Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le lundi 8 avril 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 14 heures 19.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes et à tous.

  6   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président,

  7   Messieurs les Juges. --

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

  9   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] -- Bukovac.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 11   La Défense.

 12   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 13   les Juges. Pour la Défense de Goran Hadzic, Zoran Zivanovic et M.

 14   Christopher Gosnell.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Monsieur Hadzic.

 16   L'ACCUSÉ : [interprétation] Je n'entends pas l'interprétation.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui. Essayons de voir où est le

 18   problème.

 19   Très bien. Ça a été arrangé ? Merci.

 20   Monsieur Stringer, quelques points de procédure, d'après ce que j'ai

 21   appris, que vous souhaiteriez soulever.

 22   M. STRINGER : [interprétation] Oui, c'est M. Demirdjian qui s'en occupera.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, très bien.

 24   Monsieur Demirdjian, vous avez la parole.

 25   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 26   les Juges. Vous avez peut-être vu l'échange de courriels depuis quelques

 27   jours. Pour commencer, j'aborde une requête que je souhaite présenter

 28   oralement. Je me suis rapproché de la Défense précédemment, et je pense


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  1   qu'ils seront en mesure de nous faire part de leur position.

  2   Alors, premièrement, s'agissant du croquis ou du plan de l'hôpital de

  3   Vukovar que nous avons proposé en tant que document 6405 de la liste 65

  4   ter, nous souhaitons nous servir de cette image qui a été prise l'année

  5   dernière, l'image de l'hôpital, et c'est en fait un croquis de l'hôpital

  6   qui nous montre comment se présentait l'hôpital en 1991. Et j'en ai parlé à

  7   mon éminent confrère, Me Gosnell, il n'a pas d'objections à ce que nous

  8   présentions les bases pour commencer et que nous demandions au témoin de

  9   décrire l'hôpital avant de présenter l'image. Donc, ce sera la première

 10   requête que j'aurais à présenter.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui.

 12   M. GOSNELL : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Pas

 13   d'objection à ce que l'on se serve de ce document, mais la question qui se

 14   pose est celle des annotations. Donc, si on aborde la question des

 15   annotations avant de procéder à autre chose et si le témoin confirme tous

 16   les éléments d'information qui sont contenus dans les annotations, nous ne

 17   nous opposerons pas au versement de ce document par la suite.

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous pouvons, par conséquent, ajouter

 19   ce document à la liste des pièces à conviction, et puis par la suite nous

 20   verrons si le document sera proposé au versement ou non et versé.

 21   M. GOSNELL : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc, j'ai bien compris. Nous faisons

 23   droit à la requête telle qu'elle a été présentée. Le document peut être

 24   ajouté à la liste de pièces à conviction.

 25   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vous remercie.

 26   Vous vous rappellerez aussi peut-être la liste du 28 mars, ou plutôt, la

 27   requête, notre huitième requête afin de modifier la liste de pièces à

 28   conviction, liste 65 ter. Je souhaite utiliser le document 6402 de la liste


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  1   65 ter avec notre témoin suivant. Il s'agit du procès-verbal de la réunion

  2   de la commission conjointe chargée de la recherche des personnes portées

  3   disparues et des restes humains du 2 avril 1992. Nous avons plusieurs

  4   procès-verbaux comparables de cette commission conjointe sur notre liste,

  5   plusieurs procès-verbaux des différentes réunions. Celle-ci figure sur

  6   cette liste en tant qu'un document obtenu récemment d'Osijek, je pense du

  7   tribunal de district. Nous avons déposé cela le 28. Je me suis adressé à Me

  8   Gosnell à ce sujet. Je pense qu'il souhaite d'abord examiner le document

  9   et, par la suite, il pense qu'en pratique il n'aura pas d'objection mais il

 10   aura besoin d'examiner ce document cet après-midi.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien.

 12   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Alors, ensuite, nous avons également la

 13   question des lettres et des télécopies que nous souhaitons présenter par le

 14   truchement du témoin suivant, il s'agit des documents qui ont été envoyés

 15   par le témoin pendant le conflit et, en principe, j'ai envoyé un courriel à

 16   ce sujet le week-end dernier, j'ai proposé que l'on en montre toute une

 17   série. Je pense que nous en avons une quarantaine, et sur les 40, j'en

 18   utiliserai peut-être 15 à 20 par le truchement de ce témoin et, pour le

 19   reste, comme il s'agit de documents analogues en substance qui se situent à

 20   des dates différentes, je demanderais leur versement en tant que faisant

 21   partie de la série. Et je pense que Me Gosnell pourra s'exprimer là-dessus,

 22   mais il me semble qu'il n'aura pas d'objection.

 23   M. GOSNELL : [interprétation] C'est exact. Il n'y aura pas d'objection à ce

 24   que l'on procède ainsi.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc, nous ne prendrons pas de

 26   décision pour l'instant.

 27   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, c'est exact. Et enfin, pendant ce

 28   week-end, nous avons eu des réunions de récolement avec le Dr Bosanac, elle


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  1   nous a fourni un DVD qui comporte quelques "scans" de cahiers manuscrits.

  2   Il s'agit de manuscrits qui viennent d'une des infirmières qui a travaillé

  3   à l'hôpital de Vukovar, et d'après le Dr Bosanac, ils ont été confisqués

  4   par l'armée yougoslave lorsqu'ils ont pris le contrôle de l'hôpital le 19

  5   ou le 20 novembre.

  6   Il s'agit de documents qui n'étaient pas disponibles à l'hôpital de Vukovar

  7   jusqu'à l'année dernière. Apparemment, il y a eu une réunion entre les

  8   gouvernements serbe et croate à l'automne 2011, pendant cette réunion il y

  9   a eu remise de ces cahiers, et c'est uniquement un an plus tard que

 10   l'hôpital de Vukovar a pu se les procurer. Donc, nous avons plusieurs

 11   versions scannées dans ce DVD de ces cahiers, et comme nous ne les avons

 12   reçus que quelques jours avant la déposition du témoin, je ne souhaite pas

 13   aborder la substance de cela. Cependant, je voudrais avoir votre

 14   autorisation de présenter les documents. Donc, en fait, je souhaiterais

 15   pratiquement procéder à l'opposé d'une procédure d'identification

 16   temporaire de documents, je voudrais demander au témoin d'identifier les

 17   documents pour pouvoir les ajouter sur la liste et pour pouvoir en demander

 18   le versement à une date ultérieure.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Gosnell.

 20   M. GOSNELL : [interprétation] Nous nous opposerons à cela. On essaie en

 21   fait d'accorder un statut de pièce temporaire avant même d'insérer les

 22   documents sur la liste 65 ter. Nous avons eu un très grand nombre de

 23   documents sur des -- les années passées de cette nature-là qui ont été

 24   communiqués. Il s'agit d'un très grand poids sur la Défense. Donc, nous ne

 25   pouvons pas parcourir tous ces documents. Et là, je ne sais pas exactement

 26   pourquoi ces documents ne se sont présentés que si tardivement.

 27   Donc, compte tenu des éléments d'information que nous avons là-

 28   dessus, nous allons nous opposer à cela.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais M. Demirdjian, pourquoi est-ce

  2   que vous voudriez les montrer tout d'abord au témoin avant que la décision

  3   n'ait été prise de les ajouter sur la liste 65 ter ?

  4   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je pourrais poser des questions théoriques

  5   au témoin, par exemple : "Est-ce que vous nous avez fourni un CD ? Est-ce

  6   que ce CD contient tel ou tel document ?" C'est tout à fait possible. Mais

  7   je pensais qu'à des fins d'identification cela pourrait vous sembler

  8   pertinent de voir le document et d'avoir le témoin identifier le document,

  9   comme c'est quelque chose qu'elle nous a fourni le week-end dernier. C'est

 10   simplement tout ce que je voulais faire à ce stade --

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Non, mais j'essaie simplement de

 12   comprendre votre requête, à quel moment est-ce que vous présenteriez cette

 13   requête d'ajouter ces documents sur votre liste 65 ter ? A partir du moment

 14   où le témoin ne serait plus là ?

 15   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je peux essayer de le faire avant le

 16   départ du témoin. Je ne peux pas vous le promettre à ce stade, mais si cela

 17   peut aider, je peux faire un effort pour que la requête soit présentée

 18   demain après-midi, peut-être. Je pense que le témoin sera encore là au

 19   moins jusqu'à mercredi.

 20   [La Chambre de première instance se concerte]

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Demirdjian, essayons de

 22   procéder comme il se doit et essayons d'avoir votre requête aux fins

 23   d'ajout de ce document sur la liste de pièces à conviction avant que le

 24   témoin n'ait été interrogé sur les documents.

 25   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que vous avez épuisé vos

 27   points, Monsieur Demirdjian ?

 28   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui. Nous pouvons citer notre témoin


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  1   suivant, Dr Bosanac, pseudonyme GH-038.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Faites entrer le

  3   témoin, s'il vous plaît.

  4   En attendant que le témoin n'arrive, une consigne à l'attention du bureau

  5   du Procureur -- attendez un instant, s'il vous plaît.

  6   Depuis quelques mois, la Chambre s'est penchée sur toute une série de

  7   requêtes présentées par l'Accusation demandant versement de différents

  8   éléments documentaires. Trop souvent, les documents dont l'Accusation

  9   demande le versement ne sont pas disponibles, qu'il s'agisse du prétoire

 10   électronique ou sous une autre forme qui permettrait à la Chambre d'en

 11   prendre connaissance. Par exemple, les traductions ne sont pas disponibles.

 12   La Chambre de première instance dépense un temps très considérable à se

 13   pencher sur ces problèmes-là, elle a attiré l'attention de l'Accusation là-

 14   dessus. La Chambre rappelle une demande qui a été adressée à l'Accusation

 15   par voie de courriel en octobre dernier afin de faire en sorte que ses

 16   documents, en règle générale, soient traduits et soient disponibles dans le

 17   système du prétoire électronique. Toutefois, ce problème perdure. Il ne

 18   relève pas de la responsabilité de la Chambre de première instance de

 19   remédier aux manquements dans les agissements de l'Accusation dans ce

 20   domaine. La Chambre de première instance appelle l'attention de

 21   l'Accusation encore une fois sur le fait qu'il est nécessaire qu'elle

 22   garantisse que tout document dont elle demande le versement soit téléchargé

 23   dans le prétoire électronique, traduit et prêt à être examiné pour que l'on

 24   puisse juger de son admissibilité ou non. Nous allons sous peu communiquer

 25   par courriel la consigne de la Chambre de première instance.

 26   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je n'ai pas accès au prétoire électronique.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Essayons de résoudre le problème.

 28   [Le témoin est introduit dans le prétoire]


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que nous pouvons demander au

  2   témoin de prononcer la déclaration solennelle en attendant ?

  3   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, bien entendu. Je suivrai la

  4   transcription in vivo.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

  6   Bonjour, Madame. Je vous remercie d'être venue à La Haye pour apporter

  7   votre assistance à ce Tribunal. Premièrement, est-ce que vous m'entendez

  8   dans une langue que vous comprenez ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Bonjour.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pourriez-vous décliner votre

 11   identité, nous donner votre date de naissance, ainsi que votre appartenance

 12   ethnique, s'il vous plaît.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis Vesna Bosanac. Je suis née le 9 mars

 14   1949. Je suis Croate, d'appartenance ethnique.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Vous allez donner

 16   lecture de la déclaration solennelle par laquelle les témoins s'engagent à

 17   dire la vérité. J'attire votre attention sur le fait que, ce faisant, vous

 18   vous exposez aux sanctions prévues pour les cas de faux témoignage si vous

 19   fournissiez des éléments d'information qui n'étaient pas véridiques au

 20   Tribunal. Est-ce que vous pouvez à présent lire la déclaration solennelle

 21   qui vous sera remise par l'huissier, s'il vous plaît.

 22   LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

 23   vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 24   LE TÉMOIN : VESNA BOSANAC [Assermentée]

 25   [Le témoin répond par l'interprète]

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 27   Monsieur Demirdjian, c'est à vous.

 28   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

 


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  1   Monsieur les Juges.

  2   Interrogatoire principal par M. Demirdjian : 

  3   Q.  [interprétation] Bonjour, Madame, Docteur Bosanac. Je vois que vous ne

  4   semblez pas être confortablement installée.

  5   Est-ce que l'huissier pourrait nous aider, s'il vous plaît.

  6   R.  Il faudrait baisser la chaise un petit peu, s'il vous plaît. C'est trop

  7   haut pour moi.

  8   Q.  Oui. Est-ce mieux à présent ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Très bien. Pour commencer, Docteur Bosanac, je souhaite vous préciser

 11   que si jamais vous n'avez pas compris ma question, vous pouvez me le dire,

 12   et aujourd'hui nous avons prévu de travailler jusqu'à 19 heures, mais si

 13   vous étiez fatiguée ou si vous aviez besoin d'une petite pause, n'hésitez

 14   pas à en avertir les Juges de la Chambre.

 15   Alors, pour commencer, où travaillez-vous maintenant ?

 16   R.  Je suis directrice de l'hôpital de Vukovar, et je suis aussi pédiatre.

 17   Q.  Pouvez-vous décrire rapidement votre parcours académique aux Juges,

 18   s'il vous plaît, où est-ce que vous avez fait vos études, et quelles études

 19   avez-vous faites ?

 20   R.  Je suis allée au lycée à Vukovar, et puis j'ai fait des études à la

 21   Faculté de médecine de Zagreb. En 1981, j'ai spécialisé la pédiatrie, et en

 22   1983 j'ai terminé mon troisième cycle. A partir de 1974, j'ai travaillé au

 23   centre médical de Vukovar, et en 1991, au mois de juillet, j'ai été nommé

 24   au poste de directrice du centre médical. A partir de 1991 jusqu'en 1997,

 25   j'ai eu un poste au ministère de la Santé de Croatie, et à partir de 1997,

 26   après la réintégration pacifique de cette région, je suis revenue à

 27   Vukovar, où je travaille aujourd'hui.

 28   Q.  Je vous remercie. Pouvez-vous décrire l'hôpital de Vukovar aux Juges. A


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  1   quel moment est-ce que l'hôpital a été construit, et à quel moment est-ce

  2   qu'il a été inauguré, a commencé à fonctionner ?

  3   R.  L'hôpital de Vukovar a été construit en 1849. C'était à l'époque un

  4   tout petit hôpital qui faisait partie d'un lieu de villégiature du comte

  5   Eltz, et en 1939 l'hôpital a été élargi pour devenir l'hôpital des Sœurs de

  6   la Miséricorde de Djakovo. Et en 1974, l'hôpital a été modernisé pour

  7   prendre sa forme actuelle. Il faut savoir qu'il a été considérablement

  8   endommagé et détruit pendant la guerre. Et c'est en 2001 qu'il a été

  9   restauré, pour avoir son état actuel.

 10   Q.  Pour ce que soit tout à fait clair, est-ce que lorsqu'on parle de

 11   l'hôpital de Vukovar, on entend par là le centre médical de Vukovar ?

 12   R.  Le centre médical de Vukovar a fonctionné jusqu'en 1993, et à ce

 13   moment-là dans toute la Croatie l'on a amorcé une réforme du système de

 14   santé et à partir de ce moment-là les hôpitaux ont été séparés des

 15   dispensaires et, en conséquence, l'hôpital de Vukovar est un hôpital au

 16   sens général du terme et tous les soins ambulatoires, en fait, font partie

 17   du dispensaire, relèvent du dispensaire de Vukovar.

 18   Q.  Je vous remercie. Pouvez-vous dire aux Juges de la Chambre de première

 19   instance quel est le nombre de bâtiments qui faisaient partie de l'enceinte

 20   de l'hôpital.

 21   R.  Dans l'enceinte de l'hôpital il y a cinq bâtiments, cinq bâtiments pour

 22   recevoir des patients. Le bâtiment qui permet l'hospitalisation des

 23   patients avec des chambres à lit, on l'appelle le bâtiment principal ou

 24   l'ancien bâtiment. Puis les différentes unités, la polyclinique, la

 25   kinésithérapie, la cytologie, la pathologie, et l'unité de restauration.

 26   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] 65 ter 6315, s'il vous plaît, à présent,

 27   c'est une vue aérienne de l'hôpital. Il s'agit de l'intercalaire 109 sur

 28   nous listes.


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  1   Q.  Docteur, je vais vous inviter à apporter des annotations sur certaines

  2   parties de cette image qui va s'afficher à l'écran. Alors, pour commencer,

  3   reconnaissez-vous ce qui s'affiche à l'écran ?

  4   R.  Oui. C'est l'enceinte de l'hôpital avec les bâtiments qui constituent

  5   l'hôpital et les environs.

  6   Q.  Je vous remercie. Je vais demander à M. l'Huissier de vous aider pour

  7   que vous puissiez apporter des annotations. Est-ce que vous pouvez inscrire

  8   un A à l'emplacement du nouveau bâtiment de l'hôpital que vous avez

  9   mentionné.

 10   R.  [Le témoin s'exécute]

 11   Q.  Et puis, inscrivez un B, s'il vous plaît, à l'emplacement de l'ancien

 12   bâtiment.

 13   R.  [Le témoin s'exécute]

 14   Q.  Très bien. Alors, nous voyons plusieurs rues à l'image. Est-ce que vous

 15   pourriez nous dire de quelles rues il s'agit, s'il vous plaît.

 16   R.  Ça c'est une des rues principales, rue Zupanijska ou du "Komita"

 17   [phon].

 18   Q.  Est-ce que vous pouvez inscrire la lettre C à cet endroit.

 19   R.  [Le témoin s'exécute]

 20   Q.  Et la rue qui est sous la rue Zupanijska ?

 21   R.  Celle-ci, ça c'est la rue Gundulic.

 22   Q.  Je vous remercie. Vous avez inscrit la lettre D ici.

 23   Alors, entre l'ancien et le nouveau bâtiment de l'hôpital, on voit quelque

 24   chose, est-ce que c'est un parking ?

 25   R.  C'est un espace vert, un monument a été dressé à cet endroit.

 26   Q.  Je vous remercie. Est-ce qu'il y a d'autres bâtiments ici qui font

 27   partie de l'enceinte de l'hôpital ?

 28   R.  Oui, comme je l'ai déjà dit, il y a le service de kinésithérapie, et


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  1   puis en face du parc il y a la cuisine, puis la pathologie et la cytologie.

  2   Et un abri antiatomique se situe au-dessous, et c'est là que nous avons

  3   travaillé la plus grande partie de la guerre.

  4   Q.  Est-ce que vous pourriez nous inscrire les lettres de l'alphabet dans

  5   la suite du D. Peut-être le E pour l'abri antiatomique.

  6   R.  Il y a ici un passage souterrain sous cette cour, et il va du nouveau

  7   bâtiment jusqu'à l'ancien.

  8   Q.  Très bien. Je pense que pour l'instant ça nous suffit.

  9   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

 10   versement de cette image.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Reçoit une cote et est versée au

 12   dossier.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 6315 de la liste 65 ter qui

 14   a été annoté par le témoin reçoit la cote P1421.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 16   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 17   Q.  Alors, Dr Bosanac, si on reparlait de l'année 1991, il y avait combien

 18   d'étages dans le bâtiment principal à l'époque ?

 19   R.  Il y avait le sous-sol, l'entresol, le rez-de-chaussée, deux étages, et

 20   il y avait un espace sous le toit qui n'était pas utilisé, les combles.

 21   Q.  Et en juillet 1991, vous étiez directrice de l'hôpital, dans quel

 22   bâtiment se trouvait votre bureau ?

 23   R.  Le bâtiment administratif, à un moment donné, était situé à l'extérieur

 24   de l'enceinte de l'hôpital, c'était en face de cette petite rue où se

 25   trouve l'ancien bâtiment de l'hôpital. Mais très vite, dès le mois d'août,

 26   ce bâtiment a été complètement endommagé par les obus et, à ce moment-là,

 27   j'ai transféré mon bureau dans le sous-sol du bâtiment principal de

 28   l'hôpital.


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  1   Q.  Alors, à l'époque en 1991, combien y avait-il de pièces dans le

  2   bâtiment principal, et quel était le nombre maximum de patients que

  3   l'hôpital pouvait prendre en charge en temps de paix ?

  4   R.  Dans le bâtiment principal, il y avait trois étages qui fonctionnaient,

  5   l'entresol et deux étages, représentant en tout 250 lits, alors que dans

  6   l'ancien bâtiment il y avait également un entresol et deux étages et on

  7   pouvait en temps de paix y prendre en charge 150 patients supplémentaires.

  8   Cependant, dès le mois d'août, l'hôpital a été pris pour cible de

  9   bombardements constants, si bien que dès le 15 août nous n'avons pu

 10   continuer à travailler que dans les sous-sols. C'était trop dangereux même

 11   à l'entresol.

 12   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre combien de personnes étaient

 13   employées à l'hôpital en temps de paix ?

 14   R.  Mille quarante employés y travaillaient, à cette époque il s'agissait

 15   d'un centre médical. Il y avait des médecins qui travaillaient en

 16   ambulatoire, des services d'urgence, des infirmières, si bien que l'hôpital

 17   avait 1 040 employés.

 18   Q.  Vous avez dit plus tôt qu'à la mi-août il y avait des bombardements.

 19   Comment ces bombardements ont-ils affecté, s'ils ont affecté, toutefois,

 20   l'effectif du personnel de l'hôpital ?

 21   R.  Avant cela déjà, au mois de juin et en juillet, de nombreux employés

 22   ont quitté l'hôpital. C'était par ailleurs la période des vacances d'été,

 23   mais c'était aussi le début de la guerre. Dès le 2 mai, la guerre a

 24   commencé à Vukovar. En juin et en juillet, les obus s'abattaient sur Borovo

 25   Naselje et sur l'usine de Borovo. De nombreux employés ont quitté leurs

 26   postes. Par ailleurs, il y avait de nombreux employés appartenant à tous

 27   les groupes ethniques qui travaillaient à l'hôpital, des Croates, des

 28   Serbes et des membres d'autres groupes ethniques. Vukovar était un


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  1   territoire multiethnique avec 19 groupes ethniques, mais ils ont été très

  2   nombreux à partir. De nombreux Serbes ont traversé le Danube pour se rendre

  3   en Serbie. De nombreux Croates sont allés sur des parties du territoire de

  4   la Croatie où il n'y avait pas de guerre. Si bien qu'au mois d'août nous

  5   n'étions plus qu'environ 350 employés, médecins, infirmières et autres

  6   personnels techniques appartenant à tous les groupes ethniques. Nous ne

  7   sommes restés plus qu'environ 350 à l'hôpital à ce moment-là.

  8   Q.  Vous venez de dire que Vukovar comptait, je crois, 19 groupes

  9   ethniques. Est-ce que vous pourriez dire aux Juges de la Chambre quels

 10   étaient les groupes ethniques les plus représentés ?

 11   R.  D'après le recensement de 1991, la ville de Vukovar avait 45 000

 12   habitants, et la partie est du Komita de Vukovar actuel qui s'appelait à

 13   l'époque Vukovar, a été la cible de bombardement, comptait 147 000

 14   habitants. Il y avait des Croates qui représentaient 47 %; 45 % environ de

 15   Serbes, et puis différents groupes ethniques comme les Slovaques, les

 16   Ruthéniens, et autres. Il y avait également un groupe de personnes qui se

 17   déclaraient Yougoslaves, il s'agissait principalement de personnes issues

 18   de mariages mixtes, et ils représentaient environ 5 %.

 19   Q.  Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre quels étaient les rapports

 20   entre les différents groupes ethniques avant le début du conflit ?

 21   R.  J'étais employée comme un médecin spécialisé en pédiatrie, et cela

 22   depuis de nombreuses années déjà, je puis dire que de mon point de vue il

 23   n'y avait pas d'affrontements, de conflits interethniques ni parmi les

 24   habitants, ni parmi les patients, ni parmi les employés du centre médical.

 25   Q.  Cette situation a-t-elle changé à un moment donné ?

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Un instant, Monsieur Demirdjian,

 27   juste une question pour Mme Bosanac.

 28   Comment déterminez-vous l'appartenance ethnique d'une personne ? Qu'est-ce


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  1   qui fait qu'une personne est un Croate, ou un Serbe ou quoi que ce soit

  2   d'autre ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] D'après nos textes, chaque personne se

  4   déclarait appartenant à tel ou tel groupe ethnique. Et ceci était largement

  5   déterminé par des traditions d'ordre familial. Si le père, si votre père,

  6   votre mère, et leurs ascendants étaient des Croates, vous déclariez

  7   Croates. Dans les cas où on était en présence de mariage mixte, par exemple

  8   lorsque le père était Serbe et la mère était Croate, eh bien l'enfant issu

  9   d'un tel mariage en temps voulu se déclarait comme étant Croate, comme

 10   étant Serbe, ou Yougoslave. Les autres minorités ethniques comme les

 11   Slovaques et les Ruthènes déclaraient leur appartenance ethnique sur la

 12   base de leur conviction personnelle, et également de leur propre tradition.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc c'était la façon dont les gens

 14   se définissaient eux-mêmes, se déclaraient, de telle ou telle appartenance.

 15   Mais comment cela se traduisait-il dans les échanges entre les personnes ?

 16   Est-ce que vous étiez amené, par exemple, à aller voir quelqu'un pour lui

 17   demander si il ou elle se définissait comme Croate ou comme Serbe, ou bien

 18   y avait-il d'autres critères qui permettaient à quelqu'un de déterminer

 19   l'appartenance ethnique d'une autre personne ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Eh bien, je ne sais pas si je vais être en

 21   mesure de vous répondre avec une précision totale, mais j'ai entendu dire

 22   que dans l'ex-Yougoslavie il y avait un certain nombre de règlements et de

 23   textes réglementaires aux termes desquels les personnes voyaient leur

 24   appartenance ethnique inscrite dans les listes électorales, sur la base de

 25   l'appartenance ethnique de leurs pères. Mais j'en ai simplement entendu

 26   parler, je ne suis pas sûre. En tout cas, dans le cadre du recensement on

 27   inscrivait son nom, son prénom, date et lieu de naissance, l'appartenance

 28   ethnique, et la confession. Il n'était pas obligatoire d'inscrire tous ces


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  1   détails.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Mais c'est ce que vous faites lorsque

  3   vous vous déclarez comme appartenant à tel ou tel groupe. Mais comment

  4   déterminiez-vous l'appartenance ethnique de votre voisin ? Comment saviez-

  5   vous que votre voisin que votre voisin ou votre voisine était Croate ou

  6   Serbe ? Parce que la personne en question vous l'avait dit, en raison de

  7   son appartenance religieuse, ou était-ce grâce à d'autres éléments ?

  8   LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai déjà indiqué qu'avant la guerre, mais

  9   aujourd'hui encore après la guerre, les habitants de Vukovar ne procédait

 10   pas à un jugement de l'autre sur la base de son groupe ethnique. Ils ne

 11   jugeaient pas l'autre sur la base de son groupe ethnique. Alors, certaines

 12   personnes éprouvent le besoin d'affirmer à quel groupe ethnique elles

 13   appartiennent, mais maintenant dans tout mon travail, et cela fait déjà 15

 14   ans que je suis revenue à Vukovar, j'ai pu observer que nous avons dans nos

 15   archives des listes, des registres de nos propres employés où nous

 16   n'inscrivons jamais l'appartenance ethnique. Nous inscrivons seulement le

 17   nom, le prénom, leur parcours scolaire, c'est-à-dire leurs études, le lieu

 18   de résidence, et cetera. Nous n'inscrivons pas l'appartenance ethnique ni

 19   religieuse. Je suppose que cela figure dans les registres d'état civil qui

 20   recensent les naissances.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 22   M. LE JUGE MINDUA : Madame le Témoin, dans la foulée de la question du

 23   Président, lorsque vous avez -- vous vous êtes présentée, vous avez dit que

 24   vous êtes Croate. J'ai des difficultés pour savoir qu'est-ce que cela

 25   signifie ? Vous avez la nationalité de l'Etat croate, ou bien vous êtes

 26   Croate sans nationalité de cet Etat, c'est-à-dire quand vous dites que vous

 27   êtes Croate, vous pouvez être Croate en ayant la nationalité serbe ou d'un

 28   autre pays. Qu'est-ce que c'est ? Comment le savoir ?


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  1   LE TÉMOIN : [interprétation] Chez nous, la nationalité est une chose, et

  2   l'appartenance ethnique, une autre. Il s'agit de deux choses distinctes.

  3   Vous pouvez donc être Croate, tout en étant citoyen soit de la Croatie,

  4   soit de la Bosnie-Herzégovine, soit de la Serbie. Si vous êtes Serbe sur le

  5   plan ethnique, vous pouvez indifféremment être citoyen de la Croatie, de la

  6   Bosnie-Herzégovine, ou encore d'un autre Etat, par exemple de l'Allemagne,

  7   des Pays-Bas.

  8   M. LE JUGE MINDUA : [interprétation] Merci beaucoup, merci.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Monsieur le Procureur.

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 11   Q.  Monsieur Bosanac, nous nous sommes interrompus au moment où je vous

 12   posais cette question relative au rapport entre les différents groupes

 13   ethniques. Je vous ai demandé -- en fait, je voulais demander s'il y a eu

 14   un moment où ces rapports ont changé ?

 15   R.  Il y a eu un changement de la composition ethnique et de la structure

 16   ethnique en temps de guerre, même si sur les 45 000 habitants qui

 17   habitaient, qui vivaient à Vukovar avant la guerre, il n'en est resté que

 18   15 000 sur place au moment où la ville a été encerclée. Et ceux qui se sont

 19   trouvés ainsi encerclés appartenaient à tous les groupes ethniques, cette

 20   situation, cette composition de la population sur le plan ethnique se

 21   reflétait également à l'intérieur de l'hôpital. Lorsque Vukovar est tombée

 22   et que l'armée yougoslave a pénétré dans Vukovar, ainsi que différents

 23   groupes paramilitaires qui accompagnaient l'armée, ces forces ont

 24   complètement départagé les personnes, les ont séparées les unes des autres.

 25   Et les Serbes pouvaient aller librement en Serbie ou rester à Vukovar s'ils

 26   le souhaitaient, alors que les Croates et les autres personnes appartenant

 27   à des groupes ethniques différents du groupe serbe se sont retrouvés dans

 28   des camps.


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  1   A l'époque de ce qu'il convient d'appeler la République de la Krajina serbe

  2   entre 1991 et 1997, moment du début de la réintégration pacifique, la plus

  3   grande partie de la population présente à Vukovar et dans la région

  4   environnante, appelée à l'époque le Podunavje [phon] croate, qui englobait

  5   Vukovar et également la municipalité d'Osijek et la Baranja, la majorité de

  6   la population présente sur ce territoire était des Serbes. Toutefois, il

  7   était resté sur place également un certain nombre de Croates, de Hongrois,

  8   et d'autres représentants de différentes minorités ethniques. Pendant cette

  9   période de six ans, ces minorités ethniques, mais également les mariages

 10   mixtes, ont été soumis à différentes formes de torture, et j'en ai été moi-

 11   même témoin et j'ai pu m'en convaincre.

 12   En 1997, nous sommes revenus à Vukovar et dans le Podunavje croate.

 13   Sur place, nous avons trouvé environ 25 000 habitants -- en tout cas, c'est

 14   le nombre de ceux qui avaient demandé à bénéficier d'une couverture santé.

 15   C'est pour cela que je le sais. Et c'est alors qu'a commencé la période de

 16   la réintégration pacifique. Et de 1998 jusqu'à aujourd'hui encore, on peut

 17   dire que cette période du retour et de la reconstruction dure toujours. La

 18   structure ethnique de la population a changé, mais l'on peut dire que sur

 19   ce territoire vivent toujours des personnes appartenant à différents

 20   groupes ethniques.

 21   Q.  Docteur, je voudrais reprendre cette réponse que vous venez de nous

 22   donner et reculer un petit peu dans le temps. Vous avez parlé du conflit,

 23   de ce qui s'est passé à Vukovar, mais est-ce qu'il y a eu un moment avant

 24   le début du conflit où l'on avait déjà des indices qui auraient pu faire

 25   croire -- qui auraient pu, en fait, vous indiquer que des changements

 26   étaient en train de se produire dans les rapports entre les groupes

 27   ethniques ?

 28   R.  Oui, c'est exact. C'est pratiquement dès l'année 1988 que des


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  1   changements ont commencé à se dérouler en ex-Yougoslavie, il s'agissait

  2   d'une évolution qui avait pour but de changer le contexte politique au sens

  3   d'une autonomisation d'une indépendance de différentes républiques. Donc

  4   l'ancienne Yougoslavie était composée de la Slovénie, de la Croatie, de la

  5   Bosnie-Herzégovine, de la Macédoine, du Monténégro, et de la Serbie. Avec

  6   cette dernière, deux provinces autonomes faisaient également partie de

  7   l'Etat fédéral; la Vojvodine et le Kosovo.

  8   Mais après la mort de Tito, on a assisté à toute une série de

  9   changements. Je m'en souviens, j'étais étudiante à l'époque. Et comme vous

 10   le savez, la Yougoslavie était un Etat socialiste dirigé par le Parti

 11   communiste. On a assisté à une affirmation croissante d'idées plus

 12   libérales, l'expression d'un besoin de démocratie et de réformes. La

 13   Slovénie et la Croatie étaient en tête de ce mouvement, et en 1988, on a

 14   assisté au début d'une forme de négociations quant à ce qu'allait devenir

 15   la Yougoslavie. Les présidents de la Slovénie et de la Croatie demandaient

 16   à ce que l'Etat devienne une confédération. Cependant, les forces

 17   politiques au pouvoir en Serbie - c'était Milosevic à l'époque - mais

 18   également les acteurs au pouvoir dans d'autres républiques étaient contre

 19   cela. A l'époque, la Yougoslavie était assez fortement centralisée sur le

 20   plan de la collecte des revenus en devises, par exemple, et c'est à cette

 21   époque-là déjà qu'ont commencé les changements politiques à l'origine de

 22   l'indépendance de certaines républiques.

 23   En ce qui concerne Vukovar, nous avons perçu également ces

 24   changements, nous les avons ressentis. A cette époque, Vukovar était une

 25   ville assez avancée. Nous avions cette usine de Borovo qui, en comptant les

 26   différents commerces et les magasins dans toute la Yougoslavie, employait

 27   près de 30 000 personnes. Dans Vukovar, à Borovo et dans les environs, il y

 28   avait près de 15 000 employés qui travaillaient pour cette usine de Borovo.


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  1   Nous avions donc une industrie assez développée et forte. C'était un

  2   secteur assez développé. Cependant, à cette époque, la façon dont on avait

  3   dirigé l'économie jusqu'alors, en suivant des préceptes socialistes, était

  4   en pleine déliquescence. Il n'y avait pas assez de liquidités et de

  5   nombreuses industries n'étaient pas en mesure de s'adapter à la nouvelle

  6   économie de marché. Le paiement des salaires souffrait de retards

  7   importants, et cetera.

  8   Cependant, la politique Grand-Serbe menée par Slobodan Milosevic - et

  9   je le répète, c'est mon analyse personnelle, c'est de cette façon que je

 10   percevais les choses - consistait à profiter de cet instant pour imposer

 11   cette politique d'une hégémonie Grand Serbe et c'est au moyen de meetings

 12   de très grande envergure en commençant par des meetings tenus au Kosovo et

 13   à Knin, ainsi que dans d'autres parties de la Croatie, que cette politique

 14   a commencé a disséminer cette idée selon laquelle le peuple serbe serait

 15   menacé, que les Serbes devaient se rassembler partout, s'unir, et que la

 16   Yougoslavie devait être une Grande Serbie, la Yougoslavie dans son

 17   ensemble. Et c'est là qu'on a commencé à assister à des divisions sur le

 18   plan ethnique.

 19   Les localités qui environnaient Vukovar étaient peuplées

 20   majoritairement de Serbes. Elles ont reçu la visite de volontaires

 21   originaires de différentes parties de la Yougoslavie. La JNA, l'armée

 22   nationale yougoslave, y a mis en place des barrages routiers soi-disant

 23   pour se tenir prête à tout conflit éventuel. Ce n'était en fait qu'un

 24   prétexte pour procéder à l'armement de ces volontaires serbes, et

 25   l'ensemble de ces forces, sous la direction de Slobodan Milosevic, est

 26   parvenu à occuper la plus grande partie du territoire de la Yougoslavie. En

 27   tout cas, c'était là l'intention afin de mettre en place une Grande Serbie.

 28   C'est ainsi que la guerre a commencé à Vukovar, et évidemment nous avons


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  1   été frappés de plein fouet par cela, d'autant plus que nous ne nous

  2   attendions absolument pas à des destructions aussi effroyables. Nous

  3   espérions une solution politique et nous espérions que cette crise pourrait

  4   être résolue pacifiquement. Cependant, entre le mois d'août et le mois de

  5   novembre, ce sont des centaines de milliers de bombes et autres projectiles

  6   qui se sont abattus sur la ville de Vukovar. Vukovar a été entièrement

  7   détruite, un très grand nombre de personnes a été tué, si bien que nous

  8   avons très rapidement fait face à une agression qui a été la plus violente

  9   à Vukovar, et je pense qu'elle est assez difficile à imaginer pour

 10   quiconque. Pour qui que ce soit, c'est quelque chose d'assez inimaginable.

 11   Plus tard, la guerre s'est répandue à d'autres parties de la Croatie et, en

 12   1992, en Bosnie-Herzégovine. Cependant, le tout début de la guerre a

 13   également été son moment le plus violent, le plus intense.

 14   Q.  Docteur, je voudrais maintenant que nous passions à -- ah, excusez-moi.

 15   Je voudrais que nous passions à un événement précis. Il s'agit d'un fait

 16   qui a fait l'objet d'un accord entre les parties. Je parle de l'incident du

 17   2 mai 1991 à Borovo Selo. Est-ce que vous connaissez cet incident ?

 18   R.  Oui, je m'en souviens, même si à l'époque je n'étais pas encore

 19   directrice du centre médical, mais je me souviens de ces événements.

 20   Q.  Comment en êtes-vous venue à apprendre que cela s'était produit ?

 21    R.  Je me souviens que ce jour-là je travaillais au dispensaire de

 22   l'hôpital. Certaines de nos infirmières ont eu une conversation

 23   téléphonique avec d'autres infirmières, avec certaines de leurs consœurs

 24   qui étaient à Borovo Selo, qui leur ont indiqué qu'elles ne pouvaient pas

 25   se rendre à leur travail à cause des tirs, parce que la situation était

 26   très dangereuse. C'était une situation très dramatique. Tout le monde avait

 27   très peur. Et dans l'après-midi ont commencé à arriver les morts et les

 28   blessés en provenance de Borovo Selo. C'étaient les officiers de police de


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  1   Borovo Selo. Je m'en souviens.

  2   Q.  A ce sujet, est-ce que vous pourriez expliquer aux Juges de la Chambre

  3   quelle était la situation sur le plan de la sécurité aux mois de mai et

  4   juin 1991 ?

  5   R.  Au mois de mai, à Vukovar, malgré cet incident, la situation était

  6   encore calme. Il n'y avait pas d'obus ni de bombes qui s'abattaient sur la

  7   ville. Cependant, des barrages routiers étaient déjà mis en place. Et on ne

  8   pouvait pas emprunter les chemins habituels pour se rendre à Osijek, par

  9   exemple. Il fallait passer des barrages routiers ou prendre des détours et

 10   des déviations. Cela nous a causé beaucoup de problèmes pour le transport

 11   des patients. Et les personnes qui étaient originaires de certains villages

 12   et qui devaient venir à l'hôpital parce qu'elles y travaillaient devaient

 13   avoir des laissez-passer. Et à partir d'un certain moment, ils ont arrêté

 14   de venir. Au mois de juin, la situation est devenue plus difficile. Les

 15   premiers obus ont commencé à s'abattre sur l'usine de Borovo et le village

 16   de Borovo, notamment au mois de juillet. Et au mois d'août, les obus ont

 17   commencé à s'abattre sur la ville de Vukovar, en centre-ville notamment.

 18   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire qui dirigeait le centre médical de

 19   Vukovar avant vous-même ? Vous nous avez dit que vous aviez été nommée à ce

 20   poste au mois de juillet.

 21   R.  Le directeur du centre médical de Vukovar était un médecin âgé du nom

 22   de Rade Popovic. Il a démissionné à ce moment-là. Je me souviens fort bien

 23   de cela. Moi, j'étais membre du conseil des travailleurs. C'était le nom du

 24   comité des directeurs du centre médical. Il a démissionné, et lorsqu'il a

 25   démissionné, il a dit qu'il ne souhaitait pas continuer à être directeur.

 26   Par la suite, j'ai appris que le ministre avait demandé sa démission parce

 27   qu'il avait toléré le fait que de nombreuses personnes ne venaient plus

 28   travailler, surtout à Borovo Selo. Et lorsque j'ai repris son poste, j'ai


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  1   constaté que cela était exact, qu'il y avait de nombreuses personnes qui ne

  2   venaient plus travailler à Borovo Selo.

  3   Q.  Alors, vous avez appris que le ministre lui avait demandé de

  4   démissionner.

  5   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Alors, je souhaite maintenant afficher le

  6   numéro 65 ter 206, à l'onglet numéro 2.

  7   Q.  Est-ce que vous voyez ce document à l'écran, Madame ?

  8   R.  Oui, tout à fait.

  9   Q.  Alors, on peut lire ici "Objet : Demande de démission du directeur, le

 10   Dr Rade Popovic." Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre qui a envoyé

 11   ce document et à qui il est adressé ?

 12   R.  Comme vous pouvez le constater d'après l'intitulé de ce document, il

 13   s'agissait du ministère de la Santé qui a envoyé cette lettre à la date du

 14   21 juillet 1991 au président du conseil des travailleurs du centre médical.

 15   A l'époque, le président de ce conseil des travailleurs était le Dr

 16   Vojislav Stanimirovic. C'est lui qui a convoqué les réunions de ce conseil.

 17   J'étais membre de cet organe. Mais je n'étais pas au courant de ce

 18   document-ci à l'époque. Je n'en ai eu connaissance qu'après. Et lors de

 19   cette réunion, le Dr Popovic a dit qu'il souhaitait démissionner parce

 20   qu'il ne souhaitait plus occuper ce poste-là.

 21   Q.  Alors, si nous faisons défiler le texte vers le bas et que nous

 22   regardons la première page, le bas de la première page, ce document

 23   explique-t-il les raisons de cette demande émanant du ministère de la Santé

 24   ?

 25   R.  Je n'ai pris connaissance de cette lettre par la suite seulement, et je

 26   me suis rendu compte du fait qu'on ait demandé au Dr Popovic de

 27   démissionner car il fermait les yeux sur le fait que de nombreuses

 28   personnes ne venaient pas travailler et que ces personnes n'avaient aucun


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  1   justificatif pour agir de la sorte et qu'il n'a pas renvoyé ces personnes-

  2   là. A l'époque, au mois de juillet, il y avait des gens qui étaient en

  3   vacances, et c'était tout à fait justifié, mais ces personnes ne sont pas

  4   rentrées de vacances. Je pense que quelqu'un a dû en informer le ministère,

  5   et le ministère a ensuite demandé à ce que le Dr Popovic démissionne. Et le

  6   Dr Popovic a effectivement démissionné.

  7   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que nous pouvons passer à la

  8   deuxième page, s'il vous plaît.

  9   Q.  Madame, reconnaissez-vous ici la signature qui figure sur cette lettre

 10   ?

 11   R.  Il s'agit de la signature du Pr Hebrang, qui était ministre de la Santé

 12   à l'époque.

 13   Q.  Et après sa démission, qu'est-il advenu du Dr Popovic, l'ancien

 14   directeur ?

 15   R.  Il a continué à travailler en qualité de chef de service. Moi-même,

 16   j'ai été nommée directrice en exercice de l'hôpital. Et le conseil des

 17   travailleurs m'a, en réalité, élue sur la base d'une proposition. Il y

 18   avait trois candidats à ce poste. Moi, j'ai obtenu la majorité des voix et

 19   j'ai ensuite été nommée directrice en exercice du centre médical. Et

 20   ensuite, le ministre Hebrang, conformément au règlement, a confirmé ma

 21   nomination au poste du directeur du centre médical. Le Dr Popovic m'a dit

 22   qu'il m'aiderait, qu'il continuerait à y travailler, que je pouvais compter

 23   sur lui ainsi que sur son expérience, et donc il a continué à travailler

 24   malgré les difficultés et la guerre. Par la suite, il s'est rendu au

 25   Monténégro, et il n'a pas pu revenir.

 26   Q.  Je vous remercie.

 27   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Puis-je vous demander, Messieurs les

 28   Juges, de bien vouloir accepter le versement de ce document au dossier.


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce document sera reçu et recevra une

  2   cote.

  3   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, numéro 65 ter

  4   00206 aura la cote P1422. Je vous remercie.

  5   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

  6   Q.  Pardonnez-moi. Alors, vous avez dit, Madame, que la situation est

  7   devenue de plus en plus tendue pendant les mois de juin et juillet. Je

  8   souhaite maintenant que nous parlions du mois d'août et que vous nous

  9   parliez de la situation dans la ville de Vukovar même.

 10   R.  Les obus ont commencé à tomber sur le centre de la ville. Je me

 11   souviens que pendant la première semaine du mois d'août, deux obus sont

 12   tombés près du marché où vivait un de nos médecins. C'est là que se

 13   trouvait sa maison. Il est venu nous le dire et il a voulu faire ses

 14   bagages pour se rendre en Allemagne. De nombreuses personnes ont quitté

 15   Vukovar à l'époque.

 16   A l'hôpital, nous avons créé notre propre cellule de Crise. Mes

 17   assistants étaient le Dr Ivankovic, qui dirigeait le service des

 18   interventions chirurgicales; le Dr Kuzmanovic, qui dirigeait la clinique

 19   ambulatoire; et M. Krstic, qui s'occupait des services financiers. Nous

 20   tenions nos réunions tous les deux ou trois jours. Nous avons organisé

 21   l'approvisionnement en médicaments et matériel médical. Je me suis rendue à

 22   Zagreb pour aller m'entretenir avec le Pr Hebrang. Je lui ai parlé de la

 23   situation et je lui ai indiqué que nous avions besoin de médicaments et de

 24   matériel médical parce que nous n'avions plus rien, nos stocks étaient

 25   épuisés. J'ai appris par la suite que les infirmières avaient emporté tout

 26   cela, tout ce qui se trouvait à l'hôpital, et par la suite ces infirmières

 27   ont créé leurs propres cliniques ambulatoires dans certains villages

 28   serbes.


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  1   Nous avons, en tout cas, essayé d'avoir le plus d'aide possible. Nous nous

  2   sommes organisés de façon à ce que chacun puisse travailler en permanence.

  3   Une décision a été rendue qui s'appliquait au personnel médical dans la

  4   mesure où personne ne pouvait quitter son poste, et si quelqu'un quittait

  5   son poste pendant plus de cinq jours, cette personne serait renvoyée. C'est

  6   un décret qui a été passé et signé par le chef du personnel médical, Ivo

  7   Prodan, et ceci a été co-signé par le ministre Hebrang. C'est ainsi que

  8   nous nous sommes organisés. Nous avons préparé un plan d'évacuation de

  9   sorte que tous les patients qui se trouvaient à l'hôpital pouvaient

 10   descendre dans le sous-sol en l'espace de 15 minutes. Et les patients qui

 11   n'avaient pas besoin que leur soient prodigués des soins en permanence ont

 12   été évacués de Vukovar. Par exemple, les patients qui avaient une dialyse

 13   et ceux qui souffraient d'insuffisance rénale étaient envoyés à Rovinj. Les

 14   patients ont été envoyés dans différents services, et tous ceux que nous

 15   pouvions traiter à l'hôpital ont été traités à l'hôpital. Nous avons donc

 16   mis en place un certain nombre de règles que nous avons tous observées, et

 17   nous avons pu travailler dans les circonstances les plus difficiles qui

 18   soient. A partir du 15 août, nous ne pouvions absolument plus quitter le

 19   sous-sol car il y avait un bombardement quotidien et les obus ne cessaient

 20   de tomber jour après jour.

 21   Q.  Et après le bombardement --

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pensez-vous qu'il est l'heure ?

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que nous ne faisons pas la pause à

 24   moins quart ? Nous avons commencé à et quart.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pardonnez-moi, c'est mon erreur.

 26   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pas de problème.

 27   Q.  Donc, Madame, vous parlez du bombardement. Pourriez-vous dire aux Juges

 28   de la Chambre si vous savez qui était à l'origine de ce bombardement ?


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  1   R.  A ce moment-là, Vukovar avait déjà été encerclée et les obus étaient

  2   tirés depuis la rive gauche du Danube depuis les quartiers est et sud de la

  3   ville. Il y avait des frappes aériennes, et il s'agissait de bombes et

  4   d'obus qui avaient été lancés par la JNA, ou, en réalité, toutes ces bombes

  5   et ces obus appartenaient à la JNA. Je ne sais pas exactement qui les a

  6   lancés.

  7   Q.  Madame, savez-vous quels événements se sont déroulés au bureau de poste

  8   au mois d'août en 1991 ?

  9   R.  Nous avons appris que le bureau de poste avait été touché, qu'il y a eu

 10   des blessés, qu'il y a eu des transporteurs militaires mais qui

 11   sillonnaient la ville sans cesse. Ils sont arrivés à l'hôpital. Je ne sais

 12   pas pourquoi. Je me souviens d'un événement en particulier où un véhicule

 13   blindé militaire est arrivé à l'hôpital pour venir chercher un nouveau-né

 14   et les parents étaient restés derrière un barrage. C'était Boban Trpeta

 15   [phon]. Le nouveau était petit. Nous avons essayé de leur expliquer que le

 16   nouveau-né devait rester à l'hôpital jusqu'à ce que ce nouveau-né ait

 17   atteint un certain poids. Mais un beau jour, un véhicule blindé militaire

 18   est arrivé et un docteur militaire accompagnait les hommes à l'intérieur de

 19   ce véhicule. Et ils sont venus chercher ce bébé à mon grand étonnement. Ils

 20   auraient pu venir dans une voiture normale, mais non, ils sont venus à bord

 21   d'un véhicule blindé. Et nous nous sommes rendu compte à ce moment-là que

 22   nous étions dans une zone de guerre et que les choses à partir de là ne

 23   pouvaient que s'empirer.

 24   Q.  Je souhaite maintenant vous montrer une séquence vidéo, qui est le

 25   numéro 65 ter 4798.6. A l'onglet numéro 90 de notre liste.

 26   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] A l'intention de nos interprètes qui

 27   disposent de la liasse, cela se trouve à l'intercalaire A de la liasse.

 28   [Diffusion de la cassette vidéo]


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  1   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

  2   "L'armée a provoqué un autre incident au bureau de poste de Vukovar le 20

  3   août. Trois civils ont été tués par des tirs, et l'enquête de la commission

  4   conjointe a établi que hormis les soldats yougoslaves, personne d'autre n'a

  5   tiré une seule balle. Ce jour-là, les enfants croates commençaient à

  6   rentrer de leurs vacances d'été."

  7   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

  8   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

  9   Q.  Madame, sur cette image reconnaissez-vous l'un quelconque des membres

 10   du personnel médical ?

 11   R.  Il s'agit là de notre ambulance qui a été envoyée sur les lieux au mois

 12   d'août. Il n'y avait à ce moment-là que 20 personnes qui sont arrivées chez

 13   nous et qui sont arrivées suite à des blessures subies pendant la guerre.

 14   Et hormis ces personnes, il y avait des policiers croates qui étaient

 15   blessés.

 16   M. DEMIRDJIAN : [aucune interprétation]

 17   [Diffusion de la cassette vidéo]

 18   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 19   "Les premières personnes qui sont rentrées sont déjà exposées aux

 20   attaques terroristes des membres de la cinquième colonne de Vukovar."

 21   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 22   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 23   Q.  Alors, vous avez dit que les véhicules militaires se trouvaient dans

 24   les rues. Que vous voyez ici sur votre écran ?

 25   R.  Je vois un véhicule blindé de transport de troupes, comme je vous l'ai

 26   indiqué, du genre de véhicule que nous avons vu arriver à l'hôpital et que

 27   nous avions l'habitude de voir dans les rues de Vukovar.

 28   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, puis-je vous demander


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  1   de bien vouloir accepter le versement au dossier de cette séquence vidéo,

  2   s'il vous plaît.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci sera admis et versé au dossier.

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, le numéro 65 ter

  5   4798.6 recevra la cote P1423. Merci.

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

  7   Q.  Alors, au milieu de tout ceci, Madame Bosanac, vous nous avez expliqué

  8   qu'il y avait des gens qui quittaient la ville. Pourriez-vous nous dire

  9   précisément si quelque chose de particulier a été organisé pour les enfants

 10   de Vukovar ?

 11   R.  Bien sûr que je m'en souviens. Comme je vous l'ai dit, à ce moment-là

 12   c'étaient les vacances d'été, les enfants étaient en vacances au bord de la

 13   mer. Je me souviens que les enfants serbes avaient quitté les villages

 14   serbes. Je ne pouvais pas en croire à mes yeux, je ne savais pas pourquoi

 15   ces enfants partaient. Je me souviens qu'une infirmière de Negoslavci, qui

 16   autrefois travaillait chez nous, et qui travaillait de nuit, et son mari

 17   l'a appelée pour lui dire de rentrer immédiatement car des autocars étaient

 18   arrivés depuis Sid pour emmener les femmes et les enfants à Sid. Elle

 19   venait tout juste de travailler chez nous, elle ne pouvait croire ce

 20   qu'elle entendait. Elle lui a dit de n'envoyer ses enfants nulle part avant

 21   son arrivée, le lendemain.

 22   Elle est rentrée à la maison et elle n'est jamais revenue. Je suppose

 23   qu'elle a été emmenée à Sid. Je me souviens d'un certain nombre de mes

 24   patients de Borovo Selo qui ont téléphoné pour avoir un bilan médical mais

 25   ne pouvaient pas venir, parce qu'on ne les autorisait pas à partir. On les

 26   a contraints à aller en Vojvodine. Je me souviens de ces enfants qui sont

 27   rentrés de vacances, qui espéraient retourner à l'école le 1er septembre

 28   ou, en tout cas, au début du mois de septembre. Je me souviens que M.


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  1   Vlatko Pavletic, qui était ministre de l'Education, a tenu une conférence

  2   de presse au cours de laquelle il a dit que la situation allait se calmer,

  3   que les négociations étaient en cours, et que l'école pourrait ouvrir ou

  4   rouvrir à nouveau.

  5   La situation était très confuse. De nombreux enfants sont rentrés à

  6   Vukovar, et de nombreux enfants sont partis, essentiellement d'appartenance

  7   ethnique serbe. De nombreux enfants sont restés à Vukovar. Je m'en souviens

  8   parce que je vivais là, et nous pensions que la situation allait se calmer.

  9   Et sur les 15 000 personnes qui sont restées à Vukovar, il y avait environ

 10   1 500 enfants qui avaient moins de 15 ans. Et ceci a posé problème, un gros

 11   problème par la suite. Lorsque les obus ont commencé à tomber, nous devions

 12   protéger ces enfants et les garder sous clé dans des sous-sols et des abris

 13   antiatomiques pour leur sauver la vie.

 14   Q.  Alors, vous avez un peu plus tôt parlé du pilonnage de l'hôpital.

 15   L'hôpital, a-t-il pris des mesures pour indiquer ou préciser que ce

 16   bâtiment était effectivement un hôpital ?

 17   R.  J'ai déjà à de multiples reprises abordé cette question-là dans

 18   mes dépositions. Sur un des toits du bâtiment de l'hôpital, qui hébergeait

 19   le service des maladies infectieuses, il y avait une croix rouge très

 20   importante, et la zone verte entre le nouveau et l'ancien bâtiment, dans

 21   cette zone-là, nous avions étendu un tissu blanc sur lequel était dessinée

 22   une croix rouge. Nous avons étendu ceci par terre, mais cela est devenu une

 23   cible par la suite, parce que les obus ne cessaient de tomber à proximité

 24   de cette croix rouge, et les gens ne cessaient de me dire pourquoi

 25   n'enlevez-vous pas cette croix rouge ? Peut-être qu'ils ne continueraient

 26   pas à nous pilonner de la sorte si la croix n'était pas là.

 27   On n'a respecté aucune règle pendant cette guerre. C'était une

 28   agression lancée par la JNA et tous les paramilitaires qui accompagnaient


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  1   les membres de la JNA. Ce qui nous est arrivé est tout à fait inconcevable

  2   ou inénarrable ce que nous avons souffert aux mains de ces personnes.

  3   Q.  Madame, je souhaite maintenant vous montrer une séquence vidéo numéro

  4   65 ter 4970.1.

  5   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Et vous trouverez. à l'intention des

  6   interprètes, la transcription à l'onglet C.

  7   [Diffusion de la cassette vidéo]

  8   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

  9   Q.  Madame, que voyez-vous sur cette image ?

 10   R.  Je vois un de ces véhicules blindés de transport de troupes qui

 11   appartient à la JNA. Il est entré dans l'enceinte de l'hôpital.

 12   Q.  Et quel est ce bâtiment que nous voyons en arrière-plan ?

 13   R.  Il s'agit de l'hôpital principal -- enfin du bâtiment de l'hôpital

 14   principal.

 15   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Aux fins du compte rendu d'audience, il

 16   s'agit de cette même séquence vidéo, à 6 secondes. Continuez à la

 17   visionner, s'il vous plaît.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 20   "Voici comment l'armée yougoslave traite les installations qui sont si

 21   clairement indiquées par une croix rouge."

 22   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 24   Q.  Madame, reconnaissez-vous cette image ?

 25   R.  Oui, c'est le drap que nous avons étendu par terre. Il y en avait un

 26   sur le toit, et l'autre qui était sur le sol entre le nouveau bâtiment de

 27   l'hôpital et l'ancien. Ceci a été étendu sur la surface verte entre ces

 28   deux bâtiments.


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  1   Q.  Vous souvenez-vous de la superficie de cette toile, de ce drap ?

  2   R.  Je ne m'en souviens pas, mais c'était important. Sept mètres sur 9,

  3   peut-être. Cela couvrait l'ensemble de cette surface verte.

  4   Q.  Merci. Vous pouvez continuer à visionner, s'il vous plaît.

  5   [Diffusion de la cassette vidéo]

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que vous pouvez faire un arrêt sur

  7   image ici.

  8   Q.  Voyez-vous la date sur cette séquence, Madame ?

  9   R.  Peut-être que nous pourrions visionner encore. Pas vraiment, non.

 10   Je sais que c'est 1991, ça y est.

 11   [Diffusion de la cassette vidéo]

 12   LE TÉMOIN : [interprétation] Je la vois, 28 août 1991. C'est peut-être le

 13   26 août 1991, à 9 heures 54.

 14   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que nous pouvons poursuivre le

 15   visionnage.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Arrêtez ici, s'il vous plaît.  Merci.

 18   Q.  Madame, nous avons entendu le pilonnage sur cette séquence vidéo. Ceci

 19   est-il représentatif de la situation à l'époque ?

 20   R.  Oui, tout à fait. Cela a duré toute la journée, du matin au soir. J'ai

 21   compté le nombre d'obus et les bombes qui sont tombées. Il y avait plus de

 22   100 qui sont tombés dans l'enceinte de l'hôpital, chaque jour. Des milliers

 23   sont tombés sur la ville. Vukovar se trouve sur la rive droite du Danube et

 24   s'étend sur une dizaine de kilomètres. La ville a été complètement

 25   encerclée et des obus ne cessaient de tomber sur nous toute la journée. Ce

 26   n'est que de temps en temps que nous avions une nuit calme. J'allais

 27   travailler à 6 heures du matin, et sitôt arrivée à l'hôpital, les nouvelles

 28   victimes commençaient à arriver. Ensuite à midi, je rentrais chez moi --


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  1   -- c'était -- et nous pouvions voir des fusées traçantes pendant la nuit de

  2   l'autre côté du Danube, provenant de Negoslavci. De toute façon, le ciel

  3   était en flammes. Cela ressemblait à des feux d'artifice.

  4   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci. Messieurs les Juges, nous allons

  5   demander le versement au dossier de cette séquence vidéo, s'il vous plaît.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci sera admis et versé au dossier

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 65 ter 4970.1 recevra la cote P1424.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

  9   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je remarque l'heure.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Bosanac, nous allons avoir

 11   notre première pause maintenant et revenir à 16 heures 45 -- non,

 12   pardonnez-moi, 16 heures 15. Merci. L'huissier va vous raccompagner

 13   maintenant.

 14   [Le témoin quitte la barre]

 15   --- L'audience est suspendue à 15 heures 47.

 16   --- L'audience est reprise à 16 heures 17.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Demirdjian, votre requête

 18   qui portait sur la vidéo qui vous a été fournie par le témoin, est-ce que

 19   vous pourriez déposer cette requête d'ici à demain au plus tard à 13

 20   heures, et à ce moment-là nous demanderions à la Défense d'y répondre avant

 21   la fin de la journée ouvrée.

 22   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, tout à fait.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 24   Monsieur Gosnell, est-ce que cela vous conviendrait ?

 25   M. GOSNELL : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 27   [Le témoin vient à la barre]

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est à vous, Monsieur Demirdjian.


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  1   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vous remercie.

  2   Q.  Nous allons reprendre. Vous nous avez expliqué avant la pause que ce

  3   drapeau avec la croix rouge avait été placé sur l'enceinte de l'hôpital, et

  4   certains de vos collègues ont suggéré que ce soit enlevé parce que c'était

  5   devenu la cible des pilonnages.

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Le 65 ter 4970.2, s'il vous plaît, à

  7   l'onglet 26, je voudrais que l'on le présente. Nous n'avons pas de

  8   transcription. Il s'agit d'un extrait très court de deux secondes.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 11   Q.  Madame, est-ce que vous reconnaissez cette image ?

 12   R.  Oui. Ça s'est produit dans l'enceinte de l'hôpital. C'est là que la

 13   bombe est tombée, juste à côté de ce drap avec la croix rouge.

 14   Q.  Je vous remercie.

 15   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vais demander le versement de cet

 16   extrait, Monsieur le Président.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il reçoit une cote. Il est versé au

 18   dossier.

 19   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 4970.2 de la liste 65 ter

 20   reçoit la cote P1425. Je vous remercie.

 21   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 22   Q.  Madame, vous nous avez expliqué que c'est de l'autre rive du Danube que

 23   provenaient les tirs, de la zone de Borovo. Est-ce que vous pouvez nous

 24   dire s'il y avait d'autres quartiers d'où provenaient les tirs également ?

 25   R.  Oui. Je l'ai déjà dit, les obus venaient de la rive gauche du Danube.

 26   C'est là que les chars étaient positionnés. On pouvait les voir depuis

 27   notre rive. Il y avait des chars et des canons en face. Et puis, cela

 28   venait également du sud, de Negoslavci, et à partir du moment où


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  1   l'encerclement a été terminé, c'est également de Marinci et de Bogdanovci,

  2   où il y avait les positions de la JNA qui avaient coupé la voie d'accès.

  3   Donc on était bombardés de toutes parts.

  4   L'INTERPRÈTE : L'interprète complète : Le témoin a dit que c'était, pour la

  5   dernière partie, au mois d'octobre.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Demirdjian.

  7   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Pour qu'il n'y ait pas de confusion,

  9   vous avez demandé s'il y avait des bombardements qui venaient d'autres

 10   quartiers de la ville.

 11   Vous vouliez dire, lorsque vous parliez de la ville, de quelle ville

 12   ?

 13   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voulais parler d'autres emplacements

 14   d'où les tirs partaient vers la ville et tombaient sur la ville.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 16   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 17   Q.  Et vous nous avez parlé de la rive gauche du Danube.

 18   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que nous pouvons examiner l'image

 19   du document 6316 de la liste 65 ter, l'onglet 110.

 20   Q.  Madame, est-ce que vous reconnaissez cette image ? Que voit-on sur

 21   cette image ?

 22   R.  L'on voit ici une photo aérienne de la ville de Vukovar. Ici, l'on voit

 23   le Danube, la ville étant située sur la rive droite du fleuve. Et sur la

 24   rive gauche, de ce côté-là, il y avait les chars et les canons qui nous

 25   tiraient dessus. Et ce que l'on voit ici, c'est le cours de la rivière Vuka

 26   qui, elle, se jette dans le Danube. Ici, nous voyons l'enceinte de

 27   l'hôpital.

 28   Q.  M. l'Huissier pourrait peut-être vous aider pour que vous puissiez


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  1   annoter sur cette image ce que vous venez de nous indiquer. Alors,

  2   premièrement, est-ce que vous pouvez tracer une flèche pour nous montrer le

  3   cours du Danube et dans quel sens coule le Danube.

  4   R.  [Le témoin s'exécute]

  5   Q.  Et puis, la rive gauche où vous avez vu les chars, où est-ce que cela

  6   se situerait ? Est-ce que vous pouvez nous indiquer avec la lettre A cet

  7   endroit-là.

  8   R.  [Le témoin s'exécute]

  9   Q.  Et est-ce que vous pouvez inscrire un B à l'endroit de l'enceinte de

 10   l'hôpital.

 11   R.  [Le témoin s'exécute]

 12   Q.  Vous avez mentionné la rivière Vuka, me semble-t-il. Est-ce que vous

 13   pouvez inscrire un C à cet endroit.

 14   R.  [Le témoin s'exécute]

 15   Q.  Merci. Et précédemment, vous avez dit qu'il y avait des canons et des

 16   chars qui vous tiraient dessus depuis la rive gauche, et c'est là que vous

 17   avez écrit un A, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui.

 19   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demande que cette image soit versée au

 20   dossier, Monsieur le Président.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Reçoit une cote et versée au dossier.

 22   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La photographie annotée devient la

 23   pièce P1426.

 24   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 25   Q.  Est-ce que vous pouvez parler de la fréquence des bombardements à

 26   partir de la mi-août. Est-ce que vous pouvez préciser cela à l'intention

 27   des Juges.

 28   R.  C'était au quotidien et ça s'est intensifié au fur et à mesure, donc


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  1   c'est devenu le plus intense en octobre et en novembre. Tous les jours,

  2   l'hôpital était touché par une centaine d'obus et de projectiles de

  3   différents types, des projectiles de canons et de chars, et était touché

  4   par des projectiles de lance-roquettes multiples. Les bombes tombaient sans

  5   arrêt, ainsi que les bombes aériennes. Tous les jours. Où il n'y avait pas

  6   de pilonnage.

  7   Q.  Vous venez de mentionner les lance-roquettes multiples. Comment est-ce

  8   que vous pouvez être sûre que ce sont eux qui ont été utilisés ?

  9   R.  Je le sais parce que je l'ai vu. Je suis sortie de l'hôpital où il est

 10   arrivé que 16 à 20 projectiles soient tirés des mêmes pièces d'armement.

 11   C'étaient des choses atroces, et j'en suis témoin. Je l'ai vu moi-même.

 12   Q.  Est-ce que vous pouvez expliquer aux Juges de la Chambre comment votre

 13   travail et le travail du reste du personnel de l'hôpital a été affecté par

 14   ces bombardements ?

 15   R.  On travaillait dans des conditions extrêmement difficiles parce qu'on

 16   ne pouvait travailler que dans le sous-sol. Quant aux fenêtres, on a dû les

 17   protéger. On a placé des sacs de sable pour les protéger et on a mis aussi

 18   des lattes de bois pour pouvoir continuer de fonctionner, mais dans des

 19   circonstances bien plus difficiles. Lorsque les bombes aériennes tombaient,

 20   ainsi que les projectiles de char, lorsqu'ils éclataient après avoir touché

 21   le sol, les secousses étaient telles que les gens prenaient la fuite, se

 22   rendaient rapidement dans le sous-sol. Il n'y avait pas d'eau. Il n'y avait

 23   pas d'électricité. On était obligés de collecter l'eau dans les puits

 24   alentour. On avait quelques groupes électrogènes qu'on a pu faire

 25   fonctionner grâce au diesel qu'on s'est procuré, et ce, juste pour pouvoir

 26   assurer un minimum de gestes médicaux, à savoir faire fonctionner les

 27   appareils de radiologie, le laboratoire, pour avoir la lumière pour les

 28   interventions chirurgicales. C'était de plus en plus dur, et on avait de


Page 3572

  1   plus en plus de blessés.

  2   Au début, on a pu faire évacuer les blessés graves vers Vinkovci et

  3   vers Osijek jusqu'à fin septembre. Mais à partir du mois d'octobre, puis en

  4   novembre également, le blocus était total, l'encerclement était total, et

  5   on ne pouvait plus évacuer ceux qui étaient grièvement blessés. Les blessés

  6   légers, on les plaçait dans l'hôpital de réserve de Borovo Komerc pour

  7   faire de la place pour de nouveaux blessés qui n'arrêtaient pas d'affluer

  8   dans l'hôpital toujours en plus grands nombres. Il n'y avait plus de place.

  9   Ils étaient touchés par la gangrène. Il y avait de moins en moins de

 10   médicaments, donc de plus en plus de problèmes.

 11   Q.  Madame, je voudrais vous montrer un extrait vidéo.

 12   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] 4970.3 de la liste 65 ter. Il s'agit de

 13   l'onglet 97. Il n'y a pas de bande audio. Nous n'avons pas de

 14   transcription. Il nous suffira de regarder les images. Nous pouvons

 15   commencer à visionner.

 16   [Diffusion de la cassette vidéo]

 17   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Faites un arrêt sur image.

 18   Q.  Madame, vous voyez la date sur l'extrait vidéo ?

 19   R.  Oui, c'est le 5 octobre.

 20   Q.  Est-ce que vous avez reconnu l'enceinte jusqu'à présent à l'image ?

 21   R.  Ce que nous venons de voir, c'est l'entrée de l'hôpital. C'est la rue

 22   entre le nouveau bâtiment de l'hôpital et l'endroit où était avant le

 23   service des urgences. Et nous avons les véhicules de l'hôpital ici.

 24   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Nous pouvons continuer de visionner.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Faites un arrêt sur image ici, s'il vous

 27   plaît.

 28   Q.  Quel est le bâtiment que nous sommes en train de regarder maintenant ?


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  1   R.  C'est le bâtiment principal de l'hôpital, c'est la chirurgie. Et c'est

  2   la date et la période où l'hôpital a été touché simultanément par deux

  3   bombes aériennes, dont une a explosé ici au deuxième étage, au service de

  4   chirurgie. Là, il n'y avait pas de patients parce qu'ils étaient tous au

  5   sous-sol, mais ça a causé des dégâts considérables. L'ensemble du bâtiment

  6   a été secoué par cette explosion. Et puis, l'autre de ces deux bombes a

  7   traversé les cinq étages, à commencer par le toit jusqu'à l'entrée du

  8   passage souterrain menant à l'abri antiatomique, et c'est tombé exactement

  9   sur un lit de patient. Mais heureusement, il n'y a pas eu d'explosion, donc

 10   il n'y a eu que le stress et la peur et des dégâts très graves au niveau de

 11   l'édifice, l'ensemble des planchers et des plafonds. Donc il y a eu des

 12   dégâts matériels très considérables. Mais heureusement, il n'y a pas eu de

 13   victimes.

 14   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] A 25 secondes sur cet enregistrement

 15   vidéo, je précise à l'intention du compte rendu d'audience. Nous pouvons

 16   continuer.

 17   [Diffusion de la cassette vidéo]

 18   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Un arrêt sur image ici, s'il vous plaît.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Nous voyons ici les sacs de sable ainsi que

 20   les troncs qui protégeaient l'entrée dans l'entresol parce que, comme je

 21   viens de le dire, les obus n'arrêtaient pas de tomber de toutes parts. Donc

 22   on n'avait de cesse d'essayer de protéger tant que possible les sous-sols.

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 24   Q.  Je vous en remercie.

 25   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Nous pouvons continuer.

 26   [Diffusion de la cassette vidéo]

 27   LE TÉMOIN : [interprétation] On voit ici le médecin qui procède à des

 28   interventions chirurgicales.


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  1   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Arrêtez ici, s'il vous plaît.

  2   Q.  Madame, je voudrais vous montrer un autre extrait vidéo --

  3   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Et avant cela, je demande le versement de

  4   celui-ci, s'il vous plaît.

  5   M. GOSNELL : [interprétation] Avant que cela ne se fasse, est-ce que nous

  6   pouvons avoir confirmation de la date de cette vidéo ? Peut-être que cela

  7   n'est pas possible. Mais cela pourrait nous permettre de vérifier

  8   l'exactitude.

  9   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 10   Q.  Madame Bosanac, est-ce que vous savez qui est à l'origine de ces

 11   enregistrements ?

 12   R.  Ça a été filmé par un membre de notre personnel. Il avait une caméra.

 13   Il travaille toujours à l'hôpital, d'ailleurs. Il est certain que la date

 14   et l'heure sont exactes, que ça été enregistré à ce moment-là.

 15   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Rien ne me permet de penser que la date ou

 16   l'heure soit incorrecte.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien.

 18   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 4970.3 de la liste 65 ter

 19   devient la pièce P1427.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 21   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] L'extrait suivant, 4970.4 de la liste 65

 22   ter, l'onglet 97. Nous n'aurons pas besoin de bande audio. Il n'y a pas de

 23   transcription non plus.

 24   [Diffusion de la cassette vidéo]

 25   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que vous pouvez faire un arrêt sur

 26   image.

 27   Q.  Je voudrais savoir si vous reconnaissez ce que nous sommes en train de

 28   visionner.


Page 3575

  1   R.  Nous voyons l'intérieur de l'hôpital avec des malades et des blessés

  2   qui sont installés au sous-sol, et c'est là que tout se passait.

  3   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, je

  4   précise qu'il s'agit d'un arrêt à 4 secondes. Pouvez-vous continuer, s'il

  5   vous plaît.

  6   [Diffusion de la cassette vidéo]

  7   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

  8   Q.  Est-ce que cela reflète les conditions qui régnaient à l'hôpital à

  9   l'époque ?

 10   R.  Oui. L'hôpital était surpeuplé. Là où on voit beaucoup de patients,

 11   c'était le hall du sous-sol. C'était là qu'étaient installés les patients

 12   parce que c'était relativement l'endroit le plus sûr. On voit les pièces

 13   vides détruites aux étages supérieurs, au premier étage et au deuxième

 14   étage. Et personne n'était resté là. On a fait descendre tout le monde dès

 15   le mois d'août au sous-sol. Et là, on a la vue depuis l'étage, on voit

 16   l'endroit où il y a eu l'explosion de cette bombe aérienne.

 17   Q.  Je vous remercie.

 18   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demande que cet extrait vidéo soit

 19   versé au dossier, Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Versé au dossier et reçoit une cote.

 21   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 4970.4 devient la pièce

 22   P1428.

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 24   Q.  Vous venez de dire qu'une bombe aérienne est tombée sur l'hôpital et

 25   que cette bombe a traversé plusieurs étages du bâtiment de l'hôpital. Et

 26   donc, je vous demande de visionner le document 4798.8, à l'onglet 90.

 27   [Diffusion de la cassette vidéo]

 28   LE TÉMOIN : [interprétation] On voit ici ce trou qui a été créé au niveau


Page 3576

  1   du toit.

  2   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

  3   Q.  Et ici, que voit-on ?

  4   R.  On voit le trou qui a été ouvert par cette bombe qui a traversé

  5   l'ensemble des étages jusqu'à l'entrée du passage souterrain et de l'abri

  6   antiatomique.

  7   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que vous pouvez continuer de nous

  8   montrer le reste de l'extrait.

  9   [Diffusion de la cassette vidéo]

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Très bien. Faites un arrêt sur image ici.

 11   Merci.

 12   Q.  Précédemment, vous avez expliqué que cette bombe qui a traversé les

 13   étages n'a pas explosé. Mais elle est tombée sur le lit d'un patient; est-

 14   ce exact ?

 15   R.  Oui. Dans ce passage souterrain, le long des murs on a placé des lits,

 16   et ce patient était allongé là, et cette bombe a atterri à ses pieds en

 17   brisant le lit, et il s'est trouvé projeté contre cette bombe. Et tout le

 18   monde a eu très peur parce qu'on a pensé que la bombe allait exploser. Donc

 19   j'ai appelé la police, quelqu'un qui s'y connaissait en engins explosifs,

 20   et quelqu'un a pu constater que le détonateur était défectueux et que ça

 21   n'allait pas exploser. Donc ils ont d'abord détaché le patient de la bombe

 22   et ils ont sorti la bombe. Heureusement, le patient, hormis le choc qu'il a

 23   subi, n'a pas subi de blessures.

 24   Il est encore en vie. Après la chute de Vukovar, il est resté à

 25   Vukovar, et à notre retour en 1997, il est venu me voir. Je l'ai revu et je

 26   lui ai écrit une attestation à ce moment-là sur ce qui s'était produit

 27   parce qu'il en avait besoin pour ses démarches en tant que victime civile

 28   de la guerre.

 


Page 3577

  1   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Il me semble que les Juges de la Chambre

  2   souhaitent poser une question. Je voudrais juste préciser avec le témoin si

  3   elle se souvient du nom de ce patient et de son appartenance ethnique.

  4   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je n'aimerais pas prononcer son nom en

  5   public puisque je ne suis pas témoin protégé ici. Si vous souhaitez que je

  6   parle de ce témoin, d'après la Loi sur la protection des patients, je vous

  7   prie d'exclure le public au moment où je vous donnerai des renseignements

  8   personnels le concernant.

  9   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pouvons-nous passer à huis clos partiel,

 10   s'il vous plaît.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Huis clos partiel, s'il vous plaît.

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

 13   [Audience à huis clos partiel]

 14   (expurgé)

 15   (expurgé)

 16   (expurgé)

 17   (expurgé)

 18   (expurgé)

 19   (expurgé)

 20   (expurgé)

 21   (expurgé)

 22   (expurgé)

 23   (expurgé)

 24   (expurgé)

 25   (expurgé)

 26   (expurgé)

 27   (expurgé)

 28   (expurgé)


Page 3578

  1   (expurgé)

  2   (expurgé)

  3   (expurgé)

  4   (expurgé)

  5   (expurgé)

  6   [Audience publique]

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

  8   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Ah, M. le Juge Mindua souhaitait poser une

  9   question.

 10   M. LE JUGE MINDUA : Ma question, c'est pour vous, Monsieur le Procureur,

 11   parce que j'ai l'impression qu'il y a eu une incompréhension. Au

 12   transcript, à la page 36, lignes 3 à 6, Mme le Témoin parle de "air bombs".

 13   A la page 38, elle parle de deux "air bombs" qui sont tombées sur

 14   l'hôpital. Mais vous-même, Monsieur le Procureur, à la page 40, vous parlez

 15   de "aeroplane bombs". Je pense que c'est différent, parce que les "air

 16   bombs" c'est un projectile qui ne sait pas être dirigé, qui circule un peu

 17   au hasard, tandis que si les bombes sont envoyées depuis les avions de

 18   combat, on sait les diriger. Alors, de quoi sommes-nous en train de parler

 19   ? De projectiles qui circulent au hasard ou de projectiles qui visaient

 20   l'hôpital ?

 21   M. DEMIRDJIAN : [en français] Merci, Monsieur le Juge. Avec votre

 22   permission, peut-être qu'il serait préférable de poser la question au

 23   témoin à nouveau pour clarifier au lieu que je donne une explication, si

 24   vous êtes d'accord.

 25   M. LE JUGE MINDUA : Oui, oui, vous avez raison.

 26   M. DEMIRDJIAN : [en français] Merci.

 27   Q.  [interprétation] Madame Bosanac, pourriez-vous expliquer aux Juges de

 28   la Chambre encore une fois de quel type de bombe il s'agissait lorsque

 


Page 3579

  1   l'hôpital a été touché par ces projectiles ?

  2   R.  Dans ce cas-là, c'étaient des bombes qui avaient été larguées par des

  3   avions. Et je sais quel était l'aspect de cette bombe. Elle était

  4   pratiquement aussi grande que le lit du patient. Elle avait plus de 250

  5   kilos, c'est ce qu'on nous a dit. C'est ce que les techniciens spécialistes

  6   en explosifs nous ont dit, les techniciens de la police.

  7   Q.  Et en plus de ces bombes aériennes, vous avez décrit d'autres types de

  8   bombes; est-ce exact ?

  9   R.  Eh bien, comme je vous ai dit, tous les jours c'étaient des bombes

 10   différentes qui touchaient l'hôpital. Cela nous a quasiment empêchés de

 11   fonctionner. Une grande bombe qui a également été lâchée par un avion,

 12   quand cette bombe s'est fichée dans le sol, c'est uniquement à ce moment-là

 13   qu'elle a explosé et elle nous a obstrué ce passage souterrain. Et plus

 14   d'une tonne de béton et de terre est tombée sur un patient qui était

 15   immobile à cet endroit. On a eu énormément de mal à l'extraire de là où il

 16   était enseveli, mais il a réussi à survivre malgré tout ça. C'était un

 17   patient handicapé depuis avant la guerre, un tétraplégique. Il a été amené

 18   à l'hôpital parce qu'il ne pouvait pas rester chez lui et il a failli être

 19   victime de cette bombe, mais il a survécu. Et après la chute de Vukovar, il

 20   a été transféré à Zagreb, et c'est là qu'il a été placé dans un foyer pour

 21   handicapés. Je connais son nom également, mais là encore, je n'aimerais pas

 22   le prononcer en audience publique. Je ne souhaite pas évoquer les noms de

 23   patients pour ne heurter personne.

 24   M. DEMIRDJIAN : [en français] Dans ce cas-ci, c'était -- bon, elle a

 25   répondu "air bombs" à nouveau, qui avaient été "launched from aeroplanes",

 26   donc à partir d'avions. Est-ce que ça clarifie votre question suffisamment

 27   ?

 28   M. LE JUGE MINDUA : Oui, oui, c'est le cas. C'est très clair. Merci.


Page 3580

  1   M. DEMIRDJIAN : Merci.

  2   [interprétation] Je demande le versement de cet extrait vidéo, 4798.8.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Reçoit une cote. Versé au dossier.

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 4798.8 de la liste 65 ter

  5   devient la pièce P1429.

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

  7   Q.  Docteur, vous nous avez dit précédemment que vous n'utilisiez pas les

  8   étages supérieurs de l'hôpital, que vous avez cessé de les utiliser à

  9   partir des mois d'août et de septembre. Alors, est-ce que vous pourriez

 10   dire exactement aux Juges de la Chambre quelles étaient les parties de

 11   l'hôpital que vous utilisiez toujours.

 12   R.  Nous ne pouvions qu'utiliser le passage souterrain, le sous-sol où nous

 13   avions organisé la prise en charge des urgences, ainsi qu'une salle

 14   d'opération. D'abord, une salle, puis ensuite trois salles d'opération.

 15   Nous avions également installé une salle de radiologie à côté de la

 16   première salle d'opération. Et tous les locaux au sous-sol, nous les avons

 17   transformés pour qu'ils puissent accueillir des patients. Les patients

 18   étaient donc installés sur le sol de tous ces locaux.

 19   Certaines pièces plus petites servaient à accueillir le personnel

 20   pendant la nuit. Mais il était très rare que nos employés puissent prendre

 21   des instants de repos parce qu'ils étaient en permanence en train de

 22   travailler, de faire quelque chose. Si bien que tous les locaux en sous-

 23   sol, aussi bien dans le bâtiment principal que dans le vieux bâtiment de

 24   l'hôpital, étaient occupés par les patients. La même chose s'appliquait au

 25   sous-sol du bâtiment qui hébergeait le service des maladies infectieuses

 26   ainsi que -- alors, nous avions également une cuisine de fortune qui était

 27   installée dans ces mêmes locaux en sous-sol, ainsi qu'un laboratoire et une

 28   blanchisserie.


Page 3581

  1   La partie la plus importante de nos locaux, c'était l'abri

  2   antiatomique qui offrait une sécurité quasiment totale. Même en cas de

  3   bombardement, les patients y étaient protégés. C'est là que nous avons

  4   installé les patients dont l'état était le plus sérieux, notamment ceux qui

  5   devaient être placés aux soins intensifs après des interventions ou en

  6   réanimation. C'est là qu'était l'unité des soins intensifs et de

  7   réanimation. C'est là également que nous installions les nouveaux-nés dans

  8   des incubateurs lorsque c'était nécessaire. Et nous avions également --

  9   donc, c'était une salle pour les femmes enceintes et les nouveaux-nés qui

 10   avaient besoin d'être mis en couveuse. Actuellement, ces mêmes locaux

 11   abritent un musée, et dans la mesure du possible, je souhaiterais vous

 12   inviter à venir rendre visite à ces locaux tels qu'ils existent

 13   aujourd'hui.

 14   Q.  Docteur, est-il exact de dire également que votre bureau a été déménagé

 15   d'un premier bâtiment vers le bâtiment principal ? Alors, à quel étage se

 16   trouvait votre bureau au mois de septembre ?

 17   R.  Il était également dans le sous-sol.

 18   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voudrais, Messieurs les Juges,

 19   maintenant utiliser le croquis de l'hôpital qui a été versé ce matin. C'est

 20   l'onglet numéro 118 et la pièce numéro 6405 dans la liste 65 ter. Il y a

 21   également une version anglaise. Mais dans l'intérêt de notre témoin, je me

 22   demande s'il ne serait pas préférable d'agrandir uniquement la version

 23   B/C/S. Merci.

 24   Q.  Madame Bosanac, est-ce que vous connaissez cette image ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire ce que nous avons exactement devant

 27   nos yeux ?

 28   R.  Nous avons ici le plan du sous-sol du bâtiment principal de l'hôpital.


Page 3582

  1   Plan réalisé par notre infirmière en chef dans le cadre des cours qui

  2   étaient donnés aux infirmières pendant la guerre, un cours qu'elle avait

  3   organisé. En fait, qui était proposé par l'organisation professionnelle des

  4   infirmières.

  5   Q.  Et ce croquis, quand à peu près a-t-il été réalisé ?

  6   R.  Elle a réalisé ce croquis en 1993 à peu près, après notre départ de

  7   Vukovar, lorsque nous étions déjà à Zagreb. C'était dans le cadre de l'un

  8   de ses cours. Je ne me rappelle pas la date exacte, mais je crois que

  9   c'était en 1993. Ici, où se trouve cette entrée, c'est la prise en charge

 10   des urgences. Il y a un deuxième dispensaire. Puis ensuite, on voit la

 11   première salle d'opération, que vous avez pu voir en vidéo derrière les

 12   bûches et les sacs de sable avec le médecin qui opérait derrière. C'était

 13   une salle, donc, et derrière cette pièce, il y a une grande fenêtre. Du

 14   côté droit, vous pouvez voir une salle où il y avait des lits, et il y a un

 15   couloir.

 16   Q.  Un instant, Docteur. Alors, l'huissier pourrait peut-être vous apporter

 17   son concours pour apporter des annotations. Et nous allons peut-être

 18   réduire un peu la taille de l'image. Est-ce que vous pourriez nous

 19   réexpliquer cela --

 20   R.  Ceci est l'entrée des urgences.

 21   Q.  Très bien.

 22   R.  Donc, du côté gauche et du côté droit, ce sont les deux dispensaires,

 23   ensuite il y avait mon bureau. Je ne sais pas s'il faut que je l'indique

 24   aussi ?

 25   Q.  Oui. Est-ce que vous pourriez utiliser des lettres pour que nous

 26   puissions nous y référer.

 27   R.  Très bien. Alors, là, j'indique avec la lettre A les services de

 28   médecine ambulatoire, les dispensaires. Ensuite, avec la lettre B, le


Page 3583

  1   bureau.

  2   Puis, par la lettre O, la salle d'opération, avec une deuxième lettre où

  3   une autre salle d'opération et les équipements de radiologie, et la lettre

  4   G c'est là où on posait les plâtres. Ensuite vous avez pu voir sur

  5   certaines images qu'il avait beaucoup de patients sur des lits. Vous les

  6   voyez également ici. Et toutes ces pièces étaient utilisées pour les

  7   patients. On ne voit pas ça très bien ici, mais ce couloir permettait de

  8   gagner l'abri antiatomique qui est ici, que j'indique avec AS.

  9   Q.  Vous avez utilisé les lettres A et S pour l'abri antiatomique, n'est-ce

 10   pas ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Je voudrais vous demander de revenir un peu en arrière. Vous nous avez

 13   parlé un peu plus tôt de la salle où on posait des plâtres. Vous avez

 14   utilisé une lettre pour l'indiquer. Quelle lettre était-ce ?

 15   R.  Vous voyez ici la lettre G.

 16   A côté d'une salle d'opération, c'était la salle où l'on posait des plâtres

 17   aux patients auprès une intervention, après une opération.

 18   Q.  Vous nous avez dit que l'on pouvait voir des lits dans cette salle,

 19   mais est-ce que vous pourriez nous indiquer à quel endroit ?

 20   R.  Eh bien, ici, par exemple, avec le H, c'était le hall. J'utilise donc

 21   le H pour l'indiquer, c'était le hall à partir duquel on accédait à

 22   d'autres pièces.

 23   Q.  Très bien. Et ces petits rectangles que l'on voit ici figurés avec une

 24   seule diagonale, que représentaient-ils ?

 25   R.  Ils représentent des lits d'hôpital avec des patients.

 26   Q.  Alors, du côté droit de cette image c'est un peu plus foncé, nous

 27   voyons un certain nombre de lettres N. Est-ce que vous pourriez nous

 28   indiquer que cela signifie ?


Page 3584

  1   R.  Ce ne sont pas des pièces à usages médicales. Il s'agissait de locaux

  2   de chaufferie mais qui n'étaient plus utilisables. Alors qu'ici, cette

  3   pièce était utilisée pour la stérilisation du linge, alors qu'ici nous

  4   avions un laboratoire, et une salle de transfusion. Ici, nous avions la

  5   salle de radiologie. Ici une salle pour le personnel. Et ici les pièces qui

  6   étaient également utilisées pour les patients.

  7   Dans ces pièces se trouvaient les soldats de la JNA. Et lorsque cet obus

  8   est tombé, il y a beaucoup de débris qui sont tombés justement sur la tête

  9   des patients qui étaient allongés là, juste à côté. Alors ils sont restés

 10   en vie par pure chance. Juste à côté il y avait la salle de stomatologie.

 11   Q.  Alors nous allons repasser maintenant, réexaminer les annotations que

 12   vous avez apportées. En bas à droite vous avez indiqué KOT. C'est la

 13   chaufferie, n'est-ce pas ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Ensuite vous avez indiqué STER pour la salle de stérilisation, le

 16   stérilisateur, n'est-ce pas ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Ensuite nous voyons une série de lettre L, et puis la mention "lab".

 19   Etait-ce le laboratoire ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Alors il y a une petite salle, une petite pièce avec les lettres O et

 22   S. Que représente cette annotation ?

 23   R.  Osobeje [phon]. C'était une petite salle de repos pour le personnel des

 24   urgences. C'était une petite pièce, de peut-être 2 mètres sur 2. Il y avait

 25   là-bas des couchettes pour qu'ils puissent se reposer. Et là il y avait

 26   également un laboratoire où je trace une ligne ondulée, mais toutes les

 27   vitres avaient été brisées, et c'était devenu des pièces inutilisables. Ça

 28   avait été détruit.


Page 3585

  1   Q.  Alors, vous avez utilisé deux fois la lettre P en expliquant qu'un obus

  2   avait touché la salle de stomatologie. Alors quel type de patients étaient

  3   pris en charge dans ces pièces ?

  4   R.  Eh bien, je l'ai dit. Là étaient allongés des patients qui étaient en

  5   fait des soldats de la JNA, c'étaient ces patients dont vous avez des noms

  6   dont mon appel, Mirkovic Srdjan, Sasa Jovic, et encore quelqu'un d'autre,

  7   quelqu'un d'autre dont je me souviens pas du nom. Ils étaient dans ces

  8   salles, et lorsque cette bombe est tombée, eh bien, tout le reste a été

  9   détruit. Ils ont été en fait -- on les a rentrés, on les a mis à

 10   l'intérieur dans des lits qui étaient à côté de ceux des autres patients.

 11   Q.  Très bien. Alors, ensuite à la droite vous avez indiqué les lettres A

 12   et S et il y a également une grande flèche vers le haut. Dans quelle

 13   direction cela nous mène-t-il ?

 14   R.  Cette flèche montre le chemin du passage souterrain qui est encore plus

 15   bas, plus profond que le sous-sol. Alors là où j'ai indiqué O et O2,

 16   c'étaient les deux salles d'opération et on utilisait ce chemin menant vers

 17   l'abri antiatomique pour y emmener les patients parce que c'était l'endroit

 18   le plus sûr que nous avions. Quant à l'obus dont j'ai parlé qui s'est

 19   abattu et qui a provoqué un effondrement d'une partie de la structure du

 20   souterrain, j'en ai parlé, c'était exactement ici. C'est donc là que nous

 21   avons dû de nouveau nous frayer un chemin, creuser pour atteindre l'abri

 22   antiatomique. Le passage souterrain, lui, il continue à courir jusqu'au

 23   sous-sol du vieux bâtiment, de l'ancien bâtiment en passant sous la pelouse

 24   où l'on pouvait voir le drapeau de fortune de la Croix-Rouge.

 25   Q.  Très bien. Est-ce que vous pourriez marquer au moyen de la lettre S

 26   cette flèche, s'il vous plaît.

 27   R.  Et je vais indiquer ici avec PB, Poncinar bombar [phon], pour figurer

 28   l'endroit où est tombé cet obus. Et à cet autre endroit, là où j'ai tracé


Page 3586

  1   ce rond, est tombée la bombe aérienne qui a fini sa course sur le lit d'un

  2   patient, et qui avait en fait traversé, en fait, les cinq étages.

  3   Q.  Vous avez utilisé les lettres AB juste à côté de la flèche se pointant

  4   vers le point d'impact de cette bombe aérienne, n'est-ce pas ?

  5   R.  C'est exact.

  6   M. DEMIRDJIAN : [aucune interprétation]

  7   M. GOSNELL : [interprétation] Je crois que c'était PB.

  8   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Nous avons déjà eu une annotation PB un

  9   peu plus haut, précédemment, maintenant c'est de AB qu'il s'agit.

 10   M. GOSNELL : [interprétation] Excusez-moi.

 11   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que je peux demander le versement

 12   de ce document, s'il vous plaît, Messieurs les Juges.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 14   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document numéro 6405 de la liste 65

 15   ter qui a été annoté par le témoin reçoit la cote P1430.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 17   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 18   Q.  Docteur, concernant l'hôpital, je voudrais vous demander la chose

 19   suivante, est-ce qu'il était gardé de quelle que façon que ce soit ?

 20   R.  Le commandant de la défense de la ville, Milorad Dedakovic, Jastreb, a

 21   désigné quels étaient les membres de la garde qui devaient assurer la

 22   sécurité de l'hôpital. Ce qu'ils ont fait, mais en réalité ils ne pouvaient

 23   absolument pas protéger l'hôpital des bombes qui s'abattait sur lui, donc

 24   ils étaient dans la même situation de danger, autant menacés que nous. De

 25   plus, le commandant de la police a détaché deux officiers qui avaient la

 26   responsabilité de l'hôpital, l'un d'eux était Lukenda Branko, qui avait

 27   pour mission de dresser une liste de tous les blessés pour emmener ces

 28   listes ensuite à la police. Il avait également pour mission de collecter


Page 3587

  1   les armes de ces blessés pour les emmener au poste de police. L'autre

  2   officier de police était Tomislav Hegedus, qui avait pour mission de

  3   dresser des listes de patients décédés, de collecter leurs effets

  4   personnels et également de rapporter tout cela au poste de police. Et c'est

  5   tout ce que je puis vous dire au sujet du service de la garde et de la

  6   coopération avec l'armée et la police aux fins de la défense de l'hôpital.

  7   Q.  Pendant qu'ils étaient à l'hôpital, ces officiers de police du MUP

  8   étaient-ils armés, et si oui, quel type d'armes avaient-ils ?

  9   R.  Pendant qu'ils étaient à l'hôpital, ils ne portaient aucune arme.

 10   Personne ne pouvait entrer armé à l'hôpital. A l'entrée même, on était

 11   obligés de déposer ses armes du côté gauche, et ces officiers de police

 12   collectaient ensuite ces armes et les emmenaient au poste de police. Ceux

 13   qui étaient à l'extérieur de l'hôpital, postés à l'extérieur, avaient une

 14   arme, mais je n'ai pas fait très attention. Parce qu'en fait, il n'y avait

 15   pas de combat à proximité directe de l'hôpital, ils n'étaient pas vraiment

 16   en position de nous protéger contre qui que ce soit, puisque ceux qui nous

 17   touchaient avant tout, c'étaient des bombes et des obus.

 18   Q.  Vous en souviendrez, vous nous avez dit que vous arriviez à 6 heures du

 19   matin à l'hôpital lorsque les premiers patients arrivaient. Est-ce que vous

 20   pourriez donner aux Juges de la Chambre une indication quant au nombre de

 21   victimes qui ont été amenées à l'hôpital entre septembre et novembre ?

 22   R.  De nouveaux blessés arrivaient tous les jours. Ils en venaient entre 12

 23   et 92 par jour, c'étaient les chiffres minimums et maximums. Mais en

 24   moyenne, c'était 50 à 60 nouveaux blessés qui nous étaient amenés chaque

 25   jour. Je l'ai décrit dans les appels que je lançais quotidiennement pour

 26   que le bombardement de l'hôpital et de l'agression visant Vukovar et son

 27   hôpital cessent. Il y en avait donc entre 50 et 60 nouveaux par jour,

 28   parfois 80.


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  1   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire quelle était la proportion des

  2   victimes civiles et des victimes non civiles que l'on emmenait à l'hôpital

  3   ?

  4   R.  Il y en avait 70 à 80 % de victimes civiles. Parce que la ville, il y

  5   avait beaucoup d'habitants présents en ville qui circulaient sans arrêt

  6   dans les rues, qui réparaient leurs toits, qui allaient chercher de l'eau,

  7   si bien que comme je l'ai déjà indiqué dans des dépositions précédentes, 70

  8   à 80 % des victimes étaient des civils. Une proportion plus petite était

  9   constituée de membres de la garde, c'étaient les défenseurs de la ville.

 10   C'était le ZNG, la Garde nationale, parce qu'à l'époque il n'y avait pas

 11   encore d'armée, et ils n'étaient pas, en tout cas, tous membres de l'armée.

 12   Cette armée n'existait pas en fait encore à l'époque, et il y avait

 13   également des policiers, mais le nombre le plus important des victimes qui

 14   nous étaient amenées était des civils, des personnes âgées, des femmes, des

 15   enfants. C'était une journée particulièrement horrible lorsque la maison de

 16   retraite a été détruite. Nous avons alors eu à prendre en charge des

 17   blessés originaires de cette maison de retraite.

 18   Q.  Docteur, vous avez évoqué il y a quelques instants les appels que vous

 19   avez lancés afin que le bombardement de l'hôpital s'arrête. Est-ce que vous

 20   pourriez commencer par nous dire quelles organisations ou quelles

 21   institutions ont été celles auprès desquelles vous avez demandé de l'aide ?

 22   R.  J'ai demandé de l'aide de nombreuses organisations. Je me suis adressée

 23   à l'UNICEF, à l'UMMU, la Mission de surveillance de la Communauté

 24   européenne, au ministère de la Santé, j'ai même adressé un appel à la JNA.

 25   Les Médecins sans frontières ont répondu en organisant un convoi aux fins

 26   d'évacuer les blessés. J'ai lancé donc ces appels, et j'ai continué à

 27   lancer ces appels par écrit en espérant que quelqu'un les entendrait et

 28   agirait.


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  1   Et Njavro m'a dit que tout ceci était en vain, que personne n'allait y

  2   répondre, et que moi j'allais me faire tuer en allant poster ceci au bureau

  3   de poste. Mais j'ai continué, et aujourd'hui ces appels que j'ai lancés

  4   nous aident à reconstruire la succession des événements, bien que

  5   malheureusement personne ne nous soit vraiment venu en aide.

  6   Q.  Juste pour les Juges de la Chambre, vous avez parlé d'un certain

  7   Njavro. De qui s'agissait-il ?

  8   R.  Le Dr Njavro était un chirurgien de l'hôpital. Le chirurgien de guerre

  9   en chef à l'hôpital. Il était à la tête de l'équipe de chirurgiens. Il y

 10   avait encore sept autres médecins qui travaillaient à ses côtés sans

 11   relâche, jour et nuit. Il y avait des médecins de Zagreb, d'Osijek, et

 12   également nos médecins de Vukovar qui étaient restés sur place à nos côtés,

 13   si bien qu'ils continuaient de travailler sans relâche, jour et nuit,

 14   autant qu'ils le pouvaient dans des conditions extrêmement difficiles.

 15   Trois mille quatre cent soixante dix blessés ont été traités à l'hôpital de

 16   Vukovar en 1991, et 2 250 ont été opérés. Et tous les jours, il y avait des

 17   interventions chirurgicales plus ou moins importantes, au moins sept ou

 18   huit interventions lourdes.

 19   Les blessures de guerre étaient effroyables. Il y avait des mutilés,

 20   et qui ont dû donc être amputés de certains membres. Il y avait également

 21   ceux qui avaient été blessés à la tête, et que nous ne pouvions aider. Nous

 22   les envoyions à Osijek. En tout cas, nous l'avons fait tant que cela était

 23   possible. Et l'un des médecins que vous voyez ici a créé en fait des

 24   fixateurs qui étaient fabriqués dans l'usine de Borovo. Ils étaient faits

 25   en acier, et ils étaient faits sur mesure. Nous les avons utilisés un peu

 26   plus tard avec nos patients, si bien que nous avons pu procéder à très peux

 27   d'amputation par comparaison avec d'autres hôpitaux de guerre où les

 28   amputations étaient monnaie courante. Nos chirurgiens ont travaillé de


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  1   façon très professionnelle en respectant les principes éthiques de leur

  2   profession. Ils travaillaient rapidement, ils ont essayé de protéger tout

  3   un chacun de -- ils ont essayé de protéger des extrémités des membres des

  4   patients.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] On a présenté une page du

  6   compte rendu pour répondre simplement à la question que vous avez posées

  7   sur l'identité de M. Njavro, Monsieur le Procureur. 

  8   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui. Je vais essayer d'être un peu

  9   plus concentré dans les questions que je pose¸

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 11   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 12   Q.  Docteur, vous avez également dit que le Dr Njavro vous avait dit que

 13   vous alliez vous faire tuer en allant au bureau de poste. Est-ce que vous

 14   pourriez expliquer aux Juges de la Chambre comment fonctionnaient ces

 15   appels que vous avez lancés, en restant aussi concise que possible.

 16   R.  Je rédigeais ces appels quotidiennement. Je les dictais à ma

 17   secrétaire, et les portais au poste de police, qui était à 100 mètres de

 18   l'hôpital, il y avait là-bas un fax qui fonctionnait. Au début, nous en

 19   avions un aussi à l'hôpital. Mais ces liaisons ont rapidement été

 20   interrompues, si bien que j'allais toujours à la police à partir de ce

 21   moment-là pour envoyer un fax.

 22   Q.  Merci. Vous avez dit il y a quelques instants avoir contacté également

 23   l'armée populaire yougoslave, la JNA. Est-ce que vous pourriez nous dire

 24   qui au sein de la JNA vous avez contacté ?

 25   R.  Eh bien, c'est par l'intermédiaire de l'employé des postes que j'ai

 26   demandé l'état-major général de Zivota Panic, qui était à la tête de ce

 27   district militaire, j'ai demandé l'amiral Brovet. Et on m'a mis en relation

 28   avec quelqu'un à Belgrade ou à Sarajevo. Mais je ne sais pas de qui il


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  1   s'agissait parce qu'ils ne se sont pas présentés. Alors, j'ai parlé du

  2   bombardement de l'hôpital. Ils m'ont répondu qu'ils ne croyaient pas qu'il

  3   était possible qu'un hôpital soit ainsi bombardé. Je les ai invités à venir

  4   s'en rendre compte eux-mêmes sur place. J'ai réussi, donc, à entrer en

  5   contact, mais il n'y a pas eu de réponse. J'ai demandé également le premier

  6   ministre yougoslave de l'époque, Ante Markovic, mais ne l'ai pas eu. On ne

  7   me l'a pas passé; on m'a passé son secrétaire, en fait. Donc j'essayais de

  8   demander de l'aide de tous côtés.

  9   Et le plus grand nombre des appels que j'ai lancés ont été adressés à la

 10   Mission européenne, à l'hôtel où elle était hébergée. C'est de ces

 11   représentants-là que j'attendais le plus d'aide, mais en fin de compte ils

 12   ne nous ont pas vraiment aidés.

 13   Q.  Alors, Madame, je vais parler maintenant de ces différents appels que

 14   vous avez lancés à l'époque.

 15   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Est-ce que nous pourrions regarder le

 16   numéro 65 ter 476-1 [comme interprété], à l'intercalaire numéro 4, s'il

 17   vous plaît. Merci.

 18   Q.  Madame, reconnaissez-vous ce document ?

 19   R.  Oui. C'est un de ces appels, comme ces appels que j'envoyais tous les

 20   jours.

 21   Q.  A qui avez-vous envoyé ce document-ci ?

 22   R.  J'avais le numéro de la télécopie de ce bureau à l'hôtel, de cette

 23   Mission internationale européenne qui était hébergée à cet endroit-là. Donc

 24   c'étaient les observateurs de l'Union européenne qui avaient installé leur

 25   QG à cet endroit.

 26   Q.  Alors, vous avez parlé de la Mission européenne qui avait son QG à

 27   l'hôtel. Dans quelle ville, dans quelle rue ?

 28   R.  A Zagreb. George Maria Shani [phon] était à la tête de cette mission,


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  1   qui par la suite a été co-signataire de l'accord sur l'évacuation. Et par

  2   son intermédiaire, j'ai également envoyé une lettre à l'ambassadeur de

  3   France en Croatie.

  4   Q.  Et simplement pour compléter cette question, s'agit-il ici de l'en-tête

  5   du centre médical de Vukovar que nous voyons ici au haut de cette lettre ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Pourriez-vous nous parler un petit peu de la traduction en anglais que

  8   nous avons ici. Pouvez-vous nous l'expliquer.

  9   R.  Il y avait une femme qui travaillait dans cet hôtel qui a traduit ceci

 10   en anglais et qui l'a diffusé dans le monde entier, qui l'a envoyé à la

 11   Croix-Rouge internationale et des hommes politiques de haut rang de

 12   l'époque. Moi, je me suis procurée ce numéro de télécopie par

 13   l'intermédiaire des médias et des gens qui travaillaient au sein de cette

 14   Mission européenne à l'époque. Je leur ai envoyé tous mes appels.

 15   Q.  Et la traduction, donc, a été faite à ce moment-là ?

 16   R.  Oui, à ce moment-là, à Zagreb, ce jour-là. J'ai lancé un appel tous les

 17   jours.

 18   Q.  Ici, nous constatons que vous demandez la levée du blocus de Vukovar.

 19   Pourriez-vous préciser à l'intention des Juges de la Chambre pourquoi vous

 20   avez utilisé le terme de "blocus" ?

 21   R.  Parce que toutes les routes d'accès à Vukovar avaient été bloquées, et

 22   il était important pour nous que le blocus soit levé de façon à pouvoir

 23   évacuer les blessés le long de ces routes et pour pouvoir obtenir du

 24   matériel médical. Nous manquions de cela.

 25   Q.  Alors, cet appel est daté du 20 octobre 1991. Je crois qu'il s'agit

 26   d'un des premiers appels qui figurent dans votre livret. Pourriez-vous dire

 27   aux Juges de la Chambre si vous avez lancé un appel avant cette date ?

 28   R.  Oui, je n'ai pas pu emporter ces appels, ces lettres, je n'ai pas pu


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  1   emporter tout ceci avec moi quand je suis allée en prison. Tout cela est

  2   resté. Mais ces appels avaient été envoyés par télécopie auparavant et ont

  3   été retrouvés par la suite par un journaliste et se trouvent au musée

  4   d'histoire de la guerre. Donc ils m'ont demandé la permission de publier

  5   certains d'entre eux. Ils contiennent certains de ces appels, mais pas

  6   tous. Je pense qu'ils figurent tous maintenant dans les archives du

  7   tribunal militaire de Belgrade parce qu'ils sont restés à Vukovar au moment

  8   où nous avons été déportés.

  9   Q.  Merci.

 10   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande le

 11   versement au dossier de cet appel, s'il vous plaît.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci sera admis et versé au dossier.

 13   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le numéro 65 ter 476.1 [comme

 14   interprété] recevra la cote P1431. Merci.

 15   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je souhaite maintenant passer à l'appel

 16   suivant, qui est le 5070, à l'intercalaire numéro 103, s'il vous plaît.

 17   Merci.

 18   Q.  Madame, est-ce qu'il s'agit là d'un de vos appels ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Nous pouvons lire ici que celui-ci est daté du 21 octobre et qu'il est

 21   envoyé à la Mission européenne à l'hôtel I à Zagreb. A la première phrase,

 22   vous les remerciez pour leurs efforts pour lever le blocus de Vukovar

 23   "…mais vous avez protesté parce que vous avez dit que le cessez-le-feu n'a

 24   pas été respecté…" De quel cessez-le-feu parlez-vous ?

 25   R.  En réalité, c'était deux jours après que le convoi de Médecins sans

 26   frontières avait été organisé, et ce jour-là, le jour du convoi, le 19, il

 27   y a eu un cessez-le-feu. Et à partir de là, tous les deux jours, les

 28   médecins de Médecins sans frontières étaient censés évacuer de nouveaux


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  1   patients, et le cessez-le-feu était censé tenir; mais lorsque les médecins

  2   de Médecins sans frontières sont partis, tout a continué comme avant, et

  3   les choses ont même empiré.

  4   Q.  Alors, dans cet appel, vous parlez d'un bébé mort de six mois que l'on

  5   a fait venir à l'hôpital avec sa grand-mère dont le bras avait été amputé.

  6   Etiez-vous au courant des conditions particulières dans lesquelles se

  7   trouvaient ces deux victimes ?

  8   R.  Cela a dû arriver dans un quartier sud de la ville où un obus a

  9   traversé le toit au-dessus du sous-sol dans lequel ils se cachaient, et

 10   c'était très dramatique parce que le bébé a été tué et que la grand-mère a

 11   été grièvement blessée. C'était épouvantable. Les infirmières pleuraient.

 12   C'était très difficile. Tout le monde était frustré et très tendu.

 13   J'ai essayé de dépeindre ce climat à ceux qui pouvaient peut-être

 14   nous aider. Dans la mesure du possible, j'ai essayé de maintenir au beau

 15   fixe le moral du personnel médical, car un mois supplémentaire très

 16   difficile a suivi.

 17   Q.  Vous avez parlé de brutalité de la JNA et des troupes paramilitaires.

 18   Que saviez-vous à l'époque par rapport aux troupes paramilitaires ?

 19   R.  Eh bien, à ce moment-là, c'est ce que j'ai pu apprendre puisque je

 20   vivais à Vukovar lorsque ces troupes irrégulières et que ces volontaires

 21   étaient déjà arrivés dans les villages serbes autour de Vukovar, et je

 22   pouvais lire ce que disaient les médias et je pouvais constater par moi-

 23   même les brutalités dont faisait montre l'armée population yougoslave qui

 24   détruisait la ville, l'hôpital et tout le reste.

 25   Q.  Avez-vous vu des troupes paramilitaires à Vukovar à l'époque ?

 26   R.  A l'époque où j'y étais toujours, lorsque nous étions encerclés, non.

 27   Ce n'est que lorsque Vukovar est tombée.

 28   Q.  Fort bien.


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  1   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, je demande le

  2   versement au dossier de cet appel, s'il vous plaît.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci sera admis et versé au dossier.

  4   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, numéro 65 ter 5070

  5   recevra la cote P1432.

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] A quelle heure allons-nous nous arrêter ?

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maintenant.

  8   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] C'est le moment ?

  9   LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je demander à avoir une pause, s'il vous

 10   plaît ?

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous faisons une pause tout de suite,

 12   à l'instant, Madame Bosanac. M. l'Huissier va vous raccompagner.

 13   [Le témoin quitte la barre]

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est levée.

 15   --- L'audience est suspendue à 17 heures 31.

 16   --- L'audience est reprise à 17 heures 59.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Gosnell.

 18   M. GOSNELL : [interprétation] Il y a une question qui a été abordée au

 19   début de l'audience. La Défense ne s'opposera pas à l'ajout du numéro 65

 20   ter 06402 sur la liste. C'était un des documents qui a été évoqué dans le

 21   cadre de cet ajout.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors est-ce que cela relève de la

 23   requête, Monsieur Demirdjian ?

 24   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, c'est exact.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie beaucoup.

 26   M. GOSNELL : [interprétation] La huitième requête, il s'agit deux choses

 27   distinctes. Il s'agit du DVD ou du CD supplémentaire, et cela fait l'objet

 28   de la requête qui doit être déposée. Dans le cas présent, il s'agit d'un


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  1   seul document.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il s'agit du document qui fait

  3   l'objet d'une requête qui évoque d'autres documents, mais il s'agit du

  4   document que vous allez utiliser en présence de ce témoin, donc vous avez

  5   besoin d'une décision le plus rapidement possible, la Défense a indiqué

  6   qu'elle n'a pas d'objection, donc vous pouvez ajouter ce document sur la

  7   liste de vos pièces, Monsieur Demirdjian.

  8   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Messieurs les

  9   Juges, et je remercie M. Gosnell pour sa réponse prompte.

 10   [Le témoin vient à la barre]

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Bosanac, nous reprenons

 12   maintenant, et ce, jusqu'à 19 heures. Je suppose qu'on vous a expliqué

 13   cela, à toutes les fois que vous aurez besoin d'une pause supplémentaire,

 14   faites-le-nous savoir tout simplement, et nous nous en occuperons. D'accord

 15   ?

 16   Monsieur Demirdjian, veuillez poursuivre.

 17   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci, Messieurs les Juges.

 18   Q.  Madame Bosanac, je souhaite que vous regardiez un autre de vos appels

 19   qui est le numéro 65 ter 467.2, à l'intercalaire numéro 12 sur notre liste.

 20   Merci.

 21   Madame, reconnaissez-vous cet appel comme étant un des vôtres ?

 22   R.  Oui.

 23   Q.  Dans cette télécopie vous réitérez votre appel dans le sens d'un

 24   retrait de la JNA, et vous indiquez qu'il y a eu 267 morts à Vukovar depuis

 25   la date du 26 août, et vous indiquiez ces morts en différentes catégories,

 26   membres du MUP, membres de l'armée croate, des civils, des enfants, la

 27   répartition entre ces différentes victimes. Pourriez-vous expliquer aux

 28   Juges de la Chambre comment vous vous êtes procurée ces chiffres ?


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  1   R.  A ce moment-là, toutes les personnes tuées ont été amenées à l'hôpital

  2   de Vukovar, et examiner par des experts, experts qui examinaient les

  3   cadavres. Et comme je l'ai indiqué à cet officier du ministère de

  4   l'Intérieur, en réalité c'était un officier de police, Tomislav Hegedus a

  5   établi des listes des personnes tuées. J'avais donc un aperçu tous les

  6   jours, une compréhension tous les jours du nombre de morts à Vukovar à ce

  7   moment-là. Et je dois faire remarquer qu'au pourtour de la ville, et

  8   surtout au mois de novembre, les morts et les blessés ne pouvaient plus

  9   être transportés à l'hôpital de Vukovar. Et ceux qui étaient coupés de

 10   Vukovar et qui étaient blessés ont été emmenés dans les locaux de Borovo

 11   Komerc dans Borovo Naselje. Les détails des personnes tuées et blessées de

 12   Vukovar.

 13   Q.  Je vous remercie beaucoup, Madame. Et au milieu de cette page, vous

 14   énumérez le nom de trois soldats de la JNA qui ont été blessés. Lorsque

 15   nous avons regardé le croquis de l'hôpital un peu plus tôt, vous avez

 16   indiqué que des soldats de la JNA ont été déplacés parce qu'ils étaient à

 17   côté des services dentaires. Est-ce que c'est bien ces soldats de la JNA

 18   dont vous avez parlé, s'agit-il des mêmes ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Et pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre comment ces soldats de la

 21   JNA ont été traités à l'hôpital ?

 22   R.  Ils ont été traités comme tous les autres blessés compte tenu des

 23   circonstances. Nous leur avons prodigué les meilleurs soins médicaux

 24   possibles. Et lorsque ces personnes étaient dans des chambres séparées, ils

 25   avaient même des conditions meilleures parce qu'ils avaient davantage de

 26   place et un meilleur traitement médical. Malheureusement, après un obus est

 27   tombé sur cette pièce et ils ont été déplacés, et à ce moment-là ils se

 28   sont retrouvés dans la même situation que toutes les autres personnes.


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  1   Q.  Et ces soldats de la JNA qui ont été blessés, ont-ils survécu ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Merci.

  4   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, je propose le

  5   versement au dossier de cette télécopie, s'il vous plaît.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci sera admis et versé au dossier.

  7   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, numéro 65 ter

  8   467.2 recevra la cote P1433.

  9   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pouvons-nous regarder la télécopie

 10   suivante, si vous le voulez, 467.9, à l'intercalaire numéro 19.

 11   Q.  Madame, il ne s'agit pas d'une de vos télécopies. Pourriez-vous

 12   expliquer aux Juges de la Chambre ce que nous avons sous les yeux, s'il

 13   vous plaît ?

 14   R.  Nous regardons une lettre qu'un membre des forces armées de l'armée

 15   croate a écrite et signée en tant que Milan Macek, parce que ce jour-là --

 16   et ce n'était pas seulement ce jour-là, mais d'autres jours aussi, outre

 17   mes transmissions par téléphone et par télécopie, je contactais toute

 18   personne que je pouvais joindre pour lui décrire la situation ce jour-là, à

 19   cette heure-là. Et après mon coup de fil, cet homme, Milan Macek, a

 20   transmis cette information à la Mission européenne comme je lui avais

 21   demandé de le faire.

 22   Q.  Pourriez-vous expliquer quelque chose aux Juges de la Chambre, parce

 23   qu'un peu plus tôt vous nous avez dit qu'à l'époque il n'y avait pas

 24   véritablement une armée croate en tant que telle, et ici, nous avons un

 25   document qui est signé par Milan Macek et ceci émane du QG de l'armée

 26   croate. Pourriez-vous nous expliquer quel était le statut de l'armée croate

 27   à l'époque ?

 28   R.  Ce que je vous ai dit auparavant faisait état du moment où la défense


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  1   de la ville de Vukovar a été établie, en août et au mois de septembre, et

  2   ceci concerne une période plus tardive où l'armée croate avait déjà été

  3   créée à Zagreb avec son état-major qui avait son QG à cet endroit-là.

  4   Officiellement, la 204e Brigade a été créée en septembre 1991.

  5   Q.  Merci.

  6   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, puis-je demander le

  7   versement au dossier de cette télécopie, s'il vous plaît.

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci sera admis et versé au dossier.

  9   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Messieurs les Juges, 65 ter 467.9,

 10   pièce 1434.

 11   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 12   Q.  Il y a quelques instants vous nous avez parlé d'appels téléphoniques

 13   que vous avez faits pour contacter différentes institutions, et nous allons

 14   nous écarter pendant quelques instants de ces appels et de ces télécopies

 15   et regarder une séquence vidéo.

 16   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Numéro 4798.9. Il s'agit en fait de

 17   l'intercalaire D dans votre liasse. Et cela commence 1 minute -- non,

 18   pardonnez-moi, 1 heure et 40 secondes [comme interprété].

 19   [Diffusion de la cassette vidéo]

 20   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 21   "Tous les jours, entre 20 et 60 nouvelles personnes blessées arrivent

 22   à l'hôpital chaque jour, essentiellement des civils parce que Vukovar est

 23   remplie de civils, de femmes, d'enfants, de personnes. Les gens vivent dans

 24   des sous-sols. Ils sont blessés et tués. L'hôpital a été le plus durement

 25   touché lors du dernier raid. Il y a eu des trous à trois endroits dans le

 26   toit. La partie gauche du bâtiment s'est partiellement effondrée.

 27   L'ensemble de l'hôpital fonctionne comme un abri et au niveau de la cave,

 28   du sous-sol et du rez-de-chaussée. Les conditions sont épouvantables. Il


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  1   n'y a pas de salles d'hôpital, il n'y a plus de soins intensifs ou

  2   d'endroits propres à ces soins-là; il y a un hôpital de campagne qui

  3   fonctionne en Bosnie-Herzégovine, et les gens sont entassés les uns sur les

  4   autres. Les soins sont prodigués dans des conditions extrêmement

  5   difficiles, et les thérapies et les procédures sont de plus en plus

  6   difficiles. Il n'y a pas de médicaments. Il n'y a plus de dérivés de sang.

  7   Seulement des volontaires qui sont disposés à donner du sang frais aux

  8   blessés. Aux blessés, les enfants, les femmes et les civils. Nous espérions

  9   que les Européens nous aident."

 10   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 11   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 12   Q.  Madame, reconnaissez-vous la voix dans cette conversation téléphonique

 13   ?

 14   R.  Je tentais de remettre ce rapport par téléphone. J'essayais de décrire

 15   la situation et la manière dont les choses se sont passées à l'époque.

 16   Q.  Très bien. Nous avons vu le début de cette séquence -- eh bien,

 17   regardons le 16 décembre [comme interprété] 1991. Pourriez-vous nous en

 18   parler un petit peu. Donc, Radio Vukovar, que se passait-il à ce moment-là,

 19   la partie croate de Vukovar ?

 20   R.  La radio croate de Vukovar, eh bien, il y avait des gens qui envoyaient

 21   des reportages nuit et jour. Sinisa Glavasevic dirigeait cette radio, et

 22   MM. Polovina, Esterajher, Vesna Vukovir, Alinka Mirkovic, et Zvjezdana

 23   Polovina. Ces six personnes se relayaient par équipes pour envoyer des

 24   reportages sans cesse. La plupart de ces personnes, et en particulier

 25   Sinisa Glavasevic, visitaient l'hôpital tous les jours et faisaient des

 26   reportages à la radio toutes les fois qu'ils le pouvaient. Ces personnes se

 27   trouvaient dans le sous-sol des bureaux de la radio, mais lorsque ceux-ci

 28   ont été endommagés, ils se sont installés dans un sous-sol sous la route à


Page 3602

  1   l'endroit où se trouve le musée, le musée de la ville qui se situe dans le

  2   château du comte Eltz. Le jour où nous pensions être évacués, ils sont

  3   revenus à l'hôpital. Certaines personnes sont parties en espérant opérer

  4   une percée, d'autres personnes sont revenues. Sinisa Glavasevic et Brane

  5   Polovina ont également été transportés à Ovcara. Sinisa Glavasevic était

  6   blessé, il avait des éclats d'obus au visage. Et il a été enregistré en

  7   tant que personne blessée, qui, comme de nombreuses autres personnes, a été

  8   emmené à Ovcara et tué à Ovcara.

  9   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demande le versement au dossier de

 10   cette séquence vidéo 4798.9, s'il vous plaît.

 11   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci sera admis et versé au dossier.

 12   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] 4798.9 recevra la cote P1435.

 13   M. DEMIRDJIAN : [interprétation]

 14   Q.  Je souhaite maintenant passer à une autre télécopie, Madame Bosanac,

 15   que vous avez envoyée, numéro 65 ter 493, intercalaire numéro 23. Aux fins

 16   du compte rendu d'audience, Madame, vous avez un peu plus tôt parlé de

 17   Sinisa Glavasevic et vous avez parlé de Branimir, mais son nom de famille

 18   n'a pas été consigné au compte rendu d'audience à la page 66, ligne 5.

 19   Pourriez-vous nous rappeler ou nous redire son nom de famille, s'il vous

 20   plaît.

 21   R.  Branimir Polivina.

 22   Q.  Merci. En regardant ceci, est-ce que vous reconnaissez une de vos

 23   télécopies ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Celle-ci est datée du 27 octobre 1991, et vous donnez les chiffres à

 26   jour à la Mission européenne sur le nombre de blessés, et vous dites que 70

 27   % de ces blessés étaient des civils. Un peu plus tôt aujourd'hui, vous nous

 28   avez dit que 70 à 80 % des blessés qui sont arrivés à l'hôpital étaient des


Page 3603

  1   civils. A-t-on réagi à votre appel ?

  2   R.  Non.

  3   Q.  Au dernier paragraphe, vous dites qu'il y a également des soldats de la

  4   JNA qui se trouvent là. Nous avons vu que la télécopie précédente faisait

  5   état de trois soldats de la JNA. Y a-t-il eu d'autres soldats qui ont été

  6   emmenés à l'hôpital ?

  7   R.  Oui, quelques soldats. Je me souviens d'un soldat qui avait été blessé

  8   par un obus à l'entrée du poste de police et il a perdu la jambe. Je l'ai

  9   vu de mes propres yeux. En réalité, il s'était rendu. Il était dans un

 10   char. Il s'est rendu. On l'a fait venir dans le sous-sol du poste de police

 11   comme toutes les autres personnes. Et je me suis rendue ce jour-là pour

 12   envoyer mes télécopies et je l'ai vu. Il était assis sur les marches

 13   lorsque l'obus l'a atteint et a fait exploser sa jambe. Il y avait un autre

 14   gars, il s'appelait Boban Gacic. Lui aussi avait de la gangrène à la jambe.

 15   On l'a opéré, mais malheureusement, il a succombé à ses blessures. Il était

 16   très jeune. C'était odieux à voir pour nous tous. Je me souviens que les

 17   infirmières ont pleuré lorsqu'il est mort. Nous étions tous atterrés. Nous

 18   avons estimé que c'était quelque chose de terrible pour nous tous. Et

 19   indépendamment de qui étaient ces personnes, tout le monde était dans une

 20   situation extrêmement difficile. Et tout le monde souffrait de la même

 21   façon.

 22   Q.  Merci.

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je demande le versement au dossier de ce

 24   document, s'il vous plaît.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ceci sera admis et versé au dossier.

 26   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le numéro 65 ter 493 recevra la cote

 27   P1436.

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.


Page 3604

  1   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Pouvons-nous afficher le 65 ter 467.6,

  2   s'il vous plaît, qui se trouve à l'intercalaire numéro 16.

  3   Q.  Ce document est daté du 1er novembre. Est-ce que vous reconnaissez là

  4   l'un des fax que vous avez envoyés ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Au milieu de la page, vous dites qu'au milieu de la nuit, qu'un obus

  7   est tombé et que trois ambulances ont brûlé, si bien que vous n'en aviez

  8   plus qu'une partiellement utilisable.

  9   Est-ce que vous pourriez dire aux Juges de la Chambre quelles ont été les

 10   conséquences sur votre travail de la destruction de ces ambulances ?

 11   R.  Eh bien, tout est devenu encore plus difficile, parce qu'on ne pouvait

 12   plus se rendre sur le terrain pour aller chercher les blessés avec ces

 13   ambulances. Il fallait utiliser les véhicules civils qui étaient eux-mêmes

 14   endommagés, ou plutôt, le peu de véhicules civils qui restaient après que

 15   tant de véhicules avaient été détruits. Le terrain était très difficilement

 16   praticable, il y avait des troncs d'arbre qui étaient tombés en travers de

 17   la route. Toutes sortes de débris qui faisaient exploser les pneus des

 18   voitures. C'était vraiment très difficile d'intervenir dans ces conditions.

 19   Q.  Alors, nous sommes là au début du mois de novembre, et vous avez déjà

 20   envoyé des fax depuis le mois d'octobre, comme vous nous l'avez expliqué.

 21   Est-ce que la situation s'était de quelle que façon que ce soit améliorée

 22   vers la fin octobre ?

 23   R.  Non. Au contraire. La situation ne cessait d'empirer.

 24   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce

 25   document, Messieurs les Juges.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 27   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 467.6 reçoit la cote P1437.

 28   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voudrais que nous examinions la pièce


Page 3605

  1   numéro 514 de la liste 65 ter, onglet numéro 26. Il s'agit du rapport daté

  2   du 2 novembre. Pourrions-nous faire défiler la page en B/C/S vers le bas.

  3   Merci.

  4   Q.  Est-ce que vous reconnaissez ceci comme étant l'un des fax que vous

  5   avez envoyés ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Je vois que celui-ci est adressé à toute une série de destinataires.

  8   L'amiral Brovet, entre autres. Pourriez-vous nous dire dans quel contexte

  9   ce fax a été envoyé ?

 10   R.  Comme précédemment, il a été envoyé dans le contexte suivant : la

 11   situation dans laquelle nous nous trouvions nous emmenait à demander que

 12   l'on essaie de mettre en place une forme de cessez-le-feu pour venir en

 13   aide aux blessés. Probablement que ce matin-là j'avais un peu plus de temps

 14   et que la situation était un peu plus calme pour que je puisse adresser ce

 15   fax, non pas uniquement à la Mission d'observation de la Communauté

 16   européenne, mais également à tous ces autres destinataires. Au ministère;

 17   au président Tudjman; au général Tus, qui était le commandant de l'état-

 18   major de l'armée croate, ainsi qu'au commandement de la JNA.

 19   Q.  Vous dites ici également que vous prodiguez des soins à un soldat

 20   blessé de la JNA, un certain Aleksandar Markovic. Est-ce que vous savez,

 21   pour commencer, si la JNA a jamais reçu cette missive ?

 22   R.  Je l'ignore.

 23   Q.  Et au dernier paragraphe, vous dites, je cite : "De la façon la plus

 24   urgente, nous lançons cet appel au commandement de la JNA, un appel au

 25   cessez-le-feu." Alors, y a-t-il eu le moindre cessez-le-feu au mois

 26   d'octobre ou au début du mois de novembre ?

 27   R.  Seulement le 19 octobre, lorsque est arrivé le convoi de Médecins sans

 28   frontières. Ce jour-là, il n'y a pas eu de tirs.


Page 3606

  1   Q.  Nous y reviendrons dans quelques instants.

  2   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Entre-temps, je voudrais demander,

  3   Messieurs les Juges, le versement de ce document.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

  5   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 514 de la liste 65 ter

  6   reçoit la cote P1438.

  7   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Très bien. Je voudrais présenter encore

  8   quelques fax avant de présenter une requête en relation avec le reste des

  9   documents. Et j'en ai déjà parlé avec mon estimé confrère de la Défense.

 10   Je voudrais demander l'affichage du document 467.11 de la liste 65 ter, qui

 11   figure à l'onglet numéro 5.

 12   Q.  Ceci est daté du 3 novembre. Le reconnaissez-vous comme étant l'un de

 13   vos fax, Madame le Témoin ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Celui-ci ne porte pas de mention du destinataire. Est-ce que vous vous

 16   souvenez peut-être de la personne ou de l'instance à qui il était envoyé ?

 17   R.  Eh bien, c'est comme le précédent, adressé à la Mission d'observation

 18   de la Communauté européenne.

 19   Q.  Vous expliquez que la veille, le 2 novembre, 87 patients ont été amenés

 20   à l'hôpital et que la matinée de ce seul jour, 18 autres sont arrivés, si

 21   bien que le nombre total de blessés, constitué principalement de civils, y

 22   compris de femmes et d'enfants, a augmenté pour atteindre 350 personnes.

 23   Est-ce que ceci reflète de façon exacte la situation telle qu'elle se

 24   présentait à l'époque ?

 25   R.  Oui.

 26   Q.  Merci.

 27   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, je souhaiterais

 28   demander le versement de ce fax aussi.


Page 3607

  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

  2   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 467.11 de la liste 65 ter

  3   reçoit la cote P1439, Messieurs les Juges.

  4   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voudrais maintenant que l'on examine le

  5   document 537 de la liste 65 ter, onglet numéro 27, s'il vous plaît.

  6   Q.  Ceci est daté du 7 novembre. Encore une fois, Madame Bosanac, s'agit-il

  7   bien là d'un des fax que vous avez envoyés ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Sur ce fax-ci, vers le bas de la page, vous demandez que l'on procède à

 10   une vérification de la véracité d'informations contenues dans ce fax. Vous

 11   demandez que des soldats blessés de la JNA apportent une confirmation au

 12   moyen de leur signature. Alors, nous voyons un certain nombre de signatures

 13   à côté des noms qui figurent ici. Est-ce que vous pourriez nous donner le

 14   contexte, s'il vous plaît ?

 15   R.  Ces soldats de la JNA ont demandé s'ils pouvaient faire quelque chose,

 16   s'ils pouvaient discuter avec le général Raseta. Cet homme en particulier

 17   l'a demandé, s'il pouvait avoir la possibilité de donner une description de

 18   la situation, et je lui ai répondu que c'était possible, et que s'ils le

 19   souhaitaient, ils pouvaient apposer leur signature à côté de la mienne, au

 20   bas de mes appels, si bien que je leur ai remis pour qu'ils signent. Et le

 21   jour suivant, lorsque j'ai de nouveau réussi à avoir Raseta au téléphone,

 22   eh bien, ce Sasa lui a parlé. C'était très peu de temps après que cette

 23   bombe s'est abattue directement dans la salle où ils avaient leurs lits, si

 24   bien qu'il a pu le décrire directement à Raseta, ce Sasa.

 25   Q.  Dans vos entretiens avec le général Raseta, est-ce que vous avez noté

 26   la réaction qui était la sienne aux rapports que vous envoyiez ?

 27   R.  J'ai eu l'impression qu'il ne me croyait pas. C'est pour cela que je

 28   leur ai proposé de témoigner de cela. J'étais présente lorsque ce soldat,


Page 3608

  1   ce Sasa, lui a parlé. J'ai compris qu'il l'interrogeait et qu'il lui

  2   demandait s'il y avait là, sur place, des soldats croates. A cette époque,

  3   je croyais que Raseta avait de l'influence et qu'il aurait été en mesure de

  4   faire quelque chose pour qu'on protège notre hôpital. Ce n'est que plus

  5   tard que j'ai compris qu'il n'avait en réalité aucune influence dans les

  6   événements qui se sont produits ensuite.

  7   Q.  Alors, ce fax a été envoyé à la Mission européenne. Est-ce que vous

  8   savez si cette information est également parvenue au général Raseta ?

  9   R.  Je crois que oui. Parce qu'à l'époque, il y avait des négociations

 10   constantes dans le cadre de cette Mission européenne entre le gouvernement

 11   croate et le général Raseta, qui représentait la JNA, ainsi que les

 12   représentants de la Croix-Rouge internationale avec des observateurs de la

 13   Commission européenne, donc.

 14   Q.  Dans une de vos réponses précédentes, il apparaît que vous avez compris

 15   ensuite que le général Raseta n'avait aucune influence sur les événements.

 16   Mais est-ce que le général Raseta vous a dit de vous adresser à quelqu'un

 17   d'autre ? Est-ce qu'il l'a jamais fait, cela ?

 18   R.  Non. Il m'a seulement dit, le 19 novembre, lorsqu'on devait déjà

 19   organiser l'évacuation de l'hôpital, qu'il avait eu une conversation avec

 20   le colonel Mile Mrksic.

 21   Q.  Eh bien, nous y reviendrons.

 22   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voudrais demander le versement de ce

 23   document, Messieurs les Juges.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 25   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document 537 de la liste 65 ter

 26   devient la pièce P1440.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 28   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je voudrais maintenant que nous passions


Page 3609

  1   aux événements dont il est question dans la pièce 583 de la liste 65 ter.

  2   Q.  Alors, pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre de quoi il

  3   s'agit ici ? Avons-nous bien là une de vos lettres, Docteur ?

  4   R.  Oui, mais c'était déjà à la fin, quelques jours avant la chute de

  5   Vukovar, lorsque je ne pouvais plus communiquer cela par fax. Je n'avais

  6   plus que la possibilité de lire ceci au téléphone.

  7   Je ne pouvais plus utiliser les canaux habituels pour l'expédier,

  8   parce que tout avait été détruit. Le poste de police avait brûlé lui aussi,

  9   ils avaient déménagé dans un autre bâtiment, ils n'avaient plus de téléfax.

 10   Q.  A qui avez-vous transmis ce message par téléphone ?

 11   R.  Eh bien, c'est par l'intermédiaire de la radio croate de Vukovar que

 12   j'ai envoyé mes messages par téléphone et également par l'intermédiaire du

 13   ministère de la Santé.

 14   Q.  Au second paragraphe, vous décrivez la situation difficile résultant de

 15   l'arrivée de civils originaires des bâtiments environnants. Pourriez-vous

 16   expliquer aux Juges de la Chambre pourquoi des civils arrivaient à

 17   l'hôpital ?

 18   R.  A cette époque, des négociations aux fins de l'évacuation de Vukovar

 19   étaient en cours. Nous avions reçu des informations selon lesquelles on

 20   allait organiser l'évacuation de tous les civils de l'hôpital, les civils

 21   des bâtiments, et les civils qui se trouvaient dans tous les bâtiments

 22   environnants ont commencé à arriver dans la cour de l'hôpital. A ce moment-

 23   là, la JNA a de facto divisé la ville en trois parties du fait de sa

 24   progression ou de son avancée. On ne pouvait plus gagner Borovo Naselje ni

 25   Mitnica. Ils ont occupé des positions situées sur la rive droite de la

 26   rivière Vuka, et c'est pourquoi les civils ont commencé à arriver à

 27   l'hôpital en provenance du centre-ville afin de se trouver plus près du

 28   point d'évacuation.


Page 3610

  1   Q.  Ici, en bas de cette page, vous expliquez qu'à ce moment-là vous

  2   prodiguiez des soins à 480 blessés dans un espace de 200 mètres carrés.

  3   Dans le paragraphe précédent, vous évoquez l'arrivée des civils en

  4   provenance des secteurs environnants, du voisinage, est-ce que vous

  5   pourriez dire en fait aux Juges de la Chambre combien de personnes à peu

  6   près se trouvaient à l'hôpital à la mi-novembre, et s'il vous plaît, et

  7   puis également les blessés, tout comme les civils et, d'autre part, le

  8   personnel de l'hôpital ?

  9   R.  Cela représentait certainement environ 3 000 personnes. Trois mille au

 10   moins, je dirais.

 11   Q.  Merci.

 12   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement de

 13   ce document, Messieurs les Juges.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Soit.

 15   Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document numéro 583 de la liste 65

 16   ter reçoit la cote P1441.

 17   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Messieurs les Juges, comme je l'ai indiqué

 18   précédemment, il y a toute une série d'autres téléfax qui figurent dans le

 19   livre du Dr Bosanac. A ce stade, je souhaiterais pouvoir en demander le

 20   versement. Cependant, il y en a un assez grand nombre. Est-ce que je peux

 21   lire les numéros d'onglets, ou plutôt, les numéros des pièces dans la liste

 22   65 ter.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Quelle est la position de la Défense

 24   ?

 25   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui.

 26   M. GOSNELL : [interprétation] Nous n'élevons pas d'objection quant au fait

 27   que certaines des descriptions qui figurent dans la liste 65 ter ne sont

 28   pas suffisamment précises. En tout cas, nous n'élevons pas d'objection au


Page 3611

  1   versement de ces différents documents.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien.

  3   Alors, Monsieur Demirdjian, quelle est votre question 

  4   suivante ?

  5   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] J'ai un problème avec mes écouteurs. Peut-

  6   être que je pourrais donner lecture des numéros d'onglets ou, si vous

  7   préférez, des numéros dans la liste 65 ter.

  8   Alors, on me suggère très utilement de procéder à ceci à la fin de la

  9   journée d'audience lorsque notre témoin aura quitté la salle d'audience.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que cela est praticable pour

 11   vous, Madame la Greffière ? Très bien.

 12   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Dans ce cas-là, je réserverai les cinq

 13   dernières minutes.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien.

 15   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

 16   M. GOSNELL : [interprétation] Je voudrais peut-être faire moi aussi une

 17   proposition pour gagner du temps. Pourrions-nous peut-être remettre au

 18   témoin le classeur des documents dont on demande le versement, demander au

 19   témoin de les examiner et ensuite revenir dans le prétoire demain après

 20   qu'elle aura examiné tous ces documents pour lui demander de confirmer

 21   qu'ils reflètent bien les conversations téléphoniques ou les fax qu'elle a

 22   envoyés. Je crois que ceci serait satisfaisant de notre point de vue.

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je ne souhaiterais pas placer ce fardeau

 24   sur les épaules de Mme Bosanac. Tous ces fax figurent dans son ouvrage et

 25   également de façon séparée dans notre liste 65 ter. Je comprends le sens de

 26   la proposition de mon confrère, mais je m'en remets aux Juges.

 27   M. GOSNELL : [interprétation] Eh bien, je ne crois pas que ceci soit un

 28   fardeau si lourd que cela.


Page 3612

  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Il s'agit de combien, 38 documents ?

  2   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Laissez-moi vérifier. Dix-neuf documents.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc 19 documents que vous ne

  4   présentez pas pour le moment. Et il s'agit de documents d'une seule page à

  5   chaque fois. Donc on peut imaginer que cela ne constituerait pas un fardeau

  6   démesuré que de demander au témoin de les examiner et de revenir vers nous

  7   demain matin une fois que ce sera fait.

  8   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui. Ce sont des fax qu'elle a envoyés.

  9   Très bien. Je prendrai mes dispositions.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Très bien. Merci.

 11   M. GOSNELL : [interprétation] Juste un commentaire. On persiste à s'y

 12   référer en disant qu'il s'agit de fax. Mais tous ces documents ne sont pas

 13   nécessairement des téléfax, juste pour être tout à fait clair au compte

 14   rendu d'audience.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui. J'ai parlé de documents, pour

 16   être sûr.

 17   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Merci.

 18   Q.  Madame Bosanac, s'agissant de ces messages envoyés de Vukovar, vous

 19   n'étiez pas la seule personne qui envoyait des téléfax ou des messages;

 20   exact ?

 21   R.  C'est exact. Il y a eu les journalistes de la radio croate de Vukovar

 22   qui, eux, ont envoyé également des messages. Puis, Marin Vidic, le

 23   commissaire du gouvernement croate chargé de Vukovar. Il y a eu des

 24   communiqués envoyés par les agents du poste de police de Vukovar, ils

 25   envoyaient cela à leurs homologues compétents, et ainsi que la Croix-Rouge

 26   croate qui a dressé sans arrêt des listes de noms de blessés et de morts et

 27   envoyé cela à la Croix-Rouge de Zagreb.

 28   Q.  Vous avez dit que les agents du commissariat de police ont également


Page 3613

  1   envoyé des messages à leurs homologues. Qu'est-ce qui vous permet de dire

  2   cela ?

  3   R.  Je le sais parce que c'est depuis chez eux que j'envoyais mes fax, ce

  4   qui m'a permis de voir qu'ils avaient également de leur côté leurs

  5   communiqués et qu'ils envoyaient cela soit à Zagreb, soit à d'autres postes

  6   de police. Et puis, tous les jours ils venaient recueillir nos chiffres,

  7   nos informations sur les blessés et les morts, et ils tenaient compte de

  8   cela dans leurs messages.

  9   Q.  Je vous remercie. Je voudrais vous montrer un document -- je suppose

 10   que c'est un fax. Le document 65 ter 87.1. Il vient du poste de police. La

 11   version anglaise --

 12   [Le conseil de l'Accusation et le commis à l'affaire se concertent]

 13   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Nous l'avons chargée dans le système,

 14   00087.1. Je peux passer à autre chose. Je reviendrai à cela demain matin.

 15   Q.  Madame, vous avez mentionné une évacuation à la mi-octobre. C'était le

 16   19 octobre que cela a eu lieu ?

 17   R.  Oui. On s'apprêtait à organiser cela le 11 octobre. C'est

 18   l'organisation humanitaire Médecins sans frontières qui avait promis

 19   d'apporter des médicaments et du matériel sanitaire, et ils ont promis de

 20   se rendre deux fois par semaine à l'hôpital pour procéder à l'évacuation

 21   des blessés. Ils ont tenté de faire cela une première fois le 11 octobre.

 22   Cependant, ils ont été retenus à la caserne de la JNA de Vukovar. Et c'est

 23   là qu'ils ont passé toute la nuit à attendre. Ils ont laissé tous les

 24   médicaments et l'équipement sanitaire qu'ils avaient sur eux, ils ont tout

 25   laissé à la caserne, et ils n'ont pas atteint l'hôpital. Et c'est huit

 26   jours plus tard qu'ils ont tenté de nouveau de venir, le 19 octobre. Donc

 27   ils sont arrivés avec des camions complètement vides, sans médicaments,

 28   sans matériel sanitaire, mais nous sommes parvenus à évacuer 108 blessés en


Page 3614

  1   passant par eux.

  2   De nombreux civils sont venus à l'hôpital à ce moment-là parce qu'ils

  3   espéraient pouvoir quitter la ville. Seulement, les règles étaient

  4   rigoureuses : seuls les blessés ont pu être évacués.

  5   Q.  Madame, je vous remercie. A partir du moment où les blessés ont été

  6   pris à l'hôpital, quelle était la destination de ce convoi ?

  7   R.  Un itinéraire avait été convenu en passant par Luzac, Bogdanovci

  8   [phon], Marin jusqu'à Nustar, et puis continuer vers le territoire libre en

  9   Croatie. Seulement, c'est un autre itinéraire qui a été imposé à ce convoi

 10   et qui s'est rendu à Djakovo, et il a voyagé de 13 heures jusqu'à minuit

 11   pour atteindre Djakovo. Ensuite, nous avons réussi à nous informer en

 12   passant par des lignes téléphoniques à ce moment-là que le convoi était

 13   tombé sur des mines. Deux infirmières de cette organisation humanitaire

 14   internationale ont été blessées, ils ont présenté leurs excuses et ils ont

 15   déclaré qu'ils ne pouvaient plus, malheureusement, revenir vers nous, et

 16   ils ne sont plus revenus. Ils ont dit que c'était trop dangereux.

 17   Q.  Lorsque ce convoi a quitté l'hôpital, est-ce qu'une institution a

 18   fourni une escorte ?

 19   R.  Ce n'est que plus tard que j'allais apprendre qu'en fait, on était

 20   convenus d'une escorte, à savoir que des membres de la JNA et des membres

 21   de l'armée croate allaient escorter ce convoi. Je n'ai vu que ces

 22   chauffeurs de camions. D'ailleurs, ce n'était pas la première fois qu'ils

 23   sont venus à l'hôpital, ils étaient déjà venus auparavant avec d'autres

 24   convois humanitaires. Mais je dois dire que je n'ai pas vu d'officiers

 25   militaires. Branko Borkovic, le commandant de la défense, les a peut-être

 26   rencontrés. Mais à l'hôpital, je n'en ai vu aucun.

 27   Q.  Et quelle est l'incidence de cet événement sur l'assistance fournie par

 28   Médecins sans frontières par la suite ?


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  1   R.  Je ne sais pas quelle a été l'incidence que cela a eu sur leurs actions

  2   futures. Je peux vous dire seulement que nous avons été très déçus parce

  3   que nous n'avons reçu aucun approvisionnement en médicaments ni en matériel

  4   sanitaire et ils n'ont pas pu évacuer l'ensemble des blessés. Ils n'ont

  5   emmené qu'une partie des blessés. A partir du moment où le convoi est

  6   parti, les attaques sur l'hôpital et sur la ville se sont intensifiées et

  7   la situation a été encore plus difficile.

  8   Q.  Avez-vous envoyé une lettre à Médecins sans frontières après cet

  9   événement ?

 10   R.  Oui. Malgré cela, j'ai regretté que ces infirmières aient été blessées.

 11   Ils ont appelé en disant qu'ils ne pouvaient plus revenir, et donc j'ai

 12   adressé une lettre en disant que je regrettais les problèmes qu'ils avaient

 13   rencontrés, que je les remerciais de leur assistance, et je leur ai demandé

 14   de voir s'ils ne pouvaient pas nous aider par un moyen quelconque.

 15   Q.  Vous avez mentionné le nom de Marin Vidic. Est-ce que vous pourriez

 16   parler du rôle qu'il a joué à Vukovar ?

 17   R.  Marin Vidic, il a été commissaire chargé par le gouvernement croate de

 18   s'occuper de la ville de Vukovar. Il faut savoir qu'à l'époque, pendant la

 19   guerre, une cellule de Crise a été constituée, une cellule de Crise pour

 20   s'occuper de la défense de la ville et pour mettre sur pied des instances

 21   de pouvoir civiles, et à la tête de cet organe était Marin Vidic. Il a été,

 22   de fait, le maire en temps de guerre de la ville de Vukovar.

 23   Q.  Est-ce qu'il a déployé des efforts pour réagir face à la situation qui

 24   prévalait dans la ville, et s'il a fait des efforts, qu'est-ce qu'il a fait

 25   ?

 26    R.  Il a organisé la cellule de Crise au niveau de la ville, et au nom du

 27   centre médical de Vukovar, nous avions le Dr Matus Ivica, qui est devenu

 28   membre de cette cellule de Crise. Et dans la mesure du possible, ils ont


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  1   organisé la protection des édifices culturels, des objets d'art. Ils ont

  2   organisé la protection civile, l'ensevelissement des victimes, mais tout

  3   ça, c'était au mois de septembre. Il faut savoir que les destructions ont

  4   pris de plus en plus d'ampleur et, a fortiori, ils ont pu moins en faire.

  5   Donc à partir de la fin du mois d'octobre jusqu'à la mi-novembre, jusqu'à

  6   la chute de Vukovar, la ville a été quasiment entièrement détruite. La

  7   caserne des pompiers a été entièrement détruite ainsi que tout le système

  8   de protection anti-incendie, donc il a été très, très difficile d'organiser

  9   quoi que ce soit.

 10   Q.  Vers la fin du conflit, Marin Vidic a-t-il essayé de rencontrer les

 11   représentants de la partie serbe ?

 12   M. GOSNELL : [interprétation] Cette question est directrice. Objection.

 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Demirdjian.

 14   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Je ne vois pas comment poser cette

 15   question autrement. Et d'ailleurs, je ne vois pas comment je suis en train

 16   d'orienter le témoin.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'objection est rejetée. Continuez,

 18   s'il vous plaît.

 19   LE TÉMOIN : [interprétation] Marin Vidic a tenté par tous les moyens

 20   d'obtenir que l'on cesse de pilonner et de détruire la ville. De temps à

 21   autre, il est venu me voir à l'hôpital, il est venu voir les blessés. Et

 22   deux jours avant l'évacuation, il est venu de l'endroit où était située

 23   leur cellule de Crise, il est venu à l'hôpital et il m'a dit qu'il devait

 24   prendre des mesures, qu'il devait établir des contacts pour organiser

 25   l'évacuation. Et à ce moment-là, il m'a dit qu'il devait se mettre en

 26   contact avec Goran Hadzic, qu'il devait négocier cela avec lui.

 27   Et cela m'a surprise. Cela ne relevait pas de mes attributions à moi, mais

 28   ça m'a étonnée de l'entendre dire qu'il fallait qu'il se mette d'accord


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  1   avec Goran Hadzic et qu'il lui remette les clés de la ville. Mais je ne

  2   l'ai pas interrogé là-dessus. Je n'ai pas examiné ça plus en détail.

  3   Mais j'ai une remarque. Est-ce que je peux vous dire quelque chose,

  4   Monsieur le Procureur ? Au moment où vous m'avez posé votre question, vous

  5   avez dit à la fin ou vers la fin du conflit. Mais ce n'était pas un

  6   conflit. C'était une destruction totale imposée par l'armée yougoslave et

  7   par ses forces paramilitaires. Un anéantissement de nous tous à Vukovar.

  8   Excusez-moi, mais j'ai eu le sentiment qu'il fallait que je vous le dise.

  9   Alors, Marin Vidic a dit qu'il essayait de trouver un moyen de se mettre en

 10   contact avec Goran Hadzic. Quant à savoir s'il y est parvenu ou non, je ne

 11   sais pas.

 12   Q.  Vous ne savez pas s'il a réussi à rencontrer Goran Hadzic ?

 13   R.  Je ne le sais pas. Je sais qu'il s'est retrouvé avec moi en prison,

 14   d'abord placé en détention à la caserne et ensuite à la prison de Sremska

 15   Mitrovica.

 16   Q.  Je vous remercie.

 17   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

 18   Juges, le moment se prête bien à ce que l'on s'en tienne à cela pour

 19   aujourd'hui.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Un détail. Le témoin vous a-t-elle

 21   dit "non" à votre question, et puis a-t-elle dit par la suite "je sais qu'à

 22   la fin," et cetera ?

 23   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Oui, tout à fait.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc ce serait bien que la réponse

 25   par la négative soit consignée au compte rendu d'audience.

 26   Madame Bosanac, c'est la fin de l'audience pour aujourd'hui. Nous

 27   continuerons demain matin à partir de 9 heures. Vous êtes toujours tenue de

 28   respecter la déclaration solennelle que vous avez prononcée. Autrement dit,


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  1   vous ne pouvez parler avec personne de votre témoignage. Vous n'avez pas le

  2   droit d'entrer en contact avec les parties au procès. M'avez-vous compris ?

  3   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. M. l'Huissier vous

  5   raccompagnera.

  6   [Le témoin quitte la barre]

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, Monsieur Demirdjian.

  8   M. DEMIRDJIAN : [interprétation] Un point technique. Nous allons fournir au

  9   Greffier le jeu de documents qui compte 19 documents que j'ai l'intention

 10   de verser au dossier sans les montrer à Mme Bosanac. Est-ce que cela peut

 11   être communiqué à l'Unité chargée des Victimes et des Témoins ?

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, tout à fait.

 13   L'audience est levée.

 14   --- L'audience est levée à 18 heures 59 et reprendra le mardi, 9 avril

 15   2013, à 9 heures 00.

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