3 Bien que la Chambre d'appel dans l'affaire Tadic ait estimé qu'il ait
4 existé une similarité frappante entre l'institution de l'entreprise
5 criminelle commune et les dispositions de l'ex-code pénal de la RSFY, dans
6 son article 26 concernant la responsabilité pour association criminelle, il
7 convient de souligner que ceci est purement et simplement inexact. Il
8 existe trois différences fondamentales entre la construction de
9 l'entreprise criminelle commune avancée par l'Accusation et cet article 26
10 de l'ancien code pénal de la RSFY. En application de l'article 26, seul
11 l'organisateur de cette association criminelle était tenu responsable, il
12 était le personnage central dans la construction de l'entreprise criminelle
13 commune dans sa version élargie. Ce n'est pas seulement l'organisateur qui
14 est tenu responsable, mais de façon potentielle, toutes les personnes qui
15 ont accepté ce projet criminel. Sur cette base, le Procureur du Tribunal
16 peut mettre en accusation toute personne dont il estime qu'elle aurait
17 accepté le projet criminel en question. Et il peut s'agir là, comme il
18 ressort de l'acte d'accusation en l'espèce, également de différentes, je
19 cite, "différentes personnes identifiées et non identifiées."
20 Une autre différence par rapport à l'article 26 consiste en la chose
21 suivante : l'organisateur n'était tenu responsable que pour les actes qui
22 découlaient de ce plan criminel, qui entraient dans ce cadre, et non pour
23 les excès commis par certains participants. L'organisateur qui n'avait pas
24 participé à la commission d'un crime ne pouvait être tenu responsable que
25 si cet acte incriminé était explicitement prévu par le projet criminel.
26 Ceci pourrait correspondre à la première catégorie d'entreprise criminelle
27 commune, mais en aucun cas, à la troisième catégorie, à la forme élargie
28 dans laquelle l'accusé est tenu responsable, même dans les cas où il ne
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1 pouvait éventuellement que prévoir certains actes.
2 Par conséquent, ici on assiste à une objectivisation du caractère
3 prévisible dans cette troisième catégorie, et on ne tient pas du tout
4 compte des caractéristiques subjectives de l'accusé, ou plutôt, des
5 circonstances objectives du constat ou du contexte existant tempore acti.
6 Cependant, les procureurs de l'ère socialiste avaient face à eux une
7 tâche qui était malgré tout plus difficile que celle du Procureur du
8 présent Tribunal, parce qu'ils devaient d'abord établir l'identité de
9 l'auteur direct des actes incriminés, ensuite établir un lien de causalité
10 entre les auteurs des infractions au pénal, d'une part, et d'autre part,
11 entre le planificateur et l'organisateur allégué, c'est-à-dire le
12 participant haut placé qui était censé avoir élaboré ce plan criminel.
13 Dans la troisième catégorie, la troisième forme de l'entreprise
14 criminelle commune, le Procureur n'établit même pas cette forme de lien, si
15 bien que la responsabilité de l'auteur qui se situe en arrière-plan
16 derrière les auteurs est tout simplement présumée sur la base du caractère
17 prévisible des conséquences effectives. Bien entendu, une telle situation
18 sur le plan procédural et juridique est tout à fait favorable pour le
19 Procureur et qu'elle rend plus facile sa tâche, alors que dans le même
20 temps, elle est préjudiciable à l'accusé, parce qu'en réalité sa
21 culpabilité est ici présumée et on établit une équivalence entre sa
22 culpabilité et la responsabilité objective qui, pourtant, n'existe sur le
23 plan juridique que dans certains cas bien précis en droit civil et liés à
24 l'utilisation de matières dangereuses, et non pas en droit pénal.
25 Il semblerait donc que l'accusé soit ici tenu de prouver son
26 innocence, plutôt que de voir le Procureur démontrer sa culpabilité. Et
27 dans une telle situation, sur le plan procédural, on déroge tout simplement
28 à la présomption d'innocence.
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1 Permettez-moi de rappeler, Madame et Messieurs les Juges, le rapport
2 du secrétaire général des Nations Unies joint à la Résolution numéro 808 du
3 Conseil de sécurité portant adoption du Statut du présent Tribunal. A cette
4 occasion, le secrétaire général a insisté très clairement sur le fait que
5 le principe de la légalité exige du présent Tribunal qu'il applique les
6 règles du droit international immunitaire qui font partie intégrante, et
7 ce, de façon indubitable, du droit international coutumier.
8 Le Statut de source de droit des conventions de Genève, des
9 conventions de La Haye, des conventions sur la prévention et la punition de
10 crimes, de génocides, le statut du Tribunal international militaire de
11 Nuremberg et les conclusions du Tribunal de la commission internationale du
12 droit international de 1950 sont absolument indubitables. Toute référence à
13 des éléments de droit ou à des précédents sortant de ce cadre est
14 fondamentalement contestable, et la Chambre de première instance qui
15 souhaiterait recourir à de tels éléments doit fournir une explication
16 juridique raisonnable des raisons qui l'amènent à recourir à de telles
17 institutions juridiques, qui ne sont pas universellement cités dans les
18 sources généralement reconnues du droit international humanitaire.
19 En l'espèce, la Défense est préoccupée par les faits incriminés que
20 l'Accusation retient à la charge des accusés et qui entrent dans la
21 construction de l'entreprise criminelle commune. En effet, pas une seule
22 disposition du Statut de ce Tribunal ou des sources de droit que je viens
23 de citer ne mentionne l'institution de l'entreprise criminelle commune.
24 Nous avons entendu ces contre-arguments qui consistent à dire que
25 l'entreprise criminelle commune ne représente pas une infraction au pénal à
26 part entière, mais une forme de responsabilité de commandement découlant en
27 réalité des articles 7/1 et 7/3 du Statut de ce Tribunal. Nous rejetons
28 avec détermination toute justification de cet ordre, et dans la suite je
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1 vais fournir les arguments juridiques venant à l'appui de ce rejet qui est
2 le nôtre.
3 La responsabilité pénale individuelle d'une personne physique pour
4 infraction au droit pénal international est aussi indubitablement reconnue
5 et acceptée dans la pratique des tribunaux pénaux internationaux ad hoc,
6 comme c'est le cas de celui-ci. Le présent Tribunal a déterminé cinq formes
7 de responsabilité pénale. Deux formes principales, la commission directe et
8 la planification d'une infraction pénale. Et trois formes accessoires : le
9 fait d'encourager, le fait d'aider, et toute autre forme de contribution à
10 la planification ou à la commission d'un crime. C'est bien que la théorie
11 d'une responsabilité de commandement que l'on fait découler du droit anglo-
12 saxon, et de ce qu'on appelle la responsabilité indirecte, se trouve fondé
13 dans la disposition de l'article 7/3 du Statut. La Chambre d'appel dans
14 l'affaire Tadic a procédé per analogiam iuris, dans son interprétation, et
15 a établi que la construction de l'entreprise criminelle commune serait une
16 forme alléguée de responsabilité pénale. A cette occasion, il convient de
17 rappeler que cette théorie de la responsabilité indirecte trouve son
18 origine au Moyen-Âge au titre de la responsabilité du prince ou du
19 supérieur, responsabilité pour dommages portés par ces sujets à des tiers,
20 en application du principe respondat superior.
21 Dans l'affaire Delalic, devant ce Tribunal, la Chambre a établi les
22 éléments suivants comme constitutifs de la notion de "responsabilité de
23 commandement indirect" en se fondant sur les commentaires unanimement
24 reconnus par les spécialistes : L'élément fonctionnel relatif à la position
25 du supérieur et à la relation hiérarchique avec ses subordonnés; l'élément
26 cognitif lié à la connaissance du supérieur hiérarchique lui indiquant que
27 son subordonné se prépare à commettre ou a commis un crime; et l'élément
28 opérationnel, le fait donc pour le supérieur d'omettre de prendre les
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1 mesures nécessaires et raisonnables afin d'empêcher la commission d'un
2 crime ou d'en punir l'auteur.
3 Puisqu'une telle situation normative en matière d'éléments juridiques
4 et factuels était présente, le Procureur s'est trouvé placé face à une
5 tâche difficile et idéologique, qu'il se soit tourné vers une voie plus
6 praticable, donc juridiquement problématique, à savoir la construction
7 juridique de l'entreprise criminelle commune. En fait, c'est dès 2000 que
8 dans la pratique du présent Tribunal, on a pu constater que 81 % de tous
9 les actes d'accusation dressés étaient fondés sur cette institution de
10 l'entreprise criminelle commune. Pourquoi ? Bien, parce qu'en appliquant
11 cette théorie et cette construction, le Procureur n'a plus besoin de
12 démontrer l'existence des éléments cognitifs et fonctionnels, telle que
13 définie dans l'affaire Delalic par la Chambre. Quant à l'élément subjectif
14 de l'infraction au pénal comme forme de culpabilité, le dolus eventualis,
15 il est formulé de telle façon que la simple connaissance de la possibilité
16 de la commission d'un crime comprend également les crimes collatéraux dont
17 le supérieur hiérarchique, en fait, n'était même pas au courant, mais qu'il
18 était censé prévoir en raison de la nature même de l'entreprise criminelle
19 commune.
20 Dans l'affaire Tadic, la Chambre de première instance n'a pas été en mesure
21 d'établir la participation de l'accusé dans le meurtre de cinq civils
22 musulmans, dans le village de Jaksici, près de Prijedor, crime commis par
23 des membres des unités paramilitaires serbes participant au nettoyage
24 ethnique, à l'occasion de l'appel de l'Accusation contre ce jugement, le
25 jugement qui acquitta l'accusé. La Chambre d'appel, de façon lucide, mais
26 selon la Défense, d'une façon qui, juridiquement n'était pas fondée, a
27 inventé un système de responsabilité pénale individuelle dérivée de
28 l'article 7 du Statut. La Chambre d'appel dans sa décision a procédé à une
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1 analyse de la pratique des tribunaux nationaux et internationaux après la
2 Seconde Guerre mondiale dans le but de confirmer le postulat du rapport du
3 secrétaire général que j'ai déjà cité, selon lequel il s'agissait là
4 indubitablement d'une partie intégrante du droit humanitaire international.
5 La Chambre a également établi que la notion d'"entreprise criminelle
6 commune" était enracinée dans au moins deux accords internationaux; dans la
7 convention internationale pour la répression des attentats à l'explosif de
8 1997 et dans le statut de Rome de la CPI de 1998.
9 Et je relève, Madame et Messieurs les Juges, que ces deux textes ont
10 tous les deux vu le jour après 1995, période des actes incriminés retenus à
11 la charge des accusés. De la même façon, la Chambre a constaté que les
12 principes applicables à l'intention criminelle collective étaient enracinés
13 dans le droit national de nombreux Etats. En bref, la Chambre a établi
14 qu'une telle pratique existait de façon indubitable et que, par conséquent,
15 l'ECC en tant que forme de culpabilité bénéficiait de fondements
16 indubitables dans le droit humanitaire.
17 La Défense estime, en revanche, qu'une telle conclusion n'est
18 certainement pas incontestable. Parce que dans l'affaire Tadic, parmi les
19 affaires qui ont été analysées par la Chambre dans le but de trouver des
20 exemples venant étayer la troisième forme de l'entreprise criminelle
21 commune, il n'y a pas de cas où les Juges auraient fondé sa décision sur
22 cette notion. La façon dont les Juges dans ces différentes affaires
23 auraient pris en considération les thèses avancées dans les actes
24 d'accusation correspondants, il n'y a pas un seul cas permettant d'avancer
25 que la forme élargie de l'ECC aurait été hors de tout doute raisonnable une
26 partie intégrante du droit international humanitaire. Il n'y a qu'un seul
27 cas, à savoir l'affaire Dottavio 1947 dans laquelle le juge a constaté la
28 culpabilité de l'accusé sur la base d'un concept similaire à l'ECC. Mais
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1 ceci ne peut pas représenter la base d'une affirmation consistant à dire
2 que l'ECC fait partie intégrante du droit international coutumier.
3 Dans les jugements ultérieurs, dans les affaires Vasiljevic, Kvocka
4 et Furundzija, l'appellation et l'institution de l'"entreprise criminelle
5 commune" s'est établie dans la pratique du Tribunal. La Défense considère
6 que la décision dans l'affaire Ojdanic est particulièrement intéressante,
7 décision concernant la compétence du Tribunal dans laquelle la Chambre a
8 confirmé sa propre compétence à interpréter et à confirmer les formes de
9 responsabilité pénale, soi-disant en application du Statut du Tribunal. La
10 mise en place de ces pratiques judiciaires outre au Tribunal a
11 manifestement été remarqué par les professionnels du droit. Beaucoup ont
12 été cyniques lorsqu'ils ont observé que les juges bénéficiaient à minces
13 égards de cette application de cette construction juridique, l'ECC, parce
14 que sinon les affaires auraient été très complexes et difficiles pour les
15 Juges d'abord de se prononcer. Il n'est plus nécessaire d'établir un lien
16 de causalité, une connexité. Elle doit être établie de façon beaucoup plus
17 large que si on appliquait les postulats de la légalité. Il n'est plus
18 nécessaire d'établir la culpabilité de l'un des membres de l'ECC qui
19 établirait ainsi le lien avec les autres participants à cette entreprise
20 criminelle commune, comme le dit le jugement Krstic.
21 Mais toutes les Chambres, ou tous les membres des Chambres de
22 première instance n'ont pas de la même façon adopté cette nouveauté
23 juridique. Dans l'affaire Stakic, par exemple, la Chambre de première
24 instance a dit --
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On vous demande de ralentir.
26 M. MIKULICIC : [interprétation] Je le craignais fort.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et moi, je tiens à comprendre les
28 arguments que vous présentez, parce que vous demandez à la Chambre de
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1 première instance au fond de ne pas suivre la jurisprudence établie par le
2 présent Tribunal --
3 M. MIKULICIC : [interprétation] Exact.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- pour dire qu'il n'y a pas de
5 compétence s'il s'agit d'une entreprise criminelle commune.
6 M. MIKULICIC : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout est clair.
8 Je vous demande de poursuivre, mais de le faire à une cadence qui
9 permettra à la sténotypiste et aux interprètes de vous suivre.
10 M. MIKULICIC : [interprétation] Je vais faire de mon mieux.
11 Dans l'affaire Stakic, disais-je, la Chambre de première instance a déclaré
12 ceci : une interprétation limitative s'appuyant sur les méthodes nationales
13 d'interprétation serait préférable s'agissant des dispositions du Statut
14 qui concernent les actes commis. Ceci permettrait d'éviter cette impression
15 qui peut induire en erreur, à savoir qu'on a utilisé la petite porte pour
16 introduire une nouvelle infraction pénale qui n'était pas au départ prévue
17 dans le Statut de ce Tribunal. Paragraphe 441.
18 Ce concept juridique de l'ECC est une forme de co-commission beaucoup trop
19 large, et c'est une fiction juridique qui permet à une personne d'être
20 poursuivie et condamnée pour des crimes commis par une autre personne, même
21 si cette personne n'avait pas du tout l'intention de contribuer au crime
22 commis par ce dernier, et même, éventuellement, si cette personne n'avait
23 pas connaissance des actions commises par ce dernier.
24 Des experts en droit et des universitaires ont été prolifiques sur le
25 sujet. Je voudrais à cet égard vous renvoyer, Madame et Messieurs les
26 Juges, à ce qu'a écrit le Pr Kai Ambos, qui est professeur et qui a la
27 chaire de droit pénal à l'Université de Goettingen, ainsi que le Pr Ciara
28 Damgaard de l'Université de Copenhague, et à ce que le Dr Mohamed Elewa
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1 Badar, ancien juge du ministère de la Justice d'Egypte, qui trouve une --
2 quand on voit le sigle JCE en anglais, "Joint Criminal Entreprise," il dit
3 que ça veut dire, en fait, "on condamne tout le monde," purement et
4 simplement.
5 Je vous rappelle aussi le statut de la CPI et ce que ce statut prévoit. Ce
6 statut a été adopté à ce qu'on a appelé la conférence de Rome et il était
7 destiné à confirmer par ce nouveau Tribunal les préceptes qui allaient
8 assurer l'application de critères plus élevés, plus rigoureux en matière de
9 droit. Et il aurait été préférable d'insérer ces préceptes dans le statut
10 plutôt que de les laisser au simple jugement d'un juge. C'est précisément
11 la raison pour laquelle, étant donné le nombre de participants à la
12 conférence de Rome au moment de l'adoption du statut de Rome, et vu que
13 tout cet effort a nécessité trois ans de travail, on considère qu'est ainsi
14 codifié dans ce statut de Rome le droit coutumier international et qu'y
15 sont couverts des crimes couverts à l'échelon international. C'est un
16 processus qui est censé être la consolidation factuelle au niveau
17 international de ce qui se fait au plan national.
18 Les auteurs, les pères du statut ne voulaient pas édicter de
19 nouvelles règles de droit, prévoir de nouveaux modes, de nouvelles formes
20 de responsabilités pénales. Philippe Kirsch, vous le savez, a été le
21 premier président de la CPI, et il a dit qu'il ne revenait pas au statut de
22 créer un nouveau droit matériel. Il devait, au contraire, englober les
23 crimes et infractions pénaux déjà reconnus en tant que tels et qui étaient
24 interdits par le droit international existant. Le fait qu'on a délibérément
25 décidé de ne pas inclure l'ECC dans le statut de Rome, c'est un signe. Il
26 montre qu'on peut conclure de façon tout à fait justifiée que l'entreprise
27 criminelle commune ne devrait pas être considérée comme faisant partie du
28 droit international coutumier.
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1 Le principe de la légalité, il repose sur les prémisses suivantes :
2 interdiction de l'application rétroactive du droit, nullen crimen sine lege
3 praevia; l'interdiction de l'analogie, nullen crimen sine lege stricta; la
4 nécessité de l'existence d'une loi écrite, nullen crimen sine lege scripta;
5 l'obligation d'une définition exacte du droit, nullen crimen sine lege
6 certa; et enfin, le principe voulant qu'il n'y ait aucune rétribution sans
7 loi, nullen crimen sine lege.
8 Il est incontestable que ces principes de l'existence légale d'ordres
9 judiciaires et d'appareils judiciaires nationaux qui doivent respecter ces
10 principes, tout ceci est ancré et précis dans les documents fondamentaux du
11 droit international. Par exemple, le pacte international relatif aux droits
12 politiques et civils, l'article 15; la déclaration universelle des droits
13 de l'homme, articles 11 et 2; la convention de protection des droits de
14 l'homme et des libertés individuelles du conseil de l'Europe, article 7.
15 Dans l'affaire SW contre le Royaume-Uni, N.C.R. contre le Royaume-Uni, la
16 Cour européenne des droits de l'homme, et ceci déjà en 1955, l'a dit
17 explicitement, elle a déclaré que ces dispositions respectant le principe
18 de la légalité, on ne peut y déroger. Elles sont irréfragables, même en cas
19 de guerre ou dans une situation d'urgence autre.
20 Dans le Statut du Tribunal, vous ne trouverez aucune disposition
21 explicite énonçant le principe de la légalité. Vous avez le rapport du
22 secrétaire général des Nations Unies qui le dit lorsqu'il dit que
23 l'application du principe nullem crimen sina lega donne obligation au
24 Tribunal de respecter et d'appliquer les instruments du droit international
25 humanitaire. Et c'est indubitable, tout ceci est devenu partie intégrante
26 du droit international coutumier. Sinon il y aurait un problème, à savoir
27 que seuls certains Etats plutôt que tous les Etats auraient l'obligation de
28 respecter certaines conventions, par exemple, les USA n'ont jamais accepté
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1 le statut de Rome. Par conséquent, en théorie, si on applique le droit
2 international stricto sensu et ses traités, il n'est pas nécessaire que les
3 USA appliquent le principe de légalité, et si vous pensez à une telle
4 situation, alors elle relève de l'absurde sur le plan du droit et sur un
5 plan de civilisation.
6 Rappelons-nous les critères de l'accessibilité et de la
7 prévisibilité. Il ne suffit pas qu'un tribunal se contente d'établir la
8 capacité objective qu'aurait un accusé de reconnaître une norme répressive
9 ou prohibitive. Il y a aussi la capacité subjective qu'aurait un accusé
10 d'anticiper, de prévoir et de reconnaître sa propre responsabilité pénale
11 qui pourrait résulter d'une violation de ladite norme. La compréhension
12 objective de la prévisibilité dans le cadre d'une interprétation élargie de
13 l'ECC se rapproche dangereusement de la responsabilité objective, et ceci
14 compromet considérablement le principe de la responsabilité, principe
15 pourtant accepté explicitement par ce Tribunal.
16 Une chose est claire, une réglementation interne, celle qui
17 s'appliquait sur le territoire de l'ex-RSFY tempore criminis doit pourtant
18 être prise en compte et il faut lui consacrer une attention particulière en
19 raison de l'existence de cet élément subjectif. Il est donc surprenant que
20 les Chambres de ce Tribunal jusqu'à présent n'aient pas manifesté d'intérêt
21 particulier à l'étude de lois, de législations, de jurisprudences
22 nationales. Certes, il est exact de dire que ni le Statut ni le Règlement
23 de procédure et de preuve du présent Tribunal ne parlent des
24 réglementations nationales, si ce n'est le moment de fixer la peine. Mais
25 il est tout aussi vrai qu'en matière d'accessibilité qu'en matière de
26 prévisibilité il faudrait tout du moins voir quels sont les instruments de
27 base qui existaient tempore criminis en RSFY --
28 Est-ce que je vais encore trop vite, Monsieur le Président ?
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous rappelle à l'ordre.
2 M. MIKULICIC : [interprétation] Mais vous savez, j'ai toujours l'œil rivé
3 sur l'horloge et j'essaie d'en terminer dans les temps que vous m'avez
4 prescrits.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais pas aux dépends des
6 interprètes.
7 M. MIKULICIC : [aucune interprétation]
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.
9 M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
10 La Défense signale l'opinion dissidente qu'a formulée M. Cassese dans
11 l'affaire Erdemovic; il disait qu'il faut analyser la loi nationale du pays
12 dont était issu l'accusé. Il voulait ainsi dire que le ressortissant d'un
13 Etat donné quel qu'il soit, y compris la Croatie, avait l'obligation de
14 connaître la loi pénale s'appliquant sur le territoire de cet Etat, et donc
15 fonder son comportement et ses attentes sur ceci. Au paragraphe 49 de son
16 opinion, le Juge Cassese disait alors qu'il serait raisonnable d'examiner
17 la législation nationale du pays dont est issu l'accusé plutôt que de se
18 livrer à des considérations morales ou d'appliquer des principes pratiques,
19 parce que, in dubio pro reo, c'est un principe qui va ici aussi dans le
20 sens de l'accusé.
21 Il est incontestable qu'il est parfois difficile de cerner les confins du
22 droit international parce que ce droit international coutumier souvent
23 c'est un droit dit, et non écrit. C'est seulement quand il est établi
24 légalement qu'une action a été exécutée en raison d'une obligation
25 qu'imposait le droit, opinio juris, bien entendu, c'est seulement à ce
26 moment-là que s'établit le droit international coutumier.
27 Quiconque affirme qu'il existe une règle dans le droit international
28 coutumier doit apporter la preuve d'une pratique constante, cohérente et
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1 permanente à cet effet. Par conséquent, il faut donner le plus grand nombre
2 possible d'exemples à l'appui, d'exemples qui émanent de la pratique, qui
3 émanent de la jurisprudence, où on voit l'application faite de telle ou
4 telle norme. L'opinio juris ne peut se fonder que sur cette base, c'est une
5 condition sine qua non à l'application ou à la naissance d'une règle dans
6 le droit international coutumier. Et il semble que s'agissant de l'ECC, on
7 a tout simplement pas d'opinio juris, tout du moins ce n'est pas quelque
8 chose qu'on pourrait englober dans la phrase qui dit, "au-delà de tout
9 doute raisonnable." Ça, ça fait partie du droit international coutumier.
10 La Défense affirme que l'Accusation n'a pas apporté la preuve au-delà de
11 tout doute raisonnable qu'opinio juris existe en raison de la doctrine de
12 l'entreprise criminelle commune sous sa forme 3. D'ailleurs, l'Accusation
13 ne s'est pas du tout penchée sur la question, n'en a pas du tout parlé. On
14 a l'impression que l'Accusation est convaincue que c'est une presumptio
15 juris et de jure. Mais moi, je voudrais vous prouver le contraire en
16 présentant des avis contraires au jugement de première instance de Tadic.
17 Vous avez la chambre de mise en état du tribunal spécial pour le Cambodge,
18 dans l'affaire 002/19-09-2007, par voie de décision rendue le 20 mai 2010,
19 cette chambre spéciale de mise en état dit, et je la cite :
20 "Le principe de la légalité exige que le tribunal du Cambodge s'abstienne
21 de s'appuyer sur le concept de l'entreprise criminelle commune élargie dans
22 ces activités."
23 La Chambre n'a rien trouvé qui soutienne l'existence de cette forme numéro
24 3 de l'entreprise criminelle commune, tempore criminis, dans le droit
25 international coutumier, et la Chambre Tadic, pourtant, s'était appuyée
26 spécifiquement sur cette forme-là.
27 C'est ce que pense aussi la chambre de mise en état de la CPI dans
28 l'affaire Lubanga. Cette chambre dit qu'elle s'écarte de ce concept qui est
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1 fondamentalement subjectif de l'entreprise criminelle commune. La CPI
2 toujours, dans l'affaire Katanga, suite à une décision prise par la chambre
3 d'appel, rejette ce manque de responsabilité et elle déclare que ceci ne
4 s'inscrit pas dans le droit coutumier international. Et dans l'affaire
5 Bemba, ce même avis a été prononcé.
6 Permettez-moi de vous rappeler que tous les Juges de ce Tribunal ne sont
7 pas d'accord avec les Juges qui se sont prononcés dans l'affaire Tadic.
8 Vous avez, par exemple, Per-Johan Lindholm dans l'affaire Simic, lui aussi
9 qui a marqué son désaccord par rapport au concept d'entreprise criminelle
10 commune dans l'affaire Simic. Mais il a dit aussi son désaccord de façon
11 générale. Permettez-moi de vous rappeler ce qu'a dit un ancien Juge de ce
12 Tribunal, le Juge Wolfgang Schomburg, pour ne pas le nommer, qui a publié
13 un article le 3 juin 2010 sur un blog qui s'appelle "Cambodia Tribunal
14 Monitor."Il a dit que la décision Tadic s'agissant du concept de
15 l'entreprise criminelle commune élargie a donné naissance à des critiques
16 dans les milieux professionnels du droit parce qu'elle prêtait le flanc à
17 des interprétations abusives. Et il disait qu'il ne fallait pas que ce
18 concept se transforme et dégénère en concept de culpabilité par
19 association, "guilt by association." Le Juge Schomburg a dit que le droit
20 international coutumier et que le principe de la légalité sont comme chien
21 et chat. D'un côté, on veut, bien sûr, sanctionner un acte, et de l'autre
22 côté, ce qu'on trouve c'est qu'il ne faut pas la création rétroactive d'une
23 nouvelle loi pénale. De l'avis du Juge Schomburg, la décision de la chambre
24 de mise en état du tribunal spécial pour le Cambodge surprend par l'analyse
25 méticuleuse qu'elle fait des décisions prises par les tribunaux
26 consécutivement à la Deuxième Guerre mondiale et dit que c'est là quelque
27 chose dont il faut se féliciter après des années de confusion dangereuse.
28 Et on fait référence à l'application de cette forme élargie d'entreprise
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1 criminelle commune.
2 Dans l'affaire Brdjanin, nous avons une décision qui indique que pour
3 conclure à l'entreprise criminelle commune, il faut identifier l'auteur
4 réel des crimes concernés et qu'il faut montrer le lien entre l'auteur de
5 l'acte et la commission d'un crime précis. Cette Chambre refuse d'accepter
6 la doctrine de l'entreprise criminelle commune, et ce faisant, elle amorce
7 un tournant radical pour s'écarter de la façon dont on avait appliqué cette
8 doctrine jusqu'alors. Manifestement, quand des décisions sont prises par
9 des Chambres, on constate qu'il y a des différences dans l'interprétation
10 qu'on fait des concepts juridiques, différences qui tiennent aussi aux
11 différences qu'il y a entre le "common law" et le système romano-
12 germanique. Par exemple, dans l'affaire Stakic, la Chambre de première
13 instance avait décidé de remplacer la doctrine de l'entreprise criminelle
14 commune par le concept de co-commission.
15 Le Juge Shahabuddeen le disait, il a signalé ce problème dans son opinion
16 dissidente dans l'affaire Gacumbitsi, lorsqu'il rappelait l'existence
17 d'opinio juris, parce qu'il disait que certains Etats acceptent ce concept
18 de l'ECC, alors que d'autres acceptent et appliquent le concept de la co-
19 commission. La Défense estime, par conséquent, qu'en introduisant ce
20 concept de l'entreprise criminelle commune élargie, ce qui est à mettre en
21 doute, c'est le fait qu'on a agi en dehors du cadre du droit international
22 existant et en dehors du cadre du mandat qui avait pourtant été confié à ce
23 Tribunal par les Nations Unies.
24 Et j'aimerais terminer par ces mots. A mon avis, il est très important de
25 souligner que l'Accusation a agi de façon inacceptable eu égard aux membres
26 de l'entreprise criminelle commune. L'Accusation dit de ces membres que ce
27 sont des gens qui, depuis -- enfin, ils englobent dans ce cercle trop large
28 de participants des défunts; le président Tudjman, Gojko Susak, Bobetko,
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1 Cervenko. On peut s'interroger sur les fondements juridiques et moraux
2 qu'il y a à inclure dans cette entreprise criminelle commune des gens
3 aujourd'hui défunts, qui ne sont plus aujourd'hui participants d'une
4 entreprise criminelle commune, en allant même jusqu'à aller à qualifier ces
5 personnes de coauteurs. Sans apporter d'arguments valables et étant donné
6 que ces personnes ne sont plus à même de se défendre, le Procureur établit
7 une présomption de responsabilité eu égard à ces personnes pour les actes
8 qui sont retenus contre les présents accusés dans un acte d'accusation qui
9 a été délivré après les faits, ex post facto.
10 C'est vrai aussi d'autres individus. Même si ceux-ci sont encore en vie,
11 jamais on ne les a appelés à la barre en qualité de témoins ou à d'autres
12 titres. Même Jarnjak n'a pas été à la barre, et pourtant c'était le
13 ministre à l'époque des faits; Mirko Norac aussi; Crnjac, il était
14 commandant de la région militaire de Karlovac; Ademi, il était commandant
15 du District militaire du Nord et il était l'adjoint au commandement de
16 Gotovina. Or, il se peut que certains aient été cités comme témoins, mais
17 jamais ils n'ont été soumis à des incriminations. On n'a jamais essayé
18 d'utiliser des éléments pour dire qu'eux aussi étaient membres d'une
19 entreprise criminelle commune ou qu'ils ont été utilisés comme instruments
20 servant à cette entreprise criminelle commune. Ce qui veut dire que jamais
21 on ne leur a donné la chance de se défendre. Je pense à Radic, à Lausic et
22 à Moric lorsque je dis cela.
23 Mais la catégorie la plus douteuse c'est celle que le Procureur décrit
24 comme étant autres officiers, autres fonctionnaires, membres du
25 gouvernement de la République de Croatie et fonctionnaires politiques de
26 tous niveaux, notamment à l'échelon de la municipalité de l'organisation
27 locale, dirigeants et membres du HDZ, l'armée croate, la police spéciale,
28 la police civile et d'autres membres des services de Renseignements et de
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1 Sécurité en République de Croatie, ainsi que d'autres personnes d'identité
2 connue ou inconnue.
3 Le Procureur met des étiquettes sur certaines catégories de personnes. Il
4 dit de ces personnes que ce sont des coauteurs ou des membres de
5 l'entreprise criminelle commune, ou encore que ce sont des instruments qui
6 ont servi à cette entreprise, et tout ceci est impermissible [phon] si l'on
7 s'en tient au principe du droit. Ces personnes n'ont aucun moyen de se
8 défendre de cette présomption de culpabilité que leur impute l'Accusation.
9 C'est une procédure qui est manifestement contraire à la présomption
10 d'innocence.
11 Permettez-moi de vous rappeler la décision Stakic, et je la cite :
12 "Les éléments présentés ne suffisent pas à prouver qu'il y a eu génocide ni
13 planification d'une campagne au niveau plus élevé. Les personnes qui
14 faisaient partie de la voie hiérarchique verticale sont aujourd'hui toutes
15 décédées, et il est donc impossible de présenter des éléments de preuve les
16 concernant."
17 C'est un point de vue qui revêt une importance toute particulière là où il
18 y a l'existence d'une intention discriminatoire, dolus specialis, comme
19 forme de culpabilité doit être prouvée pour un crime de génocide comme pour
20 un crime de persécution, ce qui a bien été retenu contre notre client. Donc
21 ce dolus specialis doit être établi, et c'est quelque chose qu'il est tout
22 à fait difficile de prouver lorsque vous avez des coauteurs de l'entreprise
23 criminelle commune qui sont aujourd'hui décédés.
24 Pour conclure, la Défense affirme que l'ECC n'existait pas en tant que
25 partie du droit international coutumier à l'époque des faits, tempore
26 criminis, à l'inverse de ce qui figure à l'acte d'accusation. Et je pense à
27 la catégorie 3 de l'ECC. L'ECC est en contradiction avec le principe de
28 culpabilité qui est l'un des principes fondamentaux du droit pénal
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1 contemporain. Le recours à l'entreprise criminelle commune représente un
2 élargissement dangereux de la mens rea au point de rapprocher cette
3 dernière dangereusement de la notion de culpabilité par association, "guilt
4 by association," notamment dans le cas de la forme élargie catégorie 3 de
5 l'entreprise criminelle commune.
6 Le fait de recourir à des conclusions portant sur l'existence d'une
7 intention des accusés suite aux circonstances objectives dans le cadre de
8 l'entreprise criminelle commune élargie porte préjudice au principe même de
9 la présomption d'innocence. La pratique du présent Tribunal, tout comme la
10 pratique des tribunaux telle qu'elle est intervenue après la Seconde Guerre
11 mondiale, concernant le contenu de cette théorie de l'ECC, n'est pas
12 cohérente ni unique, ce qui est en contradiction avec les principes de la
13 sécurité et de l'équité juridique et ne saurait être considérée comme
14 valant opinio juris. En recourant à la théorie de l'ECC et en appliquant
15 cette dernière à des structures politiques et militaires entières de
16 l'appareil d'Etat ainsi qu'à des individus identifiés et non identifiés, on
17 contrevient au principe général de la précision de l'acte d'accusation.
18 Ceci compromet la finalité même de la fondation et de l'action du présent
19 Tribunal et augmente le risque de voir appliquer de façon encore plus large
20 la théorie de l'ECC par des procureurs et des tribunaux nationaux. Ce qui
21 pourrait avoir des conséquences négatives pour le droit pénal et la
22 pratique pénale contemporaine et dans le processus d'affirmation qui est le
23 sien.
24 Pour finir, Madame, Messieurs les Juges, la Défense souhaite proposer à la
25 présente Chambre de faire un pas en avant en pesant les arguments en faveur
26 du rejet de cette théorie de l'ECC qui sont incontestablement présents dans
27 la doctrine juridique contemporaine en provenance de plusieurs sources qui
28 sont manifestement présentes dans certaines opinions des Juges du présent
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1 Tribunal et dans un certain nombre de décisions de différents tribunaux
2 intervenus après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Et la Défense en
3 appelle à la Chambre afin qu'elle rejette cette théorie de l'ECC pour
4 revenir au principe de la responsabilité pénale individuelle, de la co-
5 commission, du fait d'aider ou d'encourager. Mais bien entendu, dans ces
6 cas-là, d'autres exigences sont également applicables pour prouver la
7 culpabilité qui diffèrent de ceux applicables dans la forme élargie de
8 l'entreprise criminelle commune.
9 Et je souhaiterais remercier les Juges de la Chambre pour leur attention.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Mikulicic.
11 Ceci conclut l'audience de ce jour. Demain, nous entendrons les
12 répliques éventuelles de l'Accusation. Je souhaiterais renouveler mes
13 encouragements aux parties à rester dans le cadre temporel que nous avons
14 déterminé, ce qui peut-être nous laissera un peu de temps demain. Alors,
15 peut-être n'utiliserons-nous pas l'ensemble de l'audience du matin, c'est-
16 à-dire les trois volets d'audience. Je suggère donc que l'Accusation occupe
17 le premier volet d'audience jusqu'à la première pause, que le second volet
18 d'audience soit attribué à la Défense.
19 Bien entendu, ceci dépend également, Monsieur Tieger, de la question de
20 savoir si vous allez utiliser l'ensemble de l'heure et demie allouée. Je
21 comprends également que vous demanderez peut-être quelque chose en échange
22 du fait que vous n'ayez pas eu l'occasion de faire des remarques en
23 conclusion après l'intervention de Mme Mahindaratne, donc peut-être avons-
24 nous quand même besoin du troisième volet d'audience, mais peut-être
25 également finirons-nous à la fin du second.
26 Alors, nous levons l'audience et nous reprendrons demain, 1er septembre, à
27 9 heures dans ce même prétoire.
28 --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le mercredi 1er
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1 septembre 2010, à 9 heures 00.
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