Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le mardi 31 août 2010

  2   [Audience publique]

  3   [Plaidoiries]

  4   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  5   --- L'audience est ouverte à 9 heures 02.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tous dans le prétoire.

  7   Madame la Greffière, veuillez, s'il vous plaît, citer l'affaire.

  8   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Madame, Messieurs les Juges.

  9   Il s'agit de l'affaire IT-06-90-T, l'Accusation contre Ante Gotovina et

 10   consorts. Je vous remercie.

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Maître Misetic, c'est à vous.

 12   Etes-vous prêt ?

 13   M. MISETIC : [interprétation] Tout à fait. Merci. Bonjour à tous.

 14   Je vais reprendre là où j'en étais hier sur la charge de la preuve, et je

 15   tiens à rajouter une chose. J'aimerais demander à la Chambre de première

 16   instance de faire très attention en étudiant les derniers arguments et les

 17   mémoires en clôture de l'Accusation pour déterminer s'ils ont bel et bien

 18   appliqué la charge de la preuve de façon correcte. Normalement, lors d'un

 19   procès, l'Accusation doit interroger les témoins sans s'occuper du critère

 20   de la preuve. Par exemple, l'interrogatoire du Pr Corn.

 21   Si vous tournez à la page 514 du mémoire en clôture de l'Accusation,

 22   l'Accusation déclare :

 23   "Même l'expert de la Défense M. Corn considère que Gotovina n'avait

 24   pas l'intention de pilonner la ville. On peut interpréter correctement

 25   l'ordre de Gotovina comme étant l'ordre d'attaquer de façon illégale la

 26   ville. L'Accusation doit s'occuper à montrer que Pr Corn se trompe et que

 27   la thèse de l'Accusation est la seule thèse qui soit correcte.

 28   Nous demandons aussi de vérifier les tableaux portant sur les


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  1   meurtres de l'Accusation. A l'annexe B, par exemple, à la page 27,

  2   l'Accusation déclare la cause de la mort n'est pas connue, mais les

  3   victimes ont peut-être été abattues par des balles, ou aussi 283, l'annexe

  4   B, page 11, la victime a probablement été exécutée par la police de la HV.

  5   Donc étudiez de très, très près le mémoire en clôture, parce qu'il ne

  6   semble pas que l'Accusation ait appliqué la charge de la preuve de façon

  7   correcte, mais d'ailleurs elle ne le fait pas valoir dans son mémoire en

  8   clôture.

  9   Je vous ai dit qu'il ne fallait pas croire vos propres yeux non plus

 10   lorsqu'il fallait regarder les ordres express donnés par le général

 11   Gotovina et toute la direction croate pour prévenir et punir les crimes,

 12   mais l'Accusation elle aussi donne une déclaration tout à fait remarquable

 13   dans son mémoire en clôture qui montre bien quelle est la nature de la

 14   thèse de l'Accusation contre Gotovina. Paragraphe 15 du mémoire en clôture

 15   : "Les membres de l'entreprise criminelle commune étaient en mesure de

 16   donner des instructions génériques pour prévenir ou pour éviter les

 17   pillages et les incendies, tout en sachant très bien que ces instructions

 18   n'auraient aucun effet. Donc de façon intentionnelle, cela permettait et

 19   cela acceptait la commission de crime, tout en créant l'impression fausse

 20   simultanément que ces crimes n'étaient pas intentionnels."

 21   A nouveau, nous vous donnons la réponse qui est simple, une hypothèse

 22   simple. Les Etats et les armées donnent des ordres tout simplement parce

 23   qu'ils veulent que ces ordres soient suivis. Et la Croatie ne fait pas

 24   exception à la règle. La Croatie avait donné des ordres tout à fait

 25   similaires au cours de l'opération Eclair trois mois plus tôt, et comme

 26   nous l'avons expliqué dans notre mémoire, la Croatie a été louée par le

 27   secrétaire général et par les représentants de la communauté

 28   internationale, y compris le Témoin Galbraith, qui, le 1er août, a dit au


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  1   président Tudjman que la conduite de la Croatie en Slavonie occidentale

  2   "lui avait valu toutes les louanges de la communauté internationale."

  3   Nous en avons parlé dans notre mémoire en clôture. Alors pourquoi la

  4   Croatie serait "contente de savoir que ses instructions seraient sans effet

  5   alors que trois mois plus tôt cela n'était pas le cas." L'Accusation, bien

  6   sûr, ne l'explique pas. Mais je suis certain que dans sa réplique

  7   l'Accusation va encore trouver une théorie du complot extrêmement créative

  8   pour expliquer tout cela. La Défense Gotovina, en revanche, elle vous

  9   propose l'hypothèse la plus simple.

 10   L'Accusation essaie désespérément de se sortir de tous les éléments

 11   de preuve qui montrent les efforts déployés par les autorités croates, y

 12   compris le général Gotovina, pour prévenir et punir les crimes en déclarant

 13   que leurs ordres pour mettre un terme à la criminalité étaient des ordres

 14   qui étaient faux de toute façon et qui n'étaient pas censés être mis en

 15   œuvre. Et pourtant, malheureusement, ils n'arrivent pas à étayer leurs

 16   propos.

 17   Vous n'avez vu aucun compte rendu présidentiel de conversations

 18   secrètes où quelqu'un suggérerait qu'il conviendrait de donner des ordres

 19   qui ne soient pas appliqués. Aucun témoin n'a témoigné pour dire qu'il

 20   avait entendu à un moment ou à un autre une suggestion quelconque selon

 21   laquelle des ordres faux devaient être donnés pour jeter la poudre aux yeux

 22   de la communauté internationale. En fait, l'Accusation n'offre absolument

 23   rien qui permettrait à la Chambre de première instance de souscrire à sa

 24   thèse. Comme nous montrons d'ailleurs dans notre mémoire au paragraphe 375,

 25   la Chambre d'appel Blaskic a rejeté l'utilisation de conclusions non

 26   étayées. L'Accusation, hier, a essayé de faire une différence entre le

 27   précédent Blaskic à propos des conclusions que l'on peut tirer. Mais ce

 28   n'est pas possible.


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  1   La loi est la loi, et les faits sont les faits. On ne peut pas

  2   utiliser des conclusions qui ne sont pas étayées pour tirer une conclusion

  3   qui permettrait d'écarter des éléments de preuve qui sont contradictoires.

  4   C'est comme ça. Que la Chambre de première instance puisse tirer une

  5   conclusion adverse s'il y avait, en effet, des preuves de cela - ici, de

  6   toute façon, ce n'est même pas de ça qu'on parle. Donc l'Accusation se base

  7   sur Milutinovic, mais c'est erroné, parce que dans Milutinovic, la Chambre

  8   de première instance avait déterminé que l'accusé Pavkovic avait donné des

  9   ordres faux pour respecter la loi internationale sur la base des actes

 10   incorrects qui étaient faits et qui étaient contraires à ses ordres, y

 11   compris l'ordre contraire donné à des combats. Il a omis aussi -- ici, en

 12   revanche, on n'a aucun élément de preuve selon lequel le général Gotovina

 13   ou le président Tudjman auraient commis des méfaits.

 14   Au contraire, les éléments de preuve au compte rendu ne peuvent vous

 15   laisser tirer une seule conclusion, c'est que les représentants officiels

 16   les plus élevés de la Croatie, y compris les membres nommés de l'entreprise

 17   criminelle commune alléguée, voulaient que les crimes s'arrêtent et ont

 18   donné des ordres à cet effet. Les conversations internes des autorités

 19   croates, auxquelles d'ailleurs la communauté internationale, les médias et

 20   d'autres outsiders n'avaient pas accès, montrent bien que les dirigeants

 21   croates ont mis en place une politique pour mettre un terme à tout crime et

 22   ont donné des ordres pour que ces crimes s'arrêtent. Par exemple, le P463,

 23   conversation privée entre Radic et Tudjman, deux membres nommés de cette

 24   entreprise criminelle commune, où ils condamnent les incendies volontaires

 25   comme étant diaboliques. Le commentaire du premier ministre Valentic lors

 26   d'une session à huis clos du gouvernement le 23 août. D426, page 21 :

 27   "Une attention très importante doit être donnée à la population serbe."

 28   Le général Gotovina aussi exhorte ses troupes le 6 août lors de la réunion


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  1   de Knin, réunion privée. Et le P918 que l'on voit à l'écran, ici nous avons

  2   l'avertissement des affaires politiques qui est donné au sein de la chaîne

  3   de commandement et qui dit aux subordonnés, deuxième paragraphe, après

  4   avoir condamné le crime, il dit :

  5   "Suite à la politique édictée par le commandement Suprême, le Dr Franjo

  6   Tudjman, ainsi que les instructions du ministre de la Défense et de

  7   l'administration politique du ministère de la Défense de la République de

  8   Croatie, il est nécessaire d'empêcher immédiatement ce qui suit… la mise à

  9   feu et la destruction d'installations… le meurtre de bétail; la

 10   confiscation des propriétés; et la conduite inadéquate envers les civils et

 11   les prisonniers de guerre…"

 12   Donc l'Accusation peut peut-être dire qu'il vous faut tirer une conclusion,

 13   mais la conclusion qu'ils vous demandent de tirer est selon elle la seule

 14   conclusion raisonnable à tirer au vu des éléments de preuve présentés, mais

 15   ils n'expliquent pas pourquoi il convient de procéder de la sorte. Or, il

 16   est clair que ce sont des conversations privées, des messages privés qui

 17   sont envoyés entre les membres du gouvernement croate. Ce sont des messages

 18   qui déterminent quelles sont les politiques à mettre en œuvre. Vous n'avez

 19   aucun élément de preuve fourni par l'Accusation qui contredise à un moment

 20   ou à un autre ce message qui est à l'écran, la note d'une personne disant,

 21   Après tout, n'appliquez pas les ordres trop expressément; ne procédez pas à

 22   des enquête de façon trop diligente.

 23   Au vu de ce que renferme chaque élément important en l'espèce, le général

 24   Gotovina vous demande de prendre en compte l'hypothèse la plus simple; or,

 25   l'Accusation fait le contraire. Regardons un peu quels sont les propos de

 26   chaque partie sur les éléments-clés. 

 27   Tout d'abord, paragraphes 121 et 352 du mémoire en clôture de l'Accusation.

 28   Dans son mémoire en clôture, pour la première fois, l'Accusation a ajouté


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  1   une nouvelle allégation portant sur la participation du général Gotovina

  2   sur l'ECC alléguée. Il y est maintenant allégué que l'une des quatre façons

  3   dont le général Gotovina a participé à cette entreprise était en s'assurant

  4   que le général Cermak deviendrait l'intermédiaire principal en ce qui

  5   concerne les réclamations des représentants internationaux, et il l'aurait

  6   fait en disant au général Forand, le 8 août, que toute plainte des

  7   internationaux, y compris les plaintes à propos des crimes, devaient être

  8   envoyées directement au général Cermak. Cela n'a jamais été présenté à qui

  9   que ce soit au cours du procès. Cette allégation n'est pas à l'ordre

 10   d'accusation, n'est pas dans les propos liminaires du bureau du Procureur,

 11   n'a pas été soulevée lors des arguments au 98 bis. L'Accusation donc a

 12   empêché la Chambre et la Défense d'explorer un peu cette allégation. Mais

 13   cette allégation est fausse car la théorie est fausse. Les faits le

 14   montrent bien.

 15   Regardez la pièce D297, qui est l'agenda du général Forand pour le 6 août,

 16   il y a une réunion avec le "gouverneur militaire" que les forces des

 17   Nations Unies en Croatie ont envoyé au ONURC du HV, d'après le Témoin

 18   Lukavic.

 19   Ensuite la pièce D1667, ce sont les notes de Tony Banbury, qui est

 20   l'assistant de M. Akashi, lors d'une réunion qui a eu lieu le 7 août entre

 21   le général Cermak, le général Forand, John Alstrom et M. Akashi. A la page

 22   39, en bas de cette page, on voit clairement que le général Cermak a dit :

 23   "Nous allons organiser une réunion entre mes équipes et les vôtres. Le QG

 24   de Knin sera toujours ouvert pour vous…"

 25   Page suivante maintenant, le général Forand se plaint de la liberté de

 26   mouvement, et il lui dit : "Si vous avez des problèmes, venez me voir."

 27   C'était la veille de la rencontre de Gotovina avec Forand. Ce qu'allègue

 28   l'Accusation est faux. Cet argument est sorti du chapeau au dernier moment,


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  1   parce que l'Accusation ne peut tout simplement pas trouver de point de base

  2   soulevé par la Défense pour étayer ce qu'il a dit, c'est-à-dire que

  3   personne n'aurait été voir le général Gotovina pour parler des problèmes de

  4   crimes après l'opération Tempête. L'Accusation essaye, certes, de dire que

  5   de toute façon les représentants croates étaient tous dans la même

  6   entreprise criminelle commune. Bien sûr, ils ne voulaient certainement pas

  7   aller voir la personne qui pourrait régler le problème; ça, ça fait partie

  8   de leur théorie du complot à nouveau. Mais ils ne peuvent pas répondre

  9   pourquoi les représentants internationaux non plus n'allaient pas voir le

 10   général Gotovina donc en jouant à l'avocat du diable. Ils ont tourné les

 11   choses et ont dit c'est sans doute parce que le général Gotovina a fait

 12   quelque chose de perfide pour dévier l'attention des internationaux pour

 13   faire aboutir son entreprise criminelle commune, et donc le fait que le

 14   général n'ait pas averti qui que ce soit est bien la preuve de sa

 15   culpabilité.

 16   Mais là on en revient encore à cette théorie de la conspiration. Au

 17   paragraphe 121 de son mémoire, l'Accusation déclare aussi que le général

 18   Gotovina a participé à l'entreprise criminelle commune en ne prenant pas

 19   les mesures raisonnables et nécessaires. Or, nous avons appelé un témoin

 20   expert, le général Jones, qui est un général trois étoiles des Etats-Unis

 21   avec 36 ans d'expérience dans l'armée, qui est venu pour parler des mesures

 22   raisonnables et nécessaires. Tout simplement parce que l'Accusation,

 23   quelques semaines avant la fin de la présentation de ses moyens, a décidé

 24   de ne pas appeler son propre expert, le général Pringle, pour qu'il parle

 25   de ce qu'il pensait que le général Gotovina avait fait en matière de

 26   mesures raisonnables et nécessaires au vu des circonstances.

 27   C'est pour ça que nous, nous avons appelé le général Gotovina [comme

 28   interprété] qui a témoigné lors de l'interrogatoire principal pour dire que


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  1   Gotovina avait pris toutes les mesures raisonnables et nécessaires avant,

  2   après et pendant l'opération Tempête, et il a d'ailleurs rajouté qu'il ne

  3   pouvait pas voir ce qu'il aurait fait d'autre que ce qu'avait fait le

  4   général Gotovina s'il avait été à sa place. Pendant tout ce témoignage au

  5   cours de l'interrogatoire principal, la Défense Gotovina a contesté la

  6   thèse de l'Accusation, en application de l'article 90(H) : L'Accusation

  7   devait absolument dire quelles étaient ces fameuses mesures raisonnables et

  8   nécessaires que le général Gotovina aurait dû prendre et qu'il n'avait pas

  9   prises. Mais la seule chose qu'ils ont pu nous présenter, c'est ce que l'on

 10   peut trouver aux notes de bas de page 1 048, 1 050 et 1 051 du mémoire en

 11   clôture de la Défense Gotovina.

 12   Etant donné que les arguments soulevés par l'Accusation ont été balayés au

 13   cours du procès lors du contre-interrogatoire du général Jones,

 14   l'Accusation maintenant avance de nouveaux arguments à propos de ces

 15   fameuses mesures raisonnables et nécessaires qui n'avaient jamais été

 16   présentés lors du procès. Pour le compte rendu, nous tenons à dire que nous

 17   ne sommes pas d'accord avec cette façon de procéder, parce que cela empêche

 18   la Chambre de première instance et le général Gotovina de contester ces

 19   théories, de contre-interroger les témoins à propos de ces théories et de

 20   trouver ses propres témoins pour rejeter ces allégations. Maintenant,

 21   lorsque l'Accusation avait plus tôt avancé ses arguments lorsqu'il y avait

 22   un général trois étoiles dans le box des témoins. C'était à ce moment-là

 23   qu'il aurait fallu parler au général Jones et avancer ces nouvelles

 24   théories. La Chambre de première instance maintenant ne peut plus vérifier

 25   ces nouvelles théories qui ont été présentées par l'Accusation, et de ce

 26   fait, elle devrait les écarter. Vous devriez plutôt vous baser sur le

 27   témoignage du général Jones, l'expert, et bien relire ses réponses lors du

 28   contre-interrogatoire. Mais vous ne devez pas vous fonder sur les opinions


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  1   brutales données par le conseil de l'Accusation, et rien d'autre.

  2   Maintenant, parlons du contrôle effectif. Tout d'abord, je tiens à dire en

  3   préface, en préambule, qu'au cours de toute la discussion hier à propos des

  4   mesures raisonnables et nécessaires, du contrôle effectif, ou du délai

  5   d'avertissement nécessaire, on ne vous a jamais parlé du critère de la

  6   charge de la preuve et des critères qui étaient applicables. Donc comme

  7   vous le savez, la Chambre de première instance a déclaré qu'en ce qui

  8   concerne tout élément de la responsabilité du commandement, l'Accusation

  9   doit prouver sa thèse, et ce, au-delà de tout doute raisonnable. Ce qui

 10   signifie bien que vous devez conclure que la seule interprétation des

 11   moyens de preuve est que le général Gotovina avait bel et bien le contrôle

 12   effectif de ses troupes, avait bel et bien été averti en temps et heure,

 13   avait bel et bien échoué à prendre les mesures nécessaires et raisonnables.

 14   Il faut que vous puissiez prouver cela en vous basant sur les éléments de

 15   preuve, et ce, au-delà de tout doute raisonnable.

 16   Mais revenons-en au contrôle effectif, la Chambre de première instance a

 17   demandé que nous commentions l'article 87 du protocole de la convention de

 18   Genève. Il y est écrit, il est évident que l'obligation s'applique dans le

 19   contexte des responsabilités telles qu'elles ont évolué, telles qu'elles

 20   existent au sein des différents niveaux hiérarchiques, et que les devoirs

 21   d'un sous-officier ne sont pas les mêmes que ceux d'un commandement de

 22   bataillon, et que les devoirs d'un commandement de bataillon ne sont pas

 23   les mêmes que ceux d'un commandement de division.

 24   Donc la Chambre de première instance a demandé à l'Accusation de bien

 25   expliquer ce point, mais hier on vous a dit que ce commentaire de toute

 26   façon ne sert à rien, ce commentaire de l'article 87. Donc on vous dit ici

 27   que l'obligation -- mais on ne vous a jamais dit, en fait, que l'obligation

 28   s'applique aux responsabilités, mais à différents niveaux de


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  1   responsabilités et quels sont ces différents niveaux de responsabilités.

  2   Donc l'Accusation considère toujours que le général Gotovina, qui était en

  3   haut de la chaîne de commandement, aurait dû prendre des mesures qu'un

  4   sous-officier subalterne sur le terrain aurait dû prendre.

  5   De plus, nous réfutons l'affirmation de l'Accusation selon laquelle nous

  6   aurions déformé la décision dans l'arrêt Oric, la décision dans l'arrêt

  7   Oric. Nous l'avons pourtant citée. Mais l'Accusation a décidé d'écarter un

  8   passage :

  9   "La question de savoir si du fait de la proximité ou de

 10   l'éloignement, le contrôle supérieur a bel et bien un contrôle effectif et,

 11   en fait, doit reposer sur les éléments de preuve uniquement et non pas sur

 12   le droit."

 13   Donc ceci se trouve au paragraphe 618 de notre mémoire et nous avons

 14   soulevé ce point sans aucune réponse de la part de l'Accusation.

 15   Maintenant parlons de Grahovo. Le général Jones a témoigné qu'avant

 16   l'opération "Storm," le général Gotovina avait pris toutes les mesures

 17   nécessaires et raisonnables après l'opération de Grahovo pour prévenir et

 18   punir les crimes éventuels. L'Accusation n'a présenté aucun témoignage

 19   d'expert pour contredire l'opinion qui nous a été donnée par le général

 20   Jones. De plus, l'Accusation écarte complètement le contexte dans lequel le

 21   général Gotovina opérait après l'opération de Grahovo, avant l'opération

 22   Tempête. Pour le cas de l'opération Vaganj qui est complètement passée sous

 23   silence par l'Accusation, ainsi que le fait que la direction croate était

 24   au courant du fait que les Serbes étaient en train de planifier une attaque

 25   par les forces placées sous le commandement de Ratko Mladic contre les

 26   forces du général Gotovina dans la zone de Grahovo-Glamoc. Il s'est avéré

 27   que c'était exact, parce qu'on a vu arriver le Corps de la Drina de la VRS

 28   dans la zone de Grahovo le 9 août. C'est dans ce contexte-là que le général


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  1   Gotovina s'est trouvé face à un danger imminent, et il a fallu qu'il prenne

  2   des mesures qui étaient raisonnables compte tenu de la situation.

  3   L'Accusation affirme à tort au paragraphe 151 - et nous l'avons entendu

  4   hier - je cite, que :

  5   "Le général Gotovina a pris des mesures afin de dissimuler les crimes

  6   commis par ses subordonnés à Grahovo" et qu'en fait "il a fait ça en

  7   donnant l'ordre de faire rapport par le biais d'un messager que Glamoc et

  8   Grahovo ont été pilonnés par des bombes au phosphore."

  9   En fait, ce qu'affirme le général Gotovina est la vérité. Les zones

 10   plus larges de Grahovo et de Glamoc, c'est-à-dire les zones boisées, ont

 11   bel et bien été touchées par des bombes au phosphore par la HV. C'est la

 12   pièce D1980. En fait, Ratko Mladic le consigne dans son journal en date du

 13   2 août. Conformément à cela, l'Accusation se trompe, Gotovina ne dissimule

 14   rien. Pendant les quatre années et demie entre les mains de l'entreprise

 15   criminelle commune des Serbes, il y a eu beaucoup de souffrances.

 16   Il n'y a personne qui n'aurait pas souffert en Croatie pendant la

 17   guerre, à commencer par Vukovar et Ilok à l'est, jusqu'à Dubrovnik et

 18   Prevlaka à l'extrémité sud. Théoriquement, quasiment tout Croate aurait eu

 19   une raison de se venger. L'Accusation ne conteste pas le droit qui serait

 20   celui de la Croatie de reprendre ses îles, mais conteste le droit de la

 21   Croatie de se servir des Croates pour le faire.

 22   Parlons maintenant des mesures nécessaires et raisonnables. Comme

 23   nous l'avons dit tout au long du procès, Gotovina a pris des mesures

 24   nécessaires et raisonnables afin d'empêcher et de sanctionner les crimes

 25   avant et pendant l'opération Tempête. Penchez-vous sur les éléments de

 26   preuve. Le général Gotovina était présent lorsque le ministre Susak a

 27   relayé les conditions américaines le 2 août à l'ensemble de la direction

 28   militaire, et cela compromet les responsables de la région militaire. Je


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  1   parle de la pièce D409. Comme l'a témoigné Lausic, Susak a aussi ordonné

  2   que des mesures soient prises afin d'empêcher tout comportement qui aurait

  3   exigé que les soldats se retrouvent traînés devant les tribunaux. Page du

  4   compte rendu d'audience 15 166, 14 à 22.

  5   Le bureau du Procureur affirme au paragraphe 16 de son mémoire que

  6   l'ordre de Susak qui a été donné en privé à la direction la plus haut

  7   placée était, en fait, un ordre pour la pure forme "qui avait pour objectif

  8   d'éviter toute responsabilité pénale en engagement de la responsabilité."

  9   Le Procureur, bien entendu, ne dit pas ceux devant qui Susak faisait

 10   cela pour la forme. Et nous n'avons aucun élément de preuve dans le dossier

 11   de l'affaire, sous forme de témoignage d'un témoin, de transcription

 12   présidentielle ou autre pour étayer la conclusion du bureau du Procureur.

 13   Encore une fois, allons au plus simple. L'Accusation affirme que lorsque

 14   Susak dit en privé à la direction militaire qu'il convient d'empêcher le

 15   pillage et les incendies, qu'en fait, il donne le feu vert pour qu'on s'y

 16   livre au pillage et à l'incendie.

 17   Le général Gotovina a donné des ordres explicites avant l'opération

 18   Tempête avant d'éliminer toute activité criminelle et conformément aux

 19   conditions américaines et aux instructions Susak. Je me réfère à la pièce

 20   D201, page 2. Voilà ce qu'il ordonne :

 21   "Les unités doivent être au courant de la nécessité d'éliminer tous méfaits

 22   qui pourraient se produire au cours des opérations de combat, se focaliser

 23   en particulier sur le fait qu'il convient d'empêcher le pillage et la

 24   destruction des zones peuplées et des villes."

 25   Donc même si Gotovina a ordonné qu'on élimine tout comportement négatif,

 26   l'Accusation affirme que cet ordre signifiait que les unités devaient

 27   protéger les zones peuplées et incendier les zones rurales. Paragraphes 156

 28   et 157 du mémoire de l'Accusation.


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  1   "Si l'on montre que Gotovina et le commandement de Split s'attendaient à ce

  2   qu'il y ait des incendies et des destructions et acceptaient par

  3   anticipation la destruction des zones rurales.

  4   "Conformément à ces instructions et à la polarisation des membres de

  5   l'entreprise criminelle commune sur la colonisation rapide des localités

  6   plus importantes dans la Krajina, les forces croates ne se sont pas

  7   vraiment prises en ville plus importantes, mais en fait ont dévasté les

  8   zones rurales dans le secteur sud."

  9   Et là nous avons une autre contradiction fondamentale dans la thèse de

 10   l'Accusation. L'Accusation n'affirme pas que Gotovina émette des ordres qui

 11   sont faibles, qui sont sans efficacité. Ça c'est ce qu'ils font plus tard.

 12   Ici, ils disent que ces ordres sont effectifs, en fait, efficaces, que le

 13   général Gotovina émet un ordre afin de protéger les localités plus

 14   importantes et que cet ordre est traduit dans les faits, mais que c'est

 15   délibérément que le général Gotovina ne signale pas les zones rurales et

 16   qu'apparemment, il laisse comprendre qu'il souhaite qu'on les incendies.

 17   Là encore, l'Accusation affirme que le général Gotovina a donné des ordres

 18   qui ont été suivis d'effets.

 19   Alors je m'adresse à vous, Madame, Messieurs les Juges. Cette

 20   interprétation, est-ce la seule interprétation raisonnable de cet ordre,

 21   celle qui est fournie par l'Accusation ? Mais n'a aucun sens. Nous

 22   affirmons à notre tour que lorsque le général Gotovina demande que l'on

 23   élimine tout comportement négatif, que c'est effectivement ce qu'il entend

 24   par là. L'Accusation affirme que ça signifie, je vous ordonne d'incendier

 25   les zones rurales.

 26   Là encore, ils n'ont jamais soumis leur interprétation de cet ordre à qui

 27   que ce soit. Nous n'avons pas non plus, ne serait-ce qu'une seule preuve

 28   dans le dossier de l'affaire, nous n'avons même pas Theunens qui aurait


Page 29210

  1   suggéré une telle interprétation. Mais comme l'Accusation cherche

  2   aveuglement à obtenir une déclaration de culpabilité, elle préfère se

  3   livrer au ridicule que d'accepter un point évident.

  4   Page 2, de la pièce D201, le général Gotovina donne l'ordre, les membres

  5   des unités doivent connaîtrent leur devoir face aux civils et face aux

  6   prisonniers de guerre conformément aux conventions de Genève. Au paragraphe

  7   125, l'Accusation dit qu'il s'agit là d'une référence générique aux

  8   conventions de Genève qui est de toute évidence "inadéquate." Le général

  9   Gotovina, en fait, aurait dû détailler d'après l'Accusation ces ordres, il

 10   aurait dû préciser : Ne tuez pas, n'incendiez pas, ne torturez pas, et

 11   cetera. Mais cette affirmation n'a jamais été soumise à qui que ce soit.

 12   Mais vous avez entendu que cet ordre a été exécuté. Vous avez entendu

 13   dire qu'il y a eu des livrets qui ont été diffusés aux forces avant

 14   l'opération Tempête. Je vous réfère en pièce D533 et D1602. Le témoin Sudac

 15   a témoigné page du compte rendu d'audience 21 367, lignes 21 à 24, que les

 16   commandants, en fait, ont détaillé à l'intention de leurs subordonnés ce

 17   que le général Gotovina souhaitait.

 18   "Je me souviens," dit-il, "de ce que nous ont dit nos officiers

 19   supérieurs. C'était la guerre, et nous nous souvenions des choses les plus

 20   importantes. Ne tuez pas, ne pillez pas, ne violez pas, aidez tout ceux qui

 21   sont blessés, c'était des choses de base."

 22   De toute évidence, Madame, Messieurs les Juges, les commandants subordonnés

 23   au général Gotovina étaient capables de comprendre parfaitement ce que

 24   souhaitait le général Gotovina lorsqu'il a ordonné que les unités devaient

 25   se comporter à l'égard des civils et des prisonniers de guerre conformément

 26   aux conventions de Genève. Vous savez que les commandants subordonnés

 27   étaient, tels que commandant de la 4e Brigade de la Garde, ont relayé leurs

 28   ordres à leurs subordonnés. Pièce P1202, page 12.


Page 29211

  1   Pendant l'opération Tempête, le général Gotovina continuait de souligner

  2   l'importance d'empêcher le crime. Dans la soirée du 4 août, l'officier

  3   chargé des affaires politiques lors du briefing du soir appelle à tous les

  4   commandants que Knin ne doit pas connaître le même sort que Grahovo. Puis

  5   dans la matinée du 5 août, le général Gotovina ordonne personnellement que

  6   l'on se comporte avec tous les égards possibles face aux civils et les

  7   membres des Nations Unies dans tous les groupes opérationnels et que tous

  8   les commandants et cela concerne toutes les forces qui vont rentrer dans

  9   les zones peuplées telles que Knin.

 10   Le 6 août, vous avez vu la vidéo de Knin où le général Gotovina demande 

 11   qu'on se comporte correctement, il demande cela à ses subordonnés.

 12   Là encore, l'Accusation se contredit là-dessus. Premièrement, elle

 13   affirme au paragraphe 166, comme Cermak l'a remarqué, Gotovina n'a pas été

 14   troublé par les crimes et par ce qu'avaient fait les militaires. Il était

 15   troublé, parce que la ville était sale et qu'on n'a pas érigé les emblèmes

 16   de l'Etat. Puis ils ont dû, au paragraphe 358, rédigé cette partie qui

 17   concerne Cermak, mais apparemment ce n'est pas le même auteur que celui qui

 18   traite l'accusé Gotovina. Là il dit, Cermak entend Gotovina administrer au

 19   commandant de la HV pour le pillage et les méfaits commis par les soldats

 20   de la HV. Donc est-ce que c'est bien ce qu'il a fait, comme c'est évident

 21   d'après la vidéo, ou bien il ne s'en préoccupait pas, parce que la seule

 22   chose qui le préoccupait c'était le fait que la ville était sale ?

 23   Raisonnablement, on ne pourrait pas regarder cette vidéo et dire que le

 24   général Gotovina ne s'est pas effectivement préoccupé d'empêcher et de

 25   sanctionner le crime.

 26   Le 10 août maintenant, le général Gotovina émet une autre pièce que nous

 27   allons voir à l'aide du logiciel Sanction. Il s'agit de la pièce D204.

 28   De prime abord, dans son titre, le document dit :


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  1   "Ordre pour se conformer en mesures disciplinaires militaires."

  2   Puis au point 1 -- dans l'introduction il est dit qu'il est émis afin

  3   d'empêcher tout enfreinte à la discipline et afin d'empêcher le pillage, et

  4   cetera, et cet ordre serait émis suite à l'ordre émanant du général

  5   Cervenko, et vous allez voir, qu'en fait, rien dans l'introduction ne

  6   permet de le savoir.

  7   Vous avez vu de nombreux ordres où la Chambre peut confirmer qu'il

  8   s'agit d'une procédure type, à savoir que l'on reprend toujours à l'ordre

  9   du supérieur.

 10   Au numéro 1, le général Gotovina empêche tout déplacement aléatoire des

 11   membres de la HV dans les zones libérées. Il dit :

 12   "Prenez toutes les mesures nécessaires et faites en sorte que la discipline

 13   militaire soit entièrement respectée, que l'ordre soit maintenu dans la

 14   zone de responsabilité, empêchez l'incendie criminel et tout autre

 15   comportement illégal. Prenez des mesures déterminées contre tout un, chacun

 16   qui se comporterait en contrevenant aux règles de la discipline."

 17   Vous avez vu la pièce P918 plus tôt ce matin. Non seulement il est dit

 18   quelle est la politique de l'Etat, qu'elle est la politique du président

 19   Tudjman, quelle est la politique du ministre Susak, mais nous avons ici en

 20   gros en coopération avec le SIS et la police militaire prenez des mesures

 21   répressives et lancez des mesures disciplinaires contre ceux qui ne se

 22   conforment pas aux instructions."

 23   En dépit de cela, au paragraphe 221 de son mémoire, l'Accusation

 24   affirme :

 25   "Gotovina n'a pas estimé que les crimes commis par ses subordonnés

 26   contre les Serbes et contre leurs biens constituaient un problème eu égard

 27   à la discipline militaire."

 28   Au paragraphe 223, ils disent :


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  1   "Gotovina ordres [comme interprété] ne comportent pas d'instructions

  2   explicites adressées à ses subordonnés d'imposer des mesures

  3   disciplinaires."

  4   Et là, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, le seul

  5   moyen d'arriver à cette conclusion, c'est lorsqu'on ne prend pas en compte

  6   la pièce D204. C'est la seule explication raisonnable des éléments de

  7   preuve, donc la charge de la preuve repose sur l'Accusation. Qui plus est,

  8   ils ne soumettent jamais cette interprétation au général Jones lorsqu'ils

  9   avaient l'obligation de le faire en application de 90(H).

 10   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, le général Lausic

 11   est venu déposer et il a dit que les mesures disciplinaires les plus

 12   efficaces à leur disposition étaient de démobiliser les hommes. Il s'agit

 13   de la pièce P2159, paragraphes 191 et 211. En outre, le Témoin Botteri

 14   confirme cela. L'Accusation ne représente pas de manière exacte les

 15   éléments de preuve fournis par Lausic.

 16   Il s'agit là encore de la pièce 2159 et des paragraphes 35 et 36 de

 17   la déposition de Mate Lausic. Il dit, Mais quel est le rôle du SIS, et

 18   c'est important pour réagir à l'argument de l'Accusation avancé hier, à

 19   savoir qui avait le droit de commander le département des affaires

 20   politiques et le SIS. Voyez précisément comment Lausic explique le rôle

 21   joué par les affaires politiques. Et il dit, il appartenait au SIS de

 22   remarquer et de rendre compte des problèmes au commandant et d'éliminer

 23   toute personne de l'unité, d'en écarter toute personne qui était

 24   susceptible de constituer un problème.

 25   "Par exemple, un officier du SIS informe le commandant du bataillon

 26   qu'un membre devrait être démobilisé. Puis le commandant dit, par exemple,

 27   'O.K.,'" laissons-le ici, il est bien. Le SIS continue à intervenir jusqu'à

 28   Zagreb s'il le faut, donc jusqu'aux échelons les plus élevés de


Page 29214

  1   l'hiérarchie.

  2   Mais la question est celle aussi de la coordination avec la Région

  3   militaire de Split.

  4   Néanmoins, l'Accusation souligne que la démobilisation "était une

  5   tentative par Gotovina et ses commandants subordonnés d'absoudre toute

  6   responsabilité des éléments criminels au sein de la HV."

  7   Prenons le paragraphe 231. Bien sûr, on ne trouve pas la moindre note

  8   en bas de page dans les propositions de l'Accusation à ce sujet. Pourquoi ?

  9   Parce que l'Accusation a tout inventé. Il n'existe pas le moindre élément

 10   de preuve à l'appui de cette opinion. Personne n'a témoigné à ce sujet.

 11   L'Accusation n'a même pas soumis cette proposition à qui que ce soit en

 12   l'espèce; elle ne l'a pas soumise à Lausic, elle ne l'a pas soumise à

 13   Jones, et pas même à Theunens. En fait, ce que l'on vous a proposé sur

 14   cette question de la démobilisation ne constitue qu'un avis du représentant

 15   de l'Accusation. Autrement dit, ce n'est pas un élément de preuve opportun

 16   en l'espèce. En fait, les seuls éléments de preuve contenus dans le dossier

 17   concernent Lausic et Botteri, à savoir que la démobilisation était la

 18   mesure disciplinaire la plus efficace dans les circonstances en question.

 19   L'Accusation affirme également dans son mémoire qu'il n'y a pas le

 20   moindre élément de preuve qu'un seul soldat aurait été démobilisé suite à

 21   des poursuites pour crime. Paragraphe 233. Ceci est faux. Je vous renvoie,

 22   par exemple, à plusieurs exemples que l'on trouve dans la pièce D1381. Par

 23   ailleurs, nous avons le Témoin Perkovic, qui était un témoin de vive voix,

 24   qui a déclaré dans sa déposition qu'il avait été démobilisé suite à une

 25   présumée action criminelle de sa part et après avoir été poursuivi pour les

 26   meurtres de Varivode. Page 19 527 du compte rendu d'audience; page 19 546 à

 27   19 547, ligne 7 du compte rendu d'audience.

 28   L'Accusation prétend, au paragraphe 155 de son mémoire, que le


Page 29215

  1   général Gotovina n'a pas ordonné que lui soit fait rapport ou qu'il n'a pas

  2   ordonné le moindre suivi de l'application de ses ordres visant à prévenir

  3   et à punir le crime. Mme Gustafson a déclaré hier que le général Gotovina

  4   "s'attendait à ce que ses ordres ne soient pas exécutés, et lorsqu'ils

  5   l'ont été, il n'a pas souhaité être informé."

  6   En fait, comme l'Accusation le sait très bien, et d'après nous l'a admis

  7   implicitement à la fin de son exposé d'hier, le général Gotovina n'avait

  8   pas à émettre un ordre distinct pour qu'il lui soit fait rapport sur

  9   l'application de ces ordres, parce que ceci était déjà le travail des

 10   responsables des affaires politiques et du SIS. En fait, ces deux instances

 11   ont fait rapport au général Gotovina sur l'application de ces ordres, et

 12   nous avons ces rapports au dossier de l'espèce; pièces D874, D810, P1133 et

 13   P1134.

 14   Après avoir commencé par affirmer que les ordres du général Gotovina ne

 15   concernaient pas la nécessité de lui faire rapport, l'Accusation, par la

 16   suite, a essayé d'affirmer que les affaires politiques étaient subordonnées

 17   au général Gotovina et que cette partie du travail du responsable des

 18   affaires politiques de l'état-major de la région militaire de Split était

 19   "supervisée." Bien, la supervision concernait quoi ? Supervision de

 20   l'application des ordres du général Gotovina.

 21   L'Accusation ne peut pas jouer sur les deux tableaux avec les éléments de

 22   preuve et laisser de côté certains éléments de preuve que je viens de

 23   citer, ce qui a été fait très manifestement, à savoir tous les documents

 24   relatifs au suivi de l'application des ordres du général Gotovina.

 25   Nous voyons également qu'aux réunions du soir, la police militaire faisait

 26   connaître l'existence de tel ou tel problème au niveau de la hiérarchie.

 27   Ceci figure dans la pièce P71. Nous avons vu aussi que des commandants

 28   rendaient compte de l'existence de problèmes durant ces réunions


Page 29216

  1   d'information du soir. Pièce P71 encore une fois, page 116. Et nous voyons

  2   que dès lors qu'un problème était signalé, il était fait rapport au général

  3   Gotovina et que celui-ci prenait des mesures.

  4   L'Accusation ne peut pas continuer à s'exprimer comme si le général

  5   Gotovina avait émis des ordres efficaces en parlant ensuite d'ordres

  6   inefficaces de sa part. La position de l'Accusation dépend uniquement du

  7   contexte à cet égard, à savoir est-ce que dans tel ou tel contexte le

  8   général Gotovina serait davantage discrédité si l'Accusation défendait

  9   l'argument que ses ordres avaient été efficaces ou que ses ordres avaient

 10   été inefficaces eu égard à l'artillerie. Ses ordres destinés à protéger les

 11   Nations Unies sont présentés par l'Accusation comme efficaces. Paragraphe

 12   17. Ses ordres destinés à ne pas frapper le camp de l'ONURC ont été

 13   efficaces, d'après l'Accusation. Et comme je viens de vous le montrer il y

 14   a quelques instants, aux paragraphes 156 et 157, l'Accusation affirme que

 15   les ordres du général Gotovina visant à protéger la population par rapport

 16   aux incendies ont été efficaces.

 17   Pourtant, au paragraphe 192, l'Accusation affirme que les ordres répétés du

 18   général Gotovina ont encouragé la commission de crimes. L'Accusation ne

 19   peut pas affirmer d'une part que le général Gotovina émettait des ordres

 20   visant à arrêter les crimes pour ensuite balayer tout cela d'un revers de

 21   main en déclarant que ses ordres ont été inefficaces, et ce, en se fondant

 22   sur la prémisse que les ordres efficaces du général Gotovina visant à

 23   protéger des villes importantes par rapport aux incendies ont été

 24   respectés. Pourquoi est-ce que le général Gotovina penserait que ses ordres

 25   ont été efficaces dans les grandes villes, mais penserait que ses ordres

 26   visant à protéger les zones rurales des incendies, des actes de pillage,

 27   sans prendre la moindre action disciplinaire, auraient été inefficaces,

 28   bien, ceci reste sans explication de la part de l'Accusation. Il n'y a


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  1   aucune logique dans les arguments de l'Accusation.

  2   Par ailleurs, comme l'Accusation vous l'a expliqué, un subordonné est censé

  3   savoir quels sont les ordres qu'il doit appliquer et quels sont les ordres

  4   qu'il doit ignorer. Encore une fois, comment est-ce qu'un subordonné aurait

  5   la capacité de comprendre les intentions du général Gotovina de protéger

  6   des grandes villes sans dénoter son intention réelle qui aurait été de

  7   faire commettre des crimes en d'autres endroits ?

  8   Passons au paragraphe 164 du mémoire de l'Accusation.

  9   Milieu du paragraphe :

 10   "Bien que Gotovina ait émis des ordres qui reconnaissaient la commission de

 11   ces crimes et prévoyaient - en tout cas à première vue - des mesures visant

 12   à empêcher qu'ils continuent à être commis, le contenu de ces ordres, le

 13   moment où ils ont été émis et le nombre de ces ordres révèle que Gotovina

 14   ne faisait que semblant de prévenir ces crimes tout en autorisant qu'ils

 15   continuent à être commis."

 16   Il aurait prétendu quoi à l'égard de qui, Monsieur le Président, Madame,

 17   Monsieur les Juges ? Est-ce qu'il aurait prétendu cela à l'égard de ses

 18   subordonnés ? Nous voyons que le général Gotovina a émis des ordres

 19   confidentiels. Il n'émet pas des ordres destinés à la presse

 20   internationale. Alors, il aurait prétendu quoi à l'égard de qui, c'est ce

 21   que je demande à l'Accusation. Cet argument est véritablement ridicule,

 22   sans parler de la seule explication raisonnable à la lecture des éléments

 23   de preuve. Par ailleurs, encore une fois, l'Accusation n'a soumis cet

 24   argument à aucun témoin en espèce. Pas au général Jones, et pas même à M.

 25   Theunens.

 26   L'Accusation soutient que des ordres multiples ont été émis qui visaient à

 27   arrêter les crimes, "il ne serait que logique," dit l'Accusation, de

 28   conclure que Gotovina encourageait le crime. Encore une fois, pas de note


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  1   en bas de page à ce sujet.

  2   Il va vous falloir déterminer, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

  3   Juges, si la logique de l'Accusation est logique ou si vous êtes désireux

  4   d'adopter la seule interprétation raisonnable des éléments de preuve.

  5   Au paragraphe 718 -- j'appelle maintenant votre attention sur les

  6   affirmations de l'Accusation quant aux mesures que le général Gotovina

  7   aurait pu prendre, qui sont évoquées au paragraphe 718 de notre mémoire.

  8   Nous expliquons que ce critère réside dans la nécessité des mesures qui

  9   doivent être opportunes et que pour en juger, il faut déterminer la

 10   sincérité de celui qui aurait voulu empêcher ou punir; et des mesures

 11   raisonnables sont des mesures qui relèvent des pouvoirs hiérarchiques d'un

 12   supérieur.

 13   Alors, la plupart des mesures que l'Accusation a présentées dans son

 14   mémoire n'ont jamais été présentées à qui que ce soit. Selon ce qu'a dit

 15   l'Accusation hier, ces mesures étaient "simplement des mesures évidentes."

 16   Pourtant, l'Accusation, pour une raison ou pour une autre, n'a jamais

 17   soumis ces mesures simples et évidentes à quelque témoin que ce soit au

 18   cours des deux ans et demi qu'a duré le procès.

 19   Ce que vous avez entendu hier au sujet de ces mesures à l'encontre du 134e

 20   Régiment des Gardes qui n'auraient reposé sur aucune expertise militaire.

 21   L'Accusation défend une opinion qui est la seule opinion du représentant du

 22   Procureur qui s'exprime sur ce point. Cette opinion n'a été présentée à

 23   aucun témoin. Ce sont des interprétations qui ont été crées de toutes

 24   pièces.

 25   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, lorsque l'on compare les

 26   arguments de la Défense à ceux de l'Accusation, nous vous demandons de

 27   remarquer que nous avons cité un témoin expert, qui a déclaré dans sa

 28   déposition qu'il aurait lui-même choisi les mesures choisies par le général


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  1   Gotovina comme étant des mesures nécessaires et raisonnables. Eu égard aux

  2   mesures proposées par l'Accusation hier, aucun témoin ne s'est exprimé dans

  3   sa déposition en déclarant qu'il aurait lui-même pris ces mesures.

  4   Néanmoins, la plupart des mesures proposées par l'Accusation ont, en fait,

  5   été mises en œuvre. Comme l'a déjà dit le général Gotovina, il n'avait pas

  6   à émettre un ordre distinct à ce sujet -- il n'avait pas à demander qu'on

  7   lui fasse rapport quant à l'application de ses ordres. Le général Gotovina

  8   a émis des ordres visant à faire respecter les mesures disciplinaires,

  9   comme on le voit dans les pièces D204 et P918.

 10   L'Accusation affirme que le général Gotovina aurait dû charger les

 11   policiers militaires de lutter contre le crime. Cette question a fait

 12   l'objet d'un débat animé et prolongé et se passe de commentaire

 13   supplémentaire. Je me contenterai de dire que nous sommes convaincus que

 14   les Juges de la Chambre ont bien compris qui exerçait le commandement eu

 15   égard au déploiement de la police militaire chargée de prévenir le crime,

 16   de mener des enquêtes et de procéder à des poursuites en justice. Par

 17   ailleurs, je souligne que lorsque l'on parle de la police militaire,

 18   l'Accusation ne cesse d'affirmer, comme on le voit au paragraphe 238 de son

 19   mémoire, que le général Gotovina a exercé "le commandement et le contrôle

 20   sur la police militaire." Ceci n'est absolument pas prouvé par les éléments

 21   de preuve. L'article 8 indique clairement que le commandement et le

 22   contrôle étaient la seule responsabilité de Lausic. Il est évident que

 23   l'Accusation n'a toujours pas compris la différence entre les concepts de

 24   commandement et de contrôle et que le commandement est pour l'Accusation un

 25   synonyme de contrôle, ce qui n'est pas le cas.

 26   Monsieur le Président, vous avez essayé d'alerter les parties par rapport à

 27   cette distinction, page 2 395, lignes 8 à 19 du compte rendu d'audience,

 28   comme l'a d'ailleurs fait le général Forand, pages 4 343 du compte rendu


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  1   d'audience, ligne 22, à page 4 344, ligne 4. Malheureusement, l'Accusation

  2   n'a toujours pas compris cette distinction.

  3   L'Accusation affirme que le général Gotovina aurait dû imposer des couvre-

  4   feux militaires en Croatie. Cet argument montre l'ignorance qui est celle

  5   de l'Accusation par rapport au droit croate, car ce qu'affirme l'Accusation

  6   revient à dire que le général Gotovina aurait dû mener à bien un coup

  7   d'Etat militaire contre le gouvernement civil. Il est clair que le général

  8   Gotovina n'avait pas les pouvoirs légaux de déclarer un couvre-feu

  9   militaire dans les zones libérées alors que l'ordre constitutionnel de

 10   Croatie avait été restauré. Manifestement, l'Accusation préfère s'appuyer

 11   encore une fois sur des arguments désespérément infondés plutôt que

 12   d'admettre l'évidence.

 13   Enfin, l'Accusation affirme que le général Gotovina aurait dû démettre de

 14   leurs fonctions ou muter certains commandants ou imposer des mesures

 15   disciplinaires à l'encontre de ces commandants. Mais ceci n'a jamais été

 16   dit avant la parution du mémoire en clôture de l'Accusation. De quels

 17   commandants s'agit-il, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges ?

 18   Et à quelles fins ceci aurait été fait ? Nous ne savons pas. Les Juges de

 19   la Chambre ne le savent pas. Parce que l'Accusation n'a pas soumis cette

 20   théorie à quelque témoin que ce soit. Elle ne l'a pas soumise à Theunens,

 21   elle ne l'a pas soumise au général Jones. L'Accusation, bien entendu, va

 22   sans doute dire que le général Gotovina aurait dû imposer la discipline à

 23   tous les commandants ou, à défaut, les démettre de leurs fonctions.

 24   Malheureusement, nous ne pouvons répondre à de telles allégations car elles

 25   n'ont jamais été évoquées avant ce jour.

 26   Alors, examinons la chose suivante : on vous demande de conclure que le

 27   général Gotovina n'a pas pris des mesures manifestement nécessaires, qui

 28   étaient évidentes, qui étaient criantes d'évidence, et cetera; on vous dit


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  1   que vous devriez conclure non seulement que le général Gotovina assume une

  2   responsabilité au titre de l'article 7(3) du Statut, mais que ses

  3   intentions étaient déterminées et que cette intention consistait à

  4   autoriser les incendies volontaires et les actes de pillage. Mais

  5   l'Accusation en même temps vous dit que des mesures évidentes auraient dû

  6   être prises alors que ces mesures n'ont jamais été évoquées avec quelque

  7   témoin que ce soit au cours des deux ans et demi du procès.

  8   Je pense que tout ceci parle de soi-même, Monsieur le Président, Madame,

  9   Monsieur les Juges. Nous avons étudié la thèse présentée par l'Accusation

 10   pendant le procès. Et tout le reste ne constitue que de nouveaux arguments

 11   qui sont dépourvus de poids et ne s'appuient sur aucun document versé au

 12   dossier.

 13   Vous devrez conclure que l'avis du général Jones est une interprétation

 14   raisonnable des éléments de preuve.

 15   Pour finir, l'Accusation ignore totalement un point fondamental présent

 16   dans notre mémoire, point fondamental que nous avons déjà évoqué lors du

 17   propos liminaire, point fondamental que nous avons évoqué au cours de

 18   l'audition d'un nombre très important de témoins en l'espèce. Ce point est

 19   ignoré dans le mémoire en clôture de l'Accusation et n'a pas été évoqué

 20   hier par l'Accusation oralement. Pourquoi est-ce que personne n'est allé

 21   voir le général Gotovina après le 6 août pour lui demander de faire quelque

 22   chose ? Comment peut-il se faire que le général Gotovina soit au

 23   commandement de la police militaire dont la coordination est confiée à

 24   Lausic eu égard aux actions entreprises par le ministère de l'Intérieur et

 25   que pourtant Lausic n'ait jamais communiqué à ce sujet avec le général

 26   Gotovina ? Comment peut-il se faire que Moric ait déclaré dans sa

 27   déposition que le nom du général Gotovina n'a jamais été évoqué dans des

 28   conversations sur ce sujet, ou que le bureau du président n'a jamais


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  1   discuté du général Gotovina en rapport avec cette question ? Ou que le

  2   général Forand écrive une lettre au général Gotovina après l'opération

  3   Tempête pour se plaindre du fait que des véhicules de l'ONURC se trouvent à

  4   des postes de contrôle, et pour se plaindre du traitement imposé par ces

  5   membres de l'ONURC aux postes de contrôle, et pour demander au général

  6   Gotovina de l'aider à rédiger son analyse sur l'opération Tempête à

  7   l'intention du gouvernement canadien ? Dans cette lettre il n'est pas dit

  8   un mot au sujet du fait que le général Gotovina, ou ses forces auraient été

  9   engagés dans des actes d'incendies volontaires et de pillages à grande

 10   échelle, et que le général Gotovina aurait dû reprendre le contrôle de ses

 11   hommes. Cette question n'est absolument pas évoquée.

 12   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, il y a eu un moment dans

 13   le procès où la Chambre de première instance a déclaré au général Cross,

 14   lorsque quelqu'un doit participer à une action, il est logique de penser

 15   qu'il doit participer à sa planification. Bien, je vous présente ce point

 16   que la Défense admet mais que l'Accusation n'admet pas.

 17   J'irai même un pas plus loin, Monsieur le Président. Il est évidemment

 18   clair que si l'on participe à l'exécution d'un acte, il est logique de

 19   penser que l'on doit être contacté à l'avance pour s'occuper de cette

 20   question. Le général Gotovina ne l'a pas été. En fait, nous avons vu que le

 21   général Cervenko, qui était le supérieur du général Gotovina, était prêt à

 22   s'adresser directement au général Gotovina chaque fois qu'il avait un souci

 23   à son sujet. Comme nous le voyons dans les allégations de mauvais

 24   traitement proférées par Alun Roberts, le général Cervenko a exigé une

 25   explication du général Gotovina et l'a obtenue. Le général Cervenko n'a

 26   jamais pris contact avec le général Gotovina pour lui dire, Vous ne

 27   remplissez pas vos obligations professionnelles eu égard à la nécessité

 28   d'imposer la discipline.


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  1   Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je conclurai en disant

  2   que les éléments sont abondants, qui montrent clairement que le général

  3   Gotovina a pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables au vu des

  4   circonstances, et que vous êtes dans l'obligation de prononcer un jugement

  5   d'acquittement.

  6   Je vais maintenant passer la parole à M. Kehoe, qui parlera des crimes de

  7   l'artillerie et d'autres questions.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe, je regarde l'horloge. Et

  9   je crois qu'il vous reste 90 minutes à moins qu'il n'y ait encore une autre

 10   division du temps.

 11   M. KEHOE : [interprétation] Le temps sera encore réparti entre nous car mon

 12   confrère, Me Akhavan, parlera une trentaine de minutes après moi.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, à ce moment-là, je vous laisse

 14   libre de décider à quel moment vous souhaitez faire la pause dans le cadre

 15   des contraintes techniques habituelles.

 16   Ne les perdez pas de vue, je vous prie.

 17   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je pense que la

 18   Chambre souhaitera que la pause se fasse à l'heure habituelle, c'est-à-dire

 19   environ à 10 heures 30.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais si vous pensez que vous en

 21   aurez terminé dix minutes après l'heure en question, vous pouvez poursuivre

 22   jusqu'à la fin de votre exposé.

 23   Veuillez procéder.

 24   M. KEHOE : [interprétation] Absolument.

 25   Avant de renter dans l'essentiel de ma plaidoirie, j'aimerais revenir

 26   rapidement aux commentaires faits par mes imminents confrères de l'autre

 27   partie sur les besoins de précision sur le fait que la Chambre de première

 28   instance doit examiner toutes citations présentées avec énormément de


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  1   prudence. Je suis sûr que vous le ferez d'ailleurs, et je sais que vous

  2   étudierez de très, très près un grand nombre d'allégations dont certaines

  3   sont extrêmement sérieuses qui sont portées contre ces trois accusés.

  4   Et je sais que lorsque l'Accusation présente des chefs d'accusation

  5   en matière d'utilisation de l'artillerie à Benkovac, Obrovac, et Gracac, il

  6   est vrai que lorsque l'on emploie l'artillerie les civils peuvent mourir ou

  7   être blessés. Je sais que la Chambre va devoir se pencher sur la mort de

  8   civils ou les blessures de civils infligées à des civils à Benkovac,

  9   Obrovac, et Gracac par l'artillerie. Tout ceci est mentionné aux

 10   paragraphes 138 et 484 du mémoire de l'Accusation. Mais il faudra étudier

 11   ces éléments de preuve pour voir comment ces personnes sont mortes ou ont

 12   été blessées. Malheureusement, la Chambre pourra chercher toujours et ne

 13   trouvera rien, parce qu'en ce qui concerne les accusations portées contre

 14   les accusés, surtout contre le général Gotovina, il n'y a finalement aucun

 15   élément de preuve qui montrerait qu'à Benkovac, Obrovac ou Gracac, des

 16   civils soient morts ou été blessés du fait de l'artillerie.

 17   Tout ce qu'on peut apprendre, en fait, du mémoire de l'Accusation,

 18   c'est qu'il faut bien vérifier quand même sur quoi ils se basent à chaque

 19   fois lorsqu'elle avance quoi que ce soit. Parce qu'elle avance beaucoup de

 20   choses. Et en plus, il faut voir dans le mémoire de l'Accusation non

 21   seulement ce que l'Accusation affirme mais aussi ce qu'elle n'affirme pas,

 22   ce qu'elle ne dit pas. Car leur silence est souvent assourdissant, et ils

 23   préfèrent se taire, souvent. Lorsqu'ils allèguent que toute la structure de

 24   la Croatie, civile et militaire, politique, était impliquée dans cette

 25   entreprise criminelle commune qui visait à s'assurer que la population

 26   serbe ne pourrait jamais remettre les pieds en Croatie, bien, au cours de

 27   leur mémoire qui fait quand même plus de 300 pages, au cours de leurs

 28   réquisitoires qui ont duré plus de six heures, ils n'ont jamais parlé du


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  1   procureur, M. Galbic, qui a témoigné devant cette Chambre en février 1996,

  2   selon lequel il avait traité 1 277 affaires suite à l'opération Tempête et

  3   qu'en février 1996 il en avait traité 1 277.

  4   Alors la Chambre devrait se demander pourquoi l'Accusation n'a pas

  5   mentionné ce qu'avait dit ce procureur croate. Est-ce que c'est parce que,

  6   comme ils le disent au paragraphe 5, il fait partie de l'entreprise

  7   criminelle commune et il y a tellement de participants qu'on ne peut pas

  8   les mentionner ? Est-ce pour cela qu'ils ont décidé de passer cela sous

  9   silence ? Non, ils ont passé cela sous silence, parce qu'ils veulent

 10   obtenir leur condamnation à tout prix.

 11   Maintenant, je vais parler des allégations portées contre le général

 12   Gotovina en ce qui concerne l'entreprise criminelle commune. Et je dirige

 13   votre attention sur le paragraphe 121 du mémoire en clôture de

 14   l'Accusation.

 15   Selon l'Accusation, le général Gotovina partageait l'objectif commun

 16   criminel de l'entreprise criminelle commune en ayant planifié, ordonné et

 17   mis en œuvre une attaque par pilonnage systématique et illégal contre les

 18   civils serbes de la Krajina dans le but de les chasser. Et ceci est

 19   présenté dans le mémoire en question de l'Accusation et les commentaires de

 20   M. Russo.

 21   Donc ceci est à la base de la théorie de l'Accusation sur la fameuse

 22   entreprise criminelle commune de Brioni qui dépend, en fait, sur la preuve

 23   que l'on peut apporter à cette campagne systématique de pilonnage, c'est la

 24   pierre angulaire de la théorie de l'Accusation. Mais malheureusement, elle

 25   ne se base sur rien. Les éléments de preuve montrent que l'utilisation de

 26   l'artillerie par la HV au cours de l'opération "Storm" correspondait

 27   parfaitement à la doctrine militaire acceptée partout, pas uniquement dans

 28   l'OTAN, pas uniquement au niveau de l'armée néerlandaise ou de l'armée


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  1   américaine, mais c'est juste la doctrine habituelle de toutes les armées du

  2   monde. Et c'est exactement ce qu'a dit la Défense Gotovina d'ailleurs au

  3   cours de nos propos liminaires, page 773 [comme interprété], lignes 6 à 24.

  4   Donc ceci est repris de façon étoffée dans les pages 50 à 86 de notre

  5   mémoire en clôture. Bien sûr, je ne vais pas répéter ce qui est déjà

  6   détaillé dans notre mémoire puisque vous l'avez demandé.

  7   Mais je vais quand même répondre à certaines des allégations soulevées par

  8   M. Russo hier. Je fais référence au compte rendu d'hier, mais

  9   malheureusement ce sont des références du brouillon du compte rendu,

 10   puisque c'est tout ce que nous avions hier soir pour travailler, je m'en

 11   excuse à l'avance.

 12   A la page 47 du compte rendu d'hier, lignes 24 à 48 -- non, de la page 47,

 13   ligne 24, à la page 48, ligne 3, M. Russo déclare, et je cite :

 14   "Tout le jargon militaire à propos du centre de gravité ou du spectre de

 15   domination à opérationnel, de bataille terre/air ou d'approche de

 16   manœuvriers ou d'autres doctrines militaires ne peut justifier les

 17   différences étonnantes que l'on a trouvées entre les soi-disant cibles de

 18   l'attaque et les endroits qui ont été pilonnés à Knin."

 19   Donc M. Russo, déjà, ne fait qu'accepter ces approches militaires, il parle

 20   d'approches militaires, alors que dans la théorie de l'Accusation ces

 21   théories militaires ne sont pas acceptées.

 22   Ensuite, M. Russo montre à la Chambre une vidéo ou soi-disant des témoins

 23   auraient vu des obus atterrir pendant l'opération Tempête, et ce, parmi les

 24   11 cibles militaires identifiées par M. Rajcic.

 25   J'aimerais avoir d'ailleurs la diapo à l'écran. Donc voici la diapo à

 26   laquelle M. Russo a fait référence hier. L'Accusation a demandé à la

 27   Chambre de conclure au vu de cette diapo que la seule interprétation

 28   raisonnable des éléments de preuve c'est que toute la ville de Knin avait


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  1   été ciblée, la totalité de la ville. Bien sûr, cette diapo ne nous prouve

  2   absolument rien, ne prouve certainement pas cela et ne prouve surtout rien

  3   du tout. Donc regardez ce qu'a fait la Chambre dans l'affaire Galovic, par

  4   exemple, on voit qu'il y a de nombreuses questions à poser. Tout d'abord,

  5   savoir si le témoin qui, à ce moment-là, était sous les obus se souvient

  6   bien des endroits où les obus sont bel et bien tombés, qu'il a indiqués sur

  7   cette carte de Knin.

  8   Prochaine question qu'il faut vous poser, si les cercles dessinés par le

  9   témoin sont bel et bien corrects. La Chambre doit connaître la

 10   concentration des tirs aussi pour savoir si ces cercles dessinés par le

 11   témoin sont probants ou non. Combien d'obus sont tombés sur ces cercles ?

 12   Un ? Cinquante ? Cent ? De plus, la Chambre devrait se demander si le

 13   cercle où cet obus serait tombé a un lien quelconque avec une cible

 14   militaire.

 15   Ce sont des questions auxquelles il faut répondre en utilisant différentes

 16   techniques, des analyses de cratères, des évaluations de dégâts, les

 17   vidéos, les photographies, et cetera. Il faut utiliser tous ces éléments de

 18   preuve, et dans les autres Chambres de première instance elles ont été

 19   toujours présentées pour étayer les charges des chefs de pilonnage illégal,

 20   mais ici nous n'avons rien eu.

 21   Hier on a vu sur cette vidéo, le fait qu'on vous a dit que plus de 1 000

 22   obus d'artillerie avaient été tirés sur Knin pendant une campagne

 23   d'artillerie qui avait duré plus de 25 heures - vous trouvez ça à la page

 24   48 du compte rendu - normalement on aurait quand même pu vous présenter des

 25   photographies, des vidéos montrant les dégâts infligés à la ville de Knin,

 26   parce que soi-disant la ville de Knin aurait été rasée, pratiquement rasée

 27   suite à cette attaque d'artillerie.

 28   De plus, la Chambre de première instance aurait aussi dû s'attendre à


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  1   étudier un grand nombre d'analyses de cratères et aussi être confrontée à

  2   un grand nombre de victimes civiles. Mais la Chambre ne pouvait pas

  3   s'attendre à ce qu'on lui dise que les tirs d'artillerie étaient concentrés

  4   contre des objectifs militaires, ce qui s'est passé lorsque -- et c'est

  5   d'ailleurs la conclusion qu'en a tiré Steinar Hjertnes, qui est un expert

  6   de l'artillerie des Nations Unies. C'est aussi la conclusion à laquelle

  7   sont arrivés les diplomates internationaux. On voit ces mêmes conclusions

  8   dans les dépêches des Etats-Unis et dans le rapport du sénateur des Etats-

  9   Unis au conseil de Sécurité. Vous le trouverez d'ailleurs aux pages 306 à

 10   313 de notre mémoire en clôture avec ses notes de bas de page.

 11   Bien sûr, tout ceci c'était avant que tout ait été manipulé par M. Roberts.

 12   La Chambre de première instance ne peut pas s'attendre à ce que le général

 13   Forand dise aux militaires canadiens, en juin 1996, que l'utilisation de

 14   l'artillerie par la HV était excellente. Vous trouverez pourtant cela à la

 15   pièce 401, page 21. Donc tous les éléments de preuve correspondent à une

 16   simple conclusion qui est celle que l'artillerie a été employée dans les

 17   règles de l'art et de la guerre.

 18   Le fait que l'Accusation n'a corroboré aucune des descriptions soi-disant

 19   alléguées de la ville de Knin avec des photographies, des vidéos, des

 20   évaluations de dommages, des analyses de cratères, le fait qu'il y ait eu

 21   énormément de morts civils, et cetera, c'est pas parce qu'ils ont attendu

 22   trois mois avant d'introduire une requête en demandant à obtenir des

 23   documents d'artillerie de la part de la l'armée de Croatie. Si

 24   l'interprétation de l'Accusation était correcte dès le départ, ce type

 25   d'éléments de preuve dont nous parlons maintenant aurait été obtenu très

 26   facilement auprès des Nations Unies et auraient été donnés au bureau du

 27   Procureur dès 1995. Mais ça n'a pas été le cas. Pourquoi ? Pourquoi est-ce

 28   qu'en 1995 on n'a rien donné au bureau du Procureur ? Tout simplement parce


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  1   que ces éléments de preuve n'existaient pas et que cette interprétation, a

  2   posteriori, par l'Accusation est tout simplement fausse.

  3   Maintenant, imaginons que le bureau du Procureur n'ait pas eu la

  4   possibilité d'enquêter sur cela en août 1995, mais dans ce cas-là étudiez

  5   la pièce P378, il s'agit d'un rapport des observateurs des Nations Unies.

  6   Donc le bureau du Procureur enquête sur cette affaire depuis le 29 août

  7   1995, lorsque Todd Cleaver du bureau du Procureur s'est rendu à Knin pour y

  8   rencontrer plusieurs personnes travaillant pour les Nations Unies. Donc si

  9   les éléments de preuve avaient existé, s'il y avait eu des éléments de

 10   preuve montrant qu'il y avait eu une attaque systématique et aveugle et

 11   illégale contre la population civile de Knin, n'est-il pas tout simple de

 12   penser que M. Cleaver aurait reçu ces éléments de preuve de la part des

 13   gens des Nations Unies lorsqu'il s'est rendu à Knin en 1995 ?

 14   En ce qui concerne les analyses de cratères, l'Accusation n'a présenté

 15   qu'une seule analyse à peu près crédible. Comme nous le disons au

 16   paragraphe 318 de notre mémoire en clôture, cette analyse c'était celle

 17   d'une roquette serbe qui avait été tirée sur Knin le 5 août. Je suis

 18   certain que vous vous en rappelez, c'était M. Munkelien et M. Anttila qui

 19   témoignaient, et leur rapport montre bien que cette roquette a été trouvée

 20   en trois endroits séparés -- en tout état de cause, il s'agissait quand

 21   même d'une roquette tirée par la RSK. Donc plutôt que d'accepter cette

 22   interprétation raisonnable des éléments de preuve présentés, l'Accusation,

 23   dans son zèle aveugle, déclare maintenant - et c'est vraiment leur thèse -

 24   elle déclare maintenant au paragraphe 605 de leur mémoire en clôture que

 25   les forces de la HV ont confisqué des lance-roquettes multiples à 8 heures

 26   55 du matin auprès des forces de l'ARSK et ont décidé de tirer sur leurs

 27   propres troupes qui sont rentrées à Knin à partir de 10 heures du matin le

 28   5 août.


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  1   Un exemple de spéculation tirée par les cheveux qui n'a aucun sens de la

  2   part de l'Accusation. Tout ceci n'est étayé par absolument rien.

  3   Ensuite, au cours de la présentation de M. Russo, il a écarté d'un revers

  4   de manche la doctrine militaire occidentale n'était que du jargon et a

  5   décidé de ne pas s'en servir comme élément de preuve. Tout ça parce que

  6   dans notre mémoire en clôture, paragraphes 235 à 250, nous avons expliqué

  7   que l'utilisation de l'artillerie au cours de l'opération "Storm" était

  8   parfaitement cohérente avec la doctrine existante. Un exemple du mépris de

  9   l'Accusation par rapport à la doctrine militaire qui amène à une conclusion

 10   erronée est le fait que l'Accusation fait valoir que le général n'aurait

 11   pas suivi parfaitement la directive de l'état-major de la HV le 26 juin

 12   1995, après la réunion de Brioni du 31 juillet. D'ailleurs, nous en parlons

 13   dans notre mémoire aux paragraphes 189 à 232 [comme interprété].

 14   L'Accusation ne comprend pas bien le fonctionnement de la chaîne de

 15   commandement au niveau stratégique et au niveau tactique. L'Accusation

 16   déclare qu'il y aurait, en fait, des cibles supplémentaires et des noms de

 17   villes supplémentaires dans l'ordre d'attaque du général Gotovina. C'est

 18   évident, parce que l'état-major principal émet un ordre, ils le font au

 19   niveau stratégique. C'est un ordre stratégique. Et lorsqu'il descend

 20   jusqu'au niveau opérationnel, donc au niveau du général Gotovina, on ajoute

 21   de nouvelles cibles, puisque là il y a à la fois les cibles stratégiques

 22   qui ont été établies par l'état-major principal de la HV et aussi les

 23   cibles opérationnelles telles quelles sont définies par les commandants

 24   opérationnels et les commandants subalternes sur le terrain.

 25   Donc plus on descend dans la chaîne, plus il y a de cibles, puisqu'on va du

 26   niveau stratégique au niveau tactique. Les cibles abordées par M. Rajcic au

 27   cours de son témoignage, qu'elles soient à Knin ou dans d'autres villes,

 28   étaient toutes des cibles qui se trouvaient au niveau opérationnel. En plus


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  1   de ces cibles stratégiques et opérationnelles, les unités subordonnées

  2   avaient aussi des cibles tactiques qu'ils engageaient au fur et à mesure de

  3   l'évolution du combat. C'est évident. Au fur et à mesure que la bataille

  4   évolue, les cibles changent, les cibles sont mobiles, c'est normal.

  5   La Défense Gotovina, précédemment, a argumenté ce point en vous présentant

  6   les pièces D1459 et D1460, où nous avons montré un petit peu en superposant

  7   deux cartes qu'elles étaient les cibles au niveau stratégique et les cibles

  8   au niveau opérationnel autour de Benkovac. Pour gagner du temps, je ne vais

  9   pas rentrer là-dedans, mais en lisant le mémoire en clôture, vous saurez

 10   exactement comment une cible stratégique peut devenir une cible tactique.

 11   Dans aucune des diapos montrées par M. Russo on parle de cibles

 12   tactiques en ce qui concerne les pilonnages de Knin, Benkovac, Obrovac et

 13   Gracac.

 14   Déjà l'Accusation ne comprend pas la doctrine militaire, mais de

 15   plus, l'Accusation ne comprend pas non plus l'importance des documents

 16   qu'ils présentent pour étayer leurs arguments. Un exemple, M. Russo s'est

 17   basé sur la pièce P2338, qui est une carte d'infanterie cryptée, pour

 18   étayer son argument; vous trouvez ça au paragraphe 594 à 605 de leur

 19   mémoire en clôture, selon lequel les lance-roquettes multiples étaient

 20   dirigés vers les zones civiles. Marko [phon] Rajcic a réfuté cela à la page

 21   16 554 du compte rendu, lignes 11 à 18. Il a expliqué d'ailleurs lors de sa

 22   déposition, page 16 554, ligne 8, à 16 556, ligne 9, que la pièce P2338 est

 23   une carte d'infanterie cryptée utilisée pour donner les coordonnées

 24   générales. Il dit toujours que pour connaître la cible bien précise, il

 25   vous faut les coordonnées X, Y et Zagreb, et la HV possédait ces trois

 26   coordonnées pour toutes cibles sur lesquelles ils ont tiré, et Rajcic l'a

 27   d'ailleurs confirmé à la pièce D1425, paragraphe 29, et lors de sa

 28   déposition, page 17 641, lignes 17 à 22.


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  1   Comme vous l'avez vu dans le support visuel présenté par M. Russo,

  2   les coordonnées S-15 et S-54 correspondent aux cibles identifiées par M.

  3   Rajcic. Et comme M. Rajcic vous dit, ce sont des points de coordonnées tout

  4   simplement. Et la S-16, celle qui nous intéresse, celle qui intéresse tout

  5   particulièrement l'Accusation, est en ligne avec les casernes du nord, qui

  6   est une autre cible opérationnelle identifiée par M. Rajcic et qui a été

  7   atteinte par la HV.

  8   Au paragraphe 601 de leur mémoire en clôture, l'Accusation essaye de

  9   corroborer leur interprétation de la pièce P2338 en affirmant que M. Jeff

 10   Hill aurait trouvé une roquette à la résidence du général Forand qui,

 11   d'après lui, se serait trouvée dans la coordonnée S-16. D'ailleurs, on le

 12   voit d'ailleurs dans le cliché suivant de la présentation de M. Russo, et

 13   c'est une identification par M. Hill de la résidence de M. Forand.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kehoe.

 15   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-vous nous expliquer exactement ce

 17   que vous voulez dire lorsque vous dites que S-16 "est orienté dans l'axe

 18   des casernes du nord."

 19   M. KEHOE : [interprétation] Oui, je vais expliquer cela --

 20   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 21   M. KEHOE : [interprétation] Le S-16 se trouve sur une ligne de tir qui vise

 22   les casernes du nord.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait voir la diapo

 24   différemment --

 25   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 26   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 27   M. KEHOE : [interprétation] Je pense que ce serait plus simple, en effet.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.


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  1   M. KEHOE : [interprétation] Donc en bas à gauche, vous avez les casernes du

  2   nord --

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  4   M. KEHOE : [interprétation] Vous voyez que les tirs étaient orientés par

  5   là. Je vais m'expliquer. M. Boucher habitait justement dans cette zone S-

  6   16, et il a témoigné pour dire qu'il y a bien et bel eu des tirs

  7   d'artillerie. Pas des lance-roquettes multiples. Des tirs d'artillerie qui

  8   venaient et qui arrivaient dans la zone S-16, et il pensait qu'il

  9   s'agissait de tirs d'artillerie qui visaient les casernes du nord.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je ne comprends pas, s'il me

 11   faut une ligne, il me faut une ligne par rapport à un point quand même, il

 12   me semble --

 13   M. KEHOE : [interprétation] Moi, je vous parle des arguments présentés par

 14   les témoins que nous avons entendu. M. Boucher qui habitait dans ce secteur

 15   S-16 et qui dit bien qu'il a assisté à des tirs d'artillerie venant de

 16   l'extérieur sur cette zone S-16 et visant la caserne du nord, mais ce

 17   n'était pas du tout des tirs de lance-roquettes multiples.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Poursuivez.

 19   M. KEHOE : [interprétation] Donc pour essayer d'étayer leurs propos,

 20   l'Accusation a dit que M. Hill a trouvé une roquette dans cette région, ce

 21   quartier où soi-disant le général Forand aurait habité.

 22   Ça semble être la roquette ici identifiée par M. Hill; vous trouverez

 23   ça au transcript 3 755, lignes 8 à 9, mais malheureusement cette roquette

 24   qu'il a trouvée ne correspond pas aux roquettes tirées par les Croates au

 25   cours de l'opération "Storm."

 26   De plus, M. Hill a fait une erreur quant à l'emplacement exact de la

 27   villa du général Forand. Le général Forand, bien sûr, a témoigné après M.

 28   Hill, et de ce fait, on n'a jamais pu demander au général s'il habitait


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  1   bien là. Mais M. Dawes, la pièce P980, déclare que lors de son deuxième

  2   voyage à Knin, il est allé dans un quartier résidentiel près de la villa de

  3   Forand. Dans la pièce suivante, la D856, on voit que l'endroit identifié

  4   par M. Dawes comme étant l'emplacement de la villa du général Forand ne

  5   correspond pas à l'endroit marqué par le témoin Hill.

  6   Le témoin de l'Accusation Boucher, lui, habitait bel et bien dans ce

  7   quartier qui est recouvert par cette zone S-16; on le voit d'ailleurs à la

  8   pièce P1179. M. Boucher a bel et bien témoigné qu'il y avait des tirs

  9   d'artillerie entrant dans cette zone, mais il déclarait qu'ils étaient

 10   dirigés vers eux et qu'il n'a jamais parlé d'un moindre lance-roquettes

 11   multiples.

 12   Enfin, la Défense fait remarquer que la pièce P2338 contient

 13   énormément de cercles, des dizaines de cercles. Pourquoi ? Parce qu'il

 14   s'agit de cartes qui sont utilisées par les membres de l'infanterie pour

 15   communiquer entre eux et pour se donner des points de référence. Donc si

 16   l'argument de l'Accusation est correct, nous faisons valoir que tous ces

 17   cercles auraient dû être mentionnés dans un grand nombre de journaux de

 18   bord tactiques ou opérationnels. Or, ils n'ont jamais été mentionnés où que

 19   ce soit.

 20   Je remarque qu'il est déjà 10 heures 30, Monsieur le Président. Nous allons

 21   passer à autre chose, mais j'ai besoin d'environ deux minutes. Qu'en

 22   pensez-vous ?

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est à vous de voir si vous préférez

 24   faire la pause et reprendre ensuite.

 25   M. KEHOE : [interprétation] Je pense qu'il est mieux que nous reprenions

 26   après la pause, parce que j'en ai pour plus longtemps que deux minutes,

 27   plutôt cinq ou dix.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons maintenant faire


Page 29236

  1   la pause et nous reprendrons à 11 heures pile.

  2   --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

  3   --- L'audience est reprise à 10 heures 57.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de reprendre, je m'adresse à

  5   l'Accusation, dans vos propos liminaires ainsi qu'hier, l'Accusation a

  6   attiré l'attention de la Chambre sur un rapport pour lequel vous affirmez

  7   qu'il est faux, sur les bombes au phosphore à Grahovo, sur leur

  8   utilisation. Il semblerait que ce soit un point de fait et la Défense

  9   s'oppose à votre version de manière très ferme. La Chambre souhaiterait que

 10   l'Accusation signale les éléments de preuve étayant votre affirmation, à

 11   savoir qu'il s'agit d'un rapport qui est faux et qui se fondera sur les

 12   éléments de preuve démontrant qu'aucune bombe au phosphore n'a été utilisée

 13   pendant l'attaque sur Grahovo. Donc si cela peut se faire ces jours-ci, ce

 14   serait très bien d'apporter ce point de précision. Peut-être que c'est une

 15   omission de notre part.

 16   M. TIEGER : [interprétation] Nous y verrons, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre.

 18   M. KEHOE : [interprétation] Oui.

 19   Juste pour continuer sur les allégations de l'Accusation au sujet de

 20   l'artillerie, de l'attaque de l'artillerie. Nous savons qu'il n'y a

 21   quasiment eu aucun dégât à Knin et nous savons également que pour ce qui

 22   est de Benkovac, Obrovac, et Gracac, qu'ils n'ont présenté aucun élément de

 23   preuve démontrant qu'il y a eu des morts de civils ou des civils blessés.

 24   Si l'on se penche encore une fois sur les éléments de preuve, on verra

 25   qu'il n'y a pas eu de morts ou de blessés en grand nombre à Knin parmi la

 26   population civile, et cela n'a pas été causé par l'activité de la HV du 4.

 27   Il y a eu des personnes qui se sont trouvées à l'hôpital, mais l'on ne sait

 28   pas qui a tué ces personnes, ce qui a causé leur mort. L'indentification de


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  1   plusieurs personnes n'a pas été faite. Donc je vous réfère maintenant au

  2   tableau de précision, 185 à 190, 200 [comme interprété] à 225. Prenons, par

  3   exemple, la victime alléguée 225, personne ne nous explique pour cette

  4   personne qui arrive le 5 à l'hôpital qui l'a blessée, était-ce dans la zone

  5   des cibles militaires ou non. Mais cela ne les empêche pas d'affirmer

  6   qu'elle fait partie de ces victimes d'attaques contraires à leurs lois.

  7   Puis les six individus de 185 à 190. Ce sont les individus qui auraient été

  8   tués à l'extérieur de la caserne des Nations Unies dans la matinée du 5.

  9   Mais même si ces personnes étaient mortes déjà, cela n'a pas empêché

 10   l'Accusation d'en parler comme étant victimes d'attaques illégales sur la

 11   population civile, attaques menées par l'artillerie et les lance-roquettes.

 12   Mais au mieux, ces individus ont été tués dans le cadre d'une attaque au

 13   mortier. Il n'y a pas d'artillerie à grande portée et ça n'a rien à voir

 14   avec les lance-roquettes multiples. Qui plus est, au paragraphe 997 on ne

 15   sait pourquoi ces personnes sont décidées. Vous vous rappellerez les

 16   éléments de preuve --

 17   Je vous présente mes excuses.

 18   Avant ce moment-là, effectivement, l'ARSK a pris pour cible le QG du

 19   secteur sud des Nations Unies. Donc après tout ce qui a été dit, après

 20   toutes les autopsies et toutes les analyses qui ont été menées par le

 21   Procureur, ils n'ont pu établir que pour ce qui est d'un civil, qu'il est

 22   effectivement possible qu'il ait été tué par les tirs d'artillerie pendant

 23   l'opération Tempête - et il s'agit du civil au numéro 205 - en dépit de

 24   cela, l'Accusation affirme que l'incident d'artillerie est causé par une

 25   attaque contraire à la loi contre la population civile et que le général

 26   Gotovina doit répondre de cela. Mais aucun fait ne l'étaye.

 27   Franchement, l'Accusation emploie la même tactique dans d'autres cas, pour

 28   d'autres incidents. Plutôt que de répondre à son obligation de prouver ces


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  1   allégations, la charge de la preuve repose sur l'Accusation. Donc ils

  2   devraient présenter à cette Chambre plus que les éléments de preuve

  3   démontrant l'existence d'une seule victime lorsqu'ils affirment la

  4   responsabilité du général Gotovina.

  5   Un autre exemple de cette tactique à laquelle a recours l'Accusation

  6   ce sont les opérations psychologiques. Au paragraphe 502 de leur mémoire,

  7   l'Accusation affirme que le général Gotovina a donné l'ordre, la pièce P478

  8   ordonnant de larguer des tracts. Mais d'après l'expert Theunens, il se fait

  9   clair que la pièce P478 ne constitue pas - et je répète - ne constitue pas

 10   un élément qui a été utilisé pendant l'opération Tempête, indépendamment de

 11   ce qu'affirme l'Accusation. Nous vous référons au rapport de M. Theunens, à

 12   savoir la pièce P113 -- pièce 1113, excusez-moi, il s'agit de la note en

 13   bas de page 457 de la page 371. M. Theunens est d'accord pour dire que

 14   l'ordre effectif du général Gotovina utilisé pendant l'opération Tempête

 15   constitue la pièce D201 et qu'il n'y est pas fait mention de tracts.

 16   Nous en avons parlé dans nos paragraphes 320 à 329 de notre mémoire en

 17   clôture, donc ce ne sont pas les opérations psychologiques qui ont incité

 18   les civils à prendre la fuite. Les civils sont partis, parce qu'ils étaient

 19   encerclés ou parce qu'ils pensaient qu'ils allaient être encerclés, d'après

 20   ce que le général Mrksic leur a dit; d'après ce que M. Strbac nous a dit,

 21   ils sont partis, parce qu'ils ne voulaient pas rester en Croatie sous

 22   l'autorité croate, et je vous réfère à la pièce D926, à savoir "ils

 23   souhaitaient préserver leur potentiel biologique."

 24   Alors hier nous avons entendu M. Russo affirmer qu'il y a eu des tracts.

 25   Mais prenons maintenant les paragraphes 325 et 326 du mémoire final

 26   Gotovina. La seule chose qui est prouvée par l'Accusation c'est qu'on a

 27   largué des tracts en Bosnie. Puis M. Russo attire notre attention sur le

 28   témoignage de Mme Marija Vecerina pour réfuter cela, et il l'a fait hier,


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  1   il l'a fait page 33, lignes 1 à 5. L'Accusation cependant ne vous a pas dit

  2   hier que Mme Vecerina n'a jamais identifié le tract qui lui a été montré,

  3   et je renvoie la Chambre à la pièce P652 [comme interprété], paragraphe 10;

  4   la pièce 653 en son paragraphe 5. Et ce qui est encore plus important, Mme

  5   Vecerina n'a jamais dit dans son témoignage qu'elle est partie de la zone à

  6   cause de ce tract. Plutôt, elle a dit qu'elle est partie parce que son fils

  7   lui a dit de partir, il lui a dit qu'il avait entendu dire à la radio que

  8   Knin était tombée. C'est la raison de leur départ. Je vous renvoie en page

  9   du compte rendu d'audience 6 727, lignes 24 à 25, ainsi que la page 6 725,

 10   lignes 19 à la page 6 726, ligne 7.

 11   L'Accusation n'a jamais prouvé que les civils serbes sont partis à cause de

 12   l'utilisation illégale soit des opérations psychologiques, soit de

 13   l'artillerie.

 14   Afin de gagner du temps, Monsieur le Président, je souhaite passer à un

 15   autre point qui a été affirmé par l'Accusation en son paragraphe 121 [comme

 16   interprété], à savoir le fait que le général Gotovina aurait accepté le

 17   crime.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, est-ce que vous

 19   pourriez préciser les références aux paragraphes 325 et 326 du mémoire de

 20   l'Accusation.

 21   M. KEHOE : [interprétation] Il s'agit de notre mémoire final, paragraphes

 22   325 et 326. Je vous présente mes excuses.

 23   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 24   M. KEHOE : [aucune interprétation]

 25   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Merci.

 26   M. KEHOE : [interprétation] Donc notre client aurait accepté la commission

 27   du crime.

 28   Mais rien n'est plus éloigné de la vérité que cela. Il n'y a eu que


Page 29240

  1   quelques instances où cette conversation s'est présentée, comment le

  2   général Gotovina a-t-il réagi ? Il en a parlé avec la MOCE, on le voit dans

  3   notre mémoire, et l'observateur de la MOCE qui était présent pendant cette

  4   conversation a compris plusieurs choses, que la police civile exerçait le

  5   contrôle, qu'elle contrôlait la situation, et que toute personne qui se

  6   serait livrée à la commission d'un crime devrait être poursuivie.

  7   Indépendamment qu'il s'agisse d'un soldat, d'un civil, de quelqu'un qui se

  8   serait livré à un comportement criminel, il pensait que le général Gotovina

  9   voulait le faire poursuivre. Mais ça, on n'en parle jamais, cela n'est

 10   jamais évoqué dans le mémoire de l'Accusation. Toutefois, lorsque je vous

 11   renverrai à la déposition de M. Galovic, vous verrez que c'est exactement

 12   ce qu'il fait lorsque plus de 1 200 affaires ont été poursuivies, c'est

 13   exactement ce qu'il fait, M. Galovic. Donc je ne comprends pas comment cela

 14   n'a pas trouvé sa place dans le mémoire du Procureur. Je vous renvoie aux

 15   paragraphes 593 à 599 de notre mémoire final, il est question des actions

 16   entreprises par le général Gotovina face au crime. Nous contestons où il

 17   est question de M. Hedaraly qui affirme, hier, la plupart de ces crimes ont

 18   été commis par des soldats ou par des civils agissant de concert avec les

 19   militaires.

 20   Bon, je comprends tout à fait que vous nous avez remis des tableaux qui

 21   concernent la liberté de déplacements, page 148 du mémoire de l'Accusation.

 22   Mais il y a là un défaut au cœur de l'analyse qu'ils mènent, à savoir tous

 23   ces auteurs de crimes ou la plupart de ces auteurs de crimes sont désignés

 24   par eux comment étant membres de la HV. Mais qu'est-ce qui leur permet de

 25   faire cela ? Comment le font-ils ? Comme les éléments de preuve démontrant

 26   l'existence de crimes commis dans le secteur sud de la Krajina, et nous

 27   n'avons jamais contesté le fait qu'il y a eu des crimes, tous ces crimes,

 28   ils les mettent en relation avec les unités qui à un moment donné se sont


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  1   trouvées dans cette zone, et simplement parce qu'un crime a été commis et

  2   parce qu'une unité s'est peut-être trouvée déployée dans cette zone à un

  3   moment donné, cette unité est responsable de la commission de ce crime sans

  4   qu'on n'ait jamais identifié les véritables auteurs. Et en même temps, ils

  5   souhaitent que la Chambre déclare les accusés coupables de cela.

  6   Mais ils n'assument pas leur obligation de démontrer les allégations. Nous

  7   avons vu le témoin de l'Accusation d'ailleurs, William Hayden, a témoigné

  8   en ce sens lorsque la Défense s'est penchée sur sa déposition pendant le

  9   contre-interrogatoire. Je vous renvoie aux pages 10 628, ligne 15, à 10

 10   645, ligne 7. Je ne vais pas revenir à l'ensemble de sa déposition, mais

 11   permettez-moi de le résumer.

 12   M. Hayden se permet de tirer des conclusions sur le pillage et les

 13   incendies systématiques et organisés par la HV et il s'avère que c'est sans

 14   fondement. Même si personnellement il n'a pas vu de membres de la HV se

 15   livrer à de telles activités, il arrive à la conclusion que c'est la HV qui

 16   a commis les crimes parce que lui-même n'a pas vu de civils dans cette

 17   zone. M. Hayden arrive à cette conclusion indépendamment du fait qu'un

 18   responsable croate, à savoir M. Pasic, lui a dit que le crime a été commis

 19   par des civils qui cherchaient à se venger. M. Hayden dit qu'il s'est

 20   penché sur les éléments d'information fournis par M. Pasic, mais qu'il a

 21   exclu la possibilité que ça ait été des civils qui ont commis des crimes

 22   dans cette zone. Même s'il n'a aucun élément d'information sur des

 23   enquêtes, sur le nombre de civils qui sont restés dans la zone après le

 24   départ des Serbes, M. Hayden arrive à ces conclusions. Cette information

 25   était absolument nécessaire avant de tirer les conclusions qu'il a tirées.

 26   D'ailleurs, M. le Président a attiré l'attention de M. Hayden là-dessus.

 27   Page 10 634, lignes 11 à 12 du compte rendu d'audience, M. le Président dit

 28   à M. Hayden :


Page 29242

  1   "Mais je ne vous demande pas ce que vous avez vu.

  2   "Je vous demande si vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'il

  3   s'agit là d'un problème logique dans le raisonnement."

  4   Et M. Hayden rejette cela. Donc résumons. L'Accusation a rejeté cette

  5   position. Elle a fait exactement la même chose. Elle n'a pas demandé à M.

  6   Hayden cette question tout à fait simple avant d'arriver à la conclusion

  7   que la seule déduction raisonnable était que les membres de la HV étaient

  8   ceux qui ont posé des crimes.

  9   Mais ces crimes auraient pu être commis avant l'opération Tempête ?

 10   Est-ce qu'il y a eu des retours de civils dans la zone ? A quel moment est-

 11   ce qu'ils sont revenus ? Combien y en a-t-il eu ? Donc est-ce que il y

 12   avait la présence de la police civile ou de la police militaire dans cette

 13   zone ? Parmi ces catégories de population, est-ce qu'il y en a qui ont

 14   contribué à la criminalité ? Ces gens qui ont été vus en uniforme, est-ce

 15   que c'étaient des militaires ou est-ce qu'ils ont pu se procurer des

 16   uniformes de camouflage ? Est-ce qu'ils ont agi à titre individuel ou de

 17   manière organisée, de manière à se faire commander par quelqu'un, ou à

 18   fonctionner au sein d'une structure qui était contrôlée ?

 19   Donc penchons-nous sur le paragraphe 479 du mémoire de l'Accusation, où ils

 20   affirment que la grande majorité de ces crimes ont été commis par les

 21   soldats de la HV, et c'est ce que M. Hedaraly a dit hier, la plupart. Mais

 22   qu'est-ce que cela veut dire ? La très grande majorité. La plupart de ces

 23   crimes ont été commis par des membres de la HV. Et hier, pour la première

 24   fois, page 57, lignes 13 à 15, l'Accusation admet : "Les civils ont bel et

 25   bien été impliqués à la perpétration de crimes."

 26   Combien de fois, où, quand ? L'Accusation ne nous a jamais répondu à ces

 27   questions. Elle ne nous dit rien à ce sujet.

 28   Prenons le paragraphe 479 du mémoire de l'Accusation, où ils affirment que


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  1   la grande majorité de ces crimes ont été commis par la HV. Ils arrivent là

  2   à formuler plusieurs hypothèses. Ils relèvent le fait qu'il n'y a pas eu de

  3   retour en masse des personnes déplacées de nationalité croate avant le 15

  4   août. Voyons maintenant la logique de ce raisonnement.

  5   Il n'y a pas de retour massif, alors combien de civils sont revenus ?

  6   Combien de civils se trouvent dans la zone ? Pourquoi est-ce qu'il faudrait

  7   qu'il y ait un retour en masse pour que des civils commettent des crimes ?

  8   Combien d'éléments criminels ont pu s'infiltrer dans la zone avant que

  9   l'Accusation n'admette la possibilité qu'ils ont commis un crime ?

 10   Lorsqu'ils fixent la date au 15 août, ce qu'ils essaient de dire c'est

 11   qu'il n'y a pas de civils qui arrivent dans la zone avant cette date, donc

 12   nécessairement les seuls qui sont présents ce sont les soldats de la HV, et

 13   nécessairement c'est le général Gotovina qui est responsable de leurs

 14   actes.

 15   Prenons la page 6 de la pièce P352, la page 2 de la pièce D77, et la

 16   première page de la pièce P805, ainsi que nos paragraphes 482 à 498, les

 17   civils sont vus dans la zone libérée dès le 6 août. A différents niveaux,

 18   les représentants de la communauté internationale constatent le retour des

 19   personnes à cette date-là. Donc l'Accusation n'en tient pas compte du tout.

 20   Pour ce qui est des militaires - et là je me réfère à leur région 479 - ils

 21   affirment que les militaires contrôlaient entièrement la zone et qu'il y a

 22   eu des postes de contrôle qui ont été établis pour empêcher les civils de

 23   rentrer. Je vous renvoie aux paragraphes 464 à 469 de notre mémoire. Ce

 24   sont les éléments mêmes cités par l'Accusation qui contredisent leur

 25   arguments Prenez les références citées par M. Tieger à cet effet. M. Moric,

 26   son témoignage, ainsi que Cipci, qui tous les deux disent que c'est la

 27   police civile qui restreint la liberté de déplacement, et non pas la police

 28   militaire.


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  1   Ensuite, prenons la question des postes de contrôle d'après lesquels la

  2   zone allait être bouclée. Mais non, cela ne tient pas debout. M. Galovic

  3   affirme qu'il était impossible d'avoir des postes de contrôle pour boucler

  4   la zone. Le général Cross l'a cité à plusieurs reprises, il a dit que des

  5   postes de contrôle ne pourraient pas contrôler l'afflux des gens dans ce

  6   secteur. Puis les observateurs militaires, lorsqu'ils se trouvaient face à

  7   des postes de contrôle, eux qui ne connaissaient pas la zone, arrivaient à

  8   les contourner. Donc on ne peut pas dire que ces postes de contrôle ont

  9   empêché qui que ce soit de rentrer dans la zone.

 10   Et enfin, l'Accusation admet tacitement qu'après le 15 il y a un certain

 11   nombre de civils qui rentrent et qu'ils ont pris part à la commission des

 12   crimes. Ils renvoient la Chambre à ce stade au paragraphe 195 de l'arrêt

 13   Martic, mais qui ne s'applique pas en l'espèce. Donc il s'agit d'une

 14   référence qui est tout à fait inexactement reprise ici. Penchons-nous sur

 15   le paragraphe 195, donc l'analyse est la suivante : la Chambre de première

 16   instance a constaté que les auteurs de crime étaient des paramilitaires qui

 17   travaillaient de concert avec la JNA et qui auraient pu être mis en

 18   relation directe avec M. Martic. Mais cela n'a jamais été démontré ici. Les

 19   éléments de preuve que nous avons ici, il s'agit d'une activité

 20   désorganisée, à différents endroits, des gens en uniforme qui agissent de

 21   concert avec des civils.

 22   Une analyse plus exacte, à mon sens, se trouve aux paragraphes 191 à

 23   193 et 197 à 200, là où la Chambre d'appel se penche sur cette question

 24   dans l'affaire Martic. Et au paragraphe 200, la Chambre relève comme suit :

 25   "Elle arrive à la conclusion que la Chambre de première instance a commis

 26   une erreur lorsqu'elle a établi un lien entre Martic et les auteurs de ces

 27   crimes. En particulier, la Chambre d'appel constate que l'origine de ces

 28   hommes en armes et leur affiliation restent incertaines. Sans que l'on


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  1   connaisse plus de détail sur leur appartenance, aucun juge du fait

  2   raisonnable n'aurait pu arriver à la conclusion que la seule conclusion

  3   raisonnable dans le contexte était que ces crimes auraient pu être

  4   attribués à un membre de l'entreprise criminelle commune."

  5   La Chambre d'appel a tiré cette conclusion en dépit du fait que ces

  6   hommes en armes étaient en uniforme de camouflage et en uniforme vert olive

  7   au moment où les crimes ont été commis. Nous invitons la Chambre à

  8   appliquer cette analyse lorsqu'elle se penchera sur ces crimes qui ont été

  9   allégués par l'Accusation. Parce qu'on ne peut pas établir ce type de lien

 10   entre ces gens-là qui ont commis des crimes et le général Gotovina comme

 11   ayant fait partie d'une voie hiérarchique.

 12   Donc je vais rapidement passer la question de la restriction des

 13   déplacements, page 148 du mémoire de l'Accusation. Il y a un malentendu à

 14   bien des niveaux sur ce point. D'abord, quand on parle de restriction des

 15   déplacements imposée dans les endroits où des crimes ont été commis lorsque

 16   les crimes n'avaient pas été commis, bien, les crimes ne l'ont pas été,

 17   bien entendu. Une telle réflexion peut étayer tout et n'importe quoi.

 18   Si l'on se penche sur les différents aspects présents à Kistanje, par

 19   exemple, est-ce que l'Accusation, sur la base de la pièce P48 [comme

 20   interprété], défend la théorie selon laquelle l'armée de Croatie n'aurait

 21   participé à des actes criminels que le 11 août, pas avant et pas après ? En

 22   l'absence d'une telle position de la part de l'Accusation, le simple fait

 23   d'imposer une restriction des déplacements le 11 août en l'absence de toute

 24   allégation de crime est totalement dépourvu de pertinence.

 25   Deuxième vice de l'argument de l'Accusation, il n'y a eu aucune

 26   restriction des déplacements destinée à dissimuler des crimes. Je renvoie

 27   la Chambre aux paragraphes 324 à 327 [comme interprété] de notre mémoire,

 28   où nous abordons cette question. Ce qui est très illustratif, c'est ce qui


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  1   est dit au sujet de Benkovac. A Benkovac, le 7 août et le 21 août, on a

  2   deux rubriques concernant cette localité. Si l'on lit ces rubriques, on se

  3   rend compte que les restrictions imposées au déplacement n'avaient

  4   aucunement pour but de dissimuler des crimes. La pièce P112 concerne

  5   également les restrictions des déplacements, note en bas de page 12 312.

  6   Là, les témoins observateurs militaires des Nations Unies ne parlent pas de

  7   dissimulation ou de tolérance à l'égard d'actes de pillage, mais rendent

  8   compte du fait que des policiers militaires sont en train de fouiller des

  9   véhicules civils, au volant desquels semblent se trouver des membres de

 10   l'armée de Croatie, avant de saisir les objets qui semblent être le fruit

 11   de pillage. Ceci n'étaye en aucun cas l'existence d'une action criminelle

 12   qui aurait été destinée à être commise sous le couvert de restriction de

 13   déplacement.

 14   Par ailleurs, comme le démontre la pièce P1211, même si des problèmes ont

 15   été causés par des membres de l'armée de Croatie dans le secteur de

 16   Benkovac, liés à des excès de boisson pendant la libération de cette

 17   région, le commandant du Groupe opérationnel de Zadar, à la date du 8 août,

 18   a émis un ordre interdisant aux membres de l'armée de Croatie de pénétrer

 19   dans Benkovac, et la ville a été placé sous contrôle.

 20   Enfin, ces restrictions aux déplacements peuvent être réalisées pour

 21   diverses raisons. Et les restrictions des déplacements en Bosnie ont pu

 22   être imposées pour toutes sortes de raisons liées à l'existence des

 23   combats. Des restrictions de déplacement ont été imposées par la police

 24   civile, même par la police militaire, sans le soutien de la hiérarchie,

 25   c'est-à-dire du général Gotovina. Ce que l'Accusation n'a pas établi avec

 26   clarté, c'est la moindre existence d'une corrélation entre une quelconque

 27   restriction des déplacements des personnes et la commission de crimes.

 28   L'Accusation emploie simplement l'expression restriction de déplacement et


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  1   maintient que des crimes ont eu lieu dans les secteurs concernés par ces

  2   restrictions et que ceci implique l'existence d'une corrélation entre les

  3   deux. Je pense que ce que nous trouvons dans l'arrêt Martic n'est pas

  4   suffisant pour le démontrer.

  5   J'aimerais maintenant parler des chefs d'inculpation pour meurtre qu'a

  6   évoqués M. Hedaraly.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe, vous savez qu'il reste

  8   encore 30 minutes.

  9   M. KEHOE : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président, que j'ai

 10   respecté le temps.

 11   M. MISETIC : [interprétation] Nous disposons du temps qui nous sépare de 12

 12   heures 30.

 13   M. KEHOE : [interprétation] 12 heures 30.

 14   M. MISETIC : [interprétation] Midi trois.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons commencé à 9 heures environ

 16   jusqu'à 10 heures 30, ne comptons pas chaque minute, et il nous manquera 10

 17   minutes pour le reste des équipes de Défense. Donc nous avons repris à 11

 18   heures moins 05, et même si c'était à 11 moins 04, en fait, il vous reste

 19   une trentaine de minutes.

 20   Veuillez procéder.

 21   M. KEHOE : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vais essayer de

 22   conclure rapidement et je pense que lorsqu'on se penche sur les chefs

 23   d'inculpation pour meurtre, nous trouvons la nécessité de mettre les

 24   incidents en perspective le plus possible, car nous voyons de la part de

 25   l'Accusation les mêmes défauts dans son argumentation à ce sujet qu'au

 26   sujet des chefs relatifs à la propriété. Ce que l'Accusation a fait a bien

 27   des égards, c'est placer physiquement des soldats dans les secteurs

 28   concernés, et je ne voudrais pas vous imposer l'énumération des 64 cas sur


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  1   les 292 que j'ai à l'esprit, mais en tout cas dans lesquels des soldats ont

  2   été identifiés comme ayant participé à divers incidents sans qu'aucun

  3   d'entre eux se soit trouver sur les lieux où les meurtres en question ont

  4   été commis. Et en l'absence de tout élément de preuve direct indiquant que

  5   ces soldats aient pu être identifiés ou même que leur unité ait pu être

  6   identifiée comme ayant participé à ces meurtres.

  7   Nous allons, bien sûr, traiter de cette question. Nous n'allons pas passer

  8   en revue chaque cas dans le détail, mais il y a 20 meurtres pour lesquels

  9   il n'existe pas le moindre élément de preuve. L'Accusation revient

 10   maintenant sur son propos, et nous avons parcouru dans le détail sa thèse,

 11   mais même ainsi, nous ne voyons pas comment elle peut étayer ces cas de

 12   meurtre.

 13   Si nous prenons l'incident 383, par exemple, dans le tableau de précisions

 14   supplémentaires, page 11 de l'annexe, nous voyons le nom d'une personne qui

 15   a été tuée à Donji Lapac ou dans les environs, et selon l'analyse du bureau

 16   du Procureur, cette personne aurait probablement été exécutée par un membre

 17   de l'armée de Croatie ou par un policier après avoir été blessée. Ceci est

 18   très intéressant parce que c'est créé de toutes pièces.

 19   Premièrement, l'Accusation laisse de côté le fait que cet individu a

 20   été tué, comme un policier l'a déclaré, par un policier civil pendant les

 21   combats le 12 août. Ou le 13 août. Je vous rappelle, Monsieur le Président,

 22   qu'il y a eu une contre-attaque pendant cette période. Rien n'est dit quant

 23   au fait que l'armée de Croatie aurait participé à cet aspect de la

 24   question, et en dépit de cela, l'Accusation inclut cette victime dans sa

 25   tentative d'analyse pour, je vous l'affirme, essayer d'établir un lien

 26   entre cela et le général Gotovina.

 27   Deuxièmement, je suppose que l'emploi du mot "probablement" montre à quel

 28   point les arguments de l'Accusation sont fondés en l'absence de tout


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  1   élément de preuve indiquant l'existence d'un meurtre qui se serait produit

  2   pendant les combats. Et pourtant, le nom de la victime figure dans le

  3   tableau --

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kehoe.

  5   M. KEHOE : [interprétation] Oui, toutes mes excuses.

  6   Faute de temps, Monsieur le Président, et afin de ne pas priver M. Akhavan

  7   du temps qu'il mérite, j'indiquerais aux Juges la nécessité de se pencher

  8   sur les éléments supplémentaires relatifs aux crimes. Dans tous les cas, il

  9   n'est pas établi par le bureau du Procureur que l'acte en question est

 10   effectivement un crime, et dans bien des cas, les arguments développés sont

 11   créés de toutes pièces et ne concernent que des hommes blessés. Donc la

 12   charge de la preuve n'a pas été respectée, c'est certain. C'est le travail

 13   de l'Accusation d'exclure toute autre conclusion possible dès lors qu'un

 14   doute existe quant à l'impunité de l'accusé. Ce n'est pas le travail de M.

 15   Hedaraly, comme il l'a fait hier, d'évoquer toutes les conclusions

 16   possibles simplement, parce qu'en présence d'un décès on ne peut pas

 17   absolument exclure la possibilité qu'il y ait eu meurtre. Le travail du

 18   bureau du Procureur consiste à démontrer au-delà de tout doute raisonnable

 19   que l'accusé est réellement coupable de cette mort. Ces obligations sont

 20   fondamentales. Or, on trouve des vices flagrants dans la thèse de

 21   l'Accusation; premièrement, incapacité de prouver dans bien des cas qu'un

 22   meurtre a effectivement eu lieu; mais ce qui est encore plus important,

 23   deuxièmement, aucune tentative de démontrer par une preuve quelconque que

 24   tous ces incidents peuvent être liés à l'accusé.

 25   Je donne maintenant la parole à M. Akhavan.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 27   Maître Misetic.

 28   M. MISETIC : [interprétation] J'ai par erreur fait référence au carnet


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  1   Mladic ce matin en citant ce document comme étant la pièce D1465 dans le

  2   prétoire électronique alors que --

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Après discussion avec l'Accusation, je

  4   vois qu'il y a eu erreur quant au type d'obus qui auraient été utilisés et

  5   qui ne l'ont pas été.

  6   M. KEHOE : [interprétation] Mes excuses à la Chambre également et, bien

  7   sûr, aux interprètes pour la rapidité de mon débit, mais j'ai essayé

  8   d'arriver à la fin de mon exposé.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez certainement amélioré votre

 10   débit depuis deux ans, Maître Kehoe.

 11   Monsieur Akhavan, veuillez procéder. Et respectez le temps.

 12   M. AKHAVAN : [interprétation] Je rappellerais simplement que l'huissière

 13   nous a prévenus que Me Misetic ne parlerait que pendant 25 minutes

 14   aujourd'hui. Donc j'aimerais disposer des cinq minutes supplémentaires qui

 15   nous ont été prises aux environs de midi. De cette façon, nous respecterons

 16   le temps qui nous est imparti.

 17   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ce que j'ai déjà dit il y a

 18   quelques minutes, c'est que nous n'allons pas faire le compte de chaque

 19   minute, mais le temps global doit être approximativement respecté.

 20   M. AKHAVAN : [interprétation] Je m'en tiendrai strictement au temps

 21   imparti.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder.

 23   M. AKHAVAN : [interprétation] Monsieur le Président, distingués membres de

 24   la Chambre de première instance, j'ai plaisir et honneur à comparaître

 25   devant vous aujourd'hui au nom de la Défense du général Gotovina. Mes

 26   confrères ont déjà évoqué les éléments de preuve présentés en l'espèce. Je

 27   vais maintenant parler des conclusions relatives au fait de savoir si

 28   l'Accusation a apporté la preuve de sa thèse au-delà de tout doute


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  1   raisonnable compte tenu du droit applicable aux crimes commis.

  2   L'accusé Ante Gotovina, commandant militaire de haut rang, est mis en

  3   accusation pour violations à grande échelle et systématiques du droit

  4   humanitaire, qui est à la base des dispositions appliquées par cette

  5   Chambre de première instance, c'est-à-dire des dispositions que celle-ci

  6   doit prendre en compte pour déterminer la culpabilité ou non de l'accusé au

  7   vu des conventions de Genève de 1949, et le droit international humanitaire

  8   ainsi que le droit de la guerre sont sans doute les points les plus

  9   importants à prendre en compte, à moins qu'ils ne se soient évanouis entre-

 10   temps. Dans le siège de la Deuxième Guerre mondiale est apparu le droit

 11   international, à savoir le défi qu'il y avait à imposer des contraintes

 12   légales à la conduite de la guerre. Le défi principal de cet effort

 13   consistait à mettre en place un droit humanitaire qui ne devait pas

 14   transformer la guerre en une activité humanitaire, mais poursuivre un

 15   objectif beaucoup plus modeste qui consiste à éviter toute férocité ou

 16   cruauté exagérée dans un conflit armé. Même dans ces circonstances, la

 17   guerre demeure ce qu'elle est, c'est-à-dire horrible. Ce qui est à la

 18   racine des lois de la guerre, c'est la nécessité d'un équilibre précis

 19   entre la protection humanitaire et les nécessités militaires. Cet équilibre

 20   était pertinent à l'époque où les premières lois sur ce sujet ont été

 21   adoptées et il l'est toujours aujourd'hui. Le CICR au moment des

 22   négociations des protocoles supplémentaires des conventions de Genève avait

 23   cela à l'esprit lorsqu'ils ont voulu mettre en place une série de lois

 24   acceptables pour les états-majors militaires. Mettre en place un droit

 25   acceptable pour les commandants militaires du monde entier était une

 26   nécessité, et cela s'est fait sans ignorer les réalités horribles de la

 27   guerre. Il serait tentant, certes, d'étendre la portée de la protection du

 28   droit humanitaire en diminuant progressivement cet équilibre atteint depuis


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  1   des années avec la nécessité militaire.

  2   Il serait satisfaisant sans doute de trouver des critères extrêmement

  3   contraignants qui ne pourraient être réalisés que par les meilleures armées

  4   qui combattent dans les meilleures circonstances avec les meilleures armes.

  5   Une utopie juridique qui assainirait totalement la réalité horrible de la

  6   guerre. Mais une loi qui est irréaliste est une loi qui est totalement non

  7   pertinente. Une loi irréaliste est une loi qui ne sera pas prise en compte

  8   par la plupart des commandants militaires dans le monde qui font la guerre,

  9   des commandants militaires qui n'ont pas l'excellente formation ni les

 10   excellentes armes des forces armées des nations les plus avancées.

 11   Avant d'arriver à une déclaration soit d'innocence, soit de culpabilité, la

 12   Chambre de première instance doit déterminer si le général Gotovina a agi

 13   de façon raisonnable au vu des circonstances de la guerre à laquelle la

 14   Croatie était confrontée. Ces réalités, bien sûr, n'excusent en aucun cas

 15   les crimes commis contre des civils, mais le droit humanitaire ne demande

 16   pas au général Gotovina de faire l'impossible. Il ne prend pas comme

 17   hypothèse de base qu'il opérait dans un théâtre idéal ou dans des

 18   circonstances hypothétiques. Il ne prend pas en compte le fait qu'avec le

 19   recul, la réalité, finalement, était bien différente que ce qu'il avait

 20   sous les yeux à l'époque. Il ne prend pas en compte le fait qu'il était

 21   confronté à un péril très grave et qu'il n'avait pas suffisamment de temps

 22   pour former une armée professionnelle qui serait au niveau des meilleurs

 23   standards du monde avec des armes sophistiquées. Tout ce que le droit

 24   humanitaire demandait du général Gotovina c'est qu'il agisse de façon

 25   raisonnable au vu des réalités de la guerre qui était engagée contre la

 26   nouvelle nation indépendante croate.

 27   Mais ce n'est pas le critère qui est sous-jacent à la thèse de

 28   l'Accusation. Pendant tout le procès, l'Accusation a étiré, a déformé, a


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  1   dilué ou a tout simplement écarté ce droit. Elle l'a fait afin de créer un

  2   critère qui est tellement contraignant et tellement irréaliste qu'il ne

  3   pourrait résoudre que dans une déclaration de culpabilité du général

  4   Gotovina, même s'il avait agi de façon parfaitement raisonnable. C'est un

  5   critère paralysant qui essaye de compenser le manque d'éléments de preuve

  6   qui ne peut résulter que dans un acquittement lorsque c'est interprété de

  7   façon raisonnable.

  8   Prenons en compte ce qui est au cœur de la thèse de l'Accusation. Cette

  9   allégation qu'une entreprise criminelle commune aurait existé et qui aurait

 10   visé à déplacer par la force la population civile serbe par le biais d'une

 11   campagne de pilonnage systématique et aveugle. Les arguments de la Défense

 12   en application de l'article 72 au départ considéraient que même si on peut

 13   les qualifier de crimes de guerre ou crimes contre l'humanité, l'expulsion

 14   et le transfert forcé ne s'appliquent qu'aux territoires qui sont sous le

 15   contrôle d'un belligérant et de la partie adverse. Nous considérons que les

 16   allégations de pilonnage illégal avant la libération de Krajina ne peuvent

 17   être qualifiées que d'attaques illégales et non d'expulsions.

 18   En réaction, l'Accusation a fait valoir de façon vigoureuse qu'une telle

 19   qualification n'était pas nécessaire, parce que la définition de

 20   l'expulsion au titre des droits de la guerre ne s'applique pas aux crimes

 21   contre l'humanité. L'Accusation, ensuite, a brusquement changé son fusil

 22   d'épaule et a modifié le chef 1 de l'acte d'accusation pour ajouter ce qui

 23   selon nous est toujours une nouvelle accusation d'attaques illégales contre

 24   des civils et leurs biens en vue de les persécuter.

 25   L'Accusation admet maintenant que pour constituer l'actus reus d'un crime

 26   contre l'humanité, le pilonnage ne peut être illégal que s'il enfreint les

 27   droits de la guerre. Mais dans son mémoire en clôture, l'Accusation ignore

 28   toujours les textes trouvés au paragraphe 860 du mémoire en clôture de la


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  1   Défense sur l'exclusion des hostilités préalables à l'occupation dans la

  2   qualification de la loi du droit sur l'expulsion. Au paragraphe 482 de son

  3   mémoire, l'Accusation continue à déclarer que le pilonnage illégal avant

  4   l'occupation satisfait aux critères de l'expulsion.

  5   Maintenant, dans le mémoire en clôture de l'Accusation au paragraphe

  6   486, il est confirmé que "le pilonnage a fait fuir tout le monde sauf

  7   quelques civils."

  8   Donc, la théorie de l'entreprise criminelle commune de Brioni de

  9   l'Accusation ne se base que sur la preuve au-delà de tout doute raisonnable

 10   qu'il y a eu des expulsions de masse qui auraient résulté de ce pilonnage

 11   illégale par les Croates du territoire de la Krajina.

 12   De plus, cela se fonde sur une conclusion par la Chambre de première

 13   instance selon laquelle la Loi sur l'expulsion inclurait les hostilités

 14   préalables à l'occupation, ce qui est contraire à la jurisprudence du TPIY

 15   et aux droits humanitaires.

 16   Donc sur ces deux chefs, nous faisons valoir que la théorie de base de

 17   l'entreprise criminelle commune de l'Accusation n'est pas prouvée.

 18   Mettons de côté pendant un instant les erreurs légales considérables que

 19   l'on trouve dans l'a théorie de l'Accusation et acceptons que le pilonnage

 20   préalable à l'occupation soit une modalité de l'expulsion. Mais jusqu'à

 21   présent, les preuves sont tellement insuffisantes que l'on peut se demander

 22   pourquoi et comment l'Accusation a défini un tel chef d'accusation. Le

 23   réquisitoire d'hier a conjuré des images de Stalingrad à la Deuxième Guerre

 24   mondiale, des villes, des villages réduits en ruine, des civils innocents

 25   massacrés par des pilonnages aveugles.

 26   Donc après 15 ans d'enquête, cette Chambre de première instance doit se

 27   demander au vu de telles allégations proférées, où se trouvent donc les

 28   éléments de preuve qui démontreraient ces


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  1   atrocités ? Pourquoi ne peut-on trouver la moindre preuve qui démontrerait

  2   comment un civil serait mort du fait d'un pilonnage illégal ? Où sont les

  3   photographes de la Knin rasée et en ruine ? Pourquoi les conclusions

  4   favorables des observateurs des Nations Unies et des CIVPOL des Nations

  5   Unies sont tout simplement ignorées ? C'est très simple, c'est parce que

  6   l'Accusation n'a rien en main. Leur thèse ne tient pas.

  7   Mais au lieu de faire ce qu'ils auraient dû faire, et donc de retirer ces

  8   chefs d'accusation non avérés, l'Accusation a persisté, a continué à

  9   essayer de diluer le droit humanitaire pour essayer de brouiller la

 10   frontière entre les crimes de guerre et la malheureuse réalité de la

 11   guerre.

 12   Au paragraphe 484 de son mémoire, l'Accusation déclare, et je cite, que

 13   "les civils qui étaient visés par l'attaque, ainsi que les observateurs de

 14   nombreuses organisations internationales, ont tous décrit l'effet

 15   terrifiant de l'attaque." Lors de son réquisitoire hier, M. Russo a parlé à

 16   de nombreuses reprises des heures de panique et d'incertitude qu'avaient

 17   vécu les civils lorsqu'ils étaient cachés dans leur cave. Mais dire que la

 18   guerre suscite la peur, la panique, l'incertitude, c'est enfoncer des

 19   portes ouvertes. Ce n'est en aucun cas la preuve d'attaques illégales. Il

 20   est absolument évident que ni les civils, ni les combattants d'ailleurs,

 21   n'apprécient particulièrement les attaques à l'artillerie. Tout ce

 22   raisonnement ne prouve qu'une chose, c'est que l'Accusation n'arrive

 23   absolument pas à comprendre le niveau très contraignant exigé des preuves

 24   démontrant les infractions au droit humanitaire commises dans des combats.

 25   En ce qui concerne les allégations de base en l'espèce, la Chambre de

 26   première instance doit savoir exactement quelles seront ces conséquences

 27   sur les forces armées dans le monde entier. Si les commandants de l'OTAN en

 28   Afghanistan devraient-ils arrêter d'utiliser l'artillerie lorsque des


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  1   Talibans se cachent parmi les civils ? Et qu'en est-il des forces armées

  2   qui n'ont pas d'armes aussi précises que les forces de l'OTAN ?

  3   Nous faisons valoir, avec le respect que nous vouons que si sur ces faits

  4   le général Gotovina est déclaré coupable d'expulsion de masses et de

  5   pilonnage illégal, dans ce cas-là, tout commandant pourrait tomber sous la

  6   même accusation. Une déclaration de culpabilité sur ces faits rendrait

  7   toute guerre conforme aux droits de la guerre impossible. En effet, cela

  8   saperait l'objectif même du droit humanitaire, parce que cela assimilerait

  9   les horreurs de la guerre en crimes de guerre.

 10   L'Accusation dans son mémoire final admet au paragraphe 482 qu'à moins

 11   qu'il y ait preuve de pilonnage généralisé systématique, les allégations

 12   pour déportation ou pour déplacement forcé ne sont pas démontrées, parce

 13   qu'il doit y exister une preuve de déplacement forcé sans que ce soit fondé

 14   dans le droit international. Mais ce qui est encore plus grave c'est qu'il

 15   n'y a pas de preuve que les civils serbes ont pris la fuite en panique à

 16   cause des attaques d'artillerie légales. Même si on admet que ces attaques

 17   ont des effets terrifiants, une déduction raisonnable sur la base des

 18   éléments de preuve est que la population civile est partie à cause de sa

 19   propre propagande anti-Croate.

 20   Même le témoin de l'Accusation l'ambassadeur Galbraith est venu déposer en

 21   disant que l'effet secondaire de la guerre était le départ et non pas

 22   l'expulsion des Serbes. Au mieux de mes connaissances, c'est la première

 23   fois, jamais dans l'histoire du droit international, où l'évacuation en

 24   masse est assimilée à une expulsion en masse. Or, attaque systématique ou

 25   généralisée pour affirmer que l'opération Tempête était la cause de l'exode

 26   reviendrait à dire que la Croatie n'a pas le droit de gagner la guerre,

 27   parce qu'à ce moment-là la RSK évacuerait sa population.

 28   A cet égard, il est à noter qu'un élément important de la théorie de


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  1   l'entreprise criminelle commune tel qu'avancé par l'Accusation est le rejet

  2   du retour en masse immédiat des Serbes évacués.

  3   Au paragraphe 35 de son mémoire, l'Accusation affirme que, et je cite, que

  4   :

  5   "Sous la direction de Tudjman, les hauts responsables croates ont adopté

  6   une politique de refus du retour en masse en refusant toutes les demandes

  7   d'un retour présenté en groupe."

  8   Aux paragraphes 569 à 571 du mémoire de la Défense, il est fait état d'un

  9   élément tout à fait établi en droit international, à savoir que les Etats

 10   ont le droit d'expulser les ressortissants étrangers. En fait, M. Tieger a

 11   expliqué hier que les autorités que nous avons citées, les sources que nous

 12   avons citées ne s'appliquent pas en l'espèce. En particulier, il a affirmé

 13   que la commission de recours dans l'affaire Erytrée-Ethiopie a estimé que

 14   l'expulsion en masse des ressortissants étrangers sans qu'il y ait de

 15   détails personnels et établis était contraire à la loi.

 16   J'assure à la Chambre de première instance que c'est l'interprétation

 17   correcte des préceptes de la commission. Mais nous ne citons pas uniquement

 18   cette source pour justifier une expulsion en masse qui n'a pas eu lieu.

 19   Nous nous contentons de signaler que cela fait partie des droits souverains

 20   de la Croatie d'expulser ses ressortissants étrangers, et qu'il en ressort

 21   logiquement alors que la Croatie n'est pas sous obligation d'accepter leur

 22   retour immédiat pendant un conflit armé. Et de toute évidence il s'agit

 23   d'une mesure légitime relevant de la sécurité nationale, il est difficile

 24   d'imaginer qu'un Etat dans des circonstances comparables, où que ce soit

 25   dans le monde, aurait accepté une politique du retour en masse.

 26   L'Accusation n'a pas nié le fait que la RFY a été engagée dans un conflit

 27   armé contre la Croatie, qui est considérée comme un Etat illégitime. Cela

 28   n'est pas rejeté que les habitants de la RSK et de la RFY n'étaient pas et


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  1   ne pouvaient pas se considérer comme citoyens de la Croatie. On peut

  2   soutenir alors que par rapport à la succession de la Croatie à la RSFY,

  3   qu'elle avait l'obligation au titre du droit coutumier d'accorder à ses

  4   résidants habituels le droit de demander la citoyenneté croate pour qu'ils

  5   ne se retrouvent pas apatrides. Mais c'est exactement la constatation à

  6   laquelle arrive la commission dans l'affaire Erytrée-Ethiopie en relation à

  7   la double nationalité des résidants qui résidaient habituellement en

  8   Ethiopie.

  9   L'affaire qui nous concerne ici est encore plus claire, puisque les

 10   citoyens de la RFY RSK n'avaient pas la double nationalité. Donc il n'était

 11   pas question du tout de leur loyauté à un Etat hostile qui a occupé un

 12   tiers de la Croatie. Donc compte tenu de la situation, il est tout à fait

 13   clair que la Croatie n'avait absolument pas l'obligation de leur accorder

 14   un retour en masse, et encore moins pendant le conflit armé. Donc il est

 15   étonnant que cette règle fondamentale du droit humanitaire n'ait jamais été

 16   prise en compte par l'Accusation jusqu'aux réquisitoires. Cela constitue

 17   une preuve de plus des défauts profonds dans la théorie de l'entreprise

 18   criminelle commune, à savoir une politique qui est tout à fait légitime de

 19   refus de retour en masse est considérée comme étant une preuve de

 20   l'intention criminelle.

 21   Une autre observation concernant la qualification du conflit armé. M.

 22   Tieger affirmait hier que nous avons reçu ici des "preuves considérables"

 23   démontrant qu'il s'agit d'un conflit international plutôt qu'interne.

 24   Penchons-nous sur les paragraphes 44 à 49 de notre mémoire où il est

 25   question des critères du test proposé par la Chambre d'appel dans l'affaire

 26   Tadic. Au paragraphe 56, il y est dit uniquement qu'à tout moment un état

 27   de conflit armé existait dans la région de Krajina de la République de

 28   Croatie ou sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. L'Accusation, par


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  1   conséquent, pour arguer d'un conflit international armé pour prouver le

  2   lien avec le conflit. Nous avons à cet effet l'arrêt Hadzihasanovic, la

  3   décision en application de l'article 72(E), en date du 21 février 2003.

  4   L'arrêt affirme les parties pertinentes aux paragraphes 11 à 12, et je cite

  5   :

  6   "Si l'Accusation souhaite invoquer l'existence d'un conflit armé

  7   international, elle doit plaider en tant que fait fondamental que le

  8   conflit armé était international en sa nature et affirmer le fondement qui

  9   lui permet d'affirmer cela. L'Accusation ne peut pas avoir l'autorisation

 10   de se reposer sur la formulation imprécise de ses arguments pour avancer la

 11   thèse du conflit armé comme étant internationale sans modifier son acte

 12   d'accusation."

 13   Et je signale qu'il s'agit uniquement là d'une décision qui concerne les

 14   chefs d'accusation au titre de l'article 2 [comme interprété].

 15   Ici, l'Accusation stipule expressément que le conflit est international, ce

 16   qui constitue une contradiction directe avec sa thèse dans l'acte

 17   d'accusation, à savoir que le conflit est non international. Comme nous le

 18   voyons dans la décision Hadzihasanovic, elle doit répondre au critère du

 19   lien établi. Monsieur le Président, on a du mal à voir comment

 20   l'affirmation de l'Accusation peut correspondre à ses allégations telles

 21   que visées à l'acte d'accusation.

 22   Puisqu'il n'y a pas de preuve de l'existence d'une entreprise criminelle

 23   commune afin de commettre une expulsion en masse, il est difficile de voir

 24   comment il serait raisonnable de conclure à l'existence d'une entreprise

 25   criminelle commune après l'opération Tempête, telle que crimes de pillage

 26   et d'incendies affirmés par l'Accusation qui auraient été prévisibles dans

 27   le cadre de la catégorie 3 de l'entreprise criminelle commune.

 28   Mais à défaut de l'existence des catégories 1 et 2, tout simplement il n'y


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  1   a aucune pertinence d'affirmer l'existence de la catégorie 3. Qui plus est,

  2   l'Accusation ne plaide pas du tout l'existence d'une autre entreprise

  3   criminelle commune autre que Brioni.

  4   Une autre sujet d'analyse, ni la politique de persécution ni l'élément

  5   généralisé ou systématique des allégations au titre de l'article 5 ne

  6   peuvent être déduits de la simple présence d'une vague de crimes.

  7   L'Accusation se réfère dans son mémoire à la vague de crimes après

  8   l'opération Tempête. Mais comme cela figure au paragraphe 819 du mémoire de

  9   la Défense, les Etats qui ont négocié le statut de Rome n'ont pas estimé

 10   que l'existence d'une vague de crimes constitue un crime contre l'humanité

 11   au titre du droit coutumier. Cela est conforme au jugement dans l'affaire

 12   Kupreskic, donc lorsqu'il existe "un défaut délibéré d'action qui a

 13   constitué un encouragement d'une telle attaque," les critères sont

 14   satisfaits.

 15   Il ne suffit pas de démontrer que la Croatie n'a pas planifié de

 16   manière adéquate la libération du territoire occupé, qu'elle avait des

 17   ressources limitées ou même qu'elle a manqué d'encouragement pour prévenir

 18   et pour sanctionner les crimes. La seule raisonnable déduction doit être

 19   que c'était un refus délibéré d'agir, et à notre sens, l'Accusation n'a pas

 20   démontré cela au-delà de tout doute raisonnable.

 21   Monsieur le Président, la Défense Cermak a accepté de m'accorder cinq

 22   minutes supplémentaires pour que je puisse terminer.

 23   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Autrement, il vous reste cinq minutes.

 24   Ou sept. Nous n'allons pas compter les secondes. Je pense qu'il est tout à

 25   fait clair que nous souhaitons que vos plaidoiries soient terminées

 26   aujourd'hui.

 27   M. AKHAVAN : [interprétation] Comme cela a été avancé par mes collègues,

 28   les éléments de preuve prouvent que M. Yasushi Akashi et d'autres hauts


Page 29262

  1   responsables n'ont pas estimé que les crimes de pillage et d'incendies ont

  2   constitué partie d'une campagne systématique. Les éléments de preuve

  3   démontrent que la Croatie n'a pas toléré ces crimes. Les hauts responsables

  4   croates étaient de toute évidence troublés par ces comportements qui

  5   ternissaient l'image de la Croatie sur le plan international. Nonobstant le

  6   chaos qui régnait pendant la guerre, il y a eu des ordres répétés ainsi que

  7   d'autres mesures, et en particulier des poursuites en justice au nombre de

  8   1 300 qui avaient pour but d'empêcher et de punir de tels crimes. Au vu de

  9   cela, les allégations selon lesquelles a existé une politique délibérée de

 10   refus d'agir destinée consciemment à encourager de tels crimes n'est

 11   certainement pas la seule conclusion raisonnable qu'il est possible de

 12   tirer.

 13   Admettre les arguments de l'Accusation selon lesquels une entreprise

 14   criminelle commune est la seule conclusion raisonnable conduirait la

 15   Chambre de première instance à conclure qu'il y a eu existence de la

 16   conspiration du siècle, un acte de génie diabolique, une politique

 17   criminelle qui a imprégné tout l'Etat croate sans laisser de trace derrière

 18   elle. Bien entendu, nonobstant l'existence ou non d'une entreprise

 19   criminelle commune, la seule base possible pour la contribution du général

 20   Gotovina aux crimes commis après l'opération Tempête, que ce soit au titre

 21   de l'article 7(1) ou 7(3) du Statut, résiderait dans ce qu'a allégué Mme

 22   Gustafson comme étant, je cite, "son inaction persistante et délibérée."

 23   Mais encore une fois, l'Accusation interprète le droit humanitaire de façon

 24   tellement non réaliste que rien de ce qu'a fait le général Gotovina

 25   n'aurait pu s'avérer suffisant. Les allégations fondamentales de

 26   l'Accusation consistent à dire que les nombreuses mesures qu'il a prises

 27   n'étaient que simple dissimulation. Comme Mme Gustafson l'a affirmé,

 28   Gotovina s'attendait à l'échec de ses ordres. L'absurdité de cette thèse


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  1   est démontrée par le paragraphe 125 du mémoire de l'Accusation, dans lequel

  2   nous lisons que l'ordre d'attaque qui a été émis par Gotovina montre que,

  3   et je cite :

  4   "Il savait que ses instructions superficielles visant à empêcher le pillage

  5   et les incendies et ces références génériques aux conventions de Genève

  6   étaient manifestement des mesures insuffisantes pour empêcher de tels

  7   crimes dans de telles circonstances."

  8   Il est à présumer que l'Accusation estime que le droit international

  9   humanitaire exige des commandants militaires qu'ils rédigent des

 10   dissertations détaillées et scolaires relatives aux conventions de Genève.

 11   C'est seulement dans ces conditions que des ordres destinés à protéger les

 12   civils pourraient être qualifiés comme étant des mesures raisonnables et

 13   nécessaires. Cet argument est tout simplement ridicule.

 14   L'Accusation maintient par ailleurs que la condamnation méprisante des

 15   soldats qui se livraient à la boisson et au pillage, que l'on voit chez le

 16   général Gotovina lorsqu'il parle de "barbares," entre guillemets,

 17   impliquait qu'il cherchait à se couvrir. Il est à présumer qu'il avait pour

 18   seul objectif d'encourager un comportement indiscipliné parmi ses hommes à

 19   la veille de sa guerre prochaine contre Ratko Mladic en Bosnie. Affirmer

 20   que ceci est la seule conclusion raisonnable qu'il est possible de tirer

 21   pour les Juges de la Chambre de première instance, c'est également

 22   ridicule.

 23   Ces affirmations factuelles sont alors combinées aux affirmations

 24   juridiques intenables qui, d'après Mme Gustafson, permettent de penser que

 25   le haut grade d'un commandant n'a aucune pertinence lorsqu'on examine sa

 26   responsabilité pénale.

 27   Ceci est manifestement une façon de mépriser le commentaire du CICR,

 28   à l'article 87 du protocole 1 des conventions de Genève, cité au paragraphe


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  1   715 de notre mémoire, qui établit clairement que les lois applicables à la

  2   responsabilité hiérarchique impliquent de distinguer entre les mesures à

  3   prendre par un commandant au plus haut niveau et les mesures à prendre par

  4   un commandant immédiat. D'autres déclarations de Mme Gustafson montrent

  5   qu'elle estime que le devoir du général Gotovina dans le système de la

  6   Croatie, en particulier eu égard à la police militaire, était, je cite,

  7   "sans pertinence par rapport à ses devoirs au titre du droit

  8   international." Ceci est manifestement faux. Le jugement en première

  9   instance à Hadzihasanovic indique aux paragraphes 137 à 138 que, je cite :

 10   "Le droit national d'un Etat établit les devoirs et les pouvoirs des

 11   représentants civils et militaires de cet Etat, mais que le droit

 12   international établit les modalités d'exercice de ces pouvoirs dans les

 13   territoires concernés."

 14   Il y aussi cette fausse affirmation selon laquelle il n'y a pas de

 15   différence entre le devoir d'un commandant opérationnel et celui d'un autre

 16   commandant. L'arrêt Celebic [phon] au paragraphe 258, ainsi que le jugement

 17   Hadzihasanovic au paragraphe 81 dressent tous une distinction entre cela et

 18   le droit humanitaire.

 19   L'Accusation a demandé de façon répétée à la Chambre de première

 20   instance d'examiner l'ensemble des éléments de preuve avant de parvenir à

 21   ses conclusions. Nous saluons cette invitation, parce que lorsque toutes

 22   les circonstances de la guerre sont prises en compte, les efforts du

 23   général Gotovina pour établir une armée professionnelle et disciplinée face

 24   à un ennemi féroce qui avait commis des actes de nettoyage ethnique et

 25   occupait un tiers de la Croatie, ennemi qui bombardait régulièrement ces

 26   villes et ces villages en toute impunité étant donné le défaut d'action des

 27   Nations Unies, donc il était demandé de prendre en compte tous ces

 28   événements face au péril éminent et grave que confrontait cette nouvelle


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  1   version indépendante dans le sillage du génocide de Srebrenica et au vu de

  2   la menace de la chute de Bihac, selon des conditions assez comparables. Et

  3   si l'ensemble de toutes ces circonstances sont prises en compte, les

  4   arguments selon lesquels il aurait failli à son obligation de prendre des

  5   mesures nécessaires et raisonnables ne peuvent en aucun cas être la seule

  6   conclusion raisonnable face à une approche réaliste du droit humanitaire.

  7   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Akhavan, j'ai dit qu'il fallait

  8   strictement respecter les horaires --

  9   M. AKHAVAN : [interprétation] J'ai noté que la Défense Markac me donne cinq

 10   minutes, et j'ai besoin de moins de cela pour arriver à la fin de mon

 11   exposé.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Ce que vous faites à grande

 13   vitesse c'est de continuer de lire votre exposé écrit alors que votre temps

 14   est plus limité qu'au départ. Et je pense qu'il conviendrait que vous vous

 15   adaptiez aux obligations de temps sans entrer dans les détails de la

 16   conspiration du siècle, ce qui n'était pas vraiment indispensable.

 17   Pouvez-vous pour poursuivre en laissant tomber les détails superflus.

 18   M. AKHAVAN : [interprétation] M. Gotovina a passé plus de cinq ans en

 19   prison pour accusations totalement infondées. C'est un soldat courageux et

 20   honorable auquel le monde doit la gratitude. Gratitude pour avoir risqué sa

 21   vie face au fléau du nettoyage ethnique contre les populations de l'ex-

 22   Yougoslavie. Gratitude pour avoir rendu possible l'arrestation des plus

 23   hauts responsables de ces innommables atrocités par ce Tribunal. Entre

 24   autres réalités horrifiantes de la guerre à laquelle il a participé, il est

 25   exigé que justice soit faite par toutes les mesures raisonnables du droit

 26   humanitaire et qu'il soit déclaré innocent de ces accusations infondées qui

 27   ont été retenues contre lui.

 28   En conclusion, nous soumettons, avec le respect que nous devons à la


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  1   Chambre de première instance, que celle-ci devrait prononcer un

  2   acquittement au profit du général Gotovina par rapport à tous les chefs de

  3   l'acte d'accusation.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Akhavan.

  5   C'est le tour de qui maintenant ?

  6   Est-ce que c'est la Défense Cermak.

  7   M. KAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kay, je ne dois pas vous rappeler

  9   que vous ne devriez pas parler trop rapidement, mais je m'attends à ce que

 10   vous-même ainsi que la Défense Markac --

 11   M. KAY : [interprétation] Nous n'avons encore que quelques aménagements à

 12   faire avec le mobilier avant de prendre la parole.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 14   Maître Kay, j'ai l'intention de faire une pause dans 20 minutes, une pause

 15   qui nous mènera à 13 heures. Donc si vous trouvez le bon moment dans votre

 16   exposé pour vous interrompre, faites-le. Vous êtes informé.

 17   M. KAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 18   Monsieur le Président, je présente ici ma plaidoirie dans l'intérêt d'Ivan

 19   Cermak. A un certain moment de l'espèce, à partir de mars 2008, avec

 20   l'ouverture des propos de l'Accusation et la citation des premiers témoins,

 21   et pas mal de temps plus tard a été présenté le réquisitoire et sont

 22   présentées les plaidoiries. Nous pouvons maintenant nous retourner pour

 23   regarder derrière nous le passage du temps et apprécier ce qu'à dit M.

 24   Tieger à sa juste valeur depuis le début ainsi que récemment, ce qui figure

 25   noir sur blanc dans l'acte d'accusation qui a été dressé avant le début de

 26   ce procès, ainsi que dans le mémoire préalable au procès de l'Accusation,

 27   où nous y trouvons toutes les allégations avancées. Nous regardons

 28   rétrospectivement ces allégations pour voir si preuve a été apportée de


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  1   leur existence ou pas, voir ce qui a changé et peut-être si quoi que ce

  2   soit existe qui puisse étayer ces allégations.

  3   Dès le début du procès, l'Accusation s'est appuyée sur des déclarations

  4   préalables recueillies en langue anglaise auprès de témoins croates, qui

  5   n'ont pas fait ces déclarations dans leur propre langue. Ces témoins qui

  6   étaient les auteurs de ces déclarations préalables ont ensuite comparé

  7   physiquement dans le prétoire de ce Tribunal et ont été tenus responsables

  8   pendant le procès de leurs propos antérieurs, les enquêteurs les

  9   interrogeant sur ce qu'ils avaient dit préalablement. Dans toute cette

 10   période, il y a eu des moments importants. J'aimerais mettre en exergue

 11   quatre de ces moments eu égard à la Défense Cermak. Ce sont des moments

 12   importants qui montrent que la thèse qui a été présentée par l'Accusation

 13   n'est pas la thèse qui est apparue aux yeux de tous dans la réalité plus

 14   tard. Ces éléments montrent une Accusation qui courrait derrière ses

 15   propres allégations. Le bureau du Procureur a d'abord présenté des

 16   allégations très générales quant au fait que le général Cermak aurait été

 17   au commandement d'un certain nombre de divisions dépendant de la région

 18   militaire de Split. Ces allégations faisaient état du fait qu'il exerçait

 19   le commandement et le contrôle sur tout ce qui bougeait à Knin et dans les

 20   environs de Knin, et plus précisément du secteur sud.

 21   Est-ce que c'est bien là la position qui a été défendue devant vous hier

 22   par M. Carrier ? Est-ce qu'il vous a démontré de façon convaincante

 23   l'existence d'un plan qui viendrait corroborer la thèse présentée par lui ?

 24   Si l'on se penche sur le mémoire en clôture, lorsque vous lirez ce mémoire,

 25   Madame, Messieurs les Juges, que vous analyserez les allégations qu'il

 26   contient, que vous vous pencherez sur les notes en bas de page - je parle

 27   bien des notes de l'Accusation, pas de celles de la Défense - et que vous

 28   prendrez en compte toutes les citations à l'appui des dires de


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  1   l'Accusation, vous aurez à vous demander si ces citations sont exactes, si

  2   elles rendent bien compte de ce qui a été écrit dans le document principal

  3   ou si elles sont erronées. Et j'utilise le mot erroné, parce que c'est un

  4   mot qui est apparu dans le mémoire en clôture de l'Accusation hier

  5   s'agissant des éléments de preuve relatifs à la Défense Cermak. Ce n'est

  6   pas un mot que j'utilise en général dans un prétoire, mais c'est un mot que

  7   j'utiliserai exceptionnellement aujourd'hui et que nous avons trouvé, je le

  8   répète, dans le mémoire en clôture de l'Accusation et que nous avons

  9   entendu prononcé encore une fois hier. Aucun doute qu'il importe de

 10   répondre au feu par le feu.

 11   Mais ces moments importants dont je parle, j'aimerais les examiner plus en

 12   détail. Lorsque le général Lausic était sur le point de déposer devant ce

 13   Tribunal, la nuit qui a précédé sa déposition, il a rencontré un enquêteur

 14   du bureau du Procureur. On lui a remis une enveloppe de couleur marron.

 15   Dans cette enveloppe se trouvaient des documents, et l'un de ces documents

 16   était la pièce à conviction D34, à savoir l'ordre relatif à l'organisation

 17   qui date de 1993 et qui concernait les casernes. Ce document n'a pas été

 18   évoqué par M. Lausic pendant les nombreux interrogatoires dont il a fait

 19   l'objet en tant que suspect par le bureau du Procureur, ils n'ont pas été

 20   mentionnés dans sa déclaration préalable à son audition en tant que témoin

 21   ni dans les résumés de sa déposition élaborée par le bureau du Procureur,

 22   et tout d'un coup, un représentant de l'équipe de l'Accusation s'est sans

 23   doute dit, Nous avons laissé tomber quelque chose d'utile. Nous avons

 24   commis une grave erreur dans notre appréciation de ce qui peut être

 25   pertinent ou pas dans les éléments de preuve présentés en l'espèce. Etant

 26   donné le fait que Lausic n'a pas évoqué ce document particulièrement

 27   important qui porte sur l'autorité et le pouvoir exercés par le commandant

 28   d'une caserne, étant donné que ces éléments n'ont pas été évoqués, il est


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  1   intéressant de voir que c'est l'expert de l'Accusation, M. Theunens, qui a

  2   parlé de ce document dans une seule page de son volumineux rapport

  3   d'expert. Donc ceci a constitué un moment important de la présentation de

  4   la thèse de l'Accusation qui court derrière ses propres allégations, en

  5   essayant de reprendre l'avantage d'une certaine façon grâce à un témoin

  6   important sur une pièce à conviction importante.

  7   Autre moment important, le deuxième sur les quatre que je vais évoquer

  8   devant vous, qui concerne d'autres témoins-clés. L'équipe Gotovina

  9   comprendra pourquoi je lui ai accordé cinq minutes supplémentaires

 10   lorsqu'elle m'entendra m'exprimer sur ce point.

 11   L'équipe Gotovina souhaitait recevoir le projet du rapport Theunens à

 12   l'avance. Ce n'était pas un rapport qui l'intéressait particulièrement.

 13   Nous n'avons eu aucun problème à contester les propos de M. Theunens sur la

 14   base du rapport que nous avions sous les yeux. Mais ce qui est instructif,

 15   parce qu'il s'agit d'un projet de rapport soumis deux semaines avant son

 16   élaboration définitive, c'est qu'on y a trouvé un certain nombre de

 17   modifications substantielles et fondamentales eu égard à la thèse relative

 18   à M. Cermak et à la position qui aurait été celle de M. Cermak dans ce

 19   procès. Donc l'expert de l'Accusation a réécrit son rapport sur ce point

 20   pour adapter son propos au contenu de l'acte d'accusation retenu contre M.

 21   Cermak.

 22   Nous avons passé quelques jours à étudier ces projets de texte dans le

 23   détail. Nous avons passé quelques jours à les analyser, mais le résultat de

 24   tout cela, et nous avons plaisir à le dire, c'est qu'à notre avis, ce

 25   moment a été un moment important de la procédure.

 26   Autre moment important c'est celui où M. Dzolic est venu déposer. Il a été

 27   commandant de la Compagnie de Knin de la Police militaire pendant une

 28   semaine à Knin. Et lorsque vous examinez sa déclaration préalable, vous


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  1   voyez qu'elle est curieusement écrite, comme nous l'indiquons dans notre

  2   mémoire en clôture, dans le but d'établir une espèce de source légale

  3   s'agissant de savoir qui devait obéir aux ordres du général Cermak et afin

  4   d'établir une espèce de lien au niveau du commandement exercé à présent les

  5   uns et par les autres.

  6   Penchez-vous sur le paragraphe concerné, le paragraphe 34, vous voyez qu'il

  7   n'est absolument pas convaincant quant au type de documents sur lesquels

  8   les Juges de la Chambre vont devoir s'appuyer pour statuer. Mais lorsque ce

  9   témoin a déposé, il était tenu pour responsable de ce qu'il avait dit

 10   auparavant, et il est revenu sur ce qu'il a déclaré devant le représentant

 11   du bureau du Procureur précédemment en présentant une image tout à fait

 12   différente de la situation. Ce fut donc encore une fois un moment important

 13   du procès.

 14   Et même moment important c'est celui de l'audition du Témoin

 15   P-086. Sur exactement les mêmes questions, avec exactement les mêmes

 16   résultats. En dehors des déclarations confortables qui avaient été

 17   recueillies plusieurs années auparavant, dont les témoins étaient

 18   considérés comme responsables lors de sa comparution de vive voix, tous ces

 19   témoins n'ont apporté aucune preuve qui permettrait à l'Accusation de

 20   démontrer que sa thèse contre M. Cermak est fondée.

 21   Lorsque les Juges de la Chambre auront à statuer en l'espèce, je les

 22   renvoie aux éléments de preuve présentés par la Défense Cermak pendant la

 23   procédure. Lorsque les Juges examineront le mémoire en clôture de

 24   l'Accusation, il leur apparaîtra évident qu'un grand nombre des éléments de

 25   preuve ne sont simplement pas soutenus par des arguments. Quand des témoins

 26   ont été cités par la Défense Cermak, dans le même ordre d'idées il a été

 27   frappant de constater qu'il n'y a eu aucune contestation des éléments de

 28   preuve sur le fond. Et ceci est dû au fait que les éléments de preuve qui


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  1   ont été présentés représentaient ce qui s'était véritablement passé dans

  2   toute cette affaire. Les Juges de la Chambre ont reçu des preuves provenant

  3   d'experts qui savaient ce dont ils parlaient, provenant de personnes qui

  4   avaient été associées à la nomination de M. Cermak à son poste, provenant

  5   de personnes qui se trouvaient à Knin et qui ont vu M. Cermak travailler,

  6   et provenant de personnes qui ont déjà expliqué depuis des années tout cela

  7   à l'Accusation, à savoir que M. Cermak avait de bonnes intentions et quelle

  8   était exactement la nature de son travail.

  9   Et quand on analyse les contre-interrogatoires de ces témoins sur le fond,

 10   on se rend compte qu'il y a très peu de possibilités de contester leurs

 11   propos. Ceci est dû à une raison qui est que ces témoins disent la vérité.

 12   Prenez, par exemple, le témoin expert, le général Feldi. C'est un homme qui

 13   connaissait les règlements de service, document important dans le cadre de

 14   l'espèce qui constitue la pièce P32. C'est un homme qui savait ce qu'il en

 15   était des casernes de l'armée de Croatie. Ses connaissances sont à la base

 16   de sa comparution en tant que témoin. Plus le temps passait, plus il était

 17   permis d'avoir l'impression - mais ce n'était qu'une impression - qu'il

 18   s'occupait davantage de confirmer sa crédibilité que de la réalité de ses

 19   propos sur le fond. Le témoin expert de la Défense, Pero Kovacevic, a été

 20   entendu également. C'est un homme qui était l'auteur des règlements de

 21   service évoqués précédemment, c'est un homme qui était responsable de la

 22   mise noir sur blanc des lois applicables par l'armée de Croatie, qui savait

 23   de quoi il parlait et qui savait pourquoi il avait été cité à la barre en

 24   tant que témoin expert. Et plus le temps passait, plus on pouvait penser

 25   qu'il s'occupait de sa crédibilité, et pas de ce que comportait le rapport

 26   de l'expert de l'Accusation sur le fond qui ne semblait pas être contesté.

 27   Le général Deverell, maintenant, même chose. M. Albiston, même chose. Et

 28   nous demandons à la Chambre, pour reprendre les mots de M. Tieger,


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  1   lorsqu'elle aura sous les yeux les éléments de preuve fondamentaux de la

  2   Défense, d'accorder à ces éléments de preuve le même statut qu'à tout autre

  3   élément de preuve de l'espèce. Nous demandons aux Juges de la Chambre de

  4   prendre en compte la totalité des éléments de preuve, parce que c'est en

  5   passant en revue l'ensemble de ces éléments que la Chambre parviendra à

  6   faire prévaloir la vérité et à prononcer un verdict équitable.

  7   Quelques mots à présent au sujet de la position du général Cermak. Comment

  8   est-il arrivé à Knin. Nous savons au vu des éléments de preuve que sa

  9   présence à Knin n'avait pas été planifiée. Je vais parler devant les Juges

 10   de la dernière théorie de Brioni avancée par l'Accusation au moment ultime

 11   de la procédure dans le cadre de son mémoire en clôture.

 12   Donc M. Cermak est arrivé presque par accident à Knin. Grâce à un

 13   concours de circonstances, il a reçu un appel téléphonique et on lui a

 14   demandé d'apporter son aide au président, et dans ce cadre, de se rendre à

 15   Knin. C'était une mission à laquelle il n'avait pas été préparé, pour

 16   laquelle il n'avait pas été entraîné, pour laquelle il ne s'était vu

 17   accorder aucun pouvoir, aucune autorité suffisante en tout cas.

 18   L'Accusation affirme que pendant son séjour à Knin, le général Cermak,

 19   ainsi que d'autres membres de l'entreprise criminelle commune, aurait

 20   permis que règne un climat d'impunité et que le général Cermak aurait

 21   autorisé que des crimes se commettent. Ceci rend absolument indispensable

 22   de se demander ce qu'il a fait effectivement.

 23   Alors, vous avez entendu un certain nombre de témoins en l'espèce qui vous

 24   ont dit qu'il n'avait pas seulement condamné les crimes en public, mais

 25   qu'il les avait également condamnés en privé et qu'il les avait également

 26   condamnés pendant des réunions organisées à la caserne. Est-ce que ceci

 27   ressemble à l'action d'une personne membre d'une entreprise criminelle

 28   commune ? Est-ce que ceci pourrait servir en quoi que ce soit à démontrer


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  1   qu'il voulait permettre que règne un climat d'impunité étant donné qu'il

  2   s'est opposé à la commission des crimes qui étaient commis et qu'il l'a

  3   exprimé dans des ordres destinés à d'autres ?

  4   Pour résumer, l'addition ne colle pas ici. Et ce qui est en train de

  5   se passer, c'est que trois généraux ont voulu aller à un procès et que son

  6   nom a surgi dans ces circonstances. Le général Cermak est un homme qui

  7   s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment sans avoir commis le

  8   moindre méfait.

  9   Pourquoi est-ce que le général Cermak a été renvoyé devant un Tribunal ?

 10   Son expérience dans les affaires, sa connaissance de la logistique, dont de

 11   nombreux témoins ont parlé ici, sa capacité à organiser, et ce, évidemment

 12   dans une situation très confuse suite à la libération de la ville de Knin

 13   au moment des faits montrent qu'on avait besoin d'un homme ayant les

 14   qualités qui sont les siennes pour essayer de rétablir une vie normale à

 15   Knin. Et ceci, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, résume

 16   les raisons pour lesquelles le général Cermak se trouve ici.

 17   Je vais maintenant traiter de façon directe des diverses allégations

 18   soutenues par l'Accusation au sujet du général Cermak dans le cadre de sa

 19   nomination à son poste. Il a été allégué par M. Carrier ainsi que dans le

 20   mémoire en clôture de l'Accusation que son rôle a été envisagé pendant la

 21   réunion de Brioni; pièce à conviction P461, page 27. Mais si vous vous

 22   penchez sur ce document et analysez ces allégations dans le détail, vous

 23   verrez d'abord dans quel contexte elles ont été prononcées, à savoir celui

 24   d'une conversation qui portait sur l'imminence de la guerre. Autrement dit,

 25   une situation qui n'a rien à voir avec la situation ultérieure à la fin de

 26   cette guerre. Dans cette conversation, on ne dit à aucun moment que le

 27   général Cermak allait avoir un poste à Knin, et il n'est dit à aucun moment

 28   non plus qu'il allait traiter des protestations, qu'il allait s'occuper de


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  1   neutraliser les interventions de l'ONURC. Voici ce qui est dit, en fait, je

  2   le cite : Il nous faut une équipe qui traitera des relations avec l'ONURC,

  3   un contact permanent qui arrivera à traiter les affaires et résoudre les

  4   affaires avec eux pour qu'on ait les instructions de leur part, parce que

  5   les choses vont évoluer trop rapidement. Le président a déclaré que cette

  6   personne devait être en contact avec son cabinet. Et à la page 29, il a

  7   nommé cette personne, il a dit qu'il s'agissait de M. Sarinic. C'est une

  8   question qu'il vous faudra traiter, ce que vous avez dit et la référence à

  9   l'ONURC, ça signifie Sarinic. J'aimerais savoir s'il vaudrait mieux gérer

 10   tout cela depuis Brioni ou depuis Zagreb.

 11   Mais tout ceci n'a absolument rien à voir avec le contexte inventé de

 12   toutes pièces par l'Accusation dans son mémoire en clôture à propos de la

 13   présence de M. Cermak à Knin. En revanche, ce qui est intéressant, c'est de

 14   se pencher sur la question de savoir pourquoi ils ont eu besoin d'inventer

 15   une espèce de lien préalable à la libération de Knin. Et c'est très simple.

 16   C'est parce qu'ils n'avaient rien entre leurs mains, ils n'avaient aucune

 17   preuve montrant qu'il faisait partie d'une entreprise criminelle commune.

 18   Ils ont donc essayé de créer un concept en l'espèce afin de renforcer un

 19   peu leur thèse qui prenait l'eau.

 20   Passons maintenant aux allégations selon lesquelles le général Cermak avait

 21   été nommé afin de traiter les interventions de l'ONURC et de les

 22   neutraliser, et tâchons de lier ça avec les tentatives de l'Accusation

 23   essayant de rendre la nomination du général Cermak à Knin comme étant

 24   quelque chose d'assez sinistre. Donc à un moment, on déclare que les règles

 25   normales de nomination ont été contournées par le président afin que M.

 26   Cermak puisse obtenir ce poste de comandant de garnison à Knin. La

 27   procédure de nomination a été expliquée par le général Feldi, l'expert

 28   militaire, à la pièce D1673, pages 43 à 44. Or, sa nomination respecte


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  1   parfaitement les dispositions de la constitution de la Croatie et des lois

  2   portant sur la défense qui demandent que ce soit le président qui nomme et

  3   qui démette les généraux. Le fait que le président ait nommé le général

  4   Cermak indique, en fait, qu'il devait avoir un rôle bien précis, un rôle

  5   différent, non pas le rôle qui est envisagé par l'Accusation, mais son rôle

  6   allait être de normaliser la vie à Knin et d'aider les organisations

  7   internationales à Knin. Ça allait être son rôle. Rien de plus, rien de

  8   moins, rien d'autre, et certainement pas une participation à une entreprise

  9   criminelle planifiée. Le but ici était de nommer le général Cermak pour

 10   qu'il occupe un poste qui se trouvait en dehors des forces armées croates,

 11   qui ne se trouvait pas dans la hiérarchique habituelle du commandement

 12   militaire de la Région de Split ni dans le cadre du commandement des forces

 13   armées croates. Il s'agissait d'un poste court, un poste qui devait être

 14   rempli parce qu'il était essentiel après la libération de Knin.

 15   A aucun moment au cours des discussions, dans aucun des documents qui nous

 16   ont été présentés, dans aucune déclaration faite, trouve-t-on la moindre

 17   référence au fait que le général Cermak n'ait été nommé que pour s'occuper

 18   du retour des Croates dans la région. Il ne l'a jamais dit, personne

 19   d'autre ne l'a dit. Son profil de poste était tout à fait différent,

 20   c'était un poste d'une nature très générale où il s'agissait de normaliser

 21   la vie à Knin, et la normaliser pour tout le monde, son poste n'a jamais

 22   été conçu comme étant un poste visant à provoquer le départ de certaines

 23   personnes ou favorisant la commission de crimes contre les Serbes.

 24   Donc lorsqu'on essaie de noircir la nomination de M. Cermak à ce

 25   poste en essayant de présenter des arguments à la Chambre, l'Accusation

 26   dans son mémoire principal, au paragraphe 289, parle du contexte de la

 27   nomination de Cermak de la façon suivante. Le 4 août 1995, Susak a fait

 28   rapport à Tudjman sur l'avancement de l'opération "Storm" en demandant à -


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  1   et ça c'est le mot ajouté - demandant à Tudjman d'exiger que l'on contacte

  2   Cermak. Cet homme qui était là, M. Radic [comme interprété], n'a jamais dit

  3   cela en fait, et d'ailleurs on ne lui a jamais affirmé que d'une façon ou

  4   d'une autre le ministre Susak ait quoi que ce soit à voir avec la

  5   nomination de M. Cermak. Mais ça a été glissé dans les textes à un moment

  6   pour essayer de noircir le tableau et pour essayer de vous faire croire

  7   qu'il y avait des raisons sinistres derrière cette nomination du général

  8   Cermak en tant que commandant de garnison à Knin. Le fait qu'il ait été

  9   nommé commandant de garnison n'avait rien à voir avec le ministre Susak,

 10   n'avait rien à voir avec quoi que ce soit de sinistre.

 11   Donc on essaie de montrer Cermak comme étant un homme de confiance,

 12   un homme averti. Donc c'est ce qui est utilisé. Ce n'est pas quelque chose

 13   qu'a dit M. Radin, M. Vidosevic, M. Skegro, ou les autres témoins, on ne

 14   leur a jamais demandé si M. Cermak était un homme de confiance averti, pas

 15   du tout. Mais on glisse cela au passage pour que vous essayiez de croire

 16   qu'il fait bel et bien partie d'une entreprise criminelle commune. Donc

 17   c'est ce terme "homme de confiance averti," et cela vient, en fait, initié,

 18   cela vient, en fait, d'un article de journal où le général Cervenko décrit

 19   Cermak comme étant l'homme de confiance du président Tudjman. Mais le

 20   général Cervenko a démenti l'interview qu'il a donnée, le lendemain après

 21   l'avoir donnée, vous le trouverez à la pièce D1306. Or, c'est un fait

 22   essentiel, et normalement l'Accusation aurait dû essayer de s'en occuper

 23   d'une manière ou d'une autre. Mais lorsqu'on voit ce qu'il en est, la façon

 24   dont ça a été présenté au général Deverell, on voit que ce ne sont que des

 25   rumeurs, il ne s'agit de ragots et rien de plus. Ce n'est étayé par rien.

 26   Donc l'Accusation essaie aussi de peindre le général Cermak comme étant un

 27   initié, un homme de confiance, un homme averti, un homme ayant des contacts

 28   très étroits et personnels avec le président Tudjman et avec les autres


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  1   membres de l'entreprise criminelle commune.

  2   Mais je ne vais pas aborder ce sujet puisque nous allons d'abord faire la

  3   pause.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

  5   Nous allons maintenant faire la pause, et nous reprendrons donc à 13 heures

  6   moins 05.

  7   --- L'audience est suspendue à 12 heures 36.

  8   --- L'audience est reprise à 12 heures 58.

  9   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kay, vous avez la parole.

 10   M. KAY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 11   Nous allons passer donc à cet homme de confiance, cet initié averti, qui

 12   aurait eu des contacts très étroits. Bien, quelles sont les preuves de

 13   toutes ces réunions auxquelles M. Carrier a fait référence hier ? Il ne

 14   suffit pas d'entrer dans le prétoire et de dire qu'il y a eu à la fois des

 15   réunions publiques et des réunions privées. Où ? Quelles réunions,

 16   lesquelles ? Les réunions dont on nous a parlé et qui sont mentionnées au

 17   compte rendu présidentiel ne montrent absolument pas M. Cermak sous un

 18   mauvais jour. Les éléments de preuve dont nous disposons, ce sont des

 19   réunions où l'on parle de la nature de ses tâches, de ses fonctions. On

 20   n'en sait pas plus. Donc arriver dans ce prétoire en déclarant qu'il y a eu

 21   des réunions privées ou des réunions publiques où toutes sortes de sujets

 22   ont été abordés, cela ne suffit pas, cela ne suffit pas pour étayer une

 23   théorie pénale. De plus, la réalité c'est que ces réunions n'ont simplement

 24   jamais eu lieu. Nous avons des éléments de preuve nous venant de certaines

 25   réunions, de ce qui a été dit, on sait où les réunions ont eu lieu en ce

 26   qui concerne certaines de ces réunions seulement.

 27   Pour ce qui est maintenant des membres allégués de cette entreprise

 28   criminelle commune, nous a-t-on jamais démontré l'existence même de


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  1   l'existence d'un contact personnel très étroit entre les membres de cette

  2   entreprise criminelle commune et le général Cermak ? Non, on n'a eu aucun

  3   élément de preuve à ce propos. Tout ce que l'on sait, c'est que dans son

  4   interview, dans son entretien, M. Cermak a dit qu'il connaissait

  5   personnellement M. Jarnjak. Il a déclaré qu'il s'agissait d'un ami. Il a

  6   dit que le général Markac aussi était un de ses amis. Il a déclaré qu'il

  7   entretenait en 1993 de bonnes relations avec le président Tudjman, mais

  8   lorsqu'il avait quitté le gouvernement précédemment, donc il y a eu très

  9   peu de contacts entre Tudjman et lui entre 1993 et 1995. Ils ne s'étaient

 10   vus que deux ou trois fois et pas plus.

 11   Pour ce qui est des autres membres allégués de cette entreprise criminelle

 12   commune, le général Cervenko, Ademi, M. Radin, les autres. Comment nous a-

 13   t-on démontré que le général Cermak aurait tout d'un coup pu intégrer ce

 14   premier cercle qui aurait fait qu'il aurait été l'homme de confiance et

 15   qu'il aurait pu ainsi aider à la commission de crimes ? Nous n'avons vu

 16   aucune preuve dans ce sens. Et si on nous avait présenté des preuves, nous

 17   aurions pu les réfuter, mais on ne nous a rien présenté.

 18   Et tout montre qu'il y a de très bonnes raisons qui expliquent pourquoi on

 19   a choisi le général Cermak pour le poste de Knin. Les citations que l'on

 20   trouve en note de bas de page dans le mémoire en clôture de l'Accusation

 21   étayent d'ailleurs ces excellentes raisons citées par M. Vedris, selon

 22   lequel Cermak avait été nommé pour remettre sur pied la vie civile aux

 23   alentours de Knin et dans la ville de Knin. Tudjman voulait trouver une

 24   personne qui était un dirigeant, quelqu'un qui savait organiser les choses,

 25   quelqu'un qui pouvait reconstruire la zone, ou en tout cas lancer les

 26   opérations de reconstruction. M. Radin n'a jamais mentionné une autre

 27   personne comme étant une option pour ce poste. On ne sait pas ce que

 28   pensait le président, en fait. Et malheureusement, maintenant ça fait un


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  1   bon moment qu'il est impossible de savoir ce qu'il y avait dans la tête de

  2   M. Tudjman.

  3   M. Skegro et M. Videsevic ont parlé des compétences de M. Cermak qui

  4   étaient tout à fait appropriées au poste de Knin à l'époque, puisqu'il

  5   avait été envoyé là-bas pour remettre sur pied une région où toute une

  6   masse de personnes qui en avaient été exclues depuis quatre ans devaient

  7   revenir, et il devait aussi préparer la région pour permettre aux gens qui

  8   y étaient d'y rester et pour permettre à ceux qui s'étaient enfuis de leur

  9   propre chef de revenir. J'y reviendrai d'ailleurs dans un instant.

 10   Au cours des conversations entre M. Cermak et le président en 1999, pièce

 11   P1144, on voit bien quelle a été la portée des travaux du général Cermak.

 12   Il n'a jamais été chargé du maintien de l'ordre. Il n'a jamais été chargé

 13   de la police, des forces armées militaires, ou de quoi que ce soit. Le

 14   président ne lui a jamais demandé de faire cela. Et pourtant, il s'agit

 15   d'une conversation officieuse, et personne ne pouvait s'attendre à ce que

 16   l'enregistrement de cette conversation se retrouve dans un prétoire dix ans

 17   plus tard. Mais pourtant, au cours de cette conversation, il n'est jamais

 18   même suggéré que le général Cermak n'aurait pas rempli correctement sa

 19   mission, qui était de normaliser les conditions de vie et de reconstruire

 20   la ville. Et au cours de cette conversation, il n'est jamais mentionné

 21   qu'il était chargé du maintien de l'ordre dans la région et qu'il aurait

 22   été en charge d'empêcher la commission de crimes.

 23   Donc il est assez intéressant de remarquer que la nomination et le rôle de

 24   Cermak ont été presque immédiatement diffusés parmi tous les représentants

 25   officiels croates, y compris les hauts représentants de la direction

 26   politique, les hauts gradés militaires ou les représentants de la police.

 27   En fait, on voit que Cermak, de ce fait, n'a jamais été intégré aux

 28   structures militaires ou policières. Il a été envoyé en tant qu'homme


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  1   politique pour remplir sa mission, la mission qui lui avait été donnée par

  2   le président. Ça n'allait pas plus loin. Sa nomination avait été abordée

  3   lors de la réunion où il y avait les membres du VONS. Il n'a pas été

  4   intégré aux structures de commandement ou aux structures de pouvoir. En

  5   fait, comme l'a dit M. Vedris, il a entendu sa nomination à la radio et il

  6   a appelé M. Cermak, et c'est assez intéressant d'ailleurs, parce que ça

  7   montre bien l'état d'esprit de M. Cermak à l'époque. Dans le cadre d'une

  8   conversation informelle et officieuse, M. Cermak lui a dit qu'il acceptait

  9   la nomination et qu'il était prêt à apporter son aide. Donc il était là

 10   pour apporter son aide, rien d'autre, et on ne peut rien trouver qui étaye

 11   la thèse de l'Accusation dans le cadre de sa nomination.

 12   Le chef de la police de la région, M. Cipci, qui a vu M. Cermak arriver à

 13   Knin le 6, a demandé à M. Jarnjak quelle était la fonction de M. Cermak.

 14   Certes, cela ne constitue pas une directive présidentielle imposée aux

 15   officiels croates et portant sur les rôles et responsabilités de M. Cermak.

 16   J'ai parlé du rôle qu'avait joué M. Cermak dans la normalisation de la vie

 17   à Knin.

 18   Mais ce que l'on voit et ce qui a été prouvé au-delà de tout doute

 19   raisonnable par la Défense au cours du procès, c'est que l'Accusation a

 20   essayé de modifier la nature même de la mission donnée à M. Cermak, qui

 21   était au départ la normalisation, et ils ont voulu rajouter qu'il était là

 22   aussi pour faciliter "le retour des Croates" dans la région en rétablissant

 23   les infrastructures, en déblayant les mines, et cetera, ou en assainissant

 24   le territoire.

 25   Donc le fait que M. Cermak ait été nommé pour coloniser la région, c'est

 26   une affirmation qui n'a jamais été présentée à des témoins comme M. Radin,

 27   M. Skegro ou M. Pasic, des personnes qui, pourtant, étaient dans la région

 28   à l'époque. Tout simplement parce que c'est un concept tellement absurde


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  1   qu'il aurait été rejeté immédiatement s'il avait été présenté par

  2   l'Accusation, parce que tous les éléments de preuve montrent bien que M.

  3   Cermak avait été nommé pour remettre la vie sur pied à Knin, pour

  4   normaliser la vie, rien de plus. Il n'avait rien à voir avec l'opération

  5   Retour. Il n'avait rien à voir avec la structure du MUP qui gérait cette

  6   opération Retour. Donc ce concept qui a été ajouté à la théorie de

  7   l'Accusation est un essai en désespoir de cause de la part de l'Accusation

  8   d'essayer de trouver des éléments de preuve pour étayer leur cause. Mais

  9   comme nous l'avons déjà dit, tout ça ne tient pas.

 10   Revenons-en aux déclarations de deux témoins qui ont été entendus à

 11   huis clos. Il s'agit de témoins protégés, donc il conviendrait de passer à

 12   huis clos partiel.

 13   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 15   partiel.

 16   [Audience à huis clos partiel]

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  7   [Audience publique]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

  9   M. KAY : [interprétation] Je n'évoquerai pas tous les détails relatifs au

 10   processus de normalisation, la Défense en a parlé de manière approfondie

 11   dans son mémoire en clôture, mais je vais plutôt me pencher sur un autre

 12   sujet, un sujet qui a été abordé eu égard au général Cermak, à savoir la

 13   question de ses contacts avec les représentants de la communauté

 14   internationale disant qu'il agissait afin d'apaiser, ou plutôt, d'entraver

 15   dans leurs élans les observateurs internationaux; je vous renvoie au

 16   paragraphe 289 du mémoire en clôture de l'Accusation, et M. Carrier en a

 17   parlé. Donc M. Cermak était en contact avec les représentants des

 18   organisations internationales, mais il convient de rappeler le fait que ce

 19   n'était pas la seule personne qui a été désignée pour servir de contact

 20   avec les organisations internationales. Nous avons le registre de la police

 21   de Knin, la pièce D57, nous avons des registres des rapports portant sur

 22   les crimes de l'ONURC. Nous avons le témoignage du Témoin P-086. La police

 23   civile des Nations Unies qui fait des rapports sur des crimes. De

 24   nombreuses organisations internationales avec leurs rapports qui font état

 25   de crimes qui auraient eu lieu. Nous avons les pièces P226, P232, P234,

 26   P235, P238, P247, P251, P261 [comme interprété], et P262.

 27   Nous avons également des rapports portant sur les événements qui ont

 28   été établis par des organisations internationales à l'adresse de M. Cermak


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  1   ainsi qu'à l'adresse de la police locale. Et l'on ne peut en aucune manière

  2   affirmer que cette relation était une relation à laquelle avait droit

  3   exclusivement M. Cermak et qu'il a cherché dans le cadre de ses activités à

  4   empêcher la circulation de l'information à l'attention des instances

  5   compétentes qui étaient habilitées à engager des poursuites dans les

  6   situations où des crimes où délits ont été commis. La police civile des

  7   Nations Unies a même mis sur pied un système de coopération avec la police

  8   locale. Nous pouvons le voir grâce à la pièce D53.

  9   Et l'allégation de l'Accusation selon laquelle M. Cermak aurait empêché que

 10   l'on relaie les rapports faisant état d'activités criminelles est

 11   simplement inexacte. L'Accusation cherche à alimenter, bien sûr, sa thèse

 12   contre M. Cermak, mais comme nous pouvons le voir dans les déclarations de

 13   M. Rincic, pièce D1680, paragraphe 20; M. Lukavic, pièce D1687, paragraphe

 14   54; pièce D1688, paragraphe 37. M. Dondo, ainsi que la pièce D1695,

 15   paragraphe 17, paragraphe 19; ensuite, la pièce D1696, paragraphes 7 et 24.

 16   Le témoignage de M. Pasic, pièce D1706, paragraphes 4 à 5. Bien, les

 17   témoignages sont clairs, non seulement M. Cermak n'approuve pas les crimes

 18   et cherche à ce que l'on mette fin à cela, mais il prend la parole dans les

 19   réunions, les briefings, et il relaie l'information  qu'il reçoit de la

 20   part des organisations internationales, et il la relaie vers la police

 21   militaire ainsi que la police locale.

 22   Par conséquent, ces allégations-clés selon lesquelles M. Cermak aurait

 23   cherché à apaiser ses interlocuteurs, qu'il aurait filtré les rapports afin

 24   d'empêcher toute action, qu'il aurait cherché à noyer les informations,

 25   bien, tout simplement, cette allégation ne repose pas sur les éléments de

 26   preuve. Et il y a plus que cela. Nous avons vu les lettres émanant de M.

 27   Cermak qui transmet l'information sur les plaintes pour crimes de la part

 28   de la Croix-Rouge internationale, de la part de M. Forand, qui que ce soit,


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  1   donc des lettres qu'il adresse à M. Romanic, ou à M. Cetina.

  2   Donc nous avons la pièce D1756, marquée par Cetina comme étant urgente. Il

  3   ne s'agit pas d'un comportement qui serait un comportement type déployé par

  4   quelqu'un qui cherche à empêcher toute circulation d'information. C'est un

  5   homme qui mène à bien ses missions, qui se comporte en citoyen respectable,

  6   et il fait ce qu'il est censé faire.

  7   Maintenant, quant à l'allégation selon laquelle il aurait empêché que des

  8   éléments d'information atteignent les forces croates ou les instances

  9   compétentes croates, qu'il s'agisse du ministère de l'Intérieur ou autre,

 10   bien, ces allégations, simplement, sont sans fondement, si on se penche sur

 11   le nombre très considérable d'ordres qui ont pour objectif de mettre fin à

 12   la criminalité. Vous les voyez à l'annexe A du mémoire en clôture de la

 13   Défense Cermak. Donc nous avons des informations dont les destinataires

 14   sont les instances les plus haut placées, et leur faisant état des

 15   problèmes dans la zone, des atteintes à l'ordre.

 16   Donc construire la cause de l'Accusation exclusivement autour de la

 17   présence de M. Cermak à Knin, en fait, s'inscrit en faux par rapport aux

 18   éléments de preuve. Ces ordres qui ont été émis par des autorités plus haut

 19   placées à tout échelon constituaient partie intégrante d'une tentative

 20   qu'elles ont déployée d'essayer de régler le problème qui est survenu après

 21   la libération de la zone, donc il est tout simplement inexact d'essayer de

 22   présenter le général Cermak comme jouant un rôle de quelqu'un qui essaie

 23   d'empêcher les éléments d'information de circuler. Tout simplement, cela

 24   n'a pas été le cas.

 25   Les éléments de preuve de l'espèce nous permettent de savoir que les

 26   officiers de liaison de l'armée croate avaient établi des moyens de

 27   communication avec l'ONURC bien avant l'arrivée de M. Cermak, et ils

 28   recevaient des informations directement de la part de toute une série


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  1   d'organisations. Ces informations étaient ensuite transférées à leur

  2   commandant, le général de brigade Plestina, à Zagreb, qui s'est même

  3   déplacé à Knin et qui a évoqué avec l'ONURC directement à Zagreb des

  4   questions qui s'étaient posées aux organisations internationales.

  5   Donc le général Cermak était prêt à aider, et c'est ce qu'il a dit à M.

  6   Vedris, donc il a dit : Je vais y aller pour aider, lorsqu'il lui a dit

  7   qu'il allait partir pour Knin, donc cela montre sa détermination à partir

  8   et à rencontrer les représentants à la communication internationale, mais

  9   dans le cadre d'une explication tout à fait raisonnable, à notre sens, et

 10   cela ne peut pas être rejeté pour adopter, en revanche, la cause de

 11   l'Accusation et leur théorie, à savoir qu'il voulait y aller pour empêcher

 12   toute circulation d'information. Donc il est tout à fait raisonnable qu'un

 13   homme qui se voit confier une telle mission soit prêt à s'y rendre pour

 14   aider et pour faire de son mieux. Donc lorsque vous voyez quelles sont les

 15   mesures qu'il prend sur le terrain, toutes les activités qu'il déploie pour

 16   garantir l'approvisionnement en nourriture, pour faire ouvrir les

 17   boulangeries, les cuisines, tout ce qu'il fait montre qu'il veut aider, il

 18   veut se rendre utile. En effet, il n'avait pas été envoyé là-bas pour

 19   recevoir des rapports portant sur des crimes. Ceci n'a jamais été écrit

 20   dans le mémoire le concernant. Il a été envoyé là-bas pour aider. Et

 21   j'oserais affirmer que la dernière des choses qu'il avait à l'esprit au

 22   moment où il a été nommé commandant de garnison et qu'il a été envoyé sur

 23   les lieux, la dernière chose qu'il avait à l'esprit, c'est qu'il allait

 24   devoir s'occuper de rapports concernant des crimes, rapports que des

 25   organisations internationales lui communiquaient. Les choses sont très

 26   simples, il n'y a pas un seul élément de preuve qui prouverait que ceci ait

 27   même été envisagé d'une façon ou d'une autre. Et lorsque le général

 28   Gotovina se voit aborder par le général Forand, le 8 août, et que celui-ci


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  1   lui dit : Quel que soit le problème qui se pose à vous, le général Cermak

  2   va vous aider. Bien, voilà quelle était la définition du rôle joué par lui.

  3   La Chambre de première instance se voit prier à présent de structurer une

  4   thèse contre M. Cermak, une thèse qui impliquerait qu'une partie en tout

  5   cas de ce qu'il a fait n'avait pas été planifiée, n'avait pas été

  6   réfléchie, mais que c'était simplement quelque chose qu'il a pris sur lui

  7   de faire et qu'en agissant ainsi, et bien, il a pris tout cela sur lui, car

  8   c'est à lui qu'on est venu s'adresser par la suite. Lorsque le général

  9   Deverell parle de responsables de haut rang, il ne fait que revenir sur ce

 10   qui est habituellement le cas dans des situations internationales, à savoir

 11   que lorsque des gens s'adressent à vous en particulier, c'est parce qu'ils

 12   ont un problème à vous soumettre. Et c'est exactement ce qui s'est passé

 13   s'agissant de M. Cermak.

 14   Nous savons que les choses se sont beaucoup développées, sont allées

 15   bien au-delà de ça et qu'elles sont arrivées jusqu'à la police et à

 16   d'autres instances. Mais le fait qu'il ait eu en main des rapports, ce

 17   n'est pas quelque chose qui avait été structuré ou planifié à l'avance. Il

 18   n'existe tout simplement pas le moindre élément de preuve qui montre qu'il

 19   aurait agi dans ces conditions afin de mettre en application un quelconque

 20   plan criminel. Ce n'est simplement pas le cas.

 21   Lorsque le président Tudjman a parlé du rôle du général Cermak,

 22   encore une fois, ce rôle, à son avis, dans son idée, ne consistait pas à

 23   recevoir des rapports ou des informations au sujet de quelconque crime.

 24   Ceci n'a jamais fait partie de son mandat ou de la façon dont il a exécuté

 25   sa mission. Il a exécuté sa mission en faisant de son mieux et il a

 26   transmis à d'autres quand il pensait que c'étaient ces autres qui devaient

 27   s'occuper de telle ou telle question.

 28   Passons maintenant à l'allégation suivante de l'Accusation qui


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  1   s'efforce d'investir M. Cermak d'un pouvoir et d'une autorité qui, tout

  2   simplement, n'étaient pas les siennes. On a donné des titres divers à cette

  3   tentative. Oui, M. Carrier a parlé de statut militaire accru. Et nous avons

  4   déjà entendu cette expression, "autorité accrue." Nous avons entendu parler

  5   d'autorité accrue dans des conditions extraordinaires, donc l'allégation

  6   qui est faite, c'est que d'une certaine façon les pouvoirs de M. Cermak

  7   allaient bien au-delà de ceux qui lui avait été dévolus, c'est-à-dire qu'il

  8   aurait pu agir pour empêcher ce qui était en train de se passer sur le

  9   terrain - je veux parler des crimes.

 10   Bien, nous savons ce qu'il a fait, nous savons comment il a transmis

 11   à d'autres, nous savons que ceci correspondait à ses responsabilités

 12   citoyennes. Et à mon avis, si la Chambre adopte cette position, ce qu'elle

 13   devrait faire, je pense, nous ne devrions pas penser le moindre mal d'un

 14   accusé tout simplement parce qu'il est sur le banc des accusés. Si vous

 15   examinez les faits définissant son poste, ses responsabilités, bien, on

 16   voit qu'il transmet des informations, qu'il proteste au sujet de crimes qui

 17   ont été commis, alors pourquoi agirait-il ainsi si son autorité accrue lui

 18   avait permis de faire autrement. Il y a là tout simplement une

 19   contradiction entre ce qu'il a fait et ce qu'il a essayé de faire, et c'est

 20   de là que vient l'idée sans doute qu'il aurait été détenteur de pouvoirs

 21   extraordinaires et qu'il aurait pu faire davantage que ce qu'il a fait.

 22   S'il avait eu ces pouvoirs, d'après les éléments de preuve existants, nous

 23   constatons qu'il aurait fait davantage.

 24   Alors, cette extraordinaire autorité accrue, c'est une construction

 25   de toutes pièces qui a été mise en place pour essayer de l'investir dans

 26   une forme de responsabilité pénale. Et là, je vais rappeler une pièce à

 27   conviction qui résume l'absence de pouvoir qui était le sien. On pourrait

 28   passer des semaines et des semaines à examiner cette pièce. Je veux parler


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  1   de la pièce D1016, à savoir la requête en vue d'obtention d'une

  2   autorisation pour des dépenses liées à l'achat de jambon fumé servi durant

  3   un déjeuner à une délégation. Même si vous commandez un sandwich au jambon

  4   sans autorisation, cela ne veut pas dire que vous avez donné des ordres à

  5   la police militaire, aux forces armées de la région, parce que vous n'avez

  6   pas le droit de commander un sandwich au jambon. Donc cette comparaison de

  7   ces deux situations répond au besoin de l'espèce et ne repose sur aucun

  8   élément de preuve fiable ou digne de confiance.

  9   L'Accusation, dans son mémoire en clôture, lorsqu'elle parle

 10   d'autorité accrue, évoque de nombreux extraits d'éléments de preuve. En

 11   fait, elle cite le contraire de ce qu'elle a l'intention de dire et en

 12   particulier c'est ce que nous constatons au paragraphe 334, où nous voyons

 13   l'Accusation citer le témoin de la Défense Skare Ozbolt, puis citer la page

 14   18 101 du compte rendu d'audience. Ce témoin est décrit comme étant un

 15   comte sans terre dont les compétences sont indéterminées. "Il ne savait pas

 16   quelle était sa zone de responsabilité."

 17   Les témoins parlent ensuite abondamment de la communauté

 18   internationale, qui ne savait pas non plus quelles étaient les

 19   responsabilités dont était investi le général Cermak ou quel était son

 20   pouvoir, et qui ne savait pas, par ailleurs, s'il travaillait pour le

 21   système civil ou pour le système militaire en Croatie.

 22   Tout ce que les témoins ont dit, c'est : Nous ne savons pas quelle

 23   était la définition exacte de son pouvoir. Et rappelons-nous M. Berikoff,

 24   qui a dit que son autorité n'était pas reconnue sur le terrain. Le général

 25   Forand dit exactement la même chose. Et M. Roberts dit aussi exactement la

 26   même chose.

 27   Donc qu'est-ce que nous avons ici, pour résumer ? Nous avons un homme

 28   qui est installé de façon opportuniste, circonstancielle, dans un rôle


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  1   déterminé, à qui il est demandé d'essayer de concourir à un moment de très

  2   forte pression pour la Croatie au rétablissement d'une vie normale sur le

  3   terrain, ou en tout cas sur un territoire qui est sous la responsabilité

  4   des civils.

  5   Et à un certain moment, l'Accusation parle de M. Cermak comme

  6   jouissant d'une autorité extraordinairement accrue sans que la moindre

  7   définition soit donnée de son rôle exact, alors que par ailleurs, nous

  8   voyons cette même Accusation citer les pouvoirs du commandant de garnison

  9   tel que définis par les règlements des forces armées de Croatie. Donc nous

 10   sommes en présence de deux domaines très différents et contradictoires,

 11   s'agissant de l'autorité. D'une part, nous avons le poste de la personne en

 12   question et le pouvoir qui est assorti à ce poste; et d'autre part, nous

 13   avons quelqu'un dont l'autorité n'est absolument pas définie.

 14   Dans le passage du mémoire en clôture de l'Accusation qui commence au

 15   paragraphe 300, celle-ci parle de l'autorité exercée par M. Cermak en tant

 16   que commandant de garnison. Elle établit qu'il est entré dans l'armée en

 17   août 1995 en tant que membre d'active, et yeux de l'Accusation une

 18   proposition de grande importance réside dans le fait qu'elle a établi qu'il

 19   s'agissait d'un membre de l'armée d'active étant donné qu'elle tient à

 20   établir que les pouvoirs qui étaient les siens correspondaient à ceux qui

 21   sont cités dans le règlement s'agissant d'un commandant de garnison. En

 22   fait, nous savons, grâce aux éléments de preuve collatéraux, que les

 23   missions qui lui ont été confiées étaient d'une nature tout à fait

 24   différente. Et lorsque l'on se penche sur les ordres et les rapports qui,

 25   tous, étant donné l'époque, ont un lien avec son intervention de courte

 26   durée pour normaliser la vie, à notre avis, nous voyons très clairement

 27   qu'il avait un rôle et une mission qui ne correspondaient pas de façon

 28   formelle à ce qui est défini comme étant le rôle ou la mission d'un


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  1   commandant de garnison, alors que c'est à ce rôle qu'il a consacré tout son

  2   temps. Ses tâches étaient de nature non militaire.

  3   Mais il a aussi consacré beaucoup de temps à exercer l'autorité de

  4   commandant, et l'Accusation, dans l'analyse qu'elle présente dans son

  5   mémoire en clôture, analyse très détaillée, comme l'est également l'analyse

  6   faite par nous, aurait dû déterminer très clairement quelle était son

  7   autorité exacte.

  8   Ce qui est frappant dans le mémoire en clôture de l'Accusation, c'est le

  9   fait qu'elle ne s'est pas occupée et qu'elle n'a pas pris en compte les

 10   conclusions des témoins experts, c'est très significatif, Feldi, Kovacevic,

 11   Deverell, et Albiston, ont parlé du rôle d'un commandant de garnison. Et au

 12   lieu de prendre en compte leurs propos, l'Accusation s'est appuyée sur sa

 13   propre interprétation du règlement de service, dont était responsable le

 14   général Feldi, ainsi que sur l'ordre d'organisation de 1994 [comme

 15   interprété] concernant le travail au sein de la garnison.

 16   Dans son mémoire en clôture, l'Accusation cite divers extraits de la

 17   déposition du général Deverell et d'autres témoins qui concerne l'autorité

 18   exercée par un commandant de garnison. Et dans toutes ces citations, nous

 19   trouvons, en fait, le contraire de la thèse défendue par le bureau du

 20   Procureur, ce qui est une illustration très claire de ce qui s'est passé.

 21   Nous avons ici un dossier entier très détaillé sur ce sujet, et je n'ai

 22   aucun doute que la Chambre va vérifier les notes en bas de page avec le

 23   plus grand soin, je souhaiterais pour ma part en livrer une à titre

 24   d'exemple. Elle se trouve au paragraphe 309, à la fin du paragraphe, et

 25   c'est là qu'on trouve l'affirmation selon laquelle Deverell aurait admis

 26   que les unités de l'armée de Croatie pouvaient avoir des filières

 27   hiérarchiques différentes et que les règles de commandement pouvaient

 28   militer en faveur d'une autorité et de certains pouvoirs qui auraient été


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  1   décernés au commandant de garnison et lui auraient permis de remplir ses

  2   responsabilités en mettant en place des réglementations destinées à

  3   rétablir et à maintenir un climat d'ordre et de discipline militaire.

  4   Prenons la pièce D1784, pages 23 et 24, qui sont citées dans le rapport du

  5   général Deverell. Nous y lisons les mots suivants qui sont très clairs, je

  6   cite :

  7   "Ainsi, le commandant de garnison est responsable de l'imposition des

  8   réglementations jugées utiles afin de réaliser cet objectif," l'objectif

  9   étant la création d'un climat d'ordre et de discipline militaire

 10   précédemment cité dans le texte. Mais la partie dont je vais donner lecture

 11   maintenant n'est pas reprise dans le texte; par exemple, instaurer des

 12   limitations de vitesse pour les véhicules, définir des itinéraires à

 13   respecter par les membres de la garnison, déterminer les heures d'ouverture

 14   de telle ou telle installation, telle que, par exemple, les dépôts de

 15   carburant et de munitions, entretenir les installations chargées de la

 16   formation des unités et réglementer l'usage des lieux d'habitation. Ces

 17   installations diverses ont été utilisées par les unités, et pas

 18   nécessairement par les unités dépendant structurellement de la garnison,

 19   par conséquent, elles n'étaient pas subordonnées au commandement de la

 20   garnison.

 21   Aux pages 24 298 à 24 300 du compte rendu d'audience, nous lisons, je cite

 22   :

 23   "Le commandant de garnison ne peut être tenu responsable que de la

 24   discipline des hommes qui lui sont subordonnés."

 25   Tout ce passage du mémoire en clôture de l'Accusation crée une confusion

 26   entre différents subordonnés et la nécessité d'imposer la discipline à ses

 27   subordonnés dans le cadre de pouvoirs et d'une autorité qui sont définis de

 28   façon très générale.


Page 29295

  1   Monsieur le Président, il est 13 heures 46, et je sais que la suspension

  2   devrait se faire maintenant.

  3   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est en effet le cas, Maître Kay.

  4   M. KAY : [interprétation] Je vous remercie.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'espère que sur la base de ce qui s'est

  6   passé ces quelques derniers jours, parce que je ne vais pas vous rappeler

  7   l'historique du procès en faisant le compte à la minute près des différents

  8   temps, mais je propose que nous reprenions nos débats à 14 heures 45,

  9   Maître Kay, et que les premières 65 minutes de l'audience de cet après-midi

 10   vous soient consacrées. Est-ce que cela vous conviendrait ?

 11   M. KAY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, nous avons

 12   www.stopswatch.com [comme interprété] qui m'informe que nous avons utilisé

 13   une heure, 5 minutes et 50 secondes. Donc après la pause et avec votre

 14   autorisation, nous pourrons poursuivre.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Et nous allons ensuite avoir une

 16   pause à l'issue de vos 65 minutes.

 17   M. KAY : [interprétation] Oui.

 18   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Après quoi, c'est la Défense Markac qui

 19   s'exprimera. Si nous faisons une suspension de cinq minutes de moins que

 20   d'habitude, vous aurez à peu près deux heures 25 à votre disposition.

 21   Maître Kuzmanovic, est-ce que cela vous convient ?

 22   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vous

 23   remercie.

 24   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons maintenant suspendre, et

 25   reprendre à 14 heures 45.

 26   --- L'audience est levée pour le déjeuner à 13 heures 50.

 27   --- L'audience est reprise à 14 heures 48.

 28   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kay, êtes-vous prêt à poursuivre


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  1   ?

  2   Maître Higgins.

  3   Mme HIGGINS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  4   Madame, Monsieur les Juges, je vais m'intéresser plus précisément à

  5   certains chapitres du mémoire de clôture de l'Accusation pour vous

  6   expliquer, en fait, comment ce mémoire pêche par manque d'analyse, et

  7   j'attirerai notamment votre attention sur la façon dont ils ont évalué ou

  8   dont sont présentées les allégations et le bien-fondé des allégations

  9   prononcées à l'encontre d'Ivan Cermak.

 10   Chacun des Procureurs a fait référence à l'importance de la globalité de la

 11   totalité des éléments de preuve. Alors, bien entendu, j'en veux pour preuve

 12   les notes en bas de page extrêmement détaillées et les références, et je

 13   dirais d'ailleurs que dans le mémoire de clôture pour M. Cermak, M. Carrier

 14   n'a fait référence à aucune de ces notes en bas de page lorsqu'il s'est

 15   adressé à vous hier. Et je vous dirais également que nous indiquons, en

 16   fait, que la globalité des éléments de preuve et des références en notes de

 17   bas de page ne se retrouve pas ou ne vous permettront pas de procéder à

 18   cette analyse exhaustive. Nous nous sommes efforcés d'essayer de comprendre

 19   sur quoi ils se fondaient pour avancer leurs idées, et nous avons, en fait,

 20   remarqué qu'il y avait des faits qui avaient été déformés, qu'il y avait un

 21   manque de pertinence générale, et qu'il y avait eu des amalgames qui

 22   étaient opérés parfois, ce qui fait que vous ne pourrez pas prendre en

 23   considération la totalité des éléments de preuve.

 24   Pour illustrer mon propos, j'aimerais au cours des 20 prochaines minutes

 25   vous permettre de comprendre certains des paragraphes en réponse à ce qu'a

 26   avancé l'Accusation après avoir lu le mémoire de clôture pour M. Cermak.

 27   L'allégation de base qui vous a été présentée par M. Carrier hier, est que

 28   M. Cermak aurait pu faire usage du MUP qu'il contrôlait à Knin pour


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  1   prévenir et sanctionner les crimes. Mais il vous dit, au contraire, qu'il a

  2   fait usage des ressources de la police pour promouvoir davantage une

  3   entreprise criminelle commune et qu'en fait, il s'était lancé dans un

  4   exercice de colonisation avec les Croates dissimulé par une pseudo-

  5   normalisation et qu'il était beaucoup trop préoccupé par cela pour pouvoir

  6   empêcher les crimes qui ont eu lieu.

  7   Mais la vérité c'est que si l'on prend en considération la totalité

  8   des éléments de preuve, cela ne convient absolument pas à l'Accusation, et

  9   cela ne leur permettrait pas d'obtenir ces critères de la preuve requis au-

 10   delà de tout doute raisonnable. Et il en va de même lorsque l'on pense au

 11   contexte idoine. Hier, M. Carrier a fait référence au fait que M. Cermak

 12   avait en quelque sorte utilisé à mauvais escient les ressources de la

 13   police pour promouvoir l'entreprise criminelle commune, et pour étayer son

 14   propos, a fait référence à l'expert Albiston, en indiquant qu'il y avait

 15   eu, effectivement, mauvaise utilisation des ressources de la police. Il a

 16   cité à cet égard le document D1776, paragraphe 3.74 qui, d'ailleurs, n'a

 17   rien à voir avec M. Ivan Cermak. Il s'agit d'un ordre qui a été donné par

 18   Moric pour de très bonnes raisons que vous pourrez analyser si vous prenez

 19   en considération cette citation.

 20   Je vais vous inviter à prendre le mémoire de clôture de l'Accusation

 21   et je vous inviterais à analyser certains paragraphes pour que vous

 22   compreniez à quel point vous devriez faire preuve de circonspection.

 23   Car au paragraphe 388, par exemple, il est allégué qu'Ivan Cermak a

 24   eu des responsables supérieurs du MUP de la zone Kotar-Knin et Zadar-Knin,

 25   qui se sont soumis à l'autorité de M. Cermak; note en bas de page 1 099.

 26   Sans pour autant révéler l'identité indiquée par la note en bas de page,

 27   puisqu'il s'agit d'un témoin protégé, il est indiqué tout simplement que

 28   son rôle n'était pas clairement défini et qu'il devait justement s'en


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  1   remettre à Zadar. Ni plus ni moins.

  2   La deuxième référence est une feuille de correction présentée par un

  3   témoin; pièce P88, première page. Il n'est absolument pas question de

  4   l'autorité de M. Cermak dans ce paragraphe.

  5   Dans ce document, il est également question d'un barème du MUP qui a

  6   été présenté par le Procureur. A nouveau, il n'est absolument pas question

  7   d'Ivan Cermak.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'excuse. Au paragraphe 388 --

  9   Mme HIGGINS : [interprétation] Non, paragraphe 338.

 10   Et vous verrez les références que j'ai citées.

 11   Cetina est cité, vous verrez. Nous vous invitons à analyser de façon

 12   méticuleuse cette citation. Il est question également de Jarnjak. Mais

 13   Jarnjak, en fait, ne s'est pas soumis à l'autorité de Cermak.

 14   En contradiction flagrante par rapport à ces citations qui vous ont

 15   été données, vous aurez lu les mémoires de clôture et vous serez conscients

 16   que nous vous avons présenté une pléthore d'éléments de preuve, d'exemples

 17   et de situations qui démontrent essentiellement que M. Cermak, M. Ivan

 18   Cermak, n'avait absolument aucune autorité et aucun contrôle sur la police

 19   civile. Et les passages que nous vous demandons de bien vouloir prendre en

 20   considération commencent à la page 250.

 21   Madame, Messieurs les Juges, le Procureur poursuit et avance que son

 22   autorité transcendait les limites de la zone de responsabilité de Knin.

 23   Bien qu'ils ne citent aucun témoignage, aucune déposition de témoin, aucune

 24   déclaration de témoin, ils vous fournissent deux cartes tout à fait

 25   indépendantes. En fait, ce n'est pas véritablement une façon de bien-fondé

 26   ce type d'allégation pour l'Accusation. Ils indiquent également que les

 27   témoins que la Défense a convoqués n'ont fait que faire référence au manque

 28   d'autorité de jure de M. Cermak, qui est d'ailleurs une allégation assez


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  1   essentielle et centrale qu'ils profèrent contre nos témoins.

  2   Au paragraphe 338, il est indiqué que ces témoins qui ont été

  3   convoqués n'ont pas pris en considération le fait que Tudjman avait

  4   délégué, et ce, de façon extraordinaire, à M. Cermak son autorité et qu'il

  5   y a des éléments de preuve qui étayent cette autorité. Note en bas de page

  6   1 102. Nous vous invitons à prendre cela en considération directement, car

  7   il n'y a absolument rien qui étaye cette thèse. Il n'y a qu'une simple

  8   référence à un témoin à décharge, M. Skegro, qui indique tout simplement

  9   qu'il y a des ministres qui sont passés sous l'autorité du président, et il

 10   y a un organigramme également qui indique la situation du commandement de

 11   la HV le 4 août. Il ne s'agit pas de délégation ou de transfert d'autorité

 12   de la part du président en faveur du MUP. Vous vous souviendrez que cette

 13   question a été prise en considération directement par M. Albiston, l'expert

 14   de la police, et nous vous demanderons d'étudier la page 253 du mémoire de

 15   clôture de M. Cermak.

 16   Car il n'est tout simplement pas vrai que les témoins à décharge se

 17   sont seulement intéressés à l'aspect de jure de l'autorité ou du manque

 18   d'autorité. Les témoins cités par l'Accusation incluent M. Albiston, le

 19   Témoin P86, M. Cetina, M. Moric ainsi que M. Cipci. Nous vous exhortons à

 20   placer ces éléments de preuve dans le bon contexte.

 21   Et vous vous souviendrez peut-être que M. Albiston - et je vais vous

 22   donner les citations exactes - s'est beaucoup intéressé au commandement de

 23   facto, et M. Ivan Cermak n'avait pas ce commandement de facto sur la

 24   police. Il s'agit des pages du compte rendu suivantes, 23 948 à 23 949; 23

 25   837 à 24 021; et pour les questions supplémentaires, il s'agit de la page

 26   24 074. Il est même allé jusqu'à expliquer sur quoi il se fondait pour

 27   dégager ces conclusions. Nous vous demandons d'analyser notre note en bas

 28   de page dans le mémoire de clôture de M. Cermak, 1 697, et les 2 à 4 000


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  1   documents qu'il a étudiés pour préparer son rapport, ainsi que les sept

  2   ordres qui ont été donnés par Ivan Cermak au MUP. Nous vous demandons de ne

  3   pas oublier la page 24 080 du compte rendu d'audience.

  4   En fait, il a indiqué à la Chambre qu'il se serait attendu à avoir un

  5   nombre important de consignes, d'ordres et de rapports si M. Ivan Cermak

  6   avait véritablement eu ce commandement de facto. Je fais référence à notre

  7   note en bas de page 1 691. Des questions lui ont été posées à propos du

  8   journal de M. Gambiroza, qui était un autre élément de preuve à propos

  9   duquel il a dit qu'il n'appuyait absolument pas cette autorité de facto.

 10   Et nous vous demandons d'étudier la page 276 du mémoire de clôture de M.

 11   Cermak, où nous indiquons qu'il est important de prendre en considération

 12   les éléments de preuve de facto à propos de ces sept soi-disant ordres

 13   qu'il a donnés, que vous aurez la possibilité d'examiner de façon

 14   détaillée.

 15   Moric, un témoin à charge, a indiqué de façon tout à fait officielle que

 16   Cermak, en fait, ne faisait pas partie de la structure et de l'organisation

 17   de la police et qu'il n'était pas pris en compte dans la subordination.

 18   Page 25 624 du compte rendu d'audience.

 19   Alors, Moric a dit qu'il n'était pas obligé de présenter des rapports à

 20   Ivan Cermak. Ce qui était également le cas de Cipci et de Cetina. Ils ont

 21   confirmé que Cermak ne pouvait pas les commander. Aucun de ces éléments de

 22   preuve, et je n'ai pas le temps de faire référence à tous ces moyens de

 23   preuve, ne sont cités ou ne sont pris en considération par l'Accusation,

 24   qui, pourtant, clame qu'elle veut prendre en considération la totalité des

 25   éléments de preuve.

 26   Je vais vous donner un autre exemple. Au paragraphe 339, où on nous dit que

 27   Cermak a donné des exemples bien précis de l'autorité dont il disposait par

 28   rapport aux responsables du MUP, en ce sens qu'il a contacté Cipci et les


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  1   commandants des postes de police locaux pour que soient réglés certains

  2   problèmes qui se sont posés aux postes de contrôle. La seule référence que

  3   l'on vous donne est M. Ivan Cermak lui-même, ainsi que M. Hendriks, un

  4   témoin international. Mais regardez ce qu'Ivan Cermak a déclaré. Dans cette

  5   citation qui vous est donnée, il se contentait d'informer la police de

  6   l'existence de problèmes à des postes de contrôle. Ce qui est une position

  7   tout à fait différente de la position de quelqu'un qui a un véritable rôle

  8   de commandement ou d'autorité. Il s'agit plutôt d'un rôle de coordination.

  9   Hendriks cite un autre exemple lorsqu'un membre de l'équipe de

 10   supervision de contrôle téléphone, et Cermak est en mesure de venir en

 11   aide, d'après lui, pour ce qui était d'autoriser un passage au poste de

 12   contrôle à Dabar. Mais Hendriks ne se souvient pas de l'incident, et

 13   d'ailleurs il ne se souvient pas de comment cela a été solutionné. Mais

 14   sans savoir ce qu'a dit M. Ivan Cermak, aucune conclusion ne peut être

 15   dégagée à propos de l'autorité dont il jouissait ou afin de savoir s'il

 16   s'agit tout simplement d'une conversation visant le besoin de coopération.

 17   Il faut savoir également que cette Chambre voudra faire en sorte

 18   d'instaurer un juste équilibre, car il y a eu des témoins qui ont, à

 19   maintes reprises, indiqué que M. Cermak n'avait pas d'autorité soit sur le

 20   terrain, soit pour ce qui était des poste de contrôle. Et nous aimerions

 21   attirer votre attention sur 20 notes en bas de page différentes que vous

 22   trouverez à partir du paragraphe 293 du mémoire en clôture de Cermak.

 23   J'aimerais maintenant faire référence à un autre paragraphe. Le paragraphe

 24   340, dans lequel l'Accusation avance que les éléments de preuve apportés

 25   par M. Cetina et par le Témoin P-086 confirment que Cermak avait l'autorité

 26   et le contrôle sur les responsables du MUP dans la zone de Knin-Kotar et de

 27   Zadar-Knin. Nous avançons que ce que l'Accusation a fait c'est qu'elle a

 28   trié sur le volet certains éléments qui abondaient dans son sens et


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  1   l'Accusation a choisi tout à fait d'ignorer les autres moyens de preuve.

  2   Je souhaiterais, pour creuser mon analyse à ce sujet, vous demander

  3   un huis clos partiel.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel.

  5   Une petite seconde, je vous prie.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

  7   partiel.

  8   [Audience à huis clos partiel]

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  4  (expurgé)

  5   [Audience publique]

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

  7   Mme HIGGINS : [interprétation] Il y a un tout dernier paragraphe, et je

  8   vais donner la parole à Me Kay. J'aimerais vous indiquer cela à titre

  9   d'illustration pour vous expliquer à quel point il faut faire preuve de

 10   grande prudence.

 11   Dans le paragraphe 342, l'Accusation avance que M. Cetina a bel et bien

 12   confirmé l'autorité dont jouissait M. Cermak sur la police civile. Mais

 13   lorsque vous analysez à nouveau ce que l'Accusation vous exhorte de faire

 14   lorsqu'elle fait référence à la totalité des éléments de preuve,

 15   l'Accusation ne fait pas référence à certains extraits. Et j'aimerais

 16   mettre en exergue certains passages, parce que contrairement à ce qu'avance

 17   l'Accusation dans sa thèse, ce témoin ne s'est pas seulement intéressé à

 18   l'autorité de jure. Il a également fait référence à l'autorité de facto.

 19   Car il a dit que les militaires ne pouvaient pas commander la police

 20   de facto ou de jure. Note en bas de page 1 553 de notre mémoire de clôture.

 21   Il a dit que la police civile n'était absolument pas obligée d'informer M.

 22   Cermak de la façon dont les crimes étaient traités. Note en bas de page de

 23   notre mémoire 1 602. Il n'y avait eu aucune autorisation de gestion de la

 24   procédure de la police. Note en bas de page 1 642. Et même si Cermak avait

 25   exprimé un point de vue à ce sujet, on ne s'attendait pas à ce qu'il soit

 26   informé. Note en bas de page 1 676.

 27   Donc Cermak ne pouvait absolument pas donner d'ordres à la police.

 28   Je pourrais poursuivre ad vitam eternam pour vous présenter les


Page 29305

  1   éléments de preuve de M. Cetina lorsqu'il fait référence à la totalité des

  2   éléments de preuve, mais le temps qui m'a été imparti ne me le permet pas

  3   de le faire. Mais j'aimerais tout simplement vous présenter cette requête,

  4   car nous aimerions demander à la Chambre de première instance et à ceux qui

  5   vont aider la Chambre de première instance dans leur analyse à procéder à

  6   une analyse méticuleuse de la thèse de l'Accusation pour pouvoir comprendre

  7   la réalité des relations de M. Cermak avec la police et pour pouvoir

  8   comprendre la globalité des charges retenues contre lui. Alors, il vous

  9   appartient maintenant d'assumer cette responsabilité.

 10   Je souhaiterais maintenant redonner la parole à Me Kay, qui va

 11   poursuivre la présentation de notre plaidoirie.

 12   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Higgins.

 13   Je dois vous dire que j'ai été un tant soit peu surpris, Maître

 14   Higgins.

 15   Mme HIGGINS : [interprétation] Oui.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous disais que j'ai été un tant soit

 17   peu surpris d'entendre votre référence aux personnes qui nous aident dans

 18   notre travail. Je pense que la responsabilité lorsqu'il s'agit d'analyser

 19   ce que vous venez de nous indiquer revient à la Chambre de première

 20   instance, et non pas aux juristes qui nous aident.

 21   Mme HIGGINS : [interprétation] Mais je vous en prie.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je donne la parole à Me Kay.

 23   M. KAY : [interprétation] Merci.

 24   Je voudrais revenir à Grubori parce que c'est un sujet qui a été abordé par

 25   Mme Mahindaratne hier après-midi, et je vais revenir sur ce qui est au cœur

 26   du mémoire en clôture de l'Accusation. Je pense que c'est la meilleure

 27   façon d'aborder ce qui est en soi un thème complexe.

 28   En premier lieu, voyons le paragraphe 433 du mémoire en clôture de


Page 29306

  1   l'Accusation. Que savait M. Cermak de l'incident survenu à Grubori, le 25

  2   août ? On y affirme que M. Cermak a dit à Markac qu'il avait reçu "des

  3   rapports disant que des gens avaient été tués et des maisons étaient en

  4   proie aux flammes avant 17 heures, ce jour-là, le 25 août."

  5   Ce n'est pas, à notre avis, le cas. A l'inverse de la police locale,

  6   Cermak n'a pas reçu de rapport faisant état de morts le 25 août, pas plus

  7   que la garnison n'en a reçu. La garnison n'a reçu qu'un rapport vers 16

  8   heures qui disait qu'il y avait des tirs ou des incendies peut-être dans ce

  9   village. Rien de plus, rien de moins. M. Dondo a reçu ce rapport, et il en

 10   a informé plus tard M. Cermak.

 11  (expurgé)

 12  (expurgé)

 13  (expurgé) C'est donc ainsi

 14   qu'il a pris connaissance du sujet, et ce n'est pas M. Cermak qui lui

 15   aurait donné ce genre de détail. Il n'existe aucun lien entre la

 16   connaissance qu'avait la police ce jour-là de cet incident, le 25 août, et

 17   de ce que savait M. Cermak de cet incident le même jour. A notre avis,

 18   chacun a reçu des rapports séparés, indépendants.

 19   Ensuite, l'audition qu'a fournie M. Cermak, en bas de

 20   page 1 564; apparemment, il aurait dit : 

 21   "Voilà, il y a des gens tués à Grubori, il y a des incendies."

 22   Et ceci fait référence à la pièce P2532, pages 66 et 67. Mais là, il

 23   s'agit d'une référence très claire faite à l'interview accordée à UNTV non

 24   pas le 25 août, mais le 26. D'ailleurs, lorsque le général Markac a

 25   contacté ou a été contacté par le général Cermak, on a demandé à M. Cermak

 26   ce qui s'était passé, et c'est lui qui a fourni les renseignements qui lui

 27   avaient été transmis par Dondo, et venant de Dondo aussi, les informations

 28   reçues des représentants de la communauté internationale. Ceci se retrouve


Page 29307

  1   au paragraphe 215 de notre mémoire en clôture.

  2   Certains des éléments qu'on retrouve dans la note citée par l'Accusation,

  3   la note de bas de page 1 557 du paragraphe 432, à propos du témoignage de

  4   M. Flynn, disent que M. Flynn, apparemment, n'aurait parlé à M. Cermak que

  5   d'incendies; il n'a pas parlé de décès. Il est ici fait référence à la

  6   déposition qu'a fournie M. Flynn.

  7   Mais venons-en, si vous le voulez bien, à l'essentiel des allégations

  8   présentées hier, à savoir que M. Cermak aurait entravé une enquête

  9   qu'aurait pu diligenter la police de Knin suite à ces événements.

 10   M. Cermak [comme interprété], pour être précis, a dépêché M. Sacic

 11   afin que celui-ci découvre ce qui s'était (expurgé)

 12  (expurgé)

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 15  (expurgé)

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 18  (expurgé)

 19  (expurgé)

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement. 

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 22   [Audience à huis clos partiel]

 23  (expurgé)

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 13  Pages 29308-29309 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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  2  (expurgé)

  3   [Audience publique]

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

  5   M. KAY : [interprétation] Page du compte rendu d'audience

  6   T5 305, on a dit :

  7   "Je ne sais pas qui a décidé qu'il n'y aurait pas de constat sur les

  8   lieux dans le village de Grubori."

  9   Voyons comment se sont déroulés les événements le 27 août. Ce jour-

 10   là, c'est clair, M. Cermak estime encore qu'il faut se rendre sur les lieux

 11   pour procéder à un constat. S'il avait participé à une décision qui aurait

 12   décidé le contraire et qui aurait essayé de faire obstacle à une telle

 13   enquête, pourquoi estime-t-il qu'il faut qu'une telle enquête ait lieu, et

 14   qu'il s'enquière pour que ceci soit possible ce jour-là ? Ça ne cadre tout

 15   simplement pas avec ce qui vous a été affirmé, à savoir qu'il essayait

 16   d'entraver la tenue, le déroulement d'une enquête. Mais ça va plus loin,

 17   c'est tout à fait contradictoire avec ce qu'il a affirmé ou ce qu'on

 18   affirme de lui en tant que participant à l'entreprise criminelle commune.

 19   Nous disons que lors de cette visite effectuée à Grubori ce jour-là,

 20   lorsqu'il y a une réunion de plusieurs personnes, alors qu'on attend dans

 21   la région de Plavno, qu'on attend l'arrivée de M. Sacic sur les lieux, ceci

 22   montre parfaitement que c'est M. Sacic qui était l'officier responsable de

 23   ce qui allait se passer ce jour-là, puisque manifestement c'était un

 24   élément qui relevait de son domaine de compétence.

 25   Si nous pensons à la participation de Cermak, elle est parfaitement

 26   fortuite, collatérale, parce qu'il se fait qu'il a fait une déclaration.

 27   Puis il dit : Voilà vous m'avez dit ça. Bien, allons voir sur place. Allons

 28   voir de nos propres yeux ce qu'il en est. Il l'a dit parce qu'il voulait


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  1   découvrir la vérité, savoir ce qui s'était passé, et il l'a dit à l'équipe

  2   de télévision UNTV le 26 août.

  3   On peut donc dire qu'il a une participation qui n'est pas centrale,

  4   qui n'est pas essentielle ce jour-là. Il y est là mais pour une raison tout

  5   à fait différente. Et comme il est sur place, il va accompagner les

  6   journalistes, et ce sont les fonctionnaires, les responsables locaux du

  7   MUP, qui vont déterminer les conditions dans lesquelles les choses vont se

  8   passer. C'est ce MUP local et Sacic qui disent que les journalistes ne sont

  9   pas autorisés à filmer le constat tel qu'il est dressé. On leur défend de

 10   filmer les cadavres qui se trouvent encore là, on leur interdit, on leur

 11   défend de filmer ce qui se passe. Et voilà, pour faire simple, la façon

 12   dont Cermak a participé aux événements de Grubori.

 13   Voyons maintenant l'autre élément de preuve essentiel pour déterminer

 14   les faits. Il s'agit de la déclaration qu'il fait à la télévision croate à

 15   propos des combats et des décès, des morts, qui en sont la conséquence.

 16   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut préciser une chose.

 17   Vous avez dit que les journalistes ne pouvaient pas filmer l'enquête

 18   ou le constat, mais ça veut dire qu'il y avait un constat, une enquête sur

 19   les lieux.

 20   M. KAY : [interprétation] C'était là son état d'esprit ce jour-là, rien

 21   d'autre, quel que soit ce qu'il voulait dire.

 22   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-on qualifier cette activité de

 23   constat judiciaire ?

 24   M. KAY : [interprétation] Je ne sais pas. A mon avis, ce n'est pas

 25   pertinent pour ce qui concerne M. Cermak --

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, j'ai compris.

 27   M. KAY : [interprétation] C'est important pour déterminer son état d'esprit

 28   ce jour-là.


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  1   Et lorsqu'il s'adresse à la télévision croate, ce n'était pas quelque chose

  2   qu'il avait planifié au départ, qu'il avait prévu. Une fois de plus,

  3   c'était M. Sacic qui était censé s'adresser à la télévision.

  4   Nous pouvons passer à huis clos partiel, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

  6   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

  7   [Audience à huis clos partiel]

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 10   [Audience publique]

 11   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

 12   M. KAY : [interprétation] Non, excusez-moi, ce n'était pas la question 7,

 13   mais c'était la cinquième question posée par les Juges de la Chambre. Elle

 14   concernait un tableau que l'on trouve dans le mémoire en clôture de

 15   l'Accusation s'agissant de la restriction des mouvements.

 16   Examinons d'abord ce concept de la restriction des mouvements, pour

 17   commencer, car je crois que c'est induire en erreur que de dire que le

 18   général Cermak a informé les représentants de la communauté internationale

 19   de restrictions de mouvement, comme si c'était lui qui leur imposait ces

 20   restrictions. C'est là un postulat tout à fait différent. Informer

 21   n'équivaut pas à dire que forcément on impose des restrictions, à moins que

 22   vous n'ayez vous-même pris la décision d'imposer ces restrictions. Prenez

 23   pour exemple ce qui se trouve au paragraphe 364 du mémoire en clôture de

 24   l'Accusation. L'Accusation y affirme que M. Cermak a limité la liberté de

 25   mouvement et cite à cet effet le Témoin Liborius pour dire qu'il y avait

 26   limitation des mouvements et que Cermak avait été contacté à ce propos. Et

 27   qu'à la suite de ces contacts, ce témoin a pu se déplacer librement. Ça ne

 28   veut pas dire que quand il y a entrave imposée sur le terrain, lorsqu'il y


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  1   a face-à-face Liborius et les observateurs de la MOCE, ou dans d'autres

  2   exemples, l'ONURC ou des représentants du HRAT, que tout ceci soit le

  3   résultat d'une limitation imposée par M. Cermak, qui aurait empêché que ces

  4   personnes poursuivent leur chemin dans cette région ce jour-là. Qu'est-ce

  5   que ça veut dire, en fait ? Ça veut dire qu'on l'a appelé par téléphone

  6   pour demander son aide et pour trouver une solution aux difficultés

  7   rencontrées.

  8   Et s'il n'allait pas y parvenir, s'il n'allait pas résoudre ces

  9   problèmes, s'il avait voulu, lui, restreindre les mouvements afin de

 10   permettre la commission des crimes, ceci serait contraire à la théorie de

 11   l'entreprise criminelle commune qui plaide son application, parce qu'à ce

 12   moment-là il essaye de prêter assistance à ces personnes, s'il le peut,

 13   pour leur permettre de franchir l'obstacle et pour empêcher que des

 14   fonctionnaires locaux ne les empêchent de poursuivre leur chemin.

 15   Les éléments du dossier, je vais y revenir pour répondre à la question

 16   posée par les Juges de la Chambre, les éléments, disais-je, montre que

 17   c'est à l'échelon local des commandants du MUP, à l'échelon local des

 18   commandants de la HV et même des CALO, c'est à cet échelon-là qu'on a

 19   imposé des restrictions et qu'on a empêché des déplacements des

 20   représentants de la communauté internationale, mais en fonction des

 21   circonstances, de façon ponctuelle. Au contraire, vous verrez, si vous

 22   examinez les éléments de preuve, que souvent ces personnes pouvaient se

 23   déplacer en toute liberté et sans aucune restriction. Alors, quand on parle

 24   de restrictions imposées à la liberté de mouvement, et c'est souvent vrai

 25   lorsque vous avez face-à-face des entités internationales, il se peut que

 26   ce soit devenu un de ces points épineux qui soient une source permanente de

 27   polémique, de querelles. C'est ce qu'explique le général Deverell lorsqu'il

 28   a déposé.


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  1   L'autorité, de facto et l'autorité de jure qui auraient permis au général

  2   Cermak de restreindre les mouvements ou d'accorder la liberté des

  3   mouvements, cette autorité elle n'a pas été établie par l'Accusation dans

  4   les éléments qu'elle a présentés. Au contraire, ces éléments ont prouvé

  5   qu'il agissait en application de décisions rendues par des tierces

  6   personnes et qu'on s'est servi de lui comme moyen de communication de cette

  7   décision. Dès le départ à Knin, s'est posée une question de sécurité entre

  8   les représentants de la communauté internationale et les forces armées

  9   croates. On se demandait, en effet, presque aussitôt après la libération

 10   des territoires, si on pouvait se déplacer en toute liberté.

 11   M. Akashi lui-même en a discuté avec M. Cermak, et il a reconnu que

 12   la situation en matière de sécurité était difficile et que même si M. le

 13   général Forand voulait une liberté de mouvement complète, elle ne serait

 14   possible qu'une fois que la sécurité aurait été garantie pour toute la

 15   zone. Et c'est comme ça que les choses se sont présentées dès le début. Le

 16   document Cermak délivré ce jour-là qui disait qu'il était possible de se

 17   déplacer à Knin et à Drnis, mais qu'il ne fallait pas quitter la route

 18   principale, qu'on leur conseillait de ne pas utiliser ces itinéraires,

 19   qu'est-ce que ça faisait ? C'était fournir un bout de papier que ces

 20   personnes auraient pu utiliser si elles en avaient besoin pour franchir un

 21   poste de contrôle, une route bloquée ou d'autres régions. C'était destiné à

 22   aider ces personnes dans leur travail. C'était le seul et tout simple

 23   objectif que recherchait ce document. M. Cermak derrière un bureau, ce

 24   n'était pas lui qui décidait de déterminer où seraient les opérations, de

 25   déterminer ce qui allait se passer et de savoir comment il allait tout

 26   contrôler. On vous l'a expliqué : de un, il n'occupait pas ce poste; de

 27   deux, jamais les structures militaires locales ne lui ont demandé de le

 28   faire. Il se contentait de véhiculer ce qui était des inquiétudes tout à


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  1   fait légitimes en matière de sécurité suite à un conflit armé, et les

  2   autorités croates locales comme les autorités croates supérieures en

  3   reconnaissaient le côté dangereux.

  4   Parce que ces autorités avaient repris du terrain qui était le leur,

  5   mais elles ne savaient pas du tout ce qu'il y avait aux alentours.

  6   N'oublions pas qu'on se trouve en terrain des plus difficiles. On n'est pas

  7   là dans des nœuds urbains, dans des réseaux routiers et autoroutiers, dans

  8   ces rues, là où il y a beaucoup de grosses villes, de grosses

  9   agglomérations. On est quand même là un peu en terrain sauvage. Dans un tel

 10   terrain, ceux qui commandaient les forces armées avaient le droit de

 11   s'attendre à ce qu'il y ait des groupes rivaux, des groupes armés qui

 12   attendaient de contre-attaquer. Tout ce que Cermak s'est contenté de faire,

 13   c'était de dire ce qui lui semblait être la zone la plus prompte à assurer

 14   leur sécurité à l'époque.

 15   Rappelez-vous, les Nations Unies ont elles-mêmes restreint leurs

 16   déplacements en donnant un degré de dangerosité à telle ou telle région.

 17   Voyons maintenant ce qui découle de la cinquième question posée par

 18   les Juges de la Chambre.

 19   L'Accusation a dressé un tableau assorti de notes de bas de page. Ces

 20   éléments ont été cités à l'appui des réquisitions. A notre avis, ils ne

 21   sont pas clairs. C'est une façon trop générale de présenter les événements.

 22   Ce tableau ne décrit pas suffisamment bien les auteurs présumés des

 23   infractions, et je pense qu'il faut examiner de très près ce qui vous a été

 24   cité. Nous allons examiner les éléments un à un.

 25   Tout d'abord, la ville de Benkovac, le 7 et 8 août, il est dit dans

 26   ce tableau qu'il y a eu des actes de pillage qui ont été le fait de forces

 27   armées croates, la 124e [comme interprété] et la 72e de la police à

 28   Benkovac. Je dirais tout d'abord que Benkovac ne se trouve pas dans la zone


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  1   de responsabilité de la garnison de Knin, ce qu'ont confirmé des témoins à

  2   charge aussi. Ils ont confirmé que le général Cermak n'avait aucune

  3   autorité à Benkovac. A notre avis, la lettre qu'il avait envoyée le 8 août,

  4   adressée au général Forand était sans pertinence eu égard à Benkovac en

  5   tant que lieu.

  6   A la note de bas de page 1 312, on cite le fait qu'une patrouille des

  7   observateurs militaires a été stoppée à un poste de contrôle de la HV par

  8   la police militaire, et ce fut la deuxième fois qu'on a interdit aux

  9   observateurs militaires des Nations Unies d'entrer dans la ville de

 10   Benkovac. Mais ce n'est pas, à notre avis, à la suite d'un ordre qu'aurait

 11   donné le général Cermak. Ce n'est pas pour ça qu'ils ont été interpellés à

 12   Benkovac. On n'a tout simplement présenté aucune preuve de l'existence d'un

 13   ordre opérationnel. Il n'aurait d'ailleurs pas pu donner ce genre d'ordre

 14   qui dirait : Voilà, interdisez aux représentants de la communauté

 15   internationale l'entrée dans Benkovac ce jour-là.

 16   On a parlé et les observateurs militaires ont parlé d'actes de

 17   pillage, je parle ici des observateurs qui se sont rendus sur place ce

 18   jour-là. Des marchandises ont aussi été prises. Mais ce qui compte ces

 19   jours-là, les 7 et 8 août, c'est que le 7 août, pièces P301, P355,

 20   P311[comme interprété], P805 et P2146, ces pièces montrent que les

 21   représentants de la communauté internationale évoluaient de la région sans

 22   rencontrer le moindre obstacle. S'agissant du 8 août, voyez la pièce P806,

 23   la pièce 1112 [comme interprété].

 24   Et les rapports du chef de la 2e Compagnie de la 72e Brigade de la

 25   police montrent clairement que la police militaire se trouvait à Benkovac

 26   et était au courant de la survenue de certains événements.

 27   On a un rapport du SIS en date du 18 août, document D984, pages 2 et

 28   3, qui confirme que les soldats - et cela était connu à ce moment-là - se


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  1   conduisaient de façon irresponsable et commettaient des crimes

  2   irresponsables. Mais cela n'a pas été approuvé par les commandants locaux.

  3   Ce n'était pas quelque chose auquel ils se ralliaient, ce n'était pas ce

  4   qu'ils souhaitaient.

  5   Je vais maintenant faire référence à la note en bas de page suivante.

  6   Donc il s'agit de Cetina, le 12 août, note 1 314, et il est indiqué dans le

  7   tableau présenté par le Procureur que le village a été incendié et pillé.

  8   Voyons, en fait, ce qui est cité dans cette note en bas de page dans le

  9   document P364, page 3. Le rapport qui est établi fait état de la présence

 10   de la police croate à Cetina, et il est indiqué qu'alors que le village

 11   était inspecté, ils ont été arrêtés par la police. C'est un endroit qui

 12   avait été placé sous observation du Bataillon kenyan pendant l'offensive de

 13   Grahovo. Or, il n'est absolument pas question dans ce rapport d'incidents

 14   de pillage ou d'incendie.

 15   Qui plus est, le même jour, j'en ai pour preuve les pièces P32, P808,

 16   P815, P117 et D65, qui font référence au fait que des représentants des

 17   observateurs militaires des Nations Unies se déplaçaient dans cette zone,

 18   et c'est probablement le Témoin Dangerfield qui est la source des éléments

 19   de preuve relatifs à Cetina. Parce que dans cette déclaration, à la page 6

 20   du document P699, il indique que, et je cite : Nous avons été arrêtés et

 21   accompagnés hors du secteur, parce que nous avions pu constater qu'il y

 22   avait des incidents de pillage ainsi que des maisons qui brûlaient dans le

 23   village de Cetina.

 24   Alors, ce qui n'est pas précisé c'est ce qui s'est exactement

 25   déroulé, la portée de cet incident et le lien entre les deux, le lien entre

 26   ce qui lui est arrivé et les incidents qui ont eu lieu. Ce lien n'est

 27   absolument pas précisé.

 28   Maintenant, j'aimerais parler de Benkovac. A la date du 21 août, des


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  1   maisons sont en proie aux flammes. Si nous prenons la note en bas de page 1

  2   315 de la page 3 du document P403, il est indiqué :

  3   "Dans le secteur de Benkovac, nos mouvements sont restreints."

  4   D'ailleurs, on ne sait pas dans quelles mesures ces mouvements ne

  5   sont pas libres. Il y a d'autres équipes qui circulent et qui se déplacent

  6   sans aucun problème au même moment et qui, d'ailleurs, sont même en mesure

  7   d'établir des rapports sur les crimes qui se sont déroulés dans les

  8   documents D93 et P125. D'autres représentants de l'ONURC ont pu également

  9   se déplacer dans ce secteur sans aucune entrave. J'en ai pour preuve les

 10   documents D263, D83, P125, P45 et P815.

 11   Et à la même époque, à savoir le 20 août, document D1002, les forces

 12   croates étaient actives dans le secteur, procédaient à un assainissement du

 13   terrain et essayaient, en fait, de trier les groupes ennemis infiltrés et

 14   assuraient également la sécurité des routes et des communications. Voilà ce

 15   que nous avançons : Ce qui s'est passé, c'est qu'il y a eu au niveau local,

 16   sur le terrain, des commandants locaux de la police ainsi que des

 17   commandants locaux militaires qui ont entravé le passage et la libre

 18   circulation des représentants de la communauté internationale sans pour

 19   autant avoir reçu, pour ce faire, des consignes, des directives ou des

 20   ordres d'une autorité supérieure du gouvernement ou des forces croates.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kay, je remarque que vous venez

 22   de dépasser deux à trois minutes des 65 minutes qui vous avaient été

 23   imparties, alors j'ai l'impression à vous écouter que vous n'êtes pas sur

 24   le point de conclure.

 25   M. KAY : [interprétation] Oui, certes. Alors, nous aimerions demander à la

 26   Chambre de bien étudier de façon méticuleuse ces notes en bas de page.

 27   Mais j'avais commencé à vous parler des entraves à la liberté de

 28   circulation et de mouvement, et ce que j'entends et ce que je souhaite dire


Page 29321

  1   - et je l'ai dit à maintes reprises - c'est que le fait que les gens

  2   n'avaient pas toute latitude pour se déplacer n'était absolument pas de la

  3   responsabilité du général Cermak. En fait, il a, lui, permis une plus

  4   grande liberté de mouvement et a aidé leur déplacement. Voilà ce à quoi je

  5   voulais faire référence.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Si vous avez d'autres notes en bas

  7   de page, peut-être que vous pourriez tout simplement donner un exemplaire

  8   de ces numéros de bas de page à M. Tieger pour qu'il puisse savoir, en

  9   fait, ce dont il s'agit, et demain nous pourrions procéder à une lecture de

 10   cette liste aux fins du compte rendu d'audience, et ce, afin, dans un

 11   premier temps, que M. Tieger soit en mesure de réagir, et dans un deuxième

 12   temps, pour nous assurer que la Chambre dispose bien de ces renseignements.

 13   M. KAY : [interprétation] Oui, je vous remercie. C'est en effet une méthode

 14   beaucoup plus pragmatique et logique.

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous vouliez attirer notre attention sur

 16   un autre élément ?

 17   M. KAY : [interprétation] Oui, oui, sur votre question

 18   numéro 7.

 19   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

 20   M. KAY : [interprétation] Il s'agit, en fait, de l'arrêt dans l'affaire

 21   Martic et le paragraphe 195, à savoir les forces paramilitaires serbes, la

 22   JNA, ainsi que les défenses territoriales qui ont agi de concert avec la

 23   JNA, et le fait que les civils pillaient de concert avec les soldats. Je

 24   dirais, en fait, qu'il s'agit d'une proposition tout à fait différente en

 25   l'espèce, car la JNA avait averti que cela allait se produire et il y avait

 26   eu toute une suite d'événements, toute une chronologie d'événements qui

 27   avait été planifiée, organisée, et structurée. Il y avait eu cet événement

 28   organisé. Ceux qui avaient agi de concert avec les militaires où la


Page 29322

  1   première phase étant la phase du passage de la JNA dans le village

  2   indiquant à la population qu'elle doit partir, puis lui indiquant

  3   également, à la population, que les paramilitaires étaient sur le point

  4   d'arriver. Puis la JNA s'en va, les paramilitaires arrivent et nous avons

  5   donc ce plan extrêmement bien orchestré, ce qui ne correspond absolument

  6   pas aux éléments de preuve présentés en l'espèce et ne correspond

  7   absolument pas non plus à la situation que nous avons pu constater ici, à

  8   savoir ces actions apparemment concertées entre les civils et la HV. Je

  9   dois dire qu'en ce qui nous concerne, il y avait dans un premier temps les

 10   personnes démobilisées des forces armées. Ce qui induit en erreur

 11   également, c'est que tout le monde porte un uniforme, qu'il s'agisse d'un

 12   treillis de camouflage ou d'autres types d'uniforme, et nous avançons que

 13   dans l'arrêt Martic, il s'agissait d'une situation qui était tout à fait

 14   différente de la situation qui a suivi l'opération Eclair. Et je dirais

 15   d'ailleurs que cette méthode a été usitée en Bosnie alors qu'ils passaient

 16   dans les villages de la Bosnie. Vous aviez donc cette retraite alléguée de

 17   la JNA, suivie par les paramilitaires avec les membres de la Défense

 18   territoriale qui était, en fait, la JNA déguisée qui commettait des crimes

 19   après le départ de la JNA. Cela s'inscrivait absolument dans la tactique

 20   des Serbes.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kay, je vous en prie.

 22   M. KAY : [interprétation] Juste une toute dernière minute. Je vous dirai

 23   que nous n'avons pas pu tout traiter. C'était une tâche absolument

 24   impossible. Nous aurions aimé pouvoir analyser la moindre note en bas de

 25   page figurant dans le mémoire de clôture du Procureur. Ce que nous avons

 26   fait, c'est que nous nous sommes intéressés à l'essentiel de leurs

 27   allégations et la façon dont elles ont été présentées, ce qui est beaucoup

 28   plus important d'ailleurs, parce que sinon on pourrait avoir tendance à


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  1   s'embourber dans le moindre détail. Et ce que nous, nous avançons, c'est

  2   que M. Cermak est une victime. M. Cermak n'avait absolument pas prévu

  3   d'être dans cette zone à ce moment-là, avec les responsabilités qui lui

  4   sont attribuées par l'Accusation.

  5   Et j'en ai terminé.

  6   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Kay. Nous

  7   allons maintenant faire une pause, une pause de 20 minutes, et nous

  8   reprendrons à 16 heures 20. Et il appartient à la Défense de M. Markac de

  9   nous indiquer avec certaines limites quand nous pourrons prendre la

 10   deuxième pause de 20 minutes.

 11   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

 12   --- L'audience est suspendue à 15 heures 59.

 13   --- L'audience est reprise à 16 heures 20.

 14   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, je vois que vous êtes

 15   déjà à pied d'œuvre et je suppose que vous allez être le premier à

 16   intervenir.

 17   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Oui. Dans votre courrier, au point 9, vous

 18   parliez des réquisitions en plaidoiries. Nous allons retirer le paragraphe

 19   228 de notre mémoire en clôture, mais nous n'allons pas changer la

 20   numérotation qui suivra parce que ça dérangerait trop.

 21   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puisque vous parlez de questions d'ordre

 22   pratique, permettez-moi ceci : si vous avez une liste de notes de bas de

 23   page donnée à M. Tieger. Les autres équipes de la Défense devraient en

 24   recevoir une copie de votre part aussi, Maître Kay.

 25   M. KAY : [interprétation] Bien sûr, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est indiqué maintenant que le

 27   paragraphe 228 est supprimé.

 28   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.


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  1   Avant de commencer, j'aimerais vous informer du fait que je vais intervenir

  2   sur la question de la responsabilité du supérieur hiérarchique sur des

  3   points relatifs à l'artillerie et à certaines infractions reprochées à M.

  4   Markac, et Me Mikulicic, quant à lui, parlera des questions relatives aux

  5   conflits armés et à l'entreprise criminelle commune.

  6   Avant de commencer, je crois que nous, qui venons de passer ensemble deux

  7   heures et demie, aurions tort de ne pas remercier le personnel du greffe,

  8   M. Nilsson en particulier, tout le service technique, tous les responsables

  9   de la Chambre, les gardes qui traitent les prisonniers avec beaucoup de

 10   respect, et n'oublions pas non plus les interprètes car vous ne nous

 11   entendriez pas s'ils n'étaient pas là. Vraiment, c'est coutumier chez moi

 12   dans mon pays, parce que je pense que c'est une tradition qui est de bon

 13   goût et qui a toute sa signification.

 14   Je m'adresse à vous, aux collègues de la Défense ainsi qu'aux autres

 15   équipes de la Défense. Le mémoire en clôture du bureau du Procureur, à

 16   notre avis, contient beaucoup d'erreurs de concept et manque d'analyse

 17   approfondie des faits de la cause, et c'est vrai surtout en ce qui concerne

 18   le général Markac. Le mémoire en clôture du bureau du Procureur est truffé

 19   de conclusions hâtives et de présomptions qui ne sont soutenues par aucune

 20   citation du dossier. On trouve partout un tic rhétorique mal avisé, à

 21   savoir qu'on récite des faits généraux, on allègue des conclusions précises

 22   et des conclusions de droit sans fournir aucune preuve. Cette même habitude

 23   se retrouve ici dans le réquisitoire. Ce qui fait que la Chambre est

 24   invitée à parvenir à des constatations et des conclusions gravement

 25   entachées d'erreurs. Et je suis sûr que vous n'allez pas tomber dans ce

 26   piège.

 27   Le bureau du Procureur n'a pas réussi à prouver ce qu'exige la

 28   jurisprudence, le lien entre les crimes reprochés et une omission précise


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  1   qu'aurait commise le commandant. D'abord, j'ai pensé que cette mauvaise

  2   habitude rhétorique, on ne la trouverait que dans le mémoire, mais

  3   malheureusement, après avoir entendu le réquisitoire d'hier, je n'en suis

  4   pas convaincu. Je pense surtout à ce qu'a dit M. Russo hier à la page 45 en

  5   ce qui concerne l'artillerie. Il cite, en effet, Zdravko Janic, commandant

  6   de la police spéciale, cité à la barre par l'Accusation. M. Russo a dit que

  7   Janic "avait témoigné pour dire qu'il n'y avait pas de cibles militaires à

  8   l'intérieur de la ville même de Gracac."

  9   Mais si on regarde la référence du compte rendu d'audience qu'il donne,

 10   pages 6 393 à 94, on ne la trouve pas, cette mention. D'ailleurs, on ne

 11   parle même pas de Gracac. On va peut-être montrer le document à l'écran

 12   pour s'en assurer en voyant la référence. Janic parle de son propre axe

 13   d'attaque, lequel n'inclut pas Gracac. Voyons ce compte rendu d'audience

 14   que je vais paraphraser. Il commence à la ligne 18 :

 15   "Vous avez dit qu'il y avait des cibles prédéterminées. Est-ce qu'il

 16   y en avait dans des zones peuplées de civils dans votre axe d'attaque ?

 17   "Réponse : Non, il n'y en avait pas. De quelle phase parlons-nous, de

 18   la première phase de l'opération Tempête ou de toute l'opération ?

 19   "Question : De l'opération Tempête, de sa première phase qui se

 20   déroule les 4 et 5 août."

 21   Puis M. Janic décrit sa ligne d'attaque, qui ne comprend pas Gracac.

 22   Il dit :

 23   "C'était une zone qui n'était pas habitée. Il n'y avait même pas de

 24   villages sur ma ligne d'attaque dans cette zone."

 25   Un peu plus loin, on lui demande quelles étaient les cibles

 26   prédéterminées, est-ce qu'il y avait des soldats, est-ce qu'il y avait

 27   d'autres installations militaires ou du matériel militaire ? Quelles

 28   étaient ces cibles ?


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  1   Réponse : "Les cibles c'étaient les positions ennemies et la

  2   profondeur de leurs lignes de défense, les positions d'artillerie, le poste

  3   de commandement, les dépôts. Ces cibles c'étaient l'infrastructure de

  4   l'ennemi utilisée par celui-ci pour défendre ses lignes. C'étaient les

  5   seules cibles que nous avions. Chaque fois que nous menions une opération,

  6   bien, il n'était pas possible d'avoir d'autres cibles. Toutes les cibles

  7   c'étaient des cibles militaires. L'objectif c'était de percer les lignes de

  8   défense de l'ennemi et de réaliser les objectifs recherchés par

  9   l'opération. Il n'était pas possible d'avoir d'autres objectifs."

 10   Jamais on ne lui a posé une question à propos de Gracac. Donc ce

 11   qu'on attribue ici est faux. Ce qui est intéressant quand on regarde les

 12   arguments visés par l'article 98 bis, M. Russo disait la même chose, et

 13   moi, j'ai répondu la même chose.

 14   Mais voyons ce que dit M. Russo et ce qu'il a ignoré lorsqu'il parle

 15   de la police spéciale et de l'artillerie. Il a passé à la trappe la

 16   déposition de Josip Turkalj, de la police spéciale, l'homme qui était

 17   responsable de l'utilisation par la force spéciale de la police et de

 18   l'artillerie une fois que les lignes initiales de défense étaient percées.

 19   Références du compte rendu d'audience

 20   13 697, 13 703 à 13 707 de M. Turkalj.

 21   Celui-ci dit en cours de déposition qu'il y a eu 15 obus d'artillerie

 22   tirés de Gracac. Quinze. Or, on affirme qu'il y a eu pilonnages excessifs à

 23   Turkalj [comme interprété] avec des instructions précises. Il devait

 24   veiller à ce que les civils ne se trouvent pas sur la trajectoire de ces

 25   obus d'artillerie, et il y avait au moins trois cibles militaires dans la

 26   ville même. M. Russo ignore aussi la pièce P102, un rapport des

 27   observateurs militaires qui, soit dit en passant, dit que 15 obus sont

 28   tombés dans la zone de Gracac le 4 août. Il y a aussi la pièce 111, page 3,


Page 29327

  1   qu'il ignore. On y décrit les principaux impacts d'artillerie à

  2   l'intersection principale à Gracac. Donc ça c'est l'artillerie qui poursuit

  3   les forces de l'ARSK qui se replient, comme le décrit la pièce P108, autre

  4   rapport des observateurs militaires qui décrit le retrait de l'artillerie,

  5   des chars et des soldats.

  6   Il a aussi ignoré ce que dit l'expert en artillerie, le colonel Konings.

  7   Celui-ci n'a rien dit de critique par rapport au recours par la police

  8   spéciale à l'artillerie au cours de l'opération Tempête. L'Accusation ne

  9   lui a même pas demandé à M. Konings s'il devrait examiner la question du

 10   recours à l'artillerie par la police spéciale au cours de cette opération,

 11   notamment la question des cibles éventuelles. Compte rendu d'audience 14

 12   775 et page suivante.

 13   Et enfin, M. Russo ignore la page 21 de la pièce P401, dont a discuté Me

 14   Kehoe, là nous avons le général Forand qui discute de l'utilisation de

 15   l'artillerie s'agissant de l'armée croate, et il disait, Cette utilisation

 16   est excellente.

 17   Et maintenant, M. Tieger dans son propos liminaire a dit de la police

 18   militaire que "pratiquement dès le début de l'entrée dans les villes et les

 19   villages, elle s'est livrée à des crimes."

 20   Nous en avons moult fois parlé lorsque nous avons présenté nos

 21   témoins, lorsque nous avons présenté les arguments 98 bis. On parle de

 22   culpabilité par proximité. M. Tieger, d'où est-ce qu'il tient ceci. Voyons

 23   ce que dit dans son audition le général Leslie, c'est la pièce D329, page

 24   3. Vous trouverez la première référence à la page 2 en matière

 25   d'artillerie.

 26   Le compte rendu d'audition montre que le général Leslie dit que c'est

 27   un professionnel en matière d'artillerie et que donc son avis est assez

 28   valable. A l'avant-dernière phrase, il dit :


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  1   "Ça a tué beaucoup de civils et nous ne saurons jamais combien de civils

  2   exactement ont été tués, mais apparemment on estime le nombre de morts de

  3   10 à 25 000." Et nous savons que cela est carrément faux. D'ailleurs, c'est

  4   un mensonge.

  5   Page 3, le général Leslie parle toujours de la police spéciale alors

  6   qu'il n'était même pas dans le secteur sud à l'époque : 

  7   "Il y avait plusieurs organisations qui sont allées et ont balayé

  8   l'ancienne Krajina serbe. C'étaient des équipes de police spéciale, qui

  9   portaient l'uniforme bleu bien typique, qui ont pourchassé et tué dans les

 10   montagnes des civils serbes. J'ai vu des dizaines et des dizaines de

 11   fermes, des villages qui ont brûlé pendant des jours, voire des mois, après

 12   le premier assaut."

 13   Une fois de plus, on parle d'uniformes bleus pour identifier la

 14   police spéciale en Krajina serbe. On ne dit rien de plus précis. Là aussi,

 15   c'est monté de toutes pièces. C'est cousu de fil blanc. La police spéciale

 16   n'avait pas d'uniformes. Elle ne passait pas son temps à chasser, à

 17   pourchasser et à tuer les civils serbes dans les montagnes.

 18   Reprenons certaines parties du mémoire en clôture de l'Accusation.

 19   Paragraphe 387, première phrase, elle est vraiment tout à fait péremptoire

 20   et fausse. On dit que :

 21   "Markac a ordonné la persécution… et s'agissant de Grubori, le

 22   meurtre."

 23   Il n'y a aucune preuve citée, aucun fait qui soit susceptible

 24   d'étayer ce commentaire. Réfléchissez-y un instant. L'Accusation voudrait

 25   que vous croyiez que le général Markac, à propos de Grubori, a ordonné des

 26   meurtres. Or, on ne trouve pas la moindre référence à une pièce, la moindre

 27   référence au compte rendu d'audience. Rien. Toujours dans le même

 28   paragraphe, une fois de plus, l'Accusation présente un fait aucunement


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  1   étayé que :

  2   "…Markac savait que ses forces se livraient à un comportement

  3   criminel contre la communauté serbe."

  4   On ne cite rien, on ne donne aucune pièce à conviction, on ne donne

  5   aucune référence au compte rendu d'audience.

  6   D'autres références, paragraphe 386 du mémoire en clôture qui dit que

  7   :

  8   "…Markac a livré des informations erronées à propos des crimes commis

  9   par ses subordonnés et empêché qu'on enquête sur ceux-ci…"

 10   Ici, nous avons une grave déformation des éléments dont vous avez été

 11   saisis. L'omission du critère juridique est tout aussi frappante, parce que

 12   des supérieurs ont le droit, et on s'attend même de leur part à ce qu'ils

 13   s'appuient sur l'information qu'ils reçoivent de leurs subordonnés. Et ce

 14   qui compte encore plus, c'est de dire que quand on veut trouver la bonne

 15   période pour évaluer si un rapport est digne de foi ou raisonnable, le

 16   meilleur moment pour le faire c'est de le faire au moment où on le reçoit

 17   et on va le transmettre aux unités supérieures. La règle Rendulic de

 18   Nuremburg le dit clairement, on ne peut pas prendre comme critère de

 19   jugement la loi ou l'idée de la rétroactivité. Un autre procès, le procès

 20   de US contre List, aussi connu sous le nom du conseil de contrôle 10 à

 21   Nuremburg, dit que c'est un critère du droit international coutumier qui

 22   veut qu'on ne peut pas juger un commandant en prenant un recul ou en

 23   appliquant la rétroactivité.

 24   "Nous avons l'obligation de juger la situation telle qu'elle

 25   apparaissait à l'accusé au moment des faits. Si les faits étaient tels

 26   qu'ils justifiaient une action par l'exercice d'un jugement après un examen

 27   de tous les facteurs et de toutes les possibilités se présentant, même si

 28   la conclusion obtenue peut avoir été fautive, elle ne saurait être


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  1   considérée comme étant criminelle."

  2   Le général Markac a transmis tous les rapports dont on a dit plus

  3   tard qu'ils étaient erronés, qu'ils étaient falsifiés, alors qu'on était en

  4   plein dans l'opération lorsqu'il y avait peu d'information. Vous trouverez

  5   dans le dossier au moins deux tentatives que le général Markac a faites

  6   pour veiller à ce que son supérieur à l'époque, l'état-major principal de

  7   la HV, dispose des informations les plus précises, les plus actuelles,

  8   celles qu'il avait. Voyez les pièces P575 et P576. C'est deux rapports qui

  9   concernent l'opération de Plavno du 25 août 1995. Les informations qui sont

 10   contenues dans ces rapports lui ont été fournies par des subordonnés, et

 11   ces subordonnés, partant de toute cette expérience qu'il avait acquise, lui

 12   semblaient tout à fait justes. Il n'avait aucune raison de croire qu'ils se

 13   trompaient, qu'ils mentaient, qu'ils voulaient l'induire en erreur.

 14   Lorsque Markac ordonne au commandant de l'unité de Lucko, à M.

 15  Turkalj, d'obtenir des rapports écrits des chefs de groupes le 1er septembre

 16   1995, ça semblait être une mesure raisonnable, car tous ces rapports disent

 17   qu'il y a eu un conflit armé le 25 à Grubori. Pourquoi aurait-il maintenant

 18   voulu chercher la petite bête sur le plan administratif ? Il n'y a aucune

 19   preuve qui montrerait que quelqu'un aurait dit au général Markac, oralement

 20   ou par écrit, qu'en fait, ce qui s'était passé à Grubori c'était un crime.

 21   Paragraphe 389. Ici, nous trouverons des références qui voudraient en

 22   dire long, mais qui, tout à fait classiquement, sont loin d'être précises

 23   sur un comportement apparemment répréhensible. Et on fait une allégation

 24   assez stupide à la mens rea, à l'élément moral, parce qu'on dit qu'il y

 25   avait des personnes âgées dans une zone d'opération. La présence de

 26   personnes âgées, qu'est-ce qu'elle impose comme obligation supplémentaire à

 27   M. Markac d'après la théorie défendue par l'Accusation ?

 28   Prenons le paragraphe 391 :


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  1   "…M. Markac savait qu'il était fort probable," est-il dit, "qu'il y

  2   aurait des crimes commis dans le cadre de l'exécution de son plan pour les

  3   opérations à Grubori."

  4   Ici, on cite deux cas. Et c'est une preuve, ça, deux cas ?

  5   Paragraphe 391. Ici, l'Accusation dit que Markac a poussé la police

  6   spéciale "à commettre des crimes à Grubori."

  7   Le bureau du Procureur dit qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires

  8   et raisonnables qu'il fallait prendre pour empêcher les crimes et en punir

  9   les auteurs, donc les crimes commis par ses forces, "créant ainsi un climat

 10   d'impunité."

 11   Et là c'est typique du modus operandi qui est en filigrane de ce

 12   mémoire dont j'ai parlé plus haut.

 13    Parce qu'ici, on fait l'amalgame entre des ordres donnés pour mener des

 14   opérations militaires légales alors qu'on aurait l'intention de commettre

 15   des actes illégaux, répréhensibles. Ça rate ce que veut la loi, à savoir

 16   qu'il faut montrer le lien entre un crime et une omission coupable de la

 17   part du commandant. Le bureau du Procureur vous demande de tirer de ces

 18   généralités des conclusions qui ne s'appuient sur rien.

 19   Jamais le bureau du Procureur ne nous dit quelles seraient les mesures

 20   nécessaires et raisonnables que le général Markac aurait dû prendre. Il dit

 21   simplement, Il ne les a pas prises. Pourquoi ? Parce que vous avez un

 22   témoin à charge, le procureur d'Etat Zeljko Zganjer, qui sait que la seule

 23   entité habilitée à être saisie de ce genre de crime, c'est la police

 24   judiciaire, pas la police spéciale. Pages du compte rendu d'audience 11 609

 25   et 11 610.

 26   Paragraphe 395. L'Accusation dit que :

 27   "Markac était présent sur les lieux des crimes commis par ses subordonnés…"

 28   Autre suggestion destinée à vous induire en erreur et qui cherche à établir


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  1   un lien entre une déclaration des plus générales et une responsabilité

  2   pénale. On laisse entendre ici que sa présence sur les lieux du crime est

  3   là parce qu'il est à tenir responsable sur le plan pénal. On vous invite à

  4   l'erreur. On vous invite à conclure que c'est lui qui était là en chair et

  5   en os sur les lieux et qu'il a refusé toute possibilité de mettre un terme

  6   à des actes de violence criminelle. C'est quand même étonnant de trouver

  7   que ceci n'est pas corroboré dans un dossier qui reprend deux ans et demi

  8   d'audience.

  9   Le bureau du Procureur se contente de consacrer trois paragraphes à la

 10   responsabilité du supérieur hiérarchique sans citer la jurisprudence. Dans

 11   ce cadre, cette négligence est frappante. Alors que la Chambre a été saisie

 12   d'éléments de preuve détaillés qui montraient l'étendue de l'autorité du

 13   général Markac au sein du MUP, ici les allégations du parquet sont des plus

 14   générales, qualification qui convient mieux à l'Accusation, parce qu'elle

 15   vous exhorte à le trouver coupable en raison de son poste plutôt qu'en

 16   raison de son comportement. Et cela, c'est s'écarter de façon inconcevable

 17   et inautorisée [phon] du critère juridique qui dicte la théorie de

 18   responsabilité du supérieur hiérarchique.

 19   Il y a allégation, au paragraphe 398, qu'il a été averti de crimes

 20   alors qu'on ne cite aucune jurisprudence. On voudrait que vous croyiez que

 21   les chefs n'ont d'autres options que de punir. Et il est commode de

 22   négliger ici les faits reconnus en grande partie dans le droit du fait de

 23   rendre compte d'infractions aux autorités responsables. On ne mentionne non

 24   plus ni le MUP, ni les médias, ni la connaissance qu'avaient les ONG des

 25   événements repris ici. Depuis Jarnjak, jusqu'à Josko Moric, jusqu'à Buhin,

 26   jusqu'à Cetina, Sacic, le Témoin 86, le Témoin 84, tous apparemment

 27   auraient été avertis de ce qui s'était passé à Grubori. Mais Markac c'est

 28   celui dont on estime qu'il voit sa responsabilité pénale engagée en dépit


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  1   du fait que c'est la police judiciaire qui aurait dû être responsable de

  2   l'enquête qu'il fallait mener.

  3   Autre déformation coupable de l'autorité qu'avait effectivement

  4   Markac, on la trouve au paragraphe 403, s'agissant de "l'assistance à

  5   donner à la police judiciaire si une enquête s'avère nécessaire".

  6   Notre mémoire en parle aux paragraphes 133 à 193 [comme interprété],

  7   je ne vais donc pas revenir de façon détaillée sur cette partie-là de notre

  8   mémoire. Mais je vous l'ai déjà dit, les infractions pénales, l'enquête qui

  9   les détermine, tout ceci relève de l'autorité confiée au MUP, à la police

 10   judiciaire. D527, article 17. L'Accusation sait parfaitement bien ce que ça

 11   veut dire surtout à la lumière de la décision Boskoski, où le comportement

 12   reproché, dont meurtre, acte de violence grave, et destruction de domiciles

 13   et biens, sont des infractions pénales qui, de l'avis de la Chambre, ne

 14   pouvaient pas être gérées à l'intérieur du ministère de l'Intérieur comme

 15   étant des violations intérieures au règlement régissant ce ministère.

 16   Boskoski, jugement en première instance, le paragraphe 521.

 17   Permettez-moi une brève digression pour ce qui est du jugement Boskoski et

 18   de l'arrêt Boskoski, parce que ce sont des affaires similaires, et je pense

 19   ici aux paragraphes 523 à 526 du jugement en première instance dans

 20   l'affaire Boskoski.

 21   Dans l'affaire Boskoski, on nous dit présent en sa qualité de

 22   ministère de l'Intérieur pendant plus d'une heure dans une maison alors

 23   qu'étaient détenus des Albanais de souche, eux, sous la surveillance de la

 24   police. Les prisonniers étaient alignés par terre, le visage au sol et la

 25   tête recouverte. On a dit à Boskoski que c'étaient des terroristes qu'on

 26   avait capturés. Il se trouvait dans le village, il a entendu les coups de

 27   feu et il a pu voir des maisons en proie aux flammes. Même si la Chambre en

 28   espèce a établi, au vu des éléments du dossier, que les hommes qui étaient


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  1   ainsi placés en détention avaient subi des sévices physiques graves avant

  2   que Boskoski ne les voie, la Chambre n'a pas plus conclure des éléments du

  3   dossier qu'il aurait été témoin de mauvais traitement et qu'on "aurait dû

  4   lui déduire de l'aspect qu'avait ces dix personnes qu'ils avaient été

  5   maltraités."

  6   Dans la même veine, même si des maisons se trouvaient incendiées, la

  7   Chambre a conclu que rien ne prouvait que Boskoski aurait dû savoir qu'il y

  8   avait eu des actes d'homicide intentionnels et de destruction non justifiés

  9   par des nécessités militaires.

 10   La Chambre a pensé qu'effectivement il avait reçu l'explication de la

 11   police qui disait qu'il y avait un conflit armé entre les forces de

 12   sécurité et les terroristes, associé au fait qu'on lui avait montré trois

 13   armes à feu et des munitions, qu'on lui avait dit que ces armes avaient été

 14   prises aux terroristes, et ceci suffisait pour déterminer la façon dont il

 15   a vu les événements. La Chambre Boskoski a estimé qu'il n'y avait aucune

 16   preuve montrant que Boskoski avait vu des personnes être tuées alors qu'il

 17   se trouvait dans le village ou qu'on lui en aurait parlé.

 18   En confirmant l'acquittement de Boskoski, la Chambre d'appel a dit

 19   que c'était déterminé dans le cours normal des événements et que ceci

 20   aurait pu pousser un juge d'instruction et un procureur à mener l'enquête

 21   que prévoyait la loi dans de telles circonstances.

 22   Même si les éléments présentés n'ont pas confirmé que Boskoski avait

 23   ordonné une notification à la police judiciaire, le dossier a indiqué que

 24   les membres de la police dans ce ministère avaient transmis les

 25   informations pertinentes aux autorités compétentes.

 26   Paragraphe 267 de l'arrête Boskoski.

 27   La similarité existant entre l'affaire Boskoski et le procès dressé contre

 28   le général Markac est tout à fait frappante. Une différence importante est


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  1   la suivante : le général Markac ne s'est jamais trouvé à Grubori. Le

  2   général Markac n'a jamais vu de ses propres yeux ce qui s'y est passé. Le

  3   général Markac a tout appris concernant Grubori à partir de rapports

  4   émanant de ses subordonnés qui se sont trouvés sur place ou qui ont

  5   participé aux événements. Ces rapports écrits avaient pour sujet des

  6   affrontements armés.

  7   Voyons ce qui est raisonnable du point de vue du général Markac

  8   concernant Grubori. Il est informé dans la soirée du 25 août que quelque

  9   chose s'est passé dans la zone où se trouvaient ses forces. Il dépêche son

 10   chef Sacic afin que ce dernier s'informe sur ce qui s'est passé. Le jour

 11   suivant, Sacic, qui est parti pour Knin, apprend que des corps sans vie ont

 12   été retrouvés là-bas. Alors, si un crime s'était produit, il était de la

 13   compétence de la section de police judiciaire du MUP de mener une enquête.

 14   Si les morts n'ont pas résulté d'un conflit armé légal, c'était

 15   l'obligation légale de la police judiciaire que d'enquêter. Toutes les

 16   informations dont le général Markac dispose lui ont été reliées par

 17   d'autres. Même Boskoski, qui lui était sur place au moment des incendies

 18   volontaires, n'a pas été tenu pénalement responsable de n'avoir pas agi.

 19   A moins qu'il dispose d'information contradictoire, le général Markac

 20   n'a aucune raison de ne pas accorder foi aux éléments d'information qu'il

 21   reçoit de ses subordonnés. De plus, le Témoin 86 et le Témoin Buhin

 22   attendaient des instructions de la part d'Ivica Cetina, qui était le chef

 23   se trouvant à la tête de la police judiciaire de Zadar, sous la compétence

 24   à laquelle toute enquête criminelle se serait trouvée. Témoin 86, page 5

 25   292 du compte rendu d'audience.

 26   Au paragraphe 433 du mémoire final de l'Accusation. Même lorsque

 27   l'Accusation reconnaît que Markac a entrepris des efforts d'enquête qui

 28   étaient à la mesure des ressources dont il disposait, il lui attribue des


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  1   motivations infondées.

  2   Au 434, dans ce paragraphe, il est suggéré que Markac aurait eu une

  3   discussion avec Cermak concernant ce que Cermak dirait à la chaîne de

  4   télévision de l'ONU. En se fondant sur la pièce P605, mais il n'y a aucune

  5   référence factuelle à quelque conversation supposée que ce soit entre

  6   Cermak et Markac concernant les événements de Grubori, en dehors de la

  7   formation tardive qu'il en a reçu le 25 août. C'est là un effort visant

  8   purement à construire l'idée d'un accord entre Cermak et Markac afin de

  9   jeter une fausse lumière sur les événements de cette journée.

 10   Paragraphe 439. Pratiquement tous les actes présentés dans ce

 11   paragraphe sont présentés comme étant indépendants de ce que faisait

 12   Markac. Ce paragraphe et le paragraphe suivant donnent une image très peu

 13   vraisemblable de Zeljko Sacic, l'adjoint de Markac, comme une personne

 14   ayant été capable d'instiller la peur et d'intimider les Témoins 86, 84,

 15   toute une équipe de policiers ainsi que Cermak, Moric, Jarnjak, Cetina et

 16   Buhin.

 17   Paragraphes 442 et 443. A ce stade du mémoire final, concernant les

 18   actes de Markac, le Procureur semble vouloir jouer sur les deux tableaux.

 19   On présente cette histoire invraisemblable selon laquelle Markac aurait

 20   échoué à intervenir personnellement et se serait abstenu de superviser ses

 21   subordonnés tout en les encourageant à commettre des crimes lorsqu'il se

 22   serait trouvé sur les lieux. Cela revient à ignorer la réalité d'éléments

 23   de preuve incontestables, à savoir que du 8 au 21 août, la police spéciale

 24   n'opérait pas dans le secteur sud. Il serait difficile d'imaginer une

 25   vision du commandement plus éloignée des réalités et des défis que

 26   représente le commandement en situation de combat. Cette discussion revient

 27   à ignorer complètement la réalité de la chaîne de commandement et se

 28   contente d'assimiler le poste même du général Markac comme au point


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  1   d'origine d'où procéderait la culpabilité.

  2   Les arguments présentés tant dans le mémoire final qu'oralement

  3   consistent à dire que les unités de la police spéciale qui sont allées à

  4   Grubori le 25 août 1995, dans une opération de ratissage, ont exécuté les

  5   ordres de Markac en tuant cinq civils. Markac savait que l'unité de Lucko

  6   était impliquée. Il savait que certains de ses membres avaient commis des

  7   meurtres, et cela consiste également à dire qu'il ne les avait pas punis

  8   pour cela, mais qu'au contraire, tout en étant au courant il avait couvert

  9   ses membres, et qu'à 5 heures de l'après-midi le 25 août 1995, telle était

 10   la situation. C'est le point de vue de l'Accusation. De mon point de vue,

 11   c'est une vision complètement déformée et fausse qui conduit à tirer des

 12   conclusions qui ne reposent que sur des suppositions complètement

 13   infondées.

 14   Il s'agit de se contenter de déclarations qui sautent aux

 15   conclusions, mais ne reposent sur aucune analyse des éléments de preuve, et

 16   notamment sur le plan juridique.

 17   L'Accusation, pendant toute la durée du procès, a affirmé que le

 18   département du contrôle interne représentait un moyen de maintenir la

 19   discipline au sein de la police spéciale. C'est faux. Je référerai à la

 20   déposition de Janic concernant les aspects relatifs aux renseignements et à

 21   la sécurité.

 22   Le général Markac ne pouvait agir que sur la base d'informations dont

 23   la qualité dépendant de la qualité même des sources de ces informations. Et

 24   par nature même, il y avait des informations qui étaient fausses, certains

 25   mensonges lui parvenaient, et on ne peut pas reprocher au général Markac

 26   d'avoir transmis les informations qu'il recevait du terrain ni de la part

 27   de personnes qui n'avaient pas le courage à l'époque de dire la vérité en

 28   1995.


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  1   Les multiples enquêtes conduites par le bureau du procureur croate à

  2   Grubori, une en 2001 par M. Zeljko Zganjer, et la seconde qui est toujours

  3   courante par Mladen Bajic, au moment de laquelle la Défense Markac était au

  4   milieu de la présentation des éléments à décharge, n'ont permis en rien de

  5   jeter la lumière sur ces événements. Aucun élément de preuve n'a été

  6   découvert qui aurait indiqué que le général Markac aurait su à l'époque que

  7   des membres de la police spéciale auraient commis des meurtres à l'encontre

  8   de civils le 25 août 1995. Zganjer a indiqué avoir échoué à retrouver tout

  9   élément de preuve en 2001 indiquant que le général Markac aurait entrepris

 10   quoi que ce soit pour couvrir les événements de Grubori ni qu'il aurait

 11   influencé quiconque pendant la période de temps correspondante. S'il

 12   l'avait fait, il aurait été obligé de laisser des traces écrites de cela au

 13   compte rendu.

 14   Le Procureur s'étend sur la pièce P55 [comme interprété].

 15   Mais la version qu'il en donne n'est pas intégrale. Dans la note de

 16   bas de page 1 689, il manque une citation au compte rendu d'audience en

 17   pages 11 617 à 11 619, à savoir que dans sa déposition Zganjer a indiqué ne

 18   pas savoir que la pièce P505 soit jamais parvenue au ministre Jarnjak ou

 19   ait quitté le ministère de l'Intérieur pour atteindre Mme Rehn.

 20   Lorsqu'on lui a présenté les pièces D909 et D910 --

 21   La pièce P505 n'est pas signée, ne porte pas de cachet et, par

 22   conséquent, sa valeur en tant qu'élément de preuve est douteuse. Mais si

 23   cette pièce P505 devait être une réponse à l'enquête de Mme Rehn elle-même,

 24   le bureau du Procureur n'a pas apporté la moindre preuve qu'elle ait jamais

 25   reçu ce document.

 26   Je voudrais maintenant parler du climat d'impunité et de l'argument

 27   correspondant. Le bureau du Procureur avance que le général Markac avait

 28   connaissance des crimes commis à Grubori le 25 août avant que l'unité de


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  1   Lucko n'aille à Ramljane le 26 août et parle d'éléments de preuve indiquant

  2   "une impunité et une incapacité à punir." Mais c'est un argument faux. Et

  3   je vais vous dire pourquoi. C'était tout simplement impossible. Le 26 août,

  4   le train de la liberté a donné lieu à un certain nombre d'opérations de

  5   sécurité près de Ramljane, et ceci est avant l'opération de Plavno en

  6   application d'ordres du 23 août, correspondant aux documents D563 et D739.

  7   L'unité de Lucko elle seule a été dépêchée afin d'assurer la sécurité

  8   du train de la liberté. Il s'agissait de contrôler les parties les plus

  9   sensibles de l'itinéraire du train. Alors, P190 est une carte. Donc je ne

 10   vais pas l'afficher, mais Ramljane est au-delà de Knin lorsqu'on va dans la

 11   direction de Split. Grubori se trouve à 40 ou 45 minutes au nord de Knin.

 12   Donc si nous gardons à l'esprit la carte des lieux, Knin se trouve entre

 13   Grubori au nord et Ramljane au sud.

 14   Alors, on a imputé au général Markac le fait de savoir que l'unité de Lucko

 15   aurait été une unité présente à Grubori le 25, qui aurait commis des crimes

 16   à Grubori et qui aurait été la seule unité de la police spéciale à

 17   participer aux opérations de nettoyage le 25 dans la vallée de Plavno.

 18   Alors, il y avait près de 600 membres de la police spéciale participant à

 19   cette opération. Mais il n'y a pas un seul témoin qui ait indiqué que le

 20   général Markac aurait su que ses subordonnés, à savoir la police régulière

 21   de Knin, ou l'un quelconque des agents de la communauté internationale, à

 22   la date du 25 août ou précédemment, aurait été présent alors que le 26 août

 23   l'unité de Lucko avait pour instruction spécifique de sécuriser le passage

 24   du train de la liberté. Des unités étaient déployées de Zagreb, Brod-

 25   Posavina et venaient de Split-Dalmatie, de Lucko et d'Osijek en Baranja.

 26   Lorsque Markac a été informé que le 25 quelque chose s'était passé à

 27   Grubori, savait-il où Grubori se trouvait et savait-il où se trouvait

 28   l'unité de Lucko ? Avait-il le moindre élément de preuve indiquant cela ?


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  1   Non. C'est ce que la pièce P557 dit. Le mot "Grubori" n'apparaît nulle part

  2   dans ce document. C'est là le premier rapport que le général Markac envoie

  3   à l'état-major. Nous devons tenir compte de l'état d'esprit du général

  4   Markac à la date du 25 lorsqu'on lui dit que quelque chose s'est passé à

  5   Grubori. Il ne s'agissait pas de l'opération de ratissage à Grubori, mais à

  6   Plavno.

  7   Je voudrais que nous passions à huis clos partiel quelques instants.

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous passons à huis clos partiel.

  9   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 10   partiel.

 11   [Audience à huis clos partiel]

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  2   [Audience publique]

  3   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

  4   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Alors, l'argument suivant lequel l'unité

  5   de Lucko a été envoyée le 26 août, dans le cadre de l'opération du train de

  6   la liberté, après que le général Markac a appris que "quelque chose s'était

  7   passé" le soir du 25 août, et la preuve, en fait, que Lucko a opéré avec

  8   impunité, et est présenté comme un exemple indiquant qu'ils n'ont pas pu

  9   punir les membres de la police spéciale pour des crimes, cela se fonde, en

 10   fait, sur les propres éléments de preuve donnés par l'Accusation. Il n'y a

 11   absolument aucun élément de preuve dans le dossier, et encore moins des

 12   éléments de preuve au-delà de tout doute raisonnable, qu'à 17 heures, le 25

 13   août, le général Markac avait été informé du fait que l'unité de Lucko

 14   avait commis des meurtres de civils à Grubori, et avait cependant envoyé

 15   Lucko pour l'opération du train de la liberté moins de 24 heures après.

 16   Donc l'utilisation de Ramljane par le bureau du Procureur comme preuve

 17   d'immunité et comme preuve qu'il y a eu manquement de punir est erronée du

 18   point de vue factuel [phon] et du point de vue juridique.

 19   Pourtant, en dépit de toutes ces querelles et de tout ce que nous

 20   avons entendu à propos de Ramljane, le témoin Zdravko Janic a témoigné à

 21   propos de Ramljane que c'était lui qui devait décider si des mesures

 22   disciplinaires devraient être prises pour ce qui s'est passé parce que

 23   c'était lui qui était le responsable. Et voilà ce qu'il a dit, je cite : 

 24   "Ecoutez, tout ce qui s'est passé le 26 août, moi, en tant que commandant,

 25   après avoir eu des entretiens avec les commandants de section et les

 26   commandants des unités, j'ai pu établir qu'il n'y avait pas eu d'abus

 27   d'autorité, et j'ai décidé de ne pas traiter cela comme un incident. Par

 28   conséquent, il n'y avait aucune raison en ce qui me concernait d'imposer ou


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  1   de lancer une procédure disciplinaire."

  2   J'aimerais maintenant, pour ce qui est de Grubori, que nous repassions à

  3   huis clos partiel.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Huis clos partiel.

  5   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

  6   partiel.

  7   [Audience à huis clos partiel]

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 14   [Audience publique]

 15   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier

 16   d'audience.

 17   Ecoutez, dans une certaine mesure, je vous avais laissé les coudées

 18   franches. Je ne sais pas comment vous voulez organiser votre discours.

 19   M. KUZMANOVIC : [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De toute façon, nous devrons faire une

 21   pause de quelque 20 à 25 minutes qui devra être prise dans dix minutes, un

 22   quart d'heure. Si vous voulez que la pause se fasse avant, ce n'est pas un

 23   problème.

 24   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Ecoutez, je propose une pause un peu plus

 25   tôt, et ainsi je vais voir ce qu'il me reste à dire. J'ai un peu

 26   restructuré tout cela, je n'ai plus grand-chose à dire maintenant.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, attendez.

 28   M. KUZMANOVIC : [aucune interprétation]


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissez-moi vérifier. Si nous reprenons

  2   à 17 heures 30, cela vous donnera encore une heure et demie. Est-ce que

  3   cela vous suffira, à vous et à Me Mikulicic ?

  4   M. MIKULICIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons avoir une pause

  6   maintenant, une pause de 25 minutes, et nous reprendrons à

  7   17 heures 30 précises.

  8   --- L'audience est suspendue à 17 heures 10.

  9   --- L'audience est reprise à 17 heures 33.

 10    M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Kuzmanovic, vous pouvez

 11   poursuivre.

 12   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Donc j'aimerais revenir à la question des informations relayées au général

 14   Markac. L'Accusation indique que le général Markac avait été informé des

 15   crimes et établi le parallèle entre la personne qui conduit et qui voit une

 16   personne morte, et -- en fait, il dit que cela signifiait pour le général

 17   Markac qu'il savait que le crime avait été commis par la police spéciale.

 18   Il n'y est pas question de rapport écrit de la part de la police

 19   militaire, de la part de l'état-major de la HV, sans oublier le nombre

 20   absolument phénoménal des représentants internationaux qui se déplaçaient

 21   dans le secteur sud, il n'y a aucune entité qui a indiqué de façon écrite

 22   ou de façon orale au général Markac, qui lui a dit : Ecoutez, les membres

 23   de votre police spéciale sont en train de tout brûler et de tout piller.

 24   Ils sont complètement hors de contrôle. On ne peut plus les maîtriser. Il

 25   faut absolument que vous essayiez de rétablir le contrôle de cette police

 26   spéciale. Cela ne se retrouve dans aucun élément de preuve.

 27   J'aimerais maintenant parler très rapidement d'une question qui a trait aux

 28   questions qui ont été posées à propos du compte rendu de la réunion de


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  1   Brioni et du général Markac. Alors, il y avait la suggestion présentée par

  2   le général Markac, il avait suggéré d'accuser les Serbes d'avoir lancé une

  3   attaque de sabotage contre les forces croates, et cela se retrouve dans le

  4   procès-verbal de Brioni. Alors, il a été dit que cela correspondait, donc à

  5   un défaut de personnalité ou que cela représentait une intention criminelle

  6   ou Dieu sait quoi. Alors, même si ce prétexte d'attaque -- de toute façon,

  7   ça ne s'est jamais produit, mais il faut savoir que conformément à

  8   l'article 372 du protocole additionnel de la convention de Genève, cela

  9   n'est pas considéré comme une ruse illégitime, parce qu'il faut savoir que

 10   feindre la provocation n'est pas une ruse illégitime. Le fait de tendre des

 11   pièges, d'organiser des simulacres d'opérations, des campagnes de

 12   désintoxication ou de désinformation dont le but est d'induire en erreur

 13   l'adversaire ou de le forcer en quelque sorte ou de le provoquer pour qu'il

 14   agisse de façon imprudente n'est pas considéré comme une infraction aux

 15   règles du droit international applicable en cas de conflit armé. Article 37

 16   du protocole additionnel.

 17   J'aimerais parler en détail maintenant de M. Celic, M. Celic qui est

 18   beaucoup utilisé par l'Accusation. J'aimerais revenir à sa crédibilité à

 19   propos de Grubori.

 20   Nous avons les références du compte rendu d'audience,

 21   pages 7 956 à 7 957.

 22   Nous savons qui était Celic, c'est la personne qui, au départ, a

 23   écrit rien ne s'est passé à Grubori, et qui, par la suite, a avancé que

 24   c'était M. Sacic qui lui avait dicté le rapport pour dire que quelque chose

 25   s'était produit. (expurgé)

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  1   "Je crois, en fait, que c'est ainsi que Sacic voulait que les choses

  2   soient écrites. Je n'ai jamais mis en doute ce qu'il disait."

  3   Lorsque M. le Juge Orie a demandé à Celic pourquoi sa version des

  4   événements était si contradictoire par rapport à la version qu'il a donné

  5   par la suite, il a répondu en disant que l'action décrite par la pièce P564

  6   aurait pu correspondre à l'expérience d'une autre unité de la police

  7   spéciale. Lorsque le Juge Orie lui a rappelé que la pièce P564 avait été

  8   rédigée par lui et parlait de son unité, il a fini par admettre que

  9   l'information contenue dans le rapport qui lui avait été dicté n'était pas

 10   exacte.

 11   Mais il n'a fourni à la Chambre de première instance aucune

 12   explication raisonnable qui aurait permis de comprendre pourquoi il n'a pas

 13   attiré l'attention de son supérieur sur ce problème, son supérieur étant

 14   Turkalj, Turkalj qui était le chef de l'unité Lucko et qui était le

 15   supérieur de Celic. Donc manque absolu de crédibilité.

 16   Aux pages 8 111 et 8 112 du compte rendu d'audience, lors du contre-

 17   interrogatoire, Celic indique qu'il a dit à Sacic que : "Rien ne s'était

 18   passé, qu'il n'y avait eu aucun incident, qu'il n'y avait pas de

 19   prisonniers de guerre, rien du tout."

 20   Donc le conseil lui a posé la question suivante :

 21   "Donc vous avez signé un rapport que vous n'avez pas pu confirmer, et vous

 22   n'avez surtout pas pu confirmer l'information contenue dans le rapport ?"

 23   Ce à quoi Celic a répondu : "Oui, tout à fait."

 24   Une fois de plus, il s'agit d'un manque total de crédibilité. Lorsqu'on lui

 25   a demandé lorsqu'il parlait à Sacic, s'il avait pensé à lui demander qui

 26   lui avait relaté les événements de Grubori, Celic a témoigné qu'il avait

 27   dit à Sacic de poser la question au chef de groupe.

 28   Et lorsqu'on lui a demandé si lui avait posé cette question au


Page 29348

  1   commandant de section à propos des événements de Grubori, Celic a répondu

  2   par la négative. Donc son manque d'initiative est quand même fortement à

  3   remettre en question et peu plausible.

  4   Une fois de plus, page 8 113 à 8 116 du compte rendu d'audience, le conseil

  5   de Cermak demande à Celic :

  6   "Si on n'oublie pas -- ou si on prend en considération que M. Sacic vous a

  7   dicté ce rapport, qui était quand même plutôt dramatique et assez

  8   préoccupant, est-ce que vous n'avez pas pensé, en tant que commandant, que

  9   vous devriez convoquer ces hommes, à savoir vos subordonnés, que vous

 10   devriez les faire revenir de leur permission, afin de déterminer ce qui

 11   s'était véritablement passé à Grubori ?"

 12   Ce à quoi Celic répond :

 13   "A partir du moment où j'ai eu la réunion avec Sacic, je n'ai plus

 14   parlé à personne parce que tous les hommes étaient en permission, et moi,

 15   je suis allé seulement à Zagreb pendant un jour. J'y ai passé la nuit, puis

 16   je suis revenu."

 17   Une fois de plus, manque de crédibilité.

 18   Alors, la pièce P761, à la page 41, il s'agit de l'entretien de Celic, et

 19   là, je pense qu'il va falloir que nous passions à huis clos partiel.

 20   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Huis clos partiel.

 21   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 22   partiel.

 23   [Audience à huis clos partiel]

 24  (expurgé)

 25  (expurgé)

 26  (expurgé)

 27  (expurgé)

 28  (expurgé)


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  1  (expurgé)

  2  (expurgé)

  3  (expurgé)

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  5  (expurgé)

  6  (expurgé)

  7  (expurgé)

  8  (expurgé)

  9   [Audience publique]

 10   M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

 11   M. KUZMANOVIC : [interprétation] Alors, il y a un autre élément qui

 12   discrédite tout à fait les éléments de preuve présentés par Celic. A 9

 13   heures, le 26 août, Celic se trouvait à Ramljane, il était en train

 14   d'exécuter une opération. Lors de sa déposition devant la Chambre, à la

 15   page 8 026 du compte rendu d'audience, Celic prend ses distances par

 16   rapport à sa première version des événements, en indiquant qu'il a rédigé

 17   son second rapport relatif à Grubori à Gracac, après l'opération de

 18   Ramljane. Une fois de plus, manque total de crédibilité.

 19   Pages 7 970 à 7 971, Balunovic. Balunovic qui présente un rapport et

 20   Balunovic qui était l'un des chefs de groupe présents à Grubori que la

 21   Chambre a convoqués. Alors, Balunovic, lui, présente un rapport qui était

 22   absolument contradictoire par rapport à la version des événements qui

 23   avaient été relayés à Celic. Et lorsque Celic se voit poser une question,

 24   on lui demande s'il a parlé de ce décalage avec Balunovic. Il dit, en fait,

 25   qu'il ne l'a pas fait, qu'il ne l'a pas fait de façon détaillée. Puis il

 26   lance une hypothèse, à savoir le nouveau rapport de Balunovic aurait pu

 27   être écrit à partir de son nouveau rapport, qui fait l'objet de la pièce

 28   P564, qui lui avait été dicté par Sacic. Et il dit :


Page 29350

  1   "Balunovic a dû l'y voir," c'est une citation. Toutefois, lorsqu'on

  2   lui demande s'il peut fournir à la Chambre des preuves indiquant que

  3   Balunovic avait bien le rapport, tout ce qu'il a pu dire c'était :

  4   "Ecoutez, le rapport se trouvait sur la table et tout le monde

  5   pouvait le voir."

  6   Le fait est que Balunovic était un ami proche de M. Celic, page 7 967

  7   du compte rendu d'audience, nous permet quand même de remettre sérieusement

  8   en question l'affirmation suivant laquelle il n'a jamais parlé avec

  9   Balunovic du décalage frappant entre les deux rapports.

 10   Une fois de plus, pages 8 101 à 8 103 du compte rendu d'audience.

 11   Lorsque Celic a lu le deuxième rapport de Balunovic, qui fait l'objet de la

 12   pièce P572, il n'a pas parlé des incohérences entre celui-ci et le premier

 13   rapport de Balunovic, il n'en a pas parlé avec Balunovic. Le deuxième

 14   rapport de Balunovic contient de nouveaux renseignements qui ne figuraient

 15   pas dans le rapport qui a été dicté à Celic par Sacic. Bien que Celic ait

 16   lu le rapport de Balunovic et qu'il ait compris qu'il ne correspondait

 17   absolument pas au premier rapport de Balunovic, il a toutefois témoigné

 18   qu'il n'avait absolument pas parlé de la question avec Balunovic, et ceci,

 19   en dépit du fait que Celic a dit lors de sa déposition qu'il était "surpris

 20   et intéressé" par ces renseignements supplémentaires qui figuraient dans le

 21   rapport de Balunovic. Une fois de plus, manque de crédibilité.

 22   Pages 8 098 à 8 099 du compte rendu d'audience. Lorsqu'on présente le

 23   témoignage de Flynn qui indique avoir vu un gros nuage de fumée au-dessus

 24   de Grubori pendant l'après-midi du 25 août 1995, et qui a dit que quasiment

 25   toutes les habitations qui se trouvaient du côté de la colline de cette

 26   vile étaient en proie aux flammes, Celic a dit que lui se trouvait à partir

 27   d'un poste d'observation à environ 1 kilomètre de Grubori, le même jour, à

 28   peu près à la même heure, et il n'a absolument rien vu. Une fois de plus,


Page 29351

  1   manque de crédibilité.

  2   Pages 8 106 à 8 107 du compte rendu d'audience. Alors, il faut savoir qu'à

  3   la suite de l'opération à Grubori, Celic et ses membres de la force

  4   spéciale de la police reviennent à Gracac dans un convoi, ils étaient cinq

  5   par véhicule. Lorsqu'on lui demande s'il a parlé de l'opération sur le

  6   chemin du retour de Gracac, Celic avance que ni lui ni les autres présents

  7   dans son véhicule n'ont parlé de l'opération. Manque de crédibilité à

  8   nouveau.

  9   Référence 8 107 à 8 110 du compte rendu d'audience. Lorsqu'on lui demande

 10   si conformément au protocole, puisqu'il était commandant au sein de la

 11   police spéciale, et qu'à la fin de toute opération il était censé obtenir

 12   des informations de ses commandants de section sur la quantité de munitions

 13   qui avaient été utilisées, on lui demande donc s'il a fait cela, et il dit

 14   qu'à la fin de l'opération de Grubori il n'a absolument pas vérifié le

 15   nombre de munitions qui avaient été utilisées. Pages 8 128 à 8 129 du

 16   compte rendu d'audience.

 17   A la page 424 de la pièce P762, lorsqu'il décrit les événements du 26 août

 18   1995, Celic ne mentionne pas avoir participé à une réunion avec Sacic et

 19   Cermak. Cette description des événements de cette journée-là contredit tout

 20   à fait celle qui a été donnée à la Chambre par Celic lors de sa déposition.

 21   Devant la Chambre, Celic s'est soudainement rappelé qu'il avait, en fait,

 22   eu une réunion avec Sacic et Cermak, au cours de laquelle Celic avait parlé

 23   des détails de l'opération de Grubori.

 24   Donc il est absolument clair et limpide que Celic était un témoin qui a

 25   tout fait pour pointer un doigt accusateur vers les autres et surtout pas

 26   vers lui. Il n'a parlé à personne, il n'avait rien, il n'avait rien

 27   entendu, et pourtant il a signé un rapport qu'il a envoyé conformément à la

 28   hiérarchie au général Markac, rapport dont il savait qu'il était tout à


Page 29352

  1   fait erroné. Il a accusé Sacic de lui avoir dicté le rapport, mais il n'a

  2   absolument pas rappelé ses subordonnés à l'ordre pour avoir rédigé des

  3   rapports erronés.

  4   Pour ce qui est de la planification et la participation de Markac, je fais

  5   référence aux deux pièces suivantes, D535 et D543. Il s'agit de deux ordres

  6   émanant de l'état-major de la HV en date du 26 juin 1995 et du 29 juillet

  7   1995, qui précisent l'opération qui devra être exécutée en deux phases au

  8   cours de trois jours, et ce, à partir de Velebit sur la route qui relie

  9   Gospic à Gracac. Il s'agit des plans qui ont été donnés à Markac. Donc il

 10   n'a absolument pas participé à la planification.

 11   On lui a donné un plan qui était déjà complètement ficelé, mais on ne

 12   lui a jamais demandé de préparer le plan.

 13   Pour ce qui est de Donji Lapac, pièce P586, il est demandé au

 14   commandant du 118e Régiment d'arrêter d'incendier les immeubles, et le

 15   rapport qui est établi c'est que la police spéciale n'a absolument rien à

 16   voir avec ces incendies à Donji Lapac étant donné que la police spéciale se

 17   trouve à l'extérieur de Donji Lapac.

 18   Vous avez également ce qui est affirmé, à savoir que Markac donne

 19   l'ordre aux artilleurs de la police spéciale de tirer sur la ville de Donji

 20   Lapac.

 21   Page 47 de la pièce D555 [comme interprété] correspond au registre de

 22   l'état-major où Markac contacte l'état-major à 21 heures 20 le 7 août. Le

 23   témoin Pavlovic a décrit une conversation plutôt animée que le général

 24   Markac a eue avec le général Miljavac de l'état-major. Il s'agit de la

 25   pièce D555. Ce contact venait de Gracac, il n'y avait absolument aucune

 26   façon de contacter l'état-major à partir de Lapac.

 27   Pavlovic a également parlé de l'entrée de la police spéciale dans Donji

 28   Lapac après que le général Markac ait interdit l'avancée de ses forces et


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  1   leur ait interdit d'ouvrir le feu sur une colonne de soldats de l'ARSK et

  2   de civils, où se trouvaient également des chars avec des armes lourdes.

  3   Référence 26 259 [comme interprété] du compte rendu d'audience.

  4   Et j'aimerais maintenant vous parler de Gracac, et ce sera mon dernier

  5   élément. J'en parlerai très rapidement. Nous avons donc la déclaration de

  6   M. Vanderostyne, qui est utilisée par l'Accusation pour Gracac. Donc cette

  7   déclaration est assez longue. On a l'impression un peu de lire un roman de

  8   John le Carré p156, mais il décrit ce qu'il a vu aux paragraphes 29 et 30.

  9   Voilà ce qu'il dit au paragraphe 29, que : A la périphérie de Gracac, nous

 10   avons vu des voitures de police et des policiers qui pillaient et qui

 11   portaient un uniforme gris. Comme nous le savons pertinemment, les

 12   uniformes de la police spéciale ne sont pas gris. Soit il est daltonien, M.

 13   Vanderostyne, soit il devinait, ou alors il était tout à fait dans

 14   l'erreur.

 15   Mais ce qui est intéressant c'est qu'au paragraphe 30, il voulait

 16   savoir s'il devait rebrousser chemin ou aller à Knin, et il pose cette

 17   question. Et plus loin, il dit : Nous avons fini par rebrousser chemin,

 18   bien que nous soyons pétrifiés de peur. Et nous nous sommes garés au centre

 19   de Gracac, sur la place de Gracac," et j'aimerais en fait vous montrer --

 20   voilà. Vous avez donc M. Vanderostyne qui est absolument pétrifié, qui

 21   déambule dans Gracac, qui observe ces membres de la police spéciale qui,

 22   apparemment, pillaient, saccageaient des arbres, et cetera, Dieu sait ce

 23   qu'ils faisaient. Voilà.

 24   Puis en dernier lieu, j'aimerais juste, avant de donner la parole à mon

 25   collègue, Me Mikulicic, terminer en disant que M. Thomas Jefferson a dit

 26   qu'il faut que l'arbre de la liberté grandisse grâce à l'apport du sang des

 27   patriotes. Et le général Markac est un patriote, c'est un homme intègre, un

 28   homme qui a une forte personnalité. Après des années d'occupation, il était


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  1   à la tête de la police spéciale, qu'il a dirigée en tout honneur et avec

  2   distinction.

  3   Je vais maintenant passer la parole à Me Mikulicic.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

  5   Maître Mikulicic, vous avez la parole.

  6   M. MIKULICIC : [interprétation] Si vous me le permettez, Monsieur le

  7   Président, Madame, Monsieur les Juges, c'est en croate que je vais vous

  8   présenter mes plaidoiries.

  9   Madame, Messieurs les Juges, chers Confrères, et je m'adresse également aux

 10   personnes se trouvant hors du prétoire.

 11   [inaudible] c'est ainsi que les juges dans l'Antiquité s'adressaient

 12   aux parties qui s'étaient retrouvées devant lui.

 13   Mes confrères qui m'ont précédé dans ce prétoire ont attiré votre

 14   attention sur les faits établis en l'espèce. Bien entendu, j'accepte

 15   l'analyse des faits avancés par ceux qui m'ont précédé, notamment eu égard

 16   à l'entreprise criminelle commune, aux expulsions, aux pilonnages, aux

 17   incendies volontaires, aux persécutions, et à cet égard, j'en appelle au

 18   principe beneficium cohesionis.

 19   Madame et Messieurs les Juges, je voudrais me permettre de vous

 20   rappeler certaines circonstances et dispositions légales dont j'estime

 21   qu'elles sont essentielles afin de pouvoir parvenir à des décisions justes

 22   en espèce. Parce que comme le Juge Schomburg le rappelle, il n'y a pas de

 23   justice sans vérité ni de vérité sans justice. A cet égard, la vérité ce

 24   sont les faits, alors que la justice c'est la loi, ou plutôt, le droit.

 25   Hier, le Procureur, en page 24, ligne 24 du compte rendu, a dit la chose

 26   suivante :

 27   "Le droit est tout à fait clair." Et il n'a même pas essayé de fonder de

 28   façon plus précise cette affirmation. Quant à moi, j'affirme que le droit


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  1   qu'invoque le Procureur est tout sauf clair et que le droit que mettra en

  2   avant la Défense jettera une lumière différente sur les fondements

  3   permettant à la présente Chambre de prendre une décision.

  4   Je me pencherai sur deux points : tout d'abord, le conflit armé, ensuite

  5   l'entreprise criminelle commune.

  6   En l'espèce, l'acte d'accusation place tous les actes incriminés des

  7   accusés dans un certain contexte spatial, le secteur sud, et temporel, à

  8   savoir dans la période s'étendant à partir du mois de juillet jusqu'au 30

  9   septembre 1995.

 10   Le Procureur affirme que pendant toute cette durée et sur ce

 11   territoire aurait prévalu la situation d'un conflit armé, et cette théorie

 12   de l'Accusation justifie la qualification des crimes allégués en

 13   application des articles 3 et 5 du Statut du Tribunal. Parce que si le

 14   contexte de ces mises en accusation n'était pas celui d'un conflit armé du

 15   point de vue de l'Accusation, le présent Tribunal n'aurait même pas

 16   compétence pour connaître de ces agissements. En revanche, les tribunaux

 17   nationaux, eux, seraient compétents pour reconnaître, à savoir les

 18   tribunaux de la République de Croatie.

 19   Alors, il est indubitable que les dispositions non controversées du

 20   droit international coutumier sont une des sources de droit de ce Tribunal.

 21   Cette source de droit et de jurisprudence définit la notion de conflit armé

 22   en tant que condition sine qua non de la compétence même du présent

 23   Tribunal.

 24   Suite à la présentation des moyens à charge et à décharge, la Défense

 25   affirme que le Procureur n'a pas démontré au-delà de tout doute raisonnable

 26   qu'il ait existé sur le territoire couvert par l'acte d'accusation un

 27   conflit armé au-delà de la date du 8 août 1995, c'est-à-dire au-delà de la

 28   fin de l'opération militaire et policière Tempête. Le droit international


Page 29356

  1   coutumier définit la notion de conflit armé en retenant deux critères

  2   factuels et de droit qui doivent être satisfaits simultanément, à savoir

  3   l'intensité du conflit et le degré d'organisation des parties au conflit.

  4   La Défense, dans son mémoire final, a déjà mis en avant les sources

  5   de droit pertinentes qui réaffirment les éléments non controversés sur la

  6   base desquels cette caractérisation a été reconnue. Paragraphe 1237.

  7   La Défense affirme qu'il a été établi hors de tout doute que

  8   l'ensemble de la direction politique et militaire de l'ARSK a quitté le

  9   secteur sud, à savoir le théâtre des événements couvert par l'acte

 10   d'accusation. Les éléments de preuve cités par la Défense dans son mémoire

 11   final dans les paragraphes 38 à 41 viennent à l'appui de cette affirmation.

 12   Avec le départ de la direction politique et militaire de cette entité, tout

 13   comme avec le départ du gros des troupes des forces armées de l'ARSK, on a

 14   assisté à l'arrêt des opérations de combat d'une certaine intensité, et

 15   toute forme d'organisation des forces armées ennemies a cessé d'exister.

 16   Juste après la fin des opérations militaires, nous avons vu les

 17   éléments de preuve montrant que les autorités civiles de la République de

 18   Croatie - et je pense ici notamment à la police - ont pris en charge les

 19   obligations qui étaient les siennes dans le territoire concerné. Je ne

 20   connais pas un seul exemple dans l'histoire récente dans lequel, à

 21   condition que l'on accepte cette théorie d'un prolongement de l'existence

 22   d'un conflit armé, aucun exemple donc dans lequel l'autorité civile aurait

 23   pris en charge les compétences et les obligations qui sont les siennes sur

 24   un territoire où un conflit armé se serait poursuivi. Cependant, il est

 25   exact de dire que sur le territoire du secteur sud, dans les zones

 26   montagnardes difficiles d'accès, un petit nombre d'anciens membres de

 27   l'ARSK était resté en arrière. Ces individus, de façon isolée et

 28   sporadique, se lançaient dans des attaques dirigées contre les forces de


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  1   police et la population civile de ces territoires. Cependant, ces activités

  2   ne peuvent en aucun cas être qualifiées d'intenses ou de prolongées ni

  3   d'organisées. L'appareil répressif de la République de Croatie a mené des

  4   actions visant à contrer ce type d'agissement dans le but d'en découvrir

  5   les auteurs et les neutraliser, et ceci, en procédant à des inspections du

  6   terrain après la fin de l'opération Tempête et en procédant à des

  7   opérations de ratissage qui avaient pour but de retrouver et de neutraliser

  8   les armes qui étaient restées sur place et les engins explosifs qui étaient

  9   encore présents. Tout ceci dans un seul but qui était celui de la mise en

 10   place de l'autorité civile et la restauration de la sécurité sur l'ensemble

 11   de ce territoire.

 12   De telles activités sporadiques et non organisées étant le fait

 13   d'anciens membres de ce que l'on qualifie d'armée de l'ARSK ne peuvent en

 14   aucun cas être qualifié de conflit armé. De telles activités sont

 15   qualifiées par le droit international coutumier de tensions et de désordre

 16   intérieurs. De part sa forme et de part les intentions sous-jacentes, une

 17   telle activité représente, en réalité, une forme typique du terrorisme. Or,

 18   un devoir fondamental de chaque Etat souverain est de lutter contre toute

 19   activité illégale prenant pour cible l'ordre juridique, étatique et social

 20   de cet Etat en recourant à tous les moyens juridiques irrépressibles dont

 21   il dispose. La Loi sur les Affaires intérieures qui était en vigueur à

 22   l'époque disposait que la fonction fondamentale de la police spéciale était

 23   de lutter contre le terrorisme. Par conséquent, le recours à la police

 24   spéciale dans les opérations de ratissage ou de nettoyage du terrain était

 25   non seulement une obligation d'un Etat souverain afin de restaurer l'ordre

 26   sur son territoire et dans le but également de retrouver et de neutraliser

 27   ceux qui refusaient de reconnaître l'ordre juridique de cet Etat, mais il

 28   représentait également tout simplement une obligation juridique.


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  1   Dans l'histoire récente, nous avons pu voir différents exemples

  2   d'événements semblables qui n'ont jamais été qualifiés de conflit armé. Je

  3   souhaiterais simplement rappeler les opérations de l'armée israélienne

  4   dirigées contre les membres du Hamas, les opérations de l'armée de la

  5   police britannique contre les membres de l'IRA, les opérations de la police

  6   et de l'armée espagnole contre les membres de l'ETA, et ainsi de suite.

  7   Dans les exemples que je viens de citer, les membres de groupes terroristes

  8   étaient même plutôt bien organisés selon des structures hiérarchiques. Et

  9   pendant une certaine période de temps, dans certains de ces cas, ils ont

 10   même contrôlé certaines parties du territoire. Donc certains éléments

 11   étaient présents qui auraient pu aller dans le sens d'une qualification de

 12   conflit armé. Cependant, cela n'a jamais été le cas, et jamais la

 13   compétence d'un tribunal international n'a été établie, et jamais non plus

 14   on n'a remis en question la compétence qui était celle des tribunaux

 15   nationaux.

 16   Les éléments de preuve avancés, et notamment le paragraphe 38 de notre

 17   mémoire final, montrent que dès le 7 août 1995, lors de la 295e séance du

 18   gouvernement croate, le ministre Susak a annoncé la démobilisation de

 19   l'armée croate, si bien que dès le 9 août, cette démobilisation a été

 20   entamée avec un contingent de 70 000 soldats croates qui ont donc été

 21   démobilisés. Ce fait nous indique que le besoin de procéder à des

 22   opérations militaires d'une certaine envergure avait cessé d'exister

 23   simplement en raison de l'absence d'opérations de combat d'une certaine

 24   intensité et d'unités ennemies d'un certain niveau d'organisation.

 25   Dans l'arrêt Tadic auquel le Procureur se réfère, il serait allégué que

 26   l'état du conflit armé ne cesse qu'avec la conclusion d'un accord de paix.

 27   Mais ceci n'est pas applicable en l'espèce, la raison en est premièrement

 28   que conformément aux dispositions du droit international coutumier, un


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  1   accord de paix ne représente que l'une des modalités de cessation d'un

  2   conflit armé. D'autres modalités sont l'arrêt de facto des hostilités,

  3   l'établissement de relations amicales, la reddition sans condition, et ce

  4   que l'on appelle les subjugations. L'arrêt des hostilités actives ou

  5   l'arrêt des opérations ou l'arrêt généralisé des opérations militaires sont

  6   également envisagés à ce titre par le protocole additionnel numéro 1.

  7   En l'espèce, le conflit armé en République de Croatie, lui-même,

  8   n'avait pas commencé par la moindre annonce formelle, et nous savons que le

  9   droit international n'exige pas, pour reconnaître le début d'une guerre ou

 10   d'un conflit armé, qu'une déclaration formelle soit faite à cet effet.

 11   Cependant, pourquoi faudrait-il alors, aux fins de la définition de cet

 12   état de conflit armé, exiger un acte formel ou un document formel

 13   établissant la cessation de ce conflit armé ? Tout comme ce conflit armé a

 14   commencé via facti avec l'attaque de la RSK dirigée contre les organes de

 15   la République de Croatie, à savoir les postes de police, bien, de la même

 16   façon, le conflit a cessé via facti avec l'arrêt des hostilités et des

 17   opérations militaires des éléments ennemis et l'effondrement des structures

 18   en lesquelles elles avaient été organisées.

 19   Je souhaiterais rappeler aux Juges de la Chambre certains exemples de

 20   l'histoire contemporaine dans lesquels le conflit armé -- ou plutôt les

 21   hostilités ont également cessé sans qu'il y ait le moindre accord formel.

 22   Par exemple, la guerre des Malouines, la guerre Iran/Iraq.

 23   Et pour cette raison, la Défense affirme qu'à partir à peu près de la

 24   date du 8 août 1995, avec la cessation du conflit armé tel qu'il est défini

 25   par le droit international coutumier, la compétence du présent Tribunal n'a

 26   pas lieu d'être, jurisdictio ratione materiae, la compétence matérielle

 27   pour ce qui concerne les événements survenus après la fin de l'opération

 28   militaire et policière Tempête que pourtant l'Accusation retient à charge


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  1   en application des articles 3 et 5 du Statut du Tribunal.

  2   Concernant à présent l'entreprise criminelle commune.

  3   Le 29 mai 2009, lorsque dans ce prétoire je me suis exprimé devant la

  4   présente Chambre, au début de la présentation des éléments à décharge, j'ai

  5   dit que la Défense allait battre en brèche les affirmations de

  6   l'Accusation, à savoir que cette entreprise criminelle commune à laquelle

  7   l'Accusation se réfère n'a pas lieu d'exister, entreprise criminelle

  8   commune à laquelle le général Markac, entre autres, aurait participé.

  9   Aujourd'hui, 15 mois plus tard, je suis absolument persuadé que la

 10   Défense a démontré cette affirmation qui était alors la mienne -- ou plutôt

 11   que le Procureur n'a pas démontré au-delà de tout doute raisonnable qu'il y

 12   ait jamais eu entreprise criminelle commune, ou que mon client y ait

 13   participé, ou que les conditions juridiques nécessaires à l'application de

 14   la théorie de l'entreprise criminelle élargie de la catégorie numéro 3

 15   soient présentes.

 16   Je dis alors également que la construction même de l'acte

 17   d'accusation dans lequel les faits incriminés sont chapeautés par cette

 18   notion d'entreprise criminelle commune me rappelait le style et la forme

 19   des actes d'accusation habituellement dressés dans notre système

 20   judiciaire, dressés par le pouvoir socialiste à l'encontre de personnes

 21   accusées de crimes couverts par l'article 26 du code pénal de la RSFY. Il

 22   s'agissait de mise en accusation pour acte motivé par un projet criminel

 23   commun visant à miner l'ordre socialiste. Et les accusés se voyaient

 24   reprocher les faits qu'ils auraient commis en tant que conséquence de ce

 25   plan criminel commun.

 26   Avec la chute du mur de Berlin et la transition politique et

 27   judiciaire qu'ont connues ces différents systèmes, cet ordre judiciaire

 28   s'est lui aussi effondré dans toute sa rigidité et son injustice


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  1   juridiquement injustifiable et coupé qu'il était des acquis juridiques de

  2   la société civile du 20e siècle.

  3   Bien que la Chambre d'appel dans l'affaire Tadic ait estimé qu'il ait

  4   existé une similarité frappante entre l'institution de l'entreprise

  5   criminelle commune et les dispositions de l'ex-code pénal de la RSFY, dans

  6   son article 26 concernant la responsabilité pour association criminelle, il

  7   convient de souligner que ceci est purement et simplement inexact. Il

  8   existe trois différences fondamentales entre la construction de

  9   l'entreprise criminelle commune avancée par l'Accusation et cet article 26

 10   de l'ancien code pénal de la RSFY. En application de l'article 26, seul

 11   l'organisateur de cette association criminelle était tenu responsable, il

 12   était le personnage central dans la construction de l'entreprise criminelle

 13   commune dans sa version élargie. Ce n'est pas seulement l'organisateur qui

 14   est tenu responsable, mais de façon potentielle, toutes les personnes qui

 15   ont accepté ce projet criminel. Sur cette base, le Procureur du Tribunal

 16   peut mettre en accusation toute personne dont il estime qu'elle aurait

 17   accepté le projet criminel en question. Et il peut s'agir là, comme il

 18   ressort de l'acte d'accusation en l'espèce, également de différentes, je

 19   cite, "différentes personnes identifiées et non identifiées."

 20   Une autre différence par rapport à l'article 26 consiste en la chose

 21   suivante : l'organisateur n'était tenu responsable que pour les actes qui

 22   découlaient de ce plan criminel, qui entraient dans ce cadre, et non pour

 23   les excès commis par certains participants. L'organisateur qui n'avait pas

 24   participé à la commission d'un crime ne pouvait être tenu responsable que

 25   si cet acte incriminé était explicitement prévu par le projet criminel.

 26   Ceci pourrait correspondre à la première catégorie d'entreprise criminelle

 27   commune, mais en aucun cas, à la troisième catégorie, à la forme élargie

 28   dans laquelle l'accusé est tenu responsable, même dans les cas où il ne


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  1   pouvait éventuellement que prévoir certains actes.

  2   Par conséquent, ici on assiste à une objectivisation du caractère

  3   prévisible dans cette troisième catégorie, et on ne tient pas du tout

  4   compte des caractéristiques subjectives de l'accusé, ou plutôt, des

  5   circonstances objectives du constat ou du contexte existant tempore acti.

  6   Cependant, les procureurs de l'ère socialiste avaient face à eux une

  7   tâche qui était malgré tout plus difficile que celle du Procureur du

  8   présent Tribunal, parce qu'ils devaient d'abord établir l'identité de

  9   l'auteur direct des actes incriminés, ensuite établir un lien de causalité

 10   entre les auteurs des infractions au pénal, d'une part, et d'autre part,

 11   entre le planificateur et l'organisateur allégué, c'est-à-dire le

 12   participant haut placé qui était censé avoir élaboré ce plan criminel.

 13   Dans la troisième catégorie, la troisième forme de l'entreprise

 14   criminelle commune, le Procureur n'établit même pas cette forme de lien, si

 15   bien que la responsabilité de l'auteur qui se situe en arrière-plan

 16   derrière les auteurs est tout simplement présumée sur la base du caractère

 17   prévisible des conséquences effectives. Bien entendu, une telle situation

 18   sur le plan procédural et juridique est tout à fait favorable pour le

 19   Procureur et qu'elle rend plus facile sa tâche, alors que dans le même

 20   temps, elle est préjudiciable à l'accusé, parce qu'en réalité sa

 21   culpabilité est ici présumée et on établit une équivalence entre sa

 22   culpabilité et la responsabilité objective qui, pourtant, n'existe sur le

 23   plan juridique que dans certains cas bien précis en droit civil et liés à

 24   l'utilisation de matières dangereuses, et non pas en droit pénal.

 25   Il semblerait donc que l'accusé soit ici tenu de prouver son

 26   innocence, plutôt que de voir le Procureur démontrer sa culpabilité. Et

 27   dans une telle situation, sur le plan procédural, on déroge tout simplement

 28   à la présomption d'innocence.


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  1   Permettez-moi de rappeler, Madame et Messieurs les Juges, le rapport

  2   du secrétaire général des Nations Unies joint à la Résolution numéro 808 du

  3   Conseil de sécurité portant adoption du Statut du présent Tribunal. A cette

  4   occasion, le secrétaire général a insisté très clairement sur le fait que

  5   le principe de la légalité exige du présent Tribunal qu'il applique les

  6   règles du droit international immunitaire qui font partie intégrante, et

  7   ce, de façon indubitable, du droit international coutumier.

  8   Le Statut de source de droit des conventions de Genève, des

  9   conventions de La Haye, des conventions sur la prévention et la punition de

 10   crimes, de génocides, le statut du Tribunal international militaire de

 11   Nuremberg et les conclusions du Tribunal de la commission internationale du

 12   droit international de 1950 sont absolument indubitables. Toute référence à

 13   des éléments de droit ou à des précédents sortant de ce cadre est

 14   fondamentalement contestable, et la Chambre de première instance qui

 15   souhaiterait recourir à de tels éléments doit fournir une explication

 16   juridique raisonnable des raisons qui l'amènent à recourir à de telles

 17   institutions juridiques, qui ne sont pas universellement cités dans les

 18   sources généralement reconnues du droit international humanitaire.

 19   En l'espèce, la Défense est préoccupée par les faits incriminés que

 20   l'Accusation retient à la charge des accusés et qui entrent dans la

 21   construction de l'entreprise criminelle commune. En effet, pas une seule

 22   disposition du Statut de ce Tribunal ou des sources de droit que je viens

 23   de citer ne mentionne l'institution de l'entreprise criminelle commune.

 24   Nous avons entendu ces contre-arguments qui consistent à dire que

 25   l'entreprise criminelle commune ne représente pas une infraction au pénal à

 26   part entière, mais une forme de responsabilité de commandement découlant en

 27   réalité des articles 7/1 et 7/3 du Statut de ce Tribunal. Nous rejetons

 28   avec détermination toute justification de cet ordre, et dans la suite je


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  1   vais fournir les arguments juridiques venant à l'appui de ce rejet qui est

  2   le nôtre.

  3   La responsabilité pénale individuelle d'une personne physique pour

  4   infraction au droit pénal international est aussi indubitablement reconnue

  5   et acceptée dans la pratique des tribunaux pénaux internationaux ad hoc,

  6   comme c'est le cas de celui-ci. Le présent Tribunal a déterminé cinq formes

  7   de responsabilité pénale. Deux formes principales, la commission directe et

  8   la planification d'une infraction pénale. Et trois formes accessoires : le

  9   fait d'encourager, le fait d'aider, et toute autre forme de contribution à

 10   la planification ou à la commission d'un crime. C'est bien que la théorie

 11   d'une responsabilité de commandement que l'on fait découler du droit anglo-

 12   saxon, et de ce qu'on appelle la responsabilité indirecte, se trouve fondé

 13   dans la disposition de l'article 7/3 du Statut. La Chambre d'appel dans

 14   l'affaire Tadic a procédé per analogiam iuris, dans son interprétation, et

 15   a établi que la construction de l'entreprise criminelle commune serait une

 16   forme alléguée de responsabilité pénale. A cette occasion, il convient de

 17   rappeler que cette théorie de la responsabilité indirecte trouve son

 18   origine au Moyen-Âge au titre de la responsabilité du prince ou du

 19   supérieur, responsabilité pour dommages portés par ces sujets à des tiers,

 20   en application du principe respondat superior.

 21   Dans l'affaire Delalic, devant ce Tribunal, la Chambre a établi les

 22   éléments suivants comme constitutifs de la notion de "responsabilité de

 23   commandement indirect" en se fondant sur les commentaires unanimement

 24   reconnus par les spécialistes : L'élément fonctionnel relatif à la position

 25   du supérieur et à la relation hiérarchique avec ses subordonnés; l'élément

 26   cognitif lié à la connaissance du supérieur hiérarchique lui indiquant que

 27   son subordonné se prépare à commettre ou a commis un crime; et l'élément

 28   opérationnel, le fait donc pour le supérieur d'omettre de prendre les


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  1   mesures nécessaires et raisonnables afin d'empêcher la commission d'un

  2   crime ou d'en punir l'auteur.

  3   Puisqu'une telle situation normative en matière d'éléments juridiques

  4   et factuels était présente, le Procureur s'est trouvé placé face à une

  5   tâche difficile et idéologique, qu'il se soit tourné vers une voie plus

  6   praticable, donc juridiquement problématique, à savoir la construction

  7   juridique de l'entreprise criminelle commune. En fait, c'est dès 2000 que

  8   dans la pratique du présent Tribunal, on a pu constater que 81 % de tous

  9   les actes d'accusation dressés étaient fondés sur cette institution de

 10   l'entreprise criminelle commune. Pourquoi ? Bien, parce qu'en appliquant

 11   cette théorie et cette construction, le Procureur n'a plus besoin de

 12   démontrer l'existence des éléments cognitifs et fonctionnels, telle que

 13   définie dans l'affaire Delalic par la Chambre. Quant à l'élément subjectif

 14   de l'infraction au pénal comme forme de culpabilité, le dolus eventualis,

 15   il est formulé de telle façon que la simple connaissance de la possibilité

 16   de la commission d'un crime comprend également les crimes collatéraux dont

 17   le supérieur hiérarchique, en fait, n'était même pas au courant, mais qu'il

 18   était censé prévoir en raison de la nature même de l'entreprise criminelle

 19   commune.

 20   Dans l'affaire Tadic, la Chambre de première instance n'a pas été en mesure

 21   d'établir la participation de l'accusé dans le meurtre de cinq civils

 22   musulmans, dans le village de Jaksici, près de Prijedor, crime commis par

 23   des membres des unités paramilitaires serbes participant au nettoyage

 24   ethnique, à l'occasion de l'appel de l'Accusation contre ce jugement, le

 25   jugement qui acquitta l'accusé. La Chambre d'appel, de façon lucide, mais

 26   selon la Défense, d'une façon qui, juridiquement n'était pas fondée, a

 27   inventé un système de responsabilité pénale individuelle dérivée de

 28   l'article 7 du Statut. La Chambre d'appel dans sa décision a procédé à une


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  1   analyse de la pratique des tribunaux nationaux et internationaux après la

  2   Seconde Guerre mondiale dans le but de confirmer le postulat du rapport du

  3   secrétaire général que j'ai déjà cité, selon lequel il s'agissait là

  4   indubitablement d'une partie intégrante du droit humanitaire international.

  5   La Chambre a également établi que la notion d'"entreprise criminelle

  6   commune" était enracinée dans au moins deux accords internationaux; dans la

  7   convention internationale pour la répression des attentats à l'explosif de

  8   1997 et dans le statut de Rome de la CPI de 1998.

  9   Et je relève, Madame et Messieurs les Juges, que ces deux textes ont

 10   tous les deux vu le jour après 1995, période des actes incriminés retenus à

 11   la charge des accusés. De la même façon, la Chambre a constaté que les

 12   principes applicables à l'intention criminelle collective étaient enracinés

 13   dans le droit national de nombreux Etats. En bref, la Chambre a établi

 14   qu'une telle pratique existait de façon indubitable et que, par conséquent,

 15   l'ECC en tant que forme de culpabilité bénéficiait de fondements

 16   indubitables dans le droit humanitaire.

 17   La Défense estime, en revanche, qu'une telle conclusion n'est

 18   certainement pas incontestable. Parce que dans l'affaire Tadic, parmi les

 19   affaires qui ont été analysées par la Chambre dans le but de trouver des

 20   exemples venant étayer la troisième forme de l'entreprise criminelle

 21   commune, il n'y a pas de cas où les Juges auraient fondé sa décision sur

 22   cette notion. La façon dont les Juges dans ces différentes affaires

 23   auraient pris en considération les thèses avancées dans les actes

 24   d'accusation correspondants, il n'y a pas un seul cas permettant d'avancer

 25   que la forme élargie de l'ECC aurait été hors de tout doute raisonnable une

 26   partie intégrante du droit international humanitaire. Il n'y a qu'un seul

 27   cas, à savoir l'affaire Dottavio 1947 dans laquelle le juge a constaté la

 28   culpabilité de l'accusé sur la base d'un concept similaire à l'ECC. Mais


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  1   ceci ne peut pas représenter la base d'une affirmation consistant à dire

  2   que l'ECC fait partie intégrante du droit international coutumier.

  3   Dans les jugements ultérieurs, dans les affaires Vasiljevic, Kvocka

  4   et Furundzija, l'appellation et l'institution de l'"entreprise criminelle

  5   commune" s'est établie dans la pratique du Tribunal. La Défense considère

  6   que la décision dans l'affaire Ojdanic est particulièrement intéressante,

  7   décision concernant la compétence du Tribunal dans laquelle la Chambre a

  8   confirmé sa propre compétence à interpréter et à confirmer les formes de

  9   responsabilité pénale, soi-disant en application du Statut du Tribunal. La

 10   mise en place de ces pratiques judiciaires outre au Tribunal a

 11   manifestement été remarqué par les professionnels du droit. Beaucoup ont

 12   été cyniques lorsqu'ils ont observé que les juges bénéficiaient à minces

 13   égards de cette application de cette construction juridique, l'ECC, parce

 14   que sinon les affaires auraient été très complexes et difficiles pour les

 15   Juges d'abord de se prononcer. Il n'est plus nécessaire d'établir un lien

 16   de causalité, une connexité. Elle doit être établie de façon beaucoup plus

 17   large que si on appliquait les postulats de la légalité. Il n'est plus

 18   nécessaire d'établir la culpabilité de l'un des membres de l'ECC qui

 19   établirait ainsi le lien avec les autres participants à cette entreprise

 20   criminelle commune, comme le dit le jugement Krstic.

 21   Mais toutes les Chambres, ou tous les membres des Chambres de

 22   première instance n'ont pas de la même façon adopté cette nouveauté

 23   juridique. Dans l'affaire Stakic, par exemple, la Chambre de première

 24   instance a dit --

 25    M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On vous demande de ralentir.

 26    M. MIKULICIC : [interprétation] Je le craignais fort.

 27   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et moi, je tiens à comprendre les

 28   arguments que vous présentez, parce que vous demandez à la Chambre de


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  1   première instance au fond de ne pas suivre la jurisprudence établie par le

  2   présent Tribunal --

  3   M. MIKULICIC : [interprétation] Exact.

  4   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- pour dire qu'il n'y a pas de

  5   compétence s'il s'agit d'une entreprise criminelle commune.

  6   M. MIKULICIC : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président.

  7    M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout est clair.

  8   Je vous demande de poursuivre, mais de le faire à une cadence qui

  9   permettra à la sténotypiste et aux interprètes de vous suivre.

 10   M. MIKULICIC : [interprétation] Je vais faire de mon mieux.

 11   Dans l'affaire Stakic, disais-je, la Chambre de première instance a déclaré

 12   ceci : une interprétation limitative s'appuyant sur les méthodes nationales

 13   d'interprétation serait préférable s'agissant des dispositions du Statut

 14   qui concernent les actes commis. Ceci permettrait d'éviter cette impression

 15   qui peut induire en erreur, à savoir qu'on a utilisé la petite porte pour

 16   introduire une nouvelle infraction pénale qui n'était pas au départ prévue

 17   dans le Statut de ce Tribunal. Paragraphe 441.

 18   Ce concept juridique de l'ECC est une forme de co-commission beaucoup trop

 19   large, et c'est une fiction juridique qui permet à une personne d'être

 20   poursuivie et condamnée pour des crimes commis par une autre personne, même

 21   si cette personne n'avait pas du tout l'intention de contribuer au crime

 22   commis par ce dernier, et même, éventuellement, si cette personne n'avait

 23   pas connaissance des actions commises par ce dernier.

 24   Des experts en droit et des universitaires ont été prolifiques sur le

 25   sujet. Je voudrais à cet égard vous renvoyer, Madame et Messieurs les

 26   Juges, à ce qu'a écrit le Pr Kai Ambos, qui est professeur et qui a la

 27   chaire de droit pénal à l'Université de Goettingen, ainsi que le Pr Ciara

 28   Damgaard de l'Université de Copenhague, et à ce que le Dr Mohamed Elewa


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  1   Badar, ancien juge du ministère de la Justice d'Egypte, qui trouve une --

  2   quand on voit le sigle JCE en anglais, "Joint Criminal Entreprise," il dit

  3   que ça veut dire, en fait, "on condamne tout le monde," purement et

  4   simplement.

  5   Je vous rappelle aussi le statut de la CPI et ce que ce statut prévoit. Ce

  6   statut a été adopté à ce qu'on a appelé la conférence de Rome et il était

  7   destiné à confirmer par ce nouveau Tribunal les préceptes qui allaient

  8   assurer l'application de critères plus élevés, plus rigoureux en matière de

  9   droit. Et il aurait été préférable d'insérer ces préceptes dans le statut

 10   plutôt que de les laisser au simple jugement d'un juge. C'est précisément

 11   la raison pour laquelle, étant donné le nombre de participants à la

 12   conférence de Rome au moment de l'adoption du statut de Rome, et vu que

 13   tout cet effort a nécessité trois ans de travail, on considère qu'est ainsi

 14   codifié dans ce statut de Rome le droit coutumier international et qu'y

 15   sont couverts des crimes couverts à l'échelon international. C'est un

 16   processus qui est censé être la consolidation factuelle au niveau

 17   international de ce qui se fait au plan national.

 18   Les auteurs, les pères du statut ne voulaient pas édicter de

 19   nouvelles règles de droit, prévoir de nouveaux modes, de nouvelles formes

 20   de responsabilités pénales. Philippe Kirsch, vous le savez, a été le

 21   premier président de la CPI, et il a dit qu'il ne revenait pas au statut de

 22   créer un nouveau droit matériel. Il devait, au contraire, englober les

 23   crimes et infractions pénaux déjà reconnus en tant que tels et qui étaient

 24   interdits par le droit international existant. Le fait qu'on a délibérément

 25   décidé de ne pas inclure l'ECC dans le statut de Rome, c'est un signe. Il

 26   montre qu'on peut conclure de façon tout à fait justifiée que l'entreprise

 27   criminelle commune ne devrait pas être considérée comme faisant partie du

 28   droit international coutumier.


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  1   Le principe de la légalité, il repose sur les prémisses suivantes :

  2   interdiction de l'application rétroactive du droit, nullen crimen sine lege

  3   praevia; l'interdiction de l'analogie, nullen crimen sine lege stricta; la

  4   nécessité de l'existence d'une loi écrite, nullen crimen sine lege scripta;

  5   l'obligation d'une définition exacte du droit, nullen crimen sine lege

  6   certa; et enfin, le principe voulant qu'il n'y ait aucune rétribution sans

  7   loi, nullen crimen sine lege.

  8   Il est incontestable que ces principes de l'existence légale d'ordres

  9   judiciaires et d'appareils judiciaires nationaux qui doivent respecter ces

 10   principes, tout ceci est ancré et précis dans les documents fondamentaux du

 11   droit international. Par exemple, le pacte international relatif aux droits

 12   politiques et civils, l'article 15; la déclaration universelle des droits

 13   de l'homme, articles 11 et 2; la convention de protection des droits de

 14   l'homme et des libertés individuelles du conseil de l'Europe, article 7.

 15   Dans l'affaire SW contre le Royaume-Uni, N.C.R. contre le Royaume-Uni, la

 16   Cour européenne des droits de l'homme, et ceci déjà en 1955, l'a dit

 17   explicitement, elle a déclaré que ces dispositions respectant le principe

 18   de la légalité, on ne peut y déroger. Elles sont irréfragables, même en cas

 19   de guerre ou dans une situation d'urgence autre.

 20   Dans le Statut du Tribunal, vous ne trouverez aucune disposition

 21   explicite énonçant le principe de la légalité. Vous avez le rapport du

 22   secrétaire général des Nations Unies qui le dit lorsqu'il dit que

 23   l'application du principe nullem crimen sina lega donne obligation au

 24   Tribunal de respecter et d'appliquer les instruments du droit international

 25   humanitaire. Et c'est indubitable, tout ceci est devenu partie intégrante

 26   du droit international coutumier. Sinon il y aurait un problème, à savoir

 27   que seuls certains Etats plutôt que tous les Etats auraient l'obligation de

 28   respecter certaines conventions, par exemple, les USA n'ont jamais accepté


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  1   le statut de Rome. Par conséquent, en théorie, si on applique le droit

  2   international stricto sensu et ses traités, il n'est pas nécessaire que les

  3   USA appliquent le principe de légalité, et si vous pensez à une telle

  4   situation, alors elle relève de l'absurde sur le plan du droit et sur un

  5   plan de civilisation.

  6   Rappelons-nous les critères de l'accessibilité et de la

  7   prévisibilité. Il ne suffit pas qu'un tribunal se contente d'établir la

  8   capacité objective qu'aurait un accusé de reconnaître une norme répressive

  9   ou prohibitive. Il y a aussi la capacité subjective qu'aurait un accusé

 10   d'anticiper, de prévoir et de reconnaître sa propre responsabilité pénale

 11   qui pourrait résulter d'une violation de ladite norme. La compréhension

 12   objective de la prévisibilité dans le cadre d'une interprétation élargie de

 13   l'ECC se rapproche dangereusement de la responsabilité objective, et ceci

 14   compromet considérablement le principe de la responsabilité, principe

 15   pourtant accepté explicitement par ce Tribunal.

 16   Une chose est claire, une réglementation interne, celle qui

 17   s'appliquait sur le territoire de l'ex-RSFY tempore criminis doit pourtant

 18   être prise en compte et il faut lui consacrer une attention particulière en

 19   raison de l'existence de cet élément subjectif. Il est donc surprenant que

 20   les Chambres de ce Tribunal jusqu'à présent n'aient pas manifesté d'intérêt

 21   particulier à l'étude de lois, de législations, de jurisprudences

 22   nationales. Certes, il est exact de dire que ni le Statut ni le Règlement

 23   de procédure et de preuve du présent Tribunal ne parlent des

 24   réglementations nationales, si ce n'est le moment de fixer la peine. Mais

 25   il est tout aussi vrai qu'en matière d'accessibilité qu'en matière de

 26   prévisibilité il faudrait tout du moins voir quels sont les instruments de

 27   base qui existaient tempore criminis en RSFY --

 28   Est-ce que je vais encore trop vite, Monsieur le Président ?


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  1   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous rappelle à l'ordre.

  2   M. MIKULICIC : [interprétation] Mais vous savez, j'ai toujours l'œil rivé

  3   sur l'horloge et j'essaie d'en terminer dans les temps que vous m'avez

  4   prescrits.

  5   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais pas aux dépends des

  6   interprètes.

  7   M. MIKULICIC : [aucune interprétation]

  8   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

  9   M. MIKULICIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 10   La Défense signale l'opinion dissidente qu'a formulée M. Cassese dans

 11   l'affaire Erdemovic; il disait qu'il faut analyser la loi nationale du pays

 12   dont était issu l'accusé. Il voulait ainsi dire que le ressortissant d'un

 13   Etat donné quel qu'il soit, y compris la Croatie, avait l'obligation de

 14   connaître la loi pénale s'appliquant sur le territoire de cet Etat, et donc

 15   fonder son comportement et ses attentes sur ceci. Au paragraphe 49 de son

 16   opinion, le Juge Cassese disait alors qu'il serait raisonnable d'examiner

 17   la législation nationale du pays dont est issu l'accusé plutôt que de se

 18   livrer à des considérations morales ou d'appliquer des principes pratiques,

 19   parce que, in dubio pro reo, c'est un principe qui va ici aussi dans le

 20   sens de l'accusé.

 21   Il est incontestable qu'il est parfois difficile de cerner les confins du

 22   droit international parce que ce droit international coutumier souvent

 23   c'est un droit dit, et non écrit. C'est seulement quand il est établi

 24   légalement qu'une action a été exécutée en raison d'une obligation

 25   qu'imposait le droit, opinio juris, bien entendu, c'est seulement à ce

 26   moment-là que s'établit le droit international coutumier.

 27   Quiconque affirme qu'il existe une règle dans le droit international

 28   coutumier doit apporter la preuve d'une pratique constante, cohérente et


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  1   permanente à cet effet. Par conséquent, il faut donner le plus grand nombre

  2   possible d'exemples à l'appui, d'exemples qui émanent de la pratique, qui

  3   émanent de la jurisprudence, où on voit l'application faite de telle ou

  4   telle norme. L'opinio juris ne peut se fonder que sur cette base, c'est une

  5   condition sine qua non à l'application ou à la naissance d'une règle dans

  6   le droit international coutumier. Et il semble que s'agissant de l'ECC, on

  7   a tout simplement pas d'opinio juris, tout du moins ce n'est pas quelque

  8   chose qu'on pourrait englober dans la phrase qui dit, "au-delà de tout

  9   doute raisonnable." Ça, ça fait partie du droit international coutumier.

 10   La Défense affirme que l'Accusation n'a pas apporté la preuve au-delà de

 11   tout doute raisonnable qu'opinio juris existe en raison de la doctrine de

 12   l'entreprise criminelle commune sous sa forme 3. D'ailleurs, l'Accusation

 13   ne s'est pas du tout penchée sur la question, n'en a pas du tout parlé. On

 14   a l'impression que l'Accusation est convaincue que c'est une presumptio

 15   juris et de jure. Mais moi, je voudrais vous prouver le contraire en

 16   présentant des avis contraires au jugement de première instance de Tadic.

 17   Vous avez la chambre de mise en état du tribunal spécial pour le Cambodge,

 18   dans l'affaire 002/19-09-2007, par voie de décision rendue le 20 mai 2010,

 19   cette chambre spéciale de mise en état dit, et je la cite :

 20   "Le principe de la légalité exige que le tribunal du Cambodge s'abstienne

 21   de s'appuyer sur le concept de l'entreprise criminelle commune élargie dans

 22   ces activités."

 23   La Chambre n'a rien trouvé qui soutienne l'existence de cette forme numéro

 24   3 de l'entreprise criminelle commune, tempore criminis, dans le droit

 25   international coutumier, et la Chambre Tadic, pourtant, s'était appuyée

 26   spécifiquement sur cette forme-là.

 27   C'est ce que pense aussi la chambre de mise en état de la CPI dans

 28   l'affaire Lubanga. Cette chambre dit qu'elle s'écarte de ce concept qui est


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  1   fondamentalement subjectif de l'entreprise criminelle commune. La CPI

  2   toujours, dans l'affaire Katanga, suite à une décision prise par la chambre

  3   d'appel, rejette ce manque de responsabilité et elle déclare que ceci ne

  4   s'inscrit pas dans le droit coutumier international. Et dans l'affaire

  5   Bemba, ce même avis a été prononcé.

  6   Permettez-moi de vous rappeler que tous les Juges de ce Tribunal ne sont

  7   pas d'accord avec les Juges qui se sont prononcés dans l'affaire Tadic.

  8   Vous avez, par exemple, Per-Johan Lindholm dans l'affaire Simic, lui aussi

  9   qui a marqué son désaccord par rapport au concept d'entreprise criminelle

 10   commune dans l'affaire Simic. Mais il a dit aussi son désaccord de façon

 11   générale. Permettez-moi de vous rappeler ce qu'a dit un ancien Juge de ce

 12   Tribunal, le Juge Wolfgang Schomburg, pour ne pas le nommer, qui a publié

 13   un article le 3 juin 2010 sur un blog qui s'appelle "Cambodia Tribunal

 14   Monitor."Il a dit que la décision Tadic s'agissant du concept de

 15   l'entreprise criminelle commune élargie a donné naissance à des critiques

 16   dans les milieux professionnels du droit parce qu'elle prêtait le flanc à

 17   des interprétations abusives. Et il disait qu'il ne fallait pas que ce

 18   concept se transforme et dégénère en concept de culpabilité par

 19   association, "guilt by association." Le Juge Schomburg a dit que le droit

 20   international coutumier et que le principe de la légalité sont comme chien

 21   et chat. D'un côté, on veut, bien sûr, sanctionner un acte, et de l'autre

 22   côté, ce qu'on trouve c'est qu'il ne faut pas la création rétroactive d'une

 23   nouvelle loi pénale. De l'avis du Juge Schomburg, la décision de la chambre

 24   de mise en état du tribunal spécial pour le Cambodge surprend par l'analyse

 25   méticuleuse qu'elle fait des décisions prises par les tribunaux

 26   consécutivement à la Deuxième Guerre mondiale et dit que c'est là quelque

 27   chose dont il faut se féliciter après des années de confusion dangereuse.

 28   Et on fait référence à l'application de cette forme élargie d'entreprise


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  1   criminelle commune.

  2   Dans l'affaire Brdjanin, nous avons une décision qui indique que pour

  3   conclure à l'entreprise criminelle commune, il faut identifier l'auteur

  4   réel des crimes concernés et qu'il faut montrer le lien entre l'auteur de

  5   l'acte et la commission d'un crime précis. Cette Chambre refuse d'accepter

  6   la doctrine de l'entreprise criminelle commune, et ce faisant, elle amorce

  7   un tournant radical pour s'écarter de la façon dont on avait appliqué cette

  8   doctrine jusqu'alors. Manifestement, quand des décisions sont prises par

  9   des Chambres, on constate qu'il y a des différences dans l'interprétation

 10   qu'on fait des concepts juridiques, différences qui tiennent aussi aux

 11   différences qu'il y a entre le "common law" et le système romano-

 12   germanique. Par exemple, dans l'affaire Stakic, la Chambre de première

 13   instance avait décidé de remplacer la doctrine de l'entreprise criminelle

 14   commune par le concept de co-commission.

 15   Le Juge Shahabuddeen le disait, il a signalé ce problème dans son opinion

 16   dissidente dans l'affaire Gacumbitsi, lorsqu'il rappelait l'existence

 17   d'opinio juris, parce qu'il disait que certains Etats acceptent ce concept

 18   de l'ECC, alors que d'autres acceptent et appliquent le concept de la co-

 19   commission. La Défense estime, par conséquent, qu'en introduisant ce

 20   concept de l'entreprise criminelle commune élargie, ce qui est à mettre en

 21   doute, c'est le fait qu'on a agi en dehors du cadre du droit international

 22   existant et en dehors du cadre du mandat qui avait pourtant été confié à ce

 23   Tribunal par les Nations Unies.

 24   Et j'aimerais terminer par ces mots. A mon avis, il est très important de

 25   souligner que l'Accusation a agi de façon inacceptable eu égard aux membres

 26   de l'entreprise criminelle commune. L'Accusation dit de ces membres que ce

 27   sont des gens qui, depuis -- enfin, ils englobent dans ce cercle trop large

 28   de participants des défunts; le président Tudjman, Gojko Susak, Bobetko,


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  1   Cervenko. On peut s'interroger sur les fondements juridiques et moraux

  2   qu'il y a à inclure dans cette entreprise criminelle commune des gens

  3   aujourd'hui défunts, qui ne sont plus aujourd'hui participants d'une

  4   entreprise criminelle commune, en allant même jusqu'à aller à qualifier ces

  5   personnes de coauteurs. Sans apporter d'arguments valables et étant donné

  6   que ces personnes ne sont plus à même de se défendre, le Procureur établit

  7   une présomption de responsabilité eu égard à ces personnes pour les actes

  8   qui sont retenus contre les présents accusés dans un acte d'accusation qui

  9   a été délivré après les faits, ex post facto.

 10   C'est vrai aussi d'autres individus. Même si ceux-ci sont encore en vie,

 11   jamais on ne les a appelés à la barre en qualité de témoins ou à d'autres

 12   titres. Même Jarnjak n'a pas été à la barre, et pourtant c'était le

 13   ministre à l'époque des faits; Mirko Norac aussi; Crnjac, il était

 14   commandant de la région militaire de Karlovac; Ademi, il était commandant

 15   du District militaire du Nord et il était l'adjoint au commandement de

 16   Gotovina. Or, il se peut que certains aient été cités comme témoins, mais

 17   jamais ils n'ont été soumis à des incriminations. On n'a jamais essayé

 18   d'utiliser des éléments pour dire qu'eux aussi étaient membres d'une

 19   entreprise criminelle commune ou qu'ils ont été utilisés comme instruments

 20   servant à cette entreprise criminelle commune. Ce qui veut dire que jamais

 21   on ne leur a donné la chance de se défendre. Je pense à Radic, à Lausic et

 22   à Moric lorsque je dis cela.

 23   Mais la catégorie la plus douteuse c'est celle que le Procureur décrit

 24   comme étant autres officiers, autres fonctionnaires, membres du

 25   gouvernement de la République de Croatie et fonctionnaires politiques de

 26   tous niveaux, notamment à l'échelon de la municipalité de l'organisation

 27   locale, dirigeants et membres du HDZ, l'armée croate, la police spéciale,

 28   la police civile et d'autres membres des services de Renseignements et de


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  1   Sécurité en République de Croatie, ainsi que d'autres personnes d'identité

  2   connue ou inconnue.

  3   Le Procureur met des étiquettes sur certaines catégories de personnes. Il

  4   dit de ces personnes que ce sont des coauteurs ou des membres de

  5   l'entreprise criminelle commune, ou encore que ce sont des instruments qui

  6   ont servi à cette entreprise, et tout ceci est impermissible [phon] si l'on

  7   s'en tient au principe du droit. Ces personnes n'ont aucun moyen de se

  8   défendre de cette présomption de culpabilité que leur impute l'Accusation.

  9   C'est une procédure qui est manifestement contraire à la présomption

 10   d'innocence.

 11   Permettez-moi de vous rappeler la décision Stakic, et je la cite :

 12   "Les éléments présentés ne suffisent pas à prouver qu'il y a eu génocide ni

 13   planification d'une campagne au niveau plus élevé. Les personnes qui

 14   faisaient partie de la voie hiérarchique verticale sont aujourd'hui toutes

 15   décédées, et il est donc impossible de présenter des éléments de preuve les

 16   concernant."

 17   C'est un point de vue qui revêt une importance toute particulière là où il

 18   y a l'existence d'une intention discriminatoire, dolus specialis, comme

 19   forme de culpabilité doit être prouvée pour un crime de génocide comme pour

 20   un crime de persécution, ce qui a bien été retenu contre notre client. Donc

 21   ce dolus specialis doit être établi, et c'est quelque chose qu'il est tout

 22   à fait difficile de prouver lorsque vous avez des coauteurs de l'entreprise

 23   criminelle commune qui sont aujourd'hui décédés.

 24   Pour conclure, la Défense affirme que l'ECC n'existait pas en tant que

 25   partie du droit international coutumier à l'époque des faits, tempore

 26   criminis, à l'inverse de ce qui figure à l'acte d'accusation. Et je pense à

 27   la catégorie 3 de l'ECC. L'ECC est en contradiction avec le principe de

 28   culpabilité qui est l'un des principes fondamentaux du droit pénal


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  1   contemporain. Le recours à l'entreprise criminelle commune représente un

  2   élargissement dangereux de la mens rea au point de rapprocher cette

  3   dernière dangereusement de la notion de culpabilité par association, "guilt

  4   by association," notamment dans le cas de la forme élargie catégorie 3 de

  5   l'entreprise criminelle commune.

  6   Le fait de recourir à des conclusions portant sur l'existence d'une

  7   intention des accusés suite aux circonstances objectives dans le cadre de

  8   l'entreprise criminelle commune élargie porte préjudice au principe même de

  9   la présomption d'innocence. La pratique du présent Tribunal, tout comme la

 10   pratique des tribunaux telle qu'elle est intervenue après la Seconde Guerre

 11   mondiale, concernant le contenu de cette théorie de l'ECC, n'est pas

 12   cohérente ni unique, ce qui est en contradiction avec les principes de la

 13   sécurité et de l'équité juridique et ne saurait être considérée comme

 14   valant opinio juris. En recourant à la théorie de l'ECC et en appliquant

 15   cette dernière à des structures politiques et militaires entières de

 16   l'appareil d'Etat ainsi qu'à des individus identifiés et non identifiés, on

 17   contrevient au principe général de la précision de l'acte d'accusation.

 18   Ceci compromet la finalité même de la fondation et de l'action du présent

 19   Tribunal et augmente le risque de voir appliquer de façon encore plus large

 20   la théorie de l'ECC par des procureurs et des tribunaux nationaux. Ce qui

 21   pourrait avoir des conséquences négatives pour le droit pénal et la

 22   pratique pénale contemporaine et dans le processus d'affirmation qui est le

 23   sien.

 24   Pour finir, Madame, Messieurs les Juges, la Défense souhaite proposer à la

 25   présente Chambre de faire un pas en avant en pesant les arguments en faveur

 26   du rejet de cette théorie de l'ECC qui sont incontestablement présents dans

 27   la doctrine juridique contemporaine en provenance de plusieurs sources qui

 28   sont manifestement présentes dans certaines opinions des Juges du présent


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  1   Tribunal et dans un certain nombre de décisions de différents tribunaux

  2   intervenus après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Et la Défense en

  3   appelle à la Chambre afin qu'elle rejette cette théorie de l'ECC pour

  4   revenir au principe de la responsabilité pénale individuelle, de la co-

  5   commission, du fait d'aider ou d'encourager. Mais bien entendu, dans ces

  6   cas-là, d'autres exigences sont également applicables pour prouver la

  7   culpabilité qui diffèrent de ceux applicables dans la forme élargie de

  8   l'entreprise criminelle commune.

  9   Et je souhaiterais remercier les Juges de la Chambre pour leur attention.

 10   M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Mikulicic.

 11   Ceci conclut l'audience de ce jour. Demain, nous entendrons les

 12   répliques éventuelles de l'Accusation. Je souhaiterais renouveler mes

 13   encouragements aux parties à rester dans le cadre temporel que nous avons

 14   déterminé, ce qui peut-être nous laissera un peu de temps demain. Alors,

 15   peut-être n'utiliserons-nous pas l'ensemble de l'audience du matin, c'est-

 16   à-dire les trois volets d'audience. Je suggère donc que l'Accusation occupe

 17   le premier volet d'audience jusqu'à la première pause, que le second volet

 18   d'audience soit attribué à la Défense.

 19   Bien entendu, ceci dépend également, Monsieur Tieger, de la question de

 20   savoir si vous allez utiliser l'ensemble de l'heure et demie allouée. Je

 21   comprends également que vous demanderez peut-être quelque chose en échange

 22   du fait que vous n'ayez pas eu l'occasion de faire des remarques en

 23   conclusion après l'intervention de Mme Mahindaratne, donc peut-être avons-

 24   nous quand même besoin du troisième volet d'audience, mais peut-être

 25   également finirons-nous à la fin du second.

 26   Alors, nous levons l'audience et nous reprendrons demain, 1er septembre, à

 27   9 heures dans ce même prétoire.

 28   --- L'audience est levée à 19 heures 03 et reprendra le mercredi 1er


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  1   septembre 2010, à 9 heures 00.

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