Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 12 avril 2013

  2   [Audience publique]

  3   [L'accusé est introduit dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 03.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour à toutes les personnes

  6   présentes dans le prétoire et à l'extérieur du prétoire.

  7   Monsieur le Greffier d'audience, veuillez citer l'affaire.

  8   M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges. Il s'agit

  9   de l'affaire IT-04-75-T, le Procureur contre Goran Hadzic.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 11   Je souhaiterais que les parties se présentent, en commençant par

 12   l'Accusation.

 13   M. STRINGER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

 14   les Juges. Douglas Stringer, accompagné de Lisa Biersay, Thomas Laugel et

 15   notre commis aux affaires.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 17   Maître Zivanovic.

 18   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Bonjour. Me Zoran Zivanovic, Me Christopher

 19   Gosnell et notre assistante juridique dans l'affaire Goran Hadzic.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 21   Et je souhaiterais que l'on fasse entrer le témoin.

 22   [Le témoin vient à la barre]

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bonjour, Docteur Malla.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour, Messieurs les Juges.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous rappelle que vous êtes

 26   toujours tenu de respecter la déclaration solennelle.

 27   LE TÉMOIN : HICHAM MALLA [Reprise]

 28   [Le témoin répond par l'interprète]

 


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  1   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je demanderais à Mme Biersay de

  2   reprendre son interrogatoire.

  3   Mme BIERSAY : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président.

  4   Pardonnez-moi.

  5   Interrogatoire principal par Mme Biersay : [Suite]

  6   Q.  [interprétation] Bonjour, Docteur Malla.

  7   R.  Bonjour.

  8   Q.  Est-ce que vous êtes bien installé ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Je souhaiterais que nous reprenions le fil de votre déposition, et

 11   j'aimerais vous demander à quels fournitures médicales et médicaments vous

 12   aviez accès lorsque vous vous êtes trouvé dans le camp de détention de

 13   Stajicevo ?

 14   R.  J'avais ma trousse médicale, et mes deux assistants médicaux avaient

 15   également deux sacs de médicaments que j'avais choisis alors que je me

 16   trouvais dans l'abri à l'usine de Borovo. Lorsqu'on nous avait dit qu'ils

 17   allaient nous laisser aller à Vinkovci, c'étaient les médicaments que j'ai

 18   pris, et d'ailleurs, ces médicaments étaient les seuls médicaments dont

 19   nous disposions dans le camp.

 20   Q.  A propos de Vinkovci, justement, vous nous avez dit que vous aviez été

 21   informés que vous alliez aller à Vinkovci. Mais quand est-ce qu'on vous a

 22   dit cela ?

 23   R.  La nuit qui a précédé la reddition. Nous avions été informés du fait

 24   qu'il avait été convenu que les enfants, les femmes, les personnes blessées

 25   et gravement malades seraient autorisés à aller à Vinkovci alors que les

 26   autres resteraient en détention.

 27   Q.  Et lorsque vous vous trouviez dans le camp de Stajicevo, est-ce que

 28   vous avez demandé des fournitures médicales supplémentaires aux commandants


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  1   du camp ?

  2   R.  Tous les jours -- ou, plutôt, chaque matin, le lieutenant-colonel

  3   Zivanovic me demandait si j'avais besoin de quoi que ce soit, ce à quoi je

  4   répondais par l'affirmative. Et je lui faisais une liste, liste que je lui

  5   remettais. Et j'attendais deux jours, trois jours. Tous les matins il me

  6   posait la même question, tous les matins je lui donnais cette liste. Le

  7   troisième jour, je lui ai demandé quand est-ce que les médicaments allaient

  8   venir, et il m'a répondu que cela n'était pas très facile parce qu'il avait

  9   remis la liste à la Croix-Rouge serbe et que la Croix-Rouge serbe avait, à

 10   son tour, remis la liste à la Croix-Rouge internationale et qu'il fallait

 11   attendre que les médicaments soient fournis dans le cadre d'un don, en

 12   fait. Et la chaîne était la même dans l'autre sens. La Croix-Rouge

 13   internationale remettrait cela à la Croix-Rouge serbe, et ensuite la Croix-

 14   Rouge serbe remettait cela au camp. La procédure a été toujours la même

 15   dans le camp de détention. Tous les jours il me posait la même question,

 16   tous les jours ma réponse était la même, mais cela n'a jamais abouti.

 17   Q.  Lorsque vous dites que tous les jours votre réponse était la même, est-

 18   ce que vous entendez que vous receviez toujours la même réponse ?

 19   R.  Non. Non, non. La réponse c'était qu'on allait lui donner des

 20   médicaments lorsque la Croix-Rouge internationale allait remettre à la

 21   Croix-Rouge serbe lesdits médicaments, et nous n'avons jamais rien reçu.

 22   Cela n'a jamais abouti.

 23   Q.  Qui était Ivan Kunac ?

 24   R.  C'était un détenu. Malheureusement, il est mort dans le camp. Il est

 25   mort des suites de son interrogatoire. Il a été roué de coups jusqu'à en

 26   perdre connaissance. Le soir, ils l'ont ramené au camp après cet

 27   interrogatoire, et le lendemain matin ils nous ont dit que son état s'était

 28   gravement empiré. Ensuite, Dr Nadas est allé l'examiner, ensuite il a


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  1   appelé le Dr Emedi, qui était spécialiste. Il était absolument ensanglanté.

  2   Ils ont demandé au lieutenant-colonel de l'envoyer dans un hôpital, ce à

  3   quoi le lieutenant-colonel a répondu qu'un médecin viendrait l'examiner.

  4   Puis, cet après-midi-là, une femme médecin est arrivée, elle s'est

  5   présentée comme étant médecin. Elle l'a examiné et a dit qu'il n'avait pas

  6   besoin d'être soigné dans un hôpital parce qu'il allait reprendre des

  7   forces et qu'il allait s'en remettre. Elle a dit qu'elle allait revenir le

  8   lendemain pour l'examiner à nouveau. Il est mort pendant la nuit.

  9   Et donc, le lendemain elle est revenue. Elle a vu qu'il était mort,

 10   et tout ce qu'elle a dit, c'était : Alors, je suis assez surprise, je ne

 11   pensais pas qu'il était dans un si mauvais état.

 12   Q.  Vous avez mentionné le fait qu'il avait été interrogé et qu'ensuite

 13   cela se passait le soir; c'est cela ?

 14   R.  Oui, oui. Mais nous ne savions pas, en fait, dans quel état il était.

 15   Ils l'ont juste laissé là. Les autres détenus étaient endormis.

 16   L'INTERPRÈTE : Correction des interprètes : La femme qui est venue

 17   l'examiner était un "médecin militaire".

 18   Mme BIERSAY : [interprétation]

 19   Q.  Docteur Malla, à quelles heures de la journée est-ce que vous voyiez

 20   les prisonniers qui avaient été blessés lors des interrogatoires ?

 21   R.  Essentiellement le soir, après les interrogatoires. Ils revenaient, ils

 22   venaient me trouver, ils me demandaient de leur prodiguer des soins, et je

 23   les aidais du mieux que je le pouvais.

 24   Q.  Est-ce que les prisonniers blessés pouvaient venir vous trouver

 25   librement et vous demander une aide médicale ou un traitement médical ?

 26   R.  Non. Non. Un garde venait nous chercher et nous accompagnait auprès de

 27   la personne blessée, ou alors, et c'était une autre option, les personnes

 28   blessées nous étaient emmenées. Mais nous n'avions pas le droit de nous


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  1   déplacer librement dans le camp.

  2   Mme BIERSAY : [interprétation] Onglet 36 maintenant, qui correspond au

  3   document de la liste 65 ter 2410.2. Et j'aimerais, dans la mesure du

  4   possible, donner le document papier au témoin parce que vous verrez que

  5   cela est en couleur en partie, c'est un document qui est en couleur, et il

  6   va falloir attendre un certain temps avant qu'il ne soit affiché.

  7   Alors, première page de ce document, je vous prie.

  8   Q.  Docteur Malla, j'attire votre attention sur le document que vous avez

  9   maintenant. Est-ce que vous reconnaissez ce document, dans un premier temps

 10   ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Et que reconnaissez-vous ?

 13   R.  Les noms des personnes qui étaient détenues à Stajicevo.

 14   Q.  Est-ce que vous avez examiné ce document de 23 pages et surligné les

 15   noms des personnes pour lesquelles vous saviez qu'elles se trouvaient à

 16   Stajicevo ?

 17   R.  Oui, oui. Et d'ailleurs, vous pouvez voir ma signature.

 18   Q.  Et vous avez signé toutes les pages de ce document ?

 19   R.  Oui, j'ai signé toutes les pages, et j'ai mis la date également.

 20   Mme BIERSAY : [interprétation] Nous aimerions demander le versement au

 21   dossier du document de la liste 65 ter 2410.2.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ce document sera versé au dossier.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce P1516, Monsieur le

 24   Président.

 25   Mme BIERSAY : [interprétation]

 26   Q.  A propos des noms que vous avez surlignés, Docteur Malla, est-ce que

 27   vous savez si ces personnes sont des Serbes ou des non-Serbes, je pense aux

 28   noms que vous avez surlignés ?


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  1   R.  Alors, parmi ces noms, il y a des personnes d'appartenance ethnique

  2   serbe et d'autres non.

  3   Q.  Est-ce que vous vous souvenez du nombre approximatif de noms serbes que

  4   vous avez surlignés ?

  5   R.  Peut-être trois ou quatre, environ.

  6   Q.  Et les autres noms sont des noms de personnes non serbes ?

  7   R.  Oui. Des Musulmans, des Croates, des Hongrois, des Ruthènes.

  8   Q.  J'aimerais attirer votre attention sur la page 9 et sur le nom --

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay, avant d'entrer dans

 10   les détails, est-ce que vous pourriez demander au témoin, je vous prie, le

 11   nombre total de noms surlignés pour que nous puissions nous faire une idée

 12   de la proportion entre les Serbes et les non-Serbes.

 13   Mme BIERSAY : [interprétation]

 14   Q.  Docteur Malla, est-ce que vous vous souvenez du nombre total de noms

 15   que vous avez surlignés, ou est-ce que vous devez avoir un certain temps

 16   pour compter ces noms ?

 17   R.  Non, je n'ai pas compté ces noms au départ, donc si vous voulez que je

 18   les compte, je peux le faire maintenant, c'est la seule façon de procéder.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous donner

 20   un chiffre approximatif, Docteur Malla ? Parce que nous, nous n'avons pas

 21   tout le document. Nous n'avons qu'une page de ce document pour le moment.

 22   Donc, est-ce qu'il y a dix noms surlignés environ ou une centaine de noms

 23   surlignés ? Bon, c'est un document de 23 pages.

 24   Mme BIERSAY : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président.

 25   Q.  Prenez la première page, Docteur Malla.

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et regardez les noms. Est-ce que vous convenez qu'il y a cinq noms

 28   surlignés sur la première page ?


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  1   R.  Oui.

  2   Q.  Page suivante ?

  3   R.  Il y a six noms.

  4   Q.  Page suivante ?

  5   R.  Cinq.

  6   Q.  Page suivante ?

  7   R.  Quatre.

  8   Q.  Qu'en est-il de la page 5 ?

  9   R.  Trois.

 10   Q.  Qu'en est-il de la page 6 ?

 11   R.  Cinq.

 12   Q.  Et la page 7 ?

 13   R.  Trois.

 14   Q.  Page 8 ?

 15   R.  Aucun nom n'est surligné.

 16   Q.  Page 9 ?

 17   R.  Quatre.

 18   Q.  Et toujours à propos de la page 9, justement, le premier nom, le nom de

 19   Jeftic, quelle est l'appartenance ethnique de cette personne ?

 20   R.  Serbe.

 21   Q.  Page 10 ?

 22   R.  Trois.

 23   Q.  Page 11 ?

 24   R.  Cinq.

 25   Q.  Et toujours à propos de la page 11, j'aimerais attirer votre attention

 26   sur cette page. Est-ce que vous reconnaissez sur cette page le nom d'une

 27   personne serbe ?

 28   R.  Oui.


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  1   Q.  Et quel est ce nom ?

  2   R.  Dr Nenad Kuljic.

  3   Q.  Page 12 ?

  4   R.  Sept.

  5   Q.  Est-ce que votre nom figure sur cette page ?

  6   R.  Malheureusement, oui.

  7   Q.  Page 13 ?

  8   R.  Sept.

  9   Q.  Page 14 ?

 10   R.  Trois.

 11   Q.  Page 15 ?

 12   R.  Quatre.

 13   Q.  Et avant de passer à la page suivante, il y a un nom, Nadas.

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Vous avez mentionné à plusieurs reprises le nom de Nadas. Est-ce qu'il

 16   s'agit de la même personne ?

 17   R.  Oui, il s'agit du Dr Radislav Nadas, qui était Juif.

 18   Q.  Page 16 ?

 19   R.  Un.

 20   Q.  Page 17 ?

 21   R.  Trois.

 22   Q.  Page 18 ?

 23   R.  Quatre.

 24   Q.  Page 19 ?

 25   R.  Cinq.

 26   Q.  Page 20 ?

 27   R.  Quatre.

 28   Q.  Page 21 ?


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  1   R.  Quatre.

  2   Q.  Sur cette page, le numéro 21, il y a un nom, Turkalj.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Est-ce que cette personne a été blessée dans le camp ?

  5   R.  Oui. On lui a tiré dessus. Et nous n'avons pas pu lui prodiguer de

  6   soins. Nous n'avons pas pu soigner ses blessures, donc il a été transporté

  7   à l'hôpital. Trois jours après, nous avons demandé de ses nouvelles, et il

  8   nous a été dit que malheureusement il était décédé. Lorsque j'ai quitté le

  9   camp lors du deuxième échange de détenus, un détenu de Mitrovica m'a dit :

 10   Mais cette personne est en vie. Elle est encore dans le camp. Et en ce qui

 11   nous concerne, nous qui étions à Stajicevo, ils nous ont menti en nous

 12   disant qu'il était mort.

 13   Q.  Page 22, Docteur Malla ?

 14   R.  Quatre.

 15   Q.  Et finalement, à la page 23 ?

 16   R.  Un.

 17   Q.  Je vous remercie.

 18   Docteur Malla, quand est-ce que la Croix-Rouge internationale est venue

 19   dans le camp de Stajicevo ?

 20   R.  Le 2 décembre.

 21   Q.  Et depuis combien de temps étiez-vous dans le camp à ce moment-là ?

 22   R.  Cela faisait 12 jours.

 23   Q.  Et la veille de l'arrivée de la Croix-Rouge dans le camp, avez-vous

 24   remarqué des changements, des modifications pour ce qui est des conditions

 25   de détention dans le camp ?

 26   R.  Trois jours plus tôt, vers le 7 décembre, c'est la première fois qu'un

 27   robinet d'eau a été installé dans le camp. Et le dixième ou le onzième jour

 28   que quelque chose s'était passé à l'extérieur de la grange ou de l'étable à


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  1   cochon, et nous avons appris qu'ils avaient érigé une barrière pour

  2   installer des toilettes de fortune.

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay --

  4   Mme BIERSAY : [interprétation] Oui. Il s'agit de la date, n'est-ce pas ?

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

  6   Mme BIERSAY : [interprétation] Oui, oui.

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Parce que nous avons d'abord trois

  8   jours plus tôt, puis ensuite on dit le dixième ou le onzième jour.

  9   Mme BIERSAY : [interprétation]

 10   Q.  Vous nous avez dit que la Croix-Rouge internationale est venue le 2

 11   décembre. Or, dans la traduction, nous avons entendu qu'il était dit que

 12   trois jours avant, à savoir le 7 décembre, il y a eu quelques modifications

 13   qui ont eu lieu.

 14   R.  Oui, oui. Oui, oui. Nous avons eu de l'eau. Rien d'autre. Puis ensuite,

 15   soit le 10 ou le 11, je dois vous dire qu'on voyait qu'il y avait des

 16   travaux en cours. Nous, nous ne savions pas ce qui se passait. Nous

 17   n'avions même pas le droit de jeter un œil sur ce qui se passait. Et par la

 18   suite, nous avons appris qu'ils avaient construit une barrière et qu'ils

 19   avaient installé des toilettes de fortune.

 20   Q.  Excusez-moi, Docteur Malla -- excusez-moi de vous interrompre, mais

 21   j'essaie toujours de déterminer les dates de ces événements. Vous nous avez

 22   dit que la Croix-Rouge était arrivée le 2 décembre.

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Donc le 2 décembre. Et vous nous avez dit que les travaux ont commencé

 25   quelques jours plus tôt. Or, vous nous donnez des dates qui ne précèdent

 26   pas le 2 décembre. Les dates du 10 et du 11, c'est après le 2 décembre.

 27   R.  Non, non, non. Je vous disais que cela s'est passé le dixième ou le

 28   onzième jour de notre détention dans le camp. C'est comme ça que je compte


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  1   les jours. Le septième jour après notre arrivée dans le camp, sur notre

  2   demande, à savoir nous, les médecins qui travaillaient là-bas, qui

  3   pansaient les blessures, qui donnaient les médicaments, cela faisait sept

  4   jours, une semaine, que nous ne nous étions pas lavé les mains, alors que

  5   c'est nous qui nous occupions des blessés. Il n'y avait pas d'eau. Il y

  6   avait juste suffisamment d'eau pour avoir un verre d'eau, mais il n'y avait

  7   pas d'eau pour se laver. Donc nous avons demandé cela, et le lieutenant-

  8   colonel a installé un robinet le septième jour de notre séjour dans ce

  9   camp. C'est la première fois que j'ai pu me laver les mains. Le 30

 10   novembre, des travaux avaient commencé à l'extérieur. Nous l'avons entendu,

 11   et c'est tout ce que nous avons entendu. Puis, à un moment donné, quelqu'un

 12   a ouvert la porte et nous a dit que la Croix-Rouge arrivait et qu'ils nous

 13   autorisaient à sortir. C'est la première fois que nous avons été autorisés

 14   à sortir. C'est la première fois que nous avons vu ces toilettes, c'est la

 15   première fois que nous avons pu nous dégourdir les jambes, marcher un peu,

 16   et c'est la première fois que nous avons pu avoir un repas chaud. La

 17   première fois depuis que nous étions arrivés dans le camp.

 18   Et tous ces changements avaient été faits pour la Croix-Rouge. S'ils

 19   n'étaient pas arrivés, il se peut que nous ayons dû continuer à faire nos

 20   besoins près du mur et peut-être que nous aurions continué à avoir ces

 21   rations de nourriture froide pendant un certain nombre de jours.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur Malla - c'est juste une

 23   demande de précision de ma part - est-ce que vous pourriez vous concentrer

 24   sur les dates et sur les jours, sans pour autant indiquer exactement ce qui

 25   s'est passé. Parce que pour le moment, vos propos sont consignés comme suit

 26   : le 2 décembre, la Croix-Rouge est arrivée. Trois jours avant l'arrivée de

 27   la Croix-Rouge - donc trois jours avant le 2 décembre - et ensuite, et

 28   c'est pour cela que je vous demande de préciser la situation, nous avons


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  1   ensuite vers le 7 décembre. Et je comprends maintenant que ce que vous

  2   voulez dire, c'est environ le septième jour de notre détention. C'est à ce

  3   moment-là que vous avez eu un robinet d'eau qui a été installé ?

  4   Donc nous avons le 2 décembre, et trois jours avant, trois jours avant le 2

  5   décembre, cela correspond à votre septième jour dans le camp; c'est cela ?

  6   M. LE JUGE KWON : [interprétation] Non, ce n'est pas exact. J'ai passé 12

  7   jours dans le camp. Le septième jour de ma détention, nous avons obtenu de

  8   l'eau, et le neuvième jour de ma détention, les travaux ont commencé à

  9   l'extérieur, le neuvième ou le dixième ou le onzième jour. Et c'est là

 10   qu'ils sont arrivés. Donc le neuvième ou le dixième ou le onzième jour,

 11   nous avons juste entendu qu'il y avait des choses qui se passaient à

 12   l'extérieur, et nous ne savions pas à quoi cela correspondait jusqu'au

 13   moment où nous avons eu le droit de sortir, et c'est à ce moment-là que

 14   nous nous sommes rendus compte qu'une barrière avait été construite, une

 15   clôture, et que des toilettes de fortune avaient été installées, et nous

 16   avons compris l'origine du bruit, en fait.

 17   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je pense que maintenant, c'est clair,

 18   Docteur Malla.

 19   Je vous en prie, poursuivez.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous en prie.

 21   Mme BIERSAY : [interprétation]

 22   Q.  Vous venez de nous décrire la façon dont des latrines ont été

 23   installées quelques jours avant l'arrivée de la Croix-Rouge. Mais y a-t-il

 24   jamais eu un moment avant l'arrivée de la Croix-Rouge auquel un prisonnier 

 25   se soit jamais plaint de devoir se soulager, de devoir faire ses besoins à

 26   l'intérieur de la porcherie ?

 27   R.  C'est quelque chose que nous souhaitions pouvoir faire dès le premier

 28   jour, moi aussi, de ne plus être obligés de faire nos besoins là où nous


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  1   passions notre temps assis, où nous dormions et où nous mangions. Et c'est

  2   une grande chose qu'en l'espace de ces dix ou 11 jours passés dans cette

  3   situation, il n'y ait pas eu d'épidémie qui se soit déclenchée.

  4   Q.  Est-ce que qui que ce soit pendant cette période a demandé

  5   l'autorisation de sortir pour pouvoir faire ses besoins ?

  6   R.  Oui. Je pense que le troisième jour de notre détention, quelqu'un a eu

  7   le courage de s'adresser au gardien en lui disant qu'il devait aller faire

  8   ses besoins, alors ce gardien a demandé à quelqu'un qui était situé au-

  9   dessus de lui sur le plan militaire, et alors ils l'ont autorisé à y aller

 10   accompagné de trois gardiens dans le noir à l'extérieur, mais à côté de la

 11   porte, pour qu'il fasse ses besoins, alors que ces trois gardiens tenaient

 12   leurs fusils automatiques pointés sur lui. Et quand il a terminé, ils l'ont

 13   attrapé, ils l'ont battu, ils lui ont attrapé sa tête et ils lui ont appuyé

 14   la tête là où il avait fait ses besoins. Et après ce qui s'est passé, ils

 15   l'ont ramené à l'intérieur, et plus personne n'a plus jamais demandé à

 16   sortir pour faire ses besoins.

 17   Q.  Vous venez de dire aux Juges de la Chambre ce qu'il en était de la

 18   qualité de la nourriture qui vous était distribuée au camp avant l'arrivée

 19   de la Croix-Rouge. Est-ce que vous pourriez donner aux Juges de la Chambre

 20   une indication de la quantité de nourriture qui vous était distribuée

 21   chaque jour avant l'arrivée de la Croix-Rouge ?

 22   R.  Le 19, nous avons été faits prisonniers. Toutes la journée et le soir

 23   de ce même jour, nous n'avons rien reçu à manger. Le 20, le Dr Emedi et

 24   moi-même avons demandé au colonel de la nourriture, parce que parmi les

 25   prisonniers il y avait une vingtaine de diabétiques. Le lieutenant-colonel

 26   nous a envoyé du pain, environ 14 miches de pain, et un peu de salade. Donc

 27   ces diabétiques ont reçu à manger et nous aussi. Le deuxième jour, nous

 28   n'avons eu aucune nourriture. Le troisième jour, on nous a donné un morceau


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  1   de pain et un petit triangle de fromage. C'est tout petit. C'est le genre

  2   de fromage qui est emballé en triangle par six.

  3   Ensuite, le deuxième ou le troisième jour de notre détention, nous avons

  4   reçu le soir un quignon de pain et une saucisse qui devait être partagée

  5   entre trois détenus, une saucisse de Francfort de cette taille-là à peu

  6   près, donc un tiers d'un hot-dog. Il n'y avait pas de sucre, il n'y en

  7   avait pas assez pour tout le monde, donc ceux qui avaient pu en avoir

  8   étaient servis, et puis il n'y en avait plus pour les autres. Ceux qui

  9   n'étaient pas arrivés assez vite n'avaient que de l'eau chaude au lieu du

 10   thé avec du sucre.

 11   Donc c'est comme ça que ça s'est poursuivi pendant des jours et des

 12   jours. On avait un jour du fromage, le jour suivant un morceau de hot-dog,

 13   jusqu'au moment où, pour la première fois, ils ont préparé des haricots ou

 14   des flageolets. C'est alors que la Croix-Rouge est arrivée et que nous

 15   avons eu un repas chaud.

 16   Q.   Est-ce que du fait de la quantité de nourriture -- plutôt, quel

 17   était l'effet des quantités de nourriture qui vous était distribuée ? Est-

 18   ce que cela a eu un effet sur votre poids pendant cette douzaine de jours ?

 19   R.  Oui, nous avons tous perdu du poids. On nous donnait le strict

 20   minimum pour empêcher que nous mourrions. C'était vraiment le strict

 21   minimum qui permettait de survivre.

 22   Q.  Et quand avez-vous finalement été relâché du camp de Stajicevo ?

 23   A quelle date ?

 24   R.  Le 2 décembre, vers 19 heures.

 25   Q.  Etait-ce à la même date que celle de la venue de la Croix-Rouge ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Et la Croix-Rouge a-t-elle joué un rôle dans votre libération ce jour-

 28   là ?


Page 3893

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Combien d'autres personnes ont été libérées en même temps que vous ?

  3   R.  Moi-même et Dr Nadas, seulement nous deux.

  4   Q.  Pourquoi le Dr Nadas, dont vous avez dit qu'il était Juif, et vous-même

  5   qui étiez né en Syrie avez-vous été libérés ?

  6   R.  Le lieutenant-colonel Zivanovic, au quatrième ou au cinquième jour de

  7   notre détention, je crois, m'a dit personnellement que le gouvernement

  8   serbe était entré en contact avec le gouvernement syrien à mon sujet, qu'il

  9   y avait des pourparlers à mon sujet, et il m'a dit que je serais

 10   certainement relâché. Alors que pour le Dr Nadas, lui-même m'a dit qu'une

 11   organisation juive des Etats-Unis avait demandé sa libération.

 12   Mais lorsque la Croix-Rouge est arrivée, le CICR et ses représentants, le

 13   lieutenant-colonel Zivanovic a voulu relativiser un peu les choses en

 14   disant que c'était une porcherie, qu'il n'y avait pas de conditions

 15   convenables, mais qu'il y avait du personnel médical. Donc, moi, j'ai

 16   décliné mon identité, et ils se sont étonnés que comme Syrien, et avec mon

 17   parcours, je sois là, puis alors il a dit que c'était une erreur et j'ai

 18   été relâché. Et pour le Dr Nadas, il a dit qu'il était Juif et qu'il était

 19   médecin, si bien que des pressions ont été faites pour qu'on nous relâche.

 20   La Croix-Rouge a intercédé en noter faveur.

 21   Mme BIERSAY : [interprétation] Docteurs [comme interprété], je ne sais pas

 22   exactement combien de temps il me reste, mais avec l'autorisation des Juges

 23   de la Chambre, je souhaiterais pouvoir continuer pendant encore une dizaine

 24   de minutes pour en terminer avec mes questions pour le Dr Malla, si cela

 25   est acceptable.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [hors micro]

 27   [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

 28   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Biersay.


Page 3894

  1   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

  2   Q.  Docteur Malla, pendant votre détention au camp de Stajicevo, vous a-t-

  3   on jamais officiellement accusé d'avoir commis le moindre crime ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Et pendant les 12 jours que vous avez passés là-bas, l'un quelconque

  6   des autres prisonniers qui étaient présents avec vous dans la porcherie a-

  7   t-il jamais été accusé d'avoir commis un crime ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Vous avez décrit les effets que les conditions qui prévalaient dans le

 10   camp avaient du point de vue du poids corporel. Mais quels étaient les

 11   autres effets ressentis du fait des conditions qui prévalaient dans le

 12   camp, pour vous à titre personnel ?

 13   R.  Eh bien, sur le plan corporel, en dehors des coups dont j'étais roué --

 14   en fait, j'ai du mal à imaginer pire que ce que j'ai subi, et j'avoue que

 15   pour moi c'est quelque chose d'incompréhensible. Nous étions cinq médecins

 16   : le premier était Ruthène; le Dr Nadas était Juif; il y avait un médecin

 17   croate; le Dr Kuljic était Serbe; et moi j'étais Syrien. Nous avons tous

 18   été roués de coups, battus, et je n'arrive pas à comprendre cela. Nous

 19   sommes restés sur place. Nous avons fait notre travail, nous avons essayé

 20   de venir en aide aux gens. Aucun d'entre nous n'était médecin militaire ni

 21   ne faisait partie d'une armée. Nous agissions pour des raisons

 22   humanitaires. Nous avons tous subi le même traitement.

 23   Q.  Merci.

 24   R.  Mais nous ne venions pas juste d'arriver à Vukovar ou à Borovo. Chacun

 25   d'entre nous vivait là-bas depuis longtemps. Moi, ça faisait déjà dix ans.

 26   Personne n'était un étranger. Personne n'était arrivé comme mercenaire ou

 27   je ne sais quoi. Nous avions tous familles et amis sur place, et des amis

 28   indépendamment de l'appartenance ethnique des personnes. Nous nous sommes


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  1   contentés de faire notre travail, un travail humanitaire, et c'est comme ça

  2   qu'on nous a remerciés.

  3   Q.  Après votre libération, comment votre santé a-t-elle évolué une semaine

  4   après votre libération ?

  5   R.  Pardon ?

  6   Q.  Une semaine après votre libération du camp, avez-vous rencontré des

  7   difficultés sur le plan de votre santé ?

  8   R.  Oui. Une semaine après, je suis arrivé à Zagreb et, pendant la nuit,

  9   j'ai eu une attaque. En fait, je n'arrivais plus à respirer. On m'a emmené

 10   à l'hôpital et on a diagnostiqué une forme grave de bronchite. Et on a

 11   conclu à une forme d'asthme qui n'était pas dû à l'allergie. Moi, j'ai

 12   passé tout ce temps au camp dans un simple pantalon avec une chemise et une

 13   veste par-dessus, et je couchais à même le sol alors que la température

 14   était de moins 20 degrés à l'extérieur. Il n'y avait pas le moindre

 15   chauffage ni quoi que ce soit. Donc je ne cessais d'entrer et de sortir

 16   pour venir en aide aux patients, et probablement que c'est cela aussi qui a

 17   eu un effet sur ma santé. Et en raison des blessures que j'ai subies et

 18   tout cela, j'ai pris ma retraite.

 19   Q.  Quand avez-vous pris votre retraite ?

 20   R.  En 1993. J'ai eu besoin de presque deux ans de soins et de

 21   convalescence.

 22   Q.  Et pendant les deux années où vous avez été traité, pour quoi

 23   exactement avez-vous été soigné ?

 24   R.  J'ai tout d'abord subi trois interventions chirurgicales pour retirer

 25   des éclats d'obus qui étaient gênants, qu'il fallait retirer. Ensuite, il y

 26   a eu ces problèmes respiratoires.

 27   Q.  Ont-ils réussi à retirer tous les éclats d'obus ?

 28   R.  Non, il y en a toujours. J'en ai toujours sept, je crois.


Page 3896

  1   Q.  Est-ce que ces éclats faisaient réagir les détecteurs de métaux, les

  2   portiques de détection lorsque vous deviez en traverser ?

  3   R.  Plus maintenant. Mais au début, lorsque je me rendais à Zagreb et, par

  4   exemple, lorsque je prenais l'avion, oui. Mais aujourd'hui, ils sont logés

  5   assez profondément. Ce sont des éclats de petite taille, ils sont donc

  6   logés assez profondément et le corps a réagi en les entourant, en les

  7   scellant dans des tissus. Donc ils ne les ont pas retirés parce que cela

  8   aurait été dangereux. Cela aurait été plus dangereux de les retirer que de

  9   les laisser là où ils étaient.

 10   Q.  Pour finir, Docteur Malla, vous avez parlé des effets physiques de ce

 11   que vous avez subis. Mais quels effets psychologiques avez-vous remarqué

 12   sur vous-même et sur les autres prisonniers qui ont été détenus au camp de

 13   Stajicevo ?

 14   R.  Vous voyez, le regard que je jette sur moi-même est celui d'un médecin.

 15   Pendant 100 jours, nous avons été encerclés à Borovo, bombardés

 16   quotidiennement. Tous ceux qui sont décédés, qui ont été tués à Borovo

 17   étaient des voisins, étaient des ouvriers que j'examinais plus ou moins

 18   régulièrement, étaient des concitoyens, des habitants qui sont parfois

 19   décédés dans mes bras et auxquels je ne pouvais pas venir en aide. Nous

 20   devions les inhumer dans des cours à l'arrière des bâtiments, de leurs

 21   propres maisons, parce que nous ne pouvions pas atteindre le cimetière.

 22   Et ensuite, pour la période du dernier mois, nous devions boire de

 23   l'eau de pluie. Donc vous pouvez imaginer le genre d'effets que cela a tant

 24   sur le plan physique que psychologique.

 25   Q.  Mais concernant votre détention au camp de Stajicevo à proprement

 26   parler, comment les prisonniers ont-ils réagi à leur détention dans ce

 27   camp, et notamment aux conditions dans lesquelles ils étaient détenus ?

 28   R.  Ecoutez, réagir -- ils ne pouvaient pas protester. Ils étaient battus


Page 3897

  1   régulièrement. Ils étaient insultés, menacés. Si en plus ils avaient

  2   protesté, ils les auraient le plus probablement tués.

  3   Si les Juges de la Chambre veulent bien me donner l'autorisation de

  4   dire quelque chose --

  5   Q.  Un instant, je dois vérifier auprès des Juges, mais je crois que…

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, allez-y.

  7   Mme BIERSAY : [interprétation]

  8   Q.  Allez-y.

  9   R.  Messieurs les Juges, jusqu'au jour d'aujourd'hui, je ne parviens

 10   toujours pas à comprendre le comportement dont moi-même et le reste du

 11   personnel médical avons été l'objet.

 12   Pendant que j'étais à Borovo, j'ai pris soin d'un vieil homme de 80

 13   ans qui est arrivé chez moi blessé, à qui j'ai prodigué des soins complets

 14   et dont j'ai pris soin pendant deux mois et demi en lui fournissant tout ce

 15   qui était nécessaire, y compris la nourriture. Je l'ai soigné, et il s'est

 16   rétabli en deux mois et demi. Or, sa famille, son fils et son neveu,

 17   savaient cela, et pourtant ils n'ont pas voulu me venir en aide. Cette

 18   personne est l'oncle de Goran Hadzic et le père du Dr Mladen Hadzic, qui

 19   était le ministre de la Santé de la SAO de Krajina.

 20   Tout cela, ils le savaient. Tout le monde savait que j'étais dans un

 21   camp. Et à Belgrade, sa nièce était en larmes et elle a dit que ces

 22   personnes devraient m'aider.

 23   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, est-ce que

 24   vous pourriez répéter la fin de votre réponse pour les interprètes, s'il

 25   vous plaît.

 26   LE TÉMOIN : [interprétation] Le fait qu'ils m'aient enfermé dans ce camp,

 27   c'était leur façon de me remercier pour être venu en aide à leurs père et

 28   oncle ? L'un était premier ministre, et l'autre, ministre de la Santé. Moi,

 


Page 3898

  1   j'avais pris soin de celui qui était, respectivement, leur oncle et leur

  2   père. Pendant deux mois et demi, je l'ai nourri, je l'ai soigné, et M.

  3   Slavko Dokmanovic, lui aussi, savait que j'étais dans ce camp. Je ne suis

  4   pas Croate. Je suis un médecin d'origine syrienne qui ne s'est mêlé à

  5   aucune politique d'aucune sorte. La politique ne m'intéresse pas.

  6   C'est cela qui me fait mal sur le plan psychologique. C'est la

  7   réponse que je peux donner à votre question.  

  8   Mme BIERSAY : [interprétation] Aucune autre question à poser pour le

  9   moment, Messieurs les Juges.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci.

 11   C'est le moment, maintenant, du contre-interrogatoire.

 12   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 13   Contre-interrogatoire par M. Zivanovic : 

 14   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur Malla. Je suis Me Zivanovic. Dans ce

 15   procès, je représente M. Hadzic.

 16   R.  Bonjour.

 17   Q.  Je voudrais commencer par vous poser la question suivante : hier, en

 18   déposant, vous avez expliqué combien il y avait de médecins à Borovo

 19   Naselje - ceci figure en page 3 847 du compte rendu - et vous avez dit

 20   qu'au début il y avait huit médecins, et qu'ensuite ce chiffre a augmenté

 21   jusqu'à atteindre 80. En tout cas, c'est ainsi que c'est consigné au compte

 22   rendu.

 23   R.  Non, ce n'est pas 80. C'est 18. Dix-huit.

 24   Q.  Oui, c'est exact. Vous avez vécu en ex-Yougoslavie à partir de 1964,

 25   n'est-ce pas ?

 26   R.  Oui.

 27   Q.  Vous avez eu l'occasion de faire la connaissance de beaucoup de

 28   personnes, pas uniquement à Borovo où vous viviez, mais également à Vukovar


Page 3899

  1   et dans les environs ?

  2   R.  [aucune interprétation]

  3   Q.  Et hier, en déposant, vous avez dit qu'entre autres activités, vous

  4   étiez également le médecin d'un club de sport, le club de Sindjelic, n'est-

  5   ce pas ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Est-ce que vous pourriez nous dire quand vous exerciez cette activité ?

  8   R.  A partir de 1983.

  9   Q.  Pourriez-vous m'expliquer, s'il vous plaît, m'expliquer ce que signifie

 10   ce nom de Sindjelic ?

 11   R.  Je ne sais pas. J'ai entendu à un moment des chansons qu'ils chantaient

 12   lorsqu'ils célébraient quelque chose, et c'est alors que j'ai entendu ce

 13   nom Sindjelic. Mais pour moi, ce n'était qu'une chanson qui portait ce nom,

 14   ou quelque chose comme ça.

 15   Q.  Hier, vous avez aussi dit que vous connaissiez bien feu Slavko

 16   Dokmanovic.

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Pourriez-vous nous expliquer pour quelle raison vous avez eu du mal à

 19   vous rappeler son nom ?

 20   R.  Que voulez-vous dire ? Vous pensez au premier moment où je n'arrivais

 21   pas à m'en souvenir ? Ecoutez, je n'ai pas réussi à m'en souvenir

 22   immédiatement, c'est tout, et ensuite je m'en suis souvenu et je l'ai dit.

 23   Et j'ai aussi retrouvé je me suis rappelé le nom de son frère.

 24   Q.  Est-ce que vous savez où il travaillait ?

 25   R.  A Vupik.

 26   Q.  Et vous avez dit qu'il était un homme politique aussi.

 27   R.  Oui.

 28   Q.  Est-ce que vous avez fait sa connaissance alors qu'il était déjà en


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  1   politique ?

  2   R.  Eh bien, j'ai fait sa connaissance, je sais qu'il était président de ce

  3   club sportif. Mais en tant qu'étranger, je n'ai jamais participé à quelque

  4   activité politique que ce soit. Tout ce que je sais, c'est qu'il était

  5   ingénieur et qu'il travaillait dans l'entreprise Vupik. Et je n'ai jamais

  6   discuté de politique avec lui, de politique, des partis politiques ou de

  7   quoi que ce soit de cette nature.

  8   Q.  Vous dites qu'il était ingénieur, mais est-ce que vous savez dans quel

  9   domaine ?

 10   R.  Il était agronome. A partir du moment où il travaillait à Vupik, c'est

 11   assez logique.

 12   Q.  Selon vous, et pour autant que vous puissiez l'estimer -- je vais

 13   reformuler ma question. Est-ce que vous pouvez nous dire jusqu'à quel

 14   moment la situation en Croatie est restée stable, à votre avis ? Vous êtes

 15   arrivé en 1964 et vous y êtes resté vivre jusqu'à nos jours.

 16   R.  Oui.

 17   Q.  Quand la situation en Croatie a-t-elle commencé à se déstabiliser,

 18   d'une certaine façon ?

 19   R.  Je redis que je suis médecin et que je ne me suis mêlé d'aucune

 20   politique. Je suis d'origine étrangère. Je suis un étranger. Je n'avais pas

 21   même le droit de vote et je ne pouvais pas être élu. Donc ce sont des

 22   choses auxquelles je ne réfléchissais absolument pas.

 23   Q.  Est-ce que cela signifie que jusqu'au moment où l'on a commencé à

 24   recourir aux armes, vous n'avez pas perçu qu'en Croatie, et plus

 25   particulièrement et concrètement à Borovo et à Vukovar, il existait des

 26   tensions qui pouvaient évoluer vers une situation beaucoup plus grave ?

 27   R.  Il y avait des tensions, certes, pas uniquement au début de la guerre,

 28   mais également avant. En 1984, 1985, à chaque fin de saison dans les clubs


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  1   sportifs, c'étaient des chants nationalistes qui étaient chantés. Et non

  2   pas des chants yougoslaves. Ils commençaient par chanter : "Qui ment en

  3   disant que la Serbie est petite ?" Ce n'est pas un chant yougoslave. C'est

  4   un chant nationaliste. Mais moi, j'étais un étranger. Ce n'est pas quelque

  5   chose qui me touchait directement, mais il y avait des tensions. Et lorsque

  6   le HDZ a remporté les élections, les Communistes ont perdu, les

  7   nationalistes ont remporté le pouvoir. Mais il y avait des tensions de part

  8   et d'autre. Et malheureusement, c'est le peuple, les gens ordinaires qui

  9   ont souffert de tout cela.

 10   Q.  Merci. Juste une précision. Donc il y avait des tensions lorsque ce

 11   type de chant était chanté lors des célébrations du club sportif ?

 12   R.  Eh bien, il n'y avait pas que ce chant-là. Le chant de Sindjelic,

 13   c'était le premier que j'avais entendu, mais ce n'était pas quelque chose

 14   qui me touchait directement. Ils chantaient; très bien. Moi, j'étais assis

 15   là. Peut-être même que je m'y suis joint. Je n'y prêtais pas vraiment

 16   attention. C'était une fête. Ils fêtaient leur victoire. Mais je suis sûr

 17   que de l'autre côté il y avait aussi des chants oustachi. Cependant, là où

 18   je vivais, à Borovo Naselje - ce dont je vous parle - la plus grande partie

 19   de mes amis étaient des Serbes. Puisque vous avez la possibilité de choisir

 20   vos amis. Eh bien, c'est ce que j'ai fait, et ça me fait mal de voir que

 21   j'ai été trahi par mes amis.

 22   Le juge Rade Kojic, mon meilleur ami, sur le plan familial aussi, les trois

 23   derniers jours avant d'aller à Borovo Naselje, il a dormi chez moi, je l'ai

 24   hébergé. Et après, non seulement il ne m'est pas venu en aide, mais il ne

 25   s'est même pas renseigné à mon sujet, il n'a pas posé la même question.

 26   Après toutes ces années, plus de dix ans, où nous mangions à la même table,

 27   où nous étions amis proches, où nous partagions des repas, où nous avions

 28   partagé tant de choses, non, rien, parce que j'étais un Oustachi d'après


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  1   lui. Voilà comment j'ai été récompensé. C'est ça la véritable amitié ?

  2   Q.  Je vous remercie de votre réponse. Alors, soyons précis au sujet de

  3   quelque chose. Vous avez dit que des chants étaient chantés lorsqu'on

  4   fêtait quelque chose au club. Est-ce que cela se trouvait dans les locaux

  5   du club ?

  6   R.  Oui, tout à fait, dans les locaux du club.

  7   Q.  Combien de personnes y avait-il environ ?

  8   R.  Il y a les joueurs, ils étaient 11, certains étaient accompagnés de

  9   femmes, d'autres de leurs mères, il y avait la gestion du club, il y avait

 10   ma femme, la femme de Slavko également, et Milenko, qui était le président

 11   de la société de chasse, et sa femme. Et c'était une fête familiale. Nous

 12   étions accompagnés des membres de notre famille.

 13   Q.  Merci. Etant donné que vous avez répondu dans le cadre de ma question,

 14   et ma question portait sur le moment où les tensions ont commencé à se

 15   faire sentir à Borovo Selo, en Croatie, et à Borovo Selo [comme

 16   interprété], est-ce que vous diriez que les chants ont provoqué les

 17   tensions en Croatie ?

 18   R.  Ce club représentait un élément. Il y avait d'autres éléments dans le

 19   village voisin, et tout à coup ces petits éléments représentent un ensemble

 20   important. Ça, c'était un des cercles dont je faisais partie. Mais pour ce

 21   qui est des autres, je ne sais pas. Je n'étais pas là. Je pense que la

 22   situation était identique.

 23   Q.  Quoi qu'il en soit, ce n'est que dans ce club-là que vous avez entendu

 24   cela ?

 25   R.  Oui. Et j'étais médecin d'autres clubs également, mais ce club était

 26   serbe et c'était un village serbe. Les autres clubs étaient différents. Il

 27   y avait le club de cyclistes de Borovo Selo, il y avait le club de karaté

 28   de Borovo, il y avait les souleveurs de poids de Borovo, et leurs membres


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  1   de Borovo et leurs parrains également.

  2   Q.  Et à ma réponse [comme interprété] précédente, vous avez répondu en

  3   disant que des tensions ont commencé à se faire sentir à partir du moment

  4   où le HDZ a gagné les élections en Croatie. Pourquoi diriez-vous que la

  5   victoire du HDZ a provoqué ces tensions ?

  6   R.  Le HDZ était un parti nationaliste, et les Serbes n'aimaient tout

  7   simplement pas cela. Il y avait des partis nationalistes en Serbie

  8   également. Et c'est ainsi que les choses se sont passées. C'était un jeu de

  9   pouvoir.

 10   Q.  Vous aviez beaucoup d'amis serbes. Vous ont-on dit pourquoi la

 11   victoire du HDZ les gênait ? Et pourquoi ils n'aimaient pas toute cette

 12   situation ?

 13   R.  Alors, je vais vous l'expliquer différemment. Tous mes amis, les

 14   Serbes, je veux dire, qui étaient membres de la Ligue des Communistes, du

 15   jour au lendemain, sont devenus des ultranationalistes. Alors qu'ils

 16   étaient membres de la Ligue des Communistes auparavant. Ils ont commencé du

 17   jour au lendemain à chanter des chants nationalistes. Moi, je ne peux

 18   vraiment pas comprendre cela. Soit c'étaient des faux communistes, soit ils

 19   sont venus de faux nationalistes, car on ne peut pas changer ainsi du jour

 20   au lendemain, même pas en l'espace de sept jours, et devenir quelqu'un de

 21   complètement différent.

 22   Par exemple, M. Slavko Dokmanovic, il était également membre de la

 23   Ligue des Communistes. Il a occupé des postes importants au sein de la

 24   Ligue des Communistes. Il ne serait pas devenu président du conseil

 25   exécutif ou président du comité de la ville s'il n'avait pas été

 26   communiste. Et tout à coup - tout à coup - il a commencé défendre les

 27   Serbes uniquement. Il a tout simplement bel et bien oublié la Yougoslavie.

 28   Il est devenu un Serbe fervent. Et en tant qu'ingénieur, il a commencé à se


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  1   battre. Il avait un autre ordre du jour. Je ne comprends pas cela. Il avait

  2   autre chose à l'esprit.

  3   Comment ont-ils fait ce voyage, comment sont-ils passés de membres à

  4   la Ligue des Communistes à nationalistes ? Pardonnez-moi. Il n'y avait pas

  5   que lui, il n'y avait pas que les Serbes. La même chose s'est passée en

  6   Croatie. Il y avait des membres croates de la Ligue des Communistes qui ont

  7   tourné leur veste du jour au lendemain et ils sont devenus des

  8   nationalistes croates.

  9   Q.  Comment avez-vous appris que ces personnes avaient tourné la

 10   veste du jour au lendemain et qu'ils étaient devenus nationalistes; par

 11   exemple, les Serbes que vous connaissiez ? Quelles sont vos sources ?

 12   R.  La radio, la télévision, des allocutions. Et ils travaillaient

 13   activement à cela.

 14   Q.  Combien de vos amis ont exprimé de tels points de vue à la

 15   télévision ?

 16   R.  Dokmanovic, par exemple, est-ce que lui, il a fait des discours ?

 17   Oui. Après la chute de Vukovar, ou la libération de Vukovar, appelez cela

 18   comme vous le voulez.

 19   Q.  C'était le maire de Vukovar ?

 20   R.  Oui, tout à fait. Pendant l'ère communiste, il a occupé des postes

 21   importants.

 22   Q.  Et savez-vous que Slavko Dokmanovic, qui avait été membre de la Ligue

 23   des Communistes, et que par la suite ce parti a été rebaptisé Parti du

 24   changement démocratique sous la direction d'Ivica Racan, savez-vous que ce

 25   parti prônait un maintien au sein de la Yougoslavie ?

 26   R.  Oui, c'étaient des communistes. Mais ils étaient minoritaires à

 27   Belgrade et à Zagreb. Le HDZ était au pouvoir en Croatie, et il y avait un

 28   autre parti nationaliste au pouvoir en Serbie.


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  1   Q.  Savez-vous qu'à ce moment-là Dokmanovic était membre du parti ?

  2   R.  Non, je ne le savais pas.

  3   Q.  Vous avez dit qu'il était maire de Vukovar pendant un certain temps.

  4   Savez-vous à quel moment cela a été le cas ?

  5   R.  Après la chute de Vukovar.

  6   Q.  Et avant la chute de Vukovar ?

  7   R.  J'étais encore en contact avec lui, mais je ne connaissais pas son

  8   appartenance politique. Je vous ai dit, nous étions amis. Nous nous

  9   retrouvions, nous parlions des joueurs, des clubs et des blessures. Nous

 10   prenions un verre ensemble et nous mangions un morceau ensemble. Je n'ai

 11   jamais participé à la vie politique.

 12   Q.  Je comprends bien que vous n'avez pas pris part à la vie politique,

 13   mais je vois que vous êtes dans le secret d'informations importantes

 14   concernant la politique, dont vous nous avez fait part.

 15   R.  Il s'agit d'informations qui ont été portées à ma connaissance par la

 16   suite, informations qui provenaient de la radio, de la télévision, des

 17   journaux. Lorsque j'étais là, j'ai travaillé; je n'ai pas participé à la

 18   vie politique. Je n'avais pas le droit d'y participer. En tant qu'étranger,

 19   je n'avais pas la nationalité croate. Je n'étais pas en droit d'appartenir

 20   à un quelconque parti politique même si je l'avais voulu.

 21   Q.  En d'autres termes, vous avez suivi ce qui se passait en politique dans

 22   les médias ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Et vous n'avez participé à aucune des choses qui se passaient à ce

 25   moment-là, à savoir les tensions entre ces partis, le HDZ d'un côté, la

 26   Ligue des Communistes de l'autre, ou le Parti des changements

 27   démocratiques, comme cela a été appelé par la suite, le Parti démocratique

 28   serbe, et cetera ? Vous n'avez pas participé à cela ?


Page 3906

  1   R.  Non.

  2   Q.  Alors, juste un autre point qui m'intéresse. Au début de ces conflits,

  3   avez-vous entendu dire qu'il y avait des gens, qu'il y avait des Serbes qui

  4   ont été tués à Borovo Naselje ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Par exemple, pendant l'été 1991 ?

  7   R.  Et si vous disposez de cette information, vous sauriez que j'ai habité

  8   à Zagreb et que je ne venais à Borovo que le week-end, le vendredi soir,

  9   pour voir ma femme et mes enfants, et ensuite, le dimanche soir, je

 10   retournais à Zagreb. Je m'occupais de médecine du travail à l'époque.

 11   Q.  A quel moment ? Quand étiez-vous absent de Vukovar, je veux dire de

 12   Borovo Naselje, à ce moment-là ?

 13   R.  En 1988, pendant trois ans, j'ai habité à Zagreb et à Osijek, et je ne

 14   rentrais à la maison que le week-end et pendant les vacances d'été lorsque

 15   j'emmenais ma famille sur la côte.

 16   Q.  Et lorsque vous veniez voir votre famille, vous aviez l'habitude

 17   d'assister à des matchs de football, et vous deviez examiner les joueurs en

 18   tant que médecin ?

 19   R.  Non. Lorsque je suis devenu résident, je n'ai plus travaillé pour ces

 20   clubs ou équipes. Je ne pouvais pas.

 21   Q.  Alors, indépendamment de ce que vous venez de nous dire à propos de vos

 22   contacts avec les équipes de football et autres athlètes, eh bien, tout

 23   ceci a cessé en 1988 ?

 24   R.  Oui, mais j'étais toujours amis avec ces personnes. Je ne pouvais plus

 25   travailler pour ces personnes, mais nous sommes restés amis.

 26   Q.  Et quand avez-vous -- quand êtes-vous rentré à Borovo Naselje ou à

 27   Vukovar ?

 28   R.  Vers le 1er juillet, parce que je me suis inscrit à des études


Page 3907

  1   supérieures pour faire un doctorat, que j'ai terminées à la fin du mois de

  2   juin, et je suis arrivé à Borovo au mois de juillet.

  3   Q.  Connaissiez-vous, peut-être, certains des résidents de Borovo ? Il y en

  4   avait un qui s'appelait Drago Mijatovic et l'autre était --

  5   L'INTERPRÈTE : Inaudible.

  6   LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne m'en souviens pas.

  7   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

  8   Q.  Connaissiez vous, peut-être, des gens de Borovo Naselje dont les noms

  9   étaient Zdravko Komsic, Mirko Nujic, Stjepan Mackovic ?

 10   R.  Les noms me disent quelque chose, mais je ne m'en souviens pas. Je vais

 11   tout d'abord vous expliquer quelque chose : j'étais médecin, et j'étais

 12   médecin généraliste, je travaillais pour une société qui avait embauché 20

 13   000 personnes. Je connais de nombreux noms et de nombreux visages, mais

 14   très souvent, je n'arrive pas à mettre un nom sur un visage. Je ne me

 15   souviens pas de tout le monde. Je connais mes amis, je connais leurs noms,

 16   mais les autres personnes qui étaient mes patients, je me souviens peut-

 17   être de leurs noms, mais de façon vague, et je ne peux pas mettre un nom

 18   sur leur visage. C'étaient mes patients; ce n'étaient pas mes amis.

 19   Q.  Vous avez dit que vous connaissiez le Dr Mladen Hadzic.

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Depuis quand ?

 22   R.  Depuis le moment où j'ai commencé à travailler à Borovo. Il était

 23   dermatologue à Vukovar et je lui envoyais mes patients. J'avais beaucoup de

 24   patients qui avaient des problèmes de peau, des allergies, et je lui

 25   envoyais mes patients dans ce cas. Et à trois reprises, il est venu me

 26   rendre visite dans la société dans laquelle je travaillais.

 27   Q.  Quand, en réalité, avez-vous rencontré le Dr Hadzic ?

 28   R.  Dès mon arrivée. Dès que j'ai commencé à travailler. Nous n'étions pas


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  1   amis, nous ne nous voyions pas à l'extérieur du travail, mais nous étions

  2   collègues et nous avions des contacts par l'intermédiaire de nos patients.

  3   Q.  Saviez-vous où habitait le Dr Hadzic ?

  4   R.  Non.

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je souhaite poser une question au

  6   témoin. Je lui demande de bien vouloir préciser à quel moment il a commencé

  7   à travailler. Vous avez dit : Lorsque j'ai commencé à travailler. "Quand,

  8   en réalité, avez-vous rencontré le Dr Hadzic ? Quelle année ?" Lorsque je

  9   suis arrivé, lorsque nous avons commencé à travailler.

 10   Il s'agit de 1991, juillet 1991 ?

 11   LE TÉMOIN : [interprétation] Non, en 1982.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] 1982. Très bien.

 13   LE TÉMOIN : [interprétation] Non pas en 1992, mais en 1982.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, c'est ce que j'ai dit.

 15   Une autre précision -- que je dois retrouver. Un instant, s'il vous plaît.

 16   Lorsque vous nous avez dit qu'après que vous aviez terminé votre internat,

 17   vous vous êtes inscrit à des études de troisième cycle que vous avez

 18   terminées à la fin du mois de juin, et ensuite vous êtes revenu à Vukovar

 19   vers le 1er juillet, là il s'agirait de l'année 1991; c'est exact ?

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Merci beaucoup.

 22   Pardonnez-moi, Maître Zivanovic. Veuillez poursuivre.

 23   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci beaucoup.

 24   Q.  Lorsque vous dites avoir rencontré le Dr Hadzic, savez-vous où il

 25   travaillait ?

 26   R.  Non. Alors, je lui envoyais mes patients. Je suis sûr qu'il travaillait

 27   soit à Osijek, soit à Vukovar. Je n'ai eu aucun contact avec lui. J'avais

 28   l'habitude de donner une lettre de recommandation à mes patients, et


Page 3909

  1   ensuite mes patients allaient le voir et ils revenaient avec les papiers.

  2   Q.  Je vous pose la question parce que j'ai entendu dire qu'il dirigeait

  3   toutes les cliniques ambulatoires d'Osijek.

  4   R.  Il était peut-être directeur, mais il était également spécialiste. Il

  5   était dermatologue et il voyait des patients. Je sais que je lui ai envoyé

  6   mes patients, et lorsque je faisais cela, je n'envoyais pas mes patients

  7   particulièrement à lui, mais à un dermatologue. Et les conclusions que je

  8   recevais dans ces cas-là étaient signées de sa main.

  9   Q.  D'après ce que je sais, il vivait à Tenja.

 10   R.  Je ne le sais pas. Je vous ai dit que je ne le savais pas. Je n'ai pas

 11   dit que nous étions amis ou que je lui rendais visite, mais que nous étions

 12   collègues. Et j'avais entendu parler de lui par mes patients.

 13   Q.  Donc vous n'avez jamais eu de contact direct avec lui ? Vous ne l'avez

 14   jamais contacté personnellement ou par téléphone ?

 15   R.  Non, non.

 16   Q.  La raison pour laquelle j'ai posé la question, c'est que dans la

 17   dernière partie de votre déposition, vous avez dit avoir traité son père,

 18   et vous dites que c'était l'oncle de Goran Hadzic du côté paternel.

 19   R.  Eh bien, c'est ce qu'on m'a dit. C'est la fille de M. Hadzic qui m'a

 20   dit cela après le camp lorsque j'étais à Belgrade.

 21   Q.  Pourriez-vous nous dire quel est son nom ?

 22   R.  Je ne sais pas. J'ai été relâché du camp. Je suis allé avec le Dr Nadas

 23   dormir chez son frère; son frère Brane Nadas, qui avait une société à

 24   Belgrade. Et le lendemain, il nous a emmenés dans cette société, et il m'a

 25   demandé : Est-ce vous souhaitez appeler Zagreb pour savoir ce qu'il se

 26   passe au niveau de votre famille ? J'ai dit : Oui. Il y avait une jeune

 27   femme qui travaillait là, elle m'a aidé, et j'ai pu passer mon appel

 28   téléphonique en passant par la Bosnie. Et lorsque j'ai terminé ma


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  1   conversation, elle m'a dit : Est-ce que vous êtes le Dr Hicham ? J'ai dit :

  2   Oui. Et ensuite, elle s'est mise à pleurer, elle m'a remercié et elle m'a

  3   dit : Vous avez sauvé mon grand-père. Et ensuite, j'ai dit : Donc il a

  4   réussi à s'en sortir ? Car avant la chute de Vukovar, le 12 ou le 13, je

  5   crois, il était sur son vélo, il se dirigeait vers Borovo Selo et il disait

  6   qu'il ne pouvait plus y rester, il ne pouvait plus y survivre parce qu'il

  7   n'avait pas de nourriture. Et je lui ai dit : Vieil homme, ne pars pas. Il

  8   fait nuit, il y a des fusillades. Et je ne l'ai pas revu.

  9   Cela, c'était le 11 -- non, le 12 novembre. Il est venu dans l'abri

 10   parce qu'il avait entendu dire que j'étais blessé. Il a fait venir du

 11   tabac, une pipe et des cigarettes. Il a dit que les cigarettes c'était pour

 12   ma femme, et la pipe et le tabac pour la pipe étaient pour moi. Et je lui

 13   ai dit que ma femme avait été tuée. Il ne le savait pas. Et chaque fois

 14   qu'il venait dans l'abri pour y dormir, j'ai vu un soir qu'il ne repartait

 15   pas - il était déjà 11 heures - et je lui ai dit : Est-ce que vous

 16   souhaitez dormir ici ? Puis, il m'a dit : Non, je souhaite te parler. Nous

 17   nous sommes parlé. Il a dit qu'il n'en pouvait plus, qu'il n'y avait rien à

 18   manger et qu'il allait se rendre à Borovo Selo. Il a pris sa bicyclette et

 19   il est parti. Je lui ai dit : Pourquoi n'attendez-vous pas un petit moment

 20   ? Ce sera bientôt fini. Et j'ai cru que je l'avais convaincu.

 21   Mais ensuite, j'ai entendu par sa fille qu'il avait réussi, qu'aux

 22   abords de Borovo Selo, il y avait un véhicule blindé de transport de

 23   troupes, qu'on l'a laissé passer, et il m'a dit à l'époque qu'il avait une

 24   petite fille, qu'il avait était sauvé. Donc c'est sa petite-fille qui m'a

 25   remercié, et ensuite j'ai demandé : Est-ce qu'il est père ? Et tu peux dire

 26   à ton père qu'il aurait pu m'aider lorsque j'étais dans le camp, parce

 27   qu'il savait que j'étais dans le camp et que j'étais médecin.

 28   Donc cette fille, elle ne travaillait pas dans ce pourquoi elle avait été


Page 3911

  1   formée. Elle donnait un coup de main dans cette société, parce que je

  2   savais qu'elle avait eu son diplôme d'une école d'infirmière.

  3   Q.  Est-ce que vous pourriez préciser, s'il vous plaît, quelque chose. Vous

  4   l'avez dit, mais je ne vous ai pas très bien compris. A quel endroit la

  5   fille du Dr Hadzic travaillait-elle lorsque ceci est arrivé ?

  6   R.  Brane Nadas de Vukovar, le frère du Dr Nadas, eh bien, il vivait à

  7   Belgrade. Donc, lorsque nous avons quitté le camp, nous sommes allés le

  8   voir à Belgrade et nous avons passé la nuit dans sa maison. Il avait une

  9   société à cet endroit-là, et cette femme travaillait pour lui dans cette

 10   société.

 11   Q.  Je vois. Merci.

 12   Donc vous étiez en contact étroit avec le père du Dr Hadzic. Vous a-t-il

 13   dit quelle relation il entretenait avec son fils, le Dr Mladen Hadzic ?

 14   R.  Ecoutez, il ne m'a pas dit qui il était, je ne le lui ai pas demandé.

 15   Il est venu me voir - je me souviens très bien de ce moment-là - il est

 16   venu tôt le matin, il est venu dans l'abri, il m'a demandé si je pouvais le

 17   voir, et j'ai dit : Bien sûr que oui. La seule chose que j'ai vue, c'est

 18   que - et nous étions en guerre - que cet homme était habillé d'un joli

 19   complet bleu, et j'avais l'impression --

 20   Q.  Pardonnez-moi. Vous avez déjà répondu à ma question. Inutile de nous

 21   donner davantage de détails à propos de cet homme.

 22   R.  Je souhaite simplement vous dire que j'ai appris qui il était -- je lui

 23   ai proposé de la nourriture. Il m'a dit qu'il n'en avait pas, et je lui ai

 24   dit : Ecoutez, nous avons un abri là où je suis. Venez là-bas car vous

 25   serez nourri tous les jours. Donc le premier jour, on lui a donné de la

 26   nourriture. Le deuxième jour, la personne qui était responsable de l'abri a

 27   dit : Ecoutez, Docteur, ne laissez plus entrer cet homme. Et il m'a dit :

 28   Savez-vous qui est cet homme ? Et il m'a dit qui était cet homme. Et un des


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  1   cuisiniers s'est plaint que nous nourrissions cet homme alors que ses fils

  2   nous tiraient dessus.

  3   Et moi, j'ai dit : Tout d'abord, cet homme est un de mes patients, donc il

  4   faut qu'on lui donne un repas, et j'ai droit à un repas par jour en tant

  5   que médecin, donc donnez-lui mon repas. Et lorsqu'il est venu me voir, il

  6   ne voulait pas entrer dans l'abri. Il est resté à l'extérieur sur les

  7   marches et c'est là qu'il mangeait son repas, et il partait parce qu'il

  8   était mal à l'aise.

  9   Q.  Pourriez-vous me dire simplement ceci, s'il vous plaît - ce n'est peut-

 10   être pas très clair et porte sur quelque chose que vous avez dit - vous

 11   avez dit que c'était l'oncle de Goran Hadzic. Est-ce que cela signifie que

 12   leurs pères sont frères ?

 13   R.  Eh bien, la fille du Dr Hadzic m'a dit que Goran était son oncle.

 14   Alors, de quel type d'oncle, du côté paternel ou maternel, je n'ai pas posé

 15   la question. Elle a simplement dit que M. Goran était son oncle. A savoir

 16   si c'était un membre proche de sa famille ou un oncle éloigné, je ne sais

 17   pas.

 18   Q.  Monsieur, la raison pour laquelle je pose la question, c'est que les

 19   arrière-arrière-grands-parents n'étaient pas frères. C'est la raison pour

 20   laquelle je vous demande quel était leur lien de parenté et comment cela se

 21   fait qu'il aurait pu être l'oncle de Goran Hadzic.

 22   R.  Eh bien, la fille du Dr Hadzic m'a dit que c'était son oncle, alors je

 23   n'ai pas demandé de détails à ce sujet, et ça ne m'intéressait pas

 24   vraiment.

 25   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors, puisque vous allez aborder un

 26   autre sujet, je pense qu'il convient de faire la pause. Merci, Maître

 27   Zivanovic.

 28   Docteur Malla, c'est l'heure d'avoir notre première pause. Nous reviendrons


Page 3913

  1   à 11 heures. L'huissier va vous raccompagner. Merci beaucoup.

  2   [Le témoin quitte la barre]

  3   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'audience est levée.

  4   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

  5   --- L'audience est reprise à 11 heures 00.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] La Chambre de première instance a

  7   reçu une requête présentée par la Défense qui a trait à la Pâque orthodoxe

  8   célébrée le 6 mai, si je ne me trompe. Nous avons entendu de la part de

  9   l'Accusation qu'elle n'avait rien à dire à ce sujet. Donc nous allons faire

 10   droit à cette demande, et cette semaine-là nous ne siégerons pas le lundi,

 11   mais le vendredi, donc le 10 ou 11 mai. Mais la semaine du 6 mai, nous

 12   siégerons vendredi au lieu du lundi. Merci.

 13   [Le témoin vient à la barre]

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, je vous en prie.

 15   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 16   Q.  Monsieur Malla, pourriez-vous, je vous prie, regarder un clip vidéo

 17   assez bref; document 4954.1.

 18   [Diffusion de la cassette vidéo]

 19   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 20   "Je m'appelle le Dr Hicham Malla --"

 21   L'INTERPRÈTE : Les interprètes indiquent qu'ils n'ont pas reçu le texte de

 22   cette vidéo.

 23   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je vous remercie. Nous allons commencer

 24   depuis le début.

 25   [Diffusion de la cassette vidéo]

 26   L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

 27   "Je m'appelle Dr Hicham Malla, de Borovo Naselje. J'ai fait mon

 28   travail là-bas pendant la guerre. On ne pouvait pas penser aux horaires, au


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  1   fait qu'il fallait travailler ou ne pas travailler. Les obus ne se

  2   limitaient pas à tomber pendant certaines périodes et ils n'étaient pas

  3   tirés pendant les heures ouvrables seulement. Personne n'était censé

  4   travailler tout le temps. Mais tant qu'il y avait des patients -- lorsque

  5   le premier convoi est arrivé avec l'aide et les fournitures médicales, j'en

  6   ai reçu une partie. Après cela, je n'ai plus jamais rien reçu. Le reste, je

  7   l'ai reçu de la garde, de la police militaire, les gens amenaient cela de

  8   [inaudible]. Voilà comment nous avons utilisé les fournitures médicales. Je

  9   pense qu'il n'y a pas eu une seule autre guerre livrée avec autant de

 10   violations, parce que c'était une guerre où les gens utilisaient des

 11   mortiers. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il n'y a pas eu tant de

 12   mortiers utilisés comme ici. Ici, ils utilisent des mortiers, des obusiers,

 13   des obus, et vous savez ce qui se passe lorsqu'un obus explose et se

 14   fragment en 3 000 éclats d'obus. Cela fait très longtemps que j'habite en

 15   Croatie et je ne me sentais pas différent des autres Croates. J'ai

 16   participé à la guerre civile au Liban, et je sais ce qui se passe lorsqu'il

 17   y a une guerre. J'avais dit au centre médical à Borovo qu'une telle guerre

 18   allait éclater, et pourtant mes collègues ne m'ont pas cru. Mais lorsque la

 19   guerre a commencé, ils se sont enfuis et personne n'est resté.

 20   C'était déjà le mois de mai lorsque j'ai suggéré que les abris

 21   devraient être transformés en installations médicales. J'avais prévu à ce

 22   moment-là que les gens blessés ne seraient pas en mesure de traverser ne

 23   serait-ce qu'une rue, encore moins de venir à un endroit. Mais ils ne m'ont

 24   pas cru. J'ai organisé un abri…"

 25   [Fin de la diffusion de la cassette vidéo]

 26   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 27   Q.  Monsieur Malla, vous vous souvenez de cette interview que vous avez

 28   accordée ?


Page 3915

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Je vois que la date est la date du 18 octobre 1991. Est-ce que c'est à

  3   ce moment-là que cela s'est passé ?

  4   R.  Je ne sais pas.

  5   Q.  Voilà ce qui m'intéresse, c'est le dernier élément de votre entretien.

  6   Vous dites que vous avez participé à la guerre civile au Liban.

  7   R.  Oui, en tant que médecin.

  8   Q.  Mais est-ce que vous pourriez nous dire quand est-ce que cela s'est

  9   passé ?

 10   R.  En 1979. De 1979 à la fin de l'année 1981. Je me trouvais en Syrie avec

 11   toute ma famille, et ma sœur habitait au Liban. Elle était mariée au Liban,

 12   elle y habitait. Vous savez, il y a une soixantaine de kilomètres entre le

 13   Liban et Damas. Donc je m'y suis rendu pour aider la population à cause de

 14   la guerre, et là j'ai vu à quoi ressemblaient les combats. Parce qu'il y

 15   avait des combats de rue. Il y avait différents types de milices. Les gens

 16   blessés mouraient parce qu'ils ne pouvaient pas aller jusqu'à l'hôpital.

 17   Et je me suis dit, si la guerre éclate, il faudrait au moins qu'il y

 18   ait un médecin ou une infirmière dans chaque abri et il faudrait faire

 19   quelque chose pour aider les gens. C'est ce que j'ai dit à mon directeur

 20   après le 2 mai. Je lui ai dit que la situation ne semblait pas des plus

 21   harmonieuses, et vous savez probablement ce qui s'était passé ailleurs.

 22   Mais mon directeur a refusé. Il a dit : Non, si quelque chose doit se

 23   passer, eh bien, cela se passera, et puis nous interviendrons à ce moment-

 24   là.

 25   Q.  Merci. D'après votre déposition, j'avais cru comprendre que vous

 26   étiez en Croatie depuis l'année 1964.

 27   R.  En 1979, j'ai quitté mon travail à Zagreb. Mes parents étaient âgés à

 28   l'époque. J'étais leur fils aîné. Je suis médecin. Et ils m'ont demandé de


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  1   venir travailler en Syrie, ce que j'ai fait jusqu'à la fin de l'année 1981,

  2   puis ensuite j'en suis parti. Je ne pouvais pas y rester. Donc je suis

  3   reparti en Croatie. J'ai commencé à chercher du travail, et puis, pendant

  4   six mois, j'ai travaillé à Prijedor. Je cherchais un emploi meilleur. Et en

  5   1982, j'ai trouvé du travail à Vukovar, à l'usine de Borovo.

  6   Q.  Donc, entre 1979 et 1981, vous avez travaillé en Syrie, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Quand est-ce que vous avez été au Liban ?

  9   R.  Eh bien, je vous l'ai dit, lorsque je vivais à la frontière avec le

 10   Liban. Parce que cette guerre au Liban, cela faisait 15 ans qu'elle durait,

 11   donc je suis allé là-bas sur la ligne de front pour aider les blessés.

 12   Q.  Mais dites-moi, je vous prie, lorsque vous travailliez en Syrie, est-ce

 13   que vous avez été envoyé au Liban pour y travailler ou est-ce que vous y

 14   êtes allé de votre propre gré ?

 15   R.  On ne m'a envoyé nulle part. Je n'étais pas obligé de travailler à

 16   Borovo. J'étais interne à Zagreb. J'ai interrompu mon internat pour aider

 17   les gens avec qui je vivais. J'étais à Zagreb. Je faisais mon internat --

 18   je l'ai fait pendant trois ans. Je n'avais pas à repartir à Vukovar. Il y

 19   avait beaucoup de personnes qui se trouvaient à Zagreb qui étaient

 20   originaires de Vukovar et qui ne sont pas reparties à Vukovar. Moi, je suis

 21   allé là où on avait le plus besoin de moi. Pourquoi est-ce que j'y serais

 22   allé après la guerre -- lorsque j'y suis allé après la guerre ? Les gens me

 23   posaient la question : Où est-ce que vous étiez pendant la guerre lorsqu'on

 24   avait le plus besoin de vous ? Moi, j'y suis allé, et je voulais y aller

 25   pendant la guerre lorsqu'on a eu le plus besoin de moi.

 26   Q.  Mais là, vous parlez de deux choses différentes. Lorsque vous étiez au

 27   Liban, est-ce que vous avez été rémunéré ?

 28   R.  Non.


Page 3917

  1   Q.  Vous étiez bénévole ?

  2   R.  Il y a beaucoup de médecins de par ce monde qui sont bénévoles. Par

  3   exemple, l'organisation Médecins sans frontières. Là, ils font du travail

  4   humanitaire, les médecins.

  5   Q.  Mais est-ce que vous faisiez partie des Médecins sans frontières ?

  6   R.  Non.  

  7   Q.  Où est-ce que vous avez résidé lorsque vous étiez au 

  8   Liban ?

  9   R.  Avec ma sœur qui habitait tout près de la frontière. Sa famille vivait

 10   là-bas. Elle avait un mari qui était originaire du Liban.

 11   Q.  Et juste une dernière chose. Vous venez de nous dire que vous avez

 12   interrompu votre internat. D'après ce que j'avais compris de votre

 13   déposition, j'avais cru comprendre que vous étiez reparti à Vukovar le 1er

 14   juillet parce que vous aviez terminé votre internat.

 15   R.  Non. J'avais terminé mes études universitaires de troisième cycle. Pour

 16   ce qui est de mon internat, je devais terminer la composante pratique, et

 17   ce, dans différents services hospitaliers. Donc j'ai terminé mon internat

 18   après la guerre. J'ai présenté tous mes examens pour les études

 19   universitaires de troisième cycle, et ça, c'est un cursus universitaire

 20   tout à fait normal, qui a commencé à l'automne et qui s'est terminé l'été

 21   suivant. Et c'est la raison pour laquelle je suis reparti à Vukovar le 1er

 22   juillet. Pour ce qui est de mon internat, j'ai fait tout ce que je devais

 23   faire pour le terminer, mais je l'ai fait après la guerre.

 24   Q.  Alors, à la lecture de votre déclaration, on a l'impression que dès le

 25   mois de mai vous envisagiez déjà qu'une guerre allait avoir lieu, allait se

 26   dérouler en Croatie ?

 27   R.  Oui, tout à fait.

 28   Q.  Et cela -- non, je retire ce que j'allais dire. Dites-moi plutôt,


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  1   comment est-ce que vous pouviez savoir qu'il allait y avoir une guerre dès

  2   le mois de mai, et une guerre aussi épouvantable ?

  3   R.  Je suppose que vous savez ce qui s'est passé le 2 mai à Borovo Selo.

  4   Est-ce qu'il n'y a pas eu un massacre qui s'est déroulé là-bas ? Est-ce que

  5   vous n'êtes pas au courant ? Il y a eu un massacre. Alors, de quels autres

  6   éléments d'information aurais-je besoin ? Vingt membres du MUP y ont été

  7   tués le 2 mai. Est-ce que pour vous cela ne signifie pas la guerre, ou en

  8   tout cas un indice, un signal que la guerre va avoir lieu ?

  9   Q.  Excusez-moi. Vous avez dit le 20 ?

 10   R.  Non, le 2.

 11   Q.  Excusez-moi. Laissez-moi terminer ma question. Est-ce que vous avez dit

 12   que 20 membres du MUP ont été tués ?

 13   R.  Oui, c'est ce que j'ai entendu dire. Deux officiers de police ont été

 14   faits prisonniers et les autres sont venus à la rescousse pour les libérer,

 15   et voilà, c'est comme cela que les choses se sont passées.

 16   Q.  Voilà ce que j'aimerais savoir : comment est-ce que vous auriez pu être

 17   au courant le 2 mai ? Parce que moi, je ne vois pas comment un citoyen tout

 18   à fait ordinaire aurait pu prévoir que cela allait aboutir à un conflit ou

 19   à des conflits armés.

 20   R.  Si vous aviez habité à Vukovar et à Borovo Naselje, vous auriez

 21   également été au courant. Parce qu'il y avait des barrages autour du

 22   moindre village. Sur le moindre tronçon de route, il y avait des barrages

 23   routiers. Il y avait des armes. Donc cela n'était pas de bon augure, n'est-

 24   ce pas ? Est-ce que vous pourriez nous dire que cela était autant de signes

 25   annonciateurs de la paix à ce moment-là ?

 26   Q.  Oui, mais… Bon, vous nous avez dit que vous ne participiez pas à la vie

 27   politique, mais vous suiviez ce que les médias disaient. Je suis sûr que

 28   vous avez entendu dire qu'il y avait des pourparlers avec les Serbes et les


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  1   Croates, et tous les autres protagonistes d'ailleurs.

  2   R.  Oui, il y a eu des pourparlers, il y a eu des cessez-le-feu, et on en

  3   entendait parler à la radio. Mais, par ailleurs, les bombardements avaient

  4   lieu. Alors, on nous disait une chose à la radio, et puis, sur le terrain,

  5   c'était tout à fait autre chose qui se produisait. Donc, vous savez,

  6   c'étaient les seigneurs de la guerre qui contrôlaient cette guerre.

  7   Q.  Vous parlez de bombardements, mais je pense qu'il n'y a pas eu de

  8   bombardements en mai ?

  9   R.  Non, il n'y en a pas eu. Mais vous me parlez de politiciens, ou plutôt,

 10   vous m'avez posé une question. Ça, c'était mon exemple. Nous avons entendu

 11   qu'il y avait des pourparlers, des négociations, mais la situation qui

 12   prévalait sur le terrain était tout à fait différente. On ne pouvait pas

 13   faire confiance à tous les messages diffusés par la radio et la télévision,

 14   parce que tout n'était pas tout à fait conforme à ce qui était affiché ou

 15   présenté.

 16   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je souhaiterais demander le versement au

 17   dossier de ce clip vidéo.

 18   Mme BIERSAY : [interprétation] Aucune objection, Monsieur le Président.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Bien. Cela sera versé au dossier.

 20   M. LE GREFFIER : [interprétation] Le document de la liste 65 ter 4954.1

 21   sera la pièce D35. Je vous remercie.

 22   M. ZIVANOVIC : [interprétation]

 23   Q.  Je vous avais demander quelques questions à propos de certaines

 24   personnes d'appartenance ethnique serbe résidant à Borovo Selo et à propos

 25   d'autres, également, qui étaient Croates.

 26   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je souhaiterais demander que l'on affiche

 27   le document 1D249. C'est la deuxième page du document plus précisément qui

 28   m'intéresse. Nous n'avons pas de traduction B/C/S. Il s'agit d'un document


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  1   assez concis.

  2   Q.  Regardez le chapitre 2 de la page numéro 2, il s'agit des meurtres et

  3   assassinats délibérés de civils, et regardez ce que nous avons au 1-001.

  4   Alors, regardez --

  5   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Est-ce que vous pourriez afficher le bas du

  6   document, je vous prie.

  7   Q.  Regardez, il est indiqué que le 4 juillet 1991, à Borovo Naselje,

  8   Dragan Mijatovic, Stojan Stojanovic et d'autres personnes serbes non

  9   identifiées ont été tués. Et puis, il y a une liste de suspects juste en

 10   dessous. Est-ce que vous aviez entendu parler de cet événement ?

 11   R.  Non.

 12   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Est-ce que nous pourrions nous intéresser à

 13   la page suivante, chapitre 1-008.

 14   Q.  Une fois de plus, vous voyez que nous trouvons une référence au meurtre

 15   d'un Serbe à Borovo Naselje, il s'appelait Ilija Lozancic. Et vous avez

 16   également une liste de personnes soupçonnées. Est-ce que vous avez entendu

 17   parler de ce fait ?

 18   R.  Non.

 19   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Page suivante, je vous prie.

 20   Mme BIERSAY : [interprétation] Je ne sais pas très bien où veut en venir Me

 21   Zivanovic. Mais il a lu, donc, aux fins du compte rendu d'audience deux

 22   passages de ce document. Le témoin avait dit qu'il n'avait pas du tout

 23   entendu parler de ces personnes. Bon, des questions lui ont toutefois été

 24   posées, les documents lui ont été montrés.

 25   Donc, si Me Zivanovic a des questions à poser à ce témoin, il devrait

 26   lui poser les questions sans lui montrer le document, puisqu'il est en

 27   train de lire ce document essentiellement pour le compte rendu d'audience

 28   seulement pour que nous entendions le témoin dire qu'il n'en a jamais


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  1   entendu parler.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic.

  3   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Je n'ai pas demandé à ce que ce document

  4   soit versé au dossier. Je me suis contenté de présenter au témoin la teneur

  5   de ce document, et ensuite je souhaitais donner la source de mes

  6   informations.

  7   Mme BIERSAY : [interprétation] Alors, bien entendu qu'on retrouvera ces

  8   citations dans le compte rendu d'audience, ce qui ne me pose aucun

  9   problème, mais je pense qu'il a été demandé au témoin s'il était au courant

 10   ou non des crimes commis contre les Serbes, et il a dit : Non, pas à cette

 11   époque-là. Donc j'essaie de retrouver la page du compte rendu d'audience en

 12   question. Il se peut que ce soit une méprise de ma part, mais d'après ce

 13   que j'ai compris, je pense maintenant qu'essentiellement nous avons lecture

 14   de ces passages du document, et cela n'est pas fiable et, en plus, cela

 15   peut être considéré comme préjudiciable.

 16   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, si vous voulez

 17   savoir si le témoin est au courant d'événements ou de faits précis, je

 18   pense qu'il serait plus judicieux de poser la question directement au

 19   témoin sans lui montrer ce document.

 20   M. ZIVANOVIC : [interprétation] C'est ce que je ferai, Monsieur le

 21   Président.

 22   Q.  Est-ce que le nom de Milan Djukic évoque quelque chose pour vous ?

 23   R.  Non.

 24   Q.  Vous ne le connaissez absolument pas ? Il était de Borovo Naselje.

 25   R.  Non.

 26   Q.  Qu'en est-il de Cedo Jovic ?

 27   R.  Non.

 28   Q.  Et quelqu'un dont le nom de famille était Pantic ?


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  1   R.  Non.

  2   Q.  Milan Cetina [phon] ?

  3   R.  Non. Je vais vous répéter : si vous me montrez leur photo, peut-être

  4   que je me souviendrai d'eux, mais je ne me souviens pas de leurs noms. Vous

  5   savez, lorsque ces événements se sont produits, je n'étais pas là. J'y

  6   étais le 2 mai parce que c'était un long week-end, puis ensuite je suis

  7   reparti à Zagreb pour terminer mes études universitaires. Donc, si tout

  8   cela s'est passé, et je suppose qu'elles se sont déroulées, comment est-ce

  9   que j'aurais pu savoir ? Puisque je n'étais même pas présent à cet endroit.

 10   Q.  D'après les informations dont je dispose, toutes ces personnes dont je

 11   vous ai mentionné les noms étaient vivantes le 2 mai, ça, c'est dans un

 12   premier temps; puis, deuxièmement, je vous pose une question à propos de

 13   ces personnes parce que vous nous avez dit que vous connaissiez beaucoup de

 14   Serbes.

 15   R.  Oui, écoutez, je suis médecin. Dans l'entreprise Borovo, plus de 70 %

 16   des salariés étaient Serbes. Ils étaient tous mes patients. Je les

 17   connaissais tous, mais je ne peux quand même pas -- je ne me souviens pas

 18   de leurs noms. Eux, ils me connaissaient, ils me connaissaient comme leur

 19   médecin.

 20   Pour ce qui est du document que vous êtes en train de me montrer, je peux

 21   dire avec une quasi-certitude que je les connaissais tous, parce qu'il y a

 22   très, très peu de personnes de Borovo Naselje, Trpinja, Vukovar, qui ne

 23   travaillaient pas pour cette société ou dont les membres de la famille n'y

 24   travaillaient pas. Mais ils étaient 

 25   20 000. Donc, comment est-ce que vous pouvez vous attendre à ce que 20 ans

 26   après je me souvienne de tous leurs noms ? Posez-moi des questions à propos

 27   de ce que j'ai fait, de mon vécu, mais pour ce qui est de savoir ce qui

 28   s'est passé avant ou après une date, et à un moment où je n'étais pas là


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  1   d'ailleurs, comment est-ce que je suis censé être informé ?

  2   Q.  Je restreins ces questions à certaines personnes. Je vous demande si

  3   vous les connaissiez. Je ne vous demande pas si vous savez ce qui leur est

  4   arrivé.

  5   R.  Je le répète, étant donné que j'étais leur médecin et que j'ai vécu là-

  6   bas avec eux pendant tant d'années, j'en connaissais probablement 90 % de

  7   ces personnes, mais je ne me souviens pas de tous leurs noms. Je ne peux

  8   pas mettre un nom -- ou un visage, plutôt, sur ces noms. Je ne suis pas un

  9   ordinateur. Je ne peux pas, au pied levé, comme ça, me souvenir de leurs

 10   noms et de leurs visages.

 11   Q.  Précisons quelque chose : qu'est-ce que vous entendez lorsque vous

 12   dites que vous connaissez quelqu'un si vous ne connaissez pas leur nom ?

 13   R.  Il y avait des gens qui venaient une centaine de fois me trouver dans

 14   mon cabinet médical. Il y a des noms de personnes que je connais. Il y a

 15   des noms que je ne connais pas, mais je connais leurs visages. Dans mon

 16   quartier, il y avait entre 8 000 à 10 000 personnes. Est-ce que vous êtes

 17   en train d'avancer que j'aurais dû connaître tout le monde par leurs noms ?

 18   Mais nous nous saluons quand nous nous voyons dans la rue. Je connais

 19   certains de leurs surnoms, mais parfois je ne connais pas leurs noms de

 20   famille.

 21   Q.  Je pense que ma question n'a pas été bien consignée, donc je vais la

 22   répéter, cette question : qu'entendez-vous lorsque vous dites que vous

 23   connaissez quelqu'un si vous ne connaissez pas leur nom ?

 24   R.  Un voisin, par exemple. Bon, j'ai des voisins que je connais, mais je

 25   ne connais pas forcément leurs noms de famille. Il y a beaucoup de gens qui

 26   habitent dans ma rue dont je ne connais pas le nom --

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Un petit moment, Monsieur Malla.

 28   Monsieur Zivanovic, vous avez posé cette question précise, vous l'avez


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  1   répétée, mais est-ce que vous souhaitez que le témoin répète sa réponse ?

  2   M. ZIVANOVIC : [interprétation] La première question était :

  3   "Qu'entendez-vous lorsque vous dites que vous connaissez quelqu'un si

  4   vous ne connaissez pas leur nom ?"

  5   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Ça, c'était votre question --

  6   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Non, ma question était :

  7   "Qu'entendez-vous lorsque vous dites que vous connaissez quelqu'un ?"

  8   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Oui, certes.

  9   M. ZIVANOVIC : [aucune interprétation]

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] C'est votre question.

 11   Mais au compte rendu d'audience, il y a une petite erreur qui s'était

 12   glissée dans la traduction anglaise de la question, mais le témoin a

 13   compris votre question qui a été posée en B/C/S et a répondu, d'ailleurs.

 14   M. ZIVANOVIC : [aucune interprétation]

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Donc ce n'est pas la peine qu'il

 16   répète cette réponse; nous sommes d'accord, Maître Zivanovic ?

 17   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, oui, oui. Je suis d'accord. Mais moi,

 18   j'ai répété ma question pour le compte rendu d'audience.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Veuillez continuer.

 20   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Très bien.

 21   Q.  Dans ce cas-là, je ne poserai plus de questions concernant des

 22   personnes appartenant au groupe ethnique serbe en me référant à leurs noms.

 23   Il y a, cependant, une autre chose qui m'intéresse : est-ce que vous savez,

 24   puisque vous avez travaillé à Borovo et que vous y connaissiez des

 25   personnes, qu'un certain nombre d'habitants serbes avaient été licenciés de

 26   postes de direction, par exemple, précisément à cette époque, en 1991 ?

 27   R.  Ce que je sais, c'est qu'après le 2 mai, beaucoup d'employés serbes de

 28   Borovo ne se sont pas présentés à leur travail. Ils ne sont pas venus. Il y


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  1   avait des barrages routiers au niveau desquels on ne leur a pas donné la

  2   permission. On ne les a pas laissés passer pour qu'ils aillent à leur

  3   travail. Je sais qu'il y avait deux médecins serbes qui n'ont pas été

  4   licenciés. Nous avons manqué de médecins, et ils ne se sont pas présentés.

  5   Lorsque j'allais à Trpinja, par exemple -- lorsque je suis allé à Trpinja

  6   pour prodiguer des soins, les gens m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas venir

  7   se faire soigner à cause des barrages routiers. Donc il n'y avait pas de

  8   plan pour licencier les gens.

  9   Je vais vous dire une chose : Borovo, en tant que conglomérat, avait 52

 10   directeurs, dont trois étaient des Croates. Et maintenant, vous essayez

 11   d'avancer qu'il y a eu tous ces licenciements. Vous essayez de me dire

 12   qu'ils ont été licenciés. Moi, je trouve ça malheureux que moi, en tant que

 13   personne d'origine étrangère, vous essayez de me mêler à des questions

 14   nationales.

 15   Q.  Très bien. Puisque vous avez répondu à plusieurs questions en répondant

 16   à la dernière que j'ai posée, je vais vous demander quelques précisions à

 17   ce sujet.

 18   Reprenons à partir de la fin. Comment connaissiez-vous l'appartenance

 19   ethnique de tous les 52 directeurs ?

 20   R.  J'étais leur médecin. D'autre part, j'avais leurs noms et prénoms, donc

 21   je pouvais m'en rendre compte. Et puis, les gens le disaient. Ils n'avaient

 22   pas honte de leur appartenance ethnique. Lorsque vous leur demandiez, en

 23   plus, ils le disaient. Si on demandait à un Rom, il vous disait : Je suis

 24   Rom. Si on me demandait à moi, je disais : Je suis Syrien. Même chose pour

 25   les Serbes. Je n'étais pas une espèce de détective qui allait maintenant

 26   tout d'un coup découvrir que quelqu'un appartenait à tel ou tel groupe

 27   ethnique. C'est à partir du moment où quelqu'un portait tel ou tel nom ou

 28   prénom et qu'ils disaient qu'ils venaient de tel ou tel endroit, je savais,


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  1   en tenant compte de tous ces éléments, à quel groupe ethnique ils

  2   appartenaient.

  3   Q.  Docteur, je vous ai posé une question très claire qui ne concernait que

  4   les 52 directeurs pour lesquels vous travailliez. Est-ce qu'ils étaient

  5   tous vos patients ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Tous les 52 ?

  8   R.  Oui. Parce que je dirigeais le dispensaire. Et pendant près de deux

  9   ans, en fait, j'étais chargé du personnel. Il y avait d'autres collègues

 10   qui étaient chargés d'autres questions au sein du dispensaire.

 11   Q.  Et est-ce que vous pouvez nous dire si tous les 52 sont venus vers vous

 12   en vous disant à quel groupe ethnique ils appartenaient ?

 13   R.  Non, non, non. Moi, c'est à partir des différents éléments de

 14   l'entretien que j'avais avec eux - du nom, du prénom, du lieu de naissance

 15   - toutes les informations dont je disposais, et je pouvais conclure que

 16   quelqu'un appartenait à tel ou tel groupe ethnique. Si un Zagrebois ou un

 17   Belgradois parle avec moi, je fais immédiatement la différence. Ce n'est

 18   pas quelque chose qui prête à confusion. Je ne sais pas. Je ne comprends

 19   pas pourquoi c'est à moi précisément que vous posez ces questions

 20   concernant les appartenances ethniques.

 21   Moi, j'étais médecin, on m'a envoyé au camp où j'ai soigné des

 22   Serbes. Même dans mon abri, j'ai soigné 15 familles serbes, et même

 23   encerclé pendant ces 100 jours, j'ai soigné tout le monde, j'ai soigné tout

 24   un chacun. Moi, je suis Syrien. Et vous êtes en train de me poser des

 25   questions sur des histoires d'appartenance ethnique ?

 26   Q.  Je vous pose des questions à ce sujet parce que vous enregistriez des

 27   informations selon lesquelles, par exemple, les 52 directeurs étaient des

 28   Serbes.


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  1   R.  Non, je n'enregistrais aucune information. Je travaillais là-bas et

  2   j'étais amené à savoir cela, parce que je connaissais ces différents

  3   directeurs dans toutes sortes d'occasions. Ils étaient ouverts à mon égard.

  4   Et nous avions toutes ces fêtes en commun, la fête du 1er mai et d'autres.

  5   Moi, j'étais un étranger qui avait été accepté correctement par eux, et

  6   j'avais la même attitude envers eux.

  7   Q.  Mais je voudrais --

  8   R.  Non. Non, non, non. Moi, ce que je vois, c'est que vous ne cessez de

  9   poser des questions concernant l'appartenance ethnique.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Tout d'abord, Docteur, il est

 11   impossible pour les interprètes de faire leur travail si les voix des

 12   personnes qui parlent se chevauchent. Donc ceci vous concerne, vous,

 13   Monsieur le Témoin, et Me Zivanovic.

 14   Deuxièmement, Docteur Malla, il n'y a pas de raison de vous émouvoir à ce

 15   point, à l'exception peut-être de ce qui semble être une forme d'insistance

 16   de la part de Me Zivanovic pour reposer des questions qui ont déjà reçu une

 17   réponse. Donc, Maître, je ne vois pas vraiment où vous voulez en venir en

 18   répétant des questions qui reçoivent invariablement la même réponse.

 19   Donc, je vous prie d'avancer.

 20   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Très bien. Merci, Monsieur le Président.

 21   Q.  Est-ce que vous saviez que sur le territoire de Borovo et de Vukovar,

 22   dans ce secteur donc, avant et après le 2 mai, il y a eu armement des

 23   citoyens croates ? Les habitants croates se sont donc procurés des armes.

 24   R.  Encore une fois, je le répète : je suis arrivé au mois de juillet.

 25   Avant cela, je n'étais pas sur place. Mais quand je suis arrivé au mois de

 26   juillet, j'ai constaté qu'il y avait des armes. J'ai vu qu'il y avait des

 27   réservistes du MUP et j'ai vu qu'il y avait des civils armés. J'ai vu tout

 28   cela. Mais pas pendant la période que vous évoquez, parce que je n'étais


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  1   pas sur place. Je ne suis arrivé qu'au mois de juillet. Il y avait des

  2   membres du MUP et il y avait également des civils qui étaient armés.

  3   Q.  Très bien. Je voudrais maintenant vous poser une question concernant le

  4   temps que vous avez passé au camp de Stajicevo. Entre autres, vous avez

  5   déjà indiqué hier, et c'est en page 3 868 -- non, 

  6   3 867 du compte rendu d'audience, que chaque matin il fallait chanter un

  7   chant dont les paroles disaient, entre autres : "Que soit maudit le traître

  8   à la patrie," et cetera. Est-ce que vous vous en 

  9   souvenez ?

 10   R.  Oui, je m'en souviens, mais ce n'est pas un chant. Je pense qu'il

 11   serait plus approprié que vous posiez la question autrement, parce que

 12   c'était l'hymne yougoslave. Est-ce que l'hymne yougoslave, c'est un simple

 13   chant pour vous ? Tous les matins, nous nous levions et nous devions

 14   chanter l'hymne yougoslave dont un extrait dit : "Maudit soit celui qui est

 15   traître à sa patrie," et c'est ce passage-là qu'il fallait répéter une

 16   centaine de fois. Et ceux qui ne voulaient pas chanter cet hymne de cette

 17   façon étaient battus.

 18   Je ne sais pas quel Yougoslave vous étiez si vous parlez de simple chant

 19   pour l'hymne national, qui mérite quand même un certain respect, cet hymne

 20   yougoslave.

 21   Q.  Peut-être avez-vous dit hier qu'il s'agissait de l'hymne, mais je n'ai

 22   pas --

 23   R.  Eh bien, vous pouvez dérouler le compte rendu en arrière et vous verrez

 24   que c'était bien l'hymne.

 25   Q.  Oui, je n'étais pas sûr, et c'est précisément pourquoi je vous ai posé

 26   la question. Hier, vous avez dit encore autre chose. Vous avez dit, et vous

 27   l'avez répété aujourd'hui, que les détenus étaient obligés de faire leurs

 28   besoins dans la même pièce que là où ils dormaient.


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  1   R.  Oui.

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  3   M. ZIVANOVIC : [interprétation] --

  4   Q.  Concernant les dates que vous avez évoquées aujourd'hui. Est-ce que

  5   vous pourriez m'apporter encore une précision, s'il vous plaît, concernant

  6   la date à laquelle vous êtes arrivé au camp. Puisque vous nous avez parlé

  7   d'un côté de dates au sein du calendrier, et d'un autre côté du nombre de

  8   jours de votre détention à compter de votre arrivée au camp. Est-ce que

  9   vous pourriez maintenant me dire quel jour vous êtes arrivé exactement au

 10   camp ?

 11   R.  Le 19 au soir, vers 8 heures.

 12   Q.  Et c'était le premier jour de votre détention au camp, n'est-ce pas ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Et c'est à partir de ce jour que vous avez indiqué les dates

 15   ultérieures, en parlant du septième jour, par exemple ?

 16   R.  Oui, oui, tout à fait, le septième, le huitième, et si vous insistez

 17   vraiment, je peux éventuellement aussi vous donner aussi les dates.

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 19   [La Chambre de première instance se concerte]

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  7   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] L'alternative évidente aurait

  8   consisté à avoir la possibilité de se soulager à un autre endroit, que ce

  9   soit à l'intérieur ou à l'extérieur, mais d'avoir la permission de le

 10   faire. Donc c'est ça qui est en jeu.

 11   Mais si vous n'êtes pas en mesure de donner votre accord --

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 25   [La Chambre de première instance se concerte]

 26   Mme BIERSAY : [interprétation] Excusez-moi, Messieurs les Juges. Je sais

 27   que vous en avez déjà débattu et peut-être pris une décision, mais je

 28   m'apprêtais à vous proposer que nous examinions les documents pertinents


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  1   pendant la pause suivante et que nous revenions vers les Juges de la

  2   Chambre avec une réponse ferme. Je voudrais juste ne pas m'avancer avant

  3   d'être sûre. Et je ne sais pas pour combien de temps Me Zivanovic souhaite

  4   encore poser ses questions au titre du contre-interrogatoire.

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 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Laissons ceci de côté pour le moment

 19   Et disons que vous répondrez à la question comme vous l'estimez approprié.

 20   Mme BIERSAY : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Je vous

 21   remercie.

 22   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, veuillez poursuivre

 23   en attendant.

 24   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Merci.

 25   Q.  Docteur, je vais vous poser encore une question concernant une partie

 26   de votre déposition relative à la rencontre que vous dites avoir eue avec

 27   le Dr Dokmanovic au camp de Stajicevo.

 28   R.  M. Dokmanovic n'était pas médecin. Vous avez dit le Dr Dokmanovic.


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  1   Q.  Excusez-moi, excusez-moi. Avec Slavko Dokmanovic.

  2   R.  En effet.

  3   Q.  Voici ce qui m'intéresse : si cette rencontre a bien eu lieu et s'il

  4   vous a seulement reconnu, est-ce que vous pourriez nous expliquer pour

  5   quelle raison il n'a pas souhaité vous parler ? Est-ce que vous avez une

  6   explication à cela ?

  7   R.  Mon explication et mon avis est que c'était une expression de haine,

  8   parce qu'ils nous haïssaient tous. Nous autres qui étions restés à Vukovar

  9   et à Borovo, qui n'étions pas partis. Il n'y avait pas d'autres raisons. Ce

 10   n'était pas comme si nous ne nous étions pas vus depuis 20 ans. Nous nous

 11   étions vus la dernière fois au mois d'août. Donc nous étions à 60

 12   centimètres l'un de l'autre. Nos visages étaient séparés par 60

 13   centimètres. Donc je suis sûr qu'il m'a reconnu.

 14   Q.  Est-ce que vous savez quelle fonction occupait Slavko Dokmanovic à

 15   l'époque au sein des autorités serbes ?

 16   R.  Si j'étais dans le camp, alors je ne le sais pas. Je ne pouvais pas le

 17   savoir.

 18   Q.  Merci, Docteur Malla.

 19   M. ZIVANOVIC : [interprétation] J'en ai terminé, Messieurs les Juges. Je

 20   vous remercie.

 21   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay, est-ce que vous

 22   souhaitez commencer avec les questions supplémentaires ?

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 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Nous allons prendre avec un petit

 28   d'avance la pause normalement prévue, et nous reviendrons à 12 heures 30.

 


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  1   Mme BIERSAY : [interprétation] Très bien. Merci, Monsieur le Président.

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Docteur, nous allons faire une pause

  3   d'une demi-heure, la deuxième pause de cette matinée. Et M. l'Huissier va

  4   vous accompagner à l'extérieur du prétoire. Nous vous attendons à 12 heures

  5   30.

  6   [Le témoin quitte la barre]

  7   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

  8   --- L'audience est suspendue à 12 heures 01.

  9   --- L'audience est reprise à 12 heures 34.

 10   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Madame Biersay, est-ce que nous

 11   pouvons vous entendre.

 12   Mme BIERSAY : [interprétation] Merci.

 13   Je pensais qu'il eut été prudent d'avoir cet échange en l'absence du

 14   témoin.

 15   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Cela me semble raisonnable.

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 13   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Maître Zivanovic, souhaitez-

 14   vous ajouter quelque chose ?

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 26   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Oui, tout à fait, Messieurs les Juges.

 27   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

 28   Ce qui signifie que nous pouvons faire entrer le témoin pour lui dire que

 


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  1   sa déposition se termine.

  2   Mme BIERSAY : [interprétation] En ce qui concerne l'Accusation, cela est

  3   exact.

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Et pour Me Zivanovic ?

  5   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Il en va de même.

  6   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie.

  7   A l'exception d'éventuelles questions posées par les Juges, bien entendu.

  8   [Le témoin vient à la barre]

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Docteur Malla, M. le Juge Mindua

 10   souhaite vous poser une question.

 11   Questions de la Cour : 

 12   M. LE JUGE MINDUA : Oui, Monsieur le Témoin, Docteur Malla, j'ai quelques

 13   petites questions de clarification pour vous. Vous avez décrit votre

 14   détention dans le camp de Stajicevo. Serait-il possible de me dire de

 15   quelle autorité, civile ou militaire, relevait ce camp de Stajicevo ?

 16   R.  Cela était dirigé par la police militaire.

 17   M. LE JUGE MINDUA : D'accord. La police militaire de quelle armée ?

 18   R.  La JNA, l'armée yougoslave, comme je l'ai déjà dit.

 19   M. LE JUGE MINDUA : D'accord. Merci beaucoup. Qui était le directeur de ce

 20   camp ?

 21   R.  Merci. Il y avait deux personnes. Le lieutenant-colonel Zivanovic, je

 22   crois qu'il était là en tant que chef des gardes de la police militaire.

 23   Mais il y avait également un commandant, mais je ne me souviens pas de son

 24   nom aujourd'hui, qui était responsable du camp, et c'est lui qui signait

 25   les documents de remise en liberté, celui que l'on m'a délivré lorsque j'ai

 26   quitté le camp, lorsque j'ai été libéré, le bordereau qui attestait du fait

 27   que nous ayons été libérés.

 28   M. LE JUGE MINDUA : D'accord. Et qui était le chef des gardiens qui


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  1   battaient les détenus, et spécialement les gardiens qui accompagnaient les

  2   détenus pour aller se soulager dehors éventuellement ? Qui était

  3   responsable de ces gardiens ?

  4   R.  Le lieutenant-colonel Zivanovic.

  5   M. LE JUGE MINDUA : Très bien. Alors, le lieutenant-colonel Zivanovic c'est

  6   un personnage intéressant, parce que d'une part il contrôlait, selon vos

  7   dires, les gardiens qui battaient les détenus, mais d'autre part il me

  8   paraît - comment dire ? - il me paraît compréhensif parce que tous les

  9   matins il vous demandait de quoi vous aviez besoin pour soigner les

 10   détenus. Il était très soucieux de la santé des détenus, n'est-ce pas ?

 11   Qu'est-ce que vous en pensez ? Oui, il était soucieux de leur bien-être ?

 12   R.  Non, c'était lui qui était mon interlocuteur, en somme. Il m'a demandé

 13   ce dont j'avais besoin et je lui ai dit, mais je n'ai jamais reçu de

 14   médicaments en guise de matériel médical de sa part.

 15   M. LE JUGE MINDUA : D'accord. Oui. Mais vous aviez dit aussi qu'il n'est

 16   pas arrivé à vous fournir du matériel parce que lui-même n'en recevait pas

 17   de la Croix-Rouge ou des autorités; c'est bien ça ?

 18   R.  Oui, c'est exact.

 19   M. LE JUGE MINDUA : [interprétation] Merci beaucoup. Merci.

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors, rien qui ne découle des

 21   questions des Juges ?

 22   Mme BIERSAY : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 23   M. ZIVANOVIC : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Docteur Malla, je vous remercie

 25   d'avoir apporté votre concours à ce Tribunal avec votre déposition. En tant

 26   que témoin, vous êtes libre actuellement, et nous vous souhaitons un bon

 27   voyage de retour. Je vous remercie beaucoup.

 28   LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

 


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  1   [Le témoin se retire]

  2   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] La prochaine fois que nous nous

  3   verrons dans un prétoire, d'après l'état actuel des choses, sera le 1er

  4   mai. Monsieur Stringer, peut-être que ceci rend pour vous la situation plus

  5   difficile. Nous n'avons pas pu en informer le bureau du Procureur avant

  6   aujourd'hui, mais nous avons de justes motifs pour cela. C'est la raison

  7   pour laquelle nous vous ne l'avons pas dit auparavant. Nous en sommes

  8   désolés.

  9   Est-ce que vous pouvez vous organiser pour une audience le 1er mai ?

 10   M. STRINGER : [interprétation] Je ne peux pas vous donner de réponse

 11   définitive pour l'heure.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

 13   M. STRINGER : [interprétation] Nous y travaillons. Nous sommes prêts à

 14   redémarrer. Alors, si nous ne siégeons pas lundi, il se peut que le témoin

 15   de vendredi soit obligé de rester jusqu'au mardi de la semaine suivante, ce

 16   qui est un souci que nous n'avions prévu, donc souci supplémentaire. Donc

 17   les choses ne sont pas définies clairement.

 18   Si les Juges de la Chambre envisageaient la possibilité de reconsidérer

 19   cette question, étant donné que nous n'allons pas siéger lundi mais que

 20   nous allons siéger du mardi au vendredi, nous vous serions reconnaissants

 21   si vous pouviez nous en informer. Mais en l'état actuel des choses, nous ne

 22   sommes absolument pas engagés pour les 2 et 3 mai, mais nous y travaillons

 23   d'arrache-pied et nous pensons pouvoir trouver une solution étant entendu

 24   que le témoin du vendredi devra rester jusqu'au mardi de la semaine

 25   suivante.

 26   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Est-ce qu'une question subsiste

 27   encore dans votre réponse ? Donc nous sommes fixés par rapport au lundi 6 ?

 28   Nous siégeons le vendredi et pas le lundi 6; est-ce exact ?


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  1   M. STRINGER : [interprétation] C'est exact. Ce qui signifie que pour le

  2   témoin -- si il s'avère que le témoin du vendredi 3 mai n'a pas terminé sa

  3   déposition ce jour-là --

  4   M. LE JUGE DELVOIE : [aucune interprétation]

  5   M. STRINGER : [interprétation] -- car nous allons faire de notre mieux pour

  6   qu'il n'y ait pas de fossé. Il n'y aura pas de temps mort le jeudi. Si un

  7   témoin n'a pas terminé sa déposition le vendredi, ce témoin restera

  8   jusqu'au lundi suivant. Et c'est ce que j'ai compris en tout cas à

  9   différentes reprises, et j'ai le sentiment que les Juges de la Chambre

 10   souhaitent éviter cette situation où un jeudi après-midi, par exemple, ou

 11   un jeudi dans le courant de la journée, nous perdions un volet d'audience

 12   ou un volet et demi d'audience car nous n'avons plus de témoins.

 13   Et nous aimerions avoir le point de vue des Juges de la Chambre sur cette

 14   question, car quelquefois il y a un temps mort, en fait, le jeudi où nous

 15   nous préparons pour entendre le témoin suivant, et le témoin resterait donc

 16   à La Haye vendredi, samedi, dimanche, pour qu'on puisse reprendre sa

 17   déposition le lundi. Donc ceci nous pose problème au niveau de notre

 18   planification. Il y a toujours une certaine tension à cet égard.

 19   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je suis d'accord avec vous pour dire

 20   que cela est difficile de planifier les choses de façon parfaite, surtout

 21   lorsqu'il s'agit de la comparution des témoins. Alors, une des raisons pour

 22   lesquelles nous avons décidé de ne pas siéger le vendredi, c'est qu'il y

 23   avait, à titre exceptionnel, la possibilité d'avoir un volet d'audience qui

 24   nous permettrait de régler ce genre de problèmes le cas échéant. S'il reste

 25   un petit peu de temps en dehors de la déposition d'un témoin, mais c'est à

 26   titre exceptionnel, bien sûr, ce serait le vendredi.

 27   Nous ne souhaitons pas avoir de week-ends prolongés, non. Nous essayons de

 28   consacrer du temps pour aborder les questions qui ne peuvent pas être


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  1   traitées dans le prétoire et nous souhaitons le faire correctement. Mais

  2   éviter qu'un témoin reste pendant le week-end en ayant un temps

  3   supplémentaire le vendredi matin est tout à fait possible.

  4   M. STRINGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Alors, nous

  5   allons peut-être commettre une erreur dans le sens où nous souhaitons qu'il

  6   dépose le jeudi et peut-être déborde sur le vendredi, si tout le monde est

  7   d'accord avec cela, et nous allons en quelque sorte pécher dans l'autre

  8   sens, si cela vous convient.

  9   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors, pour commencer, ma question,

 10   1, 3 -- 1, 2, 3 mai --

 11   M. STRINGER : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Le 3 mai.

 13   M. STRINGER : [interprétation] Le mercredi, le jeudi et le vendredi.

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Alors, est-ce que vous pouvez

 15   inscrire ceci en pointillé [comme interprété] ?

 16   M. STRINGER : [interprétation] Est-ce que vous me permettez d'en parler

 17   avec mon équipe ?

 18   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous en prie.

 19   M. STRINGER : [aucune interprétation]

 20   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Revenez vers nous le plus rapidement

 21   possible, et lorsque vous aurez d'autres informations --

 22   M. STRINGER : [interprétation] Nous nous efforçons pour faire en sorte que

 23   cela puisse être organisé ainsi.

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  2   [Audience à huis clos partiel]

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 13   [Audience publique]

 14   M. LE JUGE DELVOIE : [interprétation] Je vous remercie. Nous reprendrons le

 15   1er mai.

 16   L'audience est levée.

 17   --- L'audience est levée à 12 heures 55 et reprendra le mercredi 1er mai

 18   2013, à 9 heures 00.

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